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1 Le lundi 19 juillet 2004
2 [Audience sur requêtes]
3 [Audience publique]
4 --- L'audience est ouverte à 15 heures 20.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-vous, je
6 vous prie, citer l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il s'agit
8 de l'affaire IT-04-74-PT, le Procureur contre Jadranko Prlic, Bruno Stojic,
9 Slobodan Praljak, Milivoj Petkovic, Valentin Coric, et Berislav Pusic.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Je n'ai pas
11 besoin de vous saluer à nouveau, mais j'aimerais que chacun se présente à
12 nouveau pour le compte rendu d'audience. Monsieur Scott, vous représentez
13 le bureau du Procureur, n'est-ce pas, et vous êtes accompagné de la même
14 équipe que celle qui vous accompagnait pendant la Conférence de mise en
15 état, n'est-ce pas ?
16 M. SCOTT : [interprétation] Oui, c'est tout à fait cela, Monsieur le
17 Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'agissant des accusés et des conseils
19 de la Défense, Maître Olujic, vous êtes bien le conseil de M. Stojic. Me
20 Par et Me Salahovic sont les conseils de
21 M. Prlic, n'est-ce pas ? Me Kovacic et Me Pinter sont là pour défendre M.
22 Praljak. Me Alaburic est le conseil de la Défense de M. Petkovic. Me Jonjic
23 est ici en qualité de conseil de la Défense de M. Coric. Maître Skobic,
24 vous êtes ici pour assurer la défense de M. Pusic.
25 Présentes dans la salle actuellement sont quatre personnes qui ne l'étaient
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1 pas tout à l'heure. Apparemment, il y a un problème d'interprétation pour
2 un des représentants gouvernementaux. Je ne sais pas de quel gouvernement,
3 d'ailleurs, pour l'instant.
4 Nous sommes ici dans une audience aux fins d'examiner si une requête en
5 libération provisoire et les gouvernements de Bosnie-Herzégovine et la
6 Croatie ont été invités à participer à cette audience. Je demanderais aux
7 représentants des gouvernements de bien vouloir se présenter, en commençant
8 peut-être par ma droite.
9 Je vous demanderais d'allumer votre micro, Monsieur.
10 M. HALILOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je m'appelle
11 Mevludin Halilovic. Je suis ministre de l'Intérieur de la Fédération de
12 Bosnie-Herzégovine, et je suis le représentant habilité du gouvernement de
13 la Fédération de Bosnie-Herzégovine à cette audience.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Halilovic. Vous êtes
15 accompagné par ?
16 Mme KRISTO : [interprétation] Monsieur le Président, je m'appelle Borjana
17 Kristo, ministre de la Justice, au sein de la Fédération, et je m'apprête à
18 présenter par orale les garanties que le gouvernement de la Fédération
19 accorde. Je le ferais au cours de la présente audience.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Halilovic et
21 Madame Kristo.
22 Quant à vous du côté gauche, je suppose que vous représentez le
23 gouvernement croate. Je vous demanderais tout de même de bien vouloir vous
24 présenter.
25 M. MULJACIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle
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1 Jaksa Muljacic. Je suis adjoint au ministre de la Justice, et je suis
2 présent ici durant cette Conférence de mise en état pour présenter les
3 arguments en rapport avec la demande de liberté provisoire des accusés qui
4 nous concerne.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Muljacic. Qui vous
6 accompagne ?
7 M. KRNIC : [interprétation] Monsieur le Président, je m'appelle Frane
8 Krnic. Je suis ambassadeur de Croatie, habilité également à présenter les
9 arguments liés aux intérêts de la République de Croatie.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre présence est désormais enregistrée
11 par écrit. Je vous remercie, Monsieur Muljacic et Monsieur Krnic.
12 J'aimerais, d'abord, informer chacun que les Juges ne sont pas au complet.
13 La décision relative à la mise en liberté provisoire sera rendue par trois
14 Juges. Les Juges affectés à l'affaire concernant ces six accusés sont le
15 Juge Liu, qui préside la Chambre de première instance I, qui est assis à ma
16 droite; moi-même, quant à moi, je m'appelle Alphonse Orie, et je préside la
17 présente audience; et le Juge El Mahdi, qui a été empêché de participer à
18 cette audience pour des raisons pressantes, et le compte rendu d'audience
19 de la présente audience lui sera bien sûr communiqué.
20 Quant à moi, je lui ferais connaître tous les détails de ce qui se
21 passerait ici cet après-midi. Les accusés m'ont déjà vu lors de leur
22 comparution initiale.
23 L'absence du Juge El Mahdi est prévue dans l'Article 15 bis du règlement de
24 procédure et de preuve de ce Tribunal.
25 La Chambre a reçu une requête de l'Accusation, requête confidentielle, mais
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1 avec l'accord de M. Scott, je suis autorisé à dire en public que cette
2 requête demande le report de la décision relative aux six requêtes en vue
3 de libération provisoire. Si d'autres arguments doivent être présentés,
4 nous serons à huis clos partiel.
5 Nous avons soigneusement examiné et étudié toutes les écritures, ainsi que
6 les annexes qui y étaient jointes, et je tiens à vous rappeler qu'il n'est
7 pas nécessaire de revenir sur ce qui figure déjà dans vos écritures. Par
8 conséquent, le cadre de la présente audience est fixé, et j'aimerais savoir
9 si de nouveaux arguments doivent être portés à l'attention de la Chambre,
10 c'est-à-dire, des arguments qui ne figurent pas dans les écritures. Quant à
11 vous, Messieurs, Monsieur Praljak et les autres accusés qui sont assis dans
12 cette salle, vous aurez la possibilité de vous adresser aux Juges en
13 quelques mots, si vous le souhaitez, et ce, au cas où vous auriez quelque
14 chose à ajouter aux propos de vos conseils de la Défense. J'aimerais,
15 toutefois, vous rappeler que vous êtes tenus de vous en tenir strictement
16 aux questions qui font l'objet des débats.
17 Je donnerai, d'abord, la possibilité au conseil de la Défense de M. Prlic
18 s'il a des arguments complémentaires à présenter à la Chambre. Maître
19 Salahovic ou Maître Par, lequel d'entre vous s'exprimera ? C'est vous,
20 Maître Salahovic. Veuillez procéder.
21 M. SALAHOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Monsieur le Président, Monsieur le Juge, la Défense a soumis une requête en
23 rapport avec l'accusé Jadranko Prlic en vue de remise en liberté avant le
24 début du procès. Je me permettrai, si vous le voulez bien, en quelques
25 minutes, de vous présenter les aspects les plus importants de notre
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1 requête.
2 Monsieur le Président, nous partons du fait que l'accusé, Jadranko Prlic
3 est actuellement en détention provisoire et que cette détention dure déjà
4 depuis pas mal de temps, tout en étant de caractère particulier. Nous
5 partons du principe que l'accusé devrait être remis en liberté jusqu'au
6 début du procès. C'est un droit dont il jouit de manière tout à fait
7 évidente.
8 En même temps, bien entendu, ce droit est le droit de l'accusé, mais ce
9 droit est entre vos mains. Il est entre les mains des Juges qui ont un
10 pouvoir discrétionnaire à cet égard et qui relève des compétences prévues
11 dans le statut et de l'Article 65 du règlement, ainsi que de la mission
12 particulière qui est celle du Juge.
13 En tant que conseil de la Défense, nous ne remettons pas en cause le fait
14 que c'est à nous qu'il appartient de vous convaincre de deux choses :
15 premièrement, que l'accusé n'abusera pas de son droit; et, deuxièmement,
16 qu'il est digne de votre confiance. Nous comprenons tout à fait, même si la
17 chose est à décider par chaque Chambre de première instance, qu'en dehors
18 des arguments que la Défense soumet aux Juges, il faut également qu'elle
19 présente un certain nombre de preuves à l'appui de ses arguments.
20 Monsieur le Président, nous nous appuyons sur la pratique en vigueur dans
21 ce Tribunal, ainsi que sur la loi. La jurisprudence de ce Tribunal a fait
22 la preuve du fait que le Tribunal tient compte absolument de toutes les
23 normes internationales eu égard aux droits dont jouissent les accusés.
24 Un certain nombre d'accusés ont attendu le début de leur procès en liberté,
25 Monsieur le Président. Certains sont encore en liberté aujourd'hui. Un
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1 certain nombre de décisions rendues par les Juges de ce Tribunal ont placé
2 au premier plan les intérêts de l'accusé sans manquer de tenir compte de la
3 nécessité que les débats se déroulent dans les meilleures conditions
4 possibles, et que l'avenir du procès ne soit pas remis en cause.
5 C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il est très important pour
6 nous de faire état de l'affaire Ademi, qui a fait l'objet d'une décision
7 dans la Chambre de première instance qui est la suivante : la Chambre de
8 première instance doit interpréter l'Article 65 du règlement en tenant
9 compte de la situation concrète de l'être humain qui est en cause ainsi que
10 des faits relatifs à l'affaire. Dans l'interprétation de cet article
11 particulier, il convient également de tenir compte du principe général de
12 proportionnalité. A cet égard, j'aurais quelques mots à dire, à savoir que
13 les aspects de procédure ne doivent jamais être exagérés dès lors qu'une
14 mesure plus clémente peut être appliquée, elle s'impose.
15 J'ajouterais que l'incarcération n'est pas une sanction à ce stade de la
16 procédure. Par conséquent, l'accusé doit jouir à tout moment du droit
17 d'être considéré au départ comme innocent.
18 Monsieur le Président, en tant que conseil de la Défense, nous sommes
19 convaincus qu'il n'est pas indispensable, ni urgent de maintenir Jadranko
20 Prlic en détention jusqu'au début du procès.
21 Par ailleurs, nous sommes absolument convaincus du fait qu'il serait
22 opportun pour lui d'attendre le début de son procès en liberté. En effet,
23 cela serait opportun, car par une telle décision de la Chambre, il sera
24 avéré que Jadranko Prlic n'abuse pas du droit qui lui est donné. En effet,
25 chacun des accusés doit respecter les droits imposés par ce Tribunal si
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1 l'on doit croire à la justice pratiquée par ce Tribunal. Ceci est un
2 principe qui est à la base de tous les procès.
3 Par ailleurs, l'Article 20 du statut de ce Tribunal place au premier plan
4 les droits de l'accusé ainsi que la nécessité de défendre les victimes et
5 les témoins. La protection des victimes et témoins arrive en second. Il est
6 tout à fait bon, Monsieur le Président, que les choses en soit ainsi car
7 une décision de votre part ne peut être considérée comme injuste par
8 personne. Elle ne sera pas juste dans la mesure où elle ne nuira pas à la
9 défense. Elle ne nuira pas, non plus, aux victimes, ni au peuple de Bosnie-
10 Herzégovine, ni à la communauté internationale dans l'ensemble.
11 Pour finir, Monsieur le Président, Monsieur le Juge, j'aimerais évoquer un
12 principe et mettre l'accent sur ce principe qui sera à la base de
13 l'ensemble de la procédure, un principe qui guidera la Défense pendant le
14 procès. En effet, même si les parties à ce procès assument un certain
15 nombre de responsabilités qui constitue une charge indéniable pour elle, il
16 ne convient pas que l'une ou l'autre des parties se comporte autrement que
17 de bonne foi. S'agissant de la réponse du Procureur, je ne peux dire qu'une
18 chose : il importe de ne pas perdre de vue la situation spécifique dans
19 laquelle se trouve tout individu. Pour ce faire, il convient de s'appuyer
20 sur des éléments de preuve dont la fiabilité ne peut être remis en cause.
21 En conclusion, j'insisterai sur le fait qu'aucune partialité ne doit être
22 acceptée et que l'administration de la justice ne doit pas se faire de
23 façon automatique.
24 Monsieur le Président, j'aimerais qu'à présent, la parole soit donnée à mon
25 confrère, Me Par, qui apportera quelques éléments complémentaires au sujet
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1 de la nature spécifique de l'acte d'accusation. Il ne dépassera pas les
2 délais qui nous ont été impartis et s'efforcera d'être aussi efficace que
3 possible dans ce propos.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de donner la parole à votre
5 confrère, Maître Salahovic, je rappelle que vous avez été invité à ne pas
6 revenir sur des aspects clairement explicités dans vous écritures. Je crois
7 vous avoir entendu évoquer l'affaire Ademi dont je trouve mention au
8 paragraphe 7 de votre requête en vue de remise en liberté provisoire. Cette
9 affaire est évoquée assez longuement dans vos écritures, n'est-ce pas,
10 Maître ?
11 M. SALAHOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je comprends
12 ce que vous voulez dire. Vous ne faites erreur, effectivement, mais j'ai
13 pris la liberté de revenir sur ce point, et je souhaiterais que vous teniez
14 compte du fait que c'est la première fois que je comparais devant vous.
15 J'ai jugé utile d'écrire les aspects généraux les plus importants de notre
16 requête et les principes sur lesquels nous nous sommes appuyés. Je pensais
17 que cela pouvait être pris en compte s'agissant de rendre votre décision.
18 Je vous prie de m'excuser si je suis revenu sur des aspects déjà évoqués
19 dans nos écritures.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaitais simplement vous rappeler
21 que nous préférerions n'entendre que des arguments complémentaires. Vous
22 l'avez fait par automatisme, je suppose. Enfin, vous n'avez pas été très
23 long, cela n'est pas un réel problème. Vous avez évoqué l'Article 65 du
24 statut, mais je suppose que vous vouliez parler de l'Article 65 du
25 règlement de procédure et de preuve ?
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1 M. SALAHOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. En effet, je
2 crois que c'est bien le cas. J'ai évoqué l'Article 65 du règlement et
3 l'Article 20 du statut. Nous pouvons vérifier si je fais une erreur.
4 M. LE ORIE : [interprétation] En interprétation anglaise, j'ai entendu
5 Article 65 du statut. La chose est, tout à fait, claire à présent. A
6 présent, j'aurais une dernière question à vous poser avant de donner la
7 possibilité à votre confrère de s'exprimer devant les Juges. Vous avez dit
8 que le statut mettait au premier plan les droits des accusés, et au
9 deuxième plan, la nécessaire protection des victimes et des témoins. Est-ce
10 votre interprétation personnelle des priorités évoquées par le statut, ou
11 avez-vous d'autre motif qui vous poussent à penser qu'il y a un ordre de
12 priorité avec l'un des aspects venant en premier, le deuxième étant moins
13 important ?
14 M. SALAHOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. C'est,
15 effectivement, ce que je dis, mais ce n'est qu'une partie de mon propos.
16 C'est une interprétation libre que j'ai faite d'une décision de ce
17 Tribunal. J'ai considéré que c'était, pour moi, une façon rapide de
18 m'exprimer. Je pensais m'être fait comprendre. Si vous le souhaitez, je
19 peux citer la décision à laquelle je faisais référence.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.
21 M. SALAHOVIC : [interprétation] Un instant, je vous prie, juste le temps de
22 consulter mes documents. Il s'agit d'une décision rendue dans l'affaire le
23 Procureur contre Radoslav Brdjanin et Momir Talic, en date du 28 mars 2001,
24 suite à une requête déposée par Momir Talic.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, merci beaucoup. Merci beaucoup,
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1 Maître Salahovic. Maître Par, vous pouvez prendre la parole.
2 M. SALAHOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
3 M. PAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai le devoir,
4 dans les cinq minutes qui suivent, de convaincre la Chambre ici présente
5 d'accepter une remise en liberté provisoire de Jadranko Prlic, notre
6 client.
7 Jadranko Prlic remplit les conditions prévues à l'Article 65 du règlement.
8 La Défense peut en faire la preuve en évoquant et en invoquant les
9 garanties fournies par un gouvernement, ainsi que des garanties
10 personnelles et internationales. Les deux états qui ont fourni ces
11 garanties sont la République de Croatie et la République de Bosnie-
12 Herzégovine. Ces deux états ont fourni des garanties en se fondant sur leur
13 conviction que Jadranko Prlic, s'il est remis en liberté provisoire, se
14 soumettra à tous les mécanismes répressifs existant, susceptibles d'imposer
15 sa présence devant la Chambre de première instance, le cas échéant.
16 Le Procureur, dans sa réponse à la requête de la Défense, a exprimé des
17 doutes quant aux garanties émanant de la République de Croatie en affirmant
18 que, par le passé, dans ses relations politiques et gouvernementales avec
19 le Tribunal, certains précédents se sont produits. Aujourd'hui, nous sommes
20 en 2004, le gouvernement croate a été félicité pour sa coopération avec le
21 Tribunal de La Haye. Ceci a été confirmé par le président du Tribunal, par
22 le Procureur général de ce Tribunal, ainsi que par le conseil de Sécurité
23 des Nations Unies et y compris par l'Union européenne.
24 Le gouvernement croate actuel est en mesure d'arrêter Jadranko Prlic à tout
25 moment, dès lors qu'il lui sera demandé d'agir de cette façon. Il est,
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1 également, en mesure d'empêcher M. Prlic de s'enfuir. Il est capable
2 d'empêcher M. Jadranko Prlic de nuire à la procédure à laquelle nous
3 participons ici et ce, en raison du fait que c'est son respect de ses
4 engagements internationaux qui seraient en cause, s'il agissait dans un
5 sens contraire.
6 Je suis, tout à fait, convaincu que les représentants du gouvernement
7 croate présents dans cette salle d'audience aujourd'hui, confirmeront les
8 mots que je suis en train de prononcer et apporteront des preuves
9 susceptibles de corroborer mon propos.
10 Je suis dans la même situation, s'agissant des garanties émanant de la
11 République de Bosnie-Herzégovine, mais je suis sûr que certains de mes
12 confrères s'exprimeront de façon plus détaillée à ce sujet.
13 En dehors des garanties fournies par les états, nous disposons, également,
14 de garanties personnelles, dont certaines sont fournies par la famille de
15 Jadranko Prlic. Son épouse et son enfant ont informé la Chambre de première
16 instance des conditions dans lesquelles Jadranko Prlic avait mené son
17 existence, et dans lesquelles il vivra s'il est remis en liberté
18 provisoire. Jadranko Prlic habitera avec sa famille à Zagreb. Il partagera
19 tous les affres de ce procès avec sa famille et ne nourrit aucun plan
20 secret d'évasion ou aucun désir secret de commencer une nouvelle vie
21 ailleurs. Jadranko Prlic est un homme qui tient beaucoup à sa famille.
22 C'est un enseignant, il est professeur. Il a un doctorat d'économie. C'est,
23 également, un diplomate. Sa vie et son travail sont liés de très près à
24 l'université et aux bancs du parlement, et rien ne permet de penser qu'il
25 pourrait s'enfuir pour devenir un renégat, rien ne permet de penser qu'il
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1 fera le moindre obstacle à la bonne marche du travail de ce Tribunal.
2 En Bosnie-Herzégovine chacun le sait. En Croatie chacun le sait. La
3 communauté internationale le sait également. Les représentants de la
4 communauté internationale en Bosnie-Herzégovine, M. Karl Bildt, M. Wolfgang
5 Petritsch, et Carlos Westendorp ont fait connaître publiquement leur avis
6 au sujet de M. Prlic. Nous avons remis ces documents au Tribunal. Karl
7 Bildt a dit qu'il soutenait de tout son cœur la demande de mise en liberté
8 en faveur de Jadranko Prlic. M. Wolfgang Petritsch a dit publiquement qu'il
9 soutenait cette requête. M. Karl Westendorp a dit qu'il estimait que chacun
10 pouvait croire à la capacité exprimée par M. Jadranko Prlic de respecter
11 ses engagements.
12 S'agissant de M. Ivandic, de M. Lagumdzija, des représentants de la Bosnie-
13 Herzégovine, ils ont, également, fourni des déclarations publiques allant
14 dans le même sens. Le Procureur est seul à ne pas faire confiance à
15 Jadranko Prlic. Le Procureur le dit, de façon très claire, qu'il présente
16 M. Jadranko Prlic comme une personne liée à des personnalités douteuses. Il
17 présente M. Jadranko Prlic, comme quelqu'un qui abuse de sa réputation, de
18 sa renommée et le Procureur affirme qu'il ne faut pas que les Juges
19 remettent M. Jadranko Prlic en liberté car il peut nuire au bon déroulement
20 de cette procédure.
21 Cette image est une image créée de toute pièce, une image imaginaire
22 qui ne repose sur aucune preuve. Vous avez, ici, devant vous M. Jadranko
23 Prlic, vous le voyez de vos yeux, il est présent physiquement devant vous.
24 C'est un professeur de renom, un scientifique, un responsable politique
25 croate de Bosnie-Herzégovine, qui est connu au niveau européen --
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1 M. LE JUGE ORIE : Maître Par, vous avez annoncé cinq minutes de prise de
2 parole, je crois pouvoir dire que vos cinq minutes sont écoulées, même si
3 mon ordinateur ne fonctionne pas à la perfection.
4 M. PAR : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais
5 j'aurais, tout de même, quelques mots à ajouter. Je viens de dire tout cela
6 car ce dont il est question ici c'est de déterminer s'il y a un risque
7 quelconque associé à la remise en liberté de cet homme jusqu'au début du
8 procès. La Défense estime que les faits qu'elle vient d'évoquer montrent
9 bien que ce risque n'existe pas. Je vais ajouter un point important, à
10 savoir que ne n'oublions que M. Jadranko Prlic s'est présenté de son plein
11 gré devant ce Tribunal. Ce seul fait montre bien quel est le rapport de M.
12 Jadranko Prlic avec ce Tribunal. Nous pensons que ceci fait fi des propos
13 du Procureur qui affirment que M. Jadranko Prlic pourrait, d'une façon ou
14 d'une autre, éviter d'assumer ses responsabilités en ne se présentant pas
15 devant ce Tribunal. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il ne
16 faudrait pas refuser de remettre en liberté provisoire M. Jadranko Prlic
17 jusqu'au début du procès, et nous prions la Chambre de rendre une décision
18 favorable vis-à-vis de cette requête.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Par.
20 Maître Olujic, vous avez la parole.
21 M. OLUJIC : [interprétation] C'est Olujic, actuellement.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Olujic, très bien.
23 M. OLUJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Par cette requête de mise en liberté provisoire, nous avons fait remarquer,
25 à cette honorable Chambre, toutes les raisons -- tous les arguments dont
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1 cette honorable Chambre tiendra compte lorsqu'elle statuera sur la mise en
2 liberté provisoire de mon client. Par contre, Monsieur le Président,
3 Monsieur le Juge, je suis absolument obligé d'insister sur d'autres faits.
4 Je dois insister pour vous dire que mon client est un homme âgé, vous
5 pouvez le voir vous-même. Il s'agit d'une personne qui, après une période
6 incriminée, après la période qui lui est reprochée, s'est retiré de la vie
7 publique et politique. Il n'a jamais été une personne qui a tenu des postes
8 élevés au sein de la police ou dans le monde politique, après son
9 arrestation. Il n'a pas d'argent, il n'a pas d'économie d'argent et c'est
10 l'argent, bien sûr, qui est une condition pour fuir. Il s'est
11 volontairement livré à ce Tribunal et il n'a jamais dit rien contre ce
12 Tribunal. Bruno Stojic n'a jamais été reconnu coupable de quoi que ce soit.
13 C'est la raison pour laquelle, Monsieur le Président, Monsieur le Juge, je
14 dois me tourner vers le droit qui est à la base de cette institution. Je
15 sais que le Tribunal connaît très bien le droit, mais c'est justement de
16 l'argumentation dans le statut et dans le règlement de procédure et de
17 preuve selon lequel nous fonctionnons dans ce Tribunal. C'est en nous
18 basant sur le règlement que vous devez vous pencher lorsque vous devez
19 réfléchir sur la mise en liberté provisoire de mon client. Le droit
20 continental, le droit romain, système duquel provient M. Stojic stipule
21 qu'il faut le faire également, pour ne pas vous parler du droit qui prévaut
22 dans le pays duquel provient mon client.
23 J'ai, également, parlé, dans mes écritures, que l'assignation à
24 résidence est une possibilité. L'accusé a le droit à un procès public selon
25 l'Article 22. L'accusé est considéré innocent si l'on se base sur le statut
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1 du Tribunal. Il n'y a absolument aucune disposition du règlement de
2 procédure et de preuve qui prévoit le contraire. Justement, le règlement de
3 procédure et de preuve de ce Tribunal permet, ouvre la possibilité à la
4 possibilité de mettre en liberté provisoire un client tel que mon client.
5 Bruno Stojic et la République de Croatie de l'autre côté est
6 absolument prête à remplir toutes les garanties, à se plier et à respecter
7 toutes les demandes et à fournir toutes les garanties de ce Tribunal.
8 Monsieur le Président, Monsieur le Juge, je vais abréger mon exposé, je
9 n'aurais que quelques mots à dire.
10 Je souhaiterais démontrer, devant vous aujourd'hui, que tous les
11 arguments qui sont présentés de la part de l'Accusation ne peuvent pas se
12 rattacher à mon client. L'Accusation dit très bien que le fardeau de la
13 preuve est sur l'accusé, cela est incontestable, mais nous ne pouvons
14 jamais essayer de prouver quelque chose qui pourrait arriver dans le futur,
15 cela serait contraire à chaque logique et à chaque élément de droit qui
16 existe dans le monde international.
17 L'Accusation s'est objectée à la mise en liberté provisoire en essayant
18 de changer l'étendue des allégations, et en essayant de limiter certaines
19 choses. Nous avons fourni des preuves financières et nous pouvons démontrer
20 que sa résidence se trouve en Croatie. Bruno Stojic s'est livré tout seul,
21 mais cela ne veut pas dire que ce n'est pas à cause de cela qu'il ne
22 pourrait croire au gouvernement croate. C'est inacceptable car c'est
23 illogique.
24 Il est, également, illogique de parler du général Gotovina et de
25 confondre son cas avec le cas de M. Bruno Stojic.
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1 Pour résumer, Monsieur le Président, Monsieur le Juge, mon client n'a plus
2 rien à voir avec la vie politique depuis dix ans. Il n'a rien à voir ni
3 avec la police, ni avec l'armée. Il ne fait pas partie de la vie publique.
4 Il sait très bien, depuis très longtemps, qu'un procès serait intenté
5 contre lui. Dès qu'il a reçu l'acte d'accusation, il s'est volontairement
6 livré devant vous.
7 Je souhaiterais encore dire une chose à cette honorable Chambre. La
8 meilleure façon d'arriver au bon résultat est de démontrer, de donner
9 l'exemple en ex-Yougoslavie, c'est de lui permettre la mise en liberté
10 provisoire. Il peut, s'il bénéficie d'une mise en liberté provisoire,
11 donner le message, donner le message qui est de démontrer aux personnes
12 accusées qu'elles peuvent venir devant le Tribunal.
13 Lorsqu'on a parlé du général Gotovina, justement je voulais donner un
14 exemple du général Ademi. Le général Ademi, avec ce qu'il est arrivé
15 justement, avec son sort et son destin a pu démontrer et lancer un message.
16 Monsieur le Président, le message du Tribunal pénal international de La
17 Haye est que nous cherchons la vérité et nous offrons des procès équitables
18 pour tous les accusés qui sont accusés.
19 Etant donné que mon client a une famille et qu'il ne fait plus partie
20 du monde politique, nous estimons que cette honorable Chambre devrait lui
21 permettre la mise en liberté provisoire et devrait lui permettre de revenir
22 en Croatie avec toutes les garanties qui existent ou, on peut, également,
23 procéder à l'assignation à résidence dans son cas. A ce moment-là, cela
24 représenterait une pleine garantie pour ce qui est de sa comparution future
25 devant ce Tribunal. Merci.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Olujic.
2 Maintenant, je donne la parole à M. Kovacic. Est-ce
3 Mme Pinter ? Non, je vois que ce sera M. Kovacic.
4 M. KOVACIC : [interprétation] Je ne voudrais, certainement, pas répéter ce
5 que nous avons écrit dans nos écritures et ce qui figure dans notre requête
6 originale relative à la mise en liberté provisoire, j'essayerai, seulement,
7 de me limiter aux faits et de me limiter, simplement, aux omissions que
8 j'ai faites dans ma requête.
9 D'abord, je voudrais mentionner quelque chose que mon éminent confrère de
10 l'Accusation a stipulé dans sa réponse au paragraphe 19 de la réponse
11 relative à la requête de Coric. C'est un argument général pour tous les
12 accusés. L'Accusation, au paragraphe 19, stipule que le gouvernement de la
13 République croate, selon la phrase ici, ne pourra peut-être pas exécuter ou
14 fournir toutes les garanties à cause du gouvernement car on attend un débat
15 au gouvernement croate, et que le parlement pourrait peut-être changer
16 l'attitude que la Croatie a envers ce Tribunal.
17 Quelle est la raison pour laquelle je commence avec ceci ? Justement, on en
18 a débattu au parlement. Les conclusions ont été adoptées, et nous pouvons
19 voir que l'Accusation est au courant des conclusions. Nous verrons
20 également une conclusion officielle qui découle de cette session du
21 parlement, et je dois dire que c'est une question qui a été débattue
22 pendant une majeure partie de la journée au parlement croate. Les
23 conclusions démontrent qu'il faut s'efforcer de collaborer pleinement avec
24 le Tribunal pénal international de La Haye. Non seulement que ce débat au
25 parlement pourrait "nuire" à une bonne entente entre la Croatie et ce
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1 Tribunal pénal, il a plutôt réaffirmé qu'une bonne entente va exister entre
2 les deux.
3 Il y a quelques mois, huit accusés ont été remis entre les mains du
4 Tribunal, et il faut supposer que c'est grâce, tout au moins en partie à la
5 politique de la Croatie, ou je dirais, aux bonnes intentions du
6 gouvernement croate. Justement ce que mon collègue Olujic a mentionné,
7 l'affaire Ademi est très importante puisque l'affaire Ademi a permis de
8 lancer un message en Croatie de permettre à certaines personnes qui se sont
9 livrées ici de mettre au Tribunal qu'ils peuvent s'attendre à un procès
10 équitable, et ils peuvent s'attendre à ce que la vérité soit prouvée.
11 Dans mon cas, je représente les intérêts de Praljak. Monsieur Praljak s'est
12 remis volontairement entre les mains du Tribunal dès qu'il a été informé
13 qu'un acte d'accusation a été rédigé contre lui. Il s'est immédiatement
14 livrer entre les mains du Tribunal. Il est venu tout seul à La Haye. Il n'y
15 a eu aucune contrainte, ni pour lui, ni pour les accusés, d'ailleurs, dans
16 l'espèce.
17 Le Procureur, dans sa réponse, se pose la question suivante, quoi que
18 l'accusé lors qu'il saura qu'il y a des éléments de preuve contre lui,
19 qu'il pourra peut-être changer d'idée. Est-ce que c'est léger de penser,
20 Monsieur le Président, qu'un homme éduqué, sérieux, comme l'est M. Praljak
21 -- je devrais vous informer que M. Praljak tient des licences de trois
22 facultés différentes –- et il est un intellectuel, et il a toujours été un
23 intellectuel toute sa vie, pourrait-on croire qu'il s'est livré
24 volontairement, croyant qu'il n'y a absolument aucun élément de preuve
25 contre lui ? Non, il savait très bien pourquoi il se livrait. Il savait
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1 très bien entre les mains de qui il se livrait volontairement. Pour pouvoir
2 se défendre, pour pouvoir justement faire face aux éléments de preuve afin
3 qu'il puisse également présenter ses propres éléments de preuve.
4 Croyez-vous vraiment qu'après cette reddition volontaire qu'il pourrait
5 revenir à Zagreb et changer d'avis, même s'il n'a pas vu le matériel de
6 soutien et s'il n'a pas vu les éléments de preuve ? Il me semble que les
7 rapports sur les éléments de preuve ne se voient pas si tôt, mais est-ce
8 vraiment logique de croire que c'est la raison pour laquelle il devrait
9 rester en détention avant le début du
10 procès ?
11 Je dois dire également que l'accusé a droit à un procès rapide, et d'autre
12 part nous savons tous très bien, Monsieur le Président, Monsieur le Juge,
13 qui nous ne pourrons pas être jugés rapidement, ni dans cette affaire-ci,
14 puisqu'il s'agit d'une affaire avec six accusés, et le Procureur n'est pas
15 encore prêt à rentrer dans la salle d'audience. Il n'est pas prêt à entrer
16 et à commencer un procès, non seulement ici, mais dans n'importe quel autre
17 pays. Lorsque le Procureur avait dit, "j'ai une acte d'accusation," le
18 Procureur doit être prêt à entrer immédiatement, et à commencer le procès.
19 Nous savons que la phase préalable au procès durera très longtemps dans
20 l'espèce.
21 Ce droit de l'accusé à un procès rapide, et le droit de l'accusé qu'il ne
22 pourrait pas passer beaucoup plus de temps qu'il n'est nécessaire en
23 détention provisoire ne sont pas remplis. De par ce qui nous entour, on
24 peut conclure librement que, dans ce cas-ci, les deux conditions de
25 l'Article 65(B) du règlement se remplient. L'accusé connaît depuis
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1 plusieurs années, puisqu'il s'agissait d'un secret officiel, même si
2 c'était de polichinelle, et même si le Procureur a remis en appui certains
3 Articles, les journaux savaient très bien qu'un acte d'accusation était
4 rédigé contre lui. Qu'a-t-il fait ? Il n'a pas fui. Il ne s'est pas caché.
5 Il n'a pas essayé d'avoir une influence quelconque sur des témoins. Il n'y
6 a aucun incident qui pourrait démontrer que de quelque façon que ce soit,
7 il aurait mis en danger les victimes, des témoins, ou toutes autres
8 personnes, et qu'il a réessayé de contacter certaines personnes dans
9 l'espèce. Si, pendant six ans, une telle chose n'est pas arrivée -- j'ai
10 peut-être exagéré avec six ans, mais c'est à peu près quatre ans que mon
11 client a connaissance qu'un acte d'accusation existe contre lui -- pourquoi
12 est-ce que nous changerons ce comportement maintenant, s'il revient à la
13 maison ? Nous estimons que le Tribunal pourrait établir des mesures de
14 restriction, s'il le souhait.
15 Puisque j'ai déjà mentionné Ademi, il est absolument incontestable que l'un
16 des devoirs de ce Tribunal est de donner un message positif, non seulement
17 lorsque dans sa décision concernant certaines personnes et concernant
18 certains éléments malheureux sur le territoire de l'ex-Yougoslavie est
19 faite, mais également qu'il faut diffuser un message juste, et de diffuser
20 le message que la détention doit exister et doit être possible seulement
21 lorsqu'il y a des raisons très fortes à croire que l'accusé doit rester en
22 détention. Je ne souhaite pas élaborer plus.
23 De même, je souhaiterais également rappeler qu'il y a des dispositions de
24 la Cour pénal international s'agissant de détention, et je souhaite vous
25 rappeler des dispositions du code criminel, du code pénal croate. Nous
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1 connaissons très bien la pratique de ce Tribunal. Il n'est pas nécessaire
2 de répéter ce que j'ai mis dans ma requête, et c'est la raison pour
3 laquelle je crois que la mise en liberté provisoire doit lui être accordée.
4 Je crois qu'il ne s'agit pas d'un problème de garanties que l'État du pays
5 dans lequel l'accusé souhaite être libéré provisoirement est le problème.
6 C'est le Tribunal qui doit rendre une décision sur des faits clairs, qui
7 sont connus ici. Pour ce qui est de la garantie de la Croatie, la garantie
8 de l'État croate nous devrait être qu'une garantie supplémentaire, même si
9 le gouvernement croate essayerait de faire quelque chose que l'accusé
10 n'aurait pas souhaité. C'est pour toutes ces raisons nous estimons que
11 notre client devrait être mis en liberté provisoire.
12 Je vous remercie.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Kovacic. Maître Alaburic,
14 je souhaiterais vous rappeler que je vous invite de prendre la parole
15 pendant cinq à dix minutes au plus. Veuillez poursuivre.
16 Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Si quelqu'un
17 me demandait de décrire ou de répondre en un mot, oui ou non, si l'acte
18 d'accusation demande que M. Milivoj Petkovic soit gardé en détention ou
19 qu'il devrait être mis en liberté provisoire, je dirais qu'il devrait être
20 mis en liberté provisoire.
21 L'acte d'accusation ne dit pas que pour aucune raison le client s'évaderait
22 de la Croatie et ne viendrait pas subir son procès. Mon client n'a jamais
23 essayé de nuire au bon fonctionnement de la justice. Il n'a jamais essayé
24 d'influer sur les témoins, sur les victimes ou tout autre personne. Je
25 considère que l'Accusation, en répondant à notre requête, a confirmé que
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1 toutes les conditions de l'Article 65 ont été rencontrées, l'Article 65(B)
2 et que mon client a rempli toutes les fonctions pour une mise en liberté
3 provisoire.
4 Je souhaiterais dire une autre chose. C'est l'Article 65(B) qui sera à la
5 base de la jurisprudence, le droit à la liberté, la présomption de
6 l'innocence et les mesures de protection. Lorsque l'on parle de la liberté
7 d'un individu, il est très important de dire que conformément aux pratiques
8 de la cour européenne des Droits humanitaires, il faut dire qu'il n'est pas
9 propice de garder un client en détention. Avant que l'on incarcère une
10 personne, il faut absolument que les intérêts légitimes publics soient
11 remplis. Il faut empêcher qu'une telle personne puisse, s'il est libéré,
12 mettre en danger une victime, des témoins, ou toute autre personne. L'autre
13 raison légitime est le fait d'empêcher que la commission du crime ne soit
14 faite de nouveau; et quatrième but, d'assurer que l'accusé soit présent.
15 Après avoir examiné le tout, nous estimons qu'il n'y a aucune raison pour
16 garder notre client en détention. L'acte d'accusation existe déjà. Le
17 Procureur a déjà fait son enquête, a réuni tous les éléments de preuve, a
18 déjà protégé les victimes et entendu les témoins. Nous estimons que les
19 raisons pour lesquelles il faudrait garder une personne en détention
20 n'existent pas dans notre cas. C'est la raison pour laquelle, présentement,
21 il faut débattre de la question : existe-t-il une probabilité, existe-t-il
22 la certitude que les accusés, s'ils sont mis en liberté provisoire, s'ils
23 comparaîtront devant ce Tribunal ?
24 Je souhaiterais répéter que l'acte d'accusation n'a pas un seul instant
25 soulevé de doutes que M. Milivoj Petkovic reviendra devant ce Tribunal. Je
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1 souhaiterais stipuler la jurisprudence Wemhof contre l'Allemagne au
2 paragraphe 46. Si l'on a peur que l'accusé ne comparaît pas devant la
3 justice et qu'il fuit, et si c'est la seule raison pour laquelle nous
4 estimons qu'on ne peut mettre en liberté un accusé, ce n'est pas une raison
5 suffisante. Il faut le mettre en liberté provisoire.
6 Si le juge estime que les garanties que mon client a produit et que l'état,
7 dans lequel il demande d'être libéré, n'est pas rempli, peut-être à ce
8 moment-là, mis en assignation à résidence. C'est tout ce que j'avais à
9 dire. Merci.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître.
11 Maître Jonjic, vous avez la parole.
12 M. JONJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. Avant de
13 faire la synthèse de nos arguments à l'appui de notre requête aux fins de
14 mise en liberté provisoire de M. Coric, je voudrais rappeler à toutes les
15 personnes présentes que nous n'avons pas encore eu l'occasion de soulever
16 une objection officielle à la requête déposée par l'Accusation aux fins de
17 reporter la décision --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jonjic, est-ce que vous avez
19 l'intention de déposer des écritures à cet égard ou est-ce que vous voulez
20 présenter ces arguments oralement ? Vous seriez le bienvenue si vous le
21 faisiez. Vous savez, il s'agit d'une requête déposée confidentiellement. Il
22 faut l'aval explicite de M. Scott, ce que j'ai obtenu pour mentionner la
23 teneur de cette requête; cependant, je ne voudrais pas donner davantage de
24 détail en audience publique. Si vous souhaitez vous adresser à nous sur ce
25 point, je pense qu'il serait préférable de passer à huis clos partiel.
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1 M. JONJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.
2 Je n'avais pas l'intention d'aborder par le menu les objections que nous
3 voulions soulever. Je voulais plutôt parler des discussions que nous avons
4 eues à l'occasion de la réunion en application du
5 65 ter ce matin. Je voulais simplement vous dire que la Défense présentait
6 des objections. Nous pourrions, cependant, présenter nos arguments par
7 écrit ou oralement après conclusion de ce volet. A vous de décider.
8 Je voudrais vous présenter rapidement nos arguments à l'appui de la demande
9 de mise en liberté provisoire de M. Coric.
10 Pour des raisons d'économie, les avocats de M. Coric souscrivent mutatis
11 mutandis aux arguments déjà avancés par nos confrères et consoeurs.
12 D'autant que la base juridique a déjà été fournie dans la requête aux fins
13 de mise en liberté provisoire en date du 7 juin et de celle en date du 12
14 juillet. Dans ces requêtes, l'accusé Coric vous a présenté des motifs
15 valables permettant de corroborer sa demande aux fins de mise en liberté
16 provisoire. Même avant la délivrance de l'acte d'accusation, acte
17 d'accusation qui a fait l'objet de beaucoup d'allusions déguisées en
18 Croatie pendant sept ans, mon client a dit qu'il était prêt à contacter le
19 bureau du Procureur dans son antenne de Zagreb. Il a décidé de le faire
20 sans avoir de contact préalable avec les autorités croates. Il a pris cette
21 initiative lui-même, de son propre chef.
22 Après délivrance et signification de cet acte d'accusation à
23 M. Coric, il aurait pu, en théorie et en pratique, prendre la fuite, mais
24 jamais il n'a voulu le faire. L'acte d'accusation lui-même le disait très
25 clairement, disait que s'il était jugé coupable au titre de cet acte
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1 d'accusation, il pouvait s'attendre à une peine très lourde.
2 Un des arguments qu'a présenté l'Accusation contre notre requête aux fins
3 de mise en liberté provisoire, c'est la nécessité de reporter la
4 communication des pièces jointes. Mon client n'est pas riche. C'est ce que
5 semble vouloir dire l'Accusation par le biais des médias. Nous avons tenté
6 de réfuter ces affirmations. Mon client a une petite fille de deux ans et
7 demi, née après 17 ans de vie commune avec sa femme, raison supplémentaire
8 qui pousse mon client, M. Coric, à vouloir garder des liens très étroits
9 avec sa famille, ce qui veut dire qu'il serait, à tout moment, disponible
10 pour comparaître devant vous.
11 Après les événements mentionnés dans l'acte d'accusation, mon client a
12 occupé des postes importants au gouvernement ou dans la Fédération de
13 Bosnie-Herzégovine. Pourtant jamais, il n'a compromis la sécurité de qui
14 que ce soit, de témoins, notamment, ou empêcher le fonctionnement de la
15 justice. Peu de temps après la comparution initiale de mon client,
16 l'Accusation a demandé des mesures de protection pour certains témoins. Mon
17 client, sans aucune hésitation, a marqué son accord et a apporté son aval à
18 toutes mesures susceptibles de garantir la sécurité des témoins et leurs
19 intérêts. Toutes ces affirmations que présente l'Accusation qui
20 s'inscrivent contre les garanties personnelles de M. Coric, toutes ces
21 affirmations sont réfutées par nos preuves. Aucune de ces affirmations n'a
22 été avérée.
23 Cependant, si la Chambre décidait de rejeter la requête aux fins de mise en
24 liberté provisoire, ce que nous avons dit dans nos écritures du 7 juin, que
25 l'assignation en résidence pourrait être une solution de rechange. De cette
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1 façon, il a montré qu'il était prêt à comparaître devant vous dès qu'il
2 serait enjoint de le faire. Ceci montre aussi qu'il ne présente aucun
3 risque, que ce soit pour des victimes ou des témoins.
4 La Défense estime qu'il est nécessaire, également, de fournir la preuve de
5 ceci. Même si notre client n'a pas de biens immobiliers en Croatie, il a
6 une sœur qui habite à Zagreb, qui possède un appartement et qui est prête à
7 l'accueillir. Notre estimé confrère du bureau du Procureur a déjà exprimé
8 les doutes qu'il avait sur la valeur et la validité des garanties offertes
9 par le gouvernement croate. Cependant, tout récemment, cette Chambre de
10 première instance a conclu que la République de Croatie était, tout à fait,
11 à même de se conformer, d'ailleurs, avec beaucoup d'efficacité aux
12 garanties ou de les accomplir. Ce fut le cas dans l'affaire Norac. Nous ne
13 voyons pas pourquoi ces mêmes garanties s'appliquant à M. Norac ne
14 s'appliqueraient pas à notre client.
15 Si M. Coric est remis en liberté en Bosnie-Herzégovine, et si la Défense de
16 M. Coric laisse le soin à la Chambre de décider du lieu, nous devons dire
17 que les garanties apportées par la Fédération de Bosnie-Herzégovine se sont
18 avérées, par le passé, au cours des deux dernières années, très efficaces.
19 Nous l'avons vu par plusieurs exemples. Il y a eu le général Halilovic,
20 l'accusé Kubura, le général Hadzihasanovic. Les représentants du
21 gouvernement de Bosnie-Herzégovine sont ici présents. Je suis sûr qu'ils
22 garantiront le maintien de ces mesures.
23 S'agissant de ce que disais l'Accusation, à savoir que les garanties
24 apportées par la Fédération ne s'appliquent pas sur le territoire de la
25 Republika Srpska, nous devons rappeler que des progrès considérables ont
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1 été enregistrés tout récemment. De nouvelles réglementations viennent
2 d'être adoptées par les ministères compétents lesquels assurent la sécurité
3 de tout le territoire de Bosnie-Herzégovine. Il semblerait, dès lors, que
4 cet élément, cette question de savoir quelle est la partie du territoire de
5 Bosnie-Herzégovine concernée, n'est pas un élément déterminant ou décisif.
6 Cependant, je me répète, il se peut que la Chambre de première instance
7 décide que notre client doit rester en détention, à ce moment-là, qu'il
8 soit assigné en résidence. Si c'est le cas, tous ces arguments ne sont plus
9 pertinents.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si je vous ai bien
11 compris. Même si les garanties du gouvernement fédéral de Bosnie-
12 Herzégovine étaient valables ou aussi efficaces, ou est-ce qu'elles
13 auraient un effet, également, sur le territoire de la Republika Srpska.
14 C'est bien cela ce que vous voulez dire ?
15 M. JONJIC : [interprétation] Je veux dire que ces garanties peuvent
16 s'appliquer sur le territoire de la Republika Srpska vu les changements
17 intervenus dans la législation, et vu les mutations au niveau du personnel,
18 ces dernières années. Il y a, maintenant, un ministère de la Sécurité qui a
19 été établi et qui couvre la totalité du territoire de Bosnie-Herzégovine.
20 M. Halilovic, le ministre de la Fédération est ici présent et je suis sûr
21 qu'il peut vous donner bon nombre d'autres détails techniques, davantage
22 que je ne peux le faire.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question n'était pas de savoir si,
24 effectivement, elles s'appliquaient là, mais est-ce que ce serait effectif,
25 efficace ? Je sais qu'elles sont, peut-être, valables, mais le tout, c'est
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1 de savoir si elles vont s'appliquer ou non, ces nouvelles réglementations.
2 M. JONJIC : [interprétation] Je suis, tout à fait, convaincu, intimement
3 convaincu qu'en théorie ou de façon hypothétique, s'entend, des instances
4 de la Fédération et les mesures prises par ces instances seraient
5 effectives sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Jonjic.
7 Maître Skobic, vous allez être le dernier mais pas le moindre.
8 M. SKOBIC : [interprétation] Bien entendu. Merci beaucoup. Je fais mienne
9 la description des circonstances générales déjà présentée par mes
10 confrères. En application du 65(B), l'accusé doit convaincre la Chambre de
11 première instance qu'il va comparaître et qu'il ne va poser aucun risque ou
12 ne représenter aucun risque pour les victimes et témoins. C'est une charge
13 qui repose sur les épaules de l'accusé, et c'est une charge lourde. Ici, je
14 veux reprendre la nature et la structure de cet engagement. Quelles sont
15 les capacités ou les possibilités objectives dont dispose l'accusé ?
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, quand vous lisez, ce n'est pas
17 toujours simple pour les interprètes. Je sais que je limite votre temps,
18 mais quand même. Est-ce que vous pourriez ralentir votre débit. Les
19 interprètes précisent que les intervenants pourraient aussi présenter leurs
20 documents aux interprètes.
21 M. SKOBIC : [interprétation] Il y a l'aspect objectif et l'aspect
22 subjectif. La volonté, le souhait de liberté est grand chez chacun. Ici,
23 nous avons une situation où il y a eu privation de liberté, dénie de
24 liberté. On pourrait en conclure que tout individu se trouvant dans une
25 telle situation promettra ou présentera toute garantie. La situation est
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1 loin d'être simple.
2 On peut se demander, ici, si ce qui est garanti uniquement sur les
3 garanties individuelles qu'a fournies l'accusé. Qu'est-ce qu'il peut vous
4 fournir comme garanties, toute une panoplie de garanties, auxquelles la
5 Chambre s'attend ? Il y a certaines normes déjà établies. On pourrait dire
6 qu'il n'est pas difficile de fournir des garanties à titre individuel,
7 personnel. Cependant, si tel est le cas, on peut se demander comment on
8 peut être sûr, qu'on peut mettre à l'épreuve, qu'on peut être sûr de ces
9 garanties, qu'elles seront respectées. Si on ne succombe pas à la tentation
10 d'y échapper. Comment peut-on donner une dimension objective à ces
11 garanties ?
12 D'après la Défense, le critère à appliquer à ces garanties pour voir
13 si on veut les éprouver, ces critères ne peuvent s'appliquer qu'au moment
14 de la mise en liberté de l'accusé; cependant, il doit apporter la preuve de
15 ces garanties, de ce qu'elles sont valables, avant sa mise en liberté.
16 Comment voyons-nous cette problématique ? M. Pusic s'est trouvé dans une
17 situation où il aurait pu être mis à l'épreuve. Il était encore en liberté
18 et on lui avait signifié l'acte d'accusation. Je pense que c'est le moment
19 de tentation suprême pour quiconque, y compris pour M. Pusic. Il y avait
20 des hypothèses lancées par les médias, tout ceci l'a trouvé à la clinique
21 de Ljubljana en République de Slovénie, où il était hospitalisé. C'est là
22 qu'il a appris qu'il allait, peut-être, être mis en accusation et faisant
23 fi aux conseils de ses médecins, risquant sa santé, il a quitté l'hôpital.
24 Il a quitté la République de Slovénie, est arrivé à Zagreb. Il a quitté
25 tous les contacts qu'il avait et, le lendemain, il a répondu à l'acte
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1 d'accusation.
2 Je vous demande, dès lors, si on peut faire confiance à un homme de
3 cette stature, s'il va répondre à une sommation à comparaître. Je peux vous
4 dire, sans aucun doute, qu'il va le faire car il a déjà prouvé l'attitude
5 qu'il a envers ce Tribunal. Sans la moindre hésitation, sans invoquer comme
6 excuse son état de santé, alors qu'il est invalide et il était dans un
7 fauteuil roulant lorsqu'il est arrivé au quartier pénitentiaire. Il est
8 toujours invalide aujourd'hui. Il a montré qu'il était, vraiment, décidé à
9 respecter ce Tribunal. Respecter la justice, et à faire valoir ses
10 arguments, à se défendre, uniquement, devant ce Tribunal.
11 Par ailleurs, le bureau du Procureur lorsqu'il nous parle de la bonne
12 volonté des accusés, de la question de savoir s'ils seront prêts à
13 comparaître, l'Accusation, disais-je, évoque deux éléments importants,
14 d'une part les moyens de preuve dont elle dispose, et l'autre facette c'est
15 la gravité des allégations portées contre l'accusé. La Défense affirme que
16 l'accusé ne va pas changer d'avis. Il sait, l'accusé, que le bureau du
17 Procureur dispose de moyens de preuve qui vont être présentés au moment de
18 la présentation des moyens à charge. Moyens recueillis au cours d'enquêtes
19 très longues. Cependant, l'accusé est convaincu qu'il pourra faire valoir
20 ses moyens de défense. Il a reçu, énormément, de lettres de Musulmans de
21 Bosnie, qui sont des réfugiés un peu partout. Selon ce qu'affirme
22 l'Accusation certaines de ces personnes pourraient être des témoins à
23 charge. Les lettres de ces personnes ont conforté l'accusé dans sa
24 conviction qu'il pourra se défendre.
25 Rien n'a changé depuis le moment où mon client s'est vu signifier
Page 93
1 l'acte d'accusation. Déjà auparavant, il suivait les travaux de ce Tribunal
2 par l'Internet. Il était au courant de tous les actes d'accusation, au
3 courant de tous les jugements qui ont été rendus. Il connaît l'évolution de
4 ce Tribunal, alors qu'il était encore en liberté, il était, tout à fait, au
5 fait de sa situation juridique. Je ne vois pas pourquoi la moindre chose
6 changerait dans son esprit, une fois qu'il serait en liberté provisoire. Le
7 bureau du Procureur, à mon avis, n'a pas fourni le moindre argument valable
8 pour contrer ce que j'affirme.
9 Me Jonjic a, suffisamment, parlé des garanties fournies par le gouvernement
10 de Bosnie-Herzégovine. Permettez-moi d'insister sur une facette que je
11 n'ai, peut-être, pas bien explicitée dans ma réponse à la réponse du
12 Procureur. Le gouvernement de la Fédération, c'est l'instance qui a fourni
13 les garanties. Il y a aussi des garanties accordées par le canton de
14 Mostar, mais ce ne sont pas les garants principaux. Le garant principal,
15 c'est le gouvernement. Une question, tout à fait, prosaïque a été posée :
16 que va-t-il se passer si l'accusé quitte le territoire de ce canton ? Voici
17 ce que je réponds. Rien ne va se passer. Les services de police
18 fonctionnent parfaitement dans la Fédération. Il y a, aussi, coopération
19 intercantonale. Il est impossible de concevoir une situation où vous auriez
20 des criminels qui se contenteraient de passer d'un territoire à l'autre, et
21 rester impunis. Tout simplement, parce qu'il n'y aurait pas de coordination
22 entre les cantons. Au bout du compte, ce sont des instances fédérales. Il y
23 a la police qui a des représentants partout. Il y a une coordination
24 parfaite entre le ministère fédéral de la Justice et tous les cantons.
25 Mon confrère Me Jonjic vous l'a dit. Une agence a été mise sur pied,
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1 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, le sigle qui la représente est
2 SIPA. Une des missions principales qui lui reviennent, c'est l'arrestation
3 des personnes qui sont toujours en fuite. Les personnes qui sont accusées
4 de crime de guerre. Je pense que les garanties fournies sont, tout à fait,
5 solides, qu'elles ont été éprouvées. Nous savons qu'il y a eu des garanties
6 auparavant mais nous savons ce qu'elles ont donné. Quatre accusés ont déjà
7 été mis en liberté provisoire, et le gouvernement de Bosnie-Herzégovine a
8 répondu et s'est conformé à tous ses engagements, donc aucun problème.
9 Une dernière chose, l'état de santé de mon client, M. Pusic. Tout au
10 début de l'audience, il vous l'a dit lui-même, je ne vais pas redire ce
11 qu'il a dit, son état de santé est bien connu. Il faut se demander comment
12 quelqu'un qui doit se servir de béquilles, qui a du mal à marcher, comment
13 une telle personne pourrait-elle décider de prendre la fuite ? Qu'est-ce
14 qu'on peut faire dans un tel état lorsqu'on sait que, pour fuir, il faut un
15 certain degré de condition physique, d'état physique, de force.
16 Enfin, je pense que l'accusé, M. Pusic a, effectivement, répondu à
17 toutes les conditions imposées au 65(B).
18 M. LE JUGE ORIE : Merci.
19 Monsieur Scott est-ce que vous souhaitez réagir ? Vous auriez besoin de
20 combien de temps ?
21 M. SOCTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Tout dépend, bien sûr,
22 des consignes chiffrées que me donnera le Greffe. Je pense que la Défense a
23 utilisé en tout une heure et six minutes. A l'évidence, nous n'allons pas
24 demander autant de temps, mais nous devons réagir à plusieurs arguments
25 présentés par les six accusés. Est-ce que nous pourrions avoir la moitié de
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1 ce temps ?
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous comprendrez qu'effectivement, vous
3 aviez six conseils qui devaient représenter leurs clients respectifs. Vous
4 n'aurez peut-être pas besoin de répondre avec le même degré de détail. Si
5 je vous donne un peu plus de 20 minutes, il sera 17 heures, est-ce que vous
6 pourriez en terminer dans ce temps ?
7 M. SCOTT : [interprétation] Je ferai de mon mieux.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez commencer.
9 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, je vais placer le pupitre, si vous
10 me le permettez.
11 Merci, Messieurs les Juges. Dans le temps qui m'est imparti, Messieurs les
12 Juges, je vais commencer sous un angle différent vu le peu de temps que
13 j'ai. On vous a dit que ces hommes ne présentent pas le moindre risque en
14 matière de fuite, le moindre risque pour les victimes et les témoins
15 concernés par ce procès. Je dois vous rappeler, Messieurs les Juges, sauf
16 le respect que je vous dois, que bien sûr ce ne sont que des allégations,
17 pour le moment, dans l'acte d'accusation, mais l'acte dit que ces hommes
18 ont présidé à une compagne qui a terrorisé et ont obligé des victimes, des
19 témoins à vivre dans un régime de terreur pendant une très longue période.
20 A ce jour, ces victimes se souviennent parfaitement de ce qui s'est passé
21 il y a très longtemps de cela. Ces victimes se rappellent pertinemment ce
22 que ces six individus leur ont fait, des victimes qui, aujourd'hui, ont
23 encore peur et ont peur que ces hommes soient relâchés sur le territoire où
24 ces victimes et ces témoins vivaient.
25 Je suis avocat depuis 20 ans, et j'ai assisté à bien des audiences comme
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1 celle-ci, mais au cours de ces 20 années jamais un accusé n'est venu dire,
2 dans le cadre d'une telle audience, mais si on me relâche, je vais
3 m'échapper ou je vais faire du mal à un témoin. Bien sûr, on ne saurait
4 s'attendre à de tel dire de la part d'accusés, ni de leurs conseils. Mais
5 il faut faire appel à notre mémoire et à notre sagesse collective. Cela se
6 passe en dépit des plus grandes promesses, de toutes les protestations
7 d'innocence. Bien sûr, bien sûr qu'il y a présomption d'innocence, c'est
8 vrai au pénal toujours. En dépit de tout cela, nous savons que cela se
9 passe. Nous savons que des accusés prennent la fuite. Nous savons que des
10 victimes et des témoins sont harcelés, intimidés, qu'il y a obstruction
11 faite à l'administration de la justice. Ce ne sont pas des préoccupations
12 artificielles, académiques, creuses.
13 Ceux, d'entre nous, qui travaillent depuis un certain temps ici, et là, je
14 m'excuse je parle en mon nom, comme au nom de tous ceux qui se trouvent
15 ici, nous perdons peut-être la perspective de ce dont nous parlons, de ce
16 qui est en jeu ici. On s'y accoutume presque trop. Ici, nous avons affaire
17 aux charges les plus graves portant sur le pire comportement imaginable au
18 monde. Dans des juridictions nationales, dans des systèmes judiciaires
19 nationaux, quelqu'un qui tue quelqu'un et qui a la responsabilité de tuer
20 une seule personne, voire deux, dans la plupart des cas, sera placé en
21 détention. Ce n'est pas toujours fait, mais c'est la plupart de temps le
22 cas. Un homme qui se livre à des violences sexuelles sur une ou plusieurs
23 femmes, dans la plupart des cas, dans la plupart des systèmes, sera placé
24 en détention en attente de son procès. C'est vrai des pays d'où vient ces
25 avocats en Croatie ou ces hommes. Ici, ce sont des crimes les plus odieux
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1 qui sont reprochés, et dans leur pays si c'est le cas, les hommes ou les
2 personnes qui en seraient les auteurs seront placés en détention, et c'est
3 vrai aussi pour les crimes de guerre.
4 Si dans un système national une personne est placée en détention pour avoir
5 tué ou pour avoir commis des violences sexuelles sur une autre personne,
6 c'est déjà grave pour une seule personne, a fortiori, a fortiori, il faut
7 prendre, avec le plus grand sérieux, la mise en détention de quelqu'un qui
8 est accusé d'avoir tué des centaines de personnes, de s'être livré à des
9 violences sexuelles à grande échelle pour des actes d'incendie volontaire,
10 de destruction de propriétés. Ici, ce n'est pas un seul accusé, nous avons
11 plusieurs accusés qui se sont accusés de s'être livrés à ce genre de chose
12 de façon multiple et répétée, a fortiori, la mise en détention provisoire
13 s'impose.
14 Il se peut que je ne sois pas très cohérent dans mes arguments veut le peu
15 de temps que j'ai, je m'en excuse par avance. Je n'aurai peut-être pas
16 toute la fluidité que j'aurais voulu avoir, mais je dois reprendre
17 plusieurs points en peu de temps.
18 La Chambre le sait, de par sa propre expérience, il y a un autre facteur
19 important, ce sont les conditions qui prévalent dans les états de l'ex-
20 Yougoslavie. Nous ne parlons pas des conditions sur le terrain comment
21 elles se présentent aux Pays-Bas ou en France ou en Argentine. On parle des
22 conditions de situations qui sont encore très précaires où l'ordre et la
23 loi ne règlent que de façon très limitée. Nous parlons, notamment, ici, de
24 la Republika Srpska qui protège et empêche l'arrestation de Radovan
25 Karadzic depuis des années. Nous parlons du côté des Croates de Bosnie.
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1 Nous avons Rajic, M. Ljubicic, Gotovina. Même à supposer, ne serait-ce
2 qu'un instant, qu'ils sont animés des meilleures intentions, je parle des
3 états, à supposer un instant que ces états soient animés des meilleures
4 intentions, il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui Gotovina n'est
5 toujours pas traduit devant vous. On ne sait pas pourquoi, mais il n'est
6 pas là. Rajic et Ljubicic ne sont venus qu'après une période très longue
7 et, quelquefois, avec la protection directe de certaines personnes très
8 hautes placées.
9 Dans ces pays, il y a encore des réseaux, des associations nées la guerre,
10 les gens ont peur. Des accusés sont considérés comme des héros de guerre
11 encore par beaucoup. C'est différent du système national où vous avez une
12 seule personne qui aurait commis une infraction. Ici, vous avez un réseau
13 de personnes qui seraient très heureux d'aider, de soutenir les accusés. La
14 situation est tout à fait différente. Il faut en tenir compte, il ne faut
15 pas oublier, et je pense que, quelquefois, ceux d'entre nous, qui
16 travaillent ici depuis un certain temps, l'oublient. Nous avons, ici, les
17 crimes les plus odieux. Sur le terrain, nous avons des conditions des plus
18 difficiles. Ceci présente des conditions très difficiles pour assurer le
19 suivi d'une mise en état qui se fera à l'extérieur de ces murs. C'est la
20 raison pour laquelle nous vous demandons de rejeter cette demande, ou ces
21 demandes de mise en liberté provisoire, y compris dans la présente affaire.
22 On a entendu des protestations, des manifestations ont été organisées, un
23 certain nombre de chiffres ont été cités, des pétitions ont été rédigées
24 par toutes sortes de gens pour toutes sortes de raisons. Voilà, le genre de
25 climat dans lequel se déroule la présente affaire.
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1 Tout cela crée des difficultés d'une nature assez exceptionnelle par
2 rapport à ce qui se passe dans d'autre système judiciaire ou dans quelque
3 système judiciaire national.
4 Passons maintenant aux garanties fournies par la Croatie ainsi que par
5 certaines autorités de Bosnie-Herzégovine. Oui, nous sommes sérieusement
6 inquiets, Monsieur le Président. Ces inquiétudes n'ont rien avoir de façon
7 directe avec les personnes qui sont assises dans cette salle. Il s'agit de
8 problèmes qui sont liés aux réalités sur le terrain dans ces régions
9 aujourd'hui, aujourd'hui et sans doute encore demain. Nous disons, avec le
10 respect que nous devons à la Chambre, que les Juges pourraient envisager
11 les garanties en rapport avec deux critères importants. D'abord, est-ce que
12 l'État est un des garanties, peut être considéré comme un garant neutre et
13 de bonne foi ? Peut-il être considéré comme quelqu'un qui garantie de toute
14 bonne foi que ces personnes seront convoquées --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Skobic ?
16 M. SKOBIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je
17 prends la liberté de vous demander au nom de mon client si celui-ci peut
18 aller au toilette. Il m'a indiqué cette nécessité.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Un responsable de la sécurité va
20 l'accompagner.
21 M. SKOBIC : [interprétation] Ceci en raison de difficultés tout à fait
22 spécifiques. Je viens d'apprendre qu'il ne se sent pas bien en ce moment.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Souhaitez-vous une pause ? Nous
24 devrons faire une pause de toute façon. Nous pourrions la faire maintenant.
25 Elle est imposée par la nécessité de changer la cassette d'enregistrement
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1 audio. Peut-être pourrions-nous demander à M. Scott de terminer son propos
2 après la reprise, dans une quinzaine de minutes ?
3 M. SKOBIC : [interprétation] Nous n'insistons pas pour la pause, Monsieur
4 le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, une pause est
6 nécessaire, car il faut changer les cassettes d'enregistrement audio qui
7 n'ont qu'une durée d'une heure 45. Il faudra une pause à 17 heures, et
8 après avoir entendu les représentants du gouvernement de Croatie et de la
9 Fédération de Bosnie-Herzégovine, nous devrons, de toute façon, ménager une
10 pause. Nous aurons, d'ailleurs, une ou deux questions à poser à ces
11 représentants. Je pense que la pause peut se faire maintenant.
12 Je suspends jusqu'à 17 heures 5.
13 --- L'audience est suspendue à 16 heures 51.
14 --- L'audience est reprise à 17 heures 08.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de redonner l'occasion à M. Scott
16 de s'exprimer : Monsieur Pusic, êtes-vous suffisamment bien pour continuer
17 à assister à cette audience ? Vous n'avez pas besoin de vous lever. Vous
18 sentez-vous mieux ?
19 L'ACCUSÉ PUSIC : [interprétation] Je me sens mieux, et je peux assister à
20 l'audience. Merci beaucoup, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, adressez-vous à moi
22 directement ou passez par votre conseil, mais, en tout cas, si vous estimez
23 ne plus être en mesure d'assister à l'audience, faites-le moi savoir
24 immédiatement et les mesures nécessaires seront prises.
25 L'ACCUSÉ PUSIC : [interprétation] Merci.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Scott, veuillez procéder.
2 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge, avant
3 la pause, j'ai évoqué deux considérations qui sont toutes les deux aussi
4 importantes s'agissant d'apprécier les garanties fournies par tous les
5 représentants officiels présents ici. J'avais commencer à dire que, si ces
6 autorités peuvent être considérées comme fiables et comme des sources
7 neutres de ces garanties, ceci est le premier des critères, et une deuxième
8 considération tout à fait distincte, c'est le fait de savoir si ces
9 autorités peuvent être considérées comme des instances suffisamment neutres
10 et fiables pour faire appliquer l'ordre et la loi puisque ce Tribunal ne
11 dispose pas de forces policières lui appartenant. Nous devons nous appuyer,
12 pour l'essentiel, sur les forces de polices civiles, et sur le système
13 judiciaire pénal des États d'où proviennent les autorités dont nous
14 parlons. Ce sont ces instances qui sont chargées de faire le travail que
15 nous ne pouvons effectuer nous-même.
16 Ceci crée et suscite une question importante, même très importante, en
17 dehors de la bonne volonté ou des meilleures intentions que peuvent nourrir
18 les États ou les autorités dont il est question ici. En passant, je dirais
19 que le terme "garanties", que nous utilisons ici, ne me paraît pas le plus
20 approprié car, avec le respect que je dois à la Chambre, aucune des parties
21 présentes, ici, ne peut garantir que l'un ou l'autre des accusés
22 comparaîtra à l'avenir si cette comparution n'est demandée devant le
23 Tribunal. Toutes ces instances peuvent déployées les efforts qu'elles
24 peuvent souhaiter déployées. Elles peuvent déclarer leurs bonnes
25 intentions, mais aucune d'entre elle n'est capable de garantir que les
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1 accusés ne s'enfuiront pas ou qu'ils n'auront pas de contacts nuisibles
2 avec les témoins.
3 S'agissant de la première question que j'évoquais tout à l'heure, à savoir,
4 si les auteurs de ces garanties peuvent être considérés comme neutre et
5 équitable, il est vrai, peut-être regrettable, que l'Accusation nourrit des
6 inquiétudes assez sérieuses et se pose de nombreuses questions au sujet de
7 la situation de l'État de Croatie, s'agissant de garantir la Croatie en
8 tant que source neutre de garanties favorables aux accusés. Je passerai
9 rapidement sur ce point, si vous me le permettez, Monsieur le Président.
10 D'abord, il est vrai que le Tribunal a derrière lui une longue histoire
11 très difficile de rapports avec la Croatie, ainsi qu'avec d'autres États de
12 l'ex-Yougoslavie. Bien entendu, il y a des gens qui oublient l'histoire
13 très rapidement, mais je regrette de devoir le dire, la chose n'est pas
14 aisée. Il y a quelques mois, les contacts se sont améliorés, mais cette
15 amélioration ne peut servir à balayer complètement des années et des années
16 d'obstruction, de retard, et de difficultés créés par ces états par la
17 Croatie pour le Tribunal.
18 Depuis mars 2004, un grand nombre de représentants gouvernementaux
19 importants de Croatie, un grand nombre de dirigeants politiques importants
20 de ce pays, dont le premier ministre, le président du parlement également,
21 ont fait des déclarations publiques importantes dans lesquelles ils
22 s'opposaient aux actes d'accusation émis dans la présente affaire, et dans
23 laquelle ils estimaient ces actes d'accusation inacceptables pour la
24 Croatie. Ils ont parlé de tentatives destinées à intervenir en tant que
25 partie dans la présente affaire, soit au titre d'amicus curiae, soit au
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1 titre d'appui actif à la défense sur le plan financier, juridique ou par le
2 biais de la constitution d'équipes d'experts destinées à assister la
3 Défense ou sous la forme de recueils documentaires destinés à aider la
4 Défense. En tout cas, il a été question de faire tout ce qu'il était
5 possible de faire pour aider la Défense dans la présente affaire. Ces
6 personnes, qui participent à des débats publics au parlement, ne doivent
7 pas être sous-estimées. A certains égards, Monsieur le Président, la
8 Croatie semble être davantage une partie prenante du côté des accusés
9 qu'une source de garanties neutre.
10 Bien entendu, nous ne souhaiterions pas être mal interprétés. Certains
11 pourraient dire que la Croatie a tous les droits d'agir de la sorte. Peut-
12 être. Peut-être en effet. Peut-être peut-elle décider d'agir comme elle le
13 souhaite ? Les accusés peuvent soutenir telle ou telle action, mais il est
14 tout à fait justifié par la Chambre de se poser la question de savoir si la
15 Croatie est une source de garanties neutre ou si elle n'est pas plutôt
16 partie prenante d'un côté dans ce procès.
17 Quant à l'argument des capacités, Monsieur le Président, c'est une autre
18 question. La Chambre devra, même si elle le fait avec quelques réticences,
19 devra décider de se prononcer sur les bonnes intentions du gouvernement
20 croate. Mais, même en partant du principe que ses intentions sont les
21 meilleures du monde, il existe un deuxième élément, à savoir, l'efficacité,
22 la capacité pour la Croatie de remplir, effectivement, ses engagements.
23 Ceci est une question tout à fait différente de celle des bonnes
24 intentions, et malheureusement, là encore, nous avons des exemples. Il peut
25 y en avoir d'autre, mais il y a l'exemple d'Ivica Rajic, qui a échappé à
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1 l'arrestation pendant huit ans, pendant lesquels il était payé par la
2 Croatie en tant que ministre de la Défense. Il y a Pasko Ljubicic, qui a
3 échappé à son incarcération pendant 14 mois. Nous avons également le
4 problème de Gotovina, qui est toujours en fuite. La Croatie a peut-être les
5 meilleures intentions s'agissant d'arrêter Gotovina, de le faire
6 comparaître ici, mais Gotovina n'est pas ici, et le procès même ne pourra
7 commencer tant qu'il n'est pas présent.
8 Les équipes de Défenseurs ont déclaré que la plupart de ces preuves ne sont
9 pas pertinentes étant donné qu'un grand nombre de ces actes étaient
10 imputables au gouvernement de Tudjman. Mais Monsieur le Président, Monsieur
11 le Juge Orie, ces trois exemples que je viens de citer ont tous commencé
12 dans la période ultérieure au gouvernement de Tudjman. Je regrette de
13 devoir le dire. On ne peut aller contre le sens de l'histoire à un rythme
14 aussi rapide que cela.
15 Du point de vue de la Bosnie-Herzégovine, et là encore, je passerai très
16 rapidement. Nous avons quelques éléments fondamentaux à mettre en exergue.
17 Aucune garantie n'a été fournie par l'État ou par le gouvernement au niveau
18 national. Comme la Chambre le sait bien, nous avons deux entités en Bosnie;
19 la fédération d'une part, la Republika Srpska de l'autre. Il y a le
20 gouvernement au niveau national, à savoir, une présidence de trois membres,
21 et quelques institutions nationales, quelques ministères peu nombreux. Au
22 terme de la constitution de Bosnie-Herzégovine, qui est l'entité, au terme
23 de l'entité nationale, il existe des instances très peu nombreuses qui
24 remplissent des obligations internationales dont la production des
25 criminels de guerre au titre de l'accord de Dayton à la communauté
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1 internationale. Nous n'avons pas de garanties ici provenant du gouvernement
2 de l'État ou du gouvernement au niveau national.
3 La police nationale, dont il vient d'être fait état, la SIPA, service
4 d'Information d'État et de protection d'État, un conseil de la Défense en a
5 parlé, et cette police n'en est qu'au stade d'une ébauche, et n'a pas
6 encore fait ses preuves. Ce n'est pas encore une institution qui fonctionne
7 en ce moment.
8 Si le temps le permet, je pourrais soumettre à la Chambre certaines
9 appréciations, faites récemment par le haut représentant, l'ambassadeur des
10 Etats-Unis. Il y a également ce rapport de la police de l'Union européenne
11 qui traite de toutes ces questions. Cette force de police nationale n'est
12 pas encore efficace. Nous espérons qu'elle le sera un jour, mais elle ne
13 l'est pas aujourd'hui.
14 La Republika Srpska n'a fourni aucune garantie. On peut se demander si un
15 Croate de Bosnie, voulant aller du côté serbe pourra y parvenir. Nous
16 savons tous, malheureusement -- je répète, malheureusement -- que la
17 Republika Srpska est devenue une zone sans droit pour les gens qui essaient
18 d'échapper à ce Tribunal. Malgré le fait que le Tribunal s'efforce toujours
19 de capturer Radovan Karadzic, des années se sont écoulées, et la Republika
20 Srpska n'a fourni toujours aucune garantie.
21 Finalement, et je ne pourrais qu'aborder très rapidement cette question.
22 S'agissant du canton, le ministre de l'Intérieur du canton de la Neretva en
23 Herzégovine a fourni une garantie. Manifestement, c'est une garantie d'une
24 importance secondaire, car si l'un des accusés présents ici décide de
25 passer dans un autre canton, cette garantie n'a plus aucun effet. Nous
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1 avons donc souligné un certain nombre d'incohérences, Monsieur le
2 Président. Nous en avons terminé avec ce problème des garanties au niveau
3 du canton. En tout cas, des informations fournies par certains des accusés
4 vont à la contre de ce qui figure dans le texte de cette garantie, et je
5 n'ai tout simplement pas le temps de passer cela en revue en détail, mais
6 c'est le cas.
7 Des questions sérieuses se posent quant à la fiabilité de la Fédération ou
8 du canton, en tout cas, à sa capacité d'agir en tant qu'institution
9 susceptible de faire respecter la loi.
10 Pouvons-nous réellement estimer, même avec les meilleures intentions du
11 monde, que les autorités du canton pourraient faire en sorte que les
12 accusés se trouvent ici au moment voulu ? Pouvons-nous réellement avoir
13 l'assurance que ces instances du canton empêcheront les victimes et les
14 témoins d'être harcelés ?
15 En conclusion, Monsieur le Président, je ne fais que jeter un coup d'œil à
16 mes notes. Je vous prie de m'excuser pour avoir été aussi long, mais il est
17 toujours difficile pour un représentant de l'Accusation de prévoir que la
18 Chambre risque de se prononcer contre cette position car, bien entendu,
19 comme nous l'avons déjà fait savoir haut et fort, nous estimons que chacun
20 des hommes assis au banc des accusés ici, pour les motifs qui viennent
21 d'être évoqués, doit rester en détention avant le début du procès.
22 D'ailleurs, dans la plupart des systèmes judiciaires du monde, cela serait
23 le cas. Si la Chambre va dans le sens contraire, et nous espérons néanmoins
24 qu'elle adoptera notre position, mais bien sûr elle est complètement libre
25 de rendre les décisions qu'elle souhaite. Si elle va à l'encontre de nos
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1 positions, nous demanderons au moins à la Chambre d'imposer les conditions
2 les plus strictes possibles associées à cette remise en liberté des
3 accusés. Nous serions fermement opposé à leur remise en liberté dans des
4 régions où des victimes et des témoins résident actuellement. Nous serions
5 fermement opposé à toute liberté de mouvement trop importante pour les
6 accusés. Je n'ai pas eu la possibilité de parler aux représentants de
7 l'État de Croatie, mais je pourrais communiquer directement avec eux,
8 Monsieur le Président, lorsque la Chambre le souhaitera. J'aimerais
9 vraiment connaître leur position par rapport aux mesures éventuelles que
10 l'État de Croatie pourrait mettre en œuvre pour une assignation à
11 résidence, s'agissant des six accusés. En tout cas, pour quatre accusés, si
12 j'ai bien lu les écritures, puisque c'est l'option qui a été évoqué pour
13 quatre d'entre eux. Ce qui m'intéresserait, c'est de connaître également
14 les positions de la Croatie, quant à la façon dont cette assignation à la
15 résidence pourrait être mise en œuvre dans le concret.
16 La Chambre souhaiterait poser des questions. Très franchement, nous avons
17 très peu d'information sur la situation financière des accusés, ce qui
18 montre la difficulté de recueillir des informations dans l'environnement
19 dont nous parlons. Des indications existent quant au fait que certains des
20 accusés sont très aisés. La Chambre dans ces conditions pourraient
21 souhaiter imposer une caution financière s'ajoutant aux autres conditions
22 qui pourraient être imposées par elle.
23 Monsieur le Président, nous nous rendons bien compte de l'indulgence de la
24 Chambre nous permettant de nous exprimer aussi longuement. Nous sommes
25 d'avis que les hommes présents ici devraient rester en détention pour les
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1 raisons évoquées. S'ils ne restent pas en détention, nous demandons dans
2 l'intérêt des victimes que la Chambre impose des conditions très strictes,
3 et que s'ils ne sont pas détenus à Scheveningen, l'assignation à résidence
4 à Zagreb soit la seule possibilité de rechange.
5 Merci, Monsieur le Président. Merci, Monsieur le Juge Orie.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Scott, j'ai une question à vous
7 poser. Vous avez parlé du fait que certains accusés disposeraient d'une
8 grande fortune. Parlez-vous des articles de journaux que j'ai évoqués moi-
9 même, et qui décrivent certains comme étant à la tête d'une grande fortune
10 ?
11 M. SCOTT : [interprétation] C'est malheureusement, Monsieur le Président,
12 pour être tout à fait clair, c'est notre principale source d'information.
13 Nous avons entendu cela de la bouche d'autres personnes sur le terrain.
14 Egalement, des témoins, si vous préférez. Je n'ai pas le temps de rentrer
15 dans le détail, mais je dirais je pourrais vous apporter des éléments
16 illustratifs si nous traitons de ce problème plus tard.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends. Puisque nous parlons d'une
18 question financière, souhaitez-vous que la Chambre impose une condition
19 financière sur la base des articles de
20 journaux ?
21 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, probablement pas. Mais
22 je pense, et j'inviterais à la Chambre, avec le respect que je lui dois, à
23 s'enquérir de façon plus approfondie sur la situation financière des
24 accusés. La Chambre peut, peut-être, avoir accès à des renseignements que
25 nous ne possédons pas, au moins pour le moment, et donc j'aimerais au moins
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1 que les Juges réfléchissent à la question. Il y a un dicton selon laquelle
2 "il n'y a pas de fumée sans feu", et je pense que des indications existent
3 en nombre suffisant pour démontrer que certains de ces hommes sont à la
4 tête d'une fortune relativement importante. Jusqu'à présent, Monsieur le
5 Président, je suis d'accord, l'Accusation ne dispose d'aucune preuve
6 réellement probante à cet égard.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Scott.
8 Avant de donner la possibilité aux représentants des gouvernements de
9 s'exprimer, j'aimerais poser quelques questions à vous d'abord, Maître
10 Alaburic, au sujet de M. Petkovic.
11 Nous avons vu dans la réponse à l'Accusation qu'il est fait référence à un
12 compte rendu d'une réunion qui a eu lieu il y a déjà quelque temps, une
13 réunion au cours de laquelle un certain
14 M. Miljevac dit avoir entendu M. Petkovic dire certaines choses au cours de
15 sa déposition dans l'affaire Blaskic. Je vois que
16 M. Petkovic fait un signe négatif de la tête. Pourriez-vous aider la
17 Chambre en expliquant pour quelle raison M. Miljevac aurait raconté une
18 histoire créée de toutes pièces au sujet de cette réunion ? Pourquoi est-ce
19 qu'il aurait inventé de telle chose ? Y a-t-il une explication ? Pouvez-
20 vous nous apporter une explication au sujet en dehors du fait de dire que
21 M. Petkovic ne s'est jamais exprimé de cette façon ?
22 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, personnellement, je
23 ne sais pas pourquoi M. Miljevac, a cette réunion du 13 avril 1999, a dit
24 ce qu'il a dit, selon le procès verbal en question. Je n'assistais à cette
25 réunion. Il m'est difficile de dire pour quelle raison M. Miljevac a dit ce
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1 qu'il a dit au sujet de cette conversation qu'il aurait eue avec M.
2 Petkovic. Je ne sais pas pourquoi il aurait déformé les choses de cette
3 façon. Ce que je peux dire, seulement sur la base du procès-verbal en
4 question, et du rapport de renseignements provenant de Croatie en date de
5 1998, ainsi que sur la base de ce que je sais en tant que simple citoyenne
6 de la République de Croatie, qui lit les médias, la presse, et qui a
7 d'autres choses de renseignements. Je ne peux dire que ce que je suppute à
8 cet égard.
9 Il y avait un certain nombre de personnes qui étaient chargées de suivre la
10 coopération de la République de Croatie avec le TPIY. Comme vous le savez,
11 la Croatie a un bureau chargé de cette coopération. Elle est plus
12 responsable aux Croates et elle a des représentants au sein de ce bureau.
13 Pour autant que j'aie pu le comprendre, sur la base des comptes rendus,
14 sur la base des procès-verbaux, ce bureau s'est efforcé d'aider la Défense
15 de divers accusés en leur fournissant des documents, et selon ce procès-
16 verbal que j'ai lu, les services de renseignements semblent s'être efforcé
17 de faire en sorte que ces équipes de défense puissent être assistées par
18 voies documentaires, de façon à ce que les intérêts des accusés croates
19 soient mieux protégés.
20 Sur la base de ces documents, je pense que M. Miljevac, qui était à
21 l'époque ministre de la Défense, souhaitait, s'agissant du témoignage de M.
22 Petkovic dans l'affaire Blaskic, souhaitait donc s'exprimer d'une façon
23 susceptible de correspondre aux vœux des responsables du renseignement. Ce
24 que je peux dire, c'est que dans une partie du procès-verbal dont nous
25 parlons, mon client est mentionné dans les mots suivants, je cite : "Il
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1 n'est pas l'un des nôtres. Il ne fait pas partie de notre groupe. Il ne
2 fait pas partie de notre cercle."
3 Je ne peux me prononcer, même si le général Petkovic et mon client, je ne
4 peux me prononcer quant aux motifs qui auraient pu amener M. Miljevac à
5 dire ce qu'il a dit en présence de M. Tudjman, sauf à supputer que, lorsque
6 les plus hauts responsables d'un pays s'expriment, au côté de et en
7 présence de M. Tudjman, ils essaient de se présenter sous le meilleur moyen
8 possible et d'apparaître comme des hommes qui travaillent très dur dans
9 l'intérêt de la Croatie. Ce que je crois, c'est qu'il convient de vérifier
10 si mon client, M. Petkovic a fait un faux témoignage ou pas dans l'affaire
11 Blaskic.
12 Dans la présente affaire, je pense que ceci est, tout à fait,
13 vérifiable. Il suffit de se pencher sur le comte rendu de sa déposition et
14 de voir, en lisant de très près ce procès verbal, s'il a, effectivement,
15 témoigné en se fondant sur ses souvenirs, ou s'il a, à quelque moment que
16 ce soit, menti en faveur du général Blaskic ou au dépens du général Blaskic
17 ou en faveur ou au dépens de la République de Croatie. Si la présente
18 Chambre de première instance estime que cette question est pertinente dans
19 l'affaire qui nous intéresse, je propose que l'on reprenne la déposition de
20 mon client dans l'affaire Blaskic qui, si je ne m'abuse, est encore un
21 document confidentiel, que l'on se penche sur ce document et qu'on en
22 discute à huis clos complet. Le Procureur pourrait, dans ces conditions,
23 nous faire connaître, plus précisément, les éléments qu'il estime
24 contraires à la vérité dans la déposition de mon client et un débat, tout à
25 fait, clair devrait se dérouler sur ce sujet.
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1 Je suis convaincu, pour ma part, que l'Accusation s'est fondée sur la
2 déclaration d'un tiers pour s'efforcer, d'une façon ou d'une autre, de
3 jeter le discrédit ou, en tout cas, le doute sur la déposition de mon
4 client. A mon avis, dans les débats qui sont les nôtres ici, une telle
5 action n'est pas nécessaire. Si le Procureur souhaite dire d'une personne
6 ou d'une autre qu'elle est responsable d'un faux témoignage, je voudrais
7 que la chose soit dite de la façon la plus transparente qui soit, et qu'un
8 débat soit organisé à ce sujet.
9 Il n'y a aucune nécessité pour agir de la sorte contre mon client.
10 Mon client a témoigné dans l'affaire Blaskic, alors qu'il ne faisait
11 l'objet d'aucun acte d'accusation. Le Procureur n'a rien eu à redire, à
12 l'époque. Il n'a élevé aucune objection par rapport au contenu de la
13 déposition de mon client dans cette affaire Blaskic. Donc, je considère
14 que, dans la présente audience qui s'intéresse à la remise en liberté
15 provisoire de mon client, jeter de tels doutes quant à la véracité de ses
16 dires au cours de sa déposition, n'est pas digne d'être pris en
17 considération. Si d'autres explications sont nécessaires, j'en suis à votre
18 disposition, Monsieur le Président, Monsieur le Juge.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons entendu quelques arguments
20 et, également, une réponse à la question que je vous avais posée. Je vous
21 remercie de votre réponse. Puisque vous vous êtes lancé dans quelques
22 arguments, j'aimerais, maintenant, donner à M. Scott la possibilité d'y
23 répondre, très rapidement. J'aurais, également, une question à poser à Me
24 Salahovic, que je lui poserai également.
25 D'abord, Monsieur Scott, permettez-moi de vous demander un éclaircissement.
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1 Est-il vrai que le procès verbal de la réunion du 16 septembre 1998, que
2 vous avez soumis en tant qu'annexe D à la requête de M. Petkovic a,
3 également, été soumise à la Chambre en tant que document annexe joint à la
4 réponse du Procureur à la requête de M. Prlic ?
5 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
6 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Juge Orie, je suis vraiment navré,
7 nous allons devoir retrouver le texte, il s'agit du procès verbal d'une
8 réunion qui a eu lieu en 1999. Je crois qu'effectivement, cela est annexé à
9 la réponse de la requête de M. Petkovic.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais c'est, également, un annexé au
11 procès verbal d'une réunion qui a eu lieu en 1998. Je crois que je fais
12 référence, maintenant, à l'annexe B. Permettez-moi de vérifier quelques
13 instants.
14 M. SCOTT : [interprétation] Il s'agit de la réponse du Procureur, de
15 la requête Prlic.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement, il s'agit de
17 l'annexe D dans la réponse Petkovic. Est-ce que cette même annexe figure,
18 également, dans le document Prlic ?
19 M. SCOTT : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais une question à vous poser,
21 Monsieur Salahovic. L'Accusation a présenté une transcription d'une réunion
22 lors de laquelle M. Prlic était présent. Ce que je voudrais dire est la
23 chose suivante, je vais essayer d'être le plus neutre que possible,
24 l'atmosphère qui prévalait dans cette réunion, à prime abord, était très
25 intéressante à savoir de quelle façon les conseils de la Défense se
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1 comporteraient lorsqu'ils défendraient les intérêts de certaines personnes.
2 Dans la transcription, nous ne voyons aucune observation faite par M. Prlic
3 stipulant qu'il s'opposerait à une telle atmosphère, où il est dit que la
4 Défense ne devrait pas, seulement, exister pour l'accusé, mais devrait être
5 bien coordonnée et que tous les avocats devraient être sous la même
6 bannière, c'est tout du moins ce que nous pouvons voir. Une autre phrase
7 dit : "Je me suis entretenu avec certaines personnes, et je crois que ces
8 avocats ne peuvent pas travailler tout seul et fonctionner d'une affaire à
9 l'autre." Cela crée une atmosphère dans laquelle on attribue la
10 responsabilité individuelle au conseil comme étant celle ne pouvant avoir
11 une influence sur la façon dont les avocats se comportent.
12 Je ne vois aucune réponse -- je ne vois pas une opposition, faite par
13 M. Prlic. Pourriez-vous, je vous prie, répondre à cette question ? Il
14 s'agit d'une question à laquelle vous n'avez pas répondu dans vos
15 écritures.
16 M. SALAHOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
17 J'ai tenté de comprendre et je souhaite dire la chose suivante :
18 aujourd'hui, lorsque je me suis adressé à vous, je souhaitais dire et
19 insister sur le fait que ma conviction est toujours fournie pour ce qui est
20 des éléments de preuve pour lesquels nous pouvons vérifier la véracité et
21 l'authenticité. Il me semble que ces qualités ne figurent pas dans ce
22 compte rendu, dans cette transcription qui est fournie. C'est la raison
23 pour laquelle j'accepte, sous réserve, ce que l'on a dit.
24 Je souhaite dire plus loin : je ne me sais, vraiment, pas --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre
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1 quelques instants car je vous pose une question. Vous dites que
2 l'authenticité de cette transcription semble être douteuse, est-ce que vous
3 avez demandé à l'Accusation d'où cette transcription provient et comment
4 l'Accusation l'a produite. Cela pourrait soutenir votre idée, concernant la
5 non authenticité. Qu'est-ce que vous avez fait, en d'autres mots, pour
6 vérifier l'authenticité ou la non authenticité de ce document ?
7 M. SALAHOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. En
8 fait, je me suis approché de lui, comme je l'ai dit aujourd'hui, de bonne
9 foi. Ce document, pour moi, ne comprend pas les éléments élémentaires, les
10 éléments fondamentaux et je ne m'attendais, vraiment, pas que l'on attribue
11 un tel poids à ce document. Je souhaiterais dire qu'une seule phrase
12 concernant ce que vous m'avez demandé.
13 Je ne vois pas que, dans cette conversation, M. Prlic dit quelque
14 chose de négatif sur le contrôle, et essaie d'évoquer les droits de
15 l'accusé devant ce Tribunal pour exposer librement leur défense.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Salahovic, ma question était
17 fort simple. Je ne voulais pas demander, je ne voulais pas, non plus,
18 suggérer que M. Prlic a dit quoi que ce soit sur ce sujet. Je voulais,
19 simplement, attirer votre attention sur le fait qu'effectivement, il y a eu
20 une discussion à laquelle M. Prlic était, supposément, présent. Au cours de
21 cette conversation, certains participants, certaines personnes qui ont pris
22 part à la conversation ont dit que les conseils faisaient ce que bon leur
23 semblait, et que tous les conseils devraient travailler sous la même
24 bannière. Ce que nous pouvons comprendre de là, c'est qu'on peut voir qu'il
25 y a une certaine ingérence sur la façon dont les conseils mènent leur
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1 défense. M. Prlic était présent, quel est le commentaire que vous pouvez
2 faire concernant ceci ? M. Prlic n'a pas dit non, vous ne pouvez pas faire
3 cela, c'est au conseil de la Défense de défendre chaque individu qu'il
4 souhaite défendre.
5 C'est la question que je souhaite soulever. Ce n'est pas si M. Prlic
6 a exprimé des opinions divergentes ou illégales. Je voudrais vous demander,
7 est-ce que vous croyez que, suite à cette intervention concernant les
8 défenses individuelles, est-ce que, selon vous, est-ce un commentaire
9 légitime ou illégitime ?
10 M. SALAHOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je serai bref
11 et clair. Je suis contre chaque ingérence dans le travail d'un conseil de
12 la Défense. J'ai, tout à fait, bien compris votre question. De ce document,
13 nous pouvons voir que M. Jadranko Prlic n'a jamais appuyé ce genre de
14 position.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Où peut-on lire cela ? Si vous dites que
16 le document ne démontre pas qu'il ait appuyé ce genre de phrase. On ne voit
17 pas qu'il s'est opposé non plus, même s'il était présent et a pris part à
18 la réunion, si l'on prend pour acquis que la transcription était, assez,
19 authentique pour établir ce fait. Vous dites que le document démontre qu'il
20 n'a pas soutenu ce point de vue. Où puis-je lire qu'il n'était pas d'accord
21 avec cela ?
22 M. SALAHOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le fait
23 d'avoir été présent à la réunion représente un appui. Il n'a pas parlé de
24 cela, il n'a pas évoqué ce fait, il ne s'est pas prononcé là-dessus ?
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je vois. Vous avez dit Monsieur
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1 Salahovic : "Ce document démontre que M. Jadranko Prlic n'a pas appuyé ces
2 positions." Ce que vous nous dites maintenant, c'est que sa simple présence
3 ne veut pas dire qu'il soutient les propos qui sont prononcés par d'autres
4 personnes. Je suis d'accord avec vous, mais vous avez dit que le document
5 démontre qu'il n'a pas appuyé ce genre de thèse. En fait, est-ce que vous
6 vouliez dire que le document ne démontre pas qu'il a, explicitement,
7 soutenu ou donné son appui pour ce qui est des propos prononcés par
8 d'autres personnes ?
9 M. SALAHOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
10 Vous m'avez posé plusieurs questions. Je vous prie de ne pas oublier le
11 fait suivant, les circonstances entourant cette conversation. On a débattu,
12 on a parlé avec des personnes qui sont des personnes qui ont beaucoup
13 d'influence, et vous permettrez qu'eu égard aux circonstances, le fait de
14 ne pas se prononcer et de taire son opinion, que le silence est un signe
15 suffisant d'opposition.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est votre opinion et votre
17 interprétation du silence. Je vous remercie. Souhaiterez-vous ajouter
18 quelque chose ou était-ce ce que vous aviez à dire concernant cette
19 question ?
20 M. SALAHOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
21 Monsieur le Juge. Pour l'instant, je n'ai rien à ajouter.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Je souhaiterais, d'abord,
23 permettre aux représentants des gouvernements de s'exprimer et, notamment,
24 du gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
25 Madame Kristo, dois-je comprendre que vous allez confirmer, oralement, les
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1 garanties, ou néanmoins les engagements pris par votre gouvernement qui ont
2 déjà été communiqués par écrit ? Si oui, je souhaiterais vous entendre là-
3 dessus et je souhaiterais, également, vous demander de répondre à la
4 question de la SIPA. Il s'agit d'une agence de protection et des forces de
5 l'État, dont les conseils nous ont parlé. Je vous remercie.
6 Mme KRISTO : [interprétation] Je vais tenter de fournir les garanties de
7 façon orale que le gouvernement de la Fédération a fournies concernant les
8 accusés Jadranko Prlic, Bruno Stojic, Valentin Coric, et Slobodan Praljak.
9 Au nom de la Fédération, j'exprime la volonté que le gouvernement de la
10 Fédération se pliera à toutes les injonctions émises par le Tribunal et
11 respectera toutes les conditions imposées pour les accusés par le Tribunal
12 pénal international. Notamment, si la Chambre de première instance de ce
13 Tribunal décide que, conformément à l'Article 5 du règlement de procédure
14 et de preuve, donne une ordonnance concernant une mise en liberté
15 provisoire des accusés et demande que ces derniers résident sur le
16 territoire de la Fédération, j'offre une garantie au nom de la Fédération,
17 que les autorités de la Fédération garantiront que les accusés répondront à
18 chaque appel, à chaque injonction de venir se présenter au Tribunal de La
19 Haye ou tout autre endroit qui est désigné par la Chambre de première
20 instance et qu'ils se plieront à toutes les autres demandes du Tribunal
21 imposées par une décision de cette Chambre.
22 Monsieur le Président, je souhaite, également, ajouter que nous avons des
23 engagements supplémentaires et que la Fédération est prête à remplir
24 d'autres conditions supplémentaires que la Chambre de première instance de
25 cet honorable Tribunal imposera au gouvernement de la Fédération afin de
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1 remplir toutes les conditions pour la mise en liberté provisoire des
2 accusés et ce, avant le début du procès.
3 C'est une affirmation que j'affirme en tant que membre du gouvernement de
4 la Fédération, en tant que membre du ministère de la Justice stipulant que
5 le ministère de la Justice est un organe qui a, toujours, mené à bien
6 toutes les actions et s'est plié à toutes les demandes du Tribunal, que la
7 République de Bosnie-Herzégovine avait envers le Tribunal.
8 Le gouvernement assure les garanties qu'il fournira les instruments
9 nécessaires à remplir toutes les conditions qui lui seront imposées par
10 cette honorable Chambre et par cette honorable institution.
11 Si vous avez des questions supplémentaires, je demeure à votre disposition
12 pour y répondre, merci.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai, peut-être, manqué un point. L'une
15 des questions que les conseils ont abordées était la question de
16 l'efficacité. A quel point la Fédération peut-elle être efficace si un
17 accusé, par exemple, ne se trouve pas sur le territoire de la Fédération
18 mais bien sur le territoire de la Republika Srpska ? Dans ce contexte,
19 l'agence, le service de protection de la SIPA a été mentionné par le
20 conseil de la Défense. Cela semble être un organe qui nous laisse à croire
21 que c'est une institution qui pourrait nous aider, alors que le Procureur
22 semble croire le contraire. Dites-moi : la Fédération peut-elle être
23 efficace si jamais quelqu'un fuirait sur le territoire de Republika Srpska
24 ? A quel point la SIPA pourrait-elle être efficace ?
25 Mme KRISTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
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1 comprends très bien votre souci. Je dois vous dire que je suis très
2 optimiste concernant cette question. Les autorités qui se trouvent sur la
3 frontière de Bosnie-Herzégovine fonctionnent très bien. C'est-à-dire que
4 les entités sont responsables de collaborer avec le ministère de Sûreté qui
5 sont placées sur les frontières et coopèrent de façon régulière avec
6 l'Interpol afin de pouvoir remplir les conditions nécessaires. J'espère que
7 vous avez pu être convaincu des conditions de l'efficacité des garanties
8 fournies jusqu'à présent par le gouvernement de la République de Bosnie-
9 Herzégovine.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame. Vous avez
11 évoqué cinq accusés, non pas M. Petkovic. Est-ce que je vous ai bien
12 compris ? Vous n'avez fourni aucune garantie concernant M. Petkovic. C'est
13 le gouvernement croate qui a fourni les garanties concernant M. Petkovic.
14 Pourrais-je, à ce moment-là, vous inviter Monsieur Muljacic de
15 prendre la parole et de confirmer, si possible, les garanties écrites déjà
16 fournies par le ministère de la Justice de la Fédération de Bosnie-
17 Herzégovine qui est une garantie illimitée, c'est-à-dire que le
18 gouvernement remplira toutes les conditions imposées par la Chambre de
19 première instance. Puis-je vous entendre ?
20 M. MULJACIC : [interprétation] Je vais me prononcer dans ma propre langue,
21 si vous le permettez.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, certainement.
23 M. MULJACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis Janko
24 Muljacic, substitut du ministère de la Justice. Je suis accompagné par M.
25 Frane Krnic, ambassadeur de la République de Croatie aux Pays-Bas. Je
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1 souhaiterais confirmer, oralement, que pour ce qui est de M. Berislav
2 Pusic, M. Valentin Coric, Milivoj Petkovic, Slobodan Praljak, Bruno Stojic
3 et Jadranko Prlic, citoyens croates, pour ces derniers, le gouvernement
4 croate remplira toutes les conditions imposées par le Tribunal pénal
5 international s'ils étaient remis en liberté. Le gouvernement croate
6 entreprendra toutes les mesures nécessaires afin de s'assurer que les
7 messieurs déjà énumérés comparaîtront. Nous souhaiterions vous offrir les
8 garanties que les accusés, s'ils étaient libérés, ne mettront pas en danger
9 aucune victime, aucun témoin ou toute autre personne.
10 Le gouvernement de Croatie souhaite fournir tous les engagements
11 supplémentaires et remplira tous les engagements qui seront imposés par le
12 Tribunal. Monsieur le Président, si vous le permettez, je souhaiterais me
13 pencher sur certaines allégations faites par le Procureur concernant la
14 coopération de la République de Croatie avec ce Tribunal. Cette coopération
15 sera évaluée par Mme Carla del Ponte et M. Meron est maintenant, tout à
16 fait, complète. La République de Croatie a, effectivement, toujours coopéré
17 pleinement avec le Tribunal, en tant qu'état de droit, assure que si jamais
18 le Tribunal pénal international prendrait une décision, respectera toutes
19 les décisions et toutes les impositions et les conditions imposées par le
20 Tribunal pénal.
21 Je souhaiterais, également, parler de quelques autres allégations. Lorsque
22 le nouveau gouvernement croate est arrivé à la tête du gouvernement, l'une
23 des priorités de ce nouveau gouvernement était la coopération pleine et
24 entière avec le Tribunal pénal international de La Haye. Le premier
25 ministre, en personne, me l'a annoncé, et une des premières mesures prises
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1 par le gouvernement a été de faire avancer cette coopération du domaine
2 politique vers les ministères respectifs, le ministère de la Justice et
3 celui de l'Intérieur. Depuis, effectivement, nous avons bénéficié d'une
4 coopération pleine et entière pour ce qui est des accusés, des témoins, des
5 documents conformément au statut et aux règlements du Tribunal.
6 A plusieurs reprises, Mme Carla del Ponte, le Procureur du Tribunal a
7 déclaré, elle a dit que tout ce qui avait été promis, en janvier, avait été
8 fait; que la Croatie coopérait pleinement; qu'en fait, elle a pris la
9 Croatie comme modèle pour tous les autres pays de la région. Ceci ne
10 voulait pas dire que la Croatie n'a pas le droit de protéger ses propres
11 intérêts, mais lorsque l'acte d'accusation a été délivré contre les
12 généraux Markac, notamment, et contre les accusés ici présents, le premier
13 ministre a envoyé une lettre au Tribunal, sans mentionner la responsabilité
14 individuelle de qui que ce soit, car après tout, c'est une décision qui
15 incombe à la Chambre.
16 La République de Croatie a été présentée comme étant un État qui est en
17 cause dans ses responsabilités internationales. Cette lettre a été envoyée
18 au président du Tribunal. On lui demandait son avis sur le plan juridique.
19 Ce Tribunal dit que la République de Croatie a le droit de protéger les
20 intérêts de ses citoyens. Vous savez qu'il y a le poste d'amicus curiae en
21 ce Tribunal et, au début du procès, la Croatie peut demander à obtenir ce
22 statut d'amis de la Chambre et, en tant que tels, d'évoquer certains
23 éléments, certaines qualifications juridiques qui se trouvent dans l'acte
24 d'accusation et qui ne sont pas acceptables pour la Croatie.
25 C'est la raison pour laquelle la Croatie a, toujours, assuré une
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1 bonne collaboration avec le Tribunal respectant pleinement le rôle du
2 Tribunal et de ses Chambres. Je pense, par conséquent, Monsieur le
3 Président, Monsieur le Juge, que les garanties fournies par la Croatie
4 seront respectées.
5 La République de Croatie a déjà fourni des garanties, notamment, dans
6 les affaires Ademi et Norac. Ici, en l'espèce, nous pensons, une fois de
7 plus, que nous pourrons honorer nos obligations et respecter toute
8 ordonnance rendue par la présente Chambre. Merci.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Je voulais vous poser
10 une question précise. Certains conseils de la Défense et l'Accusation ont
11 évoqué la possibilité d'une assignation à résidence, c'est-à-dire que les
12 déplacements, les mouvements des accusés seraient encore davantage
13 restreints, réduits, ce n'est pas une situation où ils pourraient être dans
14 un village et se présenter, quotidiennement, à la police, mais il serait
15 assigné à résidence. Quelles seraient les possibilités pratiques de voir
16 ceci mis en oeuvre ? Est-ce qu'il y a des obstacles juridiques à
17 l'éventuelle imposition d'une assignation à résidence ?
18 M. MULJACIC : [interprétation] La législation croate connaît bien ce
19 système. Elle pourrait, parfaitement, l'appliquer si c'était là, la
20 décision de la Chambre.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Même si c'était à la demande d'une
22 institution étrangère ?
23 M. MULJACIC : [interprétation] Tout à fait.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux poser la même
25 question s'agissant de l'assignation à résidence à Mme le ministre, à Mme
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1 Kristo ?
2 Mme KRISTO : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous pose la même question. Est-ce
4 que ce serait quelque chose de faisable, ou est-ce qu'il y aurait des
5 obstacles de nature juridique qui s'y opposerait ?
6 Mme KRISTO : [interprétation] Le gouvernement de la Fédération est prêt à
7 mettre à exécution toutes les décisions, ou toutes ordonnances
8 supplémentaires que pourraient rendre la Chambre afin de permettre la mise
9 en liberté provisoire desdits accusés. Ce qui veut dire qu'il n'y a pas
10 d'obstacles juridiques qui pourraient se dresser à l'exécution de toute
11 ordonnance ou de tout critère imposé par la présente Chambre.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai été informé du fait que M. Prlic
15 aimerait s'adresser à la Chambre. Si d'autres accusés souhaitent le faire,
16 pour autant qu'ils respectent certaines limites en matière de temps, ils
17 pourront le faire.
18 Monsieur Prlic. Mais je vois que Maître Kovacic se lève.
19 M. KOVACIC : [interprétation] Oui. Mon client voudrait aussi saisir cette
20 occasion, le temps de dire quelques phrases.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je donne, d'abord, la parole à M. Prlic,
22 et ce sera le tour le M. Praljak.
23 L'ACCUSÉ PRLIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
24 J'ai deux minutes. Je voudrais tout d'abord vous dire que je m'engage au
25 cas où vous faites droit à ma requête, à me conformer à toute ordonnance,
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1 et que je ne m'opposerais pas à l'administration de la justice. Si je suis
2 en liberté provisoire, je serai dans l'appartement qu'occupent ma femme et
3 mes enfants. Je poursuivrai mes recherches, mon travail de recherche en
4 économie politique. J'aurai le soutien financier de mon épouse, et aussi
5 des fruits qu'apporte mon travail de recherche et mon travail scientifique.
6 Depuis 15 ans, dans mon État natal de Bosnie-Herzégovine, à l'égard de mes
7 concitoyens, j'ai affiché un comportement qui doit vous inspirer la
8 confiance. J'ai pris une décision d'une façon indépendante. Je me suis
9 livré et se fut, là, la conséquence logique de mon comportement.
10 Je me suis trouvé dans une situation, en fait, qui décide de mon sort, mais
11 aussi du sort de ma famille. Ma famille et moi, nous allons défendre notre
12 honneur, ici, devant ce Tribunal. C'est un choix que j'ai pris, un choix
13 irrémédiable. Mais j'ai pris la décision de montrer que les charges
14 retenues contre moi sont dénuées de tout fondement, et que je ne suis pas
15 responsable des crimes dont on m'accuse. Mais je ne peux le faire qu'ici.
16 Par conséquent, vous n'avez aucune crainte à avoir. Même si je suis mis en
17 liberté provisoire, je ne vais pas changer d'avis.
18 Les arguments, à l'appui de ma requête, ont été présentés oralement et par
19 écrit. Je n'aurais qu'à ajouter ceci : il n'y a pas une seule personne au
20 monde qui tienne davantage que moi à comparaître devant vous. Si les
21 charges retenues contre moi ne sont pas mises en échec, ma vie n'a plus
22 aucun sens.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Prlic.
24 D'abord, j'aimerais permettre à M. Praljak de s'exprimer, je lui avais
25 promis. Monsieur Praljak, vous avez la parole.
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1 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je serai encore plus bref que le temps
2 que vous m'avez imparti.
3 Je commencerai par les faits. Mon nom circulait sur le territoire de la
4 République de Croatie en tant qu'accusé potentiel bien avant l'affaire
5 Blaskic. Je savais, par conséquent, depuis des années, que je risquais
6 d'être mis en accusation. Bien sûr, il n'a pas été simple de vivre en but à
7 cette pression constante exercée par les médias, qui disaient que je
8 pouvais quitter dès le lendemain.
9 J'ai subi beaucoup d'interrogatoires, et au cours de chacun d'entre eux, on
10 m'a demandé ceci : est-ce que j'allais comparaître si j'étais sommé de
11 comparaître devant vous ? J'ai répondu par l'affirmative. J'ai subi
12 beaucoup d'interrogatoires à Mostar et à Banja Luka, et j'ai toujours
13 répondu par l'affirmative. J'ai toujours su que le Tribunal préférait les
14 personnes plus hautes placées dans les états concernés. Si j'avais eu la
15 moindre intention de fuir, je l'aurais déjà fait bien plutôt. Au contraire,
16 j'ai attendu patiemment. Mais, en inverse de M. Prlic, je ne vais pas
17 prouver mon innocence ici. Je reste innocent tant qu'on ne prouve pas ma
18 culpabilité.
19 J'ai été général croate. J'ai occupé beaucoup de postes et de fonctions. Je
20 suis fier de tout ce que j'ai fait dans ma vie, et rien ne m'empêchera de
21 défendre devant vous toute ma vie, toute mon œuvre. Soyez assuré du fait
22 que je comparaîtrai, ici, chaque fois ou à tout moment lorsque vous me le
23 demanderez.
24 C'est simplement logique. Quelqu'un qui va bientôt, dans quelques mois,
25 avoir 60 ans, croit logiquement qu'un quartier pénitentiaire où les moyens
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1 de communication sont limités -- je parle de la communication avec les
2 membres de sa famille -- c'est bien pire que la mise en liberté provisoire.
3 Je n'ai pas du tout l'intention de fuir si je suis en liberté provisoire.
4 Je suis venu ici pour me défendre, et tout ce que j'ai fait dans mon pays
5 d'origine. Je vous remercie.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Praljak.
7 M. ALABURIC [interprétation] : Excusez-moi.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
9 M. ALABURIC [interprétation] : Excusez-moi. Mais M. Petkovic viens de faire
10 signe pour dire que lui aussi, il aimerait s'adresser brièvement à vous, et
11 je vous demande de lui donner l'autorisation de le faire.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez deux minutes. Quand je dis
13 deux minutes, je sais qu'en général vous prenez deux minutes et demi, ou
14 deux minutes et 45 secondes. Essayez de respecter le temps imparti.
15 L'ACCUSÉ PETKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. A
16 l'instar de général Praljak, je peux dire que moi, je vis depuis sept ans
17 sous ce fardeau, dans cette crainte ou dans la possibilité d'être mis en
18 accusation. A deux reprises j'ai déjà répondu à l'appel de votre Tribunal.
19 Je connais le type de chefs d'accusation qui sont retenus, ici, dans ce
20 Tribunal, et je sais qu'on peut risquer une peine lourde. Au cours de cette
21 année, je n'ai jamais songé à fuir. J'ai décidé, au contraire, de venir de
22 mon plein gré. Au cours de la procédure d'extradition, le ministre de la
23 Défense, en l'occurrence, nous a informé, et quelqu'un nous a demandé si
24 nous étions prêt à partir sous huitaine. C'était un vendredi, et je pense
25 que nous allions partir dès le lundi suivant. On nous a
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1 dit : allez chercher des billets.
2 Je respecte la loi. Je suis un citoyen de la République de Croatie. Je n'ai
3 jamais exprimé un seul avis négatif à propos de ce Tribunal. En tant que
4 bon citoyen et en tant que commis de l'État, j'ai toujours apporté mon
5 soutien à tout ce qui s'est fait. Je ne m'opposerais aucunement à l'effort
6 entrepris par mon État pour coopérer, contribuer au processus d'intégration
7 en Europe. Je répondrai dans toutes citations, à quelque moment qu'elles
8 viennent.
9 Une autre chose. Je ne voudrais pas, je ne rêverais pas, je ne songerais
10 même pas à quitter la Croatie, car ma femme, mon épouse, vient de subir une
11 intervention chirurgicale pour un cancer, elle a besoin de traitement
12 postopératoire. Je serai, ici, à Scheveningen ou en Croatie, et soyez sûr
13 que je répondrai, sans tarder, à toutes citations qui me seraient
14 signifiées.
15 M. OLUJIC : [interprétation] Avec votre permission, M. Bruno Stojic, mon
16 client, voudrait aussi s'adresser à vous.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, l'égalité des armes devant le
18 Tribunal vaut pour tous. Je vous donne la parole. Mais tout d'abord, je
19 souhaite un prompt rétablissement à votre épouse, Monsieur Petkovic.
20 Vous avez la parole, Monsieur Stojic. Puisque M. Petkovic ne porte pas ses
21 écouteurs, il n'a peut-être pas entendu, mais bon.
22 L'ACCUSÉ STOJIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais besoin
23 d'encore moins de temps, Monsieur le Président.
24 Je veux être bref. Je suis d'accord avec tout ce qui est dit par mon
25 conseil. Jamais, je n'ai eu l'intention de fuir et je n'ai pas l'intention
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1 de le faire maintenant. Quand je suis venu à La Haye, je ne pensais pas que
2 c'était le genre d'établissement que c'était. Toutes sortes de rumeurs
3 circulent. La prison n'est pas si mauvaise qu'on ne le dit. C'est plutôt un
4 foyer, une maison de retraite. Je suis tout à fait en mesure de résister à
5 cette situation et je reviendrai si vous me le demandez.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est presque inévitable, Maître Jonjic.
7 Je suppose que votre client veut s'adresser à nous également.
8 Monsieur Coric, vous avez la parole.
9 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
10 Ceux qui ont parlé avant moi ont déjà dit l'essentiel de ce que je veux
11 dire. Je suis venu ici pour défendre mon honneur et personne ne peut
12 m'empêcher de le faire. Je vais respecter toutes les citations, et
13 comparaître, que cette Chambre voudrait m'imposer si vous faites droit à ma
14 requête de mise en liberté provisoire.
15 Durant ma vie, j'ai vécu dans deux états. J'étais très attaché à la Croatie
16 et à la Bosnie-Herzégovine. Outre cela, ces dernières années, j'ai parcouru
17 la Bosnie-Herzégovine et jamais je n'ai rencontré le moindre problème. Il y
18 a eu le meurtre de Jozo Leutar, un ancien ministre. J'ai participé à cette
19 affaire. Il y a aussi le procès du groupe de Mostar. J'ai répondu aux
20 citations de ce Tribunal, et jamais je ne me suis immiscé ou je n'ai fait
21 preuve d'ingérence à l'égard de quelque témoin que ce soit. J'espère que
22 vous ferez droit à ma requête, et que vous pourrez ainsi rendre plus facile
23 la vie de ma famille à l'avenir.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Skobic, vous n'allez pas dire que
25 M. Pusic veut s'adresser à nous ?
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1 M. SKOPIC : [interprétation] Si.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pusic.
3 L'ACCUSÉ PUSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de me
4 donner la parole. J'ai demandé la mise en liberté provisoire car je
5 voudrais me rendre à Mostar dans ma maison familiale, dans la rue et dans
6 la maison dont mes beaux parents sont propriétaires. Je voudrais être
7 assigné à la rue de Drag Ivanisovico [phon]. Je suis prêt à être assigné à
8 résidence à Zagreb. Je ne suis pas en bonne santé. J'ai des douleurs,
9 notamment, à la colonne vertébrale. Je suis préoccupé par mon état de
10 santé. En effet, étant donné que j'étais au quartier pénitentiaire, je n'ai
11 pas pu bénéficier de traitement. J'ai des problèmes pshychologiques aussi,
12 vu l'incertitude quant à l'issue de mon traitement. J'étais directeur
13 général d'une entreprise. Je peux vivre de moyens qui me viennent d'une
14 situation au préalable. J'ai trois frères, trois sœurs qui sont prêts à
15 m'aider également. Je reprends sur ce qu'a dit mon conseil.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
17 Monsieur l'Ambassadeur, apparemment, vous voulez aussi vous adresser à
18 nous.
19 M. KRNIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Messieurs les
20 Juges, j'aimerais attirer votre attention sur deux détails présentés par
21 l'Accusation aujourd'hui. En effet, j'ai le sentiment et l'impression que
22 l'Accusation a déformés le rôle joué par la Republika Srpska, et j'en
23 prends ombrage. Si j'étais dans une conférence internationale, je devrais
24 sans doute, sous le fait des prestations officielles, face à cet état de
25 chose, mais ici, je voudrais faire preuve de mon amertume pour avoir
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1 entendu de tels propos. A un moment donné, le Procureur a insinué qu'il y
2 avait, en fait, une espèce de partenariat, entourée, assez douteuse, pour
3 ce qui est des garanties fournies par la République de Croatie. Il a dit
4 que ces garanties avaient été données sans arrière-pensée, que la
5 République de Croatie est payée pour ses services par les accusés, et qu'on
6 a fait naître l'impression de caractère peu sérieux de cette allégation.
7 J'aimerais dire ceci : la République de Croatie ne se trouve aucunement en
8 situation de partenariat, et qui plus est, partenariat douteux avec les
9 accusés ici présents. Ils sont protégés par les conventions de Genève qui
10 prend certains engagements, et qui imposent aussi quelques obligations à la
11 Croatie et à la protection de ces citoyens. Cela, c'était une première
12 chose.
13 Deuxième aspect que je voulais soulever : la façon, dont le Procureur a nié
14 le sérieux des garanties fournies par la République de Croatie, revenait à
15 dire que ces garanties manquaient d'efficacité. J'estime que la République
16 de Croatie ne promet de telles garanties que si elle est en mesure de les
17 faire appliquer. Bien plus nombreux sont les citoyens de la République de
18 Croatie qui ont été accusés par ce Tribunal que ceux qui ont bénéficié des
19 garanties. Il y a Gotovina. Il y a d'autres personnes qui sont encore en
20 fuite, mais d'autres ont été arrêtées après s'être cachées pendant de
21 longues années. Je voudrais dire que ces personnes n'avaient pas bénéficié
22 de ces garanties. Je veux dire que le gouvernement de mon pays ne donne ces
23 garanties que quand il est sûr qu'il peut s'en acquitter et qu'il peut
24 faire respecter et respecter les mêmes engagements qu'il prend.
25 Je vous remercie.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Krnic. Si
2 cette affaire avait été l'affaire, le Procureur contre la Croatie, j'aurais
3 posé beaucoup de questions au Procureur. Mais le Procureur, dans ses
4 remarques liminaires, a dit qu'on ne connaît pas les raisons pour
5 lesquelles M. Gotovina n'est toujours pas arrêté. Je suppose et je le
6 comprends ces dires comme signifiant qu'il n'y a pas de reproche ou de
7 blâme officiel adressé à la République de Croatie de la part du Procureur.
8 Le représentant du bureau du Procureur a exprimé certains doutes, c'est la
9 raison pour laquelle je vous ai donné une occasion de réagir. Mais soyez
10 sûr d'une chose : ce qui compte ici, avant tout, c'est que les accusés
11 comparaissent à leur procès, ne sont pas coupables d'ingérence envers les
12 témoins et des garanties données par un gouvernement ne sont jamais
13 dépourvues de risques. Je dirais que c'est un engagement des gouvernements
14 qui essaient de les sous-tendre, c'est bien compris. C'est la raison pour
15 laquelle je n'ai pas posé de questions supplémentaires au Procureur.
16 Ceci met fin à l'audience consacrée à la demande de mise en liberté
17 provisoire. Nous allons faire une petite pause et nous reprendrons
18 l'audience pour entamer le troisième volet consacré à d'autres requêtes. Il
19 faut changer les cassettes une fois de plus.
20 Nous allons avoir une pause d'une dizaine de minutes. Il y aura d'abord une
21 requête assez courte, et le début de ce volet commencera, en tout cas, à
22 huis clos partiel. Merci.
23 --- L'audience sur des requêtes est suspendue à 18 heures 20, et sera
24 suivie par une audience ex parte.
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