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1 Le mercredi 12 avril 2006
2 [Conférence de mise en état]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est absent]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,
7 s'il vous plaît.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge, affaire IT-
9 04-74-PT, le Procureur contre Prlic.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander maintenant à l'Accusation de bien
11 vouloir se présenter.
12 M. SCOTT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Ken Scott,
13 représentant le bureau du Procureur.
14 M. MUNDIS : [interprétation] Daryl Mundis, représentant le bureau du
15 Procureur.
16 Mme D'AOUST : [interprétation] Josée D'Aoust, représentant le bureau du
17 Procureur.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander aux avocats de bien vouloir se
19 présenter.
20 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Suzana Tomanovic, co-conseil du Dr Prlic.
21 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Michael
22 Karnavas, pour le Dr Prlic.
23 Mme NOZICA : [interprétation] Senka Nozica, je suis là pour Bruno Stojic.
24 Mme PINTER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Nika Pinter, co-
25 conseil pour le général Praljak.
26 M. KOVACIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Bozidar Kovacic,
27 conseil principal du Dr Praljak.
28 Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Vesna Alaburic,
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1 pour Milivoj Petkovic.
2 M. JONJIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Tomislav Jonjic,
3 conseil de la Valentin Coric. Krystyna Grinberg est ma conseillère
4 juridique, ici à mes côtés.
5 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. M. Pusic est
6 représenté pour la première fois ici par mon collègue M. Roger Sahota. Mon
7 conseiller juridique est Fahrudin Ibrisimovic.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Je salue toutes les personnes présentes dans cette
9 salle d'audience. Je salue les représentants de l'Accusation, tous les
10 avocats, ainsi que tout le personnel qui nous assiste pour cette audience.
11 Je vous ai adressé dernièrement un ordre du jour que je vais modifier un
12 petit peu pour évoquer des sujets complémentaires. Avant d'aborder l'ordre
13 du jour, les services d'interprétation m'ont fait savoir qu'ils
14 rencontrent, en raison de la mise en place des nouveaux systèmes, des
15 difficultés techniques, et ils vous demandent de parler près du micro afin
16 qu'ils puissent vous entendre et traduire convenablement ce que vous dites.
17 Par ailleurs, il nous est recommandé d'éviter de faire du bruit en
18 déplaçant des verres, des stylos ou tout autre objet. Espérons que la
19 technique s'adaptera à nos contraintes.
20 Concernant les problèmes techniques, d'ici l'ouverture du procès, je
21 rendrai une décision écrite concernant l'enregistrement du procès par les
22 caméras qui sont dans la salle d'audience. Le principe que je rappellerai
23 dans cette décision, c'est que la caméra doit se fixer uniquement sur celui
24 qui parle. Lorsque je parle, la caméra est dirigée vers moi; lorsque c'est
25 l'Accusation, la caméra est dirigée vers l'Accusation; lorsque c'est la
26 Défense qui intervient, les caméras filment l'avocat qui intervient; et
27 lorsque le témoin est entendu, la caméra est dirigée uniquement vers le
28 témoin. Le principe cardinal est le suivant : la caméra ne fixe que celui
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1 qui parle, pour éviter qu'il y ait des interprétations par le jeu des
2 caméras. Bien, tout ceci sera ultérieurement précisé.
3 Avant d'aborder l'ordre du jour, je vais rendre deux décisions orales. Une
4 qui est la suivante : vu le Statut, vu le Règlement, vu l'article 67,
5 l'Accusation nous avait saisis par une requête en date du 27 décembre 2005
6 afin d'inviter la Défense de lui notifier d'éventuelles défenses d'alibi
7 sur le fondement de l'article 67 (A)(i) du Règlement. L'article 67 de ce
8 Règlement dispose que dans un délai fixé par la Chambre de première
9 instance ou le Juge de la mise en état, la Défense informe le Procureur de
10 son intention d'évoquer soit une défense d'alibi, soit un moyen de défense
11 spéciale. Cet article, qui est sous le chapitre "Communication
12 supplémentaire", précise que c'est à la diligence de la Chambre ou du Juge
13 de la mise en état que la Défense est invitée à faire part de son intention
14 d'évoquer une défense d'alibi ou une défense spéciale, que dans ces
15 conditions, la requête de l'Accusation ne répondant pas strictement aux
16 champs de l'article 67, cette requête est rejetée.
17 Par ailleurs, la Chambre estime en l'état inopportun de demander à la
18 Défense si elle compte évoquer cette défense d'alibi ou le moyen de défense
19 spéciale, puisqu'elle peut à tout moment en faire part. Donc, dans ces
20 conditions, il y a lieu à demander à la Défense d'indiquer à la Chambre si
21 elle a l'intention d'évoquer un de ces deux moyens. Elle aura l'occasion,
22 lorsqu'elle le jugera opportun, de nous en saisir.
23 Deuxième décision orale : vu le Statut, vu le Règlement, vu l'article 65
24 ter, vu l'article 54, étant donné que les accusés ont été mis en liberté
25 par la Chambre I, étant donné que depuis leur mise en liberté, ils n'ont
26 pas comparu devant le Juge de la mise en état, à l'exception de l'accusé
27 Praljak, étant donné que du fait de leur mise en liberté, le Juge de mise
28 en état n'a pas été en mesure de leur demander de lui fournir des
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1 indications sur leur état de santé, étant donné que deux événements récents
2 concernant les décès d'un condamné et d'un accusé appellent une attention
3 toute particulière de la part des Juges sur la question de l'état de santé
4 des accusés, sous peine d'une paralysie d'un procès en cas de survenance
5 d'une maladie, que dans cet esprit, il convient de demander au Greffier de
6 fournir à la Chambre un certificat médical descriptif pour chaque accusé à
7 titre confidentiel. Ce certificat médical décrivant une éventuelle
8 pathologie physique ou mentale, la Chambre décide que ces six certificats
9 médicaux devront être produits à la Chambre sous le sceau confidentiel pour
10 le 6 mai 2006, au plus tard. Cette décision orale n'exclut pas la
11 possibilité également pour les avocats des accusés de saisir la Chambre,
12 comme je l'avais indiqué lors de la dernière Conférence de mise en état,
13 sur d'éventuels problèmes de santé.
14 Alors, j'aborde maintenant l'ordre du jour. Tout d'abord, pour vous faire
15 part, vous devez le savoir, que par une décision du Président de ce
16 Tribunal, la Chambre du jugement a été composée. J'en assurerai la
17 présidence et je serai assisté de deux assesseurs, le Juge Apad Prandler.
18 J'épelle son nom pour les besoins du transcript, P-r-a-n-d-l-e-r, et le
19 Juge Stefan Trechsel, j'épelle également son nom, T-r-e-c-h-s-e-l. Nous
20 aurons également, à compter du 25 ou 26 avril, un Juge de réserve qui sera
21 nommé par le secrétaire général des Nations Unies. Vous serez informés
22 aussi tôt que possible de la nomination de ce Juge de réserve qui, comme
23 vous le savez en vertu de l'article 15 ter du Règlement, assistera à toutes
24 les audiences, mais ne participera aux délibérés ni aux votes sur la
25 culpabilité. Ce Juge de réserve ne jouera un rôle qu'en cas de défaillance
26 d'un des Juges de la Chambre, soit pour raison de maladie, pour raison de
27 décès ou pour toute autre cause.
28 J'appelle également l'attention de tout le monde sur le fait qu'il existe
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1 également la possibilité pour le Président du Tribunal de désigner un Juge
2 suppléant, mais le Juge suppléant doit appeler l'accord des accusés pour
3 substituer un Juge défaillant. Il m'apparaît à ce stade que pour le cas où
4 un des trois Juges qui constituent l'actuelle Chambre serait amené à
5 quitter sa fonction, ce serait normalement au Juge de réserve de le
6 remplacer.
7 Concernant le calendrier des audiences et les heures des audiences, tout au
8 long de la semaine dernière, j'ai eu d'étroits contacts avec le Greffe afin
9 de pouvoir vous informer sur le planning à venir pour le mois, jusqu'au
10 mois de juillet. Alors, il a été acté avec le Greffe et toutes les
11 personnes concernées, notamment l'interprétariat, que nous siégerons dans
12 cette salle numéro III jusqu'au mois de juillet. Comme nous siégeons dans
13 cette salle numéro III, les audiences commenceront comme suit : le lundi à
14 14 heures 15 jusqu'à 19 heures; le mardi, nous commencerons à 9 heures
15 jusqu'à 16 heures. Nous aurons dans ce créneau horaire une première phase
16 de 9 heures à 10 heures 30, puis un break de 20 minutes. Nous reprendrons à
17 10 heures 50 jusqu'à 12 heures 20. Là, nous aurons un break de 20 à 30
18 minutes afin de permettre aux accusés de se restaurer, le cas échéant. A
19 l'issue de ce break de 20 à 30 minutes, mais plutôt 30 minutes que 20 afin
20 que les accusés puissent prendre une collation, les Juges prendront, eux,
21 un verre d'eau, l'audience redémarrera à 14 heures 40, 14 heures 50, et ira
22 jusqu'à 16 heures avec, bien entendu, un break à 14 heures 10, 14 heures
23 20, pour le mardi.
24 Pour le mercredi, ce sera également le même horaire. Nous terminerons
25 également le mercredi à 16 heures.
26 Nous reprendrons le jeudi à 9 heures et nous irons jusqu'à 14 heures
27 15, ce qui fait qu'avec cet horaire, nous pouvons à ce moment-là supprimer
28 l'audience du vendredi matin. L'avantage de ce planning, c'est que la
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1 Défense aura le temps pour s'entretenir avec les accusés pendant le
2 vendredi et le lundi matin, et voir avec eux, évidemment, tout ce qui
3 concerne leur Défense. L'Accusation aura le temps pour préparer de manière
4 efficace son interrogatoire qui débutera les lundis, et les Juges également
5 pourront se réunir pour délibérer sur certaines questions. Alors, ce
6 calendrier est prévu jusqu'au mois de juillet. Après juillet, nous verrons,
7 en fonction de la salle d'audience, parce que ceci est possible, car il y
8 aura jusqu'en juillet cinq procès, mais il y a des chances qu'à partir du
9 mois d'août, il y ait un sixième procès. De ce fait, nous serons obligés de
10 partager cette salle numéro III ou la salle numéro I avec une autre
11 Chambre.
12 Disons que pour le moment, nous avons plusieurs semaines devant nous, ce
13 qui va permettre à l'Accusation de programmer la venue de ses témoins.
14 J'avais indiqué la dernière fois, mais pour le moment je n'ai pas encore de
15 précision, il faudra que j'évoque ce sujet avec mes deux autres collègues;
16 a priori, nous devrions reprendre nos audiences soit le 14 août, soit le 21
17 août, mais vous en serez informés en temps utile.
18 Concernant la semaine de démarrage du procès, comme vous le savez,
19 l'Accusation fera la présentation de sa cause le mercredi, 26 avril.
20 Normalement, M. Praljak interviendra pour sa déclaration liminaire le
21 lendemain, ceci à la condition que l'Accusation prenne toute la journée du
22 mercredi et que M. Praljak utilise le même nombre d'heures. Je ne sais pas
23 quelle est l'intention de l'Accusation; aura-t-elle besoin de trois heures
24 ou quatre heures, je ne sais pas. Peut-être que tout à l'heure, ils nous en
25 informeront. Voilà concernant le calendrier.
26 Il y a également à l'ordre du jour la question relative à la durée de la
27 présentation par l'Accusation de ses moyens de preuve. Comme je l'ai
28 indiqué la dernière fois, il y a un problème lié à la Résolution du Conseil
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1 de sécurité, qui impose au Tribunal de terminer ses travaux en première
2 instance pour 2008. Dans cet esprit, j'ai fait une ordonnance dont vous
3 avez eu connaissance. Au terme de cette ordonnance, j'ai invité Mme Carla
4 del Ponte en personne à venir exposer sa conception des choses. Mme la
5 Procureure m'a fait savoir d'une part qu'elle avait été très honorée d'être
6 invitée par une Chambre, mais que deuxièmement, elle voulait venir, mais
7 qu'aujourd'hui, malheureusement elle a des problèmes de calendrier parce
8 qu'il y a les 60 ans de la Cour internationale de justice dont la cérémonie
9 commence ce matin, et cet après-midi, elle rencontre le secrétaire général
10 de l'ONU, ce qui fait qu'elle ne pourra pas venir.
11 Mais M. Scott ou M. Mundis pourra peut-être nous indiquer qu'elle
12 viendra lors de la Conférence préalable. En tout état de cause, le
13 Procureur de ce Tribunal peut venir quand il le veut à toute audience.
14 C'est toujours avec un grand intérêt que les Juges des Chambres accueillent
15 la venue du chef de l'Accusation.
16 Pour le moment, je ne sais pas où en est l'Accusation dans ses réflexions,
17 peut-être que M. Scott va nous indiquer qu'est-ce qu'il compte faire dans
18 la présentation de leurs moyens de preuve. Car comme je l'ai indiqué la
19 dernière fois, si nous devons terminer ce procès en deux ans, l'Accusation
20 n'aura qu'un an pour présenter ses moyens de preuve. A titre personnel,
21 j'en ai parlé avec mes deux autres collègues qui viennent d'arriver, et le
22 sentiment des Juges pour le moment serait soit que les Juges interviennent
23 de manière très forte afin d'inviter l'Accusation soit à modifier son acte
24 d'accusation, soit à travailler autrement ou second moyen, l'Accusation
25 d'elle-même, dans un effort surhumain, vienne nous indiquer comment elle
26 entend présenter sa cause.
27 Avant de donner la parole aux uns et aux autres, à titre personnel, je
28 tiens quand même à rappeler, pour la réflexion générale : comme je l'ai
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1 indiqué dans le passé, dans l'acte d'accusation, il y a trois moments forts
2 de l'acte d'accusation. Le premier est relatif aux crimes qui ont été
3 commis dans les diverses municipalités. J'ai noté que deux avocats ont
4 oralement indiqué, il y a quelque temps, que certains crimes ont été commis
5 et qu'il n'y avait pas de contestations sur les crimes. Maintenant, le
6 problème est de savoir qui ont commis ces crimes, quelle est la chaîne de
7 responsabilité, et que peut-être, sur ce thème des crimes, il y a une
8 approche pratique qui permettrait de gagner du temps.
9 Le deuxième temps fort, c'est l'entreprise criminelle commune, qui mérite,
10 à mon sens, par les moyens de preuve, des éclaircissements, et que
11 l'Accusation démontre sa thèse.
12 Le troisième temps fort est la responsabilité individuelle de chacun des
13 accusés au titre du 7(1) et du 7(3), et que là aussi, il y aura lieu à
14 démonstration par les éléments de preuve.
15 Sous réserve de ces trois temps forts, si les Juges constatent que le
16 procès n'avance pas, ils seront certainement amenés à agir. Il y a déjà un
17 précédent dans ce Tribunal; c'était dans le cas de l'affaire Milosevic, où
18 cet accusé faisait l'objet de trois actes d'accusation qui avaient été
19 joints, et à un moment donné, afin d'accélérer les choses, il avait été
20 envisagé d'y joindre les cas pour ne se concentrer que sur un cas précis.
21 Cette approche des Juges n'avait pas eu à l'époque l'accord de l'Accusation
22 ainsi que de l'accusé, mais cela pouvait être une solution pour accélérer
23 le procès. Car il ne faut pas oublier qu'au terme du Statut, l'accusé a
24 droit à un procès rapide, mais rapide ne veut pas dire expéditif, bien
25 entendu, mais rapide, c'est d'éviter les pertes de temps.
26 Alors tout le bénéfice de ce que je viens de dire, je vais maintenant me
27 tourner vers M. Scott et vers M. Mundis pour qu'ils m'indiquent s'il y a du
28 progrès dans leurs réflexions ou attendent-ils que Mme Carla Del Ponte en
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1 personne vienne nous livrer clés en main une façon de travailler qui
2 permettrait de terminer ce procès dans deux ans.
3 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Tout d'abord, je vais
4 confirmer ce que vous avez dit à propos de l'absence de Mme Carla Del
5 Ponte. Effectivement, pour les raisons que vous avez mentionnées, elle ne
6 peut pas venir. Elle s'en excuse auprès de vous, et je pense que s'agissant
7 de l'audience du 24 avril, elle devrait y participer.
8 Nous voulons vous proposer aujourd'hui, à vous et aux autres Juges de
9 la Chambre, un plan de présentation de nos moyens qui sera le plus efficace
10 possible. A cette fin, nous voulons aider tout le monde grâce à une
11 présentation qui devrait vous aider.
12 Est-ce que je peux demander à tout un chacun si les écrans sont bien
13 ouverts ?
14 A l'audience précédente et à celle d'aujourd'hui, Monsieur le
15 Président, vous avez fait plusieurs déclarations quant à la stratégie
16 d'achèvement du Tribunal. Vous avez dit qu'au niveau du jugement, tout doit
17 être terminé d'ici 2008. Je me disais qu'il était peut-être utile
18 d'examiner certaines des déclarations faites par l'ancien Président du
19 Tribunal, le Président Meron, mais aussi ce qu'a dit notre Président
20 actuel.
21 Apparemment, il y a un petit problème technique. Je vais attendre.
22 Puis-je vous demander, Monsieur le Président, si tout le monde
23 maintenant est à même de suivre le texte qui s'affiche à l'écran ?
24 Je vous le disais, Monsieur le Président, je vais relever quelques
25 points s'agissant de la stratégie d'achèvement. Comme le disait le
26 Président Meron dans le rapport qu'il a présenté au milieu de l'année 2005
27 au Conseil de sécurité, il dit : "Toute estimation est forcément provisoire
28 puisqu'elle ne peut que se baser sur des suppositions qui sont tributaires
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1 de facteurs imprévisibles. Je pourrais vous donner, à titre indicatif, ces
2 informations. Si toutes les requêtes, en fin de renvoi, en application du
3 11 bis, sont accordées, si toutes les requêtes en vue de jonction sont
4 accordées, s'il n'y a pas de nouveaux arrivants et s'il n'y a pas de
5 prononcés ou de déclarations de culpabilité de la part d'accusés, le
6 Tribunal pourrait terminer ses activités en 2009, mais il y a beaucoup de
7 'si'. Tout peut changer."
8 Autre déclaration faite par le Président Meron dans ce même rapport, il dit
9 : "Sachant ce que nous savons aujourd'hui, tout ce que je peux vous dire,
10 c'est qu'il faudra encore des procès qui se poursuivent en 2009. Il est
11 fort probable qu'ils se poursuivent jusqu'à la fin de cette année-là,"
12 2009. "Lors de la présentation du prochain rapport fait tous les six mois,
13 le Président pourra vous donner une évaluation plus solide, plus
14 factuelle."
15 Effectivement, six mois plus tard, dans le rapport que fait le
16 Président Pocar au Conseil de sécurité en décembre 2005, voici ce qu'il dit
17 : "En mai 2005, mon prédécesseur vous a déclaré qu'il n'était plus réaliste
18 d'envisager la fin de toutes les activités au niveau des Chambres de
19 jugement d'ici à la fin 2008. En raison du grand nombre d'accusés et de
20 fugitifs qui sont arrivés au Tribunal depuis la présentation du dernier
21 rapport, et aussi parce qu'il y a eu dépôt et confirmation de cet acte
22 d'accusation soit neuf, soit modifié, qui concerne 13 accusés. Il faudra
23 que les procès se poursuivent encore en 2009."
24 Voici ce que dit le Président Pocar : "En conclusion, je peux vous
25 dire que si les fugitifs qui restent en liberté sont bientôt appréhendés,
26 s'il y a un bon déroulement de ces affaires avec plusieurs accusés, si
27 effectivement, les autres demandes en application du 11 bis se déroulent
28 normalement, il est possible de terminer. Il est possible, c'est important
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1 d'insister sur ce point, de terminer ces procès en 2009."
2 Apparemment, Monsieur le Président, les deux derniers Présidents et
3 le Président actuel disent que ces procès se poursuivront sans doute
4 jusqu'à la fin de 2009 et qu'il est possible qu'ils dépassent cette date.
5 Dans ce contexte, la question de ce qu'on a appelé les méga-procès a
6 été présentée à la communauté internationale comme étant une mesure prise
7 en vue de parvenir à plus d'efficacité. On disait que de cette façon, il
8 était possible de gagner du temps, d'être plus efficace en ayant un procès
9 concernant plusieurs accusés simultanément. Comme l'a dit le Président
10 Pocar récemment le 7 avril, dans la présentation qu'il a faite à la
11 communauté diplomatique, il a dit ceci : "Il y a pour le moment trois
12 procès qui sont prévus concernant plusieurs accusés au niveau de la mise en
13 état. En tout, 20 accusés, 14 affaires en tout. Le premier procès," celui-
14 ci, le nôtre, "devrait commencer le 26 avril 2006. Les deux autres seront
15 entamés en juillet 2006."
16 On a présenté ces méga-procès comme étant une façon d'avancer plus
17 rapidement, plus efficacement. Il n'en demeure pas moins qu'on ne pouvait
18 pas s'attendre à ce que ces procès soient courts, soient simples. Comment
19 le voulez-vous ? Ils sont forcément importants dans leur taille, dans leur
20 complexité, dans leur difficulté.
21 Voyons les délais dont nous avons discuté à l'audience précédente et
22 à celle d'aujourd'hui. A cet égard, je pense qu'il faut voir un peu où nous
23 en sommes en réalité. La communauté internationale, les médias, l'opinion
24 publique, mais aussi les victimes penseront peut-être qu'une année, c'est
25 quelque chose comme 365 jours, 52 semaines, une semaine de cinq jours et
26 des journées de sept ou huit heures. C'est ce qu'on dit lorsqu'on dit
27 qu'une affaire, un procès "va durer un an." Mais l'année au TPIY, du moins
28 jusqu'à présent, et je n'ai pas pris comme aune les chiffres que vous
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1 veniez de nous donner, mais à l'audience précédente, on avait une année
2 TPIY de 40 semaines, de quatre jours par semaine et d'environ trois heures
3 effectives de présentation de témoignages par jour, ce qui donne en tout,
4 pour une année TPIY, quelque chose de différent d'une année calendaire en
5 un an. A partir de ces calculs, on aurait 480 heures.
6 Par conséquent, si on dit que la présentation des moyens à charge, y
7 compris que le contre-interrogatoire aura la même durée que
8 l'interrogatoire principal, avec les questions des Juges, les questions de
9 procédure et qu'on doit terminer en l'espace d'un an, cela veut dire - et
10 j'insiste qu'on aurait "moins" - moins de 240 heures pour présenter nos
11 preuves en interrogatoire principal.
12 Nous allons peut-être prendre un autre critère. Ce que nous faisons
13 tous dans nos systèmes nationaux respectifs, mais je prends le mien, aux
14 Etats-Unis, et je vois ce que fait la Cour fédérale, cinq jours par
15 semaine, sept heures de témoignages par jour. A partir de ces critères,
16 cela voudrait dire que nous devrions terminer nos présentations de moyens
17 non pas en "une année", mais en 34 jours ouvrables.
18 Je crois que tout honnête homme intellectuellement équilibré ne
19 s'attendra pas à ce qu'on présente nos moyens de preuve dans une affaire
20 aussi complexe en l'espace de seulement 34 jours.
21 Nous avons fait des dépôts d'écriture en janvier en application du 65 ter,
22 et je pense qu'il y a plusieurs choses inexactes et assez sensationnalistes
23 qui ont été dites à propos de notre présentation de moyens. Jamais nous
24 n'avons envisagé de citer 399 témoins ici même, viva voce. Au contraire,
25 nous avons toujours prévu qu'il y ait un grand nombre, mais au minimum 125
26 témoins qui ne viendraient pas déposer en personne dans ce prétoire. De
27 surcroît, il ne faut pas nécessairement prendre comme aune le nombre de
28 pièces, parce qu'on peut avoir un traitement efficace des éléments de
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1 preuve pour les verser au dossier.
2 A cet égard, je vous l'ai déjà dit Monsieur le Président, nous avons fait
3 un effort surhumain pour avancer le plus efficacement possible au cours de
4 ces deux dernières années. Par exemple, nous avons déposé une requête en
5 vue de faits admis. Nous avons essayé de mieux circonscrire les questions
6 en litige en faisant des propositions tout à fait approfondies de faits sur
7 lesquels on peut se mettre d'accord. Nous avons déposé plusieurs requêtes
8 en vue d'évoquer l'article 92 bis, par exemple, nous avons demandé le
9 versement de compte rendu d'audience d'autres procès différents afin de
10 gagner du temps; aussi, nous avons déposé des requêtes afin qu'il y ait
11 admission de pièces à la phase de la mise en état. Soyons clairs, nous
12 avons fait tous les efforts possibles pour essayer d'être le plus efficace
13 possible.
14 Avant de poursuivre, il est peut-être utile de rappeler certains moments
15 forts -- c'est le bureau du Procureur, Mme la Procureure qui est
16 responsable de l'enquête et de la poursuite des personnes. Elle est un
17 organe indépendant, séparé du Tribunal pénal. Vous savez qu'elle fait
18 rapport directement au Conseil de sécurité. C'est elle qui a endossé la
19 responsabilité de la présentation des moyens à charge à l'audience; je
20 parle bien sûr de la présentation des moyens à charge.
21 Cela va sans dire, Monsieur le Président, la Défense a le droit à un procès
22 équitable, mais l'Accusation aussi, la communauté internationale aussi, les
23 victimes aussi. Je prends l'arrêt Aleksovski : "L'application du concept
24 d'un procès équitable pour les deux parties est un concept tout à fait
25 compréhensible; en effet, l'Accusation agi au nom de la communauté, y
26 compris des victimes des infractions alléguées et présumées (le Procureur
27 aussi, ici, en l'espèce, représente la communauté internationale). Cette
28 égalité fondamentale n'empêche pas du tout ou n'enlève rien aux droits
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1 fondamentaux qui sont donnés par le Statut à l'accusé, c'est l'ossature
2 même de cette protection. Mais il est difficile de voir comment on pourrait
3 considérer un procès équitable lorsque l'accusé serait privilégié au
4 détriment de l'Accusation au-delà d'un respect strict de ces protections
5 fondamentales qui lui sont données."
6 La décision prise par la Chambre d'appel le 20 juillet 2005 dans le procès
7 Oric, dit : "L'égalité des armes, au minimum, oblige un organe judiciaire à
8 veiller à ce qu'aucune des parties ne soit lésée dans la présentation de
9 ses moyens, surtout pour ce qui est notamment pour l'équité de la
10 procédure. Cela ne veut pas dire nécessairement que l'accusé a le droit
11 stricto sensu au même temps ou au même nombre de témoins que l'Accusation.
12 L'Accusation, c'est elle qui a la charge de la preuve de présenter tout ce
13 narratif cohérent et de présenter toutes les facettes des infractions et de
14 le faire au-delà de tout doute raisonnable, alors que la Défense s'attache
15 souvent à certains points, à certaines défaillances qui pourraient y avoir
16 dans la présentation des moyens à charge, et donc n'a pas nécessairement
17 besoin d'autant de temps ni d'autant de témoins."
18 Il y a, je pense, beaucoup d'importance à accorder à ces observations.
19 Maintenant, nous allons vous présenter un plan en dix points en vue de la
20 présentation la plus efficace possible des moyens à charge.
21 Premier point, revenons à notre élément essentiel. Nous demandons une fois
22 de plus à la Chambre d'appliquer les critères clairement énoncés par les
23 articles 65 ter (F) et l'article 67(A)(i).
24 Vous savez que le 65 ter (F) exige de la Défense qu'elle présente par écrit
25 : "De façon générale, la nature de la Défense évoquée par l'accusé; et
26 (ii), les points que conteste la Défense dans le mémoire préalable au
27 procès de l'Accusation; et (iii), pour chacun de ces points, motivés cette
28 contestation."
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1 De même, le 67(A)(i) dit ceci : "La Défense informe le Procureur de son
2 intention d'évoquer : (a) une Défense d'alibi; (b) un moyen de Défense
3 spéciale, pas seulement le défaut total ou partiel de responsabilité
4 mentale."
5 Vous l'avez dit dans votre décision orale de ce matin, décision que nous
6 allons sans nul doute respecter, l'Accusation fait face à une nécessité,
7 elle doit limiter la présentation de ses moyens, mais elle doit apporter,
8 administrer la preuve, alors que nous ne savons pas ce que sera la défense,
9 que ce soit au titre du 67(F) ou de l'article 67.
10 Je viens de vous le dire, Monsieur le Président, on nous demande de
11 circonscrire la présentation de nos moyens alors qu'on n'exige rien ou on
12 ne demande pas à la Défense de définir quelles seront les questions en
13 litige pendant le procès, alors que nous avons des contraintes énormes en
14 matière de temps, nous sommes priés de présenter tous les faits possibles
15 qu'ils soient contestés de bonne foi ou pas. C'est vraiment l'idéal pour la
16 Défense. Qu'est-ce qu'elle voudrait de plus si l'Accusation perd le peu de
17 temps qu'elle a pour prouver des éléments qui ne sont pas contestés ?
18 Deuxième point. L'Accusation, bien sûr, elle est redevable envers vous,
19 mais du temps uniquement qu'elle aura consacré. Elle fait l'objet de
20 contraintes en matière de temps, mais ces contraintes ne peuvent
21 s'appliquer que pour le temps que peut maîtriser l'Accusation. On ne peut
22 pas l'estimer responsable du temps que prendra la Défense ou, bien sûr, sur
23 le respect que nous devons à la Chambre, et par la Chambre. Par exemple, le
24 temps qu'on donne à la Défense pour le contre-interrogatoire sera peut-être
25 deux ou trois fois plus long que celui que nous aurons pris, et ceci ne
26 peut pas être débité du compte que nous avons.
27 S'agissant de ces deux choix ou de ces deux branches de ce choix,
28 intervention précoce des Juges, et que le Juge décide ou les Juges décident
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1 d'eux-mêmes de réduire ou de circonscrire les chefs d'accusation ou de lui
2 donner un temps donné qui sera utilisé comme l'Accusation le veut, c'est ce
3 que dit le Statut, d'ailleurs, c'est la responsabilité du Procureur que
4 d'utiliser le temps qu'elle a, et nous ferons de notre mieux pour
5 l'utiliser à bon profit. Je peux vous dire que nous préfèrerions la
6 deuxième option que vous avez présentée.
7 Point 3, application robuste des faits déjà jugés. L'Accusation va vous
8 présenter d'autres arguments, notamment pour ce qui est de l'existence d'un
9 conflit armé international. Si le Conseil de sécurité et la communauté
10 internationale veulent un exemple de la raison pour laquelle notre Tribunal
11 ne travaille pas efficacement, il suffit de s'arrêter à la question de
12 l'implication de la Croatie en Bosnie-Herzégovine dans un conflit
13 international entre 1992 et 1994.
14 Les Juges de jugement et d'appel l'ont dit à plusieurs reprises, ils ont
15 conclu à l'existence d'un conflit armé international en Bosnie-Herzégovine
16 impliquant la Croatie. Prenez, pour en être convaincus, l'arrêt
17 Kordic/Cerkez. Cette Chambre d'appel a dit ceci : "La Chambre d'appel
18 relève que la Chambre de première instance a conclu raisonnablement que le
19 conflit opposant le HVO et l'ABiH est un conflit international, dû au
20 contrôle général qu'avait la Croatie sur le HVO --"
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous aurez la parole tout à l'heure. Laissons
22 l'Accusation exposer son plan aux partis, et vous aurez la parole pour
23 contester tout, et notamment, la décision qui a été rendue dans
24 Kordic/Cerkez. Bien, alors, asseyez-vous, Maître Karnavas, vous aurez la
25 parole tout à l'heure.
26 M. SCOTT : [interprétation] "De nombreux arguments ont été présentés des
27 décisions prises, et pas moins de 14 Juges du Tribunal en jugement et en
28 appel ont été unanimes pour conclure à l'existence d'un conflit armé
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1 international sans qu'il y ait la moindre dissension. Alors maintenant,
2 nous avons peu de temps. Nous avons des contraintes de temps que la Chambre
3 pourra peut-être vouloir imposer. Si maintenant nous sommes censés
4 reprouver ceci une troisième et une quatrième fois dans l'histoire du
5 Tribunal, cela veut dire, avec tout le respect que nous vous devons, cela
6 veut dire que la jurisprudence aurait été erronée ou se serait trompée."
7 Point 4, une grande utilisation de l'article 92 bis. L'Accusation l'a déjà
8 dit à plusieurs reprises, elle va essayer d'avoir souvent recours à
9 l'article 92 bis pour présenter ses moyens, et estime que souvent il ne
10 faudra pas ou peu de contre-interrogatoire. Si la Chambre le permet, cela
11 voudrait dire que pour ce qui est des faits de la cause, ils pourraient en
12 grande partie être présentés par le recours aux déclarations visées par le
13 92 bis.
14 Point 5, grande utilisation de l'article de 89(F). L'Accusation va
15 également tenter d'avoir souvent recours au 89(F) pour présenter en
16 interrogatoire principal beaucoup de témoins par déclarations écrites. Bien
17 sûr se posera la question du versement de ce genre de moyens de preuve
18 écrits, et nous allons peut-être nous concentrer sur certains points en
19 posant des questions aux témoins viva voce, mais ces questions seront
20 souvent peu nombreuses. Puis, on pourra contre-interroger ces témoins viva
21 voce, mais bien sûr dans des limites raisonnables.
22 C'est là une pratique qui s'est instaurée au Tribunal; vous avez un témoin
23 qui est appelé ici, il vient dans ce prétoire, à La Haye, l'interrogatoire
24 principal se compose d'une déclaration écrite, elle est présentée au
25 témoin, il en confirme l'authenticité et l'exactitude, il dit que c'est
26 bien la déposition qu'il voudrait faire, cela résume son témoignage. Il n'y
27 aura peut-être pas d'autres questions posées par l'Accusation. A ce moment-
28 là, le témoin est livré à la Défense pour contre-interrogatoire, et bien
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1 sûr aussi, pour les questions des Juges.
2 Point 6, bon traitement efficace des pièces. Je l'ai déjà dit, il ne faut
3 pas nécessairement que le nombre de pièces prenne beaucoup de temps, pour
4 autant, bien sûr, qu'on en fasse un traitement efficace. Nous l'avons déjà
5 dit, nous avons discuté de la question longuement dans des Conférences de
6 mise en état précédentes, et vous le disiez, vous nous aviez donné votre
7 aval, nous semblait-il. Nous allons, pour la grande majorité de ces
8 documents, demander qu'un recueil soit versé, que ce soit celui de la MCCE,
9 du Bataillon espagnol ou d'autres collections de documents par un seul
10 témoin, sachant qu'il ne sera pas nécessaire de poser davantage les
11 fondements de cette demande de versement.
12 Point 7, nous proposons que des dossiers soient proposés pour l'essentiel
13 des faits à la base des infractions présumées. Ces dossiers se composeront
14 des preuves concernant tel ou tel incident s'étant présumément produit dans
15 une municipalité ou dans un camp. On aura donc un survol écrit à partir de
16 l'acte d'accusation, du mémoire préalable au procès, on y trouvera les
17 déclarations préalables et autres documents pertinents à tel ou tel fait
18 présumé.
19 En vertu du 65 ter (F), là une fois de plus, on demandera à la Chambre, à
20 partir de ces dossiers, de demander à la Défense de cerner les points du
21 dossier qu'elle conteste et de le dire, comme l'exige le Règlement,
22 "pourquoi l'accusé conteste tel ou tel point de ce dossier." Partant de
23 cela, on peut à l'audience se concentrer sur les points qui sont
24 véritablement contestés, bona fide.
25 Nous avons cinq classeurs, à titre illustratif, de la démarche que nous
26 voulons adopter. Ceci concerne le dossier Gornji Vakuf. Ceci devrait vous
27 être remis, Monsieur le Président, dans un instant. Est-ce que M.
28 l'Huissier pourrait nous aider ?
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1 Je vous l'ai déjà longuement expliqué à l'audience. Le premier
2 classeur aura le sommaire, la table des matières, puis des extraits de
3 l'acte d'accusation et du mémoire préalable au procès, ainsi qu'une liste
4 des témoins que nous avons demandé de citer à l'audience, viva voce, les 92
5 bis et la liste des pièces concernées.
6 A l'avenir, voici ce que nous proposons à la Défense, que ceci soit
7 présenté sous forme électronique. Ce serait un dossier électronique,
8 disons. Au-delà de la table des matières, donc par exemple, on pourrait
9 trouver un dossier sur un CD, et il serait possible de le consulter -- je
10 parle ici de ce que la Défense pourrait faire. Ce serait un seul CD, ou
11 disons, ce serait une seule collection de documents pour un dossier sur un
12 DVD ou un CD.
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir. Je répugne à
14 interrompre mon confrère et je le sais, bien sûr, dans le plus grand
15 respect, mais on dirait presque que c'est une conversation ex parte entre
16 l'Accusation et le Juge. Nous, nous n'avons pas ces classeurs. Nous ne les
17 avons pas reçus. Comment voulez-vous que nous vérifiions ? Je suis sûr que
18 nous allons bientôt les recevoir, mais inutile de le rappeler. Si ce
19 spectacle avait été préparé, comme on dirait chez moi, il aurait fallu
20 donner à la Défense la possibilité d'examiner à l'avance ces éléments de
21 preuve ou de le faire maintenant, pas seulement pour vous. Mais je
22 comprends que maintenant, on présente l'idée d'un dossier, ce qui n'est pas
23 courant dans notre pratique judiciaire, ici. Mais, bon, ce n'est pas normal
24 que vous, vous l'ayez, et que nous, nous ne l'ayons pas.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
26 M. JONJIC : [interprétation] Il semble qu'il y ait de nouvelles règles dans
27 ce prétoire.
28 Donc, comme je disais, Monsieur le Président, je rejoins mon confrère
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1 dans son objection et les arguments qu'il a avancés. Juste deux phrases, si
2 vous me le permettez. Si j'ai bien compris, la Défense est une partie en
3 l'espèce, une partie sur un pied d'égalité. Donc si nous avions eu ces
4 documents ne serait-ce que ce matin, ce qui aurait déjà été un manque de
5 courtoisie, ceci nous aurait permis de participer à ce débat sur un pied
6 d'égalité, et je m'en serais réjoui. Mais ceci n'est qu'une preuve
7 supplémentaire du fait comment l'Accusation contribue à l'accélération des
8 débats. Elle ne notifie pas l'autre partie de ce qui est en train de se
9 produire. Peut-être que dans d'autres circonstances, nous aurions fait
10 preuve de contribution, nous aurions pu contribuer à accélérer les débats,
11 mais nous ne pouvons pas le faire. C'est la première fois que nous voyons
12 certains documents. Nous les voyons ici à l'écran. De toute évidence, cela
13 a été préparé par écrit et ne nous a pas été communiqué. Merci, Monsieur le
14 Président.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais continuer à vous donner la parole, Monsieur
16 Scott, mais comme il y a quatre minutes, j'ai reçu les classeurs, je vais
17 demander à Mme l'Huissière de bien les présenter également à la Défense;
18 comme cela, la Défense ne pourra pas objecter qu'elle a été mis devant le
19 fait accompli puisque je vais lui donner tout de suite mon classeur. Voilà,
20 comme cela, la Défense pourra le regarder. C'est ce que j'ai fait en
21 quelques minutes. Comme vous êtes tous d'excellents professionnels, comme
22 moi, vous allez en prendre connaissance immédiatement.
23 Voilà, alors, Monsieur Scott, poursuivez.
24 M. SCOTT : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, il faut que l'on
25 retrouve l'endroit où on s'est arrêtés.
26 Monsieur le Président, permettez-moi de répondre. Ce matin, nous allions
27 présenter à la Chambre et à la Défense le concept. Bien entendu, ce n'est
28 pas la substance qui est abordée pour le moment. Si nous nous engageons sur
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1 cette voie, et si la Chambre souhaite que l'on procède de cette façon-là,
2 bien entendu, tout sera préparé et fourni à l'avance. La seule raison
3 d'avoir apporté cela et d'avoir fourni cela ce matin, c'était pour fournir
4 un exemple de ce qui pourrait être fait, donc c'est simplement un tableau
5 récapitulatif de ce qui serait contenu dans les dossiers. Je pense que
6 c'est tout à fait clair. Pendant toute pause ce matin, j'invite, bien
7 entendu, l'autre partie à examiner les documents. Nous n'allons pas aborder
8 la substance, nous voulons simplement fournir l'exemple du concept,
9 comment, quelle serait la méthode à adopter, comment procéderait-on. Il
10 suffit de jeter un coup d'œil sur les classeurs pour comprendre de quoi il
11 s'agit, et ceci peut être fait en quelques minutes.
12 Le point 8. Monsieur le Président, puisque la Chambre demandera
13 éventuellement à l'Accusation de prouver ses moyens de preuve sous forme
14 minimaliste, pourrait-on dire, sans demander de la part de la Défense de
15 respecter l'article 65 ter (F) et 67(A)(i), l'Accusation demande que la
16 Chambre lui fournisse la garantie qu'elle aura la possibilité de présenter
17 une réplique substantielle à partir du moment où des points ont été
18 identifiés bona fide dans la présentation des moyens de la Défense. Sinon,
19 nous restons dans le noir, avec des contraintes très considérables, sans la
20 possibilité d'identifier de bonne foi les points et l'espèce.
21 Le point 9. Si nous allons procéder de cette façon-là, l'Accusation demande
22 de la part de la Chambre les garanties que la Chambre d'appel prendra la
23 même position portant sur la "suffisance minimale" des moyens de preuve de
24 l'Accusation comme la Chambre de première instance, par les contraintes
25 significatives imposées à la présentation des moyens que l'Accusation aura
26 exigée. Sur la base de ces garanties, l'Accusation sera mieux en mesure de
27 formater la présentation de ses moyens.
28 Le point que nous soulevons est un point sérieux, Monsieur le Président, un
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1 point grave, et ceci m'emmène au dernier point de cette présentation, à
2 savoir : "Petite sera la valeur d'une procédure accélérée si finalement
3 elle aboutit à une décision à valider à l'appel."
4 Nous avons besoin d'accélérer, mais j'ai peur, Monsieur le Président, que
5 d'ici quelques années, lorsque la Chambre d'appel va se pencher sur chacun
6 des détails de l'espèce, que la Chambre d'appel à ce moment-là aura un
7 regard très différent que ne l'aura été celui de la Chambre de première
8 instance. Je répète encore une fois : une procédure accélérée aurait peu de
9 valeur si la Chambre d'appel serait appelée à valider son issue.
10 Au point 10, Monsieur le Président, sur la base de tous ces points que je
11 viens de présenter, l'Accusation aura la possibilité de présenter ses
12 moyens de preuve pendant l'interrogatoire principal; on a à peu près 450
13 heures. L'Accusation continue de réexaminer son programme, et sur la base
14 de ce que je vous ai dit ce matin, et uniquement sur la base de cela, nous
15 pensons que nous serons en moyens d'accomplir notre interrogatoire
16 principal. On a à peu près 450 heures. L'estimation préalable pour les
17 témoins viva voce a été de 804 heures. C'était le chiffre qui figure dans
18 nos écritures en application de 65 ter de janvier, donc je pense que vous
19 verrez que nous avons réduit considérablement notre estimation du temps,
20 donc ce n'est plus 804 heures, mais 450 heures.
21 De plus, l'Accusation s'engage à continuer de réexaminer ses moyens, de
22 réduire de la manière raisonnablement possible, le temps requis pour
23 présenter sa thèse au fur et à mesure de la procédure. Mais vous savez,
24 Monsieur le Juge, comment évolue la situation, quelle est la réalité du
25 procès. Parfois, certaines choses apparaissent, la situation change de
26 semaine en semaine, certains points ne sont plus contestés, puis ils
27 deviennent tout à fait clairs, mais d'autres points peuvent se poser.
28 L'Accusation peut évidemment s'adapter à la réalité du procès.
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1 Une année calendaire. Si nous avons 450 heures également pour le contre-
2 interrogatoire de la Défense, sur la base de l'équité, ceci signifierait
3 qu'il y aurait donc 450 heures pour l'Accusation, puis 450 heures pour la
4 présentation des moyens, ou plutôt, pour le contre-interrogatoire de la
5 Défense. Puis, si nous admettons qu'il y aura à peu près 100 heures pour
6 les questions des Juges, les questions de procédure, et cetera, ceci nous
7 amène à un total de 1 000 heures : 450, plus 450, plus 100. Sur la base de
8 ce calcul, la présentation des moyens de l'Accusation, y compris le contre-
9 interrogatoire, et cetera, pourrait se terminer en l'espace d'une année
10 calendaire si la Chambre siège 47 semaines, cinq jours par semaine, avec
11 quatre heures et demie de déposition par jour. Sur cette base-là, nous
12 aurions peut-être une chance de terminer la présentation des moyens de
13 l'Accusation en l'espace d'une année calendaire.
14 Qu'en est-il de la présentation des moyens de la Défense ? Monsieur le
15 Juge, nous pensons qu'il est nécessaire de faire valoir un point
16 substantiel. Bien entendu, la charge de la preuve repose sur l'Accusation.
17 Si elle a une heure pour mener à bien la présentation de ses moyens, les
18 questions des Juges, et les questions de procédure, dans leur ensemble, la
19 présentation des moyens de la Défense devrait être limitée à "une année"
20 semblable et devrait faire l'objet des contraintes comparables à celles
21 imposées à l'Accusation, y compris l'agenda et le fait de lier la
22 présentation des témoins et des documents de la Défense.
23 L'Accusation, elle aussi, a droit à un procès équitable. Nous devons avoir
24 une possibilité de présenter notre thèse. Encore une fois, dans Aleksovski,
25 il est dit : "Il est difficile de voir comment un procès pourrait être
26 considéré comme équitable si l'accusé est favorisé aux dépens de
27 l'Accusation et s'il n'y a pas respect des protections fondamentales."
28 Le plan de l'Accusation, en dix points, que nous vous avons présenté,
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1 Monsieur le Juge, bien entendu, repose sur certaines hypothèses.
2 Pour conclure, notre plan se base sur certaines hypothèses, et les
3 différents points sont interdépendants. Comme l'a dit le Président Meron en
4 2005 : "Toutes estimations, y compris les estimations de l'Accusation
5 qu'elle avance aujourd'hui, sont nécessairement hypothétiques puisque cela
6 se fonde sur des suppositions qui se fondent sur des facteurs
7 imprévisibles."
8 "Ces estimations se basent sur les hypothèses qui seront modifiées
9 par l'évolution des choses."
10 Enfin, l'Accusation déploie tous ses moyens et fait tout ce qui est
11 en son pouvoir. Elle est d'accord avec ce qu'a déclaré l'ex-Président
12 Meron, à savoir que le TPIY fonctionne dans un contexte imprévisible. Notre
13 plan est donc proposé, mais nous ne savons pas si nous allons pouvoir le
14 mener à bien. Je cite et je paraphrase le Président Pocar : La possibilité
15 de présenter la thèse de l'Accusation en l'espace d'une année calendaire
16 reste possible.
17 Merci, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Scott.
19 Avant de donner la parole à la Défense, quelques observations de ma
20 part. Tout d'abord, j'ai grandement apprécié la présentation de ce plan en
21 dix points, et la Défense va avoir l'occasion de donner son sentiment. Je
22 vous donne acte que l'Accusation a fait le maximum pour essayer d'avancer.
23 Effectivement, vous aviez fait des requêtes aux fins de constat des faits
24 qui avaient été admis dans votre procès. Vous avez également fait des
25 requêtes concernant l'article 92 bis. Vous vous êtes activés afin que la
26 Chambre rende des décisions dans le sens d'une meilleure efficacité.
27 Indépendamment de l'efficacité recherchée, les décisions de la Chambre qui
28 ont été rendues ont pris en compte le positionnement de la Défense qui,
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1 d'une part, conteste tout, et par ailleurs, veut, comme elle en a le droit
2 en "common law", contre-interroger les témoins. C'est dans ces conditions
3 que la Chambre a été amenée à renvoyer à la Chambre du jugement les
4 décisions ultimes sur les 92 bis, sur l'article 89(F), et cetera. Donc, les
5 rejets de vos requêtes ont été des rejets temporaires, mais il sera
6 toujours possible à la Chambre de jugement de réintervenir sur ces
7 questions. C'est d'ailleurs en ce sens que je vous avais demandé de fournir
8 le plus tôt possible, le croisement des témoins et des pièces à conviction
9 et des paragraphes de l'acte d'accusation afin que nous ayons une vue
10 générale sur le problème. Vous devez, pour le 14 avril, nous faire part au
11 moins de ce croisement pour tous les témoins qui vont déposer d'ici le mois
12 de juillet. Une fois que nous aurons ce document, les Juges auront une
13 vision beaucoup plus claire.
14 Je vous donne également acte du fait que le Président Meron et le
15 Président Pocar avaient exprimé quelques réserves devant le Conseil de
16 sécurité en raison des aléas. Effectivement, dans un processus judiciaire,
17 il y a toujours des aléas qui peuvent être divers, mais dont il faut tenir
18 compte. A titre d'exemple, vous l'avez mentionné, pour les méga-procès, il
19 est envisagé d'en commencer deux autres au mois de juillet, notre procès,
20 lui, commençant en avril, mais là aussi, les deux procès qui vont commencer
21 au mois de juillet, c'est en pointillé, puisque l'un des deux, il y aurait
22 une possibilité de jonction de l'acte d'accusation de Mladic dans le
23 dossier Srebrenica. Là aussi, c'est une vue de l'esprit. J'en parle
24 d'autant plus facilement que je suis Juge dans la Chambre II, qui a
25 actuellement l'affaire Srebrenica. Donc je suis bien placé pour donner mon
26 point de vue là-dessus. Il est bien évident que si M. Mladic est arrêté, il
27 y aura une phase de jonction de sa procédure avec l'affaire Srebrenica.
28 Cette phase de jonction, il pourra la contester. Il pourra faire toute
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1 requête, ce qui fait que le procès ne pourra pas commencer au mois de
2 juillet. Donc, voilà même le type d'aléas. Effectivement, il faut tenir
3 compte des aléas.
4 Vous avez évoqué, et à juste titre, cela n'appelle pas d'observations
5 particulières de ma part, le fait que l'Accusation a, de par le Statut, la
6 mission de poursuivre. Quand on a la mission de poursuivre, on a, bien
7 entendu, la plénitude de ses moyens et la plénitude de sa stratégie.
8 Toutefois, ceci doit s'inscrire dans le cadre du mandat de ce Tribunal.
9 Concernant le plan, je vous sais particulièrement gré de nous l'avoir
10 présenté et de l'avoir illustré par le dossier Gornji Vakuf. Tout à
11 l'heure, la Défense nous fera connaître sa position. Je vais très
12 rapidement passer les dix points en revue.
13 Le premier point, vous avez évoqué la question de l'article 65 ter
14 (F) et l'article 67(A)(i). Conformément à l'article 65 ter (F), la Défense
15 a répondu dans le délai que j'avais fixé au mémoire préalable que
16 l'Accusation avait déposé. Il résulte de l'ensemble des mémoires de la
17 Défense qu'il y a une contestation générale sur le plan de la
18 responsabilité, et dans ces conditions, la Défense a répondu aux exigences
19 de l'article ter 65 ter (F). Puisqu'elle conteste tout, elle n'a pas à
20 rentrer dans le détail de sa contestation. On peut effectivement exiger de
21 la Défense qu'elle en fasse plus, évidemment. Les Juges, lorsque nous
22 commencerons le procès, nous verrons s'il y a lieu à s'adapter. Mais dans
23 la mesure où la Défense -- d'abord, je rappelle que les accusés plaident
24 non coupables, donc ils sont présumés innocents et ils ont parfaitement le
25 droit de dire que toutes les allégations ne sont pas fondées, sans aller
26 au-delà de cette affirmation, se réservant la possibilité, lors des contre-
27 interrogatoires ou lors de la présentation de leurs moyens de preuve, de
28 conforter leur point de vue.
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1 Le deuxième point, concernant les contraintes de temps. Bon, ce
2 deuxième point n'appelle guère d'observation. Je comptais d'ailleurs
3 l'aborder pour savoir comment répartir le temps entre l'interrogatoire
4 principal et le contre-interrogatoire. Nous aurons l'occasion de revenir
5 là-dessus.
6 Vous avez, au troisième point, évoqué un sujet qui a fait bondir deux
7 avocats, qui est la question du conflit armé international. Vous avez dit
8 qu'il a été jugé à de nombreuses reprises par ce Tribunal et par la Chambre
9 d'appel, dont les décisions font autorité, que la Croatie a participé à un
10 conflit armé international, et vous vous étonnez qu'il y ait encore une
11 contestation sur ce constat qui a été fait par plusieurs Chambres et
12 confirmé par la Chambre d'appel. La Défense, tout à l'heure, nous donnera
13 sa position.
14 Concernant l'utilisation de l'article 92 bis, je l'ai indiqué tout à
15 l'heure. Pour y voir clair, encore faut-il que les Juges aient à leur
16 disposition ce fameux panneau que j'ai demandé, car s'il s'avérait que des
17 témoins du 92 bis n'apportent rien de plus par rapport à des témoins viva
18 voce, à quoi, à ce moment-là, servirait un témoignage écrit qui viendrait
19 ne rien rajouter au fait que l'Accusation veut prouver ? Pour cela, encore
20 faut-il que nous ayons une vue générale. Je pense que nous l'aurons très
21 rapidement pour le moins à partir du document du 14 avril, puis dès que
22 commenceront les premiers témoignages.
23 Au titre 5, vous avez parlé de l'article 89(F). Effectivement, c'est
24 un article qui peut permettre de résoudre les difficultés auxquelles nous
25 sommes confrontés. Etant précisé que cet article, qui peut être utilisé aux
26 bénéfices de l'Accusation, peut être également utilisé aux bénéfices de la
27 Défense quand son tour viendra. Car le plan qui nous est présenté est un
28 plan qui peut aussi être présenté par la Défense. Concernant les Juges,
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1 nous traitons tout le monde sur le même pied d'égalité. Si l'article 89(F)
2 a été mentionné dans le Règlement, c'est bien qu'il répond à une utilité.
3 La Chambre peut recevoir la déposition d'un témoin oralement - c'est le cas
4 général - ou par écrit si l'intérêt de la justice le commande. Il y a deux
5 possibilités à explorer. A ce titre, vous avez livré un modus operandi qui
6 pourrait être mis en œuvre si la Défense y souscrivait, à savoir que le
7 témoin vient, l'Accusation ne procède pas à l'interrogatoire principal,
8 donne la parole à la Défense qui contre-interroge. A ce moment-là, la
9 déclaration écrite est un élément de preuve.
10 Point 6, le traitement efficace des pièces, je comptais l'aborder --
11 je l'aborderai tout à l'heure. Je pense qu'on arrivera à une solution très
12 rapide. Le point révolutionnaire, c'est les dossiers Gornji Vakuf à titre
13 d'exemple. Effectivement, les Juges romano-germaniques ont l'habitude, les
14 Juges "common law" beaucoup moins, mais il peut y avoir une utilité. C'est
15 avec intérêt que je vais écouter tout à l'heure les positions des
16 Défenseurs étant précisé que le dossier Gornji Vakuf, je l'ai consulté en
17 quelques minutes. En réalité, l'Accusation aurait très bien pu, à partir du
18 tableau que j'avais demandé, rentrer dans ce fameux tableau les éléments
19 qui sont dans le dossier. Cela, c'est déjà un premier constat.
20 Deuxième constat, si effectivement, un dossier pour les faits peut
21 être utile, il m'apparaît également si la Chambre s'engage dans cette voie,
22 qu'un dossier pourrait être fait aussi au titre du 7(1) et du 7(3) pour
23 chaque accusé afin d'y voir clair, de savoir au juste qu'est-ce qu'on
24 reproche aux accusés. Parce que c'est important. Alors, là aussi, je serai
25 très intéressé de connaître la position de la Défense étant précisé que la
26 Défense pourrait aussi constituer son propre dossier pour s'exonérer de sa
27 responsabilité au titre du 7(1) et du 7(3) à partir de ces éléments de
28 preuve.
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1 Concernant le point 8, sur la réplique. Bien entendu, il n'y a pas de
2 problème. Le Règlement reconnaît à l'Accusation un droit de réplique. Il
3 n'y a pas de raison de l'en priver.
4 Le point 9. Vous avez évoqué la Chambre d'appel. Effectivement, dans
5 le cadre d'un processus accéléré, quelle serait la position de la Chambre
6 d'appel ? Alors, de deux choses l'une, où tous les Juges de ce Tribunal
7 sont conscients qu'il faut changer des méthodes de travail. C'est dans cet
8 esprit qu'il y a eu la commission Bonomy. Cette commission Bonomy va être
9 suivie, pas plus tard que dans les prochains jours, d'une réunion des Juges
10 afin de mettre en œuvre les conclusions de cette commission, voire même de
11 modifier des articles du Règlement. Parce que les Juges, notamment les
12 Juges du "common law" ont compris qu'il est peut-être maintenant temps de
13 faire une révolution culturelle afin d'être plus efficaces.
14 La question de l'efficacité n'est pas une question théorique. Je vais
15 vous citer, pas plus tard qu'il y a quelques jours, le Conseil de sécurité
16 a pris la résolution permettant la poursuite du mandat d'un Juge ad litem
17 parce que le procès pour lequel il avait été nommé n'est toujours pas
18 terminé. Donc, ce Juge ad litem qui est en fonction actuellement a
19 largement dépassé le terme de son mandat. Il a fallu que le Conseil de
20 sécurité, par une résolution, l'autorise à poursuivre son mandat. Lors des
21 débats au Conseil de sécurité, le représentant de la Russie a évoqué la
22 question de l'efficacité de ce Tribunal. Nous devons, la Défense,
23 l'Accusation et les Juges, prendre en compte cette donnée. On ne peut pas
24 l'exclure. Parce que le Tribunal fonctionne à partir de moyens budgétaires
25 qui lui sont alloués dont on n'a pas à écarter cette question dans le
26 Règlement.
27 La Chambre d'appel, bien entendu, dans le cadre de l'appel, devra
28 dire ce qu'elle en pense. Mais la Chambre d'appel est constituée également
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1 de Juges qui sont responsables.
2 Le dernier point, les 450 heures plus les 450 heures de la Défense,
3 et cetera, cela ferait un volant 1 000 heures. Bien entendu, je ne peux que
4 souscrire à cette proposition qui est intéressante et dont la Défense nous
5 dira tout à l'heure ce qu'elle en pense. Juste une petite précision, vous
6 avez mentionné le fonctionnement des cours fédérales américaines. Vous nous
7 avez dit que d'après votre connaissance puisque vous êtes citoyen
8 américain, les juridictions fédérales fonctionnent cinq jours par semaine,
9 du lundi au vendredi. Très bien. Mais je vous fais observer qu'il n'y a
10 aucun procès dans une juridiction fédérale qui dure des années. On peut
11 fonctionner du lundi au vendredi sur deux, trois, quatre, cinq semaines,
12 mais fonctionner sur des années, je demande à voir.
13 Il est 10 heures 30. Nous allons faire notre "break" technique, ce
14 qui va permettre à la Défense de consulter le fameux dossier Gornji Vakuf,
15 et nous reprendrons dans 20 minutes. Je donnerai évidemment la parole aux
16 uns et aux autres.
17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
18 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. Je vais donner la
20 parole aux avocats qui vont intervenir sur les propos de l'Accusation. J'ai
21 fait moi-même mes observations après les propos de l'Accusation. C'est pour
22 éviter que, comme vous êtes plusieurs à intervenir, cela parte en tous
23 sens, donc pour essayer de recadrer vos interventions afin qu'elles soient
24 efficaces et utiles au Juge.
25 Je vais donner la parole à Me Karvanas.
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. C'est
27 regrettable qu'on ne nous ait pas remis ce document en dix points à
28 l'avance, nous aurions pu mieux nous préparer et être plus succincts dans
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1 les réponses que nous aurions données. Je crois qu'il s'agit d'une tactique
2 qui sera utilisée maintes et maintes fois dans ce prétoire. Ce sont des
3 tactiques, en général, qui sont utilisées par les tribunaux américains, où
4 l'Accusation aime saboter, à la fin de la présentation des moyens à
5 décharge, de nouveaux éléments et de nouveaux moyens de preuve ce qui
6 désavantage la Défense.
7 Je vais commencer par évoquer le point numéro 10, les 450 heures qui,
8 d'après l'Accusation, suffisent pour présenter ses moyens et présenter son
9 contre-interrogatoire, et 1 000 heures au total. Je crois que dans les
10 meilleurs cas, d'après la façon dont je comprends les choses, l'Accusation
11 aurait besoin de plus de temps, puisqu'il y a neuf points, neuf points sur
12 lesquels il faut tomber d'accord avant de parvenir à cela. Je crois que
13 ceci est assez optimiste, et dans le meilleur des cas, je crois que ceci
14 est une estimation optimiste.
15 J'aime la manière dont l'Accusation a commencé en présentant les
16 déclarations du Président Meron et du Président Pocar au Conseil de
17 sécurité des Nations Unies, mais je crois que si vous entrez dans le
18 couloir de ce Tribunal, tout le monde évoque la date de 2010, qui semble
19 être une date réaliste pour la fin des procès. On parle même des années
20 2010, 2013, date à laquelle ce Tribunal fermera ses portes lorsque tous les
21 procès en appel seront terminés. Je crois qu'il s'agit d'une date plus
22 réaliste.
23 Ce n'est pas nous qui avons décidé de rédiger l'acte d'accusation. Comme
24 vous le savez, Monsieur le Juge, l'Accusation porte la responsabilité de
25 cela et les pouvoirs discrétionnaires, pour savoir comment ils vont
26 reprocher les différents chefs aux accusés, lorsqu'ils ont rédigé l'acte
27 d'accusation, les événements décrits, les victimes, les personnalités de
28 chacun, et cetera. Cet acte d'accusation est ensuite remis à un Juge qui le
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1 confirme, donc le pouvoir est entre les mains du Juge et le pouvoir
2 discrétionnaire est entre les mains de l'Accusation. Que fait la Défense ?
3 La Défense n'a rien à faire dans ce processus-là. Je regarde cet acte
4 d'accusation, et il y a tous les modes de responsabilité imaginables.
5 Maintenant, on me dit que le procès doit avancer rapidement, qu'il y a un
6 calendrier qui a été fixé, que le Conseil de la sécurité l'a imposé à ce
7 Tribunal, car dans les années précédentes, l'Accusation, et peut-être les
8 Chambres de première instance, ont été peu efficaces. Je dis "peu
9 efficace", car si vous vous penchez sur les précédents procès qui étaient
10 des procès beaucoup moins importants que ces méga-procès et si on tient
11 compte des ressources disponibles à l'époque, le temps alloué aux deux
12 parties pour présenter leurs moyens et répondre, si on se penche sur ce
13 procès-ci, on a l'impression que nous devons nous dépêcher pour que ceci
14 soit terminé au plus vite. Ceci me gêne, car nous parlons ici d'individus,
15 d'hommes, M. Prlic, M. Stojic, M. Pusic, M. Coric, M. Petkovic, et M.
16 Praljak, ont tous droit à un procès équitable, ce qui ne se signifie pas
17 que ceci doit être fait de manière accélérée.
18 Cela étant dit, si je me rapporte au point 9, je crois que l'Accusation a
19 effectivement dit que ce point était un point qui était censé relever d'une
20 boutade, un petit peu, mais qu'il fallait donner l'assurance que la Chambre
21 de première instance allait adopter le même point de vue sur la suffisance
22 des moyens de preuve. Je ne pense pas que la Chambre de première instance
23 soit en mesure de négocier des transactions avec la Chambre d'appel ou avec
24 l'Accusation, si cela se présente, ou ne peut pas obliger l'Accusation à
25 être plus efficace. D'une manière ou d'une autre, la Chambre d'appel sera
26 assez indulgente et n'affirmera pas une condamnation ou ne décidera pas,
27 d'une manière ou d'une autre, dans un autre sens. Je crois que ceci n'est
28 pas réaliste.
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1 Si nous parlons du point 8, et je pars un petit peu en arrière, c'est ainsi
2 que je vois les choses. Pour ce qui est de la réplique, on a parlé de
3 réplique qui était "conséquente." Je viens d'une tradition, comme M. Mundis
4 et M. Scott, où une réplique de l'Accusation a tendance à être ce qu'on
5 appelle, en général, et connue sous le nom d'une approche où on met des
6 sacs de sable et on se met derrière, alors que l'Accusation présente
7 simplement des moyens de preuve suffisants au début de sa cause pour
8 répondre à la charge de la preuve, comme vous le savez, pour pouvoir
9 répondre des différents points contestés s'il y a un jugement et s'il y a
10 une demande d'acquittement. La Défense, à ce moment-là, poursuit et garde
11 ses meilleurs moyens de preuve pour la fin parce que, bien sûr, ils jouent
12 sur les réactions d'un jury.
13 La jurisprudence de ce Tribunal est une jurisprudence tout à fait correcte,
14 si je puis dire, mais demande que l'Accusation puisse présenter tous ses
15 moyens. Elle ne peut pas garder certains éléments. Ils doivent présenter
16 tous leurs moyens. Ils ont le droit de présenter une réplique, mais dans
17 des circonstances bien circonscrites, et une réplique ne signifie pas qu'on
18 a la capacité ou l'occasion de renforcer ses moyens de preuve, mais plutôt
19 de répliquer par rapport à quelque chose qui a été présenté par la Défense.
20 Je crois que nous avons une jurisprudence tout à fait adéquate. Nous
21 n'avons pas besoin de nous soucier de cette réplique, à savoir, si c'est
22 une réplique qui sera significative ou conséquente. Je crois que la Chambre
23 de première instance devrait simplement appliquer la jurisprudence du
24 Tribunal. Je suis sûr qu'elle le fera, du reste, et cela ne posera pas
25 aucun problème, mais je crois qu'il doit s'agir d'un avertissement, ici,
26 qu'il faut lancer à l'Accusation, qui ne devrait pas retenir certains
27 éléments de preuve pour pouvoir piéger ensuite la Défense. Bon, cela ne
28 sert pas les intérêts, on ne devrait servir que les intérêts de ce Tribunal
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1 et de la mission qui est la sienne.
2 Parlons maintenant du dossier, qui est une idée nouvelle. Je crois plutôt à
3 la révolution qu'à l'évolution dans un certain sens, et je crois que nous
4 pouvons rendre ce processus plus efficace. Je suis tout à fait en faveur de
5 tactiques révolutionnaires et d'approches dites révolutionnaires;
6 cependant, ici, nous avons besoin d'utiliser ceci avec plus d'attention. En
7 principe, je ne vois pas en quoi cela puisse poser un problème, mais cela
8 dépend de la manière dont le dossier est présenté. Si le dossier est
9 présenté avec pour objet de présenter les faits incriminés, à ce moment-là,
10 ce dossier contient des faits incriminés quelque peu limités, et rien
11 d'autre. A ce moment-là, en principe, je crois que nous ne soulèverions pas
12 d'objection, si, bien sûr, la Défense aurait le droit de porter des
13 éléments complémentaires à ce dossier. Parce que le problème qui se pose,
14 Monsieur le Juge, comme vous le savez très bien, c'est que d'après notre
15 système lorsqu'un dossier est préparé, il peut y avoir un Juge indépendant,
16 comme en France, ou l'Accusation n'est pas partie à l'affaire, si vous
17 voulez. Ce dossier est préparé de façon très méticuleuse, et on fait très
18 attention pour que ceci contienne à la fois des éléments à charge et à
19 décharge et soit préparé avec autant de zèle. Ici, cela n'est pas le cas,
20 l'Accusation est partie au système et a rassemblé les éléments. Donc, si
21 nous allons utiliser un dossier pour permettre d'établir les faits
22 incriminés, je crois qu'il faut au moins tenir compte de cela, à savoir, si
23 la Défense pourrait être autorisée à fournir des éléments supplémentaires.
24 C'est peut-être quelque chose que nous pourrions faire à l'avance, à
25 savoir, si on peut, à ce moment-là, se mettre d'accord sur les faits
26 incriminés sans être obligés d'appeler d'autres témoins.
27 Donc, j'ai besoin d'étudier ceci avec plus d'attention, mais si vous
28 regardez la table des matières, il y a des témoins sur cette liste qui me
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1 gênent, car on parle de l'essentiel et on ne parle pas de faits incriminés,
2 et ceci me préoccupe. La Chambre de première instance doit savoir que cette
3 Défense est assez ouverte d'esprit, et nous sommes tout à fait disposés à
4 adopter cette approche, nous avons une certaine ouverture d'esprit à cet
5 égard. Peut-être que ce dossier pourrait être utilisé à d'autres fins
6 aussi. Donc, nous sommes assez ouverts sur la question.
7 Pour ce qui est des pièces et dont la manière dont celles-ci sont
8 présentées de façon efficace. Il y a une admissibilité des pièces, c'est
9 quelque chose qui a été mentionné au point 6. Je suis d'accord pour dire
10 que bon nombre de pièces peuvent être présentées concernant un témoin ou
11 présentées par l'intermédiaire d'un témoin. C'est lui qui conserve ces
12 pièces, et c'est ce témoin qui est présenté. La question qui se pose : que
13 faisons-nous de toutes ces pièces, de tous ces documents ? Comme la Chambre
14 de première instance l'a indiqué et comme vous l'avez précisé, Monsieur le
15 Juge, il y a deux ou trois Conférences de mise en état, tout ce qui est
16 contenu dans un document doit être examiné et pris en compte par la Chambre
17 de première instance, ce qui pose un problème pour la Défense, car si en
18 réalité tout doit être examiné comme il se doit, cela signifie que la
19 Défense devra peut-être contester certains des éléments contenus dans ce
20 document. Lorsque le document arrive, ces pièces arrivent de façon efficace
21 et sans effort -- que la première étape. Nous n'avons pas de jury, nous
22 n'avons pas de difficultés techniques, nous n'avons pas de règlements de
23 procédure, mais le versement au dossier de ces pièces ne suffit pas, car à
24 la fin du procès, les Juges devront accorder un poids à ces pièces;
25 beaucoup de poids, pas de poids ou peu de poids. Cela dépendra pour
26 beaucoup des éléments qui seront contestés dans ces mêmes documents. Je
27 crois qu'il faut adopter une approche réaliste. S'il y a toute une liasse
28 de documents qui nous parviennent parce que l'Accusation est en train de
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1 les fournir, ils pensent que ces documents peuvent étayer leurs moyens,
2 leur permettre d'accomplir leur mission, à savoir, de prouver cela au-delà
3 de tout doute raisonnable. Bien évidemment, il faut donner à la Défense une
4 occasion raisonnable pour lui permettre de contester les documents lorsque
5 ceux-ci doivent être contestés. Bien sûr, comme je l'ai indiqué dans la
6 précédente Conférence de mise en état, je commence par cette question. Est-
7 ce que cette question - le fait que je conteste ces documents - est-ce
8 pertinente à l'affaire ? Si ce n'est pas le cas, je n'irai pas plus loin.
9 C'est quelque chose qui devrait s'appliquer de la même façon à
10 l'Accusation. Est-ce qu'un document est pertinent par rapport à la
11 présentation de leurs moyens ou est-ce présenté à titre cumulatif, ou est-
12 ce quelque chose qui a une valeur probante ou qui peut porter préjudice ou
13 autre chose ? Je crois qu'on peut parler d'efficacité si on peut réduire le
14 nombre de documents qui sont présentés. Ainsi, nous aurons moins de
15 documents à contester.
16 Je puis vous assurer, Monsieur le Juge, que cette équipe de la
17 Défense ne va contester les documents simplement pour le plaisir de les
18 contester. Si nous les contestons, c'est qu'il y a une raison, et nous
19 serons tout à fait disposés à faire valoir nos raisons. Savoir si la
20 Chambre est d'accord ou non, cela, c'est autre chose, mais nous aurons
21 soupesé chaque élément de preuve avant de soulever une objection.
22 Je vais maintenant passer au point 5, présentation des moyens de
23 preuve écrites. C'est quelque chose de nouveau qui a déjà été utilisé dans
24 l'affaire Brdjanin pour la première fois, je peux me tromper. Mais je crois
25 que c'est une très bonne idée. Lorsque l'Accusation pense que si on a
26 simplement besoin de procéder à un contre-interrogatoire, c'est très bien.
27 En vertu de la jurisprudence de ce Tribunal, c'est très bien. La même chose
28 peut être dite en fonction des témoins 92 bis. Je crois que tout le monde
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1 est d'accord. Cela ne pose pas de problème particulier. La jurisprudence du
2 Tribunal permet à cette Chambre d'avancer dans ce sens.
3 Au point 3, j'ai réagi dans le sens où je crois que j'entendais une
4 autre déclaration liminaire, une déclaration liminaire avant les
5 déclarations liminaires présentées comme un autre argument. En fait, c'est
6 le même argument que nous entendons de façon réitérée par M. Scott. On
7 parle du conflit armé comme s'il s'agissait d'apaiser le Juge et comme si
8 on comptait les moutons. En fait, j'ai essayé d'arriver à un chiffre
9 logique. Nous n'avons pas besoin de pousser plus loin cette analyse. Comme
10 je l'ai dit par le passé, au fil des ans, nous avons appris que les
11 archives sont mises à notre disposition. Les documents qui, un jour,
12 n'étaient pas disponibles sont tout à coup disponibles, les témoins
13 viennent à la barre, et les actes d'accusation ont été rédigés de façon
14 différente. Il y a un certain temps, lorsque certains points n'étaient pas
15 contestés ou si certaines allégations n'étaient pas suffisamment
16 contestées, en tout cas en ce qui me concerne, lorsqu'il s'agit de défendre
17 mon client.
18 Si j'avais été conseil de la Défense dans l'affaire Blaskic, Kordic
19 ou Naletilic et si, à ce moment-là, j'aurais par anticipation posé des
20 questions, et si j'avais su que M. Prlic aurait été mis en accusation,
21 j'aurais pu prendre part et poser des questions, mais je n'étais pas
22 présent dans ces affaires, donc je n'ai pas réagi dans ce sens sur ce point
23 parce que c'était à la Chambre de première instance de rendre une décision
24 là-dessus. Premièrement, je pense que c'est inapproprié que l'Accusation
25 fasse une déclaration liminaire comme elle vient de le faire. Bien sûr, il
26 ne s'agit pas de présentation de moyens de preuve comme tout un chacun le
27 sait.
28 Je vais maintenant passer au point 2, délai. Monsieur le Juge, vous
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1 avez précisé que nous aurions l'occasion d'en parler et de parler de la
2 répartition du temps. Je dois vous dire que c'est la première fois que je
3 suis dans un contexte comme celui-ci, où nous utilisons une formule
4 mathématique pour essayer d'arriver à la vérité et pour garantir un procès
5 équitable à l'accusé. Si 450 heures contre 500 heures suffisent à cet effet
6 et si on doit allouer à six accusés 30 minutes, car l'Accusation a utilisé
7 un temps x, y ou z pour son interrogatoire principal, j'estime que
8 l'approche n'est pas bonne, ici. C'est quelque chose que j'ai déjà signalé
9 par le passé.
10 Je vais vous donner un exemple. Lorsqu'il s'agit de prévisions, M.
11 Donia a témoigné dans six affaires, je crois déjà. Il a fourni des
12 documents qui ont été qualifiés de rapports d'expertise. Personnellement,
13 je ne les qualifierais pas comme tels, mais il a fourni un certain nombre
14 de dépositions, et dans six affaires différentes, vous pouvez vous imaginer
15 le nombre de documents que j'aurai à lire pour contre-interroger cet homme.
16 Si vous vous penchez sur ses dépositions ou si vous regardez certains de
17 ses écrits, vous constaterez qu'il commence avec le Moyen Age, il repart
18 aux Ve siècle, au VIe siècle, je ne sais plus, pour essayer d'étayer sa
19 thèse. On peut essayer de comprendre le lien qu'il y a entre le Ve siècle
20 et les années 1991, 1992, 1993, 1994. Je ne sais pas. Mais si l'Accusation
21 doit présenter ses moyens de preuve, est-ce que moi-même je devrais
22 commencer par le Ve siècle aussi ? Peut-être pas. Mais l'idée que je fais
23 valoir ici, c'est si je vois cet homme, j'aurais besoin de trois à quatre
24 jours pour le contre-interroger, et ce sont ici des estimations
25 conservatrices.
26 Simplement, M. Scott, lorsqu'il a fait ses calculs, il a parlé du
27 nombre de minutes passées dans ce prétoire. Je crois qu'il faut garder ceci
28 à l'esprit, il y a des témoins qui parlent une autre langue, on leur
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1 demande de ralentir. Si on compare ici avec la Cour fédérale des Etats-
2 Unis, il est très rare que de la Cour soit saisie de telles affaires où les
3 témoins parlent une langue différente, où tout doit être traduit et on
4 demande aux orateurs de ralentir. Mais l'idée que j'essaie de faire passer,
5 c'est celle-ci : je ne pense pas qu'il soit rationnel de mettre en place ou
6 d'adopter une formule. Je crois que tout ce que nous faisons doit être
7 pertinent.
8 Eu égard au premier point, je ne sais pas quoi dire. L'Accusation ne cesse
9 de parler de cela. Je crois que la Chambre de mise en état a rendu une
10 décision à cet égard, eu égard aux faits admis en vertu du jugement
11 antérieur. Je crois qu'il faut avancer, maintenant. Nous n'avons pas choisi
12 cet acte d'accusation; l'Accusation a décidé de rédiger l'acte d'accusation
13 de cette manière.
14 Si je puis consacrer quelques minutes à cela, c'est en fait un champignon
15 qui a poussé tout seul, j'ai l'impression. Malheureusement, et c'est fort
16 regrettable, que les Chambres de première instance aient permis à
17 l'Accusation de rédiger des actes d'accusation assez généreux et assez
18 larges, peut-être parce que certains pères fondateurs de ce Tribunal
19 avaient l'impression que nous étions là pour parvenir à une vérité
20 historique et pour avoir quelque chose qui soit consigné dans les archives.
21 Le Président Cassesse a fait de telles déclarations. Peut-être que d'autres
22 ont estimé que ceci permettait d'établir la vérité et de s'en rapprocher le
23 mieux possible. D'aucuns ont parlé de réconciliation, il est important
24 d'avoir les dossiers très importants. Ce Tribunal, d'après moi, a perdu une
25 partie de sa mission. Plutôt que d'être un Tribunal pénal appliquant le
26 droit international où la responsabilité, pour finir, incombe à
27 l'Accusation qui a mis en accusation un accusé pour certains crimes, que ce
28 soit en vertu de 7(1) ou du 7(3), que l'Accusation a la charge de la
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1 preuve. Dans certains procès, l'Accusation, consciente de sa mission, a
2 perdu beaucoup de temps et d'énergie et a oublié un petit peu la mission
3 première de ce Tribunal. La réconciliation ou peut-être qu'il faut que ceci
4 soit un des procès historiques, donc beaucoup de temps a été perdu. Dans
5 cette affaire-ci, nous sommes faces à cette situation, nous sommes censés
6 nous dépêcher.
7 Il y a deux jours j'étais à Zagreb, où j'ai rencontré mon client, et c'est
8 quelque chose que je souhaite dire ici, car c'était très poignant, nous
9 avons parlé de son retour à La Haye. Je me suis arrêté pour quelques
10 instants et je me suis mis à sa place, et comment je me sentirais si
11 j'étais à sa place, il viendrait ici à La Haye pour être incarcéré pendant
12 toute la durée du procès, devant répondre des chefs d'accusation qui sont
13 portés contre lui, alors que de l'autre côté, l'autre partie dispose de
14 ressources très importantes pour s'assurer qu'il ne sortira jamais de
15 prison, autrement dit, qu'il meure en prison ou qu'il sorte une fois qu'il
16 sera retraité.
17 C'est quelque chose que j'évoque, car je crois que c'est ce dont il s'agit
18 dans cette affaire. Il s'agit d'individus. Il s'agit de chefs d'accusation
19 qui sont très graves. L'aboutissement du procès aura une conséquence sur la
20 vie de bon nombre de personnes, et ce n'est pas en raison de la stratégie
21 d'achèvement que nous n'avons pas beaucoup évoquée aujourd'hui que nous
22 devrions nous précipiter. Je partage les préoccupations de M. Scott
23 lorsqu'il a dit plus tôt que l'Accusation est en droit de demander un
24 procès équitable, car la justice doit être rendue, ou en tout cas, cette
25 impression doit être donnée. Les victimes, dans chaque cas, ont le droit
26 d'être entendues devant la Chambre. Comme nous le savons tous, toute
27 personne accusée n'est pas coupable. C'est quelque chose qu'il faut garder
28 à l'esprit chaque jour de ce procès. Ce n'est pas parce que l'accusé est
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1 assis là-bas et ce n'est pas parce que l'Accusation pense -- puisque
2 l'Accusation dispose de moyens de preuve, cela ne signifie pas pour autant
3 que cette personne est coupable, et cette personne est en droit d'attendre
4 un procès équitable.
5 Donc, je partage votre point de vue, Monsieur le Président, car je pense
6 qu'en fin de compte, il faut nous assurer que chacun, ici, ait un procès
7 équitable, y compris l'Accusation. Je dois dire que cette estimation de 1
8 000 heures, dans le meilleur des cas, ne me semble pas réaliste. Nous
9 allons essayer d'être aussi efficaces que possible, mais je ne peux pas
10 être d'accord avec les arguments de l'Accusation aux dépens de M. Prlic.
11 Pour finir, l'Accusation a dit ou a dit que -- l'Accusation ne devrait pas
12 bénéficier de ce temps au détriment de l'Accusation. Je dois dire que ceci
13 n'a jamais été le cas dans ce Tribunal. Je crois que vous ne retrouverez
14 aucun cas de ce type. Jamais un avocat de la Défense ou un accusé a dit
15 qu'il a été avantagé par rapport à l'Accusation. C'est tout à fait
16 l'inverse. Si vous deviez faire un sondage, vous constateriez que c'est
17 tout à fait l'inverse et que c'est, en réalité, les avocats de la Défense
18 qui sont lésés. Nous n'avons pas les ressources, nous n'avons pas les
19 pouvoirs discrétionnaires et nous n'avons pas de pouvoir du tout. Merci.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole au deuxième avocat.
21 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Je dois dire que
22 j'accepte entièrement les arguments que nous venons d'entendre de la bouche
23 de Me Karnavas, ses réactions aux dix points présentés par l'Accusation. Je
24 n'ai rien à ajouter à cela. Cependant, je dois souligner le fait que je
25 suis tout à fait d'accord avec vos commentaires et vos remarques au sujet
26 de 65 ter et 89(F). Je pense que c'est entièrement acceptable et je
27 l'accepte.
28 S'agissant des dossiers, je tiens à ajouter un point. Pour ce qui me
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1 concerne et mon client, ils nous auraient été extrêmement utile d'avoir
2 reçu ces dossiers antérieurement. Si tel avait été le cas, ceci nous aurait
3 facilité la préparation de notre défense. Mais là encore, je rejoins Me
4 Karnavas dans ses remarques.
5 Enfin, permettez-moi de soulever un point, de dire quelque chose qui étaye
6 cette thèse de la frustration, de nervosité, qui est suscitée par tous les
7 débats sur la durée du procès à venir. Il est tout à fait humain de
8 souhaiter que le procès ne soit que très court, puisque tous nos clients
9 vont être placés en détention pendant la durée du procès. Mais d'autre
10 part, on se trouve placés dans une situation absurde, et mon confrère a
11 soulevé ce point. Ce Tribunal se trouve face pratiquement au procès le plus
12 important avec le nombre maximum de témoins, de chefs d'accusation, de
13 pièces, par rapport à ce que le Tribunal a connu jusqu'à présent, alors
14 qu'on nous demande d'abréger pour en faire un procès plus court que les
15 procès les plus simples dont il a eu à connaître. Je pense que ceci ne sera
16 pas possible et que le point 10 qui évoque donc cette durée comme étant une
17 durée possible, mais uniquement si les neuf points préalables étaient
18 accomplis, je pense que cette estimation n'est pas réaliste. Je vous
19 remercie.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Nozica.
21 Maître Kovacic.
22 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. J'essaierai d'être
23 très bref, puisque mon confrère et ma consoeur viennent de dire la plupart
24 des choses que j'allais aborder. Il ne me reste plus que deux ou trois
25 points très brefs à mentionner.
26 Nous avons évoqué ici le droit d'avoir un procès rapide --
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a une erreur dans le transcript. C'est Maître
28 Kovacic, pas Jonjic.
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1 M. KOVACIC : [interprétation] Ce sera corrigé. Je n'ai aucun doute là-
2 dessus.
3 On a évoqué le droit à avoir un procès rapide. C'est sans doute l'un
4 des droits fondamentaux de l'accusé, conformément à notre Statut.
5 Cependant, très concrètement, en pratique, la situation dans laquelle nous
6 nous trouvons est celle de devoir veiller à l'équilibre entre le droit à
7 avoir un procès rapide et le droit d'avoir un procès équitable. Hélas, pour
8 des raisons pratiques, et je pense que nous en sommes tous pleinement
9 conscients, ces deux droits, ces deux garanties fournies aux accusés se
10 trouvent souvent en collision, parce qu'un procès rapide signifie parfois
11 des télescopages ou l'omission de certains détails. Donc là, on pourrait
12 perdre sur l'équité du procès. Bien entendu, toute Défense cherche
13 toujours, dans cette situation où il convient de trouver un équilibre, et
14 la vie nous y force, lorsqu'il faut chercher un équilibre entre les deux,
15 la Défense va s'engager pour défendre le droit à un procès équitable au
16 premier chef.
17 Ce que je souhaite dire par là, c'est que même si ce débat sur la rapidité
18 ou la durée du procès a été suscitée par la résolution du Conseil de
19 sécurité, en réalité, nous ne pouvons pas avancer l'argument faisant valoir
20 que c'est dans l'intérêt des accusés. Non. Très rarement cela sert
21 l'intérêt de l'accusé, et très souvent, ceci contredit le droit à avoir un
22 procès équitable. Ici, de plus en plus, on commence à veiller au temps qui
23 passe. Comme vient de dire ma consoeur, on va avoir des procès le
24 chronomètre à la main. Si on est constamment soumis aux pressions, soit des
25 pressions qui s'exercent sur le témoin pendant l'interrogatoire principal
26 ou pendant le contre-interrogatoire, et si on doit interroger le
27 chronomètre à la main, on ne pourra pas être équitables. Nous devons
28 pouvoir présenter à la fois les témoins et les documents à l'appui.
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1 Le deuxième point que je souhaite soulever : à l'examen de cette méthode ou
2 méthodologie proposée par l'Accusation lorsqu'elle propose certaines
3 mesures qui nous permettraient d'accélérer le procès, de plus en plus, on
4 semble évoquer la Défense comme une partie de l'espèce, et de l'autre côté,
5 on parle de l'Accusation comme étant l'autre partie. Mais la Défense, ce
6 n'est pas une Défense à titre individuel, mais cela devient une notion
7 prise en bloc, un tout. Lorsqu'on évoque le partage du temps, la
8 répartition du temps, on dit deux heures pour l'Accusation, deux heures
9 pour la Défense, et on dit, lorsqu'on parle des arguments, cela a été un
10 argument de l'Accusation ou, en revanche, cela a été un argument de la
11 Défense.
12 Mais il me semble qu'il ne faut pas perdre de vue que nous avons ici six
13 Défenses, au pluriel. Il n'y a pas une Défense au singulier, et chacune de
14 ces six Défenses est tout à fait en droit de présenter ses moyens de la
15 manière dont elle le juge utile, même si elle se trompe, d'une manière qui
16 sera totalement différente de la présentation ou des agissements d'une
17 autre équipe de la Défense. Elle a droit à d'autres preuves et, tout à
18 fait, elle a droit à s'organiser de manière tout à fait autonome. Chacun
19 des accusés en l'espèce est un accusé à part. L'objectif de ce procès est
20 d'établir la responsabilité individuelle des accusés. Là, c'est un concours
21 de circonstances d'avoir cinq ou six accusés, mais il n'en reste pas moins
22 des accusés à titre individuel. Je pense que certaines des mesures qui ont
23 été évoquées mettent en péril cette position individuelle et spécifique de
24 chacun des accusés.
25 Maintenant, s'agissant des dossiers, nous en avons vu un exemple
26 aujourd'hui -- je viens de le voir à l'instant, donc je n'ai pas pu
27 l'examiner, je ne veux pas rentrer dans les détails. Mais je me permettrai
28 quand même de rappeler un point, puisque notre confrère, M. Scott, a cité
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1 l'affaire Kordic/Cerkez. Là aussi, on a fait quelques expériences avec les
2 dossiers. Il me semble que nous avons eu un dossier Tulica, et cela a été
3 le seul à être fourni. La Défense a présenté ses arguments, et par la
4 suite, il n'a pu être utilisé. Il faudrait que je retrouve dans le compte
5 rendu d'audience les précisions, mais je sais que la Chambre de première
6 instance a renoncé à l'utilisation de ce dossier, parce qu'il y a eu une
7 raison pour laquelle il ne s'est pas avéré utile ou bon. Excusez-moi, je
8 n'ai pas là les précisions. J'aurais certainement pu retrouver cela dans le
9 compte rendu d'audience si j'avais été averti en temps utile de la
10 présentation du dossier.
11 Alors, l'Accusation semble prête à rationaliser sa cause. A ce sujet, je
12 dois vous faire part d'une remarque. Pour ce qui est de l'existence du
13 conflit international armé ou d'autres sujets, l'Accusation évoque la
14 jurisprudence du Tribunal, mais en même temps, l'Accusation néglige le
15 contenu des jugements Blaskic, Kordic, Tuta, Stela, et certains jugements
16 comparables. Elle omet de remarquer que dans tous ces jugements, on a
17 établi qu'au cours de l'année 1992, il n'y avait pas de conflit entre les
18 Croates de Bosnie-Herzégovine et les Musulmans de Bosnie-Herzégovine, donc
19 ce qui fait la substance de notre espèce. Dans toutes ces affaires, il a
20 été établi avec quelques petits détails, en fonction du territoire où se
21 sont déroulés les événements, on a établi que ces conflits ont commencé
22 après certains incidents de décembre, incidents qui n'ont pas été
23 caractérisés comme étant le conflit général, donc décembre 1992, et que le
24 conflit ne commence qu'en mars ou en avril, en fonction des événements.
25 C'est de septembre 1991 jusqu'aux accords de Washington de 1994 que court
26 la période couverte par l'acte d'accusation. Même si dans toute cette série
27 de jugements, il en a été jugé autrement. L'Accusation omet de remarquer ce
28 qui ne lui convient pas, même si dans ces autres affaires, il a été
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1 constaté qu'en 1992, le conflit entre les Croates et les Musulmans de
2 Bosnie-Herzégovine n'existait pas.
3 C'est une question qui se pose, Monsieur le Président. Si
4 l'Accusation affirme, et c'est ce qu'elle fait, dans l'acte d'accusation,
5 que l'entreprise criminelle commune prend naissance en septembre 1991 et
6 qu'elle court jusqu'à l'accord de Washington, il est clair, Monsieur le
7 Président, que je n'ai non seulement le droit, mais aussi l'obligation
8 éthique, professionnelle, de démontrer ce qui en est de cette entreprise
9 criminelle commune et de présenter mes moyens à partir de septembre 1991,
10 parce que c'est cela, la période circonscrite par l'Accusation. Je dois
11 présenter à la Chambre tout le reste de 1991, toute l'année 1992, pour que
12 la Chambre de première instance puisse arriver au moment critique de 1993,
13 donc il nous faut commencer au jour un.
14 Je ne demande pas que l'on modifie l'acte d'accusation. J'en conviens
15 avec l'Accusation que c'est leur droit de rédiger les actes d'accusation,
16 mais j'avertis du fait qu'il s'agit là d'une contradiction grave.
17 L'Accusation ne peut pas à la fois dire que le conflit international a été
18 prouvé dans telle, telle ou telle espèce, et puis demander qu'on l'admette
19 ici, indépendamment des différences considérables, comme mon confrère
20 Karnavas en a parlé - je ne vais pas répéter - et en même temps, omettre de
21 relever tout ce qui a affaire avec le moment du conflit dans cet acte
22 d'accusation. Il y a d'autres exemples que je pourrais signaler.
23 Encore une fois, la question qui se pose est la question de
24 communication de la part de l'Accusation, de jouer cartes sur table. Si
25 nous avions reçu ce dossier en temps voulu, nous aurions probablement pu
26 préparer des arguments valables, et je vous aurais renvoyé aux pages du
27 compte rendu d'audience dans l'affaire Kordic/Cerkez.
28 Un petit point pour terminer, l'Accusation a évoqué une mesure comme
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1 possible -- les résumés des témoins. Cela a été appliqué dans l'affaire
2 Kordic/Cerkez, également. C'est un mécanisme tout à fait spécifique. On
3 peut en discuter, mais je pense qu'il faudrait qu'on puisse se préparer
4 pour ces discussions, pour savoir de quoi on parlera, puisqu'il faudrait
5 que l'on sache exactement de quoi on parlerait. Pour le moment, je m'y
6 oppose, même si je suis d'avis qu'effectivement, c'est un mécanisme qui
7 pourrait peut-être aider à rationaliser un petit peu le temps, mais à
8 condition d'établir les règles. Comment va-t-on procéder ? Merci.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Kovacic.
10 Je vais donc donner la parole à Me Alaburic.
11 Mme ALABURIC : [interprétation] Mes confrères et consoeurs ont déjà soulevé
12 certains points auxquels je souscris tout à fait. Mais quelques remarques,
13 si vous me le permettez. Aujourd'hui, j'ai l'impression, en partie, que
14 nous essayons de voir comment verser un litre d'eau dans une bouteille d'un
15 demi-litre. Même si on voit d'emblée qu'il faut soit abandonner la moitié
16 du liquide, soit changer de bouteille, nous essayons néanmoins de trouver
17 un moyen pour verser un litre d'eau dans une bouteille d'un demi-litre. Je
18 pense que ce n'est pas possible. D'emblée, à ce stade-là, il me semble
19 qu'il faudrait faire comprendre et savoir clairement que, dans le respect
20 de tous les droits des accusés et toutes les parties en présence, donc,
21 tous les droits garantis par les conventions internationales et par les
22 actes de ce Tribunal, on ne pourra pas mener à son terme la procédure de
23 première instance avant la fin de l'année 2008. Je pense que le Conseil de
24 sécurité, qui se prononce sur l'efficacité de ce Tribunal, sur le budget de
25 ce Tribunal, et qui décide, en dernière instance, de s'adjurer de son
26 travail et de la poursuite de ses travaux, je pense qu'il faut lui signaler
27 que ce n'est pas dans ce délai-là qu'il sera possible d'en terminer avec
28 l'activité de ce Tribunal et qu'il faut proroger sa durée pour que les
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1 procès dont il est saisi puissent être menés à leur terme, conformément aux
2 conventions internationales et aux règles de l'art. Tous les participants à
3 ce procès, nous ne serons pas redevables devant le Conseil de sécurité.
4 Même si c'est lui qui se prononce sur l'efficacité du Tribunal, nous serons
5 responsables devant nos clients et devant nos confrères, devant la pratique
6 judiciaire et de la jurisprudence.
7 Alors, un deuxième point. Lorsqu'on parle des délais raisonnables, je
8 voudrais me référer à la notion de procès rapide. La notion de procès
9 rapide n'existe dans aucune convention internationale des droits de
10 l'homme, n'existe nullement dans le Statut, ni dans aucun autre acte de ce
11 Tribunal, le procès rapide, sous forme de droits ou d'obligations dans la
12 procédure pénale. En revanche, ce qui existe, c'est le droit de l'accusé à
13 être jugé dans les délais raisonnables -- ou plutôt, comme le dit le Statut
14 de ce Tribunal, le droit à être jugé sans délai indu, donc, sans retard
15 indu. Il a également le droit à un procès équitable. D'après les
16 conventions internationales, tels sont les droits exclusifs des accusés, et
17 il convient de les protéger en tant que tels. Bien entendu, la notion de ce
18 qui est raisonnable et de ce qui est équitable ne s'applique pas uniquement
19 aux accusés, mais s'applique directement ou indirectement à tous les
20 participants au procès. Cependant, la question de l'équité et des délais
21 raisonnables a été résolue d'une manière différente, à savoir, la pratique
22 judiciaire a établi ce qui est un acte punissable et ce qui ne l'est pas.
23 C'est de cette manière-là que l'on protège les victimes, ou l'Accusation
24 dispose de certaines attributions pour décider à quel moment elle
25 poursuivra, et sur la base de quel chef. Au moment où le procès s'ouvre, la
26 question de l'équité et des délais raisonnables est quelque chose qui est
27 le droit de l'accusé, et nous sommes tenus de respecter ce droit.
28 Une troisième remarque que je souhaite faire. On revient sans cesse à la
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1 notion de bonne foi, lorsqu'on parle des agissements de l'Accusation. Donc,
2 dans ce sens, on dit, par exemple, que la Défense n'agit pas de bonne foi
3 si, dès ce stade-ci, elle n'expose pas les faits qu'elle conteste, si elle
4 ne dit pas pour quelles raison elle les conteste et si elle ne précise pas
5 ses moyens de défense. J'estime que ces revendications sont tout à fait
6 sans fondement et que l'on ne peut pas les placer sur la Défense, et que
7 ceci est contraire aux droits fondamentaux garantis par ce Tribunal, à
8 savoir, l'accusé peut même se défendre par le silence. Une défense par le
9 silence ne signifie nullement que l'accusé agit de mauvaise foi ou
10 contrairement à la bonne foi.
11 Une quatrième remarque au sujet des faits jugés. Tout d'abord, pour ce qui
12 est du conflit international armé, mon confrère Kovacic a fait quelques
13 remarques là-dessus; ce que je pense, c'est que nous pouvons soulever deux
14 problèmes à ce sujet. Au point 232 de l'acte d'accusation, il est dit que
15 le conflit international armé se fonde sur le soi-disant contrôle
16 généralisé dont disposait les autorités croates en Bosnie-Herzégovine, et
17 sur l'occupation partielle de certaines régions de Bosnie-Herzégovine. A ce
18 jour, nous n'avons reçu aucun fondement factuel de la part de l'Accusation
19 pour nous dire de quelle région de Bosnie-Herzégovine il s'agirait comme
20 ayant été occupée. La notion de l'occupation partielle est très importante
21 pour notre préparation.
22 Pour ce qui est du contrôle généralisé, les faits jugés dans d'autres
23 affaires ne peuvent pas être reçus, dans l'espèce, pour la raison suivante.
24 La question du conflit international armé dans les autres affaires devant
25 ce Tribunal a été établie pour constater si on pouvait appliquer certaines
26 des dispositions du Statut portant sur les crimes, donc qui ne s'appliquent
27 que dans le cas du conflit international armé. Or, ici, il s'agit d'une
28 composante très importante de l'existence de l'entreprise criminelle
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1 commune. Donc là, il en va de la responsabilité pénale de nos clients.
2 Puis, ma cinquième remarque, j'enchaîne sur ce qu'a dit mon confrère
3 Karnavas, hier, j'ai soumis des écritures en réagissant au sujet de Dr
4 Donia et de sa déclaration. Je pense que ce Tribunal ne doit pas établir
5 les faits historiques. Nous, en tant que juristes, -- j'estime que ce
6 Tribunal n'est ni qualifié, ni appelé, ni en mesure d'établir les faits
7 historiques. Nous sommes ici présents pour établir la responsabilité pénale
8 de certains accusés très concrets, très précis, au sujet des actes
9 criminels très concrets. L'histoire revient à d'autres. Dans ce contexte-
10 là, et comme l'a dit mon confrère Kovacic, je pense qu'il est très
11 important de ne pas oublier de vue que chacun de nos six clients
12 conformément à 82(A), a le droit de se défendre comme s'il avait été le
13 seul accusé de l'espèce. Si les six accusés étaient traités en bloc, ceci
14 ne serait pas acceptable. Nous avons ici six équipes de la Défense, et
15 elles ne peuvent pas être traitées comme faisant un bloc face à
16 l'Accusation. Je vous remercie.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : L'avocat suivant.
18 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Juge, vu qu'il est déjà 11 heures
19 40 et que le moment de la fin de cette Conférence, tel que prévu, approche,
20 je souhaite --
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous irons jusqu'à 13 heures 45. Rassurez-vous.
22 M. JONJIC : [interprétation] Très bien, mais il n'empêche que je précisais
23 que je n'ai rien à ajouter à ce qu'ont dit mes confrères et mes consoeurs.
24 Il n'y a pas lieu de répéter ce qu'ils ont déjà dit.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Ibrisimovic.
26 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne
27 voudrais pas abuser de votre temps, je ne voudrais pas répéter encore une
28 fois ce qui a déjà été dit. Me Kovacic, cependant, a dit une chose. Il a
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1 dit qu'il y a un manque d'équilibre dans ce procès. Nous avons six équipes
2 de la Défense face à une accusation, et peut-être que nous ne serons pas
3 toujours d'accord sur tous les points. D'ailleurs, ce serait étonnant qu'il
4 y ait toujours un accord parfait entre nous. C'est un fait qu'il faudra
5 tenir à l'esprit lorsqu'on décidera du temps à impartir aux différentes
6 défenses.
7 Puis, un autre point au sujet des dossiers. Il me semble que c'est
8 simplement une autre manière d'exécuter ce que vous avez demandé à
9 l'Accusation. Nous nous attendons à recevoir, d'ici le 14, les tableaux
10 récapitulatifs que l'Accusation doit faire d'après votre ordonnance. C'est
11 tout. Je vous remercie.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Je remercie tous les avocats qui sont intervenus.
13 Cela a été très utile, et je leur sais particulièrement gré de leurs
14 interventions. Sur ce qu'ils ont dit, je n'ai pas d'observation contraire à
15 leurs propos.
16 Je constate, cependant, que la question de la création d'un dossier peut
17 être une idée intéressante qui mérite, bien entendu, que l'Accusation et la
18 Défense se rapprochent sur cette question. J'ai découvert, en vous
19 écoutant, qu'il y a déjà eu un essai dans l'affaire Kordic, où l'Accusation
20 avait préparé un dossier, puis, pour un motif que j'ignore, mais que
21 l'avocat également ignore, ceci a été abandonné.
22 Bien entendu, si l'Accusation se lance dans cette voie de dossiers, il
23 faudra préparer des dossiers pour toutes les municipalités, pas que pour
24 Gornji Vakuf, bien entendu. Donc, à ma grande satisfaction, je ne constate
25 pas pour le moment un rejet pur et simple de cette question du dossier.
26 Le deuxième constat que je peux faire en vous ayant écouté les uns et les
27 autres, vous émettez des doutes sur le temps, le 1 000 heures, pensant
28 qu'il faudra certainement un temps supérieur. J'en prend acte, mais dans la
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1 vie, il faut bien un point de départ, et les meilleurs peuvent être un
2 point de départ, quitte, évidemment, à rallonger cette durée si la
3 nécessité se faisait sentir.
4 Il a été abordé également -- je voulais l'évoquer, mais vous me donnez le
5 moyen de l'évoquer, la question de la vérité historique. Le Tribunal, comme
6 l'a indiqué les avocats, n'a pas vocation à dire l'histoire. Ce n'est pas à
7 nous de dire l'histoire. En quoi un témoin historique est-il nécessaire ?
8 Le témoin historique est nécessaire pour rappeler certaines données qui ne
9 prêtent pas à discussion. Je prendrais un exemple dans mon histoire
10 nationale, qui est la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789. Si un
11 expert historique vient dire que la Bastille a été prise le 14 juillet 1789
12 et qu'un Tribunal mentionne en "footnote" que la Bastille a été prise le 14
13 juillet 1789, le Tribunal ne dit pas l'histoire, il fait référence à une
14 version historique non contredite. Maintenant, si quelqu'un dit : non, ce
15 n'est pas le 14 juillet, mais le 15 juillet; à ce moment-là, ce sera noté.
16 Donc nous levons toutes les ambiguïtés : un témoin historique n'est pas là
17 pour délivrer une vérité historique aux Juges. Les Juges sont capables de
18 faire la distinction entre la vérité historique, entre ce qui est
19 incontestable et entre ce qui relève des spéculations.
20 Concernant le Témoin Donia, qui a témoigné à six reprises dans plusieurs
21 procès, et notamment, l'un des premiers procès qui était Blaskic, où tout
22 de suite après la présentation des moyens de preuve par l'Accusation, le
23 Témoin Donia a déposé -- je vous renvoie au transcript de l'affaire
24 Blaskic, où, apparemment, la Défense ne savait pas que c'était un témoin
25 expert, au motif que le nom de Donia n'avait pas été repéré par les avocats
26 car l'Accusation l'avait orthographié Donia et que le logiciel de recherche
27 n'avait pas permis à la Défense de s'apercevoir que c'était un témoin qui
28 allait déposer sur des questions historiques.
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1 Vous aviez jusqu'au 13 avril pour faire part de vos observations sur ce
2 témoin qui viendra déposer, bien entendu, mais, et c'est là où je me tourne
3 vers l'Accusation, comme l'a dit à juste titre Me Karnavas, cela ne sert à
4 rien qu'il vienne parler du Moyen Age, et cetera. Il faudra que
5 l'Accusation centre ses questions sur l'essentiel, qui est ce qui est
6 contenu dans l'acte d'accusation, et notamment, ce qui est contenu et qui
7 peut, au point de vue historique, avoir un intérêt quelconque pour les
8 Juges : c'est la question de la création de la Grande-Croatie ou la
9 Banovina, entre 1939 et 1941, car cela, c'est important. Alors, il vaut
10 mieux poser des questions là-dessus que ce qui s'est passé en 1341 parce
11 qu'à titre de curiosité intellectuelle, j'ai lu sa déposition dans
12 l'affaire Blaskic et j'ai comparé ce qu'il a dit avec le jugement Blaskic.
13 Dans le jugement Blaskic, il y a quelques "footnotes" par rapport à ce
14 témoin. A quoi cela sert de perdre beaucoup de temps si ce temps est
15 totalement perdu et n'a aucune utilité ? Il faut que l'Accusation et la
16 Défense comprennent bien que lorsqu'un témoin vient, c'est pour éclairer
17 des Juges. Les questions que vous posez, elles doivent, le cas échéant,
18 être traduites dans le jugement. Si vous posez des questions pour que cela
19 ne serve à rien, évitez de poser des questions. C'est comme cela que vous
20 serez, les uns et les autres, efficaces, car vos questions, c'est à
21 destination des Juges, qui doivent, eux, statuer d'abord sur la pertinence
22 et sur la valeur probante des éléments de preuve.
23 Voilà ce que je voulais dire par rapport aux interventions de tous les
24 avocats. Je me réjouis du contexte général qui a été évoqué Je n'ai pas
25 d'autre commentaire à faire.
26 Simplement, Monsieur Scott, pour que la Chambre y voie clair et également
27 que les avocats y voient clair, vous avez indiqué que de votre point de
28 vue, il vous faudrait, grosso modo, 450 heures pour présenter vos moyens de
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1 preuve. Il serait utile pour la Chambre et ainsi que pour les avocats,
2 qu'on ait d'ores et déjà une répartition de ce temps en fonction des
3 témoins. Par exemple, M. Donia, il rentre pour combien d'heures ? Deux
4 heures ? Trois heures ? Quarante minutes ? Je ne sais pas. Le Témoin 115,
5 combien ? Le Témoin 118, combien, et cetera ? Donc, je vous demande par
6 décision orale de ce jour de me faire des écritures pour répartir ce temps
7 de manière prévisionnelle en fonction de vos témoins, afin qu'on essaie d'y
8 voir clair, ce qui permettra évidemment à la Défense de dire : non, là,
9 vous avez prévu quatre heures, ce n'est pas suffisant, et cetera; ce qui
10 nous permettra d'avancer. Alors, je vais quitter ce sujet parce qu'il y a
11 d'autres sujets aussi importants, et j'ai peur que nous n'ayons pas le
12 temps d'évoquer tous ces sujets car ce sera la dernière Conférence de mise
13 en état, puisque la prochaine que nous nous verrons, nous nous verrons en
14 Conférence préalable, et la Conférence préalable a la vocation à mettre
15 déjà un pied dans le procès. Donc, dans la Conférence préalable, on règlera
16 tout ce qui peut être encore pendant, mais il faut aujourd'hui avancer.
17 Pour avancer, je me dois d'aborder le problème des avocats.
18 Il y a actuellement deux problèmes sérieux qui se posent, et je vais
19 publiquement les aborder parce qu'il n'y pas de raisons d'évoquer en
20 catimini dans la mesure où la question des avocats peut avoir des
21 conséquences énormes sur le procès. Un des accusés, l'accusé Coric pour ne
22 pas le nommer, veut changer d'avocat. Donc, il a fait des écritures et le
23 Président de ce Tribunal, hier, a rejeté ses demandes. En tant que Juge,
24 Président de cette Chambre, à l'ouverture du procès, je vais me trouver
25 dans la situation suivante où un accusé ne veut pas de son avocat. En tant
26 que Juge, je ne peux pas participer à une parodie de justice. Il n'est pas
27 question pour moi d'entamer un procès avec un avocat qui n'a pas l'accord
28 de son client. Ce n'est pas possible. Donc, il va falloir trouver une
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1 solution. Il y a plusieurs solutions envisagées mais ceci, il faudra que je
2 l'aborde lors de la Conférence préalable avec M. Coric.
3 La première solution, c'est que l'intéressé se défende seul, ce qui
4 posera évidemment un nouveau problème. La directive sur la commission
5 d'office, l'article 13 règle la situation : "Lorsqu'un accusé voit sa
6 demande de commission d'office d'un conseil rejeté, il peut demander par
7 voie de requête à la Chambre. A ce moment-là, c'est la Chambre qui est
8 compétente, pas le Greffier, ni le Président. L'examen immédiat de la
9 décision du Greffier dans les deux semaines, sa notification. La Chambre a
10 plusieurs possibilités, soit elle confirme la décision du Greffier, soit
11 elle décide que l'accusé peut payer l'avocat de son choix ou décide qu'un
12 conseil doit être commis d'office."
13 Donc, lors de la Conférence préalable, j'évoquerai cette question
14 avec M. Coric pour lui dire qu'est-ce qu'il veut, qu'est-ce qu'il décide.
15 Si M. Coric persiste dans sa volonté d'avoir un autre avocat et que le
16 procès est engagé, il conviendra, pendant un laps de temps important, que
17 l'avocat qui l'assiste actuellement participe au démarrage de l'affaire.
18 Ceci est prévu par la directive et que la meilleure solution c'est que le
19 co-conseil qui serait désigné prenne après la succession comme cela, il n'y
20 aura pas de problème. Mais je l'affirme solennellement, il n'est pas
21 question pour moi d'assister à un procès où l'accusé n'est pas défendu par
22 l'avocat en qui il a confiance. Nous serions dans un système romano-
23 germanique. A la limite, cela pourrait être envisageable dans la mesure où
24 le Juge peut intervenir en posant directement les questions à l'accusé,
25 l'accusé répond. Même si son avocat ne remplit pas son office, ceci peut
26 être fait mais pas dans le système accusatoire dans lequel nous sommes.
27 Pourquoi ? Parce que l'avocat représente l'accusé. C'est l'avocat qui
28 contre-interroge le témoin par ses propres questions. Il n'y a pas que
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1 cela. L'avocat doit aussi préparer la phase ultérieure qui est l'assemblage
2 des éléments de preuve à décharge. Il y a donc tout un travail qui doit
3 être fait en confiance entre l'avocat et l'accusé. S'il n'y a pas de
4 confiance, à ce moment-là, il ne peut pas y avoir de procès équitable.
5 Donc, je suis très clair sur cette question. Cette question devra
6 être impérativement abordée lorsque M. Coric sera présent et il faudra
7 qu'il nous précise exactement ce qu'il compte faire parce qu'il est évident
8 que nous aurions qu'un accusé. L'affaire pourrait se gérer beaucoup plus
9 facilement mais nous avons six accusés avec plusieurs avocats et il ne
10 s'agit pas que la situation d'un accusé rejaillisse sur le sort des autres
11 accusés. Il ne faut pas que des pertes de temps de l'un aient des
12 conséquences sur les autres. C'est pour cela que le Juge doit être
13 particulièrement vigilent sur cette question. Il est vrai que la directive
14 donne un pouvoir au Greffier qui peut intervenir dans l'intérêt de la
15 justice. Il est vrai également que le Président est compétent du Tribunal
16 pour apprécier toute contestation d'une décision administrative prise pour
17 le Greffier. Mais, nonobstant cela, il y a l'intérêt de la justice. C'est
18 également l'intérêt qu'un procès se déroule dans les meilleures conditions
19 possibles et qu'un accusé ait droit à un avocat en qui il a une totale
20 confiance.
21 Je l'ai déjà dit, dans le passé, que l'expérience de ce Tribunal a
22 montré que, lorsque cette confiance n'existait pas, il est arrivé que, dans
23 la phase d'appel, un accusé qui avait été déclaré coupable conteste devant
24 la Chambre d'appel la culpabilité en imputant la déclaration de culpabilité
25 sur le fait que c'était son avocat qui l'avait mal défendu. Alors, pour
26 qu'un accusé puisse être bien défendu, la moindre des choses c'est qu'il
27 ait une confiance totale dans son avocat. Alors, je voulais évoquer cela
28 pour que, pendant l'audience de la Conférence préalable, nous trouvions une
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1 solution.
2 Deuxième problème d'avocat. Oui, si vous voulez intervenir.
3 M. JONJIC : [interprétation] Juste en une phrase. Nous venons d'apprendre
4 par votre bouche qu'une décision venait d'être prise suite à la demande
5 déposée par mon client. Par ailleurs, je ne m'étais pas opposé à cette
6 demande et j'avais insisté pour dire que cet esprit de confiance entre un
7 client et son représentant, son avocat, c'était essentiel. C'était une
8 condition préalable et c'est vraiment plus important ici, même qu'ailleurs.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie pour votre intervention qui vous,
10 tout à fait, dans le sens de mes propos antérieurs. Donc, nous reverrons ce
11 problème avec l'intéressé parce que là, pour le moment, il n'est pas à même
12 de nous préciser sa position.
13 Alors, le deuxième problème : Les Juges ont maintenant un Juge de réserve
14 capable de le substituer en cas de défaillance et il faut que, dans un
15 procès également, qui peut prendre 1 000 heures, au minimum, si jamais un
16 avocat tombe malade, se casse une jambe ou je ne sais quoi, il faut que son
17 collègue -- son confrère puisse également le remplacer au pied levé. Donc,
18 il est normal que, dans les équipes d'avocat, qu'il y ait deux avocats.
19 Alors, pour le moment, nous avons plusieurs accusés qui ont deux avocats,
20 mais, en regardant la liste, nous avons, pour l'accusé Petkovic, Me
21 Alaburic qui est pour le moment seule. Je me suis préoccupé de cette
22 situation et je sais qu'actuellement, il y a des échanges entre le Greffe
23 et
24 Me Alaburic. J'ose espérer qu'une solution intervienne très rapidement afin
25 que vous soyez assistée, donc, co-avocat.
26 Comme vous le savez, la directive relative à la commission d'office met des
27 conditions strictes pour pouvoir exercer son office d'avocat devant ce
28 Tribunal. Il y a des conditions liées à l'expérience professionnelle. Il
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1 faut qu'il y est au moins sept ans d'expériences professionnelles et
2 d'autres critères. Le Greffier examine ces critères pour voir si la
3 personne peut être nommée. Voilà. Donc je tenais à rappeler cela et j'ose
4 espérer qu'une solution intervienne très rapidement afin que vous soyez au
5 moins deux pour la Défense des accusés. Quand je dis "au moins," c'est un
6 minimum parce que votre tâche est immense, elle est complexe, et cela
7 demande que l'effort soit réparti entre vous et il vaut mieux être à deux
8 que seul ou à trois que deux, et cetera. J'espère que, lorsque nous
9 commencerons le procès le 26 avril, toutes les équipes seront constituées.
10 Oui. Maître Alaburic, si vous voulez intervenir sur cette question.
11 Mme ALABURIC : [interprétation] Je vous remercie. Je tiens à dire que
12 lundi, j'ai présenté des écritures très étendues en m'adressant à la
13 présente Chambre. J'ai demandé qu'Osso [phon] Miljanic, mon confrère, qui,
14 depuis avril 2004, fait partie de mon équipe, fait l'objet de décision sur
15 deux points :
16 Premièrement, s'il y a un conflit d'intérêt et si, de manière
17 générale, il peut être engagé au sein de mon équipe indépendamment de ses
18 fonctions précises -- de sa place précise au sein de l'équipe.
19 Deuxièmement, la question de son expérience. J'estime qu'il a suffisamment
20 d'expérience. Il y a eu quelques différences entre le Greffe et moi-même
21 sur cette question, mais je pense que la Chambre de première instance
22 pourrait se prononcer. Mon collègue, Osso Miljanic, est le deuxième nom sur
23 la liste des membres de l'équipe sur mon casier, et il a été présenté à
24 toutes les autres équipes de la Défense. De manière tout à fait autonome,
25 il a entrepris certaines activités, il dispose de toutes les connaissances
26 factuelles et juridiques si jamais il m'arrivait quelque chose si je
27 faisais une chute de velo, bien, pour pouvoir rentrer dans ce prétoire me
28 remplacer et assurer la poursuite de la procédure. J'espère que la Chambre
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1 a eu connaissance de ces écritures qui lui sont parvenues depuis lundi;
2 sinon, nous pouvons examiner où était le problème. Toute la correspondance
3 relative à cela entre moi-même et le Greffe a été donc soumise à la
4 Chambre. J'espère que, le premier jour du procès, je pourrais entrer dans
5 ce prétoire avec un confrère qui connaît dans le détail la substance de
6 l'espèce qui serait le meilleur collègue pour moi et, bien entendu, dans
7 l'équipe de la Défense du général Petkovic, bien entendu, que je suis la
8 première à souhaiter avoir une défense de qualité aux côtés de moi.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre intervention n'était inutile parce qu'elle
10 appelle de ma part --
11 Monsieur Scott, je vais vous donner la parole. Vous voulez intervenir sur
12 cette question parce que j'allais -- je vais vous donner la parole. Je
13 voulais répondre à Me Alaburic.
14 Votre intervention n'était pas inutile pour les raisons suivantes :
15 vous venez de m'informer que vous avez saisi la Chambre. Je n'ai pas encore
16 vos écritures, mais je rappelle l'article 14 de la directive. Dans la phase
17 de nomination d'un conseil, voilà ce qui est indiqué, peut-être commis
18 d'office comme conseil toute personne dont le Greffier a pu s'assurer que
19 son nom figure sur la liste des conseils mentionnés à l'article 45(B) du
20 Règlement, il y a donc la fameuse liste qui soit habilité n'a pas été
21 déclaré coupable d'une procédure indisciplinée et parle l'une des deux
22 langues, et cetera, et cetera.
23 Il y a un processus administratif sur la désignation par le Greffier.
24 Si le Greffier rejette le processus et encore administratif, le recours
25 peut être formé devant le Président. Tout cela me parait des pertes de
26 temps. Il aurait mieux valu que ce soit la Chambre qui décide, mais mes
27 prédécesseurs sont rentrés dans des voies totalement administratives, alors
28 que nous sommes dans un fonctionnement judiciaire.
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1 Quoi qu'il en soit, la procédure à suivre c'est : si le Greffier ne veut
2 pas de votre collaborateur, il faut contester devant le Président. Ce n'est
3 qu'après qu'à ce moment-là vous nous faites une requête saisissant la
4 Chambre de la difficulté. C'est la procédure que nous avons eue pour M.
5 Praljak. Donc, je rappelle que M. Praljak voulait un avocat d'office, le
6 Greffier ne voulait pas. Il y a eu toutes des phases procédurales, puis,
7 finalement, la Chambre est intervenue enfin.
8 La Chambre intervient lorsque toutes les voies administratives ont échoué.
9 Pour le moment, normalement c'est au Greffier de vous dire officiellement
10 qu'il n'est pas d'accord avec votre proposition, vous contestez la
11 proposition du Greffier enfin la lettre du Greffier auprès du Président qui
12 rend une décision, et après, vous ressaisissez la Chambre.
13 Mme ALABURIC : [interprétation] Nous avons la décision de la Chambre --
14 non, excusez-moi, du Greffe. La situation est relativement compliquée. M.
15 Miljanic devait devenir mon co-conseil et il est devenu membre du barreau
16 et son nom figure sur la liste de l'article 44, mais non pas sur la liste
17 45. Nous avons estimé, par la suite, que ce serait bien qu'il devienne un
18 assistant juridique, et que nous allions demander d'avoir un autre co-
19 conseil, et compte tenu de la position de M. Miljanic au sein de l'équipe
20 de la Défense, bien, peut-être que cette troisième personne pourrait ne pas
21 être au fait de tous les détails de l'espèce. Donc, M. Miljanic a continué
22 de travailler avec nous jusqu'à fin janvier 2006, pratiquement, donc,
23 pendant deux années entières, il est resté au sein de l'équipe. Suite à
24 cela, nous avons reçu une décision du Greffe disant qu'il ne pouvait être
25 nommé à aucune position au sein de l'équipe de la Défense vu qu'il y a un
26 conflit d'intérêt.
27 Alors, en quoi consiste-t-il brièvement ? M. Miljanic a été entre
28 autres, à partir de 1996 jusqu'en l'an 2000, il a été employé à l'ambassade
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1 de Croatie à La Haye. Il a travaillé, entre autres, sur des affaires dont
2 est saisi ce Tribunal. Il a représenté la République de Croatie dans ce
3 prétoire. Ensuite, il a été le chef du bureau du gouvernement croate chargé
4 de la coopération avec le Tribunal de La Haye. Ensuite, il a été assistant,
5 puis suppléant du ministre croate des Intégrations européennes, puis,
6 lorsque je l'ai convaincu d'accepter ce travail, il est venu travailler
7 dans mon bureau, donc, nous travaillons, nous sommes deux portes à côté.
8 Puis, nous avons appris donc qu'il existe ce prétendu conflit d'intérêt.
9 Nous avons essayé de nous enquérir pour avoir plus de détails, mais nous
10 n'avons trouvé aucun point concret qui serait fondé -- tout d'abord le
11 conflit d'intérêt ne nous a été présenté nullement comme si l'accusé
12 Petkovic a -- menaçait -- enfin, que ces intérêts étaient menacés. Mais la
13 République de Croatie était tenue de coopérer avec le Tribunal pénal et
14 tout à chacun dont les autorités qui n'auraient jamais fournies de
15 documents au Tribunal et au premier chef, c'était l'Accusation, peut-être
16 considéré comme ayant fait partie des enquêtes aux côtés du bureau du
17 Procureur portant sur certains accusés.
18 Je paraphraserai mon confrère Scott, c'est un peu comme si une seule
19 et même personne travaillait en même temps pour deux parties adverses. Je
20 pense que cette manière de présenter les attributions et les devoirs des
21 fonctionnaires croates qui coopèrent avec le Tribunal de La Haye n'est pas
22 fondée puisque le bureau croate chargé de la Coopération avec le Tribunal
23 est tenu également de coopérer avec les équipes de la Défense, de les
24 aider, de jouer un rôle de médiateur, leur permettre d'entrer en contact
25 avec des institutions qui disposent de certains documents et cetera. Enfin,
26 je ne voudrais pas rentrer dans le détail des attributions du bureau, un
27 Règlement stipule quelles en sont-elles ? Les travaux de ce bureau sont
28 parfaitement transparents. Nous savons que tous étaient à entrer en contact
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1 avec eux, à coopérer avec eux. Nous savons parfaitement que, parmi les
2 employés de ce bureau, personne ne peut être considéré comme faisant partie
3 d'une enquêteur policière ou menée par le bureau du Procureur contre tel ou
4 tel accusé.
5 Je ne sais pas si mon confrère Scott peut nous fournir des détails
6 relatifs au prétendu conflit d'intérêt. Nous sommes tout à fait ouverts à
7 en parler. Je suis tout à fait ravie qu'on en parle en audience publique
8 pour que le public justement puisse être au courant de la substance de nos
9 débats.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à M. Scott. Mais concernant
11 l'article 45(B), les conditions pour être inscrit sont les suivantes. Ils
12 doivent remplir les conditions fixées à l'article 44; jouir d'une
13 expérience avérée en droit pénal et en droit pénal international
14 humanitaire ou en droit de l'homme; et posséder au moins sept ans
15 d'expérience en tant que Juge, Procureur, Avocat ou toute autre qualité
16 similaire dans le domaine de la justice pénale. Voilà, ce sont donc les
17 conditions. Comme cela, à première vue, je ne vois pas très bien où
18 pourrait être le conflit d'intérêt. Mais peut-être que M. Scott vous nous
19 éclairer.
20 Monsieur Scott, voulez-vous intervenir sur cette question d'avocat ?
21 M. SCOTT : [interprétation] C'est la raison pour laquelle je m'étais levé,
22 Monsieur le Juge. Je n'étais pas très certain mais de quoi nous allions
23 parler ? Je voulais m'assurer qu'il n'y ait pas de malentendu. Je voulais
24 clairement indiquer quelle était la position de l'Accusation.
25 Nous nous opposons à ce que M. Miljanic soit nommé conseil car nous
26 avons des questions très graves concernant sa participation dans une
27 affaire qui serait présentée sous forme écrite et nous pouvons vous donner
28 un certain nombre de détails de tout ceci si la Chambre souhaite recevoir
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1 des éléments d'information. Nous pensons qu'il s'agit d'un véritable
2 conflit d'intérêt. M. Miljanic a pris part à d'autres affaires par le passé
3 et nous nous opposons à ce qu'il représente son client ici. Il a pris part
4 précédemment. C'est malheureux, mais l'Accusation n'a jamais été tenue
5 informer de cela. On n'a jamais demandé à l'Accusation quelle était sa
6 position. Donc, c'est tout à fait malheureux. Peut-être que nous aurions pu
7 être informé par M. Miljanic du rôle qu'il a joué, il y a quelques
8 semaines, mais ceci ne nous a pas été communiqué par le Greffe. Donc, telle
9 est notre position et nous allons présenter des arguments par écrit qui
10 vous donneront tous les détails de cela et les raisons pour lesquelles nous
11 nous opposons à ce que Miljanic soit nommé.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous me dites que, de l'avis de l'Accusation, il y a
13 matière à conflit d'intérêt. Je n'en connais pas les raisons. Bon,
14 attendons de voir les écritures et nous statuerons en fonction des éléments
15 qui seront portés à notre connaissance.
16 Je voudrais maintenant passer aux autres points à l'ordre du jour. Alors,
17 il y était indiqué au point 2, le temps de parole utilisé par la Défense.
18 Alors, cette question a été évoquée antérieurement. Si je résume la
19 position des avocats, vous avez tous dit qu'il est très difficile pour
20 vous, au titre des droits de la Défense, de vous limiter à une certaine
21 durée. Bien, alors, cette position que vous avez oralement développée
22 appelle de ma part les commentaires suivants. Cette question n'est pas une
23 question nouvelle devant ce Tribunal puisque, dans plusieurs affaires, mais
24 notamment deux auxquelles je vous renvoie, l'affaire Kupreskic et l'affaire
25 Kvocka, cette question a été traitée.
26 Dans l'affaire Kupreskic, il avait été indiqué par les Juges de la
27 Chambre puisque je rappelle qu'ils étaient aussi très nombreux, que lorsque
28 l'Accusation avait un temps X, la Défense, globalement, avait le même
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1 temps, à savoir, X. Pour plus de précision, si l'Accusation a deux heures,
2 la Défense, pour tous les accusés, comme Kupreskic, avait deux heures, et
3 les deux heures étaient divisées en fonction du nombre d'accusé. S'ils
4 étaient quatre, donc, deux heures, divisé par quatre. Donc, voilà, ce qui
5 ressort de la jurisprudence Kupreskic.
6 Dans l'affaire Kvocka, il avait été acté le même principe, mais que si un
7 avocat ne voulait pas utiliser le temps, les autres pouvaient le prendre.
8 En ce qui concerne la présente Chambre, il faudra, bien entendu, que j'en
9 parle avec mes deux autres collègues, mais ce que j'avais dit au départ, à
10 titre de piste de réflexion pour les uns et les autres, il convenait de
11 faire une distinction entre les faits et puis la responsabilité pénale,
12 individuelle de chacun des accusés.
13 Concernant les faits, on l'a vu pour le dossier Gornji Vakuf que vous
14 aviez entre les mains, un dossier tel que Gornji Vakuf qui regroupe
15 plusieurs chefs d'accusation, peut-il être logiquement traité par un temps
16 X pour l'Accusation et, ensuite, entre vous, vous vous mettez d'accord pour
17 que l'un des avocats mènent le contre-interrogatoire à titre principal et
18 qu'éventuellement, les autres avocats sur des points ponctuels
19 interviennent. A ce moment-là, on est dans l'égalité du temps; admettre un
20 autre système reviendrait à créer des doublons, c'est-à-dire, que les
21 avocats répèteraient les mêmes choses.
22 Donc, il faut aussi chercher l'efficacité et, par ailleurs, il y aurait un
23 avantage, tout à fait, important qui serait pour la Défense les suivants.
24 Dans le cas de Gornji Vakuf, que je cite à titre d'exemple, l'avocat, qui
25 aurait en charge du contre-interrogatoire principal, serait donc monopolisé
26 pour l'interrogatoire principal du témoin. Les autres avocats pourraient
27 utiliser leur temps, évidemment, pour la préparation d'autres
28 interrogatoires et qu'entre vous, vous échangez vos points de vue même si,
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1 comme vous l'avez tous dit, il ne faut considérer la Défense dans une
2 globalité, mais à titre individuel. Je suis tout à fait d'accord. Vous êtes
3 les avocats d'accusés à qui on reproche des comportements individuels. Ceci
4 étant dit, quand on va aborder des problèmes liés à des destructions, des
5 pillages, des mauvais traitements et cetera, est-il nécessaire que six
6 avocats posent au témoin les mêmes questions ? Ce serait totalement
7 irréaliste. C'est à vous de vous entendre pour qu'il y en est un qui, à ce
8 moment-là, a en charge le contre-interrogatoire, qui, évidemment a autorisé
9 les autres avocats à intervenir, bien entendu, mais il faut régler cela.
10 Lorsqu'on passera à l'entreprise criminelle commune ou à la responsabilité
11 individuelle, là, bien entendu, chacun a le même temps. Il n'est pas
12 question que l'avocat de M. Prlic contre-interroge au nom de M. Praljak.
13 C'est la responsabilité personnelle de M. Prlic, qui est engagée par le
14 témoin qui est présent.
15 C'est comme cela qui faudrait que vous preniez en compte cette
16 impérative de temps parce que, comme je l'ai indiqué dans mon ordonnance
17 antérieure. Si je faisais le simple calcul mathématique, trois ans pour
18 l'Accusation, trois ans pour chacun d'entre vous, nous sommes là pour 21
19 ans. Il faut être sérieux. Il faut qu'au niveau des avocats, vous vous
20 entendiez, et je pense que vous êtes rencontrés nonobstant les différences
21 que vous pouvez avoir entre les uns et les autres, il y a des témoins qui
22 viendront. Prenons M. Donia, est-il nécessaire que chacun d'entre vous le
23 contre-interroge sur de ce type de problème ? Sauf, évidemment, si vous
24 estimez avoir à poser une question qui est au cœur de votre propre Défense,
25 bien entendu, il y a peut-être dans le contre-interrogatoire de M. Donia
26 des économies d'échelle à pratiquer entre les avocats, et cela, évidemment,
27 passe par une concertation entre vous à une étude préalable à des
28 discussions pour savoir comment vous allez contre-interroger, qu'à faire un
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1 plan de contre-interrogatoires. Cela peut être beaucoup plus intéressant
2 que chacun aille à la bataille à son niveau. Il faut trouver une solution.
3 Pour le moment, nous sommes à quelques jours du procès et il n'y a toujours
4 pas de solution. La solution qui peut intervenir c'est que la Chambre
5 décide de souverainement et vous venez devant le fait accompli cela peut
6 être la façon de procéder, mais il faut mieux arriver par une solution
7 consensuelle. Alors dans le sens consensuel, je vais vous donner la parole
8 aux uns et aux autres. L'Accusation d'abord, puis, après les avocats
9 Est-ce que l'Accusation a un point de vue sur ce point ?
10 M. SCOTT : [interprétation] Nous avons déjà fait part de notre position,
11 Monsieur le Juge, pour des raisons pratiques, y compris le fait que
12 l'Accusation doit prévoir ces témoins en ayant à l'esprit un nombre
13 spécifique, nous ne pouvons pas simplement attendre pour voir si ces deux
14 heures ou deux jours, ou trois semaines plus tard, puis, après avoir le
15 témoin suivant, et cetera. Comme vous l'avez dit, puisque nous parlons de
16 cela depuis le mois de novembre dernier, donc, cela fait six mois depuis
17 maintenant, sans avoir trouvé une solution, bien, simplement la règle
18 pratique qui devrait être appliquée, c'est celle d'avoir le même temps à la
19 disposition de l'Accusation de la Défense, une heure, une heure.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, c'est midi 20, je vais être obligé
21 de faire un "break" de 20 minutes, ce qui vous permettra, avec vos
22 collègues, de peut-être trouver une solution, et dans 20 minutes je vous
23 donnerai la parole.
24 --- L'audience est suspendue à 12 heures 25.
25 --- L'audience est reprise à 12 heures 52.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je vais donner la parole à Me Karnavas.
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Juste quelques
28 observations que je tiens à faire au sujet du calendrier et du temps pour
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1 le contre-interrogatoire. Premièrement, l'Accusation présentera peut-être
2 un interrogatoire principal très court, et elle ne parle -- n'abordera pas
3 des zones qui pourra paraître pertinentes à la Défense. Donc, dans ces
4 circonstances, la Défense pourra dépasser le cadre de l'interrogatoire
5 principal. Je ne pense pas que ceci poser problème. Aussi, dans la mesure
6 où le domaine ou le champ d'exploration est pertinent, la Défense devrait
7 avoir la possibilité de poser des questions là-dessus. Si je le dis, c'est
8 parce que l'Accusation ne peut pas s'en servir pour des raisons tactiques;
9 sinon, la Défense, dans ce cas-là, devait citer le même témoin, le rappeler
10 à la barre pour pouvoir mener l'interrogatoire principal dans les domaines
11 qui lui semble pertinents. Donc, ce serait une perte de temps inutile.
12 Alors, un deuxième point. Il se peut qu'un témoin donné -- pendant ce
13 contre-interrogatoire, que la Défense souhaite présenter quelques documents
14 ou aborder quelques domaines, quelques champs d'interrogation -- ou enfin,
15 présenter, verser des pièces à conviction, donc, par exemple, jeter les
16 bases pour un point qui sera fait ultérieurement. Donc, par exemple,
17 l'Accusation peut mener son interrogatoire principal de ce témoin en
18 particulier -- pourrait s'en servir comme d'un véhicule pour introduire des
19 éléments de preuve -- verser des éléments de preuve, et poser des questions
20 qui n'ont pas été posées par l'Accusation. Bien entendu, ceci prendra du
21 temps, et ceci prendrait peut-être plus de temps que ce que l'Accusation
22 avait prévu initialement. Compte tenu l'interrogatoire principal très
23 circonscrit, je pense qu'il nous faut garder à l'esprit l'idée que la
24 Défense ne peut pas contrôler davantage l'évolution des choses que
25 l'Accusation pendant son interrogatoire principal. Eux, ils ont le droit de
26 présenter leurs moyens de preuve, donc, je ne peux pas les limiter. Je ne
27 peux pas leur imposer des contraintes, et je ne peux pas les forcer
28 d'explorer des domaines pendant l'interrogatoire principal qui peuvent être
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1 pertinents pour moi ou à décharge. D'autre part, ils n'ont pas cette
2 obligation, et je ne peux pas le leur imposer, l'obligation en question.
3 Mais, d'autre part, l'Accusation ne peut pas m'empêcher d'explorer ce qui
4 est pertinent pour moi, ou ce qui a décharge, donc, je pense que là, il ne
5 devrait pas y avoir des différends entre les parties sur ce point.
6 Lorsqu'on examine le temps imparti, je suis fondamentalement en désaccord
7 avec l'Accusation lorsqu'elle dit que ceci devrait être réparti selon un
8 principe un pour un. Je ne pense pas que c'est possible. Je ne pense pas
9 que ce soit une solution pratique non plus. C'est un peu comme si on jouait
10 aux échecs, une partie accélérée. Donc, chacun ajuste sa montre, puis on
11 déclenche le chronomètre, et puis on y va. Bien entendu, si je veux passer
12 moins de temps avec un témoin, en particulier, il faudrait qu'on me donne
13 une certaine quantité de temps qu'on me fasse crédit pour que je puisse
14 l'utiliser avec un autre témoin et, bien entendu, comment est-ce que cela
15 pourrait être équitable. Je ne pense pas que la Chambre devrait adopter
16 cette solution.
17 Puis, un autre point. Je suis d'accord avec vous, Monsieur le Président,
18 lorsque vous dites que nous devrions nous mettre d'accord entre nous au
19 sein des différentes équipes de la Défense, dans une certaine mesure, c'est
20 possible, mais pas dans l'absolu. Il se peut qu'on emprunte des voies
21 différentes. Nos intérêts ne sont pas nécessairement identiques, et chacun
22 des accusés a exercé des fonctions différentes pendant la période couverte
23 par l'acte d'accusation. Donc, je pense que nous avons tout un chacun le
24 droit de vous présenter nos clients particuliers.
25 Par exemple, l'accusé Coric, si, en effet, un nouveau conseil lui est
26 donné, et qui commence à partir de rien - même si M. Jonjic l'aide au
27 départ - qui connaît mieux que ne serait-ce -- que qui que ce soit l'ai
28 fait de l'espèce. Je pense parmi les équipes de la Défense parce que je
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1 pense -- et c'est un excellent professionnel, un excellent avocat, et je
2 suis fier de pouvoir faire partie de la même équipe que -- avec Me Jonjic.
3 Mais, bon, imaginons que M. Coric a un nouveau conseil qui ne sait rien de
4 l'espèce. Je ne vois pas comment on pourrait se mettre d'accord sur la
5 manière de répartir le temps avec quelqu'un qui ne sait pas quels sont les
6 points pertinents. Donc, c'est quelque chose qui me préoccupe également.
7 Je pense qu'il y a des points techniques qu'il ne faut pas perdre de
8 vue. Encore une fois, je reviens à ce que j'ai déjà dit au départ. Si un
9 domaine est pertinent, rien ne devrait prévenir, empêcher un conseil de
10 poser les questions pertinentes là-dessus avant de passer à autre chose.
11 Donc, si je n'ai pas la possibilité d'explorer les domaines qui sont
12 pertinents pour moi, et je peux anticiper sur l'évolution des choses, parce
13 que je l'ai déjà fait dans des affaires aux Etats-Unis où le Juge voulait
14 que l'on avance, parce que je pense que tous les juges du monde se
15 ressemblent sur ce point. Ils souhaitent que le procès se déroule de
16 manière aussi efficace que possible, et ils ont leurs agendas, et ils ont
17 raison de faire attention. Mais, d'autre part, ce que je fais normalement,
18 et bien c'est de présenter une liste de sujets qui me paraissent pertinents
19 pour défendre correctement les droits de mon client, et pour tous les
20 aborder. Normalement, dans le cadre des discussions, des entretiens, on est
21 capable de trouver une solution élégante. Par exemple, le Juge dirait : Ce
22 domaine a déjà été exploré. Il n'est pas nécessairement pertinent, mais je
23 vais vous donner un petit peu de temps. Normalement, on trouve une solution
24 donc. Pour le compte rendu d'audience, je tiens à préciser qu'il me semble
25 que c'est quelque chose que la Chambre de première instance devrait peut-
26 être examiner, tout en gardant à l'esprit que nous représentons tous des
27 clients différents, que nous avons des théories différentes sur nombreux de
28 points de l'espèce. Merci.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Karnavas.
2 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis
3 entièrement d'accord, encore une fois, avec les propos tenus par mon
4 confrère Karnavas. Trois points, à mon sens, si vous me le permettez. Tout
5 d'abord, la proposition avancée par l'Accusation, à savoir, le temps soit
6 réparti d'une manière qui respectera la règle un à un, pour -- je pense
7 donc que ce n'est pas acceptable pour toutes les raisons évoquées par M.
8 Karnavas. Tout simplement, nous nous trouverons dans des situations où la
9 Défense n'aura pas recours au contre-interrogatoire, ou elle aura besoin de
10 bien moins de temps que le temps utilisé pendant l'interrogatoire principal
11 par l'Accusation.
12 Puis, à la question d'un éventuel accord entre les différentes
13 équipes de la Défense, je pense que parfois il nous sera possible de nous
14 mettre d'accord sur des points généraux, quand il s'agit des témoins qui se
15 réfèrent à tous les coaccusés, lorsque la question de la responsabilité
16 pénale individuelle ne se posera pas; dans ces cas-là, je pense que nous
17 pourrons tout à fait trouver un terrain d'entente, et nous en informerons
18 la Chambre.
19 J'en viens au troisième point qui me parait le plus important, à savoir que
20 toutes les Défenses tâcheront de contre-interroger uniquement sur des
21 points absolument pertinents et qu'il n'y aura pas de duplication. C'est
22 quelque chose que vous avez évoqué, mais je pense que nous en avons fait
23 preuve déjà aujourd'hui et lors d'autres Conférences de mise en état. Je
24 pense qu'il est tout à fait possible d'en convenir. Nous n'empiétons pas
25 sur le temps de l'Accusation; nous essayons d'être les plus efficaces
26 possible. Merci.
27 M. KOVACIC : [interprétation] J'ai la sensation que je n'ai pas ajouté
28 grand-chose à ce que Me Karnavas et ma consoeur Nozica viennent de dire, et
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1 je suis parfaitement d'accord avec eux. Tout simplement, Me Karnavas semble
2 avoir omis de préciser un deuxième point, un deuxième élément de contrôle
3 important. Le temps utilisé par la Défense pendant le contre-interrogatoire
4 des témoins doit être contrôlé en application de deux critères :
5 premièrement, pertinence, il en a parlé; et deuxièmement, il faut éviter
6 des redites. J'estime que ces deux critères sont entre les mains de la
7 Chambre de première instance, du Président de la Chambre. Je pense que vous
8 aurez toujours la possibilité, le cas échéant, d'exiger des explications,
9 de demander pour quelle raison telle ou telle question est pertinente aux
10 yeux de la Défense, donc soit la réponse vous paraîtra satisfaisante ou
11 non. Vous pourrez l'apprécier et empêcher les redites si vous considérez
12 qu'il n'y a pas lieu de continuer le contre-interrogatoire. Lorsqu'il y a
13 des redites et répétitions, bien entendu, parfois, c'est tout à fait
14 évident. Le troisième, quatrième conseil, dans l'ordre, peut-être fera une
15 erreur technique, il fera une omission, et on s'en apercevra dans le
16 prétoire. Ceci ne doit pas être une règle.
17 Nous aurons des témoins de diverses catégories, et ils viendront déposer au
18 sujet de faits très différents. S'il s'agit de témoins ayant jugé --
19 d'après les listes que nous avons vues, de toute évidence, l'Accusation va
20 présenter de nombreux témoins pour déposer au sujet de l'existence de
21 l'entreprise criminelle commune, le contrôle effectif de la part de la
22 Croatie, enfin, certaines circonstances tout à fait générales. Là, je pense
23 qu'il y aura moins besoin de contre-interroger le premier, le deuxième, le
24 troisième, même sans accord entre nous, sans accord préalable. Les trois
25 précédents auront épuisé le sujet, donc il n'y aura plus lieu de continuer
26 de poser des questions là-dessus. Je pense même que c'est un effet
27 contraire qui risque de se produire. Le quatrième ou le cinquième client,
28 finalement, ne semblera plus avoir de Défense, il semblera être passif.
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1 Donc c'est cela qui risque de se produire.
2 Puis, nous avons une autre catégorie de témoins qui vont déposer au sujet
3 d'un fait isolé tout à fait concret. Si mon client n'a rien à voir avec cet
4 événement en particulier, bien entendu, je n'ai aucune raison d'interroger
5 le témoin là-dessus. Parfois, pour préciser un point fait parce qu'il
6 serait resté en suspens ou pas suffisamment clair, oui, mais -- donc nous
7 aurons plusieurs types de témoins, et les Défenses n'adopteront pas
8 toujours la même démarche, pas toujours la même attitude.
9 Pour contrôler de manière efficace le temps, il nous faut respecter ces
10 éléments traditionnels, respecter rigoureusement, à savoir, la pertinence
11 et le fait d'éviter les redites. Je pense que la question de l'affectation
12 du temps a parfois été, effectivement, faite selon une base un à un, mais
13 parfois non, donc les deux solutions sont défendables, et je voudrais qu'on
14 évite le risque d'un procès qui se déroule avec le chronomètre à la main.
15 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, s'agissant du temps
16 imparti, je vais aborder cette question en quatre points. Premièrement, la
17 durée de l'interrogatoire principal, je pense, ne devrait pas être la base
18 en fonction de laquelle on décidera du temps nécessaire pour entendre ce
19 témoin dans la totalité de sa déposition, parce que non seulement le
20 contenu de l'interrogatoire principal est pertinent, mais aussi la teneur
21 des documents présentés par l'Accusation par l'entremise de ce témoin, et
22 aussi la teneur de cette déclaration préalable ou de cette déposition dans
23 le prétoire. Donc, c'est l'ensemble de ces éléments. Toute la teneur de la
24 déposition constitue le fondement du contre-interrogatoire du témoin en
25 question. En d'autres termes, la Défense aura besoin de davantage de temps
26 dans le contre-interrogatoire qu'en aura eu besoin l'Accusation pendant
27 l'interrogatoire principal, précisément à cause des documents présentés.
28 Pour conclure, la durée stricte, rigoureuse de l'interrogatoire principal
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1 n'est pas la base qui nous permet de savoir quel est le temps nécessaire à
2 la Défense.
3 Deuxièmement, conformément à l'article 82(A), en tant que conseil de
4 mon client, je m'attends à ce que mon client bénéficie exactement du même
5 temps que s'il avait été le seul accusé de l'espèce, et je pense que telle
6 devrait être la base pour la décision, toute décision ultérieure. La
7 Défense n'est pas une entité à six têtes, mais chacun des accusés sont des
8 individus en particulier qui doivent bénéficier de tous les droits qui leur
9 sont garantis par le droit international.
10 Un troisième point, puisque nous devons faire preuve de réalisme
11 lorsque nous prévoyons le temps. Bien entendu, il nous faut tenir compte du
12 fait qu'il ne faut pas répéter les questions. Bien entendu, il faut savoir
13 que certains événements ne seront pas pertinents pour tel ou tel accusé.
14 Bien entendu, telle ou telle équipe de la Défense n'aura pas besoin de
15 poser autant de questions à chacun des témoins que les autres, donc lors de
16 la planification, il faudra penser à cela. L'Accusation saura par avance
17 quel est le témoin qu'elle va citer, donc nous pouvons faire preuve de
18 souplesse lorsque nous allons déterminer. Donc, ce ne sera pas toujours un
19 à six, le ratio peut être différent.
20 Puis, le quatrième point est peut-être le plus important. Même si
21 nous établissons quelque chose d'un point de vue mathématique, il faut
22 toujours que le critère qui nous guidera soit la pertinence. Tant que les
23 questions sont pertinentes, je pense qu'il faut les autoriser, même si on
24 dépasse le cadre temporel imparti. Merci.
25 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je me joins à ce qui
26 a été dit par mes confrères, consoeurs. Répartir mathématiquement le temps,
27 me semble-t-il, entre l'Accusation et la Défense ne serait pas juste et
28 serait au détriment des droits des coaccusés à avoir un procès équitable.
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1 Je pense que les seuls critères qu'on est autorisés à appliquer pour ce qui
2 est de la répartition du temps, c'est la pertinence et le fait d'éviter les
3 répétitions. Je vous remercie.
4 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, de toute évidence,
5 la Défense et l'Accusation défendent des positions tout à fait contraires,
6 tout à fait opposées, pour ce qui est temps nécessaire à l'interrogatoire
7 ou au contre-interrogatoire. Personnellement, je pense que ce ratio ne peut
8 nullement être un à un. Je pense que la Défense a besoin de davantage de
9 temps pour son contre-interrogatoire. Evidemment, nous devons faire preuve
10 de raison. Je suppose que la Chambre devra prendre une décision et nous
11 donner des lignes directrices quant à l'utilisation du temps.
12 Alors, quant à la question qui a été soulevée, à savoir, est-ce qu'un seul
13 Défenseur pourra poser des questions à un témoin : oui, parfois, peut-être,
14 mais chacune des équipes devrait être en mesure, devrait avoir la
15 possibilité de poser les questions pertinentes dans le cadre de sa défense
16 en particulier.
17 J'en ai déjà parlé lors d'autres Conférences de mise en état :
18 parfois, des questions se présentent, se posent, qui ne collent pas à des
19 méthodes mathématiques. A en juger d'après mon expérience, dans mon travail
20 devant vous, Monsieur le Juge, nous avons toujours trouvé des solutions
21 élégantes. Jamais nous n'avons agi au détriment des droits de l'Accusation
22 ou de la Défense de mener leur interrogatoire dans un sens qui leur permet
23 de défendre entièrement les intérêts de leurs clients.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Monsieur Scott.
25 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. En deux minutes,
26 je vous dirai ceci.
27 Que voyons-nous ici ? C'est l'illustration parfaite de notre
28 préoccupation. La voici : nous allons avoir un jeu de règles s'appliquant à
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1 l'Accusation, son temps sera très limité, et la présentation sera très
2 limitée également. Puis, quand viendra le moment de la Défense, il n'y aura
3 pas de règles, ce sera un temps raisonnable. Je veux avoir aussi cette même
4 souplesse, je veux avoir le temps qui me semble raisonnable pour présenter
5 mes moyens. Mais si la Chambre ne me le donne pas, si elle me dit : vous
6 avez 450 heures, 300 heures; et bien, je n'ai pas cette souplesse qui me
7 permettrait d'être "raisonnable".
8 Je dois le dire de la façon la plus vigoureuse possible, Monsieur le
9 Président. Si nous avons un jeu de règles s'appliquant à l'Accusation et un
10 autre s'appliquant à la Défense, c'est tout à fait inacceptable à nos yeux.
11 S'agissant de l'agencement du calendrier, j'ai déjà dit, pour le moment,
12 pour toutes les personnes participant à cette procédure, y compris, à mon
13 humble avis, les Juges, ce sont des questions intéressantes, mais elles
14 sont un peu abstraites. Nous avons l'obligation concrète de présenter des
15 témoins. Dans quelques jours, vous devrez recevoir de notre part la liste
16 des témoins et le moment où ils vont comparaître. Il nous faut une formule
17 fixe qui nous permettra de déterminer quand le témoin suivant va arriver à
18 La Haye. Nous n'aurons pas trois, quatre ou cinq témoins qui seront occupés
19 à attendre à La Haye sans savoir quelle sera la durée du contre-
20 interrogatoire. Ces gens de Bosnie, ne peuvent pas venir, on ne peut pas
21 leur dire : vous ne savez pas combien de temps vous allez rester à La Haye,
22 cinq jours peut-être ou trois semaines, car on ne sait pas quelle sera la
23 durée du contre-interrogatoire.
24 Nous allons vous donner un calendrier, mais en l'absence d'accord de
25 principe, dans les quelques jours qui vont suivre, vous allez recevoir un
26 calendrier. Je ne veux pas, ici, jouer la surprise; ce sera très clair. Ce
27 sera ici basé sur un ratio peut-être de 1-1 ou 2-1. C'est en fonction de
28 cela que nous ferons nos planifications. Si un jour donné, la Défense
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1 n'utilise pas tout le temps qu'elle a, s'il n'y a pas de témoins
2 disponibles parce que nous n'avons pas de témoins ici à La Haye, et bien
3 nous n'auront pas de témoin.
4 Mais nous, il nous faut une formule, quelle qu'elle soit. Cela ne
5 peut pas rester comme cela, dans l'air. Il nous faut prévoir des choses
6 précises en faisant des décisions précises. On ne peut pas simplement
7 voyager dans l'air, et puis tout d'un coup, téléphoner à Sarajevo pour dire
8 : il nous faut un témoin demain qui peut venir. Cela ne marche pas comme
9 cela, vous le savez, Monsieur le Président.
10 Alors je ne sais pas, il faut trouver une solution. Le calendrier que
11 vous allez recevoir dans quelques jours sera basé sur ce ratio, ce rapport
12 3-1. S'il se fait qu'un jour nous n'avons pas de témoin, ne l'oubliez pas.
13 N'oubliez pas cette date du 12 avril, Monsieur le Président. Je vous ai dit
14 ce jour-là que c'est ce que nous avons planifié; malheureusement, nous
15 n'avons pas de témoin présent, mais c'est la seule formule qu'il nous est
16 possible d'utiliser.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, pouvez-vous expliciter votre
18 ratio 3-1, qui est à la ligne 19 de la page 82 ?
19 M. SCOTT : [interprétation] Ce que je voulais dire, c'était ceci. Si par
20 exemple l'Accusation pense que l'interrogatoire principal va durer deux
21 heures, on supposera qu'en tout, le contre-interrogatoire va durer six
22 heures. Quand on va établir ce calendrier, nous allons prévoir en tout huit
23 heures pour ce témoin, c'est plus de deux journées d'audience. Si ce temps
24 n'est pas utilisé, et si vous me dites quel est votre prochain témoin, si
25 on n'a pas de témoin, on n'aura pas de témoin à La Haye, parce qu'il nous
26 faut quand même un principe qui nous guide, un principe directeur.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors on progresse à petits pas. L'Accusation va
28 prévoir un calendrier avec un ratio de 3-1. Prenons un exemple. Si, pour le
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1 premier témoin qui est une dame, il prévoit deux heures, donc dans le
2 calendrier, il y aura en tout huit heures, puisqu'il y aura six heures pour
3 le contre-interrogatoire; six heures et deux heures, cela fait huit heures.
4 Ce témoin, il sera prévu au moins deux jours.
5 Alors, la Défense.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais
7 d'abord revenir à ce qu'a dit auparavant M. Scott en matière de souplesse.
8 Évitons toute méprise. La Défense ne prône en aucun doute que la Chambre
9 fasse preuve de rigidité à l'égard de l'Accusation. Bien entendu, elle
10 utilisera son temps comme bon lui semble, soyons clairs là-dessus. Il ne
11 faut pas ici qu'il y ait deux poids, deux mesures. Il faut un seul critère
12 qui s'applique à tous. Je suis sur que je parle au nom de tous mes
13 confrères et consoeurs. Nous voulons l'équité absolue. Je pense que
14 l'Accusation est traitée jusqu'à présent de façon équitable.
15 S'agissant de cette formule, je ne m'y oppose pas, mais ce qu'il me
16 semble entendre, c'est qu'on accuse sans cesse l'Accusation [comme
17 interprété] du fait que l'Accusation ne peut pas faire ce qu'elle voudrait
18 faire. Par exemple, si l'Accusation nous fournissait une liste de dix à 20
19 témoins qu'elle entend citer, le premier lot de témoins, il veut être
20 transparent, mais qu'est-ce qui l'empêche de l'être ? Je suis ravi d'avoir
21 cette liste, qu'on me la donne, et puis nous discuterons entre nous pour
22 voir le temps que nous prévoyons pour chacun de ces témoins. Il pourra
23 poser d'autres prévisions. Rien ne l'empêche, rien n'empêche l'Accusation
24 d'être la plus transparente possible. Mais qu'est-ce qu'elle fait ? Elle
25 garde ces cartes par-devant soi le plus longtemps possible et puis en
26 accuse la Défense. Ce n'est pas juste. Je suis tout à fait prêt à
27 collaborer avec l'Accusation, ainsi que toutes les équipes de la Défense.
28 S'ils veulent nous donner une liste par lot, fort bien. Je comprends bien
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1 la difficulté qu'il y a à faire venir quelqu'un ici, à La Haye, à la
2 dernière minute. Je sais aussi qu'on ne veut pas avoir des témoins qui
3 resteraient plus d'un jour ou deux à La Haye avant de commencer leur
4 déposition. Nous sommes tous d'accord, nous sommes des professionnels.
5 Si nous avons une liste reçue à l'avance par sujet, nous pourrons
6 l'étudier et discuter avec l'Accusation. Parfois, il ne sera pas possible
7 d'être d'accord. Nous sommes d'accord pour ne pas être d'accord. Mais la
8 plupart du temps, nous serons en mesure de parvenir à un accord, quel qu'il
9 soit, parce que si nous disons en bloc - car à notre avis, cela va durer
10 autant de temps - il faudra justifier cela, pourquoi avons-nous donné cette
11 estimation. Si vous me demandez pourquoi trois jours pour Donia, je peux
12 vous le dire, il n'y a pas de mystère. Si M. Scott veut donner cette liste
13 aujourd'hui, on pourra commencer à l'étudier dès cet après-midi. Je suis
14 sûr qu'il l'a, sa liste, alors je ne vais pas l'empêcher d'être le plus
15 transparent possible. Je vous remercie.
16 M. KOVACIC : [interprétation] Très brièvement, il y a un autre détail.
17 L'accusation se plaint du fait qu'elle ne pourra pas planifier beaucoup de
18 temps à l'avance, et que quelquefois, il n'y aura pas de témoin, donc on
19 aura le temps de se reposer ou on sera forcés de garder un témoin un jour
20 ou deux à La Haye. Ce n'est pas exact. Nous avons quand même acquis
21 beaucoup d'expérience dans la façon dont les témoins viennent et viennent
22 déposer. Cela fait quand même douze ans que ce Tribunal travaille.
23 L'Accusation est restée la même. Elle a acquis des connaissances et de
24 l'expérience. Outre cela, vous avez cette section qui s'occupe des témoins
25 et des victimes qui, soit dit en passant, est vraiment le meilleur service
26 du Tribunal. Là, l'expérience est énorme, elle est parfaite. La gestion est
27 parfaite; la connaissance l'est aussi. Mon cher collègue M. Scott s'est
28 trouvé dans le même prétoire que moi dans l'affaire Kordic. Je ne me
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1 souviens pas de cas. Peut-être y a-t-il eu une matinée où il y avait un
2 témoin qui n'était pas prévu ? On a peut-être perdu une demi-journée
3 d'audience, mais nous n'avions pas de compte pour ce qui est du temps du
4 contre-interrogatoire et pourtant la planification était bonne. Puis, il y
5 a aussi autre chose après trois, quatre, six mois d'audience. A ce moment-
6 là, nous pourrions établir des statistiques et nous verrons que ce qu'avait
7 promis le Procureur et bien ne sera pas respecté, trois ou six heures pour
8 un témoin cela ne sera pas tenu comme délai parce que, dans des procès
9 précédents, en fait, la moyenne utilisée par l'Accusation cela a été un
10 jour. Un jour virgule deux ou quatre pour l'interrogatoire d'un témoin.
11 Donc, on ne peut pas simplement en accuser la Défense. Aux fins de
12 planification ce que l'Accusation présente comme étant une préoccupation
13 majeure en terme réaliste, ce n'est pas le cas. Merci, Monsieur le
14 Président.
15 Mme ALABURIC : [interprétation] Excusez-moi, moi aussi, je voudrais
16 intervenir.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic.
18 Mme ALABURIC : [interprétation] Une seule remarque. J'estime tout
19 simplement qu'il ne faut pas oublier -- que la Défense -- ce principe par
20 lequel la Défense aurait trop de privilèges, je vais, effectivement, œuvrer
21 en vertu de l'égalité. Si, par exemple, nous avons deux -- s'il y a 200
22 heures pour l'interrogatoire principal au moment de la présentation de nos
23 moyens, il faudrait au moins que l'Accusation pour son contre-
24 interrogatoire ait la même quantité d'heures. Il faut l'égalité des armes
25 de part et d'autre. Merci.
26 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. A mon avis,
27 c'est quelque chose de tout à fait simple et une seule solution s'impose.
28 C'est Me Karnavas qui l'a présentée. Mais on peut être encore plus simple
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1 que l'Accusation nous donne une liste des témoins, qu'elle entend citer en
2 mai, une liste des pièces qu'elle voudrait verser par le truchement de ces
3 témoins et nous pourrons dire à l'Accusation, dans des délais que vous avez
4 déterminés -- nous allons dire à l'Accusation combien de temps nous est
5 nécessaire pour le contre-interrogatoire. C'est simple comme procédure et
6 elle pourra se poursuivre à l'avenir sans poser aucun problème. Merci.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais donner la parole à
8 M. Scott, mais vous avez dit exactement ce que j'allais dire. J'allais dire
9 que pour y voir clair encore faut-il que tout le monde ait en sa possession
10 d'abord le tableau que j'ai demandé.
11 Deuxièmement, il faut que l'Accusation transmette très rapidement à la
12 Défense et à la Chambre la liste de ses témoins avec, bien entendu
13 l'identifications des pièces qui seront présentées au témoin et une
14 évaluation du temps qu'elle estime nécessaire, qu'elle calcule le ratio 3-
15 1, mais à titre purement indicatif comme cela nous pourrons progresser.
16 J'en tire la conclusion : des interventions de tous les avocats qu'ils ont
17 le souci également d'être efficace eux-mêmes. Ils se rendent compte qu'il
18 ne s'agit pas non plus de perdre du temps. Je suis convaincu que l'ensemble
19 des avocats va étudier avec soin votre liste, va vous rencontrer puisqu'ils
20 ont proposé de vous rencontrer, vous allez certainement entre vous trouver
21 un accord et, à ce moment-là, vous nous informerez. Si jamais il y a encore
22 des contestations, nous trancherons.
23 La plus grande partie de tous les avocats qui sont présents dans cette
24 salle d'audience ont tous eu déjà des procès. Ils ont tous l'habitude de ce
25 type de problème. Il n'y a aucune raison de penser que nous allons nous
26 être placés devant un problème insurmontable. Ce problème peut être
27 surmonté mais la moindre des choses au départ encore faut-il que la Défense
28 ait en sa possession le planning prévisionnel des témoins à venir. A partir
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1 de là la Défense indiquera à l'Accusation qu'il lui faut X temps pour
2 contre-interroger et il pourra y avoir un accord dans le cadre du ratio 1-
3 3, mais cela peut être 1-2, peut-être même 1-1, on ne sait pas. Si jamais
4 il y a un véritable problème, à ce moment-là, nous trancherons. Mon
5 expérience passée témoigne du fait qu'on a toujours trouvé des solutions.
6 Il faut commencer le procès et puis on adaptera en fonction des problèmes
7 éventuels qui ne seraient pas réglés. M. Scott vous avez tout à fait
8 raison, vous devez prévoir avec la section des Témoins la venue des
9 témoins, donc, prévoyez tout cela à partir de votre propre planning,
10 planning communiqué à la Défense qui vous dira là nous on a besoin du même
11 temps, de deux fois plus de temps. Voilà. Après, vous m'indiquerez où est
12 le problème. Comme nous allons nous revoir lors de la Conférence préalable,
13 on pourra re-évoquer ce problème, mais, d'ici la Conférence préalable,
14 communiquer ce tableau.
15 Vous vouliez intervenir, Monsieur Scott ?
16 M. SCOTT : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. Très
17 rapidement, parce que votre dernier point à l'ordre du jour c'est
18 effectivement les délais à tenir pour la présentation de ces tableaux que
19 nous préparons et je suis tout à fait d'accord. Effectivement, on pourrait
20 fournir une liste de tous les témoins, bien sûr une liste provisoire, nous
21 l'avons déjà dit car il se peut que quelqu'un en juin, au milieu du mois de
22 juin soit dans l'impossibilité de venir, mais nous allons sous peu dans les
23 quelques jours qui viennent présenter ces témoins jusqu'à la pause de
24 juillet. Il n'y a pas de mystère. Ceci est prévu depuis un bout de temps.
25 Mais je relève et cela a été dit à la dernière Conférence de mise en état,
26 il y a plus d'une semaine de cela, nous avons déjà donné à la Défense la
27 liste de nos six premiers témoins. Donc il n'y a pas de secret non plus. Me
28 Karnavas nous l'a déjà dit pour
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1 M. Donia, même si l'interrogatoire principal ne va durer que quelques
2 heures, lui il aura besoin de deux, trois, voire quatre jours. Donc là on
3 dépasse déjà ce ratio 3-1. Je suis d'accord avec vous, on va voir ce que
4 cela donne. Nous allons fournir ce calendrier et nous demanderons à la
5 Défense de réagir très rapidement en nous donnant une idée du temps qu'il
6 lui faudra. Nous en avons besoin, mais plus d'une journée ou deux avant la
7 venue du témoin, il faudra réagir très vite et, à partir de ce calendrier,
8 nous pourrons voir, effectivement, ce qui est prévu pour le contre-
9 interrogatoire.
10 Mais j'aimerai dire ceci quand nous avons dit qu'à des fins de
11 planification nous serons d'accord pour le ratio 2-1 parce qu'il fallait
12 bien avoir quelque chose comme moyen de travail. Soyons clair sur une
13 chose, nous n'acceptons pas ceci comme étant un principe général. Nous ne
14 sommes pas d'accord pour dire que tous les contre-interrogatoires devraient
15 représenter ce ratio 3-1 parce que, s'il y a des redites, s'il y a des
16 doublons, des questions cumulatives, nous y ferons objection. Donc, je veux
17 éviter toute méprise, nous n'approuvons pas un ratio donné. Nous disons
18 uniquement aux seules fins de la planification, il nous faut un outil de
19 travail.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Ce que vous venez de dire, pas
21 d'observation. Il y a quelque chose que vous avez dit qui me fait
22 sursauter. Vous me dites que Me Karnavas aurait besoin de quatre jours pour
23 contre-interroger M. Donia. Là, je tombe des nues parce que M. Donia, cela
24 peut être intéressant, mais vu la lecture de son rapport et de l'intérêt
25 par rapport à l'acte d'accusation, il m'apparaît qu'une journée serait
26 largement suffisante. Mais, bon, la Défense verra ce qu'il convient de
27 faire. Mais, concernant M. Donia, il ne faut pas faire ce qui a été fait
28 dans l'affaire Blaskic où il est resté plusieurs jours pour un résultat peu
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1 efficace pour les besoins du jugement. Bon, enfin, on aura l'occasion de
2 reparler de cela.
3 Alors, si vous le permettez, je vais très vite passer à un autre sujet
4 parce qu'il nous reste très peu de temps. Je voudrais aborder la question
5 de la présentation des éléments de preuve lorsque le témoin est là. Comme
6 vous le savez, il y a le système e-court, mais je demande à l'Accusation,
7 lorsqu'elle interrogera le témoin et qu'elle lui présentera les documents,
8 qu'elle ne prépare à mon intention un petit dossier avec les documents et
9 je ne saurais trop également vous engager parce que ce dossier, vous le
10 remettez sous les yeux du témoin. Après quoi, une fois que les documents
11 auront été présentés, à la fin de l'audience, vous vous lèverez pour dire
12 que vous demandez l'admission de la pièce P622, P640, P3022, P1500, et
13 cetera. Voilà, c'est comme cela qu'il faut préparer. autant, préciser que
14 ce n'est pas parce qu'une pièce est admise, qu'elle est automatiquement
15 pertinente ou qu'elle a une valeur probante telle que savoir retenir
16 l'attention des Juges.
17 Donc, comme je le dis au départ, il faut avoir une approche souple des
18 pièces, et comme si la Défense, dans le cas du contre-interrogatoire,
19 voudra introduire les pièces, qu'elle prépare aussi un petit dossier à
20 l'intention des Juges pour que nous ayons les pièces sous les yeux, donc,
21 voilà pour la question des pièces.
22 Je passe à un autre sujet qui est des vidéos. Là, j'ai des grandes
23 interrogations. J'ai visionné l'ensemble des vidéos. Il y en a pour
24 plusieurs heures. Que va faire l'Accusation ? Est-ce qu'elle va présenter
25 des vidéos lorsqu'un témoin est là ? Par exemple, je crois que la première
26 témoin qui va venir, c'est sur Stolac -- il y a des vidéos sur Stolac; est-
27 ce que vous avez l'intention de lui montrer la vidéo pour qu'elle dise :
28 Oui, c'est mon village, c'est ma maison, ou comptez-vous, comme cela a été
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1 fait dans l'affaire Hadzihasanovic/Kubura, faire une audience spéciale
2 vidéo ? Je ne sais pas et je voudrais être éclairé. M. Mundis ou M. Scott,
3 comme vous voulez, pouvez-vous nous renseigner sur les vidéos ?
4 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Juge, je suis sûr qu'il a certaines
5 séquences vidéo qui seront utilisées en corrélation avec certains témoins.
6 Vous avez parlé d'un cas comme celui-ci, lorsqu'un témoin est entendu et
7 que la vidéo est très pertinente eu égard à ce témoin, à ce moment-là, on
8 voit quelquefois, même dans certains cas, le témoin sur la vidéo, sa maison
9 ou son village. Dans certains cas, je prévois de visionner la vidéo en
10 présence du témoin. Mais je pense qu'il y a d'autres cas où les vidéos
11 seront simplement présentées à la Chambre comme moyen de preuve, qui ne
12 seront peut-être pas visionnées devant un témoin, en particulier, mais qui
13 seront consignées au compte rendu d'audience et peut-être qu'elles seront
14 visionnées à un moment donné ou non. Peut-être que quelqu'un souhaitera les
15 voir à un moment donné ou non et, à ce moment-là, on peut les visionner,
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, j'ai bien compris ce que vous avez
17 dit. Vous avez dit qu'il y aura des vidéos qui seront présentées au témoin
18 et il y a d'autres vidéos qui seront demandées pour être admises comme
19 preuve. De mon point de vue - mais je pense que mes collègues auront le
20 même point de vue - ces vidéos, qui n'auront pas été présentées à un
21 témoin, devront être diffusées, regardées par tout le monde et il y aura au
22 transcript les commentaires des uns et des autres. Ensuite, on décidera de
23 l'admission des vidéos parce qu'il se trouve qu'il y a des vidéos qui sont
24 de 45 minutes, d'autres d'une heure et demie, deux heures. Il y a donc des
25 véritables problèmes. Donc, il est hors de question de dire à quelqu'un :
26 voilà, je vous montre un petit bout de vidéo de 15 seconde. Vous
27 reconnaissez la vidéo ? La vidéo est admise parce que les Juges, dans le
28 délibéré, on va regarder à nouveau les vidéos, et on peut, à ce moment-là,
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1 se dire : tiens, dans cette vidéo, il y a un élément, et voilà. Donc, il
2 faut que la vidéo soit vue -- doit être vue par tout le monde. J'incite
3 d'ailleurs les avocats, s'ils n'ont pas eu le temps, de regarder toutes les
4 vidéos et cela leur permettra, le cas échéant, de contre-interrogatoire
5 utilement les témoins. Mais c'est un travail qui prend énormément de temps
6 parce qu'il y a des dizaines d'heures de vidéos, mais c'est un travail que
7 vous devez faire.
8 Monsieur Scott, sur les vidéos, voulez-vous rajouter quelque chose ?
9 M. SCOTT : [interprétation] Evidemment, Monsieur le Juge, nous allons
10 suivre les instructions de la Chambre et j'ai prévu, comme je vous l'ai
11 dit, que certaines vidéos seront entendues en présence d'un témoin, mais
12 sur la base de ce que vous venez de dire, il arrivera à un moment donné au
13 cours du procès où il nous faudra entendre d'autres vidéos qui n'ont pas
14 été présentées par l'entremise d'un témoin.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, j'ai aussi une question à vous
16 poser, qui m'a été posée par un des Juges, et je voudrais connaître votre
17 position. L'article 73 bis du Règlement, paragraphe (d) dit ceci, c'est
18 pour la Conférence préalable au procès : "Après avoir entendu le Procureur,
19 la Chambre de première instance peut fixer le nombre de lieux de crimes ou
20 des faits incriminés dans un ou plusieurs chefs d'accusation pour lesquels
21 le Procureur peut présenter des moyens de preuve et qui, compte tenu de
22 toutes les circonstances pertinentes, y compris les crimes reprochés dans
23 l'acte d'accusation, leur qualification et leur nature, les lieux où ils
24 auraient été commis, leur ampleur et leurs victimes, sont raisonnablement
25 représentatifs des crimes reprochés."
26 Alors, je voudrais que l'Accusation m'explicite comment elle entend ce
27 paragraphe. Est-ce que la Chambre aurait la possibilité de couper dans le
28 nombre des lieux ou des faits certains crimes parce que la Chambre
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1 estimerait que certains peuvent être illustratifs de ce qui s'est passé ?
2 Pour faire clair, prenons la municipalité de Prozor, il s'est passé
3 plusieurs choses à Prozor, et qu'à ce moment-là, la Chambre estimerait
4 qu'il conviendrait d'évoquer le paragraphe 48 de l'acte d'accusation
5 concernant le sort de deux victimes qui ont été tuées, Polic et Odzic, et
6 la Chambre n'évoquerait pas les autres parce qu'elle estimerait que ces
7 deux crimes sont illustratifs de ce qui s'est passé dans la municipalité de
8 Prozor. Est-ce que cette lecture pourrait être faite, ou l'autre lecture,
9 c'est que la Chambre fixe le nombre de lieux et de crimes à partir de ceux
10 qui sont mentionnés dans l'acte d'accusation.
11 M. SCOTT : [interprétation] Ceci nous ramène à ce que vous avez dit
12 auparavant, Monsieur le Président. Est-ce que les Juges vont intervenir en
13 début de procès, et au fond, reconfigurer l'acte d'accusation en disant à
14 l'Accusation quelle est sa thèse ? Ou, comme nous en avons discuté
15 aujourd'hui, est-ce qu'elle va donner un certain temps à l'Accusation ?
16 C'est là l'espoir que nous nourrissons, temps suffisant pour présenter
17 suffisamment bien sa thèse, et il incombera alors à l'Accusation de décider
18 de la façon dont elle veut utiliser ce temps. J'espère, très fermement que
19 c'est la deuxième option qui sera retenue parce que c'est celle qui
20 convient et qui permet de réaliser un bon équilibre entre l'efficacité du
21 procès et la primauté de l'obligation qu'a l'Accusation de présenter ses
22 moyens. Dans notre système, c'est en premier lieu -- ou c'est l'obligation
23 première du Procureur en vertu du statut qui est de présenter ses moyens,
24 sa thèse, sa cause. Nous aurons une opposition générale, à quelques
25 exceptions près éventuellement, à ce que la Chambre détermine quelles sont
26 les parties de l'acte d'accusation pour lesquelles nous devrons présenter
27 des moyens. Si vous me dites que nous avons 450 heures, nous allons essayer
28 de tirer le meilleur parti de ce temps afin de couvrir cet acte
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1 d'accusation de la façon qui nous semble la plus appropriée. Parce que cela
2 reste notre cause.
3 S'agissant de savoir si quelque chose est jugé illustratif ou
4 représentatif, ceci ne sera possible que si la Défense est d'accord et dit
5 : oui, oui, nous sommes d'accord si la Chambre estime qu'en ce qui concerne
6 ces deux victimes, cela s'est passé dans les modalités présentées. Il ne
7 faudra plus d'autres moyens à charge, effectivement. Cela voudrait dire que
8 les autres éléments sont considérés comme établis. Si la Défense est prête
9 à marquer son accord là-dessus, effectivement, ceci nous permettrait
10 d'effectuer certains progrès.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Très vite. Je vais donner la parole à
12 Me Karnavas ou Me Kovacic sur cette question qui est importante, et dont
13 j'aimerais connaître le point de vue de la Défense.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis
15 d'accord avec M. Scott. C'est la cause de l'Accusation qu'il défende. Je ne
16 voudrais pas, effectivement, qu'il y est appel pour dire qu'il y a eu abus
17 du pouvoir discrétionnaire qu'aurait la Chambre, et je pense que c'est là
18 l'allusion que faisait M. Scott. Cela ne devrait pas être le cas. Bien sûr
19 que l'Accusation a le droit de présenter sa cause, mais la Chambre fait une
20 suggestion qui nous sembler raisonnable, et peut-être qu'on pourra se
21 retrouver au milieu du gué. Nous n'excluons pas la possibilité de
22 rencontrer l'Accusation. Si nous empruntons la voie du dossier, si les deux
23 parties parviennent à se mettre d'accord, bien sûr, qu'on pourra avancer
24 bien plus vite avec moins de témoins pour ce qui est des faits incriminés.
25 Il y a une question technique pour ce qui est de la façon de présenter
26 électroniquement ces dossiers. J'en parle parce que j'y pense maintenant.
27 Mais on peut choisir une option ou une autre -- je préfèrerais que
28 l'Accusation est la possibilité de présenter sa cause comme elle l'entend,
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1 parce que c'est sa cause à elle après tout. Mon devoir et mon travail c'est
2 de contester ce que l'Accusation présente, et je ne voudrais pas qu'elle
3 pense qu'elle n'a pas pu faire son travail et qu'elle essaie plus tard de
4 renverser une décision de jugement au niveau de l'appel parce qu'elle
5 dirait qu'elle n'a pas eu la possibilité de présenter ses moyens. Or, c'est
6 l'Accusation qui a la charge de la preuve tout au long du procès. Je ne
7 voudrais pas que l'Accusation ait le sentiment que quelque part la Chambre
8 de première instance aurait à ses yeux abuser du pouvoir discrétionnaire
9 qu'elle a en l'empêchant de présenter tous ses moyens.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. En quelques secondes, Maître Kovacic, je
11 pense que Me Karnavas a bien exposé le concept.
12 M. KOVACIC : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec ce
13 qu'il a dit. Mais nous sommes arrivés pratiquement à la fin de la
14 Conférence de mise en état, je crains de ne pas savoir ce qui se passera
15 pour mon client en application du 84 bis s'agissant du temps qui lui sera
16 consacré pour sa déclaration liminaire. C'est important de le savoir, il
17 nous faut prendre une décision.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je vais l'aborder tout de suite.
19 Monsieur Scott, quand vous allez présenter votre cause, vous avez
20 besoin de combien de temps ?
21 M. SCOTT : [interprétation] Pour reprendre l'analogie du chronomètre de la
22 présentation contre la montre, je n'ai pas encore chronométré le temps. Il
23 faudra sans doute ce que nous appelons une journée complète d'audience.
24 Cela pourra peut-être changer, mais je n'ai pas chronométré, peut-être
25 qu'il en faudra un peu plus, un bout de la journée d'après. Je pense qu'il
26 serait utile à la Chambre d'avoir une bonne idée d'ensemble de la cause des
27 moyens de preuve, qui pourraient être assez conséquents, donc je pense que
28 cela fera à peu près probablement une journée d'audience, peut-être un
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1 morceau de la journée d'après.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Si vous avez besoin d'une journée d'audience,
3 M. Praljak aura une journée. Si vous avez besoin d'un jour et demi, M.
4 Praljak aura un jour et demi. Voilà. Je pense qu'en une journée tout
5 devrait pouvoir être fait.
6 J'ai cru comprendre que M. Praljak, lors de sa déclaration liminaire,
7 voudrait être assisté par quelqu'un parce qu'il aurait des documents à nous
8 montrer, et cetera. C'est bien le sens de votre intervention ?
9 M. KOVACIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je m'intéressait
10 plutôt à la première question. La deuxième, c'est plutôt technique, d'avoir
11 quelqu'un qui l'aidera pour la présentation, l'affichage à l'écran et qui
12 pourrait l'aider à préparer son intervention, ce sera en fonction du
13 logiciel PowerPoint.
14 Mais puisque vous parlez du temps et de la nécessité d'avoir le même temps
15 pour l'Accusation, je me permets de soulever un argument. Il n'y aura pas
16 de présentation liminaire par les Défenses. Aucun autre accusé, mis à part
17 Praljak, ne le fera non plus. Je vous demande d'avoir l'obligeance de
18 donner à mon client le temps dont il aura besoin, nous avons demandé six
19 heures, donnez lui un temps précis mais que ce ne soit pas en fonction du
20 temps que prendra l'Accusation; sinon, il ne peut pas s'organiser, nous
21 aimerions savoir s'il aura six heures quelle que soit la durée, le temps
22 pris par l'Accusation ou quatre heures. Ce sera en fonction de votre
23 décision, quatre ou cinq, mais il lui sera difficile de se préparer sans
24 savoir combien de temps il aura. Je me répète, il n'y aura pas d'autre
25 intervention de la part de la Défense, accusé ou conseil. Merci.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voulais dire que six heures c'est un temps
27 énorme. Il peut peut-être entrer dans le détail, mais s'il se concentre sur
28 l'essentiel de ce qui lui est reproché, il n'a peut-être pas besoin de six
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1 heures. Je voudrais y voir beaucoup plus clair sur les six heures. Il aura
2 l'occasion lors de la Conférence préalable de nous expliquer pourquoi il
3 lui faut six heures. A ce moment-là, si d'ici là, il peut nous envoyer un
4 plan de son intervention, cela nous permettra d'y voir beaucoup plus clair.
5 Je ne peux pas vous dire d'ores et déjà si c'est six heures, cinq heures ou
6 quatre heures. Le seul minimum qu'il aura, c'est le même temps que
7 l'Accusation. Maintenant le reste, on verra en fonction de ce qu'il compte
8 dire.
9 Parce qu'il y a que deux façons : ou il fera une déclaration politique,
10 mais c'est son problème ou il abordera les faits de manière pénale. A ce
11 moment-là, il lui faudra peut-être du temps. Alors je ne sais pas. Vous le
12 verrez et vous direz que cette affaire reviendra en discussion lors de la
13 Conférence préalable.
14 Avant de terminer, on va passer très vitre à huis clos, parce qu'il y a un
15 dernier sujet à aborder aujourd'hui.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Monsieur le
17 Président.
18 [Audience à huis clos]
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7 (expurgé)
8 [Audience publique]
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avant de clôturer la dernière Conférence
10 de mise en état, est-ce que l'un d'entre vous veut intervenir sur un autre
11 sujet qui n'aurait pas été vu ? L'Accusation.
12 M. SCOTT : [interprétation] Non merci, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense ?
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Un seul petit point ou une demande. J'ai
15 constaté que M. Rajic a changé pour ce qui est la déclaration de
16 culpabilité. Peut-être qu'il va être témoin. Récemment à la télévision, on
17 a vu son avocat qui aurait indiqué qu'il pourra éventuellement témoigner,
18 et je sais qu'il y a eu un briefing et dans une question connexe qui est
19 assez importante. Nous aimerions savoir si l'Accusation nous a tout donné à
20 propos de M. Rajic, pas seulement sa déclaration préalable mais ce qui
21 aurait été présenté pendant ce briefing, et pour d'autres questions
22 afférentes à d'autres affaires, à d'autres enquêtes qui sont connexes, qui
23 ont une incidence directe ou indirecte sur cet acte d'accusation - je sais
24 que l'Accusation sait de quoi je parle - nous voulons nous assurer que nous
25 avons tous les renseignements. Nous aimerions nous enquérir pour savoir si
26 l'Accusation à l'intention de nous donner ces informations et si c'est le
27 cas, quand elle va nous le fournir.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, la Défense pose à l'Accusation le problème de
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1 savoir si vous lui avez donné tout ce qu'elle a en droit d'avoir et elle
2 soulève la question du Sieur Rajic et elle se pose la question de savoir
3 suite aux rencontres avec l'intéressé, est-ce que vous avez communiqué à la
4 Défense les documents ?
5 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que M. Rajic
6 figure sur la liste des témoins. Il n'y pas de secret là-dessus. Nous le
7 savons depuis janvier. Pour ce qui est de la communication en particulier,
8 honnêtement, je ne peux pas vous répondre sur-le-champ. Le conseil peut
9 m'envoyer une lettre ou m'appeler et je vais vérifier. Je ne l'ai pas ici
10 dans le prétoire. Il faut que je vérifie quelle est la situation
11 maintenant. Comme vous le savez, comme le conseil semble le savoir, il y a
12 quelques jours, nous avons eu la Conférence consacrée à la fixation de la
13 peine, et nous attendions que cela soit mené à son terme.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Pour préciser, d'après ce que j'ai compris,
15 M. Rajic est un témoin très important pour l'Accusation eu égard à
16 l'affaire Blaskic. Il s'agit d'un incident dans cet acte d'accusation en
17 particulier. Donc, je voudrais savoir si nous avons reçu et nous allons
18 recevoir toutes les informations au sujet des enquêtes qui sont en cours.
19 M. SCOTT : [interprétation] Vraiment, je ne sais pas de quoi parle Me
20 Karnavas. Mais par prudence, je pense qu'il faudrait passer à huis clos
21 partiel parce que certaines pièces sont sous pli scellé, de l'affaire
22 Blaskic.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, on passe à huis clos partiel.
24 [Audience à huis clos partiel]
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12 [Audience publique]
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, en audience publique, je déclare close
15 cette Conférence de mise en état. Je retrouverais toutes les parties de
16 l'Accusation lors de la Conférence préalable qui se tiendra le mardi 25
17 avril 2006. Je vous remercie.
18 --- La Conférence de mise en état est levée à 14 heures 06.
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