Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 1734

  1   Le mercredi 10 mai 2006

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à

  8   tous. Affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je salue toutes les

 10   personnes présentes au nom des Juges et en mon nom personnel.

 11   Comme vous le savez, nous avons aujourd'hui une audience qui va être

 12   concentrée à l'audition du témoin expert M. Donia. Cette audition est

 13   prévue sur deux jours.

 14   M. Scott qui n'était pas là hier veut, me semble-t-il, intervenir ? Je lui

 15   laisse la parole.

 16   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je dois dire à la

 17   Chambre que lorsque je ne suis pas dans le prétoire, je suis au moins ce

 18   qui s'est passé. J'ai suivi l'interrogatoire principal et le contre-

 19   interrogatoire de M. Vulliamy et je prête une attention soutenue à toutes

 20   ces questions.

 21   Avant de faire entrer le témoin, Messieurs les Juges, je voulais simplement

 22   évoquer deux points pour m'assurer simplement que nous procédons de la même

 23   façon. Pour ce qui est du rapport du Dr Donia, qui est la pièce qui

 24   comporte la cote numéro P 09536, ceci comprend l'ensemble du rapport ainsi

 25   que ses annexes. Avant de poursuivre, je souhaite également parler du

 26   curriculum vitae de

 27   M. Donia qui porte la cote numéro P 09547. Cela étant dit, Messieurs les

 28   Juges, je voulais simplement m'assurer que j'ai bien compris les choses que


Page 1735

  1   le rapport du Dr Donia dans son intégralité sera versé au dossier, que je

  2   décide oui ou non de poser des questions sur l'ensemble du rapport et si je

  3   ne m'attarde pas sur certaines parties du rapport, cela ne signifie pas

  4   pour autant que je vais retirer une partie du rapport ou que je considère

  5   qu'il n'est pas important. C'est ainsi que je comprends les choses. J'ai

  6   présenté ce rapport aux Juges ainsi qu'au conseil de la Défense et

  7   l'ensemble du rapport et il n'est pas nécessaire d'en parler dans les

  8   détails dans ce prétoire. Par conséquent, je vais parler de certains

  9   passages de ce rapport pas forcément tout en détail. Je crois que le

 10   rapport est suffisamment explicite. Bien sûr la Défense peut poser des

 11   questions sur une partie du rapport, Messieurs les Juges, que j'ai évoqué

 12   cette partie-là ou non.

 13   Je voulais simplement m'assurer, Messieurs les Juges, que nous nous

 14   comprenons bien. Bien sûr, je vais parler du rapport dans les détails.

 15   Est-ce que j'ai bien compris les choses ? Est-ce que j'ai bien compris

 16   comment je peux utiliser ce rapport ?

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors je vous explique, Monsieur Scott, quelle est

 18   la procédure qui est suivie et qui est d'ailleurs suivie par les autres

 19   Chambres. Lorsqu'il y a un rapport écrit d'un expert, à l'issue d'une

 20   audition de l'expert, audition constituée de l'interrogatoire principal, du

 21   contre-interrogatoire, des questions des Juges, des questions

 22   supplémentaires, l'Accusation ou la Défense demande l'admission du rapport

 23   écrit, après quoi les Juges délibèrent sur l'admission du rapport écrit et

 24   prennent une décision qui est celle-ci, soit le rapport écrit est admis, et

 25   à ce moment-là il a un numéro définitif, soit le rapport n'est pas admis

 26   parce les éléments du rapport ont donné lieu à d'énormes critiques et à une

 27   fiabilité qui n'entraîne pas le versement du rapport. A ce moment-là, il ne

 28   reste que le transcript sur lequel les Juges feront, le cas échéant, des


Page 1736

  1   références dans le jugement.

  2   Pour être bien clair, Monsieur Scott, si le rapport est admis, à ce moment-

  3   là, les Juges dans le jugement feront des références aux paragraphes du

  4   rapport écrit. Si le rapport n'est pas admis, les Juges ne feront pas de

  5   référence au rapport écrit, mais uniquement aux lignes du transcript. Voilà

  6   c'est comme cela que cela fonctionne généralement.

  7   Est-ce que vous comprenez ?

  8   M. SCOTT : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président. Je veux

  9   dire que cette approche est tout à fait nouvelle. Dans l'exercice de mon

 10   métier que ce soit ici ou ailleurs, je n'ai jamais entendu cela. Ce qui me

 11   pose un problème, je ne sais pas si je dois concentrer un temps important

 12   de la lecture de certains passages du rapport sur lequel je ne me suis pas

 13   penché. La personne qui mène l'interrogatoire ne sait pas si certains

 14   éléments seront inclus ou non, ce qui rend le travail difficile et la

 15   lecture du rapport difficile. Il va falloir que je relise cela, mais

 16   j'espère que l'ensemble du rapport pourra être versé au dossier à la fin de

 17   l'interrogatoire principal. Je veux vous soumettre l'ensemble du rapport

 18   que je me penche sur certaines questions et pas d'autres.

 19   Deuxièmement, avant de commencer et pour évoquer certaines critiques ou

 20   commentaires faites par la Défense à propos de ce rapport, je souhaite

 21   simplement parler d'une d'entre elles, en particulier. La nature et le

 22   champ d'application si je puis dire de ce rapport, le cadre de ce rapport,

 23   si on doit mettre des critiques sur le cadre et le contenu, je ne parle pas

 24   du contenu, bien sûr, le contenu à partir Dr Donia, pour ce qui est de ce

 25   qui a lui demandé de faire, on lui a demandé de préparer un rapport très

 26   concis éminent lisible avec l'aide de la Chambre sur certains concepts,

 27   personnes, organisations, événements qui ont trait à l'acte d'accusation

 28   dans cette affaire. Ce n'est pas le cas comme cela a été précis, il ne


Page 1737

  1   s'agit pas d'une analyse ou d'une thèse de 500 mots. Il s'agissait de

  2   fournir à cette Chambre un guide en quelque sorte concis et précis, une

  3   introduction, si vous voulez à certains concepts de base et d'événements

  4   qui ont mené aux événements-clés qui sont cités à l'acte d'accusation. A

  5   cet égard, je vais parler de rapport il se termine à l'automne 1992. Encore

  6   une fois ceci n'est pas par hasard. Ceci a été fait à dessein parce qu'au

  7   mois d'octobre 1992, on parle des crimes qui sont reprochés dans l'acte

  8   d'accusation à Prozor en octobre 1992. On a demandé au Dr Donia de fournir

  9   les éléments d'information sur les événements-clés et concepts qui ont mené

 10   à cela à savoir l'automne 1992 mais ne dépassant pas cette période-là,

 11   donc, pour qu'il n'y soit pas de confusion, j'estimais qu'il était

 12   nécessaire de préciser cela.

 13   Pour ce qui est du rapport en soit, j'ai pensé qu'il y avait peut-être

 14   différentes personnes qui l'ont présenté sous format différent, il peut y

 15   avoir des notes en bas de page. Cela dépend évidemment du format utilisé

 16   cela dépendra de la pagination. Bien sûr, si quelqu'un dit page 6 du

 17   rapport du Dr Donia et qu'ils ont sous les yeux différentes versions ou

 18   différents formats, bien évidemment, la page 6, à ce moment-là, pourra

 19   prêter à confusion car cela ne sera pas la même page. Donc, je souhaite

 20   préciser cela pour mon interrogatoire principal j'ai préparé mes questions

 21   et je crois que le Dr Donia utilise comme moi la version qui a été déposée

 22   auprès du Greffe il y a quelque temps déjà vers le mois de mars, et dans

 23   laquelle les notes figurent à la fin du rapport, et c'est cette version-là

 24   que je vais utiliser et que je vais faire référence ainsi que le Dr Donia

 25   aujourd'hui, la pagination est celle de ces rapports-là également.

 26   Merci, Monsieur les Juges. C'est tout ce que j'ai voulu en matière

 27   d'introduction.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott. Nous avons effectivement eu le


Page 1738

  1   rapport qui nous a été transmis. Ce rapport présente une introduction. Des

  2   paragraphes qui abordent les différents points, la Bosnie-Herzégovine, à

  3   l'époque de Bosnie-Herzégovine, la banovina croate, le point de vue de

  4   Tudjman, et cetera. Ensuite, il y a effectivement, comme vous l'avez

  5   indiqué à la fin du rapport, des références et il y a également des annexes

  6   qui sont les cartes. Donc, je présume que vous allez, lorsque le témoin

  7   sera là, poser des questions, mais je pourrais très bien le faire à votre

  8   place. Vous avez commencé à lui dire, je suppose, bonjour monsieur. Vous

  9   avez fait un rapport. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par le

 10   terme Bosnie ? Puis, voilà, il va relater ce qu'il a écrit, et ainsi de

 11   suite. Vous allez donc suivre le rapport en posant les questions.

 12   Votre collègue hier nous a dit que vous aviez deux heures qui étaient

 13   prévues, questions/réponses, et je présume que vous allez envisager

 14   lorsqu'il va aborder certains sujets vous allez lui présenter un document

 15   en disant, voilà il y a de document et numéro et est-ce que ce document

 16   vient à l'appui de ce que vous venez de dire, et cetera. Donc il y dira ce

 17   document je le connais. Voilà. Après quoi, bon, il y aura le contre-

 18   interrogatoire qui viendra peut-être dire le contraire de ce que le témoin

 19   a dit. Voilà, c'est comme cela que cela se passe et à l'issue de l'audience

 20   vous allez dire, Je demande l'admission du rapport écrit. La Défense va se

 21   lever unanimement et dira : Nous demandons le rejet de ce rapport, et les

 22   Juges délibéreront. C'est comme cela que cela se passe. Il n'y a pas de

 23   mystère.

 24   Si tout le monde est d'accord, nous allons pouvoir commencer. Bien. Alors -

 25   -

 26   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Oui, vous avez

 27   raison. Ce que je vais faire c'est après l'introduction je vais parler du

 28   rapport, parcourir le rapport du début à la fin. Mais, encore une fois, je


Page 1739

  1   note que certains passages de ce rapport je n'avais pas l'intention

  2   d'évoquer aujourd'hui. Simplement parce que j'estimais que tout un chacun

  3   pouvait lire ce rapport, il pouvait poser les questions. Si j'ai besoin de

  4   couvrir le rapport avec plus de détail sur la base de ce que vous venez de

  5   nous dire, Monsieur le Juge, à ce moment-là, je devrais m'arrêter et peut-

  6   être modifier mon calendrier. Eu égard à mon confrère, M. Mundis, je crois

  7   que ces deux heures me semblent un peu optimistes et je crois que si je

  8   dois parler plus en détail de ce rapport j'aurais besoin peut-être d'un peu

  9   plus de temps mais je vais essayer d'avancer le plus rapidement possible et

 10   de la façon la plus efficace possible.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : L'interprète française me dit si je dois parler plus

 12   en détail de ce rapport. Bon. Ce n'est pas vous qui parlez du rapport,

 13   c'est le témoin qui parle de son rapport. Vous, vous posez des questions et

 14   c'est le témoin l'expert, ce n'est pas vous l'expert. Etes-vous bien

 15   d'accord ?

 16   M. SCOTT : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. Ce que

 17   j'attendais -- j'allais diriger -- orienter le témoin pour qu'il me donne

 18   davantage de détail devant la Chambre. C'est cela que je voulais dire.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. C'est ce que j'avais bien compris. Madame

 20   l'Huissière, allez chercher le témoin.

 21   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Avant de vous faire prêter

 23   serment, je dois vous identifier. Pouvez-vous donner votre nom, prénom,

 24   date de naissance et profession actuel ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je m'appelle Robert Donia. Actuellement,

 26   je suis chercheur au Centre de recherche russe européenne à l'Université de

 27   Michigan. Je suis né le 30 mai 1945.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Pour le besoin du transcript, avez-vous déjà


Page 1740

  1   témoigné devant ce Tribunal et, si oui, à combien de reprises ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà témoigné auparavant. J'ai témoigné,

  3   je crois dans sept autres affaires.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je vous demande de lire la déclaration de

  5   serment.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  7   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  8   LE TÉMOIN : ROBERT DONIA [Assermenté]

  9   [Le témoin répond par l'interprète]

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, quelques propos liminaires de ma part avant

 11   de donner la parole à M. Scott. Vous êtes un spécialiste de ce Tribunal

 12   puisque cela ne sera que la huitième fois que vous venez témoigner en

 13   qualité d'expert, donc, vous ne serez pas surpris par les questions posées

 14   tant par l'Accusation qui est à votre droite que par la Défense qui,

 15   contrairement aux autres affaires, est nombreuse puisqu'il y a six accusés

 16   avec un palier d'avocats important. Donc, comme vous le savez, à l'issue

 17   des questions qui vous seront posées dans le cadre de l'interrogatoire

 18   principal par

 19   M. Scott, vous aurez à répondre aux questions posées dans le cas du contre-

 20   interrogatoire. Les Juges qui sont devant vous, pourront aussi lorsque nous

 21   éprouvons la nécessité, vous poser des questions.

 22   Alors, comme vous êtes expert, attendez-vous à ce que les questions du

 23   contre-interrogatoire soient ardues, mais vous en avez l'habitude. Donc,

 24   sachez que si parfois les questions peuvent avoir un caractère dur, ce

 25   n'est pas votre personne qui est visée, c'est l'expert et le contenu dans

 26   le rapport d'expertise. Dans tous les tribunaux du monde, c'est toujours

 27   comme cela que cela se passe. L'expert est toujours mis sur la sellette et

 28   donc, doit subir parfois les questions de la Défense dans les questions des


Page 1741

  1   Juges. Mais comme vous avez une grande expérience, vous ferez face à ce

  2   moment.

  3   Si à un moment donné, vous éprouvez une difficulté quelconque, n'hésitez

  4   pas à m'interrompre si vous avez besoin de vous reposer mais en règle

  5   générale, nous travaillons pendant une heure et demie, on fait un "break,"

  6   de 20 minutes et nous reprenons. Sauf qu'en fin de matinée, aux environs de

  7   midi, nous arrêterons. Nous ferons un break d'une heure et demie pour vous

  8   permettre de vous restaurer ainsi que toutes les personnes de cette salle

  9   et nous reprendrons dans le courant de l'après-midi. Normalement, si tout

 10   se passe bien, votre audition est prévue pour se terminer demain à 13

 11   heures 45. Voilà.

 12   Nous avons déjà pris 20 minutes et je ne vais pas perdre plus de temps. Je

 13   vais donner la parole tout de suite à Monsieur Scott.

 14   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 15   Juges.

 16   Interrogatoire principal par M. Scott:

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Dr Donia.

 18   R.  Bonjour, Monsieur Scott.

 19   Q.  Je souhaitais simplement brièvement parler avec vous des éléments vous

 20   concernant ainsi que votre domaine d'expertise. J'ai vu votre curriculum

 21   vitae qui a une cote provisoire C. Il comporte le numéro P 09547. La

 22   Chambre en dispose dans ce curriculum vitae, on voit ce que vous avez fait,

 23   ce que vous avez publié et ce, en détail. Je ne vais pas m'étendre beaucoup

 24   là-dessus dans ce prétoire pour ce qui est des études que vous avez faites.

 25   A la fin de votre curriculum vitae, je constate que vous avez reçu, vous

 26   avez obtenu le diplôme de doctorat de l'Université de Michigan, en 1976, en

 27   rapport avec votre sujet de thèse. Votre sujet de thèse sur la politique

 28   des factions, les Musulmans de Bosnie-Herzégovine; est-ce exact ?


Page 1742

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Pour ce qui est de vos travaux et de la pertinence de vos travaux, eu

  3   égard à ce qui nous amène aujourd'hui dans cette affaire et des questions

  4   qui vont être posées dans ce cadre, je sais que vous avez publié trois

  5   livres portant sur la Bosnie; est-ce exact ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Votre récent ouvrage, intitulé : "Sarajevo, une biographie," est en

  8   réalité un livre qui vient d'être publié ces dernières semaines; est-ce

  9   exact ?

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  Est-ce que vous pourriez en deux ou trois phrases décrire aux Juges de

 12   la Chambre de quoi il s'agit dans cet ouvrage ?

 13   R.  "Sarajevo, une biographie," est une synthèse historique de la ville de

 14   Sarajevo depuis sa création en 1450 jusqu'à l'an 2000, environ.

 15   Q.  Lorsque vous dites que c'est une synthèse, peut-être que vous pourriez

 16   nous expliquer ceci ?

 17   R.  C'est une histoire complète dans le sens où je m'étends sur une longue

 18   période de temps et je tente de synthétiser ou de résumer les différentes

 19   périodes historiques pour en faire un récit cohérent.

 20   Q.  Merci. Vous avez, en outre, écrit trois ouvrages en collaboration avec

 21   quelqu'un d'autre. Je vois que vous avez publié quelque chose de l'ordre de

 22   14 articles portant sur la Bosnie et l'ex-Yougoslavie. C'est ce que je peux

 23   lire dans votre curriculum vitae; est-ce exact ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Je remarque également que vous avez de plus écrit 14 analyses et

 26   critiques d'ouvrages d'autres personnes en rapport avec l'accès, la

 27   Yougoslavie, les Balkans et les rapports du sud-est; est-ce exact ?

 28   R.  Oui.


Page 1743

  1   Q.  Donc, pour reprendre après les questions du président, pour ce qui est

  2   des dépositions que vous avez faites devant ce Tribunal, est-il exact de

  3   dire que vous avez témoigné dans l'affaire Blaskic en 1997, environ, et

  4   Cerkez, en 1999 ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Simic, 2001.

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Brdjanin, en 2002 ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  L'affaire Stakic, en 2002, également ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  L'affaire Galic, en 2002 ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  L'affaire Milosevic, en 2003 ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  L'affaire Krajisnik, toujours en cours, en juillet 2005 ?

 17   R.  C'est exact.

 18   Q.  Monsieur, je vous demande maintenant de bien vouloir vous rapporter à

 19   votre rapport. Un exemplaire a été placé ici sur votre table. Cette pièce

 20   comporte la cote provisoire P 09536. Ce que je vais maintenant, comme je

 21   l'ai déjà expliqué aux Juges de la Chambre, je vais parcourir ce rapport

 22   avec vous, du début à la fin, un passage après l'autre, bien que dans

 23   certains passages, nous n'allons pas les évoquer aujourd'hui. Je laisse le

 24   soin au conseil de la Défense et aux Juges de la Chambre de poser des

 25   questions sur ces passages s'ils le souhaitent. Je vais vous demander de

 26   tourner votre attention sur certains points qui m'intéressent. A cet égard,

 27   je vous demande de bien vouloir vous reporter au chapitre qui suit

 28   l'introduction, qui est intitulé : "Bosnie-Herzégovine". Il y a simplement


Page 1744

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 1745

  1   deux passages ici, sur lequel je souhaite porter mon attention. Dans cette

  2   partie du rapport, vous parlez de l'Etat indépendant de Croatie. Est-ce que

  3   vous pourrez vous étendre là-dessus et nous expliquer ce qu'était cet Etat

  4   indépendant de Croatie ?

  5   R.  L'Etat indépendant de Croatie a été créé par les occupants allemands et

  6   italiens dès le lendemain de leur conquête de la Bosnie-Herzégovine, de

  7   l'ex-Yougoslavie, en 1941. Ceci englobait quasiment l'ensemble du

  8   territoire de la Bosnie-Herzégovine et une très grande majorité du

  9   territoire croate qui, à l'époque, faisait partie de la monarchie, était

 10   dirigée par la monarchie des Habsbourgs et, donc, les Oustachi qui étaient

 11   des nationalistes croates et qui avaient émigré en Italie, une décennie et

 12   demie avant 1941.

 13   Q.  Bien. Donc, c'est un territoire qui englobait, à la fois, les anciennes

 14   terres historiques croates et la Bosnie-Herzégovine.

 15   M. SCOTT : [interprétation] Avec l'aide de l'Huissière, je vous demande de

 16   bien vouloir place la carte numéro 5 sur le rétroprojecteur. Si on pouvait

 17   voir, le haut de la carte, s'il vous plaît.

 18   Q.  Donc, Dr Donia, vous venez de nous dire que, dans ces parties que l'on

 19   voit en jaune, c'est bien ce qui était connu sous le nom de l'Etat

 20   indépendant de Croatie, de 1941 à 1945 ?

 21   R.  Oui. --

 22   Q.  Alors, sur les frontières est de cette entité; est-ce que vous pourriez

 23   nous montrer de quoi il s'agit pour qu'on ait une idée de la manière dont

 24   il y a une relation entre cette frontière et la frontière qui devait

 25   devenir par la suite la frontière entre la Bosnie et la Serbie ?

 26   R.  La frontière est de l'est indépendant de Croatie au nord, à la pointe

 27   nord, s'étend plus vers l'est, suit le cours de la rivière Drina et ce

 28   cours peut constituer une grande partie de la frontière est qui est la


Page 1746

  1   frontière entre la Bosnie et le Royaume de Serbie avant 1914 dans une large

  2   mesure et qui va devenir la frontière entre la Bosnie-Herzégovine et la

  3   Serbie, la République de Serbie après 1945.

  4   Q.  Monsieur, vous nous avez dit que l'Etat indépendant de Croatie pendant

  5   cette époque-là recouvrait tout le territoire de ce qui allait devenir

  6   après la guerre la Bosnie-Herzégovine; c'est exact, dans une très, très

  7   grande mesure ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Cette entité ou cet arrangement territorial s'est arrêté à l'issue de

 10   la guerre ?

 11   R.  Oui.

 12   M. SCOTT : [interprétation] Je voudrais maintenant demander l'aide de

 13   l'Huissière pour placer la carte numéro 6 sur le rétroprojecteur.

 14   Q.  Très brièvement, pour faire un aperçu et un rappel, était-ce bien la

 15   configuration de l'ex-Yougoslavie, la République socialiste de Bosnie-

 16   Herzégovine existait sous cette forme-là à partir de la fin de la guerre

 17   approximativement jusqu'en 1992 ?

 18   R.  Oui. Ce sont les mêmes frontières du moins pour ce qui est au nord, une

 19   moitié ou jusqu'au deux tiers de la frontière entre la Bosnie-Herzégovine

 20   et la République de Serbie, encore une fois suit le cours de la rivière

 21   Drina.

 22   Q.  Merci. Nous allons maintenant aller de l'avant pour aborder le chapitre

 23   3 de votre réponse. Je voudrais attirer votre attention sur la page 5 de

 24   votre rapport, si vous voulez bien. En substance, vous dites que les

 25   Croates, les Musulmans et les Serbes, donc, les trois principaux groupes

 26   ethniques, vivaient très proches les uns des autres en Bosnie. Vous dites,

 27   je vous cite : "Que ceci rendait impossible de répartir ou de découper la

 28   carte et le territoire pour créer des territoires homogènes habités par tel


Page 1747

  1   ou tel groupe."

  2   Est-ce que vous pouvez nous en parler un petit peu plus ? Est-ce que vous

  3   pouvez nous parler des implications de ce que souhaitait faire les groupes

  4   nationalistes qui voulaient découper des zones homogènes ?

  5   R.  A travers les différents moments de conversations religieuses et de

  6   migration, ces trois peuples sont devenus complètement enchevêtrés dans

  7   pratiquement toute la Bosnie-Herzégovine. Dans de nombreuses régions, il y

  8   avait un mélange de Musulmans et de Croates, puis, dans de nombreuses

  9   autres zones, c'était un mélange de Musulmans et de Serbes. Puis, dans

 10   d'autres endroits, les trois groupes étaient mélangés, y compris c'était le

 11   cas dans la plupart des grandes villes, Mostar, Sarajevo, Tuzla, Zenica et

 12   dans d'autres villes. Il y a de petites zones qui sont ethniquement

 13   monolithiques, par exemple, dans l'Herzégovine occidentale et en Bosnie

 14   occidentale, où vous aviez une enclave musulmane, mais, sur tout le

 15   territoire de la république, il y avait un enchevêtrement tel qu'il était

 16   complètement superflu d'essayer de découper le pays ou le territoire en

 17   sorte de créer des territoires monolithiques ou mono nationaux. 

 18   Q.  Page 6 de votre rapport, vers la deuxième moitié de la

 19   page :  "Sur la base du recensement de 1991, vous donnez les pourcentages

 20   approximatifs de la taille des trois groupes, donc nous voyons qu'il y a à

 21   peu près 43,7 % de Musulmans de Bosnie, à peu près 31,4 % de Serbes de

 22   Bosnie et les Croates constituent 17,3 % pour toute la Bosnie-Herzégovine."

 23   Pour qu'il n'y ait pas de confusion dans le prétoire, je vais vous demander

 24   la chose suivante, ce sont des pourcentages qui représentent le pays dans

 25   sa totalité et non pas une municipalité ou une partie en particulier ?

 26   R.  Oui, ce sont des pourcentages pour la République de Bosnie-Herzégovine.

 27   Q.  Donc, les Croates de Bosnie certes constituaient 17,3 % pour toute la

 28   Bosnie, mais dans certaines régions ils peuvent être représentés à 50,


Page 1748

  1   voire 80 % ? 

  2   R.  Oui.

  3   M. SCOTT : [interprétation] Je vais demander encore une fois l'aide de

  4   l'Huissière pour placer la carte numéro 8 sur le rétroprojecteur.

  5   Q.  Très brièvement, ceci constitue une partie de votre rapport. Pourriez-

  6   vous nous dire pour quelle raison vous avez introduit cette carte ?

  7   R.  J'ai introduit cette carte pour deux raisons. Premièrement, parce que

  8   la carte nous montre la complexité ethnique et nationale de la Bosnie-

  9   Herzégovine comme nous venons de le dire. Puis la deuxième raison est la

 10   suivante, il est très difficile de se représenter cette complexité de la

 11   représenter sur une carte et cette carte-ci est à peu près la meilleure

 12   façon, la façon la plus fidèle de montrer la composition de chacune des

 13   municipalités. Donc la couleur principale pour chacune des municipalités

 14   nous montre qu'elle est le groupe national majoritaire et les couleurs un

 15   peu moins fortes montrent lorsqu'il y a la pluralité, donc, la majorité

 16   moins 50 %.

 17   Q.  Très bien.

 18   R.  Puis, vous avez des barres dans chacune des municipalités pour montrer

 19   les autres groupes -- les pourcentages de ces autres groupes.

 20   Donc, prenons Mostar par exemple, vous voyez qu'à Mostar, vous avez les

 21   Musulmans qui constituent une majorité relative de moins de 50 %, mais vous

 22   avez aussi les autres groupes qui sont représentés dans la municipalité,

 23   donc, cela se sont les barres.

 24   Q.  Je vous remercie. Pour continuer avec l'exemple de Mostar.

 25   M. SCOTT : [interprétation] Je demanderais à Mme l'Huissière de nous placer

 26   la carte numéro 7 sur le rétroprojecteur.

 27   Q.  Encore une fois, en quelques mots, pouvez-vous expliquer aux Juges de

 28   la Chambre ce que l'on voit sur cette carte ?


Page 1749

  1   R.  C'est une carte qui nous montre la dispersion géographique des groupes

  2   nationaux ou des nationalités au sein d'une municipalité, donc c'est très

  3   précis pour montrer quelle est la composition de la population dans les

  4   villages et les villes; en rouge, ce sont les Croates, vous voyez que vous

  5   avez des regroupements de villages croates à l'est de Mostar, mais vous

  6   avez aussi des villages musulmans à l'ouest et au nord et ils sont parsemés

  7   de villes et de villages serbes dans cette zone et autour de Mostar, tout

  8   ceci autour de Mostar qui est une ville mixte, tous les groupes sont

  9   représentés et vraiment il n'y avait pas de ségrégation dans les différents

 10   quartiers ou dans les zones résidentielles de la ville.

 11   M. SCOTT : [interprétation] Nous pouvons peut-être passer à un PowerPoint,

 12   donc, nous n'avons plus besoin du rétroprojecteur pour le moment.

 13   Q.  Pour résumer, ce que vous dites dans votre rapport dans ce chapitre,

 14   c'est ce que, comme vous l'avez indiquez il y a un instant, ces

 15   caractéristiques-là rendent superflue toute tentative de séparer la Bosnie-

 16   Herzégovine pour créer des territoires ethniquement homogènes; est-ce

 17   exact ?

 18   R.  Oui.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Karnavas.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 22   Juges. Je ne pense pas que l'on peut donner lecture du rapport comme cela

 23   est fait. Je pense que nous avons ici ce témoin qui doit déposer, mais ce

 24   qui se passe, en réalité, c'est une lecture du rapport qui est faite très

 25   bien, mais je préfèrerais avoir un discours propre au témoin. Il me semble

 26   que ce n'est pas une manière correcte d'utiliser le rapport.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Monsieur Scott, induisez la réponse du témoin

 28   en lui demandant d'approfondir tel ou tel sujet où, à ce moment-là, c'est


Page 1750

  1   le témoin qui parle plutôt que vous.

  2   M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  3   Q.  Page 5 de votre rapport, Monsieur, vous parlez de mouvements d'identité

  4   nationale, c'est ainsi que vous appelez cela; est-ce que vous pouvez

  5   l'expliquer un petit peu ? Quelle a été la signification de cela ? Comment

  6   ces mouvements se sont-ils développés ou manifestés ?

  7   R.  Vers la fin des XVIII et XIXe siècles, des mouvements à la tête

  8   desquelles se sont trouvés des intellectuels se sont manifestés et qui

  9   étaient appuyés par les autorités de l'Eglise. Des Serbes, des Croates, ces

 10   deux nations-là ont tenté par ces mouvements de définir et également

 11   d'étendre leurs identités à travers la communauté de ce qui a été à

 12   l'époque vraiment une situation religieuse, ce qui était des communautés

 13   religieuses. Donc, disons, au début du XXe siècle, on peut dire que des

 14   mouvements nationaux du côté des Serbes et des Croates sont bien développés

 15   tant en Serbie qu'en Croatie, donc, les territoires voisins, et commencent

 16   à se développer en Bosnie-Herzégovine.

 17   Le mouvement national des Musulmans de Bosnie - quant à eux, qui sont

 18   devenus connus sous le nom de Bosniaques en 1993 - a commencé à se

 19   manifester un peu plus tard. Donc, il ne s'agit pas d'un développement

 20   simultané de ces trois mouvements. En fonction de l'importance de la classe

 21   moyenne et de l'articulation de ses identités, il y a eu une évolution sur

 22   un siècle et demi. Les Musulmans de Bosnie, c'est au début des années 60

 23   qu'ils ont commencé à affirmer leur identité et ils ont été reconnus en

 24   1964 de manière équivalente à celle des Serbes et des Croates.

 25   Q.  Page 5, dernier paragraphe de cette page, vous parlez de différents

 26   mouvements nationalistes et vous dites qu'il y avait une production de

 27   mythes, des efforts linguistiques, des commémorations, des fêtes, la

 28   création de saints nationaux. Alors est-ce que vous nous dites ce que cela


Page 1751

  1   signifie ?

  2   R.  C'était des propos de Vjekoslav Perica, et je pense qu'en l'espace

  3   d'une seule phrase, il a pu saisir la substance de cette façon qui a été de

  4   diffuser la foi en l'histoire nationale, la notion d'une seule langue, puis

  5   de créer une série de héros nationaux, puis il y avait des saints dans les

  6   naissances, les exploits étaient commémorés lors des fêtes et il y avait la

  7   création de fêtes qui devaient commémorer un événement particulier

  8   d'histoire nationale.

  9   Q.  Alors, quel a été le rôle joué par des symboles, des drapeaux,

 10   l'échiquier ou certains blasons, et cetera ?

 11   R.  Ces symboles avaient été conçus par des intellectuels, mais,

 12   généralement, ils s'inspiraient, par exemple, du blason médiéval ou même

 13   d'un slogan ancien, et vous avez, par exemple, différents symboles où vous

 14   avez un blason, ou ligne nationale, ou la musique populaire ou la

 15   littérature population sont utilisés. C'était des manifestations très

 16   palpables de l'identité nationale dans le cadre de cet éveil national.

 17   Q.  Vous avez parlé entre autres d'efforts sur le plan linguistique.

 18   Pouvez-vous nous dire quels rôles ils ont joués dans les mouvements

 19   nationaux ?

 20   R.  Les Slaves du sud, à la fois les Croates et les Serbes, au début du

 21   XIXe siècle, ont cherché à standardiser leurs langues nationales pour

 22   englober autant de locuteurs possibles au sein de leur groupe national.

 23   L'objectif en a été, dans l'esprit des intellectuels, d'intégrer ou de

 24   faire fusionner les populations autour d'une langue nationale littéraire ou

 25   standard.

 26   Q.  A la lumière de ces efforts, pouvez-vous dire à la Chambre, en grandes

 27   lignes pour ce qui est du début des années 1990, donc en 1991, 1992, 1993,

 28   les langues que nous appelons aujourd'hui ici devant ce Tribunal le B/C/S


Page 1752

  1   ou le bosniaque, croate, serbe, étaient-elles proches l'une de l'autre,

  2   différentes, au début des années 1990 ?

  3   R.  Elles étaient très semblables et très contestées, dois-je dire. Les

  4   intellectuels faisaient état ou prônaient la notion du fait que les Croates

  5   parlaient une différente langue. Les Serbes et les Musulmans de Bosnie

  6   prônaient le séparatisme en introduisant des termes archaïques, turcs ou

  7   arabes dans leurs langues, mais c'était un processus qui avait pour

  8   objectif de promouvoir la notion de différence. En fait, on pouvait

  9   parfaitement se comprendre dans ces différentes langues et mon exemple

 10   favori c'est que, pendant les négociations de Dayton, chaque groupe voulait

 11   que sa langue soit représentée, donc, vous pouviez passer du canal serbe,

 12   en canal croate ou bosniaque, mais vous entendiez toujours une seule et

 13   même voix.

 14   Q.  Page 6 de votre rapport, vous dites que --

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Je me permets de poser une question au témoin parce

 16   que je reviens à la page 5, à la question que vous avez posée. Vous

 17   indiquez dans votre rapport, à partir du XIXe siècle, chaque communauté

 18   religieuse devient le socle d'une identité nationale laïque. Vous citez un

 19   historien, vous reprenez les termes de l'historien Perica, en disant les

 20   principales institutions religieuses oeuvrent avec des intellectuels

 21   nationalistes modernes et laïques à la création des nations. Ce que votre

 22   collègue, l'historien Perica, a dit m'apparaît important et m'apparaît

 23   quand même un complément.

 24   Est-ce à dire que, dans ce paragraphe, vous vouliez indiquer que c'est les

 25   religions qui sont à l'origine du sentiment national ? Est-ce que c'est

 26   cela que vous voulez faire ressortir de ce paragraphe ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Les religions et la tradition religieuse

 28   ont constitué le socle de ces mouvements nationaux. Les intellectuels


Page 1753

  1   nationaux qui les ont affirmés souvent ont nié qu'il y avait au coeur cette

  2   identité religieuse très forte, mais jamais ces mouvements nationaux n'ont

  3   eu un écart très considérable par rapport à ces origines religieuses. Je

  4   pense effectivement que la religion constitue le fondement même de ces

  5   mouvements.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

  7   M. SCOTT : [interprétation]

  8   Q.  Docteur Donia, dans votre rapport, page 6, vous dites que les

  9   nationalistes serbes et croates, à différents moments, ont revendiqué les

 10   Musulmans comme faisant partie de leur groupe; donc, les Musulmans étaient

 11   soit des Serbes, soit des Croates. Pouvez-vous nous l'expliquer ?

 12   R.  Oui. Au cours du XIXe siècle, les chefs intellectuels de ces mouvements

 13   cherchaient à identifier leur groupe de manière aussi étendue que possible,

 14   donc, de nombreux nationalistes serbes du XIXe siècle estimaient que les

 15   Croates, ou disons les catholiques, étaient des Serbes de religion

 16   catholique, et les Croates, à leur tour, étaient de l'avis que les

 17   Musulmans de Bosnie étaient des Croates musulmans. Donc, il y avait une

 18   rivalité qui portait sur tout ce corpus de Slaves du sud qui parlaient la

 19   langue qui était appelée serbo-croate pendant la période socialiste.

 20   Finalement, ceci a donné lieu à une rivalité sur l'identité des Musulmans

 21   de Bosnie. Puis, jusqu'aux années 1960 du 20e siècle, les Musulmans de

 22   Bosnie se définissaient comme une communauté religieuse, comme cela a été

 23   le cas des catholiques et des orthodoxes un siècle plus tôt. Quelques-uns

 24   d'entre eux acceptaient ces ouvertures qui venaient des nationalistes

 25   serbes et croates, et déclaraient leur nationalité comme étant Serbe ou

 26   Croate. Mais la grande majorité, et en particulier ceux qui n'étaient pas

 27   et ne faisaient pas partie de l'élite, rejetaient ces ouvertures. Quand

 28   vous voyez le recensement de la période socialiste, vous voyez qu'ils


Page 1754

  1   choisissaient n'importe quelle identité autre que serbe ou croate pour

  2   s'identifier en tant que distincts, différents des nationalités serbes ou

  3   croates.

  4   Cette rivalité n'a jamais connu de fin, mais jusqu'aux années 1990, la

  5   plupart des Croates et des Serbes ont fini par accepter que les Musulmans

  6   de Bosnie constituaient une nation à part et qu'ils étaient distincts de

  7   leurs nationalités.

  8   Q.  Vous venez de parler du recensement et de la manière dont se

  9   déclaraient les Musulmans. Page 6, à la fin du paragraphe 1, vous en parlez

 10   dans votre rapport.

 11   R.  Oui. L'Etat socialiste yougoslave offrait peu de possibilités pour

 12   définir son identité dans le recensement. Cela variait d'un recensement à

 13   l'autre jusqu'en 1981, mais c'était dans ces catégories-là que la

 14   population bosniaque musulmane de Bosnie recherchait pour ne pas devoir se

 15   déclarer serbe ou croate.

 16   Q.  Très bien. Alors, vous en avez déjà parlé un petit peu; j'aimerais

 17   savoir, sur la base de vos recherches d'historien, quel a été l'objectif

 18   recherché par un groupe ou un autre lorsqu'il revendiquait les Musulmans

 19   comme faisant partie de leur groupe ?

 20   R.  Mais c'était la clé du contrôle démographique et du statut de majorité

 21   en Bosnie-Herzégovine. Si les Serbes parvenaient à recruter les Musulmans

 22   de Bosnie pour en faire partie de la nationalité serbe, la Bosnie-

 23   Herzégovine deviendrait à majorité serbe, une République à majorité serbe;

 24   si, en revanche, c'étaient les Croates qui y parvenaient, ce territoire

 25   deviendrait à majorité croate.

 26   Q.  A moins que la Chambre n'ait de questions à vous poser sur ce chapitre-

 27   là, je vais passer au chapitre suivant. Je vais aborder la question de la

 28   banovina croate.


Page 1755

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 1756

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une question de précision. Vous venez de nous

  2   dire en quelque sorte que les Musulmans étaient l'enjeu entre les Serbes et

  3   les Croates afin d'avoir une majorité. C'est bien comme cela que nous

  4   devons comprendre vos propos ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était la motivation principale pour les

  6   nationalistes serbes et croates, pour recruter parmi les Musulmans de

  7   Bosnie. Oui. C'était cela, la motivation des nationalistes serbes et

  8   croates quand ils allaient recruter. Oui, c'était comme cela que je l'ai

  9   conçu.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Une autre question.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Juste pour que ce soit aussi précis

 12   que possible. Je vais être très franc. Ce que vous nous dites, nous avons

 13   un peuple, un groupe ethnique qui est plutôt uniforme sur le territoire de

 14   l'ex-Yougoslavie. Cependant, les religions sont différentes et les chefs de

 15   file sont de religions différentes. Les intellectuels leur apportent leur

 16   secours par l'entremise de symboles qui sont créés de manière plus ou moins

 17   artificielle, donc initialement, nous avons des nationalistes plus ou moins

 18   artificiels, mais en fin de compte, on finit par créer des identités

 19   nationales de différents groupes qui initialement, étaient enfin les mêmes,

 20   si on fait abstraction de la religion. Enfin, de manière simplifiée, en

 21   grandes lignes, est-ce que ce serait cela ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je puis clarifier juste un tout petit peu.

 25   Les symboles n'étaient pas artificiels dans le sens où on dirait qu'ils

 26   n'avaient pas fondation. Chacun de ces groupes s'est tourné vers l'Etat

 27   médiéval. Donc, pour les Musulmans de Bosnie, c'était leur Etat médiéval;

 28   pour les Croates, c'était leur Etat médiéval; pour les Serbes, c'était leur


Page 1757

  1   royaume médiéval. Donc, ce n'était pas artificiel, inventé, monté de toutes

  2   pièces, ces blasons, ces symboles. Ils ont été, parfois, je dois dire, un

  3   peu adaptés à l'objectif de promouvoir ces identités nationales.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que mutatis mutandis, il

  5   serait possible de comparer ces divers royaumes et ces divers Etats pour

  6   éventuellement les comparer aux Etats allemands du Moyen Age ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous posons des questions pour essayer d'aller au

 10   cœur du sujet et pour gagner du temps.

 11   M. LE JUGE PRANDLER : Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je viens de

 12   Hongrie, un pays dont l'histoire est très complexe également, et je tiens à

 13   dire d'emblée que ma mère est native de Croatie et que mon grand-père est

 14   né avant la Première Guerre mondiale et a combattu, bien sûr, dans cette

 15   guerre qui a opposé les Italiens et les Russes. Donc, ce que j'ai dit tout

 16   à l'heure, c'est que durant la période socialiste en Yougoslavie, les gens

 17   n'avaient guère le choix lorsqu'ils répondaient aux questions du

 18   recensement pour se définir du point de vue de leur appartenance ethnique.

 19   Je me souviens qu'il y avait une autre possibilité, à savoir, se

 20   déterminer comme Yougoslave, autrement dit, ne pas se déterminer comme

 21   Serbe, Croate ou Bosnien, si les Bosniens existaient à l'époque, mais de se

 22   déterminer comme Yougoslave. Donc, ma question est la suivante : si les

 23   recensements qui ont eu lieu entre le début des 1960 et les années 1990

 24   sont pris en considération, de quelle façon les Bosniens musulmans se

 25   plaçaient-ils en termes des catégories que vous avez évoquées ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Au cours du recensement de 1953, comme vous le

 27   verrez en page 6 de mon rapport, les Musulmans optaient pour la catégorie

 28   yougoslave, qui était une catégorie très peu définie. Au cours des


Page 1758

  1   recensements suivants, l'option yougoslave a été utilisée par bon nombre de

  2   personnes qui croyaient en l'Etat yougoslave, qui croyaient dans l'idée de

  3   Yougoslavie. L'option yougoslave a également été utilisée par les personnes

  4   issues de mariages mixtes ou par les personnes qui refusaient, pour une

  5   raison ou pour une autre, de se cantonner à la définition serbe, croate ou

  6   musulman de Bosnie.

  7   L'option yougoslave a été majoritairement choisie, si je me souviens bien,

  8   en 1981, où elle a constitué la majorité des réponses au recensement et

  9   concernait 7 % à 8 % de la population de Bosnie, après quoi cette option a

 10   diminué du point de vue de son importance au cours du recensement du 1991,

 11   qui a eu lieu, si je ne m'abuse, à la fin 1991, à savoir, à une date où les

 12   oppositions étaient en train de croître dans l'ex-Yougoslavie.

 13   Dans les recensements, si je me souviens bien, l'option bosnienne

 14   n'existait pas, mais les Musulmans de Bosnie au sens ethnique du terme ou

 15   national du terme ont donné lieu à des choix particuliers du point de vue

 16   du recensement par les Musulmans de Bosnie.

 17   M. SCOTT : [interprétation]

 18   Q.  Peut-être pourrions-nous entrer davantage dans les détails. Pour quelle

 19   raison, d'après vous, certaines personnes souhaitaient la création d'une

 20   ethnicité musulmane au contraire de toute autre acception du terme ?

 21   R.  Bien, en page 6 de mon rapport, il est question de l'évolution qui a eu

 22   lieu à l'époque quant à la meilleure façon d'exprimer l'identité des

 23   Musulmans de Bosnie. En 1961, à savoir, avant la reconnaissance des

 24   Musulmans de Bosnie en tant que groupe ethnique, les Musulmans étaient à

 25   ethniquement parler considérés comme une catégorie qui était un échelon

 26   plus bas que la catégorie de nation.

 27   En 1971, les choses ont changé, et les Musulmans ont constitué une

 28   catégorie à part entière dans le recensement. Les responsables yougoslaves


Page 1759

  1   ont estimé que le problème était alors réglé et ont donc autorisé la

  2   dénomination musulmane de Bosnie au cours des recensements de 1981 et de

  3   1991.

  4   Q.  Cette terminologie avait-elle le moindre sens à votre avis dès lors que

  5   les gens utilisaient le terme de Musulman au sens ethnique ? Est-ce qu'il

  6   demeurait la possibilité pour quelqu'un de s'identifier en tant que

  7   Musulman au sens ethnique et culturel sans pratiquer la foi musulmane ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  J'aimerais que nous avancions maintenant pour parler du chapitre

 10   intitulé : "Banovina," à moins que les Juges n'aient d'autres questions à

 11   poser au témoin ?

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez, s'il vous plaît.

 13   M. SCOTT : [interprétation]

 14   Q.  Professeur Donia, excusez-moi, mon micro s'est éteint.

 15   Dans ce chapitre de votre rapport, vous développez l'idée de banovina ou de

 16   ban que vous situez non seulement dans le contexte qui a déjà été discuté

 17   ici, à savoir, le contexte de 1939, mais dans un contexte plus large.

 18   Pourriez-vous donc nous expliquer d'où découle l'utilisation de ce terme ?

 19   R.  C'est un terme qui vient des ban ou banovina, qui étaient des

 20   territoires existant au Moyen Age et placés sous le pouvoir d'un

 21   gouverneur. C'est un terme qui après 1929 et la déclaration de dictature

 22   royale de la part du roi Alexandre de Yougoslavie, a servi à créer de

 23   nouvelles unités administratives qui en principe étaient sans précédent

 24   dans l'histoire et qui avait pour but de gommer les divisions ethniques ou

 25   nationales au sein de la Yougoslavie.

 26   Q.  Très bien. Concentrons-nous sur le premier paragraphe de ce chapitre,

 27   si vous voulez bien. Ai-je bien compris votre dernière phrase comme

 28   signifiant que les banovinas du passé, celles qui avaient été créées aux


Page 1760

  1   environs de 1929, ne reposaient pas sur une notion de répartition de

  2   divisions ethniques, mais sur d'autres considérations ?

  3   R.  Oui, en effet. Il y a des historiens dont les convictions sont très

  4   diverses qui considèrent que le concept de banovina était un effort visant

  5   à assurer une domination serbe dans pratiquement toutes les régions en

  6   dehors de la Slovénie, au nord-est, mais si nous regardons la carte et que

  7   nous cherchons à déterminer les intentions des dirigeants de l'époque, leur

  8   intention était de supprimer le critère d'appartenance ethnique ou de

  9   nationalité pour déterminer les frontières administratives du pays.

 10   Q.  Très bien. Avançons pas à pas, si vous le voulez bien. Parlons

 11   maintenant de la banovina de 1939. Pouvez-vous nous dire, en explicitant un

 12   peu votre rapport, quelles étaient les circonstances historiques qui ont

 13   conduit à la création de la banovina de 1939 et qui a participé à cette

 14   création ?

 15   R.  Bien, dans la Yougoslavie monarchique, les dirigeants politiques

 16   croates n'ont cessé d'exprimer un certain mécontentement par rapport aux

 17   divisions administratives créées à l'époque, et ce, dès le premier jour. Ce

 18   mécontentement est devenu une crise aiguë à la fin des années 1930, avec

 19   une influence croissante de l'Allemagne et de l'Italie et la possibilité

 20   d'une action militaire contre la Yougoslavie de la part de ces deux

 21   puissances. Donc, les dirigeants de roi ont autorisé le premier ministre M.

 22   Cvetkovic à rechercher un accord avec les dirigeants croates au sujet de

 23   l'avenir constitutionnel de la monarchie yougoslave. Toutes sortes de

 24   pourparlers ont eu lieu entre le premier ministre M. Cvetkovic et Zlatko

 25   Macek, qui dirigeait un parti politique croate, pourparlers qui ont abouti

 26   à un accord d'où est née la banovina.

 27   Q.  Très bien. Avant d'aller plus loin, pour que le compte rendu d'audience

 28   soit très clair, je vous pose la question suivante : ce premier ministre


Page 1761

  1   Cvetkovic, quel gouvernement ou quelle nationalité représentait-il ?

  2   R.  C'était un Serbe qui représentait le gouvernement du roi, mais il est

  3   tout à fait clair que durant les pourparlers, il représentait la composante

  4   serbe de la Yougoslavie.

  5   Q.  Pouvez-vous en dire un peu plus au sujet de cet homme dont vous avez

  6   donné le nom, Macek ? C'était un dirigeant croate, mais quelle était sa

  7   situation personnelle particulière ?

  8   R.  Oui. Pendant de nombreuses années, au fil des années, il est devenu le

  9   dirigeant incontesté de l'"establishment" politique croate.

 10   Q.  Comment se fait-il que ce gouvernement -- dans quelles conditions ce

 11   gouvernement a-t-il été créé et s'est-il installé ? Y a-t-il eu une

 12   déclaration instituant la banovina ?

 13   R.  Bien, cet accord a résulté de pourparlers à huis clos, après quoi une

 14   annonce a été faite de façon très solennelle en août 1939, ce qui a

 15   impliqué immédiatement la modification des frontières des banovinas et la

 16   mise en place, l'application de ces transformations administratives.

 17   Q.  Nous en parlerons peut-être plus en détail aujourd'hui ou, un peu plus

 18   tard, mais en tout cas lorsqu'on fait référence à l'accord Cvetkovic-Macek,

 19   il s'agit de l'accord qui peut être plus aisément dénommé plan de banovina;

 20   ou est-il important de continuer à l'appeler accord ?

 21   R.  En fait, il est plus simple de le qualifier de "plan créant les

 22   banovinas."

 23   Q.  Très bien. Pouvez-vous dire aux Juges, je vous prie, quel est le rôle

 24   joué par les Musulmans dans cet accord à l'époque, si tant est qu'ils ont

 25   eu leur mot à dire ?

 26   R.  Le dirigeant incontesté de l'organisation musulmane, Mehmed Spaho,

 27   était fermement opposé à cet accord et a fréquemment exprimé son opposition

 28   à cet accord. Il est mort quelques semaines avant la conclusion de


Page 1762

  1   l'accord. Donc, finalement, les Musulmans de Bosnie n'ont guère participé

  2   de façon affirmative à ces pourparlers en vue de la conclusion de l'accord.

  3   Peu de temps après la conclusion de cet accord, diverses organisations

  4   musulmanes de Yougoslavie, en particulier le parti politique de Musulmans

  5   de Bosnie a exprimé son opposition à cet accord.

  6   M. SCOTT : [interprétation] Puis-je demander l'aide de l'Huissière pour que

  7   la carte numéro 4 soit placée sur le rétroprojecteur à côté de M. Donia.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais faire une

  9   observation, si vous me le permettez.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne peux m'empêcher de remarquer que M.

 12   Donia est en train de lire son rapport dans la plupart des cas. Je

 13   préfèrerais, pour ma part, qu'il nous parle de son rapport de mémoire. S'il

 14   a besoin de se rafraîchir la mémoire, d'accord, mais nous avons ici un

 15   Procureur qui lit et un témoin qui lit. Je ne pense que cela soit bon.

 16   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas d'accord.

 17   Quel est le but de cette objection ? Le témoin est un témoin expert qui a

 18   préparé un rapport au préalable, ce n'est pas un témoin qui vient ici pour

 19   revenir sur les événements du début à la fin de mémoire. Il a été invité à

 20   rédiger un rapport. Il a donc travaillé pour recueillir des renseignements,

 21   et il semble tout à fait normal qu'il utilise son rapport écrit pour

 22   s'exprimer.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Donia, quand une question vous est posée

 24   par le Procureur, vous répondez à la question du Procureur en nous

 25   regardant et vous répondez de mémoire, si jamais votre mémoire est

 26   défaillante, à ce moment-là, vous pouvez vous rafraîchir la mémoire en

 27   regardant le rapport. Mais l'essentiel, c'est de répondre oralement à une

 28   question orale. Donc, si dans la mesure où il y a un petit détail qui vous


Page 1763

  1   échappe, à ce moment-là, plongez les yeux dans votre rapport, mais le mieux

  2   c'est, cela doit se passer oralement, bien, pour éviter d'arriver une

  3   situation où le Procureur lit et le témoin lit. Bon, évidemment, on

  4   gagnerait du temps, mais respectons quand même la forme.

  5   Allez, continuer, Monsieur Scott.

  6   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   Q.  Je vous invite à regarder ce qui est affiché sur le rétroprojecteur et

  8   de nous dire ce que représente cette carte géographique.

  9   R.  En vert, nous voyons ici la banovina croate, telle que définie en 1939.

 10   Q.  Il peut être utile à la Chambre de savoir quelle est la source de cette

 11   carte. Où l'avez-vous obtenue ?

 12   R.  C'est une série de cartes éditées par Ljubo Boban, auteur également

 13   d'un ouvrage qui fait autorité et qui porte sur l'accord conclut entre

 14   Cvetkovic et Macek.

 15   Q.  Donc, ce n'est pas une carte qui a été établie par le bureau du

 16   Procureur, mais par quelqu'un d'autre. L'auteur de cette carte est-il

 17   Croate ?

 18   R.  Oui, absolument. Cette carte est éditée à Zagreb.

 19   Q.  Avant que la carte n'apparaisse sur le rétroprojecteur --

 20   M. SCOTT : [interprétation] Je consulte la suite du texte, Monsieur le

 21   Président, pour essayer de voir comment je peux au mieux utiliser le

 22   service de l'Huissière de façon à ne pas perdre de temps.

 23   Q.  Monsieur, vous avez évoqué donc la position assez ferme des Musulmans

 24   au plan des banovinas, mais les Serbes ou les Croates se sont-ils également

 25   opposés à ce plan et, si oui, pourquoi ?

 26   R.  Les parties politiques dans leur diversité ont adopté des positions

 27   diverses également à l'annonce de l'adoption de ce plan, la plupart de ces

 28   protestations ont pris plusieurs semaines; sinon, plusieurs mois à se


Page 1764

  1   développer après la conclusion de l'accord, mais de façon générale, nombre

  2   de Croates en sont arrivés à penser que ce plan laissait pas mal de Croates

  3   hors de la banovina. Quant aux dirigeants serbes, ils se sont plaints du

  4   fait qu'il y avait trop de Serbes à l'intérieur du territoire relevant de

  5   la banovina.

  6   Q.  Page 8 et 9 de votre rapport, vous affirmez que la banovina a continué

  7   à être un critère significatif pour un certain nombre de mouvements ou de

  8   courants de pensée. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre comment

  9   cela est possible et comment cela peut concorder avec l'affirmation que

 10   vous faites au bas de la page 8 de votre rapport ?

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, encore une fois, je

 12   ne voudrais pas être polémique, mais vraiment j'ai l'impression que le

 13   Procureur n'a pas réussi à pénétrer par la porte et essaie de pénétrer par

 14   la fenêtre. Il vient de poser une question qui véritablement est trop peu

 15   définie. Il n'a pas besoin de lire le rapport du témoin, il peut poser des

 16   questions claires et nettes au témoin. Le témoin après tout est historien,

 17   il est capable de répondre.

 18   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vois pas à quoi

 19   pourrait servir un rapport si le témoin ne peut pas l'utiliser. Dans ce

 20   cas-là, on aurait pu demander au professeur Donia de venir ici et de parler

 21   en l'absence de rapport.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Le témoin peut répondre aux questions très

 23   simplement sans se référer à son rapport, sans avoir à jeter les yeux sur

 24   son rapport. Je suis absolument convaincu que le professeur Donia est tout

 25   à fait capable de répondre aux questions qui lui sont posées.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Scott. Vous voulez que le témoin

 27   aborde la question des critères, donc sans mentionner expressément la page

 28   8 ou 9 du rapport, vous pourriez lui poser la question en disant : est-ce


Page 1765

  1   qu'il peut y avoir des critères ? A ce moment-là, le témoin en vaille.

  2   M. SCOTT : [interprétation]

  3   Q.  Professeur Donia, vous avez parlé du fait que les Croates ont idéalisé

  4   cet accord et se sont appuyés sur la notion de banovina pour poursuivre des

  5   objectifs particuliers après 1939. Pouvez-vous expliquer cela aux Juges, je

  6   vous prie ?

  7   R.  Oui, j'ai parlé du fait que certains Croates, notamment, au moment du

  8   mouvement nationaliste de la fin des années 80 et 90 -- ou plutôt fin 80,

  9   début 90, moment où un certain nombre d'intellectuels nationalistes croates

 10   et de responsables politiques qui avaient ce genre d'inspiration à l'époque

 11   ont regardé vers le passé et se sont efforcés d'obtenir les meilleurs

 12   objectifs possible pour les Croates du point de vue de la création d'un

 13   état en pensant à une création étatique qui leur semblait bien préférable à

 14   celle qui existait dans le cadre de l'ex-Yougoslavie. A ce moment-là, il

 15   est permis de parler comme participants à mouvement de l'ancien président

 16   de Croatie,

 17   M. Tudjman, et d'un certain nombre d'historiens et de responsables

 18   politiques qui ont adopté ce genre de position allant dans le sens de

 19   l'idéalisation et de la réactualisation d'un objectif général ayant existé

 20   par le passé.

 21   Q.  Vous parlez également dans votre rapport du fait que la banovina  de

 22   1939 est évoquée dans la constitution croate, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, elle l'était dans la constitution promulguée en 1980.

 24   Q.  Très bien. Vous avez anticipé sur ma question suivante. Pourriez-vous

 25   dire aux Juges de la Chambre quels sont les termes exacts utilisés dans

 26   cette constitution ?

 27   R.  Je crois que cette constitution a été adoptée en juin 1980 [comme

 28   interprété], si je ne m'abuse, en tout cas, après les élections de la fin


Page 1766

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6   

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 1767

  1   du printemps, début de l'été 1980 [comme interprété].

  2   Q.  S'agissant du président Tudjman en particulier, vous avez évoqué son

  3   nom, mais êtes-vous le seul à penser qu'il a participé à cela, ou y a-t-il

  4   d'autres historiens -- et ou y a-t-il d'autres responsables qui ont fait la

  5   même observation ? Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre si d'autres

  6   historiens ou représentants politiques ont participé à ce mouvement des

  7   Balkans dans les années 1990 avec -- dans des conditions similaires à

  8   celles dans lesquelles y a participé M. Tudjman ?

  9   R.  Bien, dans son livre intitulé : "L'odyssée des Balkans," Lord David

 10   Owen fait des observations particulières, il dit qu'il a entendu le

 11   président Tudjman s'exprimé dans ce sens lors d'une réunion, dans le sens

 12   de cette idéalisation.

 13   Q.  A votre connaissance, est-ce que Mate Boban n'a jamais parlé de la

 14   banovina comme quelque chose qui aurait eu un lien avec ce qui s'est passé

 15   en Herceg-Bosna ?

 16   R.  Oui. Il l'a cité comme modèle, ou en tout cas comme précédent pour

 17   justifier la création de la communauté croate d'Herceg-Bosna en novembre

 18   1991.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je vais passer à un

 20   autre chapitre. Je pense que nous avons bien avancé ce matin. Si les Juges

 21   ont des questions, je suis prêt à m'interrompre maintenant.

 22   Q.  Passons à la suite de votre rapport, Monsieur le Professeur, page 10.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, poursuivez.

 24   M. SCOTT : [interprétation]

 25   Q.  Au début de votre rapport, vous parlez du passé du président Tudjman

 26   assez rapidement. Pouvez-vous nous dire plus en détail quelles sont les

 27   actions qui ont abouti à son emprisonnement dans l'ex-Yougoslavie à

 28   plusieurs reprises ?


Page 1768

  1   R.  Bien, il était un critique très ferme de ce que j'appellerais le

  2   système socialiste de façon générale du point de vue de la bureaucratie, de

  3   l'autoritarisme, de ce système, et dans les derniers temps, il critiquait

  4   le fait que la Yougoslavie niait ce qui était dû aux Croates sur le plan

  5   politique. Donc, c'était un dissident, un véritable, même s'il avait été

  6   partisan et qu'il jouissait d'une grande considération pour son action dans

  7   le cadre du socialisme yougoslave par le passé. Il a été emprisonné à deux

  8   reprises.

  9   Q.  Vous dites également qu'en 1989, il y créait l'Union démocratique

 10   croate. Pouvez-vous dire aux Juges avec un peu plus de détails, quelles

 11   sont les personnalités qui ont participé à la création de ce parti

 12   politique aux côtés du président Tudjman ?

 13   R.  Je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire par "high profile

 14   individuals", "individus de profile élevé", que l'interprète a traduit par

 15   "personnalité". Mais, en tout cas, la plupart des dirigeants politiques ont

 16   participé à cela peu ou prou.

 17   Q.  Bien, je supprime les mots que j'ai utilisés tout à l'heure. Mais, en

 18   tout cas, pouvez-vous nous parler des personnes qui en dehors de Franjo

 19   Tudjman ont participé à la création de ce parti en 1989 ?

 20   R.  Je ne peux pas vous donner toute une liste de noms dans l'immédiat.

 21   Q.  Très bien. Dans ce chapitre, vous parlez des positions adoptées par le

 22   président Tudjman à l'égard de la Bosnie. Pouvez-vous les résumer pour les

 23   Juges de la Chambre, je vous prie ?

 24   R.  Il considérait que la Bosnie-Herzégovine était une intrusion

 25   territoriale sur le territoire croate, ce qui empêchait d'après lui la

 26   Croatie d'être viable en tant que territoire géographique et économique, et

 27   il estimait que les Musulmans de Bosnie, en tout cas, la vaste majorité des

 28   Musulmans de Bosnie étaient d'appartenance ethnique croate du point de vue


Page 1769

  1   de leur tradition et de leur langue. Donc, il affirmait que la plus grande

  2   partie de la Bosnie-Herzégovine faisait en fait partie de la Croatie et que

  3   la population qui l'habitait appartenait au même groupe ethnique que le

  4   sien à savoir les Croates.

  5   Q.  Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre si vous disposez d'information

  6   historique ou de renseignements au sujet du recensement qui irait à

  7   l'encontre des positions du président Tudjman consistant à penser que les

  8   Musulmans s'identifiaient en tant que Croates ?

  9   R.  J'ai déjà fourni un certain nombre d'indications, j'ai dit que des

 10   Musulmans de Bosnie cherchaient à se déterminer autrement que comme

 11   appartenant aux deux autres groupes ethniques et qu'il y a très peu de

 12   preuves qui indiquent que les Musulmans de Bosnie se considéraient comme

 13   Croates ou se prononçaient comme étant Croates. En fait au cours d'un

 14   recensement, je crois que c'était celui de 1971, à moins que ce ne soit

 15   celui de 1961, l'option musulman existait dans les réponses disponibles aux

 16   côtés des options d'appartenance ethnique nationale, et je crois me

 17   rappeler que 74 000 sur les trois millions de Musulmans de Bosnie, que sur

 18   ces 74 000,

 19   26 000 ont déclaré être Croates et de confession musulmane.

 20   Q.  Continuons à parler des positions du président Tudjman à l'égard de la

 21   Bosnie-Herzégovine. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre s'il

 22   considérait que l'existence de la Bosnie-Herzégovine si elle se poursuivait

 23   et allait à l'encontre de la Croatie ?

 24   R.  Il a dit tout à fait précisément que sur le plan économique c'était un

 25   élément qui nuisait à l'évolution et au développement de l'Etat croate.

 26   Q.  Je vous ai posé un certain nombre de questions il y a quelques minutes

 27   et je vous demande maintenant de les compléter quelque peu. Le président

 28   Tudjman a-t-il exprimé une position, sa position, à d'autres dirigeants


Page 1770

  1   politiques ou à d'autres historiens qui peuvent confirmer que ces positions

  2   étaient bien les siennes ?

  3   R.  Tudjman était très cohérent dans l'expression de ses positions. Il les

  4   a fait valoir d'abord dans un livre publié dans les années 1970 et qui a

  5   été traduit en anglais en 1981, où il traite du nationalisme contemporain

  6   en Europe. C'est le premier ouvrage sur lequel je me suis appuyé pour la

  7   rédaction de mon rapport. Dans une page de ce livre, je ne me souviens pas

  8   exactement laquelle, il exprime cette position et il a repris pratiquement

  9   les mêmes termes que ceux qu'il utilise dans ce livre lors d'une réunion

 10   des dirigeants croates de Bosnie dans son bureau en décembre 1991. Puis,

 11   lorsqu'il a parlé à Warren Zimmermann, l'ambassadeur des Etats-Unis en

 12   Yougoslavie à l'époque, il a utilisé encore une fois exactement les mêmes

 13   termes que ceux qu'il utilisait dans son livre.

 14   Q.  L'heure de la pause arrive, mais avant la pause, j'aimerais encore vous

 15   poser cette question. L'ambassadeur Zimmermann a relaté sa rencontre avec

 16   le président Franjo Tudjman; comment est-ce que ce récit correspond avec ce

 17   que vous savez sur le plan historique et littéraire de l'expression des

 18   positions du président Tudjman ?

 19   R.  Bien, il y a la plus grande cohérence, pas mal de source littéraire

 20   l'ont d'ailleurs évoquée Tudjman, qui semble réellement avoir cru au

 21   nationalisme. Ce qui était assez prévisible, compte tenu qu'il a été

 22   emprisonné à deux reprises pour cette raison, à l'époque, socialiste,

 23   contrairement à Milosevic, dont les vues étaient largement plus

 24   pragmatiques et réalistes que nationalistes ou idéologiques.

 25   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je regarde la montre,

 26   l'horloge, je pense que l'heure de la pause est arrivée.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, Monsieur Scott, il est 10 heures 30. Nous

 28   allons nous arrêter pendant 20 minutes.


Page 1771

  1   --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

  2   --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, nous reprenons l'audience.

  4   Monsieur Scott, poursuivez.

  5   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Q.  Monsieur le Professeur Donia, ce sont les interprètes qui nous en font

  7   part. Nous avons un problème qui se pose parfois, au tribunal lorsque nous

  8   posons des questions sur l'interrogatoire, nous parlons la même langue.

  9   Cela fait un tout petit peu comme une balle de ping-pong. Donc, pour

 10   permettre aux interprètes de faire leur travail, je vous demande de bien

 11   vouloir une pause entre les questions et réponses.

 12   Donc, je vous demande de bien vouloir vous y conformer. Nous allons faire

 13   cela tous les deux.

 14   R.  Oui. Très bien.

 15   Q.  Monsieur le Professeur Donia, pour ce qui est de votre rapport, je

 16   souhaite permettre à la Chambre de pouvoir poser d'autres questions. Au

 17   chapitre suivant de votre rapport sur lequel je souhaite me pencher se

 18   trouve à la page 12, vous parlez de la dissolution des institutions

 19   centrales de la Yougoslavie et, selon ma proche approche de ce rapport, et

 20   de me dire si j'ai raison, je n'ai pas de questions sur ce chapitre-là, à

 21   moins que les Juges ne souhaitent des questions sur ce passage en

 22   particulier; sinon, je vais poursuivre.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Simplement pour que les choses soient bien

 24   claires, nous avons l'intention de poser des questions sur l'introduction

 25   de ce rapport. Je souhaite que M. Scott soit, tout à fait, au courant de

 26   notre position, étant donné que tout ceci n'a pas encore été versé au

 27   dossier. C'est la raison pour laquelle je soulève des objections donc, qui

 28   sont courtes. Il fait ceci à ces risques et périls car ce rapport n'a pas


Page 1772

  1   été encore versé.

  2   Je souhaite convaincre les Juges de la Chambre de la sagesse de la position

  3   de l'Accusation sur ce point. Vous avez le rapport. Il est en votre

  4   possession. Il a été déposé il y a quelques temps. Les Juges de la Chambre

  5   l'ont. Tout à chacun peut le lire. Je ne vais pas parler de chaque phrase,

  6   de chaque chapitre, mais j'ai décidé de ne pas parler de chaque élément et

  7   je dois simplement dire que ceci sera consigné au compte rendu.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : En quelques minutes, le témoin, sur la dissolution

  9   des institutions centrales de la Yougoslavie, peut synthétiser les détails

 10   de son rapport. Donc, en quelques minutes, que pouvez-vous dire sur la

 11   dissolution des institutions centrales de la Yougoslavie ? Je vois que vous

 12   consulter le rapport de mémoire, vous pouvez le dire. Cela fait à huit

 13   reprises que vous témoignez là-dessus.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Honnêtement, je n'ai pas appris par cœur le

 15   rapport, mais la dissolution des institutions centrales de la Yougoslavie a

 16   eu lieu par étape. Il y a eu une institution l'une après l'autre qui a été

 17   dissoute. La première étape de ce processus était l'affaiblissement relatif

 18   de la fédération, à commence à l'époque des amendements constitutionnels en

 19   1971. Ce qui a été intégré à la nouvelle constitution de 1974 et la

 20   situation est devenue encore, plus tendue, à la mort de Tito, en 1980. Dans

 21   la deuxième phase, c'était celle de la montée au pouvoir de Milosevic et

 22   des efforts qu'il a déployés pour essayer d'obtenir une majorité de

 23   personnes qui l'auraient soutenu dans l'idée de la présidence yougoslave.

 24   Il y a eu toute une série de manifestations plus connues sous le nom de la

 25   manifestation du peuple, la révolution anti-bureaucratique en 1988 et 1989.

 26   Donc, à la fin de cette période-là, Milosevic et ses alliés tenaient quatre

 27   des huit sièges au sein de la présidence fédérale. En réalité, elle pouvait

 28   s'il le souhaitait s'opposer à l'application des changements ou de réformes


Page 1773

  1   de la part d'un autre groupe au sein de la présidence. La transformation de

  2   l'armée nationale yougoslave est le troisième volet de ce processus.

  3   J'entends par là, transformation de l'armée. L'armée étant une force

  4   pluriethnique appliquant les principes de la Yougoslavie socialiste

  5   transformée en une institution monoethnique afin de promouvoir les intérêts

  6   du peuple serbe tels édictés par ces commandants. De surcroît, la Ligue des

  7   Communistes étaient quelque chose sur lequel s'étaient toujours opposés

  8   Tito et les dirigeants socialistes. Ceci permettait de réconcilier ces

  9   différences au sein de la Yougoslavie socialiste. Ceci est devenu plus

 10   visible en janvier 1990 lorsque l'accord, les efforts pour essayer

 11   d'arriver à un accord lors de la 14e session du parti en janvier 1990 a

 12   échoué. Après cela, cette armée était la seule institution qui permettait

 13   de tenir ensemble ces différents partis de ces différentes républiques.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 15   M. SCOTT : [interprétation]

 16   Q.  Dans cette partie de votre rapport, vous expliquez -- pourriez-vous

 17   nous dire comment la présidence de la République socialiste de Yougoslavie

 18   fonctionnait; il y avait un système de présidence tournant au sein de la

 19   présidence ?

 20   R.  Lorsque les dispositions ont été prises et que la mort de Tito était

 21   inéluctable, il fallait assurer la succession. A ce moment-là, la

 22   présidence était composée de neuf membres. Il y avait un système de

 23   roulement, le président de la présidence était une présidence tournante, et

 24   chaque république et chaque région autonome accédait à ce poste. Donc, on

 25   avait dressé un calendrier. Je crois qu'il y avait deux présidences

 26   tournantes qui étaient prévues à l'avance. Donc, le 15 mai d'une certaine

 27   année, le représentant, par exemple, de la Croatie ou de la Slovénie,

 28   devenait à ce moment-là le président de la présidence. La présidence, de


Page 1774

  1   façon générale, cautionnait ce système de roulement et on procédait à un

  2   vote symbolique. Mais le 15 mai 1991, en revanche, Stipe Mesic, le

  3   représentant croate de la présidence qui représentait la République de

  4   Croatie était censé occupé cette fonction. Milosevic et ses alliés ont soit

  5   voté non ou soit se sont abstenus quant à la nomination à ce poste de

  6   Mesic, ce qui fait que la présidence était sans dirigeant. Mesic a été

  7   confirmé à ce poste après l'intervention internationale et les accords de

  8   Brioni en juillet 1991. Il est resté à ce poste pendant quelques mois, mais

  9   a été marginalisé à la fois par les dirigeants de l'armée et les dirigeants

 10   civils, Milosevic et ses alliés en Yougoslavie.

 11   Q.  Vous avez dit quelques mots sur la manière dont il a été marginalisé.

 12   Comment ceci s'est-il manifesté ?

 13   R.  Bien, il n'a pas été tenu au courant de ce qui se passait au sein de

 14   l'armée et c'était le commandant d'une unité ou d'une armée qui combattait

 15   son propre peuple et sa propre république. Donc bien évidemment, on ne

 16   tenait pas compte de ses ordres. En réalité, il ne souhait plus cette

 17   fonction et agir en cette qualité-là, et il a donné sa démission en

 18   décembre 1991.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je passe au chapitre

 20   suivant, maintenant. Je ne sais pas si vous avez des questions

 21   supplémentaires à poser sur ce que je viens d'évoquer. Sinon, je vais

 22   poursuivre.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez.

 24   M. SCOTT : [interprétation]

 25   Q.  La partie suivante de votre rapport, Monsieur, parle de la formation

 26   des partis politiques en Bosnie-Herzégovine en 1990. Pourriez-vous nous

 27   donner une courte introduction à ceci ? Quelle était la situation avant

 28   cette période ? Comment se présentait la formation des partis politiques en


Page 1775

  1   ex-Yougoslavie ? Comment ceci a-t-il changé vers les années 1990, surtout

  2   en Bosnie-Herzégovine ?

  3   R.  A partir des premiers jours de la Yougoslavie socialiste vers les

  4   années 1940, il n'y avait qu'un seul parti au pouvoir. En 1940, c'était le

  5   Parti communiste de Yougoslavie qui a été rebaptisé la Ligue communiste en

  6   1993, et il y avait un projet socialiste qui était à l'origine de cette

  7   organisation en masse, en 1990, connu sous le nom de l'Alliance socialiste.

  8   En 1990, le communisme s'est effondré dans l'ensemble de l'Europe et le

  9   peuple voulait qu'un organe législatif pour chaque république soit

 10   représenté, donc c'étaient les élections multipartites qui ont eu lieu en

 11   1990. La législation variait d'une république à l'autre. Il n'a jamais été

 12   possible de tenir une seule et même élection pour élire le chef du pays.

 13   Donc, ce processus de fragmentation a commencé à évoluer et il y avait des

 14   républiques distinctes.

 15   La législation en Bosnie était difficile. Il était très difficile de

 16   parvenir à un accord, et la législation a été votée à deux reprises. La

 17   première fois, en février 1990, l'assemblée de Bosnie-Herzégovine a permis

 18   ou autorisé des élections multipartites, mais n'a pas précisé quelle était

 19   la nature des institutions pour lesquelles les gens devaient aller voter,

 20   et de surcroît, a simplement écarté la politique ou la légalité des partis

 21   politiques organisés ou qui s'étaient formés sur des bases nationalistes ou

 22   religieuses.

 23   Deuxièmement, l'autre série de lois, qui ont été votées, à savoir,

 24   des amendements constitutionnels, ont été votées dans la dernière partie du

 25   mois de juillet 1990. Ces textes législatifs permettaient d'encadrer les

 26   institutions et permettaient de préparer les élections qui allaient se

 27   tenir. La présidence collégiale a vu le jour à ce moment-là, c'était très

 28   en vogue. Il y avait deux Croates, deux Serbes, deux Musulmans de Bosnie et


Page 1776

  1   un représentant de la catégorie intitulée autre. De surcroît, ceci a permis

  2   de tenir des élections de l'assemblée de la république composée de 240

  3   délégués et permettait d'élire également des représentants des 109

  4   municipalités des assemblées municipales et de l'assemblée de la ville de

  5   Sarajevo.

  6   Q.  Ecoutez, je vais vous arrêter quelques instants. Vous avez dit que la

  7   manière dont la présidence était organisée à un moment donné signifiait

  8   qu'il y avait deux membres de chacune des communautés représentées, chaque

  9   communauté ethnique importante, et un représentant de cette catégorie

 10   intitulée "autre" que nous allons évoquer aujourd'hui. Est-ce que ceci a

 11   toujours été appliqué, ou est-ce que d'autres concepts ou d'autres façons

 12   d'organiser la présidence existaient avant cela, pour que la représentation

 13   des différents peuples soit menée à bien ?

 14   R.  Comme je vous l'ai indiqué auparavant, il y avait de nombreuses

 15   variantes. Une de ces variantes qui avait été prise en compte consistait à

 16   organiser la présidence de façon proportionnelle; autrement dit, qu'il

 17   fallait tenir compte des derniers chiffres du recensement, à savoir,

 18   l'année 1981, à savoir, trois Musulmans de Bosnie, deux Serbes et un

 19   Croate. Au fil des négociations, c'était quelque chose qui a été rejeté, et

 20   l'accord a porté sur l'idée communément adoptée par tous les participants

 21   dans cette assemblée qu'il fallait avoir un rapport de 2, 2 et 1, de façon

 22   à ce qu'il y ait une parité égale entre les différentes communautés

 23   ethniques.

 24   Q.  Donc, d'après les éléments démographiques que nous avons évoqués ce

 25   matin eu égard aux Croates en Bosnie, ils ne représentaient que 17 % de la

 26   population; autrement dit, ils ont eu le même niveau de représentation au

 27   niveau de la présidence, puisqu'il y avait deux personnes, à l'instar des

 28   Musulmans et des Serbes.


Page 1777

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 1778

  1   R.  C'est exact.

  2   Q.  Nous allons poursuivre un petit peu et reprendre la façon dont ces

  3   partis -- une fois que ces systèmes ont été mis en place, comment les

  4   différents partis politiques ont été créés en Bosnie.

  5   R.  La formation des partis politiques a commencé déjà très tôt avant

  6   l'adoption des textes législatifs qui les sanctionnaient et la mise en

  7   place des institutions pour lesquelles ils seraient en concurrence.

  8   L'organisation des trois partis politiques a eu lieu avant la date du mois

  9   de février, lorsque les textes législatifs ont été adoptés. Dans le cas du

 10   HDZ -- pardonnez-moi, l'Union démocratique croate, déjà vers la fin de

 11   l'année 1989, il y avait beaucoup d'activités sur ce plan-là. On avait

 12   commencé à choisir les chefs du parti, des hommes-clés, et beaucoup de

 13   consultations et beaucoup d'accords pour essayer de nommer également le

 14   chef du Parti démocratique serbe, le SDS. Egalement, le parti musulman le

 15   plus important, le Parti de l'Action démocratique, la même chose

 16   s'appliquait à eux.

 17   Lorsque la législation a été passée au mois de février, certaines des

 18   activités de ces partis politiques étaient devenues illégales. Donc, les

 19   réunions se tenaient dans des cafés, dans des appartements, puisque ces

 20   partis politiques n'avaient pas été enregistrés en tant que tels. Cela

 21   n'est que lorsqu'un tribunal constitutionnel a rendu sa décision en janvier

 22   1990 que ces partis ont été autorisés à être formés de façon légale. A ce

 23   moment-là, ils ont pu tenir des assemblées.

 24   Q.  Donc, très bien. Lorsque vous parlez du principal parti musulman, le

 25   Parti de l'Action démocratique, est-ce également ce parti qui est connu

 26   sous le nom du SDA ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Donc vous avez le HDZ, qui était surtout le parti nationaliste croate,


Page 1779

  1   le SDS, qui était surtout le parti serbe, et le SDA, qui était le principal

  2   parti musulman.

  3   R.  Oui, c'est exact. Il y avait toute une série de partis politiques; je

  4   crois qu'ils étaient au nombre de 40, voire même davantage. Mais ces trois

  5   partis politiques étaient les partis politiques primaires de ces principaux

  6   partis des membres de ces trois groupes qui en étaient les éléments

  7   constitutifs à l'époque.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, un point de

  9   précision. M. Donia a dit que le HDZ était un parti nationaliste croate et

 10   il a insisté là-dessus. Je souhaitais simplement m'assurer que nous ne

 11   sommes pas en train de faire dire quelque chose au témoin, parce qu'il n'a

 12   pas dit la même chose à propos du SDS et il n'a pas dit la même chose à

 13   propos du SDA. Donc, il insiste sur le terme de parti nationaliste croate,

 14   donc je crois qu'il faut faire très attention ici. Il ne faut pas faire

 15   intervenir de commentaires ou faire dire quelque chose au témoin. Merci.

 16   M. SCOTT : [interprétation] J'accepte, mais ceci figure déjà dans son

 17   rapport. Ceci n'est un secret pour personne. Je ne suis pas en train de

 18   parler de quelque chose que le témoin n'a pas évoqué dans son rapport.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Le rapport ne constitue pas un moyen de

 20   preuve, il n'a pas encore été versé au dossier. S'il avait été versé au

 21   dossier, je ne serais pas debout. L'objectif consiste à savoir si ce témoin

 22   peut témoigner là-dessus, parce que le rapport n'a pas encore été admis

 23   encore. Telle est ma position. S'il y a une autre possibilité ou si

 24   l'Accusation adopte une autre position, très bien. Mais s'il fait une telle

 25   déposition viva voce, écoutez, c'est bien, même il répond bien lorsqu'il ne

 26   fait pas référence à son rapport directement.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, à plusieurs reprises, j'avais dit

 28   que ces objections ne sont que la conséquence d'un problème de forme. Si


Page 1780

  1   vous aviez demandé au témoin de lister les partis qui ont gagné les

  2   élections, il aurait à ce moment-là dit les noms des trois partis. Ensuite,

  3   vous lui auriez demandé : peut-il définir ces partis. A ce moment-là, si le

  4   témoin dit que le HDZ est un parti nationaliste, c'est le problème du

  5   témoin, ce n'est pas le vôtre. C'est surtout la forme des questions qui

  6   doit appeler de la part du témoin des réponses complètes, mais sans induire

  7   au témoin la réponse. Si le témoin dit que le HDZ est un parti

  8   nationaliste, c'est le témoin qui le dit, ce n'est pas l'Accusation.

  9   Bon, alors je vais compléter la question.

 10   Vous avez entendu l'objection formée par la Défense.

 11   Monsieur Donia, concernant le HDZ, que pouvez-vous dire ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Le HDZ était un Parti nationaliste croate.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, continuez. Vous vouliez rajouter quelque

 14   chose ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Tout d'abord, j'aimerais dire que

 18   lorsqu'on utilise le terme de "nationaliste" en anglais et que c'est

 19   traduit en B/C/S, cela fait "nacionalictika" [phon]. Je crois que le sens

 20   est beaucoup plus fort en B/C/S qu'en anglais. J'utilise le terme de

 21   nationaliste en anglais, mais j'espère que la traduction en B/C/S sera

 22   "nationale" et non pas "nationaliste".

 23   Il y a trois groupes, ces trois groupes avaient un parti nationaliste. Les

 24   Serbes avaient le Parti de l'Action démocratique, les Musulmans avaient le

 25   Parti démocratique serbe, les Serbes avaient le Parti de l'Action

 26   démocratique, ou le SDA pour les Musulmans de Bosnie, et pour les Croates,

 27   c'était la Communauté démocratique.

 28   La manière dont ils tenaient compte de leur électorat, la manière dont ils


Page 1781

  1   étaient organisés, c'étaient des partis tout à fait parallèles, et ils

  2   obtenaient la majorité des voies au niveau de leur électorat. Ils n'ont pas

  3   recherché les votes des autres partis.

  4   M. SCOTT : [interprétation]

  5   Q.  Pourriez-vous fournir des éléments d'information aux Juges sur ceci ?

  6   Après la formation des partis politiques -- non, oubliez cela, nous y

  7   viendrons vers la fin.

  8   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

  9   questions à poser sur ce chapitre du rapport. A moins que les Juges de la

 10   Chambre souhaitent poser des questions, je vais passer à autre chose.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, passez à autre chose.

 12   M. SCOTT : [interprétation]

 13   Q.  Le chapitre suivant de votre rapport porte sur l'Union démocratique

 14   croate, le HDZ de Croatie. Encore une fois, pourriez-vous nous résumer la

 15   formation de ce parti politique ? Comment ou quand ce parti politique a été

 16   créé et qui a pris part à la formation de ce parti ? Qui étaient les

 17   principaux acteurs de ce parti politique ?

 18   R.  L'Union démocratique croate ou le HDZ a été créé en Croatie au cours de

 19   l'année 1989. Ce parti était classé sous le commandement de Franjo Tudjman,

 20   ancien général et dissident. C'était son allocution lors de la séance

 21   inaugurale au congrès qui a constitué la plateforme politique de son parti.

 22   Il a été très clair. Il a affirmé la souveraineté de la République de

 23   Croatie et il a également affirmé l'indépendance de la République de la

 24   Croatie lors de cette assemblée constituante. C'était peut-être cette

 25   partie-là de son programme politique qui a été le plus important; il a

 26   parlé de la souveraineté de la République de Croatie au minimum et du rôle

 27   que devait jouer la Croatie au sein de la Fédération yougoslave et devait,

 28   par conséquent, traiter de la question croate dans ce sens-là.


Page 1782

  1   Q.  Vous souvenez-vous de cette assemblée constituante du HDZ ? Vous

  2   souvenez-vous à quel moment ceci a eu lieu ?

  3   R.  Non, je ne m'en souviens pas. Je l'ai cité dans un article, j'ai dit

  4   que l'assemblée constituante a dû avoir lieu en 1989.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Ecoutez, je ne m'oppose pas à ce que ce

  6   monsieur consulte son rapport pour se rafraîchir la mémoire, mais je

  7   préfère qu'il en demande la permission avant.

  8   M. SCOTT : [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Donia, avez-vous la nécessité de regarder

 10   le rapport pour trouver la date ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien alors, faites-le. Regardez les deux premières

 13   lignes.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] La question portait, sur une assemblée

 15   constituante et à quel moment elle s'est tenue ? Je ne pense pas que ce

 16   soit en février, je pense que c'était un peu plus tard, peut-être juin,

 17   juillet 1989. Je ne sais pas d'ailleurs si j'ai cité la date.

 18   M. SCOTT : [interprétation]

 19   Q.  Très bien. Mais savez-vous --

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Puis-je --

 21   M. SCOTT : [interprétation] Oui. Bien entendu.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous me permettez d'insister,

 23   vous avez, à page 16, dans la deuxième ligne, dit que c'était en février

 24   1989, alors maintenant vous nous dites que c'est plus tard. Par quoi avez-

 25   vous étayé la date que vous avez citée dans votre rapport ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Plusieurs réunions ont été tenues par les

 27   membres du parti qui se sont rassemblés, qui ont fait part de leur

 28   intention de créer un parti. Ils ont créé un comité d'initiative et c'était


Page 1783

  1   la première date que j'ai eue, donc, la date pour le mois de février 1989.

  2   Le congrès constituait le parti, c'était le dernier acte qui a permis la

  3   création du parti, et la même chose s'est passée en Bosnie. Pendant

  4   plusieurs mois, il y a eu des activités qui ont précédé l'assemblée

  5   constituante, donc, je fais cette distinction et là c'est une section

  6   importante, d'autres s'appuient vraiment sur les dates de l'assemblée

  7   constituante.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  9   M. SCOTT : [interprétation]  

 10   Q.  Quel a été le rôle joué par Franjo Tudjman au sein de ce parti, à

 11   partir du moment où le parti a été créé en 1989 jusqu'au décès du président

 12   Tudjman, fin 1999 ?

 13   R.  Il a été chef de file, le numéro un de ce parti, jamais contesté depuis

 14   le premier jour jusqu'au dernier jour. Il a d'ailleurs été, à l'origine,

 15   beaucoup de changements de personnel de cadres au sein du HDZ tout au long

 16   de cette décennie.

 17   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je n'aurai plus de

 18   questions portant sur ce chapitre-là, à moins que la Chambre souhaite en

 19   poser d'autres.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Passez à la suite.

 21   M. SCOTT : [interprétation]

 22   Q.  Dans le chapitre suivant, Docteur Donia, vous parlez du Parti

 23   démocratique serbe de Bosnie-Herzégovine, du SDS, encore une fois je

 24   n'avais pas l'attention de m'intéresser à ce chapitre-là, mais, à la

 25   lumière de la manière dont la situation évolue, je vais vous inviter à nous

 26   faire un résumé de ce que vous avez dit dans ce rapport -- dans ce

 27   chapitre-là ?

 28   R.  Le Parti démocratique serbe, quant à lui s'est organisé sous


Page 1784

  1   l'influence des dirigeants serbes de Belgrade, en particulier, de Dobrica

  2   Cosic et, dans une moindre mesure, je dirais, de Slobodan Milosevic. Les

  3   premières consultations, pour voir qui serait les dirigeants du parti, ont

  4   nommé Nenad Kecmanovic à la tête du parti, qui était l'ex-recteur, je

  5   pense, de l'Université de Sarajevo. Mais, finalement, la conclusion a été

  6   de choisir Radovan Karadzic, de le choisir pour être dirigeants du parti.

  7   Il était psychologue et il travaillait à la clinique universitaire de

  8   Sarajevo.

  9   C'est qui a formulé dans une grande partie le programme du parti, et le

 10   parti, lui-même s'est créé grâce à une série de réunions avant juillet

 11   1990. Mais il y a eu une assemblée constituante en juillet 1990. Le premier

 12   à prendre la parole a été Jovan Razkovic, un autre psychiatre qui était

 13   très proche de Cosic.

 14   Le programme du parti, comme on pouvait s'y attendre de la part d'un parti

 15   nationaliste, a insisté sur les intérêts du peuple serbe, en particulier, a

 16   fait part de son hostilité à un arrangement confédéral ou tout autre

 17   arrangement comparable qui affaiblirait les points de vue du parti fédéral

 18   yougoslave. En fait, c'était tout à fait sur la même ligne que la position

 19   du président Milosevic de Serbie qui avait fait part des idées tout à fait

 20   comparables et il s'agissait d'insister sur le maintien de la Yougoslavie

 21   et de tous les Serbes dans un même Etat.

 22   Q.  Que pouvez-vous nous dire du lien entre le Parti démocratique serbe de

 23   Bosnie-Herzégovine et des Régions serbes de Belgrade ?

 24   R.  Il s'adonnait que c'est plutôt lentement qu'il y a eu une évolution

 25   dans la relation entre Karadzic et Milosevic. Oui, au moment où les

 26   élections allaient se dérouler ils ont été en contact de manière plus

 27   régulière et ils sont devenus plus proches au fur et à mesure. Les

 28   dirigeants de Belgrade ont joué un rôle actif dans la création du SDS tant


Page 1785

  1   en Croatie qu'en Bosnie-Herzégovine et ils continué, si vous voulez, de

  2   jouer le rôle de tueur des dirigeants de ces partis à partir de leur

  3   création tout au long de cette période au moins jusqu'à la fin de la

  4   guerre.

  5   Q.  Alors, pour clarifier ce qu'on lit dans le compte rendu d'audience,

  6   vous dites qu'il y a eu une évolution tout au long des relations entre

  7   Karadzic et Mladic. Vous dites "qu'au moment des élections," pouvez-vous

  8   nous dire à quel moment les élections se sont passées ?

  9   R.  En novembre, le 18 novembre 1990.

 10   Q.  Très bien. Alors, pour ce qui est des relations entre le SDS de Bosnie-

 11   Herzégovine, peut-être que vous en avez parlé et, si oui, je vous prie de

 12   me pardonner, mais est-ce qu'il y avait un parti connu sous le nom de SDS

 13   en Croatie ?

 14   R.  Oui. A la tête de ce parti, il y avait un orateur qui était

 15   certainement celui qui avait le plus de charisme, une personnalité très

 16   dynamique. C'était Jovan Razkovic qui est devenu le principal orateur au

 17   rassemblement du SDS de Bosnie-Herzégovine. Donc, c'était une relation de

 18   personnes entre personnes me disant que, finalement, que ce qui se passait

 19   -- enfin, qui évoluait de telle sorte que l'un a commencé à dominer

 20   l'autre, mais il y avait une proximité et concordance entre ces deux

 21   parties du Parti SDS.

 22   Q.  Alors, passons maintenant à la création de l'Union démocratique croate

 23   de Bosnie-Herzégovine; pouvez-vous nous dire comment ce parti a été créé ?

 24   R.  Le HDZ a été créé à Zagreb en 1989. A sa création, il a affirmé qu'il

 25   était le parti qui représentait les Croates où qu'ils se trouvent et les

 26   Croates des Etats-Unis d'Amérique, d'Australie et de différentes localités

 27   vivant en Allemagne et de Bosnie-Herzégovine sont venus à son assemblée

 28   constituante. Au cours de l'année 1989 et au début de l'année 1990, les


Page 1786

  1   dirigeants du HDZ à Zagreb sont entrés en contact avec un médecin de

  2   Sarajevo, Davor Perinovic, qu'ils ont invité à se mettre à la tête de ce

  3   mouvement de création du HDZ de Bosnie-Herzégovine, et c'est Perinovic qui

  4   a été placé à la tête d'un comité d'organisation temporaire. Il a été le

  5   premier président du parti. Il a quitté son poste, ses fonctions très tôt

  6   avant les élections, et c'est Stejpan Kljuic qui est venu à sa place. Il

  7   était un journaliste très en vogue à Sarajevo, et c'est sous sa direction

  8   que le parti a participée aux élections.

  9   Q.  Très bien. Nous avons parlé à plusieurs reprises d'assemblée

 10   constituante dans le contexte des créations des autres partis. Pouvez-vous

 11   nous en parler dans le contexte de la création du HDZ de Bosnie-Herzégovine

 12   à Sarajevo ? A peu près à quel moment est-ce que cela s'est passé ?

 13   R.  C'est en août 1990 que le HDZ de Bosnie-Herzégovine a tenu son

 14   assemblée constituante, et les symboles, blasons, la musique, tout

 15   cherchait à montrer l'analogie entre ce parti-là et le HDZ qui avait été

 16   créé à Zagreb. Cela a été tenu au centre sportif appelé Skenderija comme

 17   dans le cas des deux autres partis de l'assemblée constituante. Tous les

 18   orateurs ont insisté sur la nation croate en tant qu'un atout et ils ont

 19   chanté l'hymne national croate : "Lijepa nasa domovino," et notre belle

 20   patrie, ils arboraient les portraits du président croate, Franjo Tudjman.

 21   Q.  Alors, c'était un parti politique de Bosnie-Herzégovine qui arborait le

 22   drapeau croate, une photographie d'un président étranger et qui jouait

 23   l'hymne national croate ?

 24   R.  Oui. Le parti était conçu comme partie intégrante du HDZ de Zagreb et

 25   c'était un parti nationaliste qui mettait en avant, le fait que le peuple

 26   croate était un tout où que ces gens vivent, y compris en Bosnie-

 27   Herzégovine et c'était une branche, en fait, du parti de Zagreb.

 28   Q.  Alors, pouvez-vous dire à la Chambre ce qu'il en est du programme


Page 1787

  1   politique du HDZ ? Est-ce qu'il explicitait le lien avec le Parti de

  2   Zagreb ?

  3   R.  Oui. Le document constituant le parti dit explicitement que ce parti-

  4   là, fait partie intégrante du HDZ qui avait été créé à Zagreb. Oui.

  5   M. SCOTT : [interprétation] J'aurais besoin d'aide du Greffe. Monsieur le

  6   Greffier, peut-on voir la pièce P 13, s'il vous plaît ?

  7   L'image n'apparaît pas à l'écran. J'attends de la voir apparaître à

  8   l'écran. C'est la page 2 de ce document qui nous intéresse. Peut-on voir la

  9   page 2 ? Je ne sais pas si nous sommes les seuls à le voir à l'écran -- à

 10   ne pas le voir à l'écran.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Je crois qu'il est plus rapide de donner la copie et

 12   la mettre sous l'écran. C'est plus efficace.

 13   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 14   C'est ainsi que nous allons faire.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà. Au bout de deux minutes, cela a paru.

 16   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie de votre patience,

 17   Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 18   Page 2, peut-on la voir, s'il vous plaît, Monsieur le Greffier ? Mme

 19   l'Huissière, peut-elle placer, sur le rétroprojecteur, cette page-là, de la

 20   page 13 ?

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, c'est un peu la faille

 22   système.

 23   M. SCOTT : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur Donia, est-ce que vous pouvez trouver une formulation qui

 25   parle des relations entre le Parti HDZ de Bosnie-Herzégovine et celui de

 26   Zagreb ?

 27   R.  Dans l'article, dans sa dernière phrase, on trouve le résumé de que

 28   j'étais en train de dire. Le HDZ de Bosnie-Herzégovine fait partie


Page 1788

 1  

 2  

 3  

 4   

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28 

Page 1789

 
  1   intégrante ou constitutive de l'Union démocratique croate dont le siège est

  2   à Zagreb.

  3   M. SCOTT : [interprétation] La régie, pourrait-elle, peut-être, faire un

  4   gros plan sur cet article que nous sommes en train de lire, l'article 4 ?

  5   Je pensais qu'il faudra se contenter de ce que nous avons.

  6   La pièce 31, peut-on la présenter au témoin, s'il vous plaît. Je ne sais

  7   pas si notre système électronique fonctionne bien ou non; sinon, je peux

  8   fournir une copie papier. Page 2, encore une fois.

  9   Madame l'Huissière, pouvez-vous, tout d'abord, placer la première page de

 10   la pièce 31 sur le rétroprojecteur, à savoir, le programme politique du HDZ

 11   de Bosnie-Herzégovine ?

 12   Très bien. Nous pouvons le voir.

 13   Q.  Ensuite, nous allons aller à la page 2 de ce document. Je ne sais pas

 14   si vous parvenez à le lire. Encore une fois, est-ce que vous pouvez nous

 15   signaler une formulation -- une phrase sur ces pages où il est question des

 16   relations entre ces partis en Bosnie et en Croatie ?

 17   R.  La première dit : "L'Union démocratique croate de Bosnie-Herzégovine

 18   fait partie intégrante de l'unique HDZ tout comme le peuple croate son

 19   histoire de Bosnie-Herzégovine constitue une partie de la même identité

 20   nationale croate.

 21   Q.  Identité nationale ?

 22   R.  Non, "entité nationale".

 23   Q.  Très bien. Allons de l'avant. Vous avez dit que le premier président du

 24   Parti du HDZ de Bosnie-Herzégovine était M. Perinovic. Pouvez-vous nous

 25   dire qui est advenu de M. Perinovic ? Pouvez-vous à la Chambre ce qui en a

 26   été ?

 27   R.  Il a quitté la tête du parti peu après le moment où la presse a révélé

 28   que son grand-père avait été prêtre orthodoxe serbe et que des membres de


Page 1790

  1   sa famille avaient été enterrés au cimetière orthodoxe serbe de Bileca.

  2   Q.  Vous avez dit que Stejpan Kljuic qui est devenu le chef du parti.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Le parti c'est développé au fil du temps en 1991, est-ce que différents

  5   courants se sont manifestés au sein de ce Parti au sein du HDZ de Bosnie-

  6   Herzégovine ?

  7   R.  Oui. Stejpan Kljuic représentait un groupe de Croates qui parfois se

  8   déclaraient Croates urbains, parfois comme Croate qui appuyait l'avenir des

  9   Croates au sein de la Bosnie-Herzégovine. Puis, en face c'étaient deux

 10   Croates qui, en majeure partie, disaient que les partis ruraux étaient le

 11   plus souvent en Herzégovine occidentale et ils étaient dirigés par Mate

 12   Boban au cours de l'année 1991. Ce courant cherchait à défendre une forme

 13   d'unité territoriale au sein de laquelle les droits Croates pourraient

 14   s'exercer et s'opposer -- et s'y opposer ceux qui pensaient que le mieux

 15   pour les Croates ce seraient de prendre part à la vie de Bosnie-Herzégovine

 16   en tant qu'un tout puisqu'ils étaient très dispersés dans le pays.

 17   Q.  Pouvez-vous nous dire comment ces deux factions ont agi l'une par

 18   rapport à l'autre ? Comment elles ont évolué ? Ce qui s'est passé durant

 19   l'année 1991 et le début de 1992 ?

 20   R.  En novembre 1991 c'est la faction qui appliquait des critères

 21   territoriaux qui a pris la direction en déclarant la création de la

 22   communauté croate d'Herceg-Bosna ainsi que la création d'une petite

 23   communauté croate dans la Posavina. En décembre 1991 ces deux factions se

 24   sont opposées ouvertement lors d'une réunion qui s'est tenu dans le bureau

 25   du président croate Tudjman en présence de nombreux représentants et dont

 26   le procès-verbal est disponible.

 27   Q.  Oui.

 28   R.  Ce procès-verbal indique la préférence très forte de Tudjman pour la


Page 1791

  1   faction impliquant des critères territoriaux. Ce n'est qu'à la fin du mois

  2   de janvier 1992 que cette faction aux visées territoriales a annoncé son

  3   intention de prendre le contrôle du parti, et donc de prendre la direction

  4   de la délégation croate au parlement bosniaque de prendre la direction des

  5   députés HDZ du parlement bosniaque. En déclarant également sa domination

  6   dans la communauté croate de la Pasovina bosniaque. Au début de février,

  7   cette faction aux visées territoriales a exclu Kljuic de la direction du

  8   parti et elle est devenu plus tard la faction dominante au sein du HDZ sur

  9   la moindre contestation possible.

 10   M. SCOTT : [interprétation] S'agissant de cette réunion à Zagreb avec le

 11   président Tudjman je demanderais que la pièce P 00089 soit affichée à

 12   l'écran et notamment la page 21 de la version anglaise. Donc je parle de la

 13   page 21 de la version anglaise qui comporte également le numéro ERN

 14   00837881.

 15   Q.  Professeur Donia, j'aimerais appeler votre attention en particulier sur

 16   le deuxième paragraphe qui commence par les mots "il me semble" et compte

 17   tenu des libellés dont vous avez parlé, il y a quelque instant, en disant

 18   que lors de cette rencontre le président Tudjman s'était exprimé en faveur;

 19   quels sont les mots que vous avez utilisés de la faction Boban ?

 20   R.  Oui. La deuxième phrase se lit comme suit, je cite : "Il me semble, par

 21   conséquent, que puisque nous avons saisi l'occasion de ce moment historique

 22   pour créer une Croatie indépendante reconnue internationalement, et je

 23   pense le moment est venu pour saisir l'occasion de regrouper le peuple

 24   croate à l'intérieur des frontières les plus larges possibles."

 25   Q.  Oui.

 26   R.  Il poursuit dans le même ordre d'idée.

 27   M. SCOTT : [interprétation] Puis-je demander l'aide de l'Huissière pour que

 28   nous nous rendions -- ou du Greffier pour que nous nous rendions en page 56


Page 1792

  1   de la version anglaise numéro ERN 00837916.

  2   Q.  Là, encore nous revenons au sujet dont nous avons déjà discuté un peu

  3   plus tôt ce matin, mais, dans le cadre d'un contexte évolutif désormais, je

  4   vous demanderais de vous concentrer sur la partie inférieure de la page

  5   dont je demande qu'elle soit agrandie à l'écran.

  6   R.  Oui. Dans l'avant-dernier paragraphe il dit que la survie de la Bosnie-

  7   Herzégovine en tant qu'état indépendant et souverain même s'il était

  8   possible qu'elle irait dans tous les cas contre les intérêts du peuple

  9   croate et rendrait impossible la création territoriale normale d'un état

 10   croate en créant les conditions de la disparition de ce qui reste de

 11   quelque chose de croate, mais je ne peux pas lire le reste puisqu'il

 12   n'apparaît pas à l'écran.

 13   M. SCOTT : [interprétation] Peut-on descendre un peu dans la page pour

 14   faire apparaître le reste du texte ? Je pose la question à la régie. Merci.

 15   Q.  Pouvez-vous poursuivre, Professeur Donia ?

 16   R.  Oui. Ce qui reste du peuple croate de Bosnie-Herzégovine aujourd'hui."

 17   M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on remontre un peu

 18   dans la page, s'il vous plaît. Très bien.

 19   Q.  Au vu de certaines des choses dont nous avons discuté aujourd'hui car

 20   je vous rappelle qu'il y a quelques instants je vous ai demandé si les

 21   positions du président Tudjman par rapport à l'existence de la Bosnie-

 22   Herzégovine allaient à l'encontre des intérêts de la Croatie, donc, puis-je

 23   vous demander quels sont les mots particuliers qui figurent sur cette page

 24   qui vont dans ce sens dans la bouche du président Tudjman ?

 25   R.  Oui. Le texte est en train de bouger. Maintenant, cela va bien. Je cite

 26   : "Par conséquent, la Bosnie-Herzégovine ne va pas être considérée comme un

 27   don de Dieu, qu'il doit absolument être préservée et nous ne devons pas

 28   oublier combien elle peut être nocive parce qu'en raison de la création de


Page 1793

  1   la Bosnie-Herzégovine, la Croatie a été placée dans une situation

  2   impossible sur le plan territorial. Sur le plan administratif, sans parler

  3   du domaine de la défense, nous ne pouvons pas créer une Croatie

  4   indépendante en l'état actuel."

  5   Q.  Je vous remercie, Monsieur. Lors de vos recherches d'historien et de

  6   votre travail sur ce domaine, y compris lorsque vous avez écrit les trois

  7   livres que vous avez écrits et les articles que vous avez publiés, vous

  8   est-il arrivé de rencontrer ce que certains appellent la politique du

  9   double langage de Tudjman ?

 10   R.  En fait, le président Tudjman a annoncé à cette réunion qu'il allait

 11   continuer à avancer aussi, bien sûr, la ligne territoriale qui formerait la

 12   base matérielle de la politique du SDZ que sur la base nominale, comme on

 13   l'appelait, qui consistait à soutenir la souveraineté de la Bosnie-

 14   Herzégovine sur le plan formel, mais peu à peu c'est la base territoriale

 15   qui a pris le dessus.

 16   Q.  S'agissant du SDZ en tant que parti de Bosnie-Herzégovine après

 17   l'exclusion de M. Kljuic, pouvez-vous aider les Juges de la Chambre en leur

 18   disant comment les Serbes percevait ce parti -- comment les dirigeants

 19   serbes de Bosnie percevaient ce parti dirigé dès lors par Mate Boban,

 20   notamment, vis-à-vis des pourparlers de paix ou du plan Cutileiro, par

 21   exemple ?

 22   R.  Le dirigeant des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, en est arrivé à

 23   estimer que le HDZ et ses dirigeants étaient un parti frère car le SDS

 24   comme le HDZ en sont arrivés à être favorable à une division de la Bosnie-

 25   Herzégovine. Karadzic l'a dit clairement, lors d'une réunion de l'assemblée

 26   des Serbes de Bosnie, au cours de laquelle il a fait observer que la

 27   nouvelle direction du HDZ, donc, la nouvelle direction après la purge de

 28   Kljuic au début de février 1992, partageait les mêmes vues que les Serbes


Page 1794

  1   de Bosnie quant à la façon dont la Bosnie-Herzégovine devait être organisée

  2   à l'avenir.

  3   M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais avoir l'aide du Greffier pour

  4   afficher à l'écran la pièce P 09538 -- P 09538, page 2 de la version

  5   anglaise, s'il vous plaît. Je demande la page 2 de la version anglaise sur

  6   le rétroprojecteur, s'il vous plaît. Je regrette les difficultés techniques

  7   que nous vivons, mais nous faisons du mieux que nous pouvons.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous nous dire d'où vient ce document ?

  9   M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais j'attendais

 10   d'abord de le voir à l'écran car je ne vois toujours pas l'image du

 11   rétroprojecteur. Bien.

 12   Q.  Professeur Donia, il y a quelques instants, avant que je ne demande

 13   l'affichage de cette pièce, vous avez fait référence à une réunion où M.

 14   Karadzic aurait prononcé les mots que vous avez cités. Quelle était cette

 15   réunion ?

 16   R.  C'était une réunion de l'assemblée du parlement du peuple serbe de

 17   Bosnie-Herzégovine, organe créé par le SDS et les nationalistes serbes de

 18   Bosnie en octobre 1991 qui regroupait les délégués serbes élus au parlement

 19   de Bosnie-Herzégovine à l'issue des élections de 1990. Les procès-verbaux

 20   des sessions de cette instance ont été versés au dossier dans diverses

 21   affaires jugées par ce Tribunal. Mais, en effet, si nous nous penchons et

 22   nous prenons compte à un procès-verbal de la réunion, d'une réunion tenue

 23   en février 1992 au cours de laquelle Radovan Karadzic se dit satisfait de

 24   la situation, satisfait des progrès des négociations menées sous l'égide de

 25   la Communauté européenne.

 26   Q.  J'aimerais appeler votre attention sur un passage qui se trouve dans la

 27   deuxième moitié de la page, moitié inférieure, le paragraphe qui commence

 28   par les mots : "Nous ne savons pas grand-chose de la délégation croate."


Page 1795

  1   M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais que ce passage soit agrandi à

  2   l'écran de façon à ce que tout le monde puisse bien le voir.

  3   R.  Je ne peux pas lire le texte, il n'est pas encore assez lisible. Je

  4   suis désolé, Monsieur Scott.

  5   Q.  Cela va venir. Encore un instant.

  6   R.  Oui. "Nous avons discuté quelque peu des principes qui permettraient de

  7   régler les rapports entre Serbes et Croates dans la Krajina. Il pense que

  8   la meilleure solution consisterait à reloger la population."

  9   M. SCOTT : [interprétation] Je vous demande un instant, Monsieur le

 10   Président, excusez-moi. Je vais cannibaliser mon document pour vous donner

 11   le numéro de la page. Bien. Excusez-moi vraiment, mais j'aimerais

 12   maintenant que nous revenions à la page 1 de ce document, en remplacement

 13   de la page 2. S'agissant de l'affichage à l'écran, pouvez-vous nous aider,

 14   s'il vous plaît, en agrandissant autant que possible la partie inférieure

 15   de la page. 

 16   Q.  Professeur Donia, la confusion vient du fait que les deux passages

 17   commencent par les mêmes mots : "Nous ne savons pas grand-chose." Pouvez-

 18   vous maintenant commenter le passage qui est actuellement affiché à

 19   l'écran ?

 20   R.  C'est bien ici, n'est-ce pas ?

 21   Q.  Oui. Cela vous renvoie à quelque chose qui figure dans votre rapport.

 22   Des mots en tout cas que vous avez évoqués dans votre déposition il y a

 23   quelques instants lorsque vous évoquiez la position de Karadzic par rapport

 24   à la délégation croate de l'époque.

 25   R.  Oui. Il s'est dit satisfait de la composition de la délégation croate,

 26   je cite : "Nous ne savons pas grand-chose de la délégation croate, nous ne

 27   connaissons pas leur capacité, mais nous savons que telle délégation est à

 28   nos côtés sur la question de la réalisation -- sur la question primordiale,


Page 1796

  1   sur la réalisation de la souveraineté. La délégation déclare que sa

  2   souveraineté sera réalisée par voie de création d'unités constitutives et

  3   que ces mêmes unités constitutives doivent être transférées à la République

  4   de Bosnie-Herzégovine."

  5   Ensuite, il y a des détails complémentaires en page.

  6   Q.  Pouvons-nous maintenant passer à la page 2 ? Pouvez-vous commenter pour

  7   les Juges les mots qui figurent dans ce passage ?

  8   R.  Cela se trouve au bas de la page, je cite : "Ils sont totalement

  9   d'accord sur la Bosnie-Herzégovine. C'est tout à fait manifeste. La souche

 10   a été éliminée, une délégation partageant totalement nos positions. Quant à

 11   la structure de la Bosnie-Herzégovine à l'avenir, est arrivée maintenant."

 12   Alors, un éclaircissement, si vous voulez bien. Miro Lasic était un

 13   dirigeant du HDZ, très actif, qui lors d'une réunion du 29 janvier, s'était

 14   dit opposé à la cantonalisation ou à la division territoriale envisage à

 15   l'époque, et sa position, bien sûr, n'a pas prévalu au sein du parti

 16   puisque c'est la position favorable à une division territoriale qui l'a

 17   emporté.

 18   Q.  Merci beaucoup. Je pense que nous n'aurons plus besoin du

 19   rétroprojecteur pour le moment. Je vous remercie, Mme l'Huissière.

 20   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

 21   questions à poser au témoin au sujet du HDZ en Bosnie-Herzégovine. Je

 22   m'apprête à passer à un autre sujet et je demande aux Juges s'ils ont des

 23   questions à poser au témoin sur ce sujet, sur le HDZ.

 24   Merci, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons jusqu'à midi 20, une fois, la pause à

 26   midi 20.

 27   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Q.  Alors, sur cette dernière, j'aimerais maintenant appeler votre


Page 1797

  1   attention quelques instants sur le parti musulman dont vous avez déjà parlé

  2   un peu plus tôt, ce matin, à savoir, le SDA, Parti de l'Action

  3   démocratique. Pouvez-vous, encore une fois, nous dire quelques mots sur la

  4   création de ce parti ?

  5   R.  Le SDA, Parti de l'Action démocratique, était conçu comme étant le

  6   parti nationaliste regroupant les Musulmans de Bosnie. Il tire de son

  7   origine de diverses réunions auxquelles participait Alija Izetbegovic qui,

  8   tout comme Tudjman était un dissident qui avait été emprisonné dans l'ex-

  9   Yougoslavie et d'ailleurs relâché à peine quelques mois avant la création

 10   de ce parti. Donc, entre Alija Izetbegovic et d'autres dirigeants musulmans

 11   de Bosnie, au nombre desquels on peut citer Adil Zulfikarpasic, qui

 12   résidait, à l'époque, en Suisse. Ces réunions ont permis de mettre au point

 13   un programme pour ce parti et il a été décidé de donner à ce parti un nom

 14   qui n'aurait pas de connotation nationale, c'est-à-dire, un parti dans

 15   lequel les Musulmans bosniens n'apparaîtraient pas. Le nom choisi était

 16   Parti de l'Action démocratique, notamment, parce que les dirigeants étaient

 17   incapables de s'entendre sur la façon d'exprimer la légalité

 18   constitutionnelle de ce parti dans des mots plus définis que cela. Le parti

 19   a, ensuite, tenu son assemblée constituante au mois de mai si je me

 20   souviens bien. Il faudrait peut-être que je vérifie mais en tout cas, en

 21   1990. Un programme a été rendu public, à ce moment-là, un programme où les

 22   intérêts des Musulmans de Bosnie étaient définis comme un des objectifs

 23   centraux de ce parti. Le parti a adopté une position ambivalente quant à

 24   l'avenir de la Bosnie-Herzégovine du point de vue de ces rapports

 25   constitutionnels avec la Yougoslavie. Ce programme était favorable à une

 26   Bosnie-Herzégovine souveraine, mais affirmait également que la Bosnie-

 27   Herzégovine devrait faire partie de la République socialiste fédérale de

 28   Yougoslavie.


Page 1798

  1   Q.  Très bien. C'était en 1990 ?

  2   R.  Oui, en 1990.

  3   Q.  Pouvez-vous nous dire la différence s'il y en a une entre les positions

  4   du SDS de l'époque, du point de vue de la structure de la Bosnie-

  5   Herzégovine, de la structure à venir de la Bosnie-Herzégovine sans trop

  6   empiéter sur ce que vous allez dire plus tard et les positions de la

  7   faction Boban du HDZ sur cette même question ?

  8   R.  A l'époque -- je dois remonter à l'époque de la création du parti en

  9   1990, n'est-ce pas ?

 10   Q.  Oui.

 11   R.  Aussi bien que le SDA, le HDZ avait des positions qui étaient formulées

 12   de façon assez vague quant à l'avenir constitutionnel de la Bosnie-

 13   Herzégovine. Ces deux partis étaient en cours d'évolution à l'époque. Dans

 14   mon rapport, j'ai essayé de permettre aux lecteurs de percevoir les

 15   transformations qui se produisaient, à cette époque-là, compte tenu de

 16   l'évolution politique de la situation. A l'époque où la faction aux visées

 17   territoriales l'a emporté au sein du HDZ, le HDZ et le SDA avaient des

 18   positions très différentes, puisque le SDA était favorable à ce que la

 19   Bosnie-Herzégovine continue à être une entité souveraine, unie donc, sans

 20   aucune division interne qui serait synonyme de divisions du pays.

 21   Q.  Pouvez-vous nous dire et j'aborde ce sujet parce qu'il a un rapport

 22   direct avec l'assemblée constituante, pouvez-vous nous dire si lors de la

 23   réunion de cette assemblée constituante, Izetbegovic a exprimé des

 24   positions favorables au plan de banovina, par exemple ?

 25   R.  Il a dans son allocution fait ouvertement état de ce qu'il a appelé --

 26   il fait exactement référence à ce qu'il a appelé l'accord honteux fait

 27   entre Cvetkovic et Macek. Il a dit qu'un tel accord ne devait plus être

 28   conclu à l'avenir en Bosnie-Herzégovine.


Page 1799

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 1800

  1   M. SCOTT : [interprétation] Je demande l'aide de l'Huissière pour présenter

  2   le document P 09539 au témoin, Monsieur le Président, qui n'a pas été

  3   encore traduit. Malheureusement, nous nous sommes rendus compte, hier soir,

  4   qu'un certain nombre de documents n'avaient pas fait l'objet d'une demande

  5   de traduction de notre part, mais cette référence est citée dans le rapport

  6   du Pr Donia. Nous fournirons, bien sûr, une traduction de ces documents

  7   dans les plus brefs délais.

  8   Q.  Professeur, dans votre rapport, vous citez ce document comme étant

  9   celui où on trouve la relation des propos tenus par

 10   M. Izetbegovic, des mots utilisés par lui, à savoir, accords honteux entre

 11   Cvetkovic et Macek, destinés à diviser le pays et qui ne devaient plus

 12   avoir d'équivalents à l'avenir.

 13   R.  Oui. C'est une page du journal Oslobodjenje de Sarajevo. En fait, je ne

 14   lis pas cet alphabet.

 15   Q.  C'est écrit en cyrillique ?

 16   R.  Je lis le cyrillique. Ce que je veux dire c'est que je n'arrive pas à

 17   le lire à l'écran. C'est trop petit.

 18   Q.  Trop petit ?

 19   R.  Oui, les caractères.

 20   Q.  Je ne sais pas si on peut demander un agrandissement ?

 21   R.  C'est le deuxième ou le troisième paragraphe de cette page, je crois.

 22   Sans doute, le deuxième, mais il me faut quelques minutes pour lire le

 23   texte de plus près.

 24   Q.  C'est l'article en tout cas dont vous parlez dans votre rapport ?

 25   R.  Oui, tout à fait.

 26   Q.  Alors avançons, si vous le voulez bien. A partir de la création ou en

 27   tout cas des premiers moments d'existence du SDA - et là je dois vérifier

 28   mes notes.


Page 1801

  1   M. SCOTT : [interprétation] Non, je n'ai pas d'autres questions sur ce

  2   point, Monsieur le Président. Donc, je vous demande encore une fois si les

  3   Juges auraient des questions à poser au témoin sur ce sujet.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, poursuivez.

  5   M. SCOTT : [interprétation]

  6   Q.  Parlons maintenant, si vous voulez bien, des élections de novembre 1990

  7   en Bosnie-Herzégovine. Je vous demanderais encore une fois, Monsieur, de

  8   résumer les événements qui ont un lien direct avec ces élections de

  9   novembre 1990. Comment ces élections se sont déroulées et quels en ont été

 10   les résultats ?

 11   R.  Les élections ont eu lieu. De façon générale, elles ont été considérées

 12   comme régulière et organisées dans la liberté avec quelques exceptions, car

 13   il y a eu quelques rares protestations de la part des partis nationalistes,

 14   pour la plupart dans d'opposition. Mais de façon générale, ces élections

 15   ont été perçues par la plupart des Bosniens comme élections libres et

 16   régulières. En contradiction avec les sondages préélectoraux, les trois

 17   partis nationalistes ont remporté une victoire éclatante puisqu'à eux

 18   trois, ils ont obtenu la majorité des sièges à l'assemblée de Bosnie-

 19   Herzégovine et pris le contrôle de toutes les assemblées municipales sauf

 20   deux, et qu'ils ont obtenu également sept postes à la présidence de Bosnie-

 21   Herzégovine.

 22   Q.  Est-il exact, Monsieur, que ces élections nationales se sont tenues en

 23   novembre 1990 en Bosnie-Herzégovine ?

 24   R.  Oui, le 18 novembre 1990.

 25   Q.  Je demanderais l'autorisation de la Chambre pour que vous vous

 26   reportiez à votre rapport, si vous l'estimez nécessaire, mais je vous

 27   demande à peu près combien de sièges chacun des trois partis nationalistes

 28   a obtenus. Je veux parler du SDA, du SDS et du HDZ.


Page 1802

  1   R.  Avec l'autorisation de la Chambre, je vais consulter mon rapport sur ce

  2   point.

  3   Oui, Messieurs les Juges, le SDA a obtenu 86 sièges.

  4   Q.  Sur combien au total ?

  5   R.  Sur 240. Le SDS a obtenu 72 sièges et le HDZ de Bosnie-Herzégovine a

  6   obtenu 44 sièges.

  7   Q.  D'autres sièges ont-ils été obtenus par d'autres partis

  8   éventuellement ?

9  R.  Oui. Les deux grands partis non nationalistes étaient le Parti réformiste

 10   et le Parti social démocrate. Ce sont ces deux partis qui ont obtenus la

 11   grande majorité des sièges restants avec quelques petits partis qui ont

 12   obtenu un nombre très limité de sièges également.

 13   Q.  Je crois vous avoir entendu dire un peu plus tôt que suite à ces

 14   élections, chacun des partis nationalistes a obtenu deux sièges à la

 15   présidence du pays; c'est bien cela ?

 16   R.  Les candidats des partis nationalistes ont emporté la victoire dans ces

 17   répartitions de sièges en catégorie, effectivement.

 18   Q.  Je crois vous avoir entendu dire un peu plus tôt que dans cette

 19   première structure, outre deux sièges pour les Serbes, deux sièges pour les

 20   Croates et deux sièges pour les Musulmans, il était également prévu un

 21   septième siège qui devait aller à quelqu'un d'autre, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Qui a obtenu ce septième siège ? Qui a été choisi en tout cas pour

 24   briguer ce septième siège ?

 25   R.  Ceci s'est fait suite à une élection. C'est Ejup Ganic, membre du SDA,

 26   qui a obtenu ce septième siège. Je dois sans doute apporter quelques

 27   éclaircissements sur ce point : le SDA a présenté un candidat pour ce

 28   septième siège qui était censé aller au représentant de la catégorie


Page 1803

  1   baptisée "autre," et M. Ganic qui s'était prononcé en tant que Yougoslave

  2   dans le cadre du recensement de 1981 et pas en tant que Musulman de Bosnie

  3   a été présenté comme candidat. Le SDS a également présenté un candidat qui

  4   était le chef de la Communauté juive, mais ce n'est pas lui qui a obtenu ce

  5   septième poste.

  6   Q.  Suite à ces élections - j'ai encore une question ou deux à vous poser

  7   et nous en arriverons à la pause déjeuner.

  8   Suite à ces élections, qui a été choisi pour devenir président de la

  9   présidence ?

 10   R.  Alija Izetbegovic a été choisi en tant que président de la présidence.

 11   Q.  Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre par quel processus il a obtenu

 12   ce poste ?

 13   R.  Il a été élu par les membres de la présidence, mais en arrière-plan de

 14   cette décision, il y avait un accord conclu entre les différents partis,

 15   entre les trois partis nationalistes, accord sur la répartition des trois

 16   portefeuilles au sein du gouvernement. Celui qui représentait le parti,

 17   ayant obtenu le plus de voix, occuperait le poste de président de la

 18   présidence. Quant au président de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, il

 19   devait être élu par un vote au sein des partis et à l'issue de ce vote,

 20   c'est le SDS qui l'a emporté, c'est donc Momcilo Krajisnik qui est devenu

 21   président de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine. Le chef du gouvernement,

 22   poste que nous connaissons sous le nom de premier ministre en général, a

 23   été un représentant du HDZ et il s'est agi de Jure Pelivan. Tous ces postes

 24   ont été confirmés par un vote au sein des instances constitutionnelles qui

 25   étaient compétentes pour voter sur ces questions. En d'autres termes, les

 26   partis nationalistes se sont appuyés les uns et les autres dans ces votes

 27   internes dans le cadre d'un accord conclu au préalable entre eux.

 28   Q.  Donc, si je vous ai bien compris, puisque le SDA a emporté la majorité


Page 1804

  1   des sièges, a obtenu la majorité des voix aux élections dont vous avez

  2   parlé tout à l'heure, c'est le SDA qui a été autorisé, dans le cadre de cet

  3   accord entre les partis, à choisir son représentant pour le poste de

  4   président de la présidence, à savoir, Alija Izetbegovic. Puis, le parti qui

  5   est venu en deuxième du point de vue du nombre de voix obtenues aux

  6   élections a pu choisir le président de l'assemblée, à savoir, Krajisnik, et

  7   c'est le même Krajisnik qui est jugé ici aujourd'hui ?

  8   R.  Oui. Pour être tout à fait clair, les partis ont pris cette décision

  9   pas en tant que groupe, mais en tant que partis, à savoir, SDA, SDS et HDZ.

 10   M. SCOTT : [interprétation] L'heure de la pause est peut-être arrivée,

 11   Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, à condition de mieux reposer,

 13   pouvez-vous m'indiquer le temps qu'il vous reste ?

 14   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je travaille, en fait,

 15   d'une façon tout à fait différente de celle que j'avais prévue au départ,

 16   je dois vous le dire, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 17   d'ailleurs, cela se voit sans doute, donc, je n'avance pas au rythme que

 18   j'avais prévu initialement. J'ai dit précédemment que j'aurais besoin de

 19   deux heures, mais, compte tenu du rythme actuel -- et j'indique d'ailleurs

 20   qu'un certain temps a été consacré, à juste titre d'ailleurs, bien entendu,

 21   aux questions posées par les Juges ce matin, mais, Monsieur le Président,

 22   je pense que j'aurais besoin d'une heure, une heure et demie encore.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous allons faire le break qui va durer

 24   donc une heure et demie. Nous reprendrons aux environs de 13 heures 50.

 25   --- L'audience de déjeuner est suspendue à 12 heures 22.

 26   --- L'audience est reprise à 13 heures 56.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience étant reprise, Maître Scott, vous avez la

 28   parole.


Page 1805

  1   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Puis-je demander l'aide de Mme l'Huissière pour le rétroprojecteur ?

  3   Q.  Nous allons poursuivre, Monsieur Donia, mais, vu la procédure à

  4   adopter, revenons à quelques-unes des pièces mentionnées, eu égard à

  5   certaines parties précédentes de votre déposition.

  6   Veuillez examiner la pièce P 08632.

  7   M. SCOTT : [interprétation] Cette pièce peut-elle être posée sur le

  8   rétroprojecteur ?

  9   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas sûr du numéro de la pièce. C'est

 10   peut-être 08642.

 11   M. SCOTT : [interprétation] Un livre écrit par David Owen : "L'odyssée des

 12   Balkans."

 13   Q.  Est-ce que, dans cette page, on trouve la référence que vous faites

 14   dans votre rapport à l'accord Cvetkovic-Macek ?

 15   R.  Oui, c'est la page 36 du livre de David Owen.

 16   Q.  Très succinctement, nous allons examiner la pièce P 09537.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Le témoin vient de dire c'est la page 36. Le

 18   document, j'ai les pages 34 et 35.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Effectivement, il

 20   faudrait apporter une correction à la mention qui avait été faite. Il

 21   faudra que ce soit la page 36. Oui, oui. Nous allons vous fournir la bonne

 22   page. Notre commis à l'audience a constaté qu'on a photocopié les mauvaises

 23   pages, malheureusement. Excusez-nous.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Heureusement que je me suis rendu compte de

 25   l'erreur.

 26   M. SCOTT : [interprétation] Je vous ai demandé de présenter le document

 27   suivant en attente de traduction. C'est un prochain document, mais en

 28   rapport avec la discussion sur les banovinas. Vous avez mentionné la


Page 1806

  1   position adoptée par Mate Boban; est-ce que vous mentionnez dans votre

  2   rapport cet article qui présente l'avis de M. Boban à propos de la

  3   banovina ?

  4   R.  Oui.

  5   M. SCOTT : [interprétation] C'est la pièce P 09537.

  6   Mme l'Huissière, je veux vous demander votre aide. Je vais vous remettre la

  7   pièce P 00002, page 113, dans la traduction en anglais du livre écrit par

  8   Franjo Tudjman. Veuillez poser ce document sur le rétroprojecteur. Est-ce

  9   qu'il est possible de faire un plan rapproché de la partie droite de cette

 10   page 113 ?

 11   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez mentionné certaines citations tirées du

 12   livre du président Tudjman aujourd'hui pour ce qui est de son attitude à

 13   l'égard de la Bosnie-Herzégovine, et trouve-t-on ces mentions à la page 113

 14   de son livre ?

 15   R.  Oui.

 16   M. SCOTT : [interprétation] Mme l'Huissière, veuillez poser maintenant la

 17   page 114, c'est toujours la même pièce P 00002. C'est toujours le livre de

 18   Franjo Tudjman.

 19   Q.  Est-ce que vous avez aussi fait ces deux citations de son livre pour ce

 20   qui est de son attitude à l'égard de la Bosnie-Herzégovine à propos des

 21   Musulmans ?

 22   R.  Oui.

 23   M. SCOTT : [interprétation] Enfin, pièce P 0862, page 74.

 24   Q.  Ce matin vous avez fait référence à une déclaration de l'ambassadeur

 25   Zimmermann qui a relaté dans son livre ce que Franjo Tudjman lui aurait

 26   dit, est-ce qu'on trouve certains de ces éléments sur cette page ? C'est la

 27   pièce P 0862.

 28   R.  Oui.


Page 1807

  1   Q.  Merci beaucoup.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, le dernier document c'est la pièce

  3   P ? Comment vous dites -- est-ce que c'est dans notre liasse ? Je ne me

  4   rappelle pas.

  5   M. SCOTT : [interprétation] Ce devrait être, Monsieur le Président, la

  6   pièce P 08630. Je ne sais pas si ce n'est pas dans votre liasse. Si ce

  7   n'est pas le cas, nous allons vous la fournir. Je reprends le numéro 08630.

  8   Cela se trouve dans notre liasse à nous. Je ne sais pas.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : -- dans une seconde.

 10   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Nous allons avancer dans le temps, reprendre notre examen de plusieurs

 12   parties de votre rapport que je vais prendre d'un seul coup. Je veux parler

 13   du chapitre 14, les institutions parallèles des Serbes de Bosnie; le

 14   chapitre 15 où est la République serbe de Bosnie-Herzégovine; et le

 15   chapitre 16, la communauté croate d'Herceg-Bosna. Je vais poser des

 16   questions qui sont en rapport avec les différents chapitres.

 17   Vous avez dit que la communauté croate d'Herceg-Bosna avait été

 18   établie et proclamée le 18 novembre 1991; est-ce exact ?

 19   R.  Oui.

 20   M. SCOTT : [interprétation] Est-ce que M. le Greffier pourrait faire

 21   apparaître à l'écran la pièce P 00302 ?

 22   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges quelle est la substance de ce document ?

 23   R.  Vous avez ici la traduction dans le journal officiel d'Herceg-Bosna en

 24   date du mois de septembre 1992 de la décision de constituer une communauté

 25   croate d'Herceg-Bosna.

 26   Q.  Dans le cadre de votre recherche, avez-vous trouvé des éléments

 27   permettant d'expliquer pourquoi certaines municipalités ont été présentées

 28   comme faisant partie de la communauté croate d'Herceg-Bosna ?


Page 1808

  1   R.  Les municipalités énumérées dans la décision portant création de la

  2   communauté croate d'Herceg-Bosna, à mon avis, correspondent au mieux au

  3   territoire délimité dans la banovina  croate 1939 à 41.

  4   M. SCOTT : [interprétation] Peut-on maintenant voir

  5   l'article 2.

  6   Q.  Vous allez voir le nom de municipalités ?

  7   R.  Oui. Soyons clair certaines de ces municipalités, comme la dernière,

  8   par exemple, Trebinje Ravno, semblent indiquer qu'il y a une partie de la

  9   municipalité qui est comprise mais pas la totalité.

 10   Q.  C'est vrai aussi pour Skender Vakuf ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Vu la réponse que vous venez de donner, pourriez-vous nous dire au vu

 13   de votre recherche s'il y a des éléments qui montrent de façon cohérente

 14   qu'on a choisi ces municipalités parce que, dans chacune d'entre elles, il

 15   y avait une population majoritairement croate ?

 16   R.  Non. J'ai indiqué, tout particulièrement, Jablanica dans mon rapport,

 17   là où il y avait une majorité d'habitants musulmans, et il y avait d'autres

 18   municipalités dans cette liste où il n'y avait pas une majorité absolue de

 19   Croates dans les confins -- dans les municipalités.

 20   Q.  Cette sélection de municipalités s'est-elle opérée en fonction de

 21   savoir si le HDZ était sorti vainqueur des élections dans cette

 22   municipalité en 1990 ?

 23   R.  Non, cela semble indiqué que cette municipalité se trouvait sur cette

 24   liste mais en excluant d'autres.

 25   Q.  Pour ce qui est ici de cette décision et s'agissant de la motivation

 26   qu'on donne pour la création de cette Communauté croate, vous dites que

 27   certaines des raisons étaient de fausses raisons; pourquoi ?

 28   R.  Dans cette décision, il est affirmé que la Bosnie-Herzégovine ne


Page 1809

  1   fonctionnait pas en tant qu'Etat que dès lors il fallait créer la

  2   communauté croate d'Herceg-Bosna. Au moment de la création de cette

  3   dernière, en fait, les organes, les institutions centrales de la Bosnie-

  4   Herzégovine fonctionnaient et les membres du HDZ, qui furent élus à

  5   l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, étaient des représentants actifs de

  6   leurs circonscriptions lors des sessions régulières de l'assemblée et les

  7   institutions centrales, les organes de gouvernement avaient des réunions

  8   régulières et s'acquittaient de leurs fonctions.

  9   M. SCOTT : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait dérouler cette article

 10   pour voir la première partie. Excusez-moi, c'est en haut de la page.

 11   Q.  Quelques questions supplémentaires. Est-ce qu'il y a dans ce document

 12   en partie une référence à ce qui s'est passé à Ravno ?

 13   R.  Un instant, un instant pour que je retrouve ce passage. Oui, oui. Les

 14   premières lignes pour ce qui est des motifs au point 1 font apparemment

 15   référence à l'attaque de la JNA sur le village de Ravno, juste en surplomb

 16   de Dubrovnik, à l'extérieur de Dubrovnik dans la municipalité de Trebinje.

 17   Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, ce fut une attaque tout à fait

 18   horrible, il y a des habitants qui ont été tués. Un nombre important

 19   d'habitants de ce village a été tué et le village a été tout à fait dévasté

 20   par l'armée -- par la JNA.

 21   Tout ceci dans ce contexte en novembre 1991 est mentionné, semble-t-

 22   il, dans le guide de cadre de référence au premier paragraphe.

 23   Q.  Mais, d'après vous, par la mention de cet événement pour vous,

 24   est-ce que cela voulait dire -- est-ce qu'on pouvait en conclure que les

 25   organisations et les instances centrales ne fonctionnaient pas en Bosnie-

 26   Herzégovine ?

 27   R.  Non, les institutions centrales fonctionnaient bien. Elles

 28   faisaient leur travail à l'époque et, bien sûr, le problème c'était que les


Page 1810

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 1811

  1   zones frontalières faisaient l'objet d'incursion, tant de la part de

  2   paramilitaires croates que de la part de la JNA. Ici, en l'occurrence, la

  3   capacité qu'aurait eu la République socialiste de Bosnie-Herzégovine face à

  4   de telles incursions était pratiquement nulle. Il y avait bien des

  5   policiers sur le terrain, mais ils étaient en infériorité numérique et

  6   avaient beaucoup moins d'armes que la JNA.

  7   Q.  Troisième paragraphe au niveau des motifs. Vers la quatrième ligne, on

  8   dit : "Que le modèle de l'Etat unitaire est inacceptable." A quoi ceci,

  9   apparemment, fait-il référence ?

 10   R.  C'était l'avis de la communauté croate de l'Herceg-Bosna mais aussi du

 11   HDZ à l'époque. La Bosnie-Herzégovine ne pouvait continuer à exister que si

 12   elle était divisée en enclave ethnique, en ce qu'on appelait, à l'époque,

 13   des cantons.

 14   Q.  Nous avançons dans le temps. Compte tenu de tout ce qui vient d'être

 15   dit dans ce contexte, que s'est-il passé en 1991 pour ce qui est des

 16   instructions et des structures établies mises en place par les Serbes de

 17   Bosnie ?

 18   R.  Même avant les élections du 18 novembre 1990, Radovan Karadzic avait

 19   annoncé qu'allait être créé un Conseil national serbe, institution qui ne

 20   faisait pas partie des structures de la République socialiste de Bosnie-

 21   Herzégovine et c'était une institution exclusivement serbe, qui n'a pas

 22   jamais vraiment été très active, mais cela a été les premières annonces, il

 23   y en a eu plusieurs après, de la part des dirigeants du SDS qui voulaient

 24   établir des structures distinctes pour contester l'autorité du gouvernement

 25   de Bosnie-Herzégovine ou la nier.

 26   En 1991, en avril 1991, les dirigeants du SDS ont annoncé qu'allait

 27   être créé une communauté ou un conseil de municipalités de la Krajina de

 28   Bosnie dans le nord-ouest de la Bosnie qui devait avoir le même rôle, mais


Page 1812

  1   devait se composer de certaines unités territoriales bien précises, se

  2   composer des municipalités qui allaient se déclarer membres de cette

  3   communauté, à quelques exceptions près, c'étaient des municipalités où il y

  4   avait une majorité serbe.

  5   Au cours des semaines qui ont suivi, des institutions analogues ont

  6   été annoncés pour l'Herzégovine et pour la région entourant Sarajevo. En

  7   septembre 1991, on a franchi une nouvelle étape dans ce processus au moment

  8   où le SDS a annoncé la création des Régions autonomes serbes, ce qu'on

  9   appelait les SAO, en Serbe. Ces Régions autonomes serbes, si vous les voyez

 10   sur une carte, couvrent une grande partie du territoire de Bosnie-

 11   Herzégovine et c'est au cours de la deuxième et de la troisième semaine du

 12   mois de septembre 1991, qu'elles ont été proclamées.

 13   M. SCOTT : [interprétation] Puis-je demander l'aide du Greffe pour afficher

 14   un transparent ou un client PowerPoint ? Tout le monde aura reçu cette

 15   carte qui se trouve dans une série ces cartes remises aux parties et à la

 16   Chambre, il y a quelques jours.

 17   Q.  Veuillez décrire en quelques mots ce que signifie cette carte, ce

 18   qu'elle nous montre ?

 19   R.  Elle nous montre ces Régions autonomes serbes SAO. Elles sont

 20   numérotées. Il y a une exception, le numéro 1. Je pense qu'elle avait une

 21   configuration un peu différente. Je pense qu'on l'avait appelé "Régions

 22   serbes". Donc, le titre, l'intitulé, la dénomination n'était pas la même en

 23   B/C/S. Elle était rebaptisée, si j'ose dire, en septembre 1991. Depuis la

 24   première dénomination qu'elle avait eue dans le cadre de cette communauté

 25   de municipalités. Donc, vous avez ici la carte des Régions autonomes

 26   serbes, créée en septembre 1991.

 27   Q.  Est-ce que vous savez du fait de votre recherche si des institutions

 28   analogues ou parallèles ont été établies par le HDZ, du côté de l'Herceg-


Page 1813

  1   Bosna ?

  2   R.  Il y a eu deux institutions similaires qui furent créées le 11 novembre

  3   1991. Il y avait la communauté croate de l'Herceg-Bosna, d'une part, et la

  4   communauté croate de la Posavina de Bosnie dans cette bande de terre au

  5   nord du pays. On voit ici juste sur la carte en dessous du mot "Croatie".

  6   Q.  Donc, ce serait la Posavina ?

  7   R.  Oui. C'est la communauté croate de la Posavina. Quant à la communauté

  8   croate de l'Herceg-Bosna, vous la voyez en bleu, délimitée en bleu, en bas

  9   à gauche.

 10   Q.  Cette carte porte le numéro P 09276. Vous avez dit que ces régions

 11   s'appelaient SAO, Régions autonomes serbes, est-ce que vous avez, au cours

 12   de votre recherche, établi s'il y avait du côté de l'Herceg-Bosna des

 13   institutions analogues ?

 14   R.  Les médias ou les commentateurs ont commencé à parler quand les

 15   analyses à parler de HAO. Donc là, c'est en B/C/S, l'appellation, Régions

 16   autonomes croates. Ce n'est pas tout à fait exact, mais nombre d'analystes

 17   ont relevé le fait que les communautés croates ont imité la démarche du SDS

 18   pour ce qui est de la création de telles structures de ces deux

 19   communautés.

 20   Q.  Vous dites HAO, le H était Hrvatski, et le reste signifiant Régions

 21   autonomes; est-ce bien exact ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Monsieur, dans le cadre de votre travail, que ce soit du côté croate ou

 24   du côté serbe, quand est-ce que ces institutions parallèles cadraient avec

 25   les plans créés, soit la Grande-Serbie, d'une part, soit de couper

 26   l'Herceg-Bosna ?

 27   R.  Les SAO ont précédé la création de l'institution du SDS qui a été

 28   connue sous le nom de la République du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine.


Page 1814

  1   Il y a eu une réunion, fin décembre où il a été fait état des plans du SDS

  2   de créer une telle république. Elle a été déclarée le 9 janvier 1992. Par

  3   la suite, il y a eu approbation de sa constitution et le 7 avril 1992, la

  4   République du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine s'est déclarée,

  5   indépendante.

  6   Q.  Vous êtes venu déposer ici dans une série d'affaires qu'on pourrait

  7   appeler des affaires serbes. Vous avez mentionné plusieurs affaires dont

  8   celle contre Momcilo Krajisnik, est-ce que vous pouvez dire aux Juges

  9   comment ces institutions serbes ont entretenu des liens avec Belgrade ou la

 10   Serbie et comment est-ce qu'elles ont été utilisées comme une partie de la

 11   Grande-Serbie ?

 12   R.  Ils ont reçu de la part des dirigeants de Belgrade et, dans certains

 13   cas, elles ont créé des institutions comparables que celles créées par les

 14   Serbes de Croatie, dès 1990. Lorsque la République serbe a été créé et

 15   lorsqu'elle a commencé à prendre corps elle a reçu un soutien très

 16   considérable de la part des Serbes et elle a reçu -- enfin qui vivaient sur

 17   ce territoire mais également un soutien de la part de la JNA et un soutien

 18   politique des dirigeants de Belgrade, un soutien à son activité.

 19   Q.  Très bien. Nous allons oublier la carte pour le moment, et nous allons

 20   revenir à l'Herceg-Bosnie. Pouvez-vous dire à la Chambre si un tribunal de

 21   Bosnie-Herzégovine aurait constaté que la communauté croate d'Herceg-Bosnie

 22   était une organisation illégale ?

 23   R.  La Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine s'est prononcée, a émis

 24   un arrêt en septembre 1992 en déclarant que la création connue sous le nom

 25   de communauté croate d'Herceg-Bosnie était contraire à la constitution de

 26   Bosnie-Herzégovine.

 27   M. SCOTT : [interprétation] Si, M. le Greffier pouvait nous aider, s'il

 28   vous plaît. C'est la pièce P 09540 que je voudrais avoir à l'écran.


Page 1815

  1   Excusez-moi. Pour gagner du temps, je ne vais pas examiner cette pièce-là.

  2   Je passe et je vous demande la pièce 09541.

  3   Q.  Au sujet dans le cadre de vos recherches, Monsieur, dans le cadre de

  4   vos recherches, pouvez-vous nous dire ce que représente ce document ?

  5   M. SCOTT : [interprétation] Je vais devoir fournir une traduction, mais les

  6   traductions pertinentes sont fournies dans le rapport de M. Donia.

  7   Attendez, je ne suis pas sûr que l'on voie  l'image. Il me semble que le

  8   témoin le voit mais nous ne voyons pas dans le prétoire d'après ce que je

  9   vois.

 10   Très bien. Nous l'avons à présent.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Juste pour préciser. La Cour

 12   constitutionnelle, en fait, ses membres ont rédigé une lettre au moment où

 13   des mesures constitutionnelles supplémentaires étaient entreprises par la

 14   communauté croate d'Herceg-Bosna. Cet article, je pense, se réfère à ces

 15   mesures qui étaient prises et à la lettre adressée par la Cour

 16   constitutionnelle à l'assemblée de Bosnie-Herzégovine. J'en ai parlé dans

 17   mon rapport. J'ai repris cela dans mon rapport, et j'avais fait une

 18   distinction entre cela et l'arrêt de la Cours constitutionnelle de

 19   septembre 1992 pas avant cette date-là. La raison a été c'est que seule la

 20   constitutionnalité des décrets ayant été publiés dans le journal officiel

 21   étaient confirmés.

 22   M. SCOTT : [interprétation]

 23   Q.  Quel impact est-ce que cela a eu à l'époque ?

 24   R.  Ce n'est pas -- la lettre n'est pas le document que j'ai sous les yeux.

 25   Q.  Très bien.

 26   R.  Mais, toujours est-il que la lettre des membres de la Cour

 27   constitutionnelle a été adressée à l'assemblée de Bosnie-Herzégovine et

 28   lancée un appel à ces députés pour qu'ils prennent des mesures contre des


Page 1816

  1   actes séparatistes de ce genre.

  2   Q.  Très bien.

  3   M. SCOTT : [interprétation] Je voudrais maintenant voir la pièce P 09540.

  4   Encore une fois nous n'avons pas la traduction de la totalité.

  5   Q.  Monsieur, s'agit-il là de la lettre dont vous avez parlée ?

  6   R.  Oui, c'est le texte dans la lettre. A l'époque c'était assez habituel

  7   de reprendre le texte intégral de ce genre de prononcé ou de correspondance

  8   de la part de la Cour constitutionnelle de le présenter -- enfin, destiner

  9   à l'assemblée de Bosnie-Herzégovine.

 10   M. SCOTT : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on passe à la

 11   pièce P 00505.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, avant d'aborder ce

 13   document, le document suivant. Pour le document précédent, M. le Témoin a

 14   dit "cette lettre", mais comment peut-on savoir qu'il s'agit d'une lettre

 15   authentique ? Peut-il nous montre où elle a été signée juste pour

 16   préciser ?

 17   M. SCOTT : [interprétation]

 18   Q.  Docteur Donia, si vous pouvez, répondez; sinon, je pense que Me

 19   Karnavas pourra vous poser la question pendant le contre-interrogatoire.

 20   R.  Non. Je peux en parler maintenant. Cette lettre a été publiée par le

 21   journal Oslobodjenje de Sarajevo. Il ne s'agit pas ici du document

 22   original.

 23   Q.  Est-ce bien le journal pour lequel les gens disent qu'il s'agit de

 24   journal qui en fait était le seul représentatif de ce qui se passait à

 25   l'époque en Bosnie-Herzégovine ?

 26   R.  Oui.

 27   M. SCOTT : [interprétation] Passons maintenant à la pièce

 28   P 00505.


Page 1817

  1   Q.  Pouvez-vous dire à la Chambre de quoi il s'agit ici ? Ils l'ont peut-

  2   être déjà vu mais je pense que vous pourriez dire en quelques mots de quel

  3   document il s'agit ?

  4   R.  C'est la décision de la Cour constitutionnelle invalidant la communauté

  5   -- qui annule la communauté croate d'Herceg-Bosna et par la suite change

  6   ses statuts, ses lois de 1992.

  7   Q.  Pouvez-vous dire aux Juges si par la suite il y a eu une décision

  8   comparable de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine non pas au

  9   sujet de la communauté croate d'Herceg-Bosnie mais au sujet de l'entité qui

 10   a existé par la suite et qui a été appelé République croate d'Herceg-

 11   Bosna ?

 12   R.  Oui.

 13   M. SCOTT : [interprétation] Je voudrais que l'on voit à présent la pièce P

 14   08060,

 15   Q.  Encore une fois, pourriez-vous dire à la Chambre de quelle nature est

 16   ce document ?

 17   R.  Comme le document précédent. Ici, nous avons une traduction du journal

 18   officiel, il s'agit donc du texte de la décision de la Chambre

 19   constitutionnelle par lequel elle annule la République croate d'Herceg-

 20   Bosnie.

 21   Q.  Pour résumer nous voyons en bas décision sur la proclamation de la

 22   République croate d'Herceg-Bosnie faite à Livno, le 24 août 1993, et annulé

 23   par la présente; est-ce exact ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Monsieur, j'essaie d'avancer aussi vite que possible. Je voudrais

 26   changer de sujet. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre ce qui en est

 27   des événements qui ont précédé le référendum de février 1992 portant sur la

 28   question de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, son indépendance de la


Page 1818

  1   Yougoslavie ?

  2   R.  Vers la fin de l'année 1991, la Communauté européenne a déployé des

  3   efforts afin de rendre systématique -- méthodique sa reconnaissance des

  4   états -- des républiques qui cherchaient à devenir indépendante de la

  5   Yougoslavie. En fait, la Communauté européenne a commencé à y prendre part

  6   quelques mois avant cela, mais, en décembre -- le 17 décembre, le conseil

  7   des ministres de la Communauté européenne a nommé une commission de

  8   juristes connue sous le nom de Commission Badinter, afin de recevoir les

  9   demandes des républiques qui souhaitaient accéder à la reconnaissance en

 10   tant qu'indépendance, donc, il s'agit des Républiques de Slovénie, de

 11   Croatie ainsi de Macédoine qui ont présenté leurs demandes. Le 21 décembre

 12   1991, la présidence de Bosnie-Herzégovine, malgré le désaccord de ces deux

 13   membres serbes, a voté, elle aussi de demander la reconnaissance de la part

 14   de la Communauté européenne. La Commission Badinter a apprécié ces deux

 15   membres, a noté l'existence d'une tentative d'un effort de créer un Etat

 16   serbe séparé au sein de la Bosnie-Herzégovine, a déclaré que la volonté du

 17   peuple de Bosnie-Herzégovine afin d'accéder à l'indépendance n'était pas

 18   complètement constaté et, par conséquent, a recommandé la tenue d'un

 19   référendum afin de savoir ce qui en est de la volonté du peuple de Bosnie-

 20   Herzégovine.

 21   Le 27 janvier 1992, l'assemblée de Bosnie-Herzégovine a voté pour accepter

 22   cette recommandation et, par la suite, a prévu la tenue d'un référendum

 23   portant sur l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine pour le 29 février et

 24   le 1er mars 1992.

 25   Q.  Très bien. Enchaînons sur la question du référendum.

 26   M. SCOTT : [interprétation] Je voudrais voir la pièce P 00116, s'il vous

 27   plaît, Monsieur le Greffier.

 28   Excusez-moi. Monsieur le Président, il faudra probablement que l'on cherche


Page 1819

  1   l'exemplaire papier.

  2   Q.  L'avez-vous ? Très bien. Nous allons pouvoir quand même nous servir de

  3   l'e-court. Merci.

  4   M. SCOTT : [interprétation] Est-ce que vous pouvez agrandir s'il vous

  5   plaît ? Davantage. Bien.

  6   Q.  Monsieur, au cours de vos recherches en examinant différents documents,

  7   est-ce que vous avez appris qu'il y a eu une réunion des dirigeants du HDZ

  8   de Bosnie-Herzégovine, le 29 janvier 1992 ?

  9   R.  Le document que nous sommes en train d'examiner parle de cette réunion

 10   de la présidence du HDZ de Bosnie-Herzégovine et, de toute évidence, un

 11   grand nombre de dirigeants s'était réuni, mais pas tous.

 12   Q.  Brièvement, pour gagner du temps, deux points m'intéressent, en

 13   particulier, et peut-être d'autres aussi. Est-ce qu'il est question de M.

 14   Kljuic ici ? Est-ce que l'on apprend ce qui est advenu de lui, à ce moment-

 15   là, au début de 1992 ?

 16   R.  Oui, en bref. Une critique virulente est formulée par ce document à

 17   l'adresse de l'aile rivale du HDZ qui s'opposait à l'option territoriale --

 18   ou plutôt, qui prônait la solution d'après laquelle les Croates, vivant sur

 19   tout le territoire de Bosnie-Herzégovine, seraient représentés au sein de

 20   ce parti ou par ce parti.

 21   Q.  Très bien. Je vais vous interrompre un instant.

 22   M. SCOTT : [interprétation] S'il vous plaît, à la page 4 du document, qui

 23   porte le numéro ERN 0044873476, est-ce que vous pouvez faire un gros plan

 24   sur la partie inférieure de la page, s'il vous plaît ? Merci.

 25   Q.  Cela continue sur la page suivante et c'est la partie du document où il

 26   est question de M. Kljuic ?

 27   R.  Oui. C'est vers la fin du document. Au fond le reproche est fait à M.

 28   Kljuic pour tout ce qui se passe mal au sein de la direction du parti. La


Page 1820

  1   communauté croate d'Herceg-Bosna n'était pas habilitée formellement à le

  2   faire, mais elle recommande la tenue d'une réunion extraordinaire du parti;

  3   enfin, c'est ce qui commence dans cette page. La phrase commence ici et

  4   elle continue sur la page suivante.

  5   Q.  Très bien. C'est à peu près, à ce moment-là ou peu après, n'est-ce pas,

  6   qu'en réalité, M. Kljuic a été écarté du parti ?

  7   R.  C'était quelques jours après cette réunion.

  8   M. SCOTT : [interprétation] Sur le même sujet, si M. le Greffier pouvait

  9   m'aider. Page 3 de ce document, numéro ERN 00478435. C'est la deuxième

 10   moitié de la page à peu près.

 11   Q.  Pouvez-vous nous dire davantage au sujet de la teneur de ce document

 12   pour ce qui est du référendum, ou des points qui ont été discutés par la

 13   direction à ce moment-là au sujet du référendum sur l'indépendance ?

 14   R.  Cela prête à confusion un petit peu. Il y a eu deux réunions, le 29

 15   janvier, c'est ce que nous avons sous les yeux, et l'autre réunion, le 9

 16   février, me semble-t-il.

 17   Q.  Oui.

 18   R.  Pendant cette première réunion, la réunion d'Herceg-Bosna, les

 19   dirigeants de l'Herceg-Bosna au fond ont annoncé qu'ils avaient l'intention

 20   d'assumer désormais la direction du parti et ont critiqué les délégués du

 21   HDZ -- des Croates du HDZ à l'assemblée bosniaque. Ils ont également fait

 22   savoir qu'ils avaient le souhait de modifier la terminologie du référendum

 23   et ont autorisé M. Boban ou plutôt ont chargé M. Boban de déterminer quel

 24   est le bon moment pour informer le peuple croate des positions adoptées par

 25   le parti et de la HZ HB au sujet du référendum.

 26   Q.  Très bien. Je voulais gagner du temps. Je voudrais maintenant vous

 27   inviter à examiner la pièce P 00117.

 28   M. SCOTT : [interprétation] Pouvez-vous faire un gros plan s'il vous


Page 1821

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 1822

  1   plaît ?

  2   Q.  Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre de quel document il s'agit ?

  3   R.  C'était le PV de la deuxième réunion. Je viens de l'annoncer, mais la

  4   réunion du comité principal de l'Union démocratique de Bosnie-Herzégovine

  5   c'est M. Boban qui a présidé cette réunion, mais, à l'époque, M. Boban

  6   n'était pas encore président du HDZ de Bosnie-Herzégovine. Cela n'allait se

  7   produire qu'en septembre ou octobre de cette année, mais il préside la

  8   réunion. Au fond, cela indique qu'il cherche à revoir les termes. La

  9   formulation utilisée lors du référendum est d'ajouter une phrase, à savoir

 10   que la Bosnie-Herzégovine serait divisée en cantons.

 11   Q.  Juste pour le compte rendu d'audience, c'est une réunion qui s'est

 12   passée plus tard au cours de l'année, le 9 février 1992 ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Très bien. Alors, plus loin dans le document. La page suivante, s'il

 15   vous plaît. En haut de cette page, pour que toutes les personnes présentes

 16   dans le prétoire comprennent, nous avons ici un libellé possible envisagé

 17   pour le référendum. Plus loin, vous avez le deuxième libellé. Pourrez-vous

 18   dire aux Juges laquelle de ces deux options a été approuvée par l'assemblée

 19   de Bosnie-Herzégovine ?

 20   R.  Celle qui est écrite en bas que nous sommes en train d'examiner, elle a

 21   été adoptée par l'assemblée, le 25 janvier.

 22   Q.  Très bien.

 23   R.  C'est directement la formulation utilisée par l'amendement

 24   constitutionnel apporté à la constitution de Bosnie-Herzégovine, et seul le

 25   mot "indépendant" a été ajouté à l'amendement constitutionnel pour arriver

 26   au libellé final de la proposition.

 27   Q.  Très bien. Alors, je vais vouloir montrer un cliché en PowerPoint pour

 28   juxtaposer les deux versions.


Page 1823

  1   Monsieur, pourriez-vous indiquer aux Juges de la Chambre quelles sont les

  2   différences entre ces deux formulations et quelle est l'importance de

  3   celles-ci, de la manière dont vous l'entendez ?

  4   R.  Il n'y a que deux différences. L'expression : "D'autres peuples qui

  5   vivent dans elle" a été enlevée. Elle a été donc enlevée dans la deuxième

  6   version. Puis, la formulation : "Dans leurs zones ethniques (cantons)" a

  7  été ajoutée dans la version approuvée du 9 février lors de cette réunion-là.

  8   Q.  Très bien. C'est justement ce que j'allais vous demander.

  9   R.  Cela a été approuvé à la réunion de Livno en tant que base, pour servir

 10   de base des négociations avec les représentants des autres peuples et

 11   autres parties dans l'objectif de les faire adopter comme formulation de la

 12   question pour le référendum.

 13   Q.  Est-ce que vous pouvez dire aux Juges si l'assemblée de Bosnie-

 14   Herzégovine n'avait jamais adopté cette formulation-là ?

 15   R.  Non.

 16  Q.  Donc, ce qui a été demandé au peuple de Bosnie-Herzégovine, fin février,

 17   était le libellé qu'on trouve en haut de la page ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Le référendum a-t-il réussi ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Je voudrais à présent montrer au témoin la pièce P 00132.

 22   Très brièvement, pourriez-vous dire aux Juges quelle est la substance de ce

 23   document ?

 24   R.  C'est la traduction du journal officiel. Il s'agit de la publication

 25   des résultats officiels du référendum. On y voit qu'à peu près 64 % des

 26   électeurs enregistrés ont participé à une majorité écrasante, se sont

 27   prononcés, au-delà de 99 %, se sont prononcés pour la proposition. Ceci

 28   reflète également le fait que la plupart des Serbes ont boycotté ce vote.


Page 1824

  1   Donc, leur souhait n'en a pas été tenu compte dans ces propositions.

  2   Q.  Donc, ce que l'on voit ici, dans ce vote, c'est qu'il représente avant

  3   tout le vote des Musulmans et des Croates de Bosnie-Herzégovine ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Au cours de vos recherches, de vos travaux, est-ce que vous avez pu

  6   noter que le HDZ, les dirigeants d'Herceg-Bosna, indiquaient aux Croates

  7   d'apporter leur soutien au référendum ?

  8   R.  Oui. Les dirigeants du HDZ ont apporté leur soutien au vote affirmatif,

  9   à cette occasion.

 10   Q.  Ce n'était pas le libellé qu'ils avaient approuvé à la réunion de

 11   Livno ?

 12   R.  Non. Ce n'était pas la formulation qu'ils avaient adoptée et approuvée

 13   à la réunion de Livno. Ce n'était pas le libellé qu'ils avaient préféré.

 14   Q.  Pouvez-vous dire ce qui se serait passé si le référendum n'avait pas

 15   réussi ?

 16   R.  Pratiquement, le résultat aurait été que la Bosnie-Herzégovine serait

 17   restée une partie de la Yougoslavie.

 18   Q.  Avant d'aborder le dernier sujet, est-ce qu'au sujet de cette réunion

 19   Livno, vous vous rappelez qu'il a été question à cette réunion de la

 20   citoyenneté croate, du fait que les Croates de Bosnie devraient avoir la

 21   possibilité d'accéder à la citoyenneté croate ?

 22   R.  Oui. C'est une initiative qui a été prise lors de cette réunion et cela

 23   a été formulé comme une requête s'adressant à la République de Croatie afin

 24   que les Croates de Bosnie-Herzégovine puissent devenir citoyens de la

 25   République de Croatie.

 26   Q.  Brièvement, je voudrais maintenant examiner la pièce P 00117. Je

 27   voudrais revenir à cette pièce.

 28   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Greffier, s'il vous plaît, en bas


Page 1825

  1   de la page 6 de la traduction, je demanderais qu'on nous montre le bas de

  2   la page.

  3   Q.  Vous constatez, Monsieur, les points qui sont discutés au paragraphe 4,

  4   n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Dans le deuxième paragraphe du point 4, pouvez-vous, je vous prie, lire

  7   la première phrase de ce paragraphe ?

  8   R.  "Ce qui justifie une telle demande, c'est que ceci constituera un fil

  9   indestructible qui reliera tous les Croates de Bosnie-Herzégovine à la

 10   République de Croatie."

 11   Q.  Pouvez-vous dire aux Juges, Monsieur, ce qui a finalement été mis en

 12   place dans la pratique ? Le gouvernement a-t-il prévu une disposition selon

 13   laquelle les Croates de Bosnie, donc les Croates vivant en Bosnie-

 14   Herzégovine se verraient octroyer la citoyenneté croate ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Très bien, Monsieur. Passons maintenant à un autre sujet : le plan

 17   Cutileiro. Pouvez-vous dire aux Juges ce qu'était ce plan Cutileiro, plan

 18   de paix Cutileiro, et à quel moment il a été mis en oeuvre ?

 19   R.  Une fois que la Commission Badinter a rendu sa recommandation selon

 20   laquelle quatre républiques devaient se voir reconnaître leur indépendance,

 21   ces quatre républiques étant la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, la

 22   Slovénie et la Croatie, le compte à rebours a commencé et la Communauté

 23   européenne, par le biais de ses négociateurs, a déployé des efforts

 24   intenses pour parvenir à un accord qui pourrait obtenir l'appui de tous les

 25   pays nationaux de Bosnie-Herzégovine. Ceci s'est passé sous l'égide de la

 26   Commission européenne chargée de la Yougoslavie, et ces pourparlers étaient

 27   dirigés par José Cutileiro, représentant portugais qui occupait à cette

 28   époque la présidence de la Communauté européenne.


Page 1826

  1   Ces pourparlers se sont concentrés sur les cartes géographiques. En effet,

  2   Cutileiro a tout fait pour obtenir l'appui des trois groupes ethniques en

  3   faveur d'une division effective de la Bosnie-Herzégovine en trois cantons

  4   en fonction de l'appartenance ethnique de leurs habitants.

  5   Q.  Très bien.

  6   M. SCOTT : [interprétation] Pour ne pas perdre de temps, je demanderais que

  7   l'on affiche à l'écran la pièce P 09546. Merci d'avoir un peu remonté la

  8   carte sur l'écran.

  9   Q.  Monsieur, pouvez-vous nous dire quelle est la nature exacte de cette

 10   carte -- non, d'abord, je vais vous poser une autre question.

 11   Vous venez de dire que ces pourparlers étaient concentrés sur des cartes

 12   géographiques. Alors, est-ce que les trois partis représentés à ces

 13   pourparlers, à savoir, le parti des Serbes, des Croates, et des Musulmans

 14   de Bosnie respectivement, représentaient ses propres cartes ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce que la Communauté européenne, par le truchement de M. Cutileiro,

 17   a elle aussi présenté ses cartes ?

 18   R.  Oui. Mais enfin, la situation est devenue un peu confuse au fil des

 19   progrès de ces pourparlers. Mais au mois de mars, M. Cutileiro a

 20   effectivement présenté une carte dont il a dit qu'elle avait été admise

 21   comme base pour la suite des négociations par les parties.

 22   Q.  Je vous demanderais, avant que nous ne parlions plus précisément de

 23   cette carte, de vous pencher sur la page suivante, je vous prie.

 24   M. SCOTT : [interprétation] Agrandissement, s'il vous plaît, à l'écran.

 25   Bien.

 26   Q.  Malheureusement, le document ne peut pas être davantage agrandi, mais

 27   vous voyez le titre que l'on lit en haut de la page, ce titre indiquant

 28   qu'il s'agit d'une carte proposée par le SDA, ici ?


Page 1827

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Les zones en blanc sont les zones peuplées de Musulmans, comme on le

  3   voit dans la légende, avec les zones hachurées en horizontal étant les

  4   zones peuplées de Croates, n'est-ce pas ?

  5   R.  Les zones en blanc étaient proposées comme devant être les zones

  6   habitées par les Musulmans.

  7   Q.  Excusez-moi. Je me suis un petit peu trompé. Excusez-moi. Bien.

  8   Passons à la page suivante, maintenant.

  9   M. SCOTT : [interprétation] Agrandissement également, sans toutefois perdre

 10   de vue le haut de la page.

 11   Q.  Est-ce que ceci est bien la carte qui a été proposée par le HDZ ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Très bien. Descendons un peu dans la page. Très bien. Merci. Je suppose

 14   que cette carte parle d'elle-même.

 15   Carte suivante, s'il vous plaît. Il s'agit bien de la carte présentée par

 16   les Serbes de Bosnie, par le SDS ?

 17   R.  Oui.

 18   M. SCOTT : [interprétation] Agrandissement, s'il vous plaît. J'aimerais que

 19   l'on revienne à la première page de cette pièce.

 20   Q.  Je vous demande si, après examen des trois cartes présentées par les

 21   trois partis, est-ce que la carte que nous avons maintenant sous les yeux

 22   représente bien la carte proposée par la Communauté européenne ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges, je vous prie, si le processus Cutileiro a

 25   finalement abouti aux tracés d'une carte admise par tous les partis en

 26   présence ?

 27   R.  Non. Diverses objections ont été formulées par l'une ou l'autre des

 28   parties, et celles-ci ont été rendues publiques après que la Communauté


Page 1828

  1   européenne eu annoncé que l'ensemble de ce projet avait été adopté, alors

  2   qu'en fait, il s'était heurté à de très grandes difficultés depuis le

  3   début. Il est tout à fait clair que les trois partis n'ont jamais soutenu

  4   tous les trois le projet présenté, pas plus que les principes

  5   constitutionnels qui sous-tendaient le tracé de ces cartes.

  6   Q.  Très bien. Passons maintenant au prochain chapitre de votre rapport,

  7   Monsieur, le Conseil de Défense croate ou HVO. Je ne vous poserai que

  8   quelques brèves questions à ce sujet, faute de temps.

  9   Pouvez-vous vous pencher sur la page 36 de votre rapport ?

 10   Deuxième paragraphe, je vous demanderais un éclaircissement au sujet

 11   de mots que vous utilisez. Vous dites donc, dans ce deuxième paragraphe, je

 12   cite : "La présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna." Que voulez-

 13   vous dire par présidence puisque aujourd'hui nous avons entendu que le mot

 14   "présidence" pouvait signifier pas mal de choses différentes ?

 15   R.  Sans lire ce que j'ai écrit dans mon rapport, je ne saurais vous

 16   répondre de façon très précise.

 17   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre permission,

 18   est-ce que M. Donia pourrait examiner son rapport ?

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais une

 20   réponse neutre à cette question : que veut dire le mot présidence ?

 21   Présidence, c'est quand même un mot courant, et on demande au témoin ce que

 22   veut dire ce mot. Il peut répondre d'une façon neutre, j'en suis sûr.

 23   M. SCOTT : [interprétation] C'est le problème, Monsieur le Président, c'est

 24   un mot qui a diverses significations.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien, pour ma part, je me risquerais à dire

 26   que ce n'est pas le cas.

 27   M. SCOTT : [interprétation] Ce n'est pas M. Karnavas qui témoigne ici,

 28   Monsieur le Président.


Page 1829

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. M. Donia, comment définissez-vous le mot

  2   "présidence" ? C'est quoi, pour vous, la "présidence" ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, cela peut renvoyer soit à un individu

  4   qui préside un organe collectif, soit à un groupe d'individus qui partagent

  5   une responsabilité déterminée qui est celle de diriger un Etat.

  6   J'ajouterais que pratiquement tous les organes qui voyaient le jour dans la

  7   période dont nous parlons se dotaient de présidences et discutaient

  8   longuement pour choisir la personne qui serait le président de ces

  9   présidences. Donc, ce genre de discussions impliquant l'usage de ce terme

 10   étaient très courantes à l'époque et avaient une autre signification que

 11   dans le contexte actuel.

 12   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre permission,

 13   paragraphe 2 de la page 36, c'est toujours là que nous en sommes.

 14   Q.  Monsieur Donia, dans cette partie de votre rapport, vous parlez de la

 15   présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. A quelle personne

 16   faites-vous référence par cette expression ?

 17   R.  La communauté croate d'Herceg-Bosna a mis en place une présidence

 18   collective lors de sa création, donc je fais référence à cet organe

 19   collectif.

 20   Q.  Dans votre rapport, à divers endroits, vous utilisez également le sigle

 21   HVO et un autre sigle qui en français serait CCHB, Communauté croate

 22   d'Herceg-Bosna. Que veulent dire ces sigles ?

 23   R.  Encore une fois, sans avoir le rapport sous les yeux, je ne saurais

 24   vous répondre précisément.

 25   M. SCOTT : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, je

 26   demande à la Chambre d'autoriser M. Donia à lire le paragraphe 1 de la page

 27   36.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Avant de rendre votre décision, Monsieur le


Page 1830

  1   Président, j'aimerais qu'après toutes ces années, j'aimerais entendre M.

  2   Donia nous dire qu'il sait ce que veut dire le sigle HVO. Est-ce qu'il y a

  3   plusieurs significations à ce sigle ? Si c'est le cas, alors, le problème

  4   est différent. J'espère aussi qu'il connaît la signification des sigles HZ

  5   HB. 

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est une question que les Juges évidemment

  7   aimeraient avoir comme réponse. Pour vous, c'est quoi le HVO ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Le HVO était un organisme qui avait été créé

  9   pour réunir les directions militaires et civiles de la communauté croate

 10   d'Herceg-Bosna.

 11   M. SCOTT : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin la

 12   pièce P 00152, à présent.

 13   Q.  Est-ce que vous pouvez dire aux Juges quel est ce document exactement ?

 14   R.  Il s'agit de la traduction anglaise de la déclaration qui a paru dans

 15   le journal officiel et qui porte création du HVO, Conseil croate de la

 16   Défense.

 17   Q.  Le titre de ce document, Monsieur ? J'aimerais que l'on voie à l'écran

 18   d'ailleurs ?

 19   R.  Bien comme de nombreux documents parus en septembre 1992, il portait

 20   sur des décisions ou des proclamations faites antérieurement et, dans ce

 21   cas, il s'agit de la date du 8 avril 1992.

 22   Q.  A peu près au même moment --

 23   M. SCOTT : [interprétation] Je demanderais l'aide du Greffe pour que l'on

 24   soumette au témoin le document P 09543, à présent. Encore une fois,

 25   Monsieur le Président, je vais devoir demander le versement de ce document

 26   avec enregistrement aux fins d'identification uniquement car nous attendons

 27   toujours la traduction de ce document. Pour le moment, cette traduction

 28   n'est pas disponible.


Page 1831

  1   Q.  Monsieur, pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé à peu près à ce

  2   moment-là, eu égard à ce que le gouvernement de Bosnie a fait pour créer un

  3   bras armé ou une force armée en Bosnie-Herzégovine ? Je parle du

  4   gouvernement de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, bien sûr.

  5   R.  Ceci est un journal du 16 avril 1992 et le titre se trouve au milieu de

  6   la page, au milieu dans le tome dans la deuxième colonne. Nous lisons, je

  7   cite : "Toutes les formations chez les commandements de la Défense

  8   territoriale." Donc, il s'agit d'une annonce émanant de la présidence de

  9   Bosnie-Herzégovine selon laquelle toutes les formations armées du pays

 10   devraient être placées du commandement des forces de la Défense

 11   territoriale à Sarajevo. 

 12   Q.  Ce qui, à l'époque ou plus tard, incluait le HVO ?

 13   R.  Je ne sais pas. Je n'en suis pas sûr, pas absolument sûr, non.

 14   Q.  Très bien. Nous pourrions y revenir un peu plus tard. J'ai oublié de

 15   vous demander quelle était la date de ce document ?

 16   R.  La date de parution de ce journal est le 16 avril 1992. Quant à

 17   l'annonce -- ou plutôt, la proclamation dont j'ai parlé date du 15 avril

 18   1992.

 19   Q.  Professeur Donia, j'aimerais à présent que nous abordions le dernier

 20   sujet dont vous traitez dans votre rapport. Vous parlez de ce que vous

 21   appelez l'accord de Graz; pourriez-vous dire aux Juges dans quelles

 22   conditions cet accord a été conclu ?

 23   R.  Au début du mois de mai 1992, Mate Boban et Radovan Karadzic se sont

 24   rencontrés dans la ville de Graz en Autriche pour élaborer une division de

 25   la Bosnie-Herzégovine, sur base territoriale, qu'ils ont baptisé accord de

 26   paix. Ceci s'est fait, semble-t-il, sans qu'aucun des dirigeants des

 27   Musulmans de Bosnie n'en soient informés et sans qu'aucun d'entre eux ne

 28   participent à cette réunion, donc, un accord a été conclu selon lequel


Page 1832

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 1833

  1   cette division en dehors de la zone située près de Mostar et longeant la

  2   Neretva, donc, selon laquelle à cette exception près la division

  3   permettrait de créer un petit territoire sur lesquels les Musulmans de

  4   Bosnie pourraient exercer leur contrôle.

  5   Q.  Très bien.

  6   M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais maintenant demander au Greffe

  7   d'afficher la pièce P 00187 à l'écran. Ce document comporte plusieurs

  8   pages, donc, je vous demanderais de vous pencher peut-être sur la page

  9   précédente, la page qui précède celle qui est actuellement à l'écran. Je

 10   remercie la régie.

 11   Q.  Je vous demanderais maintenant, Professeur Donia, de vous concentrer

 12   sur le haut de cette page. Vous avez dit il y a un instant que nous

 13   parlions d'une espèce d'accord de paix ou, plus précisément, dans votre

 14   réponse, il y a un instant, vous avez dit que selon cet accord une petite

 15   zone faisait exception qui se trouvait aux abords de Mostar le long de la

 16   Neretva. Alors, revenons maintenant à la pièce que je viens de demander,

 17   est-ce que ceci se retrouve aux paragraphes 1 et 2 de ce document,

 18   l'existence de points de vue divergents sur cette question ?

 19   R.  Oui. Aux paragraphes 1 et 2, nous voyons la définition de la

 20   divergence.

 21   Q.  Pouvez-vous nous dire --

 22   M. SCOTT : [interprétation] Je demande d'abord que l'on affiche la pièce P

 23   00192 avant de poser ma question. Je demande à la régie d'avancer de

 24   plusieurs pages dans ce document. Le passage que je cherche est peut-être

 25   en page 3, numéro ERN 00332081, s'il vous plaît. On me dit à l'instant

 26   qu'il doit s'agir de la page 4 de ce document. Je demande à Mme

 27   l'Huissière, pour régler le problème, de placer la copie papier que je

 28   viens de lui remettre sur le rétroprojecteur, à côté du témoin.


Page 1834

  1   Je parle bien toujours de la pièce P 00192 --

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Le Juge Trechsel veut poser une question qui parle

  3   d'une question qui va vous être posée.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai une question à poser qui

  5   s'adresse sans doute à l'Accusation. Nous avons ici le document 192 et la

  6   version anglaise semble être la photocopie d'une photocopie, d'une

  7   troisième photocopie, peut-être. Alors que la version en B/C/S a l'air de

  8   sortir tout droit d'un ordinateur -- de l'imprimante d'un ordinateur.

  9   Alors, quelle est l'explication de cela ? Est-ce que le document a été

 10   publié en anglais ? Est-ce qu'ils ont fait paraître un document rédigé en

 11   anglais ?

 12   M. SCOTT : [interprétation] Je ne voudrais pas qu'on m'accuse de témoigner.

 13   Donc, je parle sous le contrôle des Juges, mais, d'après ce que j'ai

 14   compris, une partie de ce document était destinée à la communauté

 15   internationale d'où la rédaction d'une version en anglais. Je ne dirais pas

 16   que je suis absolument sûr, mais je crois savoir, avec un certain degré

 17   d'incertitude également, que la traduction en B/C/S a l'air très fraîche et

 18   qu'elle est le fruit du travail de la section de traduction du Tribunal

 19   pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] "Havla", en langue originelle.

 21   Merci.

 22   M. SCOTT : [interprétation] Je vous en prie.

 23   Q.  Monsieur, je n'ai pas sur mon écran l'image qui est sur le

 24   rétroprojecteur. En tout cas, il semblait, qu'à l'époque, que la position,

 25   vis-à-vis, de l'accord de Graz allait dans un sens qui visait à annuler les

 26   résultats du référendum ou à contrer les projets d'indépendance ?

 27   R.  Oui. Enfin, excusez-moi. J'ai une crainte de tout. C'est une

 28   appréciation qui a été faite dans la presse par Ian Greer et associés, qui


Page 1835

  1   étaient les représentants d'une agence de relations publiques employée par

  2   le SDS.

  3   Q.  Pouvez-vous dire aux Juges, je vous prie, quels sont les mots dans ce

  4   texte sur lesquels vous appuyez votre commentaire ?

  5   R.  Au troisième paragraphe, je cite, "L'accord abroge le mandat fourni par

  6   le référendum sur l'indépendance bosniaque pour l'autodétermination de

  7   l'Etat bosniaque. Au lieu de cela, le mandat est abrogé. La Bosnie sera

  8   divisée en trois Etats séparés qui verront le jour, suite à cela."

  9   Q.  Monsieur, pourriez-vous vous dire aux Juges si cet accord a été admis

 10   par la communauté internationale et si elle a été appliquée à quelques

 11   moments que ce soit ?

 12   R.  Non. En fait, il a provoqué une réaction assez furieuse et très rapide

 13   de la part des négociateurs qui ont déclaré qu'aucun accord ne peut être

 14   conclu sans que les trois parties y participent et qui ont refusé

 15   d'admettre l'offre par Boban et Karadzic d'arbitrer ce différent dans la

 16   vallée de la Neretva.

 17   Q.  Monsieur, pourriez-vous enfin, dire aux Juges si, à votre connaissance,

 18   l'un ou l'autre des représentants du groupe ethnique musulman si je puis me

 19   permettre de l'appeler ainsi, enfin, s'il y a eu participation des

 20   Musulmans aux négociations ayant conduit à l'accord de Graz ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Professeur Donia, je vous remercie.

 23   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président,  je n'ai plus de

 24   questions à poser au témoin. Je demanderais le versement au dossier des

 25   pièces le moment venu, au moment que vous jugerez le plus important,

 26   Monsieur le Président. Je vous remercie.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous constatons que l'interrogatoire principal est

 28   calmé. Il est l'heure de faire le break.


Page 1836

  1   Quinze secondes pour Maître Kovacic.

  2   M. KOVACIC : [interprétation] Vous avez annoncé qu'hier, dans le cadre de

  3   la rotation prévue au conseil de la Défense, j'étais censé m'exprimer en

  4   premier pour le contre-interrogatoire. Je voudrais simplement vous faire

  5   savoir que les conseils se sont entendus sur leur ordre de passage pour le

  6   contre-interrogatoire d'aujourd'hui, à savoir que tous les conseils ont

  7   délégué tout le temps qui leur est imparti au conseil représentant Jadranko

  8   Prlic et Valentin Coric, à savoir, Me Karnavas et Me Jonjic. Ces deux

  9   derniers se sont, eux-mêmes, entendus sur la répartition du temps entre

 10   eux.

 11   Suite à cela, et uniquement au cas où il resterait un peu de temps

 12   sur le temps que vous impartirez à la Défense, les conseils de Bruno Stojic

 13   et de Milivoj Petkovic, prioritairement, ainsi que d'autres, le cas

 14   échéant, s'il reste encore un peu de temps pourraient poser quelques

 15   petites questions supplémentaires, mais uniquement s'il reste du temps.

 16   Puis, troisième remarque, nous respecterons dans tous les cas le

 17   cadre temporel qui nous est imparti, mais j'aimerais demander, Monsieur le

 18   Président, que vous nous fassiez savoir quel sera ce temps. Cela, c'est la

 19   première chose. En effet, il est maintenant 15 heures 20 et l'Accusation a

 20   annoncé deux heures d'interrogatoire principal. C'est sur cette base que

 21   les conseils de la Défense ont travaillé hier, lors de leur tentative de

 22   répartition du temps et apparemment, le temps que l'Accusation a utilisé a

 23   pratiquement doublé. Donc, suite à cela, la Défense s'attend à se voir

 24   attribuer le même temps car il est tout à fait clair qu'il ne peut être

 25   admissible qu'un dépassement du temps octroyé à l'Accusation par celle-ci

 26   finisse par nuire à la Défense. Mais comme vous l'avez déjà dit vous-même,

 27   si nous recevons le double du temps, cela nous mène à la fin de la journée

 28   de demain car en l'état actuel des choses, notre fond temporel a déjà été


Page 1837

  1   utilisé par l'Accusation, à l'heure actuelle. Donc, en tout état de cause,

  2   nous estimons qu'il doit nous être octroyé, au minimum, autant de temps que

  3   le temps qui a été octroyé à l'Accusation aujourd'hui, et ce,

  4   indépendamment des conditions dans lesquelles le contre-interrogatoire

  5   pourra se terminer.

  6   Voilà, c'est tout ce que j'avais à vous dire pour le moment, Monsieur

  7   le Président. Mais, bien sûr, comme tous mes confrères, je reste à votre

  8   disposition en cas de questions de votre part.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Juriste de la Chambre, qui a réagi

 10   rapidement au moment où l'on a communiqué que le Procureur avait utilisé

 11   trois heures 31 minutes, donc, par rapport à ce qui avait été annoncé hier,

 12   il y a une heure et demie de supplément. A partir de maintenant jusqu'à,

 13   demain, en théorie, 13 heures 45, la Défense disposerait de pratiquement de

 14   cinq heures et demie de temps puisqu'il va nous rester une heure et demie

 15   maintenant, plus les quatre de demain, donc, cela fait cinq heures et

 16   demie.

 17   Ce qui fait que la Défense aurait par ce calcul globalement, deux

 18   heures de plus que l'Accusation.  Bien. Alors, réfléchissez au problème.

 19   Mais, a priori, disposant de deux heures de plus et ayant réparti le temps

 20   de parole, normalement, on devait pouvoir clôturer demain à 13 heures 45.

 21   Bon. On en reparlera tout à l'heure, il est 15 heures 20. Nous

 22   reprendrons à 15 heures 40.

 23   --- L'audience est suspendue à 15 heures 23.

 24   --- L'audience est reprise à 15 heures 45.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, avant de donner la parole à Me Karnavas, une

 26   petite précision concernant M. Scott.

 27   Monsieur Scott, les pièces qui ont été énumérées dans tout ce document,

 28   vous en demandez maintenant l'admission ou vous attendez la fin du contre-


Page 1838

  1   interrogatoire pour en demander l'admission ? A quel moment vous vous

  2   situez ?

  3   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je peux le faire

  4   maintenant. Je voulais simplement tenir compte du temps, mais je peux le

  5   faire maintenant. Sauf si le Greffe en a besoin, je ne vais pas donner tous

  6   les zéros, il y a la pièce 2, la pièce 13, la pièce 31, la pièce 89, la

  7   pièce 116, la pièce 117, la pièce 132, la pièce 152, la pièce 187, la pièce

  8   192, la pièce 302, la pièce 505, la pièce 1043, la pièce 8060, 8630, pour

  9   identification en attendant la traduction, la pièce 8632, là aussi

 10   provisoire en attendant la traduction, la pièce 9356, la pièce 9537, en

 11   attente de la traduction là aussi, la pièce 9538, la pièce 9539, en attente

 12   de traduction, la pièce 9540 aussi en attente de traduction, la pièce 9541

 13   en attente de traduction, la pièce 9542, en attente de traduction, 9543 en

 14   attente de traduction, 9544, là aussi nous attendons la traduction, 9546,

 15   ce sont les quatre cartes, et 9547, là aussi nous attendons la traduction.

 16   Il se peut que j'aie aussi la pièce 9276; c'était la carte des régions

 17   autonomes serbes.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Bien, sans doute un petit lapsus,

 19   vous avez parlé de la 5956. Vous avez dit 5956. Je pensais que vous vouliez

 20   dire 9536; c'est bien cela ?

 21   M. SCOTT : [interprétation] Oui, excusez-moi, je me suis trompé.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors concernant la liste des pièces, il y a

 23   un certain nombre de pièces en attente de la traduction, donc le Greffier

 24   donnera un numéro aux fins d'identification.

 25   Il y a une pièce dont nous réservons notre décision parce qu'on va en

 26   délibérer à l'issue du contre-interrogatoire, c'est la pièce P 9536, qui

 27   est le rapport de l'expert. Donc, nous attendrons la fin du contre-

 28   interrogatoire pour dire ce que nous ferons.


Page 1839

  1   En revanche, les autres documents que vous avez cités, documents

  2   d'origines diverses, d'ailleurs, peuvent être, en l'état, admis.

  3   Alors, Monsieur le Greffier.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  5   Voici les documents admis aujourd'hui au dossier : P 0002, P 0013, P 0031,

  6   P 0089, P 00116, P 00117, P 00132, P 00152, P 00187, P 00192, P 00302, P

  7   00505, P 01043, P 08060, P 9356. Excusez-moi, 9536 ou 9356, P 09538 et P

  8   09276. En vertu de la décision prise par la Chambre, ces documents que je

  9   vais citer maintenant recevront une cote provisoire. Voici les références :

 10   P 08630, P 08632, P 09537, P 09538, P 09539, P 09540, P 09541, P 09542, P

 11   09543, P 09544, P 09547, cotes provisoires en attente de la traduction

 12   fournie par le Greffe.

 13   Enfin, le rapport du témoin expert, la pièce P 09536 ne sera prise

 14   qu'en vertu de la décision que vous prendrez.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi si je joue un rôle de

 16   professeur, mais je pense que vous avez aussi fait une petite erreur. Vous

 17   avez dit P 095 ou 0940; en fait, vous vouliez parler de la pièce 09540.

 18   Ceci se trouve à la page 8.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Désolé, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Scott.

 21   M. SCOTT : [interprétation] Je ne veux pas abuser de votre temps. Il ne

 22   reste plus qu'une confusion, et je suis peut-être le seul à en souffrir. On

 23   a fait référence à la ligne 4, page 106, de la pièce 9356, et on a de

 24   nouveau la pièce 9536. Je ne pense pas qu'on avait une pièce qui portait le

 25   numéro 9356. Est-ce que cela pourrait être la pièce 9256 [comme

 26   interprété] ?

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le rapport d'expert, c'est 9536, donc il n'y a

 28   aucune confusion. C'est cette pièce qui fera l'objet d'une délibération


Page 1840

  1   ultérieure.

  2   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors je vais maintenant donner la parole à Me

  4   Karnavas. Pendant la pause, nous avons parlé très rapidement, nous avons

  5   décidé de donner à la Défense deux heures de plus qu'à l'Accusation. Etant

  6   observé que la Défense aura, le moment venu, le droit de citer son propre

  7   témoin historique, donc vous aurez aussi largement le temps de compléter

  8   l'insuffisance du contre-interrogatoire si vous l'estimez, par vos propres

  9   témoins.

 10   Allez-y, Maître Karnavas.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

 12   vais essayer de résumer les quatre jours que j'avais prévus en cinq heures.

 13   Ce sera une sacrée gageure. 

 14   Contre-interrogatoire par M. Karnavas :

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 16   R.  Bonjour.

 17   Q.  Je suppose que vous êtes à même de poursuivre.

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Soit dit en passant, je vous félicite d'avoir publié ce nouveau livre

 20   qui vient de sortir de presse à Sarajevo.

 21   R.  Merci.

 22   Q.  Je suppose que vous n'avez pas apporté d'exemplaire que nous pourrions

 23   examiner d'ici à demain, que nous pourrions, disons, qui nous permettrait

 24   de poser des questions ?

 25   R.  J'attendrais que vous l'achetiez.

 26   Q.  D'accord. Mais je veux dire, vous ne l'avez pas ici à La Haye, n'est-ce

 27   pas ?

 28   R.  Non.


Page 1841

  1   Q.  Vous n'avez pas apporté d'exemplaire à l'intention de l'Accusation pour

  2   qu'elle l'examine ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Je suppose que le Procureur n'a pas demandé d'exemplaire --

  5   M. SCOTT : [interprétation] Il attend aussi que je l'achète

  6   personnellement.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation]

  8   Q.  Cela s'appelle l'économie de marché ou plutôt l'économie centralisée du

  9   temps de l'ex-Yougoslavie, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Quelques mots en ce qui concerne vos qualifications. On a entendu votre

 12   curriculum vitae ce matin, mais entrons dans le cœur du sujet. Vous avez un

 13   doctorat de l'Université du Michigan, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Comme nous parlons la même langue, il faudra peut-être faire des

 16   pauses. Hier, j'ai été rappelé à l'ordre effectivement, ce n'était pas

 17   facile pour les interprètes et j'étais le premier coupable.

 18   Je pense que votre doctorat, votre thèse portait sur un sujet très

 19   spécialisé, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Votre thèse portait sur quelle période de temps, quelle époque ?

 22   R.  Vous parlez de temps concerné, de l'époque concernée ?

 23   Q.  Oui.

 24   R.  Ma thèse portait sur la période qui va de 1878 à 1914.

 25   Q.  En Bosnie ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  On parlait des Musulmans de Bosnie au cours de cette période-là ?

 28   R.  Oui.


Page 1842

  1   Q.  Vous n'avez pas évoqué des périodes précédentes, périodes qu'on

  2   pourrait retrouver dans votre rapport qui ont fait l'objet de dépositions,

  3   de témoignages antérieurs de votre part, n'est-ce pas, dont vous auriez

  4   parlé dans un autre livre ?

  5   R.  Non. C'est exact. Je n'ai pas parlé d'une période antérieure à la date

  6   de 1878.

  7   Q.  Vous n'avez pas parlé de périodes postérieures. Vous vous êtes arrêté à

  8   cette date ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Donc, avant la Deuxième Guerre mondiale, pendant celle-ci, après celle-

 11   ci, la dissolution de la Yougoslavie; tout ceci n'est pas mentionné dans

 12   votre thèse de doctorat ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Lorsqu'on écrit une thèse, on s'intéresse à la région ou au domaine ?

 15   R.  Oui. La plupart des thèses sont très bien circonscrites en fonction de

 16   la zone, de la chronologie des événements et des sujets.

 17   Q.  Et vous avez un directeur de thèse qui vous guide un peu dans ce

 18   processus. Je dis un; cela peut être plusieurs ?

 19   R.  Exact.

 20   Q.  Si vous avez un directeur de thèse, c'est pour veiller à ce que la

 21   recherche soit effectuée en bonne et due forme ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Vous citez les sources qu'il faut citer; celles-ci sont citées en bonne

 24   et due forme ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Donc ce n'est pas retiré de son contexte, notamment.

 27   R.  Notamment.

 28   Q.  On veille à ce que vous ayez bien lu ces sources que vous citez. Vous


Page 1843

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 1844

  1   devez d'abord les examiner pour repérer un choix, pour voir ce que vous

  2   allez laisser de côté et ce que vous choisirez pour une raison ou une autre

  3   ?

  4   R.  Oui. En général, un directeur de thèse vous aide à arrêter une

  5   stratégie de recherche, donc toute la littérature scientifique et d'autres

  6   ressources, autres sources.

  7   Q.  Et c'est un processus assez laborieux ?

  8   R.  Exact.

  9   Q.  Je suppose qu'il y a beaucoup de notes de bas pas dans ce genre de

 10   thèse ?

 11   R.  En général, oui.

 12   Q.  Si on examine une note, si on vérifie sa teneur, on y verra exactement

 13   la raison de sa citation ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Fort bien. Dernière question sur ce sujet. Je suppose que pendant toute

 16   cette durée de ce processus, on acquiert une certaine méthode, comment

 17   procéder à cette recherche, comment faire une rechercher sur tel ou tel

 18   sujet précis ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Je suppose que cette méthode sera une méthode que vous pourriez

 21   utiliser ultérieurement à d'autres fins.

 22   R.  Effectivement, mais je dirais qu'il n'y a pas une seule méthode qui

 23   soit unique à toutes les recherches historiques ou à toutes les thèses de

 24   doctorat, d'ailleurs.

 25   Q.  Il y a diverses méthodes ?

 26   R.  Oui, diverses méthodes et diverses façons de présenter un sujet.

 27   Q.  Il y a aussi diverses écoles d'historiens ?

 28   R.  Oui.


Page 1845

  1   Q.  En fonction du groupe dont vous relevez, auquel vous appartenez, les

  2   conclusions que vous allez tirer à l'issue de ce processus seront peut-être

  3   différentes ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Je vais revenir dans un instant, mais je voulais insister sur ce point.

  6   Des historiens raisonnables sont peut-être d'accord pour ne pas être

  7   d'accord. Vous auriez déjà entendu cette maxime ici à La Haye, et j'ai ici

  8   parcouru les différents comptes rendus de vos dépositions, mais vous l'avez

  9   reconnu, n'est-ce pas ?

 10   R.  Je vous félicite et je sympathise avec vous pour avoir parcouru tous

 11   ces comptes rendus d'audience. Mais je l'ai reconnu et je le reconnais

 12   maintenant; souvent, les historiens ne sont pas d'accord au niveau de

 13   l'interprétation.

 14   Q.  Du même événement ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  A partir des mêmes données qu'ils ont examinées ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Même si certains décident d'exclure certaines données, de ne pas les

 19   utiliser ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Certains vont mettre l'accent sur tel ou tel aspect de ces données

 22   davantage que sur d'autres ?

 23   R.  Oui. Mais c'est en fonction de la formulation du libellé de leur

 24   question et de la méthode qu'ils utilisent pour exposer leur travail.

 25   Q.  Depuis cette thèse, vous avez publié un ouvrage, n'est-ce pas, en

 26   1994 ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Vraiment, c'est le chaos qui régnait en Bosnie-Herzégovine à ce moment-


Page 1846

  1   là ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Vous étiez toujours, à l'époque, employé par Merrill Lynch.

  4   R.  Oui.

  5   Q.  A l'attention de ceux qui ne connaissent pas cette société Merrill

  6   Lynch, qui n'ont pas la chance de pouvoir investir dans cette société,

  7   qu'est-ce que c'est ?

  8   R.  C'est une société d'investissement ou de services financiers très

  9   diversifiés avec des transactions au niveau mondial, mais surtout basées

 10   aux Etats-Unis.

 11   Q.  Après avoir obtenu votre doctorat, vous avez enseigné pendant quatre

 12   ans, après quoi vous avez travaillé pour Merrill Lynch ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Ce sont là des activités différentes, c'est là une mutation

 15   spectaculaire.

 16   R.  Oui. C'est tout à fait différent.

 17   Q.  Est-il juste de dire que certains des outils que vous avez acquis au

 18   moment de votre doctorat ne se sont pas nécessairement révélés utile ou

 19   n'ont pas été appliqués dans votre travail pour Merrill Lynch ?

 20   R.  J'en ai utilisés certains.

 21   Q.  Vous avez utilisé la logique, le bons sens, pour analyser des

 22   documents, bien entendu. C'est toujours utile, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Mais vous ne faisiez pas une évaluation de risques pour tel ou tel

 25   pays, pour voir s'il faudrait investir dans telle ou telle région ou dans

 26   votre pays comme l'ex-Yougoslavie, ce qui pourrait vous donner une longueur

 27   d'avance sur d'autres; le fait que vous connaissiez cette région vous

 28   aurait donné cette longueur d'avance ?


Page 1847

  1   R.  Non.

  2   Q.  On serait en droit de dire - corrigez-moi, bien sûr, comme vous le

  3   voulez, mais on serait en droit de dire qu'au cours de cette période, à

  4   toutes fins utiles, vous dans ce nouvel emploi qui était le vôtre, dans

  5   votre nouvelle vocation, c'est sur celle-ci que vous vous étiez concentré ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Si vous voulez, l'histoire c'était un hobby, un loisir ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  De temps en temps dans ce cadre, vous avez fait l'analyse d'ouvrages

 10   récemment parus et publiés par d'autres ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Vous dites que dans ce livre que vous avez écrit en 1994, c'était

 13   davantage qu'un passe-temps ou une activité accessoire, c'était vraiment un

 14   travail plutôt universitaire ?

 15   R.  Je ne suis pas d'accord avec cette qualification. Disons que je me suis

 16   servi de méthodes universitaires de recherche, mais j'avais en tête un

 17   lectorat un petit plus diversifié, pas seulement des universitaires.

 18   Q.  Oui, effectivement. Quand on utilise une méthode universitaire, ce

 19   n'est pas la même chose que de produire un texte destiné à des chercheurs

 20   ou à un personnel universitaire ?

 21   R.  C'est vrai.

 22   Q.  Voici ce que je veux dire. Quand vous regardez ce livre, je l'ai lu

 23   d'ailleurs, je l'ai acheté. Je vous le dis en passant.

 24   R.  Merci.

 25   Q.  Lorsque je regarde ce livre, je vois qu'il y a beaucoup de notes de

 26   base qui manquent, et parce que vous faites une affirmation assez à

 27   l'emporte-pièce, mais ce n'est pas soutenu et étayé par des notes. Est-ce

 28   que c'est vrai de ce livre ?


Page 1848

  1   R.  Oui, je crois que nous avons essayé de minimiser tout cet appareillage

  2   universitaire. Nous n'avons pas voulu y mettre autant de notes de bas de

  3   page, non plus une longue biographie.

  4   Q.  Je suis un peu un fétichiste en matière de notes de bas de page. J'aime

  5   bien aller les voir et les regarder pour vérifier pour bien être sûr que ce

  6   que vous citez est bien pertinent, important. Dans ce livre, je ne pourrais

  7   pas le faire. Bon, je ne veux pas ici en réduire la valeur, mais je ne peux

  8   pas vérifier. Je ne peux pas voir si ce que vous affirmez est effectivement

  9   un fait qui s'appuie sur des données.

 10   R.  Effectivement, mais nous avons un peu élagué cet aspect de la méthode

 11   plus universitaire, et s'y trouvent dans ce livre, effectivement, beaucoup

 12   de choses qui sont plutôt des affirmations, des généralités, des questions

 13   de compréhension. Bon, si vous êtes fétichiste en matière de notes infra

 14   paginales, oui, effectivement, vous ne serez pas satisfait, vous ne

 15   trouverez pas beaucoup de choses qui viennent étayer ce que j'ai dit dans

 16   le corps même du texte.

 17   Q.  Oui, pour ce qui est de cette affirmation générale, vous êtes d'accord

 18   pour souligner, parce qu'il y a beaucoup d'affirmations générales que vous

 19   présentez dans ce texte ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Ce livre a été publié en 1994. Vous travaillez toujours à temps plein,

 22   je pense, pour Merrill Lynch ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Un travail quand même assez exigeant ?

 25   R.  C'est vrai.

 26   Q.  D'autant, si j'ai bien compris, que vous étiez disons à un niveau assez

 27   -- un cadre supérieur; donc, en fonction du principe responsabilité de la

 28   voie hiérarchique, vous deviez veiller à ce que des gens qui vous étaient


Page 1849

  1   subordonnés fassent leur travail ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Pourtant au cours de cette période, vous avez eu le temps d'écrire

  4   enfin un livre avec votre directeur de thèse d'alors et je suppose que vous

  5   avez dû aller en Bosnie-Herzégovine, aussi bien à Sarajevo, pour faire une

  6   recherche vraiment originale, primaire ?

  7   R.  Non. Dans ce livre, nous avons essayé de faire un récit, de présenter

  8   un texte qui n'était pas basé nécessairement sur une recherche originale,

  9   mais qui puisait dans des ressources déjà existantes, par exemple, le

 10   travail qu'on a fait pour la Radio Free Europe, l'Europe libre, des

 11   reportages vraiment de cette radio. Voilà.

 12   Q.  Là, vous dites que ce n'était pas "basé sur énormément de recherches

 13   primaires." Je suppose que vous avez quand même fait une recherche

 14   originale, peut-être pas tout mais certains éléments étaient nouveaux ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire quels étaient les nouveaux éléments de

 17   recherche que vous avez faits ?

 18   R.  J'ai parlé de ces reportages de la Radio Free Europe, qu'il y a eu au

 19   cours des années 1980 jusqu'au début des années 1990 pendant toute cette

 20   période. J'ai aussi examiné, étudié certains documents venant des périodes

 21   antérieures. Par exemple, les rapports issus des recensements qui nous

 22   montraient l'évolution démographique, historique de la Bosnie-Herzégovine,

 23   sa composition ethnique. Entre autres, mais je voudrais vous présenter ces

 24   éléments comme étant les éléments les plus significatifs.

 25   Q.  Mais ce sont des sources secondaires. Ce n'est pas une recherche

 26   primaire, disons, originale ?

 27   R.  Je dirais que ces rapports de recensement sont des sources primaires.

 28   La distinction qu'il faut opérer entre une source primaire et une source


Page 1850

  1   secondaire en matière de recherche, c'est une distinction souvent difficile

  2   à opérer.

  3   Q.  Nous allons en parler.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Mais j'ai un petit problème technique,

  5   Monsieur le Président. Excusez-moi. Je ne sais pas -- j'ai appuyé sur

  6   quelque chose, je ne sais pas quoi. Peu importe.

  7   Q.  Nous parlions de votre livre. Nous parlions de la distinction qu'il y a

  8   entre des sources secondaires et primaires. Pour vous, une source primaire,

  9   qu'est-ce que c'est ?

 10   R.  Bien, la définition usuelle est celle de dire que c'est un document

 11   produit par un participant direct à un événement.

 12   Q.  D'accord.

 13   R.  Je vous dis que c'est là que la division est un petit peu floue parce

 14   qu'il y a bon nombre de sources primaires qui existent peut-être quelque

 15   part dans des archives mais qui sont publiées verbatim dans un recueil et

 16   c'est encore considéré comme une source primaire.

 17   Par conséquent, les sources secondaires, ce sont les travaux effectués par

 18   d'autres universitaires qui ont étudié telle ou telle question, telle ou

 19   telle source, et qui tirent des conclusions suite à cet examen qu'ils ont

 20   fait.

 21   Q.  Parlons d'abord des sources primaires. Je suppose que vous parlez des

 22   acteurs, des protagonistes des événements. Pour ce qui est de ce livre que

 23   vous avez écrit en 1994, certains des protagonistes, si vous aviez été à

 24   Sarajevo, vous avez parlé à M. Izetbegovic ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Est-ce qu'il n'était pas disponible à l'époque ?

 27   R.  Avant de terminer la rédaction de ce livre, je ne suis jamais allé à

 28   Sarajevo.


Page 1851

  1   Q.  Vous avez écrit ce livre de loin ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  On peut dire que pour ce livre-là, vous n'avez pas eu d'entretiens,

  4   tête-à-tête, en tête-à-tête, d'interviews ?

  5   R.  Je n'en n'ai pas le souvenir.

  6   Q.  Mais après avoir rassemblé les documents que vous avez pu obtenir, il

  7   vous était possible de tirer des conclusions générales ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Bien. Passons maintenant ici au TPIY. Vous avez dit que c'était la

 10   huitième fois que vous comparaissiez en tant que témoin ?

 11   R.  Je pense que c'est exact.

 12   Q.  La première fois, c'était la première fois que vous étiez témoin

 13   expert, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Tout du moins dans ce contexte ?

 16   R.  Oui. C'est la toute première fois de toute façon.

 17   Q.  Etant novice à l'époque, il se peut que vous ne sachiez pas à quoi vous

 18   attendre, ce qu'on attendait de vous en votre qualité de témoin expert ?

 19   R.  Je ne sais pas si j'étais vraiment novice.

 20   Q.  Mais vous avez dit que vous n'aviez pas comparu avant ?

 21   R.  Vous voulez dire "novice" en tant que témoin expert ?

 22   Q.  Oui.

 23   R.  A présent, j'accepte ce que vous dites.

 24   Q.  Vous étiez novice, et je suppose qu'on a dû vous expliquer ce qu'on

 25   attendait de vous. Il a fallu qu'on le fasse pour que vous vous y

 26   prépariez ?

 27   R.  En tout cas, on m'a donné un cahier de charge, une mission qu'il me

 28   fallait exécuter. L'issue de ce processus a été ma déposition.


Page 1852

  1   Q.  Quand vous dites qu'ils vous ont donné un cahier de charge, vous parlez

  2   de l'acte d'accusation ?

  3   R.  Oui. On m'a donné l'acte d'accusation.

  4   Q.  Retournons un instant, pour voir. En général, cet acte d'accusation, il

  5   relate une certaine histoire. C'est un récit, en partie ?

  6   R.  Oui. Normalement, oui.

  7   Q.  Pourrait-on dire que c'est en fait l'histoire vue par l'Accusation qui

  8   est relatée dans cet acte d'accusation ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  L'Accusation allègue X, Y, Z, elle est peut-être erronée; en tout cas,

 11   c'est l'opinion qu'a l'Accusation ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  L'Accusation pense que la personne mise en cause est effectivement

 14   coupable et qu'elle peut en faire la preuve au-delà de tout doute

 15   raisonnable, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Il serait donc juste de dire que lorsque vous êtes venu ici, tout du

 18   moins, la première fois, et ceci sera vrai pour les autres fois, mais la

 19   toute première fois que vous êtes venu témoigner ici, l'Accusation n'a pas

 20   dit : voici des documents, examinez-les, et si vous avez besoin de quelque

 21   chose, dites-le-nous et donnez-nous au bout du compte un rapport d'expert ?

 22   Ce n'est pas ce que l'Accusation a fait, n'est-ce pas ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Si j'ai bien compris, dans le procès Blaskic, vous n'avez pas fourni de

 25   rapport, mais vous aviez des notes auxquelles vous vous êtes rapporté,

 26   n'est-ce pas ?

 27   R.  Je pense que j'avais effectivement une esquisse de 19 pages dont je me

 28   suis servi au cours de ma déposition, mais je n'avais pas de texte écrit.


Page 1853

  1   Q.  Mais pendant le procès, l'un des conseils de la Défense vous a demandé

  2   de fournir cet aperçu ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Mais je pense que vous l'avez examiné plus souvent que je l'ai fait

  5   aujourd'hui ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Très bien. Alors, vous êtes venu déposer dans l'affaire Kordic.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas, essayez de ralentir parce que les

  9   interprètes ont peut-être du mal.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien. Encore une fois, je présente mes

 11   excuses aux interprètes. Je viens de prendre un café et ceci m'a donné de

 12   l'élan. Je vais essayer de ralentir.

 13   Q.  Très bien. La fois d'après, c'était dans l'affaire Kordic que vous êtes

 14   venu déposer ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  A ce moment-là, vous n'étiez plus novice. Vous aviez déjà vu de quel

 17   genre de situations il s'agissait. Donc, ce n'était plus nouveau pour vous

 18   d'être un témoin expert.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Dans cette affaire, il est question du conflit entre les Musulmans et

 21   les Croates, et les points de l'espèce ressemblaient ou étaient

 22   relativement identiques ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Dans cette affaire, vous avez présenté un rapport.

 25   R.  Je l'ai fait.

 26   Q.  Mais il n'y avait pas de notes de bas de page ?

 27   R.  Il n'y avait pas d'appareillage universitaire. Il y avait juste

 28   quelques citations en bas de page dans le corps du texte.


Page 1854

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 1855

  1   Q.  Mais nécessairement, on ne doit pas produire un rapport qui a un niveau

  2   universitaire. Vous êtes d'accord avec moi que ce n'est pas nécessaire ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Mais le rapport lui-même, vous y avez fait des affirmations et il n'y

  5   avait aucun moyen dans ce rapport de savoir d'où ces affirmations venaient,

  6   comment elles étaient étayées, comment vous êtes arrivé à certaines

  7   conclusions ?

  8   R.  Certaines conclusions avaient à l'appui des citations qui étaient

  9   conclues dans le texte du rapport.

 10   Q.  Oui.

 11   R.  Bien entendu, le rapport commence très, très loin dans le temps, il

 12   remonte très loin dans le temps, dans l'histoire, et se termine avec

 13   l'actualité, la période contemporaine jusqu'au mois d'avril 1993.

 14   Q.  Très bien. Mais il n'y avait pas là des sources qui auraient permis aux

 15   conseils de les consulter, de vérifier certaines affirmations que vous

 16   faisiez, pour voir si ces affirmations étaient fondées sur des faits

 17   historiques, sur une date historique qui aurait pu être vérifiée.

 18   R.  Certaines affirmations avaient à l'appui des sources citées.

 19   Q.  Donc, ce sont des citations ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Mais je vous parle d'autre chose, parce que c'était un rapport plutôt

 22   long.

 23   R.  Oui. On ne m'a pas demandé d'ajouter des notes de bas de page.

 24   Q.  Vraiment ? Le Procureur vous a dit de ne pas faire des notes de bas de

 25   page ?

 26   R.  Le Procureur m'a dit de reprendre le récit historique que j'avais

 27   présenté oralement dans Blaskic, de le faire par écrit.

 28   Q.  Etait-ce M. Nice qui l'a fait ? Enfin, si vous ne vous souvenez pas --


Page 1856

  1   R.  Je ne me souviens pas.

  2   Q.  Mais vous seriez d'accord avec moi pour dire que pour un conseil de la

  3   Défense, il aurait été très difficile de vérifier les affirmations s'il n'y

  4   a pas de notes de bas de page ?

  5   R.  Je n'avais pas l'impression que cela leur posait problème.

  6   Q.  Mais vous n'avez pas répondu à ma question, n'est-ce pas ? Sans notes

  7   de bas de page, ce serait difficile de vérifier vos affirmations ?

  8   R.  Certaines d'entre elles.

  9   Q.  Très bien. Je vais accepter votre réponse. Nous n'avons pas de temps à

 10   gaspiller. Très bien. C'est quelque chose, c'est un point qui a été soulevé

 11   pendant le procès, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui. Il me semble que oui.

 13   Q.  En fait, c'est un conseil qui a parcouru le texte avec vous. C'était un

 14   contre-interrogatoire intéressant ?

 15   R.  Oui, c'était intéressant.

 16   Q.  Il vous a montré que non seulement il n'y avait pas de notes de bas de

 17   page, mais qu'il n'y avait pas d'analyses critiques de la part d'un autre

 18   confrère, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, c'est exact.

 20   Q.  Vers la fin de ce contre-interrogatoire plutôt intéressant, vous avez

 21   dû avoir la sensation de ce qu'il était nécessaire de faire pour la

 22   prochaine fois si on vous appelait à faire un rapport ?

 23   R.  Très certainement --

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   R.  -- la sensation que j'ai eue, c'est qu'il serait mieux d'appliquer un

 26   appareillage plus universitaire, que ce serait mieux.

 27   Q.  Très bien.

 28   R.  J'ai continué de le penser. Je pense que le Procureur a estimé que


Page 1857

  1   d'une certaine façon, ceci constituerait une entrave à une compréhension

  2   directe de l'exposé historique.

  3   Q.  Le Procureur a estimé que la Chambre de première instance, les membres

  4   très honorables de la Chambre de première instance ne seraient pas capables

  5   de comprendre le rapport s'il comportait des notes de bas de page ?

  6   R.  Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

  7   Q.  Très bien. Aidez-moi alors à comprendre.

  8   R.  Je pense que le Procureur avait la sensation que ceci allait entraver

  9   la communication directe, la communication des faits historiques de base.

 10   Q.  Vous avez, depuis, pondu des rapports avec des notes de bas de page, et

 11   de toute évidence, cela n'a pas empêché les Juges de les entendre, du moins

 12   pour ce que vous en sachiez ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Il me semble que dans l'affaire Stakic, je peux vous montrer le

 15   rapport, mais là, on vous a demandé s'il était important pour vous de faire

 16   des rapports exhaustifs si vous veniez déposer dans les affaires de cette

 17   ampleur.

 18   R.  Je ne me souviens pas de cela.

 19   Q.  Mais, vous vous souvenez qu'on vous a posé la question qui était de

 20   savoir si votre rapport était exhaustif ?

 21   R.  Non, je ne me souviens pas.

 22   Q.  Vous ne vous rappelez pas de votre réponse ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Très bien. Je vais vous demander quelque chose d'autre : il s'agit

 25   d'une affaire où des crimes importants sont jugés, des crimes sont

 26   allégués, vous ne pensez pas qu'un individu comme vous, un expert doit

 27   essayer d'être exhaustif et faire une recherche étendue avant de venir ici

 28   et soumettre son rapport ?


Page 1858

  1   R.  Je pense que cela dépend de la manière dont ma mission est formulée. Il

  2   faudra des centaines de pages pour être vraiment exhaustif, plusieurs

  3   volumes, peut-être, plusieurs tomes. Je ne pense pas que c'est l'objectif

  4   de ma déposition ici ou dans d'autres espèces.

  5   Q.  Donc, vous dites que votre rapport est exhaustif, celui que vous avez

  6   produit ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Très bien. Mais alors, est-ce que vous voulez dire que vous avez

  9   vérifié toutes les sources alternatives, toutes sources plausibles, tous

 10   les points de vue différents, éventuellement ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Est-ce que vous estimez qu'il serait important pour les Juges de la

 13   Chambre de première instance d'avoir ces éléments d'information pour voir

 14   avec quoi vous êtes d'accord, avec quoi vous n'êtes pas d'accord, et pour

 15   voir quel a été votre chemin, comment vous êtes arrivé à des conclusions ?

 16   R.  Je pense qu'il revient aux Juges de la Chambre de vous répondre. Disons

 17   que mon objectif était un peu plus limité que cela. Il s'agit, pour moi, de

 18   soumettre un récit qui peut être contesté des interprétations différentes,

 19   où des alternatives peuvent être présentées, mais encore une fois, je ne

 20   peux pas faire un rapport sur 200 pages ou qui comportent plusieurs tomes

 21   pour fournir un contexte historique --

 22   Q.  Très bien.

 23   R.  -- un rapport d'expert.

 24   Q.  Mais ce n'était pas ma question. Vous pensez qu'il serait important

 25   pour la Chambre de première instance d'avoir un rapport exhaustif produit

 26   par un historien tel que vous, et que c'est la raison pour laquelle vous

 27   venez ici, vous venez déposer ?

 28   R.  Non.


Page 1859

  1   Q.  Je pense que c'est un texte qui existe et qui est accessible, de

  2   nombreux auteurs ont écrit là-dessus.

  3   Très bien. Nous allons parler de cela. Je vais vous poser la question

  4   suivante. Dans cette espèce, comme dans d'autres espèces, l'Accusation vous

  5   a-t-elle fourni l'acte d'accusation avant de vous confier votre mission ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  C'est un texte plutôt long ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Je pense qu'ils vous ont donné la version modifiée qui est même plus

 10   longue.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Vous l'avez lue ?

 13   R.  Je l'ai lue.

 14   Q.  Vous l'avez lue avec toute l'attention ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Lorsque vous avez terminé la lecture, vous avez compris exactement

 17   quelle était la position, la thèse de l'Accusation ? Enfin, il serait

 18   difficile de ne pas le comprendre.

 19   R.  Sur des points qui sont abordés, je dirais, oui, j'ai bien compris la

 20   position de l'Accusation.

 21   Q.  Très bien. Dans ce cas en particulier, ils ne sont pas venus vous dire,

 22   Monsieur Donia, Docteur Donia, vous êtes l'expert, vous êtes l'historien.

 23   Il est évident que vous saurez quels sont les documents que nous avons

 24   besoin d'examiner. Vous savez à qui on doit s'adresser, quelles sont les

 25   sources primaires, quelles sont les sources secondaires. Ils ne vous ont

 26   pas dit, choisissez. Choisissez la liste et nous allons nous fournir cela.

 27   R.  Non. Ce n'est pas la mission qui m'a été confiée.

 28   Q.  Très bien. Ne vous ont-ils jamais dit, si vous avez besoin de quoi que


Page 1860

  1   ce soit, dites-le-nous ?

  2   R.  Si.

  3   Q.  Je suppose qu'au départ, ils vous ont nécessairement donné quelque

  4   chose, n'est-ce pas ? Ce qu'ils pensaient que vous en aviez besoin, n'est-

  5   ce pas ? Ce qu'ils pensaient la chance nécessaire pour vous rédiger ce

  6   rapport.

  7   R.  Non.

  8   Q.  Très bien.

  9   R.  En fait, j'ai demandé auprès du bureau du Procureur s'ils avaient

 10   certains documents et j'ai demandé qu'on les communique s'ils en avaient.

 11   Q.  Il s'agit de combien de documents --

 12   R.  J'ai demandé les plates-formes des différents partis politiques, du

 13   SDS, du HDZ et du SDA.

 14   Q.  Hm-hm.

 15   R.  En tout, 25 documents, je pense, que je n'avais pas examiné auparavant,

 16   et qui ont été mis en ma disposition sur des points précis.

 17   Q.  Très bien. Alors est-ce qu'ils vous ont communiqué une liste de

 18   documents dès le départ ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Très bien. Donc ils vous ont dit, voilà, de quoi avez-vous besoin ?

 21   Vous, vous avez dit, quelle est la liste de documents dont vous avez

 22   besoin ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Très bien. Est-ce que vous avez demandé une liste, un index pour savoir

 25   quels sont les documents qu'ils ont en leur possession ? Parce que

 26   l'Accusation se déplaçait en ex-Yougoslavie et elle a eu accès à

 27   différentes archives, n'est-ce pas ? Est-ce que vous leur avez demandé si

 28   vous pouviez avoir la liste de documents émanant des différentes archives,


Page 1861

  1   par exemple, de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, et cetera ? N'avez-vous

  2   jamais demandé ce genre de listes ?

  3   R.  Non. Mais la vie est trop courte. Ne serait-ce que dans une seule

  4   archive la liste serait trop longue.

  5   Q.  Très bien. Je suis d'accord avec vous là-dessus. Mais je suppose que si

  6   nous nous penchons sur des crimes de cette nature, si nous essayons

  7   d'attribuer la responsabilité pour certains événements, si nous essayons de

  8   situer cela dans un contexte historique, ne pensez-vous pas qu'il est

  9   nécessaire d'examiner tous les documents de toutes les parties pour placer

 10   les documents dans le contexte et pour les comprendre pleinement ?

 11   R.  Mais, comme je vous ai dit, ce n'était pas ce qui m'a été demandé.

 12   Q.  Je ne vous ai pas demandé -- est-ce qu'on vous a demandé ? Je vous

 13   demande si vous estimez que c'est important.

 14   R.  Je pense que c'est important pour cette Chambre, oui.

 15   Q.  Avez-vous demandé de voir la liste des documents qu'ils avaient en leur

 16   possession ? Oui ou non ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Très bien. Est-ce que vous saviez s'ils avaient une liste que vous

 19   auriez pu examiner ?

 20   R.  Non. Je ne peux pas dire que j'ai su ou que je sais qu'il y  a une

 21   liste unique qui reprend tous les documents disponibles.

 22   Q.  Très bien. Est-ce qu'ils vous ont fait connaître une liste de documents

 23   pour laquelle ils pensaient qu'elle serait importante pour cette Chambre de

 24   première instance ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Très bien. Alors, maintenant, j'ai besoin que vous m'aidiez là-dessus.

 27   Peut-être que je rends les choses trop complexes, mais si vous êtes ici

 28   c'est parce que vous êtes présenté comme un expert; c'est bien cela ?


Page 1862

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Vous avez un domaine d'expertise et c'est l'histoire.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Peu importe que votre thèse du troisième sicle portait sur une autre

  5   période, sur d'autres événements. Toujours est-il que nous avons constaté

  6   que vous aviez les instruments méthodologiques vous permettant de mener à

  7   bien une recherche. Alors, pourrait-on dire qu'ils auraient dû s'adresser à

  8   vous pour vous demander quels sont les éléments d'information dont vous

  9   avez besoin, de quels documents vous avez besoin, de quel témoin serait

 10   intéressant pour vous pour que vous puissiez réaliser et rédiger un rapport

 11   exhaustif détaillé ?

 12   R.  Oui. Comme j'ai déjà dit, ils ne m'ont pas demandé de préparer un

 13   rapport exhaustif. Ils m'ont demandé de préparer un rapport qui se penche

 14   sur une période spécifique qui se termine à peu près à l'automne 1992 --

 15   Q.  Très bien.

 16   R.  -- et non pas de me pencher sur des questions-clés de responsabilité

 17   qui sont des questions que doit trancher la Chambre.

 18   Q.  Très bien. Peut-être que vous avez l'impression que je vous adresse des

 19   critiques, mais ce n'est pas ce que je fais. Mais si je venais vous voir en

 20   tant qu'expert, vous me diriez ce dont vous avez besoin. Je veux dire c'est

 21   cela et cela que je recherche. Il me faut cela et cela, par exemple,

 22   puisque vous êtes l'expert.

 23   R.  De manière générale, oui. Parfois je ne savais pas ce qu'il fallait que

 24   je demande, par exemple, quel corpus de documents était disponible.

 25   Q.  Très bien. Vous dites dans votre rapport -- j'essaie d'abréger mon

 26   contre-interrogatoire pour que l'on puisse aller de l'avant. Vous dites des

 27   textes comme des textes qui sont dans les encyclopédies. Alors, c'est -- à

 28   mon attention. Que voulez-vous dire par là ? Est-ce que ce sont des entrées


Page 1863

  1   ou des textes qui sont exhaustifs en tant que tel ?

  2   R.  Je suis en train d'affirmer qu'il s'agit effectivement de textes qui se

  3   suffit, qui parlent de faits pertinents essentiels qui situent les

  4   institutions et les événements que j'ai examinés.

  5   Q.  Très bien.

  6   R.  Encore une fois, j'insiste qu'il ne fallait pas que je sois exhaustif,

  7   mais il fallait que je synthétise, il fallait que je fournisse une forme

  8   abrégée, travaillée de récits sur ces points.

  9   Q.  Très bien. Donc, comme une version des événements de Reader's Digest.

 10   R.  USA Today.

 11   Q.  USA Today par rapport à New York Times ou Le Monde ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Très bien. Mais ces chapitres qui se suffisent, ils ne sont pas

 14   exhaustifs dans le sens où vous auriez examiné tous les documents

 15   nécessaires pour rédiger ce petit chapitre ou ce petit paragraphe, de telle

 16   sorte qu'il soit complètement équilibré, complètement objectif ?

 17   R.  Non seulement, n'ai-je pas examiné tous les documents, mais je n'ai pas

 18   examiné tout le corpus de publications universitaires ou d'experts sur ces

 19   questions, puisqu'il s'agit de sujets qui sont beaucoup plus étendus, plus

 20   vastes. Il y a un corpus beaucoup plus important en question.

 21   Q.  Très bien.

 22   R.  Beaucoup plus que ce que je pourrais rédiger pour chacun de ces

 23   chapitres.

 24   Q.  Pourrait-on donc dire que c'est une version condensée, synthétique,

 25   qu'on trouve dans ces chapitres qui se suffisent, qui sont peut-être

 26   informatifs, mais qui ne sont peut-être pas aussi exacts que nous le

 27   souhaiterions, du moins pour ce qui est de notre situation ici ?

 28   R.  Ecoutez, je vais vous dire que mon objectif était de les rendre aussi


Page 1864

  1   exacts que possible. Je pense que j'y suis parvenu de plusieurs manières.

  2   Je supposais qu'ils comporteraient des affirmations qui seront contestées,

  3   et j'aurais pu laisser quelques erreurs s'y glisser; ce n'est pas exclu.

  4   Mais j'ai fait au mieux pour présenter une version synthétique des

  5   institutions, des événements et des principaux protagonistes.

  6   Q.  Très bien. Avant d'aborder la question d'exactitude, dans votre

  7   rapport, dans ces chapitres qui ressemblent à ceux d'encyclopédies et qui

  8   sont censés être autonomes, se suffirent, puisque vous le dites, qu'on peut

  9   en fait passer d'un sujet à l'autre au souhait, ils ne comportent pas les

 10   informations pertinentes provenant de toutes les parties; est-ce exact ?

 11   R.  Cela dépend du sujet.

 12   Q.  Puisque certains sujets sont plus exhaustifs que d'autres ?

 13   R.  Non, pas plus exhaustifs, mais il y a des sujets sur lesquels j'avais

 14   des connaissances préalables de documents.

 15   Q.  Hm-hm.

 16   R.  Il y a des sujets sur lesquels j'avais déjà écrit.

 17   Q.  D'accord.

 18   R.  Donc, cette fois-ci, il s'agissait de condenser le sujet, d'être

 19   succinct.

 20   Q.  D'accord.

 21   R.  Puis sur d'autres sujets, c'est difficile de couvrir toute la palette

 22   de sources.

 23   Q.  Très bien. J'ai une question que je voudrais vraiment vous poser, qui

 24   m'est très importante. Si vous n'avez pas examiné certains documents, si

 25   vous n'êtes pas allé dans certaines archives, comment pouvez-vous savoir si

 26   cela ne contient pas d'information valable ou important ? Comment pouvez-

 27   vous distinguer ce qui est bon de ce qui ne l'est pas si vous n'avez pas

 28   pris le temps d'examiner ce qui ne vous a pas été fourni par le Procureur


Page 1865

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 1866

  1   ou si cela n'a pas été fourni par le Procureur ?

  2   R.  C'est une question générale.

  3   Q.  D'accord.

  4   R.  Vous pouvez consacrer toute une vie à un sujet très pondu et peut-être

  5   que jamais vous n'aurez tout exploré. Donc, le rapport, qui comporte ses

  6   différents chapitres, constitue un effort de présenter, de capter la

  7   substance de ces questions et de ces institutions.

  8   Q.  Très bien. Je sais que c'est eux qui ont déterminé la période que vous

  9   deviez couvrir. Est-ce qu'ils ont choisi les sujets ? Est-ce que c'est vous

 10   qui les avez choisis, après l'Accusation a édité le texte ?

 11   R.  Non. Ils m'ont demandé d'essayer d'être bref, encyclopédique. Ils m'ont

 12   demandé d'aborder des points particuliers, des sujets particuliers.

 13   Ensuite, l'Accusation m'a demandé d'aborder deux ou trois autres sujets en

 14   plus et à les ajouter au rapport. Donc, je voudrais dire que c'était un

 15   petit peu un processus réciproque où il s'est agi d'identifier les sujets

 16   qui seraient abordés.

 17   Q.  Très bien. Pourrait-on dire qu'en examinant ces sujets, vous ne pouviez

 18   pas fournir une image exhaustive ou complète des événements ?

 19   R.  Prenons un exemple. Par exemple, les peuples de Bosnie-Herzégovine.

 20   Ecoutez, c'est un vaste programme. Des milliers de livres ont été écrits

 21   là-dessus, et en aucun cas, je ne pourrais prétendre que ce chapitre est

 22   exhaustif ou qu'il prend en compte toutes les publications d'experts ou

 23   tous les documents qui existent. Dans ce cas-là, ce n'est certainement pas

 24   une image complète ou exhaustive des événements, puisqu'il fallait que ce

 25   soit bref.

 26   Q.  Très bien. Mais à ce sujet, au sujet de cet exemple, puisque vous

 27   l'avez évoqué, n'est-il pas vrai que de nombreux chercheurs ne sont pas

 28   d'accord avec vous ?


Page 1867

  1   R.  Peut-être.

  2   Q.  Ils ne partagent pas votre opinion ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Donc, ce que vous nous avez fourni aujourd'hui, c'est juste une

  5   explication historique plausible, et il se peut qu'il y en ait d'autres qui

  6   soient plausibles et historiques; c'est bien cela ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Ceci s'applique également à d'autres sujets que vous avez évoqués

  9   aujourd'hui ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Lorsque vous êtes appelé à la tâche de rédiger ce rapport en

 12   particulier, est-ce que vous avez des entretiens en tête-à-tête avec des

 13   sources primaires ?

 14   R.  D'habitude, je m'adressais à beaucoup de gens. J'avais des entretiens

 15   sur leurs opinions, leur manière d'interpréter les choses, les événements,

 16   et parfois, je faisais un entretien formel.

 17   Q.  Très bien.

 18   R.  Mais je n'ai pas fait d'entretiens formels spécifiquement pendant la

 19   rédaction de ce rapport. Très certainement, j'ai tiré profit des

 20   différentes discussions que j'ai eues au cours des années avec différentes

 21   personnes, et il y a là des choses qui se reflètent dans mon rapport. Mais

 22   ce n'est pas spécifiquement fondé sur tel ou tel entretien.

 23   Q.  Très bien. C'est la huitième fois que vous déposez ici en tant que

 24   témoin. L'affaire Blaskic, me semble-t-il, était en 1997; que vous avez

 25   déposé votre premier livre en date de 1994. Depuis cette période-là, 1997

 26   jusqu'en 2000 - et nous sommes en 2006 - est-ce que vous avez interviewé

 27   l'un quelconque des protagonistes principaux dans cette histoire ?

 28   R.  Certains. --


Page 1868

  1   Q.  D'accord. Feu président Tudjman, est-ce que vous avez eu un entretien

  2   avec lui ? Je veux dire lorsqu'il a rédigé, lui, telle ou telle chose dans

  3   ses textes ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Est-ce que vous avez essayé de l'interviewer ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Le bureau du Procureur, est-ce qu'il vous a empêché d'essayer de

  8   rencontrer le président Tudjman parce qu'il ne voulait pas que vous vous

  9   attardiez trop longtemps à ses idées, en essayant de comprendre ce que cet

 10   homme recherchait à tel ou tel moment de l'histoire, dans le contexte des

 11   événements ?

 12   R.  Excusez-moi, vous pouvez répéter votre question ?

 13   Q.  Oui, tout à fait. A un moment donné, vous essayez d'apprécier quel

 14   était le profil du président Tudjman et quelle était sa position par

 15   rapport à un événement historique particulier. C'est une des choses que

 16   vous essayez de faire ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Très bien. Cela aurait bien, n'est-ce pas, de rechercher à rencontrer

 19   le feu président Tudjman, qui était plutôt ouvert, d'après ce que j'ai

 20   compris, qui recevait volontiers les journalistes et les historiens. Il

 21   était historien lui-même. Est-ce que vous avez jamais essayé de

 22   l'interviewer ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Est-ce que le Procureur vous a empêché de rencontrer Tudjman ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Est-ce qu'ils vous ont jamais empêché de rencontrer qui que ce soit ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Donc Mate Boban, vous auriez pu l'interviewer ?


Page 1869

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Oui, avant son décès.

  3   R.  Oui, bien entendu.

  4   Q.  Susak ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Si nous parlons des rapports que vous avez préparés précédemment pour

  7   les différentes affaires, ne pourrait-on pas constater qu'il y avait des

  8   protagonistes, des acteurs qui étaient accessibles et que vous auriez pu

  9   rencontrer, et que vous, vous avez choisi de ne pas le faire ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Je crois que c'était dans l'affaire Kordic, mais peut-être était-ce

 12   dans l'affaire Blaskic, que vous avez fait preuve d'une certaine fierté en

 13   disant que vous aviez interviewé Kljuic ?

 14   R.  J'ai dit que je l'ai fait.

 15   Q.  Très bien.

 16   R.  Mais je ne sais pas si je me suis vanté de l'avoir fait.

 17   Q.  Très bien. Vous ne vous êtes pas vanté, mais j'essaie de comprendre --

 18   est-ce que vous avez rencontré des sources primaires -- et vous avez dit,

 19   oui, Kljuic. Mais c'était Kljuic, point, point final, Kljuic point. Donc,

 20   il n'y avait pas de suite. A l'exception de Kljuic, vous n'avez interviewé

 21   personne ?

 22   R.  Non, ce n'est pas le cas.

 23   Q.  Très bien. Alors, feu président Izetbegovic, du temps de sa vie, ne

 24   l'avez-vous jamais interviewé ? En tant qu'historien, ne l'avez-vous jamais

 25   fait pour arriver à comprendre ce qui s'est passé dans son esprit pendant

 26   cette période-là; en particulier, parfois, il disait une chose dans la

 27   matinée ou il acceptait quelque chose dans la matinée, et après il

 28   changeait d'avis dans l'après-midi. Est-ce que vous avez jamais essayé de


Page 1870

  1   rencontrer le président Izetbegovic ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  D'après ce que j'en sais, c'était un homme qui était assez humain lui

  4   aussi. C'est ce que vous diriez vous aussi ?

  5   R.  Il était relativement ouvert.

  6   Q.  D'accord. Vous avez fait plusieurs voyages à Sarajevo, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Si j'ai bien compris, feu le président Izetbegovic, résidait à

  9   Sarajevo ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Comme c'était le cas pour Silajdzic, qui, vous le connaissez sans

 12   doute, est un des protagonistes dont nous allons entendre parler, n'est-ce

 13   pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et Ganic ? Il est toujours dans les parages ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Vous n'avez jamais essayé d'approcher l'une des principales sources

 18   primaires afin de fonder vos avis et vos opinions sur des idées ou des

 19   souvenirs qui viendraient d'eux et qui viendraient peut-être confirmer les

 20   éléments dont vous disposiez déjà pour vous aider à formuler une conclusion

 21   historique à soumettre à la Chambre de première instance pour que celle-ci

 22   s'appuie sur cette conclusion ?

 23   R.  Bien, que ce soit bien ou mal, pratiquement chacun des mots prononcés

 24   par M. Izetbegovic ou le président Tudjman ont fait l'objet de publication

 25   dans la presse, dans un grand nombre de livres qui peuvent constituer des

 26   collections entières. L'un des problèmes, je crois, c'est d'interroger des

 27   protagonistes au sujet d'événements survenus il y a longtemps, car la

 28   mémoire s'efface un peu et la chose devient très difficile. Les gens ont


Page 1871

  1   tendance à se rappeler les propos qui ont été publiés, les propos émanant

  2   d'eux qui ont été publiés, donc ce qui est écrit sur du papier plutôt que

  3   ce qu'ils ont réellement dit.

  4   Q.  Par exemple, si vous deviez demander à quelqu'un comme Kljuic de venir

  5   témoigner ici, ou à M. Manolic, par exemple, ou à M. Mesic, puisqu'il

  6   s'agit de personnalités politiques et que les événements ont eu lieu il y a

  7   très longtemps, nous ne pourrions nécessairement nous appuyer sur le

  8   caractère indépendant ou valable de leurs souvenirs. C'est ce que vous êtes

  9   en train de nous dire ?

 10   R.  Je pense que --

 11   Q.  Nous devrions faire preuve d'un peu de suspicion, peut-être ?

 12   R.  On ne peut se prononcer que sur chacun des témoins au cas par cas.

 13   Parfois, certains ont une mémoire qui est claire comme de l'eau de roche,

 14   et dans d'autres cas, leur mémoire est un peu plus floue.

 15   Q.  D'accord. Mais vous ne pouvez pas savoir cela tant que vous ne les avez

 16   pas rencontrés ?

 17   R.  Je ne pense pas que l'on puisse le savoir en posant simplement quelques

 18   petites questions à quelqu'un. On ne peut pas savoir quelle est la qualité

 19   de sa mémoire au sujet d'événements passés. Ceci ne peut pas non plus

 20   ressortir de l'appréciation qu'on peut faire de documents écrits.

 21   Q.  Exactement. Dans une certaine mesure, on peut voir tout de même

 22   lorsqu'on interroge quelqu'un s'il est franc ou s'il n'est pas franc dans

 23   ses réponses ?

 24   R.  C'est peut-être moins une question de franchise ou de manque de

 25   franchise que de souvenirs clairs ou pas --

 26   Q.  D'accord.

 27   R.  -- au sujet des événements.

 28   Q.  Très bien. Mais peut-être est-ce la raison pour laquelle on ne doit


Page 1872

  1   peut-être pas prendre pour acquis ce qu'ont dit certains responsables

  2   politiques qui viendront d'ailleurs témoigner ici pour l'Accusation dans

  3   quelque temps. On ne doit pas prendre pour argent comptant tout ce qu'ils

  4   disent nécessairement.

  5   M. SCOTT : [interprétation] C'est une querelle qui a lieu en ce moment,

  6   Monsieur le Président.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Je retire mon argument, Monsieur le

  8   Président. Je pense que j'ai démontré ce que j'avais à démontrer.

  9   M. SCOTT : [interprétation] Il n'y avait aucun point à démontrer en dehors

 10   du fait que M. Karnavas souhaitait parler.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.

 12   Q.  M. Scott vous a déjà demandé quels étaient les fondateurs du HDZ et je

 13   crois que vous avez cité un certain nombre de noms que vous avez tirés de

 14   votre mémoire ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Manolic et Mesic ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et --

 19   R.  Susak.

 20   Q.  Très bien. Mais restons avec les deux premiers puisqu'ils sont toujours

 21   en vie; est-ce que vous savez s'ils sont encore membres du HDZ ? Je veux

 22   dire, je saute un peu --

 23   R.  Non.

 24   Q.  Très bien.

 25   R.  Et Mesic -- et je crois qu'il n'est plus membre du HDZ.

 26   Q.  En effet.

 27   R.  Mais je ne me souviens pas quand il a quitté le parti.

 28   Q.  Est-ce que c'était avant ou après les accords de Washington ?


Page 1873

  1   R.  Je ne m'en souviens pas. Je suis désolé.

  2   Q.  D'accord. Vous, vous rappelez la date de l'accord de Washington ou

  3   l'année, peut-être ?

  4   R.  Oui. L'accord a été négocié en février et il est entré en

  5   -- il est devenu effectif en mars 1994.

  6   Q.  Très bien. Vous ne vous rappelez pas si Mesic était membre de ce parti

  7   à l'époque ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  D'accord. Qu'en est-il de 1993 ou 1992 ? Est-ce qu'il était membre du

 10   parti à ce moment-là ?

 11   R.  Il était très certainement membre du parti en 1992, car j'ai déjà parlé

 12   de la réunion de Siroki Brijeg où il était présent.

 13   Q.  D'accord.

 14   R.  Après cela, bien je ne me souviens pas exactement de la date à laquelle

 15   il a quitté ce parti.

 16   Q.  D'accord. Et Manolic, est-ce qu'il était membre du parti à cette

 17   époque-là également ?

 18   R.  Je ne me souviens pas quand il a quitté le parti.

 19   Q.  D'accord.

 20   R.  Je ne sais pas s'il était membre du parti à l'époque.

 21   Q.  Très bien. Avant de passer à un autre sujet sur les sources

 22   historiques, parce que je pense que nous devrions tout de même nous

 23   approcher de la fin de notre discussion sur ce sujet, vous avez indiqué

 24   qu'un certain nombre d'historiens n'étaient pas d'accord avec certains

 25   événements, ou en tout cas leur interprétation ?

 26   R.  Ils ont tendance à ne pas être d'accord sur la signification ou le

 27   contexte d'un événement plutôt que sur l'événement en tant que tel.

 28   Q.  Très bien.


Page 1874

  1   R.  Toutefois, il y a une certaine intolérance qui fait jour parfois de la

  2   part de certains, alors que d'autres font preuve de davantage de tolérance,

  3   et vous connaissez bien la concurrence qui oppose les historiens entre eux.

  4   Q.  Très bien. Mais pour le conflit dont nous parlons, l'ex-Yougoslavie et

  5   les événements qui s'en sont suivis et le démantèlement qui a été le

  6   résultat à toutes ces questions, il y a des groupes d'historiens qui auront

  7   des positions tout à fait différentes les unes des autres, n'est-ce pas ?

  8   R.  Je ne suis pas sûr qu'on puisse appeler cela des groupes. Je dirais que

  9   de nombreux historiens ont des positions diverses sur par exemple les

 10   causes de l'éclatement du démantèlement de l'ex-Yougoslavie.

 11   Q.  D'accord.

 12   R.  Certains d'entre eux peuvent même être appelés des écoles de pensée.

 13   Q.  D'accord.

 14   R.  D'autres, je pense, sont des historiens isolés dans leur façon de voir

 15   les choses.

 16   Q.  Très bien. Certains sont peut-être pro Serbes ?

 17   R.  Oui, il y en a.

 18   Q.  Ou pro-Croates ?

 19   R.  Il y en a.

 20   Q.  Certains peuvent être qualifiés également d'anti-quelque chose, comme

 21   par exemple, anti-Serbes ou anti-Croates, n'est-ce pas ?

 22   R.  Certains, oui.

 23   Q.  J'ai une liste sous les yeux ici et j'ai pris le temps de l'étudier.

 24   J'allais d'ailleurs vous la soumettre. Mais faute de temps, nous allons

 25   parler du rôle joué par la communauté internationale qui a parfois a été

 26   favorable et défavorable par rapport à ces hommes.

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Certains ont tendance à minimiser les événements alors que d'autres


Page 1875

  1   tendent à mettre l'accent sur certains événements particuliers davantage

  2   que leurs collègues ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Donc, dans toutes les écoles d'historiens, à toutes les écoles, tous

  5   les groupes d'historiens qui existent, vous êtes un historien parmi

  6   d'autres. Donc, il peut arriver que vous ayez raison sur certains points et

  7   que vous ayez moins raison sur d'autres ?

  8   R.  Dans certains points, je trouve un très grand accord de la part de mes

  9   collègues sur mes positions et sur quelques rares points, je trouve moins

 10   de soutien de leur part.

 11   Q.  D'accord. Est-ce que vous diriez, au vu de votre rapport donc, si l'on

 12   connaît bien la littérature qui existe dans le domaine étudié dans votre

 13   rapport ? Est-ce que vous diriez que vous citez de nombreuses sources

 14   croates ?

 15   R.  J'ai cité certaines sources croates.

 16   Q.  D'accord.

 17   R.  Encore une fois, je n'ai rien cité en grande quantité parce que je

 18   n'avais pas l'intention d'être long dans la rédaction de mon rapport dès le

 19   départ.

 20   Q.  D'accord. Mais j'ai remarqué si l'on prend les notes de conclusion de

 21   votre rapport qu'apparemment, vous vous appuyez assez largement sur des

 22   articles de presse et notamment, des articles tirés du jour Oslobodjenje.

 23   Est-ce que vous serez d'accord avec moi sur ce point ?

 24   R.  Je me suis appuyé sur la presse contemporaine.

 25   Q.  Bien --

 26   R.  Dans la plupart des cas, je veux dire la situation idéale, c'est

 27   d'équilibrer les sources journalistiques par rapport aux sources qui sont

 28   des documents d'une autre nature ou des mémoires.


Page 1876

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12   versions anglaise et française

13  

14  

15  

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 1877

  1   Q.  Ce n'est pas le cas toutefois dans votre rapport, n'est-ce pas ?

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai du mal à suivre.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation]

  4   Q.  Si on lit certaines notes en bas de page, les notes de conclusion, on

  5   voit Oslobodjenje est une source importante, n'est-ce pas ?

  6   R.  Dans certains cas, oui.

  7   Q.  Ce journal, en particulier --

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

  9   L'INTERPRÈTE : Le président demande à Me Karnavas de ralentir.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Je présente encore mes excuses aux

 11   interprètes. Je suis en train de regarder ces documents. Ce livre, ce n'est

 12   pas facile pour moi, mais je présente encore une fois mes excuses aux

 13   interprètes.

 14   Q.  Bon, Oslobodjenje, je pense que nous étions là. Est-ce que vous

 15   pourriez me dire la nature exacte de ce journal ? C'était bien un

 16   quotidien, n'est-ce pas ?

 17   R.  C'était un quotidien. Il a été créé en 1943 et a existé en tant que

 18   principal journal de Bosnie-Herzégovine depuis cette date jusqu'à, il y a

 19   quelques années, dirais-je, date à laquelle des concurrents sont apparus,

 20   qui ont réduit son importance ?

 21   Q.  D'accord. Alors, il serait permis de dire que pendant la guerre ou en

 22   tout cas pendant la période dont nous parlons, y compris dans la période

 23   précédent le conflit, ce quotidien est devenu une sorte de porte-parole du

 24   SDA ?

 25   R.  Ce serait erroné de dire cela.

 26   Q.  D'accord. Ce serait erroné.

 27   R.  Oslobodjenje n'est jamais devenu le porte-parole du SDS ou l'ennemi du

 28   SDS. Il n'aurait pas été financé en 1997 uniquement par des sources proches


Page 1878

  1   du SDA. L'action de Oslobodjenje pendant la guerre a été étudiée de très

  2   près dans un ouvrage intitulé : "Sarajevo, au jour le jour," dans lequel il

  3   est établi tout à fait clairement que ce journal avait au niveau de son

  4   équipe de rédaction, des orientations qui sont des crimes dans cet ouvrage

  5   et qui sont bien connues.

  6   Q.  D'accord. Tout dépend de qui consulte l'ouvrage en question. Je regarde

  7   l'ouvrage dont l'auteur est David Rieff que j'ai sous les yeux,

  8   actuellement, intitulé : "La Bosnie et l'échec de l'occident." Je suis sûr

  9   que vous connaissez ce livre.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  L'auteur et, bien sûr, vous, vous avez cité un livre. Je cite un autre

 12   livre. L'auteur de ce livre prétend qu'Oslobodjenje avait de fortes

 13   sympathies pour le gouvernement bosnien ?

 14   R.  A la fin du printemps 1992, c'est une déclaration qui correspond à la

 15   réalité.

 16   Q.  Très bien.

 17   R.  Mais avant cela, la chose est à prendre avec davantage de précautions.

 18   Je crois pouvoir dire qu'Oslobodjenje a subi pas mal de transformations au

 19   début de son existence mais n'a jamais varié dans son engagement, vis-à-

 20   vis, de sa tâche journalistique, à savoir, parler de reproduire les

 21   déclarations et discours importants qui ont pu être prononcés à l'assemblée

 22   de Bosnie. Pendant la guerre, ce journal n'est peut-être pas devenu le

 23   partisan très ferme, mais, en tout cas, c'est un journal dans lequel on

 24   trouvait des renseignements, tout à fait, importants par rapport aux

 25   souffrances de la population qui n'était pas nécessairement publiées dans

 26   d'autres journaux, y compris des renseignements qui pouvaient nuire au

 27   gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

 28   Q.  D'accord. L'auteur dont je parle dit qu'Oslobodjenje a été corrompu


Page 1879

  1   intellectuellement parce que ce rédacteur appuyait Alija Izetbegovic et son

  2   gouvernement sans conserver le moindre esprit critique. Il décrivait les

  3   Musulmans comme étant les gentils et les Serbes les agresseurs fascistes.

  4   Est-ce que cet auteur de l'ouvrage dont je parle a tort lorsqu'il dit cela

  5   au sujet de ce journal.

  6   R.  Je pense, encore une fois, qu'il convient de définir la période dont on

  7   parle pour se prononcer sur ce point. A la fin du mois d'avril 1992, une

  8   modification importante est intervenue dans la façon dont les Serbes ont

  9   été décrits avec l'apparition du mot "Chetnik." C'est à peu près, à ce

 10   moment-là, que le conflit a éclaté. Je ne suis pas au courant du fait que

 11   ce journal aurait perdu tout esprit critique, vis-à-vis, des protagonistes

 12   musulmans. A vrai dire, vous pouviez, y compris, pendant la guerre, trouver

 13   des articles dans Oslobodjenje qui était la reproduction exacte des

 14   dépêches de l'agence Tanjug de Belgrade car c'était la meilleure source

 15   d'information disponible, à l'époque, dans certains cas. Tanjug a continué

 16   à travailler comme source primaire d'information citée par de nombreux

 17   journaux de l'époque.

 18   Q.  D'accord. Je ne me concentre pas uniquement sur ce journal, Mark

 19   Thomson a, lui aussi, écrit un livre sur la guerre où il parle des médias

 20   de la Serbie et de la Croatie, et de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous

 21   connaissez l'auteur de ce livre ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Il affirme que les médias contrôlés par le SDA et le gouvernement

 24   bosnien étaient partiaux. Est-ce que vous serez d'accord avec moi sur ce

 25   point ?

 26   R.  Encore une fois, cela dépend de la période dont on parle.

 27   Q.  Très bien. Mais, enfin, de façon générale, j'ai lu, en particulier, la

 28   citation d'un historien qui affirme que -- et d'ailleurs, est-ce que vous


Page 1880

  1   serez d'accord avec moi pour dire que les historiens ne sont pas, en

  2   général, la meilleure source d'information. On n'est pas dans l'obligation

  3   de prendre pour argent comptant, pour vérité établie, tout ce qui sort de

  4   la plume d'un historien. Est-ce que vous conviendriez que ce que je viens

  5   de dire est exact ?

  6   R.  Vous venez de faire trois déclarations différentes.

  7   Q.  D'accord.

  8   R.  Les historiens, non. Ils ne sont pas nécessairement une source fiable

  9   avec certitude. Mais qu'en est-il des sources utilisées par les historiens

 10   dans leur travail ? C'est là que je ne serais pas tout à fait d'accord avec

 11   vous. Est-ce que leurs déclarations doivent être examinées avec un sens

 12   critique avant que l'on ne s'en serve ? Absolument, je suis d'accord avec

 13   vous.

 14   Q.  Bien. Les journaux. Revenons sur ce sujet. Je crois que j'aurais besoin

 15   de l'aide de l'Huissière pour soumettre rapidement un document au témoin.

 16   La pièce P 9539 qui a déjà été utilisée par l'Accusation. Je demande

 17   qu'elle soit placée sur le rétroprojecteur.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous sommes arrivés presqu'au terme de l'audience.

 19   Il est 17 heures. Donc, vous avez encore quelques minutes.

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Trente secondes, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez le temps d'aborder les problèmes de fond.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Quels problèmes ?

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Les sujets.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] D'accord. On me dit que les documents

 25   s'affichent à l'écran. Donc, nous devrions pouvoir travailler.

 26   Q.  Vous avez déjà vu ce document un peu plus tôt dans la journée, n'est-ce

 27   pas ?

 28   R.  Oui.


Page 1881

  1   Q.  Je dois vous prier de m'excuser, mais je ne peux pas lire ce que je

  2   vois écrit dans ce document en l'état. Alors, voyons à l'écran, est-ce ce

  3   n'est pas dit dans ce document que quelqu'un reconnaît la Bosnie-

  4   Herzégovine. Est-ce que cela n'est pas dit dans un sous-titre ?

  5   R.  Le titre se lit comme suit : "Quatre faits-clés." Ensuite, en sous-

  6   titre, on lit ce qui suit : "L'assemblée constituante a tenu séance en

  7   présence des représentants de la Croatie et des parties croates et

  8   slovènes."

  9   Q.  Oui. Veuillez poursuivre la lecture.

 10   R.  Mais à droite, le texte est coupé. Il ne va pas jusqu'au bout.

 11   L'INTERPRÈTE : Vous vous apprêtez à autoriser la division de la Bosnie-

 12   Herzégovine.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation]

 14   Q.  La dernière partie de la phrase ?

 15   R.  "Le HDZ reconnaît la Bosnie-Herzégovine."

 16   Q.  Je souhaitais mettre l'accent sur la fin de la phrase, ce que vous

 17   venez de faire. Bien.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, la date est le 27 mai

 19   1990 pour ce document, et je vous remercie de m'avoir autorisé à poser

 20   encore une ou deux questions et de m'avoir donné quelques instants

 21   supplémentaires, de m'avoir permis de voler ces instants.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est donc 17 heures 05, nous allons

 23   interrompre l'audience. Nous reprendrons demain à 9 heures et nous irons

 24   donc jusqu'à 13 heures 45. Donc, je vous remercie et nous nous retrouvons

 25   demain matin.

 26   --- L'audience est levée à 17 heures 06 et reprendra le jeudi 11 mai 2006,

 27   à 9 heures 00.

 28