Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 15 mai 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 23.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, veuillez appeler le numéro de

6 l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président. Bonjour à tous.

8 Affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En cette journée du lundi 15 mai 2006, je

10 salue toutes les personnes présentes. Je ne demande pas aux uns et aux

11 autres de se présenter puisque vous êtes tous dans la même composition.

12 Alors, aujourd'hui, nous devons aborder la poursuite des auditions de

13 témoins, mais avant cela, quelques informations administratives de la part

14 de la Chambre.

15 Tout d'abord, concernant les problèmes liés au temps, nous avons eu une

16 illustration la semaine dernière. Les Juges ont décidé que lorsque

17 l'audience est prévue pour se terminer à 13 heures 45, nous couperons la

18 parole de celui qui parle 13 heures 45 minutes, une seconde. Il n'est pas

19 question de déborder pour plusieurs raisons. Tout d'abord, comme vous le

20 savez, nous avons un personnel nombreux qui assiste la Chambre, quant au

21 niveau des officiers de sécurité du personnel de la Chambre et également

22 des interprètes et lorsque nous terminons à 13 heures 45. Il faut bien

23 comprendre que toutes ces personnes ont pris leur office à 9 heures du

24 matin, mais, bien souvent, elles sont déjà là une ou deux heures

25 auparavant, donc, nous ne pouvons pas aller au-delà de 13 heures 45. Il

26 incombera à l'avocat qui parle d'avoir le regard fixé sur la pendule; si on

27 a mis une pendule dans la salle d'audience qui se trouve en face de moi en

28 haut, c'est justement pour permettre aux uns et aux autres de vérifier

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1 l'heure.

2 En conséquence, d'adapter ses questions au temps, les Juges répugnent

3 à couper la parole à un avocat car, comme vous le savez c'est toujours très

4 délicat, mais, malheureusement, il arrive des moments où il faut faire

5 respecter le temps. D'autant plus qu'indépendamment de la question du

6 personnel, il y a également eu un autre aspect technique surtout lorsqu'il

7 y a une audience qui se succède à la nôtre où il faut un délai de 30

8 minutes pour changer les bandes vidéo ou audio et, à partir de là, il faut

9 impérativement terminer l'audience à 13 heures 45 pour que l'audience qui

10 suive une demi-heure après puisse se dérouler dans des bonnes conditions.

11 Donc, j'invite les uns et les autres à faire preuve de grande

12 discipline et de faire en sorte de restreindre compte tenu des nécessités

13 le temps de parole aux regards des impératifs horaires. Nous ne pouvons,

14 malheureusement, pas dépasser ad éternum le temps qui nous est imparti,

15 c'est pour cela qu'il faut être très discipliné. Nous tenions à vous faire

16 part de notre sentiment et de la décision qui a été prise en ce sens.

17 Concernant la semaine dernière, le rapport de l'expert Donia, la

18 Chambre a décidé d'admettre ce rapport.

19 Monsieur le Greffier, donnez-nous un numéro pour l'admission de ce

20 rapport. Je crois, de mémoire, cela doit être le P 9356, sauf erreur de ma

21 part.

22 M. LE GREFFIER : Oui, je vous remercie, Monsieur le Président. Ce rapport

23 est admis sous la cote que vous venez de mentionner.

24 [interprétation] Je vais le dire en anglais. Ce rapport est versé au

25 dossier sous la cote P 09356. Merci.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

27 Deuxièmement, nous n'avions pas, faute de temps, la semaine dernière et

28 j'avais obligé d'interrompre M. Praljak, qui posait ses questions de

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1 demander à la Défense - et je crois que c'est Me Jonjic - qui devait nous

2 demander l'admission des pièces et je lui laisse la parole.

3 M. JONJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

4 Vendredi, faute de temps, j'avais dû repousser ma requête, ma demande qui

5 demandait le versement de la pièce : 5D 01026, ainsi que de la pièce 5D

6 01046, et de la pièce 5D 01050. Voici les documents présentés au témoin

7 vendredi et permettez-moi d'ajouter une phrase. Ce matin, ou maintenant

8 c'est trop tard puisque la Chambre a pris une décision s'agissant du

9 rapport du témoin expert Donia, j'aurais voulu demander que ce rapport ne

10 soit pas ou que ses conclusions ne soient pas versées au dossier. Si

11 c'était le cas, au moment où la Chambre les examinerait qu'elle tienne

12 compte du fait que Donia a apporté la preuve qu'il n'avait pas connaissance

13 de faits qui sont élémentaires. Il n'a ajouté à cela qu'il ne savait pas

14 comment avait été créé d'abord la banovina de Croatie et qu'il ne savait

15 rien des changements intervenus dans le tracé des frontières au XXe siècle

16 de la Bosnie-Herzégovine.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, concernant l'admission des

18 trois pièces.

19 M. LE GREFFIER : Monsieur le Président, ces trois pièces sont admises sous

20 les références suivantes.

21 [interprétation] Je vais utiliser la langue anglaise, 5D 01026, 5D 01046,

22 5D 01050. Merci.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Concernant l'admission des rapports d'experts,

24 je tiens à titre personnel, une nouvelle fois indiquer aux uns et aux

25 autres que l'admission d'une pièce ou d'un rapport ne veut pas dire

26 automatiquement que la Chambre ultérieurement accordera une valeur probante

27 maximale au dit rapport ou pièce. Tout ceci sera vérifié aux fonctions

28 d'autres éléments, notamment, les autres rapports d'expert -- vos propres

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1 experts, et ce n'est qu'en définitive que tout cela sera évalué par les

2 Juges au final.

3 Donc, aucune inquiétude à avoir. Ce n'est pas parce qu'un rapport est

4 admis qu'automatiquement tout est gravé dans le marbre. Comme vous le

5 savez, il y aura d'autres experts, d'autres témoins, vous propres experts,

6 vos propres témoins et ce qui est dit aujourd'hui peut changer au fil du

7 temps. Donc, c'est un grand principe qui est suivi par cette Chambre et par

8 les autres Chambres. Donc vous aurez largement l'occasion de reparler de la

9 banovina si vous le souhaitez au fil du temps ou lorsque d'autres témoins

10 viendront et lorsque votre propre expert viendra.

11 Maître Jonjic.

12 M. JONJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai omis de

13 mentionner une pièce -- un document que j'avais également montré au témoin.

14 Il s'agit de la description des membres de la Division SS -- enfin, 5D

15 01041. Je demande le versement de ce document-là aussi ? Merci.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, vous avez raison. Actuellement, cette pièce a

17 été oubliée. Monsieur le Greffier.

18 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président. Cette pièce est

19 versée au dossier à décharge sous la référence --

20 [interprétation] 5D 01041. Merci.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Toujours dans la ligne des rapports d'experts.

22 Le Procureur nous a fait savoir la semaine dernière qu'en raison de la

23 défaillance d'un témoin qui devait déposé, il avait été amené à faire venir

24 un témoin expert plus tôt dans le temps. Dans ces conditions, nous aurons

25 le témoin expert Tomljanovich qui devrait venir déposer à partir de

26 mercredi et jeudi, dans le cadre de l'interrogatoire principal. La Défense

27 nous avait demandé de renvoyer l'audition de ce témoin au niveau du contre-

28 interrogatoire au mois de septembre. Me Sahota, qui est là, devait

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1 également faire part et n'a pas eu le temps de la question de sa position

2 par rapport aux exigences de la confidentialité dans la mesure où ce témoin

3 est un salarié du tribunal est employé les bureaux du Procureur. Si le

4 témoin est en interrogatoire direct il ne faudra pas que pendant la phase

5 de plusieurs mois jusqu'en septembre l'Accusation en profite pour lui

6 donner des réponses toutes prêtes en vu du contre-interrogatoire et

7 l'Accusation s'est engagée à ne pas intervenir plusieurs avocats ont

8 également fait part du fait qu'il était possible que ce témoin témoigne en

9 septembre compte tenu de la déontologie de l'intéressé. Me Sahota avait

10 réservé sa position. Il a eu tout le week-end pour réfléchir, quelle est la

11 position de

12 Me Sahota aujourd'hui.

13 M. SAHOTA : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur les Juges, je

14 me suis entretenu avec mes confrères et consoeurs, aucune objection ne --

15 le principe ne sera soulevé il sera possible que ce témoin présente sa

16 déposition en deux lots, en deux étapes. Mais peut-être la Chambre voudra-

17 t-elle avertir ce témoin avant qu'il nous quitte après avoir terminé

18 l'interrogatoire principal, il ne devrait parler à personne de sa

19 déposition sous quelque forme que ce soit. Merci.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Sahota. Par ailleurs, il y avait une

21 difficulté résiduelle qui n'avait pas été évoquée faute de temps. Comme

22 vous le savez, en vertu de l'article 94 bis du Règlement, lorsqu'un rapport

23 d'expert est enregistré, la Défense dispose en règle générale d'un mois

24 afin de faire valoir sa position concernant soit si elle accepte le rapport

25 soit si elle veut procéder au contre-interrogatoire soit si elle conteste

26 la qualité du témoin ou la pertinence du rapport. Dans la mesure où ce

27 rapport a été déposé et enregistré au greffe le 10 mai, la Défense aurait

28 normalement jusqu'au 10 juin pour faire valoir ses observations, mais en

Page 2008

1 raison de la défaillance d'un témoin l'Accusation a été emmenée à avancer

2 le témoignage de cet expert, de ce fait, la Défense n'a pas eu le temps de

3 déposer ses écritures. Donc, là, il peut y avoir un léger problème. Sauf si

4 la Défense ne voit aucun inconvénient à ce qu'elle puisse elle-même nous

5 adresser ses observations écrites d'ici le 10 juin, enfin d'ici le 15 juin,

6 puisqu'il faut 30 jours, et par ailleurs, la Défense aura largement le

7 temps de préparer le contre-interrogatoire. Dans la mesure où la Chambre

8 qui en a délibéré admis le principe du contre-interrogatoire au mois de

9 septembre.

10 Pour me résumer : les six avocats de la Défense, vous aurez donc la

11 possibilité de nous adresser vos écritures sur ce rapport, conformément à

12 l'article 94 bis d'ici le 15 juin, et en attendant nous pourrions à partir

13 de mercredi entendre ces témoins comme dans le cas de l'interrogatoire

14 principal, puis la Défense aura plusieurs mois pour se préparer au contre-

15 interrogatoire.

16 Y a-t-il de la part de la Défense des observations là-dessus ?

17 S'il n'y a pas d'observation, je vais continuer toujours sur le thème des

18 témoins experts. Lors de l'audience de la mise en état, j'avais appelé

19 l'attention. "Just a minute please." Je vais vous donner la parole - je

20 vais juste terminer et je vous donne la parole.

21 J'avais attiré l'attention de l'Accusation sur le fait suivant, j'avais

22 indiqué que nous aurions entre le début du procès et la période des

23 vacances judiciaires très peu de temps et qu'il convenait, à ce moment-là,

24 de nous faire venir qu'un témoin expert. Le témoin expert a été M. Donia.

25 Il se trouve, mais que malheureusement, vous ne pouviez faire autrement,

26 vous faites venir un deuxième témoin expert. A la limite pourquoi pas ?

27 Mais, en revanche, nous avons eu le rapport d'un troisième témoin expert

28 qui a été enregistré la semaine dernière. Alors, je demande à l'Accusation

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1 : est-ce que vous voulez faire venir ce troisième témoin expert d'ici le 12

2 juillet ? Etant précisé que pour la Défense c'est une lourde charge de

3 travail parce qu'il faut d'une part qu'elle prépare le contre-

4 interrogatoire de l'expert qui va déposer mercredi, il faut bien entendu

5 qu'elle se prépare au contre-interrogatoire de tous les témoins qui

6 viendront, et si, en plus de cela, il y a un troisième expert qui vient à

7 nouveau, là, c'est peut-être un peu trop. Alors y a-t-il vraiment la

8 nécessité de faire venir ce troisième témoin expert avant le 12 juillet ?

9 Alors, Monsieur Scott, vous vouliez intervenir, vous pourrez peut-être

10 répondre sur l'ensemble des points.

11 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur

12 le Président, bonjour, Monsieur les Juges. Permettez-moi de commencer par

13 la dernière question. Non, nous n'avons pas l'intention d'appeler un

14 troisième expert avant les vacations judiciaires c'était simplement une

15 question de communication. La Défense a simplement de temps de se préparer,

16 mais nous n'avons pas l'intention d'appeler ce témoin à la barre avant les

17 vacations judiciaires. Autre question qui m'a poussé à demander la parole.

18 Ceci concerne M. Tomljanovich. Lorsque cette question a surgi la semaine

19 dernière, j'ai demandé au fond si la Chambre serait prête à prendre une

20 décision vu les circonstances actuelles par laquelle

21 M. Tomljanovich ne serait pas empêché de communiquer avec [inaudible] pour

22 ce qui est des rapports avec le bureau du Procureur d'ici au début du

23 contre-interrogatoire en général lorsque la question -- la Défense commence

24 à poser des questions au témoin on peut s'inquiéter. On peut dire,

25 effectivement, que l'Accusation ne devrait pas avoir de contact avec ce

26 témoin pour risquer d'influer sur ses réponses au contre-interrogatoire.

27 Mais je vous l'ai dit la semaine dernière, manifestement le contre-

28 interrogatoire ne commencera pas avant un certain temps. Il n'y a donc

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1 aucun risque qui pourrait surgir du fait que nous pourrions essayer

2 d'influer le témoin puisque le contre-interrogatoire n'a même pas encore

3 commencé. Mais j'y ai réfléchi au cours du week-end, et si vous me le

4 permettez, je voudrais vous exhorter à appliquer une décision qui

5 n'empêcherait pas l'Accusation d'avoir des contacts avec M. Tomljanovich

6 entre le moment où il a terminé son interrogatoire principal et le moment

7 où il va commencer son contre-interrogatoire. Pourquoi ? Notamment, pour

8 cette raison-ci, M. Tomaljanovich est membre de l'équipe de l'Accusation,

9 nous avons -- nous travaillons tous les jours avec lui sur plusieurs sujets

10 au quotidien, de façon hebdomadaire, et il y a des sujets tellement

11 connectés que je ne voudrais pas maintenant qu'on m'accuse d'avoir lui

12 poser une question tellement proche du sujet de son témoignage qu'on

13 pourrait dire que nous avons parlé avec lui de la nature de la substance de

14 sa déposition. Vous verrez à la lecture de son rapport. Il a abordé bien

15 des facettes de ce procès et on pourrait, effectivement, s'imaginer qu'une

16 des ces facettes est abordée dans le cadre de notre travail au quotidien

17 bien que ce sera pour la préparation de ce procès où de telle ou telle

18 autre facette. Ceci étant, je ne pense pas que l'Accusation pourra appeler

19 M. Tomljanovich si nous n'avons pas une décision de votre part nous disant

20 qu'il n'y a aucune interdiction qui pèserait sur l'Accusation puisque nous

21 travaillons avec lui quotidiennement. Bien sûr, ceci, jusqu'au moment où

22 commencerait véritablement le contre-interrogatoire en septembre,

23 évidemment, à ce moment-là, plus aucune contact, mais, dans l'intervalle,

24 je ne pense pas que ce sera réalisable. Effectivement, on pourrait faire

25 des allégations mal intentionnées à l'égard de l'Accusation ou on

26 essayerait de qualifier notre interaction de cette façon. Je vous demande

27 une déclaration pour dire que cet ordre d'interdiction de contact ne

28 s'applique pas avant le début du contre-interrogatoire de M. Tomljanovich.

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1 Merci.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à Me Karnavas, mais sur ce

3 point très précis. Avant de donner la parole à

4 Me Karnavas, les Juges en ont parlé entre eux. Nous n'avons vu, nous, en ce

5 qui nous concerne aucun obstacle. Etant bien entendu précisé qu'en tout

6 état de cause, il n'est pas question une seconde que, vous-même, ou M.

7 Mundis abordiez avec ce témoin expert qui travaille avec vous sur un autre

8 sujet, la question de son rapport ait des réponses qu'il a données à vos

9 questions lors de l'interrogatoire principal. Maintenant, vous pouvez

10 parler avec lui, de la pluie, du beau temps, des autres affaires, de

11 n'importe quoi, cela c'est possible. Bien entendu, il n'est pas, du tout,

12 question que vous lui dites : "Voilà, je vous ai posé telle question, vous

13 avez répondu dans tel sens." Il faudra lors du contre-interrogatoire

14 répondre différemment. Cela, ce sera un outrage à la Cour dont il n'est

15 même pas envisageable une seconde que cela puisse traverser l'esprit de

16 quelqu'un. Je pense que les avocats avaient compris les choses de cette

17 manière, les avocats des accusés.

18 Bien, Maître Karnavas sur ce point.

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, sur ce point, je voudrais également

20 aborder d'autres points, éventuellement plus tard, en tout cas, avant

21 l'arrivée du prochain témoin.

22 Tout d'abord, je suis sûr que, du côté de l'Accusation, personne ne

23 va essayer d'influencer les réponses du témoin au moment de son contre-

24 interrogatoire pour qu'il change sa réponse. Je crois qu'ils sont de bonne

25 foi. Ce sont des professionnels. Pas de problème. Mais j'entrevois quand

26 même, un problème. Le voici. Je vais ralentir à l'intention des

27 interprètes. Voici le problème que j'entrevois. M. Tomljanovich, à son

28 interrogatoire principal, nous avons de nouveaux témoins qui arrivent et

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1 maintenant il est utilisé M. Tomljanovich pour aider l'Accusation. C'est un

2 membre du personnel pour qu'il ait l'Accusation, pour ce qui est des autres

3 témoins. Disons pour ajuster la déposition de ces autres témoins pour

4 qu'elle s'en serve bien dans le cadre fourni par le témoignage de

5 M. Tomljanovich. Ecoutez, j'ai trop de misère avec l'Accusation, mais ne

6 l'oublions pas que ce procès devait commencer un février. En fait, quand je

7 suis arrivé dans ce procès, on était censé commencer en octobre dernier.

8 Nous avons reçu ce rapport la semaine dernière. Pourquoi est-ce qu'il a

9 fallu autant de temps ? Je ne veux pas maintenant aborder les raisons. Il

10 ne voulait pas nécessairement frustrer la Défense. Je ne veux pas

11 m'aventurer dans ce domaine, cette ligne que nous avons reçue. J'aurais

12 besoin au moins 200 [comme interprété] jours de contre-interrogatoire.

13 C'est ce que je vous demandais parce que toute la cause de l'Accusation,

14 concernant

15 M. Prlic, est ici présentée. J'ai absolument besoin de ce temps. J'ai

16 besoin d'examiner chacune partie de ce rapport parce que

17 M. Tomljanovich à l'inverse de M. Donia a été très précis dans la

18 présentation de sa position. Il faudra donc l'examiner point par point. Le

19 problème que pose M. Tomljanovich, c'est l'aspect tardif de la

20 communication du rapport. Maintenant, on veut l'appeler parce qu'il y a une

21 lacune à combler. Fort bien. Si l'Accusation veut repousser sa déposition,

22 cela me convient aussi. Mais on ne peut pas en tout état de cause placer la

23 Défense dans une situation où elle serait lésée.

24 En ce qui concerne le témoin expert parce que je pense que cette

25 question, elle va se reposer.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous redonner la parole, mais on va terminer

27 la question de Tomljanovich sur la durée que vous avez demandée. Nous n'en

28 avons pas encore délibéré entre nous. Nous vous dirons quel est le temps

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1 que vous aurez, les uns et les autres, pour le contre-interrogatoire. Mais,

2 vous venez de soulever un problème que je n'avais pas réalisé. Le problème

3 est le suivant : vous nous dites que cet expert travaille avec l'Accusation

4 et peut travailler pour les témoins à venir. Alors, cela, c'est un

5 véritable problème que je découvre.

6 Monsieur Scott, ce témoin expert, est-ce qu'il va travailler avec vous sur

7 cette affaire, notamment, vous préparer pour les autres témoins ou bien

8 vous le déconnectez jusqu'au septembre de la gestion de ce dossier pour le

9 faire travailler sur autre chose, mais pas sur les témoins parce que, si

10 vous le faites travailler sur les témoignages à venir, par exemple, le

11 témoin de tout à l'heure ou et cetera ? Là, il peut y avoir des

12 interconnexions. Alors, j'avais cru comprendre que ce témoin expert était

13 au service de l'Accusation, en général, mais n'était pas affecté

14 principalement à la gestion de ce dossier. Alors, si c'est un de vos

15 proches collaborateurs qui vous aident dans la phase de préparation de

16 l'interrogatoire principal, là, il peut y avoir un problème. Alors, pouvez-

17 vous nous éclairer ?

18 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'était justement

19 que j'essayais de dire, mais je n'ai pas été suffisamment clair. C'est

20 comme cela que je l'ai expliqué, le fait que ce n'était pas viable de

21 couper M. Tomljanovich de l'équipe pendant cette période-là. A la lumière

22 des préoccupations qui ont été soulevées, nous n'allons pas citer M.

23 Tomljanovich, mercredi. Nous allons reporter sa déposition. Ce qui veut

24 dire, en d'autres termes, que nous n'avons pas d'autres témoins pour cette

25 semaine.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà, au moins comme cela, les contradictions, cela

27 permet de régler les problèmes. Donc, voilà un problème réglé. Donc,

28 mercredi, nous n'aurons pas ce témoin. Bien. Alors, vous n'avez pas

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1 malheureusement d'autres témoins à faire venir. Ce n'est pas possible.

2 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera impossible,

3 impossible de prendre les dispositions nécessaires. Pour le faire, nous

4 allons travailler d'arrache-pied la semaine dernière pour trouver un

5 témoin, mais, ce n'était pas possible.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, voilà, Maître Karnavas est satisfait.

7 La suite.

8 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci. Ce qui me donnera plus de temps pour

9 me préparer. Justement, pour en terminer sur la question du général

10 Pringle, l'expert. Alors, il a signé son rapport le 26 mars 2006. Nous

11 sommes en mai, actuellement. Donc, la question est de savoir pourquoi on ne

12 nous a pas communiqué ce rapport plus tôt. L'Accusation nous dira que,

13 peut-être, qu'elle n'avait pas l'intention de le citer à la barre. Il

14 n'empêche que nous avons un expert qui a été signé, il y a longtemps.

15 Pourquoi nous n'avons reçu que maintenant, qu'au dernier moment, ce

16 rapport. C'est une question de l'égalité des armes. C'est une question de

17 "fair play".

18 Donc, c'est pratiquement impossible pour nous de faire toutes ces

19 démarches en même temps, de parcourir le rapport d'expert, de vérifier

20 toutes les notes de bas de page, toutes les ressources, car ces experts

21 appellent d'autres experts pour examiner le rapport. Donc, justement, je

22 voulais simplement faire valoir ceci pour que cela ne se reproduise pas. Un

23 autre point --

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur ce point, Monsieur Scott, au nom du "fair play",

25 qui est une vertu très connue, la Défense vous demande comment se fait-il

26 qu'un rapport signé du 26 mars, n'a été enregistré qu'il y a quelques

27 jours ? Y a-t-il une raison administrative ou bien c'est un manque de fair-

28 play ?

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1 M. SCOTT : [interprétation] Tout simplement, Monsieur le Président, nous

2 n'avons pas suffisamment prêté attention à cela. C'est par négligence que

3 nous ne l'avons pas communiqué précédemment. Je ne vois pas exactement

4 pourquoi mon confrère s'en plaint, puisque, comme je vous l'ai déjà dit, ce

5 témoin ne sera cité qu'à l'automne prochain. Donc, je ne vois vraiment pas

6 quel préjudice ceci pourrait porter à l'accusé. Que vous le croyez ou non,

7 l'Accusation aussi très, très dur et nous avons à nous occuper

8 quotidiennement de beaucoup de choses différentes. Le rapport de M. Pringle

9 n'a pas été communiqué précédemment. Nous l'avons envoyé la semaine

10 dernière en sachant qu'il n'allait pas être cité pendant plusieurs mois.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi de répondre. On peut procéder

12 des différentes manières --

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, la question est terminée. La

14 Défense vous avait posé une question. L'Accusation a répondu, donc, on

15 passe maintenant à un autre sujet. Vous voulez aborder quel autre sujet ?

16 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien. Mais je reviendrai à ce point,

17 puisque nous sommes en train de nous préparer pour la Défense et nous

18 devons mener des préparatifs exhaustifs. Nous ne pouvons pas nous préparer

19 par petites bribes. C'est cela que je suis en train d'essayer de faire et

20 de comprendre.

21 J'allais parler de M. Donia. Bien entendu, je suis très déçu que ce

22 rapport soit reçu, bien entendu, vous verrez quel poids vous allez lui

23 accorder. Mais un autre point que nous n'avons pas eu suffisamment de temps

24 pour nous préparer, c'est un rapport d'expert, et je l'affirme pour le

25 compte rendu d'audience en toute responsabilité que mon équipe, tout

26 simplement, a passé des centaines d'heures pour préparer le contre-

27 interrogatoire de M. Donia. Je parle au nom de mon équipe. Nous n'avons eu

28 que trois heures et demie pour ce contre-interrogatoire. Pendant ce week-

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1 end, je me suis demandé comment j'allais préparer ma Défense si je n'avais

2 pas suffisamment de temps. Cela a été une entrave considérable. Je voudrais

3 que ce soit consigné au compte rendu d'audience. J'ai ici préparé un aperçu

4 de mon contre-interrogatoire. Je voudrais le déposer en ex parte parce que

5 je ne voudrais pas que l'Accusation en prenne pleinement connaissance. Je

6 ne sais pas si ce sera accepté, mais c'est une proposition que je fais.

7 Puis, un deuxième point, je pense que c'était inapproprié

8 comment on a procédé avec M. Donia. Je ne sais pas quel autre terme

9 utiliser. Je vais utiliser le terme inadéquat, inapproprié, lorsqu'il y a

10 eu un commentaire de fait par un membre de la Chambre au sujet, fait à

11 l'adresse du témoin, disant que c'était un rapport de bonne qualité, alors

12 que le témoin était encore là. Il était contre-interrogé par le Défense.

13 Donc, je suppose que cela a été fait simplement pour encourager le témoin à

14 partir du moment où il a été contre-interrogé par la Défense depuis --

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas.

16 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas, le témoin, M. Donia, est venu à

18 huit reprises devant ce Tribunal -- huit fois. Il a témoigné dans tous les

19 procès. Libre à vous de contester ce travail. C'est normal. Je l'ai indiqué

20 : l'admission d'un rapport ne veut pas dire pour autant que les Juges en

21 tiendront en définitive compte. Qui plus est, vous-même, vous aurez

22 l'occasion dans vos écritures de contester, vous aurez même l'occasion,

23 lorsque les témoins viendront, de prouver le contraire. Vous aurez même

24 l'occasion de faire venir votre propre témoin qui viendra totalement

25 contredire ce témoin. Donc, ne renversez pas les rôles. Ce n'est pas parce

26 que, s'il y a eu une expression de bonne qualité qui a été employée, que

27 pour autant, on peut faire un travail de bonne qualité sans que ce travail

28 ait un résultat positif. Donc, ne faites pas de confusion dans la valeur

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1 probante d'un rapport et une qualité d'un rapport. Ce sont deux notions

2 différentes. Si vous amalgamez tout, c'est là où il y a des risques de

3 confusion.

4 Je comprends très bien que vous auriez souhaité avoir beaucoup de

5 temps, bien sûr. Tout le monde souhaiterait avoir beaucoup de temps, mais

6 nous sommes pris par des contraintes horaires. On ne peut pas indéfiniment

7 vous donner des heures et des heures. Surtout, Maître Karnavas, lorsque

8 vous avez contre-interrogé ce témoin, vous avez passé plus d'une heure ou

9 une heure et demie à lui poser des questions qui étaient certes

10 intéressantes, mais au regard des impératifs de temps, vous auriez pu

11 abréger une partie de vos questions et poser des questions plus

12 fondamentales sur les chapitres de son rapport, mais vous avez préféré user

13 d'une autre stratégie. Libre à vous, mais c'est votre responsabilité. Donc,

14 pour que votre client n'ait pas de préjudice, vous aurez largement le temps

15 de contester tout ce que M. Donia a pu dire, mais comme je l'ai expliqué,

16 les Juges ne sont pas là pour dire l'histoire de ce rapport, des heures que

17 nous aurons passées pour M. Donia, si cela se trouve dans le jugement, il

18 n'y aura que quelques lignes, ou comme je l'indiquais dans le jugement

19 Blaskic, il y avait deux notes de bas de page. Alors, allons tout de suite

20 à l'essentiel, et je vous redonne la parole.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je tiens compte du

22 fait que nous avons ici un Règlement de procédure et de preuve très

23 spécifique. Mais vous me dites que j'allais pouvoir le contester. Mais

24 comment pourrais-je passer par l'entremise d'autres témoins si je n'ai pas

25 les moyens d'engager des experts pour le faire ? On semble faire croire que

26 d'une manière ou d'une autre, nous allons pouvoir avoir ces ressources pour

27 contester, mais si j'en parle, si je parle de M. Donia, c'est parce que

28 nous allons avoir d'autres témoins du genre comme M. Tomljanovich. Est-ce

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1 que nous pouvons répondre aux intérêts du Conseil de sécurité, aux intérêts

2 de la justice en même temps ? Je ne pense pas que ces intérêts ne soient

3 conciliables à ce stade si nous avons des lignes temporaires -- enfin, des

4 limites de temps très claires. J'ai proposé que M. Donia ne soit pas cité,

5 que son rapport ne soit pas versé au dossier. Mais bon, je vous ai entendu,

6 Monsieur le Président, il n'empêche que je voudrais que l'on consigne au

7 compte rendu d'audience que j'ai un aperçu de mon contre-interrogatoire et

8 je voudrais qu'il soit versé au dossier.

9 Alors, nous avons quelques points techniques. Pour ce qui est des pièces 65

10 ter, 9 500 pièces, des points techniques qui nous posent problème. Si j'en

11 parle, c'est parce que j'espère que la Chambre de première instance s'y

12 penchera, parce que nous n'arrivons pas à résoudre nos difficultés. Je ne

13 reproche cela à personne, je voudrais simplement que ce soit consigné au

14 compte rendu d'audience.

15 Puis, enfin, le témoin prochain qui sera cité à la barre. Juste deux

16 points. Nous avons reçu aujourd'hui quelques informations au sujet du

17 témoin, sa déclaration préalable, mais pas beaucoup de détails. Je ne

18 rentrerai pas maintenant dans cette question. Nous avons deux vidéos. Nous

19 avons une vidéo qui contient l'entretien avec mon client. Bien entendu, je

20 ne vais pas soulever d'objection à ce que la totalité de l'entretien soit

21 versée au dossier. Mais pour ce qui est de l'autre vidéo, c'est une vidéo

22 qui contient beaucoup d'entretiens différents. C'est un montage

23 d'entretiens avec différentes personnes. Nous avons des choses qui sont

24 sorties du contexte, elles sont hors contexte. Pour ce qui est de mon

25 client, nous avons des termes assez dramatiques employés. Nous n'avons pas

26 le texte intégral pour chacune des personnes qui est interviewée. Nous

27 avons le président Tudjman, mais nous n'avons pas le texte entier pour

28 Boban, pour Susak ou pour les autres intervenants. C'est un montage, c'est

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1 ce que nous pensons, et nous ne voyons pas quelle valeur probante peut

2 avoir cette vidéo. Elle ne peut que porter préjudice. C'est quelque chose

3 qui sera présenté ici pour le grand public, c'est un parti pris, c'est très

4 partial, et très certainement, c'est quelque chose qui ne serait acceptable

5 comme moyen de preuve devant aucun tribunal, nulle part au monde. Donc,

6 c'est la raison pour laquelle, avant que l'on ne voit cette vidéo, je

7 voudrais que l'Accusation pose des questions au témoin pour jeter les

8 bases, pour qu'on comprenne pour quelles raisons cette vidéo aurait une

9 valeur, et ceci nous permettrait peut-être de voir que cette vidéo ne

10 serait pas admissible, parce que le préjudice serait plus important que la

11 valeur probante, donc, si tel était le cas, bien entendu, je n'aurais pas

12 vraiment de contre-interrogatoire, mais, si on accepte cette vidéo, il

13 faudra que je conteste chacune des phrases -- littéralement chacune des

14 phrases que cette femme dit dans cette vidéo. Ceci me place dans une

15 situation très désavantageuse parce que nous n'avons pas le transcript

16 intégral de ce que dit le président Tudjman ou Susak ou Boban. En fait,

17 nous n'avons pas la transcription d'aucun de ces intervenants et pour trois

18 ou cinq autres individus qui sont interviewés, nous n'avons aucune

19 transcription. Sur la base de ce que je viens de dire, ce serait

20 préjudiciable et je pense que cela nous ferait beaucoup de temps si tout

21 simplement on ne recevait et si on n'acceptait ici qu'un entretien intégral

22 de mon client, et non le reste. Je vous remercie.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, attendez, Maître Kovacic, je vais vous donner

24 la parole, mais, d'abord M. Scott. Me Karnavas soulève un problème. Alors,

25 d'après ce que j'ai cru comprendre, il y aurait une vidéo ou deux vidéos

26 qui vont être présentés à un moment donné et la Défense dit qu'il pourrait

27 y avoir un problème sur la teneur des enregistrements de la vidéo parce que

28 des propos pourraient avoir été retirés du contexte. Il y aurait des

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1 coupures, voire comme dit l'Accusation un montage. Alors, la vidéo on ne

2 l'a pas vu, donc, on ne peut pas à nouveau -- enfin, tout de suite, avoir

3 une vue bien précise. Comment comptez-vous présenter cette vidéo ? Est-ce

4 que vous comptez d'abord interroger le témoin et puis passer la vidéo

5 après ? Que comptiez-vous faire ? C'est M. Mundis, alors. Excusez-moi.

6 Monsieur Mundis.

7 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. L'Accusation

8 avait l'intention de jeter les bases de poser les questions au témoin

9 justement et lui demander comment elle a réalisé cette vidéo. Il s'agit

10 d'un film documentaire -- d'un documentaire. Elle vous expliquera comment

11 elle a interviewé les gens, comment elle a tourné ce film, cette fin

12 d'automne 1993, comment elle a édité le film et comment elle a réalisé ce

13 programme. Donc, c'est quelque chose qui a été diffusé à la télévision

14 britannique. Nous allons d'abord jeter les bases, pas pour longtemps, mais

15 nous allons le faire et, par la suite, nous allons demandé que l'on

16 visionne la vidéo.

17 Donc, Me Karnavas pose des questions de poids et non pas

18 d'admissibilité. C'est une question que se posera à la Chambre.

19 Me Karnavas a également parlé de parti pris et de partialité et bien

20 cela c'est quelque chose également qu'il pourra soulever pendant le contre-

21 interrogatoire, le témoin pourra être contre-interroger pour savoir s'il y

22 avait éventuellement un parti pris de sa part. Donc, tout ceci c'est

23 quelque chose qui pourra faire objet de contre-interrogatoire tout

24 simplement parce qu'il y a là des choses dont -- parce qu'il y a beaucoup

25 de choses dans cette vidéo, cela ne signifie pas que la vidéo doit être

26 refusée. On a des éléments de contextes dans la vidéo qui fournira à la

27 Chambre des éléments. C'est une vidéo de 50 ou 45 minutes.

28 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président --

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas.

2 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, j'allais poser la

3 question de la pertinence, mais je pense que j'aie entendu, effectivement,

4 qu'il s'agit d'un aperçu général. Le titre c'est : "Une Grande Croatie."

5 Alors, dites-moi si ce n'est pas quelque chose qui révèle un parti pris

6 dans ce documentaire. Je ne sais pas comment on va le qualifier autrement.

7 Lorsqu'on a contacté mon client, lorsqu'il a approuvé la vidéo, il ne

8 savait pas qu'elle serait le titre de ce film. Je suis d'accord avec M.

9 Mundis que nous pourrions éventuellement tout accepter ici puis finalement

10 sélectionner les choses à la fin. Mais l'un des principes de base ici est

11 la règle du préjudice qui dépasse la valeur probante. C'est cela qui nous

12 permet de ne pas recevoir certaines choses. Monsieur le Président,

13 Messieurs les Juges, je vous assure, cette vidéo a zéro valeur probante,

14 elle n'a pas de -- elle ne contient pas de contexte, il n'y a pas de point

15 de vue équilibré dans cette vidéo. Donc s'il se propose de jeter les bases

16 par entremise du témoin, bien, je vais vous demander avant que l'on ne

17 visionne la vidéo que l'on ait la possibilité de poser la question du voir

18 dire avant que l'on ne visionne, à partir du moment où vous aurez vu le

19 film. Même si le film est versé au dossier, peut-être que vous n'allez ne

20 lui accorder aucun poids, j'en suis conscient. Mais je pense que nous ne

21 devons pas laisser ces propos inflammatoires être diffusés ici, tout

22 simplement parce que ceci convient et correspond à la théorie de

23 l'Accusation. Il ne s'agit pas d'un documentaire au sens propre du terme.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Sur cette question de vidéo, la règle est que

25 normalement enfin il y a deux sortes de règles. Il y a des vidéos qui sont

26 introduites lorsque le témoin a été le réalisateur ou celui qui a

27 interviewé, et à ce moment-là on lui dit, voilà tel jour, à telle date,

28 vous avez fait un reportage dans tel lieu relatif à tel événement, et le

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1 témoin dit, oui, j'ai fait ce reportage. A ce moment-là on lui pose des

2 questions. Pour cela c'est une façon de procéder.

3 Il y a également une deuxième façon c'est que parfois des vidéos sont

4 introduites, sont visionnées parce qu'on n'a pas le réalisateur ou le

5 journaliste n'est plus là, et cetera, mais il y a une pertinence parce que

6 la vidéo se rattache à tel événement visée dans l'acte d'accusation. Il y a

7 la pertinence. Maintenant, la valeur probante ce sont les Juges qui la

8 déterminent après avoir écouté les uns et les autres. Ce n'est qu'au final

9 que nous déterminons la valeur probante. Dans tout procès, il y a des

10 masses de documents ou de vidéos qui sont introduits, mais quand vous

11 regardez les jugements vous vous apercevez que parfois sur un nombre X, il

12 y a peut-être 5 % ou même moins de 5 % des documents qui sont en définitive

13 retenus et mentionnés dans les foot notes ou dans le corps du jugement.

14 Soit parce que la vidéo va être diffusée qu'automatiquement elle

15 constituera l'ossature du jugement. Donc tout ceci c'est à la suite d'un

16 débat judiciaire.

17 Vous abordez, Maître Karnavas, un problème. Un, nous n'avons pas entendu

18 le témoin; deux, nous n'avons pas vu la vidéo. Comment voulez-vous que les

19 Juges puissent avoir un à priori ? Bien. Oui, et d'ailleurs, un autre Juge

20 veut intervenir.

21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si je puis ajouter un quelque chose,

22 un point. Excusez-moi de rappeler un point que vous connaissez

23 parfaitement, mais, vous savez, vous êtes face à des Juges professionnels,

24 ce n'est pas un jury. Les jurys pourraient être impressionnés par la vidéo

25 et il ne serait pas capable peut-être d'assumer ou de prendre une distance

26 critique, mais nous sommes des Juges professionnels. Nous sommes capables

27 de voir la vidéo et "d'être parfaitement conscients de la nécessité

28 d'évaluer sa valeur."

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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais, précisément, si j'avais un jury, je

2 tacherais de glisser -- je ne vois pas pourquoi ils essaient de faire cela

3 précisément parce que nous sommes face à des Juges professionnels, je fais

4 pleinement confiance à cette Chambre.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Kovacic.

6 M. KOVACIC : [interprétation] Même si suis d'accord pratiquement avec tout

7 ce qui vient d'être dit par Me Karnavas, je ne pense pas qu'il représente

8 en avançant ses arguments toutes les équipes de la Défense, donc, j'ai deux

9 ou trois petits points à soulever, si vous m'y autorisez.

10 M. KOVACIC : [Hors micro]

11 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Excusez-moi. C'est peut-être moi qui vous ai coupé

13 la parole.

14 M. KOVACIC : [interprétation] Cela marche. Oui, on dirait que cela marche.

15 Pour ce qui est de l'expert Tomljanovich, je rejoins pleinement ce qui a

16 été dit par le Conseil de M. Prlic. Je pense qu'il n'y a rien de

17 particulier à ajouter à cela. Mais compte tenu de certaines questions

18 posées par la Chambre à ce sujet, je voudrais dire une chose, puisque

19 finalement, je ne sais pas si la Chambre a reçu les informations qu'elle

20 recherchait dans le débat qui a eu lieu entre l'Accusation et la réponse.

21 J'ai lu les documents. J'ai lu certaines déclarations des témoins qui

22 ont été cités, interrogés au sujet de cette affaire. Il s'agit des témoins.

23 Il s'agit des personnes qui ont été convoquées à titre de suspects de la

24 part de l'Accusation. M. Tomljanovich, lui, a été présent à un grand nombre

25 de ces auditions. D'après ce que j'ai entendu de la part de quelques

26 témoins, mais je pense que les traces écrites existent aussi à ce sujet, M.

27 Tomljanovich participe directement parfois à ces auditions de témoins. Quel

28 est le rôle que sera appelé à jouer M. Tomljanovich ? Uniquement ce qui

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1 nous est présenté ici par l'Accusation, ou bien, en réalité, M. Tomljnovich

2 est impliqué à ce point dans le travail de l'équipe de l'Accusation, qu'en

3 fait, il n'y a pas de différences substantielles entre l'un des Procureurs

4 ou substitut du Procureur ou M. Tomljanovich comme témoin cité à la barre ?

5 Je n'affirme pas que cela revienne absolument au même, que c'est tout à

6 fait identique, mais il me semble que c'est plutôt proche. C'est un peu

7 comme si moi, demain, je proposais que ma co-conseil, Mme Nika Pinter,

8 vienne déposer en tant que témoin, précisément parce qu'elle a mené je ne

9 sais pas combien d'auditions de témoins. Elle est experte en l'espèce. Elle

10 connaît pleinement l'affaire, mais évidemment, je ne peux pas le faire pour

11 toute une série de limitations formelles et juridiques.

12 Mais l'Accusation, en fait, nous propose maintenant l'un des membres

13 de son équipe en tant qu'expert. Il me semble que ceci enfreint à de

14 nombreuses règles, règles de base du fair-play, de procédures.

15 Je ne veux pas m'y attarder, parce qu'il me semble que nous aurons

16 encore l'occasion d'en parler puisqu'il ne sera pas cité très

17 prochainement. Nous aurons peut-être besoin de nous exprimer par écrit.

18 Formellement, ce que je propose au sujet de l'expert Tomljanovich,

19 c'est de ne pas autoriser qu'il soit cité à la barre en tant que témoin

20 expert, et par conséquent, de ne pas autoriser son rapport d'expert.

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22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)Les témoins annoncés pour les 22 et 23, je ne citerai pas de

25 noms --

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Il n'y aucun nom qui est apparu sur le

27 transcript. Monsieur Mundis, vous voulez intervenir pour cela ?

28 M. MUNDIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je

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1 m'interroge simplement. Est-ce qu'il faut maintenant aborder ces questions

2 d'intendance dès maintenant, étant donné que nous aurons, dans le courant

3 de la semaine, du temps pour le faire, puisque M. Tomljanovich ne va

4 déposer, alors que nous avons maintenant un témoin qui s'attend à commencer

5 -- qui aurait dû commencer à 14 heures 15 ?

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, allez-y rapidement, Maître Kovacic.

7 M. KOVACIC : [interprétation] Oui, je serai très bref, Monsieur le

8 Président. Ici, dans ce prétoire, jeudi dernier, l'Accusation nous a donné

9 un nouveau calendrier de comparution des témoins. Nous avons été un peu

10 surpris par la chose. Nous n'avons pas pu faire de vérification. Je

11 n'allais pas faire d'objection à la venue de ces témoins la veille, après

12 leur venue. Aujourd'hui, c'est le premier jour que je peux le faire,

13 puisque c'est la première fois que j'ai pu voir ce qui était prévu. Ce que

14 nous avons pour le 22 et le 23, la semaine prochaine, ils ne sont pas

15 repris dans le deuxième tableau qui nous donne davantage d'informations sur

16 les témoins qui viendront avant les vacances judiciaires.

17 Nous les retrouvons dans la liste des témoins qui viendront comparaître

18 viva voce, cette annexe au mémoire préalable du procès, mais on ne les

19 retrouve pas dans cette autre liste. Maintenant, une semaine avant la venue

20 prévue de ces témoins, on nous dit que ces témoins viennent; or, on ne les

21 attend pas.

22 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

23 permettez, quelques mots simplement au sujet de M. Tomljanovich, le témoin

24 expert. Il me semble que ce Tribunal, comme le tribunal du Rwanda, nous dit

25 que les membres du bureau du Procureur ne peuvent pas être considérés comme

26 des personnes non objectives, alors que nous voyons tout de même que de

27 nombreuses personnes qui font partie du bureau du Procureur travaillent

28 néanmoins sur les dossiers relatifs au témoin. Je considère que dans cette

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1 situation, il existe fondamentalement un droit au doute que le témoin qui

2 va être présenté n'est pas un témoin tout à fait neutre, tout à fait

3 objectif, et comme l'a dit mon confrère, ce témoin ne peut donc pas être

4 accepté en tant que tel. Je vous remercie.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : On va en parler entre Juges. Je voudrais aborder

6 deux autres points très vite, mais nous allons passer à huis clos partiel.

7 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

8 [Audience à huis clos partiel]

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3 [Audience publique]

4 --- L'audience est reprise à 15 heures 54.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Madame. Vous avez été appelée à témoigner

6 par l'Accusation. Avant de vous faire lire le serment, je me dois de vous

7 poser quelques questions afin de vous indentifier. Pouvez-vous me donner

8 votre nom, prénom, date de naissance et lieu de naissance ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Belinda Giles. Je suis né à Paris

10 en France. Quelle était votre autre question ? Excusez-moi.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Date de naissance.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 9 juin 1958.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis actuellement étudiante et j'étais par

15 le passé productrice de télévision.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Madame, témoigné sur les événements qui

17 se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie déjà devant un Tribunal

18 international ou un Tribunal national, ou c'est la première fois que vous

19 témoignez ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je témoigne.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous demande de lire le serment.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

24 LE TÉMOIN : BELINDA GILES [Assermentée]

25 [Le témoin répond par l'interprète]

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame, vous pouvez vous asseoir.

27 Bien. Alors, comme je l'indiquais tout à l'heure, Madame, vous allez

28 répondre à des questions qui vont vous être posées par l'Accusation qui est

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1 située à votre droite. Ceci pendant une première phase de la journée, et à

2 l'issue des questions qui vous seront posées les avocats de la Défense des

3 accusés qui sont situés à votre gauche, vous voyez ils sont nombreux, mais,

4 rassurez-vous, il y en a que quelques-uns qui vous poseront des questions,

5 vous poseront des questions dans le cadre de ce qu'on appelle en "common

6 law" le contre-interrogatoire. Vous verrez que le type de questions sera

7 sensiblement différent par rapport aux questions de l'Accusation. Les

8 Juges, qui sont devant vous, les quatre Juges qui sont face à vous pourront

9 qu'en ils estimeront nécessaire dans l'intérêt de la justice vous poser

10 également des questions. Si, à un moment donné, vous éprouvez une

11 difficulté quelconque, n'hésitez pas à nous en faire part. Nous sommes ici

12 pour cela. Si vous ne comprenez pas le sens d'une question demandez à celui

13 qui vous la pose de la reformuler. Si vous estimez demander du temps pour

14 réfléchir à la réponse faites-le. Donc, il faut que l'audience se déroule

15 dans les meilleures conditions possibles pour vous-même.

16 L'audience ayant débuté la première phase va durer une heure et demie et au

17 bout d'une heure et demie, nous ferons un "break" afin que vous vous

18 reposez pendant 20 minutes et nous reprendrons l'audience étant précisé que

19 l'audience de ce jour se terminera à

20 19 heures.

21 Voilà. Ayant tout dit, je vais maintenant me tourner vers l'Accusation pour

22 leur laisser la parole.

23 Monsieur Mundis, vous avez la parole.

24 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Interrogatoire principal par M. Mundis :

26 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Giles.

27 R. Bonjour.

28 Q. En réponse à une question du Président de la Chambre, vous avez dit que

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1 par le passé vous étiez productrice de télévision. Pourriez-vous, je vous

2 prie, nous dire quel était exactement le travail que vous accomplissiez ?

3 R. J'étais pour ma part une productrice indépendante. Je travaillais donc

4 pour ma société et mon travail consistait à élaborer des idées que je

5 vendais ensuite à des responsables de diffusion télévisée au Royaume-Uni

6 avant tout. Si ces derniers s'intéressaient au sujet que je proposais ces

7 entreprises de diffusion télévisée me finançait ou en tout cas finançait

8 mon projet qui ensuite faisait l'objet d'émissions diffusées sur les

9 chaînes de télévision dont ils avaient le contrôle et qu'ils le

10 finançaient.

11 Q. Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre travail de productrice de

12 télévision, au quotidien, que faisiez-vous exactement ?

13 R. Les producteurs de télévision, notamment lorsqu'ils sont indépendants

14 travaillent à des tâches très diverses. Comme je viens de l'expliquer, de

15 nouvelles idées voient le jour, et lorsqu'une idée a été venue à une

16 société de télécommunication, ce qu'il importe de faire c'est de traduire

17 ces idées dans la réalité en faisant un travail de rechercher au préalable,

18 puis en filmant une émission en la montant et en la préparant à la

19 diffusion sur une chaîne de télévision.

20 Q. Madame Giles, ces diverses éléments qui constituent le travail de

21 producteur de télévision, à savoir, filmer, monter, préparer à la diffusion

22 et le travail de recherches qui accompagne tout cela, quelles étaient les

23 tâches que vous accomplissiez personnellement ?

24 R. Bien, encore une fois, il n'y a pas de règle établie en la matière,

25 mais, normalement, je participais en tout cas j'avais un rôle assez

26 important dans chacun de ces éléments. Il m'arrivait d'être accompagnée

27 d'un caméraman qui filmait les images, mais c'est toujours moi qui

28 dirigeais la façon dont ces images étaient filmées de façon à ce qu'à

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1 veiller à disposer de ce dont j'avais besoin. Ensuite, je travaillais avec

2 un monteur ou une monteuse, mais c'est moi qui déterminais la façon dont ce

3 montage se faisait. C'est moi qui avais mon mot à dire sur le script et je

4 contrôlais tous les détails qui finalement donnaient l'émission telle

5 qu'elle était diffusée à la télévision.

6 Q. Qui menait les interviews ?

7 R. Cela dépendait. Le plus souvent c'était moi. Enfin, c'était un peu en

8 fonction des circonstances dans lesquelles nous travaillions. Il arrivait

9 que nous travaillions avec un animateur qui se chargeait des interviews et

10 il arrivait que ce soit le réalisateur qui se charge de ces interviews.

11 Cela dépendait du projet, de la nature du projet.

12 Q. Quelle formation avez-vous eu pour aboutir à cette profession ?

13 R. J'ai commencé ma carrière à la télévision à la BBC. On m'appelait

14 stagiaire diplômée, ce qui signifie que j'avais des compétences en histoire

15 et j'ai appliqué ces compétences dans les fonctions que j'exerçais à la BBC

16 pendant deux ans. J'ai commencé à travailler au côté de 12 autres personnes

17 qui avaient le même diplôme que moi pas seulement en matière d'histoire

18 mais également dans toute sorte de sujets théoriques. Au départ, j'étais

19 formée à un travail de recherche. Après quoi je suis devenue productrice

20 assistante puis productrice et réalisatrice.

21 Q. Combien de temps êtes-vous restée à la BBC ?

22 R. De 1979 à 1986.

23 Q. Quel a été votre premier travail en 1986 ?

24 R. J'étais productrice indépendante, "freelance", j'ai travaillé donc pour

25 diverses sociétés et, en 1988, si je ne me trompe, j'ai créé ma propre

26 société pour défendre mes propres projets.

27 Q. Quel était le nom de votre société de production ?

28 R. Elle s'appelait : "Sole Purpose Production."

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1 Q. Combien de personnes travaillaient pour cette société ?

2 R. Bien, au départ j'étais seule, mais, lorsque l'entreprise a fermé il y

3 a quatre ans, nous étions 50 personnes à y travailler.

4 Q. Pouvez-vous donner des exemples des projets ou des films qui ont été

5 produits par "Sole Purpose Production" ?

6 R. Nous avons produit toute sorte de films allant du documentaire aux

7 films historiques, aux films en passant par les films politiques qui

8 s'intéressaient à des questions de politiques extérieures. Je suppose que

9 l'ex-Yougoslavie a fait l'objet des films les plus nombreux que j'ai

10 produits. Huit films au total.

11 Q. Pourquoi avez-vous produit un nombre aussi important de films sur l'ex-

12 Yougoslavie ?

13 R. J'ai commencé à m'intéresser à ce sujet et, au début de la guerre, j'ai

14 décidé de produire un film qui traitait des réfugiés. Puis, je me suis

15 beaucoup intéressée à la question politique qui sous-tendait cette guerre

16 et à ces populations. C'est devenu vraiment une passion pour moi.

17 Q. Ces personnes, les premières que vous avez filmées et dont vous venez

18 de parler, ces réfugiés, qui étaient-elles exactement ? D'où venaient-

19 elles ?

20 R. La BBC m'a demandé de produire un film relatif à la souffrance humaine,

21 j'ai donc filmé un peu partout en Bosnie et en Croatie - pas en Serbie, à

22 l'époque - pour montrer quelle était l'expérience humaine qui consistait à

23 devoir quitter son domicile, à tout perdre. Ce n'était pas un film

24 politique, c'était un film affectif, dirais-je, qui montrait des gens et ce

25 qu'ils traversaient à ce moment-là, à la fin de l'année 1992, donc au

26 moment où le nettoyage ethnique était à son summum.

27 Q. Quand vous parlez de "nettoyage", qui était responsable de ce

28 nettoyage ?

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1 R. A ce moment-là, c'étaient les Serbes.

2 Q. Qui en étaient les victimes ?

3 R. Bien, les victimes étaient Croates en grand nombre, même sans doute

4 majoritairement, qui avaient subi le nettoyage ethnique en Bosnie

5 septentrionale et en Bosnie centrale; il y avait aussi des Croates qui

6 avaient dû quitter leurs régions en Croatie. Nous avons également montré

7 pas mal de réfugiés musulmans qui subissaient à ce moment-là le nettoyage

8 ethnique en Bosnie centrale.

9 Q. Madame Giles, quel est le deuxième film que vous avez produit qui

10 portait sur l'ex-Yougoslavie ?

11 R. Le deuxième film était un film traitant de "La Grande Croatie." Nous

12 l'avons réalisé pour la chaîne canal 4, la chaîne 4 de la télévision

13 britannique.

14 Q. Pouvez-vous nous dire quelques mots de ce film ? Je reviendrai plus

15 tard sur les six autres films que vous avez produits au sujet de l'ex-

16 Yougoslavie.

17 R. J'ai produit deux films traitant des crimes de guerre jugés par le

18 Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, dont l'un portait sur

19 le premier accusé Dusko Tadic. J'ai montré comment il se faisait qu'il ait

20 été la première personne à être jugée par le TPI et le système judiciaire

21 qui a été mis en place dans le cadre de ce procès. Donc, j'ai parlé de lui

22 en tant que premier accusé et j'ai montré son passé en Bosnie.

23 Ensuite, j'ai réalisé un autre film, après le film sur Tadic, qui se

24 concentrait sur le processus judiciaire et la façon dont il a été mené à

25 bien.

26 J'ai réalisé un film traitant des Serbes et de ce que les Serbes

27 appelaient "un corridor", à l'époque. C'était l'époque où les cartes

28 étaient en cours de modification et où divers itinéraires étaient pris pour

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1 point d'intérêt principal. Donc, c'est une espèce de "road movie" que j'ai

2 réalisé, qui partait de Belgrade et aboutissait à Knin.

3 Ensuite, j'ai produit un autre film en collaboration avec le Tribunal pénal

4 international, où il était question des fosses communes et des excavations

5 à Vukovar qui ont permis des identifications à l'ADN réalisées à la morgue.

6 C'est un film qui a obtenu pas mal de récompenses.

7 Q. Revenons au film intitulé "La Grande Croatie"; pouvez-vous nous dire

8 sur quelle idée ce film se fondait ?

9 R. Bien, dans ce film, je montrais des réfugiés qui venaient d'Herzégovine

10 et je crois me rappeler que nous avons également passé quelque temps à

11 Zagreb. C'était un domaine qui est devenu un centre d'intérêt important

12 pour moi à l'époque. Ce n'est pas moi qui avais eu l'idée, c'était ma

13 collègue, Paulette Farsides, qui a eu cette idée. C'était une journaliste

14 de talent, et elle a proposé que nous nous rendions en Herzégovine pour

15 montrer la situation d'un mini Etat créé à partir de l'Herceg-Bosna et du

16 dépeçage de la Bosnie-Herzégovine. Nous avons vendu cette idée à canal 4 et

17 nous nous sommes penchés sur les éléments très complexes qui

18 caractérisaient la création de ce mini Etat destiné en fait aux Croates de

19 Bosnie de façon générale, et nous avons examiné les tensions qui y

20 faisaient jour. Nous avons également présenté la façon dont les Serbes

21 étaient pris pour cibles pour les actes répréhensibles qu'ils avaient

22 commis, alors que les Croates, lorsqu'ils commettaient des actes de même

23 nature, étaient présentés par les médias comme un élément intégrant d'un

24 conflit très complexe. Donc, nous avons proposé cette idée à canal 4, et

25 canal 4 a immédiatement accepté. Nous sommes partis sur place une semaine

26 plus tard, et vous vous imaginez bien que l'histoire que nous racontions a

27 passionné beaucoup de monde. Il se passait beaucoup de choses à l'époque,

28 donc nous avons commencé à filmer très rapidement.

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1 Q. Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de la façon dont vous

2 avez tourné le film "La Grande Croatie" ? Où êtes-vous allés, qui avez-vous

3 interviewé ?

4 R. Nous avons passé quelque temps à Zagreb. Nous y avons interviewé le

5 président Tudjman ainsi que M. Susak qui était ministre de la Défense à

6 l'époque, et d'autres personnes également. Je me rappelle d'un certain

7 Bilandzic et Slaven Letica qui étaient de personnes appartenant à

8 l'entourage du président Tudjman, notamment, Bilandzic, si je ne me trompe

9 pas, si j'ai bon souvenir de son nom. Les interviews en question étaient

10 très révélatrices quant aux intentions de certains éléments du gouvernement

11 croate et, notamment, du président Tudjman.

12 Ensuite, nous sommes allées en Herzégovine, où nous avons tourné un

13 peu partout, mais surtout à Capljina, où nous avions un projet particulier.

14 Finalement, nous avons rencontré un homme qui nous a permis d'accéder à

15 certains endroits où nous n'aurions pas pu arriver par nous-mêmes. Je peux

16 poursuivre ?

17 Q. Oui, je vous en prie.

18 R. Nous sommes allés aussi à Mostar, aussi bien à Mostar est qu'à Mostar

19 ouest. Je suis allée à Mostar ouest sous l'égide des Nations Unies, c'est-

20 à-dire dans un convoi armé du Bataillon britannique, à l'époque, qui était

21 stationné là-bas. Je suis allée -- non, excusez-moi, c'est à Mostar est que

22 je suis allée avec l'aide du Bataillon britannique. Quant à Mostar ouest,

23 j'y suis allée dans une camionnette tout à fait normale. Nous y sommes

24 allés deux ou trois fois pour tourner là-bas. Voilà.

25 Q. Quand êtes-vous allée pour la première fois en Herzégovine dans le

26 cadre de la production de ce film ?

27 R. Je ne suis pas absolument certaine de la date exacte. Mais c'était la

28 deuxième ou la première semaine de novembre 1993, je pense. Je suis

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1 pratiquement certaine que je suis allée à Mostar dans la ville de Mostar au

2 moment où le pont a été détruit car, comme vous vous en souvenez, la

3 destruction de ce pont a fait couler beaucoup d'encre compte tenu de sa

4 valeur symbolique. Je me souviens qu'à mon arrivée à Mostar, la nouvelle de

5 la destruction du pont avait déjà été répandue et avait déjà causé un choc

6 très important, en dépit du fait que très peu de gens se trouvaient dans la

7 rue au moment où cela est arrivé. Mais cela a choqué tout le monde.

8 Q. Madame Giles, quand vous parlez du pont, de quel pont parlez-vous

9 exactement ?

10 R. Je parle du vieux pont, du vieux pont ottoman.

11 Q. Combien de temps a duré la production de ce film ou la création de ce

12 film ?

13 R. Encore une fois, je ne saurais pas vous le dire très précisément. Mais

14 nous sommes allés aussi à Sarajevo et c'était très compliqué d'ailleurs

15 parce qu'il faillait, chaque fois que nous devions prendre l'avion pour y

16 aller ou pour en revenir, l'aide des Nations Unies. Je crois me rappeler

17 que nous y sommes restés trois semaines au total, peut-être un peu plus,

18 peut-être quatre semaines. Il nous a encore fallu deux semaines de travail

19 à notre retour, donc, je dirais six à huit semaines au maximum.

20 Q. Madame Giles, quand vous dites "nous", vous parlez des personnes qui

21 ont travaillé sur ce projet ?

22 R. Il s'agissait de moi, réalisatrice, avec Paula, dont j'ai déjà parlé et

23 qui avait eu l'idée de ce projet, le caméraman David Bailey, ainsi qu'un

24 interprète local qui était de Zagreb.

25 Q. Qui avez-vous interviewé dans cette période pendant votre séjour à

26 Mostar, si vous avez interviewé quelqu'un ?

27 R. Une seule personne, Jadranko Prlic.

28 Q. Vous rappelez-vous dans quelles conditions vous l'avez interviewé ?

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1 R. Je ne saurais être très précise à ce sujet. J'ai l'impression de me

2 souvenir que toute l'interview a été organisée par le biais du bureau de

3 Mate Boban qui a aussi été interviewé à Grude, mais les choses se sont

4 peut-être passées en sens inverse. Il est possible que nous ayons d'abord

5 interviewé M. Prlic et ensuite M. Boban, je ne me souviens pas exactement.

6 Q. Pouvez-vous nous dire quelques mots de la façon dont a démarré

7 l'interview ?

8 R. Je ne m'en souviens pas exactement. Je me souviens que nous sommes

9 arrivés, M. Prlic nous a salué, il était très à l'aise. Il souhaitait

10 répondre à l'interview -- dire en anglais, ce qui m'arrangeait bien car il

11 est toujours plus facile d'interviewer dans la langue qu'on parle soi-même.

12 Nous sommes arrivés dans son bureau qui était à une certaine distance du

13 front. Je dois dire que j'avais un peu peur de me trouver à Mostar, à ce

14 moment-là, et je ne me souviens pas d'autres détails, à vrai dire.

15 Q. Pouvez-vous nous dire quelques mots des trois ou quatre semaines que

16 vous avez consacrées à la réalisation du film suite au moment que vous avez

17 passé en Herzégovine ?

18 R. Je me souviens que tout a été assez compliqué. Toute cette histoire est

19 très compliquée. Je suis sûr que vous le comprendrez. Il est très compliqué

20 de présenter à un public britannique qui ne comprenait pas très bien les

21 problèmes entre les Croates de Bosnie et les Serbes de Bosnie compte tenu

22 des détails très importants que toute cette histoire implique. Ensuite

23 arrive la dénomination de la Herceg-Bosna qui complique encore les choses.

24 Donc, les gens étaient déjà un peu habitués aux mots Bosnie, Serbie et

25 Croatie. Lorsque la Herceg-Bosna est arrivée, il a été assez compliqué de

26 leur expliquer les détails de toute cette histoire et de la situation des

27 Croates en Bosnie centrale qui était sacrifiée dans l'intérêt de la

28 Herzégovine. Je me souviens avoir beaucoup discuté de cela pour faire

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1 passer cette idée pour la faire comprendre à un public peu spécialisé et

2 pour lui montrer l'aspect assez spectaculaire qui l'intéressait au premier

3 chef. Donc, cela était difficile de monter ce film en très peu de temps,

4 Chanel 4 souhaitait que nous le sortions et les événements étaient en

5 cours, étaient en train de se produire. Le film risquait d'être dépassé

6 assez rapidement.

7 Q. Madame Giles, qui a travaillé dans cette dernière phase de la

8 production du film ?

9 R. Ma collègue, Paulette Farsides, dont j'ai parlé. Nous avons également

10 un monteur dont je ne me rappelle pas le nom parce que les monteurs jouent,

11 évidemment, un rôle important dans la réalisation d'un film. C'est un

12 aspect assez technique du travail. Il faut monter les images, mais aussi

13 monter le son. Les monteurs de canal 4 sont, en général, chargés de ce

14 travail.

15 Q. Vous rappelez-vous, à peu près, à quel moment le film, "La Grande

16 Croatie," a été diffusée par canal 4 ?

17 R. Je dirais que c'était avant Noël. Je crois me rappeler que c'était à la

18 mi-décembre. Peut-être que je me trompe complètement. Il est possible qu'il

19 n'ait été diffusé qu'au début du mois de janvier, mais je crois, tout de

20 même, qu'il a été diffusé à la fin du mois de décembre.

21 Q. En quelle année ?

22 R. 1993.

23 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous demandons la

24 diffusion du film, "La Grande Croatie," dans ce prétoire. Il a déjà été

25 enregistré, précédemment, en tant que pièce

26 P 07437.

27 Ma commise aux audiences me rappelle qu'il importe que j'indique que

28 c'est le système Sanction qui permet cette diffusion.

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1 [Diffusion de la cassette vidéo]

2 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

3 "Sur les dépêches de ce soir, l'histoire inédite de la guerre en

4 Bosnie, la façon dont le gouvernement croate a participé au dépeçage de la

5 Bosnie comme il en avait l'intention et ce qu'il en a résulté. Aujourd'hui,

6 les Croates se réunissent pour parler de paix avec leur ancien allié

7 musulman, à Vienne, mes dépêches révèlent, le protocole secret qui

8 constitue une trahison de ces mêmes Musulmans. Ces dépêches montrent

9 comment les Croates ont créé un nouveau pays en Bosnie qui leur est

10 exclusivement destiné et comment l'ouest a jeté un œil aveugle sur 'La

11 Grande Croatie', a fermé les yeux sur "La Grande Croatie'.

12 "Capljina, une ville dans la Herceg-Bosna, un nouveau pays. Donc, peu de

13 gens en ont entendu parler. Mais c'est un pays qui était cité à prendre sa

14 place dans la carte de l'Europe. La Herceg-Bosna, c'est un peuple, mini

15 Etat que les Croates veulent créer dans ce qui a été, jadis, la Bosnie.

16 Maintenant, le maire de Capljina, Pero Markovic se réjouit à l'idée de ce

17 nouveau monde, de ce "brave new world."

18 "A l'avenir, avec l'aide du monde, nous voulons créer un nouveau pays. Nous

19 voulons vivre l'expérience de la Croatie. Nous faisons partie de l'Europe

20 et nous voulons être comme les autres Européens. Nous devons nous remettre

21 à l'ouvrage. Nous devons reconstruire nos vies. Nous voulons notre propre

22 système d'enseignement. Nous devons nous préparer à avoir notre place en

23 Europe. Nous y avons notre place. Nous faisons partie de l'Europe.

24 "Mais avant que la Herceg-Bosna ne prenne sa place dans l'Europe, des

25 villes comme Capljina ont beaucoup de travail à faire. Il ne s'agit pas

26 uniquement de réparer les dégâts provoqués par l'attaque des Serbes, il y a

27 18 mois mais il faut aussi effacer les traces d'une deuxième bataille qui

28 donne davantage froid dans le dos. Capljina semble revenir à la normale

Page 2043

1 mais si on égratigne un peu la surface, on voit que tout a changé. Il n'y a

2 qu'un quart de la population, un quart de la population a quitté la ville

3 sans le vouloir. Il y a six mois, Capljina a été bouclée par la police, rue

4 après rue, pâté après pâté de maisons. Un quart de la population de la

5 ville a été placé dans des bus et emmené, tous des Musulmans. C'était la

6 dernière étape d'une campagne de persécutions qui a démarré lorsque des

7 cafés et des commerces appartenant à des Musulmans ont été pillés et

8 détruits. La Herceg-Bosna n'a pas vu le jour par hasard. La création de cet

9 Etat est l'étape ultime et la réalisation d'un plan à long terme.

10 Aujourd'hui, tous les joueurs de l'équipe de football de Capljina sont

11 Croates et ils jouent sous le drapeau à damier croate. On connaît bien la

12 façon dont les Serbes ont pris leurs morceaux de la Bosnie. Maintenant, les

13 Croates ont fait de même mais leur stratégie a souvent été négligée. La

14 Herceg-Bosna doit son existence à un seul homme, le président croate,

15 Franjo Tudjman. Pour lui, la création d'un Etat croate dans une terre de

16 Bosnie est une obsession personnelle qui l'a poussé à mettre le dernier

17 clou dans le cercueil de la Bosnie. Tudjman a créé cet Etat sur des abatis,

18 sur des camps de concentration, le nettoyage ethnique, la torture, le fait

19 d'affamer les gens. Autant de mesures exécutées par son acolyte Mate Boban.

20 Vous allez être votre propre maître ici, dit Mate Boban.

21 "Les Croates étaient le plus petit groupe de Bosnie, moins d'un cinquième

22 de la population mais toujours, ils ont dominés ces territoires et ces

23 paysages désolés dans l'Herzégovine. Les Herzégovins voyaient leur capitale

24 à Zagreb plutôt qu'à Sarajevo. Ce terrain accidenté a nourri ou à fait

25 naître les Oustachi fascistes de la Deuxième guerre mondiale. Aujourd'hui

26 encore, les Herzégovins sont particulièrement virulents dans leur

27 nationalisme croate.

28 "C'est une philosophie d'intolérance. Il y a beaucoup de préjugés. Ils

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1 haïssent l'Etat en tant qu'institution. Ils ne veulent pas payer de taxes,

2 d'impôts. Ils aident tout le monde. Ils ont besoin d'espace et de

3 territoire.

4 "Après la Deuxième guerre mondiale, la pauvreté a chassé des dizaines de

5 milliers d'Herzégovins qui ont quitté ce terrain stérile, un secteur

6 stérile. Dans les communautés d'immigrants étrangers, la ferveur

7 nationaliste n'a fait que s'accroître. Ces gens rêvaient que leur région

8 devienne une partie de la Croatie; c'était un rêve que partageait Tudjman,

9 qui a toujours cru que la Croatie avait des droits historiques en Bosnie.

10 "La Bosnie-Herzégovine - dit Tudjman - en fait, a toujours fait

11 partie de l'Etat croate, où c'était le Royaume de Bosnie, mais c'était un

12 royaume catholique lié à la Croatie.

13 La journaliste : L'obsession que nourrissait Tudjman par rapport à

14 ces droits historiques qu'aurait la Croatie en Bosnie vont très loin. En

15 1991, il rencontre son ennemi numéro 1, le président serbe Milosevic,

16 discussions secrètes. Alors que la Serbie menace d'envahir la Croatie,

17 Tudjman est prêt à parler de leur intérêt commun, un dépeçage de la Bosnie-

18 Herzégovine. Voici ce que disent deux témoins oculaires de cette réunion à

19 Karadjordjevo qui parle de ces intentions secrètes.

20 Bilandzic : La vérité concernant ces réunions de Karadjordjevo n'a

21 jamais été publiée officiellement, ce sont restés des pourparlers secrets.

22 Mais l'impression a été donné aux médias que ces pourparlers ne

23 concernaient que les conflits opposant la Croatie et la Serbie. Rien

24 d'autre. Toutes les rumeurs qui circulaient à propos de l'avenir de la

25 Bosnie-Herzégovine ont fait l'objet de démenties officielles.

26 "Slaven Litica, conseiller de Tudjman 1990/1991, l'idée -- il y avait

27 plusieurs cartes sur la table, je suppose, et l'idée était plus ou moins

28 proche des idées assez récentes concernant la Bosnie-Herzégovine, il

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1 fallait soit de diviser la Bosnie-Herzégovine en dix ou 15 unités soit la

2 diviser en trois états semi indépendants.

3 "Question : Est-ce que les Musulmans ont participé à cette réunion,

4 étaient présents ?

5 "Réponse : Pas du tout. Pas du tout. Il n'y a avait pas un seul

6 représentant bosnien à ces pourparlers de Karadjoordjevo ni après non plus.

7 C'étaient des discussions bilatérales entre les délégations serbes et

8 croates. Il n'y a pas eu participation du moindre représentant des

9 Musulmans de Bosnie.

10 Tudjman était arrivé au pouvoir sur fond sur l'aval nationaliste,

11 mais la plupart de ses conseillers s'opposaient à ces ambitions pour ce qui

12 est de la Bosnie. Mais c'est un autocrate Tudjman qui n'écoute que les gens

13 qui sont d'accord avec lui. Il a trouvé un appui inconditionnel ailleurs.

14 En la personne des émigrés herzégovines qui ont financé sa compagne

15 électorale, ils étaient sûrs qu'il allait promouvoir leurs ambitions

16 nationalistes pas seulement en Croatie, mais aussi en Bosnie. Celui qui est

17 le plus en vue c'est Gojko Susak. Il y a à peine quatre ans, il était

18 encore propriétaire d'une pizzeria à Toronto; maintenant, il est le

19 ministre à la Défense en Croatie.

20 Gojko Susak, le président avait un avis très clair sur la Bosnie-

21 Herzégovine bien avant que nous nous rencontrions. Il était très explicite,

22 et je l'ai rencontré la première fois qu'il ait venu faire une allocution

23 publique aux USA et au Canada. Ses politiques étaient très définies pour ce

24 qui est de la Bosnie-Herzégovine. Elles cadrent ses vues avec les miennes

25 de tout façon à bien des égards en matière pour ce qui est de la Bosnie-

26 Herzégovine.

27 SL : Il y a un double jeu entre les deux. Au niveau personnel, M.

28 Susak est une espèce d'esclave de M. Tudjman. Il accepte toutes les

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1 décisions qu'il prend, il y a une personnalité absente en son chef au

2 niveau personnel, mais au sens politique, M. Tudjman parfois ou même

3 aujourd'hui, affiche souvent la philosophie politique de

4 M. Susak.

5 La journaliste : Pour ce qui est des Croates de Sarajevo et du reste

6 de la Bosnie, des ambitions de Tudjman étaient dangereuses. Il n'y avait

7 que 200 000 Herzégovines, qui avaient toujours vécu ensemble, les 600 000

8 autres Croates étaient disséminés, éparpillés dans des communautés mixtes

9 dans toute la Bosnie. Il était difficile pour eux de se retrouver ensemble.

10 Ces Croates-là avaient déjà leur propre direction, leur propre chef à

11 Sarajevo.

12 SK : J'ai obtenu un mandat de deux ans, après cela j'ai parlé

13 plusieurs fois au président Tudjman et je lui ai dit : 'Vous, vous êtes le

14 président de tous les Croates, mais je suis le président des Croates de

15 Bosnie.'

16 La journaliste : Sans que Kljuic le sache, le président de tous les

17 Croates étaient déjà en train de se préparer, de préparer le terrain

18 permettant de diviser la Bosnie. Alors même qu'il effectue une visite, sa

19 première visite présidentielle aux Croates de Sarajevo, Tudjman soutient un

20 petit groupe d'extrémistes d'hommes politiques d'Herzégovine qui trament un

21 complot pour avoir un Etat croate séparé en Bosnie. Massacre il n'a dit

22 rien bien entendu aux personnes qu'il s'adresse.

23 Tudjman : Voilà, depuis trois ans je sillonne le monde mais cette

24 réunion-ci c'est celle qui me touche le plus.

25 La journaliste : L'émission de dépêche a obtenu le premier protocole

26 secret signé et produit par ce groupe en novembre 1991. Ceci confirme les

27 décisions prises par Tudjman à Zagreb. Il déclare que les Croates de

28 Bosnie-Herzégovine doivent enfin prendre des décisions politiques

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1 déterminantes et actives pour réaliser ce rêve séculaire à un Etat croate

2 commun. Ils vous montreront à l'Europe et au monde quelles sont les régions

3 croates en Bosnie-Herzégovine et où se prépare ou se trouve leur avenir.

4 Le document montre le plan véritable. D'abord, une province croate de

5 Bosnie est déclarée, et puis il faut déloger les dirigeants croates qui

6 soutiennent l'idée d'une Bosnie unifiée. Deux mois, au cours des deux mois

7 qui suivent cette réunion, avec le soutien de Tudjman, les séparatistes

8 forcent Kljuic à démissionner. Mate Boban, Herzégovine qui est surtout

9 connu pour ses activités de marché noir est installé comme un nouveau

10 dirigeant. Le plan est déjà en branle. Boban installe son siège croate dans

11 une usine dans sa ville natale de Grude d'Herzégovine.

12 Il n'y a que deux grandes rues et il n'y a pas de place publique

13 pourtant cette ville prend déjà la place de la Sarajevo sophistiquée. Etape

14 suivante, elle est simple : Boban établit une armée croate séparée, le HVO,

15 ceci en Bosnie. Mars 1992, les Croates votent avec les Musulmans en faveur

16 de l'indépendance. Les Serbes se rebellent et la guerre éclate. Alors que

17 les Serbes font une percée en Bosnie, la Croatie intervient pour aider cet

18 Etat assiégé. Tudjman signe une alliance militaire avec Izetbegovic pour

19 combattre les Serbes. Tudjman sait que le gouvernement des Musulmans de

20 Bosnie n'a pas beaucoup de choix il doit s'appuyer sur la Croatie. Ceci lui

21 convient bien.

22 Tudjman : Il y avait l'agression serbe et ils ont donc accepté les

23 Musulmans et ils ont signé un accord avec leur [imperceptible] pour lutter

24 ensemble contre l'agression serbe.

25 SL : Il pensait que les Musulmans allaient rejoindre la Croatie,

26 c'était si vous voulez l'arrière pensée qu'il avait, derrière ses

27 intentions politiques.

28 La journaliste : Les Croates et les Musulmans

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1 s'allient pour combattre les Serbes. Beaucoup de Musulmans rejoignent le

2 HVO, qui est mieux préparé que les forces du gouvernement.

3 Adzic Hodzic : J'ai rejoint le HVO en tant que commandant de section. Je

4 m'attendais à ce que cette alliance tienne.

5 La journaliste : Mais une fois que l'alliance a repoussé ou a arrêté

6 l'avancée des Serbes, Boban passe à l'étape suivante de son plan direct. Il

7 déclare que le gouvernement de Bosnie est dissout et annonce que le HVO va

8 prendre le pouvoir dans toutes les zones qui ne sont pas occupées par les

9 Serbes. Les tiraillements de l'alliance deviennent manifestes.

10 Lord Owen : Bien, superficiellement ils travaillaient ensemble. Il y avait

11 une coalition qui leur avait permis d'avoir ce référendum sur

12 l'indépendance, mais de prime à bord, on pouvait -- c'était les Croates et

13 les Musulmans contre les Serbes, mais peu de semaines se sont passées et

14 j'avais déjà compris que ce n'était pas une véritable coalition.

15 MB : Nous devions donc 300 % --

16 Mate Boban : De la population devant l'agression yougoslave et serbe, dans

17 ces régions, le gouvernement ne fonctionnait plus. L'Etat de Bosnie-

18 Herzégovine avait cessé d'exister. Nous avons dès lors établi le HVO en

19 tant que gouvernement provisoire. Si nous l'avons fait, c'était pour

20 protéger la population, et c'est bien. Il fallait que les écoles

21 fonctionnent. Il fallait qu'il y ait fournitures de soins médicaux, et tout

22 ceci a été fait pour défendre le peuple.

23 La journaliste : Mais pour le partenaire que le HVO était censé avoir dans

24 cette alliance, cette prise de pouvoir était loin d'être provisoire. Ivan

25 Negovetic est un Croate qui n'était pas au HVO, mais qui faisait partie de

26 l'armée du gouvernement de Bosnie.

27 Le HVO a pris le pouvoir dans une certaine commune. Les forces de police

28 aussi, et ils se sont débarrassés de tous les emblèmes de l'Etat de Bosnie.

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1 Notre drapeau, tous nos symboles ont été enlevés et un nouvel Etat a été

2 mis en place.

3 La journaliste : Pour raffermir sa main mise sur la Bosnie, le HVO doit

4 affaiblir son partenaire dans cette alliance. Nous avons obtenu des

5 documents officiels qui montrent quelles sont les restrictions imposées par

6 le HVO sur l'armée de Bosnie. Dans bien des régions qui étaient supposées

7 être sous contrôle conjoint, le HVO réquisitionne toute la structure

8 industrielle, l'approvisionnement énergétique, les transports. Tous les

9 convois d'armes destinés à l'ABiH doivent passer par la Croatie et

10 l'Herzégovine, et à chaque point de contrôle, une partie est prise. La

11 plupart des armes se retrouvent dans les mains du HVO. A Grude dans cette

12 seule ville, 37 camions d'armées qui étaient destinés à des forces de

13 Sarajevo ont été stoppés et pillés.

14 IN : Nous avons payé deux fois ces armes. D'abord quand nous les avons

15 achetées, et puis lorsqu'il a fallu les leur acheter. Donc, nous ne

16 voulions pas ouvrir un deuxième front. Nous ne voulions pas ce conflit.

17 Nous ne voulions pas non plus que le conflit qui avait éclaté se prolonge,

18 mais nos voies d'approvisionnement ont été coupées, fermées. Nous n'avons

19 même pas reçu dix ou 15 % des armes que nous devions recevoir.

20 La journaliste : L'alliance commence à s'effriter. Dans certaines régions,

21 les forces de Bosnie sont désarmées et chassées par les Croates, entre

22 autres, ces forces ripostent et repoussent le HVO.

23 La journaliste : L'agression serbe commence à s'effacer des mémoires. Les

24 Croates et les Musulmans -- au moment où les Croates et les Musulmans se

25 battent pour obtenir des territoires, ils se combattent avec l'appétit qui

26 naît de la trahison. La Bosnie est morte.

27 Kljuic : La crise en Bosnie, ce n'était plus une agression fasciste venant

28 de la Serbie et du Monténégro contre un Etat indépendant, c'était devenu

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1 une guerre civile où tout le monde a attaqué tout le monde, a tiré sur tout

2 le monde. Alors que les Musulmans et les Croates se battent, on pourrait

3 encore parler de la Bosnie. Mais quand ils ont commencé à se combattre

4 l'un, l'autre, la politique des Musulmans a dû changer. L'idée d'une Bosnie

5 unifiée était morte lorsque les Croates ont attaqué les Musulmans.

6 La journaliste : Tudjman et Boban réécrivent déjà l'histoire. Ils ont prévu

7 de prendre le pouvoir dans toute la Bosnie, mais arrêtés en cela par

8 l'armée de Bosnie. Maintenant, la ligne croate officielle ou la politique

9 croate officielle, c'est d'imputer la faute de la destruction de l'alliance

10 aux Musulmans.

11 Mate Boban : Nous avons aidé les Musulmans qui ont été victimes de

12 l'agression serbe. Nous leur avons rendu leur dignité, et par-dessus tout,

13 nous leur avons donné des armes pour qu'ils tuent les Croates.

14 Franjo Tudjman : Ils étaient incapables de défendre leurs territoires des

15 Serbes et les éléments extrémistes gagnaient sans cesse en importance. Les

16 Musulmans ont choisi une guerre longue contre les Croates, au lieu de

17 chercher une solution politique.

18 La journaliste : Alors que l'alliance commence à s'effondrer, les

19 négociateurs occidentaux ne réagissent pas face aux prétentions

20 territoriales des Croates. Les Croates prennent bien soin à se présenter

21 comme étant la partie raisonnable dans le conflit en Bosnie.

22 [inaudible] : C'était un petit groupe, le plus faible. Je pense qu'ils ont

23 agi avec beaucoup d'intelligence politique pour décider en gros de savoir

24 qui allait dans le sens des négociateurs, et ils se présentaient comme

25 étant le parti de la raison. C'était dans leur intérêt, je pense que

26 c'était une stratégique très intelligente.

27 La journaliste : Ceci va commencer à payer. Maintenant, les négociateurs de

28 la paix se prêtent à donner aux Croates le feu vert pour commencer le

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1 démantèlement définitif de la Bosnie.

2 La journaliste : Décembre 1992, Genève. Alors que le plan Vance-Owen est en

3 train d'être rédigé, les Croates renforcent leur main mise sur tout cet

4 Etat qu'ils ont prévu, ce mini Etat d'Herceg-Bosna. Celui-ci divise la

5 Bosnie en dix provinces et apparemment, il ignore les ambitions

6 territoriales manifestes de Mate Boban. Ces négociateurs ne connaissent pas

7 bien Lord Owen. Nous savions bien qu'ils avaient leurs propres objectifs

8 bien avant l'annonce du plan Vance-Owen.

9 On en était tout à fait conscients. La question de l'Herceg-Bosna est

10 restée une question conflictuelle permanente entre Izetbegovic et Tudjman,

11 donc il n'y avait rien, il n'y avait aucune surprise. Nous étions

12 parfaitement conscients de ce qui était leur intention personnelle.

13 En dépit de cela, les Croates estiment que le plan Vance-Owen conforte

14 leurs intentions privées. Deux des provinces ont une majorité nette croate,

15 une troisième est à moitié musulmane. Boban estime -- s'arroge de cette

16 province. Il insiste en disant que le plan Vance-Owen a récompensé les

17 Croates en leur donnant un quart de la Bosnie et il s'empresse de signer.

18 Mate Boban : Il est dommage que ceci n'ait pas été compris par l'Europe, ni

19 par les Américains, ni par les Nations Unies, les Serbes et les Musulmans.

20 La journaliste : Ce plan Vance-Owen place la ville mixte de Mostar dans une

21 province croate. Les croates convoitent depuis longtemps Mostar pour en

22 faire leur capitale. Ils utilisent le plan de paix comme étant un feu vert

23 pour leur permettre la prise du pouvoir. Mais Vance-Owen relie chaque

24 province pour protéger les minorités croates. Les Croates ne semblent pas

25 s'en être rendu compte.

26 DB : On nous a donné notre mini Etat d'Herceg-Bosna et nous pouvons faire

27 ce que nous voulons dans cet endroit. Nous pouvons donner d'autres noms aux

28 rues. Nous pouvons donner un autre nom à l'université de Mostar et Mostar

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1 peut enfin devenir notre capitale. Ils ont pensé que la bataille était

2 terminée, mais ils se trompaient.

3 La journaliste : 9 mai 1993. Les Croates dans un assaut généralisé sur

4 Mostar. Résistance des forces de Bosnie.

5 Est-ce que pour vous, Mostar a toujours été la capitale d'Herceg-Bosna ?

6 Oui, tout du long.

7 Même s'il y avait une majorité de Musulmans qui y vivaient ?

8 Non, il n'y a pas de majorité à Mostar, quelque soit la nationalité ou la

9 nation. Avant la guerre, il y avait autant d'habitants musulmans que

10 d'habitants croates à une différence d'à peine quelques centaines près.

11 Mais vous continuez de penser que Mostar est la capitale ?

12 Jadranko Prlic : Oui.

13 La journaliste : Pourquoi ?

14 Jadranko Prlic : Parce qu'il faut que cette république ait une

15 capitale. Il faut qu'elle ait un centre. Il faut qu'elle ait son

16 université. Elle doit avoir tout ce qui fait d'une république, une

17 république. Notre propre civilisation avec ses théâtres, son orchestre

18 symphonique, et ainsi de suite.

19 La journaliste : Mais cette capitale civilisée n'inclut pas les Musulmans.

20 Tous ceux, les Musulmans qui vivent sur la rive ouest font l'objet de

21 rafle. Ils sont contraints de traverser la rivière pour aller sur la rive

22 est, dévastée, commence ainsi un siège brutal. Les civils deviennent une

23 arme dans la guerre.

24 Mme Dulic : Je vivais de l'autre côté sur la rive ouest, dans un

25 adorable petit appartement de deux pièces. Nous y avons travaillé tous les

26 deux 25 ans, pour nous équiper nous-mêmes. Quand ils nous ont chassé, nous

27 avons été utilisés comme bouclier humain. On n'a rien pu prendre, rien pu

28 emporter. Nous avons tout laissé sur place.

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1 Mate Boban : J'ai vu un film. On voyait, cela avait été filmé de nuit, des

2 gens qu'on chassait de Mostar ouest pour les repousser, les refouler vers

3 Mostar est. C'étaient les effectifs du HVO qui avaient fait cela.

4 Cela aurait pu être filmé en Somalie.

5 La journaliste : Quatre mois durant, le HVO bloque tous les convois d'aide

6 humanitaire destinés aux Musulmans à Mostar est. Il utilise l'arme. Il veut

7 affamer les civils.

8 Mme Dulic : Nous allons des les maisons détruites pour retrouver des

9 choses. Maintenant, nous cherchons de l'eau, du bois de chauffage pour

10 essayer de cuisiner quelque chose et si nous trouvons quelque chose à

11 manger, qu'on peut manger. C'est très difficile. C'est vraiment très

12 difficile. Si on pilonne, vous sortez. Vous regardez si les gens de votre

13 famille sont encore en vie. Tous les jours, on compte les morts, les

14 blessés qui étaient encore en vie. Bon Dieu. En général, on ne mange qu'une

15 fois par jour. Si on parvient à manger deux fois, c'est rare.

16 La journaliste : Sur l'autre rive, dans la partie de Mostar tenue par les

17 Croates, il n'y a pas de pénurie.

18 Prlic : Mostar n'a pas de rive ouest, n'a pas de rive est. C'est une ville

19 seule et unique. Je n'admets pas. Je ne reconnais pas cette division. C'est

20 une ligne de front temporaire. Je suis un habitant de Mostar. C'est là que

21 je suis né, et je ne veux pas la diviser.

22 La journaliste : D'autres personnes qui sont nées à Mostar ouest sont

23 afférées à retrouver, à effacer, à balayer les dernières traces de ce qui

24 étaient leurs voisins. Nous avons trouvé dans les cendres, dans les gravats

25 quelques photos, une femme âgée. J'ai trouvé un des albums de photos

26 appartenant à ma voisine et je les ai mises dans des sacs. Si jamais elle

27 revient, je pourrais lui donner.

28 Autres personnes : Si jamais ces gens reviennent, il faut quand même qu'on

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1 leur rendre leurs souvenirs. Certains sont sur la rive ouest, d'autres sont

2 partis à l'étranger.

3 La journaliste : Les Croates, systématiquement, franchissent chaque étape

4 dans cet ordre de guets qu'ont commencé déjà les Serbes de Bosnie. Dans la

5 région de Mostar, les Musulmans en âge de combattre sont rassemblés dans

6 des camps comme à Dretelj. Beaucoup ont combattu au HVO.

7 Là ou un Croate aurait pu tuer un Musulman.

8 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas suivi.

9 Ici, il n'y a pas de nourriture, pas d'eau, pas d'installation sanitaire.

10 Il n'y a pratiquement pas de soins médicaux. On torture les gens tous les

11 jours. Beaucoup meurent.

12 La journaliste : Sur une île, au large de la Croatie, des victimes

13 musulmanes du camp de détention de Dretelj sont toujours sous la garde de

14 la police. Nous y avons filmé quelques images clandestinement.

15 Voix de femme : Il est important pour vous d'aller en sécurité quelque

16 part, car votre statut de réfugié ne pourra être prorogé que d'un mois.

17 La journaliste : Le gouvernement de la Herceg-Bosna a libéré ces gens

18 uniquement s'ils acceptaient d'être envoyés à l'étranger par les Nations

19 Unies. Ils ont quitté à jamais la Bosnie. La Croatie, dit ce jeune homme, a

20 pris des mesures. Nous n'avons pas été envoyés chez nous en Bosnie, mais en

21 Croatie où nous pouvons rester que temporairement avant d'être envoyés des

22 pays tiers. C'est une autre étape de ce nettoyage ethnique.

23 La journaliste : Pendant toute la guerre ou contre les forces du

24 gouvernement de Bosnie, l'armée croate régulière continue à envoyer

25 beaucoup d'effectifs en Bosnie pour renforcer le HVO. Ce soir, les Croates

26 ont été photographiés sur la ligne de front, Mostar, en juin dernier.

27 Avant le conflit, le HVO n'avait et ne serait qu'un seul char. Maintenant,

28 ils en ont une multitude. De toute évidence, ils se sont fait aider, soit

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1 par le biais de la Croatie, soit de la part de la Croatie. Nous avons des

2 conversations enregistrées que nous avons interceptées. Grâce aux actions

3 croates, nous pouvons savoir qu'ils viennent de l'armée régulière croate.

4 Mate Boban : Nous aussi, nous avons des preuves de chars bosniaques au

5 Pakistan et en Inde.

6 Lord Owen : Non, je parle qu'il y a des éléments substantiels de l'armée

7 croate en Bosnie-Herzégovine, très substantielle, et je dois dire que je

8 pense que c'est un point que la communauté internationale, le monde devrait

9 soulever de manière plus ferme. Pour ce qui est des Serbes, ceci a été

10 évoqué au printemps 1992, de manière très ferme, mais cela a été passé sous

11 silence pendant les six derniers mois.

12 La journaliste : Les ambitions du président Tudjman en Bosnie ont été

13 passées sous silence. Dans la capitale croate, Zagreb, les choses se

14 déroulent comme si de rien n'était. La Croatie a apporté son appui aux

15 atrocités en Bosnie. Elle n'a pas été punie pour cela. Un diplomate haut

16 placé nous a dit que les Croates s'en sont tirés avec un meurtre,

17 littéralement.

18 Lord Owen : Certainement, c'était l'opinion de la Communauté européenne, de

19 toute évidence, influencée par l'Allemagne et d'autres amies de la Croatie,

20 telle l'Autriche au sien des Nations Unies, la Hongrie et d'autres, ainsi

21 que les Etats-Unis. Donc, l'opinion générale était que c'était mieux de

22 faire des reproches au président Tudjman, de le critiquer plutôt que de

23 prendre des mesures et des actions, des sanctions contre la Croatie.

24 Nous avons besoin d'une approche internationale adéquate aux Balkans.

25 Jusqu'à présent, nous en avons vu de nombreuses. Je veux dire que nous

26 avons vu de nombreux hommes politiques internationaux bizarres.

27 Généralement, des perdants dans leur propre pays tel Lord Owen ou Lord

28 Carrington, Lord X, Y, et puis, on les envoyait dans ce coin de la terre,

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1 du globe pour jouer des jeux politiques de manière irresponsable.

2 La journaliste : Celui qui l'a emporté dans ces jeux irresponsables, c'est

3 Franjo Tudjman. En juillet, il ne s'est plus caché. Il n'a pas cherché à

4 faire semblant d'apporter son soutien à la Bosnie unifiée. Des négociations

5 de paix maintenant se basent sur une union de républiques ou de mini Etats.

6 Tudjman est parvenu à satisfaire son obsession. Maintenant, il veut que la

7 Bosnie rejoigne la Croatie.

8 Mate Boban : Les Croates de la Bosnie-Herzégovine sont les mêmes. Les

9 Croates de l'Herzégovine sont une partie indivisible de la nation croate.

10 Franjo Tudjman : Nous devrions être conscients du moment historique

11 dans la vie des nations. Les frontières de la Croatie, de par le passé et,

12 aujourd'hui, ils ne sont pas uniquement des frontières de la Croatie.

13 Hélas, nous sommes à la croisée des civilisations.

14 La journaliste : En Herceg-Bosna, dans les villes telle Capljina, un nouvel

15 était prend corps. Il y a quelques usines seulement et elles se remettent

16 au travail. Les enfants s'habituent à leur nouveau programme scolaire,

17 c'est le même qui est enseigné dans leur mère patrie la Croatie.

18 Mais dès qu'on sort de Capljina, un convoi attend pour prendre les réfugiés

19 croates qui sont chassés de Bosnie centrale Pour ces gens-là, il y a eu de

20 mauvaises conséquences de cette convoitise territoriale de Tudjman et

21 Boban. Ils ne sont pas de l'Herceg-Bosna, ils sont de là où le HVO perd de

22 plus en plus de territoire face aux forces gouvernementales. Les Croates de

23 Bosnie centrale ne sont plus que dans quelques poches qui tombent les unes

24 après les autres. Puis, Vares, 20 000 personnes ont dû le fuir. Mate Boban

25 a pour seule solution de les réinstaller dans le désert d'Herceg-Bosna,

26 dans les terres arides d'Herceg-Bosna.

27 A Sarajevo, les Croates se trouvent face à un avenir incertain; 30 000

28 Croates y vivent. C'est toujours la plus grande ville croate de Bosnie mais

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1 le gouvernement d'Herceg-Bosna les a abandonnés. Seule l'église est

2 toujours là pour les protéger. Le chef spirituel de tous les Croates de

3 Bosnie, l'archevêque Vinko Pulic, refuse d'abandonner sa cathédrale en

4 dépit des pressions qui s'exercent constamment sur lui pour qu'il se

5 déplace en Herceg-Bosna, Vinko Pulic.

6 Jadranko Prlic : Depuis le 27 décembre 1992, les Croates n'ont plus de

7 représentants officiellement, légalement élus au parlement. Depuis ce

8 moment, ils quittent Sarajevo et nous vivons dans une situation de

9 suspense.

10 Ivan Tomislav est un Croate de Sarajevo. Il se sent abandonné par Mate

11 Boban et par ses Herzégovines de Grude, Ivan Tomislav.

12 Les hommes politiques de Grude, ils ne suivent que le dicta de Zagreb et

13 cette politique ne cherche pas à satisfaire les intérêts des Croates de

14 toute la Bosnie-Herzégovine. On ne m'a jamais demandé mon avis sur ces

15 solutions politiques. Je n'ai jamais voté pour eux. Or, l'Herceg-Bosna

16 n'est pas une solution pour tous les Croates, tous les catholiques de

17 Bosnie-Herzégovine, donc je ne peux pas approuver une solution politique

18 qui ne satisfait qu'une partie. A moins que cette solution politique ne

19 protège tous mes fidèles. Je demande qu'il y ait une solution politique qui

20 protégerait les droits de tous mes fidèles.

21 La journaliste : Pour ce qui est des Croates de Sarajevo, l'invitation de

22 Mate Boban à ce qu'il rejoigne les autres Croates d'Herceg-Bosna est

23 inacceptable.

24 Jadranko Prlic : Je remercie M. Boban de sa proposition, de son invitation,

25 mais je ne pourrais jamais vivre ni à Mostar ni à Grude ni je ne sais où

26 autre. Je me sens chez moi à Sarajevo même s'il y a des obus, même si les

27 conditions minimales ne sont pas satisfaites, mais je veux survivre.

28 Letica : c'est une tragédie et cette tragédie peut être attribuée,

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1 imputée à M. Tudjman parce qu'il a pris beaucoup de mauvaises décisions et

2 tout simplement, je veux dire que sa mentalité est une mentalité d'un pur

3 perdant.

4 Stjepan Pujic [phon] : Mais ils sont aveugles, ils veulent sacrifier

5 700 000 Croates de toute la Bosnie pour les 170 000 Croates d'Herzégovine.

6 La journaliste : Les Croates de Bosnie se trouvent face à un choix

7 difficile. C'est soit l'Herceg-Bosna ou rien pour la plupart d'entre nous.

8 Le président Tudjman a découpé sa partie de la Bosnie. Il est parvenu à

9 satisfaire son obsession personnelle, il n'a pas été sanctionné pour cela

10 par la communauté internationale, mais le prix a été la trahison de la

11 Bosnie et le sacrifice de son peuple, de son propre peuple."

12 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

13 M. MUNDIS : [interprétation]

14 Q. Madame Giles, je n'aurai plus qu'une ou deux questions à vous poser au

15 sujet de ce documentaire. Qui a été le narrateur ? Vous en souvenez-vous ?

16 R. Je ne me souviens que de son prénom. Moi-même, j'ai rédigé le texte,

17 elle n'a fait que lire le texte.

18 Q. C'est la question que j'allais vous poser par la suite. Nous avons vu

19 un entretien avec M. Prlic. Qui a recueilli cet entretien ?

20 R. C'est moi.

21 Q. Est-ce que cet entretien dont vous nous avez parlé avant qu'on l'on ne

22 voit la bande ?

23 R. Oui.

24 Q. Quelle est la dernière fois où vous avez vu cet entretien sur

25 l'enregistrement ?

26 R. Cela fait longtemps. Je n'arrive pas à situer cela dans le temps.

27 Q. Plus précisément, je vais vous poser des questions au sujet de

28 l'entretien avec M. Prlic. Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois ?

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1 R. Ce matin.

2 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, à ce stade, je vais

3 demander que l'on voit une partie de l'entretien enregistré de Prlic. Nous

4 allons demander le versement de ces deux vidéos, mais en fonction des

5 commentaires de Me Karnavas, je ne pense pas qu'il convient de voir le

6 tout.

7 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. C'est soit toute la bande, soit

8 rien du tout.

9 M. MUNDIS : [interprétation] Très bien. Nous allons montrer toute la bande.

10 M. KARNAVAS : [interprétation] C'est ce que vous devriez faire.

11 [Diffusion de cassette vidéo]

12 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

13 "La journaliste : Pourriez-vous nous dire juste ce qui se passait cette

14 semaine lorsque vous êtes devenu premier ministre ?

15 Jadranko Prlic : Vous devriez poser la question à ceux qui m'ont chois.

16 Maintenant, nous avons un nouveau gouvernement d'Herceg-Bosna, je pense que

17 ce nouveau gouvernement sera très bon et nous avons maintenant les

18 ministères dans leur pleine composition au gouvernement. Je pense que nous

19 pouvons faire beaucoup de choses.

20 La journaliste : Pourquoi êtes-vous devenu maintenant premier ministre ?

21 Pourquoi avez-vous changé ?

22 Jadranko Prlic : Parce que nous avions besoin d'abord d'avoir une

23 république. Avant nous étions Communauté croate d'Herceg-Bosna, juste une

24 organisation provisoire. Maintenant, en fonction de l'accord de Genève,

25 nous avons créé la République croate d'Herceg-Bosna et je suis le premier

26 ministre de ce nouveau gouvernement. Il y aura à l'avenir une union des

27 républiques de Bosnie-Herzégovine.

28 La journaliste : L'accord de Genève n'a pas été signé par toutes les trois

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1 parties.

2 Jadranko Prlic : Mais les trois parties sont d'accord sur les principes,

3 pas de frontière -- excusez-moi, j'ai fait une erreur, les trois parties

4 acceptent le principe d'organisation de la Bosnie-Herzégovine à l'avenir.

5 La journaliste : Lorsque je vous ai demandé pourquoi vous êtes devenu

6 premier ministre, vous avez dit qu'il faudrait poser la question à ceux qui

7 vous ont élu. Qui est-ce ?

8 Jadranko Prlic : C'est le parlement de la République croate d'Herceg-Bosna

9 et le président de celle-ci, conformément à la loi.

10 La journaliste : Comment sont-ils élus ?

11 Jadranko Prlic : Au niveau des municipalités, il y a plus de 30

12 municipalités représentées dans la composition de ce parlement. Il y a 70

13 membres, 70 députés.

14 La journaliste : Ils viennent de toute la Bosnie ?

15 Jadranko Prlic : Non, pas de toute la Bosnie. Certaines parties de la

16 Bosnie, là où il y a des Croates.

17 La journaliste : De Bosnie centrale par exemple ?

18 Jadranko Prlic : Oui, Bosnie centrale, du nord de la Bosnie, de Bosanska

19 Posavina, du centre de la Bosnie, de l'Herzégovine; c'est cela.

20 La journaliste : Où siège le gouvernement ?

21 Jadranko Prlic : A Mostar, ici à Mostar.

22 La journaliste : Mostar est le siège du gouvernement ?

23 Jadranko Prlic : Oui, de manière permanente.

24 La journaliste : Comment sont réparties les responsabilités entre Mostar et

25 Grude ?

26 Jadranko Prlic : Non, Grude ne figure dans aucun document de la République

27 croate de Herceg-Bosna. C'est Mostar qui est la capitale de cette

28 république.

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1 La journaliste : Il en a toujours été ainsi ?

2 Jadranko Prlic : Oui.

3 La journaliste : Pourquoi n'êtes-vous pas tous ensemble ici à Mostar ?

4 Pourquoi vous ne travaillez pas tous ensemble ? Il semblerait qu'il y a

5 deux administrations différentes.

6 Jadranko Prlic : Non, nous n'avons qu'une seule administration. Mais nous

7 avons des organes ou des ministères partout en Herceg-Bosna.

8 La journaliste : Le président est à Grude, et le premier ministre vit à

9 Mostar ?

10 Jadranko Prlic : Vous pouvez le dire ainsi, c'est vrai.

11 La journaliste : Mais pour quelle raison ?

12 Jadranko Prlic : Parce que le président vit à Grude, et je vis à Mostar;

13 j'y ai toujours vécu.

14 La journaliste : Est-ce que le président viendra à vivre ici un jour ?

15 Jadranko Prlic : Oui.

16 La journaliste : A quel moment, d'après vous ?

17 Jadranko Prlic : Officiellement, le président de la République croate de

18 Herceg-Bosna a son siège ici à Mostar. Mais de manière provisoire, il est

19 basé à Grude.

20 La journaliste : Vous avez toujours estimé que Mostar était la capitale de

21 la Herceg-Bosna ?

22 Jadranko Prlic : Oui, depuis toujours.

23 La journaliste : Même si cette ville avait une majorité musulmane ?

24 Jadranko Prlic : Non, il n'y a pas de majorité à Mostar de qui que ce

25 soit, de quelque nation que ce soit. Avant la guerre, il y avait un même

26 nombre d'habitants musulmans et croates. Il y avait juste quelques

27 centaines qui faisaient la différence.

28 La journaliste : Mais ceci ne vous empêchait pas de considérer que c'était

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1 la capitale de la partie croate de Bosnie-Herzégovine ?

2 Jadranko Prlic : Oui.

3 La journaliste : Pourquoi ?

4 Jadranko Prlic : Parce que cette république doit avoir un seul centre, une

5 capitale, une université, doit avoir d'autres choses qui en font une

6 république. Vu notre niveau de civilisation, il faut un théâtre, avec un

7 orchestre symphonique.

8 La journaliste : Est-ce que vous pensez que les Musulmans étaient d'accord

9 avec cela dès le départ ?

10 Jadranko Prlic : Oui, je pense, au départ, oui. Mais après cela, lorsque

11 l'ABiH est devenue plus forte, ils ont changé d'avis.

12 La journaliste : Excusez-moi. Qu'est-ce qui s'est passé ?

13 Jadranko Prlic : Ils ont changé d'avis à ce sujet.

14 La journaliste : Ils ont changé d'avis ?

15 Jadranko Prlic : Oui, ils ont changé d'avis.

16 La journaliste : Que s'est-il passé ? Est-ce que vous pouvez me dire ce qui

17 s'est passé ? A quel moment ont-ils changé d'avis ?

18 Jadranko Prlic : Voyez-vous, comme dans d'autres parties de la communauté

19 croate de la Herceg-Bosna, il y a eu plus de 120 000 réfugiés musulmans

20 dans cette région, et environ 20 000 réfugiés à Mostar, 15 000 à Travnik,

21 et cetera. Il a été facile de manipuler ces réfugiés. Si on leur dit vous

22 allez pouvoir vous installer dans ces appartements, vous allez avoir un

23 travail, vous aurez tout, parce que ces personnes perdent tout, les foyers,

24 et cetera, il était très facile de manipuler ces populations. C'était l'un

25 des problèmes principaux dans l'évolution des choses en Bosnie-Herzégovine

26 parce que pratiquement tous les soldats étaient venus de ces populations.

27 La journaliste : Comment Mostar a été sauvée des Serbes ? Que s'est-il

28 passé à Mostar?

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1 Interprète : Partiellement inintelligible, cette question.

2 Jadranko Prlic : Mostar a été libérée il y a plus d'un an. Le HVO a libéré

3 Mostar. Parce que pendant cette période-là, les seules forces armées à

4 Mostar, c'était le HVO. Il n'y avait pas d'ABiH dans cette région. Après la

5 libération, les Musulmans ont créé l'ABiH.

6 La journaliste : Donc, les Croates se sont battus tous seuls ?

7 Jadranko Prlic : Non, pas seulement les Croates. Nombreux de Musulmans se

8 sont battus dans les rangs du HVO.

9 La journaliste : En tant que partie du HVO ? Ils en faisaient partie ?

10 Jadranko Prlic : Non, pas en tant que partie, en tant que membres du HVO.

11 La journaliste : [aucune interprétation]

12 Jadranko Prlic : Oui.

13 La journaliste : Que s'est-il passé par la suite ?

14 Jadranko Prlic : Il y a eu des réfugiés. Il y a eu un changement de

15 politique de la part des Musulmans, et puis c'est cela la vraie cause du

16 conflit entre les Musulmans et les Croates dans notre région. Parce que,

17 voyez-vous, si les Croates veulent se livrer au nettoyage ethnique ou

18 veulent battre les Musulmans, ils peuvent le faire à tout moment, parce que

19 nous sommes bien plus forts que les Musulmans. Mais nous ne voulions pas

20 faire cela. A partir du moment où l'ABiH s'est renforcée, ils ont commencé

21 à se battre contre les Croates, et maintenant nous avons les résultats de

22 ce combat.

23 La journaliste : Vous pensez que vous auriez pu repousser les Serbes sans

24 qu'il y ait eu de soldats musulmans dans les rangs du HVO ?

25 Jadranko Prlic : Oui, oui.

26 La journaliste : Sans qu'il y ait ne serait-ce qu'un seul soldat musulman ?

27 Jadranko Prlic : Oui, nous étions capables de le faire.

28 La journaliste : Mais pourquoi les avez-vous armés ? Pourquoi leur avez-

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1 vous permis de devenir un membre du HVO ?

2 Jadranko Prlic : Parce qu'ils voulaient être membres du HVO. Le HVO,

3 pendant cette période-là, était une armée de volontaires.

4 La journaliste : Donc, si j'ai bien compris, vous avez ensuite publié une

5 déclaration disant que tous les soldats de l'ABiH devraient rendre leurs

6 armes. C'était le 15 avril; est-ce exact ?

7 Jadranko Prlic : Excusez-moi, je ne vous ai pas compris.

8 La journaliste : Vous avez dit que le 15 avril, les soldats de Bosnie-

9 Herzégovine devaient remettre leurs armes au HVO; est-ce exact ?

10 Jadranko Prlic : Je ne vous ai pas compris.

11 L'Interprète : S'adressant aux traducteurs.

12 Jadranko Prlic : Pouvez-vous me le traduire ?

13 L'Interprète : [aucune interprétation]

14 Jadranko Prlic : Non.

15 La journaliste : Ce n'est pas exact ?

16 Jadranko Prlic : Ce n'est pas exact.

17 La journaliste : Alors, que s'est-il passé ?

18 Jadranko Prlic : Rien.

19 La journaliste : Vous étiez en train de combattre, vous aviez une alliance

20 avec ces soldats, et maintenant vous vous êtes mis à vous battre contre

21 eux. Que s'est-il passé ?

22 Jadranko Prlic : L'armée musulmane voulait occuper tout Mostar. C'est cela

23 la seule vérité. Parce que le HVO avait déjà toute la ville, et tout sur le

24 territoire de la communauté croate de Herceg-Bosna. Il n'y avait pas d'ABiH

25 pendant cette période-là. Par la suite, les Musulmans ont créé une ABiH ou

26 l'armée musulmane. Pendant la première période, c'était l'ABiH. Maintenant,

27 il n'en reste plus que le nom. Maintenant, en réalité, c'est l'armée

28 musulmane.

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1 La journaliste : Donc, ils ont commencé les combats à Mostar contre les

2 soldats croates ?

3 Jadranko Prlic : Ils ont lancé des combats dans toutes les communautés

4 croates de Herceg-Bosna.

5 La journaliste : Mais pour ce qui est de Mostar ?

6 Jadranko Prlic : Oui.

7 La journaliste : C'étaient les Musulmans qui ont commencé le combat ?

8 Jadranko Prlic : Oui, et c'est une déclaration officielle.

9 La journaliste : Comment a-t-il réagi, le HVO, quand les combats ont

10 commencé ?

11 Jadranko Prlic : C'était la défense. On a commencé à se défendre.

12 La journaliste : Mais pourquoi avez-vous utilisé les forces musulmanes si

13 vous n'en aviez pas besoin ? Parce qu'au début, vous vous êtes battus

14 ensemble. Vous vous êtes battus pour défendre votre ville.

15 Jadranko Prlic : Nous n'avons pas utilisé les forces musulmanes. Nous

16 avions des Musulmans dans les rangs du HVO. C'était une armée de

17 volontaires, et ces Musulmans souhaitaient être membres du HVO. Il n'y

18 avait pas d'unité armée musulmane.

19 La journaliste : Donc, vous pensez vraiment qu'il y a eu rupture entre les

20 Musulmans et les Croates parce que les Musulmans sont devenus agressifs ?

21 Jadranko Prlic : Voyez-vous, les Musulmans souhaitaient se trouver un

22 nouveau territoire pour eux. Vous savez, beaucoup de Musulmans ont été

23 jetés de leur territoire par les Serbes et les Musulmans essayaient de

24 s'emparer de nouveaux territoires. C'était une tâche très difficile d'y

25 parvenir contre les Serbes. C'était plus facile d'y parvenir contre les

26 Croates. C'est la raison principale de ce conflit.

27 La journaliste : Que se passe-t-il maintenant ? Vous avez la plus grande

28 partie de la rive ouest et les Croates. Que se passe-t-il sur la rive est ?

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1 Vous pouvez me décrire la situation ?

2 Jadranko Prlic : Non. Mostar n'a pas de rive ouest, ni de rive est, Mostar

3 est une ville unique, unie et je ne veux pas parler de cette division.

4 C'est juste une ligne de front temporaire. Je suis un habitant de Mostar.

5 C'est ma ville natale. Je ne veux pas la diviser.

6 La journaliste : A votre avis, que va-t-il se passer ? Pour le moment, on

7 ne peut pas passer de l'est à l'ouest, la ville est en réalité divisée ?

8 Comment allez-vous régler cela ?

9 Jadranko Prlic : C'est une situation temporaire. Je suis convaincu que les

10 habitants de Mostar, qu'ils soient Croates, Musulmans ou Serbes vont

11 surmonter cette situation à l'avenir.

12 La journaliste : [aucune interprétation]

13 Jadranko Prlic : Par des voies politiques.

14 La journaliste : Vous aurez une ville réunifiée, vous aurez toute la

15 population sur la rive est ?

16 Jadranko Prlic : Oui, la ville sera unifiée et englobera tous les

17 habitants; Croates, Musulmans et Serbes.

18 La journaliste : Dans quelles conditions ?

19 Jadranko Prlic : Je ne sais pas exactement. Mais je suis convaincu que cela

20 arrivera.

21 La journaliste : Est-ce que vous autoriserez l'ABiH à posséder également

22 une partie de Mostar ?

23 Jadranko Prlic : Aucune armée ne possèdera une partie de Mostar. Nous

24 n'avons besoin d'aucune armée.

25 La journaliste : Pas même le HVO ?

26 Jadranko Prlic : Aucune armée.

27 La journaliste : Puis-je, à présent, vous interrogez au sujet de la Bosnie

28 centrale; que se passe-t-il en Bosnie centrale en ce moment ?

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1 Jadranko Prlic : Nous avons la guerre dans notre Bosnie centrale entre les

2 Croates et les Musulmans. L'armée musulmane a réussi à occuper de

3 nombreuses villes en Bosnie centrale, par exemple, Travnik, Bugojno,

4 Fojnica; en Herzégovine septentrionale, Konjic et Jablanica, dans ces

5 villes en ce moment il n'y a pas de Croates ou de très rares Croates. Les

6 Musulmans ont achevé un nettoyage ethnique contre les Croates dans cette

7 région de Bosnie-Herzégovine.

8 La journaliste : Que fait le HVO pour ces régions ?

9 Jadranko Prlic : Il défend -- il défend une - non deux enclaves. Le HVO est

10 dans une situation particulière en ce moment et il défend trois enclaves en

11 Bosnie centrale; à savoir Zepce, la deuxième c'est Kiseljak et une partie

12 de Fojnica et Kresevo et il défend aussi Vitez, Busovaca et une partie de

13 Travnik et Novi Travnik.

14 La journaliste : Comment est-ce qu'il y parvient ? Quelle stratégie

15 applique-t-il et est-ce qu'elle est fructueuse ?

16 Jadranko Prlic : Elle n'est pas complètement fructueuse parce que nous

17 sommes en guerre, mais je pense que nous sommes capables de défendre cette

18 ville, cette municipalité.

19 La journaliste : Est-ce la raison pour laquelle le HVO concentre

20 actuellement ses efforts sur la Bosnie centrale ?

21 Jadranko Prlic : Le problème est sans doute lié à la stratégie militaire.

22 Je ne suis pas un militaire, je suis président du gouvernement.

23 La journaliste : Il me semble que cette stratégie était vouée à l'échec

24 pratiquement. Cette stratégie consistant à essayer de s'emparer de toute la

25 Bosnie centrale, c'était une ambition trop grande pour les Croates ?

26 Jadranko Prlic : Non, nous n'avons qu'une seule ambition, défendre les

27 Croates dans toute la Bosnie-Herzégovine. Nous ne voulons pas toute la

28 Bosnie-Herzégovine ou une grande partie de la Bosnie-Herzégovine, nous ne

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1 voulons qu'une partie de la Bosnie-Herzégovine dans laquelle nous

2 jouissions de la souveraineté. Tous les habitants de cette partie de la

3 Bosnie-Herzégovine ont le même droit que les Croates. Je parle des régions

4 où la souveraineté est exercée par les Serbes ou les Musulmans qui y sont

5 majoritaires.

6 La journaliste : Revenons à Mostar. Si tous les Musulmans avaient des

7 droits égaux ici, pourquoi de si nombreux Musulmans ont-ils dû quitter

8 cette partie de la ville de Mostar ?

9 Jadranko Prlic : Je pense que plus de Croates ont quitté Mostar que de

10 Musulmans. C'est en tout cas ce que nous démontre les documents dont nous

11 disposons.

12 La journaliste : Mais si nous parlons de la politique du HVO, la politique

13 croate consiste à défendre tous les Croates de Bosnie. Le fait est que ces

14 personnes, les Croates de Bosnie centrale sont, comme vous l'avez dit,

15 actuellement victimes du nettoyage ethnique ? N'est-ce pas relativement

16 regrettable ?

17 Jadranko Prlic : Oui, c'est très regrettable parce que nous n'avons pas

18 préparé la guerre contre les Musulmans. Nous avons essayé de créer de

19 bonnes relations de coopération avec les Musulmans. Il y a une chose que

20 vous devez savoir. Nous avons tout fait pour les Musulmans pendant toute la

21 guerre. Nous leur avons donné nos maisons et beaucoup d'autres choses aux

22 réfugiés musulmans. Nous avons construit de nouvelles routes menant en

23 Bosnie centrale et traversant les montagnes et, par ces routes, tous les

24 réfugiés musulmans ont pu sortir de Bosnie-Herzégovine et toute l'aide

25 humanitaire emprunte actuellement cette route. Nous n'avions pas

26 l'intention, la volonté de combattre les Musulmans.

27 La journaliste : Avez-vous été influencé d'une façon ou d'une autre par les

28 plans de paix ? Je parle des plans de paix qui n'ont cessé de changer

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1 depuis le début des pourparlers. Que pensez-vous, par exemple, du plan

2 Vance-Owen ? De la façon dont il traite les Croates.

3 Jadranko Prlic : Je pense qu'il était très favorable pour toutes les

4 parties en présence en Bosnie-Herzégovine. Je pense que ce plan était le

5 meilleur de tous les plans proposés.

6 La journaliste : Pourquoi ?

7 Jadranko Prlic : Parce que dans le plan Vance-Owen, il était prévu une

8 Bosnie-Herzégovine stable. Les Croates sont les seuls à vouloir que la

9 Bosnie-Herzégovine continue à exister en tant qu'Etat. Les Serbes et les

10 Musulmans ne le souhaitent pas. Les Serbes veulent une République serbe ou

11 une Grande Serbie, et les Musulmans veulent un Etat musulman. Les Croates

12 sont les seuls qui veulent que l'Etat de Bosnie-Herzégovine existe. Je

13 pense que le plan Vance-Owen garantit qu'un nouvel Etat décentralisé sera

14 créé qui abritera tous les groupes ethniques de Bosnie-Herzégovine.

15 La journaliste : Dans ces conditions, est-ce que vous estimez que votre

16 politique, la politique des Croates de Bosnie-Herzégovine va apporter

17 quelque chose aux Croates ? Que pensez-vous que cette politique a déjà

18 apporté aux Croates ?

19 Jadranko Prlic : Nous avons réussi une chose. Les Croates sont devenus un

20 élément qui a son mot à dire en Bosnie-Herzégovine. Nous ne sommes pas

21 contents. Nous n'apprécions pas le résultat de la guerre, mais le problème

22 existe pour les autres populations, pour les autres nations, pas seulement

23 pour les Croates. Il faut que vous sachiez qu'avant la guerre, dans tous

24 les groupes ethniques présents en Bosnie-Herzégovine, il n'y avait que de

25 17,6 % de Croates. Les Croates habitent dans de nombreuses régions de

26 Bosnie-Herzégovine, un peu partout du nord au sud. Nous n'avons pas de

27 concentration très importante de Croates à un endroit déterminé où nous

28 pourrions vouloir créer un nouvel Etat. Nous ne désirons pas la création

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1 d'un Etat croate en Bosnie-Herzégovine. Voilà ce que je tenais à dire.

2 La journaliste : Mais les populations de Bosnie centrale, comme nous

3 l'avons vu à Vares et en d'autres localités diminuent en nombre avec la

4 création de nombreux réfugiés. Vous ne pensez pas être responsable peu ou

5 prou de cette situation du fait que des Croates sont contraints de quitter

6 la Bosnie centrale. Vous ne pensez pas que vous avez déployé beaucoup

7 d'efforts dans cette zone en Herceg-Bosna, en Herzégovine et qu'en réalité

8 vous avez abandonné les populations de Bosnie centrale.

9 Jadranko Prlic : La république d'Herceg-Bosna a été créée. Vares ne compte

10 que très peu de soldats sur un front séparant les Croates et les Musulmans,

11 un millier à peu près sur une ligne de front qui s'étend sur 60 kilomètres

12 au plus. Quand les Musulmans ont concentré leurs troupes, il est devenu

13 tout à fait clair que les Croates n'avaient plus aucune chance de pouvoir

14 défendre cette ville. C'est la raison principale pour laquelle Vares a été

15 abandonné.

16 La journaliste: Est-ce que nous pouvons nous interrompre un instant ?

17 D'accord. Maintenant, j'aimerais passer à un sujet un peu différent.

18 J'aimerais que vous me donniez quelques détails parce que vous nous avez

19 dit être devenu premier ministre, si j'ai bien compris. Pouvez-vous nous

20 parler plusieurs en détail de vos projets pour les élections en

21 Herzégovine ?

22 Jadranko Prlic : Comment ?

23 La journaliste : Est-ce que vous prévoyez organiser des élections en

24 Herceg-Bosna ?

25 Jadranko Prlic : Oui. Nous prévoyons d'organiser des élections en Herceg-

26 Bosna, mais à quel moment --

27 La journaliste : Ce que --

28 Jadranko Prlic : Il faut que nous attendions la fin de la guerre. Il faut

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1 que nous sachions quel sera exactement notre territoire, quelles seront ses

2 frontières. C'est seulement après cela que nous pourrons organiser des

3 élections en Herceg-Bosna, car actuellement, il y a un très grand risque

4 pour de telles élections d'être manipulées et de ne pas donner lieu à des

5 résultats correspondant à la réalité. Car comme vous le savez, nous

6 comptons actuellement plus de 200 000 réfugiés qui vivent à l'étranger.

7 La journaliste : Quand la guerre aura pris fin, avez-vous une idée de la

8 forme que revêtira l'Herceg-Bosna ? Dans quelle frontière existera-t-elle ?

9 Jadranko Prlic : Je pense que les négociations politiques permettront

10 d'apporter une solution à ce problème, et les Croates sont prêts à accepter

11 toutes les solutions. Comme vous le savez, les Croates ont été les premiers

12 à accepter tous les plans proposés par la communauté internationale. Nous

13 sommes prêts à continuer à agir de même pour peu que le plan en question

14 répondre aux exigences minimums des Croates.

15 La journaliste : Puisque nous parlons de plan, le plan Vance Owen a-t-il

16 influé d'une quelconque façon sur la politique croate ?

17 Jadranko Prlic : Comme vous le savez, les Croates ont été les premiers à

18 accepter ce plan et je pense que de la part des Croates, c'était un peu

19 naïf de faire confiance à ce plan, mais ils l'ont fait. Quant aux

20 Musulmans, leur objectif consistait seulement à se donner davantage de

21 temps pour préparer leur guerre contre les Croates. C'est là que réside

22 l'une de causes de cet affrontement, de ce conflit en Bosnie-Herzégovine.

23 La journaliste : Mais le plan Vance Owen donnait aux Croates une part plus

24 importante que celle qui correspondrait à leur 17 % de la population; pour

25 quelle raison ?

26 Jadranko Prlic : Les Croates -- Excusez-moi, pourriez-vous répéter votre

27 question ?

28 La journaliste : Je me demandais simplement ce que vous pensiez du fait que

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1 selon le plan Vance Owen, les Croates étaient censés obtenir à peu près, si

2 je ne m'abuse, 25 % du territoire.

3 Jadranko Prlic : Les Croates n'ont rien obtenu du tout. Les Croates avaient

4 déjà ce territoire à ce moment-là. Ce que vous dites n'est pas exact. Cette

5 partie de la Bosnie-Herzégovine sera divisée en provinces, et ces provinces

6 abriteront les personnes qui y habitent déjà, et pas seulement des Croates.

7 La journaliste : Donc, ce plan n'a eu aucune influence sur la détermination

8 sur la définition des provinces. Il n'a pas influé sur le fait que pour

9 certaines provinces que vous avez indiquées sur la carte vous les

10 considériez comme des provinces croates.

11 Jadranko Prlic : Ces trois provinces majoritairement peuplées de Croates le

12 seront, c'est vrai, et seront croates. Mais rien d'autre.

13 La journaliste : Donc votre action correspond finalement à ce que prévoit

14 le plan Vance Owen.

15 Jadranko Prlic : Nous avons conclu un accord avec les Musulmans. Nous nous

16 sommes convenus de créer un nouveau gouvernement dans ces provinces et nous

17 avons choisi des candidats. Mais ce n'était qu'une proposition. Les

18 Musulmans ont refusé de participer à ce processus, comme vous le savez.

19 Izetbegovic a signé une déclaration avec les Croates portant sur la

20 constitution future de ces provinces, mais comme vous le savez aussi, les

21 Musulmans se sont opposés.

22 La journaliste : Puis-je vous interroger au sujet de la structure du HVO ?

23 Qu'est-ce que le HVO ?

24 Jadranko Prlic : Le HVO. Bien, le HVO c'est la dénomination d'une armée.

25 C'est un sigle qui signifie conseil croate de défense, et les mots sont

26 importants. Nous sommes dans une logique de défense et pas d'attaque. C'est

27 vrai depuis le début de la guerre.

28 La journaliste : Mais que fait le HVO, il a une action exclusivement

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1 militaire ?

2 Jadranko Prlic : Oui.

3 La journaliste : Donc, il n'a aucun autre rôle au niveau administratif, par

4 exemple.

5 Jadranko Prlic : Non, non. Le rôle du HVO est équivalent à celui d'une

6 armée comme toute armée de quelque pays du monde.

7 La journaliste : Comment est-il financé ? Qui est-ce qui paye ? Qu'est-ce

8 qui finance le HVO ?

9 Jadranko Prlic : Nous avons des taxes, des impôts, et nous disposons de

10 suffisamment d'argent pour le financer.

11 La journaliste : Mais est-il financé par le système local ?

12 Jadranko Prlic : Par quoi ?

13 La journaliste : Est-ce que chaque parti du HVO est financé localement ?

14 Jadranko Prlic : Vous voulez dire au niveau municipal ?

15 La journaliste : Oui.

16 Jadranko Prlic : Il est financé dans le cadre du système financier en

17 vigueur.

18 La journaliste : Est-ce que chaque municipalité exerce son contrôle sur une

19 partie du HVO ?

20 Jadranko Prlic : Non, nous avons une armée organisée centralement.

21 La journaliste : Mais où est la base, le quartier général du HVO ? Où est

22 le siège de cette armée ?

23 Jadranko Prlic : Où est son QG ?

24 La journaliste : Oui.

25 Jadranko Prlic : Excusez-moi. Ah, oui, à Citluk et à Posusje.

26 La journaliste : Je m'interrogeais au sujet de l'aide éventuelle que

27 l'armée de Croatie aurait apporté au HVO.

28 Jadranko Prlic : Aucune aide n'a été apportée par l'armée de Croatie depuis

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1 le début de la guerre en dehors des volontaires venus de Croatie. Vous

2 savez que les gens de cette région ont été les premiers à se déclarer

3 volontaires dans la guerre en Croatie, et après le début de la guerre ici,

4 tous ces jeunes gens sont revenus dans leur région pour défendre leur

5 région d'origine.

6 La journaliste : Donc, il n'y a aucun combattant qui se bat ici et qui

7 n'est pas originaire de cette région.

8 Jadranko Prlic : Je ne le pense pas.

9 La journaliste : Quel est le sens de l'alliance annoncée entre le président

10 Tudjman et le président Izetbegovic, l'alliance militaire ? Quel est son

11 sens réel ?

12 Jadranko Prlic : Je ne pense pas qu'il existe une alliance.

13 La journaliste : Pouvez-vous expliciter votre propos ?

14 Jadranko Prlic : Non.

15 La journaliste : Je pense que j'en arrive à ma dernière question. Pouvez-

16 vous me dire pourquoi ou en tout cas, ce que vous avez pensé de la

17 destruction du vieux pont de Mostar ?

18 Jadranko Prlic : Je pense que c'est tout à fait terrible. Le vieux pont

19 Stari Most a été détruit il y a plus d'un an et demi, si je ne me trompe.

20 Mais la semaine que nous venons de vivre est celle de la fin de cette

21 destruction. Nous sommes en train de préparer des documents, des projets

22 sur le papier, et cetera, pour entamer la reconstruction du vieux pont dès

23 que la guerre aura cessé.

24 La journaliste : A votre avis, quelle est la raison pour laquelle ce pont a

25 été détruit ?

26 Jadranko Prlic : Je ne sais pas. Il n'y a aucun motif politique ou

27 militaire qui puisse justifier la destruction de ce pont. Mais le fait

28 qu'il ait été détruit est un indicateur de l'aspect criminel de cette

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1 guerre, de l'aspect sale et criminel de cette guerre. Vous savez très bien

2 tout ce qui a caractérisé cette guerre.

3 La journaliste : Il me semble qu'un symbole comme le vieux pont de Mostar,

4 Mostar une ville démographiquement mixte, est-ce que vous croyez que la

5 destruction de ce symbole sème la fin de toute possibilité pour les

6 Musulmans et les Serbes et les Croates de vivre ensemble dans cette ville ?

7 Jadranko Prlic : Non, non. Je crois en une coexistence à venir. Je crois

8 qu'à l'avenir, nous serons à nouveau voisins dans cette région. Je le

9 crois. De bons voisins.

10 La journaliste : Des voisins sur un pied d'égalité, même si la province est

11 croate et que la capitale est croate, vous serez des voisins égaux.

12 Jadranko Prlic : Oui. Un Américain peut très bien vivre en France sans

13 avoir le moindre problème. Vous avez des problèmes là-bas, alors, vous

14 pouvez vivre à Bonn, à Amsterdam ou dans la ville où nous nous trouvons. Je

15 pense que tous les habitants de Mostar doivent pouvoir vivre en tant

16 qu'habitants égaux de Mostar.

17 La journaliste : Le fait de vivre ici ne leur poserait aucun problème ?

18 Jadranko Prlic : Non.

19 La journaliste : Enfin, pouvez-vous m'expliquer la décision de rouvrir les

20 cafés, décision prise hier ?

21 Jadranko Prlic : C'est une décision du pouvoir municipal, pas du

22 gouvernement central.

23 La journaliste : Donc, cela n'a rien à voir avec vous ?

24 Jadranko Prlic : Je pense que c'est une bonne décision, cette décision de

25 rouvrir les cafés.

26 La journaliste : Pourquoi est-ce une bonne décision ?

27 Jadranko Prlic : Parce que j'aime bien prendre une tasse de café de temps

28 en temps.

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1 La journaliste : D'accord. Nous pouvons maintenant nous interrompre."

2 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Messieurs, nous allons nous interrompre. Il

4 est 18 heures moins 25. Nous allons faire une pause de 20 minutes et nous

5 reprendrons aux environs de 18 heures moins 5.

6 --- L'audience est suspendue à 17 heures 35.

7 --- L'audience est reprise à 17 heures 58.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. Il a été porté à

9 ma connaissance un petit problème personnel concernant le témoin. Celle-ci

10 a un enfant et elle doit impérativement reprendre l'avion après l'audience

11 de 19 heures. Alors s'il nous reste une heure, si en une heure, on n'a pas

12 fini les questions ou le contre-interrogatoire, il faudra malheureusement

13 que le témoin revienne un autre jour. Alors, je ne sais pas où en est M.

14 Mundis. Est-ce qu'il a terminé ?

15 M. MUNDIS : [interprétation] En effet, Monsieur le Président, nous n'avons

16 pas d'autres questions à poser à ce témoin.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors bien, si vous n'avez pas d'autres questions,

18 la Défense a une heure devant elle. Etant précisé que l'Accusation a pris

19 une heure et demie, donc il y aura un déficit de 30 minutes. Je pense que

20 c'est Me Karnavas qui va être celui qui commence.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Par accord entre

22 les Conseils de la Défense, c'est bien le cas. Mais il serait bon à

23 l'avenir que nous sachions s'il y a un problème avec un témoin; cela nous

24 permettrait de nous dispenser des formalités préalables pour entrer dans le

25 vif du sujet immédiatement.

26 Monsieur le Président, je demande une seconde pour m'organiser par rapport

27 au micro.

28 Contre-interrogatoire par M. Karnavas:

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1 Q. [interprétation] Bonjour Madame.

2 R. Bonjour.

3 Q. Je m'appelle Michael Karnavas et je défends les intérêts de Jadranko

4 Prlic, l'homme que vous avez interviewé. Je vais essayer de vous poser

5 quelques questions générales, après quoi, si tout va bien, mes confrères et

6 consoeurs pourront entrer davantage dans le détail.

7 J'aimerais que nous parlions d'abord de ce film que vous aviez

8 produit. Vous avez indiqué quelles étaient vos conditions personnelles à

9 l'époque. Vous avez dit qu'en général, en tant que productrice

10 indépendante, vous deviez défendre d'abord l'idée, le projet que vous aviez

11 en tête.

12 R. Exact.

13 Q. Dans le cas de la Défense à cette idée, vous aviez une idée du résultat

14 au préalable ?

15 R. J'avais une idée de l'histoire, bien entendu. Mais je vous ai parlé des

16 délais parce que six semaines pour tourner un film de 40 minutes, c'est un

17 délai très court. Donc finalement, on travaille dans des conditions d'assez

18 mauvaises préparations. On s'appuie sur ce qu'on a pu lire dans les

19 journaux et pas grand-chose d'autres. On n'a pas le temps de procéder à de

20 nombreuses recherches pour savoir comment on va avancer.

21 Q. Effectivement. Donc, quand vous avez une idée, l'idée sur laquelle vous

22 vous êtes concentrée, c'était la Grande Croatie et le dépeçage d'une partie

23 de la Bosnie-Herzégovine destinée à être annexée à la Croatie. C'est bien

24 cela votre idée de départ ?

25 R. Oui.

26 Q. Est-il permis dire dans ces conditions que c'est avec cette idée en

27 tête que vous êtes ensuite allée sur le terrain pour tourner le film ?

28 R. Oui.

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1 Q. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, vous aviez à l'époque le

2 sentiment que c'était une histoire qu'il fallait produire rapidement. Ce

3 sont bien les termes que vous vous avez utilisés ?

4 R. Oui. Les choses étaient en train de se passer. Je dois dire qu'en

5 revisionnant ce film, je me suis rendu compte que j'avais oublié à quel

6 point la situation était déjà engagée vers ce qu'elle devait devenir, à

7 quel point des événements nombreux s'étaient déjà produits, à ce moment-là.

8 Q. D'accord. Mais je vais vous interrompre ici. Est-ce que cela consiste

9 de votre part à admettre qu'en regardant le film aujourd'hui, vous avez

10 constaté de votre thèse était peut-être erronée ?

11 R. Non. Pas du tout. En fait, c'est l'inverse. J'ai regardé le film et

12 cela m'a rappelé quels étaient la puissance et l'aspect convaincant de

13 cette histoire.

14 Q. Notamment, s'agissant de cette scène où on voit la caméra qui se

15 concentre sur le drapeau avec l'église en arrière-plan parce que vous

16 souhaitiez mettre l'accent sur le fait qu'il y avait des catholiques

17 croates qui agissaient de la même façon et qui faisaient le même genre de

18 chose que ce qu'ils avaient vécu aux Musulmans, n'est-ce pas ?

19 R. Je pense que j'ai été très claire dans la première partie de ma

20 déposition. J'ai dit que je n'étais pas en train de témoigner en faveur de

21 qui que ce soit et en particulier, pas en faveur des Musulmans. J'ai dit

22 que ce film s'efforçait de montrer qu'un mini Etat était destiné à être

23 créé à partir du dépeçage de la Bosnie-Herzégovine en Herzégovine, d'une

24 façon assez semblable à ce que les Serbes s'étaient efforcés de faire en

25 créant un mini Etat dans la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Donc,

26 je ne pense pas que je me sois exprimée d'une façon particulièrement

27 favorable ou partiale à l'égard des Musulmans. Ce n'est pas mon rôle.

28 Q. Mais ce n'est pas non plus ce que je voulais dire. Ce que je voulais

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1 dire, c'est que vous êtes partie le temps que vous aviez à l'avance en tête

2 et que ce résultat c'était que la Croatie s'est forcée de créer un Etat

3 croate au sein de la Bosnie-Herzégovine, et deuxièmement, que les Croates

4 de la région de Bosnie-Herzégovine abandonnaient et sacrifiaient les

5 Croates de Bosnie central; c'est bien cela ?

6 R. C'est exact. Ce n'était pas un argument très original d'ailleurs

7 c'était la première fois que la télévision britannique le montrait de cette

8 façon, mais de nombreux documents publiés dans la presse et que j'ai eu en

9 main relatent le même genre de chose.

10 Q. Très bien. Donc, vous avez lu la presse, cela vous a donné l'idée de

11 départ, et vous êtes ensuite allés sur le terrain.

12 R. Exact.

13 Q. Vous nous avez indiqué peut-être que je devrais ralentir un peu parce

14 que, bien sûr, je viens de prendre un café, mais cela me donne de l'énergie

15 et j'accélère un peu. Mais nous parlons la même langue et il faut que nous

16 ménagions une petite pause.

17 R. D'accord.

18 Q. Très bien. Ralentissons un peu. Donc, si j'ai bien compris, vous

19 pensiez que c'était une histoire importante ?

20 R. Du point de vue de l'histoire et de la théologie.

21 Q. Histoire et théologie, d'accord. Mais la période envisagée était-elle

22 circonscrite, je veux dire, était-ce une idée qui trouvait sa place dans la

23 grande histoire ?

24 R. Oui, je la situerais au XIXe siècle. Je la comparerais au XIXe siècle de

25 l'histoire britannique ou au XVIIe siècle de l'histoire européenne et peut-

26 être au XIIIe siècle de l'histoire anglo-saxonne.

27 Q. Donc cela nous situe, cette partie de l'histoire dans les Balkans ?

28 R. Non, à l'époque, il ne se passait pas grand-chose dans les Balkans.

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1 Q. D'accord. Mais je suppose que vous n'avez pas fait beaucoup de travail

2 de recherche, vous avez simplement lu les journaux pour vous documentez sur

3 cette idée de départ ?

4 R. Nous avions un certain nombre de documents à ce moment-là.

5 Q. Je vous interromps ici. Est-ce que vous avez fait un travail de

6 recherche particulier ?

7 R. Qu'est-ce que vous voulez dire en parlant de recherche originale ?

8 Q. Bien. Peut-être trouver des documents qui n'avaient pas été utilisés ou

9 vous concentrez sur une personne ou deux pour les interviews.

10 R. Nous avons parlé à Lord Owen qui a exprimé sa position de façon assez

11 ferme. Nous avions parlé à des journalistes, à des responsables politiques

12 qui étaient assez choqués et horrifiés par ce qui se passait à Zagreb. Nous

13 disposions d'un certain nombre de documents à cet égard. Nous avions pas

14 mal d'éléments qui nous ont convaincu que canal 4 pouvait diffuser cette

15 émission et cela a été confirmé sur le plan journalistique.

16 Q. Je n'étais pas au courant mais maintenant je vais vous poser une autre

17 question : est-ce que vous avez fait des recherches particulières pour

18 étudier de plus près le plan Cutileiro ?

19 R. Je ne me souviens pas du plan Cutileiro.

20 Q. Bien. Mais est-ce que vous avez examiné de plus près le plan Vance-Owen

21 à cette époque-là ? Est-ce que vous l'avez étudié ?

22 R. Nous l'avons étudié, oui.

23 Q. Est-ce que cela -- est-ce que vous vous intégrez dans le "nous" dont

24 vous parlez ?

25 R. Oui, il s'agit de moi et de mes collègues, Paulette, également, nous

26 l'avons étudié à fond. C'était un instrument qui nous paraissait utile et

27 même nécessaire.

28 Q. Pouvez-vous nous dire quel est le plan qui a succédé au plan Vance-

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1 Owen ? Si vous vous en souvenez.

2 R. Je ne m'en souviens pas aujourd'hui.

3 Q. Vous souvenez-vous avoir vu un plan qui a été rendu public après et des

4 documents originaux traitant de ce plan ?

5 R. Comme je viens de le dire, nous sommes allés tourner ces images, des

6 images aussi montrant les Serbes "dans le corridor." Je ne me souviens pas

7 du plan qui était étudié à l'époque. Il y a eu de très nombreux plans.

8 Q. Les Serbes "dans le corridor" c'était plus tard, n'est-ce pas ?

9 R. 1994, je pense.

10 Q. Beaucoup plus tard. Vous êtes documenté sur 1993 et vous avez également

11 eu entre les mains des documents relatifs à 1994 qui vous ont montré que

12 les choses n'étaient pas identiques en 1994 et 1993, peut-être, n'est-ce

13 pas ?

14 R. Non, mais je pensais qu'il fallait accumuler les éléments susceptibles

15 d'apporter des informations par rapport au travail que je m'apprêtais à

16 faire dans la région sur quatre ou cinq ans, ou même dix ans, même si les

17 choses ont évolué.

18 Q. D'accord. Je prends par exemple la page 11 du document qui constitue la

19 déclaration que vous avez signée pour la journée d'aujourd'hui. C'est un

20 document où on voit une déclaration de deux paragraphes et à sa lecture il

21 semble que vous ne preniez pas de notes.

22 R. Non.

23 Q. Donc, je n'ai rien, aucun document que je puisse soumettre aux

24 honorables membres de ce Tribunal pour vérifier l'exactitude de ce que vous

25 dites, autrement dit des documents que vous avez eus sous les yeux, que

26 lorsque vous avez voulu faire des interviews, vous les avez utilisé pour

27 faire votre vidéo mais certains vous les avez exclus. Nous n'avons pas vos

28 notes, n'est-ce pas ?

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1 R. Non, je me souviens très bien que tous ceux que j'ai interviewés

2 figurent dans le film. Je ne sais si j'en ai laissé de côté. En fait, nous

3 avions trois personnages principaux, si je ne m'abuse, qui nous avaient

4 impressionné particulièrement.

5 Q. D'accord. Très bien. Pardonnez-moi mais vous n'aviez pas de notes c'est

6 cela qui m'intéresse.

7 R. Je ne sais pas de quelles notes --

8 Q. D'accord.

9 R. Je ne sais quelles notes j'aurais pu avoir. Je ne suis pas une

10 journaliste de la presse écrite. Je suis une journaliste de télévision.

11 Q. Très bien.

12 R. Nous ne pouvons pas diffuser quoi que ce soit si nous n'avons pas

13 enregistré correctement. Il est très difficile d'inclure des documents dans

14 une émission. Les documents ne parlent pas, ils ne se déplacent pas, donc

15 ils ne sont pas très utiles dans des émissions de télévision pour

16 enregistrer des images dans un film; c'est un élément qui nous sert de base

17 toutefois.

18 Q. Je suppose que ce que je voulais dire c'est que, Madame, dans votre

19 recherche, vous avez vu un certain nombre de documents mais vous ne nous

20 dites pas --

21 R. Des documents, oui --

22 Q. Je n'au aucune raison de croire ou de ne pas croire ce que vous dites

23 quand vous dites que "vous n'avez pas pris de notes." Est-ce qu'on pourrait

24 vérifier les documents que vous avez utilisés et examinés ? Si votre

25 réponse est non à cette question, je n'irai pas plus loin. Je passerai à

26 autre chose.

27 R. Bien. Les documents dont j'ai parlé se retrouvent dans le film et ils

28 sont filmés dans le film et mis en exergue, si vous voulez les revoir c'est

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1 tout à fait clair.

2 Q. Je parle de notes. Est-ce que vous aviez un carnet de notes ?

3 R. Je dois dire que lorsqu'on filme pour la télévision, on le fait au fur

4 et à mesure.

5 Q. Donc votre réponse est non. C'est bien cela.

6 R. Il n'y a pas de notes existantes --

7 Q. Elles n'existent pas.

8 R. Je ne sais pas très bien ce que vous cherchez. Il n'y a jamais eu

9 quelque chose qui soit utilisé par un journaliste de télévision et qui soit

10 un carnet de notes. Nous n'avons pas le temps d'inscrire l'histoire par

11 écrit dans une zone de guerre où les choses se passent très vites.

12 Q. Mais je vérifie ce que vous avez dit. Je lis les mots, "Je n'ai pas

13 plus retrouvé mes notes."

14 R. Exact.

15 Q. C'est bien ce que je lis.

16 R. D'accord.

17 Q. Donc, je suppose que vous aviez des notes et que vous les avez égarées

18 puisque vous dites que vous n'avez pas pu les retrouver.

19 R. A Sarajevo et à Split également, j'ai consigné quelques notes

20 éditoriales que je ne retrouve pas.

21 Q. Mais on les trouve sur quelles images ? Nous avons l'interview complète

22 de M. Prlic, est-ce que vous avez interviewé Mate Boban ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous, personnellement ?

25 R. Oui, je l'ai fait.

26 Q. Est-ce que nous avons des images ?

27 R. La BBC les a, je suppose.

28 Q. Est-ce qu'elles ont été remises au Procureur ?

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1 R. Je ne sais pas, mais l'interview de Prlic est là et je peux supposer

2 que l'interview de Boban a été remise également.

3 Q. Très bien. Qu'en est-il de l'interview du président Tudjman ?

4 R. J'ai interviewé le président Tudjman.

5 Q. C'est la séquence que nous avons visionnée ?

6 R. Il y a plusieurs séquences dans un film, oui.

7 Q. D'accord. Mais est-ce que vous avez interviewé d'autres personnes ?

8 R. Non, de personne d'autre.

9 Q. D'accord. Est-ce peut-être ou bien est-ce que vous n'avez interviewé

10 personne d'autre ?

11 R. Je ne sais pas. Je dois dire que je ne sais pas. La BBC a tous les

12 éléments.

13 Q. D'accord. Qu'en est-il des autres personnes que vous auriez

14 interviewées, toutes les personnes qu'on voit dans le film ? Est-ce qu'il y

15 a des séquences de ces interviews, autres que de l'interview Prlic ?

16 R. Je ne suis pas en possession personnellement de ces séquences.

17 Q. Est-ce parce que vous les avez vendues, ou est-ce qu'elles sont

18 archivées quelque part ?

19 R. Je n'ai pas d'archives personnelles.

20 Q. D'accord. Elles ont été vendues à la BBC ?

21 R. Non. On ne peut pas se permettre de garder toutes les archives chez

22 soi, voyez-vous.

23 Q. D'accord.

24 R. Donc elles ont été détruites, je le crains.

25 Q. Détruites ?

26 R. Bien, je ne sais pas ce qu'il est advenu de ces images. Je les ai donné

27 à canal 4 qui après dix ans les a certainement mises de côté ou en a fait

28 quelque chose. Elles ne peuvent plus servir aujourd'hui.

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1 Q. Est-ce que cela signifie que ce que vous dites s'applique également aux

2 interviews du président Tudjman et de Mate Boban ?

3 R. Bien, je crois que l'interview de Prlic est en possession de la

4 Chambre, cela signifie que la BBC est également en possession de

5 l'interview de Boban parce que je sais qu'elle l'a utilisée dans un autre

6 contexte. Il est très probable que la BBC possède également l'interview du

7 président Tudjman pour les mêmes raisons.

8 Q. D'accord. Est-ce qu'on peut leur demander de les retrouver ?

9 R. Non.

10 Q. D'accord. Mais les autres séquences, est-ce que vous pensez qu'elles

11 ont été jetées ?

12 R. Je le crois.

13 Q. D'accord. Donc, je suppose que les images que nous avons vues sont à

14 peu près les seules qui restent; c'est bien cela pour autant que vous le

15 sachiez ?

16 R. Pendant que je le sache, oui.

17 Q. D'accord. Donc nous n'avons pas de version brute des différentes images

18 que vous avez tournées lors des interviews faites par vous ?

19 R. Non.

20 Q. Qui a choisi le montage ? Qui a décidé de la façon dont l'interview

21 Prlic serait monté ? Quelles questions seraient posées, et cetera, sur

22 Mostar en tant que capital parce que vous aviez une idée en tête quand vous

23 proposiez ce montage, n'est-ce pas ?

24 R. Comme je l'ai déjà expliqué c'est ma collègue et moi-même qui

25 choisissais les images qui seraient intégrés à l'émission, mais d'autres

26 collègues étaient chargés du montage sur le plan technique. Là, il y a une

27 différence, la ligne éditoriale, c'est-à-dire les éléments de l'interview à

28 choisir relevaient de ma responsabilité et de mon choix.

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1 Q. Ces personnes que vous avez décidé d'interview, par qui vous ont-elles

2 été proposées, qui a eu l'idée de dresser la liste de ces personnes, est-ce

3 que vous vous en souvenez ?

4 R. Je le répète. C'est moi et ma collègue, Paulette Farsides qui ont

5 réalisé ce film. Donc cela a été un travail d'équipe. J'ai peine à imaginer

6 maintenant -- je ne me souviens pas comment nous avons arrêté une liste

7 définitive, mais c'était, les gens qu'il fallait interviewer, c'était

8 manifeste, c'était le président de l'Etat, le président du mini Etat, le

9 premier ministre qui venait d'être élu à ce poste dans ce nouvel Etat, des

10 conseillers politiques qui s'étaient trouvés à Karadjordjevo, Owen

11 puisqu'il faisait partie du plan de paix et il avait sa propre vision des

12 choses. C'était assez manifeste ce choix que nous avons fait pour cette

13 liste.

14 Q. Vous n'avez pas pensé qu'il lui était nécessaire d'interviewer d'autres

15 personnes. Répondez par oui ou par non. Vous voyez l'horloge.

16 R. J'essaie de me souvenir, est-ce qu'il y avait quelqu'un d'autre qu'on

17 aurait voulu interroger ?

18 Q. Bien, par exemple, Izetbegovic ? Est-ce que vous lui avez dit, écoutez,

19 je vais vous interviewer parce que je fais ce film sur la Grande-Croatie.

20 Peut-être que vous pourriez nous faire part de vos idées, nous donner votre

21 avis sur des choses surtout ce qui est des négociations ?

22 R. Non. Nous n'avons fait. Mais, puisque vous en parlez je vais lire, je

23 me souviens que nous avons interviewé, attendez, comment il s'appelle ?

24 Q. Il n'est pas dans le film ?

25 R. Non. C'est un haut fonctionnaire du gouvernement de Bosnie.

26 Q. Vous voyez, c'est là que ces notes revêtent toute leur --

27 R. Mais vous avez une idée de ces notes, je voyais, vous auriez une idée

28 d'un script parfait. Mais non, ce n'est pas comme cela que se passe. Cela

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1 se fait comme cela de façon impromptue. Quand on est surtout en zone de

2 guerre.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas, ralentissez, s'il vous plaît.

4 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, oui, Monsieur le Président.

5 Q. Je comprends surtout quand on a un objectif, un résultat à l'esprit. On

6 a déjà écrit son reportage, on va maintenant simplement le présenter.

7 R. Mais si vous voyez les personnages, nous avons, par exemple, interviewé

8 Ejup Ganic. Oui, nous avons interviewé à Sarajevo.

9 Q. Quelle était sa fonction ?

10 R. Je pense qu'il était premier ministre à l'époque.

11 Q. Je pense qu'il était le premier ministre, à l'époque.

12 R. Si nous avons essayé de rassembler ces personnages, je vous l'ai dit au

13 début, c'est parce qu'on faisait un film sur les Croates, pas sur les

14 Musulmans, ce qui se passait au niveau des Musulmans. Quand on voie le

15 film, il y a très peu de Musulmans parce que cela concerne les Croates et

16 ce qu'ils leur arrivaient, aussi bien en Herzégovine mais les faits que

17 ceux-ci avaient sur les autres Croates de Bosnie, surtout en Bosnie

18 centrale.

19 Q. Il y a eu beaucoup de questions posées à M. Prlic à propos du HVO. Vous

20 vous en souvenez ?

21 R. Oui, je viens de voir les images.

22 Q. Alors, vous lui avez demandé notamment pourquoi est-ce que vous avez

23 armé les Musulmans ? Pourquoi avoir posé cette question ?

24 R. Parce qu'il m'a dit qu'il l'avait fait.

25 Q. C'est lui qui vous a offert ces informations ?

26 R. Oui.

27 Q. Est-ce qu'il l'a dit dans le film et est-ce qu'il a dit dans le film

28 qu'il avait armé les Musulmans ?

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1 R. Oui, au début, où ces rapports se sont détériorés, ils s'étaient --

2 Musulmans et Croates réunis pour défendre Mostar et --

3 Q. Qu'est-ce que vous saviez avant d'y aller ?

4 R. Je ne sais pas.

5 Q. Savez-vous qu'en a été la Ligue patriotique ? Ou qui c'était ?

6 R. Non.

7 Q. Est-ce que vous savez quels étaient les rapports des musulmans de cette

8 région avec le HVO ?

9 R. C'était il y a 13 ans, vous savez, je ne me souviens pas.

10 Q. Fort bien. Est-ce que vous avez posé des questions ci et là pour savoir

11 qui était éventuellement le commandant des Musulmans de Bosnie dans la

12 région pour essayer de l'interroger pour savoir quelle était la nature du

13 conflit ?

14 R. A ma connaissance, à l'époque, il n'y avait pas de Musulman dans la

15 région, parce que le nettoyage ethnique avait été complet. Je m'étais

16 trouvée dans la région auparavant en 1993 et à ce moment-là j'avais

17 rencontré beaucoup de Musulmans. Mais cette fois-là il n'y avait pas de

18 Musulmans en Herzégovine à l'exception de quelques réfugiés tout à fait

19 effrayés qui vivaient en haut de l'école à Capljina.

20 Q. Je veux être sûr que j'ai bien entendu. Vous dites aujourd'hui qu'en

21 Herzégovine, de la Bosnie-Herzégovine, il y avait peu de Musulmans qui

22 vivaient en Herzégovine au moment où vous avez tourné ce film ?

23 R. A ma connaissance, les Musulmans que j'avais rencontrés six mois

24 auparavant n'étaient plus là autant qu'ils étaient.

25 Q. En Herzégovine, mais c'est un endroit assez grand ?

26 R. Oui. Il y avait des Musulmans sur la rive est de Mostar. Je suis allée

27 leur parler. Vous l'avez vu dans le film.

28 Q. Est-ce qu'il y avait des membres de l'armija du côté est ? Oui, non,

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1 peut-être.

2 R. Peut-être qu'il y avait mais c'était très dangereux, et je ne voulais

3 pas risquer davantage ma vie.

4 Q. Mais ce n'était pas la question, n'est-ce pas ?

5 R. Quoi ?

6 Q. De savoir si c'était dangereux ou pas ? Moi, je vous ai demandé s'il y

7 avait des membres de l'Armia là ou non ?

8 R. Je ne sais pas, je n'en ai pas vu.

9 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de poser la question ? Est-ce qu'il y a

10 quelqu'un ici de ce côté-ci à qui je pourrais parler pour peut-être donner

11 un autre son de cloche pour donner une idée plus équilibrée ?

12 R. Il y avait deux, non, plutôt, trois soldats que vous avez vus dans le

13 film, qui avaient combattu au sein du HVO. C'étaient des Musulmans et qui à

14 ce moment-là faisaient partie de l'armée musulmane à Sarajevo. C'était

15 beaucoup trop dangereux d'interroger les gens à Mostar sur la ligne de

16 front. Je pense que cela a été la ligne de front la plus dangereuse de tout

17 le conflit.

18 Q. Fort bien. Vous nous avez dit que c'est là une histoire, comme vous

19 avez dit très compliquée, au moment de l'interrogatoire principal je parle

20 du moment où vous avez conçu cette idée, et que vous avez essayé de la

21 vendre, vous vous en souvenez ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous avez interviewé Kljuic.

24 R. Stjepan Kljuic.

25 Q. Effectivement. Est-ce que par hasard vous lui avez demandé dans quelle

26 mesure il avait participé au parti -- quelle était sa part dans les

27 activités du HDZ en 1991/1992 ?

28 R. Je ne m'en souviens pas.

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1 Q. Bien, cela ne se trouve pas dans le film, donc je suppose que cela dit

2 que cela n'a pas été pris dans le montage du film pour autant qu'il ait dit

3 quelque chose à ce propos. Est-ce que par hasard il vous a fait part de la

4 position que lui et d'autres avaient exprimé le 27 décembre 1991 ?

5 R. Je ne m'en souviens pas.

6 Q. Bien. Est-ce que vous étiez au courant d'activités en cours à ce

7 moment-là ? Je parle de fin 1991 enfin au milieu de l'année 1991 à partir

8 de ce moment-là ? S'agissant de savoir comment les Croates de Bosnie-

9 Herzégovine essayaient de trouver une solution à tout ce conflit qui était

10 né du démantèlement de l'effondrement de l'ex-Yougoslavie ?

11 R. Je ne m'en souviens pas.

12 Q. Je vais essayer de retrouver les points saillants et d'autres pourront

13 vous poser les questions. Est-ce que vous êtes allé en Bosnie centrale pour

14 y voir des gens que ce soit des Musulmans ou des Croates ?

15 R. Je ne suis jamais allée en Bosnie centrale.

16 Q. Donc si je vous pose des questions à ce propos ce serait futile.

17 R. Oui.

18 Q. Mais vous étiez déjà arrivé à la conclusion que ces gens, ces Croates

19 de Bosnie centrale étaient sacrifiés au nom de la création de l'Herceg-

20 Bosna qui se trouvait en Herzégovine.

21 R. Bien, ce que nous dit, notamment, l'archevêque Puljic à Sarajevo cette

22 preuve traduit bien tout le sentiment qu'avait les Croates de Bosnie. Vous

23 savez quand on fait des films il faut couper plus court, on n'a pas

24 beaucoup de budget ni beaucoup de temps. On est en zone de guerre. Il faut

25 prendre des décisions. Ce qui est faisable et ce qui ne l'est pas. Je pense

26 que Puljic a dit ce que nous avions besoin d'entendre à l'appui de notre

27 thèse.

28 Q. Vous avez dit que Puljic disait qu'on essayait de le convaincre de

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1 quitter Sarajevo.

2 Vous opinez du chef. Cela veut dire oui ?

3 R. Oui.

4 Q. Il faut donner un petit peu le temps de respirer aux interprètes.

5 Je m'interroge, je vois ce film, et nulle part, je ne vois l'endroit

6 où Prlic dit qu'on essaie de le convaincre de quitter Sarajevo. Cela ne se

7 trouvait pas dans le film. Peut-être que j'ai raté quelque chose. Mais

8 enfin, je l'ai regardé plusieurs fois.

9 R. Je pensais qu'il l'avait dit dans le film.

10 Q. C'est bien possible. Je sais qu'il était préoccupé, qu'il voulait que

11 tous les Croates de Bosnie-Herzégovine soient inclus dans une espèce de

12 plan de négociations, mais je n'ai pas eu l'impression qu'il aurait dit

13 directement - enfin, les Juges ont la vidéo - qu'on aurait voulu le faire

14 sortir de Sarajevo pour aller à Mostar.

15 R. Je pensais qu'il avait dit clairement dans le film qu'il refusait de

16 partir de sa cathédrale à Sarajevo parce qu'il avait le sentiment que c'est

17 là qu'il pouvait représenter la totalité des Croates de Bosnie-Herzégovine,

18 et pas seulement les Croates herzégovins.

19 Q. Il y a une différence entre le refus de partir ou le fait qu'on le

20 force, qu'on lui dise qu'il doit partir. Il y a quand même une différence.

21 R. Oui, c'est certain, mais je ne me souviens vraiment pas maintenant,

22 avec le temps, de ce qu'il a dit précisément.

23 Q. Bien.

24 R. Je sais qu'il l'a, par la suite, souvent dit publiquement. Il ne me l'a

25 pas dit qu'à moi. Il a rendu publique cette campagne, de façon tout à fait

26 complète. Parce qu'il était résolument contre la Herceg-Bosna.

27 Q. D'accord. Comme d'ailleurs bon nombre de Croates, n'est-ce pas ?

28 R. Apparemment.

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1 Q. Cela dépend de l'endroit où ils étaient.

2 R. Oui, bien sûr.

3 Q. Il y a une idée lancinante, j'essaie de la formuler. Est-ce que vous

4 avez fait des recherches pour savoir ce qui se passait en 1991, en 1992,

5 dans la région; que ce soit à la Herceg-Bosna, à Bosnie centrale,

6 l'Herzégovine ? Est-ce qu'avant de vous embarquer ou avant de vous lancer

7 dans cette période, est-ce que vous avez pris un peu de recul ? A quel

8 moment vous êtes-vous dit que c'était une histoire qui méritait d'être

9 racontée ?

10 R. Je sais qu'au cours du printemps 1993, je m'étais trouvée dans la

11 région. Le conflit remontait à bien plus avant. J'avais lu de façon tout à

12 fait approfondie, non seulement les éléments historiques, mais ce qui

13 venait de 90, et j'avais le sentiment d'être tout à fait au fait des

14 événements pour pouvoir réaliser ce film Il fallait que je le sois, car

15 vous l'avez dit vous-même, et vous l'avez répété, c'était une histoire très

16 compliquée. Pour pouvoir en faire ressortir les éléments les plus

17 importants, il fallait être instruit en la matière.

18 Q. Vous avez dit que vous aviez réussi à obtenir ce protocole signé

19 secret.

20 R. [aucune interprétation]

21 Q. Un peu comme cette chaîne de télévision "History Channel."

22 R. Cela n'existait pas, cette chaîne à la télévision, avant.

23 Q. C'est peut-être grâce aux efforts de la BBC pour la couverture de cette

24 guerre.

25 R. En tout cas le canal 4.

26 Q. Vous dites que c'était secret. Ce n'était pas connu du grand public ?

27 R. Non.

28 Q. Jusqu'au moment où vous, vous avez dévoilé cette histoire ? Répondez

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1 par oui, non ou peut-être.

2 R. Quand vous dites public --

3 Q. Quand c'est secret, personne ne le sait, sauf ceux qui auraient signé

4 ce protocole ou ce mémorandum secret. On était à ce moment-là en novembre

5 1991, et vous dites avoir obtenu cela en 1993.

6 R. Oui. Ce sont des journalistes croates qui nous l'ont remis.

7 Q. Bien.

8 R. Je ne pense pas qu'ils l'avaient publié.

9 Q. Mais à votre avis, c'était un document secret ?

10 R. Oui.

11 Q. Bon. Est-ce que par hasard, vous avez examiné d'autres documents

12 postérieurs ? Par exemple, celui portant sur l'établissement de la

13 communauté croate de Herceg-Bosna, HZ HB ?

14 R. Je ne m'en souviens pas.

15 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé d'essayer de comprendre ce qu'était cette

16 communauté croate de Herceg-Bosna, cette HZ HB ?

17 R. Je crois que j'ai essayé de le faire dans le film, et la conclusion que

18 j'ai tirée se trouve dans le film.

19 Q. Alors, quelle est la différence entre la HZ HB et la HR HB ?

20 R. Il y a d'un côté, la communauté croate, et l'autre, la République

21 croate de Herceg-Bosna.

22 Q. Bien. Alors, quelles sont les différences entre les deux ?

23 R. Je ne pourrais pas vous le dire.

24 Q. Savez-vous quand a été établie la République croate de Herceg-Bosna, HR

25 HB ?

26 R. Je l'ai sans doute su, mais je ne le sais plus.

27 Q. Vers le mois d'août 1993. Dans votre film, M. Prlic essaie de vous

28 expliquer qu'il y a un nouveau gouvernement.

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1 R. Oui.

2 Q. Vous lui posez une question, vous lui dites qu'il est premier ministre

3 par intérim.

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous seriez surprise de m'entendre vous dire - et

6 l'Accusation me corrigera si je me trompe - si je vous disais qu'il n'a

7 jamais été premier ministre par intérim ?

8 R. Vous l'avez vu, dans la totalité de l'interview, il y a un problème de

9 langue, linguistique. Mais ce que je crois avoir compris, c'est qu'il me

10 l'a dit, que M. Prlic avait été premier ministre par intérim et qu'il avait

11 été promu premier ministre. C'est peut-être un problème linguistique; dû à

12 moi, comme à lui.

13 Q. Donc, vous supposez que quelqu'un vous avait dit qu'il avait été

14 premier ministre par intérim, qu'il avait été président, vous savez, du

15 gouvernement, quand c'était la communauté croate de Herceg-Bosna ?

16 R. Oui.

17 Q. Je suppose que vous avez pensé qu'il était premier ministre par intérim

18 -- en exercice.

19 R. Oui. J'ai l'impression qu'il l'a dit. Je me trompe peut-être.

20 Q. Mais est-ce que vous avez opéré une distinction entre la communauté

21 croate et la République croate de Herceg-Bosna ?

22 R. Je ne me souviens pas.

23 Q. Au cours de l'interview, il dit que lorsqu'il y avait la communauté

24 croate de Herceg-Bosna, qu'elle était provisoire.

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce que -- enfin, on connaît la réponse, elle serait négative; donc,

27 pourquoi est-ce que vous ne lui avez pas demandé ce que cela voulait dire,

28 "provisoire" ou "temporaire," pour tirer la chose au clair ?

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1 R. Je le répète, si vous revoyez cette interview, comme nous venons de le

2 faire, vous savez, la communication ne passait pas trop bien. Evidemment,

3 avec le recul, je me dis qu'il aurait été préférable qu'il parle sa propre

4 langue. A ce moment-là, nous aurions pu avoir une véritable discussion, un

5 débat. Mais en l'état, je pense qu'il n'était pas vraiment facile de poser

6 des questions très détaillées sur les événements --

7 Q. Bien.

8 R. -- parce que son anglais n'était pas à la hauteur de la tâche.

9 Q. Mais c'est vous qui contrôliez, qui meniez l'interview. Vous ne pouvez

10 pas maintenant l'accuser.

11 R. Non, non, je ne l'accuse pas du tout. Mais effectivement,

12 rétrospectivement, je me dis qu'on aurait pu obtenir davantage de

13 renseignements de sa part s'il avait parlé sa langue.

14 Q. Mais est-ce qu'on peut dire qu'il était ouvert ?

15 R. Oui, tout à fait.

16 Q. Que vous n'avez pas eu de tracasseries administratives pour pouvoir le

17 rencontrer ?

18 R. Non, au contraire. Il a été très aimable.

19 Q. Il n'a pas essayé de vous fourvoyer ?

20 R. Pas du tout.

21 Q. Il n'a pas essayé de délimiter le cadre de votre interview ?

22 R. Pas du tout.

23 Q. Je n'étais pas là, je ne peux pas le savoir, mais je suppose qu'il n'y

24 a rien qui s'est dit officieusement "off the record" ?

25 R. Non.

26 Q. Parce que vous n'êtes pas du genre de journaliste à demander des choses

27 en dehors de l'émission même, donc "off the record."

28 R. Vous avez sans doute raison.

Page 2099

1 Q. Le temps passe. J'espère que nous pourrons terminer votre contre-

2 interrogatoire aujourd'hui pour ne pas vous obliger à revenir. Je vais

3 maintenant passer la parole à mes confrères et consoeurs. Je vous remercie.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Avocat suivant. Il nous reste une demi-heure.

5 M. MURPHY : Merci, Monsieur le Président.

6 Contre-interrogatoire par M. Murphy :

7 Q. [interprétation] Bonjour, Madame. Je m'appelle Peter Murphy, je défends

8 les intérêts de M. Stojic. Quelques questions à peine. Vous avez dit que

9 c'est vous qui aviez écrit le scénario, le script.

10 R. Oui.

11 Q. L'avez-vous fait avant ou après votre visite dans la région ?

12 R. Disons que c'était l'étape finale de ce processus. C'était sans doute

13 le jour de l'émission, donc c'était bien après la visite.

14 Q. Lorsque vous avez contacté "channel 4," vous vous étiez dit que ceci

15 porterait sur l'établissement de ce mini Etat.

16 R. Oui.

17 Q. Ce que vous avez appelé le dépeçage d'une partie de la Bosnie.

18 R. Oui.

19 Q. Serait-il exact de dire qu'une fois après avoir décroché l'accord de

20 canal 4, cela allait rester votre sujet ?

21 R. Vous connaissez la réputation de canal 4. C'est vraiment un haut lieu

22 du meilleur journalisme possible. Je pense que je n'aurais pas pu m'en

23 sortir aussi aisément. Si j'avais fait un autre récit, effectivement, ils

24 n'auraient pas accepté. Mais avec ce que j'avais en main, je pense que mon

25 projet était tout à fait justifié.

26 Q. Donc, vous êtes revenue avec les images auxquelles vous vous attendiez

27 au départ ?

28 R. En fait, c'était un reportage beaucoup plus fort que ce qu'on avait pu

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1 penser au départ.

2 Q. Nous avons vu ces images. Est-ce que M. Baily les a toutes filmées ?

3 R. Non. Il y a beaucoup d'éléments d'archives, surtout pour ce qui est des

4 combats. Et il y a des images filmées à Dretelj que nous n'avons pas

5 filmées, parce que Dretelj, à ce moment-là, était fermé. Mais lorsque nous

6 sommes allés à Badija, lorsque nous avons vu les réfugiés qu'on envoyait

7 dans des pays tiers, là oui, nous avons filmé ces images.

8 Q. Je ne sais pas si vous pouvez nous aider avec ce point, mais pourriez-

9 vous chiffrer en pourcentage le nombre d'images que

10 M. Bailey a filmées lui même ?

11 R. De 85 à 95 %.

12 Q. Un autre détail : page 82, ligne 13, vous avez donné une réponse qui

13 m'intriguait. Vous avez dit que vous ne vouliez pas interviewer M.

14 Izetbegovic. Etait-ce parce que vous pensez qu'il ne pourrait pas apporter

15 d'autres éléments ?

16 R. Je ne me souviens pas franchement. Je ne sais pas pourquoi nous ne

17 l'avons pas interviewé. Mais je reviens à cette idée. Vous savez, c'était

18 surtout un reportage sur les Croates, par conséquent, en quelque part, son

19 rôle n'était pas un rôle principal, du moins à mon avis.

20 Q. Mais vous l'avez montré avec Tudjman --

21 R. Oui, au moment de la signature d'accord.

22 Q. En dépit de cela, vous ne pensez pas qu'il aurait pu apporter quelque

23 chose si vous l'aviez interviewé ?

24 R. Non. Vraiment, c'était la relation entre Zagreb et la Herceg-Bosna qui

25 comptait pour ce reportage. Je pense que nous avions des images

26 suffisamment fortes, des personnages forts. Il n'était pas inutile [comme

27 interprété] d'avoir Izetbegovic aussi.

28 Q. Je vous remercie.

Page 2101

1 M. MURPHY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

3 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

4 permettez, je n'aurai besoin que de cinq minutes, et ma consoeur demande

5 trois minutes -- M. Praljak, plus exactement.

6 Contre-interrogatoire par M. Kovacic :

7 Q. [interprétation] Je n'ai que quelques questions brèves à vous poser. Je

8 représente ici M. Praljak. Au début de votre vidéo et pendant votre

9 interrogatoire principal, vous avez parlé d'un pays que vous avez appelé la

10 Bosnie. Vous avez dit que c'est là-bas que vous vous êtes rendu; est-ce

11 exact ?

12 R. Vous voulez dire que j'ai abrégé le nom du pays, qu'au lieu de

13 l'appeler Bosnie-Herzégovine, je l'ai appelé Bosnie ? C'est vrai.

14 Q. Cette appellation abrégée, vous l'avez diffusée, présentée à l'opinion

15 britannique ?

16 R. Oui.

17 Q. Madame, savez-vous quel a été le nom de ce pays de la Bosnie avant

18 cette malheureuse guerre de 1992/1993 en Bosnie-Herzégovine ?

19 R. Je pense que le nom était la Yougoslavie.

20 Q. Réellement, c'est ce que vous pensez ?

21 R. Je n'arrive pas à m'en souvenir.

22 Q. Mais avez-vous jamais entendu dire que cette Yougoslavie était une

23 fédération de six républiques indépendantes, autonomes ?

24 R. Si, je l'ai entendu.

25 Q. Avez-vous jamais entendu dire que cette République de Bosnie-

26 Herzégovine faisait partie de l'ex-fédération ?

27 R. Je l'ai entendu.

28 Q. Avez-vous su quel a été son nom ?

Page 2102

1 R. Je ne peux pas m'en souvenir.

2 Q. Vous ne savez pas ?

3 R. Je ne m'en souviens pas.

4 Q. Mais à l'époque, le saviez-vous ?

5 R. Je suis certaine que je le savais à l'époque parce qu'à l'époque, je

6 m'étais imprégnée de ce sujet. Maintenant, je ne le suis plus.

7 Q. Est-ce que vous savez comment on appelait ce pays pendant que vous vous

8 y êtes rendue en 1993, 1994 ?

9 R. Je viens de vous dire que je ne m'en souviens pas.

10 Q. Mais à l'époque, le saviez-vous, à l'époque ?

11 R. Je n'arrive pas à m'en souvenir.

12 Q. Mais savez-vous quel est le nom aujourd'hui de cet Etat ?

13 R. Non, je ne pense pas que je le sache.

14 Q. Nous avons vu une partie de votre entretien avec Lord Owen à l'image,

15 et il parle de la présence de l'armée croate en Bosnie. S'il vous plaît, au

16 moment où vous avez réalisé ce programme, avez-vous jamais vu vous-même des

17 effectifs ou des éléments de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine ?

18 R. Oui, à Siroki Brijeg, je m'en souviens bien. Nous avons vu pas mal de

19 chars, et je me souviens avoir posé la question à M. Boban.

20 Q. C'était à quel moment ?

21 R. Novembre 1993, pendant que nous étions sur place. Nous étions en train

22 de tourner le film, le film que nous venons de voir.

23 Q. Madame, vous avez fait une petite déclaration au bureau du Procureur.

24 Je me contenterai de vous donner lecture d'une affirmation aux paragraphes

25 4 et 5 de cette déclaration. Vous dites que c'est en novembre 1993 que vous

26 êtes allée à Mostar. Et au point 5, vous dites que vous êtes allée voir le

27 bureau de presse de Mostar ouest, du HVO, et que vous y avez croisé un

28 journaliste, un confrère, Ed Vulliamy.

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1 R. Oui, je m'en souviens.

2 Q. C'était en novembre 1993 ?

3 R. Oui, c'est cela.

4 Q. Si je vous soumets qu'Ed Vulliamy est venu déposer ici il y a deux ou

5 trois jours et que dans sa déposition - je dois citer pour le compte rendu

6 d'audience, la page - c'était le 9 mai, page 10, ligne 15. M. Vulliamy

7 affirme que c'était les 7 et 8 septembre 1993 qu'il se trouvait à Mostar.

8 Ensuite, page 17, ligne 23, page 18, ligne 4, jusqu'à cet endroit-là, le

9 témoin Vulliamy dit que c'était à partir du mois de septembre 1993 -- ou à

10 partir du mois de septembre jusqu'à la mi-février 1994, il ne s'est pas

11 trouvé à Mostar. Donc, là il y a un problème. Soit c'est vous qui ne dites

12 pas la vérité ou vous vous trompez, soit c'est lui qui se trompe.

13 R. J'espère que j'ai été claire dans ma déposition, cela s'est passé il y

14 a longtemps. La question de la Bosnie-Herzégovine et toute l'ex-Yougoslavie

15 ne m'a plus intéressée depuis. J'ai une nouvelle vie professionnelle. Il

16 est possible que je me trompe, mais je préfère maintenir ce que j'ai déjà

17 dit, de l'avoir vu au bureau de presse du HVO le jour où j'y suis allée.

18 Q. Mais dans cette déclaration que vous avez faite au bureau du Procureur

19 le 6 avril 2006, et le 15 mai 2006, donc ce matin, aujourd'hui, c'est de

20 manière tout à fait claire et décidée que vous le dites, sans hésitation;

21 novembre 1993.

22 R. Je sais à quel moment je m'y suis trouvée. C'était en novembre 1993. Je

23 me souviens qu'Ed Vulliamy était là. Si je me trompe, je vous présente mes

24 excuses. Mais je ne vais pas revenir sur ce que j'ai dit. C'était il y a

25 longtemps et bien de ces choses s'effacent de ma mémoire, et je ne m'occupe

26 plus d'aucun aspect des événements de l'ex-Yougoslavie.

27 Q. Plus loin dans cette séquence avec Lord Owen -- Excusez-moi pour

28 introduire le sujet. C'était vous-même qui avez recueilli cet entretien

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1 avec Lord Owen ?

2 R. Oui. C'était moi.

3 Q. Dans ces déclarations, à un moment donné, il dit des choses d'où l'on

4 peut conclure clairement que les pays de l'Europe occidentale, il en

5 énumère quelques-uns. Il parle de l'Allemagne, de l'Autriche donc, des

6 pays, membres de la Communauté européenne. Puis, il évoque ici les Etats

7 Unies d'Amérique et les Nations Unies. Il

8 dit : "Que leurs positions divergent sur les événements de Bosnie-

9 Herzégovine," c'est-à-dire sur le conflit des Croates et des Musulmans, là-

10 bas. Est-ce que vous avez poursuivi cette réflexion ? Vous avez cherché à

11 l'explorer ?

12 R. Non, parce que ce n'était pas l'objet de notre film documentaire. Nous

13 demandions précisément, de poser des questions sur les événements en

14 Bosnie-Herzégovine.

15 Q. En dépit du fait qu'un homme politique qui était très au fait de la

16 situation, donc, Lord Owen vous a dit qu'il y avait des pays dont les

17 opinions divergeaient sur les événements. Ceci ne vous a pas intéressé et

18 vous n'abandonnez pas le scénario tel que vous l'avez conçu précédemment ?

19 R. Je pense que ce qu'il disait était clair au sujet de l'Allemagne et de

20 l'Autriche, et c'étaient des histoires qui portaient sur le passé, sur la

21 communauté internationale de par le passé. Ce qui nous intéressait, c'était

22 le présent. C'étaient les événements qui se produisaient, plus

23 particulièrement, dans cette zone-là du conflit. Je voulais qu'on se

24 concentre là-dessus pour cela devienne clair pour un public plus large.

25 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

26 j'aurais d'autres questions à poser, vu les réponses que j'ai eues, mais je

27 ne poserais que quelques questions, tout à fait, directes.

28 Q. Madame, nous sommes de nouveau à Mostar, vous avez dit que vous étiez

Page 2105

1 sur le front à Mostar, est-ce, et cetera, et cetera. Qui vous a donné un

2 laisser passez pour circuler à Mostar ? C'était une zone de guerre.

3 R. C'était le HVO dans la partie ouest. A l'est, j'ai pu entrera avec le

4 bataillon espagnol des Etats-Unis qui effectuait des patrouilles régulières

5 dans cette zone.

6 Q. Pendant que vous étiez encore du côté ouest, avant de traverser du côté

7 est de Mostar, avez-vous demandé un laisser passez pour pouvoir circuler ?

8 Vous avez dit que vous êtes allée sur la ligne de front.

9 R. J'avais une accréditation de la FORPRONU, une accréditation de la

10 FORPRONU.

11 Q. Mais, encore une fois, dans la déclaration que vous avez donnée ce

12 matin, au bureau du Procureur, et où vous mentionnez le collègue, Vulliamy,

13 vous dites que vous êtes allée au bureau de presse du HVO, n'était-ce pas

14 précisément pour obtenir un laisser passez ?

15 R. Oui.

16 Q. Donc, c'est le HVO qui a bel et bien donné un laisser passez ?

17 R. Oui. J'avais une autorisation de la part du HVO et nous avons filmé pas

18 mal dans la caserne du HVO.

19 Q. Une fois du côté est, c'est l'ABiH qui a insisté, à son tour, pour que

20 vous ayez un laisser passez ?

21 R. Non. Non, je pense que j'ai déjà dit à votre confrère que je n'ai

22 encore rencontré personne de l'ABiH. Je me déplaçais avec la FORPRONU.

23 C'est ainsi que j'ai pu entrer de ce côté-là de la rivière.

24 Q. Dans votre film, il est également question du vieux pont. Aviez-vous

25 remarqué que le vieux pont était protégé physiquement par des pneus de

26 voitures, des plaques, qu'il avait été protégé auparavant ?

27 R. Mais, je ne me suis jamais rapprochée de la rivière. C'était beaucoup

28 trop dangereux, d'un côté comme de l'autre. Donc, je ne suis jamais

Page 2106

1 rapprochée.

2 Q. Mais comment êtes-vous venue du côté est, alors ?

3 R. Mais il a fallu que je contourne en aval de la rivière. C'est là que

4 j'ai traversé. Personne ne traversait, à ce moment-là. Sauf, les réfugiés

5 qui traversaient la rivière, de nuit. Mais il y avait dans le documentaire

6 de Jeremy Bowen, il y a des séquences, des images qui montrent tout cela.

7 Moi, je ne me suis pas rapprochée. Je n'ai pas couru ce risque-là.

8 Q. Donc, personnellement, vous n'avez rien appris sur le vieux pont ?

9 R. Je me souviens que d'un côté comme de l'autre les gens de Mostar

10 étaient très choqués par l'histoire du vieux pont.

11 Q. Mais non, s'il vous plaît, lentement, doucement. Est-ce que, vous

12 personnellement, savez quelque chose du vieux pont ?

13 R. Personnellement, j'ai vu des deux côtés de la rivière que les gens ont

14 été très émus et très frappés par le fait qu'on ait détruit le vieux pont.

15 Q. Mais, vous, vous n'avez pas vu le pont avant cela, c'est ce que vous

16 nous avez dit ?

17 R. Je vous ai dit que le jour où je suis allée pour la première fois de

18 l'autre côté, c'était quand le pont a été détruit.

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais encore

20 quelques questions à poser, mais malheureusement, il faut que je laisse du

21 temps pour faire fair-play à mes collègues. Mais je pense que j'ai encore

22 des questions pertinentes à poser.

23 M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi. Trois minutes, si possible, pour

24 M. Praljak.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour Monsieur Praljak.

26 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :

27 Q. [interprétation] Quelques questions professionnelles, Madame. Dans ce

28 film, on parle d'une réunion, Tudjman, Milosevic, à Karadjordjevo. L'on y

Page 2107

1 voit une réunion entre Tudjman et Milosevic, est-ce que c'est quelque chose

2 qui a été tourné à Karadjordjevo ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous en êtes certaine ?

5 R. Oui. Je l'ai obtenu de la part d'une chaîne de télévision croate, M.

6 Bilandzic qui est quelqu'un qui demande qu'il parle de cet événement m'a

7 dit qu'il s'en souvenait, enfin, qu'il a vérifié pour moi.

8 Q. Tout le monde dit qu'il n'y a pas eu de témoins à cet événement.

9 Bilandzic, lui-même aussi, dit qu'il n'y a pas eu de témoins et que tout le

10 monde a démenti l'existence d'un accord. Mais c'est quelque chose que l'on

11 ne voit pas dans le film.

12 R. M. Bilandzic avait sa propre expérience. Je pense qu'il en a été

13 témoin. C'est ce qu'il nous a dit dans le film.

14 Q. S'il vous plaît, répondez à ma question. Bilandzic a dit qu'il n'y a

15 pas de témoins. C'est ce qu'on entend dans le film. Oui ou non ?

16 R. Je viens de voir le film, tout comme vous. D'après mon souvenir, il a

17 dit qu'il y a été et qu'il savait ce qui y était passé.

18 Q. Merci. Vous montrez des réfugiés et vous dites, "Ce sont des réfugiés

19 de Vares," les réfugiés que vous avez filmés, étaient-ce bien des réfugiés

20 de Vares ou non ?

21 R. Les villages où l'on voit des gens sortir de Vares, ce n'était pas mes

22 images à moi. Je pense qu'on les a obtenu de la BBC.

23 Q. Merci. Vous avez un entretien avec un homme qui se trouve dans la

24 partie est de Mostar, savez-vous que c'est le commandant adjoint du 4e

25 Corps de l'ABiH ? Oui ou non ?

26 R. Je n'ai eu aucun entretien avec qui que ce soit, avec un homme tel

27 qu'il soit dans Mostar est. J'ai parlé uniquement avec une femme qui a

28 décrit ces conditions de vie.

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1 Q. Mais même dans votre film qui dit : "Qu'ils intercepte des

2 conversations des soldats du HVO avec des appareils de très mauvaises

3 qualités. C'est le commandant adjoint du 4e Corps d'armée de Bosnie-

4 Herzégovine. Le saviez-vous, oui ou non ?

5 R. A l'époque, je suppose que si, que oui. Mais je ne l'ai pas interviewé

6 dans Mostar est.

7 Q. Merci.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il nous reste presque dix minutes et on

9 arrête.

10 Maître Alaburic.

11 Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :

12 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Giles. Je m'appelle Alaburic. Je

13 défends le colonel Petkovic. On vient de m'accorder quelques petites

14 minutes. Donc, je vous demanderais de vous efforcer de répondre par des

15 réponses brèves; oui ou non sera très bien. Vous nous avez parlé de ce que

16 vous souhaitiez faire avec ce film mais j'espère l'avoir bien compris. Vous

17 nous avez dit que votre première intention était de montrer les victimes

18 croates en Bosnie centrale, sacrifiés dans l'intérêt de la Herceg-Bosna.

19 Deuxième objectif, c'était de montrer que les Croates souhaitaient la

20 division de la Bosnie. Troisième objectif, c'était de montrer que cette

21 division scellerait la mort de la Bosnie. Conviendrez-vous avec moi que

22 telle était votre description générale ?

23 R. Je serais d'accord avec vous pour dire que c'est la description que

24 j'ai faite dans le film, en tout cas, la description générale de ce qui se

25 passait, à l'époque.

26 Q. Vous nous avez dit ce qui figure en page 40 du compte rendu d'audience

27 de la journée d'aujourd'hui, que vous vous êtes efforcée d'expliquer une

28 situation très complexe et je cite, vous avez dit : "Que les Croates de

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1 Bosnie centrale ont été sacrifiés au profit de la Herceg-Bosna." Tout ce

2 que j'ai dit en sus de cela est en fait une citation de vos propos ?

3 R. Oui, c'est exact. Je suis d'accord. C'est ce que dit le film.

4 Q. S'agissant de la mort de la Bosnie, êtes-vous au courant du fait que la

5 Bosnie-Herzégovine abritait trois peuples constitutifs ? Les Bosniens, à

6 savoir donc, les Musulmans, les Serbes et les Croates qui habitaient en

7 Bosnie-Herzégovine.

8 R. Je le savais.

9 Q. Saviez-vous qu'au début de 1992, les Serbes ont créé la Republika

10 Srpska. Ce sont donc, séparés sur une partie du territoire dont ils ont

11 fait un tout territorial leur appartenant ?

12 R. Oui.

13 Q. Seriez-vous d'accord avec le fait de dire qu'en agissant ainsi les

14 Serbes ont porté un coup mortel à la communauté que constituait la Bosnie-

15 Herzégovine, l'ensemble que constituait la Bosnie-Herzégovine ?

16 R. Les choses ont commencé à se produire, n'est-ce pas, mais j'hésiterais

17 un peu à dater exactement le jour où a été porté le coup fatal, compte du

18 temps qui s'est écoulé depuis. Il me serait difficile d'être précise.

19 Q. Mais dites-moi dans ces conditions, comment vous avez pu s'agissant du

20 conflit opposant les Croates et les Musulmans, comment avez-vous été en

21 mesure de conclure que c'étaient les Croates qui, dans le cadre de ce

22 conflit avaient porté le coup mortel à la Bosnie-Herzégovine ?

23 R. Je pense que cela peut faire l'objet de débats. D'ailleurs, il y a

24 quelqu'un dans le film si je ne m'abuse qui dit : "Tant que dure la

25 fédération, la Bosnie-Herzégovine a encore une chance de continuer à

26 pouvoir exister mais dès lors que la fédération a été détruite, et bien,

27 c'est la fin."

28 Q. Excusez-moi, Madame Giles, mais je me vois contraint de vous poser une

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1 question complémentaire. Savez-vous quand la Bosnie-Herzégovine a été

2 créée ? Quand cette entité territoriale a vu le jour ? Est-ce qu'il vous

3 est arrivé d'entendre parler de Dayton ? Vous est-il arrivé d'entendre

4 parler des accords conclus en 1995 ?

5 Mme ALABURIC : [interprétation] Nous n'avons pas le temps, pour cela,

6 Monsieur le Président, mais manifestement, il y a des choses qui sont en

7 train de se mélanger. Je vais maintenant vous poser une question très

8 concrète.

9 R. Non. Non, non. Je ne crois pas que les choses se sont mélangées. Bien

10 sûr, j'ai entendu parler de Dayton. Dayton a eu lieu bien après la période

11 dont nous parlons ici, puisque nous parlons de 1993, ici. Je ne vois pas

12 très bien ce que vous voulez dire en dehors de l'effort que vous faites

13 pour laisser entendre que je n'avais pas une bonne connaissance factuelle

14 de la situation. Je peux vous dire que j'avais une bonne connaissance

15 actuelle de la situation. Cette après-midi, je ne suis plus, tout à fait,

16 au clair sur certaines choses, mais c'est parce que, je veux dire à

17 plusieurs reprises, j'ai laissé ce sujet derrière moi. Mais, à l'époque,

18 des faits -- j'ai filmé des images qui, d'ailleurs, parlent d'elles-mêmes

19 et qui parlent même d'une voix beaucoup plus haute que la mienne. Je me

20 suis contentée de les mettre sur un écran.

21 Q. Merci bien. Je crois que tout cela est clair.

22 J'ai maintenant une question très directe à vous poser au compte

23 rendu d'audience de la journée d'aujourd'hui, page 52, nous lisons les mots

24 prononcés par le présentateur du film. Vous, vous êtes la réalisatrice de

25 ce film, l'auteur du scénario. Je cite les mots que l'on entend : "Franjo,

26 en juillet 1993, a appelé à la division de la Bosnie-Herzégovine."

27 Pourriez-vous nous dire, je vous prie, quand Franjo Tudjman a appelé à une

28 telle division et en quel endroit, quel lieu, quand est-ce qu'il a appelé à

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1 la division de la Bosnie-Herzégovine ?

2 R. Je ne m'en souviens pas.

3 Mme ALABURIC : [interprétation] Merci beaucoup. Je vais laisser, tout de

4 même, quelque deux minutes à mes confrères et consoeurs.

5 Contre-interrogatoire par M. Jonjic:

6 Q. [interprétation] Merci beaucoup. Je m'appelle Tomislav Jonjic. J'aurais

7 simplement quelques petites questions à vous poser au nom de mon client, M.

8 Valentin Coric.

9 Mes questions porteront sur le choix de personnes que vous avez fait pour

10 les interviewer, en particulier, le Dr Bilandzic et le

11 Dr Slaven. Avez-vous vérifié les propos du Dr Bilandzic qui a dit que les

12 Musulmans n'ont pas participé aux pourparlers, aux rencontres auxquelles

13 ont participé les Serbes et les Croates ?

14 R. Je ne me souviens pas.

15 Q. Avez-vous été informée de l'existence de pourparlers de négociations

16 secrètes et les Musulmans ?

17 R. Je ne m'en souviens pas.

18 Q. Savez-vous que le Dr Bilandzic avant 1990 a occupé le poste de

19 secrétaire général de la Ligue des Communistes yougoslaves ?

20 R. Oui. Cela, je le savais.

21 Q. Savez-vous qu'en 1994, après cet entretien qu'il a eu avec vous, le Dr

22 Bilandzic était un diplomate de Tudjman; c'est-à-dire qu'il exerçait

23 officiellement ces fonctions à l'ambassade de Croatie à Belgrade ?

24 R. Je ne me souviens pas de cela.

25 Q. Quant à M. Letica, savez-vous qu'il a proposé ce service en tant que

26 conseiller à M. Milosevic ?

27 R. Je n'étais pas au courant de cela.

28 Q. Savez-vous que M. Letica, il y a quelques années, aux dernières

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1 élections législatives de Croatie a été choisi comme candidat sur la liste

2 d'un parti qui, par ailleurs, est considéré comme d'extrême droite dans ce

3 pays, qu'aujourd'hui, il est l'un des représentants. Il est l'un des

4 partisans les plus énergiques de Franjo Tudjman en Croatie ?

5 R. Non.

6 M. JONJIC : [interprétation] Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions

7 pour ce témoin, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Sahota, pour les quelques secondes qui nous

9 restent.

10 M. SAHOTA : [interprétation] Vous aurez le plaisir d'entendre, Monsieur le

11 Président, je n'ai pas de questions pour ce témoin.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Je remercie tous les avocats qui, conformément à nos

13 instructions sont restés parfaitement dans le créneau qui avait été

14 déterminé.

15 Madame, aux noms des Juges, je vous remercie d'être venue à la demande de

16 l'Accusation. Nous vous formulons nos meilleurs vœux de retour et je

17 demande à M. l'Huissier de bien vouloir vous raccompagner à la porte de la

18 salle d'audience.

19 [Le témoin se retire]

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je me tourne vers l'Accusation, de là,

21 le témoin sera à la disposition de la Chambre. Monsieur Mundis ?

22 M. MUNDIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le témoin dont

23 l'audition est prévue demain est déjà ici à La Haye. Il sera prêt à

24 témoigner demain.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez prévu combien d'heures afin de

26 permettre aux avocats de la Défense de se préparer ?

27 M. MUNDIS : [interprétation] Si je ne m'abuse, Monsieur le Président, au

28 départ, deux heures et demie étaient prévues et nous avons inscrit une

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1 heure et demie au calendrier que nous avons soumis à la Chambre. L'un de

2 mes collègues est en train de rencontrer le témoin pour la séance de

3 récolement, cette après-midi et je n'ai pas d'autres renseignements de sa

4 part mais je pense que cela devrait approcher deux heures pour

5 l'interrogatoire principal.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Mundis. Je vous remercie et je vous

7 invite à nous retrouver demain pour l'audience qui débutera à 9 heures.

8 --- L'audience est levée à 19 heures 04 et reprendra le mardi 16 mai 2006,

9 à 9 heures.

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