Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 19 juin 2006.

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président, et bonjour à

8 tous. Affaire numéro IT-040-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci, Monsieur le Greffier.

10 Je salue au nom des deux Juges qui sont présents, toutes les personnes. Je

11 salue les accusés, les représentants de l'Accusation ainsi que les avocats,

12 sans oublier tout le personnel de cette salle d'audience.

13 Tout d'abord, je dois indiquer les raisons pour lesquelles nous sommes

14 deux, comme je vous l'avais indiqué la semaine dernière et la semaine

15 d'avant. Pour des raisons professionnelles liées aux fonctions intérieures

16 des deux Juges, ceux-ci ont été dans l'obligation de se rendre dans leur

17 pays, et de ce fait, conformément à l'article 15 bis (A), ils seront donc

18 absents, ce qui permet grâce aux Règlements de continuer nos travaux.

19 Je tiens au nom des Juges absents ainsi que les Juges présents à présenter

20 nos condoléances à M. Coric pour le décès de son père, alors que nous

21 étions en Bosnie-Herzégovine, nous avons été avisé par votre avocat de la

22 dégradation très rapide de l'état de santé de votre père. Nous avions pris,

23 bien entendu, immédiatement toutes les mesures possibles afin que vous

24 puissiez vous rendre dans votre pays et ce qui a pu être fait la semaine

25 dernière. Donc, je vous présente nos condoléances sachant que c'est

26 toujours pour tout être humain une épreuve de devoir perdre un proche.

27 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie

28 et, en même temps, je vous remercie d'avoir permis que je puisse me rendre

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1 aux funérailles de mon père.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous devons aborder l'audition du témoin qui est

3 présent, mais avant cela, quelques éléments d'information. Je me tourne

4 vers l'Accusation concernant (expurgé) qui doit venir. Je crois que

5 Me Kovacic va intervenir.

6 L'INTERPRÈTE : Microphone, Monsieur Kovacic, s'il vous plaît.

7 M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi.

8 Monsieur le Président, si vous le permettez, j'aimerais soumettre une

9 requête orale qui, à mon avis, est lié à la situation dans laquelle nous

10 nous trouvions à l'heure actuelle. En effet, je considère que la semaine

11 dernière, s'agissant de (expurgé)a agi de

12 telle façon que la Défense soit placée dans l'impossibilité de se préparer

13 au contre-interrogatoire et de se préparer à l'audition de façon générale.

14 Par conséquent, je proposerais à la Chambre de première instance de mettre

15 des consignes et des directives à destination de l'Accusation pour assurer

16 un procès équitable. Il faut, en effet, que la Chambre de première instance

17 rendre une ordonnance afin d'assurer l'équité du procès, de quoi est-il

18 question.

19 Premièrement, l'Accusation a fourni à la Défense des renseignements

20 erronés. Elle le fait, également, par la même occasion à l'adresse de la

21 Chambre de première instance s'agissant de la teneur du témoignage à venir.

22 Je serais plus précis. Vous savez, très bien, Monsieur les Juges, puisque

23 vous recevez les mêmes documents que nous de l'Accusation, que nous

24 recevons pour chaque audition de témoin à l'avance, et je parle de témoins

25 qui sont entendus de vive voix. Donc, nous recevons un document qui nous

26 permet d'extraire certains éléments relatifs à sa déposition. En général,

27 deux ou trois jours avant l'arrivée du témoin, nous recevons également ce

28 que l'Accusation appelle une "proofing chart", c'est-à-dire, un tableau

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1 -- une liste détaillée dans laquelle on trouve la liste des documents qui

2 seront utilisés au cours de l'audition du témoin en question, ainsi que des

3 références précises au sujet des paragraphes et des points de l'acte

4 d'accusation concernés. Cette liste de récolement devrait normalement être

5 la liste qui, par l'ordonnance rendue par les Juges, en date du 30 novembre

6 2005, a été définie. Or, cette liste, aujourd'hui, ne comporte pas encore

7 les éléments requis par les Juges.

8 L'une des différences, entre les deux, est la suivante : dans le

9 premier document que l'on trouve lors de l'audition viva voce du témoin,

10 nous recevons un résumé de la déposition de ce dernier et une colonne dans

11 laquelle figurent les paragraphes et chefs d'accusation de l'acte

12 d'accusation concerné ainsi que les noms des accusés qui, selon le

13 Procureur, sont concernés par la déposition en question.

14 Maintenant, dans le deuxième document qui nous est fourni dans la liste de

15 récolement, nous recevons un grand nombre de paragraphes et de chefs de

16 l'acte d'accusation concerné qui sont ajoutés par rapport au document

17 précédent, mais sans les noms des accusés; cependant, il est possible de

18 savoir quels sont les accusés concernés si l'on suit de près la liste des

19 paragraphes de l'acte d'accusation car si, dans la liste de récolement, il

20 est dit que ceci a un rapport avec le paragraphe 7 de l'acte d'accusation,

21 je sais que ceci aura un rapport avec mon client, puisqu'il est mentionné

22 dans ce paragraphe de l'acte d'accusation.

23 Or, dans le cas précis dont je suis en train de vous parler,

24 s'agissant du (expurgé), voilà ce qui s'est passé. Dans le

25 document relatif à l'audition de vive voix, dans le premier document que

26 nous recevons de l'Accusation, l'Accusation allègue que la déposition de ce

27 témoin aura un rapport avec les accusés, Stojic, Petkovic et Praljak. Dans

28 le deuxième document, la liste de récolement, vous constaterez qu'il est

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1 écrit que cette déposition a également rapport avec l'accusé Prlic. Un peu

2 plus loin, vous voyez que cette déposition aura également un rapport avec

3 l'accusé Coric. Un peu plus loin, vous trouvez également le nom de l'accusé

4 Pusic, puis viennent les paragraphes qui concernent tous les accusés, donc,

5 des paragraphes dans lesquels tous leurs noms sont mentionnés, qu'il

6 s'agisse de l'énoncé de faits ou de l'énoncé de principes juridiques.

7 Je considère qu'agir de la sorte est contraire à votre ordonnance,

8 Monsieur le Président, Messieurs les Juge, car c'est ce processus qui nous

9 empêche de voir exactement où nous allons, puisque nous trouvons des

10 différences et même des contradictions entre deux documents fournis par

11 l'Accusation.

12 Ceci est contraire à l'ordonnance de la Chambre et ceci brouille

13 complètement la situation car les faits sont difficiles à déterminer à

14 partir de la lecture de ces deux documents et il est très difficile de

15 savoir quels sont les faits, qui sont imputés à tel ou tel accusé dans le

16 cadre, qui a trait à l'audition du témoin. Donc, mon premier argument c'est

17 que l'Accusation a fourni à la Défense des renseignements erronés, que par

18 le même temps, elle donne des renseignements erronés à la Chambre et

19 qu'elle empêche la Défense de se préparer correctement.

20 Notre deuxième argument, c'est qu'en sus de cela, l'Accusation

21 communique trop tardivement les documents liés au témoin et qu'elle tarde,

22 en particulier, à fournir une traduction de ces documents dans une langue

23 comprise par l'accusé concerné. Lorsque je parle de documents, je pense aux

24 documents relevant de l'article 66, ainsi que des documents relevant de

25 l'article 68 du Règlement et par aller plus vite, je n'insisterai pas sur

26 le fait que les documents relevant du l'article 66 du Règlement aurait dû

27 être communiqués à la Défense depuis très longtemps. Or, il me semble que

28 nous les recevons ces derniers temps, très souvent, dans les mêmes délais

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1 qu'avant la décision des Juges. Mais, enfin, je n'insisterais pas

2 exagérément sur ce point.

3 Je vais vous donner un exemple précis par rapport à ce témoin dont

4 nous parlons. L'Accusation a remis, il y a déjà, pas mal de temps, à la

5 Défense de nombreux documents relatifs à l'audition de ce témoin qui, pour

6 la plupart, étaient rédigés en langue espagnole. Les accusés n'ont pas pour

7 obligation de connaître l'espagnol. Ils doivent pouvoir comprendre les

8 documents en anglais et en français. Bien entendu, en sus de ces deux

9 langues, ils parlent et comprennent leur langue maternelle, mais n'ont

10 aucune obligation par rapport à l'espagnol.

11 Puis, le 14 juin, l'Accusation a communiqué, grâce au système

12 informatique du Tribunal, d'autres documents pour lesquels nous ne savons

13 pas et on ne nous a pas dit si ces documents ne concernaient que ce témoin

14 ou s'ils comprenaient ce témoin parmi un certain nombre d'autres. Par la

15 suite, vendredi et samedi, nous avons eu des contacts avec l'Accusation.

16 Pour ma part, j'ai adressé deux lettres à celle-ci. Vendredi, dans la

17 soirée, c'est-à-dire, le 16 juin, aux environs de 18 heures, à savoir,

18 lorsque les gens normalement ne sont plus dans leurs bureaux, l'Accusation

19 a envoyé un fax se composant d'une courte lettre et d'un index dans lequel

20 il faisait savoir que la série de documents en question contenait 40

21 nouveaux documents qui ne figuraient pas encore dans la liste de

22 récolement. Par ailleurs, la liste envoyée avec ce fax n'était pas complète

23 car elle commence à la page 8.

24 Le lendemain matin, donc, le 17 juin, dans la matinée, nous pouvions

25 récupérer ces documents dans nos casiers au Tribunal et c'est ce que nous

26 avons fait. L'Accusation était très aimable, je dois dire, car elle nous a

27 transmis ces documents sur CD dont une copie nous a été remise

28 immédiatement de façon à ce que nous puissions la communiquer à nos

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1 clients. L'Accusation estimait que c'était important puisqu'il y avait de

2 nombreuses traductions en B/C/S sur ce CD qui ne figuraient pas dans les

3 versions antérieures. Je remercie l'Accusation pour la fourniture de ce CD

4 mais j'ajouterais qu'il me faut quatre minutes et demie pour récupérer ce

5 CD. Donc, mes remerciements vont à un travail de l'Accusation qui a duré

6 quatre minutes et demie, alors que s'agissant de tous les autres documents

7 dont nous ne disposons pas, il nous faut des jours et des jours de travail

8 tous ces documents que nous avons reçus nous les avons traités.

9 De sorte que le samedi matin nous disposions de pas mal de documents,

10 y compris des traductions en B/C/S, mais, malheureusement, jusqu'à l'heure

11 actuelle, selon mon analyse il manque encore environ 160 traductions de

12 documents dans une langue comprise par les accusés. Je peux me tromper

13 d'une ou deux unités, en plus ou en moins, ne prenez pas aux mots, car

14 vraiment c'est une forêt de documents qu'il est très difficile d'examiner

15 dans le détail. Il faudrait des jours pour le faire, mais, à l'heure

16 actuelle - et je considère que cela est très important - nous manquons

17 encore de très nombreuses traductions. Selon le Règlement du quartier

18 pénitentiaire la Défense ne peut remettre aucun document aux accusés

19 pendant le week-end, sauf si nous avions eu connaissance de ce problème

20 avant la fin de la semaine dernière, avant vendredi, et que nous avions pu

21 faire une demande spéciale, mais nous n'étions pas au courant. Donc, les

22 accusés ne peuvent entrer en possession des documents liés à l'audition

23 d'un témoin dont l'audition est prévue cette semaine précisément mercredi

24 avant le lundi matin. Il convient également de ne pas perdre de vue que les

25 documents que la Défense a reçus de l'Accusation en rapport avec l'audition

26 (expurgé)constitue quatre classeurs très épais qui selon mon

27 évaluation contiennent 281 documents, pour la plupart assez longs. Sur ces

28 281 documents il y en a 160 qui ne sont pas encore associés à leur

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1 traduction en B/C/S. Donc je n'ai pas besoin de vous expliquer que nous

2 n'avons pas la possibilité d'examiner ces documents pas plus d'ailleurs que

3 les accusés ou de les passer en revue dans le détail en deux jours. Je

4 demande donc que des consignes soient données à l'Accusation. Pour ma part,

5 je n'ai pas été informé de tout cela à l'avance et les équipes de la

6 Défense travaillent aussi rapidement et aussi énergiquement qu'elles le

7 peuvent. Ce que je peux faire au maximum c'est passé rapidement en revue

8 les documents et me donner une impression de ce qu'ils contiennent. Je

9 parle des documents qui ne sont pas accompagnés de leur traduction.

10 Donc, comme je l'ai déjà dit la Défense a pris contact avec

11 l'Accusation, nous avons exposé la situation à l'Accusation, nous avons

12 communiqué par téléphone, mais nous avons été incapable de convaincre

13 l'Accusation d'agir dans quelque sens que ce soit. Je pense que compte tenu

14 des événements la Défense est dans l'impossibilité de travailler

15 normalement car nous avons besoin d'un temps raisonnable pour consulter une

16 masse aussi importante de documents et nous préparer aux questions à poser

17 au témoin.

18 Je pense que vous connaissez très bien -- que vous savez très bien

19 que la charge de la preuve repose sur l'Accusation. C'est l'Accusation qui

20 joue un rôle actif de ce point de vue. C'est à elle qu'il appartient de

21 décider de citer un témoin à la barre ou non. Donc c'est à elle qu'il

22 convient de vérifier quels documents elle aura besoin pour son

23 interrogatoire et de communiquer ces documents à la Défense dans des délais

24 raisonnables accompagnés de leurs traductions, c'est bien ce qui est

25 compris dans l'obligation de communications de l'Accusation à la Défense.

26 Si ces conditions ne sont pas réunies, l'Accusation ne doit pas pouvoir

27 interroger le témoin, car elle nous contraint à une course permanente pour

28 tenter de la rattraper ceci bien sûr a des incidences importantes sur le

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1 calendrier et sur les heures prévues pour entendre tels ou tels témoins. Je

2 ne vais pas vous redire que la Défense a travaillé tout le week-end, je

3 parle bien de tous les conseils de la Défense, de toutes les équipes et des

4 personnes qui les assistent dans leur travail car ceci est devenu une

5 habitude car ceci est devenu une habitude. Personnellement, je suis tout à

6 fait prêt à abandonner mes week-ends mais il m'est difficile d'exiger la

7 même chose de l'ensemble de mon équipe. Nous avons dû travailler toute la

8 journée de samedi et même dimanche et ce au-delà des heures normales, et

9 malgré cela je suis contraint aujourd'hui de vous faire connaître les

10 observations que j'évoque actuellement.

11 J'aimerais maintenant mentionner un autre point. Monsieur le

12 Président, vous pensez peut-être que nous exagérons. Vous savez bien qu'il

13 y a un calendrier prévu et fixé à l'avance qui doit permettre un

14 déroulement du procès dans des délais prévus. Les difficultés auxquelles la

15 Défense se trouve confronter risque de ralentir considérablement le procès.

16 Comme vous le savez, les équipes de la Défense ont des moyens financiers

17 limités et peu de personnel pour les aider, nous n'avons donc pas de

18 possibilité d'aller au-delà des limites qui nous sont imposées par le

19 Greffe.

20 J'aimerais proposer que la déposition de (expurgé)qui a été

21 prévue cette semaine soit donc reportée à une date ultérieure. La Chambre

22 de première instance devrait me semble-t-il par ailleurs indiquer à

23 l'Accusation que les documents qu'elle prévoie utiliser lors de l'audition

24 d'un témoin, et ceci concerne également (expurgé), devraient être

25 communiqués au moins trois semaines à l'avance dans les langues officielles

26 du Tribunal à la Défense -- langue officielle ainsi que dans la langue

27 comprise par les accusés en application de l'article 66 et 58 du Règlement.

28 Troisièmement, il importe que la liste de récolement soit rédigée

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1 conformément à ce qui est exigé par la Chambre de première instance dans sa

2 décision ou qu'une solution de compromis soit trouvée afin d'améliorer la

3 transparence des communications entre la Défense et l'Accusation. Il faut

4 que les accusés concernés par l'audition du témoin soit définie de façon

5 précise qu'on sache s'il s'agit de M. X et M. Y ou M. Z. Cette méthode doit

6 être améliorée pour que la transparence soit assurée.

7 Voilà, Monsieur le Président, les propositions que j'avais à faire.

8 Je demande un ajournement de la déposition.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Juste quelques minutes parce que tout a

10 été dit.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Quelques mots à peine, Monsieur le

12 Président, pour être un tout petit peu plus concret si c'est possible.

13 Voilà où nous en sommes : nous avons obtenu des documents à 19 heures à peu

14 près vendredi. Notre personnel a dû examiner ces documents dans la journée

15 de samedi. J'ai eu deux membres du personnel qui ont travaillé samedi et

16 dimanche à plein temps pour passer en revue les classeurs, organiser les

17 documents qu'ils contiennent, et se rendre compte finalement qu'ils

18 comportaient 40 documents supplémentaires.

19 Alors, vous pourriez dire, (expurgé)n'arrive que mercredi, mais

20 si nous devons préparer cette déposition lundi à mardi, nous ne pouvons pas

21 être en même temps dans le prétoire puisque nous savons en outre que quatre

22 classeurs de documents vont être soumis à ce témoin.

23 Dans le cas qui nous intéresse, nous avons au moins un accusé, M. Praljak,

24 qui a indiqué qu'il souhaitait participer activement à sa défense, mais

25 chacun des autres accusés bénéficient des mêmes droits c'est-à-dire

26 intervenir dans sa propre défense et pour ce faire il faut qu'il puisse

27 compulser les documents dans une langue qu'ils comprennent.

28 J'aimerais mettre l'accent sur un point évoquer par Me Kovacic.

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1 L'Accusation décide de la date à laquelle elle entendra tels ou tels

2 témoins. Il y a pas mal de témoins qui ne sont pas des témoins impliquant

3 le versement au dossier d'un grand nombre de documents. Lorsque la Défense

4 intervient pour vous soumettre le genre d'observations qu'elle vous soumet

5 aujourd'hui, c'est vraiment qu'elle a atteint ses limites, qu'elle est

6 absolument épuisée. Le processus auquel elle est confrontée n'est pas

7 équitable.

8 Puis, enfin, je tiens à dire que pendant le week-end, réfléchissant à ce

9 qui s'est passé la semaine dernière avec M. Beese. Nous avons constaté

10 qu'il avait fallu 45 minutes environ, pour verser au dossier l'ensemble des

11 documents que l'Accusation souhaitait verser au dossier par le biais de M.

12 Beese, tous documents qui émanaient des observateurs européens, de la MOCE.

13 Alors, compte tenu, Monsieur le Président, de ce que vous nous avez déjà

14 dit - et je suis totalement d'accord avec vous - lorsqu'un document arrive,

15 il convient de prendre ce document dans son ensemble, comme un tout. M.

16 Mundis a déclaré que si nous devions passer une minute à examiner chacun de

17 ces documents, il aura fallu six heures la semaine dernière. Si nous

18 pensons au versement au dossier de l'ensemble des documents dont nous

19 parlons, il faudrait sans doute dix ou 15 minutes, alors, nous en revenons

20 au problème que nous avons avec le temps. La Défense doit bénéficier d'un

21 temps égal à celui dont a bénéficié l'Accusation, donc, vous voyez où se

22 situe le problème. Nous aurons un problème compte tenu du grand nombre de

23 documents qui est prévu de verser au dossier par le biais du témoin dont

24 nous parlons.

25 Je pense que la Chambre de première instance pourrait reconsidérer ou

26 au moins réfléchir encore à la possibilité de demander éventuellement à

27 l'Accusation de d'abord fournir des efforts démontrables vis-à-vis de la

28 Défense, efforts qui montreront la pertinence de tel ou tel document,

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1 plutôt que de se contenter de demander à un témoin : est-ce que le document

2 est pertinent ou pas par rapport à la période dont nous parlons ? Je pense

3 que c'est là que se situe le nœud du problème et que c'est à l'Accusation

4 de le régler, notamment dans le cas qui nous intéresse car, finalement, il

5 faut que l'équité soit respectée. Si l'Accusation veut absolument soumettre

6 à un témoin un nombre si important de documents, il faut qu'elle trouve une

7 solution pour que la Défense puisse travailler. Je tenais à vous soumettre

8 ce problème, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de donner la parole à l'Accusation pour

10 qu'elle réponde à ce que vous venez tous les deux d'indiquer, quelques

11 observations en ce qui me concerne, qui n'engagent que moi. Si mon collègue

12 le Juge Trechsel veut intervenir, il interviendra.

13 En ce qui me concerne, et je ne parle qu'en mon nom, j'avais eu conscience

14 des problèmes que vous êtes en train de soulever dès le mois de novembre,

15 car je savais que ce type de problèmes allaient inévitablement se poser

16 pour deux raisons. D'abord parce qu'il y a beaucoup de documents dans ce

17 procès et, deuxièmement, parce que j'avais la conviction que des documents

18 ne seraient pas en temps utile traduits dans la langue des accusés. C'est

19 pour cette raison que j'avais demandé au mois de novembre à l'Accusation de

20 me fournir ce tableau : témoins, pièces à conviction, paragraphes de l'acte

21 d'accusation, de toutes indications concernant l'éventuelle responsabilité

22 au titre du 7.1 et du 7.3 des accusés.

23 Comme vous le savez, cette demande n'a pas été exécutée dans son

24 intégralité. Nous avons pris, malheureusement, acte de l'incapacité de

25 l'Accusation à répondre aux exigences de l'ordonnance du mois de novembre

26 dernier. A partir de là, l'Accusation vous avait fait savoir qu'elle

27 rendrait en septembre ce fameux tableau qui répondrait aux exigences de la

28 décision et qu'ainsi, dès le début septembre, nous aurions une vision

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1 pleine et complète sur tout ce qui allait se passer dans le futur. Mais,

2 dans mon esprit, d'ici le mois de septembre, pour les quelques témoins à

3 venir en juin et en juillet, il fallait que l'Accusation fournisse

4 également pour ces témoins la liste des témoins et des pièces à conviction.

5 Vous venez, je vous ai écouté avec attention, de m'expliquer que vendredi,

6 aux environs de 19 heures, vous découvrez que l'Accusation vous a adressé,

7 à ce moment-là, par mail des informations comme quoi elle avait l'intention

8 de produire plus de 40 nouveaux documents et, par ailleurs, vous avez

9 constaté que, parmi tous ces documents - il y en a 280 d'après vos dires -

10 il y en aurait 160 qui n'auraient pas encore été traduits en B/C/S. A

11 partir de là, vous me dites que vous allez travailler samedi et dimanche et

12 qu'en raison du Règlement sur la détention, vos clients n'ont pas eu avant

13 ce matin connaissance des dits documents puisque le Règlement ne permet pas

14 la communication pendant le week-end des documents.

15 Alors, sachez que j'étais particulièrement sensibilisé aux

16 difficultés que la Défense, en général, rencontre et c'est la raison pour

17 laquelle j'estime, en tant que Juge, il faut que la Défense ait le temps

18 nécessaire pour rencontrer les accusés et pour discuter avec l'accusé de la

19 teneur des documents. Si vous ne pouvez pas rencontrer les accusés et

20 encore moins en discuter pendant le week-end et lorsque l'audience

21 redémarre le lundi, je ne vois pas quand vous pouvez rencontrer les

22 accusés. C'est la raison pour laquelle j'avais, il y a plusieurs mois,

23 indiqué que, compte tenu de la nature de cette affaire où nous avons un

24 nombre record de pièces à conviction, il m'apparaissait important, tant

25 pour la Défense que pour l'Accusation que pour les Juges, que la Défense

26 puisse disposer du temps nécessaire pour travailler et également pour

27 rencontrer des accusés.

28 C'est pour cela que j'avais suggéré qu'il fallait vous permettre

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1 d'avoir une liberté vendredi ainsi que le lundi matin afin de commencer les

2 audiences lundi après-midi en ayant rencontré vos clients et en vous

3 préparant au contre-interrogatoire. Quand il y a une affaire où il y a

4 quelques centaines de documents, bien entendu, tout cela peut se gérer très

5 vite. Mais dans cette affaire ou pour (expurgé), il est envisagé

6 plus de 250 documents. Autant que dans certains procès qui ont eu lieu en

7 plusieurs mois, en une journée -- enfin, en un témoin, on introduit autant

8 de documents que dans toute une affaire. Donc, il y a de véritables

9 problèmes que j'avais parfaitement perçus et c'est pour cela que j'avais

10 exigé dans l'ordonnance du mois de novembre que vous ayez une vision

11 complète de ce que l'Accusation envisageait de faire et je constate avec

12 vous qu'aujourd'hui vous rencontrez des difficultés.

13 Ceci étant dit, nous avons des impératifs de faire en sorte que ce procès

14 soit rapide; rapide ne veut pas dire expéditif, bien entendu. Rapide cela

15 veut dire que, compte tenu des exigences et également du procès. Alors,

16 comme il y a de la part de l'Accusation presque 10 000 documents, les

17 exigences imposent le fait que ces documents soient étudiés et que les

18 questions qui soient posées au travers de ces documents soient pertinentes

19 et soient utiles pour les Juges. Je comprends parfaitement l'Accusation,

20 tout à l'heure par

21 Me Karnavas, a soulevé également la question des questions sur les

22 documents. Alors, c'est un véritable problème auquel tout le monde est

23 confronté, j'estime, à titre personnel, qu'il faudrait au minimum que

24 l'Accusation fournisse à la Défense 15 jours avant le début de la venue

25 d'un témoin l'ensemble des documents listés qui seront utilisés et, bien

26 entendu, que ces documents soient traduits parce que, comme vous l'avez

27 indiqué, vous assister les accusés et assister ce n'est pas représenter,

28 vous ne vous substituez pas aux accusés. Les accusés doivent, en votre

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1 compagnie, faire part de leurs observations sur les documents pour élaborer

2 une stratégie de Défense et de ce fait vous avez besoin de communiquer avec

3 les accusés, d'autant plus, commandant vous l'avez souligné, il y a des

4 accusés qui veulent aussi poser des questions et intervenir.

5 Donc, pour cela, encore faut-il que les accusés aient à leur disposition

6 les documents dans leur langue car j'imagine mal un accusé, qui ne connaît

7 pas l'espagnol, comment peut-il interpréter un document en espagnol ? C'est

8 quasiment impossible, donc, c'est un véritable problème. Alors, vous

9 demandez le report de ce témoin, nous allons délibérer entre Juges. Il y a

10 plusieurs solutions : soit le report total, soit le report du contre-

11 interrogatoire, étant précisé que l'interrogatoire principal peut

12 intervenir et on reportera le contre-interrogatoire, mais tout en vous

13 écoutant tout à l'heure, une autre pensée m'est là; cela relève de

14 l'Accusation entièrement. Je ne comprends pas pourquoi on ne fait pas venir

15 des témoins où il n'y a pas de problème de documents ou de traduction et

16 faire venir des témoins importants comme les internationaux ultérieurement.

17 Pourquoi ne pas faire venir des témoins de fait qui ont été, pour certains,

18 victimes, sans que cela entraîne les questions de langue et de traduction

19 des documents. Puis, les témoins importants comme les internationaux, les

20 ambassadeurs ou autres pourraient venir "in file". Bon, là on mélange tout,

21 il y a des témoins de simples faits, il y a des témoins importants, tout

22 est mélangé et ceci peut évidemment entraîner des problèmes.

23 Alors, l'Accusation va répondre, mais peut-être que mon collègue,

24 s'il veut intervenir, je lui donne la parole, sinon -- oui, je vais lui

25 donner la parole.

26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vais d'abord entendre

27 l'Accusation.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, oui, Maître Ibrisimovic, vous voulez

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1 intervenir. Je vais donner la parole et puis à l'Accusation.

2 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Un autre

3 problème se pose ici d'après ce que je vois, à savoir, le versement au

4 dossier de nouveaux documents. Nous avons commencé avec une liste de plus

5 de 9,000 pièces dans cette affaire, liste qui nous a été fournie par

6 l'Accusation, mais nous avons eu déjà 100 documents de plus depuis un mois,

7 depuis le début du procès. La Défense n'a pas objecté, mais il me semble

8 que nous sommes face à une hyperproduction de documents. Donc, ce chiffre

9 de près de 10,000 documents sera bientôt dépassé. Ne pourrait-on pas

10 envisager peut-être de convoquer une audience -- une Conférence de mise en

11 état consacrée à cela uniquement pour essayer de traiter le problème de ce

12 volume colossal de documents ? Merci.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

14 L'Accusation doit répondre.

15 Effectivement, si à toutes les semaines il y a 100 nouveaux

16 documents, ce ne sera pas 10,000, mais peut-être quelques milliers de

17 documents supplémentaires. Il y a également un réel problème.

18 Alors, l'Accusation peut-elle nous donner son sentiment sur les différents

19 problèmes qui ont été évoqués, étant précisé qu'on va passer presque une

20 heure là-dessus.

21 M. SCOTT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur le

22 Juge, Monsieur le Juge Trechsel. Nombre de choses ont été dites depuis 45

23 minutes. Je vais essayer d'y répondre en abordant celles qui me semblent

24 les plus importantes. Je suis certain que la Chambre me posera des

25 questions, si nécessaire.

26 Des observations de nature générale ont été faites par le conseil de la

27 Défense et, pour la plupart, nous les acceptons. Vous savez, on peut dire

28 que le verre est toujours soit à moitié plein, soit à moitié vide. Depuis

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1 des mois, nous sommes engagés dans un processus très complexe. Nous avons à

2 faire à un grand volume de documents, de documents complexes. Je pense que

3 la communication des pièces et la préparation s'est produite, si je puis

4 dire, plutôt bien jusqu'à présent. Donc, nous n'acceptons pas des critiques

5 en bloc. Nous n'estimons pas que des problèmes très importants se posent à

6 ce sujet. Donc, je peux vous dire qu'aujourd'hui, y compris les avocats qui

7 travaillent à l'extérieur de ce prétoire, il y a bien davantage de juristes

8 qui travaillent en l'espèce aux côtés de la Défense qu'en face. Je suis

9 tout à fait près à ce qu'on compare nos chiffres, nos effectifs. Nous

10 travaillons également pratiquement tous les week-end, moi-même, je

11 travaillais le week-end dernier et je suis certain que des deux côtés, nous

12 travaillons tous d'une manière -- enfin, c'est un travail acharné qui est

13 fourni des deux côtés.

14 Alors, pour ce qui est de l'affirmation qu'il y a des différences, des

15 écarts très considérables par rapport au résumé 65 ter, je ne suis pas tout

16 à fait d'accord. Effectivement, lorsqu'il y a un témoin qui arrive à La

17 Haye, lorsque nous n'avons pas pu le voir pendant longtemps pour avoir des

18 éléments d'information complémentaires ou des précisions, ceci se reflète

19 dans des éléments complémentaires qui sont fournis au dernier moment, mais

20 nous ne sommes pas d'accord avec la Défense pour accepter qu'il y ait des

21 contradictions de fond sur les deux éléments qui ont été fournis. Alors,

22 disons -- enfin, comme nous l'avons dit dans notre écriture du 19 janvier

23 2006 - je me réfère à la page 2 de notre écriture, paragraphe 5 - "Mis à

24 part ce qui a été explicitement précisé au paragraphe 230 de l'acte

25 d'accusation modifié, tous les éléments de preuve sont dressés contre tous

26 les accusés. Tous les éléments de preuve de l'Accusation, donc, concernent

27 tous les coaccusés, mis à part les cas où nous précisons explicitement que

28 tel n'est pas le cas. Donc, tous les éléments factuels concernent tous les

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1 accusés et tous les éléments juridiques, judiciaires, concernent tous les

2 accusés."

3 Donc, nous n'avons pas à citer les six noms des accusés à chaque fois que

4 nous présentons nos résumés de récolement. Parfois, lorsqu'il s'agit d'un

5 document particulier, d'un témoin particulier qui cite un accusé

6 spécifiquement, nous l'avons précisé, nous avons essayé de le faire, mais

7 lorsqu'il s'agit de ventiler les choses, nous ne le faisons pas. Donc,

8 entre les charges portées, les éléments de preuve et les accusés, pour

9 l'essentiel, nos éléments de preuve concernent tous les coaccusés. Encore

10 une fois, lorsqu'il y a un élément tout à fait particulier, spécifique,

11 nous essayons de montrer cela. Donc, avec tous mes respects pour M.

12 Kovacic, je n'accepte pas ces critiques en bloc qu'il a lancées contre

13 l'Accusation.

14 Pour ce qui est du Bataillon espagnol, à présent, les documents le

15 concernant - excusez-moi, j'essaie de voir si nous devons passer à huis

16 clos partiel, mais je pense qu'il n'y a pas lieu de le faire - donc,

17 effectivement, il y a eu des problèmes qui se sont posés avec ce jeu de

18 documents en particulier. Ils n'ont pas été traduits tout d'abord en

19 anglais ou du moins dans l'une des langues de travail de ce Tribunal. Il se

20 trouve que c'est l'anglais, mais il fallait en plus qu'ils soient traduits

21 en B/C/S. Donc, autrement dit, il y a eu deux fois la charge de travail et

22 je dois dire que ce Tribunal n'a pas parmi ses employés des traducteurs de

23 l'espagnol, donc, tout a dû se faire à l'extérieur du Tribunal, donc, en

24 sous-traitant à l'extérieur de l'institution. Je dois dire que, jusqu'à la

25 fin de la semaine dernière, j'avais l'impression que tout allait être

26 terminé à temps, donc, je pensais que la plupart des traductions vers le

27 B/C/S était terminée. Mais, d'après ce que j'ai appris, donc, mes dernières

28 informations me disent que 260 documents ont été traduits en B/C/S; c'est

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1 ce que j'ai compris, donc, il en reste un certain nombre qui n'ont pas

2 encore été faites et, pour ce qui est des traductions en anglais, la

3 plupart ont déjà été communiquées et nous affirmons que ceci fait un moment

4 que ces traductions sont accessibles.

5 Alors, nous avons nombre de documents ici, vous allez voir ce sont des

6 documents de la MOCE. Souvent, ce sont des documents ou seul un paragraphe

7 nous intéresse ou nous avons, par exemple, trois ou quatre pages d'un

8 documents où seule une portion nous est importante, donc, quelque chose -

9 ce qui s'est passé à Tuzla ou à Belgrade - ne nous intéressait pas. Je ne

10 dis pas, encore une fois, que la Défense n'a pas à fournir un travail

11 considérable et que le corpus n'est pas très important. Ce que je dis c'est

12 que nous devons aller de l'avant, nous allons citer -- nous devrions citer

13 (expurgé)et nous allons l'entendre et essayer, au moins, de mener

14 l'interrogatoire principal et nous devrions voir comment cela va avant.

15 (expurgé)

16 (expurgé). Merci.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, pour vous résumer, Monsieur Scott, vous

18 reconnaissez que la Défense, sur entente générale, a - pas pour tout, mais

19 pour certains points - raison d'évoquer certains problèmes. Vous nous dites

20 que concernant les traductions de l'espagnol en B/C/S, il a fallu avoir

21 recours à l'extérieur du Tribunal, à des services de traduction et que là,

22 vous en êtes, malheureusement, pas responsable. Ce qui explique qu'il y a

23 encore des documents non traduits mais vous indiquez que même si le

24 document en espagnol, peut être important en nombre de pages, il n'y aurait

25 que quelques paragraphes qui seraient utiles et vous dites, par exemple, si

26 on parle de Tuzla ou de Zagreb, ce n'est pas là-dessus que porte le contre-

27 interrogatoire et l'interrogatoire principal. Bon, cela, c'est votre

28 appréciation. En conclusion, vous dites qu'après tout, vous ne verriez

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1 aucun inconvénient à ce que le contre-interrogatoire se fasse

2 ultérieurement lorsque la Défense aura en sa possession tous les documents.

3 Donc, j'ai pris note avec intérêt de ce que vous dites. Vous n'avez répondu

4 à une des mes interrogations qui était celle de savoir pourquoi vous ne

5 faites pas venir des témoins qui, vis-à-vis, des documents ne poseraient

6 aucun problème, vous réservant les internationaux et d'autres témoins

7 importants plutôt vers la fin. Bon. Mais c'est vous qui décidez, bien que

8 le Règlement peut permettre au Juge de manière draconienne de fixer l'ordre

9 des témoins et de dire qui doit venir, mais jusqu'à présent, ce Tribunal a

10 évité d'être trop directif, vis-à-vis des uns et des autres pour vous

11 laisser toute latitude dans la présentations de vos moyens.

12 Donc, en conclusion, concernant ce témoin, il doit venir et puis le

13 contre-interrogatoire se passera ultérieurement. Donc, je ne sais pas si

14 mon collègue à ce stade veut intervenir; sinon, je vois qu'il y a un avocat

15 qui s'est levé.

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous m'y autorisez, Monsieur le

17 Président. Tout d'abord, je tiens à dire que je comprends la frustration

18 que crée ce genre de problème. Toutefois, je ne sais pas si le fait

19 d'aborder des questions, de manière aussi générale, nous permettent

20 d'assurer un progrès rapide et efficace du procès. L'Accusation sait, très

21 bien, que la préparation de la déposition (expurgé)n'aurait pas dû

22 se passer de la manière dont cela s'est passé, mais je suis certain que

23 ceci leur permettra de tirer une bonne leçon de la situation. Je pense que

24 le mieux, pour le moment, ce serait de procéder avec la déposition du

25 témoin et j'accepte tout à fait la demande de la Défense, à savoir, de

26 reporter le contre-interrogatoire. Mais je pense que pour ce qui me

27 concerne que nous pourrions entendre le témoin d'aujourd'hui.

28 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

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1 si vous m'y autorisez, puisque j'ai soulevé la question, je ne peux pas ne

2 pas répliquer.

3 Bien entendu, l'une, des solutions possibles, qui viendrait à

4 remédier à ce déséquilibre et à ce manque de corrections de la part de

5 l'Accusation, ce serait de séparer effectivement le contre-interrogatoire

6 de l'interrogatoire principal. Cependant, avant que la Chambre ne prenne

7 une décision définitive, je tiens à dire que, bon, c'est acceptable. Ce

8 serait acceptable pour la Défense. Toutefois, deux problèmes se posent.

9 Premièrement, la Chambre, lorsqu'elle entend un témoin, entend les deux

10 volets de cette déposition, l'interrogatoire principal et le contre-

11 interrogatoire. En fin de compte, la Chambre se fait une idée de la

12 totalité de la déposition, du poids accordé à cette déposition, et cetera.

13 Conformément donc aux principes de présentation directe des preuves qui

14 sont reconnus par ce Tribunal également, et qui font partie de nos réflexes

15 de base, je pense de nous, tous. Je pense que cette Règle exige que l'on

16 entende toujours les deux volets de la déposition d'un témoin, à chaque

17 fois.

18 Bien entendu, je suis d'accord, parfois, pour des raisons pratiques, ceci

19 ne serait pas toujours possible. Il me semble qu'il convient de l'éviter,

20 en particulier, lorsqu'il s'agit de témoins importants. Donc, si possible,

21 pourrait-on peut-être essayer de ne l'entendre qu'à partir du moment où on

22 aura reçu toutes les traductions, on aura pu consulter l'avis de nos

23 clients. Donc, on ne commence sa déposition qu'à ce moment-là.

24 Deuxièmement, je ne voudrais pas répliquer si, c'est ce qui a été dit par

25 l'Accusation, deux points seulement, si vous m'y autorisez. Je ne suis pas

26 d'accord avec l'affirmation du Procureur lorsqu'il parle de ressources

27 humaines, disant que nous sommes sur un pied d'égalité. Il dit que, lorsque

28 nous prenons toutes les personnes présentes ici, ainsi que ceux qui sont

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1 dans les bureaux, qu'ils sont moins nombreux que les équipes de la Défense.

2 Mais, Monsieur le Président, mon client est l'un des six accusés. Il

3 aurait pu être le seul accusé de l'espèce et, en fait, c'est moi qui devais

4 être sur un pied d'égalité avec l'Accusation et non pas nous tous. Donc,

5 chacun d'entre nous, a droit à sa défense et d'après les Règles de l'art et

6 de la procédure, nous sommes tenus, tout à chacun, à assurer notre propre

7 défense -- enfin, la défense de notre client. Bien entendu, lorsque cela

8 est possible, nous essayons de coopérer. Mais croyez-moi, Monsieur le

9 Président, nous avons un témoin important, puis un autre témoin dont nous

10 venons de parler. Pour chacun de ces témoins, la Défense doit préparer son

11 interrogatoire comme si elle était seule devant la Chambre.

12 Puis un autre point, simplement, il faut que je réagisse pour le

13 compte rendu d'audience. Le Procureur a donné un bon conseil à la Défense

14 en lui disant : "Mais, vous n'avez pas besoin d'examiner tous les

15 documents." Mais, Monsieur le Président, écoutez, je vais être rayer du

16 barreau si j'agis comme cela. Pour trouver cette ligne ou ce paragraphe, ou

17 ce mot qui parait pertinent à l'Accusation, qu'il s'agisse de trois ou de

18 cinq, ou de 15 pages, il me faut parcourir toutes ces pages. Je peux le

19 faire rapidement, bien entendu, mais c'est uniquement cela qui me permettra

20 de repérer cette ligne qui sera pertinente. Monsieur le Président, c'est

21 vous qui l'avez imposé comme Règle.

22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Ce que vous dites

23 est pertinent, intéressant, et je vous comprends, mais je ne pense pas

24 qu'on a vraiment besoin de rentrer dans tous les détails des arguments

25 présentés par l'Accusation. Je me demande vraiment si c'est nécessaire et

26 je vous invite à faire preuve de modération et à vous limiter uniquement à

27 exposer ce qui est important, maintenant.

28 M. KOVACIC : [interprétation] J'accepte votre critique, mais je n'ai

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1 cité que deux exemples. Je ne suis pas entré dans les autres. Donc,

2 pourriez-vous, s'il vous plaît, vous re-pencher sur la question. Nous avons

3 aussi le Témoin Beese dont nous avons séparé le contre-interrogatoire.

4 Donc, est-ce que ceci devient la Règle ? Donc, convient-il d'accepter cette

5 Règle -- d'adopter cette Règle ?

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic.

7 Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'appuie

8 entièrement ce qui vient d'être proposé par Me Kovacic. Au sujet de ce qui

9 a été dit, je souhaiterais agir brièvement.

10 Aujourd'hui, l'Accusation nous a confirmé que pour un grand nombre de

11 documents qu'elle propose, en fait, il y a des portions qui n'ont rien à

12 avoir avec notre acte d'accusation. Si on se repenche sur les éléments de

13 preuve on verra qu'il y a des documents qui n'ont rien à voir avec le

14 territoire ni avec le temps couvert par l'acte d'accusation, et aussi qu'il

15 y a des documents qui n'ont même rien à voir avec les événements repris à

16 l'acte d'accusation. Par conséquent, il me semble que la question-clé qui

17 se pose maintenant est de savoir qui doit sélectionner les documents

18 pertinents présentés par l'Accusation en l'espèce. J'ai l'impression que

19 l'Accusation souhaite tout simplement présenter tous les documents qu'elle

20 a à sa disposition, indépendamment des localités, indépendamment des

21 événements, indépendamment de la période couverte par l'acte d'accusation.

22 En fait, elle laisse le soin à la Défense et à la Chambre de choisir dans

23 ce volume de document, ceux qui pourraient être pertinents. J'estime que

24 cette pratique est absolument inacceptable et que nous devrions faire en

25 sorte que l'Accusation soit tenue de préciser pour chacun des documents son

26 lien avec un événement cité à l'acte d'accusation, un paragraphe cité à

27 l'Accusation. Je pense que c'est ainsi que l'Accusation terminera de jeter

28 sur nous des centaines de documents.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous le savez, nous nous rendrons

2 prochainement une décision écrite sur la question de l'admissibilité donc

3 des documents par rapport au témoin, donc, nous répondrons à cette

4 préoccupation. En attendant il faut bien que nous avancions même si le fait

5 de renvoyer à plus tard le contre-interrogatoire, ce n'est pas l'idéal, il

6 n'en demeure pas moins, et soyez-en assurés que les Juges prêtent une

7 particulière attention au fait, comme vous l'avez indiqué, qu'un témoignage

8 s'apprécie dans ces deux volets, interrogatoire principal et contre-

9 interrogatoire et que nous ferons en sorte que vous n'ayez aucun préjudice.

10 Etant précisé que ce renvoi vous permet de mieux vous préparer au contre-

11 interrogatoire puisque vous disposez beaucoup de temps pour vous y

12 préparez, et de ce fait, votre contre-interrogatoire sera certainement plus

13 productif que s'il venait dans la -- de l'interrogatoire principal.

14 Donc en raison de ces problèmes de traduction qui sont survenus, nous

15 renverrons donc le contre-interrogatoire du (expurgé) à une date

16 ultérieure, c'est le sentiment unanime des Juges en la matière. Si,

17 effectivement, nous sommes pris dans des problèmes de calendrier, il n'en

18 demeure pas moins que tout cela doit s'inscrire normalement face aux

19 exigences du procès équitable auquel nous sommes tous attachés.

20 Voilà, on a passé quasiment une heure là-dessus, mais il fallait que les

21 choses soient dites et je vais demander -- alors, juste avant de demander à

22 Mme l'Huissière d'aller chercher le témoin, une précision. La semaine

23 prochaine, jeudi, 29 juin, il y a l'assemblée Plénière des Juges -

24 l'assemblée Plénière importante - et de ce fait, il serait souhaitable que

25 le témoin, qui était prévu la semaine prochaine, puisse venir dès lundi,

26 mardi, et mercredi. Comme cela, on aura le temps et de décaler le témoin

27 qui avait été prévu lundi avec le décalage à ultérieurement. Alors, je

28 pense que cela ne devrait pas poser de difficulté.

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1 On est bien d'accord, Monsieur Mundis, sur le calendrier, Monsieur

2 Scott, l'un ou l'autre ?

3 M. Mundis dit : "Private session."

4 Alors, Monsieur le Greffier.

5 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

6 [Audience à huis clos partiel]

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13 [Audience publique]

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, nous sommes audience publique.

15 Madame l'Huissière, aller chercher le témoin et nous aurons 25 minutes à

16 peu près avant le break.

17 Oui, l'Accusation. J'ai dit nous aurons 25 minutes avant le break, pas 125.

18 Voilà, 25.

19 M. BOS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

20 ne vais pas oublier ceci. Avant que le témoin n'entre dans le prétoire,

21 j'aimerais, en fait, faire référence aux chefs d'inculpation et aux

22 paragraphes importants pour ce témoin. Ce seront les paragraphes suivants :

23 63, 64, 66 et 67 et les chefs d'inculpation pertinents sont les chefs

24 suivants : chef 1, chef 2, chef 3, chef 8, chef 9, chef 15, chef 16, chef

25 17, chef 19, ainsi que chefs 20 et 21.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Bos. J'apprécie cette

27 présentation qui nous permet évidemment tout de suite d'être informés.

28 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Madame, je vais d'abord vérifier que vous

2 entendez bien dans votre langue mes propos. Si c'est le cas, dites je vous

3 entends. Non, non, stop. Répondez, dites je vous entends.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je vois que vous parlez en anglais,

6 donc, vous comprenez --

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- ce que je dis. Avant de vous faire --

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : -- prêter serment, donnez moi votre nom, prénom,

11 date de naissance.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon prénom est Jacqueline, mon nom de famille

13 est Carter et je suis née le 8 mai 1962.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous m'indiquer, Madame, quelle est votre

15 profession actuelle ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Actuellement, je suis généraliste pour

17 l'armée.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1992, 1993, 1994, quelle était votre fonction à

19 l'époque ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la même chose, j'étais dans l'armée et

21 j'étais médecin généraliste.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Madame, déjà témoigné devant un tribunal

23 international ou national sur les faits qui se sont déroulés dans l'ex-

24 Yougoslavie, ou c'est la première fois que vous témoignez ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je témoigne.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment que Madame va

27 vous présenter.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

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1 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

2 LE TÉMOIN : JACQUELINE CARTER [Assermentée]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Madame, quelques explications de ma

6 part avant de donner la parole à M. Bos. Vous avez été à la demande de

7 l'Accusation, citée comme témoin de l'Accusation. Vous allez, dans un

8 premier temps, répondre à des questions que le représentant de

9 l'Accusation, que vous avez dû rencontrer, va vous poser tout à l'heure.

10 Une fois qu'il aura terminé de vous poser ses questions, les avocats qui

11 sont situés à votre gauche qui représentent les personnes qui sont assises

12 en arrière vous poseront des questions dans le cadre du contre-

13 interrogatoire. Vous verrez que la différence des questions n'est pas tout

14 à fait la même car les questions de contre-interrogatoire sont beaucoup

15 plus directives et, à ce moment-là, votre réponse c'est oui ou c'est non.

16 Les deux Juges, d'habitude on est quatre, mais pour des raisons liées à des

17 problèmes professionnels, nous ne seront que deux et nous pourrons

18 également, nous, vous poser des questions. Vous avez juré de dire toute la

19 vérité, ce qui exclut, évidemment tout témoignage mensongé. Essayez de

20 répondre le mieux possible aux questions posées. Si vous rencontrez une

21 difficulté, vous nous en faites part.

22 Alors, il nous reste avant la pause technique, un quart d'heure et nous

23 reprendrons ensuite pendant une heure et demie, et cetera.

24 Voilà. Monsieur Bos, vous avez la parole.

25 M. BOS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 Interrogatoire principal par M. Bos :

27 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Carter. Vous avez dit à la Chambre de

28 première instance que vous étiez médecin généraliste militaire. Quand avez

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1 vous ralliez les rangs de l'armée ?

2 R. En février 1989.

3 Q. Est-ce que vous pourriez nous relater brièvement votre carrière

4 militaire à partir de février 1989 ?

5 R. Dans les deux premières années, j'étais médecin, le médecin du Régiment

6 à Bierfeldt, en Allemagne. Puis, je suis allée travailler à l'hôpital

7 militaire britannique, en Allemagne, toujours, pour terminer ma

8 spécialisation en gynécologie obstétrique.

9 En février 1992, je suis revenue au Royaume-Uni, à Tidworth. Il

10 s'agit d'une base militaire qui se trouve dans le sud de l'Angleterre. J'ai

11 été médecin généraliste diplômé, et j'ai été le médecin généraliste pour le

12 Régiment royal des Fusillés.

13 Pendant que j'étais à Tidworth, j'ai informé du fait que je devais

14 quitter ce poste lorsque le 1er Bataillon du Groupe de Cheshire se déployait

15 en ex-Yougoslavie et faisait partie en tant que tel des forces des Nations

16 Unies.

17 C'est en octobre 1992 que j'ai rejoint ce groupe. Je suis restée avec

18 eux pendant six mois, puis, je suis revenu au Royaume-Uni. A la suite de

19 cela, et j'ai continué à être médecin généraliste militaire dans de

20 nombreuses bases militaires au Royaume-Uni pendant cette époque. J'ai

21 également -- ont également été inclus, en fait, deux autres séjours dans

22 l'ex-République de Yougoslavie.

23 Puis, j'ai passé quatre années en tant que médecin-chef à Chypre. Je

24 suis revenue au Royaume-Uni en 2002, et j'ai maintenant un poste de

25 directeur, clinique générale, non-clinique. Donc, il s'agit enfin de soins,

26 de santé primaire, destinés à l'armée et cela, c'était dans la région ouest

27 de Midlands. Depuis le mois de mai 2005, je suis le médecin-chef du

28 Régiment de formation de l'armée, à Pirbright.

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1 Q. Je vous remercie, Madame Carter. Vous nous avez dit qu'il y a eu

2 deux autres séjours dans l'ex-République de la Yougoslavie. Est-ce que vous

3 pourriez nous dire quelles étaient les périodes en question ?

4 R. Donc, la deuxième fois, cela s'est passé lorsqu'il y a donc,

5 transmission des Nations Unies aux forces de l'OTAN, de janvier, en juin et

6 juillet 1996, j'étais basée à Vitez. Le troisième séjour a eu lieu entre

7 les mois de mars et les mois de septembre. En 1998, j'étais basée à Sipovo,

8 mais dans le cadre de cette mission, j'étais, en fait, le médecin-chef et

9 j'étais responsable de tous les services de soins de santé primaire pour

10 les forces britanniques et, donc, je me suis déplacée dans toute la zone de

11 responsabilité britannique.

12 Q. Je vous remercie. J'aimerais maintenant que nous nous concentrions sur

13 votre premier séjour en ex-Yougoslavie. Cela s'est passé donc entre les

14 mois d'octobre et à partir du mois d'avril 1992 jusqu'en 1993; est-ce

15 exact ?

16 R. C'est exact.

17 Q. Vous nous avez dit que vous étiez le médecin attaché au

18 1er Groupe de Bataille de Cheshire.

19 R. C'est exact.

20 Q. Oui. Est-ce qu'il s'agit d'un Groupe de la FORPRONU ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 Q. Est-ce que c'était cette unité que l'on appelait le BritBat ?

23 R. Tout à fait.

24 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle était la chaîne de

25 commandement qui vous concernait ?

26 R. Le Détachement médical, avec lequel je travaillais, avait comme chaîne

27 de commandement direct, le ESN, à savoir, l'élément de soutien national,

28 qui se trouvait basé à Tomislavgrad. Toutefois, au quotidien, je

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1 travaillais avec l'officier, commandant de la Compagnie Bravo pour le 1er

2 Groupe de Bataille de Cheshire, qui se trouvait basé à Gornji Vakuf et

3 indirectement, donc, et toujours au quotidien, il s'agissait de l'officier,

4 du lieutenant-colonel Bob Stewart, qui était l'officier qui commandait le

5 1er Groupe de Bataille de Cheshire.

6 Q. Quel était votre grade, à l'époque ?

7 R. A l'époque, j'étais commandante.

8 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire vos activités professionnelles ?

9 R. J'étais responsable, donc, des soins médicaux pour les soldats de la

10 FORPRONU qui se trouvaient à Gornji Vakuf. Il y avait également d'autres

11 soldats de la FORPRONU qui se trouvaient et qui passaient dans zone de

12 responsabilité. Il y avait également certaines agences responsables de

13 l'aide ou des ONG, par exemple, et plus précisément, le Commissariat des

14 réfugiés des Nations Unies. C'est qu'on appelait le rôle numéro 1, à

15 savoir, il s'agissait, en fait, d'apporter des soins médicaux, soins de

16 secours, soins d'urgence, stabilisation des victimes. Il s'agissait

17 également, en fait, de donner des médicaments au jour le jour. Je pense,

18 par exemple, à l'environnement dans lequel nous vivions. Je pense, par

19 exemple, à la poussière qui pouvait avoir une incidence à long terme sur la

20 santé des soldats.

21 Q. Quelle était l'importance de cette équipe médicale ?

22 R. Il y avait, moi-même, le docteur. Donc, j'avais avec moi, un sergent

23 médical et environ, dix soldats plus ou moins expérimentés. Il y avait,

24 parmi eux, des chauffeurs ainsi que des infirmiers. Puis, pendant les

25 périodes de combat, il y avait également un petit nombre d'hommes du 1er

26 Bataillon de Cheshire parce qu'il faut savoir, en fait, dans l'armée

27 britannique, il s'agissait d'ambulanciers britanniques qui avaient

28 également reçu une formation médicale.

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1 Q. Merci. Quels sont les véhicules que vous aviez à votre disposition ?

2 R. Nous avions trois types de véhicules, des Land Rover. Nous avions

3 également des ambulances, des ambulances classiques et des ambulances

4 blindées. C'est ce que l'on appelle des ambulances 432, en fait. Ce sont

5 des véhicules qui sont, en général, assez vieux. Ils ne présentent pas

6 l'avantage d'avoir la protection blindée à laquelle on pense lorsqu'on

7 pense, en fait, à des véhicules blindés. Ils n'ont pas, par exemple, la

8 protection que vous avez sur le flanc des véhicules Warrior. Mais il s'agit

9 de véhicules à chenille. Ils ont l'air d'un blindé.

10 Q. Alors, pour revenir à ce -- vous avez référence, en anglais, aux

11 "Bandsmen"; donc, de quoi s'agit-il ?

12 R. En 1992, armée britannique avait un grand nombre d'orchestres

13 militaires et chaque bataillon avait un orchestre militaire. Ces musiciens

14 étaient également des soldats et, par conséquent, ces soldats, puisqu'il

15 s'agissait de soldats, en fait -- non, bon, il n'y a pas véritablement de

16 rôle médical lorsque l'on joue de la clarinette ou du tambour. Donc, ce

17 sont des personnes qui reçoivent une formation médicale et qui font usage

18 de cette formation. Parfois, ce sont des brancardiers. Ils font également

19 office de brancardiers.

20 Q. Dans quel type de bâtiment se trouvait loger le Bataillon britannique ?

21 R. En fait, il s'agissait d'un petit ensemble ou complexe d'usine qui

22 était utilisé par une Compagnie d'ingénierie. Je ne connais pas d'ailleurs

23 tous les détails, mais il y avait encore visiblement des traces de machines

24 qui restaient dans ce complexe, dans ce bâtiment mais je dirais qu'en règle

25 générale, ce bâtiment était plutôt vide lorsque nous l'utilisions.

26 Q. Est-ce que vous avez participé à l'inspection préalable avant que le

27 régiment ne se déplace dans ce bâtiment ?

28 R. Cela est la tradition lorsque vous avez un déploiement dans l'armée

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1 britannique. C'est le Détachement médical qui se déploie en premier pour

2 pouvoir faire en sorte qu'il y a soutien médical intégré pour les

3 contingents qui vont arriver par la suite. Lorsqu'un site est choisi, donc,

4 cette usine avait été choisie pour loger les soldats à Gornji Vakuf avec

5 les autres commandants de la Compagnie B, et ce, donc, avant l'arrivée des

6 autres contingents. Nous sommes arrivés dans ce bâtiment et je pense que

7 nous étions une vingtaine et nous avons donc été les premiers à être logés

8 dans cet immeuble.

9 Q. Est-ce que vous avez inspecté ce bâtiment ? Est-ce que vous avez repéré

10 ou découvert certaines choses ?

11 R. Il y avait deux parties dans ce complexe qui a été pour nous une source

12 de préoccupations. Premièrement, dans une petite dépendance, en fait, il y

13 avait des taches de sang et il semblait également qu'il y avait des traces

14 de fluides cérébraux spinales et il y avait, donc, des traces qui couvrait

15 les murs et le sol de ce bâtiment. Je dirais que les tâches de sang et les

16 tâches de fluide cérébraux spinal se trouvaient à une hauteur d'un mètre

17 50, donc, un mètre 50 à un mètre 55, un peu plus grand -- un plus haut que

18 moi-même, mais il semblerait qu'il y avait également des touffes de cheveux

19 humains. Puis il y a une deuxième partie, c'était l'endroit qui était

20 utilisé pour les chaudières du bâtiment. Il semblait qu'il y avait -- en

21 fait, il y avait des chaînes, des cordes et d'autres traces de ce style qui

22 se trouvaient positionner de telle façon que d'aucun pouvait en déduire que

23 cet endroit avait été utilisé pour torturer des gens, pour voir pendre des

24 personnes puisqu'il y avait certaines cordes qui étaient pendues en hauteur

25 avec la forme prise par une corde lorsqu'il y a pendaison.

26 Q. Vous avez fait référence au fait que cette hauteur était une hauteur de

27 6,5 pieds. Il y a certaines personnes qui ne connaissent pas ces dimensions

28 en pied. Alors, est-ce que vous pourriez nous dire à quoi cela correspond ?

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1 R. Environ un mètre 80.

2 Q. Je vous remercie.

3 R. Je m'excuse d'avoir été aussi anglaise en utilisant cette mesure.

4 Q. Qui avait occupé l'usine avant vous ?

5 R. On nous avait indiqué que c'était le HVO qui avait été présent sur les

6 lieux auparavant, et d'ailleurs j'avais compris qu'un homme qui répondait

7 au nom d'Avdo avait été le représentant du HVO et qui avait été laissé là

8 pour voir comment nous allions utiliser en quelque sorte cet immeuble. Il

9 est resté là, et il a travaillé avec nous en tout cas pendant mon séjour de

10 six mois dans cet endroit.

11 Q. Avez-vous présenté ce que vous avez trouvé à M. Avdo, lui en avez-vous

12 parlé ?

13 R. Oui. Nous l'avons fait lorsque nous avons inspecté ce complexe et

14 lorsque nous avons trouvé ces endroits que je viens de mentionner, nous

15 avons soulevé cette question auprès de M. Avdo, et nous lui avons expliqué

16 quelles étaient nos préoccupations. Nous lui avons demandé ce qui s'était

17 passé là. Nous voulions savoir s'il était vraisemblable qu'il s'agisse de

18 tâches de sang et de fluide cérébro-spinal ne serait-ce que pour des soucis

19 sanitaires. Il n'a pas véritablement répondu à nos questions, il a évincé

20 les questions.

21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Permettez-moi de vous poser une

22 question, je vous prie. Comment est-ce que vous reconnaissez le sang ? Bon,

23 cela nous pouvons l'imaginer. Mais qu'en est-il du fluide ou du liquide

24 cérébraux spinal ? Comment est-ce que vous reconnaissez cela ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, il y a une association qui peut être

26 faite. Lorsque vous avez saignement ou lorsqu'il y a perte de liquide

27 cérébraux spinal il y a une méthode de séparation du sang et du liquide

28 cérébraux spinal et c'est ainsi qu'il y a séparation et qu'il laisse des

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1 traces bien différentes.

2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que vous pourriez peut-être

3 nous expliquer ce que vous entendez par liquide cérébro-spinal ? Je dois

4 vous avouer que je ne connais pas de terme.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas grave. Il s'agit du liquide qui

6 entoure le cerveau. Le liquide cérébro-spinal est le liquide qui entoure le

7 cerveau ainsi que la moelle épinière. Lorsque l'on voit ce genre de liquide

8 cela signifie qu'il y a eu traumatisme crânien assez important avec

9 exposition des tissus sous-adjacents.

10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Une petite précision d'ordre médical. Ce liquide si

12 le sang a la couleur rouge, le liquide cérébraux spinal il a quelle

13 couleur ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'une couleur paille. Un jaune très,

15 très, très pâle, mais ce n'est pas aussi transparent que l'eau.

16 M. BOS : [interprétation] Je pense que nous pourrions avoir la pause

17 maintenant. Cela me semble être le moment judicieux.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 4 heures moins quart. Nous reprendrons aux

19 environs de 4 heures 05.

20 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

21 --- L'audience est reprise à 16 heures 08.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Bos, continuez.

23 M. BOS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 Q. Madame Carter, avant de poursuivre, je vais répéter ma question. Madame

25 Carter, je voulais vous demander : quel était votre grade actuel dans

26 l'armée ?

27 R. J'ai le grade de colonel, mais c'est un grade en exercice, si vous

28 voulez, car dans la réalité des faits, je suis encore lieutenant-colonel.

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1 Q. Pour le reste de mon interrogatoire, est-ce que vous préférez que je

2 m'adresse à vous en appelant lieutenant-colonel ou colonel ?

3 R. Je n'ai pas de préférence. Les deux vont bien.

4 Q. Si vous le voulez bien, je m'adresserai à vous en vous appelant

5 lieutenant, Madame Carter.

6 Lieutenant-colonel Carter, lorsque votre unité est arrivée à cette base, il

7 s'agissait bien, n'est-ce pas, de la Compagnie B du Régiment du Cheshire,

8 et vous demande combien de soldats compte une compagnie ?

9 R. Une compagnie compte normalement à peu près 120 soldats et officiers.

10 Lorsqu'elle est déployée en opération, ce nombre s'accroît pour atteindre

11 le plus souvent 150, environ.

12 Q. Donc, il y avait-il 150 soldats à la base au total ou il y avait-il

13 également d'autres soldats avec ces soldats ?

14 R. Outre la Compagnie B du 1er Régiment de Cheshire, il y avait également

15 sept Groupes de blindés. Dans les effectifs se situent également aux

16 environs de 120 hommes et femmes et en sus de ces hommes et femmes, il y

17 avait également des éléments d'un Groupe de soutien, dont nous faisions

18 partie, je puis dire, puisque nous ne sommes pas comptabilisés dans les

19 effectifs initiaux du Groupe de combat de Cheshire.

20 Q. Donc, combien de soldats ou de personnes y avait-il à la base au

21 total ?

22 R. A peu près 300.

23 Q. Quel était le nom du commandant de la Compagnie B ?

24 R. Pour la première partie de cette tournée, c'est le commandant Alistair

25 Rule qui commandait la Compagnie B. Pour le

26 1er Régiment de Cheshire, vers la mi-janvier, il est arrivé à la fin de son

27 service, il a été remplacé par le colonel Alun Jones du 1er Régiment royal

28 irlandais.

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1 Q. Quelles étaient vos activités quotidiennes pendant la première partie

2 de votre séjour ?

3 R. Mes premières tâches consistaient, comme je l'ai déjà dit, à apporter

4 des soins médicaux aux soldats présents dans le cas, nous avions une levée

5 du drapeau rapide le matin et une autre le soir, mais, le reste de la

6 journée, nous devions être à la disposition des soldats pendant la journée

7 ainsi qu'à toute heure du jour ou de la nuit en cas d'urgence. Outre cela,

8 une partie de mes devoirs consistait à mieux comprendre et connaître la

9 zone de responsabilité dans laquelle nous étions amenés à travailler, en

10 d'autres termes, avant tout la municipalité de Gornje Vakuf et de voir

11 quelles étaient les capacités médicales présentes et installations

12 médicales présentes sur le terrain qui étaient à la disposition des civils

13 et des militaires afin de me faire une idée de ce que pouvait être les

14 perspectives sur le plan militaire aussi bien pour les civils que pour les

15 militaires.

16 Q. Donc, est-il permis de dire qu'au cours des quelques premiers mois de

17 votre tournée, vous avez beaucoup circulé dans la région ?

18 R. Oui, en effet. Pendant les quelques premières semaines, j'ai consacré

19 le gros de mes journées à me rendre sur les terrains pour visiter un

20 certain nombre de villages ainsi que la ville en tant que telle, mieux

21 connaître la population et, notamment, les personnels médicaux de la ville

22 et des villages environnants.

23 Q. Le secteur dont vous étiez responsable, je parle de la Compagnie B,

24 était-il la municipalité de Gornje Vakuf ou était-il encore plus vaste ?

25 R. Pour l'essentiel, il se composait de la municipalité de Gornje Vakuf,

26 mais il s'étendait un peu hors de ces limites. Par exemple, nous avons été

27 amenés à nous rendre dans le village de Here qui, si j'ai bien compris,

28 relève de la municipalité de Prozor et non de Gornje Vakuf et nous avons

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1 également eu des réunions à Bugojno.

2 Q. Lors de vos voyages dans le secteur, est-ce que votre impression

3 générale -- quelle a été votre impression générale, s'agissant de la guerre

4 contre les Serbes ? Est-ce que vous avez été témoin d'un grand nombre de

5 destructions dans la région ?

6 R. Lorsque nous sommes arrivés à Gornje Vakuf, j'ai été frappée par

7 l'image d'une ville qui avait l'air assez prospère, surtout si on la

8 comparait à d'autres localités que nous avions traversées précédemment. Je

9 me souviens que j'ai remarqué la présence d'un certain nombre de bâtiments

10 de construction récente destinés à l'habitation avant tout et il y avait

11 beaucoup d'activité dans le centre de la ville, les magasins étaient

12 ouverts, les cafés étaient fréquentés par de nombreux jeunes et adultes et

13 il y avait des enfants qui jouaient dans les rues. Pas mal de voitures

14 circulaient dans les environs, donc cette ville présentait un aspect tout à

15 fait normal dans les premiers temps et je ne me souviens pas avoir vu de

16 traces d'usage d'armes d'infanterie ou quelque dommage que ce soit, plus ou

17 moins grave d'ailleurs, dans les différents villages de la municipalité de

18 Gornje Vakuf, qu'il s'agisse de la ville ou des villages environnants.

19 Q. Quel groupe ethnique constituait la population de Gornje Vakuf à ce

20 moment-là ?

21 R. Gornje Vakuf était habité par une population mixte composée de

22 Musulmans et de Croates et dans les premières semaines de mon séjour

23 surplace, nous nous sommes rendus compte de la présence d'un relativement

24 grand nombre de mariages mixtes et d'une population qui avait l'air tout à

25 fait heureuse et satisfaite de sa coexistence dans les traditions des uns

26 et des autres. Lorsque nous rencontrions des enfants, et nous en avons

27 rencontré pas mal, ils n'avaient pas la moindre idée de leur appartenance

28 ethnique, par exemple.

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1 Q. Est-ce qu'il y avait des Serbes dans le secteur également ?

2 R. Je n'ai pas connaissance de la présence de Serbes dans le secteur de

3 Gornje Vakuf.

4 Q. Vous avez déjà dit quelques mots de ce sujet, à savoir, des rapports

5 entre les Musulmans et les Croates de la région, mais vous parlez de la

6 première période de votre séjour. Vous n'avez pas eu à ce moment-là

7 l'impression qu'il y avait des tensions entre les deux groupes ?

8 R. Non, pas à notre arrivée. Mais plus nous approchions de disons la fin

9 décembre 1992, plus il est devenu évident que les rapports entre les uns et

10 les autres se dégradaient, dégradation donc des rapports entre les deux

11 groupes ethniques, aussi bien dans la ville que dans les villages

12 environnants.

13 Q. Qu'est-ce qui vous permettait de le remarquer ?

14 R. Au nombre des exemples que je pourrais citer, je pourrais parler d'un

15 grand nombre de femmes musulmanes qui, de plus en plus, étaient vues vêtues

16 des vêtements musulmans traditionnels, y compris des jeunes, alors que

17 précédemment, il y avait quelques femmes âgées qui portaient se genre de

18 vêtements, mais quant aux jeunes et aux adolescentes, je dirais les jeunes

19 d'une vingtaine d'années, elles portaient des vêtements civils, des

20 vêtements plus européens. Puis, nous avons commencé à voir moins de

21 circulation automobile dans les rues, les cafés étaient nettement moins

22 fréquentés, même très souvent vides. Les magasins avaient beaucoup moins de

23 clients et, personnellement, j'ai entendu des gens me dire qu'ils n'avaient

24 plus la possibilité de rencontrer ou de fréquenter des amis qu'ils avaient

25 dans l'autre groupe ethnique.

26 Q. Etait-il difficile pour les Croates et pour les Musulmans de

27 s'approvisionner dans des magasins dont le vendeur ou le propriétaire était

28 de l'autre groupe ethnique ?

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1 R. Absolument. Nous avons entendu des gens nous dire qu'ils allaient

2 toujours acheter leur pain dans une boulangerie déterminée, par exemple, et

3 que désormais ils n'avaient plus la possibilité de le faire car cette

4 boulangerie se trouvait de l'autre côté de la ligne de séparation ethnique.

5 Q. Cette division progressive s'est-elle faite de manière différente dans

6 la ville de Gornje Vakuf et dans les villages environnant la ville ?

7 R. A notre arrivée, certains villages de la municipalité, qu'ils soient

8 habités uniquement par des Croates ou uniquement par des Musulmans, donc en

9 dehors de ces villages purement croates ou purement musulmans, il y avait

10 également des villages dont la population était mixte à l'est, à l'ouest,

11 au nord et au sud de la ville. Mais vers la fin de décembre 1992, alors que

12 dans ces villages, on ne voyait rien de particulier, il est devenu tout à

13 fait notable que les habitants avaient tendance à partir pour se rendre

14 dans un autre village dont la population correspondait à leur groupe

15 ethnique. Par exemple, si quelqu'un vivait dans un village mixte musulman-

16 croate, une personne pouvait décider de partir pour un village musulman, en

17 haut de la colline si cette personne était Musulmane.

18 Q. Nous sommes en train de parler de la fin du mois de décembre et vous

19 avez indiqué qu'à ce moment-là, les tensions interethniques se sont

20 intensifiées. Je vous demande si des incidents particuliers vous ont permis

21 de vous former cette idée ?

22 R. Il y a deux incidents qui me viennent à l'esprit qui, pour nous, ont

23 été la preuve que les tensions s'intensifiaient. Le premier, de ces

24 incidents, a eu lieu le jour de l'an 1992 où le commandant de la Compagnie

25 B, le commandant Alistair Rule, avait décidé d'inviter pour la soirée les

26 deux commandants militaires locaux, c'est-à-dire, le commandant de l'ABiH

27 et le commandant du HVO local. Il avait décidé de les inviter à dîner. Nous

28 avions, d'abord, pensé à les inviter pour la soirée de Noël mais nous avons

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1 pensé que ce n'était, peut-être, pas une très bonne idée et finalement,

2 nous avons compris que les deux commandants allaient venir pour le dîner

3 mais, en fait, il y en a qu'un seul qui est venu. Je ne souviens pas

4 d'ailleurs lequel c'était, lequel des deux. Mais ce dont je me souviens,

5 c'est qu'on nous a dit que l'autre ne se sentait pas en mesure d'être assis

6 à la même table que son homologue du groupe ethnique adverse et ce, à la

7 base d'une Compagnie neutre de la FORPRONU, entourée de personnels de la

8 FORPRONU.

9 Le deuxième incident dont je me souviens, il a sans doute eu lieu durant la

10 première semaine de l'année 1993, donc, après le premier. C'est un incident

11 qui tourne autour d'un drapeau. Ce qui me vient à l'esprit, c'est qu'un

12 drapeau de l'ABiH avait été planté dans un secteur majoritairement HVO, à

13 moins que ce ne soit à côté d'un drapeau du HVO. Je ne me souviens plus

14 exactement ce qui s'est passé à ce sujet, mais, en tout cas, cela a

15 provoqué une très grande colère parmi certains et ce drapeau de l'ABiH a

16 finalement été descendu et incendié. Chacun ici se rend compte que brûler

17 un drapeau national crée pas mal d'émotions. Suite à cela, les tensions se

18 sont accrues immédiatement à tel point que le commandant Rule a dû

19 convoquer les deux commandants locaux pour essayer de trouver une solution

20 à la situation.

21 Q. Comment avez-vous appris cet incident lié au drapeau ? Qui vous en a

22 parlé ?

23 R. C'est un soldat de la FORPRONU du Bataillon britannique qui m'en a

24 parlé à la base. Il n'était pas effectivement sur le terrain, à ce moment-

25 là, car à partir du début du mois de janvier -- je n'étais pas sur le

26 terrain, à ce moment-là, car à partir de la fin janvier, j'avais largement

27 fait connaissance de la ville et de ses environs. Etant donné

28 l'accroissement des tensions, il devenait de plus en plus difficile de

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1 circuler sur le territoire d'Opstina. Donc, je restais plus souvent à la

2 base.

3 M. BOS : [interprétation] J'aimerais soumettre au témoin la pièce 01068.

4 Il nous faut attendre quelques instants.

5 R. Pas de problème.

6 Q. Vous voyez le document à l'écran maintenant ?

7 R. Non.

8 Q. Ah.

9 R. Je le vois maintenant.

10 Q. Je vous demande d'abord si vous reconnaissez ce document, si vous savez

11 quel est ce document.

12 R. Il présente l'aspect des synthèses de renseignements quotidiens qui

13 étaient envoyées d'un lieu sur le terrain à un lieu hiérarchiquement

14 supérieur. Pour nous, il s'agissait d'un envoi qui émanait de Gornji Vakuf

15 et qui était adressé à Vitez.

16 Q. Savez-vous qui est l'origine de ces synthèses de renseignements

17 quotidiennes ?

18 R. Ces documents étaient établis pour le commandant chargé des

19 informations donc, au nom du commandant Rule, soit par l'officier chargé

20 des opérations, à savoir, le capitaine Robbie Boyd soit parfois par le

21 sergent responsable du renseignement qui travaillait également dans la

22 salle des opérations et qui s'appelait si je ne me trompe, sergent Williams

23 pour le 1er Régiment du Cheshire.

24 Q. Ce document, que nous avons sous les yeux actuellement, j'aimerais que

25 vous concentriez votre attention sur le troisième paragraphe et, peut-être,

26 pourriez-vous le lire à voix basse ?

27 R. "A peu près à 13 heures --"

28 Q. Lisez-le.

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1 R. A moi-même.

2 Q. Non, non, à voix basse.

3 R. D'accord. C'est fait, je l'ai lu.

4 Q. Il est dit, dans ce document, que le HVO a fait flotter un drapeau

5 Oustachi en ville, et je crois que vous avez parlé dans votre propos il y a

6 un instant d'un drapeau de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce qu'il s'agirait

7 d'un incident différent ou est-ce le même incident ?

8 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi. Dans

9 cette question, on appelle le témoin à émettre des suppositions. "Est-ce

10 que vous pensez que…" Je pense qu'il serait préférable de lui demander si

11 elle sait quelque chose de cet incident, plutôt que l'appeler à spéculer

12 sur cet incident.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bos, continuez.

14 M. BOS : [interprétation]

15 Q. S'agit-il du même incident que celui dont vous avez parlé il y a un

16 instant ? D'ailleurs, j'ajouterai une autre question. A quelle date a été

17 rédigé ce document ?

18 R. Il faudrait que l'on remonte le document sur l'écran pour que je la

19 voie. Difficile à lire, mais je crois discerner 06-janvier-1993.

20 Q. S'agit-il de la date de l'incident dont vous venez de parler à

21 l'instant ?

22 R. Comme je crois l'avoir dit rapidement, lorsque j'ai décrit l'incident

23 dont j'ai parlé, je n'étais pas effectivement sur le terrain, je n'ai donc

24 pas été témoin oculaire de cet incident. C'est le premier point. Deuxième

25 point, après 12 ou 13 ans, mon souvenir n'est pas absolument précis

26 s'agissant de fournir tous les détails. Mais j'ai, tout de même, en mémoire

27 l'idée que le drapeau était celui de la Bosnie-Herzégovine. Ce que je sais,

28 c'est que l'incident tournait autour d'un drapeau mais je crains de me

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1 tromper si je rentre davantage dans les détails en vous décrivant mon

2 souvenir de la nationalité de ce drapeau.

3 Q. Merci. Savez-vous quand le conflit a éclaté ? Quel jour exactement ?

4 R. Je ne me souviens pas du jour exact. Mais ce que je sais c'est que le

5 caporal Edwards a été tué le 13 janvier 1993 et que les combats duraient

6 depuis, à peine quelques jours, avant l'incident qui a provoqué sa mort et

7 je me souviens également que l'incident lié au drapeau a eu lieu, très peu

8 de temps, avant le début des hostilités à Gornji Vakuf. Par conséquent, je

9 situe la date en question dans une période qui va du 7 au 11, disons,

10 quelque chose comme cela.

11 Q. Comment avez-vous personnellement remarqué que le conflit avait

12 éclaté ?

13 R. En juger par mon expérience personnelle et j'indique que c'était ma

14 première tournée d'opération. J'avais donc très peu d'expérience de l'usage

15 de toute sorte d'armes en même temps dans un combat. En effet, à ce moment-

16 là nous avions déjà pris l'habitude de nombreuses balles AK-47 tirées à

17 partir d'un seul et même endroit, cela avait commencé à faire partie de

18 notre vie quotidienne, le son de ces armes, mais entendre tout d'un coup un

19 feu aussi nourrit provenant d'un nombre aussi multiple d'armes, comme cela

20 a été le cas à ce moment-là, et pas seulement des tirs AK-47, car il y

21 avait les tirs AK-47 consolidés par des tirs d'armes d'infanterie et de

22 nombreuses autres armes légères. Mais, en tout cas, sur la base de

23 l'expérience que j'avais à l'époque, j'ai eu l'impression qu'il y avait

24 également des pièces d'armes plus lourdes qui étaient utilisées en même

25 temps que des armes légères.

26 Q. Au cours de ces quelques premiers jours qu'a duré le conflit, est-ce

27 que vous êtes resté à la base, ou est-ce que vous en êtes sortie ?

28 R. Je suis principalement restée à la base pendant les quelques premiers

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1 jours des combats et, en fait, je n'en ai pas bougé jusqu'au jour où le

2 caporal Edwards a été tué par balle le 13 janvier 1993.

3 Q. Vous avez, à deux reprises, évoqué la mort du caporal

4 Edwards sous les balles. Pouvez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce

5 qui s'est passé au moment où le caporal Edwards a été tué ?

6 R. Notre base de la FORPRONU a vu arriver des civils d'un village musulman

7 voisin qui ont annoncé qu'une femme était gravement malade et qu'elle était

8 en détresse respiratoire et qu'elle avait besoin d'être emmenée dans un

9 dispensaire musulman et que ces gens qui sont arrivés à la base de la

10 FORPRONU étaient incapables de la traiter à l'endroit où elle se trouvait,

11 cela c'est le premier point; et deuxièmement, était incapable de circuler

12 librement et sans danger pour cette femme. Il nous est apparu clairement

13 que bien que cela ne fasse pas -- strictement parler partie de notre

14 mandat, bien, en dépit de cela, le commandant Rule a accepté que les forces

15 de la FORPRONU escortent le véhicule dans lequel se trouvait cette femme.

16 J'ai demandé et obtenu d'accompagner cette escorte à bord du premier char

17 Warrior, qui ouvrait le convoi. Dans le convoi il y avait effectivement

18 deux chars Warrior --

19 Q. Je me permettrais de vous interrompre un instant. Vous venez de parler

20 de "Warrior"; pouvez-vous expliquer ce qu'est un Warrior ?

21 R. C'est un blindé transport de troupes et je me trouvais donc dans le

22 premier de ces deux véhicules.

23 Q. Veuillez poursuivre.

24 R. Nous avons quitté la base aux environs de 10 heures et demie du matin.

25 C'était la première fois que je me rendais sur le terrain dans ces

26 conditions. La ville était tout à fait tranquille, elle était immensément

27 tranquille, elle était tranquille de façon effrayante, et du haut des

28 tourelles de nos chars qui étaient ouvertes, nous étions donc debout et

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1 nous pouvions voir tout ce qui se trouvait aux environs. Lorsque nous avons

2 approché de Gornji Vakuf au niveau du carrefour qui précède l'entrée dans

3 la ville, nous nous sommes rendus compte que le véhicule qui se trouvait

4 derrière nous, au moment où il franchissait le pont, avait été pris pour

5 cible et que son chauffeur avait été atteint par des balles au visage qui,

6 en fait, lui avait fait sauter le cerveau, et il y avait toutes les chances

7 qu'il soit mort.

8 Q. Qu'avez-vous fait lorsque cela s'est passé ?

9 R. Comme je l'ai dit, le véhicule qui se trouvait à l'avant a

10 immédiatement fait demi-tour pour vérifier ce qui se passait. Le véhicule à

11 bord duquel se trouvait la civile musulmane blessée avait disparu. Je n'ai

12 pas la moindre idée de ce qu'il est advenu de ce véhicule. Nous avons

13 réussi à sortir de notre blindé, pour essayer d'apporter de l'aide au

14 caporal Wayne Edwards qui était bloqué sur son siège de chauffeur, les

15 choses étaient très difficiles, car l'électricité était en panne et nous

16 avons eu de grandes difficultés à le libérer de son siège, il a fallu

17 ensuite utiliser les instruments de réanimation pulmonaire et respiratoire,

18 il a fallu lui appliquer toutes sortes de techniques de réanimation dans

19 une situation difficile là à ce carrefour sans aucune aide. J'ai demandé

20 que nos ambulances arrivent pour m'apporter de l'aide, et essayer

21 d'extraire le blessé pour le remmener à la base. A ce moment-là, je savais

22 déjà qu'il était mort et qu'il me faudrait plus tard certifier son décès

23 une fois que nous aurions quitté les lieux. Par la suite, nous avons pu

24 retourner à la base, et procéder à toutes les vérifications obligatoires

25 sur le plan juridique et médical pour que je puisse certifier sa mort qui a

26 été certifiée une trentaine de minutes plus tard.

27 Q. Est-ce que vous savez d'où provenaient les tirs qui ont atteint le

28 caporal ?

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1 R. Comme je l'ai déjà dit, tout était tranquille, presque trop tranquille

2 dans la ville. Il n'y avait personne dans les environs, pas le moindre

3 bruit. Donc, tout d'un coup entendre des rafales d'armes légères étaient

4 assez remarquables. Lorsque nous avons entendu ces bruits, nous avons

5 tourné la tête dans la direction dont nous pensions que venaient ces

6 rafales, à droite du carrefour et nous avons vu deux jeunes gens qui

7 portaient une arme et qui étaient visibles à une fenêtre d'un immeuble

8 d'habitation moderne.

9 Q. Ces jeunes gens ont-ils été arrêtés par la suite, d'après ce que vous

10 savez ?

11 R. Une enquête a été menée par l'armée britannique au sujet de cet

12 incident, et d'après ce que je sais les commandants de l'armée de Bosnie-

13 Herzégovine et du HVO sur le terrain ont été exprimés des protestations

14 véhémentes, c'est d'ailleurs ce qui a donné lieu à l'enquête. Je ne crois

15 pas que quiconque ait été arrêté. D'après les rumeurs qui nous sont

16 parvenues, il se serait agi de deux frères déjà connus pour des actes

17 criminels d'origine ethnique croate qui ont sans doute pris prétexte de la

18 guerre pour poursuivre leur action criminelle.

19 Q. Quand vous traversiez Gornji Vakuf à bord du véhicule dans lequel vous

20 vous trouviez, vous avez parlé d'un silence effrayant. Est-ce que vous avez

21 vu des dégâts sur les murs des bâtiments dans le secteur que vous avez

22 traversé ?

23 R. La situation était remarquablement différente de ce qu'elle était

24 précédemment. Sur le trajet séparant le complexe industriel qui constituait

25 notre base et le carrefour où les coups de feu ont eu lieu nous avons

26 traversé des quartiers musulmans, et j'ai remarqué des dommages, des dégâts

27 très importants sur les murs des maisons appartenant aux civils sur le

28 trajet. L'hôtel qui se trouvait au carrefour était pratiquement rasée et ce

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1 qui avait été le Centre médical de la ville sur la gauche avait également

2 reçu pas mal de balles et montraient des dégâts importants dus au combat.

3 M. BOS : [interprétation] J'aimerais à présent que l'on soumette au témoin

4 la pièce 01113, s'il vous plaît.

5 Q. Lieutenant-colonel Carter, à partir du moment où vous allez pouvoir

6 voir ce document à l'écran, je vais vous demander de prendre connaissance

7 du premier paragraphe sur cette page.

8 R. J'ai --

9 Q. Ce rapport, est-ce qu'il reflète ce que vous venez de nous dire dans

10 votre déposition ?

11 R. Oui.

12 Q. Quelle est la date qu'il porte ?

13 R. Il n'est pas tout à fait possible de lire ce qui est écrit, mais on

14 dirait que c'est le 13 janvier 1993.

15 Q. Merci.

16 R. Ou une certaine date en janvier 1993.

17 Q. A partir du moment où le conflit a commencé, est-ce que vous avez fait

18 d'autres fonctions ?

19 R. Il y a eu une intensification des combats. L'officier qui commandait

20 l'unité a reçu la visite de la part du HCR et du IRC lui demandant si,

21 compte tenu de l'intensité des combats, la FORPRONU pouvait apporter son

22 assistance à l'exercice de certaines tâches qu'ils étaient censés faire

23 parce qu'ils n'étaient plus capables de les mener à bien. Suite à cette

24 demande, il y a eu une réunion organisée à la base de la FORPRONU avec des

25 représentants de ces deux organisations afin de voir si on pouvait faire

26 quelque chose, donc, pour ne pas sortir du cadre de notre mandat, pas plus

27 que des leurs. La Compagnie B devait surveiller les effets militaires du

28 déploiement. Le commandant de la compagnie devait se charger des effets

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1 militaires du déploiement et ceux qui étaient en charge des blindés

2 devaient bien sûr maintenir les véhicules sur la route. Heureusement, nous

3 nous n'étions pas précis et tel que proposé nous avons pu accepter la

4 mission. J'avais déjà été sur le terrain, donc, ceci nous rendait la tâche

5 plus facile. J'ai rencontré un représentant d'aide humanitaire local dans

6 chacun des villages et j'avais une idée de l'appartenance ethnique des

7 villages et du nombre des personnes qui y vivaient. Donc, les deux agences

8 étaient -- se félicitaient que je puisse assumer se rôle.

9 Q. Quel en a été le résultat ? Là, je parle maintenant de l'IRC et du HCR.

10 R. Ils nous demandé si on pouvait assurer la fourniture des colis de

11 nourriture, de vivres, des cartons où était conditionnée la nourriture

12 ainsi que des bâches en plastiques pour réparer, enfin remplacer les toits

13 qui s'étaient effondrés, les vitres des fenêtres, parce qu'au milieu de

14 l'hiver, évidemment, c'était important d'aide de cette manière là les

15 villes et les villages.

16 Q. Pendant combien de temps vous vous en êtes chargé ?

17 R. Uniquement, pendant très peu de temps, nous avons livré environ 20

18 tonnes d'aide et, compte tenu de la taille de la communauté locale, ce

19 n'était pas vraiment très important -- enfin, cela n'a pas pu durer

20 longtemps, en fait, mais nous n'avons jamais assuré de nouvelles

21 livraisons.

22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que je peux juste demander

23 une question ? Que signifie IRC ? Vous avez parlé de l'abréviation IRC ? Ce

24 n'est pas le Comité international de la Croix-Rouge, le CICR ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est américain.

26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Le Comité d'aide internationale ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai oublié la question.

28 M. BOS : [interprétation]

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1 Q. Oui. Vous avez dit que c'est pendant peu de temps que vous vous en êtes

2 occupé; pendant combien de temps, à peu près ?

3 R. Cinq, sept, dix jours. Quelque chose dans cet ordre-là, c'était très

4 bref.

5 Q. Comment est-ce que vous avez livré cette aide au village ?

6 R. Le transport s'est fait presque toujours à l'arrière de mon ambulance

7 blindé 432 dont j'ai déjà parlé. Très rarement, nous nous sommes servis de

8 véhicules de combats Warrior. Le plus souvent, c'était donc à l'arrière des

9 432.

10 Q. Pratiquement, comment vous vous y preniez pour distribuer vos colis

11 dans le village ?

12 R. Alors, la mission était toujours précisée par le commandant. Donc, il

13 disait ou il avait besoin d'avoir des hommes sur le terrain et, par la

14 suite, on lui demandait d'assurer l'escorte de la patrouille. Alors,

15 s'agissant des villages, il fallait traverser les postes de contrôle pour

16 arriver à notre destination et souvent il fallait traverser depuis les

17 territoires sous le contrôle du HVO pour arriver sur le territoire de

18 l'armée de Bosnie-Herzégovine et puis retour ou inversement. Donc, c'était

19 assez laborieux. Lorsque nous arrivions au village qui était notre

20 destination, le plus souvent le commandant du village savait qu'on allait

21 arriver, probablement parce qu'il avait reçu des messages des postes de

22 contrôle par lesquels on était passés. Ensuite, je rencontrais le

23 commandant du village pour apprécier ce dont il avait besoin compte tenu

24 des victimes ou des pertes qu'il a eues, s'il a eu des maisons endommagées,

25 pour voir s'il avait besoin de bâches en plastique pour réparer cela. On

26 décidait soit nous-même, soit en coopération avec le HCR et ICR de la

27 distribution, mais le plus souvent c'était à raison de 50-50 %. Donc ce

28 n'était pas sur la base de leurs demandes ou de la manière dont nous avions

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1 perçu leurs besoins, c'était 50-50.

2 Q. Est-ce que vous pensez que les deux groupes ethniques avaient les mêmes

3 besoins de recevoir de l'aide humanitaire ?

4 R. Avant les combats, il était déjà évident qu'il y avait une différence

5 sur le plan de leurs réserves en nourriture et en matériel médical, donc un

6 déséquilibre entre les deux parties. Mais avec l'intensification des

7 combats et les dégâts plus importants dans les zones contrôlées par les

8 Musulmans, ce déséquilibre entre leurs besoins est devenu plus manifeste.

9 Donc, du côté musulman, les besoins étaient plus grands que du côté croate.

10 Q. Vous venez de dire qu'avant le début du conflit, il semblait déjà que

11 les Croates avaient plus de réserves que les Musulmans, pourquoi ?

12 R. La population locale nous a dit qu'avant le début des combats, ils

13 avaient déjà peur que la guerre n'éclate et qu'elle allait nécessairement

14 éclater et que les gens s'étaient mis à constituer des réserves en -- non,

15 au conflit. Il a eu des combats ailleurs et il a eu des déplacements

16 importants de réfugiés autour de la Bosnie centrale et c'est la raison pour

17 laquelle les communautés musulmanes nous ont dit qu'elles avaient vu

18 arriver davantage de réfugiés dans la municipalité de Gornji Vakuf que cela

19 n'a été le cas du côté croate.

20 Donc, par conséquent, vous aviez des villages où avant il y avait eu

21 peut-être 50 personnes, mais, maintenant, il y en avait, disons, 100. Si

22 vous aviez des réserves pour 50, maintenant, ce n'était plus suffisant.

23 Puis, un autre exemple qui nous a été donné par la population locale, des

24 deux côtés, c'est que les communautés croates recevaient une aide assez

25 importante de Croatie et aussi d'Allemagne, tandis que pour ce qu'il est

26 des familles musulmanes ou bosniennes, elles n'avaient pas l'impression de

27 recevoir de l'aide, enfin, d'être appuyées par qui que ce soit, enfin, par

28 la communauté musulmane au sens plus large, parce que leurs pratiques de la

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1 religion musulmane étaient différentes.

2 Aussi, avant le début des combats, d'après ce que j'ai compris sur le

3 terrain, Caritas et Merhamet de Gornji Vakuf étaient présents. Il est

4 évident que, dans les deux communautés, il y avait des entrepôts qui

5 étaient assez bien approvisionnés, en particulier, à Gornji Vakuf. J'ai vu

6 des voitures de Caritas, mais pas de Merhamet. Mais ce n'était pas la

7 situation à la campagne, dans les communautés rurales. Là, il y avait un

8 fossé plus important entre les communautés. Nous avons essayé de voir si il

9 y avait un problème de distribution ou s'il y avait des difficultés à

10 apporter de l'aide dans leurs villages, de pénétrer dans leurs villages, et

11 nous avions reçu des rapports disant qu'au poste de contrôle du HVO, on

12 confisquait l'aide fournie par Merhamet, mais, bien entendu, il y avait

13 tout cela convergé pour creuser le fossé.

14 Q. Est-ce qu'il y avait une différence pour ce qui est du nouveau de vie

15 entre les Musulmans et les Croates ?

16 R. Oui. Il était évident que, de manière générale, les communautés croates

17 étaient plutôt aisées par rapport aux communautés musulmanes, mais ce

18 n'était pas partout le cas. Elles avaient plus, par exemple, de télévisions

19 de pointe ou de vidéo, de frigidaires ou de four à micro-ondes dans les

20 foyers croates plutôt que dans les foyers musulmans.

21 Q. Pendant ce conflit des mois de janvier et février 1993, pendant que

22 vous étiez sur le terrain dans ces différents villages, est-ce que vous

23 avez pu vous entretenir avec les gens du cru ?

24 R. Tout au long de ma mission, j'ai eu beaucoup d'occasions de parler à la

25 population locale. Bien entendu, c'était par l'entremise des interprètes,

26 la FORPRONU employait des interprètes, ou il y avait un interprète

27 militaire, ou parfois, quand on était sur le terrain, on n'avait pas

28 d'interprète. J'avais parmi mes soldats quelques-uns qui parlaient

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1 allemand, et c'était assez souvent la langue qu'on pouvait utiliser pour

2 communiquer. Bien entendu, parfois, il y avait des gens qui parlaient un

3 mot ou deux d'anglais et nous, nous avons appris quelques mots de la langue

4 locale.

5 Q. Alors, que vous racontaient ces villageois ?

6 R. Avant les conflits ?

7 Q. Non, après le début du conflit.

8 R. Une fois que le conflit était commencé, ce que l'on entendait à la fois

9 dans les familles croates et dans les familles musulmanes, c'était qu'elles

10 n'arrivaient pas à comprendre l'intensité de la haine qui s'était

11 manifestée en si peu de temps. C'étaient des gens du cru et ils disaient

12 qu'ils ne souhaitaient que les combats continuent ou que la guerre se

13 poursuivre. Comme je viens de le dire, c'est ce qu'on entendait au sein des

14 deux communautés. Pour ce qui est des descriptions, des souffrances, c'est

15 qu'on entendait toujours de la bouche des familles musulmanes qu'on

16 rencontrait.

17 Q. Vous parlez d'histoires émouvantes --

18 M. MURPHY : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir, Monsieur le

19 Président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

21 M. MURPHY : [interprétation] Le témoin, dans sa déposition, doit faire

22 preuve de valeur probante. Jusqu'à présent, nous entendons des -- il

23 rapporte des histoires qui n'ont même pas été identifiées. Parfois, ce sont

24 des soldats britanniques qui parlent un petit peu la langue allemande.

25 Enfin, il faudra qu'on se demande : est-ce que tout ceci a une valeur

26 probante au lieu de nous relater d'une manière aussi généralisée des

27 histoires qui viennent de seconde main ?

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Essayez de poser des questions beaucoup plus

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1 précises parce que, si on reste au point de vue des généralités, cela ne

2 sert à rien.

3 M. BOS : [interprétation] Je vais y venir, Monsieur le Président, tout de

4 suite.

5 Q. Madame le Témoin, vous rappelez-vous une conversation, en particulier,

6 que vous aviez eue avec une jeune femme qui avait une vingtaine d'années ?

7 R. J'ai parlé à une jeune musulmane qui avait la vingtaine qui vivait dans

8 une communauté rurale. Elle était originaire de ce village. Elle n'était

9 pas venue d'ailleurs.

10 Q. Vous rappelez-vous le nom du village ?

11 R. Malheureusement, non.

12 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, Madame. Je vais soulever une

13 objection, soit -- on ne peut pas entendre le reste de l'histoire. On ne

14 connaît pas le nom de la personne. On ne connaît pas le nom du lieu. Il

15 nous en faut un peu plus. Comment est-ce que la Défense va pouvoir

16 contester ce type d'élément de preuve ? Je sais que devant ce Tribunal, des

17 ouie-dires sont plutôt acceptés, mais ceci rend impossible la tâche à la

18 Défense de contester ces éléments de preuve.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Essayez de lui faire préciser des indications

20 sur ce village où elle a rencontré cette jeune fille. Etait-ce à 15 minutes

21 de l'endroit où elle était, à une heure, à deux heures ? Donc, on pourra,

22 peut-être, s'y retrouver.

23 M. BOS : [interprétation]

24 Q. Madame le Témoin, vous venez d'entendre la remarque du Juge, est-ce que

25 vous pouvez nous préciser un petit peu de quel village il s'agit ?

26 R. Je ne rappelle pas le nom du village mais je me souviens de l'endroit

27 où se situe le village dans la municipalité. Je m'excuse auprès de ceux qui

28 ne connaissent les routes de Gornji Vakuf mais quand vous arrivez à

Page 3354

1 l'intersection au centre de la ville, sur la droite, comme si vous allez

2 vers Bugojno et, une fois que vous avez laissé la banlieue de la ville

3 derrière vous, vous tournez à droite dans les collines. Le village était

4 situé le long des petits chemins, et depuis la base, il fallait à peu près

5 20 à 30 minutes à bord de voiture pour y arriver, mais il faut savoir que

6 les routes étaient parfois difficiles.

7 Q. Etait-ce un village musulman ou croate ou mixte ?

8 R. Musulman.

9 Q. Pouvez-vous poursuivre maintenant, s'il vous plaît ? Vous avez parlé à

10 cette jeune femme ou fille; que vous a-t-elle dit ?

11 R. Elle m'a décrit comment la veille elle a été éveillée pendant la nuit

12 et elle s'est rendue compte qu'il y avait deux ou trois hommes qu'elle ne

13 connaissait pas dans sa chambre. Elle a compris que c'étaient des soldats

14 du HVO compte tenu de leurs vêtements et des insignes qu'ils portaient.

15 Ensuite, elle a décrit qu'elle a été violée par ces soldats et qu'on l'a

16 empêchée de crier, ils ont couvert sa bouche. Il y avait d'autres femmes

17 qui vivaient dans ces mêmes maisons, à l'époque, mais elles ne savaient pas

18 s'il y en avait d'autre qui avait été violée ou non.

19 Pendant qu'on parlait elle était très émue, elle portait des

20 vêtements musulmans, une robe musulmane, et je ne connais pas son nom. Je

21 pense que je ne lui ai même pas demandé son nom, à ce moment-là. Elle avait

22 20 ans et quelques. Elle avait des tresses et elle enlevait son châle, son

23 voile, son foulard. Elle enlevait son foulard pour jouer avec ses tresses

24 et j'ai compris que c'était une marque d'anxiété. Il y avait une femme plus

25 âgée qui était une des ses proches qui l'aidait, qui l'accompagnait.

26 Q. Est-ce que vous lui avez parlé anglais ?

27 R. J'avais une des interprètes de la FORPRONU avec moi. C'est comme

28 souvent lorsqu'on était dans un environ, il n'y avait que des femmes. Mais

Page 3355

1 mes soldats et chauffeurs restaient à l'extérieur. Puis les villages --

2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que vous avez fait un rapport

3 sur ces incidents ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Par écrit ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'était pas cela le modus operandi de la

7 Compagnie B de faire des rapports par écrit. On faisait des rapports oraux

8 le long de la filière hiérarchique soit à l'officier chargé des opérations

9 soit l'officier qui commandait et c'étaient à eux de s'en occuper.

10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que vous savez quelles ont

11 été les suites de ce rapport ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de cet incident, en

13 particulier, je ne le sais pas. Souvent, lorsqu'on a été sur le terrain,

14 non seulement moi-même mais d'autres personnes, nous faisions des rapports

15 sur des incidents, et si c'étaient des incidents importants, l'officier qui

16 commandait organisait une réunion soit avec les commandants -- organisait

17 des réunions avec des commandants locaux afin de vérifier la version que

18 nous avions reçue de la part des gens du cru.

19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que vous avez entrepris

20 quelque chose suite à cela ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, moi-même, je n'ai fait rien d'autre que

22 de faire un rapport le long de ma filière de commandement.

23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

25 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, cette partie de

26 l'interrogatoire, qui porte sur l'histoire du viol, n'a pas sa place ici.

27 Je pense qu'il faudrait le rayer du compte rendu d'audience parce que

28 l'acte d'accusation -- cet incident ne figure même pas dans les paragraphes

Page 3356

1 qui nous ont été cités comme étant pertinents au début de cette déposition

2 et d'ailleurs dans l'acte d'accusation on ne fait pas mention de viol à

3 Gornji Vakuf pour être tout à fait précis ou dans la municipalité de Gornji

4 Vakuf, puisque cette municipalité figure dans cet acte d'accusation. Cela

5 n'existe pas à l'acte d'accusation. Nous n'avons jamais, jamais mené

6 d'enquête là-dessus.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, l'Accusation, la Défense indique que ce viol

8 dans la municipalité de Gornji Vakuf ne figure pas dans l'acte

9 d'accusation. Alors, voulez-vous continuer à l'interroger sur ce point qui

10 peut être important, mais qui n'est pas dans l'acte d'accusation, ou

11 c'était en arrière fond d'une autre question qui allait venir ?

12 M. BOS : [interprétation] Monsieur le Président, si j'ai posé ces

13 questions-là, c'est à cause du paragraphe 67 de l'acte d'accusation où il

14 est question de l'attaque générale sur les villages de Gornji Vakuf où il

15 est dit que, pendant leur détention, les hommes, les femmes, et les enfants

16 ainsi que les personnes âgées musulmanes étaient détenus dans des

17 conditions difficiles et ont subi de mauvais traitements. C'est ce

18 paragraphe-là qui m'intéresse.

19 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si je peux --

20 M. BOS : [interprétation] De mauvais traitement et d'abus des civils dans

21 le lieu.

22 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si je peux --

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Kovacic.

24 M. KOVACIC : [interprétation] Mais je pense que nous sommes tous

25 parfaitement capables de lire ce paragraphe. Je ne vois toujours pas ici de

26 crime de viol dans ce paragraphe. Je ne pense pas que l'on puisse

27 considérer qu'il est englobé ici. D'ailleurs, vous connaissez nos reproches

28 déjà formulés à cause du manque de clarté de l'acte d'accusation. Mais on

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1 ne peut quand même pas aller aussi loin.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

3 M. KOVACIC : [interprétation] Deuxième point. Si on lit l'annexe 66, si on

4 lit l'annexe avec les localités, on ne sait toujours pas quels sont les

5 lieux où les actes auraient été commis, donc même pas théoriquement. La

6 Défense n'aurait pu établir un lien entre l'acte d'accusation et ceci avant

7 le début du procès au fond.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le paragraphe 67, il y a quatre localités :

9 Dusa, Hrasnica, Uzircje et Zdrimci. Vous m'excuserez pour la mauvaise

10 prononciation. Il y a quatre villages dans le paragraphe 67; il est fait

11 état de pillages et de maisons brûlées. Alors, je pense qu'il valait mieux

12 demander lorsqu'elle est allée dans ce village, Est-ce qu'elle a vu des

13 maisons brûlées, détruites, et est-ce que la femme en question a parlé du

14 fait qu'on l'avait pillée, et cetera ? Là, on est dans le 67.

15 Bien. Alors, resautez la question parce qu'où on perd du temps ou on

16 est au cœur du sujet ? Mais là, pour le moment, je ne vois pas où vous

17 voulez en venir. Mais peut-être que les autres questions vont préciser si

18 non je peux moi-même poser les questions et cela ira beaucoup plus vite.

19 M. BOS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

20 vais aller de l'avant. Je vais changer de sujet.

21 Q. Madame le Témoin, est-ce que vous avez également participé à la

22 distribution du matériel économique -- médical dans différents Centres

23 médicaux de Gornji Vakuf ?

24 R. A cette époque, nous avions évalué les capacités médicales de la ville

25 et des villages. Pour ce qui est donc de la distribution de ces fournitures

26 médicales cela était du ressort de Médecins sans frontières et de

27 Pharmaciens sans frontières. Nous ne distribuions pas -- nous ne livririons

28 pas ces fournitures médicales mais je sais ce qui existait là-bas.

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1 Q. Est-ce que vous avez jamais rendu visite aux Centres médicaux de la

2 ville de Gornji Vakuf et aux Centres médicaux musulmans et croates pendant

3 le conflit ?

4 R. Durant le conflit je me suis effectivement rendue dans les principaux

5 Centres médicaux pour la population croate et pour les communautés

6 musulmanes de l'ABiH.

7 Q. Est-ce que vous pourriez peut-être nous relater la situation ? Quelle

8 était la situation qui est du centre ?

9 R. Je commencerais par le Centre médical des Musulmans. Donc, il

10 s'agissait de leur principal Centre médical qui se trouvait dans une maison

11 qui avait été transformée à cette fin. Elle avait été transformée à cette

12 fin assez tardivement et il faut savoir, en fait, que le Centre médical

13 principal, qui se trouvait au centre de la ville, se trouvait, d'après ce

14 que je comprenais, dans un secteur musulman. Il faut savoir, en fait, que

15 ce Centre médical existait donc dans un environnement qui était

16 l'environnement d'un foyer, d'un ménage domestique. Par exemple, il n'y

17 avait pas de lits d'hôpitaux. Il y avait le genre de lits que l'on trouve

18 dans une maison. Par exemple, les lits étaient alignés les uns à côté des

19 autres, disons, qu'il y avait cinq ou six "beds", les uns aux côtés des

20 autres dans ce qui était une pièce de la maison. Je me souviens qu'une

21 fois, je me suis rendue là et pour avoir le maximum de victimes allongées

22 sur les lits, ils avaient mis, en fait, les personnes -- ils les avaient

23 allongées au travers du lit pour avoir le plus grand nombre de personnes.

24 Puis, il faut savoir qu'il n'y avait pas véritablement d'endroits où ils

25 pouvaient garder les médicaments et les médicaments étaient tout simplement

26 conservés dans les placards de la cuisine et ils avaient très, très peu, en

27 fait, de médicaments et de fournitures médicales.

28 Q. Qu'en est-il du Centre médical croate ?

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1 R. Le Centre médical croate principal à Gornje Vakuf se trouvait dans la

2 crypte d'une grande église. Il s'agissait, en fait, d'un centre

3 particulièrement vaste. Il faut savoir, en fait, qu'il y avait donc, si je

4 ne m'abuse -- en fait, il y avait tout le matériel chirurgical, si je ne

5 m'abuse, dans la cave, dans le sous-sol, donc, de cette église. Il y avait

6 eu une pièce où il y avait deux tables d'opération avec les lumières

7 chirurgicales d'usage. Je ne sais pas s'il s'agissait véritablement de

8 lumières d'hôpital ou s'il s'agissait tout simplement d'ampoules ou de

9 lampes qui avaient été bien positionnées pour ce faire. Il faut savoir

10 qu'ils avaient de nombreuses fournitures et effets médicaux. Je me souviens

11 avoir vu en fait une vaste pièce où il y avait donc des étagères qui

12 étaient véritablement garnies de fournitures médicales de haut en bas.

13 Puis, ils avaient un certain nombre de personnel médical qui venait donc de

14 la région. Je me souviens avoir rencontré une gynécologue qui était elle-

15 même originaire de Gornje Vakuf et je me souviens avoir également rencontré

16 un dentiste, qui ne venait pas lui de Gornje Vakuf, mais qui venait du nord

17 de cette région, mais qui, pour des raisons familiales, s'était trouvé là

18 pour être proche de sa famille.

19 Q. Pendant cette période, donc, et je pense aux mois de janvier et février

20 1993, lorsque vous vous déplaciez dans cette région, est-ce que vous avez

21 pu remarquer des dégâts occasionnés aux biens et aux propriétés dans les

22 villages ?

23 R. Il y avait de nombreux dégâts, en fait, dans cette région. Mais je

24 dirais que les plus gros dégâts en fait touchaient les communautés

25 musulmanes. Il y avait de nombreux villages qui avaient été complètement

26 détruits. Je dirais que 90, voire 95 % des maisons n'étaient plus

27 habitables. Je dirais d'ailleurs, à propos d'une des interventions de M. le

28 Juge, que j'ai remarqué en fait qu'il y avait des maisons brûlées et que

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1 cela, donc, faisait partie de ce conflit.

2 Q. Vous avez mentionné la destruction de maisons. Est-ce qu'il y avait

3 également d'autres biens ou d'autres bâtiments qui avaient été détruits ?

4 Est-ce que vous avez vu cela ?

5 R. Oui. Alors, il faut savoir qu'au sein d'une communauté, le lieu de

6 culte du village, qu'il s'agisse d'une église ou d'une mosquée, montrait

7 des signes de dégâts. Mais je ne me souviens pas avoir vu un clocher

8 d'église détruit, si ce n'est, bien entendu, que des destructions

9 superficielles. Mais, toutefois, je me souviens clairement avoir vu des

10 minarets qui avaient été détruits, il y a donc toute la structure

11 métallique qui se trouve à l'intérieur et qui était le bâtiment et cela, en

12 fait, était -- cette structure métallique était -- d'abord on la voyait,

13 elle était visible et puis très souvent elle avait été courbée et très

14 souvent en fait le minaret s'écroulait par-dessus. Je ne me souviens pas,

15 ceci étant dit, avoir jamais vu des dégâts dans des cimetières chrétiens,

16 mais je me souviens par contre avoir vu, donc, des dégâts dans des

17 cimetières musulmans avec destruction des pierres tombales, avec

18 inscriptions de graffiti et, en fait, cela faisait office en quelque sorte

19 de lieux où l'on jetait des bouteilles et des canettes de bières, ces

20 cimetières, donc.

21 Q. Vous avez fait référence à des minarets des mosquées détruits; est-ce

22 que vous vous souvenez d'un village, en particulier ?

23 R. Je me souviens, en fait, du village de Bastrica, je m'en souviens pour

24 deux raisons. D'abord, il était proche de l'endroit où nous nous trouvions,

25 donc, nous y allions régulièrement et c'est un village, en fait, où il y

26 avait un tireur embusqué qui se trouvait dans le clocher de l'église et qui

27 nous coinçait et nous immobilisait, qui immobilisait également les

28 Musulmans, ce qui fait que notre tâche ait été particulièrement difficile.

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1 Il nous était particulièrement difficile d'opérer dans Bastrica et, pour ce

2 qui est de l'église, il y avait quelques dégâts, mais des dégâts étaient

3 moins importants, des dégâts provoqués par des armes légères. Le clocher

4 était encore -- la tour de l'église était encore bien debout, par

5 opposition au minaret de Bastrica.

6 Q. Est-ce qu'il y avait une différence dans le type de destruction que

7 vous avez observé à Gornje Vakuf et dans les villages, donc, où vous vous

8 êtes rendue dans cette municipalité ?

9 R. Je pense, en fait, que dans la ville, il s'agissait de dégâts que l'on

10 pouvait attribuer aux rigueurs de la guerre, qu'il s'agisse de tirs d'armes

11 légères ou de missions plus importantes, d'obus d'artilleries, par exemple,

12 qui atterrissaient sur les toits et sur les parois de ces bâtiments, alors

13 que dans les villages périphériques, les dégâts, en fait, semblaient

14 beaucoup plus être des foyers ou des maisons carbonisées et des maisons, en

15 fait, qui s'étaient écroulées, ce qui fait qu'elles étaient -- elles

16 n'étaient plus habitables.

17 Q. Lorsque vous vous êtes rendue dans ces villages et que vous avez pu

18 observer, donc, toutes ces destructions, est-ce que des rapports ont été

19 établis à ce sujet et par qui ?

20 R. Je dirais, une fois de plus, qu'après chaque mission, chaque

21 déplacement, nous devions, en fait, faire un rapport à la salle des

22 opérations ainsi qu'à l'officier qui commandait. Nous devions faire notre

23 rapport sur ce que nous avions trouvé sur le terrain, à propos également de

24 toute conversation que nous avions eue avec des civils ou des militaires.

25 Il fallait également indiquer dans quelle mesure il était facile ou

26 difficile de parvenir dans certains endroits. Il fallait également fournir

27 les références sur la carte des postes de contrôle. Donc, tout cela en fait

28 faisait partie de ce qui était décrit comme, donc, l'état de destruction

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1 des villages dans lesquels nous nous étions rendus.

2 Q. Dans quelle mesure, est-ce que ces rapports étaient détaillés, pour ce

3 qui est des destructions ?

4 R. En règle générale, une estimation était établie pour ce qui est du

5 pourcentage des destructions, du type de dégâts et de destructions et il

6 était également question des bâtiments qui avaient essuyé, en fait, ces

7 dégâts.

8 Q. Est-ce que vous avez pu remarquer quoi que ce soit de caractéristique

9 dans les villages mixtes, où résidaient les Musulmans et les Croates ? Je

10 pense toujours aux destructions infligées.

11 R. Pour ce qui est de ces destructions, il y avait une différence assez

12 importante entre le nombre de bâtiments détruits chez les Musulmans

13 comparés aux Croates, avec les villages musulmans beaucoup plus détruits.

14 Une fois de plus, je pense à Bastrica. Bastrica me vient à l'esprit. Je

15 dois dire que j'avais un appareil photo qui avait un angle de grande

16 vision. J'ai une photographie du centre de Bastrica et j'ai pu, en fait,

17 m'éloigner assez de l'endroit que je voulais prendre en photo pour pouvoir

18 photographier les deux parties. Donc, la partie de l'ABiH avait été

19 entièrement rasée et l'on voit que dans la partie croate, il y a certes des

20 dégâts, bien entendu, ces dégâts sont beaucoup moins importants.

21 Q. Nous avons beaucoup parlé de destructions dans les villages et

22 j'aimerais maintenant vous poser une autre question. Est-ce que vous vous

23 souvenez de noms de villages musulmans dont vous vous souvenez parce qu'ils

24 avaient été particulièrement détruits ?

25 R. Oui. Il y a des noms de cinq ou six villages dont je me souviens depuis

26 cette mission. Je suppose qu'à l'époque, je connaissais beaucoup plus de

27 noms de villages que je pouvais citer. Mais les villages dont je me

28 souviens, que j'ai conservés à l'esprit sont les villages de Bastrica,

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1 Dusa, Hrasnica, Uzircje et Zdrimci. Je m'excuse, en fait, si j'ai fait

2 quelques petites erreurs de prononciation et je me souviens également de

3 Vrse. Je m'en souviens, en fait, parce que c'est certainement l'un des

4 villages que je prononçais le plus facilement parce qu'il n'a que quatre

5 lettres. Je dois dire que cela, enfin, la prononciation était un défi parce

6 que je suis anglaise et je ne suis pas linguiste.

7 M. BOS : [interprétation] Je remarque l'heure qui tourne. Je ne sais pas si

8 c'est le moment opportun pour faire une pause ou nous pouvons continuer

9 encore un peu ?

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez dix minutes. Vous avez dix minutes encore.

11 M. BOS : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au témoin la

12 pièce à conviction 01373 ?

13 Je souhaiterais que la deuxième page de ce rapport soit montrée au

14 témoin.

15 Q. Est-ce que vous pourriez lire dans votre fort intérieur, je vous

16 prie, les paragraphes A, B et C ?

17 R. Je l'ai lu.

18 Q. Donc, vous avez fait référence aux villages de Zdrimci et Vrse qui font

19 l'objet de ce rapport. Alors, est-ce que les destructions qui sont

20 indiquées dans ce rapport correspondent à ce que vous parliez ?

21 M. MURPHY : [interprétation] Est-ce que nous pourrions au moins déterminer

22 de quel document il s'agit ? Je souhaiterais également savoir si le témoin

23 avait pris connaissance du document auparavant, si on va lui poser des

24 questions à ce sujet ?

25 M. BOS : [interprétation] Oui, je peux tout à fait le faire. Je

26 souhaiterais que l'on passe à la première page dudit document, je vous

27 prie.

28 Q. Madame, est-ce que vous reconnaissez ce rapport ?

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1 R. Oui, tout à fait. On m'a demandé pour ce qui était du document

2 précédent. Il s'agissait en fait du décès du caporal Edwards. En fait, il

3 s'agissait d'une synthèse d'information militaire de la Compagnie B. Ces

4 synthèses d'information militaire sont ensuite harmonisées par l'officier

5 des opérations du Groupe de bataille de Cheshire à Vitez et, ensuite, ils

6 font partie d'une synthèse d'information militaire du Groupe de bataille de

7 Cheshire qui est ensuite envoyée à des formations supérieures. Donc, il

8 s'agit d'une synthèse des différents rapports de compagnie d'après la date

9 indiquée.

10 Q. Quelle est la date indiquée ?

11 R. Le 31 janvier 1993.

12 Q. J'aimerais donc que nous passions à nouveau à la deuxième page et

13 j'avais déjà posé ma question. Je voulais savoir, en fait, si ce rapport

14 qui fait état de la destruction de ces villages correspond à votre

15 expérience ?

16 R. Oui, tout à fait. C'est effectivement ce que j'ai vu sur le terrain.

17 M. BOS : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au témoin la

18 pièce à conviction la pièce 01600, je vous prie ?

19 Q. Madame, quel est ce document ? Est-ce que vous le reconnaissez ?

20 R. Oui, une fois de plus, c'est un document qui porte la date du 3 mars

21 1993. Il s'agit donc de la synthèse d'information militaire du Groupe de

22 bataille de Cheshire. Là, vous avez le rapport de la Compagnie B pour notre

23 région de responsabilité, mais vous avez également, donc, les autres

24 régions de responsabilité des autres Compagnies de Cheshire dont les

25 rapports sont inclus là-dedans.

26 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner lecture des paragraphes A et B ?

27 R. "Le village d'Uzice, référence sur la carte 068666 a eu

28 80 % de ces maisons détruites par les troupes du HVO/HOS, durant le conflit

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1 ethnique. Les seules maisons qui restent dans le village sont des maisons

2 croates. D'après ce qui nous a été dit---"

3 B: Bravo. Donc, le hameau de Dusa avec référence sur la carte o7/06/72 qui

4 était un village entièrement musulman, musulman à 100 % était entièrement

5 détruit. Il n'y a plus qu'un seul vieil homme qui vit dans le village."

6 Au paragraphe C, de Charly --

7 Q. Non, non. C'est bon.

8 M. BOS : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, que le moment

9 est venu de prendre la pause.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : On va prendre une pause de 20 minutes. Nous

11 reprendrons aux environs de 6 heures moins 10 pour aller après, jusqu'à 7

12 heures.

13 --- L'audience est suspendue à 17 heures 29.

14 --- L'audience est reprise à 17 heures 53.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Bos, continuez.

16 M. BOS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait montrer au témoin la pièce

17 à conviction 1386, je vous prie ?

18 Q. Madame, est-ce que vous pourriez consulter ce document et nous dire si

19 vous le reconnaissez ?

20 C'était l'ancien document qui était affiché.

21 R. Oui, oui, je reconnais ce document. Il s'agit d'une synthèse

22 d'information militaire du 1er Groupe de Seselj, en date du 1er février 1993.

23 M. BOS : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la page 2, je

24 vous prie ?

25 C'est le deuxième paragraphe qui m'intéresse.

26 Q. Je souhaiterais que vous me donniez lecture de la dernière phrase de ce

27 deuxième paragraphe.

28 R. "Des dégâts importants ont été occasionnés à de nombreux villages

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1 musulmans notamment la quasi destruction totale du village de Hrasnica, ce

2 qui a évidemment engendré une nouvelle haine ravivée vis-à-vis des

3 Croates."

4 Q. Est-ce qu'il s'agit du nom du village que vous avez mentionné un peu

5 plus tôt, comme étant l'un des villages où il y avait eu des dégâts

6 importants ?

7 R. C'est l'un de ces villages dont j'ai parlé un peu plus tôt.

8 Q. Vous avez également mentionné le village de Dusa. Vous y êtes-vous

9 jamais rendue ?

10 R. Je suis allée dans le village de Dusa.

11 Q. Quand y êtes-vous allée ?

12 R. Je suis allée à Dusa après le début des combats. En fait, c'était la

13 fin du mois de janvier 1993. Je ne me souviens pas de la date exacte.

14 Q. Vous souvenez-vous pourquoi vous êtes allée à Dusa ?

15 R. Je ne me souviens pas pourquoi nous allions à Dusa, mais comme je vous

16 l'ai déjà indiqué préalablement, cela s'est fait à la suite des

17 instructions données par le commandant de la Compagnie B, plutôt que de ma

18 propre initiative ou plutôt que sur ma propre demande.

19 Q. Pouvez-vous nous raconter ce qui s'est passé lorsque vous avez visité

20 le village ?

21 R. Alors que nous entrions dans le village nous avons rencontré une

22 communauté particulièrement désespérée et angoissée. Notamment il y avait

23 quelqu'un qui parlait un semblant d'anglais, par conséquent, a essayé de

24 nous relater cette histoire en anglais, mais nous avions donc un interprète

25 avec nous donc nous avons pu communiquer par l'entremise de l'interprète de

26 la FORPRONU sans être trop tributaire donc de cette personne qui maîtrisait

27 pas bien l'anglais. Alors, voilà, ce qui nous a été relaté : le village

28 avait été attaqué par des soldats du HVO. Il s'agissait d'un village

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1 musulman. Les femmes, les enfants, ainsi que les hommes âgés avaient été

2 rassemblés dans les deux maisons que nous avions vues alors que nous

3 approchions le côté droit village, la construction de ces maisons n'étaient

4 pas terminées. Elles étaient quasiment terminées mais elles n'étaient pas

5 entièrement terminées. Pendant l'attaque les hommes en état de porter les

6 armes et cela incluait également des personnes qui étaient beaucoup trop

7 jeunes pour être considérés comme des combattants, mais qui étaient quand

8 même considérés comme des combattants. Donc je disais que les hommes en âge

9 de porter les armes - la majorité de ces hommes a été contrainte de monter

10 dans des camions pour être conduits ailleurs.

11 Alors, lorsque nous avons demandé où ils pensaient qu'on les avait

12 conduit, ils nous ont dit qu'ils n'en avaient absolument aucune idée, mais

13 qu'ils craignaient fort que ces hommes étaient conduits dans des centres de

14 détention et qu'ils pensaient que cela serait une situation beaucoup moins

15 avantageuse que d'être emmenés et tués du fait de la souffrance dont ils

16 feraient l'objet dans un centre de détention, donc, cette souffrance étant

17 plus intense et plus importante que s'ils avaient été tués. Mais ils nous

18 ont également dit qu'il y avait certaines personnes qui avaient été tuées

19 dans le village et que leur corps avait déjà été emmené par des soldats du

20 HVO.

21 Q. Lorsque vous nous dites que des gens avaient été tués, est-ce que vous

22 savez qui avait été tué ? Est-ce qu'il s'agissait d'hommes musulmans ou de

23 civils ? Qui avait été tué ?

24 R. Ils nous ont dit que c'étaient des gens qui faisaient partie du groupe

25 des hommes en âge de porter les armes, mais il ne s'agissait pas de

26 combattant, et c'était pour cela qu'ils étaient encore dans le village.

27 Q. Est-ce que vous avez pu vous déplacer et est-ce que vous avez pu

28 déambuler dans ce village ?

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1 R. Oui. Nous avons d'ailleurs été escortés par le même homme qui était

2 venu à notre rencontre dans le village. C'est sous sa supervision que nous

3 nous sommes déplacés dans le village et cela nous convenait d'ailleurs

4 parce qu'il s'était déjà déplacé dans le village et je dirais que - si l'on

5 pense à la perspective militaire nous avions - nous étions préoccupés car

6 nous pensons que certaines zones auraient pu être piégées ou minées. Donc,

7 nous n'étions pas préparés là où il allait là où il ne nous conduisait pas,

8 parce que nous ne voulions pas devenir des victimes nous-mêmes.

9 Q. Qu'avez-vous remarqué lorsque vous vous êtes déplacée dans le village ?

10 R. Il nous a montré que toutes -- il nous a montré, en fait, les maisons

11 du village. Il y a des maisons, bien entendu, qu'il ne nous a pas montrées

12 et que nous n'avons pas vues, mais il y avait une vingtaine de maisons et,

13 hormis les deux maisons où se trouvaient les femmes et les enfants, toutes

14 les autres maisons avaient été incendiées, avaient été détruites. Alors, il

15 y avait quelques traces d'impact d'armes sur les bâtiments, quelques

16 impacts, mais rien de véritablement bien important. Il semblait que cet

17 incident s'était passé peu de temps avant notre arrivée, on sentait encore

18 une odeur de brûlé dans l'air et il y avait encore une ou deux immeubles --

19 maisons qui n'étaient pas encore -- qui n'étaient plus la proie des flammes

20 et qui étaient encore carbonisées, en fait, et qui brûlaient encore un peu.

21 Q. La personne qui vous a guidé, en fait, est-ce qu'elle vous a fait

22 arrêter dans certaines maisons ?

23 R. Il y avait une maison sur laquelle il a attiré notre attention. Elle se

24 trouvait, en fait, sur la gauche du village, à un tiers du chemin parcouru

25 après l'entrée du village. Il nous a dit, en fait, que des hommes avaient

26 été contraints d'aller dans le sous-sol de cette maison et, d'après lui,

27 c'est là qu'ils avaient été tués. C'est là qu'on leur avait tiré dessus et

28 qu'ils étaient morts.

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1 Q. Qu'avez-vous remarqué à propos du sous-sol ou de la cave de cette

2 maison ?

3 R. Nous ne sommes pas allés dans cette cave pour les raisons que je vous

4 ai décrites un peu plus tôt. Alors, le terrain n'était pas entièrement

5 plat, il y avait donc une certaine pente et on pouvait voir donc vers les

6 sous-sols, vers les caves. Il y avait, donc, des traces de sang, des taches

7 de sang, c'est en tout cas ce que nous avons discerné de l'endroit où nous

8 nous trouvions. Il y avait également des touffes de cheveux, mais il n'y

9 avait pas de corps.

10 Q. Est-ce que ces maisons avaient été également incendiées ?

11 R. Oui.

12 Q. Les caves également ?

13 R. Oui.

14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Etes-vous en train de dire qu'il y

15 avait là des traces de sang qui, selon ce que vous avez vu et selon votre

16 avis personnel, étaient postérieures aux incendies ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Selon mon expérience, quand une maison est

18 incendiée, il y a des endroits de la maison qui brûlent et d'autres qui ne

19 brûlent pas. Donc, il est difficile de dire pour moi quel est l'endroit

20 d'une maison qui a brûlé le premier. Sur le plan de médecine légale, je ne

21 suis pas en mesure de dire quel est l'endroit de la maison qui a brûlé

22 avant un autre endroit de la maison et je ne saurais vous dire si le sang

23 est venu avant ou après l'incendie.

24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

25 M. BOS : [interprétation]

26 Q. Après vous être rendue à Dusa, est-ce que vous avez parlé de tout cela

27 à un médecin du HVO local ?

28 R. Oui, un jour ou deux plus tard, j'allais dans un village du HVO qui

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1 était tout près de là. Si j'avais une carte sous les yeux, je dirais que

2 c'était un village qui jouxtait Dusa parce que les villages s'étageaient

3 sur la colline, donc, en tout cas, un village qui n'était peut-être pas au-

4 dessus ou en-dessous de Dusa, mais qui, sur une ligne droite coupant la

5 colline, aurait été à côté de Dusa. J'ai rencontré donc cette personne qui

6 était un membre de la profession médicale du HVO qui m'a demandé si je

7 savais ce qui s'était passé à Dusa parce qu'il avait eu l'occasion de

8 soigner des victimes et il m'a dit ensuite qu'il ne comprenait pas

9 l'inhumanité dont les habitants de Ducat avaient été victimes et qu'il

10 comprenait -- qu'il croyait savoir qu'il y avait là des combattants qui

11 n'étaient pas de Gornji Vakuf et ce pour deux raisons. D'abord, parce qu'il

12 ne les avait pas reconnus, c'est ce que les villageois nous ont dit, ils

13 n'ont pas reconnu certaines des personnes qui sont entrées dans le village,

14 à ce moment-là, mais également parce qu'on lui avait dit que des gens qui

15 se trouvaient à Dusa, à ce moment-là, n'étaient pas de Gornji Vakuf, mais

16 venaient d'ailleurs. Mais il ne m'a pas dit d'où.

17 Q. Madame le Témoins, vous avez dit que ce membre du corps médical du HVO

18 avait dit ne pas pouvoir croire à l'inhumanité dont les habitants de Ducat

19 avaient été victimes. Est-ce que c'est la seule chose qu'il a dite ou est-

20 ce qu'il a été plus précis quant au type d'inhumanité qu'il avait à

21 l'esprit ?

22 R. Il parlait de la violence avec laquelle les gens ont été traités. Il

23 parlait du fait que des femmes et des enfants avaient été obligés de

24 partir, tout comme les hommes qu'on avait fait monter à bord de camions.

25 Puis, il a décrit tout cet incident en parlant de meurtres et non d'action

26 de la part de combattants qui auraient résulté de la mort d'un certain

27 nombre de personnes.

28 Q. A-t-il été plus précis quant aux personnes dont il parlait lorsqu'il a

Page 3372

1 parlé de meurtre ou d'assassinat ? Parce que vous avez dit tout à l'heure

2 qu'il avait eu l'occasion de soigner des victimes.

3 R. Oui, oui.

4 Q. Qui --

5 R. Il a dit qu'il s'agissait d'hommes. Lorsqu'il a parlé de victimes, il a

6 dit avoir vu des gens qui essayaient de s'enfuir. Il n'a pas dit que les

7 victimes en question avaient nécessairement pris une part active à

8 l'incident. Il parlait de personnes qui se sont trouvées impliquées d'une

9 façon un peu secondaire à tout cela.

10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai une question à vous poser.

11 Comme vous l'entendrez sans peine, ma langue maternelle n'est pas

12 l'anglais, mais le mot "casualties" en anglais, si je ne m'abuse, peut

13 avoir plusieurs sens. Est-ce qu'il signifie le cas où uniquement des gens

14 qui sont effectivement morts ou est-ce qu'on peut utiliser également ce

15 terme pour parler de personnes blessées ? Si ce terme a deux sens, est-ce

16 que vous avez une idée du sens qui était employé par votre interlocuteur

17 lorsqu'il l'a utilisé ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Le terme de "casualties", tel que nous

19 l'utilisons, concerne avant tout des blessés par opposition aux morts qui

20 appartiennent à une autre catégorie. C'est là que réside la distinction.

21 Très manifestement, lorsque c'est un militaire qui parle ou qui rédige un

22 rapport - parce que nous envoyons des rapports de situation - nous

23 employons le terme "casualties" pour décrire une situation sur le terrain

24 et nous établissons, dans ce cas, une distinction très clair entre les

25 blessés et les morts. Nous avons une espèce de gradation pour parler des

26 uns et des autres. Donc, il était tout à fait clair, dans ce cas, que

27 "casualties" était une personne blessée et que cela ne concernait pas une

28 personne décédée.

Page 3373

1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup.

2 M. BOS : [interprétation]

3 Q. Madame le Témoin, vous avez également parlé du village d'Uzircje,

4 qu'avez-vous - - vous êtes-vous rendue à Uzircje ?

5 R. Je suis allée à Uzircje. Uzircje est un village dont le nom revenait

6 souvent dans les discussions comme étant au cœur d'une zone inquiétante

7 dans le secteur de la Compagnie B. Donc, nous nous y rendions assez

8 fréquemment et, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai eu l'occasion de me

9 rendre à Uzircje dans le cadre des endroits où se rendaient les

10 représentants de la Compagnie B.

11 Q. Est-ce que vous êtes allée une seule fois ou à plusieurs reprises à

12 Uzircje ?

13 R. Je suis allée à plusieurs reprises à Uzircje et très certainement avant

14 le début des combats, donc, dès 1992. Je m'y suis rendue également pendant

15 la période où les combats étaient les plus violents et je me souviens

16 également d'avoir eu à m'y rendre lorsque la situation est devenue beaucoup

17 plus

18 Q. Que vous rappelez-vous de ces visites à Uzricje, notamment, pendant le

19 conflit ?

20 R. Pendant le conflit, c'était un village qui avait beaucoup souffert et

21 qui montrait des signes de dégâts importants infligés aux bâtiments avec

22 encore une fois un grand nombre de maisons calcinées et des maisons qui

23 présentaient encore des traces de balles.

24 Q. Y avait-il des Musulmans dans ce village ?

25 R. La population du village s'était considérablement réduite dans le temps

26 et elle était très peu nombreuse au moment où nous y sommes allés et,

27 finalement, c'est un village qui me reste dans la mémoire comme

28 pratiquement abandonné.

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1 Q. Quelle est la situation des Musulmans qui se trouvaient encore dans ce

2 village ? Comment vivaient-ils ? Dans quelle condition ?

3 R. Les conditions de vie dans de nombreux villages musulmans

4 --

5 Q. Je vous interroge plus particulièrement au sujet d'Uzircje.

6 R. C'était terrible. Les gens avaient tendance à se regrouper dans les

7 maisons les moins endommagées. Donc, on trouvait de très nombreuses

8 personnes vivant dans une seule maison, en général, de petite taille. Ce

9 qui signifie qu'eu égard à la quantité de nourriture disponible pour ces

10 personnes, elle était très réduite et comme bien d'autres personnes, ces

11 habitants n'avaient pas d'électricité mais cela, c'était le cas de tout le

12 monde, en dehors de nous-mêmes, à Gornji Vakuf.

13 Q. Vous dites que dans la période janvier et février, il n'y avait pas

14 d'électricité dans les villages entourant la ville de Gornji Vakuf ?

15 R. Non, non, les installations médicales avaient des génératrices et les

16 établissements militaires ainsi que les postes de commandement avaient

17 également des génératrices. Mais je pense que le plus gros problème dans ce

18 cas-là, c'était l'alimentation en carburant. J'ai un souvenir très net

19 d'avoir regardé dehors sans voir la moindre lumière. On avait l'impression

20 que cela allait durer éternellement et on arrivait à oublier ce que

21 représentait la lumière dans les rues pendant la nuit.

22 Q. Madame le Témoin, passons à un autre sujet. Est-ce que vous avez, à

23 quelques moments que ce soit, participé à des réunions ou négociations pour

24 parler au sujet du cessez-le-feu ?

25 R. Je passais beaucoup de temps, dehors, sur le terrain. Comme je

26 connaissais certaines des conséquences humanitaires que peut avoir un

27 combat et que j'avais entendu les récits de villageois de la région au

28 sujet des événements qui avaient pu se dérouler dans leurs villages, il

Page 3375

1 m'est arrivé d'être invitée à participer à des négociations de cessez-le-

2 feu qui avait été convoqué et qui était présidé par le commandant des

3 opérations de la Compagnie B.

4 Q. Qui représentaient les deux groupes ethniques durant ces réunions ?

5 R. Nombres de ces réunions, qui ont eu lieu, ont eu lieu en présence du

6 commandant local des forces du HVO et du commandant local des forces de

7 l'ABiH. Mais il y avait aussi des cas où des commandants de formation de

8 niveau plus élevé que le niveau local y participait.

9 Q. Vous rappelez-vous, plus particulièrement, l'une de ces réunions ou

10 comme vous venez de le dire, des commandants d'un niveau plus élevé que le

11 niveau local étaient présents ? Pourriez-vous dire quel était le commandant

12 de ce niveau plus élevé que le niveau local en question.

13 R. La réunion de ce dont que j'ai, le meilleur souvenir est une réunion

14 qui s'est tenue en présence d'un homme qui était le colonel Siljeg, haut

15 commandant des forces du HVO. Je crois savoir qu'il venait de Mostar même

16 si je n'en suis absolument pas sûre.

17 Q. Vous est-il arrivé d'assister à une réunion à laquelle aurait participé

18 le colonel Siljeg ?

19 R. Oui.

20 Q. Une réunion a eu, à peu près, dans la période dont je suis en train de

21 parler, c'est-à-dire, vers la fin du mois de janvier, donc, dans la même

22 période, à peu près, que les événements de Dusa.

23 Q. Vous rappelez-vous les sujets qui ont été discutés lors de cette

24 réunion ?

25 R. Oui, deux, principalement. D'abord, les rapports que nous recevions de

26 la population locale, rapports qui affirmaient que le HVO avaient tendance

27 à utiliser des citernes d'essence qu'il faisait descendre depuis les

28 collines sur Gornji Vakuf pour mettre le feu à la ville et en chasser sa

Page 3376

1 population musulmane tout en mettant un terme au combat, et sur le plan

2 ethnique --

3 Q. Mais c'était une rumeur ?

4 R. C'est ce que nous avons entendu d'un certain nombre de sources dans la

5 municipalité de Gornji Vakuf. Lors de la réunion dont je suis en train de

6 parler, un autre sujet a été discuté, qui était les échanges de cadavres.

7 Je ne pense pas que les échanges de cadavres qui ont eu lieu par la suite

8 aient été le résultat direct de cette réunion. Je crois que la discussion

9 ne faisait que commencer mais en tout cas, c'est un des sujets qui a été

10 abordé parmi d'autres lors de cette réunion. Voilà les deux points

11 principaux qui ont été discutés lors de cette réunion. Quant aux autres

12 sujets, ils ont tourné autour de demandes d'éclaircissements au sujet

13 d'allégations selon laquelle des troupes de renfort auraient été demandées

14 pour augmenter les capacités de combat du HVO.

15 Q. Qu'a dit le colonel Siljeg sur ce sujet particulier, la participation

16 de troupes extérieures à Gornji Vakuf ?

17 R. Il a nié que des forces du HVO viendraient de l'extérieur mais a dit

18 qu'il considérait que sur le plan militaire, Gornji Vakuf était un point

19 central des combats.

20 Q. Un point central pour qui ?

21 R. Pour le HVO, que Gornji Vakuf était l'un de leurs objectifs principaux.

22 C'est ce que j'ai cru comprendre sur le plan militaire.

23 Q. Est-ce que quelque chose de particulier s'est passé lors de cette

24 réunion, eu égard à M. Siljeg et dont vous auriez gardé le souvenir ?

25 R. Oui. Durant cette réunion qui, s'agissant de la participation du

26 colonel Siljeg a été très décousue. Il y a eu un moment où le colonel

27 Siljeg ne cessait de recevoir des appels téléphoniques auxquels ils

28 répondaient dans une autre pièce du bâtiment, en bas. La réunion se

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1 déroulait dans le mess des officiers et lui répondait à ces appels

2 téléphoniques dans la salle des opérations. Donc, il interrompait la

3 réunion. Il descendait et il répondait à l'appel. Il remontait et très peu

4 de temps après, il recevait un autre appel, redescendait, et cetera.

5 Q. Avez-vous dit qui téléphone ?

6 R. Oui. Il a déclaré qu'il parlait à quelqu'un qui était hiérarchiquement

7 supérieur et pendant ces appels téléphoniques alors qu'il cessait de monter

8 et descendre il a manifesté un grand plaisir à faire savoir à tout le

9 monde, c'est-à-dire, à nous et aux représentants de l'ABiH que si nous lui

10 avions posé pas mal de difficultés, en lui disant que certaines des choses

11 qu'il avait faites ne correspondaient pas à ce qu'il aurait dû faire, bien,

12 lui recevait des félicitations de ses supérieurs hiérarchiques et je ne me

13 rappelle pas exactement les mots qu'il a utilisé. Est-ce qu'il a parlé de

14 récompense, félicitations, promotion ? En tout cas, son discours allait

15 dans ce sens-là, il était très fier et très content de nous l'annoncer.

16 Q. Comment avez-vous interprété le fait qu'il ait été si fier d'informer

17 les autres participants à la réunion de sa promotion ?

18 R. Bien, c'est peut-être une expression typiquement anglaise, mais en tout

19 cas, il nous -- il agissait vis-à-vis de nous comme quelqu'un qui aurait

20 lever deux doigts en l'air en signe de satisfaction, ce qui signifiait

21 qu'il était très content de lui qu'il estimait être tout à fait dans son

22 droit et qu'il était très heureux de la reconnaissance qu'il recevait pour

23 ses prouesses militaires et du fait que son commandement allait continuer à

24 planifier les opérations militaires dans le sens qu'il souhaitait, et ce en

25 nous montrant qu'il avait tout le soutien de sa hiérarchie et qu'il n'était

26 pas seul dans l'action.

27 Q. Comment décririez-vous le comportement général de

28 M. Siljeg ?

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1 R. Il me reste graver dans l'esprit comme quelqu'un de très spécial, il

2 avait des sourcils très fournis, qui se rejoignaient au-dessus du nez, il

3 avait des yeux de couleur très foncée, très enfoncées dans leurs orbites,

4 et il avait beaucoup de présence, mais en même temps il manifestait

5 beaucoup d'arrogance et avait un comportement un peu pompeux dans sa

6 présomption, puis si l'on essayait d'interpréter sa gestuelle au cours de

7 cette réunion, je dirais que cette attitude générale n'était pas destinée

8 uniquement à nous ou à son interlocuteur de la partie adverse mais

9 également à ses subordonnés du HVO au commandant placé sous ses ordres.

10 Q. Est-ce la seule fois que vous avez rencontré M. Siljeg ?

11 R. C'est le seul souvenir que j'ai d'avoir été effectivement assise autour

12 d'une table dans une réunion en sa compagnie. Je sais qu'il est venu à la

13 base à plusieurs reprises, mais comme je viens de le dire, c'est la seule

14 réunion que je garde à l'esprit.

15 M. BOS : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin la pièce

16 01531, je vous prie.

17 La version anglaise de ce document pour le témoin.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il me semble qu'il y a une erreur

20 ici dans le compte rendu d'audience. Puisqu'il est dit ici 01531, or je

21 pense que c'est 01351.

22 M. BOS : [interprétation] 01351, oui, tout à fait. La pièce que nous voyons

23 à l'écran est-ce bien le document que je recherche mais il est dans sa

24 langue originale ? Voici. Nous l'avons à présent dans la version anglaise.

25 Q. Madame le Témoin, reconnaissez-vous ce document ?

26 R. Non, je ne le connais pas.

27 Q. Que voyez-vous ? Qu'avez-vous sous les yeux ?

28 R. On dirait que c'est un document officiel --

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1 M. MURPHY : [interprétation] Avec tous mes respects, je pense qu'on ne

2 devrait pas permettre au témoin de se lancer dans des conjectures sur la

3 nature de ce document.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Deux choses l'une où ce document elle le

5 connaît ou elle le connaît pas. Si elle ne le connaît pas -- à moins --

6 M. BOS : [interprétation] On peut peut-être montrer la dernière page du

7 document au témoin.

8 Q. Voyez-vous le nom qui figure à la fin du document, s'il vous plaît ?

9 R. C'est le commandant le colonel Zeljko Siljeg. Le prénom n'est pas

10 quelque chose que j'aurais reconnu, mais je reconnais effectivement que

11 d'après le nom de famille que c'est le colonel Siljeg que j'ai rencontré.

12 M. BOS : [interprétation] Est-ce que l'on peut montrer la page 3 de la

13 version anglaise du document ?

14 Q. Pouvez-vous lire cette page et dire aux Juges de la Chambre s'il y a

15 des noms de villages que vous reconnaissez ici ?

16 R. Depuis le début de la page ?

17 Q. Ne donnez pas lecture pour toutes les personnes présentes. Juste

18 essayer de voir pour vous-même si vous reconnaissez les noms des villages.

19 R. Uzricje, nous l'avons déjà mentionné, Dusa, je reconnais, j'en ai

20 parlé, Trnovace également. Luzani je ne le reconnais pas, et Gornji Ricica

21 si cela me dit quelque chose, mais pas autant que -- il ne me semble pas

22 aussi connu que les trois premiers. Les trois premiers, je les reconnais

23 bien, puis le quatrième pas, et le cinquième je le reconnais mais je le

24 connais un peu moins que les trois premiers.

25 Q. A la fin de la page, est-ce que vous pouvez nous donner lecture de ce

26 qui figure au point 4 ?

27 M. MURPHY : [interprétation] Avec tous mes respects, mais quelle valeur

28 probante est-ce que cela peut avoir ? Le témoin a dit qu'elle ne

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1 connaissait pas ce document et elle ne peut que faire des conjectures, il

2 lui semblait que c'était un document officiel, mais c'est tout, donc je ne

3 vois pas quelle valeur probante ceci peut avoir, et j'objecte.

4 M. BOS : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a dit dans sa

5 déposition ce qui s'est produit dans ces villages et elle a parlé également

6 du colonel Siljeg, qu'elle a rencontré, c'est la raison pour laquelle je

7 lui montre ce document.

8 M. MURPHY : [interprétation] Mais --

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Les Juges sont d'avis qu'elle ne peut pas

10 certifier le document, mais en revanche, vous pouvez lui dire, tout à

11 l'heure vous aviez dit ceci et je vois dans le document le contraire, par

12 exemple, et à ce moment-là lui vous lui demandez comment peut-elle

13 expliquer cela ? Mais, autrement, c'est un document qui a été rédigé par ce

14 fameux colonel. Elle ne l'a jamais vu. Tout ce qu'elle a vu c'est qu'elle

15 est allée dans quelques villages où elle a fait quelques constats. Donc

16 vous confrontez ces constats compte tenu du contenu du document s'il y a

17 des divergences. A ce moment-là cela peut être utile pour nous.

18 M. BOS : [interprétation] Telle a été mon intention, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord. Allez vite au cœur du sujet.

20 M. BOS : [interprétation]

21 Q. Si on reprend la fin de la page au point 4, est-ce que vous pouvez nous

22 donner lecture de ce document.

23 R. "En tout, 24 maisons détruites, 22 incendiées, deux pilonnées."

24 Q. Est-ce que ceci correspond à ce que vous avez vu sur le plan des

25 destructions ?

26 R. Oui.

27 Q. Peut-on passer à la page 5, s'il vous plaît ? Encore une fois, c'est la

28 fin de la page qui m'intéresse. Pouvez-vous nous donner lecture de ce qu'on

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1 lit au point 4 ?

2 R. Au point 4. "En tout, 18 maisons et débarras ont été détruits, dont 16

3 incendiées et deux maisons détruites par pilonnage."

4 Q. Encore une fois, est-ce que ceci correspond à ce que vous avez vu sur

5 le plan des destructions de Dusa ?

6 R. Oui.

7 Q. Très bien. Est-ce que vous avez jamais remarqué quelque chose sur le

8 terrain qui vous avait permis de comprendre qu'il y avait des Unités du HVO

9 venues d'ailleurs qui auraient participé à ce conflit ?

10 R. Deux incidents m'ont permis de croire que des forces du HVO venues

11 d'ailleurs ont pris part à cela. Premièrement, c'était des rapports sur

12 l'attaque sur Dusa, d'une part ce que nous disaient les villageois et puis

13 d'autre part ce que le médecin du HVO a dit, on en a déjà parlé. Puis, la

14 deuxième chose c'était lorsque je travaillais à Tomislavgrad, il a fallu

15 que j'aille porter des soins à des blessés de l'incident qui s'est produit

16 dans l'autocar, très près de la base militaire britannique appelée "Redoubt

17 Camp".

18 Q. Que s'est-il passé à cette occasion ?

19 R. A cette occasion, lorsque nous sommes allés aider -- nous allions aider

20 notre propre Centre médical au "Redoubt Camp", suite à un incident avec une

21 grenade à main qui a été amorcée à bord d'un autocar où se sont trouvés à

22 peu près 50 combattants du HVO. Il était vers 3 heures, il faisait très

23 froid à l'extérieur et je me souviens avoir dit à mon chauffeur que nous ne

24 devrions pas être victimes d'un accident nous-mêmes parce que nous

25 conduisions sur des routes glissantes, il y avait de la neige et c'était

26 glacé.

27 Q. Vous vous rappelez à quel moment ?

28 R. C'était à 3 heures.

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1 Q. Mais la date ?

2 R. J'étais à Tomislavgrad pendant une période de quatre semaines -- deux

3 semaines et par après j'avais une permission de deux semaines, donc,

4 c'était à peu près au milieu.

5 Q. C'était pendant quelle période que vous étiez à Tomislavgrad ?

6 R. Nous étions à Tomislavgrad pendant deux semaines.

7 Q. Lesquelles ?

8 R. Vers le milieu, la fin de février, je ne sais pas exactement.

9 Q. Vous avez eu votre permission à quel moment ?

10 R. Immédiatement après pour que le médecin qui est venu puisse me

11 remplacer, donc, je suis allée à Tomislavgrad pour couvrir le médecin qui

12 était à Tomislavgrad parce qu'il n'y avait pas de combat à Tomislavgrad, il

13 ne semblait pas qu'il était nécessaire d'avoir un médecin surplace à

14 moment-là.

15 Q. Est-ce que vous pouvez ralentir, s'il vous plaît ?

16 R. Oui, ralentir.

17 Q. Vous avez mentionné ces incidents avec une personne qui a fait exploser

18 une grenade à main à bord d'un autocar; c'est bien cela ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Donc qu'est-ce qui s'est passé, comment est-ce que vous avez commencé à

21 prendre part à cet incident ?

22 R. Comme j'ai déjà dit, on nous a demandé de venir apporter de l'aide

23 médicale à nos propres soldats ou plutôt notre personnel médical qui était

24 sur le terrain en attendant l'arrivée du personnel médical du HVO de

25 Tomislavgrad. Lorsque nous sommes arrivés sur place, il y a un soldat qui

26 était mort. On a dit que c'était l'homme qui avait sorti la goupille de sa

27 grenade à main dans sa poche. Il y avait à peu près une douzaine de blessés

28 graves et une vingtaine, à peu près, qui auraient eu besoin de soins

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1 médicaux, enfin de l'intervention d'un spécialiste et puis le reste avait

2 des blessures légères, des égratignures, des hématomes ou n'avaient pas de

3 blessure du tout. Du côté du HVO, il y avait une infirmière avec eux et il

4 a permis qu'on répartisse -- elle a aidé à ce qu'on répartisse les blessés

5 en trois groupes et c'est comme cela que nous avons eu les chiffres pour

6 les blessés graves, les moins graves et les légers.

7 Q. Tous les soldats à bord de cet autocar étaient de Tomislavgrad ?

8 R. Peu après notre arrivée, l'un des commandants de la Brigade du HVO de

9 Tomislavgrad est arrivé surplace et j'étais vraiment surprise, parce que

10 soit il était le frère jumeau, soit le jumeau de la personne décédée. Il a

11 fallu que je regarde le corps du mort et le commandant est arrivé et il

12 semblait que c'était la même personne. Enfin, toujours est-il qu'il était

13 plutôt ouvert. Nous avons parlé de mauvais états de nutrition et

14 d'hydratation des blessés et comment cela rendait la tâche difficile à mon

15 personnel pour introduire les aiguilles dans leurs veines pour les aider.

16 Parce que les victimes étaient déshydratées et sous-alimentées. Il a

17 expliqué que c'était des gens qui rentraient du front, qu'il avait été sur

18 le front pour dix à 15 jours à Gornji Vakuf -- 14 jours -- et donc qu'il

19 allait en permission pour récupérer. Il ne savait pas où j'avais travaillé

20 précédemment, il était très honnête, très ouvert en parlant de cela. Il

21 nous a remercié pour les soins médicaux qu'on avait apportés à ses soldats

22 blessés.

23 Q. Lors de votre déposition, vous avez fait référence une ou deux fois à

24 des postes de contrôle et j'aimerais que nous abordions brièvement ce

25 sujet. Ces postes de contrôle, est-ce qu'ils existaient déjà dans la

26 municipalité au moment de votre arrivée, donc, avant le conflit ?

27 R. Oui.

28 Q. Pendant cette période, ou plutôt je vais vous poser une autre question

Page 3385

1 d'abord, est-ce qu'il y avait des postes du contrôle du HVO et de l'ABiH ?

2 R. Oui, oui. Il y avait des postes de contrôle pour les deux camps lorsque

3 nous sommes arrivés.

4 Q. Est-ce qu'il y avait en fait une répartition égale du nombre de postes

5 de contrôle, pour ce qui est de l'ABiH et du HVO ?

6 R. Oui. Il semblait qu'il y avait une répartition assez égale, et ce, afin

7 donc de diviser, de faire la démarcation entre les zones d'appartenance

8 ethnique.

9 Q. Pendant cette période, est-ce que vous avez eu des problèmes lorsque

10 vous êtes passée par les postes de contrôle au cours des premiers mois ?

11 R. Non, absolument pas. La FORPRONU en fait voyait que, ou envisageait en

12 fait ces postes de contrôle comme un endroit par lequel on passait, où on

13 pouvait parler et on pouvait ensuite poursuivre son chemin.

14 Q. Est-ce que cela a changé avec le début du conflit ?

15 R. Oui, tout à fait, il y a eu de plus en plus de postes de contrôle, ils

16 étaient de plus en plus protégés, il y avait de plus en plus d'hommes qui

17 tenaient ces postes de contrôle. Il nous est devenu de plus en plus

18 difficile de passer et, parfois, il était impossible de franchir ces postes

19 de contrôle. Puis, de temps à autre, ils apparaissaient et disparaissaient

20 et ce, en quelques heures.

21 Q. Vous avez dit que, parfois, il était impossible de franchir un poste de

22 contrôle de poursuivre votre chemin. Donc, est-ce qu'il s'agissait de

23 postes de contrôle du HVO ou de l'ABiH ?

24 R. Je ne me souviens pas avoir été détenu ou retenu, en fait, à un poste

25 de contrôle de l'ABiH. Mais je me souviens avoir eu des difficultés lorsque

26 nous faisions notre livraison d'aide comme je l'ai dit auparavant. Nous

27 livrons de façon également entre les deux camps. Je me souviens, en fait,

28 que nous sommes allés vers un village croate. Nous avons donc largué notre

Page 3386

1 aide et nous n'avons pas véritablement pu poursuivre notre chemin pour

2 aller jusqu'au village de l'ABiH parce que, d'ailleurs, ils ne nous ont pas

3 donné de raisons. Ils n'avaient besoin d'évoquer une raison. Ils ne nous

4 ont pas laissé poursuivre notre chemin. Ils ont refusé. Bien entendu, s'ils

5 posaient des mines sur la route, on ne pourrait pas véritablement faire

6 grand-chose pour poursuivre notre chemin. Donc, cela nous a empêché de

7 poursuivre notre route et c'est en général, là, quand on devait monter les

8 collines, quand on devait gravir ces collines, c'est à ce moment-là que

9 l'on ne pouvait plus poursuivre. En général, lorsque nous avions un

10 problème, lorsqu'on revenait en fait et lorsqu'on avait mis fini de larguer

11 l'aide, parfois également, on avait des problèmes lorsqu'on redescendait la

12 colline.

13 Q. Est-ce que vous n'avez jamais été personnellement menacée à un poste de

14 contrôle ?

15 R. Une fois, j'ai été personnellement menacée. J'ai eu peur. J'ai craint

16 pour ma vie. Puis, une deuxième fois, je faisais partie d'un convoi, nous

17 avons été menacés et nous avons tous, eu peur.

18 Q. Est-ce que vous pouvez, peut-être, étoffer votre propos et nous relater

19 ce qui s'est passé la première fois, par exemple ?

20 R. Nous revenions en fait et nous venions juste de terminer une

21 distribution d'aide. Nous avions donc largué 50 % de cette aide dans un

22 village croate et nous avions donc franchi ce village. Puis, pas très loin,

23 en fait, après le village, nous avions quelques problèmes à gravir la

24 colline parce que nous essayons de nous rendre dans un village musulman.

25 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la région où vous trouviez de quelle

26 il s'agissait ?

27 R. Oui. Alors, si vous preniez le carrefour, à l'intersection, vous prenez

28 à droite de Gornji Vakuf vers Bugojno, puis, toujours, donc, sur la droite

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1 de cette route, du fait de ce qui s'est passé. Enfin, je ne me souviens pas

2 du nom du village mais je me souviens que, lorsque nous avons conduit pour

3 rentrer, je m'en suis vraiment souvenue très, très bien. Je m'en suis

4 souvenue, enfin, lorsque je me suis trouvée dans la même région en 1996,

5 mais je ne me souviens pas du nom du village. Je ne me souviens que de

6 cette région dont nous parlons. Je peux vous dire qu'elle se trouvait, que

7 cet endroit se trouvait à 15 ou 20 minutes de route de notre base.

8 Q. Que s'est-il passé ?

9 R. Donc, nous étions dans notre véhicule blindé, le 432. Puis, en face,

10 devant et derrière, il y avait des petits véhicules de reconnaissance, une

11 Spartan et une Scimitar. Ces véhicules de reconnaissance avaient à leurs

12 bords des soldats de la compagnie, du Groupe de bataille de la Compagnie B.

13 Q. Qui commandait le convoi ?

14 R. C'était un homme qui s'appelait le capitaine Nick Short. C'était, en

15 fait, le capitaine du 1er Bataillon de Cheshire. En fait, il était

16 interprète militaire. Il avait été déployé avec le groupe de bataille. Il

17 était avec nous donc, à Gornji Vakuf. Il y avait été assigné donc, pendant

18 que je m'y trouvais. Donc, je l'ai vu, je le connaissais vraiment bien.

19 Puis, il avait appris, en fait, ces langues à l'école de langue militaire

20 britannique avant d'être redéployé à la fin de 1992 dans cette région.

21 Q. Pour continuer, que s'est-il passé alors ?

22 R. Il a montré l'arrière de sa voiture, de son véhicule au poste de

23 contrôle du HVO. Cela semblait les satisfaire. Ensuite, il leur a montré

24 l'arrière de notre véhicule, le véhicule médical, puis, là, ils ont

25 quelques réflexions un peu, à la légère, en disant -- en se demandant si je

26 cachais du personnel musulman à l'arrière de mon véhicule. Donc, nous

27 avons, en fait, soulevé ici et là, certaines des caisses où il y avait

28 l'aide à l'intérieur, que nous n'avons pas été en mesure de livrer, donc,

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1 pour ne montrer qu'en fait, que nous ne dissimulions personne à l'arrière

2 de la voiture. Ils ont fermé la porte et puis, ils sont allés inspecter

3 l'arrière du véhicule qui se trouvait derrière nous. Peu de temps après

4 cela, une minute ou deux, peut-être, on a ouvert de force la porte de

5 l'ambulance et un soldat du HVO a commencé à vociférer et à crier. Bon, je

6 ne sais pas ce qu'il disait, puisque je ne parle pas cette langue mais

7 visiblement, il n'était pas en train de nous dire, est-ce qu'on peut

8 prendre un café avec vous ? C'était plutôt assez désagréable ce qu'il avait

9 l'air de dire.

10 Q. Puis, il a mis en position son AK-47 et il l'a pointé vers mon menton

11 et puis, ce qui fait que j'ai dû pencher la tête en arrière. Il m'a forcé à

12 rester comme cela. Le caporal, qui se trouvait assis à côté de moi, était

13 absolument paralysé. Il était paralysé par la peur. C'est l'une des rares

14 fois où j'ai vu quelqu'un qui était absolument paralysé par la terreur. En

15 fait, il y avait un système de communication entre l'arrière du véhicule et

16 le commandant, mais il était cassé, je n'ai pas pu parler au commandant. Ce

17 soldat du HVO semblait, à la fois, courroucer, frustrer. Il y avait des tas

18 d'émotions qui passaient sur son visage et j'ai vraiment eu, très, très

19 peur. J'ai dit en anglais que je souhaitais qu'il enlève son arme, qu'il la

20 repousse et qu'il me fasse mal. Mais rien ne s'est passé. Alors, à tort ou

21 à raison, je n'en sais rien, mais je me suis que, si je ne faisais rien

22 pour mettre un terme à cette situation, il allait tirer. Donc, j'ai pris la

23 décision et je m'excuse auprès des hommes présents dans le prétoire mais je

24 me suis dite que j'allais lui donner un coup de pied, là où cela ferait mal

25 parce que, soit qu'il allait tirer, de toute façon, je serais morte, et

26 soit qu'il allait trébucher et lâcher son arme. Alors, il ne faut oublier,

27 en fait, le temps que cela a pris. Puis, ils avaient inspecté très

28 rapidement l'arrière des véhicules, le premier des véhicules, l'arrière du

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1 second véhicule. Ils avaient quand même eu leurs petites boutades le fait

2 que l'on cachait ou que l'on ne cachait des Musulmans dans notre véhicule.

3 De toute évidence, le capitaine Short a, finalement, eu le feu vert pour

4 que nous puissions enfin poursuivre notre chemin. Puis, finalement, nous

5 avons repris notre chemin et, lorsque nous sommes rentrés à la base, j'ai

6 parlé avec le capitaine Short. En fait, il nous a expliqué qu'il y a eu

7 quelques petits problèmes à négocier notre passage de ce poste de contrôle.

8 Donc, voilà. Voilà, c'est pour cela que je me suis retrouvée dans cette

9 situation, en fait.

10 Q. Vous avez parlé d'une autre occasion; est-ce que vous pouvez nous

11 relater brièvement ce qui s'est passé ?

12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je m'excuse, je m'excuse, parce que

13 l'histoire n'est pas complète, me semble-t-il. Vous avez dit à un moment ce

14 que vous pensiez faire, mais vous, vous ne nous avez pas dit si vous avez

15 véritablement agi comme vous aviez l'intention de le faire.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. Oui, je lui ai donné un coup

17 de pied.

18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pense que, visiblement, vous en

19 êtes encore heureuse de ce geste.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si j'en étais très heureuse

21 mais c'est ce genre d'événement de votre vie que vous n'oubliez pas très

22 rapidement, quand même.

23 Alors, pour répondre à la question, le deuxième incident s'est passé, en

24 fait, au crépuscule. Une fois de plus, nous étions dans un convoi. Nous

25 venions de larguer de l'aide. Il y avait deux véhicules Warrior. Le convoi

26 était dirigé par le capitaine Jack Ferguson, qui avait été détaché auprès

27 du Groupe de bataille, et il avait de très, très gros problème, à faire en

28 sorte que nous puissions passer par les postes de contrôle du HVO parce

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1 qu'il y avait des tirs et un combat, des combats entre les deux camps

2 auparavant d'un village mixte et le HVO et l'ABiH se battaient là. En fait,

3 il voulait nous utiliser comme un bouclier, en quelque sorte, afin

4 d'essayer de minimiser les combats. Alors, il a pris la décision sur le

5 terrain d'adopter une position tactique, à savoir, éteindre nos phares et

6 conduire et passer à travers le poste de contrôle à pleine vitesse et puis,

7 en fait, nous avions été entourés de combattants du HVO qui avaient des

8 grenades lance-rocket, donc un RPG7, ce qui fait --

9 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce dont il s'agit ? Qu'est-ce

10 qu'un RPG7 ?

11 R. Il s'agit d'un lance-roquette multiple. C'est un système

12 -- enfin, une arme que l'on tient à la main.

13 Q. Donc, vous avez fini --

14 R. Oui.

15 Q. Vous avez fini par --

16 R. Donc, comme je l'ai dit, nous avons éteint les phares, il n'y avait

17 plus que quelques phares en-dessous des véhicules, en fait, on ne les voit

18 pas véritablement.

19 Q. Est-ce qu'on vous a tiré dessus pendant que vous conduisiez ?

20 R. Etant donné que nous avons accéléré véritablement très, très fort --

21 très fortement, il y avait énormément de bruits dans le véhicule et donc je

22 ne me souviens pas en fait s'ils nous ont tiré dessus. De toute façon, en

23 fait, il n'y a pas eu de tir sur mon véhicule, le 432. Nous avons rallumé

24 les phares, petit à petit, lorsque nous nous sommes retrouvés à nouveau sur

25 l'accès routier principal qui reliait Bugojno à Gornji Vakuf.

26 Q. J'aimerais aborder deux autres thèmes. Premièrement, est-ce que vous

27 savez si la population civile musulmane avait été expulsée par la force de

28 leur village par des soldats du HVO ?

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1 R. Je n'ai jamais vu des personnes musulmanes civiles expulsées par la

2 force. On m'a raconté certaines choses, des villageois par exemple nous ont

3 relaté ce qui leur était arrivé à Dusa, par exemple. Ils nous ont relaté

4 que les hommes avaient été contraints de monter dans les camions et ils

5 avaient été expulsés avec ces camions et je me souviens également d'un

6 autre incident. Là, en fait, j'avais dû assurer un soutien psychologique

7 auprès d'un membre de l'infanterie qui se trouvait sur le terrain et qui

8 avait véritablement assisté à une scène. Il y a deux personnes qui avaient

9 été tuées dans un village et là, dans ce village-là, les villageois avaient

10 été également expulsés.

11 Q. Vous vous souvenez du nom de ce village ?

12 R. Malheureusement, non.

13 M. BOS : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au témoin la

14 pièce 01373, je vous prie ?

15 Q. Nous avons déjà vu ce rapport et j'aimerais en fait que l'on voie à

16 l'écran la fin ou le bas plutôt de la première page et je vous demanderais

17 de nous lire la dernière phrase de ce dernier paragraphe. Il a été indiqué

18 que le commandant de l'ABiH locale a demandé des compensations en espèce

19 pour toutes les familles musulmanes qui ont dû partir à la suite de ce

20 nettoyage ethnique.

21 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu dire que le commandement de l'ABiH

22 avait demandé de l'argent pour les familles musulmanes ?

23 R. Je n'en ai jamais entendu parler de la part des familles qui se

24 trouvaient là, bien que lors des réunions qui ont eu lieu à la base, c'est

25 le genre de réunion dont je parlais un peu plus tôt, réunions auxquelles

26 participaient les commandants locaux de l'ABiH et du HVO, et c'est un thème

27 de discussion, je m'en souviens. Je me souviens en fait que c'est un thème

28 qui a été abordé lors d'une de ces réunions, au moins.

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1 Q. Puis, une toute dernière chose. Avez-vous jamais participé à l'échange

2 de corps et, le cas échéant, est-ce que vous vous souvenez quand est-ce que

3 cela s'est passé ?

4 R. Comme je l'ai déjà indiqué préalablement, lors d'une des réunions avec

5 le colonel Siljeg, la question de l'échange des corps était un point de

6 l'ordre du jour de cette réunion. Je me souviens en fait que cela se

7 passait à la fin du mois de janvier 1993. Alors, il y avait des

8 dispositions qui ont été présentées au départ, parce qu'en fait, c'était

9 essentiellement du domaine de la Croix-Rouge internationale puisque cela

10 était essentiellement organisé avec le comité international de la Croix-

11 Rouge et, donc, en fait, le

12 1er Groupe de bataille du Cheshire, de la Compagnie B, était censé

13 superviser, donc, l'échange véritable des Corps du HVO et de l'ABiH.

14 Q. Comment est-ce que vous avez participé ? Comment se fait-il que vous

15 ayez participé à cet échange ?

16 R. J'ai assisté à certaines réunions préparatoires. Alors, il n'était pas

17 stipulé qu'il fallait qu'il y ait une participation du personnel médical

18 parce qu'il s'agissait en fait de l'échange de personnes mortes. Il ne

19 s'agissait pas de présumés de guerre ou de personnes encore vivantes.

20 Toutefois, j'ai participé en fait plus que prévu, parce que lorsqu'il y a

21 eu échange de corps, le sergent-chef Williams qui était, en fait, le

22 sergent-chef auquel nous avons fait référence comme faisant partie de la

23 cellule du Renseignement qui était un médecin qui avait été formé a

24 découvert que l'un des combattants de l'ABiH qui avait été mis tout en bas

25 de la pile de cadavre était, en fait, en vie. Donc, il a communiqué avec

26 moi par radio pour me demander un avis médical. Il voulait savoir, en fait,

27 comment il pouvait gérer cette situation et ce qu'il devait faire de cette

28 personne. J'ai dû également en fait offrir un soutien psychologique, ou lui

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1 offrir un soutien psychologique après l'incident parce qu'il avait vu

2 certaines dont il voulait parler après.

3 Q. Donc, vous étiez au téléphone, mais est-ce que vous savez où s'est

4 passé cet échange ?

5 R. Je sais que cela s'est passé dans la municipalité de Gornji Vakuf.

6 Manifestement, cela ne s'est pas passé en plein centre de la ville. Cela ne

7 s'est pas passé non plus au niveau de l'intersection, parce que, sinon, il

8 aurait été logique que j'aille moi-même voir la personne en question, la

9 personne blessée. Il aurait été beaucoup plus logique que je le traite.

10 Mais cela n'était pas non plus à une heure de route.

11 M. BOS : [interprétation] Est-ce que l'on peut montrer au témoin la pièce à

12 conviction 01308 ? Messieurs les Juges, j'en ai quasiment terminé, donc, je

13 ne sais pas si vous voulez que je poursuive demain matin, ou je pourrais --

14 je peux tout à fait terminer cette déposition maintenant, cela va durer

15 cinq minutes, pas plus.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, terminez pour les cinq minutes.

17 M. BOS : [interprétation] Est-ce que l'on peut montrer au témoin la pièce

18 01308 ?

19 Q. Madame le Témoin, j'aimerais que vous donniez lecture du texte qu'on

20 voit dans ce document.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, excusez-moi. Monsieur Siljeg,

22 soit le témoin peut donner le fondement de ses connaissances, soit elle ne

23 peut pas le faire, soit on passe à autre chose.

24 M. BOS : [interprétation] Monsieur le Président, la seule raison pour

25 laquelle je soumets ce document au témoin, c'est pour lui demander de

26 reconnaître éventuellement qu'il traite de cet échange dont elle parlait

27 tout à l'heure dans sa déposition.

28 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais elle peut regarder la date ou quelque

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1 chose de ce genre et on ne peut lui demander de lire pour le compte rendu

2 d'audience un document qu'elle ne connaît pas, cela n'a pas de sens. Il

3 faut qu'elle établisse un fondement, si elle ne veut pas l'établir, alors,

4 on doit passer par une autre ère.

5 M. BOS : [interprétation]

6 Q. Madame le Témoin, est-ce que vous pourriez lire ce document à voix

7 basse et nous dire si dans ce document il est question du même échange dont

8 celui dont vous venez de parler dans votre déposition, et pourquoi vous

9 pensez qu'il s'agit du même échange ?

10 R. J'ai lu ce document et je n'aurais aucun problème à déclarer que je

11 pense qu'il est question ici du même échange que celui dont je parlais tout

12 à l'heure.

13 Q. Pour quelle raison ?

14 R. Les dispositions prises consistaient à faire ramasser les cadavres par

15 les prisonniers de son propre bord. L'échange a un rapport avec les combats

16 intenses qui ont eu lieu dans le cimetière des partisans de Gornji Vakuf.

17 Q. Qu'en est-il de la date ?

18 R. La date, en effet. Oui, exactement, la date correspond avec l'événement

19 dont j'ai parlé tout à l'heure et on voit la signature du colonel Siljeg

20 qui fait référence à ce que j'ai dit précédemment au sujet de la rencontre

21 de la réunion dans laquelle il a pris la parole.

22 Q. Encore deux questions. Est-ce qu'à un moment est arrivé en février où

23 le conflit s'est un peu calmé suite aux accords de cessez-le-feu ?

24 R. Les combats ont diminué à un moment où j'étais hors de Gornji Vakuf

25 puisque j'avais ma permission de deux semaines.

26 Q. Comment décririez-vous la situation dans la période qui a suivi le

27 cessez-le-feu c'est-à-dire pendant les deux mois de votre séjour ?

28 R. Je parlerais d'un environnement très tendu et très fragile pour dire

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1 dans quel environ nous travaillions. Il y avait désormais beaucoup de haine

2 et de méfiance dans la région. Des villages qui quatre mois auparavant

3 avaient une population mixte étaient désormais largement divisés et s'il

4 s'y trouvait encore des habitants des deux groupes ethniques. Ceux-ci

5 étaient séparés par des zones du village qui étaient totalement désertées

6 et dans lesquelles aucun représentant de l'une ou l'autre des deux parties

7 ne pouvaient pénétrer. On avait également le sentiment à entendre les gens

8 de la région que les affaires n'étaient pas terminées, que tout cela

9 n'était pas réglé.

10 Q. Je vous remercie de votre déposition.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : L'interrogatoire principal est terminé.

12 Alors, Madame, vous reviendrez pour l'audience qui commencera demain

13 à 9 heures, pour répondre aux questions des avocats de la Défense dans le

14 cadre du contre-interrogatoire. D'ici là, vous ne rencontrez ni les

15 représentants du Procureur ni les avocats des accusés, et encore moins les

16 Juges.

17 Voilà. Donc, nous nous retrouvons demain à 9 heures et j'invite, bien

18 entendu, tout le monde à prendre ses dispositions pour être là à 9 heures

19 pile. Je vous remercie.

20 --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le 20 juin 2006, à 9

21 heures 00.

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