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1 Le lundi 26 juin 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
6 l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : Oui. Je vous remercie, Monsieur le Président, et bonjour à
8 tous. Affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic, et consorts.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je salue toutes les
10 personnes présentes. Je salue les représentants du Procureur, je salue les
11 avocats, et Me Karnavas qui nous est revenu, je salue également les accusés
12 qui sont présents.
13 Comme vous le savez, aujourd'hui, nous avons un témoin qui est prévu sur
14 trois jours. Avant cela, je vais rendre deux décisions orales qui étaient
15 pendantes. La première est relative au rapport d'expertise de William
16 Tomljanovich, et du général Major Pringle. Les 10 et 12 mai 2006,
17 l'Accusation a soumis à la Chambre et à la Défense les rapports d'expertise
18 de M. Tomljanovich et le général Pringle, conformément à l'article 94 bis
19 du Règlement. Par réponse en date du 2 juin 2006, les avocats des six
20 accusés se sont opposés à l'admission de ces rapports et ont contesté la
21 qualité d'expert de leur auteur ainsi que la pertinence et la cohérence de
22 leur conclusion, ils ont par ailleurs demandé à pouvoir contre-
23 interrogatoire ces experts. La Chambre, qui a délibéré sur cette question,
24 tient à souligner d'abord que les avocats de la Défense n'ont avancé aucune
25 raison précise justifiant leur opposition aux requêtes du Procureur des 10
26 et 12 mai dernier. Par ailleurs, la Chambre observe que le général Pringle
27 a déjà témoignage en tant qu'expert dans une autre affaire du Tribunal.
28 En outre, à la lecture des rapports d'expertise et des curriculum vitae de
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1 leurs auteurs, la Chambre estime que William Tomljanovich est parfaitement
2 habilité à témoigner, en tant qu'expert, sur les matières évoquées dans son
3 rapport, notamment, sur les organes et la structure de la Herceg-Bosna, et
4 qu'il en va de même pour le général Pringle à propos des questions
5 relatives au commandement militaire.
6 Toutefois, conformément à la demande de la Défense, la Chambre considère
7 que William Tomljanovich et le général Pringle devront témoigner en
8 personne devant le Tribunal notamment pour répondre aux questions des
9 avocats dans le cadre du contre-interrogatoire. A cette occasion, les
10 avocats de la Défense auront donc tout le loisir de contester la validité
11 et la pertinence des conclusions figurant dans les rapports. La Chambre
12 fait enfin observer que c'est à la longue [phon] de l'audition de ces deux
13 experts et des contre-interrogatoires de la Défense, y afférant qu'elle
14 évaluera en définitive la valeur probante des dits rapports. Alors, tout
15 ceci pour vous dire que ces deux experts viendront et que la Défense
16 procédera au contre-interrogatoire et la Chambre statuera après sur
17 l'admission du rapport et sur la pertinence et la valeur probante du
18 contenu de ces rapports.
19 Je vais maintenant demander le huis clos partiel parce qu'il y a une autre
20 décision qui appelle le huis clos partiel.
21 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.
22 [Audience à huis clos partiel]
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28 [Audience publique]
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors, nous sommes en audience publique.
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. S'agissant
3 donc de l'expert Tomljanovich, je ne remets pas en cause le fait qu'il est
4 un doctorat en histoire, et qu'il travaille à tel ou tel endroit, pour
5 telle ou telle entité, mais, du côté de la Défense - et je crois que je
6 peux m'exprimer au nom de tous les conseils de la Défense - nous ne le
7 considérons toutefois pas comme un réel expert. Avec votre autorisation,
8 Monsieur le Président, nous voudrions exprimer une position qui est la
9 position collective de la Défense par rapport à M. Tomljanovich qui a notre
10 avis ne devrait pas témoigner en qualité d'expert, car il a des compétences
11 qui à notre avis sont dans un domaine autre que celui de l'expertise. La
12 raison de notre requête, Monsieur le Président, c'est que, manifestement,
13 lorsqu'il s'agira d'accorder une valeur, un poids à la déposition de ce
14 témoin, dans les systèmes internationaux, en général, on accorde plus de
15 poids au témoignage d'un expert qu'au témoignage de n'importe qui. Je
16 proposerais que la Chambre réfléchisse au moins à la proposition qui lui a
17 déjà été faite de désigner un expert historien qui correspondra à la
18 réalité. Peut-être pourrait-il être considéré comme un témoin avant d'être
19 considéré comme un expert ?
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous avons pris bonne note de ce que vous
21 venez de dire. Alors, par ailleurs, il y a une décision qui a été rendue la
22 semaine dernière, et qui a été enregistrée vendredi concernant une demande
23 de certification d'appel suite à une décision rendue relative au co-conseil
24 de Me Alaburic, cette décision a été rendue majoritairement, ayant moi-même
25 fait une opinion décidant sur cette question.
26 Dans la semaine, il y aurait également une décision qui sera rendue sur la
27 question de l'ordinateur portable et de la disposition des accusés au sein
28 de cette salle d'audience, donc, la décision sera enregistrée dans les
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1 prochains jours.
2 Nous avons aussi la semaine dernière - donc, les Juges - nous avons étudié
3 la question du planning de nos audiences au mois de septembre, octobre,
4 novembre et décembre, nous avons décidé, comme nous l'avions décidé tout au
5 début, de ne tenir que quatre jours d'audience par semaine qui seront donc
6 lundi, mardi, mercredi, et jeudi. Nous avons estimé que la quantité
7 impressionnante des documents qui sont versés nous obligeait donc à lire
8 ces documents, et si nous n'avons pas de lire les documents, nous ne
9 faisons pas un bon travail. Dans ces conditions, il y aura comme par le
10 passé donc, quatre jours d'audience par semaine. Mais à ceci près, une
11 petite modification, c'est que nous avons pu tenir deux jours par semaine,
12 des audiences, le matin et l'après-midi. Là, nous serons obligés en raison
13 de l'affaire de Srebrenica II, qui va venir dans cette salle d'audience, de
14 tenir de audiences, soit les mardi, mercredi, jeudi matin, soit les mardi,
15 mercredi, jeudi après-midi, en alternance avec la Chambre Srebrenica II.
16 Voilà.
17 Donc, j'invite l'Accusation à prévoir ces témoins. Nous avons également
18 décidé au bout de trois mois de faire un bilan de cette façon de procéder
19 pour voir si nous ne prenons pas de retard. Pour le moment, nous sommes
20 toujours dans le canevas qui avait été prévu. Si jamais, il y avait
21 quelques retards, nous reverrions cette décision de telle façon qu'il n'y
22 ait pas de retard. Mais là, pour le moment, tout se passe pour le mieux
23 puisque personne n'est malade. Tout le monde est présent. Donc, nous
24 pouvons faire face aux obligations donc, de ce procès. Il me semble que
25 vous vouliez intervenir, Maître.
26 Je vous donne la parole.
27 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je réfléchis.
28 Je n'ai pas oublié depuis quelques jours, l'obligation qui est la mienne, à
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1 savoir, demandez le versement au dossier des documents utilisés dans
2 l'audition du Témoin Hujdur. Entre-temps, nous avons dû nous occuper
3 d'autres choses en très peu de temps. Donc, je crains d'oublier la demande
4 de versement. Est-ce que je peux la faire maintenant ?
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, concernant les pièces Hujdur,
6 nous n'avons pris encore aucune décision parce tout cela va dépendre de la
7 question beaucoup plus générale qui était la requête de l'Accusation
8 concernant l'admissibilité de plusieurs pièces pour un témoin précédent. La
9 semaine dernière, Me Murphy était également intervenu. Donc, nous allons
10 rendre une décision qui va balayer l'ensemble de ces pièces et une fois que
11 la décision sera rendue, nous reviendrons sur ce Témoin Hujdur.
12 Donc, ce serait prématuré. Pour le moment, on laisse tout cela en
13 "standby" parce que tout cela va dépendre de notre décision.
14 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais, vous pouvez nous indiquer les numéros que vous
16 souhaitez voir verser et nous rendrons la décision définitive, après. Donc,
17 continuez.
18 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. D'ailleurs,
19 c'est exactement ce que j'avais l'intention de faire. Donc, la demande de
20 M. Stojic propose les éléments de preuve suivants, 2D 00054, 2D 00055 et 2D
21 00056.
22 Merci, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
24 Bien. Je me tourne vers Monsieur Scott. Pour le témoin qui va venir, vous
25 avez prévu combien de temps parce que nous sommes donc là, pour trois
26 jours. Il y aura donc six heures demain, six heures après demain, plus les
27 quatre heures d'aujourd'hui. Donc, c'est un témoin auquel nous pouvons
28 consacrer, grosso modo, 16 heures de l'interrogatoire principal et de
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1 contre-interrogatoire.
2 Mais, afin d'avoir plus cela en tête, votre interrogatoire principal
3 va prendre combien de temps, Monsieur Scott ?
4 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à vous-
5 même et aux Juges de la Chambre. J'espère pouvoir en terminer dans un délai
6 de six à sept heures, disons. Si tout va bien, j'espère pouvoir faire
7 encore mieux. Mais, en général, il y a des témoins qui ont tendance à
8 prononcer des phrases très longues. Donc, je préfère planifier large. Mais
9 notre objectif, bien sûr, c'est de terminer l'audition de ce témoin cette
10 semaine de façon à ce que le contre-interrogatoire dispose d'un temps
11 suffisant.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous prenez six heures, ce qui nous permettrait
13 donc à la Défense d'avoir, elle, dix heures.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai plus
15 besoin de faire de l'exercice musculaire pour me maintenir en forme car le
16 transport de documents comme celui-ci me maintient en forme. Voilà, vous
17 voyez ici les documents qu'il a fallu passer en revue avant l'audition de
18 ce témoin qui est très important. Je ne voudrais pas me montrer pessimiste,
19 mais dix heures pour le contre-interrogatoire de ce témoin, si l'on tient
20 compte de la portée très vaste de sa déposition, du nombre de sujets, qu'il
21 va aborder dans sa déposition et, notamment, du fait qu'il parlera de
22 l'entreprise criminelle conjointe. Je me demande si ce temps sera
23 suffisant.
24 Nous nous efforçons toujours du côté de la Défense d'être aussi diligent et
25 aussi efficace que possible, mais je le répète d'emblée aujourd'hui, c'est
26 un témoin qui est extrêmement, extrêmement important, et nous ne pouvons
27 pas affirmer aujourd'hui que nous pourrons terminer son contre-
28 interrogatoire avant la fin de la semaine. Je ne dis pas que nous ne le
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1 terminerons pas. Je dis que ce n'est pas nécessairement possible, car vous
2 voyez le nombre très important de documents qu'il va falloir aborder et à
3 raison de 30 secondes par documents, ce sera déjà trop.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Mais ne gaspillons pas plus de temps.
5 Introduisons dans le prétoire le témoin tout de suite.
6 M. SCOTT : [interprétation] Entre-temps, avant l'arrivée du témoin, je
7 tiens à ajouter que je voulais utiliser le moins de temps possible à
8 m'exprimer, mais je dois répondre à ce que Me Karnavas a dit au sujet du
9 témoin expert, Tomljanovich. Monsieur le Président, nous sommes
10 actuellement dans la phase des présentations des éléments de preuve de
11 l'Accusation, et l'Accusation a déjà proposé
12 M. Tomljanovich en tant qu'expert la Chambre a rendu sa décision donc ce
13 témoin est un témoin expert. Je ne sais pas ce que souhaite
14 Me Karnavas dans une espèce de deuxième temps, mais s'agissant de moi, il a
15 été proposé en tant qu'expert -- admis en tant qu'expert, et il témoignera
16 en tant qu'expert de vive voix.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
18 M. KARNAVAS : [interprétation] Une phrase simplement : c'est quelqu'un qui
19 travaille pour quelqu'un. Il est payé par un employeur et son employeur
20 c'est le bureau du Procureur. Ce n'est pas un expert. C'est quelqu'un qui
21 ne peut se comparer à un témoin expert.
22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. La Chambre a tous les éléments. Nous
24 avons rendu une décision orale tout à l'heure. Nous avons pris bonne note
25 de ce que vous avez dit. Nous allons en reparler entre Juges cette semaine.
26 Voilà. Alors, Monsieur, pouvez-vous vous lever ? Je vais d'abord demander
27 si vous comprenez dans votre langue ce que je dis ou si cela passe bien par
28 la cabine des interprètes. Si c'est le cas, dites : "Je vous comprends."
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends. J'entends.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été cité par l'Accusation pour venir
3 témoigner. Avant de vous faire prêter serment, je me dois de vous
4 identifier, pouvez-vous me donner votre nom, prénom, et date de naissance ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Stjepan Kljuic. Je suis né à
6 Sarajevo le 19 novembre 1939.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuelle ou -- ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis conseiller en politique extérieure, à
9 la présidence de la Bosnie-Herzégovine, dans le bureau de l'entité croate.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Avez-vous déjà témoigné devant ce Tribunal
11 international ou devant un Tribunal national sur les faits qui se sont
12 déroulés dans votre pays dans les années 1992, 1993, 1994 ou ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, à plusieurs reprises.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pouvez-vous très rapidement me dire dans votre
15 souvenir dans quelles affaires vous avez témoigné ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été appelé en tant qu'expert pour
17 confirmer certaines caractéristiques d'un certain nombre de documents dans
18 l'affaire Kordic et j'ai été témoin sur les questions de droits dans
19 l'affaire Milosevic et dans l'affaire Krajisnik.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous remercie. Pouvez-vous lire le serment.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 LE TÉMOIN : STJEPAN KLJUIC [Assermenté]
24 [Le témoin répond par l'interprète]
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais dire
27 quelques mots avant le début de ma déposition. C'est possible ?
28 M. LE JUGE ANTONETTI : qui porte sur quel problème ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon problème, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Quel est votre problème ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, je refuse d'être témoin de
4 l'Accusation. J'ai reçu une injonction pour comparaître en tant que témoin
5 du Tribunal. Je ne suis pas venu ici de mon propre gré. J'y ai été
6 contraint. En tant que citoyen de la Bosnie-Herzégovine, je respecte la
7 décision prise par notre Etat qui fait obligation à tous les habitants de
8 la Bosnie-Herzégovine de se mettre à la disposition du Tribunal.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est le problème que vous voulez soulever d'entrée
10 de jeu.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, sur ce problème, vous savez que ce Tribunal
13 qui fonctionne depuis dix ans, fonctionne selon une procédure
14 contradictoire, c'est-à-dire que l'Accusation cite des témoins, la Défense
15 cite des témoins. C'est le principe général. Lorsque quelqu'un est cité à
16 la demande d'une des parties, la personne est obligée de venir. Si la
17 partie qui veut citer la personne rencontre une difficulté, à ce moment-là,
18 il y a une ordonnance de subpoena qui est prise pour que la personne vienne
19 témoigner. Voilà. C'est un principe devant ce Tribunal international mais
20 devant tous les tribunaux nationaux. Quand quelqu'un est cité devant un
21 tribunal, il doit comparaître.
22 Il se trouve, vous l'avez indiqué, tout à l'heure, qu'il peut arriver
23 où la Chambre décide, elle-même, que tel ou tel témoin doit venir. Mais
24 c'est parce qu'elle se rend compte qu'à un moment donné, il y a un vide
25 quelque part et il faut que le témoin vienne. De mémoire, dans l'affaire
26 Blaskic, il y a eu des témoins qui sont venus pour déposer à la demande de
27 la Chambre. Dans l'affaire Hadzihasanovic et Kubura, à la demande de la
28 Chambre, il y a aussi un témoin qui est venu. Mais nous, nous venons de
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1 commencer le procès et comme nous n'avons pas une vision générale de
2 l'ensemble de l'affaire, nous n'avons pas estimé à ce stade de vous faire
3 venir, vous, comme témoin de la Chambre ou M. X ou Y. Donc, vous venez à la
4 demande de l'Accusation mais vous auriez pu, aussi, venir à la demande de
5 la Défense. Mais une fois qu'on prête serment, on est le témoin de la
6 justice. On n'est plus le témoin d'une partie. Donc, votre serment entraîne
7 que maintenant vous êtes le témoin de la justice. Voilà les précisions que
8 je venais vous apporter.
9 Alors, vous pouvez vous asseoir.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. C'est exactement ce que je
11 souhaitais.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, quelques explications complémentaires
13 de ma part. Comme je l'ai indiqué, tout à l'heure, nous sommes dans une
14 procédure contradictoire qui est inspirée, vous l'avez compris, de la
15 "common law", c'est-à-dire que le témoin doit d'abord répondre aux
16 questions de l'Accusation et puis, une fois que l'Accusation aura posé ces
17 questions, le témoin est contre-interrogé par les avocats qui sont
18 présents, voire également, par des accusés, s'ils souhaitent poser des
19 questions.
20 Les quatre Juges qui sont devant vous peuvent aussi vous poser des
21 questions, à tout moment. Il est évident que dans un système national de
22 droit continental, ce serait moi qui vous interrogerais en premier et,
23 ensuite, les uns et les autres des questions. Ici, comme on est dans un
24 système différent, c'est d'abord l'Accusation qui pose la question et le
25 cas échéant les Juges viennent poser des questions aux fins
26 d'éclaircissement ou parce qu'il y a une nécessité à vous poser la
27 question. Les Juges peuvent d'eux-mêmes vous poser la question sans passer
28 par mon intermédiaire, dans la mesure où chaque Juge est égal, il n'y a pas
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1 de prééminence d'un Juge par rapport aux autres, donc chaque Juge peut
2 également vous poser la question qu'il souhaite vous poser.
3 Si une question vous paraît compliquer, demander à celui qui vous
4 pose la question de la reformuler, car ce qui est important c'est ce que
5 vous allez dire, bien entendu, et en plus, l'Accusation et la Défense
6 lorsqu'ils poseront des questions, vous présenteront des documents, alors
7 des documents divers pour recueillir votre point de vue sur le document.
8 Vous avez juré de dire toute la vérité, donc, vous comprenez qu'il n'est
9 pas question de mensonge devant un Tribunal. Cela va de soi, et je sais que
10 vous comprenez très bien la portée du serment que vous avez prêté en
11 l'occurrence.
12 Si à un moment donné vous avez un problème quelconque n'hésitez pas à
13 nous en faire part. Nous travaillons une heure et demie et on fait un
14 "break" pendant 20 minutes, et on reprend pendant une heure et demie. Donc,
15 aujourd'hui, nous ferons tout à l'heure une pause aux environs de 15 heures
16 40. On reprendra à 4 heures jusqu'à 5 heures et demie, une nouvelle pause,
17 et nous irons jusqu'à 19 heures.
18 Il est donc prévu puisque votre témoignage d'après l'Accusation et la
19 Défense est important que vous allez témoigner pendant trois jours, lundi,
20 mardi matin et après-midi, mercredi matin et mercredi après-midi. Donc, il
21 est prévu un témoignage qui va s'étaler sur une période de trois jours.
22 Voilà, de manière très générale, la façon dont va se passer votre
23 interrogatoire. Comme je l'ai dit, n'hésitez pas à intervenir si vous
24 éprouvez la nécessité de nous demander quoi que ce soit.
25 Voilà, ceci étant dit, je me tourne maintenant vers M. Scott pour lui
26 donner la parole.
27 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
28 Interrogatoire principal par M. Scott :
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1 Q. [interprétation] Monsieur Kljuic, avant que nous ne commencions,
2 j'aimerais que vous nous indiquiez une fois de plus aux fins du compte
3 rendu d'audience vos coordonnées, nom et prénom.
4 R. Vous souhaitez que je me lève à nouveau ou que je reste assis ?
5 Q. Non, non, vous pouvez juste nous donner votre nom.
6 R. Stjepan Kljuic, ce qui s'épelle comme suit S-t-j-e-p-a-n, puis K-l-j-u-
7 i-c.
8 Q. Je vous remercie, Monsieur Kljuic. On m'avait demandé de poser la
9 question pour que tout soit clair.
10 Nous allons parler de votre passé et jusqu'au moment de votre déposition
11 aujourd'hui, ce qui permettra aux Juges d'avoir une vision d'ensemble. Nous
12 allons le faire assez rapidement. Comme vous l'avez indiqué, vous êtes né à
13 Sarajevo le 19 décembre 1939.
14 R. Oui.
15 Q. Vous êtes Croate, pour ce qui est de votre origine ethnique et vous
16 êtes catholique de confession, n'est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous avez étudié la philosophie ainsi que la littérature à Zagreb dans
19 un premier temps puis plus tard à Sarajevo.
20 R. Oui.
21 Q. Vous avez travaillé environ 35 ans comme journaliste.
22 R. Oui.
23 Q. Pendant toute cette période, ou quasiment toute cette période vous vous
24 considériez, comme dissident dans le système communiste qui existait à
25 l'époque en ex-Yougoslavie; est-ce exact ?
26 R. Oui.
27 Q. J'ai comprendre que vous étiez journaliste, et ce, pour le journal de
28 Sarajevo, Oslobodjenje, et ce, de 1964 à 1971; est-ce exact ?
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1 R. Oui, c'est exact.
2 Q. Vous avez ensuite travaillé pour un journal qui s'appelle Vjesnik. Je
3 crois comprendre qu'il s'agit d'un journal de Zagreb, mais vous étiez,
4 vous-même, basé à Sarajevo et ce, de 1971 à 1990; est-ce exact ?
5 R. Oui. Avant cela, j'ai été renvoyé de Oslobodjenje. Je ne suis pas parti
6 du bureau ou des bureaux de Oslobodjenje de ma propre initiative, de mon
7 gré, j'ai été congédié, renvoyé. La raison en est tant que je luttais pour
8 que soit reconnue l'égalité de la langue croate.
9 Q. Entre le mois de septembre 1990 et au moins, le mois de février 1992,
10 vous avez été président du parti politique connu le nom de Union
11 démocratique croate, à savoir, le HDZ et ce, pour la Bosnie-Herzégovine;
12 est-ce exact ?
13 R. Oui.
14 Q. Je poursuis ou j'aurais plutôt dit auparavant que vous avez adhéré, en
15 fait, à ce parti le HDZ, en 1990 ?
16 R. Oui, oui. J'ai été membre et l'un des organisateurs du HDZ de la
17 Bosnie-Herzégovine.
18 Q. Vous avez, en fait, à un moment donné, été le secrétaire politique de
19 ce parti, est-ce exact ?
20 R. Oui, secrétaire politique et président en exercice.
21 Q. Lorsque vous avez président du parti, cela en fait s'est passé, donc, à
22 partir du mois de septembre 1990, et ce, jusqu'au mois de février 1992.
23 R. Oui.
24 Q. Outre vos fonctions au sein de ce parti politique, est-il exact de
25 dire, Monsieur, que vous étiez donc membre de la présidence de la Bosnie-
26 Herzégovine entre le 9 décembre 1990 jusqu'au 4 novembre 1992, et puis, une
27 fois encore, entre le 24 octobre 1993 jusqu'en octobre 1996; est-ce exact ?
28 R. Oui.
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1 Q. En juin 1994, vous avez formé un parti politique intitulé le parti
2 républicain, est-ce exact ?
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce que ce parti existe encore de nos jours ?
5 R. Certes. Mais je dirais que depuis quatre ans, je ne suis plus actif en
6 politique. Je me suis retiré de l'arène et de la vie politique.
7 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire en quelques mots, quel était donc le
8 programme politique ou la philosophie politique du parti politique au
9 moment où vous l'avez fondé en tout cas, et au moment où vous en étiez
10 encore membre ?
11 R. Ce fut, en fait, la première tentative faite pour créer en Bosnie-
12 Herzégovine un parti composé de différentes nationalités et un parti donc,
13 de type occidental dont le but était de réconcilier les anciens communistes
14 avec les partis nationaux, en fait, et ce, lors des élections démocratiques
15 de 1990, parce qu'il faut savoir que le chaos général prévalait en Bosnie
16 et c'était une tentative pour essayer de sortir de ce chaos. Au départ, le
17 parti a été, très bien, perçu par les citoyens mais au fil du temps nous
18 n'avons reçu aucune assistance de la part de l'occident et je dirais qu'à
19 la fin de l'agression menée contre la Bosnie-Herzégovine, les partis
20 nationaux sont devenus de plus en plus forts et continuent à avoir le
21 pouvoir en Bosnie-Herzégovine.
22 Q. Donc, n'oublions donc pas que tout se passait. Mais j'aimerais, en
23 fait, revenir sur certains détails car vous avez dit, il y a quelques
24 minutes de cela, que vous n'étiez pas non pas seulement membre, mais que
25 vous aviez membre fondateur du parti politique, donc, HDZ, en Bosnie-
26 Herzégovine. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous avez fait
27 concrètement pour aider à la création et l'établissement de ce parti ?
28 R. Les premiers partis politique sur le territoire de l'ancienne
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1 Yougoslavie ont été établis en Slovénie et en Croatie. C'est comme cela que
2 s'est déroulé la démocratisation de l'ouest vers l'est. Puis à un moment
3 donné, en Bosnie-Herzégovine, des partis politiques ont été créés.
4 Notamment, d'ailleurs, le Parti de l'Action démocratique, qui a été le
5 premier à être fondé, et qui n'a pas révélé son identité ethnique et
6 religieuse dans leur titre, mais d'après leur programme politique et
7 d'après leur membre, ou au vu de leurs membres, c'était un part qui s'était
8 exclusivement musulman. Etant donné que l'Union démocratique croate avait
9 été fondé à Zagreb et avait d'ailleurs remporté les élections, il était
10 tout à fait naturel que les Croates de Bosnie-Herzégovine créée leur propre
11 parti compte tenu de cette base politique. Nous avons reçu beaucoup d'aide
12 de la part de Zagreb, parce qu'une fois que la démocratisation a pris pied
13 dans l'ancienne Yougoslavie, il faut savoir que la diaspora croate, la
14 population des émigrés croates, a donc fourni des fonds importants qui
15 étaient tous destinés à Zagreb et qui les a aidés à remporter les
16 élections. Ce qui fait que Zagreb a commencé à aider la fondation -- a aidé
17 pour que soit créé le HDZ en Bosnie-Herzégovine.
18 Toutefois, comme vous le savez la situation était très complexe. Après 45
19 ans de régime totalitaire, soudainement des partis pouvaient être créés,
20 pouvaient être fondés, et plusieurs idées étaient avancées. Zagreb avait
21 une liste de personnes, dont certaines arrivaient de l'étranger, et il y
22 avait certains citoyens de la Bosnie-Herzégovine qui voulaient être
23 impliqués dans ce processus.
24 Je dois dire que le premier problème qui s'est posé a porté sur le statut
25 du parti, est-ce qu'il serait une filière du HDZ croate de Zagreb et, donc,
26 est-ce qu'on l'appellerait le HDZ pour la Bosnie-Herzégovine ou est-ce
27 qu'il s'agirait d'un parti autochtone donc pour la Bosnie-Herzégovine et
28 qui s'appellerait ainsi donc le Parti de la Bosnie-Herzégovine.
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1 Bien entendu, je militais en faveur d'un parti politique indépendant, le
2 HDZ de la Bosnie-Herzégovine, d'où les problèmes qui se sont posés, parce
3 que le 18 août 1990, il y a eu la convention qui a été organisée à
4 Sarajevo.
5 Lors des préparatifs, je me trouvais à la tête d'un groupe d'intellectuels
6 importants de Sarajevo, mais on ne nous a pas accordé l'importance
7 appropriée. Je dois dire que le président du Comité de Coordination était
8 M. Davor Perinovic.
9 Pendant les préparations ou les préparatifs visant la convention du parti,
10 je dois dire qu'il y a eu quelques situations assez tendues ou assez
11 dramatiques parce que le premier ministre croate avait déjà créé son propre
12 gouvernement - il était arrivé à Sarajevo. Mais il faut savoir que le 17
13 août, en soirée, il y a eu un incident qui s'est déroulé à Knin. Ce jour-
14 là, les Serbes de Knin ont érigé des barrages et ont commencé à provoquer
15 des incidents dans toute la Croatie. La police croate est partie en
16 hélicoptère, dans des hélicoptères qui étaient destinés aux forces de la
17 police de la République de la Croatie et le but était donc de tempérer la
18 situation, de calmer le jeu. Toutefois, la JNA, avec ses avions, a
19 neutralisé les hélicoptères et les a forcés à atterrir.
20 Ce qui fait que cette nuit-là à Knin, il y a eu une rébellion armée.
21 Q. Monsieur, j'aimerais vous demander de revenir à la question que je vous
22 avais posée, à savoir la formation du parti. La convention dont vous avez
23 parlé, convention qui a eu lieu le 18 août 1990, est-ce que vous avez
24 participé à cette convention ?
25 R. Oui.
26 Q. Vous avez indiqué qu'un certain nombre de personnalités, vous avez,
27 notamment, mentionné le premier ministre, et vous avez indiqué que d'autres
28 personnes de Zagreb -- ou du Parti croate de Zagreb étaient venues à ce
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1 rassemblement ou à cette convention; est-ce que vous pourriez nous dire de
2 qui il s'agissait ?
3 R. Bien. Justement, c'est que j'ai essayé de vous expliquer, M. Manolic
4 est arrivé, mais lorsqu'il y a eu cet incident à Knin, étant donné qu'il
5 était venu à bord d'un avion qui appartenait à la République de la Croatie,
6 bon, l'aéroport de Sarajevo était vide, mais il faut savoir qu'un camion a
7 touché son avion.
8 Q. Hormis M. Manolic, qui d'autre est venu de Croatie ?
9 R. Il y avait Dalibor Brozovic.
10 Q. Qui est-il ?
11 R. Il est membre de l'académie. Il est né en Bosnie-Herzégovine. Je dirais
12 que c'est une personnalité croate très connue dans le domaine de la
13 culture. Puis il y avait Gojko Susak, ministre de la communauté des
14 émigrés, puis il y avait le secrétaire général du HDZ, Miljenko Zadar. Il y
15 avait de nombreuses personnes qui venaient de l'étranger, de nombreuses
16 personnes de notre municipalité, donc il s'agissait des municipalités en
17 Bosnie-Herzégovine, depuis Neum jusqu'à Brcko, puis il y avait des Croates
18 de Sarajevo également et parmi ces personnes il y avait les intellectuels
19 qui étaient candidats à la direction -- il s'agissait donc des Croates en
20 Bosnie-Herzégovine.
21 Q. Est-ce que vous pourriez dire aux Juges, je vous prie, qui -- parmi qui
22 était les personnalités ayant le plus d'expérience, qu'il s'agit du
23 gouvernement croate ou du Parti croate du HDZ, et pourquoi est-ce que ces
24 personnes étaient venues à la convention de Sarajevo ?
25 R. C'est assez simple : elles souhaitaient nous aider, nous aider à créer
26 un parti qui fonctionnerait de façon harmonieuse avec le HDZ de Zagreb.
27 Vous devez savoir qu'à l'époque, les intérêts nationaux croates en Bosnie-
28 Herzégovine ainsi que les intérêts nationaux des Croates en Croatie étaient
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1 plus ou moins identiques. Le but était de créer une Yougoslavie
2 démocratique avec plus d'autonomie pour les républiques, et ce en fonction
3 de la constitution de 1974.
4 Q. Lors de cette convention, le 18 août 1990, vous avez donc mentionné que
5 M. Perinovic était présent, et M. Perinovic, est-ce qu'il a été élu
6 président du parti ? Il s'agit de M. Davor Perinovic, n'est-ce pas ?
7 R. Oui. Davor Perinovic et son entourage parce qu'il avait, en fait,
8 présenté une liste de ces personnes qui l'accompagnaient. Il s'agissait
9 d'une liste assez hétérogène. La plupart de ces personnes d'ailleurs, ne
10 connaissant pas la réalité de la situation en Bosnie-Herzégovine. Il faut
11 savoir qu'ils étaient partisans d'une doctrine assez dure, ils exigeaient
12 des choses qui n'étaient pas tout à fait appropriées à l'époque au vu de la
13 situation politique. Donc, en tant que dirigeant du groupe des
14 intellectuels de Sarajevo, je dois dire que j'ai demandé donc des
15 directions du parti.
16 Q. Très bien. Pour utiliser votre terminologie, Monsieur, quelles étaient,
17 en fait, ces exigences qu'avait le groupe Perinovic ?
18 R. Bien, écoutez, on peut le voir d'après les discours qui ont été
19 entendus avant la convention. Il y a eu un rassemblement à Prozor.
20 Plusieurs discours ont été faits à l'intention de la presse de Sarajevo,
21 c'est-à-dire que les Croates de Sarajevo trouvaient, en fait, que ces
22 discours étaient absolument épouvantables et ils refusaient de devenir
23 membres du HDZ à ce moment-là.
24 Q. Mais pourquoi est-ce qu'ils les trouvaient effrayants, épouvantables ?
25 R. Par exemple, M. Perinovic a dit que les Musulmans étaient des Croates
26 de confession islamique, que la Croatie devrait s'étendre jusqu'à la Drina,
27 il faudrait trouver cela dans les documents, mais il s'agissait là de
28 déclarations absolument terribles qui ont été proférées au moment où le
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1 régime était encore communiste et d'ailleurs cela ne correspondait pas aux
2 véritables aspirations du peuple croate, et qui plus est, cela n'était
3 absolument pas réaliste.
4 Q. Mais qui avait choisi ou nommé M. Perinovic pour cette candidature de
5 la présidence ? Qui, en fait, l'a élu président, qui se tenait derrière
6 tout cela, en coulisse ?
7 R. Vous voyez, quelques dix jours auparavant, ils avaient établi un comité
8 directeur qui incluait les représentants de certaines municipalités ainsi
9 que M. Perinovic et, bien entendu, ils avaient le soutien du HDZ de Zagreb.
10 Alors, la personnalité la plus importante à l'époque était le secrétaire
11 général Miljenko Zadar qui, la veille, pendant la nuit, avait été en
12 communication constante avec notre groupe et avec le groupe de Perinovic.
13 Q. Très bien. Nous allons aller de l'avant et je pense que lorsque -- je
14 suppose, en fait, que nous allons retrouver certains de ces éléments lors
15 de notre analyse chronologique. Donc, lors de la convention du 18 août
16 1990, est-il exact de dire que le parti a également adopté un statut écrit,
17 une constitution ?
18 R. Oui, cela a été envisagé. Je dois dire que l'atmosphère était
19 particulièrement flânée. Un ordre du jour a été adopté, un Statut, des
20 Règles, un Règlement, les conditions d'adhésion, mais tout cela s'est fait
21 de façon très, très officielle -- formelle, et il y avait des discussions
22 politiques entre les représentants des différentes régions et le document a
23 fini par être adopté.
24 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais demander à
25 Mme l'Huissière de bien vouloir montrer au témoin la pièce 13. Il s'agit de
26 la pièce P 00013.
27 Q. Alors, si vous voulez consulter ce document, il se peut que Mme
28 l'Huissière souhaite vous aider. Donc, lorsque vous aurez eu la possibilité
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1 de consulter le document, est-ce que vous pouvez confirmer qu'il s'agit là
2 du statut de l'Union démocratique croate de la Bosnie-Herzégovine, tel que
3 cela a été adopté le 18 août 1990.
4 R. J'ai eu ce document entre les mains parce que toutes les personnes qui
5 étaient présentes à la convention ont reçu un exemplaire.
6 Q. Est-ce qu'il vous semble, Monsieur, qu'il s'agit là d'une copie du même
7 document ?
8 R. Est-ce que l'on pourrait remonter jusqu'aux articles 3 et 4, je vous
9 prie ? Est-ce que vous pourriez peut-être faire un gros plan, je vous
10 prie ? Oui, il me semble que cela est bien le document.
11 Q. Très bien. Donc, à propos de M. Perinovic, j'aimerais vous poser
12 quelques questions parce qu'il a été démis de ses fonctions le jour après
13 la convention; en fait, donc, il a été démis de ses fonctions de président
14 du parti ?
15 R. Oui.
16 Q. Alors, il a été dit de façon assez générale que
17 M. Perinovic avait été en quelque sorte démis de ses fonctions parce que
18 d'aucuns s'étaient rendu compte qu'il était en partie Serbe; est-ce que
19 cela est exact ?
20 R. Oui, cela a été mentionné. Mais cela ne fut pas la raison principale de
21 son renvoi, son origine serbe, pas du tout. Il y a une femme qui était
22 membre du HDZ et qui a montré en fait son certificat de baptême de Bileca,
23 qui montrait qu'il était Serbe, en fait.
24 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire, alors, comment est-ce que vous êtes
25 devenu président en exercice au vu de cette situation ?
26 R. Avant la création, j'avais été candidat, candidat au poste de
27 secrétaire politique et, plus tard, j'ai assumé les fonctions de secrétaire
28 politique et de président en exercice. Le 17 août en soirée, ils n'ont pas
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1 accepté ce que nous demandions. Donc, je suis parti et j'ai cessé les
2 négociations et, au moment où je partais, Miljenko Zadar, le secrétaire
3 général, m'a demandé si je ne reviendrais pas là-dessus et j'ai dis que je
4 ne reviendrai pas et je lui ai dit : "De toute façon, tôt ou tard, vous
5 viendrez frapper à ma porte."
6 R. Très bien. Alors, nous allons donc maintenant passer au
7 5 ou 6 septembre 1990; est-ce que vous avez l'occasion d'être à Zagreb et
8 de vous déplacer dans Zagreb à ce moment-là ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce que vous pourriez nous narrer ce qui s'est passé à ce moment-
11 là ?
12 R. Des personnes se sont adressées à moi et m'ont dit : "Viens avec nous."
13 Je suis entré dans une Buick et, sur la banquette arrière, je leur ai dit :
14 "Messieurs, il est évident que nous n'allons pas au poste de police
15 Petrinska." Après un moment, ils m'ont conduit au président Tudjman.
16 M. KARNAVAS : [interprétation] Je m'excuse, je m'excuse. Je me demande si
17 toutes ces informations ont été avancées lors de la séance de récolement
18 parce que nous nous n'avons pas reçu de notes à la suite de la séance de
19 récolement et il me semble que ce sont des sujets nouveaux qui sont
20 abordés; donc, est-ce que nous pourrions peut-être avoir une précision sur
21 la question ?
22 M. SCOTT : [interprétation] D'après ce que je comprends, cela se trouve
23 dans la déclaration préalable de ce témoin et y compris sa déposition dans
24 une autre affaire.
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Je voudrais dire à l'intention des Juges que
26 nous n'avons aucune déclaration préalable, ce qui me rappelle d'ailleurs
27 autre chose parce que le témoin a indiqué qu'il avait fait une déclaration
28 qui n'avait pas été donnée à la Défense et je dirais d'ailleurs que, dans
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1 l'affaire Kordic, puisqu'il s'agissait de l'affaire Kordic, M. Nice lisait
2 une sorte de synthèse qui ne fait pas partie du système électronique des
3 documents, mais nous ne l'avons pas. Alors, je ne voulais pas interrompre
4 l'interrogatoire principal, mais j'aimerais demander à l'Accusation d'avoir
5 l'amabilité de nous fournir les documents.
6 M. SCOTT : [interprétation] En ce qui me concerne, il n'y a pas de
7 documents supplémentaires.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Alors, est-ce que l'Accusation accepte que
9 ce témoin n'a pas fourni de déclaration avant sa déposition dans l'affaire
10 Cordic ? Parce que c'est ce que ce monsieur a indiqué sous serment. Je peux
11 vous donner le numéro de page, nous n'avons pas cette déclaration. Nous
12 avons une déclaration qui a été faite par le témoin en l'an 2000, je
13 demande tout simplement à la Chambre de première instance d'indiquer à
14 l'Accusation qu'elle étudie un peu la question afin de voir s'il n'y a pas
15 un oubli.
16 M. SCOTT : [interprétation] Je ferai de mon mieux.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Essayez de faire de votre mieux. J'ai l'impression
18 que vous l'interrogez sur une déclaration du témoin dans l'affaire Cordic
19 et déclaration, si je comprends bien, que la Défense n'a pas eue.
20 M. SCOTT : [interprétation] Alors, pour préciser tout cela, donc, j'ai mes
21 propres notes, ces notes que je lis et cela n'a rien à voir avec le témoin,
22 c'est ce que j'ai préparé pour mon interrogatoire principal. Alors, pour ce
23 qui est des autres déclarations de ce témoin, je vais m'en enquérir. Comme
24 cela a déjà été indiqué il y a quelques minutes de cela, ce témoin a déposé
25 dans trois affaires : l'affaire Kordic, l'affaire Milosevic et l'affaire
26 Krajisnik. Il a fourni donc des éléments de preuve importants, mais pour
27 répondre à votre question, Monsieur le Président, je vais, en fait, mener
28 mon enquête et je verrai s'il y a d'autres documents qui devaient être
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1 communiqués.
2 Q. Monsieur, lorsqu'on vous a amené voir le président Tudjman, que s'est-
3 il passé par la suite ?
4 R. Tout simplement, il m'a demandé si j'allais œuvrer pour une autre cause
5 et je lui ai dit, mais, à un camarade général, cela fait 30 ans que je le
6 fais. Ensuite, nous avons eu une conversation. Il m'a demandé comment
7 j'allais pouvoir me mettre à la tête du HDZ de Bosnie-Herzégovine. Comme à
8 l'époque j'étais journaliste, j'étais journaliste à la radio allemande en
9 notre langue, je venais de signer un contrat avec le gouvernement allemand
10 pour passer dix jours en Allemagne pour représenter les différents leaders
11 des partis politiques devant nos compatriotes, les travailleurs immigrés en
12 Allemagne.
13 Entre-temps, un entretien, une réunion a eu lieu à Zagreb réunissant tous
14 les représentants municipaux des différentes antennes du HDZ et de la
15 direction du HDZ de Zagreb. Ils ont décidé de me confier le rôle du
16 président. J'étais à Francfort lorsque j'ai appris cela. Ensuite, nous
17 sommes arrivés à Sarajevo. Dès le 16 septembre, le conseil principal du HDZ
18 de Bosnie-Herzégovine qui, d'après les statuts du parti, avaient les
19 attributs de le faire, m'a nommé président par intérim.
20 Q. Monsieur, page 27 du transcript, ligne 4. Est-ce qu'on peut revenir à
21 cela, c'était peut-être une erreur de traduction, de transcription ou avez-
22 vous fait un lapsus. Au sujet du président Tudjman, il est dit : "Il m'a
23 parlé par la suite au sujet de la manière dont j'aurais peut-être accepté
24 de me mettre à la tête de la communauté croate de Bosnie-Herzégovine." Vous
25 voulez dire le HDZ de Bosnie-Herzégovine, l'Union démocratique croate ?
26 R. C'est ce que j'ai dit, j'ai dit Union démocratique croate de Bosnie-
27 Herzégovine, c'est un parti politique.
28 Q. D'accord. Donc, vous revenez à Sarajevo le 16 septembre, une réunion a
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1 lieu, la réunion du comité principal; c'est bien cela ?
2 R. Oui.
3 Q. Vous avez été nommé à ce moment-là président par intérim ?
4 R. Oui.
5 M. SCOTT : [interprétation] Je voudrais soumettre au témoin une autre
6 pièce, la pièce 09617. Je précise que ce document se situe dans le deuxième
7 classeur, j'indique cela aux Juges de la Chambre. La plupart des documents
8 seront présentés dans l'ordre, mais celui-ci constitue une exception à la
9 Règle.
10 Q. Monsieur, je n'ai pas la première page, mais à l'examen de celui-ci,
11 pouvez-vous nous dire s'il s'agit du procès-verbal de la réunion du 16
12 septembre 1990 montrant que vous avez été nommé président par intérim du
13 parti à cette occasion ?
14 R. Oui.
15 Q. Les vice-présidents et un secrétaire ont-ils également été élus par le
16 parti, à ce moment-là ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous vous rappelez des noms ? Qui ont été les trois personnes élues à
19 ces postes-là le 16 septembre 1990 ?
20 R. Il y avait Ante Bakovic, un prêtre, puis Nikola Krizanac et le
21 troisième, je ne m'en souviens pas là.
22 Q. Abid Hodzic, c'était la troisième personne ?
23 R. Oui, oui. Il était le vice-président avec Perinovic.
24 Q. Cette troisième personne, était-elle musulmane --
25 R. Il était Musulman, mais il se déclarait Croate.
26 Q. M. Ignac Kostroman a été le secrétaire; c'est bien cela ?
27 R. Secrétaire pour s'occuper des aspects techniques, parce que j'étais le
28 secrétaire général.
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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Une précision. L'Accusation nous a dit que
2 ce jour-là, le comité principal s'était réuni. D'après le document, on voit
3 que ce n'est pas le comité principal, mais le comité exécutif. Est-ce que
4 le témoin pourrait nous préciser cela pour le compte rendu d'audience et
5 nous signaler en quoi consiste la distinction, s'il y en a une ?
6 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur Kljuic, est-ce que vous pouvez
7 examiner le haut du document et nous dire précisément quel est l'organe du
8 parti qui s'est réuni ce jour-là et qui vous a nommé au poste que vous avez
9 indiqué ?
10 R. Oui, il est clair que c'est le conseil exécutif parce que le comité
11 principal s'était réuni à Zagreb avant cela. C'est un organe plus élargi
12 par rapport au conseil, au comité exécutif qui est constitué de manière
13 plus restreinte.
14 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Kovacic.
16 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
17 je n'aime pas interrompre, cependant, lorsqu'on lit cette réponse ligne 15,
18 réponse du témoin, il dit que le comité principal s'est réuni à Zagreb,
19 mais je pense que dans le contexte de la langue croate, il voulait dire que
20 la réunion s'était tenue à Zagreb et non pas que son siège était à Zagreb.
21 Or, vu la formulation de sa réponse, on pourrait imaginer que son siège
22 était à Zagreb.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci de cette précision, Maître Kovacic.
25 M. SCOTT : [interprétation]
26 Q. Monsieur Kljuic, si vous voulez apporter des précisions au sujet de ce
27 que nous venons de dire depuis quelques minutes, faites-le; sinon, nous
28 pouvons aller de l'avant.
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1 R. Allons de l'avant.
2 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi, vraiment,
3 mais le témoin a dit lui-même que la réunion s'est tenue à Zagreb, donc mon
4 interprétation a été bonne, mais on ne le voit pas maintenant dans le
5 compte rendu d'audience.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur, pouvez-vous confirmer que la réunion
7 a eu lieu à Zagreb pour que cela figure au compte rendu.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. La réunion du comité principal du HDZ de
9 Bosnie-Herzégovine s'est tenue à Zagreb.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, cela a été écrit.
11 M. SCOTT : [interprétation] Je voudrais soumettre une autre pièce au
12 témoin, s'il vous plaît, Monsieur le Greffier. La pièce 15, P 00015.
13 Q. Monsieur, s'agit-il là du procès-verbal de la réunion de la présidence
14 du comité exécutif et des membres du comité municipal du HDZ de Bosnie-
15 Herzégovine, réunion du 8 octobre 1990 ?
16 R. A Sarajevo, oui.
17 Q. Une délégation est-elle venue de Zagreb pour assister à cette réunion ?
18 Une délégation qui comptait M. Susak parmi ses membres ?
19 R. Oui.
20 Q. De quoi s'est-il agit à cette réunion, de manière générale, pouvez-vous
21 nous en parler brièvement ?
22 R. Je dois vous dire que cela se situe peu avant les élections. Il nous
23 fallait nous assurer que nos travailleurs qui travaillaient à l'étranger
24 participent massivement à ce vote. Puisque M. Susak était ministre de
25 l'Immigration auprès du gouvernement de la République de Croatie, nous ne
26 voulions absolument pas créer un projet parallèle. Tout simplement, en
27 passant par l'entremise du ministère de l'Immigration de la République de
28 Croatie, nous voulions informer, engager, faire venir le plus grand nombre
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1 de nos compatriotes pour qu'ils participent aux élections de Bosnie-
2 Herzégovine, élections qui ont été tenues le 18 octobre et le
3 4 novembre 1990.
4 La presse communiste, quant à elle, a énormément ouvert ses pages à
5 Perinovic. Il n'y avait aucune raison à cela, si ce n'est des raisons
6 politiciennes, à savoir, lorsque j'ai été nommé le
7 16 septembre, dès le lendemain, j'ai soumis une demande d'enregistrement du
8 HDZ de Bosnie-Herzégovine sous ma présidence et le Tribunal a accepté cet
9 enregistrement. Donc, toute objection de la part de Perinovic a été rejetée
10 par cela, mais, dans la presse, par la suite, on a découvert beaucoup de
11 ses déclarations où il révélait ses conflits, ses différends avec Zagreb et
12 avec certaines personnalités de Zagreb. Quant à moi, même lors de cette
13 réunion où était représenté le comité municipal de la ville de Sarajevo et
14 on s'attendait de bénéficier d'un fort appui de leur part, c'était les
15 dirigeants locaux qui devaient faire tous les préparatifs face aux
16 élections. Il faut savoir que les tensions étaient très fortes à ce moment-
17 là dans toute l'ex-Yougoslavie. A l'issue de 45 années d'un système
18 monopartite, tout simplement, les gens n'arrivaient pas à croire que le
19 moment était venu de -- où les partis politiques divers allaient pouvoir se
20 manifester. Aussi, les gens ne savaient pas pour qui voter parce qu'il y
21 avait peu de gens qui croyaient que les communistes allaient perdre les
22 élections de Bosnie-Herzégovine.
23 Q. Je vous invite à examiner la dernière page de cette pièce
24 P 00015. Nous y trouvons une liste noms avec leurs différentes fonctions.
25 Est-ce que, d'après vous, cette liste est exacte ? Est-ce qu'elle reprend
26 fidèlement les différentes personnalités et fonctionnaires du parti à
27 l'époque ?
28 R. Oui, sauf que pour ce qui est de Tomislavgrad, cette branche-là n'avait
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1 pas encore déléguée le représentant car, vous savez, lorsque nous avons
2 constitué cette direction, j'étais de Sarajevo, Krizanovic était de
3 Bugojno, Bakovic était de Gorazde --
4 Q. Il n'est pas utile de nous citer tous ces noms.
5 R. Donc, la représentation se faisait selon un principe régional, et c'est
6 la raison pour laquelle Tomislavgrad devait être représenté également.
7 Q. Parlons donc des élections du mois de novembre et du mois de décembre
8 1990. Il y a eu deux tours, n'est-ce pas ? Le premier tour, le 18 novembre
9 et le deuxième, le 4 décembre 1990; est-ce bien cela ?
10 R. Oui.
11 Q. Monsieur, est-il exact que parmi les candidats croates qui se sont
12 présentés à ce moment-là, c'est vous qui avez reçu le plus de voix, à
13 savoir à peu près 33 %?
14 R. Oui.
15 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre quel est le nombre de sièges
16 que le HDZ de la Bosnie-Herzégovine a obtenus au Parlement à l'issue de ces
17 élections ?
18 R. Oui, nous avons eu 44 sièges au Parlement de Bosnie-Herzégovine qui en
19 comptait 240 en tout. Nous avons gagné deux fonctions, deux postes au sein
20 de la présidence pour représenter le peuple croate et nous avons gagné un
21 grand nombre de postes de présidents municipaux, entre autres dans dix
22 villes où les Croates n'étaient pas majoritaires. Qui plus est, dans neuf
23 de ces dix villes, ils étaient deuxièmes d'après leur nombre, et à Kotor
24 Varos, ils étaient même troisièmes.
25 Q. Pour ce qui est de ces deux sièges à la présidence que vous avez
26 remportés, qui est venu les occuper ?
27 R. J'occupais la première place, et Franjo Boras, la deuxième position.
28 Q. Monsieur, d'après-vous, à quoi est dû le succès du HDZ lors de ces
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1 élections de 1990 ?
2 R. Tout d'abord, nous avions conçu un programme national. Je l'ai rendu
3 public. Il est possible qu'avant moi, il y ait eu des Croates qui aient
4 fait pareil, mais vu la dépression politique à l'époque communiste, ils
5 n'ont pas pu le rendre public. Donc, mon programme politique peut être
6 résumé en quelques mots : Bosnie-Herzégovine souveraine, égalité du peuple
7 croate au sein de la Bosnie-Herzégovine et cinq points qui devaient
8 permettre aux Croates de s'épanouir dans cette vie commune de Bosnie-
9 Herzégovine. Nous avions la diaspora la plus importante de tous les peuples
10 de Bosnie-Herzégovine. Nous avions aussi la République de Croatie voisine
11 qui nous permettait d'établir des relations économiques, une coopération
12 économique. Nous avons bénéficié du soutien du pape Vojtila [phon] de
13 l'époque, qui prônait une séparation pacifique en ex-Yougoslavie. Nous
14 avions le plus grand nombre de lettrés, ce qui n'est pas la chose la moins
15 importante en Bosnie-Herzégovine, et aussi, les Croates, en 1990,
16 détenaient 70 % des capitaux en devises de Bosnie-Herzégovine. Vous devez
17 savoir que le dinar yougoslave n'était pas une monnaie convertible et qu'on
18 achetait des devises étrangères. Donc, 70 % du capital total que détenait
19 la population était entre les mains des Croates, donc c'était très
20 important. Ce qui est important avant tout c'est que nous prônions de
21 manière très déterminée un statut égal pour la Bosnie-Herzégovine comme
22 celui de la Slovénie, Croatie, et cetera, et je pense que c'est cela qui
23 nous a permis de remporter ce succès aux élections.
24 M. SCOTT : [interprétation] Je voudrais soumettre au témoin la pièce P
25 00022.
26 Q. Monsieur, je vous invite à examiner ce document et à dire aux Juges de
27 la Chambre s'il s'agit là du programme du parti. Vous avez été l'un des
28 auteurs de ce document qui porte la date du 9 janvier 1991.
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1 R. Oui.
2 Q. Par la suite, est-ce que vous avez organisé une convention du parti,
3 une convention générale du parti tenue à Mostar les 23 et 24 mars 1991 ?
4 R. Suite à cette victoire électorale, et c'était un succès du parti et mon
5 succès personnel, j'étais toujours le président par intérim puisqu'on
6 n'avait pas encore tenu une convention du HDZ. Comme je suis légaliste, je
7 voulais qu'on organise au plus vite une convention régulière du parti pour
8 élire à cette occasion-là les organes du parti et tous les fonctionnaires
9 du parti. Compte tenu du fait que pendant la campagne électorale, il y a eu
10 des membres du parti qui se sont particulièrement distingués sur le terrain
11 et que par rapport à l'état embryonnaire où était le parti avant les
12 élections, il fallait maintenant procéder à son articulation. En trois,
13 quatre ans, on n'a pas pu créer tous les organes qu'il fallait créer
14 maintenant, leur permettant donc d'avoir le conseil économique, le conseil
15 chargé de la coopération culturelle, conseil qui allait examiner les
16 problèmes de société, les problèmes de santé, et cetera.
17 Q. Pour qu'on ait une idée de la mixité géographique du parti, est-il vrai
18 qu'à peu près 288 représentants sont venus assister à la convention et que
19 sur ce nombre total, environ 53 sont venus d'Herzégovine ?
20 R. Oui, oui. C'était cela, le nombre des délégués, et c'était cela, le
21 nombre de délégués venus d'Herzégovine. En fait, en créant notre parti,
22 nous avons hérité de la recette communiste d'après laquelle la direction
23 bénéficie d'une représentativité régionale. Donc, on avait des
24 représentants régionaux; 83 % des représentants étaient de Bosnie, et 17 %,
25 d'Herzégovine. Mais nous n'avons pas insisté pour que la différence soit si
26 grande. A l'époque, il fallait surtout éviter de créer un nouveau clivage
27 entre les Croates, à savoir, selon leur appartenance bosniaque ou
28 herzégovine.
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1 Q. Est-ce qu'une délégation de Zagreb, une délégation de hauts
2 fonctionnaires du parti est venue à cette convention ?
3 R. Oui.
4 Q. Vous vous rappelez les noms des personnalités qui sont venues assister
5 à la convention ?
6 R. Entre autres, il y avait M. Gojko Susak, mais il faut savoir que bien
7 d'autres partis politiques ont été représentés à cette convention. Le HDZ
8 était le parti au pouvoir, et à ce moment-là, nous avons reçu nombre de
9 délégués qui sont venus saluer notre convention.
10 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure. Peut-
11 être qu'on pourrait interrompre avant que je ne passe à un autre sujet ?
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Il est 4 heures moins 20. Nous allons
13 faire la pause et nous reprendrons l'audience à 16 heures.
14 --- L'audience est suspendue à 15 heures 38.
15 --- L'audience est reprise à 16 heures 00.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise. Monsieur Scott.
17 M. SCOTT : [interprétation]
18 Q. Monsieur Kljuic, je souhaite vous poser plusieurs questions au sujet de
19 Mate Boban. Je ne pense pas qu'on ait déjà eu l'occasion d'aborder cela.
20 Vous avez parlé de l'assemblée constituante du HDZ de Bosnie-Herzégovine en
21 août 1990 et vous avez également parlé des élections de 1990 suite
22 auxquelles vous avez été élu au parlement et à la présidence. Que ce soit
23 pendant l'assemblée constituante ou lors des élections de 1990, Mate Boban
24 a-t-il pris part à ces événements, l'un quelconque de ces événements,
25 d'après vos souvenirs ?
26 R. Pour ce qui est de la création du HDZ de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo
27 le 18 août, il n'y a pas assisté, mais il s'est présenté aux élections en
28 tant que l'un des candidats au Parlement de Bosnie-Herzégovine. Parmi les
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1 44 représentants du HDZ, il a été élu au Parlement de Bosnie-Herzégovine.
2 Q. Représentait-il une région en particulier ou une circonscription
3 particulière ?
4 R. Oui, il a été élu dans la circonscription de Mostar, où le HDZ s'est vu
5 élire 12 députés.
6 Q. Lorsque vous êtes allé à la convention du parti en mars 1991, on en a
7 parlé avant l'interruption de séance, vous étiez président, ou plutôt, vous
8 étiez candidat à la présidence, et puis, il y avait d'autres personnes qui
9 se sont présentées candidates; est-ce vrai ?
10 R. Oui.
11 Q. M. Boban était l'un de ceux qui ont présenté leur candidature au poste
12 de président ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que vous vous rappelez combien de voix a obtenues M. Boban par
15 rapport aux voix que vous avez remportées vous-même ?
16 R. Boban a obtenu 32 voix; Brkic, une voix; Lasic, une voix. C'est moi qui
17 ai reçu environ 230 ou 240 voix, donc tout le reste des voix.
18 Q. Donc, cela a été une large victoire pour vous par rapport à M. Boban;
19 est-ce exact ?
20 R. Oui.
21 Q. Malgré cela, M. Boban, est-ce qu'il a obtenu des postes au sein du
22 parti à ce moment-là ?
23 R. Oui, il a été mon deuxième vice-président. Mon premier vice-président
24 était l'homme de lettres, Vitomir Lukic.
25 M. SCOTT : [interprétation] Je souhaite soumettre une pièce, la pièce 31,
26 si Mme l'Huissière pouvait m'aider. Il s'agit de la pièce
27 P 31, P 00031.
28 Q. Dès que vous verrez le document s'afficher à l'écran, pourriez-vous,
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1 s'il vous plaît, dire à la Chambre s'il s'agit là de la plate-forme
2 politique du HDZ de Bosnie-Herzégovine telle qu'adoptée le 23 mars 1991 ?
3 R. Est-ce que je peux voir davantage de ce texte ? Oui.
4 Q. Est-ce que vous estimiez qu'il était nécessaire de coucher par écrit la
5 plate-forme politique du parti, ou était-ce juste une question de routine ?
6 R. C'étaient des temps agités, et à des moments comme ceux-là, il est
7 difficile de rassembler tout le monde allant du sommet du parti jusqu'à la
8 base. Mais lorsque vous avez un programme résumé ainsi sous la forme
9 succincte, il représente l'essentiel, l'essentiel de ce qui a été présenté
10 comme étant le programme du parti lors de cette convention.
11 Q. Monsieur, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quelques mots au
12 sujet de l'accord Helsinki et de quelle manière est-ce que vous en avez
13 tenu compte, eu égard à la constitution de Bosnie-Herzégovine ?
14 R. Précisément, puisqu'il y a eu des transformations très brutales dans
15 l'ex-Yougoslavie dans tous les partis politiques, il y a eu beaucoup
16 d'activistes qui n'avaient pas de formation politique. La convention
17 d'Helsinki, tenue en 1974 à Helsinki, constituait le document-clé pour
18 l'avenir de l'Europe. Comme tout le monde le sait, c'est à ce moment-là
19 qu'a vu le jour l'organisation appelée l'OSCE, et l'un des principes de
20 base de la Conférence d'Helsinki a été que les frontières européennes ne
21 sauraient être changées de manière violente. Donc, c'était cela qui a
22 garanti une stabilité à la politique du vieux continent. C'est quelque
23 chose qui se révélera avoir une importance toute particulière dans le cadre
24 de l'articulation de notre politique et aussi face à nos rivaux et face aux
25 autres partis politiques de Bosnie-Herzégovine, car même avant les
26 élections, on a commencé à dire que l'avenir de Bosnie-Herzégovine était
27 incertain, à savoir, un grand nombre d'hommes politiques serbes de Bosnie-
28 Herzégovine, avant tout Biljana Plavsic, affirmaient que la Bosnie-
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1 Herzégovine constituait une petite Yougoslavie. Suite aux différentes
2 revendications slovènes, croates et puis celles qui se sont manifestées en
3 Bosnie-Herzégovine demandant l'indépendance, en particulier après les
4 conclusions de la Commission Badinter où la constitution yougoslave de 1974
5 a été reconnue en tant que valable. Or, cette constitution stipule que les
6 républiques ont créé la Yougoslavie en s'associant de leur propre gré, et
7 nombre de personnes ne tenaient pas compte de la Conférence d'Helsinki. Or,
8 j'ai insisté là-dessus, sur son importance, et comme on a pu le voir, en
9 fin de compte, les décisions de la Commission Badinter ont été acceptées et
10 toutes les Républiques de l'ex-Yougoslavie se sont vu reconnaître
11 l'indépendance, sauf que le Monténégro a refusé son indépendance en 1991,
12 au moment où est intervenue la Commission Badinter, et elle l'a eue
13 maintenant. Donc, c'était une des conditions politiques. On ne pouvait pas
14 discuter de la destruction de la Bosnie-Herzégovine. Le seul sujet de
15 conversation possible était de voir comment l'organiser intérieurement. Il
16 faut tenir compte du fait que la Bosnie-Herzégovine est un vieil Etat qui,
17 depuis 1699 et la Paix de Karlovac, n'a pas eu un changement de frontière.
18 En 1464, quand elle a perdu son indépendance, elle a été occupée par la
19 Turquie et est devenue une entité administrative distincte.
20 Q. Monsieur, nous allons aller de l'avant ?
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi --
22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais finir, s'il vous plaît.
23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,
24 mais il y a une chose qui me paraît bizarre. Je lis, ligne 5 de la page 40
25 du compte rendu d'audience en anglais, que la Bosnie-Herzégovine n'a pas
26 changé de frontières depuis 1669. Ensuite, vous dites : "Quand elle a perdu
27 son indépendance en 1463," et en fait, à ce niveau-là, on s'attend à une
28 date plus tardive, mais est-ce bien ce que vous vouliez dire, que les
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1 frontières sont restées inchangées depuis le XVIIe siècle ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Quatre-vingt dix neuf, 99, la Paix de
3 Karlovac. Ce que je voulais ajouter, c'est que lorsque la Bosnie-
4 Herzégovine a été occupée par la Turquie, elle était une entité
5 administrative distincte. Quand elle a été occupée par l'Autriche-Hongrie,
6 elle a également été désignée par les termes "corpus separatum", ce qui
7 signifie une entité distincte. Jusqu'à la dictature du roi Aleksandar, elle
8 est restée une entité administrative distincte jusqu'à 1799 [comme
9 interprété]. Le seul moment où elle n'a pas été autonome sur le plan
10 administratif, c'est la période qui va de 1929 à 1941. Dans la Yougoslavie
11 communiste, la Bosnie-Herzégovine était une république qui était à égalité
12 avec toutes les autres républiques.
13 M. SCOTT : [interprétation]
14 Q. L'accord de Helsinki de 1975 a-t-il été signé ?
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, mais il y a encore
16 quelque chose qui ne me paraît pas clair. Dans les première et deuxième
17 lignes de sa déclaration précédente, lignes 19 et 20 du compte rendu
18 d'audience, le témoin a dit 99, mais en quel siècle ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Mille six cent quatre-vingt dix neuf, la Paix
20 de Karlovac.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.
23 M. SCOTT : [interprétation]
24 Q. En 1975, l'accord de Helsinki a été signé par le président Tito, à
25 l'époque où la Yougoslavie était encore un Etat unifié ?
26 R. Le président américain Ford, le président soviétique Breschnev, Josip
27 Broz Tito et 99 hommes d'Etat européens l'ont en effet signé ensemble.
28 Q. Monsieur, jusqu'en mars 1991, puisque nous parlons du congrès du parti,
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1 est-ce qu'à peu près à ce moment-là, vous avez entendu dire ou est-ce que
2 vous avez appris que des réunions s'étaient tenues entre Franjo Tudjman et
3 Slobodan Milosevic dans un endroit appelé Karadjordjevo ?
4 R. Non, non.
5 Q. Quand vous souvenez-vous en avoir entendu parler pour la première
6 fois ?
7 R. J'ai entendu parler de cela pour la première fois de façon précise dans
8 le livre de M. Sarinic qui a présidé pendant un certain temps le
9 gouvernement de la République de Croatie. C'est un livre qui a été publié
10 il y a sept ou huit ans à Zagreb.
11 Q. Vous rappelez-vous avoir déjà discuté de ce sujet avec Stipe Mesic ?
12 R. En fait, du côté serbe, du côté croate et du côté bosniaque également,
13 à Sarajevo, des rumeurs couraient sur l'existence d'un accord secret, mais
14 personne ne disait rien de précis à ce moment-là. Le président Tudjman,
15 même dans ses conversations les plus privées, ne m'a rien dit au sujet de
16 Karadjordjevo.
17 Q. Vous-même et vous collègues du monde politique, avez-vous remarqué une
18 différence apparente dans les positions du président Tudjman vis-à-vis de
19 la Bosnie-Herzégovine avant et après cette réunion de Karadjordjevo qui a
20 donné lieu à tant de rumeurs ?
21 R. Il était clair que la politique croate était sur le point de changer,
22 car elle exigeait des accords plus nombreux avec les Serbes, mais ceci
23 était pour nous inacceptable à plus d'un titre. Premièrement, parce que les
24 Serbes avaient déjà provoqué Vukovar, et Dubrovnik provoquait les
25 événements de Vukovar et de Dubrovnik en Croatie. Deuxièmement, parce qu'en
26 Bosnie-Herzégovine, ils étaient en train d'isoler des territoires et pas
27 seulement des territoires où la population serbe était majoritaire. Puis,
28 avec l'aide de la JNA, les Serbes se sont lancés dans un projet baptisé
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1 Ram. J'ai été la première personne à publier des renseignements au sujet du
2 projet Ram après avoir entendu des conversations secrètes entre Karadzic et
3 Milosevic.
4 Q. Avant de poursuivre, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit plus
5 tôt dans votre réponse précédente quant au fait que manifestement, des
6 changements allaient intervenir dans la politique croate, exigeant des
7 accords plus fréquents avec les Serbes. Vous avez dit après la ligne 9 et
8 la ligne 10 du compte rendu d'audience que ceci était à vos yeux
9 inacceptable. Quand vous dites, "à nos yeux," de qui parlez-vous ?
10 R. Je pense avant tout à la direction du HDZ de Bosnie-Herzégovine, mais
11 également à la population croate de Bosnie-Herzégovine.
12 Q. Très bien. Alors, nous allons poursuivre.
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Si vous
14 lisez la question et la réponse dont il vient d'être question, le témoin
15 n'a pas vraiment répondu à la question qui lui était posée, qui consistait
16 à lui demander si quelque chose s'était passé avant ou après la réunion de
17 Karadjordjevo qui avait fait l'objet de tant de rumeurs. Je pense qu'il
18 faut que la réponse soit claire au compte rendu d'audience. Donc, je
19 demande s'il s'exprime comme il le fait en raison des événements qui
20 finalement, se sont déroulés ou si c'est parce que les Croates
21 s'apprêtaient à modifier leur politique.
22 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, avant que cette page ne
23 se retire de nos écrans, je pense que la question a reçu une réponse tout à
24 fait exacte. On le voit sur cette page, et le témoin a donné une réponse
25 précise à ma question en disant qu'il avait constaté une différence dans la
26 politique avant et après Karadjordjevo. Donc, le témoin a bel et bien
27 répondu. Il l'a fait.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, vous confirmez bien qu'après
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1 Karadjordjevo, vous avez constaté une différence ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle n'a pas été évidente tout de suite, mais
3 avec l'évolution ultérieure des événements, les rapports entre certains
4 représentants politiques croates et des représentants politiques serbes
5 sont devenus de plus en plus étroits. Par la suite, nous avons reçu la
6 preuve que les rumeurs relatives à Karadjordjevo étaient exactes.
7 M. SCOTT : [interprétation]
8 Q. Vous avez palé de quelque chose que avez appelé Ram, R-A-M. Pouvez-vous
9 poursuivre dans ce sens, je vous prie, mais tout en étant relativement et
10 raisonnablement concis ?
11 R. En Bosnie-Herzégovine de la Yougoslavie de l'époque, les Serbes
12 tenaient les institutions de l'Etat, la police et l'armée. Pour ma part,
13 j'accédais à certaines informations et il m'est arrivé souvent d'avoir la
14 possibilité d'entendre des conversations entre Milosevic et Karadzic. Dans
15 l'une de ces conversations, j'ai constaté qu'ils parlaient d'un homme en
16 l'appelant Ram. Ram, par ailleurs, est un nom musulman en Bosnie. Mais
17 quand vous écoutez deux fois cet enregistrement, cette cassette, vous vous
18 rendez compte que le mot Ram est censé reprendre l'idée de la Grande-Serbie
19 recouvrant Karlobag, Karlovac et allant jusqu'à Virovitica. Je me suis
20 exprimé publiquement, et d'ailleurs il existe des documents qui en
21 attestent.
22 Q. Très bien. Mais avançons et parlons du HDZ de Bosnie-Herzégovine à
23 cette époque-là.
24 Monsieur Kljuic, pour donner une idée des sujets que nous aborderons
25 plus en détail dans les quelques heures à venir, j'aimerais que vous disiez
26 aux Juges si pendant l'année 1991, à partir du congrès, des divisions de
27 plus en plus importantes se sont faites sur le plan politique entre au
28 moins deux factions au sein du parti dont je parle, à savoir le HDZ de
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1 Bosnie-Herzégovine.
2 R. D'abord, il importe de bien comprendre le contexte dans lequel tous ces
3 événements se déroulaient. Au printemps de 1991, des affrontements armés se
4 sont produits en Croatie. Avant ce moment-là, les Serbes avaient déjà
5 bloqué un tiers du territoire croate, mais à partir de Pâques 1991, à
6 partir donc de l'incident survenu dans la région des Lacs de Plitvice et
7 dans les jours qui ont suivi, à partir du moment où 12 policiers réguliers
8 de Croatie ont été assassinés à Borovo Selo, l'inimité n'a fait que
9 s'intensifier. Tout cela a eu un effet, une incidence sur la Bosnie-
10 Herzégovine. Ces premiers succès des Serbes en Croatie ont encouragé
11 Karadzic et ceux qui le suivaient en Bosnie-Herzégovine à augmenter encore
12 les tensions.
13 A cette époque-là, on constate également que des volontaires partent
14 en grand nombre de la Bosnie-Herzégovine pour aller se battre en Croatie,
15 et on voit arriver des réservistes de Serbie-et-Monténégro en Bosnie-
16 Herzégovine. Puis, on s'aperçoit qu'on arrive au dernier espoir, à la fin
17 de l'espoir de voir les dirigeants yougoslaves s'accorder sur la
18 reconstruction de la Yougoslavie.
19 La situation était également rendue très confuse par le fait que le
20 secrétaire américain, Baker, avait déjà dit, fin mars 1991, que les
21 intérêts stratégiques américains allaient dans le sens d'une conservation
22 de la Yougoslavie. Sur ce, Milosevic accroît sa pression sur les
23 républiques et, entre-temps, il a réunifié la Serbie par la force puisqu'il
24 a remplacé les représentants de Vojvodina et du Kosovo à la présidence, M.
25 Sapundija et M. Krunic, pour mettre à leur place d'autres représentants.
26 Q. Monsieur Kljuic, je vais me permettre de vous interrompre pour revenir
27 à ma question d'origine. Pouvez-vous dire aux Juges si au cours de l'année
28 1991, il y a eu une division au sein du Parti politique HDZ de Bosnie-
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1 Herzégovine que vous représentiez en étant à la tête d'une faction alors
2 que M. Boban était à la tête d'une autre faction ?
3 R. Cela n'a pas eu lieu au début de l'année 1991, en tout cas, pas de
4 façon très visible. Mais la communication est devenue de plus en plus
5 impossible.
6 Q. Pouvez-vous dire aux Juges à quel moment vous vous êtes rendu compte
7 pour la première fois de cette division, quand vous avez vu les premières
8 manifestations d'une telle division au sein du parti entre vous-même et M.
9 Boban ?
10 R. En tant que personne, Boban n'avait pas l'envergure d'un dirigeant. Il
11 était plutôt un homme de deuxième plan amené à diriger, et il ne s'est
12 jamais opposé à moi ouvertement. Mais au moment où les communications
13 étaient interrompues avec Zagreb, au moment donc où nous avons été dans
14 l'impossibilité de communiquer, il n'était plus possible qu'à partir de
15 l'ouest de la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire de régions qui n'étaient pas
16 sous le contrôle de la SAO Krajina serbe, il n'était possible à partir de
17 cette région ouest de Bosnie-Herzégovine d'atteindre Zagreb. A cet égard,
18 ce dont je parle n'a pas été l'effet de la politique officielle de la
19 Croatie, mais de la politique de certains individus à Zagreb, de certains
20 fonctionnaires qui venaient de Bosnie-Herzégovine et qui ont montré une
21 grande volonté de prendre des décisions au sujet de ce qui était en train
22 de se passer, sans nécessairement suivre la direction établie de la Bosnie-
23 Herzégovine à Sarajevo et obéir aux fonctionnaires de Sarajevo. J'ai
24 insisté, dans ces conditions, auprès du président Tudjman pour qu'il vienne
25 à Sarajevo et voit quel était vraiment le problème. Mais les conditions
26 sont devenues terribles, pas mal de routes en Bosnie-Herzégovine ont été
27 bloquées et il y avait l'évolution de la situation militaire en Croatie qui
28 a eu des effets sur la Bosnie-Herzégovine, et cela a encouragé pas mal de
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1 gens à donner des directives et à prendre initiatives, si bien qu'il y
2 avait de moins en moins de gens qui obéissaient, finalement, aux décisions
3 et aux consignes que nous donnions depuis Sarajevo.
4 Q. J'aimerais qu'en quelques phrases vous disiez aux Juges de la Chambre
5 quelle était la position politique officielle du HDZ à l'époque, je parle
6 du HDZ sous votre direction. J'aimerais que vous décriviez à la Chambre
7 également les positions de l'autre faction dont il a été question. Donc
8 pouvez-vous, je vous prie, dire aux Juges de la Chambre quelles étaient vos
9 positions politiques à l'époque et celles de votre parti ?
10 R. D'abord, dans le cadre du programme politique pour lequel j'avais
11 obtenu le soutien sans partage de la population ainsi que des membres du
12 HDZ, je m'en suis tenu à ce programme et j'en ai parlé en public. Les
13 Croates avaient pour mission de se battre pour l'indépendance de la Bosnie-
14 Herzégovine et pour l'égalité du statut des Croates de Bosnie-Herzégovine
15 par rapport à celui des Serbes, des Bosniens et des autres. Voilà quelle
16 était la teneur du programme politique qui, d'ailleurs, s'appuyait sur les
17 résultats de la Conférence d'Helsinki.
18 Car pour ma part en tout cas, je ne voulais pas croire que la Bosnie-
19 Herzégovine pouvait se diviser. Mais sur le terrain, les choses ont évolué
20 d'une façon tout à fait différente. Il y a même eu des accords, parce que
21 je dois dire que lorsque les Serbes se sont rendu compte qu'ils ne
22 parvenaient à rien avec moi. Par exemple, j'ai eu une offre de M. Karadzic
23 qui m'a proposé cinq millions pour lâcher M. Izetbegovic. Je lui répondu
24 que je n'étais pas l'homme d'Izetbegovic, mais que j'étais l'homme de la
25 Bosnie-Herzégovine. Le fait qu'Izetbegovic disait à cor et à cri qu'il
26 était également favorable à la Bosnie-Herzégovine unifiée, cela n'était pas
27 une raison pour qu'il agisse de cette façon. Mais il y a avait pas mal de
28 gens dans le pays qui avaient du mal à comprendre la situation.
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1 Parce que rendez-vous compte, les Musulmans, les Bosniens,
2 souffraient autant de la part de Milosevic que nous souffrions nous-même et
3 je considérais qu'ils étaient donc nos alliés politiques du côté de la
4 défense. J'ai fait quelque chose d'important en refusant de laisser partir
5 les Musulmans sous la houlette de Milosevic, car si cela avait eu lieu,
6 l'armée yougoslave qui disposait d'armes et de tous les officiers aurait pu
7 mobiliser tous ces Musulmans de Bosnie qui étaient au nombre de plusieurs
8 centaines et de plusieurs milliers et ils auraient réussis à nuire, en tout
9 cas pour partie, à la Croatie. Notre résistance commune a donc provoqué de
10 gros problèmes à Milosevic et à Karadzic. Cependant, les rumeurs couraient
11 quant au fait que j'étais aux ordres d'Izetbegovic.
12 Q. Monsieur le Juge --
13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, mais il y a une chose
14 qui me frappe dans ce que vous avez dit. Vous avez dit : "J'ai refusé que
15 les Musulmans puissent passer sous la houlette de Milosevic." Mais comment
16 pouviez-vous expliquer que les Musulmans auraient eu à vous demander
17 l'autorisation pour ce faire ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il n'est pas question d'autorisation.
19 Mais, en parlant aux partis des Musulmans, j'ai expliqué à un grand nombre
20 de personnes quelles seraient les conséquences à prévoir s'ils donnaient
21 leur appui à Milosevic. Or, des propositions de ce genre étaient nombreuses
22 à l'époque. Je n'ai pas pu le faire seul bien sûr je n'aurais pas pu
23 obtenir ce résultat sans l'aide des dirigeants musulmans, mais ceci a eu un
24 effet très important de voir qu'au moment où la Croatie était attaquée.
25 Bien, il était important que les Musulmans au moins restent neutres et cela
26 exigeait pas mal de travail. Je ne vais pas rentrer dans les détails. J'ai
27 sans doute bénéficié de l'aide de Dieu pour parvenir à le faire. Par
28 chance, nous avons eu les Musulmans, les Bosniens comme alliés de notre
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1 côté, alliés politiques. Ce qui se devait se passer plus tard, cela est
2 autre chose. Mais, à ce moment-là, alors que la Croatie était en feu, il
3 était très important de faire en sorte que les Musulmans soient neutres.
4 Mais pour certains provinciaux peu nombreux d'ailleurs, mais qui n'étaient
5 pas de mon côté, bien, il était très facile de déclarer que j'étais aux
6 ordres d'Izetbegovic. Par la suite --
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
8 M. SCOTT : [interprétation]
9 Q. Je vais vous arrêter et retourner à --
10 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Si cette
11 question est --
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non.
13 M. SCOTT : [interprétation]
14 Q. Monsieur, vous avez dit, il y a quelques instants -- alors que je vous
15 demandais de décrire votre position, vous avez dit le texte n'est plus à
16 l'écran, mais je crois me rappeler que vous avez dit être favorable à
17 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine.
18 R. Oui.
19 Q. Quelles étaient votre position et la position de la direction du HDZ au
20 sujet de la souveraineté et de l'indivisibilité de la Bosnie-Herzégovine ?
21 R. C'est absolument la même qui figure dans tous nos documents. Ceci
22 figure même dans des documents publiés en octobre et novembre 1991, déjà.
23 Q. J'aimerais que nous changions légèrement les directions, Monsieur. En
24 parlant des positions de M. Boban et de son entourage qui n'étaient pas les
25 mêmes que les vôtres puisque c'est ce que vous avez décrit il y a quelques
26 minutes aux Juges, n'est-ce pas ?
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais demander
28 un éclaircissement. Dans la question précédente il était question des
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1 dirigeants. Le témoin a indiqué que Boban était vice-président. Donc sur la
2 base de cette réponse, la seule chose que je peux comprendre c'est que
3 Boban était d'accord avec le témoin par rapport à la question posée dans la
4 dernière question. Donc, si nous avons le temps il serait peut-être
5 préférable d'entendre le témoin nous dire quand a eu lieu une division
6 éventuelle, cela rendrait les choses plus simples.
7 M. SCOTT : [interprétation]
8 Q. Monsieur, quelles étaient les positions politiques de
9 M. Boban et de son entourage si elles n'étaient pas les mêmes que les
10 vôtres ? Une fois que vous nous aurez dit, dites-nous ce qu'il en est
11 advenu -- ce qu'il en a découlé et dont vous avez eu connaissance
12 éventuellement.
13 R. Bien, je dirais d'abord que nous agissions en tant que présidence, et
14 toutes les décisions étaient acceptées par tous les membres de la
15 présidence avant d'être rendues publiques. Là, il n'y avait aucun
16 désaccord.
17 Deuxièmement, Boban effectivement avait le soutien d'un certain nombre de
18 dirigeants mais pas de tous. Au contraire. A cette époque-là, les
19 dirigeants municipaux étaient dans la majorité sur la ligne du HDZ, il y
20 avait Damir Vlasic, décédé depuis, qui était le président du HDZ; de
21 Mostar, Milivoj Gagro, maire de Mostar, et d'autres dirigeants municipaux
22 qui partageaient ces positions. L'influence de Mate Boban ne débutera que
23 plus tard, lorsqu'il y aura interruption complète de la communication. Il a
24 obtenu la sympathie de Zagreb - ceci est indubitable - mais,
25 officiellement, jusqu'à la séance plénière du 2 février 1991, je n'ai
26 jamais eu de problème avéré avec Boban.
27 Q. Si je me permets de vous interrompre, Monsieur, nous reprendrons dans
28 un instant --
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1 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Est-ce que je peux vous
2 interrompre ?
3 M. SCOTT : [interprétation] Bien entendu, oui.
4 L'INTERPRÈTE : Microphone pour M. le Juge Prandler.
5 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vais recommencer.
6 J'aimerais demander au témoin puisqu'il a parlé de personnalités
7 importantes, si toutes ces personnalités, y compris Demirovic, décédé
8 depuis, si je ne m'abuse, qui présidait le HDZ, et Milivoj Gagro, maire de
9 Mostar. Donc, j'aimerais demander au témoin s'il veut dire que ces hommes
10 soutenaient la ligne du parti à savoir la ligne qui vient d'être expliquée
11 à l'instant par vous-même, Monsieur, autrement dit, la ligne qui était la
12 vôtre ? Ou est-ce que vous voulez dire qu'il y avait une différence entre
13 la ligne politique du HDZ de Bosnie-Herzégovine, et la ligne du HDZ de
14 façon générale ? J'aimerais que vous nous expliquiez cela.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, la ligne en question était
16 également la ligne politique du HDZ de Croatie, mais elle était avant tout
17 la ligne politique du HDZ de Bosnie-Herzégovine.
18 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci.
19 M. SCOTT : [interprétation]
20 Q. Je vous ai interrompu, il y a quelques instants, pour vous poser une
21 question très semblable à celle que vient de vous poser
22 M. le Juge Prandler, mais pour que le compte rendu d'audience soit clair,
23 je vous la repose, vous avez fait référence à des hommes tels que Demirovic
24 et Gagro, est-ce que ce faisant j'ai bien compris ce que vous disiez en
25 pensant que votre propos consistait à dire que ces hommes étaient
26 favorables à une politique multiethnique, d'indépendance, et de
27 souveraineté pour la Bosnie-Herzégovine ?
28 R. Il y a une erreur au compte rendu d'audience. D'où vient ce Demirovic.
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1 Je n'ai jamais parlé de Demirovic. Or son nom ne cesse de se présenter à
2 l'écran. J'ai parlé de Damjan Vlasic, et de Milivoj Gagro. Nikola Mandic
3 était le représentant le plus âgé, et il y en avait bien d'autres. Nous ne
4 nous comptions pas à l'époque, mais, avec le temps, on constatera que tous
5 ces hommes vont suivre chacun leur route.
6 Q. Très bien. Revenons à quelque chose que je m'efforce de faire depuis
7 déjà quelques temps. Pouvez-vous décrire aux Juges les positions de M.
8 Boban par rapport à celles qui étaient les vôtres et celles qui étaient
9 défendues par des hommes comme M. Gagro ?
10 R. Je dois dire que Mate Boban n'a jamais exprimé publiquement ses
11 positions politiques, mais il était clair que de même que certaines
12 personnes issues des milieux musulmans et du Parti serbe, autrement dit, du
13 SDA et du SDS, il avait avec ces gens des relations très étroites.
14 A cette époque-là, Karadzic cherchait n'importe qui était prêt à démolir la
15 politique du HDZ de Bosnie-Herzégovine, et la propagande serbe, à Belgrade
16 comme à Zagreb, ne cessait de faire courir des informations selon
17 lesquelles j'aurais été l'homme d'Izetbegovic. Quelqu'un qui entendait cela
18 et qui n'avait pas d'expérience était influencé par de telle déclaration.
19 Mais sur le plan politique officiel, il était très important que le SDA ne
20 se range pas du côté
21 de Milosevic, et ceci prendra toute sa valeur plus tard lorsque l'on verra
22 Milosevic conclure un accord historique avec un autre dirigeant musulman.
23 En ce qui me concerne --
24 Q. Permettez-moi de vous interrompre. Les divergences entre vous-même et
25 M. Boban s'aggravent à partir de 1991, mais un moment est-il arrivé où vous
26 avez été exclu du parti ?
27 M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, je comprends bien les
28 difficultés de M. Scott, mais j'apprécierais qu'il ne pose pas des
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1 questions directrices au témoin sur des questions pas aussi importantes que
2 celle qui fait l'objet de sa dernière question.
3 M. KARNAVAS : [interprétation] Je complèterais cette déclaration par
4 quelques remarques supplémentaires. Ligne 18 de la page précédente, page 51
5 du compte rendu d'audience, le témoin a parlé du SDA et du SDS, qui
6 auraient eu des relations étroites avec Mate Boban. Ceci n'apparaît pas
7 dans la version anglaise du compte rendu d'audience.
8 Puis, je crois que nous méritons une réponse complète à la dernière
9 question qui vient d'être posée au témoin. Il s'apprêtait, je l'espère, à
10 donner le nom du dirigeant musulman qui était censé avoir été en contact
11 avec le SDS ou avec Milosevic pour conclure un accord. Donc, j'aimerais que
12 son nom nous soit donné.
13 M. SCOTT : [interprétation]
14 Q. Monsieur, voudriez-vous bien terminer votre dernière réponse si vous
15 souhaitiez le faire, après quoi j'aimerais que nous avancions plus
16 rapidement dans la chronologie de 1991 ?
17 R. Le numéro 1 musulman s'appelait Alija Izetbegovic. Je l'ai dit pour le
18 compte rendu d'audience.
19 Q. A un moment, est-il arrivé, Monsieur, que vous ayez été exclu du
20 parti ?
21 M. MURPHY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais peut-
22 être que M. Scott n'a-t-il pas entendu mon objection tout à l'heure. Cette
23 question est très importante, donc il n'est pas acceptable que des
24 questions directrices soient posées au cours de l'interrogatoire principal
25 sur des sujets aussi importants que celui-ci. Si tel était le cas, la
26 valeur probante de la déposition serait détruite, car en fait, c'est M.
27 Scott qui témoigne et pas le témoin.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, essayez de ne pas poser vos
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1 questions sous forme directrice. C'est le témoin qui doit nous éclairer sur
2 ce qui s'est passé et non pas que vous lui induisiez les réponses.
3 Donc, ce qui est intéressant pour les Juges, je parle pour moi, mais
4 je pense que mes collègues sont également sur le même plan, c'est de savoir
5 pourquoi entre lui et Mate Boban, il va y avoir, semble-t-il, une
6 divergence et des vues différentes. Donc, c'est cela qui nous intéresse.
7 M. SCOTT : [interprétation] Je suis absolument d'accord avec vous et cela
8 fait environ 15 minutes que je demande à M. Kljuic de nous apporter cette
9 réponse. Peut-être qu'avec les encouragements de la Chambre, maintenant M.
10 Kljuic pourrait effectivement répondre à la question qui est comme suit.
11 Q. Quelle était la teneur ou la nature de la division, de la scission
12 entre lui et M. Boban ? Est-ce que vous pourriez répondre à cette question
13 précisément ?
14 R. En fait, cette scission n'a pas été manifeste, apparente immédiatement.
15 Cette croyance ou cette aspiration à une Bosnie-Herzégovine intégrale est
16 devenue de plus en plus difficile à tenir au vu de la situation qui
17 prévalait sur le terrain. Toutefois, ce qui était absolument primordial
18 pour Boban et moi-même était les documents du parti et le programme du
19 parti tel que je les interprétais. D'ailleurs, il ne s'est jamais opposé à
20 moi, soit en privé, soit lors de réunions. A Zagreb, les gens avaient un
21 certain respect pour lui, et je pense à des personnes qui détenaient des
22 positions de pouvoir et pas forcément des personnalités politiques. Par
23 ailleurs, je dirais que j'ai été préoccupé en tant que membre de la
24 présidence par ce qui se passait, par l'état de la situation. Il y a eu
25 négociations avec la communauté internationale, puis il y avait également
26 les problèmes auxquels nous devions faire face au sein des institutions de
27 la Bosnie-Herzégovine. Vous devez savoir qu'il n'y avait que six mois que
28 le gouvernement avait changé. Nous nous évertuions, dans la mesure de nos
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1 moyens, de remplacer les cadres communistes qui détenaient des positions
2 importantes. Le HDZ, par exemple, n'avait pas d'ordinateurs où les noms des
3 candidats auraient pu être énumérés et par ordre d'importance. Tout le
4 monde voulait avoir ses propres représentants, Zenica, Livno, et cetera,
5 tout le monde voulait obtenir une fonction au niveau de l'administration de
6 l'Etat. Pendant que je faisais ce genre de travail, d'autres personnes
7 délibéraient, réfléchissaient, méditaient et se disaient que ce ne serait
8 pas une mauvaise idée que les Serbes prennent telle partie, et nous, les
9 Croates, nous aurions pris telle autre partie. Cela, en fait, l'apogée est
10 arrivée le 2 février 1992. Il y a un moment de cela, il a été fait mention
11 du fait que j'ai été renvoyé du HDZ. Personne ne m'a éjecté, ne m'a expulsé
12 du HDZ. Le 2 février 1992, j'ai remis ma démission, et conformément au
13 statut, j'aurais dû rester jusqu'à la nouvelle convention. Cette nouvelle
14 convention d'ailleurs n'a jamais eu lieu. Ils ont nommé quelqu'un d'autre.
15 Voilà, c'était leur affaire.
16 Toutefois, il y a eu une autre faction parmi la direction croate qui
17 était manifestement opposée aux Musulmans. L'un de ces protagonistes, l'une
18 de ces personnes, l'un de ces protagonistes m'a dit, le 2 février 1992,
19 alors qu'il a fait un discours et puis ensuite, nos chemins se sont
20 séparés, il a dit que du fait de Stjepan Kljuic, les Croates ne pouvaient
21 pas rester sous le joug des Turcs pendant encore 500 ans.
22 Alors, peut-être que cela n'a pas son importance, mais le bruit
23 courait que sa femme était la fille d'un agent du renseignement serbe.
24 Q. Qui a fait cette déclaration ?
25 R. Vous savez, je suis un gentleman, je ne veux pas -- ne me faites pas
26 citer de noms. Je ne l'accuse pas. C'est peut-être quelqu'un qui est
27 important du point de vue politique. Mais je vous relate cet incident qui
28 est véridique.
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1 Q. Juste que le compte rendu soit clair --
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Alors je souhaiterais que cela soit biffé du
3 compte rendu d'audience. Si aucun nom n'est cité, comment accorder une
4 validité à ce qui a été dit ? La valeur probante de ce qui a été dit est
5 inférieure au tort qui est causé. Donc, soit il faut nommer la personne,
6 soit retirer ce qui ce a été dit. Mais je pense qu'il est absolument
7 essentiel que le témoin nous donne le plus de détails possible et le plus
8 grand nombre de noms possible pour que nous puissions corroborer tout cela.
9 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je vais effectivement
10 poser des questions de suivi, mais je pense que le point de vue exprimé par
11 Me Karnavas est un tant soit peu exagéré. Je ne pense que nous puissions de
12 ce fait biffer ou faire disparaître cette partie de la déposition du
13 témoin, mais je vais lui poser la question.
14 Q. Monsieur, si je vous ai bien compris, à la page 54, ligne 22, vous avez
15 dit que "l'un de ces protagonistes," vous avez dit, je vous cite : "M'a dit
16 le 2 février que nos chemins se sont séparés. Il a fait un discours, et
17 ensuite nos chemins se sont séparés, et il a dit qu'à cause de Stjepan
18 Kljuic, les Croates ne resteraient pas sous le joug des Turcs pendant
19 encore 500 ans." Je vous demande si vous pouvez indiquer à la Chambre de
20 première instance de qui il s'agit.
21 R. De grâce, ne me faites pas dire cela. Vous savez, j'ai mon propre code
22 de conduite. Je suis venu ici pour vous expliquer la situation et pour ne
23 pas être exposé à ce genre de chose. Cette personne occupe une fonction à
24 l'heure actuelle et il ne m'appartient pas de dire d'où est originaire la
25 femme ou l'épouse de quelqu'un. J'essayais tout simplement de vous décrire
26 l'environnement dans lequel --
27 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] J'attends l'interprétation,
28 l'interprétation française. Maintenant, ce que j'aimerais dire, c'est qu'à
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1 mon avis, il est évident que nous ne pouvons pas obliger le témoin à nous
2 citer des noms s'il ne souhaite pas le faire, mais quoi qu'il en soit, je
3 pense que la référence qui a été faite à cette déclaration proférée par un
4 de ces collègues n'a pas de valeur probante pour le moment, en tout cas.
5 Mais par ailleurs, cette façon donc de préciser ces 500 ans sous
6 l'occupation turque est une précision qui a son importance. Je souhaiterais
7 que cela soit conservé au compte rendu d'audience.
8 Donc, je pense que nous ne devons pas oublier les droits des témoins. Je
9 vous remercie.
10 M. SCOTT : [interprétation]
11 Q. Pour poursuivre, Monsieur, et nous reviendrons là-dessus
12 ultérieurement, donc vous avez démissionné du parti le 2 février 1992
13 environ. C'est bien ce qu'il faut comprendre de vos dires ?
14 R. Oui, c'est exactement ce qui s'est passé, le 2 février précisément.
15 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais demander l'aide de Mme l'Huissière,
16 je souhaiterais en fait vous demander de bien vouloir consulter la pièce P
17 00032.
18 Q. Lorsque vous aurez pu examiner ce document, est-ce que vous pouvez
19 confirmer qu'il s'agit bien de la réunion, de la présidence du HDZ de la
20 Bosnie-Herzégovine, réunion qui a eu lieu le 4 avril 1991.
21 R. Est-ce que vous pourriez faire défiler le texte vers le bas, je vous
22 prie ? Voilà, oui, oui, il s'agit bien de cela.
23 Q. Alors, vous voyez donc le point 5 de l'ordre du jour qui est indiqué à
24 titre de référence et puis ensuite, il est question des membres de la
25 présidence, vous avez une liste de noms, est-ce que vous pouvez nous
26 confirmer qu'il s'agit une liste exacte des membres de la présidence du
27 parti à cette époque ?
28 R. Je ne vois pas de liste.
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1 Q. Je pense qu'il faut peut-être passer à la page suivante dans la version
2 B/C/S. Je pense qu'il s'agit de la page 2, je pense qu'on a en fait sauté
3 cette page. Il s'agit de la page 2 du document B/C/S. Voilà. Vous pouvez
4 voir, vous voyez les noms ?
5 R. Oui, oui. Oui, oui, c'est exact. Il s'agit de la liste exacte des
6 membres de la présidence, donc après la convention de Mostar.
7 Q. J'aimerais maintenant vous demander ou demander l'aide du Greffier,
8 j'aimerais en fait que la pièce P 0064 soit affichée.
9 Est-ce que vous pouvez confirmer qu'il s'agit bien d'un extrait de la
10 seconde session de la présidence du HDZ de la Bosnie-Herzégovine ? La
11 réunion s'est tenue donc le 16 avril 1991.
12 R. Oui.
13 Q. J'aimerais vous poser une ou deux questions. Vous avez au point 3 du
14 document, vous voyez qu'il y a donc tous ces éléments qui ont été
15 numérotés, il s'agit de la page 4 de la version B/C/S, au numéro 3. Au
16 troisième paragraphe du point 3, il est dit : "Nous condamnons toute
17 tentative de changement de frontières de la Bosnie-Herzégovine." Est-ce que
18 cela a continué à être la politique officielle du HDZ de la Bosnie-
19 Herzégovine à l'époque ?
20 R. Oui. En fait, cela fait référence à la situation sur le terrain.
21 Q. Si vous prenez le tout dernier paragraphe, toujours pour ce point
22 numéro 3, donc, cela se trouve juste avant le point numéro 4, est-ce qu'il
23 est bien indiqué : "Un soutien intégral est apporté au gouvernement de la
24 Bosnie-Herzégovine pour ce qui est de ses tentatives de préservation de
25 l'intégrité de la Bosnie-Herzégovine" ? Est-ce que vous pouvez confirmer à
26 notre intention, je vous prie, que cela a continué à être la position
27 officielle du HDZ de l'ABiH et ce en avril 1991 ?
28 R. Oui.
Page 3861
1 Q. J'aimerais attirer votre attention sur la pièce 36. Lorsque vous aurez
2 eu la possibilité d'étudier ce document, Monsieur, est-ce que vous pourriez
3 confirmer qu'il s'agit bien du procès-verbal de la troisième session
4 ordinaire de la présidence du HDZ de l'ABiH, session qui s'est tenue le 29
5 août 1991 ?
6 R. Oui.
7 Q. A cette réunion, nous voyons donc au premier point sous l'introduction
8 qu'il est indiqué que ladite session a été présidée par M. Boban et peut-
9 être, en fait, qu'il faudrait continuer à faire défiler un peu vers le bas
10 le document.
11 R. Oui. Est-ce que vous pourriez faire défiler le document pour que je
12 puisse en prendre connaissance ?
13 Q. Oui. Apparemment, il y a quelques difficultés techniques.
14 Une fois que vous aurez fini d'examiner le document, est-ce que vous
15 pourriez nous confirmer qu'il s'agit du procès-verbal de la réunion du 29
16 mai 1991 ?
17 R. Oui, oui, oui, oui, c'est exact.
18 Q. Lors de cette réunion, M. Boban a présidé la réunion en votre absence.
19 Consultez le document et dites-nous si cela est bien indiqué dans le
20 document.
21 R. Oui.
22 Q. Quels sont les contacts que vous continuiez à avoir avec les
23 responsables du HDZ à Zagreb pendant cette période ?
24 R. Des contacts tout à fait corrects, en bonne et due forme.
25 Q. Avec quelle fréquence est-ce qu'il y avait des réunions ? Est-ce qu'il
26 y avait un système permettant d'organiser des réunions de façon régulière,
27 est-ce qu'il y avait dont soit une délégation qui se rendait en Bosnie
28 régulièrement, ou inversement, est-ce qu'il y avait une délégation de
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1 Zagreb qui venait vous rencontrer ?
2 R. Il y avait des contacts réguliers, à raison d'une fois par semaine, au
3 moins. La plupart du temps, c'était nos représentants qui se rendaient à
4 Zagreb et qui transmettaient nos points de vue, qui tenaient des
5 consultations et qui revenaient avec des suggestions.
6 Q. Est-ce que vous vous souvenez en fait, pour ce qui est du parti en
7 Bosnie, du parti à Zagreb, est-ce que vous vous souvenez, disais-je, du nom
8 des personnes du parti à Zagreb qui participaient le plus régulièrement à
9 ces réunions ?
10 R. Il y avait un certain nombre de personnes. Lorsque nous étions à
11 Zagreb, nous étions reçus par le président Tudjman de façon quasi
12 obligatoire et également par le premier ministre, Greguric, mais lorsqu'il
13 venait en Bosnie, il y avait davantage de personnes. Parfois, il y avait
14 des personnalités très importantes, parfois des représentants moins
15 importants qui se contentaient de transmettre plus ou moins ce qu'on leur
16 avait dit à Zagreb, ils n'avaient pas leurs propres suggestions, hormis
17 celles qu'ils avaient en fait, hormis ce qu'ils nous disaient en privé.
18 Mais ils se contentaient de transmettre les suggestions présentées par
19 autrui.
20 Q. J'aimerais attirer votre attention sur le 13 juin 1991. Est-ce que vous
21 pourriez dires aux Juges si vous vous souvenez que vous-même ainsi que
22 d'autres représentants du parti de Bosnie vous êtes réunis à Zagreb ce
23 jour-là ?
24 R. Entre le 13 et le 20 juin, deux délégations croates de la Bosnie-
25 Herzégovine ont été reçues à Zagreb. Je faisais partie de la délégation qui
26 se trouvait là-bas le 13 juin.
27 Q. Est-ce que vous vous souvenez qui a participé à cette réunion, et je
28 pense aux personnes de Zagreb ? Qui était présent le 13 ?
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1 R. De nombreux présidents de municipalités, des députés, des membres du
2 gouvernement. Il y avait de nombreuses personnes et il y a eu un procès-
3 verbal qui a été dressé lors de cette réunion.
4 Q. Très bien. Donc, qui était le plus haut représentant, soit du parti,
5 soit du gouvernement, qui a participé à cette réunion du 13 juin 1991, pour
6 Zagreb, j'entends ?
7 R. Il y avait le président Tudjman, il y avait M. Manolic,
8 M. Mesic. Je ne sais pas ce qu'il en était de Milan Ramljak ou Brozovic.
9 Mais il y avait des gens qui appartenaient aux échelons supérieurs du HDZ.
10 Q. Est-ce que vous vous souvenez de l'ordre du jour de cette réunion ou du
11 but de la réunion, de ce qui fit l'objet de discussion pendant cette
12 réunion ?
13 R. Mais, écoutez, je ne me souviens pas de tous les détails, car beaucoup
14 de temps s'est écoulé depuis. Mais nous avons parlé de sujet d'actualité,
15 des affaires courantes, la Croatie avait déjà été attaquée, il y avait une
16 grande partie du territoire qui avait été bouclé, il y avait donc des
17 insurrections de Serbes à Knin. Puis, il faut savoir, en fait, que pour ce
18 qui est de la République d'Herzégovine, en fait, ils n'étaient pas proches
19 d'un accord. En juin, en fait, les Etats-Unis ont changé de point de vue à
20 propos de la Yougoslavie.
21 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire, au vu de tous ces événements, est-ce
22 que vous pouvez nous dire, disais-je, ce qui a fait l'objet de discussions
23 lors de cette réunion entre les représentants politiques à Zagreb et ceux
24 qui venaient de Bosnie, si vous vous en souvenez ?
25 R. Ecoutez, je suppose que nous avons fait une analyse de la situation
26 politique.
27 M. LE JUGE PRANDLER : [aucune interprétation]
28 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît, Monsieur le Juge.
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1 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je pense qu'aux lignes 18, 19 et 20,
2 il y a une phrase. Le témoin a dit, je cite : "Et parmi -- et au niveau de
3 l'Herzégovine, parmi la République, ils n'étaient pas proches d'un accord."
4 Alors, je dois dire, en fait, que je ne comprends pas tout à fait cette
5 phrase. Il se peut que ce soit une question de traduction, peut-être que je
6 suis dans l'erreur, mais j'ai entendu que le témoin avait parlé de la
7 République d'Herzégovine, je me demande si cette phrase pourrait être
8 précisée par le témoin, cette phrase donc où il est question d'Herzégovine.
9 M. SCOTT : [interprétation]
10 Q. M. Kljuic, est-ce que vous pouvez aider le Juge Prandler ?
11 R. Si vous commencez, en fait, mes phrases, je n'ai pas mentionné la
12 République d'Herzégovine. Si vous pouviez peut-être commencer la phrase en
13 question, je la finirai.
14 Q. Il s'agit des lignes 17 et 18, page 60. Vous avez commencé par dire :
15 "Une partie du territoire avait été bouclée, il y avait donc l'insurrection
16 des Serbes à Knin," et ensuite, il est dit au compte rendu d'audience : "Et
17 en Herzégovine, parmi le public," et je me contente de lire le compte rendu
18 d'audience : "Ils n'étaient pas véritablement proches d'un accord ou en
19 voie de conclure un accord."
20 R. Je ne peux pas vous le dire parce que le reste, après la mention qui
21 est faite à l'insurrection des Serbes à Knin, c'est hors de contexte, le
22 contexte n'est pas logique.
23 L'INTERPRÈTE : Les interprètes notent qu'ils ont dit:"Les président des
24 républiques."
25 Mme ALABURIC : [interprétation] L'interprète souhaiterait dire que le
26 témoin a dit : "Les dirigeants yougoslaves n'étaient pas en bonne voie pour
27 parvenir à un accord."
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, voilà, c'est cela. Parce qu'en fait, les
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1 Serbes avaient lancé cette rébellion en Croatie et, entre-temps, des
2 réunions ont eu lieu entre les dirigeants de la République yougoslave qui
3 n'étaient pas en mesure de trouver une solution, et la situation n'a fait
4 que se corser parce que la présidence de la Yougoslavie n'était pas en
5 mesure de fonctionner en bonne et due forme à l'époque.
6 M. SCOTT : [interprétation]
7 Q. A cette réunion, Monsieur, quel fut, en fait, le point de vue ou le
8 point de vue politique du HDZ vis-à-vis de la Croatie ou du HDZ en Croatie,
9 en Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que cela a fait l'objet de discussions ?
10 Est-ce qu'il a été question de la politique qui devrait être suivie ?
11 R. Oui. Mais il n'y a pas eu de changement de point de vue puisque nous
12 parlons du 13 juin 1991.
13 Q. Très bien. Sans parler de changement, est-ce que vous pouvez nous dire
14 quelle fût la teneur de la discussion, à l'époque ?
15 R. La situation était très difficile, très complexe. Le destin de la
16 Yougoslavie n'était pas connu. M. Mesic était censé devenir président de la
17 présidence d'Etat yougoslave, Milosevic n'a pas autorisé à ce que cela se
18 passe, il y a eu un intérim au sein de la présidence. Par ailleurs, sur le
19 terrain, nous avons dû faire face à de grands problèmes relatifs à la
20 mobilisation parce que l'armée populaire yougoslave avait demandé la
21 mobilisation des jeunes hommes dans l'armée, ils demandaient qu'ils se
22 rendent sur les champs de bataille et sur la ligne de front en Croatie. Les
23 gens ne voulaient pas laisser leurs enfants partir, ce qui a engendré des
24 problèmes : les gens dissimulaient leurs enfants, ils les envoyaient à
25 l'étranger et les soldats commençaient à revenir dans des cercueils du
26 théâtre de guerre en Slovénie et en Croatie. Il y avait des rassemblements
27 qui ont été organisés par des femmes, par des mères, et les Serbes de
28 Bosnie insistaient pour que les jeunes hommes se rallient et soient
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1 mobilisés. Donc la situation était extrêmement complexe, nous avions déjà
2 des réfugiés, ce qui fait que cette réunion a été organisée pour voir
3 comment nous pouvions aider la Croatie et comment la Croatie pouvait nous
4 aider, mais il n'y a pas eu de discussion à propos d'un programme
5 politique, cela, c'était encore assez stable, même très stable.
6 Q. Est-ce qu'il y a eu une discussion à l'époque à propos des trois
7 possibilités concernant la Bosnie-Herzégovine ?
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, car je
9 comprends que nous sommes tous en train d'essayer de ne pas perdre de
10 temps, mais lorsqu'il s'agit, en fait, de questions qui sont aussi ouvertes
11 que cela, il s'agit vraiment de questions très, très directrices et cela
12 commence à devenir critique.
13 M. SCOTT : [interprétation] Nous allons poursuivre.
14 Q. Si vous ne vous souvenez pas de la discussion à propos de la Bosnie-
15 Herzégovine, et si vous ne vous en souvenez pas, nous pouvons tout
16 simplement passer à autre chose.
17 R. Je dois vous dire que la Bosnie-Herzégovine a toujours été un seul et
18 même Etat, et le peuple croate y a toujours été sur un pied d'égalité avec
19 les autres peuples. Mais, on commençait déjà à dire à ce moment-là, s'il
20 n'y a plus de Bosnie-Herzégovine que va-t-il advenir de nous ? Mais d'autre
21 part, il y avait la question yougoslave, on demande de plus en plus une
22 Confédération pour remplacer une Yougoslavie centralisée. Ce sont des
23 questions politiques très importantes. Donc, des représentants politiques
24 d'un peuple, qui sont présents dans deux républiques, doivent envisager
25 toutes les options, mais ce ne sont pas des options contraignantes. Il
26 s'agit juste de discussions. Vous avez vu les PV des deux réunions du
27 conseil exécutif du HDZ de Bosnie-Herzégovine, vous voyez qu'on prône
28 toujours une Bosnie-Herzégovine souveraine avec une position équitable pour
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1 le peuple croate au sein de cet Etat.
2 Q. Monsieur, vous avez dit, ligne 24 et 25, que : "Toutes les options
3 faisaient l'objet de discussions." C'est précisément ce qui m'intéresse.
4 Quelles étaient ces options, qu'elles soient contraignantes ou pas ? A
5 cette réunion quelles sont les options ou variantes dont on a parlé ?
6 R. Il s'agissait d'une analyse politique de la situation avec des
7 prévisions pour l'avenir. Dans cette situation, les Serbes rebelles de
8 Croatie avaient bloqué un tiers du territoire de la Croatie. A ce stade
9 déjà en Bosnie-Herzégovine, des sécessions de différentes régions étaient
10 envisagées, comme celle de la Krajina serbe. Vous aviez le lien entre Knin
11 et Drvar. Le blocus des voies de circulation, l'échec des négociations sur
12 le plan yougoslave, et aussi on commence à se demander comment va agir dans
13 un cas concret, car la guerre menaçait de s'étendre en Bosnie-Herzégovine
14 vu qu'une partie des opérations de guerre contre la Croatie - il ne faut
15 jamais l'oublier - a été mené depuis le territoire de Bosnie-Herzégovine.
16 Mais la guerre n'a pas été menée par les forces légales de Bosnie-
17 Herzégovine -- loyales à la présidence de Bosnie-Herzégovine car nous
18 n'avions pas notre armée. Ces combats ont été menés par des forces à
19 Milosevic et à Kadijevic, qui se sont servis du territoire de Bosnie-
20 Herzégovine où les Serbes étaient majoritaires où ils les ont armés et
21 c'est de là qu'ils pilonnaient la Croatie. Tout ceci a fait l'objet de ces
22 pourparlers ou de ces discussions. Puis il faut savoir comment cela se
23 passe, quand vous avez un de vos propres qui est mort, qui est tué, on dit,
24 On ne veut plus jamais avoir affaire aux autres. Donc, il fallait sans
25 arrêt calmer le jeu au sein du peuple serbe, empêcher les extrémistes
26 qu'ils ne se mettent au premier plan, puis il fallait prendre en compte des
27 cas sociaux parce que d'ores et déjà il y avait des gens qui manquaient de
28 vivre, de médicament, et c'est la raison pour laquelle il a fallu qu'on
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1 adresse à nos organisations humanitaires --
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous me permettez d'intervenir. L'Accusation vous a
3 posé une question très précise qui est à la ligne 6 de la page 64. On vous
4 demande au cours de cette discussion quelles étaient les options ? Alors,
5 vous savez, vous êtes un homme politique, vous savez en termes politiques
6 ce que cela veut dire. S'il y a des options c'est qu'il y en a certains qui
7 préconisent une formule, d'autres une formule, et cetera. Donc, ce qui nous
8 intéresse nous, les Juges, c'est de savoir quelles étaient les options
9 possibles et envisageables ? Là, vous répondez à la question en dépeignant
10 tous les problèmes qui existaient à ce moment-là. Bien. Cela est une chose.
11 Mais, maintenant, quelles étaient les options pour faire face aux
12 problèmes, et quelle était votre option à vous ? Car nous, ce qui nous
13 intéresse c'est savoir pourquoi à un moment donné vous vous êtes séparé de
14 Mate Boban ? Donc, en terme politique, quelles étaient les options sur la
15 table qui préconisait telles solutions, qui préconisait telles autres
16 solutions ? Ce qui nous intéresse c'était, vous, la solution, si vous vous
17 en aviez une, parce que si cela se trouve vous n'aviez vous aucune
18 solution. Alors, pouvez-vous nous répondre de manière très précise ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Avant tout, je me permets de vous
20 corriger. Je ne me suis pas séparé de Mate Boban, j'ai été élu légalement
21 de manière légitime le représentant du peuple croate lors des élections.
22 J'étais celui qui a absolument remporté les élections et la convention du
23 HDZ de Mostar de mars 1991. Deuxièmement, c'est vrai qu'il y a eu
24 différentes négociations à Zagreb, mais il faut replacer cela dans le
25 contexte de l'époque. La question principale était de savoir si la
26 Yougoslavie allait être une confédération ou un Etat centralisé. A ce
27 moment-là, personne ne pensait vraiment que la Yougoslavie allait être
28 démantelée et de même pour la Bosnie-Herzégovine. Le programme politique
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1 visait une Bosnie-Herzégovine souveraine et indépendante. Mais il y avait
2 d'autres prévisions, à savoir si la Bosnie-Herzégovine se décompose, donc,
3 ceci fait partie d'une analyse politique normale et naturelle. J'ai
4 toujours fermement estimé que la Bosnie-Herzégovine, comme toutes les
5 autres républiques devaient bénéficier du même statut et cela deviendrait
6 clair après les conclusions de la Commission de Badinter.
7 M. SCOTT : [interprétation]
8 Q. Monsieur, était-ce la seule option dont on a discuté lors des réunions,
9 comme vous venez de le dire ? Donc, la Bosnie-Herzégovine doit devenir un
10 Etat souverain et indépendant. Etait-ce la seule option qui a fait l'objet
11 de débats à cette réunion ?
12 R. Mais je viens de vous dire qu'il y a eu plusieurs variantes, plusieurs
13 options.
14 Q. Pouvez-vous nous dire quelles sont les autres ?
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Décrivez les variantes et qui préconisait telles
16 variantes par rapport à telles autres ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] L'une des variantes a été - elle reviendra
18 d'actualités plus tard - que les Croates et les Musulmans rejoignent la
19 République de Croatie, l'une a été que les Croates prendront ce qui leur
20 reste à partir du moment où les Musulmans et les Serbes allaient prendre ce
21 qu'ils voulaient, mais ce n'était pas une analyse sérieuse. C'était quelque
22 chose qui s'est manifesté dans un contexte difficile compte tenu de la
23 guerre en Croatie et des tensions en Bosnie-Herzégovine.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Cette variante, vous venez de dire qu'il y a des
25 Croates et des Musulmans qui préconisaient de rejoindre la Croatie. Qui
26 portait cette conception ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Mettons -- tout cela s'est passé dans des
28 conversations officieuses. Aucun parti politique ne l'a revendiqué
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1 publiquement, n'a annoncé publiquement une option quelle quel soit. Si ce
2 n'est que Karadzic a demandé qu'on reste au sein de la Yougoslavie quelle
3 qu'elle serait à l'avenir. Mais ils ont commencé à prendre conscience du
4 fait qu'après ces combats, cette situation de guerre, il faudrait trouver
5 un compromis -- une nouvelle forme. Mais ces histoires sur le partage de la
6 Yougoslavie et de la Bosnie-Herzégovine c'étaient quelque chose qu'on
7 entendait tous les jours sauf que cela n'avait pas de poids politique et
8 surtout cela ne représentait pas une position officielle politique des
9 représentants politiques.
10 M. SCOTT : [interprétation] Avec l'assistance du Greffe, la pièce P 00041,
11 s'il vous plaît.
12 Q. Monsieur, pouvez-vous, s'il vous plaît, examiner ce document pour en
13 prendre connaissance ? Ensuite, pourriez-vous nous dire s'il s'agit de
14 procès-verbal de la réunion de la présidence du HDZ de Bosnie-Herzégovine,
15 le 10 juillet 1991 ?
16 R. Certes. Ceci est un procès-verbal.
17 Q. J'attire votre attention au point 1, au milieu, nous avons un
18 paragraphe qui commence par les mots : "L'Union démocratique croate de
19 Bosnie-Herzégovine."
20 R. Oui.
21 Q. Dans la suite du texte, il est dit : "Ne permettra pas à la Bosnie-
22 Herzégovine de rester dans la Yougoslavie tronquée."
23 R. C'est exact.
24 Q. Je pense que pour le compte rendu d'audience, nous pouvons accepter
25 qu'il s'agisse d'une abréviation pour la Bosnie-Herzégovine lorsqu'on lit
26 BH ?
27 R. Oui.
28 Q. Alors, pouvez-vous nous dire, au mois de juillet 1991, de quoi parlait-
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1 on lorsqu'il était question de permettre à la Bosnie-Herzégovine de rester
2 au sein de la Yougoslavie tronquée ou croupion ?
3 R. Comme vous le savez d'ores et déjà, la Croatie et la Slovénie avaient
4 changé de point de vue. Elles ne demandaient plus que la Yougoslavie soit
5 une Confédération. Plutôt, elles ont commencé à demander une reconnaissance
6 internationale et une sécession. Pour Milosevic, ce qui a été important
7 dans ce sens, c'est de prendre la Bosnie-Herzégovine, car telles étaient
8 ses ambitions. Il souhaitait créer la Grande-Serbie.
9 Je dois dire que le peuple croate à aucun prix ne voulait rester dans
10 cette Yougoslavie Croupion qui aurait connue une domination absolue des
11 Serbes et de la politique serbe. Ce qui a été de toute première importance
12 également, c'est que le parti, le SDA n'acceptait pas que la Bosnie-
13 Herzégovine reste au sein de cette Yougoslavie Croupion. Quant au SDS, avec
14 Karadzic, Krajisnik et Plavsic, ils ont insisté très fortement pour qu'ils
15 restent au sein de la Yougoslavie et que nous, on sorte si on le veut. Tous
16 étaient prêts à donner l'Herzégovine occidentale qui est peuplée
17 exclusivement de Croates, mais, lors des entretiens à Belgrade avec
18 Milosevic, cela m'a posé problème de lui expliquer en quoi consistait
19 l'Herzégovine occidentale. Donc, à ce moment-là, d'un point de vue
20 politique, on suivait le programme suivant. Si la Slovénie et la Croatie
21 quittent la Yougoslavie, nous aussi on le fera. C'est quelque chose qui
22 interviendra plus tard lorsque l'Union européenne nous chargera d'organiser
23 un référendum pour notre population. Ces positions politiques se sont
24 révélées par la suite tout à fait correctes, tout à fait exactes.
25 Q. A l'instant, vous avez évoqué des entretiens que vous avez auriez eus
26 avec M. Milosevic au sujet de l'Herzégovine occidentale. Pouvez-vous nous
27 dire dans quel contexte vous en avez parlé avec M. Milosevic, à quel moment
28 à peu près ?
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1 R. Je pense que cela a dû être le jour où je n'ai pas présidé le comité
2 exécutif du HDZ, où j'ai été en déplacement. C'était lors des entretiens
3 réguliers des directions politiques de Serbie et de Bosnie-Herzégovine
4 tenus à Belgrade.
5 Nous avons eu un débat houleux tout d'abord avec Milosevic,
6 Trifunovic et Unkovic, et nous les avons placés au pied du mur, à savoir
7 que la Bosnie-Herzégovine devait bénéficier du même statut que les autres
8 républiques. Pendant le déjeuner, Milosevic m'a installé à sa gauche, et
9 après avoir vidé quelques verres de whisky, il m'a invité à venir me parler
10 à part. Il m'a dit : "Mais Stjepan, nous comprenons pleinement les souhaits
11 du peuple croate d'Herzégovine occidentale," m'a-t-il dit. Je lui ai
12 répliqué : "Mais, Monsieur le Président, on ne s'entend pas sur le sens de
13 l'Herzégovine occidentale." "C'est la moitié de Mostar, 70 % de Capljina,
14 Neum Ljubuski, Posusje, Grude, 70 % de Tomislavgrad, 70 % de Livno, Siroki
15 Brijeg, Citluk et tout Prozor." C'est cela qu'il m'a répondu. J'ai ri à ce
16 moment-là car Prozor, c'est une localité culte où il y a eu création de
17 notre premier royaume, et là, le seul Serbe, c'était un policier qui est
18 venu en mission pour quatre ans, qui n'a jamais pu trouver une femme sur
19 place et il est reparti chez lui. Puis, j'ai dit à M. Milosevic : mais
20 qu'en est-il de Stolac, de Mostar, de Capljina, et cetera ? Lui, il me
21 répond : "Mon vieux, cela, c'est serbe." Je lui réponds : "Et vous, vous
22 voudriez que l'Herzégovine occidentale sorte et qu'elle rejoigne la
23 Croatie ?" Il me dit oui. Je lui montre le blason bosniaque. C'est un geste
24 balkanique que je ne voudrais pas présenter aux Juges, tout comme je ne
25 l'ai pas fait devant les Juges du procès Milosevic. J'ai dit : "Ecoutez,
26 Monsieur le Juge, le plus important, c'est que M. Milosevic et moi, on se
27 comprenne."
28 Donc, ils ont tous essayé de se trouver des partenaires politiques
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1 pour que ce soit d'après une formule serbe que la Yougoslavie se décompose.
2 Seuls ceux qui juraient par la convention d'Helsinki - et je dois dire
3 qu'ils avaient raison, car la Serbie s'est retrouvée toute seule, c'est ce
4 qu'on voit aujourd'hui, et tout ceci aurait pu se produire sans qu'il y ait
5 eu la guerre à partir de 1991 - donc, ils ont eu raison.
6 Q. Une dernière question, Monsieur le Président.
7 Monsieur, ligne 24, page 69 -- ligne 25, vous avez dit : "70 % de
8 Mostar, la moitié de Ljubuski, Grude, Tomislavgrad, et cetera."
9 R. Attendez, s'il vous plaît, s'il vous plaît, je voudrais que ce soit
10 répété. Cela fait des années que je vis avec cela, je le connais par cœur.
11 La moitié de Mostar, 70 % de Capljina, Neum, Ljubuski, Posusje, Grude, 70 %
12 de Tomislavgrad, 70 % de Livno, Citluk, Siroki Brijeg, et tout Prozor.
13 Q. Très bien. Au sujet donc de cette énumération de localités, est-ce
14 qu'il y a eu la proposition visant à ce que quelqu'un obtienne ces
15 localités, cette portion du territoire ?
16 R. Mais c'est ce que souhaitait Milosevic et il n'arrêtait pas de nous
17 l'offrir, de nous le proposer, à nous les Croates. Or, pour nous, c'était
18 un cadeau empoisonné.
19 M. SCOTT : [interprétation] J'en ai terminé.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 5 heures et demie. Nous ferons une pause de
21 20 minutes et on reprendra vers 6 heures moins 10.
22 --- L'audience est suspendue à 17 heures 28.
23 --- L'audience est reprise à 17 heures 49.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Scott, vous avez la parole.
25 M. SCOTT : [interprétation]
26 Q. Monsieur, je voudrais qu'on aille de l'avant; cependant je pense que
27 nous avons besoin de préciser votre dernière réponse. Vous avez dit que :
28 "Milosevic souhaitait cela et qu'il n'arrêtait pas de nous le proposer --
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1 de nous l'offrir à nous les Croates, et que pour nous, c'était le cheval de
2 Troie."
3 …Lorsque vous dites : "Qu'ils nous l'offraient à nous les Croates, puis les
4 territoires," ce sont les territoires que vous avez décrits à la page 70,
5 ligne 20 et page 71, jusqu'à ligne 2 ?
6 R. Je vous le préciserai. Je me ferai un plaisir de le faire. Milosevic
7 connaissait la Conférence d'Helsinki. Si l'Herzégovine occidentale était
8 rattachée à la Croatie et tout le reste à la Yougoslavie, cette frontière
9 serait possible; cependant, à l'époque tout comme aujourd'hui, je le pense
10 bien, personne de Bosnie, si ce n'est les Croates, ne serait en mesure
11 d'accepter une telle solution. Par ailleurs, puisque Karadzic ne pouvait
12 trouver aucun accord avec moi, Milosevic, un homme charmant, pensait que
13 lui pourrait être l'homme de l'affaire. Ensuite, après cette rencontre, on
14 diffusait des rumeurs à mon égard disant que j'étais un "quisling"
15 musulman, ce qui est complètement faux. Je ne suis absolument pas quelqu'un
16 qui obéirait aveuglement -- quelqu'un -- mais c'était une tentative de
17 faire entrer la Bosnie-Herzégovine au sein de cette Yougoslavie Croupion.
18 Bien entendu, personne ne pouvait accepter une telle chose, et surtout pas
19 moi qui avais la réputation de quelqu'un qui défendait l'unicité de la
20 Bosnie-Herzégovine.
21 M. SCOTT : [interprétation] La pièce P 00042. Je demanderais à M. le
22 Greffier de vous soumettre cette pièce.
23 Q. Monsieur, s'agit-il là du procès-verbal de la réunion de la région de
24 Travnik du 21 juillet 1991 ?
25 R. Oui.
26 Q. Pouvez-vous nous dire, lorsqu'on lit "région de Travnik," que cela
27 signifie-t-il ? Pouvez-vous l'expliquer aux Juges de la Chambre ?
28 R. Vu la manière dont a été conçu le HDZ, il avait son président, ses
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1 vice-présidents, le secrétaire général, il avait son comité principal qui
2 était son organe le plus important, il avait un comité exécutif qui est un
3 organe plus restreint qui mettait en œuvre sa politique, et il avait aussi
4 des comités au niveau des municipalités, dans chacune des municipalités,
5 cela dépendait du nombre de Croates et du nombre de membres du parti.
6 Vu que la situation s'aggravait les communications ont fini par devenir
7 impossibles, et aussi il y a eu une manifestation de plus en plus ouverte
8 de certaines idées politiques, donc on en est arrivé à l'idée de la
9 création des régions. En tout, on a créé cinq ou six régions. Certaines
10 d'entre elles n'ont pas vraiment commencé à fonctionner, juridiquement
11 parlant.
12 Pour nous, au comité, ce n'était pas une mauvaise chose, parce que
13 les informations générales sur les problèmes politiques auraient pu être
14 transmises non pas vers 50 ou 60 comités municipaux, mais vers quelques
15 régions. Puis, au sein de telle ou telle région, chaque direction aurait
16 pu, s'agissant de ces différentes opinions, instructions, avis, et cetera,
17 pouvaient les transmettre vers la base. Mais il faut savoir que les comités
18 du HDZ existaient également dans des localités où les Croates non seulement
19 n'étaient pas au pouvoir, mais n'étaient même pas la population
20 majoritaire. Je suppose que le moment venu, on vous présentera la
21 composition de ces régions et vous verrez qu'il y avait des cas de figure
22 où les Croates n'étaient que 5 % de la population. Mais la région de
23 Travnik, c'est une des régions centrales de Bosnie. Les Croates ont une
24 riche et longue tradition là-bas et aussi ils sont représentés de manière
25 considérable d'après leur nombre, et nous avons remporté des résultats tout
26 à fait satisfaisants sur le plan électoral. Donc, ils ont d'abord élu leur
27 direction, et ensuite, ils ont convoqué des réunions régulières où il
28 transparaîtra assez rapidement qu'ils s'écartaient de la ligne principale
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1 politique, que leurs revendications étaient extrémistes. Je dois vous dire
2 que ce n'était pas étonnant. C'était normal, compte tenu de la composition
3 de ces cadres, de leur formation politique, leur expérience, ainsi que
4 leurs ambitions qui pouvaient être satisfaites vu que c'étaient des temps
5 troubles où même des individus tout à fait anonymes du temps de l'ex-régime
6 pouvaient devenir soudain des leaders politiques.
7 Dans toute la Yougoslavie, en particulier en Bosnie-Herzégovine, il y
8 avait une ambiance très lourde et très difficile, donc il y avait des gens
9 qui pensaient que plus leurs slogans étaient forts, accrocheurs, plus ceci
10 leur donnait de l'importance.
11 Q. Monsieur, pourriez-vous confirmer que M. Dario Kordic était à la tête
12 de ce groupe régional ?
13 R. Oui. Il y a été élu parmi les représentants de ces sept ou huit
14 municipalités.
15 Q. Le paragraphe 4, les "conclusions", est-ce que vous pouvez examiner
16 cela ? Le 21 juillet 1991, cet organe vous a donné l'ordre de convoquer une
17 session du comité principal du HDZ de Bosnie-Herzégovine; l'avez-vous
18 fait ?
19 R. Je crois que cette séance était déjà planifiée avant, donc chacun le
20 savait, d'ailleurs. Dario Kordic ne pouvait me donner aucun ordre pour
21 diverses raisons, pour des raisons hiérarchiques, entre autres, mais aussi
22 pour des raisons personnelles. J'étais son président. Ce n'était pas lui
23 qui était mon président.
24 Q. Est-ce que vous avez eu le sentiment qu'il y avait un conflit entre ce
25 qui était perçu comme votre position et la position de M. Kordic, ainsi
26 peut-être que celle d'autres personnes à partir de juillet 1991 ?
27 R. Bien sûr, mais ces gens-là étaient des représentants mineurs. Regardez,
28 cet homme, c'était quelqu'un qui vient de Busovaca. Je ne veux être
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1 insultant pour personne, mais tout de même, en Bosnie-Herzégovine --
2 Q. Ma question --
3 R. Mais cela c'est --
4 Q. Mais ma question ne portait pas sur son statut. Ma question consistait
5 à vous demander si d'après vous, il y a eu une opposition entre votre
6 position et la position de M. Kordic à ce moment-là.
7 R. Oui, mais ce n'était pas primordial à ce moment-là. Ce n'était pas
8 primordial. J'avais tellement de problèmes et tellement d'affrontements par
9 ailleurs que ceux qui avaient un rapport avec des gens de Busovaca qui
10 s'opposaient et écrivaient des lettres, cela, c'étaient des petits
11 problèmes quotidiens comme ceux qui arrivent lorsque vous allez au travail
12 et que la pluie tombe et que vous n'avez pas apporté votre parapluie.
13 Q. J'aimerais appeler votre attention sur le paragraphe 17 --
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Il a été demandé au
15 témoin si c'est lui qui avait convoqué cette réunion et cette question n'a
16 pas obtenu de réponse. Pourrais-je obtenir une réponse à cette question ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas exactement, mais je crois que
18 cette réunion avait déjà été prévue avant que ce monsieur de la région de
19 Travnik ne présente sa demande. Si on regarde la séquence des réunions,
20 vous verrez que ce qu'il a demandé n'était pas prévu dans cette réunion.
21 M. SCOTT : [interprétation]
22 Q. Très bien. J'essayais de vous demander en quoi résidait l'opposition.
23 Qu'est-ce donc que M. Kordic voulait inscrire à l'ordre du jour et qui n'a
24 pas figuré à l'ordre du jour de la réunion ultérieure ?
25 R. Bien, il faudrait revenir au point 4 où il dit : "Je devrais être
26 invité à convoquer une réunion du conseil exécutif avec participation des
27 dirigeants du HDZ de Zagreb."
28 Q. Mais M. Kordic vous a-t-il dit qu'il fallait inviter des gens de
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1 Zagreb ?
2 R. Non, mais au point 6, vous voyez très clairement ce qu'il demande.
3 Q. J'aimerais revenir à la question que je vous ai posée au sujet du
4 paragraphe 17. On y trouve une référence à ce qu'on appelle une union
5 régionale croate. Pouvez-vous dire aux Juges s'il y avait d'autres
6 instances qui existaient dans la région de Travnik ?
7 R. [aucune interprétation]
8 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voulais pas
9 intervenir jusqu'à présent, mais cela fait déjà plusieurs fois qu'aux
10 questions de M. Scott, M. Kljuic n'est pas autorisé à répondre
11 complètement. Si ces questions sont considérées par l'Accusation comme très
12 importantes, il conviendrait que le témoin soit autorisé à y répondre
13 pleinement. M. Kljuic était sur le point d'en dire un peu davantage au
14 sujet du paragraphe 6 lorsqu'il a été interrompu. Je pense qu'il devrait
15 être autorisé à compléter sa réponse.
16 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, j'essaie de faire
17 attention au temps. Si nous ne pouvons pas le faire, nous ne pourrons pas
18 en terminer avant six ou sept heures.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pouvez-vous répondre sur le paragraphe 6 qui -
20 -
21 LE TÉMOIN : [interprétation] On voit à cet endroit très clairement quelle
22 était la position qui résidait en Yougoslavie à ce moment-là, à savoir
23 qu'une agression avait été commise à l'égard de la Slovénie et que tous les
24 soldats qui s'étaient retirés de Slovénie avaient été transférés en Bosnie
25 et que des réservistes serbes et monténégrins étaient amenés en Bosnie.
26 Dans cette situation difficile, Kordic établit des conditions et déclare
27 que si le SDA souhaite rester au sein de ce qui reste de la Yougoslavie,
28 nous, les Croates, nous ne le souhaitons pas. Je tiens à dire que nous
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1 parlons ici de petites ambitions provinciales et individuelles qui n'ont
2 pas un poids très important sur le plan politique, et s'agissant des
3 solutions à trouver, n'ont aucun rapport avec les solutions. Il ne s'agit
4 que de petits problèmes ponctuels qui surgissent au jour le jour par
5 rapport à la présidence d'Alija Izetbegovic en particulier, qui voulait
6 assister à une réunion de la Conférence islamique dans un pays asiatique,
7 et aujourd'hui, la Bosnie-Herzégovine est observateur au sein de cette
8 instance. Nous ne nous rendions pas compte des dangers qui s'accumulaient à
9 cette époque-là. Si quelqu'un pouvait nous aider à maintenir l'indépendance
10 de la Bosnie-Herzégovine, c'était quelque chose qui était considéré comme
11 une bonne chose, indépendamment du fait que cette aide devait prendre un
12 tour plus négatif par la suite. Donc, dans une situation de ce genre, on
13 voit un homme qui se lève et qui semble vouloir tout régler. Bien sûr, cela
14 lui était facile. Il ne connaissait pas la situation parfaitement bien. Il
15 n'avait pas de responsabilités politiques comme un représentant du HDZ ou
16 un membre de la présidence de l'Etat yougoslave.
17 Q. Peut-être pourrons-nous maintenant revenir au paragraphe 17 ? Est-ce
18 qu'il existait une instance, à cette époque-là, en Bosnie-Herzégovine, qui
19 portait le nom d'union régionale croate de Bosnie-Herzégovine ?
20 R. Pas encore. Mais elle allait exister par la suite avec la création de
21 la région de Travnik puis de la région d'Herzégovine, puis de la région de
22 Sarajevo, de la Posavska, de Bihacka, et cetera. Mais ces régions
23 n'allaient pas toutes agir dans le même sens. La région de Bihac n'a jamais
24 réussi à exister en tant que telle. A Sarajevo, il n'y a pas eu
25 d'importantes décisions qui aient été prises. Finalement, il n'y a eu que
26 trois régions qui ont existé peu ou prou, à savoir, la région de la
27 Posavina, la région de Travnik et la région de l'Herzégovine occidentale,
28 qui ont eu une certaine influence.
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1 Q. Parmi ces trois régions, y a-t-il eu, à un moment ou à un autre, une
2 association de ces régions qui aurait formulé quelque chose qu'on aurait pu
3 appeler l'Union régionale croate ?
4 R. Cela s'est passé plus tard. Exact.
5 Q. A quel moment ?
6 R. Je ne saurais vous le dire exactement. Je ne saurais vous citer la
7 date, mais en tout état de cause, au mois d'août ou de septembre 1991, je
8 dirais.
9 Q. Au paragraphe 13 de ce document, Monsieur, conviendrez-vous que
10 les députés du HDZ, puisqu'on y voit une référence aux députés, sont
11 devenus des pantins de la politique du SDA ? Est-ce que vous êtes d'accord
12 avec cela ?
13 R. Ce que je peux vous dire, c'est qu'avec 44 députés, nous ne pouvions
14 rien faire en tant que tel. Nous étions contraints de mener une politique
15 qui nous amenait à soutenir tel ou tel groupe qui avait de meilleurs
16 résultats. Si quelqu'un considère qu'avec 44 députés, je pouvais me lever
17 et dire fermement voilà ce que nous allons décider aujourd'hui, alors que
18 là-bas, il y avait 196 députés qui n'étaient pas forcés de penser comme
19 nous -- et ce qui est encore pire, c'est que la majorité n'a jamais pensé
20 comme nous. Donc, cette accusation selon laquelle nos députés auraient été
21 des pantins est d'abord la manifestation d'une position politique manquant
22 de maturité et d'une position politique qui ne tient aucun compte de la
23 réalité. En troisième lieu, cela démontre un manque total de compréhension
24 de la façon dont un Parlement fonctionne.
25 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais demander que l'on soumette au témoin
26 la pièce P 00044.
27 Q. Pouvez-vous confirmer, Monsieur, à la lecture de ce document, qu'il
28 s'agit du procès-verbal de la réunion de la présidence du HDZ de Bosnie-
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1 Herzégovine le 31 juillet 1991 ?
2 R. Oui.
3 Q. Il y a peut-être un petit problème de numérotation. J'aurai sans
4 doute du mal à vous renvoyer à un paragraphe bien numéroté, mais en page 2,
5 j'aimerais que vous recherchiez le paragraphe dans lequel on mentionne M.
6 Udovicic, Markesic et Cosic. Peut-être pourriez-vous retrouver ce
7 paragraphe dans le texte avec ces références ? Vous l'avez retrouvé ?
8 R. Oui, oui. Je l'ai trouvé.
9 Q. Pouvez-vous nous dire de quoi il est question dans ce paragraphe et
10 s'il y a un rapport avec cette proposition de mettre en place des
11 organisations régionales et si oui ou non la présidence du HDZ de Bosnie-
12 Herzégovine allait dans le sens de la création de ces entités à cette
13 époque-là ?
14 R. Je dois dire que mon premier vice-président, Vitomir Lukic, a trouvé la
15 mort à ce moment-là. J'étais en voyage d'affaires. Je ne saurais vous dire
16 aujourd'hui si j'étais à Vienne ou à Bonn, mais en tout cas, je n'étais pas
17 présent. Donc, c'est Mate Boban qui a dirigé cette réunion.
18 Q. J'aimerais maintenant appeler votre attention sur le deuxième
19 paragraphe, après celui dont nous parlions à l'instant où il est question
20 d'une : "Réunion du conseil exécutif qui doit analyser la possibilité d'une
21 intégration régionale d'autres municipalités croates importantes." Est-ce,
22 suite à ce procès-verbal que la présidence a décidé d'aller dans le sens de
23 la création de ces organisations régionales, dans les communautés
24 municipales pour le HDZ ?
25 R. Non, cela n'a pas été dit à la réunion, ce qui a été proposé, c'est
26 qu'une commission, à laquelle participeraient Udovicic, Markesic et Cosic,
27 qui étudie les propositions de la région de Travnik. Donc, il n'y avait pas
28 encore une force suffisante pour créer ces entités régionales. Cette
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1 commission n'a pas apporté un soutien important à cette recommandation.
2 Elle se composait d'hommes sérieux, mais, par la suite, il se trouve que la
3 région d'Herzégovine s'est associée à la région de Travnik et leur
4 proposition consistait à ce que les Croates qui se trouvaient en minorité
5 dans les conseils de ces régions allient leurs forces, et à mon avis,
6 c'était là l'introduction d'une administration paraétatique, mais ce
7 processus n'a évolué qu'assez lentement, il s'est écoulé plusieurs mois
8 avant que, juridiquement, ces régions puissent créer les conditions
9 nécessaires à la création d'une seule région unifiée.
10 Q. J'aimerais vous demander de vous rendre à la page suivante de ce
11 document, où vous trouverez une référence à l'homme dont vous avez parlé il
12 y a un instant, à savoir, M. Lukic.
13 R. Oui.
14 Q. Au paragraphe 4, je le vois maintenant.
15 R. Non, 5.
16 Q. Oui, 4 et 5. Vous avez dit il y a un instant que M. Lukic était décédé
17 à peu près à ce moment-là, et vous avez -- et on voit ici dans ce
18 paragraphe qu'à ce même moment, M. Boban a été promu au rang de premier
19 vice-président. Est-ce que ceci a effectivement eu lieu ?
20 R. Oui, puisque M. Boban était deuxième vice-président et le premier vice-
21 président était décédé, M. Boban a été promu au rang de premier vice-
22 président et le président de la région de Bihac,
23 M. Vlado Santic, a été nommé à la place de Boban au poste de deuxième vice-
24 président. Quant à M. Lukic qui était ministre chargé de la religion au
25 sein du gouvernement, il a été remplacé à ce poste par le docteur Milenko
26 Brkic.
27 Q. Plusieurs paragraphes plus bas, au point 5, il est question d'une
28 procédure destinée à nommer Bruno Stojic au poste de directeur général
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1 chargé de la poste et du téléphone; est-ce que vous voyez ce passage ?
2 R. Oui.
3 Q. Pourquoi est-ce qu'un parti politique était appelé à prouver la
4 nomination de M. Stojic à ce poste ? Est-ce que c'est un rôle qui incombe à
5 un parti politique ?
6 R. Voilà. Dans la répartition entre les différents partis politiques, SDA,
7 HDZ, SDS, en dehors des résultats des élections qui ont eu un rôle
8 prédominant dans les instances parlementaires et à la présidence, nous
9 avons également mis en place un gouvernement dans lequel on retrouvait un
10 certain nombre de représentants de chaque parti, et ces hommes avaient des
11 responsabilités déterminées. Mais, comme à cette époque-là, la propriété
12 relevait encore du droit communiste, nous avions des entreprises
13 importantes est influentes que nous avons réparties à égalité entre les
14 représentants gouvernementaux des trois partis, de sorte que les Croates,
15 entre autres, on reçu la responsabilité du fonds de retraite et de la
16 poste, fonds de retraite qui s'occupe également des indemnités versées aux
17 handicapés et de la poste.
18 Mme NOZICA : [interprétation] Excusez-moi, mais je crois vraiment qu'il
19 faut que j'intervienne car la réponse à cette question n'aura aucun sens si
20 on n'autorise pas le témoin à expliquer comment les directeurs généraux
21 étaient nommés et quelle était la politique général en la matière. Je
22 demanderais qu'on laisse le témoin s'exprimer sur ce point avant de
23 poursuivre.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, pouvez-vous apporter des précisions
25 complémentaires sur le processus de nomination de ces directeurs généraux ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Nous avions une Commission chargée des
27 Cadres dans laquelle on trouvait Ivan Markesic, Jerko Doko et Mariofil
28 Ljubic. Cette commission réunissait tous les candidats qui se proposaient
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1 sur terrain parce qu'à ce moment-là, il y avait pas mal de représentants
2 municipaux qui exprimaient leur désir de participer au pouvoir de l'Etat.
3 C'est M. Bruno Stojic qui a été proposé au directeur de la poste, c'est
4 l'une des plus grandes entreprises en Bosnie-Herzégovine qui revenait aux
5 Croates, d'après la répartition dont j'ai parlé tout à l'heure, mais
6 c'était tout simplement une proposition. Le gouvernement était tout à fait
7 en droit de faire son choix parmi plusieurs candidats, étant entendu que la
8 représentation et la répartition par appartenance ethnique devaient être
9 respectées. Donc, c'est ainsi que nous avons vu Bruno Stojic être proposé
10 au poste de directeur général de la poste. Mais, cette proposition n'a
11 jamais été mise en œuvre car il y avait pas mal de représentants qui ont
12 décidé qu'ils avaient une position importante au sein de la police, je ne
13 vais entrer dans les détails de ces explications, mais, en tout cas, le
14 processus a duré longtemps, s'est étiré en longueur et son nom a donc été
15 proposé par la Commission chargée des Cadres, mais il n'a jamais été
16 effectivement nommé à ce poste.
17 M. SCOTT : [interprétation] Pourrions-nous maintenant soumettre au témoin
18 la pièce P 00047, je vous prie ?
19 Q. Monsieur, pourriez-vous nous dire si ce document est bien le procès-
20 verbal d'une réunion du conseil exécutif du HDZ de Bosnie-Herzégovine tenue
21 le 6 août 1991 à Prozor ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce vous qui avez présidé cette réunion ?
24 R. Oui.
25 Q. Une grande partie de la première page est consacrée à énumérer les
26 personnes présentes et absentes de cette réunion et on trouve notamment la
27 liste des personnes absentes qui sont excusées, au nombre desquelles on
28 trouve le nom de Bruno Stojic. Vous rappelez-vous pourquoi il a été
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1 convoqué à cette réunion, ou encore pouvez-vous nous dire quelles étaient
2 ses fonctions au sein du parti à l'époque ?
3 R. Oui. C'est très simple. Il n'a pas été convoqué spécialement, mais,
4 comme il s'agissait d'une réunion du conseil exécutif à laquelle avait
5 obligation de participer les hauts fonctionnaires des plus grandes sociétés
6 qui étaient nommés par le HDZ ou qui représentaient le HDZ et, par
7 conséquent, tous les ministres gouvernementaux ont été invités ainsi que
8 les membres de la présidence, les ministres adjoints, les vice-ministres.
9 Je crois qu'en tant que vice-ministre chargé des Affaires financières, je
10 ne sais pas exactement quel était le nom qu'on donnait à cette fonction,
11 mais je crois que c'était celle-là, qu'il s'agisse d'affaires financières
12 ou de moyens matériels; en tout cas, M. Stojic a été invité en cette
13 qualité. Donc, c'était juste une question de routine.
14 Q. J'aimerais appeler votre attention sur le point 11 de ce document pour
15 le compte rendu d'audience. Je vous demande si dans ce paragraphe on tourne
16 confirmation qu'à cette époque, à peu près,
17 M. Boban a été nommé premier vice-président ?
18 R. Oui. C'est une question de routine, vous voyez. Boban a été transféré
19 du poste de deuxième vice-président au premier vice-président, Vlado Santic
20 a été nommé second vice-président et puisqu'il y avait un poste à pourvoir,
21 nous avons appelé le Dr Barac, bien connu à Zenica pour remplir ses
22 fonctions dans la région. C'était simplement une question de routine.
23 Q. Mais regardez le paragraphe 21, point 21, pourriez-vous dire aux Juges
24 de cette Chambre comment cette idée d'organisation régionale a continué à
25 évoluer, à cette époque-là ? Car apparemment, on semble voir dans ce
26 passage du texte qu'une proposition a été votée lors de cette réunion que
27 vous avez présidée.
28 R. Oui. Vous voyez, cette nécessité de mieux communiquer, c'est-à-dire de
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1 mieux accéder aux informations relatives à l'organisation, à la défense, à
2 l'organisation médicale, et cetera, exigeait une grande coordination parmi
3 la direction croate. Bien entendu, le premier point important, c'était
4 d'établir un lien entre les régions, puis au sein de chacune des régions,
5 entre les différentes localités, de façon à simplifier et accélérer la
6 procédure jusqu'au niveau le plus élevé du parti, ou en tout cas, tout ceci
7 avait pour but d'établir une bonne relation, une relation efficace entre le
8 sommet du parti et la base. Comme vous le voyez dans le reste du texte,
9 nous avons demandé qu'un rapport soit établi au sujet de ce qui pouvait
10 justifier une telle amélioration de la communication, car encore une fois,
11 cela exigeait un certain nombre de conditions préalables politiques. Il
12 fallait que des conditions soient remplies concrètement, d'ailleurs, et pas
13 simplement au niveau des idéaux politiques. Donc, sur le plan pratique,
14 cette nécessité était justifiée, et une partie de la Croatie nous aidait
15 déjà dans ce sens. Une partie du territoire de la Bosnie-Herzégovine était
16 déjà occupée, les SAO de Krajina avaient déjà vu le jour, ce qui ne faisait
17 qu'accentuer le désir de la part des Croates de voir ce genre d'entité
18 régionale créé.
19 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous soumettions au
20 témoin la pièce P 00048.
21 Q. Pourriez-vous nous dire, Monsieur, s'il vous plaît, s'il s'agit bien
22 ici d'une réunion de la communauté régionale de Travnik tenue le 13 août
23 1991 ?
24 R. Oui.
25 Q. Ces documents indiquent que M. Boban a assisté à cette réunion.
26 Pourriez-vous nous aider en nous expliquant comme il se fait que M. Boban a
27 assisté à cette réunion régionale en compagnie ce M. Cerkez et de M.
28 Kordic ?
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1 R. C'était tout à fait normal. C'était tout à fait justifié qu'un des
2 vice-présidents assiste à la réunion d'une organisation régionale. Mais par
3 la suite, on constatera que cela n'a pas été le fait du hasard et on
4 constatera également que l'organisation régionale de Travnik n'était pas
5 satisfaite de la formulation du conseil exécutif de la présidence de
6 Prozor, parce que nous avons dit qu'il fallait établir un rapport pour
7 justifier la pertinence de cette création de liens et de voies de
8 communication d'un niveau à un autre. Dans ce document-ci, il est indiqué
9 que la communauté régionale de Travnik s'en tiendra aux conclusions qui ont
10 déjà été adoptées, ce qui signifie que celle-ci avait déjà rendu ses
11 conclusions et que nous qui étions à un niveau supérieur hiérarchiquement
12 n'avions qu'une chose à faire, c'est-à-dire les écouter, et moi en
13 particulier, ce qui aurait conduit à toutes sortes de problèmes. Le
14 président de la région de Travnik m'a demandé de m'expliquer sur mon
15 comportement dans ces conditions.
16 Q. Avant d'en arriver là, Monsieur, j'aimerais que vous disiez aux Juges,
17 et j'attire votre attention sur le paragraphe 3 figurant sous l'intitulé
18 "Décision," est-ce que vous pouvez dire aux Juges si vous avez été chargé
19 d'une proposition ou d'une action, à peu près à ce moment-là ?
20 R. Je commencerais par vous dire que nous nous comportions de façon très
21 civilisée, très polie, et nous pensions qu'il fallait que cette initiative
22 de Travnik soit appréciée, évaluée et estimée. Or, lui, il écrit encore une
23 fois ici qu'il estime que mon comportement est inacceptable et qu'il n'est
24 pas satisfait. Enfin, cela, ce sont des questions de personne. Ecoutez, il
25 faut comprendre que l'époque était très troublée. N'importe qui pensait
26 qu'il pouvait être un dirigeant, même s'il n'était pas soutenu par le
27 résultat des urnes, et ils se comportaient comme tels.
28 Q. Alors, Monsieur, je me permettrai d'apporter une correction à ce que
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1 vous êtes en train de dire. Ceci n'est pas une lettre personnelle de
2 Kordic, n'est-ce pas ? Effectivement, le procès-verbal d'une réunion de la
3 communauté régionale de Travnik où nous lisons les mots suivants, je cite :
4 "Nous en appelons au président Stjepan Kljuic pour qu'il explique son
5 comportement." Cette réunion, M. Boban y a également assisté ?
6 R. Oui, tout à fait. Parfait, c'est ce qu'il voulait. Il voulait que je
7 m'explique, mais je n'étais pas tenu de le faire. Tout le monde sait bien
8 qu'il y a une hiérarchie dans le monde politique. J'étais membre de la
9 présidence de l'Etat, membre du HDZ à part entière, et le fait que
10 quelqu'un ne m'apprécie pas, le leur ai dit plus tard : est-ce que vous
11 voulez qu'on remplace Stjepan Kljuic ? Il faut dans l'action s'en tenir aux
12 Statuts, les respecter, et il y a des votes qui se sont exprimés dans un
13 sens, alors si vous voulez me remplacer à mon poste, essayez de le faire,
14 mais ce ne sont pas simplement vos ambitions qui suffiront pour y parvenir.
15 J'ai essayé de m'exprimer. J'ai essayé de lui dire qu'il se comportait de
16 façon agressive, et plus tard, tout ce qui s'est passé a été vu sous son
17 vrai jour. Il ne pensait pas véritablement ce qu'il disait à l'époque.
18 Peut-être le pensait-il, d'ailleurs ? Enfin, c'est son problème. Ce que
19 j'ajouterais, c'est que je n'ai pas jugé nécessaire de modifier ma position
20 par rapport à Travnik et de m'excuser en quoi que ce soit de mon
21 comportement. A la réunion politique de Travnik, il avait été dit que la
22 proposition de créer une association régionale était faite, qu'il ne
23 fallait pas la rejeter, donc qu'il fallait l'analyser, l'examiner de plus
24 près, et j'ai obtenu le soutien du conseil exécutif. Maintenant, le fait
25 qu'il dit ce qu'il dit ici, à savoir que la communauté de Travnik n'était
26 pas d'accord avec ses conclusions, c'est son problème.
27 Q. J'aimerais maintenant que vous vous penchiez sur les paragraphes qui
28 sont précédés d'une lettre majuscule, le paragraphe (h), notamment. Je cite
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1 : "Nous exigeons que la présidence commence à exploiter le fait que l'armée
2 [phon] de Bosnie-Herzégovine est déjà un pays partiellement divisé et
3 prenne une décision claire quant à ce qu'il importe de faire dans cette
4 nouvelle situation." Est-ce que vous vous rendiez compte de ce que disait
5 la Bosnie-Herzégovine au mois d'août 1991 quant au fait qu'il s'agissait
6 déjà d'un "pays partiellement divisé" ?
7 R. Bien sûr, la situation était très difficile, mais la souveraineté de la
8 Bosnie-Herzégovine n'avait pas encore été totalement éliminée. Elle avait à
9 affronter des crises majeures qui étaient dues à des causes différentes, et
10 en particulier à un comportement agressif de la JNA ainsi que de la
11 communauté démocratique serbe qui employait les armes sur le territoire de
12 ce qui était un Etat appartenant à un pays et essayait de la sorte de créer
13 sa propre administration et de mettre fin à la vie de la République de
14 Bosnie-Herzégovine.
15 Q. Est-ce que vous vous rendez compte, Monsieur, que M. Boban et M. Kordic
16 et peut-être d'autres étaient en train d'exiger d'exploiter la situation ?
17 Alors, exploiter comment, et dans quel sens, à quelles fins ?
18 Mme NOZICA : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je
19 vous en prie. Nous sommes ici face à une question qui est tout à fait
20 incorrecte, d'autant plus que M. Kljuic y a déjà répondu. Je ne suis pas
21 sûre que M. Boban ait été d'accord avec lui, mais c'est possible, d'une
22 certaine façon. De la façon dont l'Accusation pose sa question, elle incite
23 une réponse précise de la part du témoin puisqu'elle lui met des mots dans
24 la bouche selon lesquels il aurait dit que M. Boban était derrière toutes
25 ces conclusions.
26 M. SCOTT : [interprétation] Peut-être le témoin voudra-t-il relire une
27 nouvelle fois la dernière page du document et voir qui présidait celle-ci.
28 Si je ne m'abuse, les personnes qui ont présidé cette réunion ont été Mate
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1 Boban, Udovicic et Kordic, n'est-ce pas ? Vous voyez bien mention de leurs
2 noms dans le texte, Monsieur ?
3 R. Oui.
4 Q. Dites-moi, des exigences sont donc présentées par rapport au fait que
5 la situation de quasi-divisions effective du pays devrait être exploitée.
6 Alors, qu'est-ce que vous avez compris comme étant le sens de cette
7 phrase ?
8 R. Bien, je dirais d'abord qu'à mon avis, ce n'était pas une exigence
9 sérieuse. Je vais vous dire pourquoi. C'est très facile d'être dans un
10 petit coin reculé et d'employer des grands mots. Nous, nous nous battions
11 pour la défense du territoire. Vous savez sans doute, ou en tout cas, vous
12 devriez le savoir qu'entre-temps et même déjà un an avant, les armes de la
13 Défense territoriale avaient été retirées à la Défense territoriale de
14 Bosnie-Herzégovine, ce qui l'a privée de toute possibilité de se défendre
15 contre l'agression serbe. C'est un peu la même chose qui s'était passée en
16 Croatie, et la Croatie a payé très cher pour cela. Seuls les communistes
17 slovènes n'ont pas été contraints d'abandonner les armes de la Défense
18 territoriale, et c'est la raison pour laquelle la guerre là-bas a duré très
19 peu de temps.
20 Donc, très clairement, nous étions dans une situation où nous
21 essayions d'éviter un affrontement ouvert, car la JNA et les officiers
22 serbes créaient des incidents. Ils trafiquaient des armes. Comment est-ce
23 qu'ils effectuaient des transports d'armes ? Ils mettaient des armes à bord
24 d'un camion et ils mettaient par-dessus des rangées de bananes. Nos
25 policiers, très souvent, manquaient de la force suffisante pour effectuer
26 toutes les vérifications nécessaires et empêcher le convoi de passer ou de
27 le renvoyer à son point de départ.
28 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Il y a peut-être un petit problème
Page 3892
1 d'interprétation aux lignes 16 et 17 du compte rendu d'audience. Je crois
2 que vous avez dit quelque chose qui n'a pas été bien interprété, car on lit
3 ici : "Les communistes slovènes n'ont pas abandonné les armes de la Défense
4 territoriale. Ce qui est la raison pour laquelle la guerre destinée à
5 libérer la Slovénie de la JNA a duré longtemps." Je crois que
6 l'interprétation exacte aurait dû consister à dire "n'a pas duré
7 longtemps", si je ne me trompe pas. Donc, je voulais relever cette petite
8 erreur qui à mon avis doit être très facile à corriger.Puisque j'ai déjà
9 pris la parole, j'aimerais m'excuser auprès des interprètes pour ma
10 dernière intervention, car je n'avais pas bien suivi l'interprétation. Je
11 vous remercie.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument. Tout à fait. Oui.
13 M. SCOTT : [interprétation]
14 Q. Avez-vous réagi aux exigences présentées par la communauté régionale de
15 Travnik à ce moment-là ?
16 R. Non. J'ai été satisfait de la façon dont cela a été traité lors des
17 sessions du comité exécutif et du Conseil principal.
18 M. SCOTT : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, je vous prie, prendre
19 la pièce P 00050 ?
20 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire, je vous prie, s'il s'agit bien d'un
21 compte rendu d'une réunion de la présidence qui a eu lieu le 23 août 1991 ?
22 Est-ce exact, Monsieur ?
23 R. Oui, oui.
24 Q. Est-ce que vous vous souvenez si vous avez assisté à cette réunion ?
25 R. Oui, bien sûr, bien sûr que j'y ai assisté.
26 Q. Les mesures proposées dans ce document, à savoir, la création de ces
27 organisations régionales supplémentaires, est-ce que ces mesures ou cette
28 mesure a été mise en œuvre à la suite de ce document ?
Page 3893
1 R. Il s'agissait d'instructions. C'est ce qui aurait dû être fait, mais
2 cela n'a pas été fait, et ce, pour des raisons objectives et parfois
3 subjectives.
4 Si vous m'y autorisez, je pourrais vous expliquer le sens de ces
5 régions, car à Sarajevo, nous étions isolés de nombreuses municipalités
6 habitées par les Croates et où les Croates détenaient le pouvoir. Nous ne
7 pouvions pas véritablement envoyer régulièrement tous nos documents de
8 partis, notamment parce qu'il y a eu des incidents, tel qu'un officier de
9 la JNA qui est entré dans l'un des bureaux de la municipalité et qui est
10 reparti avec notre télécopieur.
11 Par ailleurs, cette création de régions n'avait pas pour conséquence
12 des prétentions territoriales, parce qu'il y avait des municipalités qui
13 étaient énumérées ici et où il n'y avait même pas
14 5 % de Croates. Mais pour ces 5 % de Croates, il était justement important
15 pour eux, pour qu'ils puissent établir des liens avec des endroits où il y
16 avait davantage de Croates, donc il était important que notre peuple puisse
17 être groupé, en quelque sorte. Il y avait des municipalités où les Croates
18 n'étaient absolument pas majoritaires, leur nombre ne s'élevait même pas
19 jusqu'à 40 %, mais il faut savoir qu'à la périphérie gauche ou droite de la
20 municipalité, il y avait donc un milieu croate assez compact du fait des
21 divisions administratives dans l'ancienne Yougoslavie ou dans la nouvelle
22 Yougoslavie. Cela n'a pas d'importance, d'ailleurs. Ces personnes devaient
23 coopérer, et il nous était beaucoup plus facile, parce que nous devions
24 envoyer ces documents à la communauté, il fallait distribuer par exemple ce
25 genre de documents, donc c'était une situation normale lorsqu'il n'y avait
26 pas de menace de guerre. Même en temps de paix, ce genre de
27 régionalisation, pour ce qui est de l'organisation du parti ou d'un parti,
28 aurait été logique.
Page 3894
1 Q. Au deuxième paragraphe de la partie introductive, il est fait une
2 référence aux conditions requises pour la création et l'établissement de
3 liens territoriaux et politiques du peuple croate pour lesquels des
4 programmes spéciaux devaient être établis. Alors, dans quelle mesure est-ce
5 qu'il s'agissait d'une condition requise pour ce genre de communication
6 territoriale et politique ?
7 R. Bien, dans un premier temps, je dirais qu'il est tout à fait normal,
8 lorsque tout est divisé ou partagé suivant l'appartenance ethnique, que les
9 Croates essaient de résoudre leurs problèmes conjointement. Cette division
10 était une division du parti, donc il était important de dresser une liste
11 de toutes les personnes avec leur lieu de résidence, l'endroit où ils
12 travaillaient. Il y avait de nombreuses personnes qui avaient arrêté de
13 travailler à cette époque-là. Si d'aucun, par exemple, travaillait dans une
14 entreprise contrôlée par les Serbes, il n'avait plus d'emploi, ou si une
15 personne vivait dans les environs -- n'importe qui pouvait ouvrir leur
16 porte, pénétrer dans leur maison, repartir avec leurs vaches, et cetera, et
17 cetera. Il était normal que les personnes essaient de se joindre, mais il
18 n'y avait pas de revendications territoriales.
19 Par exemple, dans la région de Sarajevo, dans les douze municipalités
20 à l'exception d'Ilidza, il y avait plus de 20 % de Croates. Dans certaines
21 municipalités, il y avait 2 %, 3 %, 10 %, 8 %, donc comment est-ce que l'on
22 n'aurait pu avoir des revendications territoriales si sur 12 municipalités,
23 peut-être que 5 % de la population totale était croate ?
24 Q. J'aimerais vous demander de prendre la pièce suivante.
25 M. SCOTT : [interprétation] La pièce P 00052.
26 Q. Il s'agit manifestement d'un compte rendu d'un procès-verbal d'une
27 réunion de la présidence du HDZ de la Bosnie-Herzégovine le 26 août 1991.
28 R. Oui.
Page 3895
1 Q. Au point numéro 6, sous les "conclusions", point numéro 6, il est dit
2 que "la proposition relative à la régionalisation du HDZ de la Bosnie-
3 Herzégovine a été adoptée et fait maintenant partie intégrante de ces
4 conclusions."
5 Donc, j'aimerais que vous me disiez, Monsieur, si à cette réunion de la
6 présidence du parti, cette proposition, donc, prônant la régionalisation où
7 les organisations régionales ont été approuvées, n'est-ce pas ? Est-ce que
8 cela est exact ?
9 R. Ce document approuve l'établissement d'organisations régionales du
10 parti.
11 Q. Au point numéro 7, il est dit que le président, Stjepan Kljuic,
12 assistera à la prochaine réunion de l'organisation HDZ de l'ABiH pour
13 Travnik, pour justement parler de toutes ces questions; est-ce que vous
14 avez participé à cette réunion ?
15 R. Oui, mais il faut savoir que les malentendus se sont poursuivis.
16 Q. Mais de quels malentendus il s'agissait-il ?
17 R. En fait, nous avions indiqué qu'il ne fallait pas que la présidence
18 manipule la situation, que le gouvernement doive s'acquitter de ses
19 fonctions. Si vous êtes là et qu'il est dit que le gouvernement devrait
20 gouverner, comment est-ce que vous pouvez le faire si les ministres serbes
21 au sein du gouvernement savent opérer des opérations de sabotage vis-à-vis
22 du gouvernement et de leurs membres sur le terrain, ne le reconnaissaient
23 pas ?
24 En fait, il est facile d'émettre ou de lancer des ultimatums. Mais
25 dans le monde politique, il est des choses qui sont possibles dans une
26 situation donnée. Vous ne pouvez pas répondre de façon draconienne à toute
27 situation, c'était impossible. Nous étions sur la défensive, il y avait une
28 guerre qui faisait rage en Croatie. Notre population s'enfuyait en Croatie
Page 3896
1 et voulait aider le peuple croate dans sa lutte. C'était notre tâche
2 politique et laissez-moi vous dire -- parce qu'en fait, il faut savoir que
3 le service du Contre-renseignement de la Yougoslavie ait diffusé un film à
4 propos de Spegelj, le ministre croate de la Défense à l'époque, et ils
5 l'ont diffusé 17 fois à Belgrade et 12 fois à Sarajevo, et ce en l'espace
6 de 24 heures. Nous avons tous dû fuir nos foyers parce qu'ils nous voyaient
7 comme des Oustachi, j'ai parlé à la télévision, je me suis exprimé, j'ai
8 dit en fait que cela était naturel et que personne ne devrait être
9 contrarié par le fait que les Croates de la Bosnie-Herzégovine voulaient
10 aider leurs frères en Croatie. Alors, bien entendu, certaines personnes ont
11 perdu le respect qu'ils éprouvaient pour moi parce que j'avais dit cela,
12 mais ils n'étaient pas conscients de la situation en Croatie. Vous devez
13 savoir qu'à Sarajevo, la station de télévision, le canal télévision ait été
14 entre les mains des nationalistes serbes en tant que membre de la
15 présidence et en tant que président d'un parti politique, on ne m'a pas
16 accordé, ne serait-ce qu'une seconde, sur l'antenne. Les Croates étaient
17 constamment représentés comme des Oustachi, des séparatistes, et cetera, et
18 je dois dire, en fait, que mon patriotisme pour la Bosnie-Herzégovine ne me
19 suffisait pas pour jubiler tout cela. Par ailleurs --
20 Q. J'aimerais que vous preniez la pièce P 00056. J'aimerais vous demander
21 de consulter cet organigramme pour l'Union démocratique croate de la
22 Bosnie-Herzégovine. Vous voyez qu'à la première page, il est indiqué que
23 pour la période 1991-1992, qui sont des années que vous connaissez bien,
24 j'aimerais en fait vous poser la question suivante. Est-ce que cela
25 représente de façon exacte ou donne une représentation exacte de la
26 structure du parti à l'époque ?
27 R. Oui.
28 Q. Au bas de cette page, il est fait une référence au conseil de sécurité
Page 3897
1 du HDZ et ensuite il est marqué cellule de Crise à compter du 18 septembre
2 1991. Est-ce que vous pourriez me dire quand est-ce que cet organe a été
3 créé, non pas la cellule de Crise, puisque cela a été fait à partir du 18
4 septembre, mais quand est-ce que le conseil de sécurité du HDZ a été créé ?
5 R. Comme vous avez pu le voir dans des procès-verbaux précédents, il y a
6 plusieurs commissions qui ont été établies au sein du HDZ. L'une qui était
7 chargée de la santé, l'autre pour la culture, la troisième qui était
8 chargée de l'aspect économique, une autre, une quatrième, responsable de la
9 sécurité. Pour ce qui est de la Commission responsable -- ou chargée de la
10 Sécurité, tous les responsables de l'administration qui travaillaient pour
11 le ministère de la Défense et le ministère de l'Intérieur y participaient.
12 Il y avait la direction du parti également ainsi que certaines personnes
13 originaires de plusieurs régions. Par exemple, Filip Evic de Bosanski
14 Samac, Dario Kordic de Travnik, il y avait également Ivo Lozancic de Zepce,
15 il y avait Zeljko Raguz de Stolac et Bozo Rajic de Kupres, également.
16 Q. Comment se fait-il, en fait, que M. Stojic est devenu membre du conseil
17 de sécurité ou de la cellule de Crise ?
18 R. C'est très simple. Branko Kesic et Bruno Stojic étaient les
19 représentants au sein du ministère de la Police, tout comme Jerko Doko
20 l'était au ministère de la Défense, ou Bozidar Skravan au ministère des
21 Communications.
22 Q. Est-ce que vous pouvez dire à la Chambre quelle était la fonction de M.
23 Stojic au sein de l'organisation de la police, à l'époque ?
24 R. Je n'en suis pas sûr, mais je pense qu'il y avait en fait six
25 assistants pour le ministre. Ils avaient des fonctions différentes. Nous,
26 nous avions deux assistants, l'un pour la sûreté de l'Etat, c'était Branko
27 Kvesic et puis, il y en avait un autre chargé des finances, me semble-t-il,
28 et c'était Bruno Stojic.
Page 3898
1 Q. Je pense que nous pourrions maintenant passer à la pièce
2 P 00058.
3 R. Oui.
4 Q. C'est un document qui est intitulé : "Conclusions du Conseil de
5 Sécurité du HDZ, réunion qui s'est tenue le 18 septembre 1991." Je suppose,
6 Monsieur, que je devrais vous poser une autre question avant que nous ne
7 mettions de côté tous les autres documents. Je vais vous demander de
8 prendre la dernière page en langue croate et je vous demande si c'est bien
9 votre signature qui y figure ?
10 R. Oui.
11 Q. Au paragraphe premier de ce document, il est indiqué que l'organe qui
12 avait été appelé jusqu'à ce moment-là le conseil de sécurité, deviendra ou
13 sera maintenant appelé la cellule de Crise du HDZ.
14 Est-ce que vous vous souvenez des raisons qui ont été avancées pour
15 que soit changé le nom de cet organe en cellule de Crise à cette époque-là,
16 vers la mi-septembre 1991 ?
17 R. C'était tout simplement la mode en Yougoslavie. La Bosnie-
18 Herzégovine avait sa cellule de Crise, pour ce qui est de la présidence et
19 du gouvernement, le SDA avait fait la même chose. Le SDS également, alors
20 pourquoi est-ce que les Croates ne pouvaient pas avoir également leur
21 propre cellule de Crise ?
22 Q. Au troisième paragraphe du premier chapitre de la première section, il
23 est indiqué que la cellule de Crise commencera immédiatement de fonctionner
24 et se chargera de l'ensemble du système de défense de la population croate
25 en Bosnie-Herzégovine et s'assurera que soit acquis des armes.
26 Est-ce que vous pourriez dire aux Juges, je vous prie, quelles sont les
27 mesures qui ont été prises pendant cette époque pour acquérir des armes au
28 nom du HDZ de l'ABiH ?
Page 3899
1 R. Dans un premier temps, il était justifié d'essayer d'armer la
2 population, d'autant plus que les Serbes était déjà extrêmement armés et
3 ils n'avaient pas acheté ces armes, on les leur avait données gratuitement.
4 Une partie de la population musulmane était armée également, surtout en
5 Bosnie orientale, donc, du point de vue politique, il aurait été absolument
6 irresponsable et tout à fait erroné, du point de vue humain, qu'en tant que
7 président de l'Union démocratique croate, à l'époque, je me taise et que je
8 me contente tout simplement de regarder notre peuple se faire tuer dans de
9 nombreux endroits.
10 Q. Je ne vous demande pas de justifier quoi que ce soit, je vous demande
11 de nous dire quelles sont les mesures qui ont été prises, et j'aimerais
12 savoir quelles sont les mesures qui ont été prises, notamment, pour acheter
13 des armes ?
14 R. Excellent. Je dirais qu'à l'époque un grand nombre de Croates de la
15 diaspora voulait revenir chez eux et défendre la Bosnie-Herzégovine ainsi
16 que le peuple Croate. Etant donné qu'il y avait blocage de l'Etat, la
17 Défense territoriale était placée sous l'administration de l'armée
18 population yougoslave, il faut savoir qu'il y avait les généraux en
19 retraite qui se trouvaient là. L'armée avait en quelque sorte été nettoyée
20 de tous ces cadres croates. Il y avait une purge et seuls les Serbes et les
21 Monténégrins étaient restés pour l'essentiel, et le 24 décembre 1991, cela
22 a été confirmé lorsque les généraux Adzic et Kadijevic sont venus négocier,
23 et ils avaient 12 généraux monténégrins et un amiral slovène. Notre devoir
24 consistait à essayer de protéger la population et nous n'avions pas -- et
25 il fallait le faire par Zagreb parce que Zagreb avait déjà la possibilité
26 d'obtenir des armes, il faut savoir qu'en tant que président qui venait en
27 plus et qui avait en plus un passé civil, je ne pouvais pas véritablement
28 essayer de participer à tout cela, mais j'ai chargé deux personnes
Page 3900
1 d'établir la coopération avec Zagreb pour obtenir des armes et il
2 s'agissait de Mate Boban et Stanic. Alors, bien entendu, ils avaient
3 également d'autres assistants mais il faut savoir que lorsque a éclaté la
4 guerre il y a une partie homogène de la population qui était déjà armée
5 dans une certaine mesure.
6 Q. Qu'entendez-vous par une partie homogène qui était déjà armée ? De
7 quelle partie homogène parlez-vous ?
8 R. Il s'agit de ce qui trouvait en Posavina, en Bosnie centrale ainsi
9 qu'en Herzégovine occidentale. Lorsque nous disons qu'ils étaient armés
10 c'était très peu en comparaison à la JNA et aux Chetniks, mais pour les
11 citoyens de Sarajevo qui n'avaient rien, il nous semblait que cela
12 représentait une quantité imposante.
13 Q. Mais ces régions de la Posavina, de la Bosnie centrale, et de
14 l'Herzégovine occidentale, dans quelle mesure est-ce que ces régions
15 étaient homogènes ?
16 R. En Herzégovine occidentale, il y avait une homogénéité nationale, et
17 puis il y avait d'autres -- les deux autres régions en Bosnie-Herzégovine
18 où les Croates étaient essentiellement groupés. Je vous ai dit que le
19 peuple croate en Bosnie-Herzégovine va depuis Neum jusqu'à Brcko, mais,
20 dans certains endroits telle que la région de Bihac, nous sommes très peu
21 nombreux. Il y avait un certain nombre de Croates en Bosnie centrale et
22 dans la région de la Posavina également et nous étions nombreux dans cinq
23 ou six municipalités et il était tout à fait normal que ces personnes
24 essayaient de défendre leurs propres foyers d'autant plus qu'ils se
25 trouvaient en quelque sorte dans ce corridor en direction de Banja Luka.
26 Q. Avant que nous ne terminions pour ce soir j'aimerais attirer votre
27 attention sur le paragraphe 11 des conclusions. Dans ce paragraphe, il
28 semblerait qu'une Commission chargée de la Cantonisation a été établie.
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1 Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui était cette Commission chargée de
2 cette Cantonisation, et pouvez-vous nous dire quel était son mandat ?
3 R. C'était un organe consultatif. Il y avait plusieurs professeurs
4 universitaires qui se trouvaient au sein de cette commission, des
5 professeurs qui avaient des parcours différents et qui également
6 enseignaient différentes disciplines. Les Serbes à l'époque ne proposaient
7 pas que l'on désintègre en quelque sorte que l'on partage la Bosnie-
8 Herzégovine, mais ils prônaient cette cantonisation en donnant pour exemple
9 la Suisse, et en fait, bon, vous savez quelle est la position des Serbes à
10 l'époque elle était telle qu'ils contrôlaient quasiment 70 % de la Bosnie-
11 Herzégovine, alors qu'il n'y avait que 31 % de la Bosnie-Herzégovine qui
12 leur appartenaient. Là, il y avait un certain nombre de municipalités où
13 ils étaient majoritaires. Puis c'était une région assez reculée avec très
14 peu de villes. Les Serbes en Bosnie-Herzégovine ne sont pas véritablement
15 une population urbaine. C'est plutôt -- il s'agit plutôt d'une population
16 rurale, mais il faut savoir que leurs ambitions dépassent de loin ce qui
17 leur appartenait en fonction d'un principe de répartition démographique ou
18 de la population. C'est pour cela qu'ils aspiraient à prendre certaines
19 régions et une certaine partie de ces régions où l'on parlait le croate.
20 Q. A la fin du paragraphe - et je m'excuse de vous interrompre, Monsieur
21 Kljuic, mais je pensais que vous alliez vous interrompre - et voilà ce que
22 j'aimerais savoir. A la fin du paragraphe, il est question des membres de
23 la commission, il est dit que la commission va présenter une proposition
24 visant donc cette cantonisation à la présidence au plus tard le 22
25 septembre 1991. Est-ce que vous pourriez nous dire s'il y avait des cartes
26 ou des propositions qui ont été présentées à la présidence par cette
27 Commission chargée de la Cantonisation et ce le 22 septembre 1991 ?
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, rapidement, s'il vous plaît.
Page 3902
1 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
2 je n'aime pas interrompre mon confrère, mais mon confrère a déjà soulevé
3 une objection assez semblable car c'est la première fois que nous abordons
4 maintenant un sujet qui a quand même une certaine pertinence, et le
5 Procureur interrompt le témoin. C'est la première fois que j'entends un
6 thème qui a une certaine pertinence dans cette affaire, et maintenant, je
7 vois que le Procureur ne permet pas au témoin de terminer sa réponse. Je ne
8 sais pas pourquoi et je vois pas vraiment quel est le but de tout cela.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'essaie d'être très concret pour que vous
11 puissiez prendre connaissance de la situation telle qu'elle était sur le
12 terrain.
13 Les Serbes en passant par le SDS, et les Musulmans de Bosnie en passant par
14 le SDA avaient les mêmes Commissions chargées de la Cantonisation.
15 C'étaient les Commissions qui comptaient des experts reconnus, des
16 démographes, des historiens. Il s'agissait de s'installer autour d'une
17 table et il fallait que ces commissions se mettent d'accord entre elles
18 pour voir qui avait droit à quoi. Donc, s'il y a un pont qui traverse une
19 rivière, vous allez rattacher le morceau qui est relié et non pas celui où
20 il n'y a pas de pont. Il s'agissait là d'une nouvelle structuration
21 administrative, personne ne dit à ce moment-là il n'y aurait plus de
22 Bosnie-Herzégovine, mais il s'agit de transformer ces structures
23 administratives et ce sont des experts qui formuleront les propositions
24 pour les cantons car pour remplacer les districts, municipalités, et
25 cetera, enfin telles qu'elles étaient les dénominations de l'Autriche-
26 Hongrie ou de l'ex-Yougoslavie. Il s'agissait d'adopter un système proche
27 de la Suisse. Bien entendu, malheureusement ce système n'a pas pu être mis
28 en œuvre et finalement il a dégénéré.
Page 3903
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais qu'on termine. Vous dites que les Serbes
2 avaient aussi le même type de commission, mais ces Commissions pour la
3 Cantonisation se mettaient en place, mais en fonction d'un texte, d'un
4 ordre, d'une directive, ou c'étaient des initiatives purement locales et
5 politiques de partis politiques ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. C'était du sommet des partis politiques
7 c'était le résultat des entretiens entre les présidents, les délégations,
8 puis de l'écho que cela a eu dans l'opinion publique.
9 Un exemple très simple, dans un article on dit mais on ne va pas se
10 disputer, on ne va pas se battre. Créons des cantons à l'image de la Suisse
11 et la paix régnera en Bosnie et, à l'époque, il n'y a personne qui ne soit
12 prêt à appuyer une telle proposition.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour ce soir, on va arrêter là parce qu'il est 19
14 heures et quelques. Alors, Monsieur, vous reviendrez pour l'audience qui
15 continuera demain à 9 heures du matin. D'ici là, vous ne rencontrez ni les
16 représentants du Procureur, ni les avocats de la Défense.
17 Avant de terminer cette audience, les Juges se tournent vers Me Jonjic.
18 Nous avons été, Maître Jonjic, informés par le service du Greffe que dans
19 le courant de l'après-midi, la nomination, donc, d'un avocat vous
20 substituant va être mise en place. A priori, l'intéressé prendra ses
21 fonctions dès demain. Alors je vous informe de cela. Au nom de mes trois
22 autres collègues, je vous remercie pour tout le travail que vous aviez fait
23 jusqu'à présent dans l'intérêt de M. Coric et nous espérons vous revoir
24 peut-être dans d'autres circonstances, et donc, je tenais à nouveau à vous
25 remercier pour le travail accompli jusqu'à présent.
26 Voilà. Il est donc 19 heures 04. A moins que Me Jonjic voulait prendre la
27 parole -- non.
28 Mme PINTER : [interprétation] Si je puis prendre la parole moi-même,
Page 3904
1 Monsieur le Président. Je n'ai pas été mandatée par mon confrère à le
2 faire, mais, au nom de la Défense, je tiens à remercier Me Jonjic d'avoir
3 fait preuve d'une approche très professionnelle et d'avoir travaillé d'une
4 manière très solidaire avec nous. Je regrette qu'il nous quitte.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est donc 19 heures 05. Je remercie tout le monde
6 et je vous invite à revenir pour demain, 9 heures. Merci.
7 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mardi 27 juin 2006,
8 à 9 heures 00.
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