Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 27 juin 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, je vous demande de bien

7 vouloir appeler le numéro de l'affaire.

8 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président, et bonjour à

9 tous. Affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic, et consorts.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je salue toutes les

11 personnes présentes et je salue les représentants de l'Accusation, les

12 avocats, les accusés, ainsi que tout le personnel de cette salle

13 d'audience. Je salue particulièrement les nouveaux avocats de M. Coric qui

14 sont présents dans la salle d'audience, et je vais demander à l'avocat de

15 bien vouloir se présenter afin qu'on fasse connaissance.

16 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Dijana Tomasegovic Tomic, je suis

17 avocat de Zagreb, et je représente M. Valentin Coric.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Au nom de tous les Juges, nous vous souhaitons

19 la bienvenue dans cette enceinte judiciaire.

20 Nous allons continuer à poursuivre l'interrogatoire principal, et je vais

21 donner la parole à M. Scott.

22 Monsieur Scott.

23 LE TÉMOIN : STJEPAN KLJUIC [Reprise]

24 [Le témoin répond par l'interprète]

25 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 Interrogatoire principal par M. Scott :

27 Q. [interprétation] Monsieur Kljuic, bonjour.

28 R. Bonjour.

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1 Q. Nous allons parcourir un certain nombre de documents, Monsieur.

2 M. SCOTT : [interprétation] Le document suivant sera la pièce

3 P 00060. M. le Greffier, pourrait-il nous aider ?

4 Q. Très bien. Monsieur, si vous êtes en mesure de voir le document,

5 pourriez-vous nous confirmer, s'il vous plaît, après l'avoir examiné qu'il

6 s'agit bien là de conclusions d'une réunion conjointe qui s'est tenue entre

7 la présidence HDZ de Bosnie-Herzégovine et la cellule de Crise du HDZ de

8 Bosnie-Herzégovine du 8 octobre 1991 ?

9 R. Oui.

10 Q. En particulièrement, c'est le paragraphe 4, sous

11 l'intitulé : "Conclusions," qui m'intéressera. "L'Union démocratique croate

12 de Bosnie-Herzégovine continuera de prôner une Bosnie-Herzégovine

13 indépendante et indivisible si ceci est possible," et cetera. Tout un

14 chacun peut lire le texte pour cela.

15 Monsieur, d'après vous, c'était toujours la politique officielle du Parti

16 HDZ en Bosnie-Herzégovine en octobre 1991 ?

17 R. J'étais celui qui prônait avant tout ces conclusions-là, c'était la

18 politique officielle du HDZ de Bosnie-Herzégovine.

19 Q. Tout de suite dans la suite le paragraphe qui suit, donc, au point 4,

20 il est fait référence à la Commission pour Cantonisation. Est-ce que vous

21 pouvez nous donner plus de détail au sujet des travaux de cette commission

22 pendant cette période-là ?

23 R. J'en ai parlé, hier, que cette proposition de procéder à la

24 cantonisation était une proposition légitime car elle envisageait un

25 nouveau découpage administratif de la Bosnie-Herzégovine. A chaque fois

26 qu'il était question de cantonisation, on n'envisageait pas par là le fait

27 de porter atteinte à l'Etat de Bosnie-Herzégovine, ni à ses frontières.

28 Mais, comme toujours, le problème se posait avec les Serbes, car ils ont

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1 été les premiers à lancer cette idée de changements administratifs de

2 l'organisation de la Bosnie-Herzégovine, mais leurs revendications

3 n'étaient pas réalistes. Elles étaient trop grandes. Par la voie de la

4 cantonisation, ils cherchaient à s'emparer du contrôle de la plupart des

5 territoires, et en particulier, des territoires où la population serbe

6 n'était pas majoritaire et là, des problèmes se sont posés. C'est la raison

7 pour laquelle tous les négociateurs - et entre guillemets - les parties

8 musulmane et croate, ont fondé leur propre Commission afin de préparer une

9 Solution administrative qui améliorerait la structure interne de la Bosnie-

10 Herzégovine. Ces Commissions chargées d'envisager la Cantonisation se

11 composaient d'experts, de personnes de renom qui n'étaient pas des hommes

12 politiques, c'était surtout des experts; cependant, ils n'ont jamais mené à

13 bien leurs travaux. Toutefois, le fruit de leur travail sera utilisé plus

14 tard lors des négociations de Genève et ceci servira de point de départ ou

15 de base au plan Vance-Owen.

16 Q. Très bien. En répondant - page 3, ligne 5 - vous avez dit : "Mais le

17 problème a été" - et vous vous référez aux Serbes - "que leurs prétentions

18 étaient énormes et non réalistes. Ils voulaient contrôler la cantonisation

19 -- ou plutôt, ils voulaient contrôler une partie importante des

20 territoires, en particulier, ceux où les Serbes n'étaient pas dominants et

21 là, des problèmes se sont posés."

22 Pourriez-vous décrire davantage aux Juges quel est le problème qui s'est

23 posé, lorsque vous dites qu'ils : "avaient des revendications sur des

24 territoires où les Serbes n'étaient pas majoritaires ou dominants" ?

25 R. Mais, tout simplement, il faut savoir que les Serbes ont demandé de

26 contrôler la rive gauche de la Neretva, sur une bonne partie de ce

27 territoire, et ils n'étaient représentés que de manière symbolique, car il

28 faut savoir qu'il n'y a que 15 ou 20 % de Serbes à Stolac, que la grosse

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1 majorité de la population était constituée de Croates et de Musulmans de

2 Bosnie. La rive gauche de Mostar, de même, sans parler de Jablanica,

3 Konjic, et cetera, donc, les Serbes représentaient 31 % de la population de

4 Bosnie-Herzégovine, mais ils possédaient un peu plus de territoire car leur

5 population n'était pas urbanisée, elle était plutôt rurale. Ils étaient

6 propriétaire des zones inhabitées qui, d'après leur étendue, étaient assez

7 importantes; cependant, ils ne se sont pas contentés de revendiquer ces

8 territoires-là, ils ont revendiqué des villes, voire même des villes où les

9 Serbes étaient clairement minoritaires. Bien entendu, ils ne sont pas

10 engagés dans ces négociations sur la cantonisation de manière franche et

11 ouverte. Ils exigeaient des conditions qui n'étaient pas acceptables pour

12 nous, simplement pour attiser les tensions.

13 Pendant cette phase de négociations, il y avait des persécutions, des

14 meurtres, l'occupation de certains territoires et tout ceci aggravait les

15 tensions et constituait une pression exercée sur la constitution, la forme

16 de la Yougoslavie.

17 Vous savez, la constitution yougoslave stipulait que la JNA était

18 avant tout une armée populaire et d'autre part, qu'elle garantissait le

19 maintien de l'Etat. En octobre 1991, donc, la période qui nous intéresse

20 maintenant, la JNA n'est absolument plus une armée populaire, c'est une

21 armée profasciste. Elle ne représente pas tous les peuples en minorité de

22 Yougoslavie, comme on disait populairement, mais les Serbes, les

23 Monténégrins et les Chetniks également. Après ce qu'elle a fait, en

24 particulier contre la Slovénie, puis ensuite contre la Croatie --

25 Q. Je vais vous interrompre ici, Monsieur, pour pouvoir aller de

26 l'avant. Le paragraphe 5, s'il vous plaît, de ce même document. Il y est

27 dit : "La décision de la présidence de Bosnie-Herzégovine sur la neutralité

28 de Bosnie-Herzégovine est acceptée, mais à cette condition près que la

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1 Bosnie-Herzégovine ne doit pas et ne sera pas un polygone militaire pour

2 poursuivre l'agression."

3 Monsieur, le 8 octobre 1991, la politique officielle du HDZ de Bosnie-

4 Herzégovine consistait à dire que la Bosnie-Herzégovine devait rester

5 neutre ou être neutre; est-ce bien cela ?

6 R. C'était un point très important remporté par le HDZ. La seule chose

7 qu'on ait pu demander, et c'est ce que nous avons fait au sein de la

8 présidence de Bosnie-Herzégovine, c'était la chose suivante. Dans le

9 conflit qui opposait la Serbie et la JNA d'une part et la République de

10 Croatie d'autre part, que la Bosnie-Herzégovine soit au moins neutre.

11 "Neutre" signifie un certain nombre d'autres implications aux connotations

12 qui étaient importantes pour nous, les Croates. "Neutralité" signifiait que

13 nous, nos soldats, les citoyens de Bosnie-Herzégovine ne soient plus

14 recrutés dans les rangs de la JNA et nous y sommes parvenus; cependant, les

15 Serbes ont continué d'y aller en tant que volontaires.

16 Nous avons également exigé que cette neutralité signifie qu'on n'ait pas le

17 droit de tirer depuis le territoire de Bosnie-Herzégovine contre la Croatie

18 et c'était la pratique courante car la JNA échappait au contrôle des

19 autorités civiles de Bosnie-Herzégovine. Les documents vous le montreront.

20 Deux mois plus tard, nous avons eu une réunion avec la direction de la JNA

21 à Sarajevo.

22 Q. La dernière page de ce document, Monsieur, s'il vous plaît, vous l'avez

23 signé en votre qualité de président du parti ?

24 R. Oui.

25 Q. Quelques semaines plus tard, Monsieur, le 11 novembre 1991, la

26 communauté croate d'Herceg-Bosna a-t-elle été créée -- la communauté croate

27 de Posavina de Bosnie ?

28 R. Oui.

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1 Q. Où était situé ce territoire, cette communauté de Posavina ? Quelle

2 municipalité est-ce que cela comprend ?

3 R. C'est au nord de la Bosnie-Herzégovine, c'est la partie la plus fertile

4 du territoire. Les Croates y étaient majoritaires et nous avions l'autorité

5 locale à Bosanski Brod, à Derventa, à Bosanski Samac, à Brcko et à Modrica.

6 Nous participions au pouvoir à Odzak et à Orasje, nous avions le pouvoir

7 absolu et c'est la région qui sera victime de la guerre parce qu'elle se

8 trouve le long de cette route Belgrade-Banja Luka. Nous avons eu la

9 création de la région de Travnik et puis d'Herzégovine et puis Sarajevo qui

10 n'a pas vraiment fonctionné et puis, ensuite, celle de Bihac, il était dans

11 la suite naturelle des choses que les Croates de ces municipalités

12 s'organisent -- se préparent et, après la création de ces autres régions,

13 il a été tout à fait naturel que la région de Posavina s'organise de la

14 même façon. Seulement ceux qui ont fondé cette région n'ont pas eu à

15 l'esprit le rôle qu'aura à jouer cette région à partir du moment où toutes

16 les régions seront unifiées.

17 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vais vous interrompre. Je

18 souhaite poser au témoin une question au sujet de la Posavina, juste pour

19 rafraîchir notre mémoire sur le plan géographique. La Posavina, n'est-ce

20 pas, tient son nom de la rivière Sava, c'est le territoire qui se situe au

21 sud de la rivière Sava ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Il convient de dire aussi que ce

24 sont des terres fertiles de Bosnie-Herzégovine; est-il exact de le dire ?

25 Donc, cela se situe au sud de la Sava ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, précisément, Monsieur le Juge. Tout à

27 fait, absolument.

28 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est précisément ce que vous venez de dire,

2 Monsieur le Juge.

3 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

5 M. SCOTT : [interprétation]

6 Q. Monsieur Kljuic, nous allons nous servir du logiciel Sanction. Je

7 souhaite présenter la carte qui a été présentée pendant les propos

8 liminaires. Elle a été fournie à toutes les parties. La voyez-vous ?

9 R. Oui.

10 Q. Pouvez-vous confirmer que cette zone qui se situe dans l'angle nord-est

11 de la Bosnie-Herzégovine correspond à la communauté de Bosanska Posavina ?

12 R. Oui. C'est le territoire qui constituait la communauté de Bosanska

13 Posavina d'un point de vue du parti politique, du point de vue de parti

14 politique. Mais il y a là plusieurs municipalités où les Croates ne sont

15 pas majoritaires. Donc, ce n'était pas une revendication territoriale.

16 C'était tout simplement un mode d'organisation du parti dont l'objectif

17 était d'organiser ces citoyens afin qu'ils puissent se préparer pour faire

18 face aux événements qui allaient suivre.

19 Q. La pièce P 00072, s'il vous plaît. Les pages 7 et 8, s'il vous plaît,

20 de la version croate, pouvez-vous les examiner en anglais ? Je pense que ce

21 sont les pages 7 et 8 pour les passages qui nous intéressent.

22 Le passage qui nous intéresse "C'est que nous ayons contact avec des hommes

23 --" excusez-moi. Cela commence, page 7, de votre version -- de la version

24 anglaise, je pense : "Kljuic m'a appelé pour dire qu'il a entendu que vous

25 aviez été en contact avec ces gens de Herzégovine --"

26 L'INTERPRÈTE : L'interprète ne voit pas le texte.

27 Mme NOZICA : [interprétation] Tout d'abord, bonjour, Monsieur le Président,

28 Messieurs les Juges. Nous avons reçu un très grand nombre de

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1 transcriptions, de procès-verbaux de différentes réunions pour accompagner

2 la déposition de ce témoin. Le premier point, me semble-t-il, qu'il faut

3 déterminer, c'est de savoir s'il a été présent à cette réunion ? Ensuite,

4 on peut voir les détails. Merci.

5 M. SCOTT : [interprétation]

6 Q. Monsieur, est-ce que vous vous rappelez une conversation par téléphone

7 avec le président croate Tudjman, vers le 14 novembre 1991 ?

8 R. Absolument.

9 Q. Pouvez-vous nous parler de cette conversation ?

10 R. Il y a eu un certain nombre de problèmes de communication. Il faut

11 savoir toujours que je suis à Sarajevo et qu'il y a un encerclement. C'est

12 l'apogée de l'agression de Milosevic et de la JNA contre la Croatie,

13 Dubrovnik et Pilone [phon]. Vukovar --

14 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Monsieur Kovacic, vous avez la

15 parole.

16 M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, mais nous ne

17 voyons pas le document s'afficher à l'écran. Nous savons de quoi il s'agit,

18 mais les co-accusés ne le voit pas non plus.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, le document.

20 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, si j'ai bien compris

21 la question, la question était appropriée. M. Scott a demandé au témoin

22 s'il se rappelait cette conversation. Maintenant, le témoin dépose d'après

23 sa mémoire. J'aimerais mieux pour ma part que le témoin ne se rafraîchisse

24 pas la mémoire en regardant le document puisqu'il a dit qu'il se rappelait

25 de la conversation. Ce serait très bien de voir de quoi il se souvient

26 plutôt que d'entendre des paraphrases du président Tudjman par rapport à ce

27 qui aurait été discuté.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de lui rafraîchir la mémoire, le témoin peut

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1 nous indiquer la teneur de la conversation téléphonique du 14 novembre

2 1991.

3 Alors, Monsieur le Témoin, répondez à cette question que tout le monde a, à

4 l'esprit. Vous nous avez indiqué qu'il y a eu une conversation téléphonique

5 avec M. Tudjman. Vous étiez à Sarajevo. Alors, pouvez-vous nous dire dans

6 quel contexte cette conversation a eu lieu ? Qu'est-ce que vous avez dit à

7 M. Tudjman ? Qu'est-ce qu'il vous a dit, lui-même ? Après, on vérifiera à

8 partir du texte.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je tiens à répondre à cet avocat, Monsieur le

10 Président. Il ne s'agit pas maintenant de vérifier --

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous répondez aux Juges.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous le dire alors. Il ne s'agit pas

13 ici de vérifier ma mémoire qui est plutôt bonne, mais tous les jours, j'ai

14 eu des conversations avec le président Tudjman. C'est cela. D'après le

15 texte que je vois ici, je sais précisément de quoi il s'agit. Il faut

16 savoir que, pendant la période en question, j'ai commencé à dire quelle

17 était la situation en Croatie, quelle était la situation en Bosnie-

18 Herzégovine. Un certain nombre de fonctionnaires municipaux du HDZ de

19 Bosnie-Herzégovine ne cherchent plus de réponses à Sarajevo, c'est plutôt à

20 Zagreb qu'ils les cherchent, et à ce moment-là, j'ai dit au président

21 Tudjman : "Ne les recevez pas. Renvoyez-les à moi, à Sarajevo pour que la

22 discipline soit maintenue au sein du parti," car le pire c'est que 99 %

23 d'eux ne pouvaient pas atteindre le président Tudjman. Ils arrivaient au

24 second couteau à Zagreb qui leur donnait leurs suggestions qui souvent,

25 étaient contraires à la politique principale du HDZ, qu'il soit de Zagreb

26 ou de Sarajevo, et cela a créé des problèmes. Mais bien entendu, puisqu'il

27 y avait un changement de la politique sur le plan général à Zagreb. A

28 Zagreb, ils se réjouissent de voir arriver ces jeunes hommes pleins de

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1 force et d'enthousiasme, et d'énergie. Donc, quelle a été la nature de ma

2 conversation avec le président Tudjman ? En tant que président légitime du

3 HDZ de Sarajevo, j'ai demandé que ces gens ne soient pas reçus à Zagreb, à

4 titre individuel, mais qu'on mette sur pied une politique avec moi, à

5 Sarajevo. Mais la plupart d'entre eux ne voulaient pas aller à Sarajevo,

6 mais plutôt à Zagreb. Ils avaient des contacts personnels, privés, par voie

7 familiale et autres, là-bas. C'est qui a créé une confusion sur le terrain.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous lui avez dit cela; qu'est-ce qu'il a répondu

9 lui ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'était pas une réponse très précise car

11 cela lui plaisait aussi de les voir arriver, là-bas. Voyez-vous, ils

12 arrivaient, ils étaient très enthousiastes. Seul le président Tudjman et

13 notre président, notre seul président, et ce, à Zagreb, il avait un grand

14 handicap. Il ne connaissait pas la Bosnie et nombre d'entre eux ne

15 l'aimaient pas non plus.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, poursuivez.

17 M. SCOTT : [interprétation]

18 Q. Vous rappelez-vous si vous et M. le président Tudjman, vous aviez

19 discuté de la création de ces communautés régionales ?

20 R. Il fallait apporter son appui à la création de ces régions, mais, dans

21 la variante que je vous ai exposée, hier,selon le principe de

22 subordination, respect des directives politiques, travail sur le terrain,

23 le fait que les gens se regroupent, même à l'époque, les jeunes évitaient

24 d'être recrutés dans l'armée. Puis, il y avait un problème avec la rentrée

25 scolaire, de nombreux enfants n'étaient pas inscrits parce qu'ils ne

26 savaient pas où. Puis, parfois, ils ne le voulaient pas ou ne le pouvaient

27 pas à Banja Luka, ni à la faculté, ni à l'école, ce n'était possible. Puis

28 le problème de vaccination des enfants, le problème des malades graves et

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1 ce qui est le plus important, une partie des Croates de Bosnie-Herzégovine

2 a pris part à la défense de la Croatie. Il s'agissait non seulement de

3 Croates, mais aussi de Musulmans de Bosnie, de Bosniens, donc, il y avait

4 des blessés parmi eux. Il était très difficile d'assurer le regroupement

5 familial. Si quelqu'un était blessé en Croatie alors qu'il est originaire

6 de Bosnie, ses proches devaient pouvoir s'y rendre et il fallait organiser

7 cela, et cetera.

8 Pour ce qui est --

9 Q. Avez-vous dit au président Tudjman que vous n'étiez pas d'accord avec

10 la création de ces communautés régionales ?

11 R. Non, je vous ai dit que même à la présidence du HDZ de Bosnie-

12 Herzégovine, nous avons fini par appuyer ces communautés régionales, mais,

13 dans les cadres que je viens de vous préciser car, à l'époque, on ne voit

14 pas qu'elle aspirerait à devenir des entités étatiques. Dans une situation

15 de danger de guerre, c'était une bonne mesure de s'organiser pour assurer

16 une subordination.

17 Q. Vous avez dit à l'époque qu'il n'avait pas été dit en fait qu'ils

18 avaient des ambitions pour ce qui est d'un Etat, est-ce que c'est vous qui

19 avez indiqué que vous n'aviez pas en fait ce genre d'idées ou quelqu'un

20 d'autre ?

21 R. Personne ne l'a fait publiquement et je ne l'ai pas d'ailleurs fait non

22 plus publiquement. Cela ne nous ai jamais passé par l'esprit. Je n'aurais

23 jamais pu imaginer quelque chose de ce style.

24 Q. Mais qui l'a fait publiquement ?

25 R. En sept jours -- ou en trois ou quatre jours -- ou trois ou quatre

26 jours après, il y a eu création de l'Herceg-Bosna, donc, lorsque cela a été

27 établi, cela n'a pas été exprimé du point de vue politique où il n'a pas

28 non plus été question d'Etat ou d'attribut relatif à un Etat.

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1 Q. Vous avez dit, à la ligne 19, que personne ne l'avait fait

2 publiquement, donc, il découle de votre question -- de votre réponse

3 plutôt, Monsieur, qu'il se peut que quelqu'un, que certains ne l'aient pas

4 fait publiquement. Je vous repose à nouveau cette question : est-ce que

5 vous avez été en mesure d'identifier quelqu'un qui aurait en fait envisagé

6 ces groupements comme une convergence en fait vers des entités

7 paraétatiques ou un Etat ? Est-ce que ces points de vue ont été exprimés de

8 façon publique ou non ?

9 R. Je ne savais pas qui pensait quoi. Je devais tout comme vous d'ailleurs

10 l'apprendre en temps voulu avec l'évolution de la situation.

11 Q. Vous dites aux Juges que pendant l'automne de 1991, et compte tenu de

12 tout ce dont nous avons parlé hier, vous ne saviez absolument pas qu'il y

13 avait certaines personnes au sein du parti qui avaient des points de vue

14 divergents à propos de ces questions ?

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, sur la

16 façon dont la question a été formulée. Ce n'est pas ce qui a été dit par le

17 témoin et il est en train, en fait, de préciser de façon erronée le

18 témoignage. Je suggère à M. Scott de reformuler la question pour prendre en

19 considération exactement ce qu'a dit le témoin parce que ce qui avait été

20 dit est assez différent de ce qui avait été dit.

21 M. SCOTT : [interprétation] Je ne suis pas d'accord, Monsieur le Président.

22 Le témoin a dit aux lignes 6 et 7, tout comme vous, et je suppose qu'il

23 faisait référence à moi, je devais apprendre tout cela en temps voulu, à

24 savoir ce qui signifie, apparemment, que le 18 octobre ou le 8 octobre, il

25 ne savait pas.

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait demander au témoin

27 ce qu'il savait, et à partir de là, on pourra voir la poursuite du dialogue

28 parce qu'en fait, il y a trop de suggestions ou il faudrait procéder par

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1 étapes, voire qui, comment, quand, où, et cela a été décrit, par exemple,

2 pour expliquer peut-être que nous pourrions avoir ce genre de réponse.

3 M. SCOTT : [interprétation] Bien.

4 Q. Je vais reformuler comme cela : quand est-ce que vous avez appris pour

5 la première fois qu'il y avait des gens au sein du HDZ qui avaient un point

6 de vue différent pour ce qui est, en fait, de la nature de ces organes

7 régionaux et de leur ambition vers cet Etat ? Quand est-ce que vous l'avez

8 appris pour la première fois ?

9 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce qui nous intéresse, nous les Juges, c'est de

11 savoir ce qui s'est passé. Nous ne sommes pas dans la procédure américaine.

12 Nous sommes dans une procédure mixte et l'intérêt des Juges c'est de savoir

13 sur le plan politique ce qui s'est exactement passé. On a un des acteurs

14 principaux à l'époque qui était investi d'une responsabilité imminente au

15 sein du HDZ de la Bosnie-Herzégovine, et ce témoin peut nous dire comment

16 de son point de vue il a vu cette évolution.

17 Alors, vous avez assisté, Monsieur, à ce débat entre l'Accusation et

18 la Défense. Nous les Juges nous n'entrons pas dans ce débat. Nous, ce que

19 nous voulons, c'est connaître la vérité et la manifestation de la vérité

20 passe évidemment par ce que le témoin va nous dire, donc, on apprend qu'il

21 y a la constitution d'une entité géographique dans le cadre de la création

22 d'une région de la Posavina.

23 Bien. La question qui se pose pour nous les Juges c'est de savoir

24 comment vous, à la tête du Parti HDZ, vous avez vécu cela ?

25 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Ceci avait-il un consensus parmi les membres du

27 parti, vous étant minoritaire ou représentant une majorité ? Alors, pouvez-

28 vous nous donner d'explications ? Alors, allez-y.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] La création de la -- ou la fondation de la

2 communauté de la Posavina était, en fait, une évolution naturelle en ce

3 sens, en fait, que la présidence de l'Union démocratique croate de la

4 Bosnie-Herzégovine avait insisté là-dessus. Il fallait, en fait, faire en

5 sorte de résoudre les problèmes allant depuis le domaine de l'éducation

6 jusqu'aux problèmes médicaux et autres. Toutefois, personne ne savait que

7 ces communautés s'uniraient un jour pour former une nouvelle association et

8 je ne le savais pas en tant que président de l'Union démocratique croate,

9 par exemple. Je n'ai même pas été convoqué pour assister à cette création

10 du

11 18 novembre. Toutefois, au vu de ce qui avait été avancé, il n'y avait rien

12 de spécialement dangereux ou menaçant. Ce qui était dangereux c'est que

13 nous l'avions fait après les Serbes parce que les Serbes avaient déjà formé

14 la SAO de la Krajina et commencé déjà à travailler de façon destructive, et

15 ce, en Bosnie-Herzégovine, à proprement parler. Donc, il ne s'agissait plus

16 de la guerre en Croatie qui avait lieu et qui était en train de devenir une

17 guerre très sanglante, mais le problème maintenant se posait en Bosnie-

18 Herzégovine. Lorsque cette communauté d'Herceg-Bosna a été créée, à partir

19 de ce moment-là, on m'a offert des garanties que cela était tout à fait

20 normal et qu'en fait, il s'agissait tout simplement de la poursuite de

21 cette unification régionale avec les mêmes problèmes et les mêmes questions

22 à régler. Etant donné que je vivais à Sarajevo et que je représentais le

23 HDZ le lendemain, j'ai dû répondre à des questions qui m'ont été posées par

24 des journalistes lors d'une conférence de presse, et ils m'ont demandé ce

25 que faisaient les Serbes, ce que faisaient les Croates; et ils m'ont

26 demandé si les Bosniens devaient adopter la même voie en tant qu'homme

27 politique. Je leur ai dit : mais non, ce n'est pas cela qui se passe, en

28 fait. Le but est de nous entraider et de voir que les choses évoluent dans

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1 le bon sens. Mais très rarement après cela, ils ont eu des réunions en mon

2 absence. Je pense, en fait, que c'était le 24 décembre et la réunion

3 capitale a été convoquée le 27 décembre à Zagreb où pour la première fois

4 de façon assez ouverte tout le monde a présenté son point de vue. Très,

5 très franchement, là, j'étais en position minoritaire puis l'apogée est

6 arrivée le 2 février 1992 lorsque véritablement nos chemins se sont

7 séparées avec, bien entendu, les conséquences extrêmement tragiques que

8 cela a eu.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans votre position que vous venez de bien décrire,

10 qu'est-ce qui motivait le fait que vous aviez une appréhension ? Etait-ce

11 là le parallèle que vous veniez de faire avec le SAO Krajina ? Qu'est-ce

12 qui vous permettait d'être inquiet à ce point ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, c'est assez simple. Premièrement, ils

14 se sont séparés de la direction légale de Sarajevo et ont pris contact avec

15 des gens à Zagreb, des gens de la périphérie, d'ailleurs qui s'étaient déjà

16 manifestés en tant qu'extrémistes. Vice Vukojevic, par exemple, qui avait

17 beaucoup plus d'influence, en fait, il avait beaucoup plus d'influence sur

18 la politique du HDZ de la Bosnie-Herzégovine sur le terrain qu'en n'avait

19 la direction officielle.

20 Puis, deuxièmement, au sens psychologique du terme - et je pense aux

21 citoyens de la Bosnie-Herzégovine - qui déjà à l'époque étaient victimes

22 d'une situation toute tentative et c'est ainsi que cela a été interprété

23 par la presse de Sarajevo, qui était pro-serbe ou qui avait des

24 orientations pro-serbe, mais toute tentative, disais-je, la part des

25 Croates pour s'emparer de leur propre part que cela soit réel ou réaliste

26 parce qu'il fallait voir encore la ligne des municipalités dans les

27 communautés puisqu'il y avait que

28 5 % de Croates qui vivaient ici, mais toute tentative était mal perçue. Il

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1 n'avait aucune possibilité de diriger cette région, de s'emparer de cette

2 région, mais il faut savoir que cela a créé chez les Musulmans un sentiment

3 de danger. Qu'est-ce que cela était censé signifier ? Qu'est-ce que cela

4 représentait pour leur propre communauté ? C'était la meilleure façon que

5 de détruire la Bosnie-Herzégovine.

6 Par ailleurs, si quelqu'un avait vécu toute sa vie en fonction d'un

7 certain code de conduite, je leur demandais s'ils étaient mécontents et

8 s'ils ne souhaitaient pas apporter leur soutien à la politique que nous

9 avions déjà adoptée lors de la convention à Mostar. Je leur disais :

10 "Ecoutez, Messieurs, essayons de dresser ou d'établir une nouvelle

11 convention et nous pourrions ainsi présenter un nouveau programme, et si

12 nous obtenons la majorité pour ce genre de politique, alors, nous pouvons

13 la mettre en pratique et trouver un nouveau président.

14 C'est pour cela que j'étais assez hérité, parce que nous

15 travaillions dans le cadre d'un programme politique qui avait été adopté en

16 toute légitimité sur le terrain grâce à ces personnes qui étaient les

17 dirigeants de ces communautés. Mais ils ont commencé à mettre en œuvre une

18 politique tout à fait opposée à celle qui avait été proclamée. Si cette

19 politique avait adopté l'évolution, le progrès et la défense, cela n'aurait

20 pas été si tragique, mais ce qui était tragique c'est qu'en fait ils

21 souhaitaient se rallier aux principes de destruction de principe de

22 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Cela a été présenté à cette

23 réunion de Zagreb et après cette réunion, comme je l'ai déjà dit

24 d'ailleurs, je suis parti, bien que je sois resté jusqu'au 2 février, une

25 réunion plénière avait été convoquée par les gens de Zagreb et les gens à

26 Zagreb. A l'époque, j'avais deux options : soit je n'y allais pas et ils

27 auraient pu voter tout et n'importe quoi, et la deuxième option consistait

28 à y aller et à essayer de me battre pour ce que je voulais obtenir. Comme

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1 vous le savez, la séance plénière a été interrompue et ils n'ont pas pu

2 véritablement exprimer leurs points de vu et les présenter.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord. Merci. Merci pour nous donner des

4 explications et des détails fort nombreux.

5 Mais juste une question qui me vient à l'esprit. Quand -- à partir du

6 mois de novembre, vous voyez ce mouvement qui est en train de se créer.

7 Pourquoi, en votre qualité de président du HDZ, vous n'avez pas, à ce

8 moment-là, fait une réunion ou des états généraux du HDZ pour prendre

9 position plutôt que de laisser ce mouvement s'amplifier à partir de

10 Zagreb ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, parce qu'à cause de la situation en

12 Bosnie-Herzégovine, et parce qu'une convention ne pouvait pas véritablement

13 être organisée à ce moment-là.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Le Statut du HDZ et les dispositions ne permettent

15 pas la convocation d'une convention, il y a des délais. Il y a un nombre de

16 membres qui doivent demander la tenue d'une convention. Vous dites, oui.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout était possible en fonction des Règlements

18 et des dispositions du Statut. Ledit Statut prévoyait la possibilité que je

19 collecte un certain nombre de signatures et que je convoque une convention,

20 mais, à toute fin pratique, tout était bloqué, donc, les gens ne pouvaient

21 pas venir à la réunion. Comme vous le voyez, la deuxième réunion a eu lieu

22 à Zagreb. Nous sommes venus de différentes réunions. Je suis arrivé en

23 avion en passant par l'Autriche, puis ensuite, je me suis rendu de

24 l'Autriche à Zagreb en voiture. D'autres sont venus par la Dalmatie et par

25 Rijeka pour atteindre Zagreb, alors que du fait des bouclages en Bosnie-

26 Herzégovine - je pense à la SAO de la Krajina - nous n'étions pas en

27 possibilité de rassembler suffisamment de personnes qui auraient pu venir

28 en Bosnie-Herzégovine. Donc, du point de vue - théoriquement, j'avais la

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1 possibilité de le faire. Il y avait un certain nombre de délégués qui

2 m'auraient apporté leur soutien, mais, en termes pratiques, du fait des

3 dangers de la guerre, nous ne pouvions pas convoquer cette réunion en

4 Bosnie-Herzégovine. Cela n'était pas viable. Ils n'auraient pas pu arriver

5 puisque tout était bloqué.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, poursuivez, s'il vous plaît.

7 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.

8 J'aimerais que l'on montre au témoin la pièce à conviction P 00078, et

9 c'est un document qui se trouve dans la deuxième liasse. Nous en avons

10 terminé avec l'examen de la première liasse.

11 Q. Dès que vous voyez le document affiché à l'écran, est-ce que vous

12 pourriez nous dire s'il s'agit d'un procès-verbal de l'établissement ou de

13 la création de la communauté croate d'Herceg-Bosna le 18 novembre 1991 ?

14 R. Oui, apparemment, oui.

15 Q. A l'article I, il est dit : "La communauté croate d'Herceg-Bosna doit

16 être établie ou sera établie, en tant qu'entité et tout politique,

17 culturel, économique et territorial." A l'article II, vous avez la liste

18 des municipalités qui font partie de la communauté croate d'Herceg-Bosna;

19 est-ce que voyez cela ?

20 R. Oui.

21 Q. Si nous prenons la fin du document, vous voyez que c'est Mate Boban qui

22 a soit signé le document ou, en tout cas, c'est son nom qui figure sur le

23 document.

24 R. Oui.

25 Q. Le titre donné à M. Boban dans ce document est président de la

26 communauté croate d'Herceg-Bosna. Hier, nous avons appris qu'il était le

27 premier vice-président du parti. Quand est-ce qu'il est devenu président de

28 la communauté croate d'Herceg-Bosna ?

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1 R. Bien, je suppose lorsque cela a été constitué. Je n'y étais pas. Je

2 n'avais pas été invité à y assister, même si j'avais été invité, je n'y

3 serais pas allé.

4 Q. Pourquoi est-ce que vous n'avez pas été invité ?

5 R. Bien, il faudrait peut-être que vous leur posiez cette question à eux,

6 pas à moi.

7 Q. Vous venez de dire, si j'avais été invité, je n'y serais pas allé.

8 Pourquoi ?

9 R. Je n'y serais pas allé parce qu'il y avait un parti politique légal le

10 HDZ de la Bosnie-Herzégovine, qui représentait

11 95 % des Croates de Bosnie-Herzégovine, donc là, il s'agissait d'un organe

12 parallèle.

13 Q. Mais je suppose que vous avez dû percevoir cela comme une évolution

14 positive pour la population croate en Bosnie-Herzégovine à l'époque, n'est-

15 ce pas ?

16 R. Bien, écoutez, vous pourriez effectivement l'exprimer de la sorte, mais

17 ce n'est pas la peine de le formuler de la sorte. Si vous prenez la façon

18 dont la communauté a été constituée et regardez le nombre de municipalités

19 mentionnées : Bugojno, Jablanica, Konjic. C'était absolument irréaliste,

20 c'est une proposition qui était absolument impossible. Mais vous verrez

21 qu'il ait dit, les gens disaient : Allez, on va y aller, puis, vous verrez

22 dans le procès-verbal qu'il y avait des personnes qui venaient de ces

23 provinces, ils débordaient d'énergie et d'enthousiasme. Alors, je dois dire

24 que ce fut, en fait, un geste très habile, mais ce fut un geste très

25 erroné. Mais ce fut un geste très habile parce qu'il est question d'entités

26 politiques, culturelles, économiques, mais il n'est pas question d'avoir un

27 Etat administratif séparé. Il n'y avait aucun de ces attributs qui

28 existaient, donc, je devais défendre le fait que, pour des raisons

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1 politiques, ils étaient unis, mais, en fait, personne ne savait que cette

2 évolution était telle qu'elle aurait véritablement pris racine.

3 Q. Monsieur, vous avez dit il y a un petit moment que si vous prenez la

4 liste des noms des municipalités, vous avez mentionné quelques

5 municipalités, telles que Jablanica et Konjic, vous nous avez dit que cela

6 était absolument irréaliste et impossible à défendre comme thèse.

7 R. Ecoutez, voilà, ces communautés ont été établies dans un premier temps

8 en tant que communauté du HDZ, donc, il s'agissait de communautés du parti,

9 en quelque sorte, le but étant de rassembler la population, les Croates

10 essentiellement, pour voir quels étaient leurs besoins, pour s'occuper

11 d'eux. Après que ces communautés ont été unies, ces communautés

12 démocratiques croates sont devenues les communautés régionales, nous avons

13 eu une nouvelle forme d'association et d'unité. En fait, nous avons eu une

14 association ou un type d'association supérieur, en quelque sorte. Mais la

15 formule était toujours une communauté culturelle, économique, et c'était

16 une formule qui n'était absolument pas illégale et cela ne représentait pas

17 véritablement un danger pour la Bosnie-Herzégovine.

18 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Pourquoi il était irréaliste et

19 impossible, comme vous l'avez dit, d'inclure Jablanica et Konjic au sein de

20 la communauté croate d'Herceg-Bosna ?

21 R. Ecoutez, parce que la population majoritaire absolue était la

22 population musulmane et pour ce qui est du point de vue culturel,

23 politique, géographique, ils n'appartenaient pas à ces communautés, c'est

24 un peu comme si vous coopter la Sardaigne (Sardinia), par exemple.

25 Q. Si vous prenez le paragraphe numéro 8, vous voyez qu'il n'est

26 absolument pas question d'ambitions gouvernementales. Vous voyez qu'il est

27 question à l'article 8 d'organes administratifs et exécutifs au sein de la

28 communauté croate d'Herceg-Bosna, n'est-ce pas ?

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1 R. Je ne vois pas l'article 8, est-ce que vous pourriez le faire défiler

2 vers le bas, je vous prie ?

3 M. SCOTT : [interprétation] Oui, nous allons demander l'aide du Greffe,

4 s'il vous plaît.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, il s'agit là d'une tentative qui est

6 faite pour transformer en fait cette communauté en une autorité ayant un

7 pouvoir exécutif et c'est justement pour cela que cela n'était pas

8 acceptable. En ce qui me concerne en tout cas, parce qu'à l'époque nous

9 avions le pouvoir et l'autorité en Bosnie-Herzégovine qui s'agissait

10 d'autorité qui avait été élue légitimement, alors, le fait que cela ne

11 fonctionnait pas dans certaines régions était expliqué par la situation que

12 nous avions à l'époque par la présidence, par exemple, de l'Armée populaire

13 yougoslave qui essayait d'établir des parallèles avec la situation serbe.

14 Mais l'Etat de Bosnie-Herzégovine n'existait encore, ainsi que son pouvoir

15 exécutif.

16 M. SCOTT : [interprétation]

17 Q. J'aimerais que vous preniez, je vous prie, la pièce

18 P 00082.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste avant, on va rester sur cette pièce.

20 Monsieur le Témoin, je vois le préambule de cette décision qui a été donc

21 prise le 18 novembre 1991. Dans le préambule, il est indiqué que cette

22 décision a été adoptée par des représentants élus du peuple croate. Ils

23 étaient combien, ces personnes qui se sont réunies pour prendre cette

24 décision, à votre connaissance ? Parce qu'il devait y avoir normalement des

25 membres du HDZ dans cette réunion.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas le chiffre exact, mais je

27 suppose qu'il s'agissait essentiellement de présidents locaux, de

28 municipalités, de députés locaux, de députés du cru, donc, et puis il y

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1 avait probablement certaines personnes qui avaient des fonctions au niveau

2 de l'administration de l'Etat au nom du HDZ et qui se sont rendus là. Je ne

3 sais pas, je n'ai jamais vu véritablement la liste des personnes présentes,

4 je n'ai pas vu les noms des personnes qui étaient présentes, mais le fait

5 est qu'il s'agissait de membres du HDZ et que la plupart avaient été élus

6 au moins à un niveau inférieur, peut-être, mais aux élections de 1990.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous avez dit que vous n'aviez pas eu de

8 convocation pour cette réunion ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand avez-vous eu connaissance de ce qui s'était

11 dit à cette réunion et de la décision qui avait été prise ? Avez-vous eu

12 connaissance le jour même, le lendemain, plusieurs jours après ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je dirais d'abord que je n'ai rien

14 appris sur ce qui c'était passé, mais ce soir-là il y a eu une émission

15 télévisée. En fait, la télévision a annoncé que la communauté avait été

16 constituée, que son président était Mate Boban et le lendemain, un

17 journaliste est venu me trouver, m'a demandé comment cela c'était passé,

18 comment est-ce qu'ils avaient pu faire ceci, alors que je n'y étais pas.

19 J'ai essayé de minimiser, en fait, cela, mais, manifestement, ils avaient

20 de grandes prétentions et revendications.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic.

22 Mme ALABURIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vous

23 remercie. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que cette décision

24 et son texte ont été amendés, le 3 janvier 1992. Donc, il ne s'agit pas du

25 texte intégral qui a été, en fait, présenté le 18 novembre. Si le témoin

26 doit expliquer ce qui s'est passé en 1991, je souhaiterais que l'on ne

27 perde pas de vue ce détail.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

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1 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, à ce sujet, il y a une

2 version précédente du document, nous avions l'intention de l'inclure dans

3 la liasse et malheureusement c'est le mauvais document qui a été inclus.

4 Nous vous fournirons ce document-ci dès que nous le pourrons.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Un autre Juge veut intervenir.

6 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, toujours sur le document que nous

7 sommes en train d'examiner sur l'établissement de la communauté croate de

8 Bosnie-Herzégovine, si nous lisons

9 l'article 5 de ce document - parce que j'ai le texte en anglais - la

10 communauté devrait respecter le corps, les autorités démocratiquement élues

11 de la République de Bosnie-Herzégovine. A l'article 7, la présidence sera

12 l'organe législatif de la communauté croate de Bosnie -- Herceg-Bosna. Je

13 voudrais votre témoignage pour essayer de nous expliquer un tout petit peu

14 si, selon vous, l'article 7 donnait le pouvoir législatif à la présidence

15 qui, en quelque sorte, entrait en contradiction avec le pouvoir de voler

16 démocratiquement aux autorités de la Bosnie-Herzégovine ou, dans le cas

17 contraire, ces deux dispositions sont parfaitement légales et logiques.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Les décisions à la suite de ces deux articles

19 n'étaient pas légales et ne pouvaient pas en fait être présentées en

20 Bosnie-Herzégovine. En fait, elles arrivaient par la petite porte, en

21 quelque sorte, il y avait donc eu introduction d'une organisation ou de

22 paraorganisation qui avait des prétentions de pouvoirs exécutifs absolus.

23 Qu'est-ce que cela signifie, en fait, que la présidence de la

24 communauté croate de l'Herceg-Bosna était composée du peuple croate, des

25 autorités municipales ? En fait, c'était très large. Il n'y avait pas

26 véritablement des dispositions juridiques, d'instruments juridiques. Mais,

27 par ailleurs, le fait que l'Herceg-Bosna voulait nommer des pouvoirs

28 exécutifs va, tout à fait, à l'encontre de l'établissement constitutionnel

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1 de l'Etat qui existait à l'époque.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Par ailleurs, on fait le constat que le

3 document que nous avons en pièce 78 est un document qui, d'après le

4 préambule a été actualisé le 3 juillet 1992. Donc, ce document n'est peut-

5 être pas comme l'a fait remarqué Me Alaburic, le document d'origine du 18

6 novembre 1991, puisque dans le préambule, il est indiqué que cette décision

7 avait été amendée le 3 juillet 1992. Donc, c'est un final "draft" que nous

8 avons sous les yeux, mais ce "draft" date de 1992, pas de 1991.

9 Bien, Monsieur Scott.

10 M. SCOTT : [interprétation]

11 Q. La pièce 79 -- P 00079, Monsieur le Greffier, pourriez-vous

12 l'afficher ? Ce n'est pas un document qui existe dans le classeur. C'est

13 par erreur qu'il n'a pas été mis dans le classeur.

14 Je vois à l'écran la version croate mais je suppose qu'on souhaiterait le

15 voir en anglais. Nous pouvons placer la version anglaise sur le

16 rétroprojecteur.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : On va la voir en anglais. C'est la version en croate

18 que nous avons.

19 M. SCOTT : [interprétation] Si je comprends bien, cela s'affiche

20 maintenant.

21 Q. Monsieur, vous voyez ce document à présent ?

22 R. Je vois le document. Je vous remercie. Effectivement, je l'ai en

23 croate.

24 M. SCOTT : [interprétation] Peut-on revenir à la version anglaise ? Je

25 voudrais que les Juges de la Chambre puissent voir la version anglaise,

26 l'article 1er, l'article 2. L'article 5 qui a, à voir avec les questions qui

27 ont été posées par les Juges.

28 Monsieur le Greffier, la pièce P 00077, également.

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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Pourrait-on voir tout le document, s'il vous

2 plaît ?

3 M. SCOTT : [interprétation] Bien entendu. Bien entendu.

4 M. KARNAVAS : [interprétation] L'article 7 semble plutôt être différent --

5 M. SCOTT : [interprétation] D'accord. Retournons à --

6 M. KARNAVAS : [interprétation] -- de ce que nous avons vu dans la version

7 de 1992.

8 M. SCOTT : [interprétation] Pouvez-vous agrandir sur l'article 7, s'il vous

9 plaît ? C'est exact.

10 La pièce P 00077 également, s'il vous plaît.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Avant cela, M. le Témoin peut voir qu'il y a

12 une différence pour ce qui est de l'article 7. Peut-être qu'il peut

13 formuler un commentaire. Je suppose que c'est la version que vous avez vue,

14 à l'époque.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, on constate que l'article 7 n'est pas le même.

16 Est-ce que vous avez, Monsieur, des observations à faire valoir ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] L'article 7, je ne l'ai jamais lu dans la

18 seconde version. Il ne m'a pas été disponible. Je vivais dans la Sarajevo

19 assiégée.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous dites que l'article 7 qu'on a

21 actuellement sous les yeux, vous, à Sarajevo, vous n'en avez pas eu

22 connaissance. Mais, maintenant, en 2006, quelle appréciation vous donnez

23 par rapport à cet article 7 que vous voyez maintenant et l'article 7 de

24 1992 ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] La traduction, s'il vous plaît ?

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, je crois qu'il y a un problème de traduction.

27 Voilà. Donc, ce que vous avez sous les yeux dans votre langue, c'est le

28 texte de 1991, le texte d'origine.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai un texte identique qui s'affiche sur les

2 deux écrans.

3 M. KARNAVAS : [interprétation] La solution la plus facile serait

4 peut-être de lui fournir la copie papier de la version 1992. En attendant,

5 Monsieur le Président, un point de précision. Est-ce que le témoin est en

6 train d'affirmer aujourd'hui qu'il n'avait aucun de ces documents parce

7 qu'il se trouvait dans Sarajevo assiégée, occupée; ai-je bien compris ?

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, la question qui vous est posée et que je

9 reprends à mon compte. Le texte que nous voyons actuellement, parce que

10 vous étiez dans Sarajevo, vous n'en avez pas eu connaissance ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ce document qu'on a sous les yeux, vous l'avez

13 découvert quand ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] A vrai dire, je n'ai jamais lu cela. Cela ne

15 m'a jamais intéressé.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Cela veut dire que c'est la première fois que vous

17 le voyez dans sa version d'origine ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne l'ai pas encore vu, Monsieur le Juge.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Ici, il est devant vous, à l'écran.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ce que j'ai, ce sont deux textes, tout à

21 fait, identiques de la première variante du

22 18 novembre 1991.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, le mieux serait de mettre sous l'"ELMO"

24 le texte de 1991. C'est possible, Monsieur le Greffier ? On va mettre sur

25 le système "ELMO", le texte de 1991, c'est-à-dire, la pièce 79; vous ne

26 l'avez pas ?

27 L'Accusation n'a pas une "hard copy" de la --

28 Bon, alors, par contre, on va garder à l'écran le 79 et on va mettre sur

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1 l'"ELMO" le 78. Comme cela, le témoin pourra faire la comparaison. Alors,

2 M. l'Huissier, mettez sur le ElMO le 78. Bon. Alors, je vais donner le

3 mien. Tenez.

4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] je vais vous donner ma copie. La

5 voici.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : En B/C/S.

7 Voilà. Il faudrait aller à l'article 7. Il faut tourner la page. Voilà.

8 Voilà. Vous avez les deux textes sous les yeux.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, quels sont vos commentaires par rapport aux

11 deux textes ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas un expert en droit, pour vous

13 apporter des conclusions juridiques pour ce qui est de la différence, mais,

14 en tant que citoyen qui s'intéresse à ce genre de questions, je peux vous

15 dire que, d'après ce que je vois ici en plus du président et les deux vice-

16 présidents, il y a maintenant le président et la présidence composée de

17 fonctionnaires et de représentants du peuple croate au niveau des

18 municipalités, et cetera, et que la présidence est un organe législatif,

19 donc, de la manière d'un profane disons remplace le parlement.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, vous nous dites que le texte que vous

21 voyez, de l'article 7, dans sa version 1992, indique qu'il y a une

22 compétence législative. C'est donc la remarque que vous faites.

23 Bon. Monsieur Scott.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, un instant, s'il vous plaît. Je l'ai dit,

25 en tant qu'un profane, je ne suis pas un expert. Ne tirez pas de conclusion

26 sur la base de ce que je viens de dire.

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Avant que M. Scott ne reprenne la parole,

28 Monsieur le Président, peut-être qu'on pourrait préciser cela. Monsieur a

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1 exprimé des points de vue avant d'avoir vu la version de 1992. Ensuite, on

2 lui a fait remarquer la version de 1991, et puis il a dit qu'il n'a jamais

3 vu la version ultérieure, il n'a lu ni la version de 1991 ni la version de

4 1992.

5 Sur la base de quoi a-t-il donné ces explications, il n'avait pas vu les

6 documents et c'est la première fois qu'il les voit, et maintenant, il

7 reconnaît qu'il n'est pas juriste et qu'il ne sait pas comment lire et

8 interpréter ces documents.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Il a fait un signe de négation avec la main.

10 Monsieur, pouvez-vous apporter un complément à ce qui vient d'être dit ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il vous plaît, le document de 1991 a été

12 publié dans la presse chez nous, je l'ai vu par la suite. Le document de

13 1992 je ne l'ai jamais vu. Un autre point, je ne vois pas ce que cela a

14 avoir avec cette affaire -- avec ce procès. Ce que vous demandez. Puis un

15 autre point, M. l'avocat dit que je ne suis pas juriste. Je l'ai dit. Mais

16 vous savez pour pouvoir comprendre la situation en Bosnie-Herzégovine,

17 parfois il suffit d'être le commun des mortels, on n'a pas besoin d'être un

18 expert -- un juriste.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Alors, par rapport à tout ce que vous

20 avez dit jusqu'à présent, vous apportez une précision complémentaire. Vous

21 dites que le texte de 1991 a été publié dans la presse, c'est ce que vous

22 venez de dire, hm-hm ? Que le texte de 1992 vous l'avez -- vous le

23 découvrez maintenant.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Monsieur Scott, il nous reste un quart

26 d'heure.

27 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

28 La pièce P 00082, s'il vous plaît. Excusez-moi. Si, M. le Greffier -

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1 excusez-moi. S'il pouvait nous affiche la pièce P 00079, qui ne figure pas

2 dans le classeur, mais compte tenu des questions qui ont été posées, je

3 souhaite en parler.

4 Comme je l'ai dit il y a deux minutes, une autre version du document de

5 1991 devait devenir la pièce à conviction, et je vous présente mes excuses

6 pour la confusion créée, et je vais présenter la version papier après la

7 pause.

8 Q. Monsieur, vous avez dit que vous avez vu par la suite dans la presse le

9 document de 1991, à savoir, la pièce 77; est-ce que vous pouvez examiner la

10 dernière page de ce document ?

11 Pouvez-vous examiner ce document ?

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Il doit y avoir une erreur au transcript. C'est la

13 pièce 79, pas 77.

14 M. SCOTT : [interprétation] Oui, excusez-moi, Monsieur le Président. La

15 pièce que nous voyons maintenant devrait être la pièce 77, et

16 effectivement, ce que je vois à l'écran c'est la pièce 77. Mais vous avez

17 raison, j'ai fait un lapsus. M. le Greffier nous affiche actuellement la

18 pièce P77. La version anglaise, s'il vous plaît, également, peut-on

19 l'afficher ?

20 Q. Monsieur, vous allez pouvoir vous familiariser avec la version en

21 croate pendant qu'on affiche la version anglaise dans le prétoire.

22 Monsieur, si vous avez eu le temps de prendre connaissance de ces deux

23 paragraphes, pouvez-vous dire aux Juges si ces deux paragraphes

24 supplémentaires ont également été publiés dans la presse le lendemain de

25 l'assemblée du 18 novembre, ou quelques jours plus tard ?

26 R. Probablement. Beaucoup de temps c'est passé depuis, mais la teneur a

27 certainement été publiée dans ce contexte et cela est vraisemblablement le

28 cas. Cela a dû être publié.

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1 M. SCOTT : [interprétation] La pièce P 00082, s'il vous plaît. 82. Nous

2 devrions l'avoir dans le classeur, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

4 M. SCOTT : [interprétation]

5 Q. Monsieur, dès que vous l'aurez vu s'afficher à l'écran pouvez-vous nous

6 confirmer qu'il s'agit là du procès-verbal de la réunion de la présidence

7 du HDZ de Bosnie-Herzégovine du 28 novembre 1991, dix jours après la

8 création de la communauté croate d'Herceg-Bosna ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous étiez présent à cette réunion ?

11 R. Je l'ai présidée.

12 Q. Pour que tout un chacun puisse voir cela, à l'ordre du jour, nous avons

13 cinq points, le document dit, "C'est le président Stjepan Kljuic qui a

14 ouvert la réunion et qui l'a présidée;" le voyez-vous ?

15 R. Je ne le vois pas.

16 Q. Nous avons les points de l'ordre du jour et après le point 5, tout de

17 suite là, nous voyons que : "Cette réunion a été ouverte et présidée par le

18 président Stjepan Kljuic."

19 R. Oui.

20 Q. Je vous invite à examiner la dernière page dans la version croate parce

21 qu'on y voit votre signature.

22 R. Oui.

23 Q. Monsieur, au point 1, nous avons un certain nombre d'alinéas, c'est le

24 1(c) qui nous intéresse. Est-ce qu'on y lit la chose suivante : "La

25 présidence du HDZ de Bosnie-Herzégovine adopte à l'unanimité les

26 conclusions sur la création de la communauté croate d'Herceg-Bosna, du 18

27 novembre 1991" ?

28 R. Oui.

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1 Q. Il y a un instant, est-ce que vous avez dit que vous avez donné votre

2 aval ? Il est dit ici que cela a été approuvé à l'unanimité.

3 R. Mais il faut replacer cela dans le contexte. Ils ont déjà créé

4 l'Herceg-Bosna et, maintenant, ils sont arrivés, ils avaient déjà la

5 majorité parmi les membres de la présidence qui était là, donc, que devais-

6 je faire ? Sous les aspects politiques, économiques, culturels, cette

7 communauté ne constituait pas un danger pour l'Etat de Bosnie-Herzégovine.

8 En reconnaissant cela en tant que président du parti, je devais dissimuler

9 certaines faiblesses internes en partie, mais, de prime abord, ceci ne

10 correspondait pas du tout au SAO Krajina Serbe. Sur le plan administratif,

11 elle n'avait pas d'ambitions politiques, à ce moment-là, et, bien entendu,

12 j'ai accepté de faire un compromis, je l'ai reconnu, parce que comme vous

13 le voyez, la présidence du HDZ de Bosnie-Herzégovine est toujours l'organe

14 le plus élevé du parti dans le pays.

15 Q. Fin novembre 1991, est-ce que vous aviez perdu le contrôle du parti ?

16 R. Pour ce qui est des institutions de l'Etat et des politiques

17 officielles, des négociations avec la communauté internationale, non, mais,

18 pour ce qui est des décisions prises sur le terrain, en particulier, dans

19 certaines municipalités des régions de Travnik et d'Herzégovine, c'était le

20 cas.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Peut-être devrait-on également examiner le

22 petit (b) où il est dit qu'il n'y a pas de clivage ? Etait-ce un compromis

23 politique ? Est-ce une fabrication ? Il faudrait lire d'abord petit (b) et

24 puis le petit (c). Je voudrais savoir pourquoi c'était unanime.

25 M. SCOTT : [interprétation] Justement, c'est ce que j'allais demander. Vous

26 allez pouvoir contre-interroger.

27 Q. Mais, Monsieur, vous avez dit que avez été obligé d'accepter certains

28 compromis, mais au petit (b), il est dit qu'il n'y a pas eu de scission au

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1 niveau de la direction du parti et qu'il n'y a pas eu de conflit entre les

2 dirigeants du parti non plus. Mais, si j'ai compris votre déposition, ligne

3 17, page 34, vous avez dit qu'à l'époque, vous aviez perdu le contrôle sur

4 l'appareil du parti, au moins pour ce qui est de l'Herzégovine et de

5 Travnik.

6 R. Oui.

7 Q. Donc, Monsieur, malgré ce qu'on lit ici, il y avait une scission ?

8 R. Mais, naturellement, qu'il y en a une, mais est-ce qu'il fallait rendre

9 cela public ? Est-ce qu'il fallait aggraver la confusion du peuple croate ?

10 Est-ce qu'il fallait que les citoyens normaux, ceux issus de couples

11 mixtes, ceux, qui se trouvaient en couples mixtes, doivent en pâtir ?

12 C'était un compromis politique tout à fait normal, on a dit : "Mais il n'y

13 a aucun problème, nous sommes unis, nous allons aller de l'avant," mais les

14 événements qui vont se produire par la suite, dans le mois qui va venir,

15 vont entraîner une scission, une séparation totale.

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous-même, vous ne faisiez pas

17 preuve de réalisme non plus. Vous espériez que le parti pouvait rester uni

18 et que l'Etat de Bosnie-Herzégovine pouvait rester uni alors que ces lignes

19 de scission étaient très présentes.

20 R. Ma plate-forme politique, c'était de lutter pour une Bosnie-Herzégovine

21 unie et pour l'égalité du peuple croate au sein de cet Etat. Sur le

22 terrain, il y a eu un comportement différent à ce que le parti affichait

23 dans sa politique, qui n'a pas changé. Il faut faire preuve de sérieux dans

24 les analyses politiques. Vous savez, le Kuwait a été occupé, mais le Kuwait

25 n'a pas disparu, son gouvernement est parti en exil et après le pays a été

26 libéré. Donc, il n'y avait pas de raisons à ce qu'on croie, à l'époque, que

27 la Bosnie-Herzégovine allait disparaître. D'ailleurs, ce qui s'est révélé

28 plusieurs années plus tard, c'est que j'avais raison de croire en l'avenir

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1 de la Bosnie-Herzégovine, au maintien de l'Etat.

2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour bien comprendre votre position, vous ne vous

4 opposez pas à l'adoption de cette décision puisqu'il est indiqué qu'elle a

5 été prise unanimement. Bien que vous avez dit que figuraient des

6 municipalités où il ne pouvait pas y avoir une entité politique ou

7 culturelle compte tenu des positions ethniques et vous avez cité Prozor,

8 Jablanica et Konjic. Mais, malgré cela, vous acceptez cette décision, vous

9 l'acceptez pensant qu'il n'y aurait pas de danger, ou à ce stade, vous

10 voyez se profiler des problèmes futurs ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il vous plaît, Prozor, je ne l'ai jamais

12 cité en tant que municipalité où les Croates étaient minoritaires parce que

13 la population y est majoritaire, la population croate. Jusqu'au moment où

14 la communauté croate d'Herceg-Bosna n'annonce qu'elle va exercer le pouvoir

15 exécutif, elle n'a pas constitué un danger, elle n'était pas contraire à la

16 loi, non plus. Mais, à partir du moment où ces gens conçoivent des

17 ambitions d'exercer le pouvoir exécutif en parallèle avec le pouvoir légal,

18 là il était clair qu'une catastrophe allait se produire. Par ailleurs,

19 lorsqu'il a été question de la création des communautés dans les

20 municipalités où les Croates n'étaient pas très représentés, ne

21 constituaient pas la majorité non plus, cela c'était normal. Mais,

22 lorsqu'on crée des communautés qui souhaitent exercer le pouvoir exécutif

23 même dans les municipalités où nous sommes minoritaires, où nous sommes, à

24 peu près aussi, représentés que les Bosniens, par exemple, c'est Travnik ou

25 Bugojno, là des problèmes vont se manifester. J'aurais pu crier à un

26 scandale, à ce moment-là, et dire que c'est anticonstitutionnel. Ce n'est

27 pas légal. C'est contraire a à la plate-forme du parti. J'aurais pu créer

28 une querelle publique, mais, compte tenu de mes résultats électoraux au

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1 sein du parti, j'ai pensé que les gens qui vivaient là, où il y avait une

2 cohabitation des Croates et d'autres peuples, qu'ils allaient accepter

3 cela, et que la situation allait s'apaiser, se calmer en Bosnie-

4 Herzégovine, d'autant qu'on parlait ce qui se passait, c'est la fin de la

5 guerre en République de Croatie. Le 2 janvier 1992, à Sarajevo, on a signé

6 la paix entre l'armée populaire yougoslave, les Serbes rebelles et les

7 autorités légitimes de la République de Croatie, donc, il y avait une

8 tendance générale d'apaisement. Bien entendu, on ne voulait pas créer des

9 problèmes ou des scissions en Bosnie.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

11 Il est 10 heures 30. On est obligé de faire la pause technique. Nous

12 reprendrons dans 20 minutes.

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

14 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'audience est reprise. Nous avons

16 jusqu'à midi et demi.

17 M. SCOTT : [interprétation]

18 Q. Monsieur Kljuic, une petite précision avant de passer à l'examen de la

19 pièce suivante. Vous avez dit à plusieurs reprises avant la pause que

20 d'après ce que vous compreniez, cette organisation, la communauté croate de

21 l'Herceg-Bosna et vous avez dit que vous n'étiez pas avocat. Certes, mais

22 que vous ne pensiez pas qu'il y avait quoi que ce soit d'illicite. Alors,

23 est-ce qu'à un moment donné -- ou quand est-ce que vous avez pris

24 conscience du fait que la co-constitutionnalité de l'Bosnie-Herzégovine

25 l'avait déclaré illégal l'Herceg-Bosna ?

26 R. C'était quelque chose auquel on s'attendait puisqu'il y avait quand

27 même des ambitions de pouvoirs exécutifs.

28 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais demander que l'on montre au témoin

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1 la pièce suivante, P 00089.

2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je souhaiterais poser une question à

3 propos du thème précédent. Nous avons tous remarqué, mais je dois dire, en

4 fait, qu'il était difficile de comprendre. Alors, je pense qu'il y avait

5 donc, quatre municipalités qui étaient incluses. Elles avaient une majorité

6 différente. Il y avait donc des majorités absolues pour les Serbes à

7 Kupres, une majorité absolue de Musulmans à Gornji Vakuf, à Konjic et à

8 Jablanica; est-ce que cela était un problème ? Est-ce qu'il y a eu des

9 discussions à ce sujet, ou est-ce que cela est expliqué par des raisons

10 géographiques parce qu'il voulait peut-être avoir un lien avec le sud ?

11 Alors, est-ce que c'est pour cela que cela a été accepté sans trop de

12 discussions ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] A la session où nous avons accepté l'Herceg-

14 Bosna, je dirais qu'il n'y a pas eu d'analyses détaillés présenter parce

15 que le principe d'association avec les membres du parti, avec les personnes

16 locales, il avait été dit qu'il s'agissait de veiller à leurs intérêts. Il

17 n'y a pas d'autres principes qui ont été déclarés, pas des principes

18 géographiques, par exemple. Je ne peux pas marquer mon accord avec le fait

19 que les Croates étaient minoritaires à Kupres et à Gornji Vakuf. Il y avait

20 un nombre égal de Croates et de Serbes à Kupres, alors qu'à Gornji Vakuf,

21 il y avait un nombre égal de Croates et de Musulmans. Mais, à Bugojno et à

22 Travnik, par exemple, il y avait une légère majorité de Musulmans par

23 opposition aux Croates. Alors qu'à Jablanica et à Konjic, il y avait une

24 majorité absolue.

25 M. SCOTT : [interprétation]

26 Q. Pour enchaîner à la suite de la question posée par M. le Juge Treschel,

27 j'aimerais savoir, en fait, si vous n'avez jamais conseillé des personnes

28 de la direction croate, soit en Bosnie-Herzégovine, soit à Zagreb,

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1 d'ailleurs et compte tenu de ce que vous venez de nous dire, est-ce que

2 vous leur avez dit qu'il fallait s'attendre à ce que les Musulmans

3 s'opposent à l'Herceg-Bosna ?

4 R. Mais, écoutez, vous devez savoir qu'avant cela, la co-constitutionalité

5 de la Bosnie-Herzégovine avait proclamé l'inconstitutionnalité de la

6 Krajina serbe et de l'Herceg-Bosna, également. Donc, lors de toutes les

7 conversations que j'ai eues avec le président Tudjman ainsi qu'avec

8 d'autres représentants officiels de Zagreb, j'ai toujours essayé de leur

9 montrer qu'il ne fallait pas en fait qu'ils irritent les Musulmans de

10 Bosnie qui, à l'époque, étaient leur seul ami politique.

11 Q. J'aimerais, Monsieur, vous demander d'examiner la pièce

12 P 00089.

13 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'un compte

14 rendu très, très long. Je pense qu'il serait plus judicieux ou plus facile,

15 en tout cas, que le témoin puisse avoir un document papier. Ainsi, ce sera

16 beaucoup plus facile que d'essayer de passer d'une page à l'autre dans la

17 version électronique, si je peux me permettre cette suggestion.

18 Je vous demande juste une petite minute, Monsieur le Président. Je

19 m'excuse, il est beaucoup plus facile de repérer le document B/C/S et la

20 partie en question.

21 Q. Vous voyez ce document ? Donc, est-il exact que, le 27 décembre

22 1991, vous-même, ainsi qu'un certain nombre de représentants officiels,

23 échelons du HDZ de l'Herceg-Bosna et du gouvernement croate, vous êtes

24 réunis avec le président Tudjman et je le rappelle, cela s'est passé, le 27

25 décembre 1991; est-ce exact ?

26 R. Oui.

27 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire où a été tenue cette réunion ?

28 R. A la résidence du président Tudjman sur Pantovcak.

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1 Q. Est-ce que vous pourriez dire aux Juges ce que vous avez compris de la

2 réunion, de son objectif ? Pourquoi est-ce que ce groupe, par exemple,

3 avait été convoqué à ce moment précis ?

4 R. Comme vous le savez déjà, nous n'avons pas été en mesure de convoquer

5 une convention du HDZ de la Bosnie-Herzégovine, nous n'avons pas pu le

6 faire dans aucune ville de la Bosnie-Herzégovine du fait de la situation

7 qui prévalait. Donc, nous n'avons pas pu convoquer une convention. Par

8 ailleurs, les communautés régionales, par le truchement des mesures

9 qu'elles prenaient, n'avaient pas, en fait, la faveur d'une partie des

10 citoyens de la Bosnie-Herzégovine. Il était assez manifeste à ce moment-là

11 que nous avions deux formations parallèles dans l'arène politique croate.

12 Il y avait la formation légale, le HDZ de la Bosnie-Herzégovine dont

13 j'étais le président et puis il y avait des personnes qui avaient été élues

14 au Parlement ainsi qu'aux organes exécutifs qui avaient le pouvoir. Puis,

15 par ailleurs, vous aviez la formation dirigée par Mate Boban. Lorsque je

16 pense, par exemple, à la direction de l'Union démocratique croate et nous,

17 en tant que direction, nous n'excluons pas les activités de l'Herceg-Bosna,

18 mais, il faut savoir que, quant à elle, la direction de l'Herceg-Bosna a

19 nié de façon absolue et dans la pratique également, l'existence de la

20 direction juridique de l'Union démocratique croate.

21 Q. Monsieur --

22 R. Un petit moment, je vous prie. A Zagreb, parmi les personnes qui

23 avaient une certaine influence, il n'y avait pas véritablement de pensées

24 homogènes, en quelque sorte. Donc, cette réunion a été convoquée dans un

25 contexte d'une situation assez extraordinaire et ce afin de reformuler ou

26 plutôt d'étayer, de soutenir la politique suivie jusqu'à ce moment-là.

27 Q. Est-ce que vous savez en fait parmi les officiels d'un échelon assez

28 supérieur, parmi les Croates, parmi les représentants de l'Etat de la

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1 Croatie, outre le président Tudjman, qui était présent à cette réunion,

2 vous le savez ?

3 R. Bien sûr.

4 Q. Est-ce que vous pouvez nous les dire, alors ?

5 R. Il y avait le ministre Susak qui était déjà, à l'époque, ministre de la

6 Défense. Il y avait le vice-premier ministre, M. Milan Ramljak; il y avait

7 également un membre de la présidence du HDZ de la Croatie, Miroslav

8 Brozovic; il y avait également Josip Manolic, l'ancien premier ministre;

9 puis, il y avait plusieurs responsables officiels moins importants de

10 Zagreb.

11 Q. Si je peux attirer votre attention sur la première page et, en fait, le

12 premier extrait qui est un -- c'est le président Tudjman qui s'exprime,

13 alors, voyez, il est dit : "Messieurs, je déclare ouverte cette réunion. Je

14 souhaite la bienvenue à nos invités, à la délégation du HDZ de la Bosnie-

15 Herzégovine avec qui nous allons parler, en fait, d'un problème qui a une

16 importance cruciale pour la Croatie." Puis, si vous continuez, toujours

17 dans le même chapitre, vous pouvez voir qu'il est question de Milosevic et

18 de Gligorov et puis avant, le président Tudjman poursuit, en disant : "Ce

19 que sera notre position eu égard à la partie croate de la Bosnie-

20 Herzégovine." Comme cela est indiqué ici, j'aimerais, en fait, vous

21 demander comment est-ce que vous avez compris l'ordre du jour de cette

22 réunion, quels devaient être les thèmes à débattre; est-ce que ce qui est

23 indiqué ici correspond à cela ?

24 R. Ecoutez, à ce moment-là, il est assez certain que la République de la

25 Croatie ainsi que la République de la Slovénie avaient bénéficié d'une

26 reconnaissance internationale. D'ailleurs, la cérémonie officielle a eu

27 lieu 19 jours plus tard. Toutefois, l'état -- ou le Statut de la Bosnie-

28 Herzégovine n'avait pas été réglé ou tranché. Il y avait, de toute

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1 évidence, un certain nombre d'options, de variantes ou d'attentes. Plus

2 clairement que jamais, l'on pouvait entrevoir une scission, une division

3 entre la direction du HDZ de la Bosnie-Herzégovine et ceux qui étaient

4 partisans d'une Bosnie-Herzégovine indépendante et intégrale et l'autre

5 partie, l'autre camp, qui voyait en fait leur chance ou leur aspiration,

6 qui aspirait à cette division de la Bosnie-Herzégovine.

7 Q. A la fin du chapitre dont je vous parlais, le président Tudjman dit :

8 "M. Kljuic, vous avez la parole," et ensuite, Stjepan Kljuic, vous

9 commencez donc à parler et nous voyons que cela dure pendant plusieurs

10 pages de compte rendu. Alors, j'aimerais vous demander de prendre la page 3

11 du document, donc, il s'agit de ce compte rendu. Il y a un paragraphe où

12 vous dites : "Pour nous et pour le HDZ, il n'y avait pas de dilemme à ce

13 sujet parce qu'il s'agissait du programme politique de notre parti, nous

14 l'avons indiqué de façon très clair. L'année dernière, nous avons indiqué

15 que nous étions partisans d'une Bosnie-Herzégovine souveraine sans qu'il y

16 ait la moindre chance que cela puisse se passer." Vous voyez cela ?

17 R. Oui.

18 Q. Très bien. Lorsque vous parlez du programme politique du parti, est-ce

19 que vous parlez du programme d'origine, d'ailleurs, qui a servi de base à

20 l'élection du parti en 1990 ? Est-ce que c'est à ce programme politique que

21 vous faites référence ?

22 R. Oui.

23 Q. Si vous prenez la page 7 du compte rendu, alors, il y a un paragraphe

24 où vous parlez de la discipline du parti et vous continuez en disant : "Je

25 pense que c'est une époque difficile et quel que soit l'accord qui sera

26 conclu ce soir, quelles que soient les positions qui seront adoptées, nous

27 devrons les mettre en œuvre. Les personnes qui ne sont pas disposées à s'y

28 rallier, cela inclut ma personne, pourront partir. Faisons en sorte

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1 qu'elles suivent la voie croate, ce qui est, du point de vue stratégique,

2 la chose la plus importante."

3 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, parce que c'est une question dont

4 la teneur est extrêmement directrice et qui n'aide absolument pas la

5 Chambre de première instance. Il peut demander au témoin ce qu'il entendait

6 par là, puisque c'est lui qui a prononcé ces propos.

7 M. SCOTT : [interprétation] Je pense que c'est un peu prématuré, Maître

8 Karnavas.

9 Q. Qu'entendez-vous, Monsieur, lorsque vous faisiez référence à cette

10 époque difficile ?

11 R. Bien, écoutez, il s'agissait d'une époque difficile, premièrement.

12 Puis, deuxièmement, je voulais, en fait, que nous suivions une voie

13 commune. Bien entendu, j'avais mon propre programme qui était jusqu'à

14 présent le programme officiel et j'ai dit : "Si nous sommes d'accord, nous

15 devons tous respecter cet accord." Je savais, en fait, que si nous étions

16 en mesure d'accepter ce qu'ils avaient dit, je désobéirais et je devais

17 partir, donc, j'ai essayé d'obtenir le soutien du président Tudjman pour

18 tout ce que nous avions fait jusqu'à ce moment-là, conjointement. J'ai

19 pensé donc à l'orientation du programme politique qui était le programme

20 officiel du HDZ de la Bosnie-Herzégovine.

21 Q. Si vous prenez, maintenant, la page 8 dudit compte rendu, vous verrez

22 qu'il y a un paragraphe où il est dit, par conséquent -- à la fin du

23 paragraphe il est dit : "Quoi qu'il en soit, nous devons préparer d'autres

24 solutions tout comme lorsque nous nous sommes réunis le jour de la Saint-

25 Ante" - désolé, je ne sais pas, d'ailleurs, si la traduction est exacte -

26 "et nous devons préparer d'autres solutions."

27 Est-ce que vous pourriez dire aux Juges quelle est cette référence qui a

28 été faite ce jour-là, et quelles étaient les trois solutions discutées ?

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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne voudrais surtout pas faire de

2 l'obstructionnisme, mais je souhaiterais que M. Scott demande au témoin ce

3 dont il se souvient. Il faudrait placer cela dans un contexte. Je vais vous

4 expliquer pourquoi je dis cela, parce que, maintenant, nous prenons ici et

5 là des citations du compte rendu, soit il faudrait prendre en considération

6 toute la citation parce que, sinon, nous obtenons par un coup certaines

7 choses ici et là, et il est très, très difficile de se faire une idée de la

8 situation.

9 M. SCOTT : [interprétation] Si M. Karnavas souhaite que je lise toute le

10 compte rendu pour le dossier je peux le faire.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Il appartient à l'Accusation. C'est elle qui

12 mène l'interrogatoire principal. Je souhaitais tout simplement apporter mon

13 aide.

14 M. SCOTT : [interprétation] Je vous en remercie, Monsieur. Comment voulez-

15 vous que nous poursuivions, Monsieur le Président ?

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Parce que vous avez l'intention de regarder

17 tout le document ou certains points du document.

18 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas qu'il

19 soit juste d'accuser quelqu'un de prendre ici et là des citations alors que

20 tout le monde dans le prétoire, y compris les accusés ont le document en

21 question, donc, tout le monde peut lire ce document, mais, si Me Karnavas

22 souhaite le faire qu'il prenne le temps de le faire.

23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si m'y autorisez, Maître Karnavas,

24 il y a un petit moment de cela, vous êtes intervenu et vous avez ainsi, de

25 façon véhémente, critiquer l'Accusation qui avait posé la question d'une

26 certaine façon, et vous avez suggéré qui pose la question au témoin.

27 Qu'entendez-vous par cela ? C'est ce qu'il fait, maintenant, donc, je ne

28 vois pas où est le problème.

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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis d'accord dans une certaine mesure.

2 Lorsqu'on retire des éléments du contexte - et là, c'est hors du contexte -

3 lorsqu'on se contente de lire tout un passage, alors qu'il y a toute une

4 discussion -- tout un débat, je pense que le témoin ici dit beaucoup de

5 choses parce qu'il fournit des explications, et il explique son point de

6 vue. Donc, si vous prenez juste un élément et que vous lui demandez :

7 qu'entendez-vous, à savoir pour autant ce qu'il a dit juste avant cette

8 citation, il est très difficile de suivre. Donc, lorsque je vais mener à

9 bien mon contre-interrogatoire, je pourrais, bien entendu, procéder ligne

10 par ligne, page par page, cela ne me pose aucun problème. Cela va prendre

11 beaucoup de temps. Je souhaiterais tout simplement que le témoin nous

12 explique de façon générale quelle fut la portée ou la teneur de leurs

13 discussions, et au moins nous verrions ces trois éléments, donc, qui ont

14 été présentés par le témoin.

15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ecoutez, je pense, puisque nous

16 avons le document, nous pouvons nous-mêmes établir les liens nécessaires.

17 Nous sommes tous professionnels.

18 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] J'aimerais également poser la

19 question suivante : car je pense qu'il serait véritablement extrêmement

20 important d'entendre le témoin à propos de ces trois alternatives ou ces

21 trois solutions dont il est question dans le document, et il dit, et je

22 cite : "Je pense que nous devrions attendre. Nous devrions peut-être

23 parvenir à un accord, mais quoi qu'il en soit nous devrions préparer

24 d'autres solutions tout comme lorsque nous nous sommes réunis ici le jour

25 de la Saint-Ante et que nous avons préparé trois solutions."

26 Je pense véritablement qu'il serait extrêmement judicieux par la Défense et

27 pour la Chambre de première instance et pour tout le monde, d'ailleurs, de

28 pouvoir entendre le témoin et de pouvoir savoir ce qu'il entend par ces

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1 trois autres solutions. Merci.

2 M. SCOTT : [interprétation]

3 Q. Monsieur Kljuic, vous venez d'entendre les orientations des Juges, et

4 nous allons donc prendre comme point de référence la référence qui est fait

5 au jour de la Saint-Ante; est-ce que vous pourriez nous dire de quel jour

6 il s'agit dans le calendrier ?

7 R. Il s'agit du 13 juin, et c'était l'une des deux grandes réunions qui a

8 eu lieu à Zagreb, et j'ai participé à celle du 13.

9 Q. Donc, c'était la réunion du 13 juin dont nous avons parlé hier, et vous

10 avez dit --

11 R. Oui.

12 Q. -- vous avez dit que ce jour-là, trois autres solutions ont été

13 préparées. Donc, nous n'avons pas été en mesure d'entendre cela hier, mais

14 est-ce que vous pourriez dire aux Juges quelles furent ces trois autres

15 solutions dont il a été question le 13 juin 1991 ?

16 R. Bien, écoutez, la première était une Confédération pour la Yougoslavie.

17 La deuxième solution envisageait une Bosnie-Herzégovine intégrale. Puis,

18 troisièmement, et là, il y avait deux éléments : s'il y avait une division

19 territoriale, les Croates et les Musulmans de la Bosnie devraient se

20 rallier à la Croatie; et puis, deuxièmement, s'il y avait cette division

21 générale de la Bosnie, chaque entité devrait avoir sa partie.

22 Q. Le 13 juin 1991, est-ce que vous avez exprimé un point de vue qui se

23 ralliait à l'une ou l'autre de ces trois solutions ?

24 R. Oui, oui, je l'ai fait. J'étais pour une Bosnie-Herzégovine souveraine

25 et intégrale.

26 Q. Très bien. Alors, nous allons reprendre ces trois autres solutions -

27 page 47, ligne 3 - vous avez dit que la première solution envisageait une

28 Confédération de la Yougoslavie; est-ce que vous pourriez développer un peu

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1 -- étoffer votre propos, et nous dire de quoi il s'agissait ? Qu'est-ce que

2 vous entendiez, en fait, par ces termes ?

3 R. Du fait de l'hégémonie du régime de Belgrade et de Slobodan Milosevic

4 lui-même, les Républiques de l'ex-Yougoslavie réclamaient l'autonomie et ce

5 jusqu'au niveau qui était permis conformément par la constitution de 1974.

6 Il y avait propositions qui ont été avancées, présentées, et cela a fait de

7 discussions avec l'Union européenne. Ici, La Haye, en fonction de ces

8 discussions, il avait été dit que l'Etat fédéral de la Yougoslavie devrait

9 avoir cinq fonctions conjointes, à savoir, l'armée, la police, les

10 finances, puis, il y avait les civils, la communication fluvial, les

11 transports, ainsi qu'une devise commune, ce qui signifie que, pour tous les

12 autres services, les républiques jouaient d'autonomie et d'indépendance.

13 Outre les problèmes politiques, il y avait le problème financier qui était

14 particulièrement important en Yougoslavie parce que les ressources, qui

15 étaient acquises par les républiques, ne faisaient pas l'objet d'une

16 distribution égale. Je vais vous donner un exemple bref à titre

17 d'illustration.

18 La Croatie, par exemple, avait toute l'industrie de la construction navale,

19 à l'époque c'était la sixième dans le monde. Donc elle avait le rang numéro

20 6 --

21 Q. Nous ne parlons pas de construction navale. Avant que nous ne perdions

22 cela sur l'écran, vous avez dit qu'il y avait pour la troisième solution

23 deux éléments : s'il y avait division, les Musulmans et les Croates -- les

24 Musulmans de Bosnie et les Croates devraient rallier la Croatie, puis,

25 deuxièmement, s'il y avait cette division, chaque entité devrait avoir une

26 partie. Donc, si nous vous comprenons bien lorsque vous évoquez cette

27 troisième possibilité, il y avait deux variantes, la variante A et la

28 variante B, n'est-ce

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1 pas ?

2 R. Oui. Mais vous ne pouvez pas véritablement suivre ce que je suis en

3 train de dire si vous ne prenez que les points 3A et 3B. Vous devez

4 connaître ou vous devez savoir ce qui s'est passé. Le 27 décembre, lors de

5 la réunion à Zagreb, il n'y avait plus la possibilité de la Confédération

6 pour la Yougoslavie.

7 Q. D'accord.

8 R. Parce que la Croatie et la Slovénie avaient déjà quitté la Fédération à

9 cette époque-là, la situation avait changé du tout au tout. Leurs points de

10 vue avaient changé.

11 Q. Donc, les deux autres solutions qui étaient encore avancées donc

12 envisagées dans un premier temps une Bosnie-Herzégovine souveraine et

13 indivisible, et la deuxième option passait par une entité qui se serait

14 ralliée à la Croatie ou une entité qui serait divisée suivant

15 l'appartenance -- ou les appartenances ethniques séparées. C'étaient les

16 deux solutions, n'est-ce pas, qui existaient à l'époque ?

17 R. Oui.

18 Q. A propos donc de ces deux options, je vous ai déjà posé cette question,

19 un peu plus tôt. Mais est-ce que vous avez dit aux personnes présentes à la

20 réunion que vous ne vous attendiez pas à ce que les Musulmans acceptent

21 l'idée d'une organisation conjointe avec les Croates, donc, à savoir ce

22 scénario qui a été avancé ?

23 R. Ecoutez, les Musulmans n'ont jamais marqué leur accord. Plus tard, la

24 situation a évolué et ils ont même signé un accord de division entre le

25 président Tudjman et le président Izetbegovic. C'était une proposition de

26 confédération, mais véritablement cela ne s'est jamais produit, en fait.

27 Q. J'aimerais attirer votre attention sur la page 12 du compte rendu. Vous

28 trouverez donc ce paragraphe ou ce passage à la page 12 : "Je pense qu'il

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1 serait acceptable d'avoir une Bosnie-Herzégovine souveraine qui serait

2 divisée en cantons, ce qui garantirait les droits de l'homme pour tout le

3 monde, et cetera, et cetera, mais divisez la Bosnie en fonction de ce qui a

4 été indiqué par les Serbes, du fait de la position minoritaire. Nous avons

5 dans cette position minoritaire dans 14 municipalités, alors que nous avons

6 donc, un pluralité dans cinq municipalités."

7 Est-ce que cela confirme, Monsieur, à ce que vous avez dit, hier, aux Juges

8 ainsi qu'aujourd'hui d'ailleurs pour ce qui est du statut de la majorité

9 croate dans certaines municipalités ?

10 R. Oui.

11 Q. J'aimerais appeler votre attention sur la page 15 du compte rendu

12 d'audience.

13 R. Un instant, je vous prie. Pour moi, c'est assez difficile, la

14 numérotation -- la pagination que j'ai sur mes documents est différente de

15 vôtre, Monsieur Scott. Donc, j'ai le plus grand mal à suivre.

16 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je regrette d'être

17 dans l'obligation d'intervenir. A la page 49 du compte rendu d'audience,

18 ligne 9, le témoin évoque une sorte d'accord entre le président Tudjman et

19 le président Izetbegovic à Split; cependant, au compte rendu en anglais, je

20 lis les mots, je cite : "Developments, they even signed some sort of split

21 agreements." Donc, il semblerait qu'ils aient conclus un accord sur une

22 scission parce que le mot "split" en anglais est avec une minuscule, ce qui

23 signifie, "scission", "division", alors qu'il faut qu'il y ait une

24 majuscule pour désigner la ville de Split car cela peut être ambigu entre

25 la ville de Split et une division, il y a une différence. Il faut bien

26 qu'on comprenne que le témoin parlait de la ville de Split. Nous le savons

27 puisque nous l'avons vérifié dans le document.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est donc bien la ville et non pas la

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1 division.

2 Monsieur Scott, poursuivez.

3 M. SCOTT : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président. Pas la moindre

4 discussion sur ce point, Me Kovacic a, tout à fait, raison, bien entendu.

5 Q. Monsieur le Témoin, je m'efforce de vous aider au mieux. Je pense que

6 le passage devrait se trouver, à peu près, en page 15 de votre document.

7 Vous aurez plus de facilité à le trouver si vous cherchez le passage qui

8 suit les mots : "Le président déclare…" ou "Le président dit…" Je cite :

9 "Le président dit non. Il est question de partition et Stjepan Kljuic dit,

10 non, non, ces salauds ne vont pas se mettre à dire un peu partout, nous

11 avons ceci et nous avons cela."

12 Est-ce que vous avez trouvé ce passage ?

13 R. Oui.

14 Q. Un peu plus bas dans le même paragraphe, vous êtes cité comme parlant

15 d'homme, tel que Seselj. Vous dites : "Ils veulent créer une espèce

16 d'Herzégovine occidentale derrière nous, avec Stolac et Mostar, et la

17 Neretva comme frontière. Le reste leur appartient. Ils essaient de réaliser

18 cela, déjà depuis pas mal de temps."

19 Alors, vous avez fait plusieurs références dans votre déposition jusqu'à

20 présent, à des réunions, à des conversations que vous avez eues avec des

21 représentants des Serbes ou des Serbes de Bosnie. Ce que vous dites ici

22 correspond-il à ce que vous nous avez déjà dit dans votre témoignage

23 jusqu'à présent ?

24 R. Oui.

25 Q. Si on poursuit la lecture de ce passage, quelques lignes plus bas, nous

26 lisons, je cite : "D'après moi, nous accepterions la création de cantons si

27 l'un de ces cantons recouvrait Livno, la moitié de Kupres, Bugojno,

28 Travnik, Gornji Vakuf. Ce sont des zones où nous avons la majorité absolue.

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1 Mais même lorsqu'on discute des cartes géographiques, ils n'admettent pas

2 cela parce qu'il faut qu'il y ait une certaine logique dans la création de

3 cantons au niveau des communications ou des positions géophysiques, et

4 cetera, et cetera."

5 Est-ce que vous voyez ce passage ?

6 R. Oui.

7 Q. Si cette proposition selon laquelle les Croates accepteraient

8 éventuellement une division de la Bosnie dans le sens qui est décrit ici,

9 avait été faite aux Serbes. Enfin, je vous demande si elle a été faite ?

10 R. Il est question de deux choses ici. Nous avons déjà parlé de la

11 création de cantons qui impliquaient un processus juridique et des

12 commissions composées de trois personnes ont été créées pour examiner cette

13 possibilité. Ces commissions ont travaillé mais leur travail n'a pas été

14 couronné de succès car aucun accord n'a pu être conclu à l'issue des

15 débats, ce qui explique pourquoi ici, parce que les Serbes voulaient

16 s'emparer d'un certain nombre de territoires même dans des zones où ils

17 n'avaient que 5 % de la population. Donc, on voit à la lecture de ce texte

18 qu'ils n'ont jamais sérieusement souhaité la mise en place d'une nouvelle

19 structure administrative en Bosnie-Herzégovine par la voie de la création

20 de cantons. Mais ce qu'il voulait c'est utilisé cette proposition de

21 création de cantons pour donner une expression à leur ambition

22 territoriale. L'évolution ultérieure démontrera que l'agression de la

23 Bosnie-Herzégovine a été avant tout motivée par la volonté de s'emparer de

24 territoires.

25 Q. J'aimerais, Monsieur, reformuler ma question et voir si vous pouvez y

26 répondre plus précisément. Est-ce que la proposition n'a jamais été faite

27 aux Serbes impliquant que les Croates accepteraient une division de la

28 Bosnie dans le sens que vous venez de décrire ?

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1 R. Je n'ai jamais disposé d'un tel renseignement, mais la Commission

2 croate chargée d'étudier la Proposition de création de cantons selon notre

3 proposition faite aux Serbes au sujet d'une division de la Bosnie-

4 Herzégovine, elle a été faite cette proposition. Les Serbes ne l'ont jamais

5 accepté.

6 Q. Selon votre appréciation que l'on trouve dans cette même déclaration,

7 dans ce même passage que je suis en train d'examiner avec vous, est-ce que

8 vous étiez d'avis que Bugojno était peuplée majoritairement de Croates au

9 niveau de la municipalité ?

10 R. Non. Mais il y avait un pourcentage important de Croates à Bugojno. Ce

11 pourcentage ne représentait pas la majorité absolue. D'ailleurs, personne,

12 ni les Croates ni les Musulmans n'avaient la majorité absolue dans cette

13 municipalité.

14 Q. Est-ce que vous pensiez à un pourcentage particulier lorsque vous

15 imaginiez que tel ou tel groupe ethnique pourrait prendre le pouvoir dans

16 tel ou tel secteur ? Est-ce que vous estimiez le pourcentage nécessaire à 5

17 % de Croates dans la population, 10 % de Croates, 30 % de Croates ? A quel

18 moment est-ce que vous décidiez que le pourcentage était suffisant pour que

19 les Croates prennent le pouvoir ?

20 R. Cela n'a jamais été ma façon de penser, mais si on réfléchit

21 logiquement dans les endroits où existait au moins une majorité relative de

22 Croates, les Croates avaient une certaine prédominance au niveau du pouvoir

23 exécutif.

24 Q. Ecartons-nous un peu de ce que vous avez dit sur ce point et que nous

25 retrouvons écrit dans ce texte et passons à la page 17 du document où vous

26 verrez apparaître un autre orateur, à savoir, pas le président, mais Mate

27 Boban. Son intervention commence par les mots suivants, je cite : "Tout ce

28 que nous savons, c'est que récemment, une autre entité a fait son

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1 apparition sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, à savoir une

2 continuation de la politique de l'Union démocratique croate et du peuple

3 croate en général. Quelque chose existe désormais qui s'appelle la

4 communauté croate d'Herceg-Bosna et la communauté de Posavina au nord de la

5 Bosnie."

6 Alors, Monsieur, au cours de cette réunion, une fois que vous avez présenté

7 votre position, M. Boban est appelé à prendre la parole pour présenter la

8 sienne devant toutes les personnes présentes, n'est-ce pas ?

9 R. Je ne sais pas si on le lui a demandé, mais il a pris la parole, il a

10 demandé la parole et il l'a obtenu et il a dit ce qu'il a dit. Ce qui est

11 intéressant dans son propos, c'est que l'Herceg-Bosna est citée comme une

12 solution alternative pour les Croates, donc il n'a pas encore, pas plus que

13 quiconque, d'ailleurs, le courage de contester la direction légalement élue

14 de la communauté d'Herceg-Bosna.

15 Q. Pourriez-vous rappeler la position d'un homme tel qu'Ignac Kostroman au

16 sujet -- en Bosnie-Herzégovine ?

17 R. C'était un secrétaire administratif, donc, il ne s'occupait que des

18 finances et des aspects économiques à la direction du HDZ, mais n'avait

19 rien à voir dans la politique du parti.

20 Q. J'aimerais vous demander de vous rendre en page 19 du document, à

21 présent. M. Kostroman intervient et il semble commencer par la lecture du

22 procès-verbal d'une réunion tenue le 23 décembre 1991. Vous avez trouvé ce

23 passage, il commence ne page 20 ?

24 R. Oui, oui.

25 Q. On décrit cette réunion comme une réunion de la présidence de la

26 communauté d'Herceg-Bosna, réunion élargie en présence de membres de la

27 présidence du HDZ de la Bosnie-Herzégovine venus du territoire d'Herceg-

28 Bosna et de députés venus de territoires -- de députés de l'assemblée de

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1 Bosnie-Herzégovine venant également du territoire d'Herceg-Bosna.

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que vous assistiez à cette réunion du 23 décembre 1991 qui s'est

4 tenue à Tomislavgrad ?

5 R. Non, non.

6 Q. Pourquoi cela ?

7 R. Parce que personne ne m'a invité à y aller. Même si j'y avais été

8 invité, je n'y serais pas allé.

9 Q. M. Kostroman, à ce moment-là, lit le procès-verbal de la réunion à

10 l'intention du président Tudjman; c'est bien cela ?

11 R. A l'intention de toute l'assistance, de toutes les personnes présentes.

12 Q. Au point 2 de ce procès-verbal, M. Kostroman rend compte des résultats

13 de la réunion en disant que celle-ci a pris une décision historique

14 consistant à créer la communauté croate d'Herceg-Bosna qui sert de base

15 juridique permettant l'entrée de ces territoires au sein de la République

16 de Croatie.

17 R. Oui.

18 Q. Au point 6, au paragraphe 6, il est à nouveau question des divergences

19 avec vous, n'est-ce pas, Monsieur ? Paragraphe 6 du procès-verbal de la

20 réunion dont il est donné lecture à ce moment-là, page 22.

21 R. Il est clair que pour la première fois, ils expriment devant le

22 président Tudjman des divergences absolues, s'agissant de la façon dont la

23 politique menée en Bosnie-Herzégovine est interprétée.

24 Q. Si vous passez maintenant à la page suivante, page 23, paragraphe 8 de

25 ce procès-verbal, est-ce que vous constatez que la légitimité de votre

26 position, des fonctions que vous occupez au sein du parti sont remises en

27 cause, totalement remises en cause durant cette réunion de Tomislavgrad

28 tenue le 23 décembre ?

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1 R. Ma légitimité ne pouvait aucunement être mise en cause ou éliminée,

2 mais simplement, à la lecture de ce procès-verbal de la réunion tenue en

3 Herceg-Bosna, on voit qu'une exigence est présentée qui demande que je sois

4 démis de mes fonctions.

5 Q. Au paragraphe 10, page 24, nous lisons : "La légitimité d'Alija

6 Izetbegovic, président de la Bosnie-Herzégovine, s'agissant de représenter

7 la population croate en public est, par la présente, annulée." Pouvez-vous

8 expliquer aux Juges de la Chambre, je vous prie, quelle espèce d'autorité

9 légale est celle de la communauté d'Herceg-Bosna et comment cette

10 communauté d'Herceg-Bosna pourrait avoir légitimement le pouvoir de

11 révoquer le président d'un Etat ?

12 R. Elle n'avait ni le droit de me révoquer en tant -- dans mes fonctions

13 qu'elle n'avait le droit de révoquer le président Izetbegovic dans la

14 légitimité des siennes. Il s'agissait simplement de l'expression de

15 certaines ambitions par des gens qui pensaient qu'ils pouvaient prendre à

16 leur compte toutes les compétences, toute l'autorité, tous les pouvoirs de

17 la communauté d'Herceg-Bosna.

18 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je me permets

19 d'intervenir. S'il pouvait poursuivre en donnant les raisons pour

20 lesquelles cette légitimité était contestée à l'époque, si le témoin

21 pouvait donc expliquer cela, à savoir que la population croate estimait

22 qu'Izetbegovic et les hommes de Sarajevo ne défendaient pas les droits de

23 la population croate de Bosnie dans le cadre d'une agression de la part de

24 la JNA et des forces serbes, ce serait intéressant et utile, Monsieur

25 Scott.

26 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je pense encore une fois

27 que Me Karnavas aura la possibilité de procéder à son propre contre-

28 interrogatoire. Tout le monde dans ce prétoire a ce document sous les yeux,

Page 3960

1 tout le monde peut lire exactement ce qui est écrit dans ce document et

2 j'aimerais pouvoir continuer à mener mon interrogatoire. Me Karnavas pourra

3 procéder à son contre-interrogatoire comme il le voudra par la suite.

4 Ayant dit cela, et pour éviter tout malentendu, M. Kljuic, si nous partons

5 de l'idée que ces déclarations correspondent à la réalité, ces références à

6 l'action de l'armée serbe, en particulier, est-ce que cela donnait aux

7 dirigeants de ce qu'il était convenu d'appeler l'Herceg-Bosna qui s'était

8 autodéclarée en tant que tel, est-ce que cela leur donnait le moindre

9 droit, juridiquement, de remettre en cause la légitimité de M. Izetbegovic

10 en tant que président légalement élu de l'Etat de Bosnie-Herzégovine ?

11 R. M. Izetbegovic ne défendait pas les intérêts des Croates durant ces

12 conférences puisque c'était le président Tudjman qui s'en chargeait.

13 Deuxièmement, je ne sais pas si vous connaissez bien la structure de la

14 présidence de la Bosnie-Herzégovine qui se composait de sept représentants

15 qui se remplaçaient régulièrement à leurs postes dans le cadre d'une

16 rotation pré-établie. En tout cas, Izetbegovic était le président de la

17 présidence et il n'a jamais fait un seul geste contre les Croates. Il a

18 cessé de dire que la guerre en Croatie n'était pas sa guerre ou leur guerre

19 et il avait diverses options pour les solutions possibles à la crise

20 yougoslave, comme, par exemple, une séparation partielle de la Slovénie

21 aussi par rapport à la Yougoslavie, un rapprochement de la Macédoine de la

22 Serbie-et-Monténégro qui pourrait se produire, mais, à un certain moment M.

23 Alija Izetbegovic n'a pas été très habile, et un pourcentage important des

24 Musulmans de Bosnie-Herzégovine ont participé à la défense de la Croatie -

25 il y a des documents qui le prouve - et de nombreux Bosniens Musulmans sont

26 aujourd'hui des anciens combattants qui ont des droits en Croatie.

27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi de vous

28 interrompre, Monsieur Kljuic. On vous a interrogé au sujet du fondement

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1 juridique, donc est-ce que quelqu'un avait le moindre fondement juridique

2 lui permettant de mettre en cause ou de déclarer l'annulité [phon] de la

3 légitimité d'Alija Izetbegovic dans ses fonctions ? Vous, vous nous donnez

4 des explications politiques sur le contexte qui a mené à cette situation.

5 Il serait utile que vous répondiez précisément aux questions de

6 l'Accusation pour aider les Juges. Je vous remercie.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y avait aucun fondement juridique

8 permettant à Kostroman, Kordic, Boban et consorts d'interdire à Izetbegovic

9 de représenter l'Etat de Bosnie-Herzégovine.

10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

11 Monsieur Scott, vous pouvez poursuivre.

12 M. SCOTT : [interprétation]

13 Q. Je vous demande simplement un instant pour trouver les autres passages

14 du document qui vous concerne personnellement, Monsieur. J'aimerais au

15 préalable appeler votre attention, Monsieur, sur la page 74, qui se

16 poursuite en page 75 de ce procès-verbal dont nous parlions tout à l'heure.

17 A ce moment-là, c'est Dario Kordic, qui prend la parole, et dans la

18 troisième partie de ce paragraphe, nous lisons ce qui suit, je cite :

19 "Depuis six mois, nous avons sué sang et haut à discuter des idées qui nous

20 ont été présentées les 13 et les 20 juin." Alors, nous avons déjà entendu

21 parler de ces deux réunions importantes tenues les 13 et 20 juin. Pouvez-

22 vous en dire un peu plus aux Juges de la Chambre quant à l'idée que le

23 président Tudjman a présenté les 13 et 20 juin aux auditoires qu'il

24 écoutait, celles qui sont résumées par M. Kordic dans la formule nous avons

25 sué sang et haut.

26 R. J'ai assisté uniquement à la première de ces deux réunions. Mais toutes

27 les réunions qui se tenaient à ce moment-là discutaient de l'unification de

28 tous les territoires croates en un seul et même Etat. Ce qui n'avait rien

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1 étonnant car la majorité des Croates de Bosnie-Herzégovine brûlaient

2 d'envie de se rattacher à la Croatie, c'était donc le désir majoritaire de

3 ces populations, mais, au-delà de cela, c'était un désir qui n'était pas

4 réaliste. Mais les gens qui l'exprimaient étaient souvent dépourvus de

5 toute expérience politique et ils aimaient imaginer que Dieu avait choisi

6 et décidé de mettre en œuvre cette idée. Donc, durant toutes ces réunions,

7 il était question d'avenir -- de la structure à venir de la Yougoslavie, de

8 la façon dont les relations économiques seraient établies entre les uns et

9 les autres. Parce qu'il importe que vous sachiez que les tensions qui ont

10 surgi dans l'ex-Yougoslavie avaient totalement paralysé la vie économique

11 et le travail sous toute autre forme ainsi que les exportations des grandes

12 entreprises, et cetera, et cetera. L'homme qui s'exprime ici se remémore

13 peut-être le désir qu'avaient tous les Croates d'une réunification des

14 terres croates. Pour lui, c'était la chose la plus acceptable qui soit mais

15 c'était en fait l'expression d'un désir immature et très peu réaliste car

16 les conditions politiques et le statut des Croates en Bosnie-Herzégovine

17 qui pouvait déterminer la suite -- la poursuite de leur existence en

18 Bosnie-Herzégovine ne le permet pas. Le fait que certaines personnes

19 souhaitaient la disparition de la Bosnie-Herzégovine pour réaliser leurs

20 objectifs personnels ne suffisait pas.

21 Q. Est-ce que c'était le point de vue de Tudjman ou simplement le vôtre ?

22 R. Le président Tudjman s'exprimait dans les limites du possible, et il

23 voulait avant tout, c'était son objectif le plus important une République

24 indépendante de Croatie. Quant à la Bosnie - je parle de la Bosnie-

25 Herzégovine - bien, ce qui devait se passer se passerait. Par conséquent,

26 des gens prenaient la parole individuellement à ces réunions, et vous voyez

27 que des positions assez extrémistes sont même exprimées malgré le fait que

28 des positions plus sérieuses étaient également exprimées telle que celle de

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1 Damjan Vlasic décédé depuis qui présidait le HDZ de Mostar. Vous

2 constaterez que, lorsque le ministre de la Défense de Bosnie-Herzégovine,

3 Jerko Doko, dit au président : "Que des mensonges sont dits au sujet d'un

4 certain nombre de municipalités," bien, vous voyez les gens de Zagreb ne

5 connaissaient pas la situation très bien. Ils ne savaient pas où se

6 trouvait Kupres. Ils avaient connaissance de Mostar et de Livno, et cetera,

7 mais ils ne savaient rien de Dobretici, ils ne savaient pas grand-chose de

8 Zepce, et cetera. Dans cette situation, ils manquaient de raison objective

9 pour rentrer dans le détail du débat et voir ce qui était possible. Ils se

10 contentaient de dire, Tout cela n'a pas d'importance, 30 ou 48, prenons le

11 plus possible.

12 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie de ralentir. Je

13 voulais simplement rendre la parole pour vous demander de ralentir car les

14 interprètes ont le plus grand mal à suivre.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Il est vrai que je parlais vraiment

16 trop vite. Bien.

17 Cette situation les gens n'avaient ni la patience ni la volonté de

18 discuter sérieusement des difficultés, mais ces difficultés constituaient

19 une situation générale qui étaient dans l'esprit et dans le cœur de tous

20 les individus; cependant, la réalité politique qui nous déterminait en

21 Bosnie-Herzégovine existait, et j'en tenais compte dans mon programme

22 politique, et jusqu'à la réunion de ce jour-là, jamais pas plus à Zagreb

23 qu'à Sarajevo, jamais personne n'avait pris la parole officiellement pour

24 s'opposer à cette politique. A un certain moment, on voit le président

25 Tudjman dire très solennellement : "Stjepan, tu mérites des félicitations

26 pour le travail accompli. Cela c'était dit à un certain moment, mais il y a

27 eu un autre moment où les choses ont changé." Voyez-vous, je n'étais pas

28 prêt à accepter ces changements parce que j'avais donné tout mon cœur au

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1 parti - à l'Union démocratique croate. Donc, compte tenu de toutes ces

2 transformations, j'étais tout à fait prêt à quitter la scène, et comme vous

3 le constaterez dans le texte, je propose de présenter ma démission car je

4 tenais à l'unité nationale et je voulais soumettre ma démission au

5 président Tudjman parce qu'il y a eu opposition entre ceux qui respectaient

6 la loi et ceux qui n'avaient pas de respect pour le système légal en place.

7 Je pourrais vous en parler de certaines positions extrêmement

8 nationalistes qui ont été exprimées lors de la réunion dont nous parlons.

9 Un homme a pris la parole et s'est mis à parler du roi Tomislav au IXe

10 siècle, au Xe 0siècle, et a dit que le président Tudjman était l'un des deux

11 Croates les plus importants de tous les temps. Ce sont des mots qui sonnent

12 très bien quand on les entend, et il a sans doute acquis certains avantages

13 après les prononcer, mais je n'étais pas prêt à prononcer de tels discours.

14 Cette réunion a été très pénible et elle a mis fin - elle a sonné le glas

15 du légalisme du HDZ. A partir du 27 décembre, il y a toute sorte d'autres

16 représentants qui se sont mis à s'exprimer, à prendre l'avant de la scène

17 et qui allaient, tout à fait, à l'encontre du programme politique adapté au

18 congrès de Mostar.

19 Donc, je suis, tout à fait, désolé de constater que les décisions

20 d'un congrès réglementaire n'ont pas été respectées et que de nouvelles

21 options politiques ont vu le jour. Mais pour qu'un nouveau président soit

22 élu, il fallait que légitimement, il recueille la majorité des voix.

23 Q. J'aimerais appeler votre attention, Monsieur, sur la page 105 de ce

24 document à présent. Après toutes les interventions qui se sont succédées,

25 vous reprenez la parole au cours de cette réunion. Je cite : Stjepan Kljuic

26 : "Monsieur le Président, je vous en prie. Permettez de vous dire que je ne

27 peux pas me contenter de quitter cette réunion juste comme cela. Vous savez

28 tout ce que, vous et moi, avez traversé au cours des 18 mois écoulés. Vous

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1 savez tout ce que j'ai fait et tout ce que je n'ai pas fait."

2 Ensuite, le président prend la parole. Je cite : "Président : Kljuic, ne

3 perdons donc pas notre temps. Moi-même, ainsi que toute la direction

4 croate, en général, pensent que depuis que tu as pris la tête du HDZ, tu as

5 fait un très bon travail. Je tiens à te dire, cependant, et je répèterais

6 ce que j'ai déjà dit que, dernièrement, tu t'es trop rapproché de la

7 politique d'Izetbegovic dans le cadre des négociations que nous

8 souhaitions. J'ai écrit quelque part que la date de nos discussions devrait

9 être respectée par les deux parties ainsi que notre objectif depuis le

10 début, depuis la proclamation que nous avons faite si tu veux, et ce but,

11 ce n'était pas de préserver la Bosnie-Herzégovine telle qu'elle est,

12 aujourd'hui. Fondamentalement, ce n'est pas l'intérêt de la politique

13 croate en tant que politique croate. On ne peut pas continuer à être

14 frustré en permanence par la perte de territoires en Bosnie-Herzégovine

15 dans le cadre démocratique.

16 "Par conséquent, ce que nous voulons finalement et ce n'est pas un

17 hasard. C'est que dans le préambule de la constitution croate soit

18 également mentionnée, la banovina de Croatie."

19 Alors, est-ce que le président Tudjman a dit très clairement à votre

20 intention, quelles étaient les ambitions et le programme croate et tant que

21 tels ?

22 R. Comme vous venez de l'entendre, il a dit que tout allait bien jusqu'au

23 moment de la réunion mais que quelque chose de nouveau était apparu et que

24 c'est la raison pour laquelle la banovina était introduite dans le

25 programme. Cependant si voulez que je vous explique ce qu'est la banovina,

26 j'aurais grand plaisir à le faire mais je dois dire qu'elle était

27 impossible à mettre en œuvre, en pratique, en raison de questions

28 politiques non réglées dans le royaume de Yougoslavie.

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1 Q. Parlons, Monsieur --

2 R. En tant que --

3 Q. -- de décembre 1991. Qu'est-ce qui n'était pas possible à mettre en

4 œuvre, à ce moment-là ? En quoi est-ce que la banovina ne pouvait pas être

5 impliquée ?

6 R. Ce n'était pas possible parce qu'une banovina ne correspond pas au

7 tissu même de la Bosnie-Herzégovine et parce que le territoire de la

8 banovina croate était défini dans l'accord de 1939 et n'a plus existé à

9 partir du 6 avril 1994. Donc, les territoires, anciennement, peuplés d'une

10 majorité de Croates ne l'étaient plus, à ce moment-là, et rejoindre, réunir

11 ces secteurs à la République de Croatie étaient impossibles en raison de

12 l'existence de la Bosnie-Herzégovine. Les gens qui ne respectaient pas la

13 réalité, qui n'en tenaient pas compte, estimaient que la banovina était un

14 idéal possible. Pour eux, c'était devenu obsessionnel.

15 Q. Qui étaient ces gens ? Vous parlez de gens qui défendaient cette

16 position. Pouvez-vous donner le nom de certaines de ces personnes qui

17 estimaient que la banovina était "un idéal frisant l'obsession" ?

18 R. C'est bien le premier, c'était le président Tudjman. Vous pouvez le

19 voir aujourd'hui à la lecture du document que nous avons sous les yeux. Les

20 autres étaient les partisans de cette idée parce qu'à cette époque,

21 quiconque appuyait le président Tudjman était considéré comme un meilleur

22 croate. Je pense qu'ils auraient plus de chance de réussir si ses idées

23 avaient été vraiment les leurs. Pour ma part, j'ai abandonné l'idée d'agir

24 dans ce sens.

25 Q. Monsieur, avant de passer à un autre passage du texte, j'aimerais avoir

26 une vraie réponse de vous. J'aimerais appeler votre attention sur ce

27 paragraphe où il est question de banovina. Le président Tudjman poursuit

28 son intervention et fait référence aux Serbes, je cite : "Les Musulmans

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1 peuvent venir avec nous en Croatie et de cette façon, et si nous leur

2 proposons cela, nous aurons les Musulmans contre nous. Mais si nous leur

3 disions que nous étions favorables à la création d'un Etat leur revenant

4 dans les restes de la Bosnie, cela les satisferait."

5 Je vous demande si vous avez repris la parole après le président Tudjman

6 pour dire qu'à votre avis, ce n'était pas une situation réaliste ?

7 R. Certainement.

8 Q. Vous commencez votre intervention, page 107 de ce procès-verbal. Peut-

9 être, pourriez-vous en prendre connaissance quelques instants ?

10 Monsieur, pourrez-vous nous résumer ce que vous avez dit de plus au

11 président Tudjman à partir du moment où il vous a dit que les Musulmans

12 n'allaient pas avoir de choix, qu'ils allaient devoir accepter de rester

13 dans ce qui restait de la Bosnie ?

14 R. Je pense que c'était une attitude très condescendante à l'égard des

15 Musulmans et que ceci n'a fait que nuire au peuple croate de Bosnie-

16 Herzégovine. Vous savez, des efforts très importants ont été déployés pour

17 que les Musulmans ne rejoignent pas la partie serbe. Vous n'avez pas vu les

18 efforts déployés par Milosevic pour attirer les Musulmans, soit en avançant

19 des offres directement au président Izetbegovic, soit en s'adressant aux

20 intellectuels, soit en essayant de recruter parmi les Bosniens ceux qui

21 travaillaient dans les rangs de la police ou de l'armée. A l'époque, les

22 Musulmans, ils ont connu une prise de conscience nationale en tant que

23 peuple. Tout à chacun qui contestait leur identité nationale était perçue

24 par eux comme une ennemi. J'étais un homme politique originaire de Bosnie-

25 Herzégovine et j'estimais qu'au moment où la JNA, Milosevic, Karadzic,

26 Mladic, Martic menaient leur agression et qu'il était très important sur le

27 plan politique de se lier d'amitié avec les Musulmans et en plus, ils

28 étaient menacés, contestés leur identité et l'égalité des droits par

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1 rapport aux Croates et aux Serbes, et dire qu'il faudra bien qu'ils se

2 satisfassent d'un tout petit Etat.

3 Immédiatement, ceci devait susciter une résistance dans les rangs des

4 Musulmans. L'accueil était très négatif, mais la Croatie, à l'époque,

5 n'était pas une grande puissance qui pouvait dicter quoi que ce soit. Elle

6 n'avait rien à dicter. Elle avait un tiers de son territoire bloqué. En

7 décembre 1991, il y avait bien des régions croates qui étaient occupées par

8 les Serbes. Un grand nombre de personnes se sont faites déjà exiler, ont

9 été obligées de s'enfuir. Donc, nous avons envisagé sérieusement toutes les

10 variantes, mais dire que les Musulmans allaient devoir, soit nous

11 rejoindre, soit accepter quelque chose, c'était politiquement un échec. On

12 verra les tragédies que ceci apportera dans l'évolution des choses par la

13 suite.

14 Q. Monsieur, page 107, vous reprenez la parole, vous dites : "M. le

15 président, avec tous mes respects, permettez-moi d'expliquer quelque

16 chose." Ensuite, vous dites : "Tout d'abord, l'idée du 13 juin a été mon

17 idée. M. Vlasic l'a développée, M. Doko et moi, nous avons apporté ici des

18 papiers, si vous vous souvenez, Vice Vukojevic, M. Ramljak était là. On

19 était assez nombreux.

20 "Par conséquent, je ne m'oppose pas à cela, mais nous nous sommes mis

21 d'accord à nous activer au moment voulu et, d'après moi, le moment n'était

22 pas encore venu."

23 Q. Donc, quelle est cette idée que vous revendiquez, l'idée du 13 juin, et

24 pourquoi dites-vous que ce n'était pas le bon moment pour la mettre en

25 oeuvre ?

26 R. Mais quand on est à la tête d'un peuple dans ce genre de contexte, en

27 temps de guerre, il faut bien qu'ils envisagent plusieurs variantes. Cette

28 dernière consistait à dire la chose suivante : si on se trouve devant le

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1 fait accompli, et personne ne nous a mis devant le fait accompli, ils

2 exigent que l'on présente des options qui mettront fin à l'Etat de Bosnie-

3 Herzégovine. Nous avons parlé de ces 30 municipalités. Cela c'est le

4 résultat des travaux de la Commission chargée de la Cantonisation. Je vous

5 en ai parlé. Donc, tout le monde a proposé la création des cantons le long

6 des lignes historiques, nationales, géophysiques, et cetera. Donc, où il y

7 aurait eu des regroupements de municipalités d'après une certaine majorité,

8 mais il a toujours été question également des droits de l'homme lorsqu'on a

9 évoqué la cantonisation, donc il y aurait des populations minoritaires qui

10 se seraient trouvées sur le territoire majoritairement peuplé par une autre

11 population sur un certain territoire -- sur un certain canto, et ils

12 seraient protégés par les droits de l'homme tels que conçus en Europe. J'ai

13 dit : bon, effectivement, cela c'est la dernière variante, mais le 27

14 décembre, ce n'est pas quelque chose que je viens de dire, deux mois avant

15 la reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine car, pendant

16 qu'ils faisaient cela avec les autres membres de la présidence, avec les

17 représentants de la communauté internationale, de l'Europe et de

18 l'Amérique, je luttais pour que la Bosnie-Herzégovine se voit reconnaître

19 le même statut que la Slovénie et la Croatie. Donc, on avait tout fait pour

20 reconnaître la Croatie, déjà, on était -- notre tour allait venir. Encore

21 une fois, le 22 mai 1992, les trois républiques sont devenues, le même

22 jour, membres des Nations Unies.

23 Q. Monsieur, page 108 dans la suite, vous avez parlé de ce que vous venez

24 de dire, des 30 municipalités, le président Tudjman vous répond : "Attendez

25 un instant, vous voyez lorsque nous parlons de

26 30 % du territoire croate, qu'est-ce que cela signifie, ce territoire, pour

27 l'Etat croate ? Donc, si vous ne prenez en considération qu'un élément, il

28 semblerait que cela doit être rejeté immédiatement. Mais vous devez

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1 l'envisager dans le sens où je l'ai évoqué, ce genre d'Etat croate ne peut

2 pas se maintenir, mais l'Etat croate-même avec la frontière de la banovina

3 peut se maintenir et en particulier avec des frontières améliorées."

4 Puis, vous dites par la suite : "Mais, Monsieur le Président, cette

5 variante sous-entend que Knin et Drvar vont vous rejoindre." Mais qu'est-ce

6 que cela signifie lorsque vous dites cette variante signifie que Drvar et

7 Knin vont vous rejoindre ?

8 R. Mais c'est la variante qui envisage le partage de la Bosnie-

9 Herzégovine. Le président de la Croatie exige qu'il y ait la création de la

10 banovina, enfin qu'il prenne la banovina, mais, dans ce cas-là, le Drvar va

11 se rattacher à la Krajina serbe de Croatie car les Serbes, qu'ils soient

12 démocrates ou Chetniks, exigent qu'on efface la frontière entre les régions

13 serbes et je dois vous dire que Martic, qui était à la tête de Knin, de sa

14 police, et il se rendait à Drvar. Donc, si le président de la République

15 croate obtient la banovina, il y aura jonction de Knin et de Drvar pour les

16 Serbes. Donc, on aura asséné un coup droit au cœur de l'Etat croate.

17 Q. Monsieur Kljuic, alors, vous expliquez au président Tudjman par la

18 suite que, si on se base sur une majorité démographique pour proposer une

19 solution, nombre de régions resteraient à l'extérieur du territoire croate,

20 page 108 : "Monsieur le Président, dans ce cas-là, les villes où les

21 Croates ne constituent pas la majorité : Konjic, Mostar, Stolac, Derventa,

22 Doboj, Jajce, Bugojno et Travnik qui ont la tradition, qui appartiennent

23 encore plus aux Croates, et ils resteraient à l'extérieur du domaine

24 croate."

25 Le président Tudjman a-t-il répondu à cette préoccupation ?

26 R. Le président Tudjman, tout d'abord, n'aimait pas qu'on lui réponde.

27 Dans toute l'histoire de sa gouvernance, je pense que j'ai été celui qui a

28 le plus souvent dialogué avec lui et, d'après ce document, c'est

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1 effectivement ce qui ressort. Lorsque quelqu'un a une idée fixe et

2 lorsqu'il en fait la tâche, l'objectif politique principal, sans prendre en

3 compte d'autres éléments, il devient absurde de dire à un tel que ce qu'il

4 envisage n'est pas bien. Tout d'abord, la banovina n'était pas réaliste

5 parce que, même celle de 1939 n'a pas duré longtemps, elle a duré 18 mois,

6 elle n'avait pas son armée, sa monnaie, son cachet, son administration,

7 enfin, elle n'a pas vraiment fonctionnée.

8 Donc, deuxièmement, nous avons vu cette banovina qui a duré pendant

9 un an et demi, mais qui a été le résultat d'un compromis de la monarchie de

10 Belgrade face à la Croatie, en 1991-1992, évoquer de nouveau la création de

11 la banovina, mais cela manque de réalisme. Donc, c'est la même chose

12 qu'avec le problème de l'Herceg-Bosna. Une grande partie de la population

13 croate reste à l'extérieur de ces unités administratives. A mon sens, par

14 conséquent, et en ma qualité du président du HDZ et membre de la présidence

15 de Bosnie-Herzégovine, la seule solution c'était l'indépendance pour la

16 Bosnie-Herzégovine parce que cela nous permettait de protéger tous les

17 citoyens de la Bosnie-Herzégovine, y compris les Croates.

18 Q. Monsieur, le même paragraphe, dans la suite, page 110 -- 109, s'il vous

19 plaît -- page 109, excusez-moi. Si vous pouvez trouver ce passage. Vous

20 dites : "La question est de savoir s'il nous est possible d'atteindre ce

21 que les Serbes ont fait dans la Krajina et à Trebinje. Je féliciterais ces

22 messieurs, j'en serais fier, même dans un tel texte qui vous a été soumis

23 où on demande l'application des lois croates à Busovaca, Travnik, Vitez, et

24 cetera. Messieurs, un président de la municipalité est venu me dire qu'il

25 était impossible de mettre cela en œuvre, j'aimerais que cela soit

26 possible."

27 "De plus, Messieurs, tout un chacun demande qui sera le premier à

28 proposer la partition, le partage de la Bosnie. On nous dit : Il faut voir

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1 ce qui en est de la cantonisation, et cetera." La question est de savoir

2 qui sera le premier à accepter, il y a eu l'initiative de Belgrade."

3 Est-ce que vous pouvez dire aux Juges, s'il vous plaît, de quoi il s'agit

4 là ? Qui sera le premier à avaler cela, à accepter cela, par rapport à vos

5 discussions avec le président Tudjman ?

6 R. Tout d'abord, il y a ceux qui disent qu'il faut créer la banovina et

7 qu'il faut s'emparer des territoires où les Croates ne sont pas

8 majoritaires. Dès le 27 décembre 1991, ils demandent l'application de

9 l'institution croate dans ce territoire, mais c'est un paradoxe qu'on a du

10 mal à comprendre. Un deuxième point, lorsque nous avons créé les

11 Commissions chargée de la Cantonisation, nous avons présenté des arguments

12 qui ont fait comprendre aux Serbes que s'il y avait un partage de la

13 Bosnie-Herzégovine ils ne leur revenaient que 31 % de l'Etat, ce qui ne

14 correspondait pas à leurs ambitions. Car dans toute la Bosnie orientale, et

15 en particulier, Zvornik, Visegrad, Foca, les Musulmans étaient

16 majoritaires, et ce qu'ils souhaitaient précisément c'était s'emparer de ce

17 territoire-là, et par la suite, ils vont le conquérir militairement et à

18 Dayton ceci leur sera donné en tant que Republika Srpska. Donc ces amateurs

19 politiciens disaient à Vitez, à Travnik on va commencer à appliquer dans

20 les institutions croates, eux, ils n'ont à écouter et obéir, mais je leur

21 disais ce n'est pas réaliste, et s'agissant du partage le seul partage

22 qu'on pouvait accepter c'était sur la base de la cantonisation, sur la base

23 des projets faits par des experts sur des bases scientifiques et non pas

24 sur la base de revendications politiques ou de conquêtes territoriales.

25 De toute façon, ce n'était pas possible pour nous, car les Serbes en

26 pratique avaient déjà conquis les territoires qu'ils avaient l'intention de

27 garder. D'autre part, je dois vous dire que, pour moi, le problème

28 important a été le suivant : quel que soit le partage un grand nombre de

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1 Croates se seraient retrouvés à l'extérieur de cette communauté. C'étaient

2 des Croates des grandes villes. Par exemple, il faut savoir que nous avions

3 la plus grande proportion électrique cultivée par rapport à l'ensemble de

4 la population, qu'à Sarajevo nous étions peut-être 7 ou 8 % seulement,

5 parce que c'est une grande ville mais dans la vie publique, culturelle,

6 nous étions entre 30 et 40 %, les professeurs universitaires, les acteurs,

7 comédiens, chanteurs, sportifs, et cetera. Donc --

8 Q. S'il vous plaît, concentrez-vous sur la question. Je vous ai demandé ce

9 que cela signifiait qui serait le premier à gober à mordre ? Pouvez-vous

10 dire aux Juges de la Chambre de quoi il s'agit ?

11 R. Il s'agit de revendication territoriale. Les Serbes pour pouvoir

12 arriver à leurs objectifs ils ont tout d'abord proposé la cantonisation.

13 Mais je dois dire que c'étaient des gens très primitifs, ils --

14 M. MURPHY : [interprétation] Nous avons un problème d'interprétation,

15 Monsieur le Président.

16 L'INTERPRÈTE : Pourriez-vous entendre l'anglais, maintenant ?

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

18 Veuillez répondre à la question, s'il vous plaît.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Donc, s'agissant de la cantonisation

20 nous avons fourni des cartes réalisées par des experts, ce qui n'a permis

21 aux Serbes de voir que ce qui allait éventuellement leur revenir de Bosnie-

22 Herzégovine ne satisfait pas leurs ambitions. D'autre part, il est très

23 difficile d'apprécier le comportement de certains individus indépendamment

24 du fait qu'ils étaient des académiciens. Vous avez, par exemple, Karadzic

25 qui est médecin; cependant, ce sont des gens qui n'étaient pas vraiment

26 appropriés pour exercer ces fonctions, et donc leur demande était

27 maximaliste. Donc, en 1699, il y a eu une frontière de Bosnie-Herzégovine

28 jusqu'à ce moment-là. Il y a eu souvent des changements de direction et de

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1 souverain dans les différentes régions.

2 Q. Monsieur, nous n'allons pas revenir à cette époque-là. Est-ce que, lors

3 de cette réunion ou de toute autre réunion, il y a été dit que c'était une

4 bonne chose pour le programme croate si on percevait les Serbes comme étant

5 ceux qui ont causé l'effondrement ?

6 R. Que ce soit sur le plan intérieur ou aux yeux de la communauté

7 internationale on percevait déjà les Serbes comme étant ceux qui sont en

8 train de casser la Yougoslavie, mais, je faisais partie du groupe de

9 personnes qui luttaient pour l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Il

10 est clair que, parmi les participants à la réunion de Zagreb, il y avait

11 des gens qui étaient très impatients. Ils voulaient que la Bosnie-

12 Herzégovine soit partagée soit parce qu'ils se trouvaient dans les régions

13 qui allaient certainement revenir aux Croates, qui avaient des ambitions

14 politiques à eux. Mais le fait est que je n'ai pas permis, du moins pas en

15 mon nom et en ma présence, que l'on discute de ce partage. Je dois dire

16 que, dans les contacts privés, cela a eu lieu. Les Serbes n'avaient de

17 cesse de trouver des médiateurs de tout genre. Il faut savoir aussi qu'il y

18 avait des liens familiaux parmi nos peuples, il y avait des mariages

19 mixtes. Donc, de toutes les manières, les Serbes ont tenté deux choses : de

20 faire en sorte que les Croates participent au projet de partage de Bosnie-

21 Herzégovine et de me compromettre moi comme étant soit disant l'homme qui

22 appartenait aux Musulmans.

23 Q. Page 111, s'il vous plaît, examinez-là. Le président Tudjman dit :

24 "Stjepan, essayons de ne pas perdre de temps, essayons d'être concret."

25 Stjepan Kljuic : "Permettez-moi de terminer, Monsieur le Président,

26 juste deux minutes.

27 "La troisième version, "Les Musulmans ne viendront pas avec nous. Les

28 Serbes prendront ce qu'ils veulent faisant la propagande, c'est la question

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1 Europe, les Balkans, Belgrade, Zagreb. Par la suite, nous avons eu une

2 chance de gagner les Musulmans de Travnik, de Bugojno, de Jajce, et puis la

3 Croatie aura gagné un bloc.

4 "C'est cela qu'il faudrait préparer et c'est la raison pour laquelle

5 nous avons dit que nous avons cette Commission pour la Cantonisation."

6 R. Excellent. Voyez-vous, lorsque le président Tudjman a dit que les

7 Musulmans ne le voulaient pas mais les Croates se seraient retrouvés dans

8 la Serboslavie, donc, la Serbie-et-Monténégro élargie, on ne voulait pas

9 l'accepter et c'était vraiment la seule variante où j'étais d'accord avec

10 toutes les personnes présentes dans la salle de conférence. La seule chose

11 c'était qu'on ne voulait pas rester seul au sein de la Yougoslavie, mais la

12 question était techniquement comment le faire ? Si on allait partir sur des

13 bases plus larges, si cela allait être un conflit entre ce qui est

14 Balkanique et ce qui est Européen en Bosnie-Herzégovine, alors, dans ce

15 cas-là, on aurait plus de chances de gagner notre cause un certain nombre

16 de gens qui n'ont pas les mêmes opinions qui sont plutôt attirés par leur

17 occident. Ce qu'on suppose ici c'est qu'il va y avoir un référendum - vous

18 savez que nous avons eu un référendum sur l'indépendance de Bosnie-

19 Herzégovine, mais, dans toutes ces variantes, la seule mission c'était ma

20 mission, en particulier, ma tâche c'était que les Croates de Bosnie-

21 Herzégovine ne restent dans la Serboslavie de Milosevic.

22 Q. Ces trois options que nous avons discutées, Monsieur, aujourd'hui, et

23 que nous avons examinées plusieurs fois aujourd'hui, ce sont des points qui

24 ont été discutés depuis la réunion du 13 juin 1991 ?

25 R. Oui, mais pas avec la même intensité à chaque fois.

26 Q. Donc, les documents précédents que nous avons vus, les documents issus

27 des réunions du HDZ où il était question de la Commissions pour la

28 Cantonisation, tout ceci c'était la rédaction sur papier des discussions

Page 3977

1 qui avaient eu lieu avec le président Tudjman le 13 juin 1991; c'est bien

2 cela ?

3 R. Pas nécessairement. La Commission chargée de la Cantonisation a

4 travaillé sur la base des documents qu'on lui a présenté compte tenu des

5 aspects historiques, géographiques, géophysiques, de transports, et cetera…

6 Q. Dans le paragraphe suivant, vous dites : "Au sein de la Bosnie-

7 Herzégovine, nous devons restructurer plusieurs municipalités." Pourquoi le

8 dites-vous ?

9 R. Attendez, il faut que je le retrouve.

10 Q. Ceci vient immédiatement après ce que l'on vient d'examiner.

11 R. Oui. A l'époque communiste, de nombreuses localités croates, plus ou

12 moins grandes, se sont vues abolir le statut de municipalités pour être

13 rattachées à d'autres groupes nationaux qui étaient majoritaires. Par

14 exemple, vous avez la municipalité de Ravno du champ de Popovo Polje, en

15 Herzégovine orientale. C'était traditionnellement une municipalité croate,

16 mais, en 1967, elle a été rattachée à Trebinje après avoir été supprimée en

17 tant que municipalité. Or, à Trebinje, vous avez, à ce moment-là, une

18 population serbe majoritaire et des dirigeants, certes, communistes, mais

19 vraiment très déterminés pour ce qui est de la défense des intérêts serbes.

20 A partir de ce moment-là, vous avez le départ des Croates et l'atrophie de

21 leur municipalité. En plus, on a vu des Croates quitter Trebinje, et

22 cetera.

23 Aussi, vous avez Dobratici, Skender Vakuf, Jajce, Travnik. C'est le

24 triangle où se situe cette localité croate. Alors, il était très important

25 de rattacher Dobretici à Travnik parce qu'à partir de ce moment-là, les

26 Croates auraient été majoritaires à Travnik.

27 Ou l'autre option, le rattacher à Jajce où les Croates encore

28 auraient été majoritaires. Mais Dobretici a été rattachée à Skender Vakuf

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1 où il n'y avait quasiment pas de Croates. Donc, effectivement, Dobretici

2 sans finance, sans éducation, sans santé, se meurt. Bien entendu, le

3 président n'était pas au courant de tout cela. Je lui en ai parlé. Je lui

4 ai proposé la restructuration de ces municipalités pour obtenir certaines

5 régions. Donc, il était dans notre intérêt que Dobretici soit rattachée

6 soit à Travnik, soit à Jajce. Jajce leur semble plus intéressant à cause

7 des communications et puis, les médecins, et cetera.

8 Q. [chevauchement]

9 R. Donc, cela était --

10 Q. Si je puis vous interrompre car je pense que je pourrais en

11 terminer avec ce document avant la pause. Les Juges auront peut-être des

12 questions à poser également. Enfin, page 113, ma dernière question sur ce

13 document. Vous reprenez la parole et après les deux premiers paragraphes,

14 vous dites : "Bien, permettez-moi de vous dire pour ce qui est de la

15 politique ici, le septième nain ne peut pas se mettre à protester contre

16 cela. Tout ce que vous m'avez dit, je l'ai fait. Nous ne pouvons pas

17 continuer. Vous voulez l'Herceg-Bosna. Vous voulez Boban. Je vous en prie,

18 Messieurs, allez-y. Vous avez ma démission. Vous avez toujours ma démission

19 disponible, M. le président."

20 L'entendiez-vous de cette manière-là ? Est-ce que vous avez présenté votre

21 démission plus tard, après cette réunion ?

22 R. Mais je dois vous dire que c'est un dialogue tout à fait clair, entre

23 moi et eux. Je n'accepte pas cette politique et je l'avais dit avant dans

24 des conversations privées, et heureusement qu'on a eu l'occasion d'en

25 parler à la maison chez le président. J'ai dit : "M. le président, vous ne

26 pouvez pas le faire avec moi. Vous avez ici le petit Boban qui s'empressera

27 à vous l'exécuter, à vous le faire." Excusez-moi, peut-être que je n'avais

28 pas raison. Si la majorité du peuple croate et de ses dirigeants souhaitent

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1 quelque chose et Stjepan Kljuic est le seul à s'y opposer, il est correct

2 juste que je me retire et je l'ai fait, de manière correcte, mais ils ne

3 l'ont pas accepté. Mais, 37 jours plus tard, il va y avoir le dénouement et

4 la scission finale.

5 Q. Pour que tout soit clair, à la ligne 22, page 75, lorsque vous dites

6 que vous avez une autre conversation et vous dites : "M. le président,"

7 vous faites référence au président Tudjman ?

8 R. Oui.

9 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

10 questions à poser à propos de ce document et je pense que ce serait peut-

11 être le moment de faire la pause.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour que les Juges sachent où ils vont, il vous

13 reste combien de temps encore ?

14 M. SCOTT : [interprétation] Pour être très franc avec vous, je n'y

15 avais pas pensé. J'aimerais juste vous demander de m'accorder une petite

16 minute, je vous prie. Avec un peu de chance, nous pourrions terminer dans

17 une heure et demie. Peut-être un peu moins d'ailleurs parce que cela

18 dépendra, en fait, de ce que dira le témoin. Donc, il se peut que j'aie

19 d'autres questions à poser.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, ce qui fait que la Défense aura, comme cette

21 après-midi, on n'a pas tout à fait trois heures. La Défense aura quatre

22 heures, donc, cela va être très court. Pour le moment, vous avez pris cinq

23 heures et 14 minutes.

24 M. SCOTT : [interprétation] Oui, oui. Cinq heures ? J'ai quatre heures, en

25 fait -- quatre heures et 45 minutes. Voilà ce que nous avons, et quoiqu'il

26 en soit, Monsieur le Président, il se peut que je vous ai mal entendu. Vous

27 avez parlé de quatre heures, demain. Mais, demain, nous avons une journée

28 entière, n'est-ce pas ?

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Demain, il y a, effectivement, le matin et l'après-

2 midi, effectivement. Donc, enfin, la Défense aura quasiment le même temps

3 que vous. Bien. Alors, il est --

4 Maître Karnavas.

5 M. KARNAVAS : [interprétation] D'après ce que j'ai compris de M. Scott, il

6 a dit que j'aurai toutes les possibilités pour pouvoir mener à bien mon

7 contre-interrogatoire. Toutes les possibilités, cela signifie que je dois

8 pouvoir mener à bien mon contre-interrogatoire, à bon escient parce qu'au

9 vu de la complexité de ce dont nous parlons, vu la complexité des

10 documents, j'aurais besoin de beaucoup de temps que n'en a eu le Procureur.

11 Je ne parle même pas au nom de mes collègues. Donc, je pense que ce

12 monsieur devra revenir, à un moment donné, à La Haye parce que nous ne

13 pourrons pas terminer demain. C'est mon opinion, en tout cas.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : J'aimerais savoir, la Défense, est-ce que c'est

15 vous, Maître Karnavas, qui allez faire le contre-interrogatoire au nom de

16 tout le monde ou chacun va intervenir parce qu'il est exclu que vous ayez

17 six heures -- vous, les autres, chacun six heures. Donc, j'aimerais savoir

18 comment vous vous êtes organisés entre vous.

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, comme je l'ai déjà

20 indiqué par le passé, il n'est pas très facile de prévoir ce genre de

21 chose. Il y a un nouveau conseil maintenant. Je ne l'ai pas encore

22 rencontré. Je ne lui ai pas encore parlé. Je ne sais pas ce qu'elle sait de

23 cette affaire. Donc, je ne vois pas comment je pourrais répartir le travail

24 avec elle. Mais ce que j'ai déjà indiqué par le passé, c'est que je

25 représente un client et je dois faire de mon mieux pour mon client. Si les

26 autres veulent avoir six heures, en ce qui me concernent, ils peuvent avoir

27 six heures parce que ce n'est pas moi qui préside la Chambre de première

28 instance. Mais nous luttons tous pour avoir un certain temps. Je sais que

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1 l'équipe de Stojic a un grand nombre de questions à poser. On m'a dit, en

2 fait, que l'équipe de Praljak m'accorderait l'essentiel de son temps. Donc,

3 ils sont très généreux à mon égard. Je ne sais pas ce que se proposent de

4 faire les autres. Monsieur le Président, je ne voudrais surtout pas être

5 dans la position qui me forcerait à faire des pressions sur les autres pour

6 qu'ils m'accordent le temps qu'ils doivent accorder à leurs clients, en

7 fait. Donc, cela, c'est une position qui n'est pas du tout éthique. Donc,

8 comme je vous l'ai déjà dit, nous allons en parler pendant la pause et nous

9 allons essayer d'être aussi efficaces que possible. Je pense, mais je

10 prévois que nous n'allons pas pouvoir finir.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Essayez d'être efficace parce que jusqu'à présent,

12 ce témoin n'a parlé que de problèmes politiques ou des rencontres avec

13 Tudjman, et cetera. A aucun moment, il a avancé le nom d'un des accusés,

14 donc on est dans des questions d'ordre général qui auraient pu appeler de

15 la Défense un contre-interrogatoire global. Voilà, c'est dans ce sens que

16 j'essaie également de rationaliser les débats pour éviter que chacun repose

17 les mêmes questions car, après plusieurs heures, tout le monde a maintenant

18 bien en tête toute la problématique. Voilà, essayez pendant la pause de

19 vous voir pour savoir comment faire parce qu'à mon stade, je ne sais pas ce

20 qu'en pense mes collègues, je ne vois pas en quoi nous passerions encore

21 des heures et des heures sur ce qui a déjà été dit et sur ce que vous allez

22 tout à l'heure faire dire au témoin. Voilà, donc, on refera le point tout à

23 l'heure.

24 Il est 12 : 30, nous reprendrons donc après la pause à 14 heures, à

25 tout à l'heure.

26 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 30.

27 --- L'audience est reprise à 14 heures 08.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'audience étant reprise, est-ce que la

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1 Défense a pu s'entendre sur la durée du temps qu'elle envisage lors du

2 contre-interrogatoire ?

3 Maître Karnavas.

4 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai

5 effectivement pu parler à l'un de mes confrères chargés de la Défense

6 Stojic, et je crois pouvoir vous dire que la Défense Stojic aura besoin de

7 deux heures. Quant à nous, nous pensons avoir besoin de six heures, et je

8 sais que M. Praljak aimerait disposer de 15 minutes à une demi-heure et je

9 crois que deux autres conseils décideront à la fin de l'interrogatoire

10 principal dont ils auront besoin.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Karnavas, je vais vous redonner la

13 parole. Simplement à titre personnel, j'ai regardé les jugements Kordic sur

14 les questions qui nous ont occupés depuis hier. Dans le jugement Kordic, au

15 paragraphe 139 du jugement, cela fait six lignes - bon - et ils ont passé

16 également des heures. Alors, on est tous comptables de l'économie

17 judiciaire - on peut passer des heures à condition que ce soit utile. Donc

18 vous demandez quasiment dix heures pour contre-interroger ce témoin sur des

19 éléments dont peut-être les Juges dont les jugements. Elles feront dix ou

20 15 lignes. Voilà, tout le problème.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

22 je vous parle avec le plus extrême respect, avec le plus grand respect. Ce

23 témoin ne parle pas uniquement de questions mineures, il traite du fond

24 même des arguments de l'Accusation eu égard aux formes de responsabilité et

25 à l'entreprise criminelle conjointe. Il y a de nombreux documents qui

26 pourraient être utiles à définir la position de ce témoin car il pourrait

27 peut-être permettre de voir les choses d'une façon différente. Car nous

28 affirmons que ce que déclare ce témoin ici aujourd'hui n'est pas tout à

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1 fait conforme à la réalité. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin

2 d'un certain temps. Nous avons de nombreux documents à lui soumettre. Je ne

3 cesse de me répéter, mais, lorsque l'Accusation verse au dossier de très

4 nombreux documents sachant que la Chambre va lire ces documents -- va lire

5 chaque mot de ces documents, cela ne place face à ce témoin dans une

6 situation qui nous contraint nous-mêmes à soumettre de nombreux documents

7 car ce témoin a tout de même été présidé du HDZ, donc, voilà le problème

8 qui se pose à nous.

9 L'Accusation, si elle souhaite verser un nombre plus restreint de documents

10 et réduire le champ de ces accusations, nous permettra de passer moins de

11 temps à discuter de l'entreprise criminelle conjointe, qui est tout de même

12 une forme de responsabilité importante.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. On verra. Si jamais, demain, le contre-

14 interrogatoire n'est pas terminé, bien, il faudra poursuivre

15 ultérieurement. Bien.

16 Alors, Monsieur Scott, je vous donne donc la parole.

17 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Deux choses très

18 rapidement : nous avons remis avant le début de l'audience - et j'espère

19 que vous l'avez déjà reçue - sinon, cette pièce entre les mains du Greffe,

20 une pièce qui peut être consultée sur le système électronique, il s'agit de

21 la pièce P 00081, qui existe, donc, nous avons remise en version papier. Il

22 s'agit du procès-verbal de la déclaration relative à la création de la

23 communauté croate d'Herceg-Bosna. C'est le texte que j'avais l'intention

24 d'utiliser et je l'ai fourni à la Défense ainsi qu'aux Juges de la Chambre.

25 Encore une fois, je vous prie de nous excuser pour le problème qui s'est

26 posé tout à l'heure. Je le fais simplement remarquer pour porter ce fait à

27 votre attention.

28 Puis, deuxièmement, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

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1 tiens à dire que, pendant la pause du déjeuner, j'ai essayé de voir ce qui

2 me restait à aborder dans le cadre de la déposition de ce témoin ainsi que

3 ce qui a déjà été discuté je dois dire que la vitesse à laquelle nous

4 pourrons en terminer dépendra beaucoup de l'obtention de la part du témoin

5 de réponses concises. Je vous remercie.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement, vous avez tout à fait raison,

7 Monsieur Scott. Il est vrai que le témoin lorsqu'il répond cela prend

8 énormément de temps.

9 Monsieur, essayez de répondre de manière la plus synthétique

10 possible, parce que parfois il y a une question qui vous est posée et vous

11 prenez quatre à cinq minutes pour répondre. L'idéal, évidemment c'est très

12 bien, mais malheureusement, vous avez compris, nous sommes pris aussi par

13 le temps et il faut qu'on aille immédiatement à l'essentiel, donc, essayez

14 de faire un effort pour bien synthétiser votre réponse. Nous vous en serons

15 reconnaissants.

16 Poursuivez, Monsieur Scott.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Un instant, je vous prie. Est-ce que je

18 peux m'exprimer très brièvement ?

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Soyez bref.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais d'abord porter à votre connaissance

21 le fait que, compte tenu de mes obligations professionnelles, je ne serais

22 dans l'impossibilité de rester à La Haye plus tard que demain. Le

23 président, pour lequel je travaille, a un voyage officiel dans un pays

24 étranger à partir de lundi, et j'aurais donc de nombreuses responsabilités

25 à remplir.

26 Deuxièmement, dans l'affaire Kordic, j'ai été témoin expert qui a

27 examiné l'authenticité d'un certain nombre de documents versés au dossier,

28 mais je n'avais pas la moindre idée de crimes éventuels commis par l'accusé

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1 car j'étais moi-même à Sarajevo et lui était dans une autre zone. J'ai la

2 même remarque à faire au sujet des accusés qui sont présents ici. Comme je

3 l'ai déjà dit aux représentants du Tribunal, je n'ai aucune connaissance

4 d'un quelconque crime qui aurait pu être commis par les accusés présents

5 ici quand j'étais à Sarajevo ils n'étaient pas en contact avec moi. Ils

6 avaient des fonctions relativement peu importantes.

7 Lorsque je suis devenu président du HDZ, ils sont devenus dirigeants eux-

8 mêmes, mais nous étions dans des territoires différents. Je vous remercie.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Merci pour cette précision. Rassurez-vous qu'on

10 ne vous demandera pas de rester jeudi ou vendredi. Il est évident que, s'il

11 faut vous faire revenir, on vous fera revenir ultérieurement. Donc, sur ce

12 côté-là -- sur ce point, n'ayez aucune crainte. Nous avons bien noté que ce

13 que vous venez de dire par rapport à l'affaire Kordic et par rapport aux

14 accusés ici présents.

15 Monsieur Scott.

16 M. SCOTT : [interprétation]

17 Q. Monsieur Kljuic, si je pourrais demander --

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, vous avez la parole.

19 M. SCOTT : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin la

20 pièce 00110 très rapidement.

21 Avec l'aide de Mme l'Huissière, ce document vous sera soumis et je vous

22 demande après que vous l'ayez examiné quelques instants, si ce document est

23 bien le procès-verbal d'un certain nombre de décisions prises lors d'une

24 rencontre de la présidence du HDZ de Bosnie-Herzégovine le 16 janvier 1992.

25 R. Je vous demande un instant. Oui.

26 Q. Vous avez bien présidé la réunion de cette instance ce jour-là en

27 janvier 1992, n'est-ce pas ?

28 R. Oui. Oui.

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1 Q. Au paragraphe 8, nous lisons, je cite : "Les municipalités proches de

2 la ville des Sarajevo qui ne sont pas incluses dans la communauté croate

3 d'Herceg-Bosna doivent immédiatement créées la communauté croate de

4 Sarajevo."

5 Pouvez-vous nous dire si cette communauté croate de Sarajevo a,

6 effectivement, été créée dans des conditions comparables à celles qui ont

7 présidé à la création de la communauté croate d'Herceg-Bosna ou à la

8 communauté croate de Posavina ?

9 R. Il n'existait aucune intention de fonder la création de cette

10 communauté sur les mêmes principes. D'ailleurs, ce n'était pas possible.

11 Une réunion a été organisée en présence des présidents des assemblées des

12 municipalités concernées, mais jamais il n'a été envisagé que cette

13 création se fasse dans les mêmes conditions.

14 Q. Monsieur, j'aimerais maintenant, pendant quelques minutes, appeler

15 votre attention au sujet de référendum organisé en Bosnie-Herzégovine le 29

16 février et le 1er mars 1992, référendum relatif à l'indépendance de la

17 Bosnie-Herzégovine.

18 Tout d'abord, Monsieur, je vous demande de confirmer si tel était bien

19 l'exigence de la Communauté européenne exprimée par la Commission Badinter,

20 à savoir qu'un référendum soit organisé en Bosnie-Herzégovine pour

21 déterminer quels étaient les desideratas de la population, s'agissant de

22 l'indépendance par rapport à la Yougoslavie.

23 R. La Commission Badinter a donné très clairement le statut d'Etat à la

24 Bosnie-Herzégovine comme elle l'avait fait à d'autres républiques, mais

25 s'agissant de la reconnaissance de l'indépendance, il fallait au préalable

26 nécessairement organiser un référendum.

27 Q. J'aimerais appeler votre attention sur la pièce P 00116. Je vous laisse

28 quelque temps pour consulter ce document et je vous demande si ceci est

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1 bien le procès-verbal d'une réunion de la présidence de la communauté

2 croate de l'Herceg-Bosna élargie car étaient présents les présidents des

3 Conseils municipaux du HDZ de Bosnie-Herzégovine, et cette réunion s'est

4 tenue à Grude le 29 janvier 1992, n'est-ce pas ?

5 R. C'est ce qui ressort du texte.

6 Q. Est-ce qu'à cette époque-là, Monsieur, vous avez interprété la

7 situation comme démontrant que plusieurs questions apparaissaient dans le

8 débat mené au sein de la communauté croate ou en tout cas du parti HDZ et

9 de l'entité d'Herceg-Bosna quant à la position qui devait être celle des

10 Croates lors du référendum et au libellé des questions ?

11 R. Bien entendu, il y avait des opinions variées, mais le problème du

12 référendum a été discuté lors de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine à

13 laquelle assistaient 41 députés croates sur les 44 existants.

14 Q. En êtes-vous arrivé à penser qu'une partie au moins des membres du HDZ

15 et de la direction de l'Herceg-Bosna estimait que le libellé des questions

16 formulées pour le référendum posait un problème, s'agissant de la

17 souveraineté du peuple croate ?

18 R. Oui, oui, en effet, mais c'était leur position personnelle.

19 Q. Je vous demande de trouver le titre "Décisions" dans ce document qui

20 figure au numéro 1. Ensuite, vient un paragraphe qui se lit comme suit :

21 "Souveraineté historique de la population croate de Bosnie-Herzégovine."

22 Au deuxième paragraphe dans cette partie du texte, nous lisons, je cite :

23 "Si le référendum relatif à la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine devait

24 être couronné de succès, les nations croates et serbes deviendraient des

25 minorités ethniques."

26 Pouvez-vous rapidement décrire aux Juges, si vous le savez, en quoi le

27 référendum tel qu'il était perçu par ceux qui ont rédigé ce texte risquait

28 de supprimer la souveraineté du peuple croate ?

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1 R. Ceci était tout simplement contraire à la vérité. D'abord, il y a un

2 paradoxe dans l'idée que cette communauté aurait pu défendre les intérêts

3 de la population serbe. Puis, deuxièmement, la composition ethnique en

4 Bosnie-Herzégovine à ce moment-là était 44,3 % de Musulmans, 31 % de

5 Serbes, 17,4 % de Croates et le reste revenant aux Yougoslaves et autres

6 groupes ethniques. Donc, l'indépendance n'aurait rien ôté de leur

7 souveraineté, car dans la constitution qui était en vigueur à l'époque, il

8 était écrit que la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat se composait d'un

9 certain nombre de peuples constitutifs. Ensuite, on parlait des Serbes, des

10 Croates et des Musulmans, ou des Musulmans, des Croates et des Serbes,

11 l'ordre importe peu, mais en tout cas, on parlait de ces trois nations

12 ainsi que des autres nations et groupes ethniques résidant en Bosnie-

13 Herzégovine.

14 Q. Nous allons un peu plus bas dans la page. Nous trouvons le passage qui

15 se lit comme suit : "La communauté croate d'Herceg-Bosna est favorable à un

16 référendum proposé aux habitants de Bosnie-Herzégovine après qu'un certain

17 nombre de conditions préalables aient été satisfaites."

18 Est-ce que vous avez une idée des conditions préalables acceptables dont il

19 est question ici ?

20 R. Pour moi, ce n'est pas très clair, car le référendum a été décidé par

21 l'assemblée dans le cadre de la Commission chargée du Référendum et tout

22 s'est donc passé dans le cadre des institutions de Bosnie-Herzégovine. Ce

23 qui se passait en dehors de ces institutions était illégal.

24 Q. Avant de laisser de côté ce document, j'aimerais que nous revenions au

25 premier paragraphe intitulé : "1. La décision relative à l'organisation du

26 plébiscite." Dans ce paragraphe, il est question d'une décision consistant

27 à organiser un plébiscite de la population croate de Bosnie-Herzégovine,

28 c'est-à-dire des communautés croates, et ce, avant le référendum. Donc,

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1 pour qu'il n'y ait pas de confusion, je vous demande s'il est bien clair et

2 si vous pouvez confirmer aux Juges de la Chambre que plébiscite et

3 référendum étaient deux choses différentes.

4 R. Il importe que vous sachiez d'abord que les Serbes avaient, avant cette

5 date-là, organisé ce qu'ils appellent leur plébiscite, et ce plébiscite a

6 donné des résultats qui se dénombraient à raison de 20 % de voix en plus

7 par rapport au nombre des Serbes à l'époque. C'est sur cette base qu'ils

8 ont dit que l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine était refusée et que la

9 population souhaitait demeurer au sein de la Yougoslavie.

10 Mais, pour la communauté internationale, ce référendum n'avait aucune

11 validité. Il était donc impossible pour nous de faire la même chose

12 qu'avaient déjà faite les Serbes. Le référendum a été organisé en Bosnie-

13 Herzégovine le 29 février et le 1er mars de cette année-là, à savoir, 1993.

14 En cette année-là, le mois de février comptait 29 jours.

15 Nous devions donc remplir un certain nombre de conditions

16 indispensables dans l'Etat de Bosnie-Herzégovine, s'agissant de

17 l'organisation pratique du référendum.

18 Q. Très bien. J'aimerais maintenant vous poser une autre question. Vous

19 avez dit 1er mars 1993; c'est bien cela ? Ou avez-vous dit 1992 ?

20 R. Mille neuf cent quatre-vingt-douze, 1992. Je ne sais pas comment cela a

21 été interprété.

22 Q. Pouvez-vous, je vous prie, indiquer que -- même s'il est fait mention

23 dans ce texte d'un plébiscite, pourrez-vous donc confirmer à l'intention

24 des Juges que le référendum qui s'est tenu plus tard au mois de février

25 n'avait rien à voir avec un plébiscite particulier destiné uniquement à la

26 population croate de Bosnie-Herzégovine ?

27 R. Non, en effet.

28 Q. J'aimerais maintenant, Monsieur, appeler votre attention sur la date du

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1 2 février 1992, date à laquelle une réunion se tient à Siroki Brijeg.

2 Pourriez-vous rapidement dire aux Juges dans quelles conditions cette

3 réunion a été organisée et ce qui s'y est passé ?

4 R. D'abord, cette réunion a été décidée par des gens de Zagreb, des

5 représentants du HDZ de la République de Croatie. Ils m'ont informé, comme

6 ils ont informé d'autres représentants, en me disant que le 2 février, il y

7 aurait à Siroki Brijeg une réunion du Conseil central de tous les

8 responsables du HDZ. Bien entendu, c'était un acte de force, car j'étais

9 toujours président légalement élu, donc, une telle réunion n'aurait dû et

10 pu être convoquée que par la présidence de l'Union démocratique croate de

11 Bosnie-Herzégovine, mais puisqu'il était question de discuter d'une

12 question tout à fait importante, à savoir, l'appui ou le rejet du

13 référendum, j'ai accepté l'humiliation et je suis allé à l'endroit où la

14 réunion était convoquée. La délégation du HDZ de Croatie est arrivée sur

15 place également, elle était composée de Stjepan Mesic, de Vice Vukojevic et

16 de Perica Juric. Ces trois hommes étaient tous des responsables importants

17 du HDZ de Croatie.

18 C'est moi qui ai présidé les débats. J'étais accompagné de Mate

19 Boban, et tous les représentants du HDZ de Bosnie-Herzégovine étaient

20 présents malgré une situation sur le terrain très difficile, car de

21 nombreuses routes étaient bloquées et impraticables, mais cela montre que

22 tous ces représentants se sentaient responsables par rapport à ce qui

23 allait être discuté au cours de cette réunion. Ils sont donc venus.

24 Le premier point à l'ordre du jour était l'examen de la situation politique

25 en Bosnie-Herzégovine. Bien entendu, pas mal de représentants ont demandé à

26 prendre la parole et chacun d'entre eux a fait connaître sa position, sa

27 façon de voir l'évolution de la situation. Mais je dois dire que la

28 majorité de ces représentants a fait preuve d'une grande compréhension, et

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1 jusqu'à l'heure du déjeuner, j'ai obtenu un appui très conséquent de la

2 part des représentants. Mais, ensuite, un certain nombre de personnes ont

3 pris la parole. Ils ne parlaient pas de la situation politique, mais bien

4 de leur position personnelle à mon égard. Vous savez, à cette époque-là, je

5 constituais un grand danger parce que j'étais président de la présidence

6 qui était, bien entendu, une instance légitime. Donc, finalement, la

7 situation est devenue de plus en plus compliquée et par la suite, nous

8 devions apprendre que la délégation de Zagreb avait pour tâche de me

9 remplacer à mon poste. Toutefois, lorsqu'ils se sont rendu compte de

10 l'appui important dont je bénéficiais de la part des délégués qui venaient

11 de la région, ils ont renoncé à leur projet.

12 Q. Est-ce que vous venez de mentionner un représentant ? Est-ce que

13 c'était bien Stipe Mesic, président actuel de la Croatie ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 Q. M. Mesic vous a-t-il bien dit qu'en fait, il avait été envoyé à Siroki

16 Brijeg avec pour mandat de vous priver des fonctions qui étaient les

17 vôtres, finalement ?

18 R. Il ne me l'a pas dit à Siroki Brijeg, mais plusieurs années plus tard,

19 au moment où lui-même est devenu un exécutant de cette politique, il m'a

20 dit : "Vois-tu, à cette époque-là, on m'avait demandé de te remplacer à ton

21 poste, mais quand j'ai vu le soutien dont tu bénéficiais, nous n'avons pas

22 pu le faire."

23 Q. Lors de cette réunion, avez-vous finalement déclaré que vous

24 démissionniez de votre poste de président du parti ?

25 R. Oui.

26 Q. Pouvez-vous nous dire rapidement à quel moment cela s'est passé au

27 cours de la réunion et quelle a été la réaction par rapport à votre

28 démission ?

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1 R. Je dirais simplement que cette réunion s'est étirée en longueur, elle a

2 été très pénible. Certains représentants du nord de la Bosnie-Herzégovine

3 ont fini par quitter la réunion en disant : "Monsieur le Président, je suis

4 avec vous, mais je dois rentrer à Bosanski, Samac, à Gradiska, à Brcko, et

5 c'est loin." Il faut se remémorer le fait qu'à cette époque-là, la nuit

6 tombait relativement tôt, car c'était le mois de février, l'hiver, et les

7 jours étaient donc courts. Puis, tout d'un coup, certaines personnes ont

8 commencé à pénétrer dans la salle qui n'avaient rien à y faire, qui

9 n'avaient aucune légitimité, et le nombre de représentants légaux a donc

10 baissé au fur et à mesure que le nombre de personnes étrangères à la

11 réunion augmentait. La discussion a évolué dans un sens de plus en plus

12 agressif, on entendait des gens prendre la parole pour dire : "Nous ne

13 voulons pas être dominés par les Turques à cause de Stjepan Kljuic. Nous

14 voulons aller en Croatie." Il y a d'ailleurs un délégué - il est mort

15 aujourd'hui, c'était un médecin - qui a dit que c'était le rêve de chacun

16 de se retrouver en Croatie. Il vivait dans la partie occidentale de la

17 Bosnie-Herzégovine, une zone habitée, majoritairement, par les Croates.

18 Donc, les gens devenaient de plus en plus excités, il y avait

19 beaucoup de réactions avec des gens qui se levaient, qui faisaient beaucoup

20 de bruit, qui faisaient des insultes, et cetera, et cetera, et à un certain

21 moment, lorsque la réunion n'avait plus rien d'une réunion normale et que

22 les insultes étaient déversées par les uns sur les autres dans une

23 situation tout à fait inacceptable, je me suis levé et j'ai dit : "Ecoutez,

24 je présente ma démission. Vous pouvez suivre votre chemin, je vais suivre

25 le mien et l'histoire montrera qui avait raison."

26 A ce moment-là, le président Mesic et d'autres ont réagi de façon

27 très active. Je ne suis pas quelqu'un qui change de position d'un instant à

28 l'autre et j'ai eu la chance de pouvoir retourner à Sarajevo sans

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1 encombres. Lorsque je suis arrivé chez moi deux heures plus tard, j'ai eu

2 des problèmes de santé assez graves dont je ne vais pas vous parler en

3 détail, mais finalement je me suis retrouvé aux soins intensifs de

4 l'hôpital de Sarajevo dans le Département des maladies infectieuses.

5 Alors, pourquoi est-ce que j'ai présenté ma démission ? En dehors de la

6 façon très peu civilisée qu'on a vu se manifester à cette réunion et des

7 provocations qui m'ont été opposées, je savais quelle était la situation

8 légale -- la situation juridique de "la présidence à ce moment-là", et

9 c'est le terme qui a été utilisé. Donc, personne n'avait le droit de me

10 remplacer à mon poste dans ces conditions sans qu'il y ait congrès du

11 parti, et je pensais : essayons de voir ce que donnera ce référendum,

12 organisons un référendum qui se déroulera normalement comme tout référendum

13 doit se dérouler, et si je perds le référendum, je partirai. Mais ce que je

14 ne savais pas, c'est qu'à mon retour à Sarajevo, j'allais me trouver dans

15 une situation où ma vie était en danger et que cette situation allait durer

16 10 à 11 jours. Je dois dire qu'aucun représentant de Zagreb n'a même pris

17 la peine de passer un coup de téléphone à l'hôpital pour savoir comment

18 j'allais.

19 A cette époque-là, quelqu'un qui s'appelait Alois Mock, qui m'était

20 très favorable ainsi qu'au président Tudjman - c'était le ministre des

21 Affaires étrangères autrichien - il a appelé l'hôpital en disant qu'il

22 était prêt à m'envoyer un avion pour que je puisse me soigner à Viennes.

23 Q. Nous allons poursuivre sur la question du référendum. Vous venez

24 d'indiquer que vous espériez pouvoir poursuivre l'appui que vous donniez à

25 ce processus référendaire. A cet égard, j'aimerais vous poser une nouvelle

26 question après que vous aurez lu la pièce P 00117. C'est le procès-verbal

27 d'une réunion du Conseil central du HDZ de Bosnie-Herzégovine qui s'est

28 tenu à Livno, le 9 février 1992, n'est-ce pas ?

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1 J'aimerais que vous vous penchiez sur la page 2 du document; est-ce que

2 vous avez fini par comprendre qu'un double langage était utilisé s'agissant

3 de discuter du référendum de la part certains au HDZ, à cette époque-là ?

4 R. Il faudrait qu'on me donne la deuxième page à l'écran.

5 Comme vous le voyez, il y a la deuxième question qui a été posée par le

6 référendum, et là, il s'agissait d'une étape supplémentaire dans la

7 destruction de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat, et outre ceci, cette

8 question a été présentée par le truchement de la Commission du Référendum,

9 donc, cela avait été fait de façon en toute légalité. Toutefois, il n'était

10 pas informé de la situation et du fait que -- ils ont présenté une

11 proposition, alors que la date butoir avait déjà été dépassée, donc, quel

12 soit le contenu de la proposition la Commission du Référendum de la Bosnie-

13 Herzégovine n'a pas pris la proposition en considération parce que cette

14 proposition est arrivée trop tardivement. Elle est arrivée après

15 l'expiration de la date butoir.

16 Q. Très bien. Alors, si nous pouvions brièvement consulter ce document,

17 est-ce que vous pouvez confirmer qu'à la page 2 du document, il y a deux

18 formules pour la question du référendum ? Vous avez la deuxième qui se

19 trouve un peu plus bas sur la page.

20 M. SCOTT : [interprétation] Si on peut faire défiler un peu le dit

21 document.

22 Q. Nous avons donc la seconde des deux libellés qui correspond à ce qui a

23 été approuvé -- ce qui avait été approuvé par l'assemblée de la Bosnie-

24 Herzégovine à propos du scrutin.

25 R. Oui, oui, c'est exact.

26 M. SCOTT : [interprétation] Si nous remontons vers le haut la page.

27 Q. Nous voyons que ce qui se trouve en haut de la page correspond à

28 l'autre libellé qui avait été avalisé -- accepté à la suite de cette

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1 réunion à Livno.

2 R. C'est exact.

3 Q. Avant que nous ne mettions de côté ce document, je vous demanderais de

4 prendre l'autre page et vous verrez, en fait, qu'il y a un chapitre ou une

5 section qui est intitulée : "Démission de Stjepan Kljuic." Vous voyez

6 cela ?

7 Vous voyez qu'il est dit : "Mate Boban présidait et a expliqué que la

8 démission du président Stjepan Kljuic ne fera pas l'objet d'une discussion

9 parce qu'il va y avoir une réunion spéciale organisée en l'espèce."

10 Alors, est-ce que --

11 R. Oui.

12 Q. Nous allons aborder cela dans un petit moment, mais est-ce qu'il devait

13 y avoir plus tard une réunion où il a été question de votre démission ?

14 R. Mais, écoutez, de toute évidence, Boban connaissait très, très bien le

15 Statut du HDZ. Toutefois, cette réunion -- ce congrès n'a jamais été

16 organisé.

17 Q. A ce moment-là, est-ce que vous vous êtes rendu compte que, parmi la

18 population croate de la Bosnie-Herzégovine il y avait une certaine

19 confusion qui régnait à propos de la façon dont il devait voter lors du

20 référendum du mois de février 1992 ?

21 R. Oui.

22 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais vous demander d'examiner la pièce P

23 00118.

24 Q. Peut-être -- il s'agit d'un exemple. Je vous demanderais d'examiner

25 cette pièce un petit moment, et j'aimerais que vous indiquiez maintenant

26 aux Juges quelle était la discussion à ce moment-là ou quelle était la

27 polémique ou le débat à propos de la façon dont la population croate

28 devrait apporter son soutien au référendum et devrait voter ou ne pas

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1 voter ?

2 R. Bien, un refus de l'accepter -- donc, il y avait la question du

3 référendum qui avait été adoptée par l'assemblée de la Bosnie-Herzégovine

4 au cours de laquelle des représentants croates avaient participé

5 activement. Ensuite, il y a eu la question de Livno, ce qui fait que cela

6 n'a fait que jeter la confusion parmi la population. Alors, il y avait une

7 petite organisation à Visoko. De toute évidence, elle n'avait pas de

8 contact important, donc, ils ont rédigé une lettre et ont demandé quelle

9 était la situation et ils souhaitaient que quelqu'un leur explique,

10 finalement, comment ils devraient voter lors du référendum.

11 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais que vous examiniez maintenant la

12 pièce 122 -- ou plutôt, P 00122.

13 Q. Au moment où vous étiez en convalescence à la suite de votre maladie,

14 est-ce que vous avez eu la possibilité d'écrire une lettre à l'intention du

15 président Tudjman ?

16 R. Bien sûr. Etant donné que j'ai survécu, et à partir du moment où j'ai

17 pu écrire moi-même, j'ai justement rédigé une lettre à l'intention du

18 président Tudjman.

19 Q. Est-ce que la pièce P 00122 est un exemplaire de cette lettre,

20 Monsieur ?

21 R. Oui. Ce que j'ai vu jusqu'à présent de cette pièce, oui. C'est cela.

22 Q. Est-ce que -- je suppose que vous souhaitez avoir la possibilité de

23 consulter toute la lettre. Je ne sais pas si vous souhaitez faire des

24 observations de façon concise, je vous prie, à propos du texte de cette

25 lettre.

26 R. Est-ce qu'on pourrait remonter le document en question, je vous prie ?

27 Je pense que la lettre a été rédigée et composée en des termes très

28 raisonnables, et à la fin pour dissiper toute crainte. Nous demandions que

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1 le peuple croate en tant que peuple constitutif devrait avoir une

2 représentation paritaire tout comme les autres peuples. C'était la première

3 fois que nous le demandions. J'avais demandé au parlement de la Bosnie.

4 J'avais dit qu'il faudrait avoir un ensemble de nations qui constitueraient

5 un organe et qui auraient le droit de poser un veto pour toute décision

6 juridique si cette décision venait à mettre en danger les intérêts vitaux

7 de l'un de ces peuples. D'ailleurs, cet organe existe de nos jours en

8 Bosnie-Herzégovine.

9 Q. Est-ce que vous pourriez dire aux Juges si vous avez reçu une réponse

10 de la part de M. Tudjman, ou est-ce que quelqu'un d'autre vous a répondu en

11 son nom ?

12 R. Non.

13 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais vous demander maintenant d'étudier

14 la pièce P 09616.

15 Q. Vous verrez que, dans la liasse, il va falloir que vous sautiez

16 plusieurs documents.

17 M. SCOTT : [interprétation] Pièce P 09616.

18 Q. Alors, lorsque vous aurez eu la possibilité d'examiner le document,

19 Monsieur, est-ce que vous pouvez confirmer qu'il s'agit d'un procès-verbal

20 d'une réunion de la présidence du HDZ, réunion qui s'est tenue le 27

21 février 1992 ?

22 R. Est-ce que vous pourriez faire défiler le document vers le bas, je vous

23 prie ?

24 Je n'ai pas assisté à cette réunion, mais je me souviens de la

25 déclaration émanent de cette réunion et, justement, c'était cette confusion

26 qui régnait parmi les Croates de la Bosnie-Herzégovine qui a été à

27 l'origine du fait que les personnes qui décidaient ont dû choisir. Je dois

28 dire qu'à l'époque, j'étais tout à fait partisan d'un référendum et que

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1 j'avais le soutien absolu de l'église catholique à ce sujet pour justement

2 préconiser cela. Ce genre de situation, en fait, a fait que la présidence

3 du HDZ a dû déclarer, d'ailleurs, cela s'est fait le 28 février, que le

4 jour du référendum -- que la question du référendum et que la décision

5 relative à l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine n'empêcherait pas qu'une

6 solution constitutionnelle soit trouvée pour la Bosnie-Herzégovine, ce qui

7 signifie, en fait, qu'il renonçait à la question de Livno, et il y a eu

8 ensuite une déclaration ultérieure du président Tudjman qui a indiqué que

9 les Croates devraient aller voter en masse pour le référendum. Alors, non

10 seulement, il y a eu un pourcentage extrêmement important pour

11 l'indépendance, mais il faut savoir que quasiment ou que 99 % des électeurs

12 ont voté. Ce qui signifie que des centaines de milliers de personnes,

13 notamment, les Croates qui travaillaient à l'étranger, en Allemagne, qui

14 ont voté pour l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine.

15 Q. Regardez à nouveau la date du document en question, Monsieur, la date

16 du 27 février 1992; est-ce que vous pouvez confirmer que cela s'est passé

17 exactement un jour avant le premier jour de vote ?

18 R. Là, il est dit : "Poursuite de la session, le 28 février, à 8 heures

19 30." Donc, nous devons supposer qu'ils s'étaient réunis le 27, qu'ils n'ont

20 pas été en mesure de parvenir à un accord, qu'ils ont repris leurs travaux

21 dans la matinée du 28, à 8 heures 30 et qu'ensuite, ils ont émis ce

22 communiqué, cette déclaration. Cela c'était un jour avant le référendum.

23 Q. Il se peut que vous l'ayez dit, Monsieur, mais est-ce que vous pouvez,

24 en fait, confirmer quelle fut la déclaration officielle du parti à propos

25 de ce que devait faire le peuple croate dans le cadre du référendum ?

26 R. Oui.

27 Q. Avant que nous ne mettions de côté ce document, vous voyez qu'au point

28 numéro 3, il est fait référence à ce qui vous est arrivé. Donc, il est dit

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1 : "Jusqu'au moment où l'organe du HDZ sera en mesure de résoudre le statut

2 officiel juridique et politique du président du HDZ de la BH, Stjepan

3 Kljuic, ses droits et obligations eu égard à son autorité en tant que

4 président sortant du HDZ de la Bosnie-Herzégovine sont gelés et il n'a pas

5 le droit de se présenter en public au nom du HDZ de la BH."

6 R. Vous voyez, là, il y a eu une étape supplémentaire parce qu'il avait

7 été dit, dans le procès-verbal précédent, qu'un congrès serait organisé,

8 alors, réalisez-vous que cela n'était pas viable, donc, ils ont voulu

9 m'empêcher de représenter le HDZ de la BH. A l'époque, j'étais le symbole

10 du parti et j'ai véritablement pris la parole sans avoir la prétention de

11 les représenter, mais j'ai en fait participer à ce qui se passait, pour ce

12 qui était du référendum et je pense que j'y suis parvenu.

13 Q. Très bien. Monsieur Kljuic, donc, mettons de côté le référendum et, à

14 cette époque-là également, le processus du plan de paix Cutileiro continue

15 et j'aimerais attirer votre attention sur la pièce 00123.

16 Est-ce que vous pourriez dire aux Juges si votre collègue,

17 M. Markesic, a écrit une lettre destinée à Stipe Mesic à Zagreb, lettre

18 dans laquelle il recommandait que vous devriez faire partie de la

19 délégation qui devait se rendre à la session, à la réunion suivante dans le

20 cadre du plan de paix Cutileiro et ce, à la fin du même mois de février ?

21 R. Oui.

22 Q. Je vous demanderais de bien vouloir consulter la pièce 124. Est-ce

23 qu'il s'agit d'une réponse de la part de M. Mesic, réponse qui porte la

24 date du 20 février 1992 et il est indiqué essentiellement dans cette lettre

25 que vous ne feriez pas partie de la délégation, mais que la délégation

26 serait composée de M. Mesic, de Mate Boban et de M. Stanic.

27 R. Oui.

28 Q. Est-ce qu'une autre explication vous a jamais été donnée pour expliquer

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1 cette exclusion parce que vous aviez encore la fonction de président du

2 parti, au moins officiellement; est-ce exact ?

3 R. Non, mais le secrétaire général, Markesic, a réussi à faire en sorte

4 que Miro Lasic dirige la délégation plutôt que Mate Boban, et cela c'était

5 plutôt une prouesse et, en fait, cela, d'ailleurs, a donné lieu à leur

6 conflit à Lisbonne.

7 Q. Un conflit entre qui ?

8 R. Entre Lasic et Boban, parce que Lasic était véritablement un second

9 couteau au sein de ce parti et tout à coup il a été nommé par M. Mesic,

10 chef de la délégation.

11 Q. Est-ce que vous n'avez jamais joué un rôle lors de ces réunions

12 Cutileiro ?

13 R. Non.

14 Q. J'aimerais que vous expliquiez aux Juges pourquoi est-ce que Zagreb

15 avait un rôle à jouer et avait en quelque sorte son mot à dire pour ce qui

16 est de la composition de la délégation, après il s'agissait du parti de

17 Bosnie-Herzégovine ?

18 R. Cela n'aurait pas pu m'arriver, que quelqu'un décide à Zagreb, même

19 s'il s'appelait ou s'appelle Stipe Mesic, mais, pour les gens qui m'ont

20 succédé, cela leur semblait assez normal. Alors, il est intéressant de voir

21 que ce conflit, à savoir est-ce qu'il fallait écouter de façon aveugle

22 Zagreb ou ne pas le faire. Mais, en fait, c'est un conflit au HDZ que nous

23 avons encore de nos jours.

24 Q. J'aimerais vous demander de prendre la pièce P 00187. J'aimerais vous

25 poser deux questions à propos de ce qu'on a appelé la corde de Graz du 7

26 mai 1992. A cette époque, d'après des rapports mis à jour, est-ce qu'en

27 fait, vous n'avez jamais entendu parler d'un accord entre Karadzic et Boban

28 qui portait sur le partage d'un territoire en Bosnie-Herzégovine ?

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1 R. Je ne sais rien de cet accord. Les renseignements qui ont été donnés

2 étaient très limités. Avant cela, il y avait des informations suivant

3 lesquelles c'était M. Manolic qui s'était entretenu avec Karadzic, mais il

4 y avait déjà une agression assez sévère menée à l'encontre de la Bosnie-

5 Herzégovine. Nos communications avaient été coupées. En fait, il y avait

6 beaucoup de nouvelles qui étaient avancées ici et là par les différents

7 camps. Donc je ne sais pas s'ils se sont réunis ou non, en tout cas plus

8 tard au Tribunal, j'ai vu le document à propos de cette réunion.

9 Q. Très bien. Avant que nous passions à autre chose. J'aimerais vous

10 demander d'examiner un moment dans la version croate le texte de cet accord

11 allégué. J'aimerais vous demander plus précisément d'examiner les points 1

12 et 2.

13 M. KARNAVAS : [interprétation] J'aimerais intervenir, Monsieur le

14 Président, car, si le témoin n'est pas au courant de cet accord, il ne sait

15 rien de cet accord. Alors, maintenant, on lui demande de se livrer à des

16 conjectures à propos de ce document. Donc, je ne pense pas que ce soit la

17 chose à faire. Peut-être que nous pourrions avoir des questions non

18 directrices qui seraient posées et je ne pense pas que l'on puisse demander

19 au témoin de faire des observations à propos d'un document qui n'a pas vu

20 et il n'a d'ailleurs pas participé à tout cela.

21 M. SCOTT : [interprétation] Je vais reformuler ma question. Ce sera plus,

22 évidemment. Bien entendu, je respecterais de toute façon la décision de la

23 Chambre, mais j'aimerais juste poser une question au témoin. S'il examine

24 les points 1 et 2, est-ce que les démarcations, qui sont indiquées dans ces

25 paragraphes correspondant aux différentes conversations ou communications

26 et réunions auxquelles il a participé avec les Serbes au cours des 18 mois

27 précédents ?

28 M. KARNAVAS : [interprétation] Je retire mon objection, Monsieur le

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1 Président.

2 M. SCOTT : [interprétation]

3 Q. Monsieur, lorsque vous aurez la possibilité d'examiner ces points 1 et

4 2, est-ce que vous pouvez tout simplement nous dire si, d'après ce que vous

5 nous avez dit depuis deux jours et demi, si ces démarcations ne sont pas

6 forcément -- précisément -- ou plutôt, est-ce que vous pouvez nous dire si

7 ces démarcations sont conformes -- ou correspondent au type de discussions,

8 réunions, communications qui ont eu lieu entre les camps serbes et croates

9 pendant l'année précédente et qui traitaient du partage de la Bosnie-

10 Herzégovine ?

11 R. Premièrement, il est assez évident ou clair que, lorsque je suis parti

12 et que je n'étais plus le dirigeant du HDZ, Karadzic a trouvé un partenaire

13 dans le cadre de son dialogue. Je dois dire que la majorité de la

14 population croate était ou commençait à être résignée parce que nous étions

15 victimes de Milosevic et de Karadzic.

16 Alors, certes, les opérations militaires s'étaient terminées en

17 Croatie, mais il y en a eu des nouvelles en Bosnie-Herzégovine. Le village

18 de Ravno a fait l'objet d'une liquidation. Il y avait déjà eu les incidents

19 de Bijelina, et cetera, et cetera, ce qui fait que lorsqu'il y a eu

20 agression contre l'Etat de Bosnie-Herzégovine qui avait été reconnu par la

21 communauté internationale - négocier avec Karadzic était premièrement

22 immoral et puis, deuxièmement, du point de vue politique cela n'était pas

23 viable. En fait, rien de tout ceci n'a véritablement été mis en œuvre.

24 Toutefois, c'était la politique de la nouvelle direction du HDZ à laquelle

25 je n'appartenais pas.

26 Q. Monsieur, j'aimerais vous demander de vous concentrer à nouveau sur ma

27 question. Il y a ces paragraphes 1 et 2. Ce matin, vous nous avez parlé de

28 plusieurs discussions à propos donc de l'Herzégovine occidentale, moins

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1 Stolac, l'Herzégovine occidentale avec certaines parties du territoire.

2 Est-ce que cela, en règle générale, conforme aux démarcations que nous

3 avons aux paragraphes 1 et 2 ?

4 R. Vous pouvez voir qu'au numéro 1, il y a un malentendu car Karadzic

5 demande la rive gauche de la Neretva pour que cela fasse partie, donc, de

6 la partie serbe. Tout le reste, je suppose, serait resté croate, mais les

7 Musulmans ne sont absolument pas pris en considération. Il s'agit d'un

8 geste politique extrêmement irrationnel pour ne pas utiliser une expression

9 plus lapidaire. Puis, il y a la question de la Banovina parce que si la

10 Banovina est reconnu, Karadzic n'a pas la rive gauche de la Neretva.

11 Alors, il y a des malentendus. Il se peut qu'il y ait conclu un accord

12 ailleurs, mais cela c'était quelque chose de fondamental. Cela n'a jamais

13 été mis en œuvre. C'était tout à fait impossible.

14 Q. Puis, Monsieur, finalement, pour parler de votre départ définitif du

15 parti, j'aimerais savoir s'il y a eu à Bugojno, le 15 mars 1992, une

16 réunion ?

17 R. Oui, oui. Lors de cette réunion, le HDZ a souffert -- ou a fait les

18 frais d'une humiliation extrême, le HDZ de la Bosnie-Herzégovine,

19 j'entends. Cela a été dirigé par un homme qui répondait au nom de Krpina.

20 C'était un nain de Zagreb, et j'aurais préféré d'ailleurs transmettre la

21 direction du HDZ à Mate Boban parce que c'était insupportable. Mais ils ont

22 convoqué une réunion à Bugojno, je n'ai d'ailleurs pas assisté à cette

23 réunion. Mon secrétaire général, Markesic, s'y est rendu, et là, ils ont

24 nommé le Pr Milenko Brkic comme président en exercice, et d'ailleurs, cela

25 a mis un terme à mon mandat de président du HDZ.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Praljak, vous venez de se lever. Pour

27 quelle raison, s'il vous plaît ?

28 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Est-ce que le témoin a le droit

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1 d'insulter des gens, en utilisant des mots tel que "nain", et cetera, et

2 cetera ?

3 M. LE JUGE ANTONETTI : On a parlé de "nain." Alors, vous dites un "nain"

4 parce qu'il était tout petit ou parce que, pour vous, sur le plan

5 politique, c'était quelqu'un qui n'avait aucune importance ? Traiter

6 quelqu'un de "nain", c'est -- cela peut être insultant. Alors, quel sens

7 donnez-vous à cette appellation ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse. Je m'excuse. Ce n'est pas du fait

9 de l'objection. Je vais essayer d'éviter de dire ce genre de chose. Ce

10 n'était pas un nain physiquement, mais politiquement, au sens politique,

11 c'était véritablement un représentant très, très bas niveau.

12 M. SCOTT : [interprétation]

13 Q. C'est ainsi que s'est terminé votre mandat au sein du HDZ de l'ABiH;

14 c'est exact ?

15 R. Oui.

16 Q. Monsieur Kljuic, je vous remercie.

17 M. SCOTT : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le

18 Président. Je pense que j'ai fait un peu mieux de ce que j'avais prévu. Je

19 vous remercie.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.

21 Avant de donner la parole à Me Ibrisimovic, j'ai juste une question

22 complémentaire. Monsieur, vous avez été interrogé sur vos fonctions en

23 qualité de président du HDZ de la Bosnie-Herzégovine, et vous nous avez

24 expliqué longuement pourquoi vous avez démissionné à un moment donné. Ce

25 que je voudrais savoir : quand vous étiez, vous, à la tête de ce parti

26 politique, vis-à-vis du HDZ de Zagreb, étiez-vous dépendant ou

27 indépendant ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Du point de vue politique, j'étais

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1 indépendant. J'ai mis au point le programme politique du HDZ de la Bosnie-

2 Herzégovine, mais nous avions de nombreux points de vue en commun, et

3 j'avais un soutien à Zagreb. Puis, il y avait également les intérêts de la

4 population croate, en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, et ces intérêts

5 étaient identiques. Donc, ce n'était pas comme s'il s'agissait d'un parti

6 qui se trouvait dans un Etat très reculé. Cela faisait partie du seul et

7 même pays, la Yougoslavie, mais de deux républiques différentes.

8 Pour ce qui est du profile politique, je dirais que j'ai été une

9 personnalité indépendante. IL ne pouvait pas me dire : "Fait ceci, fait

10 cela." Nous, les Croates de la Bosnie-Herzégovine, avons apporté une grande

11 contribution pour la défense de la République de la Croatie. Nous avons

12 également fourni un soutien humanitaire. J'ai été l'une des premières

13 personnes à organiser des convois d'aide humanitaire vers Dubrovnik.

14 Lorsque Dubrovnik a été assiégée, nous avons envoyé des médicaments, et

15 cetera, et cetera. Donc, il était extrêmement difficile de séparer les

16 deux, mais, du point de vue politique, en fait, lorsqu'il s'agissait de

17 l'intérêt des Croates de la Bosnie-Herzégovine, je suis resté autonome

18 aussi longtemps que j'étais en mesure de le faire.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

20 Monsieur Ibrisimovic.

21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je n'ai que quelques questions à poser à

22 M. Kljuic, et je pense que je vais offrir le reste de mon temps à mes

23 confrères qui auront peut-être besoin de plus de temps et qui utiliseront

24 ce temps de façon plus rationnelle. Alors, je ne sais pas tout simplement

25 si M. Scott à l'intention de verser ces documents au dossier maintenant, ou

26 à la fin de l'audience.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Donnez les numéros des pièces. Comme tout cela, tout

28 le monde sera au clair.

Page 4008

1 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'avais l'intention

2 de le faire à la fin, mais je peux tout à fait le faire à présent. Ma

3 commise à l'affaire me corrigera si je fais des erreurs.

4 Les pièces dans l'ordre dans lequel je vais vous les présenter, P

5 09617, P 00015, P 00020 --

6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il manque un zéro.

7 M. SCOTT : [interprétation] Je vous présente mes excuses.

8 P 00031, excusez-moi. Cela a été versé par l'entremise du Dr Donia,

9 P 00020, puis P 00032, puis P 00034, puis P 00036, puis P 00041,

10 P 00042, P 00044, P 00047, P 00048, P 00050, P 00052, P 00056,

11 P 00058, P 00060, P 00072, P 00078, P 00081, P 00089, P 00110,

12 P 00116, P 00117, P 00118, P 00122, P 09616, P 00123, P 00124.

13 P 00187 a été versé, je pense.

14 Le Greffier pourra m'aider. La pièce P 09616 doit, elle aussi, faire

15 partie de la liste et j'ai l'impression que j'ai dit, P 00020 alors que

16 j'aurais dû dire, P 00022. Merci.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous l'avons remarqué.

18 Bien. Monsieur le Greffier.

19 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président. Les pièces seront versées au

20 dossier avec la date d'aujourd'hui, P 09617,

21 P 00015, P 00022 et non pas P 00020, P 00032, P 00034, P 00036,

22 P 00041, P 00042, P 00044, P 00047, P 00048, P 00050, P 00052,

23 P 00056, P 00058, P 00060, P 00072, P 00078, P 00081, P 00089,

24 P 00110, P 00116, P 00117, P 00118, P 00122, P 09616, P 00123 et

25 P 00124. Ainsi se termine la liste.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation]

27 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic:

28 Q. [interprétation] Monsieur Kljuic, nous venons du même milieu, cela fait

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1 une dizaine d'années que je suis votre travail. Je sais pertinemment et je

2 comprends vos positions quant à la guerre en Bosnie-Herzégovine.

3 L'INTERPRÈTE : Il est très difficile d'entendre Me Ibrisimovic.

4 M. IBRISIMOVIC : [interprétation]

5 Q. [aucune interprétation]

6 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

7 M. IBRISIMOVIC : [interprétation]

8 Q. Je vais répéter ma question. Monsieur Kljuic, nous venons du même

9 milieu. Je suis vos activités politiques et culturelles, sportives et

10 autres sur la scène publique de Sarajevo et je l'ai suivi pendant toute la

11 période, et votre position quant à la guerre en Bosnie-Herzégovine est tout

12 à fait claire. Vous estimez que c'était une agression menée par Belgrade et

13 la JNA ?

14 R. La Résolution 757 du 15 mai -- la résolution du Conseil de sécurité

15 vous le montre.

16 Q. C'était une agression menée par la Yougoslavie contre une république

17 souveraine et internationalement reconnue ?

18 R. Oui. Avant cela, il y a eu l'agression contre la Croatie et puis la

19 Bosnie-Herzégovine.

20 Q. Oui.

21 R. D'abord, il y a eu l'agression contre la République de Croatie et,

22 ensuite, l'agression contre la Bosnie-Herzégovine.

23 Q. La République de Bosnie-Herzégovine a adopté cette même position,

24 enfin, l'Etat de Bosnie-Herzégovine par la suite, lorsqu'il a lancé une

25 procédure devant le tribunal de la Cour internationale de justice à La

26 Haye, contre la Yougoslavie à cause de ce qui s'est passé en Bosnie-

27 Herzégovine. Je suis certain que vous étiez au courant de cela ?

28 R. Oui.

Page 4010

1 Q. Vous avez appuyé cette position. Etiez-vous membre de la présidence ?

2 R. Non, je ne l'étais pas, mais je le soutiens de tout mon cœur.

3 Q. Mais vous savez que la République de Croatie, elle aussi, a lancé une

4 procédure pénale contre la Yougoslavie à cause des événements ?

5 R. Oui, cela aussi, il ne faut pas que cela nous étonne.

6 Q. La République de Bosnie-Herzégovine et, par la suite, l'Etat de Bosnie-

7 Herzégovine n'a jamais lancé une procédure devant ce même Tribunal contre

8 la République de Croatie ?

9 R. Mais je ne vois pas pourquoi elle l'aurait fait. Il faut tenir compte

10 de l'ensemble des événements. M. Tudjman et

11 M. Izetbegovic ont eu des entretiens qu'il faudrait aussi prendre en

12 considération.

13 Q. Si je vous ai bien compris, vous estimez qu'il n'y avait pas lieu de

14 lancer une telle procédure ?

15 R. Mais, bien entendu, que non. Il n'y avait pas lieu de le faire compte

16 tenu de tout ce que la République de Croatie a fait au profit des citoyens

17 de Bosnie-Herzégovine qui, pendant l'agression commise envers cet Etat,

18 n'ont pas pu s'enfuir vers l'est. La seule voie ouverte pour eux, c'était

19 vers l'ouest. Pendant longtemps, plus de 700 000 citoyens de Bosnie-

20 Herzégovine de différentes appartenances ethniques se sont trouvés en

21 République de Croatie.

22 Q. Monsieur Kljuic, je pense que le Président, le Juge Antonetti, l'a

23 remarqué que vous avez été l'un des principaux protagonistes de tous ces

24 événements depuis une vingtaine d'années en Bosnie-Herzégovine. Je l'avais

25 remarqué, moi aussi. Enfin, ce que je tiens à dire par là, c'est que,

26 pendant que vous étiez président du HDZ, vous avez eu deux mandats à la

27 présidence, vous avez rencontré de nombreux fonctionnaires, à très haut

28 niveau vous avez rencontré des fonctionnaires de la communauté

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1 internationale, de Bosnie-Herzégovine, de Croatie et de tous les Etats

2 voisins et vous avez également fréquenté de nombreux interlocuteurs sur le

3 plan local; est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Ce que je cherche à dire par là c'est que, à travers cette activité que

6 vous avez déployée en étant très impliqué et en cherchant à résoudre la

7 question des Croates de Bosnie-Herzégovine, vous étiez très bien informé,

8 d'ailleurs vous êtes journaliste ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous l'avez même mentionner, me semble-t-il, ce matin, mais je pense

11 que c'est important à dire, compte tenu de la défense de mon client dont il

12 s'agit ici, vous n'avez jamais rencontré mon client ?

13 R. C'est la première fois que je vois ce monsieur.

14 Q. Je vous remercie.

15 M. SCOTT : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

16 Président.

17 Juste une précision au compte rendu d'audience, page 106, ligne 8, il

18 convient de lire "agression contre la Bosnie-Herzégovine."

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

20 Théoriquement, on doit faire la pause dans cinq minutes, alors le

21 mieux c'est de faire la pause maintenant, ce qui permettra au prochain

22 avocat de poser des questions. Donc, il est 15 heures 25. Nous allons nous

23 arrêter pour 20 minutes et nous reprendrons dans 20 minutes.

24 --- L'audience est suspendue à 15 heures 23.

25 --- L'audience est reprise à 15 heures 46.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Maître Karnavas.

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

28 Monsieur les Juges.

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1 Contre-interrogatoire par M. Karnavas:

2 Q. [interprétation] Monsieur Kljuic, Bonjour.

3 R. Je vous souhaite un bonjour pour ma part.

4 Q. Je vais commencer en vous citant quelque chose que vous avez dit dans

5 l'affaire Kordic, à savoir qu'avant de venir déposer dans l'affaire Kordic,

6 vous aviez reçu quelques enquêteurs et qu'ils avaient pris des notes, que

7 vous avez fait une déclaration écrite que vous avez signée; est-ce exact ?

8 R. Il y a eu plusieurs enquêteurs. J'ai eu des entretiens avec tous ceux

9 qui sont venus me voir.

10 Q. Peut-être n'étais-je pas suffisamment clair ? Est-ce que vous avez

11 donné une déclaration écrite comme cela figure à la page

12 8 735 de l'affaire Kordic. Vous dites, "Il existe une trace écrite de ce

13 que j'ai signé comme étant ma déclaration officielle." Est-ce que vous avez

14 fait cette déclaration sous serment dans l'affaire Kordic ?

15 R. Oui, oui.

16 Q. Dans l'affaire Kordic, vous avez dit à la Défense que vous étiez prêt à

17 envoyer par télécopie la déclaration que vous avez signée en tant que votre

18 déclaration officielle; vous vous rappelez avoir dit cela ?

19 R. C'est possible. Cela fait très longtemps. Si vous avez les preuves, les

20 documents le montrant, je suppose que je l'ai dit.

21 Q. Je suppose que vous vous feriez un plaisir de me fournir à moi aussi,

22 un exemplaire de cela ?

23 R. Je n'ai pas cette déclaration actuellement en ma possession mais si le

24 Tribunal l'a, ce serait bien de vous la fournir.

25 Q. Puis-je demander ce qui est advenu de cette déclaration ? L'avez-vous

26 fourni aux enquêteurs ? Vous semblez l'avoir fait.

27 R. Je ne sais pas et je vais vous dire pourquoi ? Dans l'affaire Kordic,

28 je suis venu déposer suite à un subpoena. Je n'ai jamais dit ce que cet

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1 homme a dit pendant la période couverte par l'acte d'accusation, de quoi il

2 a été accusé. Je n'ai pu parler que de son activité au sein du parti sur la

3 base des documents que vous avez vus aujourd'hui ?

4 Q. Très bien. Mais ce n'est pas la question que je vous ai posée. Est-ce

5 que vous savez ce qui est advenu de la déclaration, soit vous le savez,

6 soit vous ne le savez pas, peut-être ?

7 R. Je ne sais pas.

8 Q. Je suppose que ceci ne servira rien que je vous demande de me l'a

9 communiqué puisque vous ne savez pas où elle se trouve.

10 R. J'ai fourni une déclaration et je l'ai signée, mais je n'ai pas la

11 déclaration.

12 Q. Très bien. Mais, avant de venir à La Haye, est-ce que vous avez

13 consulté des documents, les déclarations préalables ? Est-ce que vous avez

14 consulté quelque chose pour vous rafraîchir la mémoire avant de venir

15 déposer ?

16 R. Deux livres ont été publiés à Sarajevo et à Zagreb réunissant des

17 comptes rendus d'audience. Il y a là aussi des documents où je parle --

18 j'ai l'un de ces livres à l'hôtel ici.

19 Q. Lorsque vous parlez des transcriptions - ce sont les transcriptions des

20 réunions présidentielles - deux volumes qui ont été publiés.

21 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige. Ce n'était pas les comptes rendus

22 d'audience.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'étaient des entretiens entre le

24 président Tudjman et d'autres fonctionnaires de la République de Croatie,

25 et il y a un nombre de réunions où je n'ai pas pris part.

26 M. KARNAVAS : [interprétation]

27 Q. Je voudrais rebondir maintenant sur ce qui a été dit pendant que vous

28 répondiez à mon confrère lorsqu'il vous a demandé si on avait porté plainte

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1 contre la Croatie devant la justice internationale -- la Cour

2 internationale de justice pour une action ou un crime qu'elle aurait commis

3 contre la Bosnie-Herzégovine. Vous avez dit que non et vous avez parlé de

4 tous les efforts humanitaires qu'elle a déployés, la Croatie, pour aider la

5 Bosnie-Herzégovine; est-ce exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Très bien. Je suppose que vous savez que c'est non seulement de l'aide

8 humanitaire que la Croatie a fournie, mais qu'elle a aussi reçu un grand

9 nombre de réfugiés.

10 R. Mais c'est ce que j'ai dit.

11 Q. La Croatie a fourni non seulement l'aide humanitaire, mais aussi des

12 armes aux combattants musulmans; est-ce exact ?

13 R. C'est probable. J'en sais peu, mais il y a un général, Mato Sarlija,

14 qui aidé ouvertement les forces bosniennes ou bosniaques dans leurs combats

15 contre l'agression serbe.

16 Q. Savez-vous quelle est la période dont on parle maintenant ?

17 R. C'est, je suppose, les années 1991 et 1992.

18 Q. Parlons un petit peu de cela. Donc la Croatie a fourni de l'aide

19 humanitaire et aussi de l'assistance militaire en Bosnie-Herzégovine en

20 1991. Comme nous l'avons appris de certains documents la Bosnie-Herzégovine

21 avait été utilisée par la JNA pour attaquer la République de Croatie depuis

22 territoire; est-ce exact ?

23 R. C'est exact.

24 Q. Hier, nous avons vu un document qui vous a été soumis où l'Etat ou la

25 république à ce stade-là de République de Bosnie-Herzégovine dit qu'elle

26 est neutre dans ce conflit -- qu'elle restait à l'écart.

27 R. Oui.

28 Q. A ce moment-là, la République socialiste de Bosnie-Herzégovine était

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1 encore partie de la Yougoslavie enfin de ce qui en restait à ce moment-là.

2 R. Elle était plus socialiste, on avait enlevé cet attribut, mais elle

3 s'appelait République de Bosnie-Herzégovine.

4 Q. Très bien. Mais toujours est-il que la Bosnie s'est déclarée neutre

5 tandis qu'elle a accepté qu'une partie de son territoire soit utilisé par

6 la JNA pour attaquer un autre pays; c'est exact ? Nous allons voir si elle

7 aurait pu faire autre chose.

8 R. Mais vous ne comprenez pas la situation dans laquelle on s'est trouvé.

9 Ce n'était pas comme cela. Nous étions un pays où il y avait le plus de

10 soldats au monde et qui étaient dirigés où régnait la JNA. Le pouvoir légal

11 de Bosnie-Herzégovine ne pouvait pas exercer son pouvoir sur une grande

12 partie de son territoire qui a été amputée de l'Etat. De là, d'où on tirait

13 contre la République de Croatie le contrôle n'était pas exercé par les

14 autorités légales.

15 Q. Je vais reformuler ma question. Excusez-moi, si je ne connais pas bien

16 la situation, mais ce territoire se situe à l'intérieur des frontières

17 géographiques de Bosnie-Herzégovine et c'est là que la JNA et ce que vous

18 appelez, je pense, les forces chetniks ont été déployées pour attaquer la

19 République de Croatie. Alors, c'est soit oui, soit non, soit je ne sais

20 pas, quelle est la réponse que vous choisissez ?

21 R. Non, non. Il en est ainsi mais ce que vous devez savoir c'est sur le

22 territoire de la République de Croatie il y avait en général des

23 territoires d'où on tirait contre les forces régulières de la République de

24 Croatie. Les Serbes et l'armée population yougoslave, les Chetniks, les

25 forces de Milosevic, de Martic, de Karadzic tiraient sur des parties libres

26 de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine.

27 Q. Très bien. Nous allons procéder dans l'ordre.

28 R. D'accord.

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1 Q. Je voudrais une confirmation de votre bouche du fait que la Bosnie-

2 Herzégovine a dit : "Nous sommes neutres." Tandis que, dans le même temps,

3 même si elle ne pouvait pas faire grand-chose là-dedans, elle dit à la JNA

4 : "Voici, vous pouvez vous servir de ce territoire pour attaquer la

5 République de Croatie." Le gouvernement de Sarajevo ne fait rien pour

6 empêcher cela, et je pense que vous en avez été témoin, vous étiez membre

7 de la présidence. Je voudrais que l'on établisse cela, pour commencer,

8 comme le point de départ; après, on verra si la Bosnie aurait pu choisir

9 autre chose. Donc, n'est-ce pas un fait que le territoire de la Bosnie-

10 Herzégovine a été utilisé par la JNA pour attaquer la Croatie ?

11 R. Avec tous mes respects, Monsieur, il m'est très difficile d'avoir un

12 échange avec vous. Vous ne comprenez pas et vous ne comprenez pas la

13 situation non plus. Lorsque nous disons que la Bosnie-Herzégovine s'est

14 déclarée neutre dans ce conflit entre les forces serbes et les Unités

15 régulières de la République de Croatie, nous disons par là, que c'est le

16 maximum qu'on est pu faire compte tenu des rapports de forces politiques au

17 sein de la direction de Bosnie-Herzégovine. Mais, en aucun cas, on a donné

18 la légitimité aux forces de la JNA ou les Unités de volontaires pour

19 qu'elles tirent sur la Croatie. Bien au contraire, nous avons empêché que

20 les Musulmans ou les Croates ne soient recrutés dans les rangs de la JNA.

21 Vous savez qu'à ce moment-là, la Bosnie-Herzégovine était encore

22 officiellement partie intégrante de la Yougoslavie. L'acte -- si on évitait

23 d'être recruté dans l'armée, c'était un délit grave. Des centaines de

24 milliers de noms de jeunes gars ont évité de se mettre sous les drapeaux de

25 la JNA qui voulait les mobiliser. Donc, nous avons fait cela, mais nous

26 n'avons pas pu empêcher qu'on ne pilonne la Croatie des régions qui avaient

27 précédemment été occupées par le SDS, la JNA ou des Unités de volontaires.

28 Q. Nous allons parler des armements et de ce qui est advenu des Défenses

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1 territoriales. Nous en reparlerons plus tard, mais vous nous avez expliqué

2 de quelle neutralité il s'agissait. Mais certains d'aucuns diraient, n'est-

3 ce pas, qu'Izetbegovic a déclaré, à ce moment-là, que ce n'était pas sa

4 guerre ? Comment savoir où est la ligne de partage qui -- nous allons

5 essayer de savoir qui va l'emporter. Nous allons attendre un petit peu. Si

6 la JNA l'emporte, nous allons nous ranger à ses côtés. C'était une des

7 manières de voir, à l'époque, n'est-ce pas, de ce que faisaient Alija

8 Izetbegovic et d'autres membres de sa présidence ?

9 R. Il faut d'abord distinguer entre ce que dit Alija Izetbegovic et ce que

10 fait la présidence. C'est vrai, il a fait ces déclarations qui ont eu un

11 impact très négatifs, non seulement au peuple croate, mais aussi auprès

12 d'un grand nombre de Bosniens. Il n'était pas libre d'attendre parce que la

13 Bosnie-Herzégovine, à l'époque, était une grande caserne, mais je dois vous

14 dire que, malgré cette déclaration qu'il a faite, un grand nombre de

15 Bosniens ont choisi une autre orientation, voire même ils ont activement

16 pris part à la Défense de la Croatie. L'attente n'était pas possible non

17 plus pour une autre raison. En 1991, on a acquis un accord de principe avec

18 l'armée, qu'elle respecte les autorités civiles, mais, vous aussi, vous

19 tirez vos origines dans les Balkans et vous devez savoir qu'on n'est pas

20 tenu de respecter sa parole dans les Balkans. Donc, les Serbes ont continué

21 de tirer sur la Croatie et la Bosnie-Herzégovine avec la JNA, mais ils

22 l'ont fait contrairement à la loi.

23 Q. Très bien. Ne nous écartons pas de ce que j'ai prévu comme ligne

24 directrice, comme orientation pour notre contre-interrogatoire. Lorsque

25 Izetbegovic dit cela, lorsqu'il dit : "Ce n'est pas notre guerre," lorsque

26 la JNA utilise la Bosnie-Herzégovine -- son territoire pour attaquer la

27 Croatie, vous pensez que ceci peut faire peur aux Croates qui vivent en

28 Bosnie-Herzégovine, que peut-être qu'ils se disent que le gouvernement de

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1 Sarajevo ne protège pas leurs intérêts, peut-être qu'il n'est pas en mesure

2 de le faire, mais que, sans aucun doute, il ne défend pas leurs intérêts ?

3 R. D'abord, lorsque le gouvernement de Sarajevo était composé de

4 représentants des trois populations et, donc, des Croates entre autres.

5 Deuxièmement, nous étions responsables de la Défense puisque le ministre de

6 la Défense de Bosnie-Herzégovine était un Croate. Mais tout cela n'était

7 possible qu'en temps de paix, dans le cadre d'échanges calmes. Nous ne

8 pouvions pas nous opposer à l'armée, à cause d'une erreur commise par les

9 communistes de Bosnie-Herzégovine en 1989 et 1990.

10 J'ai expliqué hier de quelle façon Josip Broz a mis en place deux

11 structures armées. L'une était une force composée de soldats professionnels

12 qui avaient des armes et une composition régulière et dans laquelle étaient

13 intégrés de jeunes conscrits, et l'autre répondait à une conception

14 différente qui était celle de la Défense territoriale. Les communistes de

15 Bosnie-Herzégovine comme ceux de Croatie, d'ailleurs, ont accepté que

16 soient retirées à la Défense territoriale les armes qu'elle possédait. Ce

17 faisant, ils ont empêché toute résistance, vis-à-vis de l'agresseur. Les

18 Slovènes, dans la tradition dans laquelle faire la guerre est tout

19 simplement inimaginable, n'ont pas restitués leurs armes et ils se sont

20 défendus très rapidement en très peu de temps.

21 Donc, il n'est pas vrai que le gouvernement, au sein duquel on

22 trouvait aussi des Croates, n'a rien fait pour s'opposer à l'agression

23 serbe. Nous avons demandé la protection internationale, surtout plus tard,

24 lorsque la Bosnie-Herzégovine a été admise au rang des membres des Nations

25 Unies, en même temps que la Slovénie et la Croatie. Mais la puissance,

26 effective et objectivement disponible, était très faible pour s'opposer à

27 cette agression.

28 Q. [aucune interprétation]

Page 4020

1 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

2 M. KARNAVAS : [interprétation]

3 Q. D'accord, je vais vous interrompre car si nous poursuivons à ce

4 rythme, nous serons encore là dans deux semaines.

5 Je vous ai demandé quel pouvait être le sentiment des Croates

6 confrontés à l'inaction du gouvernement ? Vous répondez en disant que le

7 gouvernement a fait quelque chose. Je pense que les habitants de Ravno, qui

8 ont vu de nombreux membres de leurs familles massacrées n'ont pas eu le

9 même sentiment que vous et qu'ils ne se sont, sans doute, pas sentis très

10 bien accueillis par Izetbegovic et son entourage lorsqu'ils ont vu

11 Izetbegovic prendre la parole pour dire : "Ceci n'est pas notre guerre." Je

12 parle de perception. Je ne parle pas d'actions objectives de la part du

13 gouvernement. Je parle de la perception que la population pouvait avoir

14 lorsqu'elle a entendu ce genre de déclarations ?

15 R. Il est vrai qu'Izetbegovic a fait de nombreuses déclarations et

16 qu'à cette époque-là, il avait peut-être un comportement qui n'était pas,

17 tout à fait, acceptable. Mais qu'est-ce que nous aurions dû faire ? Nous

18 fâcher avec Izetbegovic, vous devez bien vous rendre compte du contexte

19 dans lequel vivaient les populations soumises à l'agression serbe. Les

20 trois quarts de la Croatie étaient tombés et personne ne pouvait rien

21 faire.

22 Donc, la façon dont s'exprimait Izetbegovic, c'est une chose. Mais la

23 population musulmane, dans ces circonstances difficiles, s'est solidarisée

24 avec les Croates et dans les zones habitées par des Croates et où les

25 Musulmans étaient majoritaires, il n'y a pas eu de problèmes. A ce moment-

26 là, les problèmes ne devaient surgir que plus tard.

27 Q. L'Accusation vous a montré un document. Si je ne me trompe pas, il

28 s'agit du document P 00060 dans lequel on voit apparaître le mot

Page 4021

1 "neutralité". J'aimerais, si vous le permettez, appeler votre attention sur

2 le paragraphe 5, qui se trouve en page 2 dont je vais vous donner lecture.

3 Il est très court. Je cite : "La décision de la présidence de la Bosnie-

4 Herzégovine, eu égard à la neutralité de la Bosnie-Herzégovine, est

5 adoptée, mais à la condition que la Bosnie-Herzégovine ne soit pas

6 autorisée à devenir un centre d'Entraînement militaire pour la poursuite de

7 l'agression."

8 Je suppose, Monsieur, qu'à l'époque, la Bosnie-Herzégovine était perçue

9 comme étant un centre d'Entraînement militaire permettant la poursuite de

10 l'agression, n'est-ce pas ? C'est la perception qu'avait le HDZ et nous

11 parlons du 8 octobre 1991 car ce document n'est signé par rien que moins

12 que vous-même, président du HDZ de Bosnie-Herzégovine, à cette date-là.

13 Donc, tels étaient bien vos sentiments à cette époque-là, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, oui.

15 Q. D'accord. Avant de vous soumettre d'autres documents, j'aimerais que

16 nous parlions, un petit peu, de votre passé personnel, de votre scolarité.

17 Vous avez indiqué avoir passé quelques temps à Zagreb à la faculté de

18 Philosophie ou de Littérature, si je ne me trompe. Après quoi, vous avez

19 poursuivi vos études à Sarajevo, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. A un certain moment vous êtes devenu journaliste professionnel.

22 R. Oui.

23 Q. Journaliste c'est une profession qui peut recouvrir toutes sortes de

24 choses. Comme le mot "juriste", d'ailleurs, on peut être juriste en droit

25 pénal, en droit civil, en droit fiscal ou dans toutes sortes de domaines.

26 Alors, pourriez-vous nous préciser un peu quel était votre domaine

27 d'activités dans la profession de journaliste ?

28 R. D'abord, en 1964 à Oslobodjenje, j'étais chargé de la rubrique

Page 4022

1 culturelle. Etant donné que j'avais des ambitions de journalisme politique,

2 bien, malgré cela, j'ai rapidement été transféré à la rubrique sportive.

3 J'ai ensuite été licencié, après quoi j'ai été au chômage pendant quelque

4 temps. Puis, j'ai trouvé un emploi au journal Vjesnik de Zagreb, Vjesnik

5 étant le journal le plus diffusé en caractères latin de l'ex-Yougoslavie,

6 et à ce moment-là, je suis devenu journaliste politique.

7 Q. D'accord.

8 R. Cela n'a duré que peu de temps car, ensuite, j'ai été suspendu. Après

9 la séance du Comité central du Parti communiste de Karadjordjevo, séance

10 qui s'est tenue en 1991 et qui a donné lieu au remplacement de toute la

11 direction du parti à l'époque - du parti de la Croatie - et la direction du

12 journal Vjesnik a également été totalement remanié. Pendant un certain

13 temps, j'ai ensuite été auteur de mots croisés, anonymement, bien sûr,

14 après quoi j'ai écrit sur les sports et les arts et d'autres sujets.

15 Q. D'accord. Donc, vous étiez avant tout journaliste sportif, avec

16 quelques incursions dans le monde de la politique, mais, bien sûr, à cette

17 époque-là, on ne pouvait passer de l'un à l'autre très facilement, et vous

18 avez été démis de vos fonctions de journaliste politique. Je crois

19 comprendre que lorsque le système a changé et au moment des élections

20 libres, vous avez vécu votre première vraie expérience de vrai journaliste,

21 n'est-ce pas ?

22 R. Juste avant les élections démocratiques, j'ai été réhabilité. En 1990,

23 je me suis remis à écrire des articles politiques.

24 Q. D'accord. Vous employez le mot "réhabilité", hier. Vous avez indiqué

25 que vous étiez un dissident. Pourriez-vous, je vous prie, me dire si vous

26 avez jamais été emprisonné en raison de vos opinions politiques en tant que

27 dissident ?

28 R. Non.

Page 4023

1 Q. D'accord. Pourriez-vous nous dire, quel genre de dissident vous étiez ?

2 Vous parlez de dissident politique, mais étant donné la nature du

3 gouvernement de l'époque, époque où vous étiez "un dissident", si j'ai bien

4 compris, il y avait un certain nombre de sujets qui étaient impossibles

5 d'aborder. L'un de ces sujets c'était la politique. L'autre ayant un

6 rapport avec le nationalisme. Donc --

7 R. Bien. D'abord, tous ceux qui ont fait un séjour en prison ne sont pas

8 nécessairement des dissidents. Je suis fier de n'avoir jamais été jeté en

9 prison. D'ailleurs, je n'ai jamais comparu devant un tribunal car j'ai

10 toute ma vie respecté la loi. Il m'est très difficile de vous dire en quoi

11 j'étais un dissident. Je peux essayer, toutefois. En 1970, j'ai reçu une

12 récompense en tant que journaliste de l'année et lorsqu'un haut responsable

13 du parti a su que c'est moi qui avais reçu cette récompense, elle m'a été

14 enlevée. A midi, le secrétaire de l'Association des journalistes m'appelle

15 au téléphone et me dit : "Habilles-toi de façon élégante. Ce soir, tu vas

16 aller à une réception on va de remettre une réponse." C'était tout de même

17 un signe de reconnaissance. De toute façon, je suis toujours habillé de

18 façon élégante. A midi, on m'appelle et on me dit qu'on m'a enlevé cette

19 récompense. Puis, je pourrais vous parle aussi de ma promotion

20 professionnel -- de mon avancement --

21 Q. Ecoutez, je me permets de vous interrompre. C'est peut-être dû au fait

22 que vous aviez aussi mauvaise presse en tant que journaliste sportif. Hier,

23 vous n'avez cessé d'employer le mot "dissident", "dissident", "dissident"

24 pour vous qualifier. Dans ces conditions, puisque nous n'avons aucune

25 preuve réelle de ce que vous avancez, peut-être pourriez-vous être

26 dissident par rapport à certains en Bosnie-Herzégovine, qui voulaient

27 s'écarter -- se séparer de l'ex-Yougoslavie ?

28 R. Bien, écoutez, je ne vais pas rentrer dans une discussion sur la

Page 4024

1 signification du mot dissident. Je sais ce que j'étais et je sais que ma

2 carrière a été empêchée d'avancer. Mais il faut que vous sachiez qu'en

3 1984, j'ai reçu le prix du meilleur journaliste de Bosnie-Herzégovine

4 s'agissant d'article relatif à la littérature. Je ne pense pas que ma

5 carrière en tant que journaliste avait quoi que ce soit à voir avec ce

6 procès.

7 Q. Bien, avançons pas à pas. En 1990, vous êtes blanchi. Vous revenez en

8 politique, vous écrivez à nouveau des articles politiques. Lorsque le HDZ

9 est créé, inutile de dire que vous n'aviez aucune expérience politique,

10 vous n'étiez pas réellement compétent pour parler de politique. Ce qui ne

11 veut pas dire que vous n'étiez pas un représentant politique charismatique

12 capable d'organiser les autres et peut-être de mettre au point un programme

13 politique, mais vous n'aviez aucune expérience pratique de la politique,

14 n'est-ce pas ?

15 R. Non. Vous avez tort. J'avais une énorme expérience politique.

16 Q. D'accord. Ce en étant dissident.

17 R. Absolument. Mais je n'ai jamais été incarcéré.

18 Q. D'accord. Je ne veux pas m'étendre sur ce sujet trop longtemps, mais

19 est-ce que vous apparteniez à un parti de dissident organiser en cellule --

20 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous demanderais, Maître

21 Karnavas, d'avoir la gentillesse de ralentir un tout petit peu.

22 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien, Monsieur le Juge.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, si vous écrivez un article dans

24 lequel vous dites que les plus grandes rues de Sarajevo portent le nom des

25 héros serbes et des soldats serbes, et que la rue du plus grand roi

26 bosniaque, le roi Tavertko, n'est longue que de quelques dizaines de mètres

27 --

28 M. KARNAVAS : [interprétation]

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1 Q. Attendez, attendez, attendez, je n'ai pas de temps pour ce genre de

2 discussion.

3 R. Moi, encore moins, Monsieur.

4 Q. Bon. Parfait. Nous allons essayer de reprendre cette discussion demain

5 dans ces conditions.

6 R. Non. Il est certain que je rentre après demain chez moi. Sachez-le.

7 Q. Bien sûr. Bien sûr, vous rentrerez, mais j'espérais que nous pourrions

8 mettre -- arriver un terme de ce contre-interrogatoire. Bon. D'accord. De

9 toute façon je n'ai pas de pouvoir de garder qui que ce soit ici, donc, ne

10 vous inquiétez pas.

11 R. Je n'ai aucune raison de m'inquiéter. De toute ma vie, je ne me suis

12 jamais inquiété. Je n'ai jamais eu peur de rien, Monsieur.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, essayez de répondre aux questions qui

14 peuvent vous déplaire, mais le contre-interrogatoire est fait de la façon

15 où la Défense peut poser toute question au témoin. Donc, vous répondez par

16 oui ou par non, vous précisez certaines réponses ou pas, mais calmez-vous

17 parce que le débat --

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. N'ayez pas peur, je suis une personnalité

19 très stable. Je ne suis absolument pas ému.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, continuez, Maître Karnavas.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci.

22 Q. Bon. Avançons. A un certain moment l'autorisation est donnée de créer

23 des partis politiques en ex-Yougoslavie, n'est-ce

24 pas ?

25 R. Oui.

26 Q. C'était quand déjà pour nous rafraîchir la mémoire ? A quel moment à

27 peu près ?

28 R. C'était au début des années 1990 -- au début de l'année 1990. Il y a

Page 4026

1 certains partis qui ont même été créés à la fin 1989.

2 Q. C'est exact. C'est donc, à ce moment-là, que vous commencez à vous

3 impliquer, officiellement, en tout cas, dans la vie politique ?

4 Officiellement et ouvertement aussi ?

5 R. J'ai commencé à m'occuper de politique quand les possibilités de le

6 faire ont été créées par la loi.

7 Q. D'accord. Vous nous avez indiqué que vous étiez un des membres

8 fondateurs du HDZ ?

9 R. Oui. En Bosnie-Herzégovine.

10 Q. En Bosnie-Herzégovine. Alors, si j'ai bien compris, quand le HDZ de

11 Bosnie-Herzégovine a été créé, l'ex-Yougoslavie était encore intacte ?

12 R. Oui.

13 Q. Donc, c'est la raison pour laquelle on peut penser au HDZ de Croatie et

14 au HDZ de Bosnie-Herzégovine en se disant que l'un par rapport à l'autre

15 pouvait être dans une relation de père à fils, ou de frère à frère ou sœur

16 à sœur ?

17 R. De sœur à sœur.

18 Q. D'accord. Des rapports comme en ont une sœur avec sa sœur. Vous étiez

19 donc président du HDZ de Bosnie-Herzégovine, alors que dans le même temps,

20 feu le président Tudjman était président du HDZ en Croatie, n'est-ce pas ?

21 R. Oui. Mais j'ai occupé mon poste de président à partir du 16 septembre

22 1990.

23 Q. D'accord. Bon, alors assurons-nous que nous avons bien compris. Pendant

24 votre mandat de président, vous nous receviez d'ordres de Tudjman, n'est-ce

25 pas ?

26 R. Non. Nous avions des réunions pour traiter des points qui pouvaient

27 être d'un intérêt commun pour le HDZ de Croatie et le HDZ de Bosnie-

28 Herzégovine, mais dans les interventions officielles que faisaient le

Page 4027

1 président Tudjman, lorsqu'il prenait la parole, il exprimait sa

2 préoccupation par rapport à nous en Bosnie-Herzégovine, puisque c'était

3 Izetbegovic qui représentait la Bosnie-Herzégovine à cette époque-là.

4 Q. Très bien. J'aimerais que nous restions un peu sur ce sujet parce que

5 vous avez parlé d'intérêt commun. Quand on dit "commun", je suppose que

6 cela concerne la population croate et les intérêts de la population croate,

7 n'est-ce pas ? C'est cela que les deux parties avaient en commun ?

8 R. Oui, et toutes sortes d'autres choses, comme l'action culturelle, la

9 coopération, et cetera. Les réunions de représentants de la diaspora --

10 réunification de la diaspora.

11 Q. Quand vous dites "réunification de la diaspora", si je comprends bien

12 ce que vous voulez dire, mais peut-être que je me trompe. Vous parlez --

13 vous pensez à, par exemple, un Croate de Cleveland, en Ohio, en vous disant

14 qu'il est absolument égal à celui de Zagreb, de Sarajevo ou de Mostar,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Bien sûr. Lorsque nous parlons de la diaspora, il faut savoir qu'il y

17 avait un plus grand nombre de Croates dans la diaspora émanant de Bosnie-

18 Herzégovine, qu'émanant d'une quelconque région de Croatie.

19 Q. Très bien. Mais ce que je voulais dire pour ma part, c'est qu'on les

20 considérait, les représentants de la diaspora croate, comme des Croates à

21 part entière, pas comme des demi-Croates, n'est-ce

22 pas ?

23 R. Bien sûr, bien sûr.

24 Q. Cette période était tout de même une période d'une importance

25 historique pour la Croatie, tout comme d'ailleurs pour la Bosnie-

26 Herzégovine, mais encore plus pour la Croatie, car c'était la première fois

27 -- en tout cas, la première fois depuis une cinquantaine d'années, que les

28 Croates pouvaient résider hors de la République de Croatie, mais être tout

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1 de même considérés comme à l'intérieur des frontières de la République de

2 Croatie, n'est-ce

3 pas ?

4 R. Exact.

5 Q. Je suppose qu'alors que la guerre menaçait, et d'ailleurs pendant toute

6 la durée de la guerre, les Croates, qu'ils habitent à l'intérieur de la

7 Croatie ou à l'extérieur de la Croatie, comptaient beaucoup sur la diaspora

8 croate pour le don, l'aide qu'elle pouvait faire en nature ?

9 R. Oui.

10 Q. Bien. Donc, à un certain moment, si j'ai bien compris, la République de

11 Croatie permet aux Croates de Bosnie-Herzégovine de détenir également un

12 passeport croate, c'est-à-dire, de devenir, en quelque sorte, citoyen de la

13 République de Croatie; c'est bien cela ?

14 R. Non, pas seulement de devenir citoyen de la République de Croatie, mais

15 d'avoir une citoyenneté double. Mais, oui, vous avez raison.

16 Q. D'accord. Est-ce que cette autorisation, cette possibilité a également

17 été accordée aux Musulmans, à cette époque-là ? Peut-être pas à tous, mais

18 --

19 R. Dans une certaine mesure, oui. Encore aujourd'hui, il y a de nombreux

20 Musulmans de Bosnie qui ont un double passeport et notamment le passeport

21 croate.

22 Q. Il n'y a rien de bizarre ou de négatif au fait que la Croatie autorise

23 les Croates de la diaspora ou les Croates de Bosnie-Herzégovine à détenir

24 deux passeports, n'est-ce pas ?

25 R. Non, cela n'a rien d'anormal. De nombreux pays européens, et je ne

26 mentionnerai que l'Italie, respectent les mêmes principes -- mettent en

27 œuvre les mêmes principes.

28 Q. Très bien. Maintenant, j'aimerais que nous parlions quelques instants

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1 des Croates de Bosnie-Herzégovine. D'ailleurs, pas seulement d'eux, mais

2 également des deux autres nations qui comptent un nombre de citoyens de

3 Bosnie-Herzégovine. Dans le pays d'où je viens, on est simplement citoyen

4 des Etats-Unis, même si on réside en Alaska. Mais tel n'était pas le cas,

5 et n'est toujours pas le cas aujourd'hui en Bosnie, où il existe trois

6 nations différentes qui sont reconnues constitutionnellement, n'est-ce pas

7 ?

8 R. Bien entendu. C'est une différence très importante.

9 Q. Pourriez-vous, je vous prie, Monsieur, et je sais que vous n'êtes pas

10 un juriste, c'est vous-même qui l'avez dit, d'ailleurs, cela ne nous fait

11 sans doute aucun mal, mais, en tout cas, pourriez-vous, je vous prie, nous

12 dire en quoi réside cette différence, d'après vous ?

13 R. D'abord, il faut que vous sachiez que les Etats-Unis d'Amérique ne

14 dispose d'un Etat que depuis un peu plus de 200 ans. Puis, deuxièmement,

15 cet Etat a neutralisé ces habitants autochtones sur le plan politique et

16 elle n'est devenu un Etat qu'après l'arrivée des immigrants qui sont

17 arrivés de toutes sortes de régions du monde. Vous savez que ce n'est

18 qu'après la guerre qu'il a été décidé quelle serait la langue officielle de

19 ce pays, et c'est à la suite d'un référendum que l'anglais a été choisi --

20 Q. Parlez-moi des trois nations constitutives de la Bosnie. Pourquoi est-

21 ce qu'on parle de nations et non de Bosniaques ? Un seul mot, "Bosniaque",

22 pourrait couvrir tous les résidents de la Bosnie-Herzégovine. Facilitez

23 nous les choses. Pourquoi est-ce que vous n'utilisez pas ce terme, mais

24 qu'en lieu -- place de ce terme, vous parlez des trois nations

25 constitutives ?

26 R. Contrairement aux Etats-Unis, qui sont une nation qui s'est créée dans

27 les conditions que je viens de définir, avant les Etats-Unis, en Europe,

28 les pays se créaient sur la base de communautés religieuses, comme cela a

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1 été le cas en Bosnie-Herzégovine. Jusqu'en 1964, les choses ont duré ainsi,

2 date à laquelle il y a eu division entre les Catholiques et les --

3 L'INTERPRÈTE : La date est erronée, souligne l'interprète.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, en tout cas, il y a eu le schisme entre

5 l'église orthodoxe et l'église catholique, avec division des Chrétiens de

6 Bosnie. Plus tard, cette division a conduit à la création de toutes sortes

7 d'autres groupes et mouvements.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais j'interviens pour vous inviter l'un ou l'autre

9 à parler plus lentement parce que les interprètes ont dû mal à suivre, et

10 du coup, nous avons un décalage avec l'anglais ou le français, donc,

11 essayez de parler plus lentement, ce qui permettra également de mettre

12 moins de tension.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque la Bosnie-Herzégovine a été occupée

14 par l'Empire ottoman en 1064, certains habitants de la Bosnie-Herzégovine,

15 quelle qu'ait été leur religion auparavant, donc, là, je ne parle pas

16 uniquement des orthodoxes parce qu'il y avait d'autres religions qui

17 étaient présentes dans ce pays également, et certains se convertissent à

18 l'islam. Avec les événements qui se déroulent ensuite dans le pays, trois

19 groupes se créent sur une base religieuse. Au XVIe siècle, quand Filip IV

20 chasse les Juifs d'Espagne, ils en arrivent beaucoup en Bosnie-Herzégovine.

21 C'est la première fois que quatre grandes religions monothéistes existent

22 sur le sol de la Bosnie-Herzégovine. Avec l'évolution de la place

23 bourgeoise en Europe, car ce développement s'est fait un peu plus tard dans

24 les Balkans, des nations voient le jour également. Les Serbes et les

25 Croates, ayant été les premiers à créer leurs nations alors que les Juifs

26 sont restés dans leur Etat précédent. La population la plus nombreuse de

27 Bosnie-Herzégovine était de confession islamique.

28 Donc, c'est l'évolution qui a mené ces communautés religieuses à devenir

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1 des nations, des communautés nationales; et cette évolution a été illustrée

2 et mise par écrit au moment du recensement de 1961. Donc, c'est seulement

3 dans les années 60 que cette évolution a été matérialisée concrètement.

4 Q. D'accord. Donc, ceci nous amène à la période actuelle. Vous nous avez

5 indiqué un certain nombre de pourcentages aujourd'hui. Vous avez dit que 44

6 % à peu près de Musulmans --

7 R. 43,4 %.

8 Q. Excusez-moi. Puis, il y avait 31 % -- allez, redonnez-moi les

9 pourcentages.

10 R. 43,6 % des Musulmans bosniens aujourd'hui; 31 % de Serbes; 17,4 % de

11 Croates; et le reste se compose de Yougoslaves ou de membres d'autres

12 groupes ethniques comme les Monténégrins, les Albanais, les Slovènes, les

13 Hongrois, et cetera.

14 Q. D'accord. Je suppose que, pour les Croates qui n'étaient que 17,4 %, il

15 était très important de s'assurer qu'ils n'allaient pas perdre leur statut

16 de nation, n'est-ce pas ?

17 R. Absolument.

18 Q. Très bien. Bien sûr, si un gouvernement démocratique voyait le jour, un

19 gouvernement régit par le principe d'un homme une voix, donc un

20 gouvernement où l'égalité serait totalement respectée, les Croates seraient

21 perdants dans l'affaire puisqu'ils n'étaient que 17,4 % de la population.

22 R. Il n'est pas permis de s'exprimer ainsi.

23 Q. Mais, on va avancer, on va avancer pas à pas dans le raisonnement.

24 R. Mais, écoutez --

25 Q. J'aimerais que vous répondiez, après quoi, nous pourrons passer à autre

26 chose.

27 R. En théorie, on peut dire ce que vous venez de dire, mais j'ai pour

28 devoir de vous faire connaître un fait que vous ignorez. Dans le cadre du

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1 premier gouvernement, il a été convenu que les décisions capitales devaient

2 être prises par consensus de toutes les personnes présentes.

3 Q. D'accord. Mais revenons à ce que je disais tout à l'heure. Une

4 personne, une voix. Ce principe ne garantirait pas la protection des

5 intérêts vitaux du peuple croate, n'est-ce pas ?

6 R. Bien sûr qu'il ne le ferait pas.

7 Q. Donc, il y a une question qui se profile à l'horizon dans l'esprit des

8 Croates de Bosnie-Herzégovine, à ce moment-là, car c'était une

9 préoccupation pour eux, n'est-ce pas ?

10 R. Durant le système monopartite, cela n'était aucunement une

11 préoccupation puisque c'était les dirigeants des partis qui choisissaient

12 les cadres du parti.

13 Q. Vous parlez de l'époque de l'ex-Yougoslavie, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Epoque à laquelle vous pouviez être Monténégrin, les Monténégrins ne

16 constituaient que 3 % de la population --

17 R. Etre en même temps président du gouvernement en Bosnie-Herzégovine.

18 Q. Bien sûr. Mais ma question est la suivante : au moment où je parle,

19 vous entrez dans une ère nouvelle, une ère dans laquelle la Bosnie-

20 Herzégovine veut se déclarer indépendante, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, oui.

22 Q. Nous avons déjà, après vous avoir écouté, que les Serbes ont décidé

23 d'organiser un plébiscite pour défendre, pour obtenir satisfaction. Ils

24 souhaitaient en effet rester au sein de la Yougoslavie unie, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Les Croates, si je puis me permettre de parler en leur nom, ne

27 voulaient en aucun cas --

28 R. Je vous en prie, je vous en prie.

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1 Q. -- ils ne voulaient en aucun cas demeurer au sein de la Yougoslavie;

2 est-ce exact ?

3 R. Mais, bien sûr.

4 Q. D'accord. Qu'en est-il des Musulmans de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce

5 qu'ils avaient une position claire depuis le tout premier jour ou est-ce

6 que leur position a fluctué pendant un certain temps pour les amener

7 finalement à gravier dans une direction donnée plutôt qu'une autre ?

8 R. Les Musulmans n'ont pas adopté une position claire depuis le premier

9 jour. Ce qu'ils voulaient avant tout, c'était de rester au sein de la

10 Yougoslavie parce qu'il y avait des Musulmans dans d'autres républiques

11 également, au Monténégro, en Serbie et en Macédoine. Mais, au fil de

12 l'évolution de la situation, au moment où l'agression est devenue encore

13 plus violente, les Musulmans ont fini par se prononcer pour l'indépendance

14 de la Bosnie-Herzégovine, ce qui apparaîtra dans les résultats du

15 référendum du 29 février 1992.

16 Q. Très bien. Donc, il s'agit, en fait, du référendum où il y a eu cette

17 fameuse question qui a posé problème aux Croate parce qu'il y avait deux

18 factions, n'est-ce pas ? Il y avait une faction --

19 R. Oui. Cela, c'est lors de la litote.

20 Q. Ecoutez, je suis ravi de le faire, mais je dirais qu'à l'époque, il

21 s'agissait d'un événement quand même assez important, étant donné,

22 notamment, que les membres du HDZ pensaient, en fait, que vous les

23 abandonniez, que vous n'apportiez pas votre soutien à la question

24 importante et appropriée, qui aurait garanti la protection de leurs

25 intérêts nationaux et vitaux. C'état la façon qu'ils avaient devant les

26 chose, ce n'est pas la mienne.

27 R. Ils avaient raison d'ailleurs à cet égard parce qu'avant, il y a eu

28 quand même une preuve importante pour nous, les Croates. Dans le cadre de

Page 4035

1 la préparation ou des préparatifs aux élections démocratiques, les Serbes,

2 en fait, ont présenté une proposition et en fonction de cette proposition,

3 il devait y avoir trois membres de la présidence qui auraient été

4 Musulmans, deux membres de la présidence auraient été Serbe, un membre de

5 la présidence aurait été Croate et un aurait a été le représentant des

6 autres citoyens.

7 Q. Je vous interromps parce que je ne suis pas ici pour parler de ce que

8 faisaient les Serbes. Nous sommes ici pour parler des sentiments éprouvés

9 par les Croates à propos de la question qui finalement a été posée; et ce

10 que j'avance, et peut-être que vous me corrigerez, mais ce que j'avance,

11 c'est qu'il y avait une faction importante du HDZ qui était d'avis que

12 vous, personnellement, en tant que président du HDZ, n'aviez pas à cœur les

13 intérêts nationaux et vitaux des Croates de la Bosnie-Herzégovine parce

14 qu'en fait, vous aviez apporté votre soutien à la question du référendum

15 qui était préféré par Izetbegovic par opposition à la question que eux

16 proposaient. D'après eux, ils pensaient qu'elle était beaucoup plus

17 appropriée pour assurer la protection des 17,4 % de Croates de Bosnie-

18 Herzégovine. En fonction de cette question, ils pensaient que leurs

19 intérêts nationaux et vitaux seraient protégés; c'est exact, n'est-ce pas ?

20 R. Aucun des éléments que vous avez avancés n'est exact. Je vous ai dit

21 que -- et j'essaie de vous expliquer que j'avais représenté les intérêts

22 croates plus tôt, lorsque pendant le régime communiste, je faisais partie

23 de l'assemblée de la Bosnie-Herzégovine et il y avait Izetbegovic et

24 Karadzic. Il y avait une proposition d'élection donc, en fonction de deux,

25 trois, un plus un, je me suis

26 -- en fait, j'ai dit que les Croates n'accepteraient --

27 Monsieur le Président, permettez-moi de terminer ma réponse. Vous savez --

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Karnavas, laissez-le terminer parce que

Page 4036

1 votre question est très intéressante. Mais elle appelle de la part du

2 témoin des développements. Alors, laissez le témoin répondre parce que

3 votre question est longue et il a le mérite que le témoin livre une réponse

4 sous divers aspects. Alors, allez-y, Monsieur.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je le disais, lorsque la proposition a

6 été présentée, il s'agissait donc d'avoir une représentation au sein de la

7 présidence. En parité, c'est moi qui me suis opposé à cela. En fait, je

8 n'ai pas d'ailleurs demandé quoi que ce soit à la base et je n'ai rien

9 demandé non plus à Zagreb. Alors, le fait que deux Croates, deux Musulmans,

10 plus un autre, soient représentés. C'était cela le schéma qui était

11 proposé. En fait, cela était censé défendre la constitutionalité, l'égalité

12 croate. Alors, vous dites que je n'ai pas pris en considération les

13 intérêts essentiels et vitaux de la population croate. C'est la première

14 fois que j'entends cela.

15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pense qu'il y a un malentendu.

16 Alors, je pense que je peux, peut-être, apporter ma contribution. Me

17 Karnavas ne vous suggérait pas cela. Il s'est contenté, tout simplement, de

18 vous demander s'il y avait une partie des Croates qui pensaient ceci. Peut-

19 être, à tort, mais la question qui vous a été posée, a été comme suit :

20 Est-ce qu'il y avait des Croates qui pensaient que vous ne défendiez pas à

21 juste titre leurs intérêts. C'est la question que l'on vous a posée. C'est

22 la question que -- et nous vous invitons à répondre à cette réponse.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il se peut qu'il y ait eu ce genre de

24 personnes et vous pourrez voir d'ailleurs, d'après les documents, qu'ils

25 ont même exprimé leurs points de vue lors des réunions de partis. Mais la

26 question qui a été posée lors du référendum n'était pas la question

27 d'Izetbegovic. C'était une question qui était posée, eu égard à

28 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine sans cantonnisation supplémentaire,

Page 4037

1 la cantonnisation supplémentaire, cela, c'était le fruit des négociations

2 qui avait lieu en coulisse et derrière moi, d'ailleurs, sans que j'y

3 participe et c'étaient des négociations donc, entre certains représentants

4 du HDZ et Karadzic.

5 M. KARNAVAS : [interprétation]

6 Q. Très bien. Peut-être qu'il serait utile que nous mettions en parallèle

7 ces deux questions. Très bien. Alors d'ailleurs, je n'exprime pas mon point

8 de vue personnel. Je n'étais pas présent. Je n'ai pas voté et je n'ai

9 d'ailleurs pas voix au chapitre. C'était le point d'aucun. Alors,

10 j'aimerais vous demander de prendre le document de l'Accusation, le

11 document P 00117. C'est un document qui vous a été montré un peu plus tôt,

12 aujourd'hui. Je souhaiterais que nous prenions la page 2 de ce document.

13 C'est un document qui porte la date du 9 février 1992 et il s'agit en fait

14 d'une réunion qui s'est déroulée à Livno. Monsieur, j'ai cru comprendre que

15 vous n'étiez pas présent à cette réunion, à Livno, est-ce que cela est

16 exact ?

17 R. Non.

18 Q. Très bien. Mais toutefois, vous la connaissez en fait. Vous avez

19 entendu parler de cette réunion qui a eu lieu, là-bas ?

20 R. Oui.

21 Q. Je suppose qu'en tant que président du HDZ, à l'époque, est-ce que vous

22 étiez encore président ? Je sais que vous aviez démissionné mais en fait,

23 il s'agit du 9 février 1992. Alors, est-ce que vous étiez le président du

24 HDZ, à cette époque-là ?

25 R. Oui, j'avais le statut de président sortant.

26 Q. Très bien, président sortant, mais je suppose qu'à cette époque, vous

27 aviez pu voir le procès-verbal de cette réunion qui a eu lieu le 9 février

28 1992. Donc, il s'agissait en fait d'une réunion du comité central du HDZ de

Page 4038

1 la BH. Est-ce que vous avez la possibilité de consulter ce document ?

2 R. Oui.

3 Q. Mais je ne dis pas aujourd'hui, mais à l'époque, vous avez la

4 possibilité de le parcourir. En tant que président du parti, je suppose que

5 vous étiez très curieux de ce que pensaient vos collègues. Il y a eu une

6 discussion qui a eu lieu à propos de cette question absolument vitale, qui

7 avait une incidence non pas seulement pour les Croates mais pour l'avenir

8 de la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

9 R. Je vous en prie. Je n'ai pas vu en fait le document détaillé mais il y

10 a eu un bulletin qui a été présenté avec les informations. Alors, soit

11 qu'il se trouve que vous avez oublié ce que j'ai dit lorsque j'ai parlé des

12 questions relatives au référendum, à la Commission du Référendum pour le

13 référendum de la Bosnie-Herzégovine. Il faut savoir que c'est une question

14 qui a d'abord été adoptée au gouvernement de la Bosnie-Herzégovine où il y

15 avait des ministres croates. Puis, ensuite, à l'assemblée de la Bosnie-

16 Herzégovine, nos représentants y ont participé. Ce qui signifie en fait que

17 cette formule, ce libellé était, tout à fait, légal et il a été transmis

18 sous institution de l'Etat de la Bosnie-Herzégovine, alors, la formule qui

19 a été présentée à Livno.

20 Q. Je ne souhaite surtout pas vous interrompre. Je souhaite obtenir de

21 votre part des réponses complètes, mais je vous demanderais de coopérer

22 peut-être un peu avec moi. Je ne suis pas en train de remettre en question

23 -- ou plutôt, je ne suis pas en train de m'interroger sur la façon dont la

24 question a été formulée. Je ne me demande pas si elle a été formulée à tort

25 ou à raison. Ce que je vous demande c'est ce qui suit. En tant que

26 président du HDZ, à l'époque, est-ce que vous avez examiné le procès-verbal

27 et est-ce que vous avez, donc, pu prendre connaissance des points de vue de

28 vos collègues, vis-à-vis, des deux options présentées ? Donc, la première

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1 option qui était proposée et la deuxième option qui était, en fait,

2 l'option des Croates du HDZ qui appartenait, en fait, à une faction

3 différente. Il s'agissait en fait d'une question qui était différente, que

4 celle que vous avanciez, à l'époque; est-ce exact ?

5 R. Il ne m'appartenait pas à moi, personnellement, en tant que Stjepan

6 Kljuic. La première variante est une proposition du gouvernement qui a été

7 adoptée par l'assemblée et je dirais qu'aucun représentant croate n'a voté

8 contre cette formule. Elle a donc été adoptée, elle a été transmise ensuite

9 à la Commission du Référendum.

10 Q. Très bien.

11 R. Alors, à Livno.

12 Q. Nous allons parler à nouveau de ce qui s'est passé à Livno. Mais moi,

13 ce que j'aimerais savoir c'est, si vous avez pu examiner le procès-verbal

14 de la réunion qui a eu lieu à Livno, le 9 février 1990. C'est très simple.

15 Vous pouvez répondre par oui ou par non, ou par je ne sais pas. Je ne m'en

16 souviens pas.

17 R. Non. Je ne l'ai pas fait, parce que je ne l'ai pas reçu. Ils ne me

18 traitaient plus comme président, à ce moment-là.

19 Q. Très bien. Donc, est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'à

20 compter ou à partir du 9 février 1992, vous ne receviez plus de documents

21 de la part du HDZ ? Est-ce que je peux en tirer cette conclusion, au vu de

22 votre réponse précédente ?

23 R. A partir du 9 février, je n'ai plus jamais reçu de documents.

24 Q. Très bien. Alors, vous êtes ici maintenant et j'aimerais savoir si vous

25 avez eu la possibilité plus tard d'examiner ce procès-verbal pour au moins

26 prendre connaissance de la discussion qui a eu lieu ?

27 R. La formule retenue à Livno ou proposée à Livno qui est connue comme la

28 question de Livno --

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1 Q. Je vous en prie.

2 R. A plus tard, était --

3 Q. Je vous interromps à nouveau. Je ne souhaiterais surtout pas être

4 agressif à votre égard ou manquer de respect à votre égard, mais ce que

5 j'aimerais savoir, c'est si à un moment donné après la réunion de Livno,

6 vous avez eu la possibilité de consulter le procès-verbal ce qu'avaient dit

7 vos collègues et pour voir sur quoi avait porté la discussion. Voilà la

8 question que je vous pose. Vous pouvez répondre, oui ou non, ou je ne m'en

9 souviens pas. Voilà. Vous avez trois choix.

10 R. Je n'ai pas vu le procès-verbal, mais j'ai vu la formule.

11 Q. Est-ce que vous avez jamais pu prendre connaissance de la discussion ?

12 Parce que, dans le procès-verbal, il faut savoir qu'il y a des

13 interventions assez intéressantes de la part des différentes personnes qui

14 se trouvaient là qui donnent leur interprétation de la question et qui

15 donnent leur avis également à propos de ladite question. Est-ce qu'en tant

16 que président ou président sortant du HDZ, est-ce que vous étiez -- ou

17 plutôt -- ou encore, en tant que personne intéressée par ce qui se passait,

18 est-ce que vous avez jamais pu consulter ou prendre connaissance de la

19 teneur de la discussion ?

20 R. Non, je ne l'ai pas fait.

21 Q. Je vous remercie de votre réponse.

22 M. KARNAVAS : [interprétation] J'aimerais que nous consultions le document

23 117.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour les nécessités de l'audience qui se terminera

25 exceptionnellement aujourd'hui à 17 heures à la demande des Juges, le quart

26 d'heures que nous amputons sera reporté demain. Donc, demain, au lieu de

27 terminer à 17 heures 15, on terminera à 17 heures 30. Voilà, faites en

28 sorte qu'on termine à 17 heures aujourd'hui.

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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie de m'avoir mis au courant

2 pour demain, Monsieur le Président, mais cette discussion va prendre un peu

3 plus que cinq minutes, alors nous allons peut-être amorcer la discussion

4 parce que je n'aime pas perdre de temps. Mais je vous remercie. Je vous

5 remercie. Je vais essayer d'être concis lorsque je pose mes questions.

6 Q. Vous avez vu ce document ? Vous avez vu qu'il y a les deux questions

7 qui figurent à la page 2 du document en question ? Le document 00117.

8 R. Tout ce que je peux voir, c'est la question de Livno.

9 Q. Très bien. Alors, si vous faites défiler la version ou la page vers le

10 bas et si vous ne la trouvez pas, je peux vous donner une version croate.

11 R. Je la vois maintenant.

12 Q. Nous allons les lire séparément, puis ensuite, nous pourrons les

13 décomposer si vous le souhaitez. Je sais que vous n'êtes pas juriste. La

14 première de ces questions est la question qui est proposée à Livno et est

15 comme suit : "Etes-vous pour une Bosnie-Herzégovine souveraine et

16 indépendante, un Etat conjoint du peuple serbe, musulman et croate dans

17 leurs zones d'appartenance ethnique," puis, ensuite, vous avez donc le

18 point d'interrogation.

19 Si vous prenez ce qui a été adopté par l'assemblée, et c'est cela qui

20 a été mis aux voix, voilà ce qui est indiqué : "Etes-vous pour une Bosnie-

21 Herzégovine souveraine et indépendante, un Etat pour ces citoyens égaux,

22 des citoyens et des peuples égaux, donc croates, musulmans, serbes et les

23 autres peuples qui y vivent ?"

24 Si nous les mettons en parallèle, nous pouvons voir exactement ce que

25 les Croates à Livno ont essayé d'intégrer dans la question. Est-ce que vous

26 le voyez ?

27 R. Bien sûr. Premièrement, je dois vous dire que tout ce qui a été fait à

28 Livno a été fait de façon très tardive et n'était plus valable. Cela n'a

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1 pas pu être mis en œuvre. Cela, c'est la première chose dont vous devez

2 être conscient. Puis, deuxièmement, à Livno, il a été question de cantons

3 nationaux, c'est ce qui a été réclamé. A l'époque, cela était contraire à

4 la constitution parce qu'il n'y avait pas de cantons nationaux étant donné

5 que notre Commission chargée de la Cantonisation n'a jamais conclu

6 d'accord.

7 J'aimerais vous dire qu'est-ce que c'est que ces cantons nationaux.

8 Il n'y en avait pas.

9 Dans la version officielle, et c'est cela qui a son importance, il

10 est question de citoyens et de nations. En Bosnie-Herzégovine, par

11 opposition à des pays tels que le vôtre, vous n'aviez pas toujours la

12 souveraineté des citoyens.

13 Q. [aucune interprétation]

14 R. Vous n'aviez pas seulement la souveraineté des citoyens parce que cela

15 allait à l'encontre de notre système avec le principe une voix, un citoyen.

16 Il y avait la protection des intérêts nationaux qui, en Bosnie-Herzégovine,

17 s'est terminée avec la Maison des Nations.

18 Q. Très bien. J'aimerais revenir un peu en arrière, mais j'aimerais que

19 nous examinions ces questions. Nous allons procéder par étapes.

20 Il semblerait que ce qui est proposé, que ce soit proposé de façon

21 tardive ou non, parce que cela, c'est une question tout à fait séparée et

22 nous reviendrons là-dessus parce que, d'après ce que j'avais compris, les

23 Croates du HDZ vous ont considéré responsable pour n'avoir pas assuré la

24 promotion de cette question, pour ne l'avoir pas présentée, pour ne pas

25 l'avoir défendue, en quelque sorte. C'est la raison pour laquelle ils ne

26 voulaient plus de vous en tant que président du parti, mais cela, c'est une

27 question que je vous poserai demain.

28 Pour aujourd'hui -- ou pour les deux minutes qui nous restent

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1 aujourd'hui, il semblerait que la question présentée à Livno comporte le

2 mot "souveraineté", et cela pour une raison, parce qu'il est question d'un

3 Etat conjoint du peuple serbe, musulman et croate souverain et constitutif.

4 Cela était plus ou moins garanti par la constitution de 1974, n'est-

5 ce pas ? C'est une demande, en fait; est-ce que cela n'était pas déjà --

6 R. Il faut que vous me le montriez, ceci. Montrez-moi cette version parce

7 que je ne la vois pas.

8 Q. Très bien.

9 R. Je ne la vois toujours pas.

10 Q. Très bien. Etes-vous pour une Bosnie-Herzégovine souveraine et

11 indépendante ? Là, je pense que nous pouvons tous être d'accord, tout le

12 monde était d'accord avec cela. "Un Etat commun, un Etat commun composé par

13 trois régions géographiques et par les peuples musulmans, croates

14 constitutifs." Donc, est-ce que ce qu'ils demandaient n'était pas garanti

15 par la constitution de 1974 ? Ils veulent obtenir une petite protection en

16 reconnaissant qu'il s'agit d'une seule et même nation, une nation parmi

17 trois dans cette région géographique, et ils vont devoir partager cet

18 espace.

19 R. La nation croate a été reconnue par la constitution de 1974. Il était

20 impossible de voir une communauté d'Etat. Vous devez savoir ce qu'est une

21 communauté d'Etat. Ce n'est pas la même chose qu'un Etat.

22 Q. Oui, mais cela n'était pas ma question. Cela n'a rien à voir avec la

23 communauté d'Etat. Je vous pose la question parce qu'il me reste dix

24 secondes. J'aimerais savoir si cette question ne prend pas en considération

25 ce qui était garanti par la constitution de 1974. Ils demandent un Etat

26 commun, pas un Etat séparé, un Etat commun pour les peuples constitutifs et

27 souverains croates, musulmans et serbes qui étaient reconnus par le

28 constitution de 1974. Est-ce que ce n'est pas ce qu'ils demandaient ? Là

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1 encore, vous pouvez me répondre par oui ou par non, parce qu'après il va

2 falloir lever l'audience.

3 R. Bien, écoutez, ils peuvent demander ce qu'ils veulent, mais cela n'a

4 aucune base dans la constitution. Il n'y a pas d'éléments pour des cantons

5 nationaux. Il n'y a pas de questions de communauté d'Etat, alors ce qu'ils

6 demandent maintenant --

7 Q. Vous êtes un homme intelligent. Vous comprenez l'anglais. Vous

8 comprenez de toute façon l'interprétation que vous entendez. Vous savez

9 pertinemment que ce n'est pas ce que je vous demande. Ce que je vous

10 demande - et je ne vous parle pas de cantons parce que cela est entre

11 parenthèses - ce qu'ils vous demandent ici, plutôt, est-ce qu'ils ne

12 demandent pas tout simplement un Etat commun des peuples constitutifs

13 croates, musulmans et serbes ? Ils demandent un Etat unifié, commun. Ils ne

14 demandent pas un Etat séparé. Répondez par oui ou par non.

15 R. Je vous en prie, un petit moment. Soit c'est la traduction, soit vous

16 n'êtes pas à même de comprendre les nuances et les différentes subtilités,

17 parce que la communauté d'Etat, c'était la Serbie-et-Monténégro jusqu'à

18 hier. Maintenant, si vous demandez une communauté d'Etat au sein de la

19 Bosnie-Herzégovine, vous demandez l'impossible.

20 Q. [aucune interprétation]

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Ecoutez, nous allons revenir là-dessus parce

22 que je n'ai jamais mentionné une communauté d'Etat et je dirais d'ailleurs

23 aux fins du compte rendu d'audience que cela fait trois fois que je pose la

24 question, et il se peut que mon contre-interrogatoire dure un peu plus de

25 temps parce que je ne reçois pas des réponses très concises.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous reprendrons donc l'audience demain matin à 9

27 heures. Comme je l'ai dit, au lieu de terminer à 17 heures 15, nous

28 terminerons demain à 17 heures 30. Je vous remercie et je vous souhaite une

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1 bonne soirée.

2 --- L'audience est levée à 17 heures 01 et reprendra le mercredi 28 juin

3 2006, à 9 heures 00.

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