Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 3 juillet 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président, et bonjour à

8 tous. Affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En ce lundi 3 juillet 2006, je salue toutes

10 les personnes présentes. Je salue les représentants de l'Accusation, en la

11 personne de M. Scott, tous les avocats qui sont présents. Je salue les

12 accusés dont l'un est absent pour une raison spéciale et je salue également

13 toutes les personnes qui sont dans cette salle d'audience.

14 Aujourd'hui, un Juge est absent en application de l'article 15 bis du

15 Règlement. Nous devons donc aujourd'hui procéder à l'audition d'un témoin

16 mais avant cela je vais d'abord rendre une décision orale à huis clos,

17 avant cela je tiens indiquer que vendredi dernier la Chambre a rendu une

18 décision concernant la requête orale de l'accusé Prlic afin d'être autorisé

19 à utiliser un ordinateur portable ou être placé aux côtés de son conseil.

20 La Chambre a rendu à la majorité une décision ne faisant pas droit à la

21 demande, en somme, ce qui me concerne, j'ai fait une opinion dissidente

22 étant favorable aux mesures demandées. Je vous invite à lire la décision et

23 l'opinion dissidente qui est en votre possession depuis vendredi.

24 Par ailleurs, je dois rendre une décision orale à huis clos partiel,

25 Monsieur le Greffier.

26 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

27 [Audience à huis clos partiel]

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16 [Audience publique]

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez, Monsieur Kovacic.

18 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je tiens à faire

19 savoir à la Chambre que l'Accusation agit à nouveau d'une façon empêchant

20 la Défense de préparer de façon valable le contre-interrogatoire du témoin.

21 Je le dis à nouveau car nous en avons déjà parlé à la veille de l'arrivée

22 du témoin espagnol, le Témoin BJ. Au moment où vous avez rendu une décision

23 selon laquelle l'interrogatoire de l'Accusation devait être séparé du

24 contre-interrogatoire en tant que mesures de protection, donc, je présente

25 la requête suivante à savoir que je demande à la Chambre de rendre les

26 consignes au bureau du Procureur pour assurer un procès équitable.

27 Voilà quel est le problème. L'Accusation a transmis à la Défense des

28 informations erronées et je pense que la Chambre a reçu les mêmes

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1 informations quant à la teneur de la déposition à venir. Nous avons reçu

2 des renseignements initiaux au sujet de la teneur du témoin qui devrait

3 être entendu aujourd'hui. Je ne vais pas prononcer son nom car je ne

4 connais pas encore son statut, s'agissant de la publicité de l'expression

5 de son nom. Donc, nous avons d'abord reçu un résumé de sa déposition,

6 déposition qui se fera avec présence du témoin dans le prétoire et dans ce

7 résumé l'Accusation faisait état d'une déposition qui ne porterait que sur

8 l'accusé, Slobodan Praljak.

9 Il y a deux semaines et demie, toutefois, un autre tableau a été

10 communiqué à la Défense, le tableau qui résume les informations recueillies

11 au moment du récolement du témoin et s'agissant de la citation des points

12 de l'acte d'accusation évoquée dans cette déposition; elle porte d'une

13 entreprise criminelle commune ainsi que sur le problème du conflit armé

14 international et sur des qualifications qui concernent tous les accusés.

15 Par exemple, il est question des paragraphes 15, 16, 17, 232 de l'acte

16 d'accusation dans ce tableau de récolement et on y trouve également mention

17 des paragraphes où les noms des accusés Prlic, Stojic et Petkovic sont

18 mentionnés. J'indique qu'il s'agit des paragraphes 17.1, 17.2, 17.3 de

19 l'acte d'accusation.

20 Donc, nous recevons des informations émanant du résumé de la

21 déposition du témoin et des informations totalement contradictoires lors de

22 la réception du tableau de récolement, ce qui, bien sûr, place la Défense

23 dans une situation difficile quant à une appréciation valable du terme

24 principal qui sera abordé par ce témoin dans sa déposition. Je répète que

25 ce comportement est contraire à la décision de la Chambre en date du 3

26 novembre et que ceci crée des problèmes pour la Défense mais également pour

27 la Chambre qui aura sans doute davantage de difficultés à apprécier la

28 valeur de cette déposition.

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1 Deuxième problème, l'Accusation communique tardivement les informations,

2 notamment, s'agissant de ce témoin. Le 30 juin, un vendredi, l'Accusation a

3 ajouté 12 documents non traduits dont l'un comporte ceci. Je vous le dis à

4 titre d'exemple, 400 pages. Par ailleurs, l'Accusation informe la Défense

5 que la déclaration préalable de ce témoin n'a pas été recueillie. Elle le

6 dit à la Défense dans une lettre du 28 juin, qui a été communiquée à la

7 Défense à la fin de la journée de travail à cette date, mais l'Accusation

8 informe à la Défense également qu'un résumé de la déposition prévu a été

9 créé. Donc, la Défense a quelque mal à comprendre comment un résumé de la

10 déposition viva voce du témoin peut être présenté en janvier de cette

11 année, alors que ce témoin n'aurait pas été encore interrogé à cette date.

12 Soit le résumé en question est construit de toute pièce que nous ne pensons

13 pas, soit il repose sur d'autres éléments qui auraient dû être communiqués

14 à la Défense et qui ne l'ont pas été.

15 En tout état de cause, l'Accusation a dit très clairement qu'il

16 n'existait pas de déclaration préalable écrite émanant de ce témoin, et il

17 est possible que des notes aient été prises par des représentants du bureau

18 du Procureur au cours de l'audition de ce témoin, mais, si ces notes

19 existent nous estimons qu'elles auraient dû être communiquées à la Défense

20 en application du Règlement de procédure et de preuve. Quoi qu'il en soit

21 la Défense n'a pas été informée suffisamment à l'avance du ou des termes

22 qui seraient abordés dans la déposition de ce témoin, nous estimons qu'il

23 importe d'appeler l'attention de la Chambre sur ce fait car ceci empêche la

24 Défense de bien se préparer pour le contre-interrogatoire du témoin.

25 Je considère que les droits de l'accusé à un procès équitable sont violés.

26 Je fais état de l'article 20 paragraphe 1 et du paragraphe 21.4 du Statut

27 qui assure un procès équitable aux accusés et nous estimons que le bureau

28 du Procureur devrait être appelé à présenter -- à communiquer les documents

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1 émanant de lui de façon transparente en précisant quels sont les passages

2 de la déposition qui concernent tel ou tel accusé. Nous estimons que les

3 documents communiqués devraient l'être en traduction et devraient être

4 communiqués dans des délais suffisants, et compte tenu des vacances

5 judiciaires qui s'annoncent je propose que la Chambre ordonne à

6 l'Accusation de soumettre à la Défense une liste des témoins qui devraient

7 être entendus après ces mêmes vacances judiciaires.

8 Je demande également que cette liste des témoins à entendre à l'avenir

9 soient accompagnés d'un résumé du récolement de chacun de ces témoins et je

10 pense que ces documents devraient être communiqués à la Défense avant les

11 vacances judiciaires de façon à permettre à la Défense de bien se préparer

12 à la reprise du procès. La Défense n'a pas pu préparer le contre-

13 interrogatoire du témoin que nous allons entendre, donc, nous demandons

14 encore une fois qu'il y est séparation entre l'interrogatoire principal et

15 le contre-interrogatoire. Mes consoeurs et confrères m'indiquent qu'il

16 serait bon que je complète mes remarques par une remarque subsidiaire. Nous

17 demandons que le bureau du Procureur, lorsqu'il communiquera ces éléments,

18 en tout cas, les notes éventuelles qu'il a pu mettre par écrit au moment de

19 l'audition préalable du témoin, dise également à la Défense quel a été le

20 nombre des contacts ou des entretiens qu'il a pu avoir avec ce témoin.

21 Je vous remercie, Monsieur le Président. Si vous avez besoin de détail

22 complémentaire, j'ajouterais simplement que j'ai déjà adressé deux

23 courriers à ce sujet au bureau du Procureur, et cinq minutes avant le début

24 de la présente audience, la Défense a reçu un document supplémentaire de

25 l'Accusation que je n'ai pas encore eu le temps de lire - il s'agit de

26 quelques extraits de presse - donc, encore une fois, nous n'avons pas des

27 textes intégraux mais uniquement des extraits, et apparemment, une version

28 en croate existe, mais je ne la vois nulle part la moindre version en

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1 anglais. Encore une fois, ce sont des éléments très partiels qui nous sont

2 remis quelques instants avant le début de l'audience et je me demande si

3 c'est à nous qu'il appartient maintenant d'aller fouiller dans nos

4 documents pour voir si nous avons quelque chose qui a trait aux documents

5 que nous venons de recevoir si tardivement. Je vous remercie, Monsieur le

6 Président.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, juste une petite question de ma part

8 avant que je résume votre intervention et que je donne la parole à M.

9 Scott.

10 J'ai lu avec intérêt la teneur de deux lettres que vous avez envoyées à M.

11 Scott et j'ai constaté que vous avez indiqué avoir reçu les informations

12 vendredi et que vous ne pouvez vous concerter avec votre client qu'à partir

13 de lundi matin. Je voudrais être sûr du fait que le samedi et le dimanche,

14 vous n'avez pas accès à votre client qui est à la prison. Est-ce que c'est

15 bien le régime qui est en vigueur ?

16 M. KOVACIC : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, nous pouvons

17 obtenir une rencontre avec notre client le samedi et le dimanche, mais,

18 uniquement, si nous nous adressons d'abord à la Chambre pour nous autoriser

19 à demander l'autorisation de rendre visite à notre client. Mais même si ce

20 que je dis ne correspond pas à la réalité dans le cas, où le vendredi

21 après-midi après 17 heures, nous recevons des documents. Il n'y a plus au

22 quartier pénitentiaire la personne susceptible d'organiser de tel contact

23 avec notre client, donc, il nous faut attendre le samedi matin. Bien sûr,

24 nous devons au préalable examiner de près tous les documents que nous avons

25 reçus avant d'en discuter avec notre client, et si nous allons rendre

26 visite à notre client, il lui faut lui aussi un temps raisonnable pour

27 parcourir la pile de documents que nous lui apportons. Sur le plan

28 pratique, si nous recevons quelque chose, le vendredi tard dans l'après-

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1 midi, nous ne pouvons en discuter avec notre client que le lundi matin.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Cette précision est importante parce qu'elle

3 milite dans la décision que la Chambre avait prise, mais, donc j'avais été

4 à l'origine à savoir qu'il fallait vous permettre de rencontrer vos clients

5 dans la semaine parce que, comme vous êtes pris quasiment tous les jours

6 d'audience, c'est pour cette raison que j'avais estimé qu'il convenait que

7 le vendredi vous puissiez être en mesure de rencontrer vos clients et c'est

8 pour cela qu'il n'avait pas été inscrit d'audience le vendredi. Bien. Mais,

9 évidemment, si vous recevez les documents le vendredi à 17 heures 30, à ce

10 moment-là, vous êtes devant une impossibilité et il faut attendre lundi

11 matin pour pouvoir rencontrer votre client, et heureusement, que les

12 audiences démarrent le lundi après-midi ce qui vous permet d'avoir une

13 matinée; sinon, on ne sait pas quand vous pourriez rencontrer vos clients.

14 Bien. Maître Ibrisimovic, vous êtes debout. Je vous donne la parole.

15 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Très brièvement, Monsieur le Président.

16 Dans le même ordre d'idées que ce dont vient de parler Me Kovacic, je

17 dirais que nous avons reçu 12 nouveaux documents de l'Accusation vendredi

18 après-midi alors que ces documents étaient en la possession du bureau du

19 Procureur depuis janvier. Ces documents sont ajoutés au dossier sans raison

20 valable et sans demande préalable donc je l'indique à la Chambre car nous

21 devons maintenant procéder à toutes sortes de recherches pour adapter notre

22 travail à l'arrivée de ces nouveaux documents. Au début du procès nous

23 avions 9 490 documents; maintenant, nous en avons 9 673.

24 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis revenir sur

25 cette question du vendredi, je ne suis pas rentré dans les détails, bien

26 sûr, mais je constate que vous aussi estimez qu'il s'agit d'une question

27 importante. Voyez-vous, vendredi dernier, nous sommes allés voir notre

28 client avec ma consoeur assise à ma droite, et nous avons discuté avec lui

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1 d'un certain nombre point relatif à l'audience d'aujourd'hui, et c'est

2 seulement après 17 heures que nous avons reçu les 12 documents dont je

3 parlais tout à l'heure, y compris, je le rappelle, un livre qui compte 400

4 pages. Alors, notre visite, vendredi matin, avait un but et vendredi après-

5 midi était sans aucun but. Les choses ont totalement changé entre-temps.

6 M. KOVACIC : [interprétation] Ma consoeur me fait savoir également

7 s'agissant de ce dont je viens de parler que juste avant le week-end de

8 nouveaux documents sont arrivés également en rapport avec le témoin qui

9 devrait être entendu la semaine suivante, pas traduits, mais nous n'en

10 avons pas encore parlé avec le Procureur; cependant, le problème ne cesse

11 de grandir et il sera également présent pour la semaine suivante.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic.

13 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais joindre

14 ma voix aux requêtes présentées par Me Kovacic qui a présenté une requête

15 orale. Mais, j'aimerais ajouter quelques arguments supplémentaires, eu

16 égard aux documents que nous avons reçus vendredi. Je demanderais que nous

17 passions à huis clos partiel avant que je n'aborde ces arguments si vous

18 voulez bien ?

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous passons à huis clos partiel pendant

20 quelques instants.

21 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

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6 [Audience publique]

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Praljak.

8 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Messieurs les Juges, je pense que je

9 peux prendre la parole au nom de tous les accusés ici présents. Je suis

10 arrivé ici en espérant que ce procès soit équitable, ce qui veut dire aussi

11 rapide. Lors d'une Conférence de mis en état, j'ai eu la possibilité

12 d'exprimer mes doutes par rapport à la façon de procéder de l'Accusation

13 qui utilise des milliers de fragments d'un miroir brisé pour nous donner

14 une image distorsionnée et pour nous donner une image fausse de la

15 responsabilité des personnes. Je veux savoir où, quand, et dans quelle

16 circonstance, de quelle manière par omission ou par une action par des

17 mots, par des actions, par des pensées, comment je vais savoir si j'ai fait

18 quelque chose de mal parce qu'à ce moment-là, je serais en mesure de

19 recevoir votre verdict l'esprit reposé; cependant, nous nous trouvons

20 constamment dans une position, dans une situation où l'Accusation doit

21 terminer son dossier le jour où elle le présente. L'Accusation nous amène

22 toujours de nouvelles données. Comme ce Tribunal a une dimension politique

23 pendant de nombreuses années. Avant d'avoir été accusé, les gens

24 mentionnaient et on parlait de ma possible accusation. Puis, les années se

25 sont passées et j'ai été placé en détention, ce qui était contraire aux

26 droits de l'homme, et ce procès qui perdurait, trois ou quatre ans, et nous

27 ne savons toujours pas clairement où, quand, comment, de quelle manière

28 cela va se faire. On ne présente des témoins qui parlent de toutes sortes

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1 d'analyses historiques, psychologiques, sociologiques, et cetera, et je ne

2 sais pas où nous allons.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Praljak. Je vais rebondir sur ce que

4 vous venez de dire avant de donner la parole à

5 M. Scott.

6 Il est vrai qu'introduire des nouveaux documents au dernier moment et de

7 nature à jeter le trouble dans l'esprit d'un accusé qui tient à savoir

8 exactement ce qu'on lui reproche, et que donc des documents nouveaux sont

9 de nature à jeter le trouble sur la démarche de l'Accusation. Alors,

10 d'autant que, tout à l'heure, les avocats nous ont indiqué qu'il y a 12

11 nouveaux documents qui seraient en possession de l'Accusation depuis le

12 mois de janvier, alors, comment se fait-il qu'on a mis six mois pour

13 transmettre ces documents ? Bon, cela c'est déjà une interrogation.

14 Deuxième interrogation, il semblerait d'après ce que je crois comprendre,

15 le témoin en question, il n'y a pas eu de déclaration écrite, puisqu'à

16 apparemment, il n'y a pas de déclaration écrite. Alors, la Défense et les

17 Juges, nous aussi, on aimerait savoir s'il y a eu des entretiens informels

18 en vue de faire venir ce témoin.

19 Troisièmement, je découvre en regardant la pièce 9 673 qu'un livre,

20 apparemment, c'est un livre, 1989, 1995, du nom du témoin, nous ait

21 communiqué en B/C/S. Je ne connais, malheureusement, pas le B/C/S et ce

22 livre fait quasiment, enfin là, il y a 347 pages. Bon, et cela arrive comme

23 cela au dernier moment, non traduit. Source d'interrogation. Alors, il

24 semblerait également que l'Accusation constate qu'il y a eu entre la liste

25 de récolement et puis la liste qui avait été envoyée à l'origine, des

26 différences concernant l'entreprise criminelle, le conflit armé, les

27 articles 15, 16, 17, 232, et cetera.

28 Bien. Alors, Monsieur Scott, comment expliquer cette façon de

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1 travailler qui m'étonne ? Elle m'étonne d'autant plus que j'avais pris un

2 soin tout particulier à consacrer des heures et des heures pendant la mise

3 en état. Je vous avais imploré de bien nous indiquer comment vous comptiez

4 aborder ce problème. Est-ce que vous partiez des faits pour aller ensuite à

5 la responsabilité individuelle de chacun des accusés au titre du 7.1 et du

6 7.3 ? Puis, quand comptiez-vous introduire la notion d'entreprise

7 criminelle ? Ou partiez-vous de l'entreprise criminelle pour descendre aux

8 responsabilités individuelles et aborder des faits ?

9 Je dois vous dire que, pour le moment, je ne sais pas du tout où vous

10 allez, et qui plus est, nous avons des témoins qui défilent, apparemment,

11 le témoin qui va venir c'est dans le cadre de l'entreprise criminelle, mais

12 il y a d'autres témoins qui sont venus dans un autre cadre, donc, il serait

13 souhaitable d'avoir aussi un fil conducteur sur la façon dont vous

14 procédez. D'une part, pour que les Juges sachent où vous allez, puis,

15 deuxièmement, dans le cadre du procès équitable que les uns et les autres

16 préparent au mieux leur contre-interrogatoire et se prépare lorsqu'un

17 témoin vient. Mais quand cela va dans tous les sens et cela part tout

18 azimut. Il y a des difficultés, et quand je dis "tout azimut", c'est quand

19 on constate qu'il y a au dernier moment des pièces nouvelles ou des

20 documents non traduits.

21 Alors, Monsieur Scott, pouvez-vous nous expliquer pourquoi on a encore à

22 faire face à ces difficultés ?

23 M. SCOTT : [interprétation] Bon après-midi, Monsieur le Président,

24 Messieurs les Juges.

25 L'un des problèmes que nous avons constamment ici, c'est que lorsque

26 la Défense soulève ce genre de questions la Chambre entend toujours un

27 panorama exagéré, une description exagérée et incomplète de la situation.

28 Numéro 1, pour ce qui est des résumés qui ont été fournis, l'Accusation,

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1 depuis le mois de janvier, a donné le résumé pour ces témoins, et elle les

2 a mis à jour et a apporté des suppléments au résumé d'une façon régulière.

3 Du moins jusqu'au 27 mars 2006, nous avons apporté de nouveaux documents,

4 c'est des nouvelles communications concernant le témoin d'aujourd'hui, nous

5 avons apporté des résumés supplémentaires, trois pages, et à ce moment-là,

6 nous avons dit - et je ne vais pas donner le nom à ce moment-là - mais nous

7 avons mentionné - je parle du 27 mars 2006 - nous avions prévu que ce

8 témoin pourrait venir au début et que ce serait un des premiers témoins de

9 l'Accusation pour fin avril ou début du mois de mai. Donc, la Défense ne

10 peut pas parler de surprise sur le fait que nous ayons cité ce témoin à

11 comparaître au début du procès. Depuis le 27 mars, ils en ont connaissance

12 et ils savaient que ce témoin allait venir et qu'il a été appelé quelques

13 semaines plus tard, donc, ils ont eu plus de temps pour se préparer et pas

14 moins de temps. Cette information n'a pas été fournie à la Chambre dans les

15 plaintes que vient de faire la Défense.

16 Deuxièmement, pour ce qui est des documents, Monsieur le Président, je

17 regrette, mais ce n'est pas de quantité énorme de pages. C'est ceci - 29

18 pages - voilà c'est de cela que nous parlons. Ici, il y a des pages qui ne

19 comportent qu'un paragraphe. Voilà depuis vendredi ce que j'ai donné. Ce

20 n'est vraiment pas des centaines de pages. Ce sont quelques pages. C'est

21 tout.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Le document avec ces 29 pages, quel est le numéro ?

23 M. SCOTT : [interprétation] Non, non, je parle de tous les documents

24 ensemble qui font 29 pages. Tous les documents qui se trouvent dans ce que

25 je vous montre ici, le total c'est 29 pages. Je ne parle pas du livre. Je

26 parle de -- ceux dont on parle depuis 45 minutes des plaintes de la

27 Défense. Il s'agit de 29 pages, et parmi ces pages, il y en a qui ne

28 contienne qu'un seul paragraphe. Voilà sur quoi porte la plainte de la

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1 Défense.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand je vous ai demandé le numéro, c'est pour que

3 je puisse regarder ces 29 pages.

4 M. SCOTT : [interprétation] Avec plaisir, Monsieur le

5 Président : 9639, 9640, 9641, 9642, 9643, 9644, 9645, 9646, 9647, 9648,

6 9649.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, bien, mais si je vous ai posé la question,

8 c'est parce que je ne les ai pas ces documents. Je ne les ai pas en norme

9 de copies.

10 M. SCOTT : [interprétation] Je ne sais pas pourquoi vous ne les avez pas.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai presque un demi-mètre carré -- un cube mètre de

12 documents devant moi, mais je n'ai pas ces 29 pages. Vous pouvez peut-être

13 me prêter votre exemplaire.

14 M. SCOTT : [interprétation] Oui, il y a un tas de notes sur ma copie. Je ne

15 sais pas, Monsieur le Président. On m'a dit -- enfin, je pensais que --

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais lui rendre, bien entendu.

17 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, on me dit que cela se

18 trouve dans les documents qui porte la cote 92, et certains documents ont

19 été retirés à cause précisément de la question qui a été soulevée.

20 Maintenant, je pense qu'ils se trouvent dans le groupe de documents 9645 et

21 49. Mais, Monsieur le Président, normalement cela se trouve dans les

22 documents qui commencent par le 92.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci. Je vais les retourner à Me

24 Karnavas.

25 M. SCOTT : [interprétation] Pour ce qui est du livre, Monsieur le

26 Président, dans la communication que nous avons présentée vendredi, on a

27 signalé les pages du livre auquel nous voudrions faire référence et je

28 pense que, si on voit ce livre, il y a peut-être un total de 20 pages.

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1 Donc, on n'a pas simplement donné un livre en disant : "Voilà, le livre."

2 Non. On a donné précisément les pages auxquelles nous aimerions faire

3 référence par rapport au témoignage qui va venir. J'ai d'ailleurs un reçu

4 qui dit ce que vient de vous dire. Voilà la situation pour ce qui est du

5 livre.

6 Pour les autres documents, Monsieur le Président, tout ce dont on

7 discute depuis vendredi sont des documents ouverts, publics, et on en a

8 discuté auparavant. Maintenant, le conseil nous dit qu'il s'agit

9 d'interviews qui remontent avant 1994. Monsieur le Président, à ma

10 connaissance, le conseil a le même accès que nous à ces documents. Ils ont

11 été communiqués précisément depuis le 27 mars. On a dit qu'on allait les

12 appeler au début -- dans la première partie, c'est-à-dire, fin avril, début

13 mai. Maintenant, on est en juillet, et je pense qu'ils ont eu suffisamment

14 le temps de lire -- de se pencher sur ces interviews qui sont publiques

15 concernant ce témoin.

16 S'agissant de la déclaration du témoin, Monsieur le Président, comme

17 je l'ai dit, il n'y a pas de lettre. Je répète il n'y a pas de déclaration

18 du témoin, comme je l'ai dit dans une lettre. Ce témoin nous l'avons

19 rencontré. Il y a le compte rendu présidentiel que nous avons révisé avec

20 lui, mais pas de déclaration. Pour aider la Défense à se préparer j'ai

21 demandé qu'on prépare un résumé pour donner des informations

22 supplémentaires à la Défense quant à la nature du témoignage de ce témoin.

23 Monsieur le Président, on a aussi parler de choses plus générales, et je

24 suis désolé que la Chambre pense que nous ne soyons pas suffisamment bien

25 structurés, mais je reprends l'approche que nous avons adoptée depuis

26 novembre et je persiste, c'est-à-dire qu'il y a d'abord un aperçu sur une

27 base chronologique. Ce que nous avons essayé de faire, je crois que nous

28 pouvons dire que nous l'avons bien fait, c'est-à-dire que nous commençons

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1 par donner un aperçu à la Chambre -- un spectre assez large disons des

2 différents témoins dont certains témoins politiques de haut niveau,

3 certains témoins de victimes, certains experts, certains témoins venant de

4 différentes municipalités, certains que nous avons rencontrés sur place

5 pour que la Chambre puisse avoir une idée précise et vous sachiez au moins

6 -- que vous puissiez au moins rencontrer un témoin à un de ces endroits.

7 Nous avons fait cela d'une façon assez méthodique.

8 Ce n'était pas le fruit du hasard. C'est un travail qui a été fait --

9 était bien pensé et je crois qu'on peut -- lorsque nous allons nous arrêter

10 pour les vacances d'été, nous pouvons ajourner et la Chambre connaîtra un

11 très bon panorama de cette affaire et connaîtra différents aspects de haut

12 niveau, même, comme le témoin que je voudrais citer aujourd'hui. Ainsi la

13 Chambre aura eu une idée ou un échantillon du genre d'éléments de preuve

14 que ces témoins peuvent apporter. Lorsque nous aurons terminé cet aperçu

15 des témoignages, ensuite, nous allons -- comme je l'ai dis depuis novembre,

16 nous travaillons sur une base chronologique et nous passons les différents

17 événements de l'acte d'accusation en revue et puisqu'il y aura d'autres

18 experts et d'autres témoins politique, je pense que nous allons pouvoir

19 poursuivre cette approche chronologique.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Avant de donner la parole à Me Karnavas. Je

21 résume ce que vous venez de dire. Bon, déjà vous nous apportez un élément

22 d'information important. Vous nous dites que les témoins que vous nous avez

23 présenté jusqu'à présent avaient un but essentiel pour vous, c'est de

24 donner à la Chambre un aperçu sur une base chronologique. Bon. Donc, c'est

25 comme cela qu'il faut considérer les témoins qui sont venus dans la Chambre

26 témoigner et cela jusqu'à la semaine prochaine. Donc, on peut en déduire

27 qu'à partir de la rentrée, là où on abordera plusieurs fonds, il y a les

28 autres problèmes.

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1 Ensuite, vous me dites que sur les 12 documents nouveaux, qui constituent,

2 en réalité, 29 pages, il y a quelques documents qui sont ultracourts,

3 effectivement, j'ai pu le constater, et d'autres documents qui peuvent très

4 vite se lire. Bon, cela je vous en donne acte.

5 Par ailleurs, vous n'avez pas non plus répondu à la question de

6 savoir comment, à partir du mois d'août, vous aller ordonnancer les témoins

7 et est-ce que la Défense aura en temps voulu les noms de ces témoins, et

8 les documents, pour qu'on puisse savoir où nous allons.

9 Bien, Me Karnavas s'était levé.

10 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

11 Juges. Une fois de plus, bon, je comprends très bien que l'Accusation ait

12 des problèmes. Nous sommes au début du procès, mais il faut quand même être

13 honnêtes. Si on avait l'intention d'appeler ce témoin plus tôt, pourquoi a-

14 t-il fallu attendre si longtemps pour avoir les documents ? L'Accusation

15 dit qu'il ne s'agit que de 29 pages, mais nous n'avons pas reçu la version

16 B/C/S, nous n'avons que la version originale et je respecte les

17 traducteurs, mais, parfois, il y a des nuances qui sont importantes, des

18 nuances linguistiques, donc nous avons besoin de la version originale et de

19 la traduction pour que nous sachions exactement ce qui se passe parce

20 qu'après tout, ils ont le droit d'aider leur Défense. Bon, comme la

21 Chambre, par exemple, s'est interrompue pour le week-end et puis tout le

22 monde est parti et c'est à ce moment-là que nous recevons un document,

23 donc, il est vraiment trop tard pour réagir. Ce serait vraiment bien de

24 faire cela avant que nous quittions tous pour le week-end.

25 S'agissant du livre et des fins de pages dont on parle, c'est un livre en

26 Croate. Ces pages n'ont pas été traduites, les mêmes pages dont on parle,

27 alors je me demande comment l'Accusation, puisque M. Scott ne parle pas

28 B/C/S, comment a-t-on pu identifier ces 20 pages et je me demande comment

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1 M. Scott va utiliser ces 20 pages, alors qu'il n'y a pas de traduction qui

2 existe de ce livre. Comme la Chambre le sait peut-être, si on ressort 20

3 pages d'un contexte, 20 pages d'un livre que l'on sort de son contexte, il

4 faudrait peut-être que la Défense dispose du reste du livre pour pouvoir le

5 lire. Alors, l'Accusation dit qu'il s'agit de documents publics, mais je

6 voudrais rappeler à l'Accusation qu'il ne s'agit pas d'un procès anglo-

7 saxon parce que le Président, les Juges aiment se présenter à la Chambre en

8 étant préparés. Tout le monde préfère lire les documents à l'avance, donc,

9 je ne vois pas pourquoi on devrait s'amuser à surfer sur Internet pour

10 trouver des documents "open source", comme on dit. L'Accusation sait très

11 bien que, si elle sait que cela existe, que l'on peut utiliser ces

12 documents en public, pourquoi ne nous le dit-elle pas quelques mois à

13 l'avance, à moins que cette décision n'ait été prise que le dernier jour et

14 qui serait la raison pour laquelle on nous ait prévenus si tard ?

15 Pour terminer, je voudrais souligner cette question s'agissant du témoin et

16 qui est la non-déclaration de ce témoin. J'ai trois dossiers ici, trois

17 chemises. Ce sont des documents, la lecture du week-end, en plus de tout ce

18 que j'ai dû préparer pour ce témoin. C'est difficile de croire que ce

19 témoin va être ici et il va passer en revue tous ces comptes rendus et ne

20 pas créer autre chose qu'un résumé. Parce que si on va passer en revue tous

21 ces comptes rendus présidentiels et si ce monsieur était présent lors de la

22 plupart de ces réunions, j'imagine qu'il a fait des déclarations ou qu'il

23 va préciser certains points, qu'il va donner son point de vue et on va le

24 découvrir, mais cela ne suffit pas. Cela ne suffit pas d'avoir simplement

25 un résumé. Je pense que personne n'empêche l'Accusation d'avoir des

26 enregistrements sur des bandes magnétiques ou même des gens qui ont pu

27 prendre des notes. Mais combien de fois se sont-ils rencontrés, pendant

28 combien de temps ? Bon, c'est vrai, je me trouve dans un Tribunal

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1 international et il faut que je crois tout le monde de bonne foi, mais si

2 mon client fait face à une peine de prison à perpétuité, j'ai des doutes et

3 je voudrais savoir pendant combien d'heures l'Accusation a rencontré ce

4 témoin et s'il y a des enregistrements. Merci.

5 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Kovacic, poursuivez.

8 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas

9 vous faire perdre plus de temps, mais j'ai encore quelques points à

10 soulever. Pour le compte rendu et pour qu'il n'y ait pas de malentendus,

11 mon collègue de l'Accusation a dit qu'entre autres, l'une de mes objections

12 était que nous n'avons pas reçu la fiche de récolement à temps. Ce n'est

13 pas vrai. J'ai dit que nous avions reçu la fiche de récolement à temps et

14 je le confirme pour le compte rendu. Donc, la fiche de récolement, ce

15 n'était pas cela le problème. Le problème était autre.

16 Le problème était qu'avant cela, pendant la Conférence de mise en

17 état, nous avons reçu un résumé et un aperçu viva voce du témoin et qui

18 nous disait que ce témoin allait déposer sur tel fait et ce témoignage dans

19 ce cas bien précis va contre votre client, c'est-à-dire, M. Praljak, et

20 ensuite, il y a deux ou trois paragraphes qui ont été mentionnés par

21 rapport à la déposition et, à ce moment-là, nous avons reçu la fiche de

22 récolement et comme l'a dit mon collègue, c'était vers la fin du mois de

23 mars. Mais c'est quelque chose de tout à fait différent parce que,

24 lorsqu'on a fait la liste des différents paragraphes, la fiche de

25 récolement dis : "Cela va dans tel paragraphe de l'acte d'accusation contre

26 votre client," et ceci arrive dans une position beaucoup plus générale où

27 on ne sait pas ce qu'on va nous dire parce que nous avons reçu des

28 informations contradictoires de la part de l'Accusation et c'est la raison

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1 pour laquelle j'ai émis cette objection.

2 Maintenant, s'agissant des documents publics dont, on vient de parler, nous

3 ne sommes pas d'accord. Je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Karnavas. Dans

4 ma lettre à l'Accusation, je dis, précisément, que j'étais d'accord pour

5 dire qu'il n'était pas obligé de communiquer ces documents publics, mais,

6 en l'espèce, il -- et c'est évident et je vais simplement -- on donne

7 simplement un petit extrait de la traduction du document. Ce qu'il va faire

8 c'est uniquement examiner -- interroger le témoin sur cette partie-là du

9 livre. Donc, que l'on parle ici de matériel public ou non cela n'a plus

10 rien à voir, mais il faut que nous recevions ces documents à temps pour que

11 nous puissions les lire, pour que nous puissions suivre l'interrogatoire

12 principal et que nous puissions bien préparer notre contre-interrogatoire

13 évidemment. Inutile de vous dire que pour pouvoir le faire, il faut que je

14 puisse lire les 400 pages de ce livre et non ces quelques 20 pages qu'on

15 m'a fournies. Voilà la correction que je voulais apporter.

16 Comme l'a dit l'Accusation, il y a quelques minutes, s'il dit qu'un

17 témoin va venir et pourquoi ne pas donner tous ces documents avant ?

18 Pourquoi attendre vendredi après-midi ? C'est pour cela que je ne suis pas

19 d'accord. C'est une tactique. C'est toujours la même chose. Ce n'est pas à

20 cause de la situation des circonstances que l'Accusation se retrouve disons

21 le dos au mur. Mais je connais bien sa situation. Cela revient une fois,

22 une deuxième fois, et je vous l'ai dit, lorsque le témoin vient pour le

23 récolement avant sa déposition c'est normal que l'on passe sa déclaration

24 en revue et qu'on voit les différentes déclarations précédentes et qu'on

25 nous les communique. Mais ce qui se passe, Monsieur le Président, c'est

26 toujours le vendredi que cela se passe, et toujours après cinq, six heures

27 de l'après-midi. Donc, je ne suis pas d'accord avec mon collègue -- mon

28 confrère, M. Karnavas, qui nous a montré ces trois chemises. Là, il y a un

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1 malentendu. Nous, ma collègue et moi, nous en avons sept ou huit de ces

2 chemises. Bon. Il travaille peut-être en impression recto verso. Non, la

3 correction c'est qu'eux ne travaillent qu'avec l'anglais et nous avons le

4 B/C/S et l'anglais. Donc, nous avons le double de nombre de pages, et si

5 nous recevons tout cela le vendredi après-midi c'est impossible de

6 continuer.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. La Chambre va rendre une décision orale

8 concernant le problème qui vient d'être soulevé mais qui se rattachait à un

9 problème précédent.

10 Alors, je lis la décision : en date du 19 juin 2006(expurgé)

11 (expurgé)

12 Me Kovacic avait demandé à la Chambre qu'elle enjoigne à l'Accusation

13 premièrement : de communiquer aux avocats de la Défense toutes les pièces

14 présentées à l'appui de la déposition d'un témoin dont l'une des langues

15 officielles du Tribunal ainsi que dans la langue de l'accusé, et ce, au

16 minimum trois semaines avant ladite disposition; deuxièmement, de

17 circonscrire l'interrogatoire d'un témoin au sujet évoqué dans le résumé

18 prévu en vertu de l'article 65 ter du Règlement.

19 A ce titre, Me Kovacic avait alors fait observer qu'il existait de

20 nombreuses divergences entre ces résumés et les documents qui lui sont

21 fournis par le Procureur à la suite du récolement des dispositions - des

22 dépositions, notamment, quant aux accusés concernés par ces dépositions.

23 Lors de cette même audience,

24 Me Kovacic et Me Alaburic se sont également déclarés préoccupés par le

25 nombre de plus en plus important de documents soumis à l'appui des

26 dépositions des témoins de l'Accusation. Ces deux avocats ont suggéré que

27 l'Accusation indique précisément avant chaque déposition à quel paragraphe

28 de l'acte d'accusation se rattache les pièces qu'elle entend présenter à

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1 l'audience. Selon les avocats de la Défense cet exercice permettrait

2 d'éviter que tout document qui n'est pas strictement nécessaire pour

3 l'affaire ne soit pas soumis au débat.

4 En réponse, l'Accusation avait alors déclaré qu'elle répondait, en

5 règle générale, à ces obligations de communication en temps voulu.

6 S'agissant plus précisément de (expurgé), le Procureur

7 avait toutefois indiqué qu'il avait été confronté à des problèmes

8 particuliers de traduction, la plupart des documents relatifs à cette

9 déposition ayant été rédigés en espagnol.

10 Par ailleurs, Me Kovacic a appelé l'attention du Procureur et de la Chambre

11 par lettre du 30 juin et du 1er juillet. Dans ces courriers, Me Kovacic

12 avait demandé le report de la déposition du témoin de ce jour ou à tout le

13 moins de son contre-interrogatoire. En effet, selon Me Kovacic, le

14 Procureur lui aurait communiqué seulement vendredi dernier environ 400

15 pages de documents dont certains n'auraient pas été traduits ainsi que 12

16 autres documents ne figurant pas dans le tableau de récolement. Le

17 Procureur tout à l'heure nous avez expliqué que les 12 documents faisaient,

18 en réalité, 29 pages, et que concernant le document de 400 pages qui est un

19 livre pour la période 1989 à 1995, il n'y aurait qu'une vingtaine de pages

20 au maximum qui seraient utilisés. Par ailleurs, le Procureur nous a indiqué

21 qu'il avait eu la possibilité d'adresser à la Défense des résumés

22 actualisés au fur et à mesure le dernier un des résumés actualisés

23 remontant au 27 mars 2006.

24 Alors, la Chambre, qui en a délibéré tout à l'heure, estime que, concernant

25 le témoin qui va venir tout à l'heure, il pourrait être procédé à sont

26 interrogatoire principal et au contre-interrogatoire. Mais la Chambre

27 ajoute qu'elle est également très préoccupée par ce types de considération

28 qui sont susceptibles de retarder le procès, étant précisé, comme

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1 d'ailleurs l'a indiqué l'accusé Praljak tout à l'heure, l'accusé a droit à

2 un procès rapide.

3 La Chambre tient à rappeler que, conformément à la jurisprudence en vigueur

4 au Tribunal et à l'article 21, paragraphe 4 du Statut, la Chambre estime

5 que le Procureur doit en principe fournir à la Défense tous les documents

6 qu'il entend présenter dans le cadre de la déposition d'un témoin,non

7 seulement dans l'une des langues de travail du Tribunal, mais également

8 dans la langue des accusés, ce qui veut dire que lorsque les documents sont

9 présentés ils doivent être dans les langues de travail et traduits

10 également en B/C/S.

11 La Chambre tient à rappeler toutefois que les documents publics telles que

12 les résolutions du Conseil de sécurité, des rapports de l'assemblée

13 générale des Nations Unies, ne doivent pas être traduits dans la langue des

14 accusés, elle note également que dans l'intérêt d'un procès rapide des

15 documents brefs peuvent être aisément et rapidement traduits par les

16 avocats de la Défense et peuvent être présentés par l'Accusation sans qu'il

17 y ait la nécessité absolue de les traduire dans la langue des accusés à la

18 condition évidemment que ces documents soient peu importants quant à leur

19 nombre de pages, mais la Chambre tient à insister sur le fait que ces

20 circonstances doivent demeurer exceptionnelles.

21 Quant à la question de la communication de ce type de documents au

22 regard des délais. La Chambre considère que conformément à l'article 21 du

23 Statut, le Procureur a l'obligation de remettre ces documents à la Défense

24 suffisamment de temps à l'avance pour lui permettre de préparer de manière

25 adéquate son contre-interrogatoire. La Chambre estime ainsi que l'ensemble

26 des documents traduits doit, en principe, être communiqué à la Défense au

27 minimum deux semaines avant la comparution du témoin. Deux semaines, two

28 weeks. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles et si ces

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1 documents sont mineurs ou peu nombreux que ce délai pourra être

2 éventuellement raccourci, mais, dans cette hypothèse, le Procureur devra,

3 toutefois, en faire la demande expresse et dûment motivée à la Chambre. Le

4 principe est donc : communication des documents deux semaines avant la

5 déposition du témoin et, lorsqu'il y a une dérogation, il faut la demander.

6 En outre, la Chambre considère que le Procureur devra autant que possible

7 limiter l'interrogatoire d'un témoin aux questions évoquées dans les

8 résumés préparés conformément à l'article 65 ter du règlement. Il en

9 résulte que les documents soumis à la Défense ou préparés à la suite du

10 récolement des dépositions devraient autant que possible correspondre à ces

11 résumés. La Chambre admet, cependant, que le Procureur puisse étendre son

12 interrogatoire à des points qui ne figureraient pas dans ces résumés, mais

13 qui auraient été abordés lors des dits récolements, et ce, à condition que

14 la Défense en soit informée aussitôt que possible, par tout moyen

15 technique, de telle manière que la Défense puisse se préparer de façon

16 adéquate pour ce contre-interrogatoire. S'il s'avérerait que lors d'un

17 récolement, un point apparaîtrait qui ne figurerait pas dans un résumé et

18 que l'Accusation souhaiterait l'aborder, il faut immédiatement, par tous

19 les moyens à sa disposition, téléphone, mail, fax, et cetera, informe les

20 avocats de la Défense de ce point.

21 Enfin, la Chambre enjoint le Procureur à communiquer à la Défense et à

22 présenter à l'audience que les pièces qui sont, et nous insistons sur ces

23 mots, strictement nécessaires pour l'affaire. Faisant suite à la requête du

24 Procureur du 15 juin 2006, la Chambre rendra prochainement une décision de

25 principe sur cette question quant à la nécessité d'indiquer précisément à

26 quelle partie de l'acte d'accusation se rattache chaque pièce. La Chambre

27 rappelle que le Procureur est tenu de lui fournir ainsi qu'à la Défense,

28 pour le 4 septembre au plus tard, un tableau qui répondra précisément à

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1 cette exigence.

2 Voilà donc la décision orale qui est rendue sur ce type de problème.

3 Maître Murphy.

4 M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on passer à huis

5 clos partiel brièvement ?

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Passons à huis clos partiel.

7 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

8 [Audience à huis clos partiel]

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26 [Audience publique]

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, en audience publique, je demande à M. le

28 Procureur de nous indiquer quel est le temps qu'il envisage de consacrer à

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1 l'interrogatoire principal de ce témoin.

2 M. SCOTT : [interprétation] A peu près six heures d'après nos estimations,

3 Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, donc, six heures. Nous avons prévu que

5 nous terminerons jeudi à 13 heures 45, donc, une fois que le Procureur aura

6 terminé ces six heures, la Défense se répartira le temps restant. Donc,

7 c'est à vous de vous entendre pour nous dire qui intervient en premier,

8 quel temps, et cetera. C'est à vous également de vous discipliner pour ne

9 pas nous trouver dans la situation de la semaine dernière où les demandes

10 fusaient de toute part pour avoir du temps supplémentaire. J'attends, comme

11 vous tous, avec impatience la décision de la Chambre d'appel sur la durée

12 du contre-interrogatoire et j'espère qu'elle réglera un certain nombre de

13 problèmes. Alors, dans l'attente, évidemment, que la Chambre rende sa

14 décision, nous avons une approche souple et, pour ce témoin, vous aurez

15 donc jusqu'à jeudi, 13 heures 45, pour le contre-interroger, une fois que

16 le Procureur aura terminé, étant précisé, bon --

17 Le Procureur nous demande six heures, je ne veux pas interférer dans

18 la présentation du Procureur, mais, la force est de constater que, bien

19 souvent, on perd beaucoup de temps parce qu'on ne va pas à l'essentiel. Je

20 rappelle que nous pourrions, dans le cadre du procès rapide, gagner

21 énormément de temps si vous alliez, les uns et les autres, à l'essentiel

22 des questions. L'essentiel c'est ce que les Juges vont en tirer comme

23 conséquence et qui sera intégré le cas échéant dans le jugement.

24 Monsieur Praljak.

25 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs

26 les Juges. En dépit de la meilleure volonté du monde et des efforts

27 considérables de la part de nos défenseurs et de ma part personnelle, je

28 n'arrive pas à savoir quelles sont les questions essentielles ? Si un

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1 témoin aussi important que celui-ci, je suis actif avec lui dans la vie

2 politique depuis 1989. Il a exercé les fonctions les plus difficiles, dans

3 les temps les plus difficiles de l'Etat croate, s'il vient déposer en tant

4 que témoin contre moi dans le cadre d'un tel procès alors qu'il a exercé

5 des postes bien plus importants que moi, où on a pris des décisions très

6 importantes, où je dois répondre, ici, à ce groupe de personnes qui sont

7 ici assis à côté de moi. Ecoutez, combien de documents dois-je apporter

8 pour prouver que ces déclarations ne sont pas véridiques ? Puisqu'il est

9 impossible de savoir à quel point une affirmation est essentielle ? Il est

10 impossible aussi de savoir comment établir l'essentiel des questions et des

11 réponses et l'équivalent du temps équitable pour l'autre partie.

12 Par rapport à cela, j'aimerais savoir vraiment qu'on me dise quelles

13 sont ces questions les plus essentielles pour qu'on fasse un calcul

14 mathématique de répartition du temps ? Mais parfois dix ou 15 documents

15 sont indispensables. Il faut démontrer comment agit le témoin au moment

16 pertinent, au moment où des décision pertinentes ont été prises pour

17 établir un lien entre ceux qui l'affirment pour le compte du Procureur et

18 sans que nous savons être la vérité, nous qui sommes assis ici au banc des

19 accusés. Merci.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

21 M. KOVACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Messieurs les

22 Juges, pour que vous puissiez facilement planifier le temps, bien entendu,

23 nous communiquons entre nous pour nous répartir le temps comme vous nous

24 l'avez demandé. Je dois dire qu'aucune défense ne s'est encore prononcée de

25 manière définitive. Mais, à en juger d'après ce que nous avons entendu

26 jusqu'à présent, je peux vous dire que certainement, il me faudra une

27 journée entière en fonction de ce que j'aurais entendu. En fin de compte,

28 bien sûr, mais d'après le résumé que j'ai vu, il me faudra pour le contre-

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1 interrogatoire une journée entière, objectivement, voire plus. Plusieurs

2 autres équipes, d'après ce que j'ai entendu auraient besoin au moins du

3 même temps, sinon plus.

4 Monsieur le Président, juste un point s'il vous plaît. Deux ou trois

5 minutes pour ce tableau de récolement si vous pouviez consacrer quelques

6 temps à cela ? Il est dit : "Qu'il s'agira de l'entreprise criminelle

7 commune et du conflit international armé." Vous serez d'accord avec moi

8 qu'il s'agit des chefs d'accusation les plus importants et qu'il faudra

9 bien le prendre au sérieux. Il s'agit de la période qui va de 1991 à 1994.

10 Donc, toute la période couverte par l'acte d'accusation depuis le premier

11 jusqu'au dernier jour de celui-ci. Mon client, comme il vient de le dire,

12 je le remercie de l'avoir fait. Pendant toute cette période, le témoin

13 jusqu'au accords de Washington faisait partie des instances les plus hautes

14 de la direction de l'Etat de Croatie pour lesquels l'Accusation affirme

15 qu'ils ont fait partie de l'entreprise criminelle commune et que la Croatie

16 a été engagée dans un conflit international. Donc, nous ne pouvons pas

17 omettre de poser des questions à ce témoin.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Nozica.

19 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, si vous m'y autorisez,

20 si je prends la parole, c'est pour rebondir sur ce qui a été abordé par Me

21 Kovacic. Je pensais qu'on allait en parler après l'interrogatoire principal

22 du témoin. Mais brièvement, si je puis ajouter quelque chose à ces propos.

23 La Défense de M. Stojic s'attend à se voir accorder deux ou trois fois plus

24 de temps qu'un sixième. Vu l'importance des chefs d'accusation qui seront

25 abordés dans le cadre de cette déposition et pour des raisons que la

26 Chambre n'ignore pas, à savoir qu'en si peu de temps, nous ne pouvons pas

27 mener à bien le contre-interrogatoire.

28 Je ne voudrais pas qu'on ait l'impression que chaque fois on va aux

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1 enchères avec ce temps qui nous est accordé. Je voudrais avertir la Chambre

2 dès à présent que du moins, pour ce qui est de la Défense de M. Stojic

3 qu'il nous faudra demander davantage de temps que le temps qui aura été

4 utilisé par le Procureur. Je pense que la Chambre nous accordera ce temps

5 compte tenu de notre expérience passée mais je ne voudrais pas attendre le

6 dernier moment pour le demander.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Nozica, je vous remercie. Monsieur Scott.

8 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, deux

9 Points. (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)Ceci le

12 rend nerveux et angoissé d'attendre tout seul, sans aucune information sur

13 ce qui se passe, pourquoi il est encore là ? Je pense qu'il nous faudrait

14 éviter ce genre de situation à l'avenir.

15 Un deuxième point, la Chambre pourrait-elle nous donner des instructions

16 sur le contre-interrogatoire et le temps qu'il prendra ? Puisque la Chambre

17 nous a dit d'emblée que, depuis le début du procès, qu'il nous faudra avoir

18 le même temps pour l'une et l'autre partie, avec quelques exceptions. Mais,

19 comme je l'ai déjà dit, il nous faut être capable de faire des projets. Si

20 la Chambre va envisager les différentes durées, comme ceci a été annoncé

21 par la Défense, il nous faudra dire aux témoins prévus pour la semaine

22 prochaine : attendez, qu'ils ne pourront pas comparaître parce qu'ils ont

23 aussi leurs vies et il faut bien qu'ils puissent s'organiser. Donc, il faut

24 qu'ils le sachent.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est pour cela que j'attends, comme vous, avec

26 impatience la décision de la Chambre d'appel.

27 Mais je rappelle pour mémoire que je vous avais indiqué que dans

28 l'acte d'accusation il y avait trois temps forts. Il y avait une partie sur

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1 l'entreprise criminelle. Une seconde partie qui a abordé la responsabilité

2 pénale individuelle de chacun des accusés et une troisième partie qui était

3 consacrée aux faits commis dans la municipalité.

4 J'avais à l'époque indiqué qu'une approche qui pouvait être envisagée

5 était celle où l'Accusation se consacrerait pour un tiers du temps à

6 l'entreprise criminelle, un tiers du temps à la responsabilité individuelle

7 et un tiers du temps pour les faits. Puis, tout cela, au fil du temps a

8 disparu et, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, j'aimerais savoir où vous

9 l'Accusation. L'Accusation nous a dit que la première partie du procès

10 jusqu'au 13 juillet, cela concerne un aperçu sur une base chronologique. On

11 verra par la suite comment vous allez aborder le reste.

12 Pour répondre à Me Nozica qui nous a dit qu'il lui faudrait beaucoup de

13 temps, un élément important qui vient d'apparaître, que je n'avais pas

14 perçu jusqu'à présent. Le témoin à 86 ans. Donc, placez dans la situation

15 de quelqu'un qui a 86 ans, qui doit répondre pendant des heures et des

16 heures à un contre-interrogatoire. Bien, je voulais l'indiquer au passage.

17 Par ailleurs, il est fort possible que lorsqu'il y a des questions

18 d'ordre général, j'ai incité la Défense à plusieurs reprises à se réunir

19 entre elle, à étudier les problèmes d'ordres généraux et à désigner parmi

20 eux, un avocat qui, au général, procèderait au contre-interrogatoire. Les

21 autres se répartissant les questions annexes. Apparemment, vous n'avez pas

22 pu arriver à cela, mais c'est une voie.

23 Je rappelle que beaucoup de chambres ont décidé que concernant le temps du

24 contre-interrogatoire, il n'était de l'ordre de 60% pour celui qui pose les

25 questions. Comme vous le dites : "Moi, il me faut trois fois plus de temps

26 que le Procureur," ce n'est pas du tout conforme à la jurisprudence de ce

27 Tribunal. Mais, j'ose espérer que la Chambre d'appel va aussi très vite

28 répondre à cela afin que les uns et les autres et les Juges nous savons où

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1 nous allons.

2 Pour le moment, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, pour ce témoin,

3 on va faire en sorte que son contre-interrogatoire se termine en fin de

4 semaine. Si jamais vous estimez à la suite de la décision de la Chambre

5 d'appel qu'il y a des points qu'il faudra réaborder, vous aurez toujours la

6 possibilité de demander le retour du témoin.

7 Voilà, Maître Nozica.

8 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi. Mon

9 confrère, Me Murphy, vient de me signaler quelque chose, cela a été une

10 erreur de traduction. Je n'ai pas dit -- du moins, je n'avais pas

11 l'intention de dire qu'il nous faudrait trois fois plus de temps que le

12 temps alloué au Procureur, mais, au nom de M. Stojic, je répète, il nous

13 faudra plus d'un sixième -- au moins, deux fois plus qu'un sixième. Je ne

14 voulais pas dire deux fois plus que le Procureur.

15 Par ailleurs, Monsieur le Président, je pense que je ne suis pas quelqu'un

16 qui a tendance à manquer de courtoisie et je ne souhaiterais pas du tout

17 placer ce monsieur dans une situation où il serait maltraité par mes

18 questions. Mais c'est le Procureur qui a fait le choix du témoin, il est en

19 connaissance de cause. En effet, Monsieur le Président, c'est la défense de

20 mon client qui aura la priorité à mes yeux par rapport à l'âge du témoin.

21 C'est celui qui choisit le témoin qui prend la décision, est-ce que le

22 témoin est en mesure de répondre ou non. Merci.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Prlic.

24 L'ACCUSÉ PRLIC : [interprétation] Monsieur le Président, puisque le temps

25 s'est écoulé déjà, je pense que le témoin ne pourra pas venir avant la

26 pause. Donc, je me permets d'aborder une question qui en apparence n'a rien

27 à voir avec l'objet de nos échanges jusqu'à présent.

28 De manière générale, c'est l'Accusation qui semble être chargée d'une

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1 mission ici. Je sais ce qui est rédigé dans le Statut, c'est le Procureur -

2 - c'est le Tribunal qui doit rétablir la paix. Mais la Chambre, dans la

3 présente espèce, aura à s'acquitter d'une mission particulièrement

4 difficile. Je ne vois toujours pas où mènent nos débats depuis le début de

5 ce procès. Je ne sais pas si cette question est prévue dans les articles de

6 notre Statut ou non. Je ne suis pas juriste, j'aurais pu, certes, demander

7 l'avis de mon conseil, mais j'ai omis de le faire. Enfin, si le Procureur

8 devait prêter serment ici de ne dire que la vérité et toute la vérité,

9 comme tous les témoins le font, je pense que ce serait un geste de bonne

10 foi de la part du Procureur, même si cela ne figure pas verbatim dans le

11 Statut, même s'il n'y est pas obligé. Je pense que nous, les coaccusés, on

12 aurait beaucoup plus de confiance lorsqu'on entame les audiences.

13 Une heure et demie s'est écoulée, une heure et demie n'est pas

14 calculée de la même façon pour les partis. Une heure, cela peut signifier

15 une journée ou deux de plus pour moi et les autres coaccusés en prison.

16 Donc, c'est pour cela que ce qui nous importe c'est d'avoir un procès

17 rapide. Merci.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, très vite, Monsieur Praljak, parce qu'on va

19 faire la pause.

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

28 (expurgé)

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1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 Donc, s'il le dit, lui : "Je ne l'ai jamais affirmé," alors, comment

5 est-ce qu'une fois tout terminé -- comment est-ce que lui, après avoir

6 retourné six fois la veste dans sa vie, changé six fois d'option politique,

7 après cela passer communiste, et cetera ? Comment il peut se présenter ici

8 en disant : "J'ai 86 ans maintenant, ayez des égards pour moi," alors que

9 vous, vous n'avez qu'à répondre de ce que vous avez fait ? Donc, je pense

10 que c'est cela la seule question pertinente. Donc si tel était le cas, ce

11 témoin devrait rentrer chez-lui immédiatement. Merci.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, il est 4 heures moins quart.

13 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, il faut bien que je

14 réponde à cela. Je sais que la Chambre a autorisé les coaccusés à prendre

15 la parole parfois, mais ceci n'est pas approprié. On vient d'accuser le

16 témoin, l'accusé vient de l'accuser. Les conseils de la Défense et les

17 accusés sont autorisés à mener le contre-interrogatoire, mais il est tout à

18 fait inapproprié de la part de M. Praljak de faire ce genre de remarques,

19 avec tous mes respects, Monsieur le Président.

20 M. KARNAVAS : [interprétation] Juste pour le compte rendu d'audience, mais

21 rien de contraire à la vérité n'a été dit, il est vrai que ce monsieur a

22 été communiste, qu'il a retourné sa veste et qu'il a continué au sein du

23 nouveau gouvernement.

24 M. SCOTT : [interprétation] Mais, encore une fois, on entend des arguments,

25 on s'engage dans une discussion.

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais c'est un fait.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, il est 4 heures moins 10. Nous reprendrons dans

28 20 minutes et nous reprendrons à 4 heures 10.

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1 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.

2 --- L'audience est reprise à 16 heures 15.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, l'audience est reprise. On va passer à huis

4 clos partiel.

5 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

6 [Audience à huis clos partiel]

7 (expurgé)

8 (expurgé)

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10 (expurgé)

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13 (expurgé)

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16 (expurgé)

17 [Audience publique]

18 M. LE JUGE ANTONETTI : J'indique à M. Scott qu'on fera impérativement la

19 pause à 17 heures 30.

20 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, pendant que nous

21 attendons, comme M. Praljak l'a fait remarquer, ce témoin a été membre d'un

22 gouvernement communiste dans le régime Tudjman pendant la période

23 pertinente pour l'acte d'accusation. Si vous lisez les paragraphes 15 et 16

24 de l'acte d'accusation, vous verrez qu'il y est fait référence à une

25 référence à une entreprise criminelle commune.

26 Je demanderais que l'on fasse sortir le témoin de la salle car je pensais

27 que nous allions commencer et si nous avons encore des discussions

28 juridiques il faut que le témoin soit absent.

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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Ce n'est pas une discussion juridique,

2 Monsieur le Président. C'est une proposition. Je proposerais qu'on lance un

3 avertissement à ce témoin car, à la lecture de l'acte d'accusation, il est

4 permis de conclure qu'il pourrait être partie prenante de cette entreprise

5 criminelle et il devrait dans ces conditions en être averti pour pouvoir

6 jouir de ses droits.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, pouvez-vous -- est-ce que vous entendez

8 dans votre langue la traduction de mes propos ? Pouvez-vous m'indiquer

9 votre nom, prénom ?

10 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit que le témoin a sans doute dit oui hors

11 micro.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me donner votre nom et prénom ?

13 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je répète ma question. Pouvez-vous me donner

15 votre nom et prénom ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Josip Manolic.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre date de naissance.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 23 mars 1920.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre situation professionnelle

20 aujourd'hui ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis retraité.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous m'indiquer votre situation ou vos

23 fonctions en 1991, 1992 et 1993 ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai d'abord été député au parlement croate,

25 ensuite j'ai été élu pour faire partie de la présidence qui était l'organe

26 collectif suprême dans la République socialiste de Croatie, puis en 1991,

27 j'ai été chef du gouvernement de la République socialiste de Croatie.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. En 1992 ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1992, j'ai été chef du bureau du président

2 de la république en exercice et ce jusqu'en 1993 --jusqu'à mars 1993 date à

3 laquelle j'ai été élu au poste de président de la Chambre des régions, de

4 la Chambre haute du parlement.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, est-ce que vous avez déjà témoigné devant

6 un tribunal international ou un tribunal national sur les faits qui se sont

7 déroulés dans l'ex-Yougoslavie ou c'est la première fois que vous

8 témoignez ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je témoigne devant

10 un tribunal pénal international, mais j'ai témoigné devant le tribunal

11 croate et il s'agissait aussi de crimes de guerre, il s'agissait du procès

12 intenté au général Norac, et consorts.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, et vous avez témoigné dans le procès du

14 général Noraz en qualité de témoin de l'Accusation ou de la Défense ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] En qualité de témoin de l'Accusation.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, je vous demande de lire le serment.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Merci.

19 LE TÉMOIN : JOSIP MANOLIC [Assermenté]

20 [Le témoin répond par l'interprète]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.

22 Bien. Alors, je vais vous fournir quelques éléments d'information sur la

23 façon dont va se dérouler cette semaine. Comme vous le savez, à la demande

24 de l'Accusation, vous êtes un témoin. Vous venez de prêter serment, ce qui

25 fait que maintenant, vous êtes le témoin de la justice. Vous allez devoir

26 répondre à des questions qui vont vous être posées par le Procureur qui

27 nous a indiqué qu'il aura besoin d'un temps de six heures, grosso modo. A

28 la suite des questions posées par le Procureur, les avocats qui sont situés

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1 à votre gauche qui représentent les accusés dont l'un est absent

2 aujourd'hui pour une raison médicale, mais il sera là demain, vous poseront

3 des questions dans le cadre de ce qu'on appelle dans la common law le

4 contre-interrogatoire. Les Juges, qui sont devant vous - d'habitude, ils

5 sont quatre, mais, cette semaine, nous serons trois - peuvent, à tout

6 moment, vous poser des questions. Vous vous apercevrez que le type des

7 questions est très différent selon celui qui les pose. L'Accusation pose

8 des questions qui appellent de votre part des développements, la Défense

9 vous pose des questions suggestives qui appellent en règle générale, des

10 réponses par oui ou par non. Les Juges qui sont devant vous, eux, ont une

11 autre approche et vous posent des questions aux fins d'éclaircissement de

12 points sur lesquels vous avez déjà répondu ou parce qu'ils estiment, dans

13 l'intérêt de la justice, qu'il convient de vous poser la question. Si au

14 moment où on vous pose une question vous éprouvez une difficulté

15 quelconque, n'hésitez pas à nous en faire part.

16 Il y a une disposition dans le Règlement qui permet à un témoin, lorsqu'il

17 peut penser que ces propos peuvent l'incriminer, de dire qu'il ne tient pas

18 à répondre à la question. Mais, dans cette hypothèse, qu'en trois ans, je

19 n'ai jamais rencontrée, mais qui peut peut-être arriver. A ce moment-là, la

20 Chambre peut obliger le témoin à répondre à la question en lui promettant

21 une forme d'impunité, ce qui est prévu dans le règlement. Je devais vous

22 indiquer cela à la demande de la Défense qui rappelle que dans l'acte

23 d'accusation il y a une incrimination générale qui est la notion

24 d'entreprise criminelle commune et qui demeure en 1991. Donc, comme vous,

25 en 1991, vous exerciez des responsabilités, il se peut, le cas échéant, que

26 vous pouviez entrer dans ce champ. Donc, la Défense voulait qu'on appelle

27 votre attention sur cette question. Si vous ne comprenez pas une question,

28 demandez à celui qui vous la pose de la reformuler. Si vous avez une

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1 difficulté quelconque, n'hésitez pas à nous en faire part.

2 Alors, j'ai constaté que vous êtes né en 1920. Si vous avez besoin de

3 repos, n'hésitez pas à nous le dire et donc on fera un repos parce que vous

4 allez très vite vous apercevoir, mais vous le savez déjà, que c'est très

5 fatiguant de répondre sans arrêt à des questions, donc si vous estimez

6 qu'il faut vous reposer, vous nous le demandez. Normalement, vous faisons

7 des pauses toutes les heures et demie et on fait une pause de 20 minutes.

8 La prochaine pause va intervenir tout à l'heure à 17 heures 30, puis après,

9 lorsque nous reprendrons 20 minutes après, nous irons à 19 heures et,

10 demain, nous reprendrons à 9 heures du matin jusqu'à 12 heures et demie, et

11 à 12 heures et demie, on fera une pause d'une heure et demie pour vous

12 permettre de vous restaurer, et ensuite, on reprendra à 14 heures jusqu'à

13 17 heures 15. Cela mardi, mercredi pareil, et jeudi, nous terminerons à 13

14 heures 45.

15 Voilà les informations d'ordre général que je voulais vous indiquer

16 afin que cette audience se déroule dans les meilleures conditions

17 possibles. En cours de questions, on vous présentera des documents que vous

18 aurez à commenter.

19 Voilà. Alors, Monsieur Scott, je vous donne la parole, maintenant,

20 pendant une heure parce que, comme je vous l'ai indiqué, on fera le break à

21 17 heures 30. Vous avez la parole et, bien entendu, nous allons décompter

22 vos six heures dès maintenant.

23 Interrogatoire principal par M. Scott :

24 Q. [interprétation] Bonjour; Monsieur Manolic.

25 L'INTERPRÈTE : Signe de la tête du témoin.

26 M. SCOTT : [interprétation]

27 Q. Monsieur, j'aimerais que nous passions en revue votre vie personnelle

28 assez rapidement car vous avez déjà répondu à certaines questions des Juges

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1 qui traitent de ce sujet, mais j'aurais quelques questions supplémentaires

2 à vous poser.

3 Monsieur Manolic, vous êtes né en Croatie en 1920, n'est-ce

4 pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Pendant la Seconde guerre mondiale, vous étiez un soldat qui a

7 participé également au mouvement antifasciste, n'est-ce pas ?

8 R. J'ai été membre du mouvement antifasciste.

9 Q. Après la guerre, à partir de 1948 et jusqu'en 1960, vous avez dirigé la

10 division publique des affaires internes de Croatie, n'est-ce pas ?

11 R. C'est cela.

12 Q. Ensuite, de 1960 à 1965, vous avez dirigé le secrétariat aux Affaires

13 intérieures dans la ville de Zagreb, n'est-ce pas ?

14 R. C'est cela.

15 Q. En 1965, vous êtes devenu membre du Parlement de la République de la

16 Croatie, député, donc, de ce Parlement dont vous avez été expulsé suite à

17 la répression du mouvement du printemps croate de 1971, n'est-ce pas ?

18 R. C'est cela, oui.

19 Q. Vous êtes revenu en politique en 1989, à peu près, en tant que l'un des

20 fondateurs de l'Union démocratique croate, le parti politique dont il a

21 déjà été question dans ce procès sous le sigle de HDZ, et vous en avez été

22 le premier président de son comité exécutif, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, c'est cela.

24 Q. Vous avez ensuite été réélu au Parlement en tant que député du HDZ en

25 1990, puis en 1992, n'est-ce pas ?

26 R. C'est cela.

27 Q. Comme vous l'avez indiqué, vous avez ensuite été premier ministre de

28 Croatie en 1990 et 1991, n'est-ce pas ?

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1 R. Du mois d'août 1990 au mois d'août 1991.

2 Q. Vous avez fait partie d'une entité portant le nom de Conseil pour la

3 défense de la présidence et la sécurité nationale. Vous en avez été membre

4 en 1993, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Ensuite, vous avez été nommé président de la Chambre haute du parlement

7 que l'on appelle la Chambre des comtés, si j'ai bien compris, où des

8 régions, et vous avez occupé ce poste de mars 1993 environ à mars 1994,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Jusqu'en avril 1994.

11 Q. Est-il exact que Stipe Mesic a été l'un de vos collaborateurs

12 politiques ou l'un de vos collègues les plus proches à cette époque-là ?

13 R. Oui.

14 Q. Plus que son nom apparaît dans certains documents ou dépositions dont

15 nous allons débattre dans les jours qui viennent, je vous demande, si dans

16 la période 1991 et 1993, vous pourriez rapidement - puisque vous avez

17 indiqué quel était votre poste - je vous demande si vous pourriez

18 brièvement indiquer quel était le poste occupé par M. Mesic dans le

19 gouvernement croate à cette époque-là ? Je m'exprime de façon très générale

20 en parlant du gouvernement, c'est-à-dire que je parle de l'aspect

21 législatif, exécutif ou de toute autre branche du gouvernement. Quels

22 étaient les postes occupés par M. Mesic, à cette époque-là ?

23 R. Je connais Mesic depuis 1965 au sein du parlement de la République

24 socialiste de Croatie. Il a souffert comme moi en 1971 lors du mouvement

25 réformiste qui a eu lieu à ce moment-là et son mandat lui a également été

26 retiré comme il me l'a été à moi-même à l'issu de cette période.

27 Q. J'aimerais que vous nous disiez quel était le poste occupé par M. Mesic

28 au sein du gouvernement croate dans la période précise englobant les années

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1 1991 et 1992 ?

2 R. Le poste qu'il occupait en 191 était avant tout le poste de secrétaire

3 du HDZ de l'Union démocratique croate. Ensuite, il a été secrétaire du

4 comité exécutif puis président du conseil exécutif. En 1990, lorsque le

5 gouvernement croate a été créé le 30 mai de cette année-là, il a été nommé

6 premier ministre du gouvernement croate.

7 Q. Il a été finalement le premier ministre qui vous a précédé au poste de

8 premier ministre.

9 R. C'est cela. Il était, en effet, prévu qu'il devienne président de

10 l'exécutif de la présidence, c'est-à-dire qu'il préside une entité au

11 niveau de la Yougoslavie et qu'il aille donc à Belgrade pour occuper ce

12 poste. C'est la raison pour laquelle j'ai reprise le poste de premier

13 ministre au sein du gouvernement croate après lui. Donc, lui a été premier

14 ministre du gouvernement croate pendant trois mois avant d'être transféré à

15 Belgrade.

16 Q. Dans cette période dont nous sommes en train de parler,

17 M. Mesic a-t-il occupé une quelconque fonction officielle au sein du

18 parlement croate connu sous le nom de Sabor ?

19 R. En tant que membre de la présidence de Yougoslavie, puis ensuite en

20 tant que président de la présidence yougoslave, il n'avait pas le droit

21 d'être député au parlement croate. En 1992 ont eu lieu des élections

22 législatives en Croatie et c'est à ce moment-là qu'il a occupé des

23 fonctions au parlement puisqu'il a été élu député pour ensuite devenir

24 président de ce Sabor -- de ce parlement croate.

25 Q. Monsieur, j'avance dans votre déposition et si vous n'y voyez pas

26 d'inconvénient, je commencerai pour la fin de l'histoire si je puis

27 m'exprimer ainsi, après quoi nous remettrons jusqu'au début. Est-ce qu'en

28 1994 à un moment est arrivé où vous-même et M. Mesic avez quitté le parti

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1 politique connu sous le nom de HDZ ?

2 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, avant que nous en

3 arrivions à cette question, je m'aperçois que nous nous concentrons déjà

4 sur la période où M. Mesic occupait le poste de président. Je suppose que

5 l'Accusation va citer M. Mesic à la barre en tant que témoin mais je lève

6 très certainement une objection à ce que le témoin présent ici aujourd'hui

7 parle au nom de M. Mesic. Je pense que les questions qui pourraient être

8 posées à M. Mesic devraient être très différentes. L'Accusation essaie de

9 se servir d'un témoin pour obtenir les idées d'un autre témoin.

10 M. SCOTT : [interprétation] Je répète ma question.

11 Q. Monsieur, est-ce qu'en 1994 un moment est arrivé où vous-même et M.

12 Mesic avez quitté le gouvernement ainsi que le parti politique connu sous

13 le nom de HDZ ?

14 R. Oui. C'est une chose bien connue. Nous n'étions pas d'accord avec la

15 politique menée à l'époque et nous ne pouvions, donc, pas demeurer au sein

16 du HDZ. Ils m'ont expulsé en tant que membre de Feral Tribune et de Globus

17 -- sur la base d'article de Feral Tribune et de Globus. Quant à M. Mesic,

18 il est entré dans un autre parti politique créé par lui et il n'a donc pas

19 été exclu au terme des mêmes dispositions existant au sein de l'Union

20 démocratique croate, le HDZ.

21 Q. Pouvez-vous nous donner une date approximative ? Je ne vous demande pas

22 le jour exact, mais le mois où vous avez quitté le HDZ.

23 R. Je crois que j'ai été exclu à peu près le 20 avril parce que le 25 nous

24 avons déjà créé un nouveau parti, le parti des démocrates croates

25 indépendants. C'est à peu près le 20, en tout cas, entre le 20 et le 25

26 j'ai été exclu du HDZ.

27 Q. Monsieur, il y a quelques instants vous avez dit que chacun savait bien

28 que vous n'étiez pas d'accord avec la politique en vigueur à l'époque et

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1 qu'en conséquence vous ne pouviez pas demeurer au sein du HDZ. Pourriez-

2 vous dire aux Juges quelle était la politique à laquelle vous vous

3 opposiez ?

4 R. Nous n'étions pas d'accord avec la politique menée avant tout à l'égard

5 de la Bosnie-Herzégovine. Puis, deuxièmement, nous n'étions pas non plus

6 d'accord avec le fonctionnement juridique du gouvernement croate, c'est-à-

7 dire qu'il n'y avait de réaction suffisante par rapport à certains crimes

8 qui ont été commis dans cette période. Troisièmement, il y avait des

9 aspects intérieurs aux partis qui ne sont peut-être pas les plus importants

10 mais nous n'étions pas d'accord avec la façon autoritaire dont le partie

11 était dirigé.

12 Q. La manière autoritaire dont le parti avez-vous dit, s'agissait-il du

13 HDZ ? Est-ce bien du HDZ que vous parlez ?

14 R. Oui, du HDZ, oui.

15 Q. Qui dirigeait le parti d'une manière autoritaire ?

16 R. Cela signifie qu'il prenait les décisions sans consultation. Cela

17 signifie que d'une manière ou d'une autre il écartait quelque peu ses

18 collaborateurs qui étaient comme lui membres du parti, y compris les plus

19 proches.

20 Q. Quand vous dites "il", de quelle personne parlez-vous, Monsieur ?

21 R. Je parle du président Tudjman. Si j'ai bien compris la question qui

22 m'était posée elle consistait à me demander en quoi je n'étais pas d'accord

23 avec le président Tudjman. Alors, je réponds premièrement, sur la politique

24 menée au sujet de la Bosnie-Herzégovine. Deuxièmement, sur le

25 fonctionnement juridique et judiciaire de la République de Croatie.

26 Troisièmement, un problème lié à des questions de relations internes au

27 parti.

28 Q. Bien, parlons du premier motif que vous venez d'invoquer à savoir la

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1 politique menée par le président Tudjman eu égard à la Bosnie-Herzégovine.

2 Pourriez-vous nous dire quelle était votre position et celle de M. Mesic

3 par rapport à celle du président Tudjman vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine

4 et en quoi ces positions divergeaient ?

5 M. MURPHY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais avant

6 que le témoin ne réponde, pourrions-nous entendre une précision au sujet de

7 la période ? Car le témoin dit qu'il avait quitté le parti en 1994, mais

8 cela serait intéressait de savoir à quelle période exactement sont reliées

9 les objections ou les oppositions par rapport au parti.

10 M. SCOTT : [interprétation] Nous y viendrons. J'aimerais que le témoin

11 précise d'abord ses motifs de désaccords, après quoi, je lui demanderai

12 dans quelle période ces désaccords ont existé.

13 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous, je vous prie, répondre à la question

14 que j'ai posée.

15 M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, c'est là que réside le

16 problème. Nous ne sommes pas tout à fait sûr que cela soit logique de

17 procéder ainsi. D'ailleurs, à moins que M. Scott n'établisse le fondement,

18 la réponse pourrait être non pertinente.

19 M. SCOTT : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais - s'il y a un désaccord - il y a une

21 date où le désaccord est concrétisé. Donc, il vaut mieux partir d'une date,

22 puis après, expliquer le désaccord.

23 M. SCOTT : [interprétation]

24 Q. Monsieur, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre à quel moment

25 votre désaccord a commencé et jusqu'à quand il a continué ? Pourriez-vous

26 tracer l'historique en quelques mots de ce désaccord ?

27 R. Cela donnerait lieu à l'écriture d'un roman entier. Je peux, bien sûr,

28 citer un certain nombre de points qui ont scellé le début de ce désaccord

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1 en mettant l'accent, notamment, sur la direction qui a pris le pouvoir le

2 30 mai 1990. A ce moment-là, nous n'avions absolument aucune divergence

3 interne. Nous étions tous d'accord sur la politique à mener. Les

4 divergences ont commencé plus tard. Nos rapports entre notre direction et

5 la direction de la Bosnie-Herzégovine étaient, tout à fait, corrects au

6 début. Moi-même, chef du gouvernement croate, j'avais une coopération, une

7 collaboration, tout à fait, satisfaisante au début avec la présidence de la

8 Bosnie-Herzégovine, ainsi qu'avec la direction du gouvernement bosniaque.

9 Q. Arrêtons-nous un instant car nous devrions tirer un certain nombre de

10 points au claire. Vous venez de parler de Pelivan, était-il premier

11 ministre de Bosnie-Herzégovine, à cette époque-là ? C'est bien cela ?

12 R. Oui.

13 Q. C'était un Croate.

14 R. Je ne lui cherchais pas de poux dans la tête.

15 Q. Très bien. Donc, vous avez dit qu'au début la situation était, tout à

16 fait, satisfaisante. Mais, en réponse à la question posée par le président

17 de la Chambre, pourriez-vous dire à quel moment vous avez commencé à voir

18 apparaître les ferments de cette divergence par rapport à la politique

19 menée par le gouvernement croate, vis-à-vis, de la Bosnie-Herzégovine ?

20 R. Ces divergences ont vu le jour au moment des premières discussions

21 menées entre le président Tudjman et Milosevic; si je ne m'abuse, cela se

22 passait le 25 mars 1991. Cette réunion aurait dû se dérouler avec quatre

23 participants, c'est-à-dire, en présence de

24 M. Mesic, de Croatie, ainsi qu'en présence du vice-président de la

25 présidence fédérale de Yougoslavie de l'époque. Quel était donc son nom ?

26 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Jovic.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Jovic. Merci de m'avoir soufflé le nom. Donc,

28 M. Jovic aurait dû participer à cette réunion, mais un accord a été conclu

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1 entre le président Tudjman et le président Milosevic. Avant le début de

2 cette réunion, ils ont décidé de se réunir entre quatre yeux et donc, M.

3 Jovic et M. Mesic n'ont pu participer à cette réunion.

4 M. SCOTT : [interprétation]

5 Q. Donc, ces divergences ou désaccords se sont poursuivis à partir de

6 cette date-là, jusqu'en 1991 et, à peu près, en avril 1991 que vous avez

7 quitté vos fonctions, n'est-ce pas ?

8 R. Oui, exact. Mais il y a eu des hauts et des bas selon les périodes.

9 Quelqu'un a parlé de dates il y a quelques instants et je considère qu'il

10 est particulièrement important de mettre l'accent sur la date exacte de tel

11 ou tel événement si nous voulons aborder ces divers événements de façon

12 réaliste.

13 C'est à la réunion dont je viens de parler qui s'est tenue entre

14 Milosevic et le président Tudjman. Le président est rentré et il n'a fait

15 connaître le problème à aucune réunion élargie, devant aucun auditoire

16 assez large. Il m'en a parlé à moi. Je crois qu'il en a parlé au président

17 Mesic. Est-ce qu'il en a parlé à quelqu'un d'autre ? Je ne sais pas. Mais à

18 nous deux, il a parlé de ce qui a été discuté lors de cette réunion. Il a

19 dit : "Premièrement, qu'il s'était mis d'accord tous les deux sur la

20 question de la division de la Bosnie-Herzégovine," et c'est tout, il n'est

21 pas rentré dans les détails. Il était très content des premières

22 discussions qu'il a eues sur ce point avec Milosevic.

23 Q. J'aimerais parce que nous allons revenir sur ce point dans

24 quelques instants, mais, il y a quelques minutes, je vous ai posé une

25 question. Après quoi, nous avons parlé de précision de dates. Donc, je

26 reviens maintenant à cette question que je vous ai posée il y a quelques

27 minutes. Il serait bon que vous résumiez l'intention des Juges, les sujets

28 que vous avez abordés ultérieurement dans votre déposition. Donc, quelle

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1 était la nature exacte des désaccords ou des divergences entre votre

2 position et la position du président Tudjman, vis-à-vis, de la Bosnie-

3 Herzégovine ?

4 R. Sur le fonds, cette divergence venait du fait que, moi-même et

5 Mesic, quand nous étions d'accord lui et moi, avons décidé qu'il fallait

6 reconnaître les frontières qui étaient celle de LAVNOJ, du Conseil de la

7 Résistance, à savoir les frontières de l'ancienne République de la

8 Yougoslavie socialiste. Nous pensons qu'il n'était ni réaliste ni

9 acceptable de modifier ces frontières. Cela, c'était le point de désaccord

10 principal.

11 Q. M. Tudjman avait une position différente sur le tracé des

12 frontières ?

13 R. Le seul simple fait qu'il ait discuté avec Milosevic au sujet de

14 la division de ce territoire, ce fait a lui seul montre qu'il avait une

15 position différente, à ce moment-là, bien sûr, car je parle de ce moment-

16 là.

17 Q. En dehors, des frontières, est-ce que vous aviez d'autres divergences

18 avec les grandes lignes de la politique de M. Tudjman ?

19 R. Bien, à cette époque-là, je ne pense pas que ces autres divergences

20 existaient déjà. Nous parlons de 1990, date à laquelle l'équipe qui avait

21 pris ces fonctions, à la tête du gouvernement le 30 mai 1990, fonctionnait

22 encore. Elle était en train de se familiariser avec ces fonctions. Donc, il

23 n'y avait pas de divergences fondamentales jusqu'à une certaine date, en

24 1991 ?

25 Q. Oui, je vous demande de récapituler rapidement les divergences qui se

26 sont développées à partir de 1991 et jusqu'à votre départ du gouvernement

27 en 1994 ?

28 R. Si nous partons de là, je dirais que l'accord entre Tudjman et

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1 Milosevic avait pour but la division de la Bosnie-Herzégovine. Ensuite,

2 arrive une autre date importante, à savoir, le référendum organisé en

3 Bosnie-Herzégovine, référendum au cours duquel les Musulmans, les Croates

4 et les Serbes étaient censés s'exprimer pour dire si j'étais favorable à

5 une Bosnie-Herzégovine unifiée à l'intérieure des frontières de l'AVNOJ,

6 donc, des frontières définies par le Conseil de la Résistance ou pas. Donc,

7 cette date a été un moment tout à fait significatif dans l'évolution des

8 relations, des rapports que nous avions avec la Bosnie-Herzégovine. Il y

9 avait en Bosnie-Herzégovine une partie de la population, des Croates qui

10 ont défendu la position de boycotter le référendum comme avaient décidé de

11 le faire, les Serbes de façon à éviter de répondre à la question posée dans

12 le cadre de ce référendum, à savoir est-ce que vous êtes favorable à une

13 Bosnie-Herzégovine unifiée ? Le président Tudjman, cela, il faut le

14 souligner. Le président Tudjman, à ce moment-là, a adopté la ligne de

15 conduite que nous-mêmes défendions depuis pas mal de temps, à savoir, une

16 Bosnie-Herzégovine unifiée. Là, il faut être objectif. Je ne suis pas venu

17 ici pour reprocher au président Tudjman quelque chose qui ne mérite pas

18 qu'on lui reproche, mais je décris quelle était la politique qui était en

19 train de se mettre en place à une date déterminée.

20 Au moment où les Croates ont pris part dans le référendum, comment se

21 prononçait par rapport à la question du référendum le président Tudjman, il

22 a préconisé que les Croates, en même temps que les Musulmans, votent au

23 cours de ce référendum alors que les Serbes avaient clairement décidé de

24 boycotter. Le résultat est bien connu puisque ce résultat a tourné autour

25 de 66 % de voix favorables à une Bosnie-Herzégovine unifiée. Je souligne ce

26 moment, cette date, parce que la décision prise par le président Tudjman, à

27 l'époque, qui a encouragé les Croates à voter au cours de ce référendum est

28 contraire à tous les accords qu'il avait pu conclure au préalable avec

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1 Milosevic au sujet de la division de la Bosnie-Herzégovine et à tout ce

2 qu'il disait à ce sujet dans la période antérieure.

3 Q. Bien. Nous venons de parler de 1992, mais j'aimerais que nous

4 remontions un peu plus en arrière dans le temps. Vous avez évoqué la

5 réunion de Karadjordjevo, vous avez dit qu'au départ, un certain nombre de

6 personnes devaient y participer. Pourriez-vous reprendre le fil de votre

7 déposition là où vous l'avez laissée quand vous avez cessé parlé de cette

8 réunion de Karadjordjevo en mars 1991 et nous en dire un peu plus à ce

9 sujet ?

10 R. Je n'ai aucune information au sujet de cette rencontre. La seule chose

11 que j'en sais c'est ce que le président m'a fait savoir à l'issue de cette

12 rencontre et cela je l'ai déjà dit, à savoir qu'ils se sont entendus de

13 façon générale sur le comportement qu'ils auraient vis-à-vis de la Bosnie-

14 Herzégovine et sur la façon dont celle-ci serait divisée. Ensuite, dans la

15 période ultérieure, il y a eu d'autres signes de cela, je crois que nous en

16 parlerons plus tard.

17 Q. Que vous a dit d'autre le président Tudjman au sujet de sa rencontre

18 avec Milosevic, à ce moment-là, quels ont été les autres points dont ils

19 ont discutés ?

20 R. Puisque j'ai vu que le président Tudjman était très content à l'issue

21 de cette rencontre, j'en ai tiré une conclusion et cette conclusion c'était

22 que Milosevic était sans doute aussi content que le président Tudjman car

23 ils ont décidé, tous les deux, de mener la politique qui leur permettrait

24 de mettre en application l'accord général qui s'était établi entre eux.

25 Q. Est-ce que le thème du Kosovo a été abordé dans la rencontre, selon ce

26 que le président Tudjman vous en a rapporté ?

27 R. Oui.

28 Q. Qu'a-t-il été dit à ce sujet ?

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1 R. Le président Tudjman, à son retour de cette rencontre, m'a dit à moi et

2 il l'a dit aussi à Milosevic, que la question du Kosovo était une affaire

3 interne de l'Etat de Serbie et que, par conséquent, il ne voulait pas se

4 mêler de cette question. Milosevic n'a jamais fait de déclaration publique

5 quant au fait qu'une question interno-serbe, qu'une question intérieure

6 pour les Serbes pourrait être une question pour l'Etat de Croatie

7 également, ce qui aurait signifié qu'il y aurait un abord mutuel de la

8 question, une question intérieure pour l'un pourrait être une question

9 d'intérêt pour l'autre et vice versa. Mais le président Tudjman a dit que

10 la question des Serbes de Croatie était l'affaire interne de l'Etat de

11 Croatie. Donc, en signe de confirmation de cela, nous voyons que le

12 président Tudjman a cédé devant Milosevic eu égard au Kosovo, et ce signal

13 c'est le fait que, jusqu'à ce moment-là, il y avait à la radio croate une

14 émission qui était destinée au Kosovo. Quelques jours après son retour de

15 la rencontre, dont je suis en train de parler, cette émission de la radio

16 croate à destination du Kosovo a été interrompue, ce qui tout de même était

17 un signe valable que quelque chose s'était passé lors de cette réunion

18 entre les deux hommes.

19 Q. Vous nous avez dit que quelque chose s'était passé et que le président

20 Tudjman vous avait rapporté que la situation du Kosovo et celle des Serbes

21 en Croatie avait été abordée au cours de cette rencontre. Mais que vous a-

22 t-il dit sur ce qu'ils ont discuté l'un et l'autre ?

23 R. Je ne sais pas, ce qu'ils ont discuté, je n'étais pas présent. Mais

24 logiquement --

25 Q. Est-ce que vous pourriez répondre à ma question, qu'est-ce que vous en

26 a rapporté le président Tudjman lorsqu'il est revenu, que vous a-t-il dit

27 qu'ils ont discuté sur ce point ?

28 R. Ce qui est un fait, c'est que le soulèvement des Serbes avait déjà eu

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1 lieu. Il avait commencé en 1990, il a duré depuis le mois d'août jusqu'à

2 cette rencontre dont je parle, donc, il est probable qu'ils aient discuté

3 de cette question. Le président Tudjman a simplement indiqué la chose

4 suivante. Il a dit : "La question des Serbes, nous allons la régler très

5 facilement avec lui," et en disant lui, il pensait à Milosevic. Il pensait

6 à Milosevic, mais il ne pensait pas aux autres représentants sur le

7 territoire de Croatie.

8 Q. Est-ce que le président Tudjman vous a rapporté une quelconque

9 discussion lors de cette rencontre au sujet des Serbes de Bosnie-

10 Herzégovine, peut-être ?

11 R. Non. Ce que nous avons compris, c'était ce qu'il convenait de sous-

12 entendre par le fait qu'il parlait d'un accord général, d'un accord de

13 principe et lui a donné quelques détails, mais, bien sûr, l'évolution des

14 événements a également été prise en compte par nous pour apprécier la

15 situation, pas seulement cette rencontre en tant que tel, parce que des

16 deux côtés une commission avait été mise en place, quand je dis des deux

17 côtés, je pense au côté serbe et au côté croate, et c'était une Commission

18 qui était censée s'occuper des Problèmes susceptibles de voir le jour en

19 cas de divisions de ce genre, avec études des cartes acceptables pour les

20 deux parties en particulier.

21 Q. Est-ce que, d'après ce que vous avez compris, Monsieur, la commission

22 ou le groupe qui a été mis en place avait pour but de définir les limites

23 de la Bosnie-Herzégovine ?

24 R. Oui, je pense que les membres de la commission pourraient en témoigner

25 mieux que moi encore. Mais, personnellement, car je ne pense pas que le

26 président Mesic ait été mieux informé que moi au sujet de la création de

27 cette commission, cette commission a été créée avec, siégeant dans cette

28 commission, Bilandzic et Sokol ainsi que deux autres représentants qui

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1 étaient toutes des personnalités bien connues dans la vie politique de

2 Croatie à l'époque et très proches du président Tudjman et de sa politique.

3 Donc, il a mis en place cette commission dans laquelle il avait pleinement

4 confiance et il pensait que cette commission allait travailler dans

5 l'intérêt de la Croatie, parallèlement à la commission que Milosevic avait

6 créée en Serbie dans le même but.

7 Q. Continuons maintenant à parler des divergences que vous avez évoquées

8 tout à l'heure avec le président Tudjman, divergences qui étaient les mêmes

9 de votre côté et du côté de M. Mesic. Vous avez dit, il y a quelques

10 instants, que l'un des sujets -- l'un des motifs de ces divergences, était

11 le tracé des frontières et que vous-même et M. Mesic pensiez que le tracé

12 AVNOJ, donc, du Conseil de la Résistance, devait être respecté. Est-ce que

13 le président Tudjman avait une position différente par rapport à ce modèle

14 pour les frontières de la Croatie ?

15 R. Il était très obsédé par l'histoire et le concept de banovina qui

16 existait en 1939, dans le cadre de l'accord de Cvetkovic-Macek. Cette

17 Banovina recouvrait une portion importante de la Bosnie-Herzégovine jusqu'à

18 Travnik à l'est et jusqu'à Sid également. Alors, le président Tudjman était

19 ce que j'appellerais obsédé par cette idée. Cette idée de l'aspect

20 géographique de la Croatie qui aurait été beaucoup plus intéressant pour la

21 population croate que l'aspect de croissant que la Croatie a aujourd'hui.

22 Quand je dis croissant, je parle de la forme de la Croatie sur la carte.

23 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, mais

24 j'aimerais que nous tirions au clair un élément que vous avez évoqué à

25 plusieurs reprises. Dans votre déposition jusqu'à présent, vous avez

26 utilisé le mot "AVNOJ" -- les frontières AVNOJ, c'est peut-être un concept

27 connu assez généralement, mais je crois qu'il serait important pour les

28 Juges de cette Chambre que vous définissiez exactement la signification de

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1 ce sigle AVNOJ, et je vous en remercie d'avance.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sigle, ce terme indique les frontières qui

3 existaient du temps de la Yougoslavie de Tito. C'étaient des frontières que

4 l'on qualifiait de frontières administratives entre les républiques de la

5 Yougoslavie. Par la suite, on a appelé ces frontières administratives les

6 frontières AVNOJ qui ont été mises en place et tracées par le Conseil de

7 Libération nationale antifasciste. Le président Tudjman a adhéré à ces

8 frontières ainsi que d'autres partiellement, en tout cas, celles-ci ont été

9 confirmées plus tard par la Commission Badinter qui a établi qu'à partir

10 d'un moment déterminé ces frontières allaient devenir les frontières de

11 l'Etat de Croatie. Nous nous souhaitions que les frontières soient celles-

12 ci de façon à ne pas troubler l'intégrité territoriale de façon à ne pas

13 déranger l'intégrité territoriale de l'Etat qui était une République de

14 l'ex-Yougoslavie.

15 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] C'est tout à fait clair. Je vous

16 remercie de cet éclaircissement.

17 M. SCOTT : [interprétation]

18 Q. Monsieur, pouvez-vous nous dire, lorsque le président Tudjman est

19 rentré de Karadjordjevo, s'il estimait que par le biais de son accord avec

20 Milosevic, les frontières de la Banovina pourraient être rétablies en

21 Bosnie ?

22 R. Non, parce que le président Tudjman n'était pas enthousiaste par

23 rapport à ces frontières puisqu'une nouvelle situation s'était créée. Dans

24 la Banovina croate, on ne trouvait ni l'Istria, ni la Baranja, à ce moment-

25 là. Or, c'étaient des régions que l'Etat croate tenait beaucoup à

26 conserver. Elle ne voulait pas que les frontières soient changées à ce

27 point. Donc, le président Tudjman n'a pas insisté pour que les frontières

28 de la Banovina soient établies en Croatie.

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1 Q. Une réunion dont nous avons parlé avec -- vous avez parlé à

2 Izetbegovic, au sujet de cette réunion de Karadjordjevo, est-ce que le

3 président Tudjman, lorsqu'il vous a raconté ce qui s'est passé -- est-ce

4 qu'il avait parlé de la position du président Izetbegovic si ces positions

5 avaient été considérées ou s'il y aurait des réunions par la suite avec le

6 président Izetbegovic de Bosnie ?

7 R. La réunion entre Tudjman et Milosevic, dont nous parlons ici, le

8 président Izetbegovic n'en savait rien. Ce n'est que par la suite qu'il a

9 répondu en demandant une explication, tant au président Tudjman qu'à

10 Milosevic, donc, il leur a demandé ce dont ils avaient discuté.

11 Q. Je reviens à votre question avant d'avancer. Je lis le compte rendu,

12 page 61, ligne 8, vous parlez d'une nouvelle situation qui avait surgi.

13 C'était quoi cette nouvelle situation ?

14 R. Je ne peux pas -- je ne sais pas exactement de quelle période vous

15 parlez. Est-ce que vous parlez de la situation après le référendum qui a eu

16 lieu le 29 février 1992 ?

17 Q. Je voulais parler de votre réponse à ma question il y a quelques

18 minutes et lorsque je vous posais la question sur les frontières. Vous avez

19 répondu : "Non, parce que le président Tudjman n'était pas très

20 enthousiasme par rapport à ces frontières."

21 Alors, on parlait d'une nouvelle situation, c'était quoi cette nouvelle

22 situation ?

23 R. Cette nouvelle situation c'était que les frontières de la Banovina

24 croate n'étaient pas réalistes dans la nouvelle situation où la Croatie

25 avait acquis l'Istria après la Deuxième guerre mondiale et Baranja avait

26 aussi fait partie de la République socialiste de la Yougoslavie. C'était

27 vraiment trop important la Banovina et l'Istria ne pouvaient pas se

28 justifier.

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1 Q. Ce n'était pas justifié, ce n'était pas réaliste pour vous ou n'était-

2 ce point réaliste et justifié par vous, ou est-ce que c'est le président

3 Tudjman qui n'acceptait pas ce point de vue ?

4 R. Je pense que c'était simplement la réalité. Pas ma réalité ou sa

5 réalité. C'était la réalité de défendre les frontières de la Banovina

6 croate auraient appliquer des modifications des frontières vis-à-vis de

7 l'Istria et de la Baranja, ou alors est-ce que les frontières de l'AVNOJ,

8 le Conseil antifasciste devait être accepté ? Cela c'étaient les frontières

9 que tout le monde avait accepté -- toutes les républiques avaient accepté.

10 Q. Parfait. Avançons et parlons du référendum puisqu'à plusieurs reprises

11 vous avez parlé d'un référendum qui avait été proposé au sujet de

12 l'indépendance de la Bosnie. D'après vous, ces événements menaient à quoi ?

13 R. Personnellement, j'étais très satisfait, et tous ceux qui étaient en

14 faveur des frontières AVNOJ l'étaient aussi. Nous étions satisfaits du fait

15 que le président Tudjman avait décidé que lors du référendum les Croates

16 devaient faire front avec les Musulmans pour l'établissement de cette

17 frontière. C'était vraiment un point crucial. Pourquoi ce point crucial

18 est-il arrivé ? C'est que les personnes peuvent l'évaluer de différentes

19 manières. Cela s'est déroulé du 25 mars au 29 septembre 1992, donc, c'est

20 moins d'une année. D'une manière publique ou privée dans des cercles plus

21 ou moins restreints, tout cela a été plus ou moins caché par l'accord qui a

22 eu lieu entre Tudjman et Milosevic au sujet du changement des frontières.

23 Q. Quelles étaient les frontières qui allaient changer suite à l'accord

24 entre Milosevic et le président Tudjman ?

25 R. La frontière de la Bosnie devait changer. Quelle autre frontière cela

26 aurait-il pu être ? La commission, qui travaillait à ce sujet, a dû faire

27 face à des questions qui étaient impossible de résoudre. Les Serbes

28 exigeaient que Knin entre dans leur sphère et les Croates disaient qu'ils

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1 n'allaient pas donner un pouce ni un centimètre carré du territoire croate.

2 Il s'agissait de point de vue diamétralement opposé -- qui était impossible

3 de réconcilier lors de ces négociations.

4 Q. Quelles seraient les frontières que la Croatie allait recevoir de la

5 Serbie suite à cet accord entre Milosevic et Tudjman ?

6 R. C'est une réponse tout à fait théorique ou hypothétique que je vais

7 vous donner. C'est là que le réside le problème précisément. La question

8 d'une division interne de la Bosnie était une question très complexe, et

9 les commissions allaient rencontrer les mêmes problèmes que ceux rencontrés

10 dans la Commission qui était chargée de Limiter les frontières vis-à-vis

11 des Serbes.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas.

13 M. KARNAVAS : [interprétation] Nous n'avons pas entendu qui était dans les

14 commissions du côté des Serbes. Je comprends que le témoin est très lié aux

15 services de sécurité et qu'il aurait dû en entendre parler de cette réunion

16 en tête-à-tête avec le président Tudjman. Alors, peut-être qu'il peut nous

17 indiquer des noms ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. C'est vrai que j'avais des liens avec les

19 services de sécurité, mais je n'ai jamais fait d'enquête sur vous. Donc, je

20 ne peux pas me souvenir de tous ces noms. Il y avait les noms qui étaient

21 publiés du côté serbe,

22 M. Avramov, M. Mihajlovic et deux autres personnes. Donc cela fait quatre

23 personnes qui ont été nommées par M. Milosevic et qui faisaient partie de

24 la commission serbe. Mais, si vous faites un effort, vous allez trouver

25 cela dans les documents et dans le livre, parce que ces commissions étaient

26 publiques.

27 M. SCOTT : [interprétation] Avec l'aide du Greffe, je voudrais que l'on

28 montre la pièce P 00037 au témoin, s'il vous plaît.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous pouvez zoomer un peu plus,

2 s'il vous plaît, pour que ce soit plus grand ?

3 M. SCOTT : [interprétation]

4 Q. La première page, s'il vous plaît, pour commencer.

5 R. Oui, oui.

6 Q. Vous voyez ?

7 R. Oui, oui, je le vois.

8 Q. Il s'agit du "Compte rendu de la 7e session du Conseil d'Etat suprême

9 de la République de Croatie du 8 juin 1991."

10 Pouvez-vous dire aux Juges en quoi consistait ce Conseil suprême ?

11 R. Le Conseil suprême d'Etat était nommé par le président de l'Etat. Selon

12 la constitution de la République de Croatie, il avait le droit de nommer

13 différentes entités, différents organes secondaires pour l'aider à mener à

14 bien ses devoirs de président. Un de ces organes était le Conseil d'Etat de

15 la République de Croatie. Ce conseil était nommé et non élu. Il était nommé

16 par le président de la république.

17 Q. Etiez-vous membre de ce Conseil suprême d'Etat à partir de juin 1991 ?

18 R. Oui, oui. J'étais un membre nommé, je faisais partie de ce Conseil

19 suprême. Je pense que vous avez la liste et que je n'ai pas besoin de

20 m'étendre sur cette question.

21 Q. Lors de cette réunion, si vous regardez le compte rendu, cette séance a

22 été présidée par Franjo Tudjman, président de la République de Croatie,

23 ensuite on dit que le président prend la parole, et qu'il dit que l'ordre

24 du jour dépendait de vous; est-ce correct ? Est-ce que vous voyez cela ?

25 R. Oui.

26 M. SCOTT : [interprétation] Je voudrais demander au Greffe de passer à la

27 page 5, s'il vous plaît.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est trop petit.

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1 M. SCOTT : [interprétation]

2 Q. Vous voyez maintenant ?

3 R. Oui.

4 Q. Si vous prenez le premier paragraphe de cette page 5 qui dit :

5 "Maintenant il est reconnu, nous devons discuter de la question de la

6 manière d'établir une alliance ou de rompre, parce que comme vous le savez,

7 au début, les Serbes disaient qu'il devait y avoir une alliance

8 confédérale, et qu'ils ne pouvaient pas accepter les frontières actuelles."

9 Ensuite, le texte se poursuit, et au paragraphe suivant on

10 dit : "Voilà la réalité que nous ne pouvons pas passer sous silence.

11 Messieurs, si nous optons pour l'indépendance de la Croatie, soit dans le

12 sein d'une alliance ou d'une indépendance totale, les frontières de la

13 Croatie telles qu'elles existent aujourd'hui sont absurdes et impossibles

14 en termes administratifs et de commerce lorsqu'il s'agit de penser à la

15 protection de ces frontières de la Croatie. Par conséquent, ce n'est pas

16 notre point de vue, ni celui des Serbes et c'est cela le problème. C'est

17 qu'il faut trouver une solution essentielle à ce problème, n'est-ce pas ?

18 Parce que l'établissement de la Bosnie, les frontières de la Bosnie-

19 Herzégovine après la Deuxième guerre mondiale sont d'une absurdité

20 historique."

21 S'agit-il de ce qu'a dit le président Tudjman, si vous prenez le compte

22 rendu. Donc, les frontières existantes de la Croatie étaient absurdes,

23 comme l'a dit le président Tudjman ici. Alors, quelles étaient les

24 frontières que souhaitait le président Tudjman ?

25 R. Le président --

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Un moment. Pour que je puisse comprendre les

27 questions, ce Conseil suprême, il y avait, Monsieur, combien de personnes

28 autour de la table lorsqu'il y avait des questions qui étaient évoquées ?

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1 Vous étiez combien ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que nous étions 10, 12. Cela se

3 trouve dans le compte rendu, peut-être à la première page. Je n'ai pas ce

4 compte rendu sous les yeux, mais vous pouvez voir les noms des personnes

5 qui participaient à ce conseil.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Kovacic.

7 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais savoir si

8 l'Accusation a donné une traduction en anglais à la Chambre, une traduction

9 en anglais de toute cette session ou simplement une partie, parce que j'ai

10 l'impression qu'il n'y a qu'une partie qui a été traduite. Cela pourrait

11 être un problème par la suite lorsque nous allons poser des questions sur

12 d'autres parties de cette réunion, et comme vous l'avez dit, on devrait

13 avoir le document dans sa totalité.

14 M. SCOTT : [interprétation] Il y a des traductions partielles du document.

15 C'est un document qui est très, très long, et comme la Chambre le sait, il

16 y a beaucoup de demandes que l'on fait au service de traduction de cette

17 institution, et le service de traduction ne dispose pas de ressources

18 suffisantes pour traduire absolument tout. Maintenant, ceci étant dit, la

19 Défense dispose du document dans sa totalité, comme la Chambre aussi, en

20 B/C/S, et depuis plusieurs mois, et s'il y a des choses à traduire, la

21 Défense peut demander la traduction.

22 M. KOVACIC : [interprétation] Oui, je comprends très bien, et je comprends

23 que c'est trop exigé des services de traduction ou d'interprétation.

24 Cependant, le problème, comme vous l'avez dit, Monsieur le Président, c'est

25 que ce document va être présenté dans sa totalité, et vous verrez d'ici peu

26 que très souvent ces comptes rendus contiennent un sujet qui est discuté

27 pendant une partie de la réunion et 20 ou 25 pages plus tard, ce qui

28 correspond à une heure plus tard dans la réalité, la même question est

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1 soulevée. Donc, je ne vois pas où est le problème de la traduction. Je me

2 souviens dans une autre affaire, lorsqu'on présentait des documents pour la

3 première fois, c'était au cours de l'été 2000, et ces documents avaient été

4 traduits.

5 M. SCOTT : [interprétation] Le problème, Monsieur le Président, c'est que

6 les ressources de la traduction ne permettent pas de traduire tous ces

7 documents si ce n'est pas pertinent. Vous verrez pour d'autres documents

8 qu'il y a certaines pages dont on parle --

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Nous comprenons le problème. Posez votre

10 question, et si la Défense veut appeler l'attention des Juges sur d'autres

11 parties du document, elle aura le temps de le faire lors du contre-

12 interrogatoire. Là, il y a 11 pages -- enfin, il y a neuf pages. Les neuf

13 premières pages sont traduites. Donc, vous posez vos questions sur les neuf

14 premières pages, et on verra. La Défense appellera notre attention sur ce

15 qui manque.

16 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il y a encore

17 quelques pages plus loin dans le document. Je vais terminer sur ce point,

18 et comme l'a dit Me Kovacic, oui, c'est vrai, ce sont des questions qui

19 surgissent, ensuite, quelques pages plus loin ou quelques minutes ou heures

20 plus tard dans la réalité. Donc, nous verrons cela le moment venu.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, la question est

22 comment M. --

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous laissez l'Accusation

24 continuer, et vous aurez tout loisir dans vos questions de contredire;

25 sinon, on va perdre du temps qui ne sert à rien.

26 Allez-y, Monsieur Scott.

27 M. SCOTT : [interprétation]

28 Q. Je reviens à une question qui se trouve plus sur l'écran. Mais si

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1 d'après le président Tudjman, ces frontières de la Croatie étaient

2 absurdes, les frontières de 1991, quelles étaient les frontières que

3 souhaitait le président Tudjman à ce moment-là ?

4 R. Ce qu'il déclarait, c'était que ces frontières n'étaient pas naturelles

5 pour la Croatie en terme de communication, de commerce, de trafic et

6 cetera. Cependant, c'était la réalité, on ne pouvait pas la modifier, du

7 moins pas nous dans notre ensemble, même s'il y avait des personnes qui

8 souhaitaient modifier ces frontières. Le président a même dit que ce

9 croissant que vous voyez sur la carte n'est pas naturel, qu'il fallait

10 l'élargir, le faire grossir ce croissant. Lorsqu'on parlait de faire

11 grossir, ce qu'on voulait dire dans la pratique, c'était d'ajouter un autre

12 territoire pour que ce croissant ait une forme un peu plus normale. Mais

13 c'étaient simplement des souhaits, c'étaient des vœux qui existaient au

14 moment d'étudier les frontières naturelles de la Croatie. Mais en tant que

15 politique, nous avons toujours été réalistes, et comme nous étions

16 réalistes, j'ai dit qu'il ne fallait pas toucher aux frontières avenantes

17 et existantes, parce que cela mènerait à des conflits très larges sur le

18 territoire de l'ex-Yougoslavie.

19 Q. Le problème que nous avons ici, c'est que vous estimez que ces

20 frontières n'étaient pas réalistes. Je ne vous demande pas de nous dire si

21 les frontières n'étaient pas réalistes à votre avis, ce qu'il faut dire aux

22 Juges, c'est si le président Tudjman estimait que ces frontières n'étaient

23 pas réalistes ou qu'elles étaient absurdes, quelles étaient celles qu'il

24 souhaitait, que vous estimiez qu'elles étaient réalistes ou non ?

25 R. Je ne pense pas qu'il ait jamais dit précisément quelles étaient les

26 frontières qu'il souhaitait, nulle part, dans un document. Ce que j'ai dit

27 sur l'élargissent du croissant, c'est quelque chose que l'on peut émettre

28 comme conclusion logique, mais ce n'est pas basé sur des documents. Nous ne

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1 pouvons pas dire exactement quelles étaient les frontières qu'il

2 souhaitait.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Le "croissant", c'est vous qui le citez en exemple

4 ou c'est M. Tudjman qui a évoqué cette question du croissant ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Tudjman à la télévision croate a parlé de

6 cette forme de croissant. Il a dit que ce n'était pas une forme naturelle

7 pour une frontière. A partir de ce moment-là, ce croissant réapparaissait

8 dans toutes nos conversations.

9 M. SCOTT : [interprétation] Avec l'aide du greffier, pouvons passer la page

10 8 de ce document, s'il vous plaît.

11 Q. Est-ce que vous le voyez, Monsieur le Témoin ? Pouvez-vous le lire,

12 Monsieur Manolic ?

13 R. Oui, je vois.

14 Q. En haut de la page, vous parlez de Stipe Mesic qui dit : "Nous allons

15 entamer les discussions sur le problème de la Bosnie, c'est-à-dire, le

16 problème de la fixation des frontières de la République croate. A ce sujet,

17 j'ai eu une réunion avec les représentants croates et avec la direction de

18 l'Union démocratique croate, environ dix personnes qui sont tout à fait

19 favorables à notre position." Vous leur avez dit que les politiques croates

20 en Bosnie-Herzégovine doivent se préparer à être prêtes avec les événements

21 qui allaient survenir. Si jamais il y avait une voie démocratique comme

22 celle qui avait fait l'objet d'un accord, qu'il allait sans dire que cela

23 était tout à fait correct. Mais s'ils allaient dans une autre voie, à ce

24 moment-là, il faudrait prendre de décisions, des décisions croates, comme

25 les politiques serbes prendraient les leurs. Qu'entendez-vous par décision

26 croate ?

27 R. Tout d'abord, d'emblée, on dit que le président Mesic allait assumer la

28 présidence de la Yougoslavie, et on sait que la Serbie et Milosevic avaient

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1 résisté face à l'idée d'un Croate qui devient donc le président de la

2 présidence yougoslave jusqu'à moment où la communauté internationale a fait

3 pression sur Milosevic et qu'il a accepté d'avoir le président Mesic pour

4 assumer la présidence. Donc, M. Mesic est devenu président de la

5 présidence. Mais, je ne me souviens pas de la date exacte, mais vous

6 trouvez cette note dans les documents.

7 Pouvez-vous répéter votre deuxième question, s'il vous plaît ?

8 Q. Je crois que nous allons avoir une pause maintenant, Monsieur Manolic.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous reprendrons dans 20 minutes exactement.

10 --- L'audience est suspendue à 17 heures 28.

11 --- L'audience est reprise à 17 heures 49.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. Monsieur Manolic,

13 comme la climatisation ne marche pas très bien, si vous avez trop chaud ou

14 si vous êtes fatigué, Monsieur Manolic, n'hésitez pas à nous dire et à ce

15 moment-là on pourra raccourcir la durée. Si vous ne vous sentez pas bien,

16 n'hésitez pas à nous le dire parce que vu la température extérieure et

17 comme la climatisation n'est pas performante aujourd'hui. Voilà, donc si

18 cela ne va pas vous ne le dites.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Merci beaucoup.

20 M. SCOTT : [interprétation] Je voudrais demander au Greffe de nous montrer

21 la page 38 du document.

22 Q. Je voudrais attirer votre attention sur le bas de la page. Là, où il

23 est écrit "Le président," vers la fin du paragraphe que vous voyez sur

24 votre écran par le système e-court. Si vous pouvez voir cela, Monsieur, il

25 est écrit : "C'est pourquoi la solution se trouve dans ce qui a été c'est-

26 à-dire, la partition de la Bosnie-Herzégovine et si nous y parvenons à ce

27 moment-là, on pourrait trouver la base d'une alliance de républiques

28 souveraines et d'Etats souverains. Je crois que nous devrions y parvenir

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1 parce que c'est dans l'intérêt --"

2 M. SCOTT : [interprétation] On passe à la page suivante, s'il vous plaît.

3 Q. Donc je pense que nous allons y parvenir parce que cela est de

4 l'intérêt de la Serbie et de la Croatie où l'élément musulman n'a qu'une

5 seule solution. C'est d'accepter cette solution même si elle n'est pas

6 facile à trouver.

7 Monsieur, pouvez-vous nous dire comment cette déclaration trouve la place

8 dans qu'a discuté le président Tudjman avec

9 M. Milosevic à Karadjordjevo ?

10 R. Je ne pense pas que cela a un lien avec la réunion et l'accord qui a eu

11 à Karadjordjevo. Il s'agit de la question de savoir si on allait conserver

12 la Fédération ou plutôt nous tourner vers un autre modèle qui serait la

13 Confédération. Il y a eu plusieurs propositions qui ont été faites

14 notamment par Izetbegovic et Gligorov. Ces propositions allaient dans le

15 sens de la Confédération pour les territoires de l'ex-Yougoslavie;

16 cependant, cela n'a jamais prospéré même si la Croatie, le président

17 Tudjman, ainsi que la Slovénie étaient favorables à une période de

18 transition de cinq à dix ans au cours de laquelle on y utiliserait un

19 modèle confédéral, et ainsi on éviterait tout conflit au sujet des

20 frontières et d'autres questions internes qui devaient être résolues en

21 utilisant justement ce modèle de Confédération. Ce qui voulait dire que

22 chaque république prendrait cette propre décision qui sera ensuite

23 harmonisée au niveau de la Confédération. Je ne sais pas si j'ai été

24 suffisamment clair.

25 Q. La Serbie a accepté mais elle a donné sa propre interprétation à la

26 création de cette Fédération démocratique et ils sont sûrs de ne pas

27 changer de position. Ce que le président Tudjman venait de dire c'était une

28 proposition d'Izetbegovic et Gligorov, c'est-à-dire que cela n'allait pas

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1 avancer. C'est pourquoi la solution se trouvait dans la partition de la

2 Bosnie-Herzégovine.

3 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas

4 d'accord. J'attends la traduction. Tout d'abord, M. Scott ne devrait pas

5 être témoin ici. Ce n'était pas à M. Scott de déposer. Il peut poser une

6 question et on a demandé au témoin d'examiner quelque chose qui était sorti

7 de son contexte. Je pense que ce serait mieux pour la Chambre si

8 l'Accusation posait des questions par rapport à qui est ce témoin et de

9 faire référence à ce qu'il a discuté avec

10 M. Izetbegovic, et peut-être donner plus de précision parce que ces

11 questions sont vitales.

12 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, c'est ce que j'ai voulu

13 faire. C'est de faire référence à la phrase et, comme le dit souvent Me

14 Karnavas, le témoin peut voir quel est le contexte général par rapport à ce

15 qu'il a dit. A la lumière de cette question j'allais revenir à ce que

16 j'avais dit auparavant. Il a dit que le président Tudjman dit : "La

17 solution réside là dans cette partition, la partition de Bosnie-

18 Herzégovine." C'était cela ma question.

19 Q. Pouvez-vous nous en parler ?

20 R. Oui. Mais je n'ai pas participé à cette discussion, donc, je ne peux

21 rien ajouter à ce qui est écrit ici. Mais, d'après le contexte général, à

22 ma connaissance il y avait des discussions au sujet de cet Etat confédéral

23 et on ne parlait pas de changer les frontières AVNOJ entre les républiques.

24 Cela n'allait pas dans ce sens-là. Cette proposition de Confédération, qui

25 était avancée par Gligorov et Izetbegovic, n'a pas été adoptée et on n'en

26 retrouve pas trace dans des discussions qui ont suivi. C'est comme la

27 proposition de la Slovénie et de la Croatie lorsqu'ils ont parlé de cette

28 idée de la Confédération.

Page 4296

1 Q. Si la Bosnie-Herzégovine était divisée comme le mentionne ici, comment

2 ne pas modifier les frontières AVNOJ ?

3 R. Bien, c'est absurde. Vous ne pouvez pas être en faveur des frontières

4 AVNOJ et vouloir les modifier. Cela c'est simplement une opinion qui a été

5 exprimée par quelqu'un - cette modification des frontières. Mais on sait

6 très bien et la Commission Badinter est confirmée. Le maintien de ces

7 frontières --

8 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il y a

9 un problème de linguistique ici parce que le Procureur utilise les mots,

10 "division aux partitions de la Bosnie-Herzégovine," alors que le terme qui

11 est utilisé dans le document c'est les mots "démarcation de la Bosnie-

12 Herzégovine", ou "la délimitation" ou "la définition". Donc, si vous lisez

13 le texte en B/C/S, on parle de "définition des frontières entre la Bosnie-

14 Herzégovine. La délimitation des trois entités nationales au sein de la

15 Bosnie-Herzégovine." Donc, c'est peut-être une question terminologique,

16 mais on ne parle pas ni de division, ni de partition de la Bosnie-

17 Herzégovine.

18 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous le permettez,

19 je voudrais faire une proposition qui pourrait nous faire résoudre ce

20 problème. J'ai lu beaucoup de ces comptes rendus et il y a des mots qui

21 manquent parce que s'est pris en sténo et alors, ce serait peut-être bien

22 lorsque le Procureur cite des paragraphes qui viennent d'une copie par

23 sténographie ce serait bien d'avoir la page dans sa totalité. Parce que, si

24 on voit une phrase après une autre, et on passe par l'interprétation -- par

25 la traduction, on arrive forcément à une situation qui vient d'être décrite

26 par Me Alaburic. Parfois, il nous faut dire quatre ou cinq fois ces phrases

27 et même plus avant de vraiment les comprendre -- avant d'en comprendre le

28 sens.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est peut-être plus facile pour moi de

2 trouver ma voie dans ces différents comptes rendus parce que j'en ai

3 l'expérience.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Il semble qu'il y a un problème important ici,

5 et c'est qu'en B/C/S, le terme serait "la définition de frontières" alors

6 que vous, vous évoquez "la division" ou "la partition", ce qui n'est pas

7 tout à fait la même chose. Alors, pouvez-vous reformuler votre question

8 auprès du témoin ?

9 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, s'il me suggère de

10 donner une copie papier à M. Manolic - copies de ces comptes rendus -

11 évidemment, je n'ai pas d'objection. Cela va nous permettre d'avancer.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je pense qu'il serait plus utile qu'il est le

13 texte en B/C/S sous les yeux.

14 M. SCOTT : [interprétation] D'accord.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, pendant qu'on cherche

16 ce texte, j'ai autre chose à souligner. A la page 38, le président Tudjman

17 dit : "Parfait, concluant sur cette question." Ensuite, il y a toute une

18 série de pages blanches avant qui n'ont pas été traduites. Alors, la

19 question est : comment pouvons-nous savoir ce qui a suivi cette

20 discussion ? C'est pourquoi il est très important pour nous de disposer de

21 la traduction en anglais et pour vous aussi c'est important d'avoir la

22 totalité du texte traduit parce que s'il faut tirer des conclusions, s'il

23 dit conclure sur cette affaire, mais cela suit toute une discussion,

24 évidemment, et si on a n'a pas cette discussion, c'est quand même important

25 d'en disposer et alors, je reviens à ma question précédente. Il faudrait

26 demander au témoin qui est Gligorov, et ce, à quoi consiste cette

27 discussion.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors, bien, Monsieur, vous avez entendu. Vous

Page 4298

1 avez cité M. Gligorov; qui est M. Gligorov ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Gligorov était le président de la Macédoine

3 au cours de cette période-là. C'est une des Etats de l'ex-Yougoslavie, ou

4 une des républiques de l'ex-Yougoslavie.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

6 Alors, Monsieur Scott, on va essayer d'aller de l'avant. Alors,

7 allez-y.

8 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

9 Q. A la lumière des éclaircissements et grâce à l'aide des conseils, et

10 notamment, à Me Alaburic, donc, si le mot utilisé c'est "délimitation", si

11 c'est cela qui posait le problème, nous allons remplacer ce mot en anglais,

12 "delineation", mais, lorsqu'on parle de cette délimitation, ce serait dans

13 l'intérêt de la Serbie et de la Croatie, alors que l'élément musulman n'a

14 qu'une seule issue, c'est d'accepter cette solution.

15 Alors, ici, lorsqu'on parle de cette délimitation, c'est laquelle ?

16 Donc, c'est dans l'intérêt de la Serbie et de la Croatie, mais pas des

17 Musulmans ?

18 R. Oui. Je pense que le moment était arrivé où Tudjman et Milosevic

19 étaient d'accord par rapport à une certaine délimitation de la Bosnie. Mais

20 je crois même que c'était une délimitation au sein de la Bosnie, c'est là-

21 dessus qu'ils insistaient, le président Tudjman et Milosevic, et je ne

22 pense pas qu'Izetbegovic était en dehors de toute cela; il a dû prendre

23 partie à cet exercice parce qu'il s'agissait du groupe ethnique musulman.

24 Q. Alors, plus loin dans le texte, page 47 du même document.

25 M. KARNAVAS : [interprétation] Avant cela, Monsieur le Président, c'est

26 très important. Pouvons-nous demander une précision ou un suivi à faire

27 parce qu'il dit qu'Izetbegovic était en dehors du groupe ?

28 M. SCOTT : [interprétation] Mais je pourrais poser la question pendant mon

Page 4299

1 interrogatoire principal, Monsieur le Président; j'allais la poser.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Posez-la.

3 M. SCOTT : [interprétation] Page 47, s'il vous plaît.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : La page en anglais ou en B/C/S ?

5 M. SCOTT : [interprétation] Dans la version électronique, ce devrait être

6 la même page 47 pour les deux langues, si j'ai bien compris. Enfin, c'est

7 ce qu'on m'a dit. En bas de cette page, si le Greffe peut descendre dans le

8 texte.

9 Q. Alors, si vous pouvez, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin, trouver au

10 milieu de la page la phrase qui dit : "Si nous parvenons à un accord sur

11 cette question très importantes de la partition entre la Croatie et la

12 Serbie, c'est-à-dire, la Bosnie-Herzégovine, si nous parvenons à des

13 frontières réalistes pour la République de Croatie et si ce problème des

14 Serbes en dehors de la Serbie est résolu et si la Serbie est satisfaite, à

15 ce moment-là, nous pouvons faire que la Serbie accepte ce genre de

16 fondation pour une association qui serait aussi acceptable pour nous et

17 pour les autres ou alors une séparation totale."

18 Est-ce que vous voyez cette phrase, Monsieur ?

19 R. Oui. C'est la présentation de souhaits différents quant à la manière de

20 résoudre les problèmes du territoire de l'ex-Yougoslavie, notamment, du

21 territoire de la Bosnie-Herzégovine. Ici, le président Tudjman présente son

22 propre point de vue qui dit qu'il faudrait d'abord résoudre la question des

23 relations tout comme le problème des Serbes dans les frontières croates et

24 cela s'arrête là, il n'y a plus de dilemme ici.

25 Q. La phrase que je viens de vous dire dit : "Si nous parvenons à un

26 accord sur cette question très importante entre la Croatie et la Serbie,"

27 pouvez-vous dire aux Juges quelle est cette question qui est très

28 importante et qui fait l'objet de contestations ?

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1 R. Cette question, c'était certainement la division interne, la

2 délimitation entre les différents groupes ethniques au sein de la Bosnie-

3 Herzégovine.

4 Q. La délimitation des frontières internes ? Comment cela peut-il affecter

5 la phrase suivante : "Les frontières réalistes pour la République de

6 Croatie ?"

7 R. Je pense qu'ils pensaient certainement à des mouvements qu'il fallait

8 opérer aux frontières AVNOJ vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine, mais

9 personne n'a parlé en termes très clairs. Nous pouvons simplement conclure

10 ainsi pour parvenir à un accord global entre la Serbie, la Croatie et la

11 Bosnie-Herzégovine qu'il fallait satisfaire certains intérêts, les intérêts

12 des Croates et des Serbes sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, ce

13 qui était évidemment contradictoire au point de vue ou à la position

14 d'Izetbegovic qui lui était favorable à une Bosnie-Herzégovine entière.

15 M. SCOTT : [interprétation] Très bien. Si Monsieur le Greffier pouvait nous

16 aider, je souhaite que l'on examine la pièce P 00068.

17 Q. Est-ce que vous voyez la première page, Monsieur ?

18 R. Oui, je la vois. Il est dit : "Procès-verbal."

19 Q. Oui. Il est dit : "Procès-verbal de la 36e session du Conseil suprême

20 de l'Etat, tenu le mardi 12 novembre 1991."

21 R. C'est cela.

22 Q. C'est le même organe d'Etat dont nous avons parlé, que nous avons vu

23 dans le dernier document ?

24 R. Oui.

25 Q. Encore une fois, la session est présidée par le Dr Franjo Tudjman qui

26 annonce : "Messieurs, j'ouvre la 36e session du Conseil suprême de l'Etat."

27 Ensuite, est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il s'agit au point 2 de

28 l'ordre du jour ?

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1 R. Question de la crise en Bosnie-Herzégovine.

2 Q. Je n'ai pas entendu l'interprétation.

3 L'INTERPRÈTE : La réponse était pratiquement inaudible.

4 R. Au point 2 de l'ordre du jour, il est dit : "La crise en Bosnie-

5 Herzégovine s'intensifie," sur l'intensification de la crise en Bosnie-

6 Herzégovine.

7 Q. Monsieur, est-ce que vous pouvez examiner la page 5 ?

8 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Greffier, pouvez-vous nous

9 afficher la page 5 du document, le paragraphe qui commence par les mots "En

10 Slovénie…" ?

11 Q. Dans la phrase suivante, il dit que : "Toute cette politique

12 croate s'effondre et que le moment est venu de partir car il est dit que

13 Franjo Tudjman a sur lui toujours une plume prête pour signer un document

14 de paix si jamais le besoin se faisait sentir, au lieu de préparer la

15 défense", et cetera.

16 C'est quelque chose qui se passe en novembre 1991. Alors, est-ce que

17 vous pouvez dire à la Chambre si le président Tudjman faisait l'objet de

18 critiques publiques à ce moment-là ?

19 R. Oui. On l'a fortement critiqué, mais ces critiques provenaient de

20 positions qui n'étaient pas acceptables pour nous, c'étaient les

21 extrémistes de l'extrême droite qui critiquaient Tudjman en estimant qu'il

22 ne s'attachait pas suffisamment à l'efficacité de la défense croate, qu'il

23 fallait se procurer des armes et cetera, et cetera. C'était une tendance au

24 sein de la politique croate qui voulait régler les relations avec la Serbie

25 et la Bosnie-Herzégovine très rapidement, et ce n'était pas acceptable. Ce

26 n'était pas réaliste, et c'était contraire à la politique menée la

27 Communauté européenne vis-à-vis de l'ex-Yougoslavie.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic ?

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1 Mme ALABURIC : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur le Président,

2 puisque vous n'avez pas la traduction de la version intégrale du procès-

3 verbal au sujet de cette question et cette réponse, j'estime qu'il est

4 nécessaire d'attirer votre attention sur un point. Page 5, si l'on se pose

5 la question sur la teneur de cette déclaration, là, il faut se référer au

6 point 1 de l'ordre du jour, à savoir, question de la situation qui prévaut

7 à Dubrovnik et à Vukovar. Le Procureur, en revanche, a demandé quel était

8 le point 2 de l'ordre du jour, et il a demandé à quoi se référait la page 5

9 du procès-verbal, donc, ce qui peut nous induire en erreur, penser qu'il

10 est question de la Bosnie-Herzégovine ici, ce qui est faux. Donc, je

11 demanderais à M. le Procureur de ne pas opérer des amalgames inacceptables

12 lorsqu'il évoque la teneur de certains points du jour.

13 M. SCOTT : [interprétation] Ma consoeur a absolument raison, Monsieur le

14 Président. Il s'agit ici d'une référence au point 1 de l'ordre du jour,

15 mais si je m'y intéresse séparément c'est parce que j'ai mes raisons avant

16 de revenir au point 2, j'espérais que cela le rendrait plus clair.

17 Q. Donc, Monsieur, cet autre courant, qu'est-ce qu'ils reprochaient au

18 président Tudjman, qu'est-ce qu'ils voulaient qu'il fasse, ce qu'il ne

19 faisait pas d'après eux ?

20 R. Cette critique, elle consistait à dire qu'en tant que commandant

21 suprême, le président Tudjman n'avait pas tout entrepris pour défendre

22 Vukovar, car d'ores et déjà, nous en sommes le 12, le 18, la crise était si

23 grave que Vukovar allait tomber en l'espace de quelques jours. Donc six

24 jours avant la chute de Vukovar, vous avez ces critiques qui sont dirigées

25 comme le commandant suprême et le président de la république, lui disant

26 qu'il n'était pas suffisamment prêt et qu'il n'avait pas tout entrepris

27 pour empêcher cela. Mais je pense qu'il faut ajouter quelque chose. Compte

28 tenu de la situation de la Croatie et du président Tudjman, à ce moment-là,

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1 à savoir, le président Tudjman bénéficiait de certaines garanties fournies

2 par les cercles militaires qui, à ce moment-là, avaient pris part à ces

3 actions contre Vukovar et sur toute la longueur du front, il y avait

4 l'armée qui était engagée, qui y participait. Je pense qu'il a eu certains

5 indices ou certaines garanties que l'armée n'allait pas chercher à

6 renverser le pouvoir en Croatie et que ce qu'elle était en train de faire,

7 l'armée apportant son aide aux Serbes rebelles, que ce soit à Knin ou à

8 Vukovar ou ailleurs, que ce n'était que partiellement au service de quelque

9 chose que l'armée yougoslave ne pouvait pas tout à fait contrôler, à

10 savoir, il y avait des groupes territoriaux à Vukovar ou ailleurs qui

11 avaient pris l'initiative dans cette rébellion et qui cherchaient à

12 renverser les autorités croates.

13 Dans ce contexte-là, il a fait l'objet de critiques dont nous avons parlé.

14 Cependant, le président Tudjman a dû faire face à un courant qui cherchait

15 à résoudre le problème uniquement le long de la ligne entre la Croatie et

16 la Serbie. Or, c'est la voie diplomatique qu'il a choisie. Il voulait à la

17 fois se lancer dans la défense et aussi agir sur le plan diplomatique pour

18 gagner du temps. Car il pouvait gagner du temps, du temps qui travaillait

19 pour sa cause, la cause croate, et non pas pour la partie adverse. C'était

20 cela les différends entre les critiques et le président Tudjman au sujet de

21 Vukovar à ce moment-là.

22 M. SCOTT : [interprétation] La page 28 du document, à présent, Monsieur le

23 Greffier.

24 Q. Ici, on se réfère à quelques affirmations qui viendraient de vous.

25 Est-ce qu'on peut faire défiler le texte, s'il vous plaît ? Merci.

26 Nous avons ici ce deuxième paragraphe à la fin où vous dites : "Nous sommes

27 témoins depuis le début qu'on avait que quelques policiers pour commencer,

28 pour protéger cet ordre constitutionnel et étatique."

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1 R. Oui, on avait que la police qui pouvait faire face à ces rebelles qui

2 bénéficiaient d'une aide généreuse de la part de la JNA, qu'il s'agisse

3 d'armement ou de la participation à certaines actions. Donc, j'entendais

4 par là quelque chose qui était réaliste.

5 Q. Mais qui bénéficiait de l'aide de la part de la JNA ? Vous dites "ils"

6 ont reçu une aide ou de l'aide.

7 R. Les Serbes rebelles. Vous devriez le savoir. Cela devrait être clair

8 pour vous.

9 M. KOVACIC : [interprétation] Véritablement, je ne pense pas que ceci nous

10 permettra d'établir des faits. Le Procureur vient d'extraire une phrase qui

11 se situe au milieu d'un paragraphe. On ne sait pas absolument pas dans quel

12 contexte se situe ce débat. On nous présente une phrase, mais prenez

13 n'importe quelle discussion, vous trouverez une phrase qui vous conviendra.

14 On n'a aucune base, aucun contexte pour comprendre de quoi il s'agit ici.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je pense que j'ai bien fourni les bases.

16 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, on en a déjà reparlé

17 plusieurs fois. Nous avons un document qui est long. De toute façon, je ne

18 pense pas qu'on puisse lire chacune des pages de ce document. La Chambre a

19 la version intégrale du document. La Défense l'a en sa possession. Elle l'a

20 depuis quelques mois. Ils peuvent se référer à une autre portion s'ils le

21 veulent. Cela ne sert à rien de reposer tout le temps la même objection au

22 sujet du contexte. Donc, je pense que si on veut se situer dans le

23 contexte, la Chambre peut lire quatre ou cinq pages qui précèdent et qui

24 suive. Enfin, il peut me demander de le faire.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Posez votre question afin que la réponse nous soit

26 utile. Qu'est-ce que vous voulez mettre en évidence ?

27 M. SCOTT : [interprétation] Je n'entends pas l'interprétation, Monsieur le

28 Président.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, je disais : posez votre question

2 pour mettre en évidence un élément que vous voulez faire ressortir; sinon,

3 nous, les Juges ont à du mal à suivre les cheminements de vos questions.

4 Donc, si vous questionnez le témoin, c'est parce qu'il y a une théorie que

5 vous voulez nous exposer, mais pour exposer cette théorie encore, faut-il

6 que nous suivions le sens des questions. Bien. Alors, reprenez le point où

7 nous étions tout à l'heure.

8 M. SCOTT : [interprétation] Justement, c'est ce que j'ai essayé de faire,

9 mais nous n'avons plus la page avec moi, malheureusement.

10 Q. Monsieur, à ce moment-là, est-il exact de dire que le 12 novembre 1991

11 ou à peu près à ce moment-là -- ou pendant cette période-là, les capacités

12 militaires de la Croatie lui permettant de faire face à la JNA étaient

13 plutôt limitées ?

14 R. Mais, bien sûr que ces ressources étaient limitées par rapport à son

15 adversaire qui avait un armement lourd, l'aviation, et cetera, et cetera.

16 Alors que nous on avait qu'une police armée et quelques effectifs, quelque

17 50 000 hommes mobilisés qu'on a pu mobiliser en 1990 et 1991. Nous étions

18 placés dans une position d'infériorité nous la Croatie par rapport à

19 l'agresseur qui était la Serbie à Vukovar.

20 Q. Monsieur, la population de Bosnie-Herzégovine et son gouvernement se

21 sont-ils trouvés dans une même situation par rapport à la JNA et les forces

22 serbes que le gouvernement croate ?

23 R. Oui. A ce moment-là, je pense qu'ils se sont trouvés dans une même

24 situation. Ceci étant dit, je crois qu'il y a déjà eu quelques contacts et

25 quelques coopérations en Bosnie-Herzégovine entre les forces croates et

26 serbes. Mais je pense que les personnes qui ont pris part seront à mieux de

27 vous l'expliquer, je n'ai pas été protagoniste à cela là-bas.

28 Q. Lorsque vous parlez de contacts entre les forces croates et serbes en

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1 Bosnie, à ce moment-là, qu'entendez-vous par là ?

2 M. MURPHY : [interprétation] Puisque le témoin a dit qu'il n'a pas pris

3 part à cela, je pense que tout ce qu'il pourrait ajouter ne serait que

4 spéculation.

5 De manière plus générale, Monsieur le Président, puisqu'il y a eu

6 autant d'objections soulevées je ne souhaitais pas intervenir, mais il

7 semblerait, effectivement, que jusqu'à présent, la déposition de ce témoin

8 a consisté, pour la plupart, de spéculation sur ce qui aurait pu être à

9 l'esprit du président Tudjman et d'autres. Je demanderais à M. Scott de

10 recentrer ses questions sur quelque chose sur quoi le témoin a des

11 connaissances directes, personnelles.

12 M. SCOTT : [interprétation] Bien, Monsieur le Président, il était présent à

13 ces réunions. Justement, je lui ai posé la question il y a un instant, au

14 sujet des déclarations qu'il a faites lui-même. Je pense qu'il peut déposer

15 au sujet d'une réunion à laquelle il a participé personnellement. Il sait

16 ce qui a été dit et qu'on connaît le contexte.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait. Lorsque je dis que je n'ai pas

18 pris part à cela, je veux dire que je n'étais pas sur le terrain. Je

19 n'étais pas en Bosnie-Herzégovine. Mais je veux dire j'ai participé et

20 comment aux débats sur la défense de Vukovar et contre l'agression menée

21 par la Serbie contre la Croatie.

22 M. MURPHY : [interprétation] Le témoin a très bien répondu à l'objection.

23 Toutefois, ceci ne résout pas vraiment le problème. Cela ne me gêne pas

24 qu'il parle de tout ce qu'il aurait pu entendre pendant la réunion. Ce qui

25 me gêne c'est lorsqu'il se lance dans des spéculations sur ce qui s'est

26 trouvé à l'esprit de d'autres personnes.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Le problème est venu parce qu'à un moment donné, il

28 a été évoqué des contacts entre les forces croates et les Serbes en Bosnie-

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1 Herzégovine. Alors, c'était de la spéculation intellectuelle ou vous avez

2 indiqué cela parce que vous aviez connaissance qu'il y avait ce type de

3 contact. Vous avez été premier ministre, donc, vous êtes quelqu'un qui est

4 capable de --

5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : -- répondre aux questions. Donc, c'était de la

7 spéculation, ou de votre part, une --

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne réponds à aucune question en me lançant

9 dans des conjectures ou des spéculations. Je parle de faits que je connais

10 personnellement en tant que témoin. C'est une autre chose de savoir si on

11 va me faire confiance ou non là-dessus sur ces faits. Cela c'est une

12 question de la réflexion personnelle de tout un chacun. Mais j'étais bien

13 impliqué dans les débats portant sur ce débat -- sur cette question. Bien

14 entendu, c'est une autre chose d'avoir des débats à un très haut niveau de

15 l'Etat comme, par exemple, le Conseil suprême ou autre chose là où on tire.

16 Non, je ne me suis pas trouvé là où on tire sur le terrain, mais c'est sur

17 la base des informations qui nous provenaient tous les jours du terrain qui

18 provenaient au commandant suprême tous les jours. C'est sur cette base-là

19 qu'on prenait les décisions, et cette critique adressée au président,

20 disant qu'il n'était pas suffisamment efficace en prenant des mesures

21 relatives à la défense, ces critiques me concernaient, moi aussi, et la

22 direction dans sa totalité qui donc aux autorités croates de l'époque.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une dernière question qui

24 précise : vous avez dit qu'il y avait des critiques qui étaient formulées à

25 l'encontre du président Tudjman par une extrême droite. Les personnes qui

26 le critiquaient --

27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : -- ces personnes étaient animées par qui ? Y avait

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1 un leader, ou c'étaient des personnes non identifiées ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela. Cela existait. Voter question est

3 tout à fait logique. Il y avait même des unités paramilitaires, c'est comme

4 cela qu'on les appelait, paramilitaires du HOS de Paraga et de Djapic, ceux

5 qui commandaient. C'était cela ces unités qui voulaient résoudre la

6 question militairement, alors qu'on nous n'avait pas de quoi, on n'avait

7 pas de ressource. Leur décision n'était pas réaliste, se lancer dans

8 l'action sur toute la longueur du front. Nous, ce que nous avons choisi

9 c'était de défendre certains points -- certains lieux contre cette

10 agression tant qu'on n'aura pas rassemblé suffisamment de force pour

11 pouvoir empêcher cet agresseur d'avancer avec l'aide de la communauté

12 international. Telle était notre position à ce moment-là.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez mentionné l'existence d'unités

14 paramilitaires. Vous avez cité Paraga et Djapic. Ces unités paramilitaires,

15 elles étaient sous contrôle ou hors contrôle ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Elles étaient sous contrôle uniquement de ce

17 parti politique. La Cour suprême de Croatie en 1991 a proclamé -- a déclaré

18 ces unités paramilitaires qui posaient problèmes soit face à l'ennemi, en

19 provoquant ou, autrement, face à nos unités régulières de police ou

20 d'armées, donc, paramilitaires.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : La traduction vient de d'indiquer deux éléments. Le

22 premier c'est que la Cour suprême a rendu, semble-t-il, une décision;

23 c'était quelle décision ? Elle les déclarait illégales ces unités ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Un arrêt, oui, c'est cela qui les a déclarées

25 paramilitaires, donc, cela veut dire contraire à la loi, hors la loi. Ces

26 unités se sont créées hors la loi.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Le deuxième élément ? On m'a traduit, mais je ne me

28 retrouve pas dans l'anglais, que ces unités dépendaient d'un parti -- d'un

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1 parti politique. Lequel ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Du parti qui s'appelle le Parti du Droit

3 croate, c'était cela son appellation à ce moment-là, ASP, et ce parti

4 d'ailleurs porte toujours le même nom, mais il n'a plus de Paraga à sa

5 tête; c'est M. Djapic maintenant.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, merci de ces précisions.

7 Monsieur Scott.

8 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Greffier, page 31, s'il vous plaît,

9 de ce document.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, pas pour ralentir, que voulez-vous

11 dire ?

12 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Non, en attendant, Monsieur le

13 Président. Les contacts en question, il me semble que vous pensez tous que

14 c'était des contacts diplomatiques, mais je pense que

15 M. Manolic se référait au premier conflit.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je pense que j'ai expliqué qu'il

17 s'agissait d'une part de la situation sur le terrain et sur le front et

18 d'autre part des réunions au niveau de différents forums. Je pense que

19 c'est clair; sinon, on peut expliquer jusqu'au bout.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

21 Monsieur Scott.

22 M. SCOTT : [interprétation]

23 Q. Page 31, Monsieur. Vous poursuivez. Là, vous pouvez vérifier qu'il

24 s'agit bien de vous qui avez la parole et vous dites là : "Donc, après

25 tout, cela s'est réduit à des méthodes qui ne sont pas démocratiques et qui

26 ne sont pas parlementaires pour renverser l'ordre légal et c'est là où je

27 pense où nous devrons livrer le combat décisif. Je ne veux pas savoir si tu

28 es Oustachi, Croate, communiste ou je ne sais pas quoi, si tes actions, si

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1 tes mesures vont dans le sens -- qui cherchent à renverser les autorités

2 légalement élues. Il faut que tu répondes de cela."

3 R. Oui, c'est ce que j'ai dit, il fallait bien qu'on s'oppose aux forces

4 qui, indépendamment de leur origine, d'où qu'elles viennent, cherchaient à

5 renverser l'ordre constitutionnel de la République de Croatie et ses

6 autorités légalement élues. Vous aviez là les rebelles serbes, mais vous

7 aviez aussi Paraga qui agissait le long de la même ligne pour renverser ces

8 autorités, mais qui agissait sous couvert d'un grand combat pour la

9 Croatie, alors qu'en fait, il recherchait à renverser les autorités

10 légales. Ils n'y sont jamais parvenus, mais cela doit être clair. Mais ils

11 ont causé pas mal de problèmes.

12 Q. Monsieur, c'était un principe que vous défendiez de manière générale et

13 que vous vouliez appliquer à la Bosnie-Herzégovine également ou que vous

14 appliquez à la Bosnie-Herzégovine pour ce qui est des autorités légalement

15 élues ?

16 R. En principe, de manière générale, j'ai toujours prôné cette position-

17 là, à savoir le respect des autorités légalement élues, qu'il s'agisse de

18 la Croatie -- là en l'occurrence, il s'agit de la Croatie -- mais aussi la

19 même chose s'applique à la Bosnie. Je pense qu'il faut respecter le

20 gouvernement ou les autorités légalement élus tout comme il fallait

21 respecter les résultats du référendum qui s'était tenu conformément à la

22 loi en Bosnie-Herzégovine.

23 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais, maintenant, qu'avec l'aide du

24 Greffier et de Mme l'Huissière, nous nous rendions en page 51. Compte tenu

25 de la question qui m'a été adressée il y a quelques instants, je précise

26 les choses, dans ce passage du texte le président déclare, je cite :

27 "Allons, Messieurs, passons au deuxième point de l'ordre du jour, à savoir,

28 l'aggravation de la crise en Bosnie-Herzégovine."

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1 Q. Vous êtes arrivé à cette page, Monsieur ? A ce niveau-là du texte, on

2 lit également, je cite : "Comme vous le savez, les Serbes ont le

3 référendum. Ils ont pratiquement isolés les Krajinas serbes, mais ils en

4 ont déjà six là-bas."

5 Lorsque le président Tudjman parle de "six", de quoi parle-t-il exactement,

6 six quoi ?

7 R. Il parle des provinces qui sont regroupées dans le territoire de la

8 Bosnie-Herzégovine et où ils ont mis en place leurs autorités

9 gouvernementales à eux qui sont contre une Bosnie unifiée.

10 Q. Ces régions, à cette époque-là, étaient-elles des régions autonomes

11 serbes ?

12 R. Non, elles n'étaient pas autonomes, elles étaient sous le contrôle de

13 Karadzic et des formations militaires qu'il avait créées.

14 Q. Mais ces régions serbes à l'époque, quels étaient leurs noms ? Est-ce

15 qu'elles étaient en général désignées sous le nom de "Régions autonomes

16 serbes", SAO ?

17 R. Je ne crois pas. Je crois que c'est la Republika Srpska qui existait à

18 cet endroit, à savoir, dans les zones où les Serbes étaient majoritaires.

19 Dans ces endroits, ils ont créé ces provinces et c'est le nom qu'ils leur

20 ont donné, six provinces.

21 Q. D'accord. Voyons le bas de cette page à présent. Je cite : "Par rapport

22 à cela, la dernière fois que nous avons parlé de notre problème, je vous ai

23 informé que la dernière fois que j'avais reçu une demande écrite provenant

24 de la communauté des municipalités de Travnik, comme ils l'appellent, de la

25 communauté régionale de Travnik, signée par neuf présidents d'assemblées

26 municipales du HDZ

27 --"

28 Ensuite, nous passons à la page suivante, s'il vous plaît -- "et par

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1 les présidents de conseils exécutifs. Notre peuple est de plus en plus

2 impatient et, hier, j'ai reçu la même chose de 18 autres représentants

3 croates qui ont signé." Je peux vous lire cela et, ensuite, on a les noms

4 et un certain nombre de municipalités. Il est fait mention de la date du 15

5 octobre avec référence à Mate Boban. Puis, plus bas dans la page, nous

6 lisons : "Qu'un accord a été conclu avec vous le 13 juin 1991 et que

7 personne n'a le droit de réaliser cet objectif en dehors de l'attitude qui

8 a été décidée."

9 Alors, pouvez-vous aider les Juges de cette Chambre en précisant quel type

10 de communication est évoqué par le président Tudjman dans ce passage ? De

11 quoi parle-t-il exactement quand il parle de communautés régionales de

12 Travnik ?

13 R. Je pense que c'est tout à fait clair. Il s'agit du fait que le peuple

14 croate ait été lésé dans ces régions dont il parle, Tomislavgrad, Kupres,

15 Rudes, et cetera, et ce qui est dit c'est qu'il faudrait procéder à une

16 meilleure organisation de façon à protéger -- à défendre les gens qui se

17 sont adressés à lui pour lui demander de l'aide. C'est là, je crois, que

18 l'on voit le début de ce regroupement qui s'est appelé communauté croate

19 d'Herceg-Bosna, regroupement qui a eu lieu en vue de défendre les intérêts

20 des Croates de Bosnie-Herzégovine face à l'agresseur qui était l'entité

21 Grand-Serbe.

22 Q. Pouvez-vous aider encore un peu les Juges en expliquant la référence

23 que l'on trouve dans ce passage du texte au sujet d'un accord conclu avec

24 vous le 13 juin 1991. Savez-vous quelle est la nature de cet accord avec le

25 président Tudjman en date du 13 juin 1991 dont il est fait mention ici ?

26 R. Cela, je ne sais pas. Je n'y ai pas participé, donc, je n'ai pas

27 d'information à ce sujet, n'est-ce pas ? Il s'agit sans doute d'un accord

28 conclu directement entre le président et les représentants de ces

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1 municipalités qui sont énumérés dans ce passage du texte.

2 Q. Très bien. J'aimerais que vous vous rendiez en page 53. J'appelle votre

3 attention sur la deuxième moitié de la page. Je cite : "En face de cette

4 organisation croate, le peuple croate en général attend des directives de

5 notre part quant à ce qu'il convient de faire si notre politique n'y

6 parvient pas. Nous sommes restés en arrière jusqu'à présent. Nous avons dit

7 : 'Attendez, nous ne voulons pas remettre les choses en cause. Nous ne

8 pouvons pas mettre en danger les frontières de la Bosnie-Herzégovine parce

9 qu'il faut protéger les frontières de la République de Croatie, et cetera.'

10 Mais il me semble que nous avons atteint une phase où certaines mesures

11 doivent être prises. Cela signifie que ceci est la Herzégovine occidentale

12 et la Bosnie-Herzégovine occidentale, la région de Travnik. Nous avons

13 également eu une rencontre avec les représentants de la municipalité

14 bosniaque de la Posavina." Le texte se poursuit en page suivante.

15 R. Plus la question de Grand-Serbe devenait féroce contre les

16 municipalités croates les plus menacées, en tout cas, c'est ce qu'elles

17 ressentaient, plus ces personnes demandent à l'Etat croate et au président

18 de Croatie de les défendre par rapport à cette agression. C'est tout à fait

19 normal. Ils s'adressent à la mère patrie, à l'Etat voisin, pour demander de

20 l'aide et de la protection. Mais je pense que dans la même période les

21 choses allaient dans un sens favorable à l'annexion officielle de cette

22 partie de la Bosnie-Herzégovine par la Croatie, ce qui eut permis à ces

23 personnes d'obtenir la protection qu'elles demandaient de l'Etat croate. Le

24 président croate répond : "Je ne peux accepter cela actuellement parce que

25 cela signifierait une modification des frontières existantes, et personne

26 en Europe n'a le droit de modifier des frontières existantes par la force,

27 même si cela se fait par le biais d'un accord mutuel."

28 On voit là que le président Tudjman est pris dans un étau. Car il estime

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1 qu'il doit venir en aide aux personnes qui lui adressent ces demandes, et

2 d'un autre côté, il pense que leur demande ne peut être impliquée, ne peut

3 être réalisée. Quant à ces personnes, elles cherchent à augmenter leur

4 niveau de sécurité pour leurs municipalités en agissant de la sorte.

5 Q. Très bien. Passons en haut de la page suivante à présent, page 54.

6 R. Oui, à cet endroit du texte, dans ce procès-verbal, il est aussi

7 question des unités du HOS qui, elles aussi, ont eu une action destructrice

8 par rapport à la situation, non pas constructive, mais destructrice en ce

9 qu'elles créent. Elles créent des obstacles en tentant d'imposer une

10 politique qui n'était pas réaliste d'imaginer mettre en œuvre.

11 Q. Très bien. En haut de la page 54, je cite : "Par conséquent, je crois

12 qu'ils veulent que je me prononce immédiatement. Une délégation devrait

13 venir me rendre visite, et je pense qu'à ce moment-là nous pourrions dire à

14 ces délégués qu'ils existent en tant que communauté régionale de

15 municipalités croates."

16 Savez-vous quelque chose au sujet d'une délégation qui serait venue voir le

17 président Tudjman à peu près à cette époque-là, aux environs du 12 novembre

18 1991 ?

19 R. Je pense que c'est exact, et que le président a effectivement reçu les

20 délégués de ces municipalités, mais il en a reçu aussi de la Posavina

21 bosniaque qui, elle aussi, a envoyé des délégations pour rencontrer le

22 président. Toutes ces délégations avaient une seule et même demande, à

23 savoir, être protégées contre l'agression serbe.

24 Q. Nous poursuivons avec le passage suivant. Puisqu'on m'a accusé de

25 sortir les choses de leur contexte, je cite : "Si les Serbes ont isolé les

26 leurs, ils devraient également dire qu'ils existent en tant que communauté

27 régionale, mais ils ne devraient pas prendre de décisions contre la Bosnie-

28 Herzégovine ou une quelconque décision de rejoindre la Croatie. Toutefois,

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1 nous devrions les mobiliser et, ce faisant, les empêcher de créer le

2 trouble dans la situation politique."

3 Monsieur Manolic, pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre de quelle façon

4 vous avez compris cette phrase ? La considérez-vous comme une expression,

5 déposition à long terme du président Tudjman ou est-ce qu'il dit que ce qui

6 était en train de se passer n'aurait pas dû se passer ?

7 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, sur la

8 forme de la question. Il peut demander au témoin ce que signifie cette

9 phrase. Mais regardez la phrase au compte rendu d'audience de très près,

10 Monsieur le Président, vous verrez que l'Accusation suggère une réponse

11 possible au témoin. Je pense qu'il faut avancer pas à pas. Ce monsieur a

12 longuement parlé de M. Tudjman, il peut répondre à cette question.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Rien ne m'a été suggéré. Je ne fais que parler

14 de choses que je connais personnellement.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Ne soyez pas furieux contre moi.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est rien.

17 M. SCOTT : [interprétation]

18 Q. Sur la base des réunions que vous avez pu avoir avec le président

19 Tudjman et avec d'autres à ce moment-là, pouvez-vous me donner des

20 renseignements plus complets quant aux positions défendues par le président

21 Tudjman eu égard à ces groupements de communautés régionales qui étaient en

22 train de se créer en Bosnie et eu égard à la possibilité qu'un tel

23 regroupement rejoigne la Croatie ?

24 R. Je pense que la situation était très difficile. La situation des

25 habitants de ces municipalités où l'agression était particulièrement dure.

26 Personne ne devrait rejeter les efforts qu'ils ont déployés pour créer de

27 telles communautés d'autant plus qu'en Bosnie-Herzégovine d'autres

28 communautés ont vu le jour, telles que par exemple la communauté serbe, la

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1 communauté ethnique musulmane. Je pense qu'elle portait le nom de Front

2 patriotique ou quelque chose comme cela. A ce moment-là, les Croates aussi

3 réagissent d'une façon similaire et s'efforcent de créer leur propre

4 communauté qui avait pour tâche de créer un lien utile entre plusieurs

5 municipalités face à l'agression Grand-Serbe, en vue d'une mobilisation

6 ultérieure.

7 Q. J'admets tout à fait cela, ce que vous avez dit sur les Serbes. Si l'on

8 prend ce qui est écrit ici à première vue, je vous renvoie une autre

9 question. A cette époque-là, est-ce que le président Tudjman vous a exprimé

10 son point de vue par rapport à l'existence de tels regroupements et à la

11 possibilité qu'à un moment ou à un autre ce regroupement rejoigne la

12 Croatie ?

13 R. Non. Il s'est exprimé en disant qu'il ne pouvait pas accepter ce fait

14 car cela aurait entraîné une modification des frontières existantes entre

15 la Croatie et le Bosnie-Herzégovine, et ce, parce que la Communauté

16 européenne, la communauté internationale était fermement sur les positions

17 consistant à dire que les frontières ne pouvaient pas être changées.

18 Q. Mais Monsieur, j'ai cru comprendre que ceci n'est pas la position de la

19 communauté internationale par rapport aux faits dont nous parlons, mais

20 bien la position ou le désir du président Tudjman ?

21 R. Le désir, ce que quelqu'un souhaite, c'est une chose. Puis la réalité

22 et les conditions favorables ou pas à la réalisation du désir que l'on peut

23 avoir sont autres choses. Il n'avait pas les conditions pour répondre de

24 façon satisfaisante au désir qui lui était exprimé de la part de ces

25 personnes. Il n'avait pas la possibilité réaliste de le faire.

26 Ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine par la suite c'est autre

27 chose.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez de dire que le président Tudjman ne

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1 pouvait répondre aux demandes formées par ces personnes qui se regroupaient

2 en Bosnie-Herzégovine. Mais concrètement, qu'a-t-il fait pour répondre à

3 ces aspirations tout en rappelant qu'on ne pouvait pas toucher aux

4 frontières ? Qu'a-t-il fait de manière active ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Il a défendu la position qui a été la sienne à

6 ce moment-là et que nous défendions également de notre côté. Il a dit :

7 Organisez-vous. Mobilisez-vous dans les endroits où vous êtes lésés, et

8 faites face à l'agression. Quant à nous, nous vous aiderons dans la mesure

9 des possibilités qui sont les nôtres, car nous aussi, nous sommes lésés par

10 le même agresseur.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc ce que vous venez de dire c'était en quelque

12 sorte la doctrine du président Tudjman par rapport à ces rassemblements de

13 Croates en Bosnie-Herzégovine, la doctrine consistant à dire : "Organisez-

14 vous, faites face aux problèmes et nous vous aideront."

15 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.

17 M. SCOTT : [interprétation] Très bien. Monsieur le Président, je suis sur

18 le point de passer à un autre sujet. Je proposerais que nous suspendions

19 pour la journée.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, il est quasiment 19 heures, nous allons

21 arrêter l'audience d'aujourd'hui. Alors, Monsieur Manolic, comme vous avez

22 prêté serment, vous êtes maintenant le témoin de la justice, ce qui veut

23 dire que vous ne voyez personne, vous ne rencontrez ni le représentant de

24 Mme le Procureur ni les avocats, encore moins les Juges, évidemment. Vous

25 reviendrez demain pour l'audience qui débutera à 9 heures. L'audience se

26 décomposera de la manière suivante, il y aura dans la matinée trois heures

27 d'audience après un break, et trois heures d'audience l'après midi. Si

28 jamais vous n'êtes pas en forme ou vous éprouvez quelques difficultés,

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1 n'hésitez pas à nous l'indiquer.

2 Voilà, alors, je souhaite à tous une bonne soirée, et je vous invite pour

3 revenir à l'audience qui débutera à 9 heures.

4 --- L'audience est levée à 18 heures 54 et reprendra le mardi 4 juillet

5 2006, à 9 heures 00.

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