Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 6 novembre 2006

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire, s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : Bonjour, Monsieur le Président. Affaire IT-04-74-T, le

  8   Procureur contre Prlic et consorts.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je salue tous les

 10   représentants de l'Accusation qui sont en nombre, je salue les accusés, je

 11   salue leurs avocats ainsi que tout le personnel de cette salle d'audience.

 12   Comme vous le savez, dans quelques instants, je vais donner la parole

 13   sur la question de la réduction du temps pour la présentation des éléments

 14   de preuve par l'Accusation. Mais avant cela, je tenais au nom de tous les

 15   Juges à féliciter Me Karnavas pour son élection à la présidence de

 16   l'Association des conseils de la Défense, et je suis convaincu que ses

 17   grandes compétences permettront au comité du Règlement d'avoir un concours

 18   précieux par les observations donc des conseils de la Défense. Donc je

 19   tenais à exprimer au nom des Juges mes vives félicitations auprès de Me

 20   Karnavas.

 21   Ceci étant dit, je vais maintenant, pour 15 minutes précises, donner

 22   la parole à l'Accusation pour qu'elle nous présente ses observations en ce

 23   qui concerne le projet éventuel d'une réduction du temps de la durée de la

 24   présentation des moyens de preuve.

 25   Monsieur Scott, vous avez la parole pour 15 minutes.

 26   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, merci Messieurs

 27   les Juges. Bonjour à tous.

 28   L'Accusation était en train de penser à ce problème, et nous nous sommes

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  1   rappelés que nous avions fait une présentation un peu semblable à la

  2   Chambre de première instance avant le début du procès, et d'après nous, ces

  3   points sont toujours extrêmement pertinents, donc je vais essayer d'être

  4   rapide, rapide tout en étant, bien sûr, exhaustif, et parler de ce qui est

  5   important pour l'Accusation et pour tout le monde ici dans ce prétoire.

  6   J'ai d'ailleurs préparé une présentation PowerPoint à cet égard, donc je

  7   voudrais que l'on puisse afficher la première diapositive de cette

  8   présentation.

  9   Messieurs les Juges, Monsieur le Président, je vais commencer par cette

 10   diapositive pour vous rappeler que le Tribunal tout entier, et pas

 11   uniquement le bureau du Procureur, s'est avancé vers ces mégaprocès afin

 12   d'être plus efficace, afin d'être plus efficace dans son travail.

 13   Néanmoins, il est bon de savoir que ces mégaprocès, ils sont de grands

 14   procès sont extrêmement complexes à gérer et que lorsque l'on gère ces

 15   procès, bien sûr, il ne faut pas handicaper l'Accusation.

 16   Je tiens aussi à commencer en disant que l'Accusation qui représente les

 17   victimes des crimes allégués, ainsi que la communauté internationale, a

 18   droit à un procès équitable, un procès tout aussi équitable pour

 19   l'Accusation que pour la Défense. Pas à peu près aussi équitable, pas

 20   presque aussi équitable, mais tout à fait aussi équitable que la Défense,

 21   ni plus ni moins. Donc nous considérons qu'il s'agit de la prémisse

 22   essentielle.

 23   Cette institution a reconnu l'importance et le fardeau qu'a l'Accusation,

 24   puisqu'elle doit raconter toute l'histoire et elle doit présenter sa thèse.

 25   La Défense, en revanche, elle, n'a pas à présenter toute sa thèse alors que

 26   nous devons le faire. Nous devons absolument présenter les éléments de

 27   preuve qui, selon nous, sont essentiels pour assurer, puisque nous avons le

 28   fardeau de la preuve.

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  1   De ce fait, l'Accusation considère, espère, en tout cas, que la Chambre a

  2   l'intention de donner et donnera à l'Accusation, aux victimes et à la

  3   communauté internationale un procès équitable. Et de ce fait, nous devons

  4   prendre pour hypothèse ou bien comprendre que la Chambre de première

  5   instance a des idées en tête, elle sait plus ou moins comment faire avancer

  6   les choses de façon plus efficace tout en restant parfaitement équitable.

  7   Pour être équitable à la fois pour la Défense et à l'Accusation ainsi

  8   qu'aux victimes et à la communauté internationale. Et de ce fait, Messieurs

  9   les Juges, l'Accusation ne peut pas vraiment vous dire exactement quelle

 10   est sa position aujourd'hui sans savoir ce que la Chambre de première

 11   instance a en tête en ce qui concerne la gouvernance de ce procès pour

 12   qu'il soit plus efficace, parce que notre position de base de référence,

 13   c'est qu'il ne serait pas juste -- qu'il n'est pas juste de décider tout

 14   simplement d'enlever du temps à l'Accusation, qui a quand même la charge de

 15   la preuve, car nous considérons que ce serait parfaitement injuste.

 16   Il est injuste et inutile, à notre avis, Monsieur le Président, de parler

 17   de mesures de rythme de procès d'après le mois calendaire, les 12 mois. Le

 18   calendrier, ça peut être un peu n'importe quoi. Ça peut être 52 semaines de

 19   cinq jours par semaine, à huit heures par jour. Ça peut être 30 semaines

 20   par année, deux jours par semaine. Donc, cela ne signifie pas grand-chose.

 21   Il faut vraiment définir d'abord le rythme.

 22   Pour ce qui est de ce procès, une année de procès Prlic, c'est 40 semaines.

 23   Quand on prend en compte les vacances judiciaires, ça fait 40 semaines,

 24   quatre jours par semaine, sans compter les pauses, donc à peu près quatre

 25   heures de présence en prétoire par jour. Donc ça nous fait une année de

 26   procès représentant 640 heures.

 27   Bien sûr, de ce fait, l'Accusation, tout comme la Défense, n'a à rendre de

 28   comptes que sur son temps. Elle n'a pas de contrôle sur ce que fait la

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  1   Défense, ce que fait la Chambre, les questions des Juges, les questions de

  2   procédure. Nous ne pouvons pas contrôler tout cela et, bien sûr, nous ne

  3   pouvons pas être tenus comme étant responsables. Nous ne sommes

  4   responsables que du temps que nous dépensons nous-mêmes.

  5   A l'heure actuelle, l'Accusation, jusqu'à présent, en moyenne, fait cinq

  6   heures et demie par semaine d'interrogatoire principal. Mais les chiffres

  7   que l'on étudie à ce moment-là, tout comme les chiffres tenus par le

  8   greffe, qui nous ont été donnés par le greffe, vendredi le 2 novembre, on

  9   voit que jusqu'à présent le procès dure depuis 330 heures et 30 minutes.

 10   Les contre-interrogatoires de la Défense ont pris environ 126 heures, les

 11   points de procédure et les questions des Juges ont pris environ 105 heures,

 12   et l'Accusation, jusqu'à présent, a utilisé à peu près 103 heures. Je

 13   remarque d'ailleurs que dans les trois catégories, l'Accusation est celle

 14   qui a pris le moins de temps. Elle est en bas de la liste. En bas de la

 15   liste, je tiens à le faire remarquer.

 16   Parlons chiffres, maintenant. Nous avons cité 44 témoins à charge en 75

 17   jours. Bien sûr, nous avons aussi présenté 82 [comme interprété] témoins 92

 18   bis jusqu'à présent qui ont été acceptés, en fait, on a présenté 46 témoins

 19   à la Chambre jusqu'à présent. Il y a quatre heures dans la journée de

 20   procès, dans la semaine de procès ça fait 16 heures. L'Accusation a utilisé

 21   102 heures et 40 minutes. Donc vous pouvez faire le calcul. Pour 44

 22   témoins, ça fait à peu près 2,3 heures par témoin. Bien sûr, il y a des

 23   témoins qui ont été plus longs, comme les experts, les témoins politiques,

 24   les témoins qui parlent de la politique. Donc certains ont été plus brefs.

 25   Et je tiens à dire que j'ai 26 à 27 ans d'expérience dans ce métier, et

 26   j'ai déjà géré des procès et des mégaprocès complexes. Mais je tiens à vous

 27   dire que jusqu'à présent, on ne peut pas trouver de personne honnête et

 28   franche qui dit que ne passer que 2,3 heures en interrogatoire principal,

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  1   en moyenne, est déraisonnable. C'est rapide, en fait, au vu de l'envergure

  2   même de ce procès.

  3   Au départ, l'Accusation et la Chambre de première instance avaient déjà

  4   posé cette question avant le procès. D'ailleurs, ils avaient calculé qu'en

  5   se basant sur nos évaluations, nous aurions besoin de 450 heures

  6   d'interrogatoire principal. C'est ce que nous avions dit d'ailleurs à la

  7   Chambre en avril. Nous vous rappelons que la Chambre a déjà enlevé 50

  8   heures de la présentation de nos moyens. Et maintenant, elle est en train

  9   d'essayer de nous refuser encore 100 heures. Cela signifierait, en tout,

 10   enlever un tiers même des estimations qui étaient nécessaires au départ

 11   d'après l'Accusation et qui était parfaitement réaliste, à notre avis.

 12   Alors, comment peut-on travailler plus efficacement ? L'Accusation - et je

 13   suis sûr que la Défense va dire exactement la même chose - l'Accusation

 14   tient à travailler avec la Chambre pour trouver des façons de rendre les

 15   audiences plus faciles, plus efficaces, si cela peut être fait de façon

 16   équitable, et surtout si c'est bien partagé entre la Défense et

 17   l'Accusation, parce que sinon, ce serait parfaitement injuste, à notre

 18   avis. Injuste envers l'Accusation, notre équipe, mais aussi injuste envers

 19   les victimes qui ont droit à être en audience et à être entendues, et ce

 20   serait injuste aussi pour la communauté internationale qui a droit à un

 21   procès équitable.

 22   Nous avons essayé d'identifier les faits contestés pour les réduire.

 23   Nous avons passé énormément de temps avant le procès pour le faire au

 24   travers des échanges à propos des faits convenus. Et ne le faisons encore

 25   d'ailleurs.

 26   Au cours des dernières semaines, nous avons présenté différentes

 27   propositions à la Défense depuis la fin août sur certains points qui

 28   pourraient -- sur, par exemple, les faits de Prozor, les faits de Gornji

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  1   Vakuf, et aujourd'hui on va parler maintenant des crimes qui ont été commis

  2   à Jablanica. Mais malheureusement, nous ne sommes arrivés à rien. Ce qui

  3   signifie encore que l'Accusation n'a aucune alternative, elle doit

  4   présenter tous ses moyens, tous ses éléments de preuve sur chaque élément

  5   de chaque délit afin de pouvoir assurer le fardeau de la preuve puisqu'il

  6   nous revient.

  7   Nous avons dit au départ que nous espérions utiliser un grand nombre

  8   de témoins 92 bis, surtout ceux des témoins des faits, afin qu'ils n'aient

  9   pas à venir pour un contre-interrogatoire supplémentaire. Je vous rappelle

 10   qu'il y a deux requêtes en cours portant sur deux témoins qu pourraient

 11   être acceptés comme étant témoins 92 bis sans passer par le contre-

 12   interrogatoire.

 13   Nous avons parlé aussi de l'utilisation d'éléments de preuve écrits.

 14   Cette institution, jusqu'à présent, par le biais de son comité des règles

 15   et par le biais de sessions plénières, a bien indiqué qu'elle voulait

 16   absolument que l'on accepte de plus en plus de preuves écrites, et qu'elle

 17   n'avait pas vraiment de préférence pour les preuves orales comme c'était le

 18   cas au début de notre institution. Cette institution est prête à accepter

 19   plus d'éléments de preuve écrits, et nous avons déclaré que nous avions

 20   l'intention d'utiliser ces instruments, et nous allons essayer, bien sûr,

 21   de le faire et continuer à le faire.

 22   Nous avons aussi parlé à propos de la façon dont on pourrait gérer les

 23   éléments de preuve de façon plus efficace et les pièces aussi de façon plus

 24   efficace. Et la semaine dernière, la Chambre nous a demandé de faire

 25   différentes présentations à propos de ce qu'on pourrait faire, et nous

 26   demandons à nouveau à la Chambre de première instance d'être extrêmement

 27   souple dans son approche en ce qui concerne la recevabilité et

 28   l'admissibilité des documents, surtout des documents qui satisfont aux

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  1   critères de la jurisprudence et de la pratique de cette institution.

  2   Peut-on travailler quotidiennement plus efficacement ? L'Accusation a sans

  3   doute des idées, la Défense aussi. La Chambre, sans doute, peut-être. Peut-

  4   être que l'on pourrait poser des questions de façon plus efficace aux

  5   témoins, quotidiennement. Je déclare cela juste parce que je pense qu'on

  6   pourrait en reparler.

  7   Maintenant, parlons des thèses de la Défense. Evidemment, l'Accusation

  8   déclare que si on met des limites, des contraintes de temps sur

  9   l'Accusation, nous exigeons, en fait, que la même chose s'applique

 10   exactement aux Défenses lorsqu'elles présentent leur thèse. Si nous sommes

 11   limités à 300 heures, nous considérons que la Chambre devrait limiter les

 12   six Défenses à 300 heures aussi, et il faut absolument donc que nous soyons

 13   à armes égales.

 14   Ensuite, comme nous l'avons déjà dit en avril, si la Chambre nous met dans

 15   une position où nous devons prouver ce qui n'est en fait qu'une cause

 16   extrêmement limitée, bien, nous considérons, dans ce cas-là, que la Chambre

 17   et nous espérons que la Chambre nous permettra au moins de présenter des

 18   éléments en réplique une fois que des points auront été identifiés lors de

 19   la présentation des moyens de la Défense. Parce qu'on ne peut pas tout

 20   simplement enlever une centaine d'heures de la présentation des moyens de

 21   la Défense [comme interprété], c'est absolument déraisonnable.

 22   Voici donc la présentation de nos arguments. Bien sûr, nous sommes prêts de

 23   travailler avec la Chambre pour trouver une façon plus efficace de

 24   fonctionner afin que le fardeau soit partagé par tous, y compris la

 25   Défense, et aussi avec le respect que nous vous devons, avec la Chambre de

 26   première instance, les équipes et avec l'Accusation, sans que ce soit fait

 27   au détriment de l'Accusation et des victimes et de la communauté

 28   internationale. Je dois dire, je conclus en disant que ce sont des victimes

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  1   surtout, les victimes de ces crimes allégués ont droit à un procès

  2   équitable. Ils ont droit à un procès équitable, ce serait une honte que de

  3   leur accorder moins que cela.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Scott, pour cette présentation

  5   particulièrement intéressante, et notamment avec les tableaux que nous

  6   avons vus sur le système e-court, ça nous a permis de suivre en temps réel

  7   ce que vous nous disiez oralement. Donc je vous exprime ma reconnaissance

  8   pour cette présentation qui était très efficace et qui va nous permettre,

  9   pas plus tard que dans les prochaines heures, d'en discuter entre Juges.

 10   Mais avant cela, bien entendu, nous allons écouter avec la même attention

 11   vigilante la Défense. Alors, la Défense avait globalement le même temps de

 12   parole, et j'ai l'impression que c'est Me Murphy qui, au nom de la Défense,

 13   va intervenir.

 14   Maître Murphy, vous avez la parole.

 15   M. MURPHY : [interprétation] Je vous remercie. Bonjour à tous.

 16   Il y a deux points que la Chambre de première instance nous a demandé

 17   d'aborder aujourd'hui. Tout d'abord, l'un qui porte sur la modification

 18   éventuelle de la décision sur les éléments de preuve du 13 juillet, ensuite

 19   la question plus générale de limite de temps que M. Scott vient d'ailleurs

 20   d'aborder. Peut-être que je devrais commencer par le premier sujet qui est

 21   plus bref, donc cette décision du 13 juillet.

 22   Si j'ai bien compris, la Chambre de première instance considère que la

 23   décision du 13 juillet devrait rester en état, mais avec certaines

 24   modifications afin de fournir un peu de souplesse pour les déclarations qui

 25   ne peuvent pas être montrées à des témoins dans le cadre de

 26   l'interrogatoire principal. La Défense en a débattu, et nous avons une

 27   proposition à vous faire, que je vais vous faire d'ailleurs tout de suite

 28   et, bien sûr, l'Accusation et la Chambre de première instance auront le

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  1   temps d'y réfléchir.

  2   D'après nous, une façon de traiter ce problème, c'est la suivante : le

  3   témoin pourrait rédiger une déclaration de témoin supplémentaire qui serait

  4   limitée à la question d'identification des documents que le témoin connaît.

  5   Ce serait une déclaration qui serait faite indépendamment de tout autre

  6   élément de preuve que pourrait apporter ce témoin. Et cette déclaration

  7   supplémentaire pourrait être communiquée à la Défense avec un préalable

  8   raisonnable, et cette déclaration pourrait être versée au dossier au titre

  9   de l'article 89(F). Mais bien sûr, si cela se fait, la Défense devrait

 10   avoir un temps raisonnable pour procéder à son contre-interrogatoire.

 11   Il se pourrait que parfois, les témoins n'auraient pas grand-chose à dire,

 12   ne pourraient pas dire grand-chose de plus, mis à part d'identifier

 13   certains documents. Cela dit, ces éléments de preuve seraient des éléments

 14   supplémentaires qui viendraient en addition de ce dont a parlé le témoin.

 15   Mais ce serait assez simple pour la Chambre de première instance de donner

 16   à la Défense un délai supplémentaire, sachant que tout ceci serait

 17   uniquement pour tout contre-interrogatoire nécessaire des documents

 18   abordés.

 19   Nous avons deux autres propositions, propositions très mineures mais

 20   qui pourraient éventuellement être utiles. La Chambre de première instance

 21   a parlé des difficultés pour respecter la ligne directrice numéro 6 de

 22   l'ordonnance du 13 juillet pour expliquer à la Chambre de première instance

 23   pourquoi un document bien précis est absolument nécessaire pour la

 24   présentation des arguments. Je n'ai que la version française de

 25   l'ordonnance aujourd'hui, mais le libellé dans cette version : [en

 26   français] numéro 6 à 7, "Les raisons pour lesquelles la partie estime que

 27   cette pièce est indispensable à la détermination de l'affaire."

 28   [interprétation] Selon nous, cette disposition est superflue, très

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  1   certainement, en tout cas. Nous préférerions qu'elle soit annulée. Si une

  2   partie peut démontrer que le document est bel et bien pertinent et qu'il

  3   possède une valeur probante essentielle, selon nous, cela suffit pour la

  4   requête, et cela permettrait aussi de ne pas laisser croire que si la

  5   Chambre de première instance considère qu'un document est nécessaire ou

  6   "indispensable", comme ça, on éviterait de voir la Chambre de première

  7   instance recevant cette pièce lui donnerait un certain poids, puisque c'est

  8   ce que signifie le mot "indispensable" -- ou ce que suggère le mot

  9   "indispensable". Nous considérons que ce serait plus facile de travailler

 10   avec des lignes directrices si cela était annulé.

 11   Ensuite, dernière chose, dans la première ligne de la ligne directrice

 12   numéro 6, il est fait référence à l'Accusation, qui est la partie qui a le

 13   droit de faire une requête. Nous pensons que la Défense pourrait tout à

 14   fait, à un moment ou à un autre, se retrouver dans la même position, et

 15   nous aimerions que la Chambre de première instance modifie la première

 16   ligne pour que l'on parle des parties plutôt que "l'Accusation". Nous

 17   considérons que ce sont les parties qui auraient le droit de faire une

 18   requête de ce type.

 19   Maintenant, je voudrais aborder le deuxième point, point beaucoup plus

 20   général, qui est la réduction supplémentaire du temps dont M. Scott vient

 21   de parler. Donc je tiens, en propos liminaires, à dire que tout comme M.

 22   Scott, moi aussi je fais ce métier depuis très longtemps, plus de 35 ans.

 23   Et dans ma juridiction, la tradition fait que lorsqu'on a un peu

 24   d'ancienneté, les conseils ont tendance à parler avec un peu plus de

 25   franchise aux Juges que lorsqu'ils en ont moins, tout en, bien sûr, restant

 26   totalement respectueux des Juges. Donc j'espère que vous comprenez bien que

 27   je vous respecte tout à fait.

 28   Mais tout d'abord, je tiens à dire que la Défense est parfaitement d'accord

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  1   avec la position de l'Accusation telle qu'elle a été exprimée par M. Scott

  2   aujourd'hui. Cette affaire est une affaire de très grande envergure et elle

  3   est extrêmement complexe. Côté Défense, par le passé, nous avons déclaré

  4   que c'est l'acte d'accusation qui aurait dû être réduit, et notre position

  5   permanente a toujours été que si on avait réduit l'acte d'accusation au

  6   départ, le procès n'aurait pas eu cette envergure et, bien sûr, n'aurait

  7   pas nécessité autant de temps. Mais étant donné que cela n'a pas été le

  8   cas, nous considérons que l'Accusation a le droit à un procès équitable et

  9   a droit à présenter ses arguments de façon parfaitement exhaustive. Nous le

 10   disons en principe, et pour être totalement franc ces temps-ci parce que

 11   c'est dans notre intérêt. Comme l'a dit M. Scott aujourd'hui, très

 12   logiquement, ce qui arrive aujourd'hui à l'Accusation pourrait très bien

 13   dans quelques mois arriver à la Défense. Et bien sûr, nous serions

 14   parfaitement opposés à toute réduction du temps qui nous est alloué. Et

 15   très franchement, Monsieur le Président, ça fait 35 ans que je travaille

 16   dans ce métier, et je n'ai jamais entendu, je n'ai jamais eu vent d'une

 17   Chambre de première instance qui décidait tout d'un coup de réduire de

 18   façon aussi dramatique le temps alloué à une partie, surtout dans un procès

 19   qui était commencé depuis au moins six mois.

 20   Donc la Défense a l'impression que le centre de gravité de ce procès a un

 21   petit peu été modifié. Au départ, on cherchait la vérité dans cette affaire

 22   très complexe, mais maintenant c'est une espèce de course contre la montre

 23   pour arriver à tenir les délais, délais qui nous ont été imposés par

 24   l'extérieur. Je vais vous donner un exemple de cela, car cela a d'ailleurs,

 25   une incidence sur l'Accusation autant que sur la Défense. C'est

 26   l'indication donnée par la Chambre de première instance qui, visiblement,

 27   aurait l'intention de déduire le temps passé à faire des objections au

 28   temps alloué à la partie qui, justement, fait l'objection.

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  1   Laissons de côté les problèmes pratiques, le fait, par exemple, que

  2   certains conseils ont tendance à faire des objections au nom de tous les

  3   accusés. Mais ça nous met surtout dans une position difficile lorsque nous

  4   représentons nos clients, car nous sommes pris entre deux chaises. Nous

  5   avons deux éléments et fonctions qui sont moins importantes à assurer qui

  6   assurent justement l'équité du procès. Tout d'abord, il faut que le contre-

  7   interrogatoire soit parfaitement exhaustif, ensuite il faut aussi faire un

  8   compte rendu, un transcript par le biais des objections. Comme vous le

  9   savez, à plusieurs reprises, la Chambre d'appel a déclaré que si on ne fait

 10   pas le compte rendu, si on ne note pas les objections pendant le procès,

 11   dans ce cas-là, la Chambre d'appel ne le prend pas en compte, ce moyen

 12   d'appel, éventuellement, par la suite. Donc nous devons absolument essayer

 13   de trouver le bon équilibre entre le temps qui vous est nécessaire pour

 14   faire une fonction essentielle avec le temps qui nous est nécessaire pour

 15   faire une autre fonction essentielle. Mais nous considérons que les accusés

 16   -- enfin, l'accusé aussi a droit à un procès équitable, et de ce fait les

 17   conseils doivent avoir le droit d'exercer les deux fonctions essentielles

 18   qui sont les leurs.

 19      Et maintenant, il y a aussi tout ce qui concerne la diligence.

 20   Maintenant, nous sommes dans une position où la Chambre a imposé des

 21   restrictions sur les durées dans chaque aspect du procès, alors que des

 22   accusés qui sont dans d'autres procès, eux, ne sont pas soumis à cette même

 23   chose. Ces restrictions d'ailleurs n'ont absolument pas été appliquées aux

 24   procès préalables dans ce Tribunal. Par exemple, je vais vous donner un

 25   exemple. Le général Blaskic et son procès. C'est un procès qui est très

 26   proche du nôtre. Mais là, il y avait un seul accusé. Etant donné que le

 27   procès a pris un certain temps -- en fait, ils en ont eu pour deux ans en

 28   tout.

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  1   L'INTERPRÈTE : Au début de ce paragraphe, dire qu'il y a aussi le problème

  2   de la régularité même du procès.

  3   M. MURPHY : [interprétation] Donc quand on voit les modifications qui ont

  4   été faites, on n'est pas en train uniquement de modifier le Règlement de

  5   procédure et de preuve. C'est tout à fait différent. On change la modalité

  6   même du procès. En 1994, le Juge Cassese, le premier Président du Tribunal,

  7   lors de l'adoption des Règles de procédure et de preuve, avait fait une

  8   déclaration au cours de laquelle il disait que ce procès était censé se

  9   dérouler sur un mode contradictoire. Mais très récemment, le Juge Pocar,

 10   lorsqu'il s'est adressé aux Nations Unies, a déclaré que le mode

 11   contradictoire avait maintenant été plus ou moins remplacé par un autre

 12   système, une autre modalité où on exerçait beaucoup plus de contrôle

 13   judiciaire.

 14   Bien sûr, la Défense n'a aucune objection à ce qu'un procès se fasse sur le

 15   mode inquisitorial. Nous reconnaissons que c'est une modalité qui peut être

 16   parfaitement juste. Mais le problème c'est que dans ce cas-là, il faut

 17   mettre en place des protections procédurales. Par exemple, il faut que le

 18   Procureur ait l'obligation de faire des enquêtes mais dans l'intérêt des

 19   deux parties, et le Procureur doit préparer le dossier de preuves. Et de

 20   plus, nous tenons à faire remarquer que ce changement dans la modalité du

 21   procès s'est fait pendant ce procès lorsqu'il avait commencé depuis

 22   quelques mois.

 23   Maintenant, côté Défense, nous reconnaissons bien que les Juges de cette

 24   Chambre sont extrêmement préoccupés et ont en tête l'équité. C'est évident.

 25   J'espère que vous n'allez pas penser que ce que je dis va à l'encontre de

 26   cela, mais la Défense considère que cette modification dans les modalités

 27   mêmes de conduite du procès, avec la réduction du temps, par exemple,

 28   principalement, rend ce procès inéquitable pour l'Accusation aussi bien que

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  1   la Défense.

  2   Et enfin, je tiens à attirer votre attention sur la chose suivante : il ne

  3   peut pas y avoir de procès équitable sans un système judiciaire

  4   parfaitement indépendant. Et lorsque la conduite du procès est gouvernée

  5   par la stratégie d'achèvement, la tenue des délais uniquement plutôt que

  6   par l'équité qui doit être réservée aux parties, bien sûr, dans ce cas-là,

  7   on compromet l'indépendance du système judiciaire. Mais nous savons, bien

  8   sûr, que ce n'est absolument pas votre intention. Nous tenons à le dire. Et

  9   nous voulons attirer votre attention, avec tout le respect que nous vous

 10   devons, afin que vous preniez cela en compte avant la poursuite du procès.

 11   Parce que ce qui est en jeu ici, comme l'a dit M. Scott avec autant

 12   d'éloquence, c'est aussi l'équité de ce procès envers la communauté

 13   internationale et aussi l'héritage que laissera ce Tribunal.

 14   Maintenant, je tiens à conclure en disant quelque chose très rapidement.

 15   Comme tout conseil de la Défense, parfois j'ai fait des objections, je

 16   dépose des requêtes lorsque je considère que quelque  chose ne fonctionne

 17   pas, le procès ne va pas dans le bon sens, mais comme un grand nombre

 18   d'autres avocats, on m'invite aussi souvent à parler à l'extérieur de ce

 19   Tribunal, et à chaque fois je défends toujours l'équité de ce Tribunal et

 20   de sa procédure. Et lorsque l'on critique, ce que j'appelle mon Tribunal, à

 21   ces occasions, je me mets vraiment en colère. Donc, Messieurs les Juges, la

 22   Défense, tout comme l'Accusation souhaite que ce procès réussisse pour des

 23   raisons bien différentes, bien sûr, mais nous travaillerons avec la Chambre

 24   de première instance pour nous assurer que nous serons le plus efficace

 25   possible, et nous invitons la Chambre de première instance à nous

 26   réprimander lorsque nous ne sommes pas assez efficaces. Mais avec tout le

 27   respect que nous vous devons, Messieurs les Juges, nous ne pouvons

 28   absolument pas considérer que ce procès va être mis en danger uniquement

Page 9540

  1   parce qu'il faut tenir des délais qui nous sont imposés par l'extérieur.

  2   J'ai été extrêmement franc. Je tiens à dire que c'est l'une des

  3   argumentations les plus difficiles que j'ai eu à faire au cours de mes 35

  4   ans de métier. Je suis content que ce soit terminé d'ailleurs, mais

  5   j'espère que mes propos vous auront aidés.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Murphy. Nous vous avons écouté avec

  7   attention. Comme vous vous en doutez, bien entendu, nous allons examiner

  8   point par point tout ce que vous nous avez dit et nous en tiendrons

  9   particulièrement compte, comme vous vous en doutez.

 10   Dans votre intervention en premier lieu, vous avez évoqué un sujet qui

 11   devait être débattu aujourd'hui concernant l'admissibilité des pièces. Je

 12   vais donc brièvement donner la parole à l'Accusation pour qu'elle me fasse

 13   également valoir son point de vue, parce que ceci n'avait pas été évoqué

 14   tout à l'heure lors de l'intervention de M. Scott.

 15   Pour résumer votre intervention, vous faites une proposition très

 16   novatrice et fort intéressante, qui serait que le témoin aurait la

 17   possibilité par une déclaration écrite de faire une déclaration sur des

 18   documents de telle façon que l'Accusation ne serait pas obligée de lui

 19   présenter pendant l'interrogatoire principal ces documents, mais ça

 20   permettrait après à la Défense de faire un contre-interrogatoire sur ces

 21   pièces. Donc c'est très intéressant et la base juridique serait le 89(F).

 22   Vous avez formulé également deux autres adaptations de nature plus

 23   technique, l'une qui concerne le paragraphe 6 de notre décision qui est

 24   relatif au mot "indispensable." Dans l'esprit de la Chambre, nous avions

 25   estimé que certains documents ne pourraient être admis que si, aux yeux de

 26   la partie qui le présente, ces documents sont vraiment indispensables,

 27   c'est-à-dire qu'ils aient une valeur probante, une pertinence et une

 28   fiabilité maximale. En revanche, des documents de moindre intérêt

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  1   pourraient ne pas être admis.

  2   Et troisièmement, qui est là d'ordre technique, et vous avez parfaitement

  3   raison, vous souhaitez qu'on substitue au terme "Accusation" "les parties,"

  4   mais c'était bien dans notre intention. En revanche, vous n'avez pas

  5   répondu à la question de fond qui était que nous avions envisagé

  6   l'admission de documents lorsqu'il n'y a aucun témoin et ça, vous ne faites

  7   pas de propositions.

  8   Monsieur Scott, est-ce que vous voulez répondre par écrit ou par oral à

  9   cette première partie d'intervention de Me Murphy ?

 10   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous

 11   avions compris, mais peut-être nous nous étions trompés. Nous pensions que

 12   ceci serait une présentation écrite et nous avons déposé d'ailleurs -- nous

 13   sommes en train de déposer une écriture à ce propos aujourd'hui. J'ai

 14   parfaitement compris ce qu'a dit M. Murphy, et nous aimerions aussi le

 15   prendre en compte pour voir ce que nous allons faire.

 16   La Chambre de première instance a fait remarquer les choses qui sont

 17   importantes pour nous et ce qui est important pour nous, et je tiens à le

 18   dire en toute franchise, que les documents qui ne peuvent pas passer par un

 19   témoin pour différentes raisons, parce qu'il n'y a pas de temps, parce que

 20   le témoin n'est pas disponible, je ne sais pas, pour différentes raisons,

 21   on a bien compris ce que vous avez dit. Notre proposition, en fait, avec

 22   tout le respect que nous vous devons, nous pensons que chaque procès qui a

 23   eu lieu dans cette institution doit y avoir un mécanisme raisonnable pour

 24   verser certains éléments de preuve directement, "bar table" comme on dit en

 25   anglais. Nous considérons que c'est parfaitement cohérent avec la

 26   jurisprudence du Tribunal et avec la pratique du Tribunal aussi, et

 27   d'ailleurs dans notre présentation écrite nous en parlons.

 28   J'aimerais dire aussi que je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Murphy sur

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  1   la pertinence. Le facteur essentiel, en fait, c'est de savoir si un

  2   document est pertinent ? S'il va aider la Chambre à faire son travail, qui

  3   est de juger ? Toutes les jurisprudences de ce Tribunal ne sont pas

  4   construites sur des règles techniques des moyens de preuve. On reçoit des

  5   moyens de preuve de façon inclusive plutôt que de façon exclusive, et de ce

  6   fait, ce qui est important, le critère essentiel c'est, bien entendu, la

  7   pertinence même de l'élément et du document. Nous considérons que ce

  8   critère peut être satisfait en versant les éléments de preuve directement,

  9   que ce soit directement par l'Accusation ou directement par la Défense, et

 10   nous sommes d'accord avec M. Murphy si l'Accusation a le droit de le faire,

 11   la Défense doit aussi avoir le droit de le faire, mais si les parties

 12   peuvent présenter des pièces qui, selon elles, sont pertinentes et il faut

 13   expliquer quelle est la pertinence parce que c'est le critère essentiel.

 14   Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous lirons vos écritures, puisque vous venez

 16   de nous indiquer que vous avez enregistré ce matin. Je l'ignorais. A la

 17   lumière de ce que nous a dit Me Murphy et de ses propositions ainsi que de

 18   vos écritures, nous prendrons une décision.

 19   J'ai vu M. Praljak se lever. Monsieur Praljak, très rapidement.

 20   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Très brièvement, Monsieur le Président,

 21   Messieurs les Juges, je vais parler en mon nom, mais je pense que mes

 22   coaccusés sont d'accord.

 23   Nous aussi, nous tenons à avoir un jugement ou un procès équitable,

 24   indépendamment du fait que cela risque de prolonger notre détention. Je

 25   sais que c'est une détention provisoire, mais ce n'est quand même pas de la

 26   liberté. Nous voulons que la vérité soit entendue devant ce Tribunal. Ce

 27   que je veux exprimer une fois de plus, ce sont des appréhensions concernant

 28   la teneur de notions telles que "gouvernement," "armée," "situation

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  1   politique," influence de la communauté internationale au niveau de la

  2   Yougoslavie, l'embargo, et cetera, et le tout nous ferait parvenir à

  3   l'objectif clé, à savoir que pouvait-on bien faire, et ce que les uns et

  4   les autres avaient bien pu faire dans la situation telle qu'elle se

  5   présentait.

  6   C'est avec beaucoup de regrets que nous avons pu voir et entendre ces

  7   gens témoigner de la base du crime, de viols, de mauvais traitements, de

  8   meurtres, et cetera. Mais malheureusement dans 95 % des cas, on n'a pas

  9   appris qui les avait tués. On sait qu'il y en a qui font l'objet de procès.

 10   On sait aussi qu'il y en a qui se promènent en liberté. Mais ce que nous

 11   n'avons pas appris c'est quelle est la corrélation entre 50 villages qui

 12   existent au niveau de la communauté, quelle est la corrélation entre les

 13   différents villages, et ce qui s'est passé entre ces gens.

 14   Il y a des milliers qui phénomènes qui sont intervenus, et nous ne

 15   pouvons pas prélever une partie sans pour autant comparer les autres

 16   éléments. Par exemple, l'armée américaine en Irak, et les situations où il

 17   n'est pas possible de gouverner ou de maîtriser les choses, maîtriser, par

 18   exemple, les troubles en France, parce que quelqu'un dans telle ville a

 19   pris position, mais on n'a pas encore le pouvoir d'empêcher ce type de

 20   chose, par exemple, quand on parle d'armée, d'une notion telle que l'armée.

 21   Par exemple, le gouvernement allemand, l'armée allemande, le peuple

 22   allemand apprend qu'en 2002 des soldats allemands ont pris des photos avec

 23   des têtes décapitées, on ne l'apprend qu'en 2006, et on apprend qu'à Abu

 24   Ghraib où un photographe a communiqué des photos aux journalistes en

 25   Angleterre de ce qui s'y passait, ce que j'appréhende, c'est de nous voir

 26   aller vers des éléments qui nous rendraient coupables parce que nous avons

 27   possédé les attributs du bon Dieu.

 28   Vous avez demandé que des éléments fondamentaux, par exemple, les

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  1   expertises relatives à l'armée, la notion d'armée organisée et aménagée, ou

  2   une armée où on voit le peuple armé avec un gouvernement qui ne fait que

  3   s'appeler gouvernement et des ministres qui n'ont même pas de téléphones,

  4   que l'on fasse donc une comparaison entre les différents modèles. Ce qui

  5   s'est passé à la Nouvelle-Orléans après les inondations où il y a eu le

  6   chaos, des meurtres, et cetera, mais ce n'est pas le maire et le chef de la

  7   police qui en sont responsables. Il y a des responsables par leurs noms et

  8   prénoms.

  9   Je ne dis pas qu'il n'y en a pas d'autres, mais nous n'avons pas

 10   d'éléments de corrélation ici. Je crois que les modèles, pris séparément,

 11   pris à part, risquent de nous conduire à un degré de culpabilité que les

 12   gens ne pouvaient pas percevoir.

 13   Etant donné que nos vies ont été détruites, ou du moins la mienne depuis

 14   sept ou huit ans, parce que les journalistes n'ont jamais dit que j'étais

 15   un "criminel de guerre potentiel," ou "éventuel." Il n'y avait pas de

 16   guillemets. Si je n'ai pas ici la possibilité de montrer où sont les

 17   limites de ma culpabilité, dans ce type de circonstance et avec ce contenu

 18   des notions pour ce qui est de l'armée, du gouvernement, de la police, et

 19   cetera, je crois que cela risque de fausser la donne. Merci.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci, Monsieur Praljak. Nous avons écouté ce

 21   que vous avez dit. Nous intégrons vos propos dans nos réflexions, et nous

 22   serons amenés dans quelque temps à rendre une décision en la matière.

 23   Je vois que M. Prlic veut aussi intervenir. Donc je lui laisse aussi

 24   rapidement la parole.

 25   L'ACCUSÉ PRLIC : [interprétation] Messieurs les Juges, il convient de faire

 26   la distinction entre certaines notions. En effet, cela n'est pas

 27   suffisamment clair. Que veut-on dire par "limite de temps" et par rapport à

 28   quoi ? Deux ans après l'obtention d'un acte d'accusation, on a vu le procès

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  1   commencer. Il faut que cela dure au moins trois ans si on fait vite. Or, si

  2   l'on continue avec cette cadence, par ce que nous estimons que ce n'est pas

  3   équitable, parce que nous n'avons pas eu le temps de poser des questions en

  4   contre-interrogatoire pour des témoins cruciaux qui ne recomparaîtront pas

  5   devant ce Tribunal, cela nous signifie encore cinq ans, au total, ça nous

  6   donne sept ans, avec des limites de temps. Ce n'est pas ni long ni court si

  7   on compare avec rien d'autre. On promulgue des mesures qui semblent

  8   accélérer les choses mais ça les rallonge. Le 92 ter, de façon évidente, ne

  9   fait que rallonger le procès plutôt que de l'écourter, parce qu'on avait

 10   prévu 20 minutes pour des témoins qui avaient, dans la documentation

 11   originale, été prévus pour deux heures.

 12   Il y a une prolongation du procès alors quand on parle du temps imparti,

 13   nous ne sommes pas coupables de la chose. Nous sommes ici confrontés à des

 14   actes d'accusation rédigés à notre encontre. Nous n'avions rien à voir avec

 15   les mémoires ou les éléments qui ont liés à l'acte d'accusation. Ils ne

 16   sont plus. Nous avons demandé une reconfirmation compte tenu des

 17   circonstances nouvellement établis. On nous a refusé la chose. On a demandé

 18   à ce que des procès soient dissociés. Ça était rejeté aussi.

 19   Alors, je ne suis pas d'accord avec le propos qui consiste à dire "la

 20   Défense." Non, il y a six Défenses ici. Monsieur le Président de la

 21   Chambre, vous avez dit qu'il y avait 1 800 délits avec 14 formes de

 22   responsabilités différentes. Si on divise cela par le temps imparti au

 23   total à une Défense, à savoir 66 heures pour ce qui est des 400 heures

 24   prévues initialement, il se trouve que pour chacun des délits et chaque

 25   forme de responsabilité concrète, la Défense n'a plus de sept secondes pour

 26   contre-interroger. Si l'on ajoute ce temps, lorsque la Défense va présenter

 27   ses éléments de preuve à décharge, ça nous donne à peu près le même quota.

 28   Cela additionné nous donne 15 secondes pour toute forme de responsabilité

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  1   qui est avancée dans l'acte d'accusation.

  2   Que voudrais-je dire par là ? On se trouve dans une situation qui ne

  3   saurait être imaginée même par Kafka. Il faut que nous renoncions à un

  4   droit au procès rapide et que nous vous suppliions de nous garder deux ans

  5   de plus en prison pour que le procès soit équitable. Je vous demande de

  6   comprendre nos positions à nous. Merci.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Prlic. Merci aussi pour les

  8   précisions et les calculs que vous avez fait sur le fait, et vous avez

  9   parfaitement raison qu'il y a 1 800 crimes, et que si on divisait le temps

 10   par le nombre de crimes, ça vous donnerait que quelques secondes par crime.

 11   C'est une évidence dont nous tiendrons, bien entendu, compte.

 12   Tout ce que les uns et les autres avaient dit va être intégré,

 13   analysé et disséqué, et nous rendrons une décision répondant aux éléments

 14   avancés par les uns et par les autres.

 15   J'ai vu le président de l'Association des conseils de la Défense se

 16   lever. Si Me Karnavas voulait rajouter quelque chose de particulièrement

 17   intéressant, vous avez la parole. Sinon, on va passer à la suite.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie. Je voulais juste

 19   faire remarquer à la Chambre de première instance que ce qu'a dit M. Prlic

 20   et ce qu'ont dit d'autres personnes, y compris M. Praljak. En fait, ils

 21   sont presque prêts à renoncer à un droit qui est leur droit à un procès

 22   rapide. Certains diraient - et j'en suis d'ailleurs - que le droit à un

 23   procès rapide doit se faire dans le cadre de la phase préalable au procès,

 24   sachant que cette phase doit, bien sûr, être raisonnable en matière de

 25   temps, mais ce n'est pas ce qui arrive ici dans ce Tribunal. Lorsqu'on est

 26   à l'étape préalable au procès, les accusés entendent sans doute trois,

 27   quatre, cinq ans avant de passer au procès.

 28   Mais si ce droit existe et qu'il est interprété comme certains le font,

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  1   c'est-à-dire que le procès doit être rapide, dans ce cas-là, il me semble

  2   qu'on renonce de façon non équivoque à ce droit, et c'est dans le compte

  3   rendu, puisque plutôt que d'avoir un procès rapide ils préféreraient avoir

  4   un procès qui dure un temps raisonnable afin que chaque accusé ait le droit

  5   de présenter ses arguments et présenter sa cause tout en reconnaissant,

  6   bien sûr, qu'il ne suffit pas que la Chambre de première instance de dire à

  7   la Défense : Ecoutez, vous en parlerez lorsque vous présenterez vos moyens.

  8   Dans ce cas-là, ça signifie qu'on doit présenter des moyens et qu'on doit

  9   réfuter une thèse, et si on doit réfuter une thèse, dans ce cas-là, la

 10   Défense se retrouve avec le fardeau de la preuve.

 11   Je considère que jusqu'à présent, nous avons travaillé rapidement et je

 12   voudrais m'assurer qu'on n'aille pas si vite car, à la fin on doit tous

 13   endosser la responsabilité du résultat, tous, c'est-à-dire les parties

 14   ainsi que les Juges. Mais le compte rendu a déjà été fait, et chaque accusé

 15   visiblement, semble prêt à renoncer à son droit, tout en comprenant, bien

 16   sûr, que le procès doit quand même être tenu dans une durée raisonnable. On

 17   ne peut pas renoncer à un droit à un procès équitable.

 18   On vous voit hocher la tête, Monsieur le Juge Trechsel. Vous pouvez

 19   renoncer à aider à votre première Défense. Vous pouvez renoncer à votre

 20   droit à vous auto-incriminer et témoigner de ce cas-là. Vous pouvez

 21   renoncer à certains droits. Il y a des droits auxquels on peut renoncer

 22   dans une certaine mesure et, bien entendu, c'est ce que je suis en train de

 23   vous dire. Ils sont en train de renoncer à ce droit puisqu'ils sont en

 24   train de dire : Tout ce qu'on veut, c'est un procès qui dure une période

 25   raisonnable, et rien de plus. J'espère que vous m'avez compris.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à mon collègue, qui -

 27   -

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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  1   Je voulais juste m'assurer d'une chose. J'ai l'impression que tout ce que

  2   j'ai dit non verbalement a tendance à être mal compris. Je n'étais pas en

  3   train de hocher la tête, j'étais en train de hocher doucement la tête parce

  4   que je réfléchissais. C'est tout. Vous pensez peut-être que je ne suis pas

  5   capable de réfléchir, mais j'étais en train de le faire en tout cas, et

  6   j'essaie en tout cas.

  7   Maintenant, j'aimerais ajouter une ou deux choses. Tout d'abord, en

  8   effet, je ne suis pas très sûr dans quelle mesure une partie, c'est-à-dire

  9   la Défense, peut de façon unilatérale renoncer à son droit à un procès

 10   rapide. L'Accusation semble aller dans ce sens, mais à mon avis, cette

 11   question n'a pas encore été réglée dans la jurisprudence. C'est pour cela

 12   que j'étais en train de dodeliner, si je puis dire.

 13   Je suis très impressionné - et M. Murphy d'ailleurs en a parlé rapidement -

 14   ce qui m'intéresse, c'est qu'il y a un élément que nous avons tous en tête.

 15   Jusqu'à présent, au niveau du Conseil de sécurité des Nations Unies, il

 16   semble que l'opinion soit que les procès en première instance doivent

 17   absolument être terminés avant la fin 2008, et il y a maintenant un membre

 18   permanent, la Russie, pour ne pas la nommer, qui indique très clairement

 19   qu'elle mettra son veto à toute prolongation à l'existence de ce Tribunal.

 20   J'avais espéré que les parties en présence allaient aborder ce sujet en

 21   parlant du fond, un petit peu, car je tiens à vous dire que malheureusement

 22   ceci est en dehors du contrôle de la Chambre.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] J'aimerais parler --

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pas tous en même temps. M. Karnavas

 25   d'abord --

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais être rapide - et j'en ai déjà parlé

 27   d'ailleurs - ce qui se passe ici est la chose suivante : le Conseil de

 28   sécurité a placé le Tribunal, et surtout les Juges, dans une situation tout

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  1   à fait intenable. Ils doivent décider s'ils vont servir les intérêts du

  2   Conseil de sécurité, qui a quand même créé cette institution et qui la

  3   finance, qui a rédigé ou qui a approuvé le Statut, ou ils doivent savoir

  4   s'ils veulent servir les intérêts de la justice. Je pense que la réponse

  5   est simple et facile. Les Juges ne peuvent servir que la justice et les

  6   intérêts de la justice, point final. Le Conseil de sécurité, s'ils veulent

  7   nous fermer en plein milieu d'un procès, qu'ils le fassent. C'est sur eux

  8   que tombera la honte. Ils l'ont établi; ils l'ont financé. Je crois que le

  9   Juge Hunt était extrêmement éloquent quand il a dit que : "Si la communauté

 10   internationale veut avoir des tribunaux de ce type, ils ont besoin de les

 11   financer." On ne peut pas dire que c'est aux Juges de faire leur sale

 12   boulot, si je puis dire, "débrouillez-vous maintenant pour trouver une

 13   solution pour que le procès se termine dans un délai ceci, parce qu'après

 14   vous n'aurez plus d'argent." Si vous partagez cette responsabilité et ce

 15   fardeau, vous partagez aussi la honte qui va tomber sur la communauté

 16   internationale si, par la suite, on se rend compte que les victimes ou que

 17   les accusés n'ont pas eu droit à un procès équitable. Je pense vraiment que

 18   malheureusement personne ne veut en parler. Pourtant, c'est ce qui est

 19   arrive.

 20   On aime parler de procès rapides, on en parle tout le temps, mais c'est un

 21   peu comme un slogan. Je l'avoue, c'est vraiment comme un slogan. C'est du

 22   baratin de stratégie d'achèvement, rien de plus, et personne n'en parlait

 23   il y a quelques années. Maintenant on en parle très ouvertement et très

 24   franchement. Mais je pense que les Juges doivent être extrêmement fermes et

 25   dire, "Non, au vu de la complexité de ces procès, on ne peut pas les

 26   terminer dans un délai X ou Y."

 27   M. Murphy a parlé de la régularité du procès et de la protection des deux

 28   parties. Précédemment, il est vrai qu'il y avait beaucoup de problèmes

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  1   légaux, des problèmes de procédure qui devaient être traités. Mais

  2   lorsqu'on étudie ces affaires, lorsqu'on regarde les actes d'accusation et

  3   regarde le niveau qu'avaient ces personnes et qu'on voit les ressources qui

  4   étaient disponibles à l'époque et le temps qui a été alloué par rapport à

  5   ce qui se passe aujourd'hui avec les mégaprocès, là, on parle quand même

  6   d'accusés qui étaient à des niveaux extrêmement élevés. Alors s'il est vrai

  7   qu'il y a peut-être un grand nombre de faits admis dans le cadre de

  8   d'autres procès, il y a les problèmes de procédure qui ont déjà été

  9   traités, c'est vrai, mais quand on compare ce type d'affaire, comment ça se

 10   fait que Blaskic ait un procès équitable, alors que Prlic, Petkovic,

 11   Praljak, Stojic ou Coric ne l'ont pas.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pusic.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Ou Pusic n'arrive pas à avoir un procès

 14   équitable. Pourquoi est-ce que Kordic a eu autant de temps ? Ou Naser Oric,

 15   il avait la moitié d'un chef à défendre, rien de plus, et il a eu plus de

 16   temps que nous. Je ne veux pas que l'on commence à dire qu'une appartenance

 17   ethnique a droit à plus de temps que d'autres. Ce n'est pas du tout de ça

 18   que je veux débattre. Le problème ici, regardez par le passé, à un moment,

 19   cette institution avait beaucoup d'argent et ils l'ont jeté par la fenêtre.

 20   Tout d'abord, il y avait des procès très longs sur des subalternes, c'est

 21   vrai qu'ils n'avaient que ça à se mettre sous la dent. Maintenant, nous en

 22   sommes à une étape où la communauté internationale commence à manquer de

 23   patience. Mais il faut bien qu'ils comprennent, on en arrive au 60e

 24   anniversaire du procès de Nuremberg. Nuremberg c'était une première étape,

 25   la première étape visant à mettre sur pied le droit pénal international

 26   comme on le connaît aujourd'hui, première étape. Mais qu'est-ce que il y a

 27   eu d'autre à Nuremberg ? C'est un processus qui n'était pas correct, un

 28   processus d'appel où ils ont eu 15 jours, rien de plus. Une procédure, lors

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  1   du procès, où la Défense était totalement handicapée. Enfin, je ne vais pas

  2   entrer dans les détails, l'entreprise criminelle commune, parce que je

  3   pense que c'était erroné, c'est encore erroné et c'est dommage que ce

  4   Tribunal ait accepté ce concept qui est mal né, si je puis dire. Mais

  5   regardez Nuremberg, c'était positif, mais c'était un peu la justice des

  6   vainqueurs, les choses ont été trop rapides. La Défense n'a pas eu le temps

  7   de se préparer. La Défense n'a pas eu de ressources supplémentaires non

  8   plus.

  9   On ne veut pas se retrouver dans cette position, et je pense que chaque

 10   Juge, en son âme et conscience, doit décider fermement de prendre parti et

 11   dire : J'ai fait de mon mieux pour que leur procès soit le meilleur

 12   possible. Pas parce que j'ai été pressé par le Conseil de sécurité, parce

 13   qu'ils doivent fermer l'institution et je dois aller le plus vite possible.

 14   Non, il faut que je sache que j'ai fait de mon mieux et qu'ils ont eu le

 15   procès le plus équitable et le plus rapide possible au vu de la complexité.

 16   On comprend bien qu'on ne peut pas faire un procès pendant quatre ou cinq

 17   ans. On essaie de travailler de façon efficace, mais il y a une limite

 18   quand on essaie de réduire les procédures, quand on essaie de prendre sans

 19   arrêt des raccourcis, en fin de compte on n'en arrive pas à un procès

 20   équitable. Je dois encore revenir en arrière et vous demander à tous, ici,

 21   si vous aimeriez qu'on vous juge ainsi. Est-ce qu'on voudrait avoir le

 22   président d'un pays que nous représentons jugé de cette façon ? Non. Est-ce

 23   qu'un membre du Conseil de sécurité, M. Bolton, par exemple, est-ce qu'il

 24   aimerait bien être dans le box des accusés ici ? Je ne pense pas. Le

 25   président Bush, est-ce qu'il serait ravi d'être jugé comme ça ? Poutine,

 26   aussi ? C'est vrai que les Russes sont un peu en colère du fait de la mort

 27   de Milosevic, mais soyons francs, on devrait faire en sorte que le procès

 28   soit exactement un procès qui nous siérait à nous, si nous étions dans le

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  1   box.

  2   Je suis d'accord avec l'Accusation. Ils ont travaillé pour préparer leur

  3   thèse. Ils ont aussi un client. Leurs clients, ce sont les victimes et la

  4   communauté internationale, ils travaillent pour eux, je soutiens

  5   parfaitement leur droit, ils ont droit à présenter de façon exhaustive

  6   leurs arguments. S'ils n'arrivent pas à présenter leurs arguments, moi

  7   aussi je vais être contraint, mais eux ils ont une fonction à remplir, et

  8   c'est pour cela que l'Accusation doit être indépendante dans son choix de

  9   personnes à mettre en Accusation, pour quel chef, et cetera. Mais la

 10   Défense doit aussi recevoir les ressources nécessaires, recevoir

 11   suffisamment de temps pour bien préparer sa thèse et pour bien défendre ses

 12   clients dans ce système, système qui est contradictoire. Ce n'est pas le

 13   système anglo-saxon, c'est un système contradictoire. C'est vrai qu'on

 14   arrive de plus en plus à se rapprocher du système romain germanique, ça ne

 15   me gêne pas. M. Murphy en a parlé, d'ailleurs. Mais il reste quand même

 16   contradictoire, et comme a dit M. Murphy, plus on s'en rapproche - et là,

 17   je ne suis pas d'accord avec le Président Pocar lorsqu'il dit que la

 18   procédure est plus contrôlée par les Juges et qu'il dit qu'on en est arrivé

 19   au domaine romain germanique. Si c'était le cas, là on aurait des

 20   problèmes, parce que les Juges font les règlements - en fait, ce qui se

 21   passe, effectivement, c'est que les Juges font des règles et ont tendance à

 22   "by-passer" les Statuts, et le Statut ne peut être modifié que par le

 23   Conseil de sécurité.

 24   Comme a dit M. Murphy - et je l'ai d'ailleurs fait remarquer par le passé

 25   et je tiens à le répéter - en dépassant cette ligne jaune, cela signifie

 26   que les accusés ne reçoivent pas les protections auxquelles ils auraient

 27   droit au titre du système romain-germanique tout en réduisant leurs droits

 28   à un contre-interrogatoire, et de ce fait, vous nous enlevez nos outils qui

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  1   nous sont absolument indispensables. Le droit à la confrontation, le droit

  2   à un contre-interrogatoire est essentiel dans un mode contradictoire à

  3   cause des rôles très différents de l'Accusation. Il est important aussi de

  4   faire un compte rendu.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : M. Stewart, mais très vite, parce que tout a déjà

  8   été dit. Allez-y.

  9   M. STEWART : [interprétation] Non, si je pensais que tout avait été dit, je

 10   me tairais. Mais je serai très bref. Je tiens à dire que du côté de la

 11   Défense de M. Petkovic, nous sommes parfaitement d'accord avec ce que

 12   Murphy a dit à propos de la thèse de l'Accusation, et cetera, et je ne vais

 13   certainement pas essayer de débattre cet après-midi de la possibilité à

 14   renoncer éventuellement à un procès équitable. Nous considérons qu'on n'a

 15   pas le droit à cela, Il y a certains aspects que l'on peut renoncer mais

 16   j'en parlerai plus tard de toute façon. Mais notre position de principe est

 17   bien simple : on ne peut pas évaluer le temps qui est nécessaire pour

 18   présenter les six thèses de la Défense avant que l'Accusation elle-même

 19   n'ait présenté sa thèse, parce qu'il faut que l'on réponde à la thèse de

 20   l'Accusation. Il faut premièrement évaluer ça correctement, et cela doit

 21   être fait de façon permanente au fil de l'eau, parce que le principe de

 22   base c'est que la Défense doit, pendant tout le procès, avoir le droit,

 23   l'occasion et le temps de présenter correctement sa Défense, et le droit à

 24   un procès rapide doit être intégré dans ce droit de base. Le procès ne doit

 25   jamais aller plus vite que ce que permet ce droit, qui est un droit de

 26   base. J'en ai parlé avec M. Petkovic, avec Mme Alaburic aussi cet après-

 27   midi. Je ne parle pour aucun autre accusé, mais en ce qui concerne les

 28   autres accusés, s'ils sont d'accord avec nous, nous serions ravis, parce

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  1   que nous considérons que c'est essentiel. On ne peut absolument pas

  2   utiliser le droit des accusés à un procès rapide pour aller à l'encontre de

  3   leur droit de base, qui est le droit d'avoir le temps, en fait, de

  4   présenter leur propre thèse.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Me Murphy s'était levé, mais peut-être ses confrères

  8   ont déjà abordé les points qu'il voulait rajouter.

  9   M. STEWART : [interprétation] Je pense qu'ils ont en effet répondu à tout

 10   cela, mais je voulais m'assurer que la question du Juge Trechsel avait été

 11   bien traitée, et je crois qu'il suffit de regarder à l'article 12 du Statut

 12   pour le faire, puisqu'il est écrit que les Juges du Tribunal doivent être

 13   indépendants. Bien sûr, il y aura toujours des problèmes politiques à

 14   propos du financement du Tribunal et toutes ces choses, et j'hésite à

 15   rentrer dans ces détails, surtout en audience publique, mais ce qui est

 16   important, à mon avis, c'est que les Juges sachent qu'ils doivent rester

 17   indépendants de toutes les pressions et qu'ils doivent continuer à assurer

 18   un procès équitable pendant toute la durée de vie du Tribunal.

 19   Si le Tribunal ne vit pas longtemps, j'espère que non, mais s'il a une

 20   durée de vie très courte, bien, dans ce cas-là, il est certain que ceux qui

 21   ne doivent pas en souffrir, ce sont les accusés.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, la réplique.

 23   M. SCOTT : [interprétation] Oui, tout à fait. Tout d'abord, je tiens à dire

 24   en préface que j'apprécie énormément tous les commentaires très francs qui

 25   ont été faits par mes confrères de la Défense. Cela dit, je dois quand même

 26   faire remarquer, qu'une fois de plus, l'Accusation a utilisé moins de temps

 27   que quiconque dans ce prétoire, et ce serait quand même notre temps,

 28   normalement, qui serait réduit, le temps de l'Accusation.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : -- écrit au transcript. Nous allons peut-être dans

  2   les minutes qui viennent faire la pause, puisqu'on devait la faire dans 15

  3   minutes, il vaudrait mieux faire la pause et puis faire venir le témoin

  4   après.

  5   Mais juste avant cela, je vais lire une décision orale relative à

  6   l'admissibilité de pièces, décision orale portant sur l'admission de pièces

  7   relatives au Témoin BU. Le Témoin BU a comparu à l'audience du 12 octobre

  8   2006. La Chambre décide d'admettre les éléments de preuve suivants

  9   présentés par l'Accusation au motif qu'ils ont une certaine valeur probante

 10   et une certaine pertinence. Alors je vais lire lentement les pièces. P

 11   09713 sous pli scellé. Dès le départ, ça part mal parce qu'il y a une

 12   erreur, alors je redis P 09713 sous pli scellé. Il y a toujours une erreur.

 13   Je recommence. Vous allez m'obliger à le dire en anglais. P 09713 sous pli

 14   scellé. Voilà, c'est bon.

 15   Ensuite, P 01839, P 01955, P 01966, P 01976, P 08289 sous pli scellé,

 16   P 09696 sous pli scellé. Je recommence, P 09696 sous pli scellé. P 08477

 17   sous pli scellé. P 08613, P 08615.

 18   La Chambre constate que la Défense n'avait demandé l'admission d'aucune

 19   pièce pour ce témoin.

 20   Bien, alors il est 15 heures 30. Nous allons faire notre pause de 20

 21   minutes, et nous reprendrons donc à 16 heures moins 10.

 22   --- L'audience est suspendue à 15 heures 29.

 23   --- L'audience est reprise à 15 heures 51.

 24   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Oui, Maître Kovacic.

 26   M. KOVACIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je crains de n'arriver

 27   en retard pour ce qui est de requêtes complémentaires pour ce qui est du

 28   témoin. Je pense que maintenant, le temps ne s'y prête pas, mais peut-être

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  1   pourrions-nous laisser quelques minutes à la fin de l'audience pour en

  2   parler. Merci.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, alors Monsieur, pourriez-vous vous lever, s'il

  4   vous plaît. Je vais d'abord vérifier que vous entendez bien dans votre

  5   langue la traduction de mes propos. Si c'est le cas, dites, je vous entends

  6   et je vous comprends.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous comprends.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, pouvez-vous me donner votre nom, prénom et

  9   date de naissance.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Safet Idrizovic, je suis né le 28 mars 1949.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre activité ou profession actuelle ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis responsable du service de sécurité

 13   dans une compagnie de fabrication d'énergie électrique à Jablanica.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, avez-vous déjà témoigné devant un tribunal

 15   international ou national sur les faits qui se sont déroulés dans votre

 16   pays dans les années 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994, ou bien c'est la

 17   première fois que vous témoignez en justice ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai déjà témoigné avant.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez témoigné. Pouvez-vous nous dire devant

 20   quel tribunal et pour quelle affaire ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné devant ce Tribunal, dans

 22   l'affaire Tuta et Stela.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans l'affaire Tuta et Stela, vous étiez témoin de

 24   l'Accusation ou témoin de la Défense ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais témoin de l'Accusation.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Deuxième question qui est importante car on s'en

 27   rend compte de l'utilité. Est-ce que vous avez été entendu par des

 28   enquêteurs de votre pays ? Vous avez été entendu par des enquêteurs du

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  1   bureau du Procureur, mais je voudrais savoir si vous avez été entendu par

  2   des enquêteurs de votre propre pays ou par un juge de votre pays sur les

  3   faits qui se sont également déroulés, et cetera.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je vous demande de lire le serment que

  6   M. l'Huissier vous présente.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN : SAFET IDRIZOVIC [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : -- quelques éléments d'information, Monsieur. Le

 14   Procureur a prévu que vous resteriez trois jours à La Haye pour témoigner,

 15   aujourd'hui, mardi et mercredi. Vous allez devoir répondre à des questions

 16   que le Procureur va vous poser, et le Procureur a l'intention également de

 17   vous présenter des documents que vous avez certainement vus quand vous

 18   l'avez rencontré hier ou ce matin.

 19   Une fois que le Procureur aura terminé ses questions -- le Procureur a

 20   prévu quatre heures 30, mais d'un premier examen, il me semble que c'est

 21   beaucoup, alors peut-être que le Procureur fera des efforts pour réduire ce

 22   temps. La Défense aura pour le moment quatre heures 30 pour vous poser des

 23   questions dans le cadre du contre-interrogatoire.

 24   A plusieurs reprises, vous faites état du général Petkovic. La Défense du

 25   général Petkovic aura une heure 30, et les autres accusés auront trois-

 26   quarts d'heure chacun.

 27   Les quatre Juges qui sont devant vous pourront également vous poser des

 28   questions s'ils l'estiment nécessaire. En règle générale, quand nous posons

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  1   des questions, c'est en complément des questions qui vous sont posées ou

  2   parce qu'il nous apparaît que votre point de vue ou vos dires peuvent être

  3   importants par rapport à l'acte d'accusation et par rapport aux questions

  4   que nous nous posons. Les questions essentielles que nous nous posons sont

  5   de deux types : les premières questions, c'est de savoir qui a fait quoi

  6   exactement, et deuxièmement, une fois que nous avons des réponses à cela,

  7   nous essayons de savoir dans la chaîne de responsabilité, quels sont les

  8   rôles des uns et des autres. C'est toujours au travers de cette grille

  9   d'analyse que nous posons nos questions, ce qui nous permet, nous, les

 10   Juges, d'aller tout de suite à l'essentiel.

 11   Si vous éprouvez quelques difficultés pendant l'audience, n'hésitez pas à

 12   nous l'indiquer. Si vous ne comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez

 13   pas à demander à celui qui vous la pose de la reformuler. La Chambre est

 14   évidemment à votre disposition pour tout problème que vous estimerez devoir

 15   évoquer.

 16   Nous faisons des pauses toutes les heures et demie pour des raisons

 17   techniques et pour vous permettre de vous reposer. Vous vous rendrez compte

 18   qu'au bout de trois jours d'interrogatoire, vous éprouverez une certaine

 19   fatigue. C'est pour ça qu'on fait des pauses. Voilà.

 20   Monsieur Scott, je pense que c'est vous qui allez mener l'interrogatoire

 21   principal, je vous laisse la parole.

 22   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 23   Messieurs les Juges.

 24   Interrogatoire principal par M. Scott :

 25   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 26   R.  Bonjour.

 27   Q.  Monsieur Idrizovic, j'aimerais aborder rapidement votre carrière, mais

 28   il y a quelques aspects qui sont importants en ce qui concerne votre

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  1   témoignage, on aura un petit peu de temps.

  2   Si j'ai bien compris, vous avez fait votre service national au sein de la

  3   JNA à peu près de 1969 à 1971; c'est bien cela ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Au cours de votre service national, avez-vous reçu la formation pour

  6   les officiers de réserve afin de pouvoir être officier commandant au sein

  7   des unités de réserve qui, à l'époque, étaient connues sous le nom de la

  8   Défense territoriale ?

  9   R.   Oui.

 10   Q.   En 1971, lorsque vous avez quitté le service actif, êtes-vous resté

 11   officier de réserve au sein de la Défense territoriale de la municipalité

 12   de Jablanica ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  En plus d'être officier de réserve à l'époque, vous étiez aussi

 15   instituteur dans une école élémentaire de la municipalité de Jablanica

 16   pendant cette époque ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Vous avez ensuite été à l'Université de Zagreb, et vous avez été

 19   diplômé en sciences politiques; c'est bien cela ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  -- diplômé, il me semble, en 1979.

 22   R.  Oui, oui.

 23   Q.  Après l'obtention de ce diplôme, vous êtes allé travailler au bureau du

 24   ministère de la Défense de la municipalité de Jablanica de 1979 à 1983 ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Pourriez-vous nous dire rapidement quel était votre profil de poste

 27   lorsque vous étiez au ministère de la Défense, quelles étaient vos

 28   responsabilités ?

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  1   R.  Il s'agissait des devoirs qui étaient prévus par la Loi portant Défense

  2   nationale du pays. Il s'agissait, par exemple, de recrutement de jeunes

  3   gens, l'envoi vers des unités de ces jeunes gens au sein de l'armée

  4   yougoslave de l'époque, et par la suite de les affecter dans les unités de

  5   réserve de la JNA, voire dans des unités de la Défense territoriale, puis

  6   il y avait une surveillance et inspection pour ce qui est des préparatifs

  7   de la municipalité à la défense, élaboration de plans liés à la défense, et

  8   ainsi de suite.

  9   Q.  Vous nous avez dit que vous avez eu ce poste en plus d'être instituteur

 10   jusqu'à 1983 à peu près. Vous y avez travaillé quelques années, jusqu'à

 11   1995, mais là vous étiez dans le privé principalement; c'est bien cela ?

 12   R.  Peut-être n'ai-je pas bien compris. Quand j'ai travaillé au ministère,

 13   je n'étais pas employé à l'école.

 14   Q.  Je suis désolé. Oui, en effet. Mais lorsque vous avez pris le poste au

 15   sein du ministère de la Défense, il ne s'agissait pas d'un emploi à plein

 16   temps, n'est-ce pas ?

 17   R.  C'est cela.

 18   Q.  Désolé. Je me suis trompé. Vous avez passé quelques années, jusqu'à

 19   1985, dans le privé; c'est bien cela ?

 20   R.  Enfin non, pas privé. A l'époque, il n'y avait pas de propriété privée.

 21   Ça appartenait à la société. C'était une entreprise de restauration qui

 22   n'était ni en propriété de l'Etat ni en propriété privée. C'était en

 23   propriété sociale, c'est ainsi que les choses étaient organisées en

 24   Yougoslavie.

 25   Q.  Ensuite, à peu près en 1985, vous êtes revenu dans le service militaire

 26   actif en tant que commandant de la Défense territoriale de Jablanica, et

 27   ce, jusqu'à environ 1988 ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  On peut dire que vous étiez capitaine de première classe à l'époque,

  2   c'était votre grade ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  De 1988 jusqu'à maintenant, en fait, vous avez obtenu un poste en tant

  5   que chef de la sécurité de l'une des centrales hydroélectriques de la zone

  6   de Jablanica; c'est bien cela ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Je me répète, vous occupez encore ce poste en ce moment-là; c'est cela

  9   ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Maintenant, j'attire votre attention sur l'année 1990. Pourriez-vous

 12   nous dire, étant donné que vous avez résidé dans cet endroit pendant très

 13   longtemps, pourriez-vous nous dire quelle est la composition démographique

 14   de la municipalité de Jablanica en 1990, quelle était la composition

 15   ethnique de cette municipalité.

 16   R.  Je pense que c'est donné dans les documents, les renseignements

 17   statistiques tout à fait précis, mais à peu près, il devait y avoir 71 et

 18   72 % de Musulmans; environ 17,8 %, si je ne m'abuse, étaient Croates; il y

 19   avait à peu près 4 % de Serbes. Les autres, c'était ce qu'on appelait

 20   autres de ceux qui s'étaient déclarés comme étant Yougoslaves ou autre

 21   chose. Pour l'essentiel, c'est cela.

 22   Q.  Monsieur Idrizovic, l'huissier vient de vous présenter une liasse de

 23   documents qui va être utilisée dans le cadre de votre interrogatoire

 24   principal. Veuillez, s'il vous plaît, trouver le document portant la cote

 25   8556, qui doit aussi être disponible pour affichage à l'écran.

 26   Les intercalaires portent des numéros, normalement c'est en ordre

 27   numérique, le 8556 devrait se trouver en bas du dossier.

 28   M. SCOTT : [interprétation] Je demande l'aide de l'huissier. C'est peut-

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  1   être dans la deuxième liasse.

  2   Q.  Monsieur Idrizovic, il s'agit d'un document qui vient du dossier sur

  3   les résultats du recensement de 1991. Vous pouvez trouver les informations

  4   à propos de la municipalité de Jablanica.

  5   R.  Oui, oui, j'ai trouvé.

  6   Q.  Cela ne donne pas de pourcentages, mais vous verrez que pour la

  7   municipalité de Jablanica, il est indiqué qu'il y avait environ 7 806

  8   Musulmans et environ 2 346 Croates. Le voyez-vous ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce à peu près cohérent avec ce que vous venez de nous dire en ce

 11   qui concerne ce que vous avez observé lorsque vous habitiez dans votre

 12   résidence à Jablanica ?

 13   R.  Je pense que ça coïncide, ce n'est pas difficile de faire le calcul.

 14   C'est cela.

 15   Q.  Pour aider les Juges, je tiens à vous dire qu'il y a aussi des chiffres

 16   pour la ville même de Jablanica, non pas pour la municipalité ou l'opstina,

 17   mais pour la ville, et il est écrit que la ville comprend 1 839 Musulmans

 18   et environ 617 Croates, entre autres.

 19   R.  Oui, oui.

 20   M. SCOTT : [interprétation] Bien. Je ne vais pas passer en détail tout ce

 21   qui est écrit sur ce document, mais vous verrez que cela donne aussi le

 22   découpage en compositions ethniques pour les villages de Doljani et de

 23   Sovici, exactement de la même façon que pour celui que nous avons vu.

 24   Q.  La Chambre de première instance a entendu un grand nombre d'éléments de

 25   preuve à propos de la situation politique en 1990 et les élections qui se

 26   sont tenues vers la fin de cette année, donc je ne vais pas vous poser

 27   beaucoup de questions à ce propos. Mais j'aimerais que vous nous disiez si

 28   en 1990 et au cours des années qui ont suivi, vous faisiez partie d'un

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  1   parti politique.

  2   R.  Non.

  3   Q.  Au cours de cette période -- vous dites que vous n'étiez membre d'aucun

  4   parti, mais est-ce que vous vous considériez comme actif politiquement ?

  5   R.  Non, ce n'est pas le cas. J'ai apporté mon soutien au SDP, qui était un

  6   parti multiethnique, mais sans avoir de participation vraiment active.

  7   Q.  Suite aux élections qui se sont tenues aux environs de novembre 1990,

  8   pourriez-vous nous dire quels étaient les résultats des élections en ce qui

  9   concerne les partis politiques ? Quel était le parti qui est arrivé en

 10   majorité et quel est le parti qui est arrivé deuxième ?

 11   R.  Si on se penche sur la question de façon conforme au principe, on

 12   peut les qualifier de démocratiques, ces élections ont révélé quelle était

 13   la volonté de la population, mais c'était une catastrophe.

 14   Q.  Est-ce que le parti du SDA a obtenu la majorité, et est-ce que le parti

 15   HDZ de Bosnie-Herzégovine est arrivé deuxième dans la municipalité de

 16   Jablanica ?

 17   R.  Je dirais qu'en principe, à ces élections, les partis nationaux

 18   ethniques l'ont emporté, le parti qui s'est présenté comme étant celui du

 19   groupe ethnique a remporté le SDA, le parti du peuple musulman a obtenu le

 20   plus de votes parce que - je vais répondre à votre question - parce qu'il y

 21   avait une majorité de Musulmans. Après il y a le HDZ parce que les Croates,

 22   de par leur nombre, étaient en deuxième position en tant que groupe

 23   ethnique. Le SDS a eu moins de votes parce que les Serbes, eux, n'étaient

 24   qu'à peu près

 25   4 %. A l'époque, il y avait une sorte de bloc de partis pluriethniques tels

 26   le SDP, puis il y avait les libéraux, et il y avait ce parti d'Ante

 27   Markovic. Son nom véritable m'échappe à présent. Eux aussi ont obtenu un

 28   peu de votes, mais en somme, c'est les partis nationaux qui l'ont emporté,

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  1   et ils ont formé l'autorité au pouvoir, et ça va par la suite donner lieu à

  2   une catastrophe pour la Bosnie-Herzégovine.

  3   Q.  Pourriez-vous nous dire, en vous basant sur des résultats d'élection,

  4   qui est devenu président de la municipalité de Jablanica, à l'époque ?

  5   R.  C'était le candidat du SDA, Hamdo Sefer.

  6   Q.  Vous souvenez-vous de la personne qui a eu le poste de vice-président ?

  7   R.  Je ne m'en souviens pas, mais ça devait forcément être l'un des

  8   représentants du parti croate. Je ne sais pas comment les choses s'étaient

  9   organisées, mais c'était ce qu'on considérait comme étant normal.

 10   Q.  Très bien. Passons à autre chose. Vous souvenez-vous que les Juges ont

 11   entendu un grand nombre de moyens de preuve à ce propos, mais pourriez-vous

 12   nous dire si, à un moment ou à un autre, la JNA en 1991 a confisqué toutes

 13   les armes et équipements qui, jusqu'à présent, avaient fait partie de la

 14   Défense territoriale et avaient appartenu à la Défense territoriale ?

 15   R.  Oui, oui.

 16   Q.  Cela a-t-il eu une influence sur vous -- est-ce que cela a eu une

 17   influence sur l'implication de la Défense territoriale ou des effectifs de

 18   réserve en ce qui concerne le territoire de Jablanica ?

 19   R.  C'était déjà la période où l'ex-Yougoslavie était en train de se

 20   dissoudre. La guerre a déjà commencé en Slovénie en 1991, c'était en

 21   ébullition en Croatie, on a désarmé la Défense territoriale en Bosnie, et

 22   tout laissait présager une guerre.

 23   Q.  En 1991, pourriez-vous nous dire si les groupes ethniques ou si les

 24   partis politiques ont procédé au découpage d'usines ou d'entreprises dans

 25   la municipalité de Jablanica, ou s'ils ont essayé de le faire, en tout cas

 26   ?

 27   R.  Bien, oui. Ça a commencé dès 1990, dès qu'il y a eu mise en place d'une

 28   autorité.

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  1   Q.  Que s'est-il passé ?

  2   R.  Les gens normaux ont du mal à comprendre, mais je dirais qu'ils avaient

  3   convenu, parce que toutes les sociétés et les compagnies étaient en

  4   propriété de la société à l'époque, en propriété autogérée. Là-bas il y

  5   avait un directeur qui était musulman, donc on en ferait une usine

  6   musulmane. Là où le directeur était Croate ou Serbe, ce serait croate ou

  7   serbe, peu importe. On a eu un cas de figure que ni la pratique ni la

  8   théorie politique ailleurs dans le monde n'a pu connaître. Bien entendu,

  9   cela a généré des situations conflictuelles. Les gens savaient parfaitement

 10   bien que ça ne donnerait rien de bien.

 11   Q.  [aucune interprétation]

 12   R.  Mais le pouvoir c'est le pouvoir, et c'est le pouvoir qui dicte toute

 13   chose. Ce n'est pas seulement le cas de Jablanica. C'était la situation

 14   telle qu'elle se présentait dans l'Etat entier.

 15   Q.  Pourriez-vous nous dire s'il s'est passé quelque chose, plus

 16   particulièrement en ce qui concerne les entreprises forestières ou les

 17   ressources sylvicoles de la région de cette municipalité de Jablanica ?

 18   R.  Oui. Ça a partagé le sort de tout le reste. Dans une région où il y

 19   avait surtout des forêts, et c'est ce secteur de Sovici --

 20   Q.  Pourriez-vous nous dire quel était le groupe national ou le groupe

 21   ethnique qui s'est chargé des ressources sylvicoles ?

 22   R.  Oui. J'allais le faire, j'ai patienté un peu pour laisser aux

 23   interprètes le temps d'interpréter. Jusque-là, il y avait à la tête de

 24   l'exploitation un Serbe, mais il a été démis de ses fonctions, et ils ont

 25   mis un Croate à sa place.

 26   Q.  Aviez-vous des informations ou des connaissances à l'époque à propos de

 27   la façon dont ces ressources sylvicoles ont été employées, lorsque

 28   l'entreprise est devenue principalement croate ou, du moins, croate de

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  1   Bosnie ?

  2   R.  Non, je n'ai pas d'information. Je ne pouvais pas en avoir. La forêt a

  3   commencé à être exploitée selon des modalités différentes que celles de

  4   jusque-là.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : -- à ce moment, parce qu'on parle de l'industrie

  6   forestière, mais les Juges, qui sont des juristes, se posent la question de

  7   savoir si cette industrie, c'était une industrie qui tombait dans la

  8   propriété privée ou c'était une industrie étatique ou municipale ? De quel

  9   type était cette

 10   industrie ? Allez-y.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça appartenait à l'Etat. C'était une

 12   entreprise de l'Etat. Parce que les forêts, même de nos jours, c'est ce qui

 13   est inscrit dans la documentation, c'est en propriété de l'Etat.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Le remplacement du directeur serbe par un Croate,

 15   qui a fait ce remplacement ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Les partis politiques qui décidaient de la

 17   chose. Ce sont les partis politiques qui étaient venus au pouvoir.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Ça voulait dire que les Croates avaient la majorité

 19   politique pour nommer qui ils voulaient ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils s'entendaient assez bien lorsqu'il

 21   s'agissait des privilèges. Ils n'avaient aucun problème, par exemple, pour

 22   se mettre d'accord avec le SDA. L'essentiel, c'était de s'emparer du plus

 23   possible d'un maximum de propriétés appartenant à l'Etat ou à d'autres

 24   groupes. Ils n'avaient aucun problème pour ce qui était de s'entendre entre

 25   eux sur ce qu'il convenait de faire.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais quand on a nommé le directeur croate, le SDA

 27   était d'accord ou pas ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez, Monsieur Scott.

  2   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Il y a un instant à la page 44, ligne 7, vous avez dit -- non, c'était

  4   ligne 2, en fait -- vous avez dit, "cela dit, l'exploitation forestière a

  5   commencé à se faire sur des modalités différentes, différentes de ce qui

  6   avait été le cas jusqu'à présent." Pouvez-vous nous dire exactement ce que

  7   vous vouliez dire ?

  8   R.  Il y a eu une coupe massive non contrôlée de la forêt.

  9   Q.  Monsieur Idrizovic, pourriez-vous vous tourner sur la pièce 9400.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : -- on a procédé à des coupes de bois de façon

 11   incontrôlée et massive. "On", c'est qui le "on" ? Les dirigeants de

 12   l'industrie forestière ? Ce sont les travailleurs de cette industrie ? Qui

 13   a décidé du changement sur l'exploitation forestière ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est celui qui était directeur qui pouvait

 15   faire ce que bon lui semblait. Hélas, c'est toujours la même situation de

 16   nos jours en Bosnie. Rien n'a changé.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est le directeur croate qui a décidé de modifier

 18   la façon d'exploiter le bois ?

 19   R.  Oui.  Mais il en allait de même ailleurs. Ça n'a pas été une exception

 20   à la règle. Je voulais dire par là que de toutes parts, on a massivement

 21   saccagé les biens publics, et s'en sont servi ceux à qui on a confié la

 22   gestion. Il n'y a pas que cela. Ç'a été partout pareil.

 23   De nos jours encore en Bosnie c'est ce qui se fait, mais il y a une police

 24   internationale, le ITPF, ou je ne sais trop comment ça s'appelle, bien

 25   qu'ils exercent un contrôle, les autorités politiques, de nos jours, le

 26   font encore.

 27   M. SCOTT : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur Idrizovic, passons à autre chose. Je vous ai demandé de vous

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  1   pencher sur la pièce 9400, elle doit être devant vous, dans le deuxième

  2   dossier.

  3   R.  J'y suis.

  4   Q.  Elle est aussi affichée à l'écran. Vous pouvez utiliser le moyen le

  5   plus simple.

  6   Depuis quelques années, Monsieur, avez-vous décidé de vous-même de préparer

  7   la chronologie de différents événements qui ont eu lieu à Jablanica au

  8   début des années 1990 jusqu'à 1995 à peu près ?

  9   R.  En réalité, je suis maintenant président de cette union des vétérans de

 10   la municipalité de Jablanica. Je suis membre de la direction de ladite

 11   organisation depuis sa création même.

 12   Q.  Pourriez-vous nous dire quelle est la teneur de la pièce 9400.

 13   R.  Peut-être trouvez-vous que je parle un peu trop lentement. Si vous

 14   voulez que j'aille plus vite, il n'y a pas de difficulté, mais j'allais

 15   continuer. Entre autres tâches que nous effectuions, nous avons décidé,

 16   partant de la documentation datant de la guerre que nous possédions,

 17   d'établir une chronologie des événements pour ce qui est de cette période

 18   de temps entre 1992 et 1995. Pour ce qui est du partage des tâches, j'ai eu

 19   pour mission de m'occuper de la période allant du 15 avril 1992 au 15 avril

 20   1993, jusqu'au début des conflits avec le HVO. Ça a duré cinq ou six ans et

 21   ça dure encore. Partant des documents qui ont été mis à ma disposition,

 22   j'ai fait mon travail. Ensuite, une fois ce travail terminé et comme

 23   j'étais déjà parti prenante à ce procès auquel nous assistons maintenant,

 24   je me suis dit que s'agissant de cette chronologie il faudrait en extraire

 25   ce qui se rapporte aux activités du HVO, jusqu'au début des conflits du

 26   conflit du 15 avril 1993.

 27   Cette chronologie-là, je l'ai à Jablanica dans mes locaux, dans son

 28   ensemble. Ceci ne constitue qu'un extrait de ce qui se rapporte au HVO.

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  1   Personne ne m'a demandé de le faire. J'ai estimé moi-même qu'il était plus

  2   facile de comprendre lorsque l'on range le déroulement chronologique des

  3   événements.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] J'aimerais intervenir, s'il vous plaît. Nous

  5   n'avons pas le déroulement chronologique original, uniquement un extrait,

  6   et il est écrit d'ailleurs que c'est un addendum à la déclaration de ce

  7   témoin. J'aimerais savoir s'il a le déroulement chronologique avec lui

  8   parce que ce serait très important. On a juste un passage, et pour le

  9   contre-interrogatoire ça serait bien avant la totalité.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le document B/C/S, je vois que ça était fait le

 11   26 novembre 2004. Ce que nous avons, c'est un extrait d'un document plus

 12   important, et à ce moment-là, est-ce qu'il y a des dates qui ne figurent

 13   pas dans votre chronologie ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Il existe une chronologie des événements dans

 15   l'ensemble, mais ce que je veux dire, c'est que j'ai prélevé dans celle-ci

 16   tout ce qui concerne les activités du HVO.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez mis dans ce document que tout ce qui

 18   concerne le HVO. Par exemple, ça démarre le 28 novembre 1991 à Grude. La

 19   communauté croate HZ HB est créée, et cetera, et cetera. Vous n'avez mis

 20   uniquement que ce qui concerne le HVO.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, vous ne m'avez pas bien compris.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais c'est ce que j'essaie de comprendre. Alors

 23   reprécisez-nous ce que vous avez mis dans cette chronologie.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans cette chronologie, nous avons inséré tout

 25   ce qui s'est passé sur le territoire de la municipalité, y compris

 26   l'exercice du pouvoir, en partie les activités des parties politiques, puis

 27   les activités de l'armée, du ministère de l'Intérieur et du HVO. En somme,

 28   nous nous sommes efforcés en réalité, partant des documents dont nous

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  1   disposions, de mettre sur pied une chronologie à l'attention des

  2   générations futures pour qu'ils aient une idée de la façon dont la vie

  3   s'est déroulée. Il y avait là le fonctionnement de l'économie, la

  4   production du temps de guerre, les hôpitaux de guerre, la scolarité, enfin,

  5   toute la vie de Jablanica dans cette période-là. On a essayé de la

  6   présenter. Mais rien qu'à partir des documents, pas à partir des souvenirs

  7   des uns ou des autres, excusez-moi, je voudrais encore --

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : -- "nous", je crois comprendre que c'est un travail

  9   collectif des vétérans de la municipalité. Ce n'est pas votre travail seul.

 10   C'est un travail collectif. Est-ce bien comme ça que je dois comprendre ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 12   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais

 13   que l'on tire les choses au clair car il parle au pluriel. Je voudrais

 14   savoir, quel est son travail et quel est celui des autres ? Je crois qu'il

 15   ne s'est occupé que d'une période déterminée dans la chronologie en

 16   question, si j'ai bien compris, avril 1992 à avril 1993.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Ces vétérans, vous étiez combien ? Vous étiez

 18   combien dans ce groupe ? Comme le dit l'avocat, vous avez participé de A à

 19   Z à tout ce travail, ou bien vous n'avez apporté qu'une contribution

 20   parcellaire ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Les autres se sont occupés de ce qui est venu

 22   après. Je me suis occupé de cette période. On a essayé de travailler par

 23   groupe, par équipe, aux fins de partager le travail par année ou par type

 24   d'activité, ainsi de suite. On a fonctionné de toutes sortes de façons, et

 25   au final ça s'est réduit à quelques-uns d'entre nous qui sont restés actifs

 26   en la matière jusqu'au bout. Nous n'avons malheureusement pas publié tout

 27   cela, parce que personne ne veut nous apporter de soutien financier. Il

 28   faut de l'argent pour qu'on puisse le publier. Je dirais que c'est à 90 %

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  1   prêt pour être mis sous presse.

  2   Pour ce qui est de la période courante jusqu'au conflit, et pour ce qui est

  3   de la période après le 15 avril 1993, les autres s'en sont occupés encore

  4   plus que moi. C'est pourquoi je n'ai pas voulu parler de cette période-là.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : On comprend que vous avez travaillé jusqu'au 15

  6   avril 1993. Pour la période au 15, et vous avez commencé à quelle date au

  7   juste ? Est-ce que vous avez commencé à partir du 28 novembre 1991 pour ce

  8   qui vous concerne ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est là que tout commence. C'est en 1991

 10   qu'il y a formation de la HZ HB à Grude. Puis le 20 ou le 21 janvier 1992,

 11   lorsqu'il y a eu création de la Republika Srpska. Pour que vous compreniez

 12   mieux, ce n'est pas tout. Ce n'est pas le dixième de ce qui y figure, ou

 13   même pas le vingtième de ce qui figure dans le reste.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que ce

 15   document précis ne soit pas versé au dossier pour plusieurs raisons, et que

 16   nous n'employions pas ce document comme moyen de preuve pour les raisons

 17   suivants : tout d'abord, nous n'avons pas les noms des autres membres, ce

 18   qui serait quand même utile. Deuxièmement, nous n'avons pas les documents

 19   qui ont été employés dans toutes ces occasions qui sont énumérées dans le

 20   déroulement chronologique, qui nous permettrait éventuellement de vérifier

 21   le type de documents qui ont été employés. Si les documents étaient

 22   disponibles et n'ont pas été utilisés, ce sont des documents qui auraient

 23   dû être utilisés et qui n'étaient pas disponibles. Troisièmement, nous ne

 24   savons absolument pas si cette chronologie est fondée sur ce que cette

 25   personne savait des événements ou s'il s'agit d'une compilation faite par

 26   ses soins, mais suite à la lecture de documents et ensuite des conclusions

 27   qu'il en aurait tirées. A mon avis, cette chronologie n'a aucune valeur

 28   probante. Il serait bien plus utile que cette personne, puis qu'il soit

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  1   tourné au mur, qu'il décrive ce dont il se souvient et qu'il ait assisté.

  2   C'est bien plus valable que de nous présenter cette chronologie, parce que

  3   cela a une influence quand même sur le droit au contre-interrogatoire. En

  4   effet, par exemple, il ne peut citer absolument rien à propos de ces lignes

  5   qui sont là. La façon dont la chronologie nous est présentée, c'est comme

  6   c'était un rapport d'expert.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, les problèmes que posent la Défense,

  8   mais que les Juges aussi peuvent avoir à l'esprit, c'est la méthodologie

  9   suivie pour établir ce document. Est-ce que peut-être par un jeu de

 10   questions pertinentes vous pouvez répondre aux objections de la Défense, si

 11   vous estimez que ce document est d'une importance telle qu'il faut

 12   l'aborder, parce que c'est encore un autre problème.

 13   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie. En fait -- je vois le conseil

 14   qui est debout --

 15   M. KOVACIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Je

 16   n'avais pas l'intention d'interrompre qui que ce soit, mais le témoin n'a

 17   pas répondu à votre question pour ce qui est de ce dernier segment. Il a

 18   commencé à parler du premier événement de la chronologie, mais il n'a rien

 19   dit des dates. Il est évident qu'il y a pas mal de données.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Répondez à cela. A quel moment le document a

 21   été préparé ? Puis M. Scott interviendra. Allez-y.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Les gens ne veulent pas comprendre. J'ai été

 23   clair pour chaque constatation dans cette chronologie. Il y a un document

 24   et une documentation. Derrière tout ceci, ce que vous avez entre les mains,

 25   et pour ce qui est de l'ensemble du jeu complet qui est en ma possession,

 26   il y a des bases documentaires. S'ils se sont bien préparés, pour tout ce

 27   qui est rédigé ici, je dirais qu'il y a quelque chose pour le sous-tendre.

 28   Je les ai communiqués, ces documents. S'ils ne les ont pas lus, c'est leur

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  1   problème. S'ils ne veulent pas les lire, une fois de plus c'est leur

  2   problème à eux.

  3   M. SCOTT : [interprétation] Mais --

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : -- décision sur le temps des objections n'aient pas

  5   encore été prise, ce qui aurait eu l'avantage de limiter.

  6   Maître Nozica, vous voulez intervenir sur quoi ?

  7   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voulais pas

  8   élever une objection, mais juste aider les Juges et le Procureur. Au côté

  9   de la déclaration de ce témoin, nous voyons qu'il a confié 65 documents au

 10   bureau du Procureur, et on voit à compter les événements de la chronologie

 11   qu'il y a au moins deux fois plus d'événements que de documents. Ce qui

 12   fait que l'argument avancé par le témoin tout à l'heure ne tient pas

 13   debout, s'il est exact qu'il a confié autant de documents figurant à la

 14   déclaration.

 15   M. KOVACIC : [interprétation] Je m'excuse vraiment, Monsieur le Président.

 16   Je dois vous ennuyer et vous importuner, mais le témoin a évité de répondre

 17   à la question. La question a été tout à fait claire. J'avais demandé à M.

 18   le Procureur de lui poser la question ou de me laisser poser la question.

 19   Vous avez été tout à fait clair, j'ai paraphrasé ce que vous avez dit, et

 20   une fois de plus le témoin donne des leçons à la Défense pour ce qui est de

 21   ce qu'elle devrait savoir ou ne pas savoir, au lieu de répondre à la

 22   question simple à savoir quand ce document a-t-il été élaboré.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense avoir répondu, mais il est évident

 24   que vous ne voulez pas entendre. Ce document a été élaboré pendant des

 25   années. Je l'ai déjà dit, pendant des années. Tout de suite après la

 26   guerre, à partir de 1995, nous avons élaboré une documentation. J'ai

 27   également indiqué, et ça doit être au PV --

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que nous voulons savoir --

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux répondre.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : -- à partir de quelle date vous avez décidé de

  3   concentrer vos travaux. Dans le document, on voit c'est Grude, novembre

  4   1991. Nous voulons savoir, est-ce que c'est la date du commencement où vous

  5   vous êtes concentré sur la chronologie ou il y a une date antérieure. C'est

  6   ça que nous voulons savoir, et non pas de savoir que c'est en 1995 que vous

  7   avez tous commencé à travailler. Est-ce que vous avez compris la différence

  8   ? Quelle est la date où vous êtes dit, "on va commencer à travailler sur ce

  9   sujet" ? Est-ce que c'est en novembre 1991 ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois être tout à fait sincère et dire que

 11   je ne sais pas. Il y a une décision de la présidence de notre organisation

 12   portant sur ce sujet. Je ne veux pas émettre des hypothèses. Je ne saurais

 13   pas vous donner l'année. Parce que ça s'est passé il y a longtemps.

 14   M. SCOTT : [interprétation]

 15   Q.  S'il vous plaît, avec la permission des Juges, j'aimerais poser

 16   quelques questions, si vous m'y autorisez.

 17   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Oui, je pense qu'il faut mettre un

 18   terme à cette discussion. La Chambre de première instance décidera à propos

 19   de la recevabilité de ce document. Nous avons entendu des arguments de la

 20   Défense. Nous avons entendu le témoin. Nous avons entendu l'Accusation

 21   aussi. Je considère que nous devrions poursuivre. Je vous remercie.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur Scott, vous avez la parole.

 23   Essayez par vos questions de répondre aux préoccupations qui ont été

 24   soulevées, si c'est possible.

 25   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 26   Q.  Monsieur Idrizovic, j'ai cru comprendre qu'un moment après la fin de la

 27   guerre, vous nous avez dit d'ailleurs il y a peu de temps que c'était en

 28   1995, cette organisation d'anciens combattants a décidé de rédiger un

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  1   document reprenant le déroulement chronologique des événements qui ont eu

  2   lieu dans la municipalité de Jablanica pendant le conflit; c'est bien cela

  3   ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et votre mission dans le cadre de cette tâche était de vous occuper de

  6   ce qui s'était passé d'environ avril 1992 jusqu'à la mi-avril 1993; c'est

  7   cela ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Si vous pouviez maintenant jeter un œil sur la pièce et la deuxième

 10   page de ce document --

 11   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Tant qu'il n'y a pas de décision rendue,

 12   je voudrais dire quelques mots, Monsieur le Président. M. Scott a posé une

 13   question pour savoir si c'est une chronologie de la municipalité de

 14   Jablanica. Le témoin lui a dit qu'il a pris les événements pour ce qui est

 15   des activités du HVO. Je devrais aussi prendre en considération ce qu'a

 16   fait M. Karnavas et ce que j'ai fait. Il faudrait qu'on prenne ce qu'a fait

 17   l'ABiH et ce qu'a fait le HVO. Il ne s'agit pas seulement de la

 18   municipalité de Jablanica.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Ecoutez, là les choses ne sont plus contrôlées.

 20   Je ne vois pas pourquoi on fait une objection, on ne peut pas dire qu'un

 21   livre ou qu'un document soit exhaustif. Il n'a pas l'intention d'être autre

 22   chose d'ailleurs. C'est comme faire une objection en disant que quelqu'un a

 23   écrit un livre et n'a pas ajouté, présenté toutes ces sources qui étaient

 24   servies dans le livre. C'est comme dire que dans un livre, on ne parle pas

 25   de tous les événements historiques.

 26   Il s'agit d'un livre, et le témoin a répondu aux questions de façon

 27   très franche. Il a été commencé par une organisation de vétérans après la

 28   guerre à peu près en 1995. Lui était chargé de s'occuper d'une période

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  1   allant du 15 avril 1992 environ jusqu'à la mi-avril 1993.

  2   Tout ce que je voulais faire, c'était lui demander de regarder la

  3   deuxième page, en fait, la traduction en anglais de ce document, et vous

  4   verrez que mis à part ce qui est écrit pour le 28 novembre 1991, vous

  5   verrez qu'en effet, la première ligne renseignée porte sur avril 1992.

  6   Ensuite, si on passe à la dernière page de ce document - et le témoin peut,

  7   bien sûr, le confirmer, parce que je pense que le document est extrêmement

  8   clair - ce document se termine au 15 avril 1993. C'est exactement ce que le

  9   témoin nous a dit depuis 20 minutes.

 10   Si je peux revenir en arrière, c'est pour le compte rendu pour qu'il soit

 11   clair, ensuite nous passerons à autre chose. Peut-être que ce document

 12   pourrait aider le témoin ou utiliser la Chambre de première instance. Ce

 13   n'est pas, bien sûr, la Bible reprenant tout ce qui s'est passé dans le

 14   conflit, c'est juste une tentative faite par une organisation de rédiger le

 15   déroulement de ce qui s'est passé. C'est ce que le témoin nous a dit

 16   d'ailleurs, mais il faudrait que le compte rendu soit clair.

 17   Q.  J'aimerais vous poser la question suivante : au bureau du Procureur,

 18   personne ne vous a demandé de préparer ce document ni ne vous a indiqué

 19   quoi mettre dans ce document, n'est-ce pas ?

 20   R.  Non, non.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Les vétérans, les anciens combattants, c'étaient des

 22   anciens combattants tous confondus, Croates, HVO et ABiH, ou bien les

 23   anciens combattants uniquement de l'ABiH ou de la Défense territoriale de

 24   Jablanica ? Pouvez-vous nous préciser qui sont ces anciens combattants.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux le faire. Il s'agit des

 26   combattants de l'"armija". Les combattants du HVO ont leur propre

 27   organisation qui s'appelle Hvidra. Malheureusement, les deux organisations

 28   ne se sont pas encore unifiées et ça devrait être le cas parce que

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  1   désunies, elles ne font pas le poids.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que les anciens membres du HVO ont

  3   aussi, comme vous, leur propre organisation qui s'appelle Hvidra, mais ils

  4   n'ont pas encore fait ce document, et vous semblez dire, si je comprends

  5   bien vos propos, qu'il faudra un jour où vos deux organisations n'en

  6   fassent plus qu'une. C'est bien comme ça qu'on comprend ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Au moins, ça a le mérite d'être précis.

  9   Monsieur Scott, continuez.

 10   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

 11   Q.  Passons à autre chose. Pourriez-vous nous dire la chose suivante : si

 12   après les élections de 1990 et l'élection des représentants municipaux dont

 13   vous avez parlé il y a un petit moment, est-ce que les autorités

 14   municipales, pendant l'essentiel de l'année 1992, ont continué à

 15   fonctionner comme étant une autorité multiethnique ou multipartite, c'est-

 16   à-dire est-ce qu'il y avait des membres du SDA, des membres du HDZ, des

 17   membres du SDS, et cetera, au sein de ces autorités municipales ?   

 18   R.  Ils coopéraient dans les apparences. C'était le cas dans le pays

 19   entier, mais leurs objectifs étaient tout à fait différents.

 20   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Je m'excuse, mais nous n'avons pas

 21   d'interprétation vers l'anglais.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, il semblerait qu'il n'y ait

 23   pas d'interprétation en B/C/S.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je reçois l'interprétation.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vérifie si la traduction fonctionne. Voilà, ça

 26   marche. Vous entendez dans votre langue mes propos, Monsieur ? Bien, ça

 27   marche.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends, je vous entends.

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  1   M. SCOTT : [interprétation]

  2   Q.  Il y a un petit moment, vous avez dit : Oui, c'était le cas, en tout

  3   cas, ostensiblement. Pourriez-vous maintenant regarder la pièce 624 qui se

  4   trouve dans le premier dossier où il se trouve aussi affiché à l'écran.

  5   S'agit-il du PV de la réunion de l'assemblée municipale de Jablanica

  6   s'étant tenue le 22 octobre 1992 ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Lorsqu'on regarde ce document et que l'on voit les personnes qui y ont

  9   participé, on voit qu'il y avait des participants venant d'un grand nombre

 10   de partis politiques, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Bien. Un exemple -, je ne suis pas sûr que la pagination soit identique

 13   dans la version en bosniaque - mais à la deuxième page, on voit que le

 14   premier point de l'ordre du jour est un camp qui a été établi pour les

 15   personnes déplacées. Ça semble être le point numéro 1 de l'ordre du jour,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Ensuite, si on compile sur plusieurs pages, pourriez-vous arriver

 19   maintenant au point numéro 2 à l'ordre du jour. Veuillez me faire savoir

 20   quand vous aurez trouvé le passage.

 21   R.  Je suis en train de chercher sur le moniteur. Je n'ai pas ça sur le

 22   moniteur.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : -- que vous regardez les documents parce que

 24   l'écran, c'est très compliqué à manier. Personnellement, je ne travaille

 25   uniquement que sur les pièces que j'ai dans les mains. Allez, regardez le

 26   document.

 27   M. SCOTT : [interprétation]

 28   Q. Si vous avez trouvé le point de l'ordre du jour numéro 2, point numéro 2

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  1   de l'ordre du jour, il s'agit en fait de la situation en termes de sécurité

  2   concernant la municipalité de Jablanica, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Au titre des postes qui vous ont employés, avez-vous à un moment ou à

  5   un autre participé à une réunion de ce type ou vu au moins le PV de ces

  6   réunions ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Si nous regardions une série des PV concernant l'année 1992, ils

  9   seraient tous à peu près identiques, enfin, en ce qui concerne la liste des

 10   participants et leurs partis politiques; c'est cela ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Maintenant, j'aimerais attirer votre attention sur le mois de février

 13   1992. Les Juges de cette Chambre ont entendu un grand nombre d'éléments de

 14   preuve à ce propos, mais j'aimerais que vous nous disiez ce qui s'est passé

 15   par rapport au référendum sur l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, en

 16   vous concentrant plus précisément sur la municipalité de Jablanica.

 17   Qu'avez-vous vu et de quoi vous souvenez-vous ?

 18   R.  Alors, avant cet événement, il y a eu d'abord le prononcé des

 19   représentants du peuple serbe au Parlement de la République de Bosnie-

 20   Herzégovine. Et ils ont voulu se dissocier, ne plus participer aux

 21   activités du Parlement. Ils ont décidé de créer cette République serbe en

 22   Bosnie-Herzégovine. En réponse à cela, probablement, il y a eu décision de

 23   procéder à un référendum auprès des citoyens de la Bosnie-Herzégovine pour

 24   dire s'ils sont pour le fait de faire rester la République de Bosnie-

 25   Herzégovine au sein de la Yougoslavie ou devenir un Etat indépendant. 

 26   Et si mes souvenirs sont bons, le référendum a été prévu pour le 28 févier

 27   et pour le 1er mars 1992. Les médias ont fait savoir, le 28 au soir, que

 28   dans les municipalités à majorité croate, il y avait eu un minimum ou

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  1   presque pas de gens à être sortis voter. Au lendemain, la volonté du peuple

  2   croate, ceux qui sont allés voter au référendum, il y a eu vote en faveur

  3   de l'indépendance, donc sécession vis-à-vis de la Yougoslavie. Et le jour

  4   d'après, ça a donné lieu à la guerre. Il y a eu blocus de Sarajevo, ensuite

  5   les événements se sont déroulés comme ils se sont déroulés. Et au final, le

  6   15 avril, il y a eu une guerre totale.

  7   Q.  Il y a quelques choses. Vous nous dites qu'il s'agit du 15 avril. C'est

  8   le 15 avril 1992, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, 1992.

 10   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Scott, je suis désolé.

 11   M. SCOTT : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je pense qu'il y a peut-être une

 13   erreur dans le compte rendu en ce qui concerne la réponse du témoin. Avez-

 14   vous parlé des municipalités où c'étaient les Croates qui étaient en

 15   majorité ou s'agissait-il de municipalités où il y avait une majorité de

 16   Serbes ? Parce qu'il est dit à la fin de votre dernière réponse que le

 17   lendemain, les Croates qui avaient pris part au référendum ont proclamé

 18   l'indépendance, ont fait sécession d'avec la Yougoslavie et le lendemain,

 19   ont immédiatement commencé le blocus de Sarajevo.

 20   Il me semble que vous parliez des Serbes et non pas des Croates. Cela dit,

 21   dans le compte rendu, il est écrit Croates. Merci.

 22   M. SCOTT : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur le Témoin, vous venez de hocher la tête de façon affirmative.

 24   Donc j'imagine que la réponse, du [comme interprété] Juge Prandler avait

 25   raison, n'est-ce pas ?

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Répondez.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas comment il y a eu confusion.

 28   J'ai dit que la volonté du peuple croate de Bosnie-Herzégovine a fait que

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  1   la Bosnie-Herzégovine a acquis son indépendance. Et le lendemain, les

  2   Serbes ont bloqué Sarajevo et il s'est produit ce qui s'est produit. C'est

  3   ce que j'ai voulu dire. Je ne sais pas si j'ai été suffisamment clair.

  4   M. MURPHY : [interprétation] On a demandé au témoin ce qui se passait à

  5   Jablanica. On pourrait peut-être gagner du temps si le témoin ne nous

  6   donnait pas sa version des événements en ce qui concerne toute la

  7   Yougoslavie, mais s'il se concentrait sur la question qui lui est posée.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. C'est une réflexion que je me pose. Je vois que

  9   vous avez fait des études de sciences politiques. Alors, vous venez, non

 10   pas comme expert en sciences politiques, mais vous venez comme témoin de la

 11   municipalité de Jablanica. Alors, essayez uniquement de ne parler que de

 12   Jablanica. Parce que si vous intégrez dans vos réponses des considérations

 13   géopolitiques, géostratégiques, que sais-je, à ce moment-là, on va perdre

 14   du temps, et nous, ce qui nous intéresse, c'est votre vécu à Jablanica.

 15   Alors, essayez de bien vous concentrer uniquement sur ce qui s'est passé

 16   dans cette municipalité.

 17   Monsieur Scott, essayez bien de le cadrer uniquement dans la

 18   municipalité de Jablanica.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Tout à fait. Je pense que je l'ai fait, comme

 20   l'a dit M. Murphy. Je vais essayez, cela dit, de faire encore mieux.

 21   Q.  Maintenant, j'attire votre attention bien précisément, parce que les

 22   Juges ont déjà entendu parler du référendum, mais j'ai quelques questions à

 23   vous poser à propos de ce qui s'est passé là où vous résidiez, c'est-à-dire

 24   à Jablanica, à cette époque-là. Il y a un moment, vous avez dit que,

 25   d'après ce que vous saviez, le premier jour -- le projet de référendum, en

 26   fait, les Croates ne sont pas allés voter. En revanche, le deuxième jour,

 27   ils y sont allés. Voilà où nous en sommes.

 28   Donc avez-vous appris quoi que ce soit à Jablanica, à l'époque, à propos de

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  1   ce qui s'était passé entre le premier jour du vote et le deuxième jour, qui

  2   aurait fait que les Croates, tout d'une coup, se rendent au bureau de vote

  3   le deuxième jour, si vous le savez, bien sûr ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'ai dit tout à l'heure ne se rapporte

  5   pas à eux. A Jablanica, le premier jour, il y a eu un nombre suffisant de

  6   gens à voter. Il n'y a pas eu de problème. Alors, quand on compte les

  7   votes, on ne compte pas les groupes ethniques, et on le sait. Les médias

  8   ont fait savoir que dans les municipalités à majorité croate, il n'y a pas

  9   eu suffisamment de gens à être venus voter. C'est ce que j'ai dit. Je n'ai

 10   rien dit d'autre.

 11   M. SCOTT : [interprétation]

 12   Q.  Je répète ma question. Savez-vous s'il s'est passé quelque chose entre

 13   le premier jour et le deuxième jour du scrutin qui aurait fait que les

 14   Croates, tout d'un coup, se seraient rendus aux bureaux de vote ?

 15   R.  Non, je ne le sais pas.

 16   Q.  Bien. Passons à ce qui s'est passé après le référendum, passons à avril

 17   1992. Y a-t-il eu une entité appelée présidence de Guerre ou cellule de

 18   Crise qui aurait été créée dans la municipalité de Jablanica à ce moment-là

 19   ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Pourriez-vous nous en parler brièvement. Comment cette entité a-t-elle

 22   été créée, et cette cellule de Crise ou cette présidence de Guerre, pouvez-

 23   vous nous dire en quoi elle différait du gouvernement municipal qui

 24   existait jusqu'alors ?

 25   R.  D'après les statuts ou la constitution, comme vous voulez l'entendre, à

 26   l'époque, en cas de guerre, les décisions étaient prises par des corps ou

 27   des instances plus restreintes, pas par les parlements, mais qui sont crées

 28   par les partis politiques au pouvoir pour être plus rapides. Donc il y a

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  1   eu, conformément à cette pratique, création d'une cellule de Crise et d'une

  2   présidence de Guerre qui a fonctionné pendant toute la durée de la guerre.

  3   Q.  A l'époque, donc à partir d'avril 1992, cette cellule de Crise qui a

  4   été formée, était-elle établie sur la base du multiethnisme ou du

  5   multipartisme ?

  6    R.  Oui, cela traduisait, oui.

  7   Q.  Donc il y avait des Croates, des Musulmans et aussi des Serbes au sein

  8   de cette cellule de Crise ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et --

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Là aussi, je suis un peu perdu. Vous dites, en

 12   période de guerre. Qui était l'ennemi ? Parce que s'il y a des Croates, des

 13   Musulmans et des Serbes, alors qui est l'ennemi désigné ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait encore un ennemi. Les Serbes

 15   étaient, à l'époque, l'ennemi.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, l'ennemi c'est les Serbes et dans la cellule

 17   de Crise il y a aussi des Serbes ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, parce que ce sont des gens qui sont là,

 19   qui vivent là, et ils n'interviennent en rien contre l'Etat. Tous les

 20   Serbes n'ont pas été partis de suite. On avait 4 % de Serbes chez nous. Ils

 21   ne représentaient aucune espèce de puissance. C'étaient des gens qui

 22   étaient là, tout simplement, qui résidaient là et qui ont fait partie des

 23   instances de pouvoir au prorata de leur nombre.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI :  Les 4 % de Serbes dans la municipalité de Jablanica

 25   étaient représentés dans la cellule de Crise; c'est ce qu'on comprend de

 26   vos propos ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le SDS avait un délégué à l'assemblée

 28   municipale et il a fait partie de cette présidence.

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  1   M. SCOTT : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Idrizovic, peut-être pourrions-nous éclaircir un peu les

  3   choses si je vous pose la question suivante : c'était ce qui se passait au

  4   début, donc en avril 1992, mais pourriez-vous nous dire si cela s'est

  5   poursuivi pendant tout le conflit ?

  6   R.  Non. Enfin, rien n'est resté pareil. La situation s'est détériorée.

  7   Enfin, je ne peux pas dire du jour au lendemain, mais ça s'est détérioré

  8   constamment.

  9   Q.  Bien. J'aimerais juste poursuivre un petit peu la question posée par le

 10   Président. Est-ce qu'à un moment ou un autre les membres serbes de

 11   l'assemblée municipale et/ou de la cellule de Crise ont été retirés de

 12   cette cellule, de cette entité ? Est-ce qu'ils ont été chassés de l'entité

 13   ? Est-ce qu'ils ont cessé d'en faire partie à un moment où à un autre ?

 14   R.  A l'époque dont nous sommes en train de parler, non. J'ai parlé de

 15   façon générale à l'instant même.

 16   Q.  Quand est-ce que cela est arrivé ?

 17   R.  Je n'ai pas compris votre question.

 18   Q.  Vous avez dit que c'était pas arrivé à ce moment-là, en avril 1992,

 19   mais j'imagine, d'après votre question, que c'est arrivé à un autre moment.

 20   Pouvez-vous dire quand ?

 21   R.  Les Serbes ou la majorité des Serbes qui avaient un député au niveau

 22   municipal ont quitté Jablanica en automne 1993. Et si vous le permettez, je

 23   dirais aussi, qu'avant cela, le Parlement de la République de Bosnie-

 24   Herzégovine avait proclamé que le SDS était une organisation terroriste, et

 25   il y a eu cessation du mandat de ces gens-là, si mes souvenirs sont bons.

 26   Parce qu'ils étaient en train de représenter une organisation terroriste,

 27   si je m'en souviens bien. Et ça s'est passé à un moment donné de l'année

 28   1992. Je ne sais pas vous donner la date exacte.

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  1   Q.  Vous avez dit qu'ils sont partis à l'automne 1993 et maintenant, vous

  2   venez de nous parler de l'année 1992. Pourriez-vous éclaircir ce point ?

  3   Peut-être qu'il y a une erreur de traduction ou peut-être la sténotypiste

  4   s'est-elle trompée.

  5   R.  Non. J'ai dit que le Parlement de la République de Bosnie-Herzégovine a

  6   proclamé le Parti démocratique serbe d'organisation terroriste. Cela a fait

  7   cesser le mandat à tous les députés à tous les niveaux du pouvoir. Je parle

  8   ici maintenant des députés du SDS.

  9   Q.  Très bien. Maintenant, par rapport à la cellule de Crise et l'assemblée

 10   municipale, nous aimerions savoir si la cellule de Crise avait remplacé

 11   l'assemblée municipale, a-t-elle délogé, ou est-ce que cette assemblée

 12   municipale a continué à fonctionner pendant toute cette période ?

 13   R.  La cellule de Crise prend ses décisions au nom du parlement, de

 14   l'assemblée, lorsque cette assemblée n'est pas en mesure de siéger. Et une

 15   fois que les conditions sont réunies, on réunit l'assemblée et c'est cette

 16   assemblée qui entérine ou n'entérine pas les décisions prises par la

 17   cellule de Crise, voire cette présidence.

 18   Q.  Très bien. En avril 1992, pouvez-vous nous dire si une nouvelle

 19   organisation appelée la Défense territoriale a été créée ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Pourriez-vous nous dire en quoi cette Défense territoriale différait,

 22   le cas échéant, de la Défense territoriale qui avait existé au sein de la

 23   structure de la JNA ?

 24   R.  Ça s'est passé en même temps. Je pense qu'il y a eu suppression du QG

 25   existant jusque-là, parce que celui-ci était une espèce d'appendice de la

 26   JNA, et on a créé un QG de la Défense territoriale de la République de

 27   Bosnie-Herzégovine.

 28   Q.  Pouvez-vous nous dire à peu près quand ça s'est passé, si vous vous

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  1   rappelez de la date ?

  2   R.  Début avril 1992.

  3   Q.  Et s'agit-il de l'organisation qui, quelques mois après, c'est-à-dire

  4   en juin 1992, est devenue l'ABiH ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Pourriez-vous nous dire aussi - et nous parlons toujours, bien sûr, de

  7   la municipalité de Jablanica, pourriez-vous nous dire si une organisation

  8   armée du HVO, une organisation militaire du HVO aurait été créée à peu près

  9   au même moment, en avril 1992 ?

 10   R.  Ça doit exister dans les documents. C'est inscrit quelque part. Il y a

 11   là-bas une décision portant création du HVO dans les municipalités qui

 12   étaient censées constituer la communauté croate de la Herceg-Bosna. En ce

 13   moment, je ne sais pas vous dire, mais c'est dans les documents que nous

 14   avons tous en main. C'est à peu près vers cette date-là que ça s'est passé,

 15   peut-être même avant.

 16   Q.  Entre la Défense territoriale et le HVO, comme ils existaient alors ou

 17   comme ils étaient en formation en avril 1992, parmi ces deux organisations,

 18   pourriez-vous nous dire laquelle des deux était mieux organisée et surtout

 19   mieux équipée à ce moment-là ?

 20   R.  Je pense que c'était le cas du HVO. Je n'ai pas d'élément de preuve à

 21   l'appui, mais je suppose que ça allait mieux chez eux, parce que d'un point

 22   de vue logistique ils étaient mieux couverts que l'"armija". Ils avaient

 23   sur qui prendre appui.

 24   Q.  Vous dites qu'ils avaient sur qui prendre appui. Que voulez-vous dire ?

 25   R.  Bien, ils pouvaient prendre appui sur la République de Croatie qui,

 26   probablement, les a aidés à s'équiper et à former les membres du HVO. Parce

 27   que même avant cela, ils avaient participé à la guerre patriotique de

 28   Croatie. Donc probablement la Croatie les a-t-elle aidés.

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  1   Q.  A cette époque, au sein de la municipalité de Jablanica, pourriez-vous

  2   nous dire si un grand nombre de Musulmans ont rejoint les rangs du HVO.

  3   Parce qu'à l'époque, le HVO était perçu comme étant une organisation qui

  4   était la mieux équipée et la mieux organisée ?

  5   R.  Pour autant que je sache, il n'y avait que trois soldats à faire partie

  6   du HVO à Jablanica. Jablanica n'est pas très caractéristique pour ce cas de

  7   figure. Dans d'autres municipalités, oui, Capljina, Stolac, Mostar, oui.

  8   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre de première instance si à un

  9   moment ou un autre d'avril 1992, un pont dont la région de Jablanica appelé

 10   le pont Aleksin Han a été détruit, ou au moins détruit en partie ?

 11   R.  Oui. Le 10 avril 1992. Il y a eu une tentative de destruction de ce

 12   pont à Aleksin Han, pont par lequel passait la seule voie de communication

 13   en Bosnie-Herzégovine.

 14   Q.  Où se trouvait ce pont par rapport à la ville de

 15   Jablanica; c'était au nord, à l'est, à l'ouest, au sud ?

 16   R.  Ça se trouve à 10 kilomètres au sud de Jablanica.

 17   Q.  Donc vers Mostar ?

 18   R.  Oui, oui. Vers le sud.

 19   Q.  Et à l'époque, est-ce que vous ou d'autres personnes avez su qui avait

 20   été à l'origine de cette destruction du pont ?

 21    R.  L'enquête, s'agissant de cet incident, a été diligentée par le

 22   ministère de l'Intérieur. On a vu dans un camion, et on a même appréhendé

 23   pour interviewer un dénommé Rogic. Cette enquête, hélas, n'a pas été

 24   conduite à son terme, n'a jamais abouti, car le susnommé, à ce moment-là et

 25   pendant la guerre et de nos jours encore, c'est un membre très proéminent

 26   du HDZ.

 27   Q.  Quel était le poste de M. Rogic dans la région de Jablanica en avril

 28   1992 ?

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  1   R.  Oui, bien, il a eu beaucoup de fonctions. Et je parle là de la période

  2   partant des élections. Il a fait partie du parti, c'était l'homme numéro un

  3   du HDZ à Jablanica, c'était la personnalité ou l'individu en position

  4   numéro un du HVO.

  5   Q.  A peu près à la même époque où le pont Aleksin Han a été détruit en

  6   partie, est-ce qu'un tunnel appelé le tunnel Bradina aurait lui aussi été

  7   soit détruit, soit partiellement détruit ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Où se trouve ce tunnel par rapport au pont ?

 10   R.  Le tunnel se trouve sur la route entre Konjic et Sarajevo, à une

 11   dizaine de kilomètres au nord-est de Konjic.

 12   Q.  Quelle a été les conséquences de la destruction du pont, destruction

 13   partielle en tout cas, du pont et du tunnel sur le transport et la

 14   circulation en ce qui concerne Jablanica, pour sortir de Jablanica et pour

 15   y entrer ?

 16   R.  On a complètement endommagé une voie du pont. Et la FORPRONU, à

 17   l'époque, avait acheminé une construction métallique pour remédier aux

 18   dégâts, et le pont a pu être partiellement utilisé. On ne pouvait pas faire

 19   passer des camions lourds, des poids lourds par ce pont.

 20   S'agissant maintenant du tunnel, je dirais qu'on a fait tomber le plafond,

 21   les murs, et en partie il y a eu la voie qui a été endommagée. Mais une

 22   fois nettoyé, on a quand même pu l'utiliser.

 23   Q.  Pouvez-vous nous dire combien de temps après la destruction partielle

 24   du pont la FORPRONU a réussi à faire ces réparations de fortune ?

 25   R.  Il ne s'est pas passé beaucoup de temps. Il s'agissait d'une

 26   construction métallique qui a été placée au-dessus des tours portant le

 27   pont, les pylônes ou les piliers, et ça a permis aux véhicules de passer.

 28   Mais les travaux en tant que tels ont duré cinq à six jours.

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  1   Q.  C'est peut-être le moment de faire la pause. Mais j'ai une question à

  2   vous poser avant. Vous avez dit à un moment, si je vous ai bien compris,

  3   que ce pont de fortune a été construit mais il n'était pas suffisamment

  4   solide pour supporter la circulation de poids lourds; c'est cela ?

  5   R.  C'est cela, oui.

  6   Q.  Donc y avait-il une autre option, un autre itinéraire pour faire passer

  7   les camions à l'époque; et si oui, pouvez-vous nous dire quel était cet

  8   itinéraire de contournement ?

  9   R.  Bien, de l'avis général, ces deux explosions étaient censées rendre

 10   impossible la communication entre Sarajevo et le littoral adriatique. Et

 11   comme cela s'est passé à Konjic et Jablanica, c'étaient les frontières de

 12   la Bosnie orientale, ces régions-là n'avaient pas besoin de voies de

 13   communication pour aller à Sarajevo et le littoral. Et à la place, on a

 14   joué sur toute une série de routes, la route principale étant celle allant

 15   de Jablanica en passant par Posusje et Grude pour aller à Imotski et au-

 16   delà, en direction de Split. On a fait des travaux sur d'autres routes,

 17   parce qu'il fallait rattacher la totalité des territoires de l'Herceg-

 18   Bosna, donc entre Kiseljak et Split. Et ces projets ont presque été

 19   conduits à bon terme. Il y a eu deux oasis sans route de construites. L'une

 20   de ces oasis était à Fojnica et l'autre se situait au niveau de Prozor. En

 21   passant par Prozor, on passait par le mont Vran pour aller à Proxor et au-

 22   delà, une fois de plus, vers Split.

 23   M. SCOTT : [interprétation] Nous allons peut-être y revenir après la pause,

 24   Monsieur le Président. Je vous remercie.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est et 25. Nous allons faire donc une pause

 26   de 20 minutes. On reprendra aux environs de six moins quart.

 27   --- L'audience est suspendue à 17 heures 24.

 28   --- L'audience est reprise à 17 heures 44.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Scott. Pouvez-vous apporter une

  2   précision à la Chambre, parce qu'au moment où -- comme vous le savez, le

  3   temps de l'Accusation est important et nécessaire pour vous. L'acte

  4   d'accusation concerne les localités de Sovici et Doljani pour des faits qui

  5   se sont déroulés en avril 1993. On a passé quasiment une heure pour parler

  6   de ce qui est passé dans la municipalité de Jablanica en 1992. Alors

  7   qu'est-ce que vous voulez établir ? Vous visez quel but ? C'est ce que j'ai

  8   du mal à comprendre. C'est toute la Chambre qui a du mal à comprendre.

  9   M. SCOTT : [interprétation] Oui, tout à fait. Je vous remercie. En effet,

 10   ce qui est allégué dans l'acte d'accusation, en termes de crimes qui ont

 11   été commis à Sovici et Doljani, ne porte que sur une période bien précise

 12   en avril 1993. Mais comme disait le Juge Liu, Rome n'a pas été construite

 13   en un jour, n'est-ce pas, donc il y a un grand nombre d'événements qui ont

 14   débouché sur ces événements bien particuliers. Première partie de ma

 15   réponse.

 16   Deuxième partie maintenant. Malgré tout ce que je viens de dire, la thèse

 17   de l'Accusation est la suivante : il y avait un schéma parfaitement

 18   identique en ce qui concerne les captures de municipalités par le HVO, que

 19   ce soit Mostar, Jablanica, Vares, Stolac, enfin, toutes ces municipalités.

 20   Comme vous le savez, nous sommes maintenant en train de traiter une

 21   séquence d'éléments de preuve concernant notre terme à propos des crimes

 22   qui ont été perpétrés dans différents endroits, et M. Idrizovic est notre

 23   premier témoin. C'est notre premier témoin qui vient ici et il est ici pour

 24   présenter ce qui s'est passé à Jablanica. Il doit aussi expliquer un petit

 25   peu ce qui s'est passé avant ces événements et c'est pertinent, puisque

 26   c'est notre thèse. Enfin, je ne voudrais surtout pas trop en dire devant

 27   notre témoin, mais notre thèse porte sur la prise de pouvoir dans toutes

 28   les municipalités qui amène ensuite à d'autres événements qui sont allégués

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  1   dans l'acte d'accusation. On a procédé un peu lentement, ça je suis

  2   d'accord avec vous.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] En ce qui concerne la dernière réponse que

  4   nous avons obtenue du témoin lorsqu'il parlait du pont et du tunnel, si

  5   j'ai bien compris l'Accusation - et là je suis en train d'essayer de lire

  6   dans la boule de cristal, rien de plus, ou dans la tasse de café comme on

  7   dit chez vous - j'ai l'impression qu'il est en train d'essayer de dire que

  8   ce qui s'est passé en 1992 fait partie de l'acte d'accusation. Alors je ne

  9   vois absolument pas quel est le lien.

 10   L'Accusation est-elle en train d'alléguer que la destruction du pont

 11   et la destruction du tunnel faisaient partie d'une entreprise criminelle

 12   commune du HVO ? Si c'est le cas, j'aimerais vraiment savoir où ça se

 13   trouve dans l'acte d'accusation. Il faudrait que je sache où c'est. Dois-je

 14   m'en préoccuper ?

 15   J'aimerais aussi savoir si c'est ce que dit le témoin ? S'il y a bel

 16   et bien une corrélation ? Parce que si j'ai bien compris les choses, il me

 17   semblait qu'à l'époque l'agresseur principal c'étaient les Serbes.

 18   M. SCOTT : [interprétation] En effet, c'est dans l'acte d'accusation,

 19   Monsieur le Président. La destruction du pont en tant que telle n'est pas

 20   dans l'acte d'accusation, bien sûr, mais dans l'acte d'accusation, il est

 21   écrit -- Maître Karnavas, j'ai besoin d'une petite minute.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Allez-y.

 23   M. SCOTT : [interprétation] Cela commence au paragraphe 18. Nous avons tout

 24   d'abord un aperçu de l'historique de l'affaire, ensuite, entre autres, on

 25   parle de la prise de pouvoir au niveau des municipalités par le HVO dans

 26   différentes municipalités qui auraient été des municipalités faisant partie

 27   de l'Herceg-Bosna. Tout ça fait partie de la thèse de l'Accusation. Tout

 28   ceci a débouché sur ce qui s'est passé en 1991. La Chambre de première

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  1   instance est très au courant d'ailleurs. Nous en avons entendu parler de la

  2   formation du HDZ, la formation de l'Herceg-Bosna en 1991, ce qui s'est

  3   passé en Croatie, M. Manolic; tout ceci fait partie d'une même histoire qui

  4   débouche sur le conflit armé en 1993. Et ce témoin est notre premier témoin

  5   qui est ici pour présenter tout ceci et présenter l'aperçu historique.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : -- est-ce que ça fait partie de la stratégique de

  7   prise de pouvoir ?

  8   M. SCOTT : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : "Yes." Ecoutez, on verra. Bien.

 10   Maître Karnavas.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense, en ce qui concerne l'entreprise

 12   sylvicole, c'est pareil aussi. Paragraphe 18, je tiens à dire qu'il n'est

 13   pas mentionné dans le tableau dont va nous parler ce témoin. Tant pis, je

 14   ne voudrais pas rentrer dans les détails. Mais je ne comprends pas, si ce

 15   n'est pas allégué dans l'acte d'accusation, il me semble que l'Accusation

 16   est en train de dire qu'en avril 1992, il y a déjà une entreprise

 17   criminelle commune qui a été créée et que ceci fait partie de cette

 18   entreprise criminelle commune justement. Mais souvenez-vous après, plus

 19   tard, Mostar va être libérée. Souvenez-vous de tous les événements qui ont

 20   eu lieu ensuite.

 21   Donc il me faut quand même quelque chose de plus précis. Or, tout ceci

 22   n'est pas allégué dans l'acte d'accusation. Donc dire d'un trait de plume

 23   qu'ils sont en train d'essayer de prendre le pouvoir dans la municipalité,

 24   on va parler de la structure surtout politique, décision de la présidence

 25   de Guerre, mais maintenant on parle d'événements qui ont lieu pendant la

 26   guerre. Alors s'ils veulent qu'il y ait corrélation et un lien, il faut

 27   qu'ils posent plus de questions au témoin. Peut-être avec leurs questions,

 28   j'arriverais à comprendre comment cela peut faire partie de leur plan pour

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  1   éventuellement en arriver à prendre le pouvoir. C'est vrai que Rome n'a pas

  2   été construite en un jour, certes, mais j'ai l'impression qu'on commence

  3   très loin dans la stratosphère.

  4   M. SCOTT : [interprétation] Bien, Monsieur le Président --

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, on doit comprendre que par vos

  6   questions, vous essayez de mettre en évidence tous les aspects de la prise

  7   de contrôle au niveau de la municipalité par le HVO. On verra ce que cela

  8   donnera en fonction des réponses et du contre-interrogatoire. Bien.

  9   Poursuivez.

 10   M. SCOTT : [interprétation] Merci.

 11   Q.  Avant la pause, nous parlions de plusieurs routes qui auraient été

 12   construites. Donc avant de poursuivre sur le sujet, pourriez-vous nous dire

 13   à peu près, à l'époque où le pont a été détruit, à savoir si des engins

 14   lourds ont été confisqués par certaines parties, engins lourds qui

 15   appartenaient à des entreprises travaillant dans la région de Jablanica ?

 16   Et si ça était le cas, s'il vous plaît, veuillez nous en parler.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Avant la guerre, sur le territoire de notre

 18   municipalité en direction de Konjic, il y a eu une grande reconstruction de

 19   la route. Cela a été confié à deux grandes compagnies de génie civil dont

 20   le siège se trouve à Sarajevo. Lorsqu'il y a eu blocus de Sarajevo au début

 21   de la guerre, ces engins du génie sont restés sur le chantier. Une partie

 22   de ces engins, notre présidence de Guerre les a réquisitionnés pour les

 23   envoyer construire une route entre Jablanica et Posusje. L'autre partie de

 24   ces engins, il y a des gens de la vallée de la Neretvica qui les ont pris

 25   pour faire construire toute une série de petites routes dans la région sur

 26   le territoire de Konjic et en direction de Fojnica. Il y a eu plusieurs

 27   routes de construites. Je ne sais pas s'il est pertinent de vous donner le

 28   détail de ces routes.

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  1   Donc une partie a été réquisitionnée et l'autre a été aliénée pour être

  2   emmenée à Neretvica et construire des routes destinées à répondre aux

  3   besoins du HVO là-bas.

  4   M. SCOTT : [interprétation]

  5   Q.  Très bien. Pour aller plus vite, Monsieur, j'ai une question à vous

  6   poser à ce propos. Avez-vous su à un moment ou un autre si tous ces travaux

  7   de terrassement que vous avez vus à Jablanica et à Konjic, et cetera,

  8   étaient reliés au fait que l'Herceg-Bosna était en train d'essayer de

  9   consolider ses voies de transmission et ses lignes de communication ?

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis désolé. Je soulève une objection là.

 11   Je comprends la question, mais je soulève une objection. Ça va bien au-delà

 12   de ce qui est autorisé.

 13   M. SCOTT : [interprétation]

 14   Q.  Pourriez-vous nous dire plutôt, Monsieur le Témoin, ce à quoi vous avez

 15   assisté en ce qui concerne tous ces terrassements et ces constructions de

 16   routes. Pouvez-vous nous en parler par rapport aux voies de communication

 17   au niveau de l'Herzégovine ?

 18   R.  Il y a une décision de la présidence de Guerre de notre municipalité

 19   disant que toutes les ressources humaines et matérielles devaient être

 20   placées au service de la construction de cette route du salut - on

 21   l'appelait ainsi - Jablanica-Posusje. Il y a ce document dans la

 22   documentation que vous avez ici. Ça, vous l'avez. Alors il y a eu toute une

 23   série d'autres routes qui ont été construites vers d'autres positions pour

 24   attacher des positions avec des agglomérations. Ces routes sont de nos

 25   jours encore présentes. Elles existent. Personne ne les a emportées. Si

 26   vous voulez, je peux vous les énumérer.

 27   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, maintenant regarder la pièce 273 du

 28   dossier.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais cette pièce n'a rien à voir avec les routes,

  2   Monsieur Scott.

  3   M. SCOTT : [interprétation] Cela porte sur la liberté de mouvement et les

  4   routes sont souvent empruntées dans ce but.

  5   Q.  Donc avez-vous vu ce document à l'époque ou en avez-vous eu vent à un

  6   moment ou un autre, document portant sur les possibilités de déplacement

  7   aux alentours de la municipalité de Jablanica ?

  8   R.  Le document, je ne l'ai pas vu auparavant, mais nous avons tous

  9   ressenti les séquelles de ceci. En effet, le HVO, c'était pour nous

 10   l'ambassade, le poste de douanes, tout. Si on voulait voyager quelque part,

 11   c'est le HVO qui délivrait une attestation. C'est comme si moi, pour venir

 12   aux Pays-Bas, j'aurais besoin d'un passeport et d'un visa pour le faire.

 13   Donc c'était cela l'attestation délivrée par le HVO à notre attention.

 14   Bien sûr, je comprends pourquoi Boban est allé intervenir. Ces

 15   attestations ont été délivrées moyennant finances. Or, un grand nombre de

 16   personnes étaient en situation de faire des attestations en série et de les

 17   mettre en vente. Alors on a autorisé que le dénommé Rogic, pour ce qui est

 18   de la signature qui permettait de sortir de la municipalité. C'est de cela

 19   qu'il s'agit.

 20   Q.  La teneur de ce document reflète bien ce que vous avez vécu, vous et

 21   les autres habitants de Jablanica, au cours de cette période, c'est-à-dire

 22   au milieu de 1992 ?

 23   R.  Mais on a tous vécu la même chose. Nous ne pouvions pas sortir de la

 24   municipalité en direction de la Croatie sans qu'il ne nous ait autorisé à

 25   le faire.

 26   Moi en personne, à l'époque, je voulais aller à Split deux fois,

 27   parce que mon père était à l'hôpital là-bas, et je ne pouvais pas y aller

 28   sans son attestation.

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  1   Q.  Avez-vous été impliqué à cette époque dans des discussions, des

  2   conversations avec les autorités municipales de Jablanica quant à savoir si

  3   Mate Boban, Ivan Rogic ou le HVO étaient les seuls qui étaient capables

  4   d'émettre ce type de certificats ?

  5   R.  Comment vouliez-vous qu'on s'entretienne avec ? On ne pouvait pas

  6   sortir sans attestation. Il n'y a pas à discuter. Vous n'avez rien à

  7   discuter à Jablanica, si là-bas à Risovac ils ne vous laissent pas passer.

  8   Donc là, la conversation est coupée court.

  9   Q.  Vous --

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, je vois cet ordre de M. Mate Boban qui est

 11   adressé au staff HVO municipal de Jablanica. Si un habitant de cette

 12   localité quittait la ville sans ce certificat, qu'est-ce qui se passait ?

 13   Qu'est-ce qui pouvait lui arriver ? Est-ce à dire que la ville était

 14   contrôlée par les forces du HVO de telle façon que vous n'aviez pas la

 15   liberté de mouvement ? Vous-même, vous avez dit vous vouliez aller à Split

 16   à deux reprises et vous n'avez pas pu y aller. Qu'est-ce qui se serait

 17   passé si vous étiez parti de la ville ? Vous ne pouviez pas le faire ?

 18   Quels étaient les risques ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous ne m'avez pas compris. J'ai obtenu cette

 20   attestation et je suis allé à Split, mais je l'ai payée, celle-là. Mais on

 21   ne pouvait pas sortir, parce qu'au premier poste de contrôle du HVO, il y

 22   avait une barrière et on ne pouvait pas passer. C'est comme si vous allez à

 23   l'aéroport sans passeport. On ne vous laisserait pas passer.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Parce qu'à la sortie de la localité, il y avait un

 25   "check point" ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Enfin, ce n'étaient pas des gens de la

 27   localité. C'était sur le territoire contrôlé par le HVO.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Si quelqu'un était contrôlé sans certificat, qu'est-

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  1   ce qui se passait ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Il devait rebrousser chemin.

  3   M. SCOTT : [interprétation]

  4   Q.  Passons à autre chose. A ce moment-là - puisque nous en sommes

  5   maintenant au printemps 1992, en avril - à cette époque-là, vous êtes-vous

  6   rendu compte que certains officiers militaires de la République de Croatie

  7   étaient entrés dans la région de Jablanica ?

  8   R.  Oui, en avril ou un peu plus tard même, il est arrivé un général. Ils

  9   l'appelait Daidza, Mate Sarlija ou Nijaz Batak, appelez-le comme vous le

 10   voulez. C'était un général croate, un Musulman, et il trimbalait 40 ou 50

 11   soldats à composition ethnique mixte. Il y avait là des Croates et des

 12   Musulmans. Il s'est présenté comme étant une personne censée rassembler les

 13   forces pour aller débloquer Sarajevo.

 14   Q.  Avant d'en venir à M. Daidza, avez-vous remarqué l'arrivée d'autres

 15   forces militaires dans la région de Jablanica, mis à part ce M. Daidza?

 16   R.  Bien, c'était l'époque où on pouvait déambuler normalement. Tout le

 17   monde pouvait le faire. Il n'y avait aucune espèce de problème. Ce n'est

 18   que plus tard qu'on apprendra qu'un membre de l'ex-armée populaire

 19   yougoslave, qui s'appelait Dzavid Balija, qui était du groupe ethnique

 20   albanais, avait des liens de famille avec des gens de Jablanica. Sa femme

 21   était de Jablanica. Il est venu à nous et c'était à l'époque où tous

 22   demandaient à quitter la JNA pour rejoindre les rangs de la Défense

 23   territoriale. Alors cet homme est venu et on l'a accepté. Ultérieurement,

 24   on verra que vers le mois de juillet - vous avez la date dans les papiers -

 25   on apprendrait que c'est le SIS du HVO qui l'avait envoyé pour l'infiltrer

 26   dans nos rangs. Le nommé Daidza allait le nommer commandant, bien qu'il

 27   n'ait pas les compétences qu'il fallait. Et il allait, le même jour, mettre

 28   aux arrêts notre commandant et nous mettre ce Dzavid comme commandant.

Page 9603

  1   Lorsqu'il est venu pour être commandant, nous, on l'a arrêté, on l'a gardé

  2   deux jours en prison et on l'a expulsé du territoire de la municipalité. Il

  3   n'est plus jamais revenu. Malheureusement, le temps ne nous laisse pas

  4   suffisamment de champ de manœuvre pour en parler en long et en large, parce

  5   que nous avons, pendant toute la durée de la guerre, eu des gens infiltrés

  6   qui étaient là pour venir nous saboter. Mais on n'a pas le temps d'en

  7   parler.

  8   Q.  Savez-vous si des conseillers militaires venant de la République de

  9   Croatie étaient impliqués dans la Défense territoriale de la région de

 10   Jablanica au cours du printemps et de l'été 1992 ?

 11   R.  Je ne comprends pas très bien votre question. Quand vous parlez de

 12   conseillers militaires, que voulez-vous dire ? Il y a eu différentes sortes

 13   de personnes qui venaient pour nous proposer leur aide. Mais la question,

 14   je ne l'ai pas comprise.

 15   Q.  Je suis désolé. C'est peut-être les mots que j'emploie. Vous dites

 16   qu'il y avait plusieurs personnes qui sont venues pour offrir leur aide.

 17   Est-ce que certaines de ces personnes appartenaient à l'armée de Croatie ?

 18   R.  Je ne sais pas qu'on en ait eu de l'armée de Croatie à venir vers nous.

 19   Q.  Restons-en donc au mois d'avril 1992. Pourriez-vous nous dire qui a

 20   pris la tête de la Défense territoriale de la municipalité de Jablanica à

 21   l'époque ?

 22   R.  Le 15 avril, il y a eu création de ce QG de la défense. On a nommé aux

 23   fonctions de commandant Zijad Salihamidzic. Kopilas Stipo était chef

 24   d'état-major. Et sur la totalité des membres, 23 ou 24 qu'ils étaient -

 25   vous avez la composition de l'état-major dans la documentation. Il y avait

 26   un Juif, un Serbe, je pense qu'il devait y avoir quatre ou cinq Croates et

 27   les autres étaient tous des Musulmans. Au HVO de Jablanica, il y a eu

 28   proposition d'effectifs de leur part et la chose a été acceptée, bien sûr.

Page 9604

  1   Pour ce qui est de Marko Zelenika qui est venu pendant un mois pour

  2   travailler à l'état-major, oui, lui est venu. Les autres n'ont jamais fait

  3   leur apparition.

  4   Q.  L'interprète dans la cabine anglaise n'a pas entendu la dernière partie

  5   de votre réponse. Donc pouvez-vous la répéter ?

  6   R.  Bien, il a cessé de venir lui aussi. Il a cessé de venir.

  7   Q.  Après qu'il ait mis un terme à sa participation, est-ce que ça a

  8   signifié la fin de toute participation croate à la Défense territoriale de

  9   Jablanica ?

 10   R.  Pour ce qui est des officiers, oui. Pour ce qui est des soldats, non.

 11   Q.  Etes-vous devenu membre de l'état-major de la Défense territoriale vers

 12   le 12 mai 1992 ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  La Défense territoriale a-t-elle essayé de faire participer le HVO à la

 15   Défense territoriale pour qu'ils viennent, par exemple, à des réunions de

 16   la Défense territoriale ?

 17   R.  Oui. Dans la documentation que j'ai communiquée au bureau du Procureur,

 18   on peut voir qu'à plusieurs reprises, il y a eu tentative de s'asseoir pour

 19   en discuter. Toutefois, ça n'a jamais donné de résultats.

 20   Q.  Maintenant veuillez, s'il vous plaît, regarder la pièce 321. Non,

 21   désolé. Je voudrais que vous regardiez d'abord la pièce 186.

 22   Pouvez-vous nous parler de la nature et de la teneur du document, s'il vous

 23   plaît ?

 24   R.  Bien, c'est le début de la guerre en mai 1992. Il y a eu avant cette

 25   décision un décret ayant force de loi ou chose similaire de la part de la

 26   présidence de la Bosnie-Herzégovine pour dire que les forces armées en

 27   Bosnie-Herzégovine étaient constituées par la Défense territoriale, le

 28   Conseil croate de la Défense, le ministère de l'Intérieur, ainsi que toutes

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  1   les forces armées et individus qui étaient disposés à défendre la Bosnie-

  2   Herzégovine. Quelque chose de ce genre. Par la suite, il y a eu prise de ce

  3   type de décisions, à savoir que sur le territoire de notre municipalité,

  4   puisqu'il y avait le HVO, la TO, il y avait des Bérets verts, c'était une

  5   espèce de formation demi-privée, et cela devait constituer ces effectifs au

  6   niveau de la municipalité.

  7   Il s'agit d'une défense qui a été mise sur pied lorsqu'il n'y a pas

  8   encore eu de conflit ni ouvert ni dissimulé.

  9   Q.  Maintenant veuillez, s'il vous plaît, regarder la pièce 196, nous

 10   parler de la nature de ce document et nous dire un petit peu comment il

 11   s'insère dans le déroulement des événements à l'époque.

 12   R.  Mais c'est de cela que je parlais tout à l'heure. Il y a eu au début de

 13   la guerre création de ce QG. Ils ont proposé à ce que ces individus-là

 14   fassent partie de l'état-major : Stipe Kopilas, Marko Zelnika, Ivo Zelenika

 15   et Skarda Vjekoslav. Bien sûr, mis à part Marko, personne ne viendra par la

 16   suite pour y intervenir. Ça, je vous l'ai déjà indiqué.

 17   Q.  Passez, s'il vous plaît, maintenant à la pièce 321. J'en ai parlé il y

 18   a quelques minutes et, par erreur, j'avais oublié quelques pièces. Donc

 19   j'aimerais savoir s'il y a encore eu des efforts de la Défense territoriale

 20   visant à essayer d'impliquer le HVO pour qu'au moins il coopère avec la

 21   Défense territoriale ?

 22   R.  Bien, ça a été la dernière des tentatives. Après il n'y en a plus eu.

 23   Il y a rien eu du tout, parce qu'ils n'ont pas répondu présent à l'appel.

 24   Je pense que par la suite, on aura une nouvelle décision portant

 25   organisation de cet état-major, car entre-temps, du fait de menaces,

 26   l'état-major et la Bosnie ont été abandonnés par l'individu qui était Juif,

 27   puis par celui qui était Serbe. Les Croates, eux, ne voulaient pas y

 28   participer. Il n'y a donc rien eu d'autre à faire que de créer cet état-

Page 9606

  1   major à partir de personnalités qui voulaient bien en faire partie.

  2   Q.  Très bien. Il y avait un musée à Jablanica où se trouvaient des pièces

  3   d'artillerie venant de la Deuxième Guerre mondiale; c'est bien le cas,

  4   n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Pourriez-vous nous dire si à un moment ou à un autre, lors de l'été ou

  7   du printemps 1992, un moment où ces pièces d'artillerie ont été remises en

  8   état pour pouvoir être à nouveau employées, et pourriez-vous nous dire

  9   ensuite quel a été le sort de ces pièces d'artillerie ?

 10   R.  Oui, il y avait quatre obusiers. C'était ce qu'on appelait les Zis.

 11   C'étaient des obusiers de 100-millimètres. On a tout remis en état de

 12   marche, parce que nous n'avions pas d'activités de combat nulle part. On

 13   avait des positions plutôt passives vis-à-vis des Serbes sur le territoire

 14   du mont Prenj. Nous, on n'en avait pas besoin, donc on en a envoyé deux

 15   pour Sarajevo au mont Igman, puis un obusier à Konjic, parce que là ils

 16   étaient en contact avec les Serbes, et il y en a un qui a été fourni à

 17   Jablanica pour débloquer Mostar. On a mis à la disposition de Jaganjac 80

 18   de nos soldats pour libérer le nord de Mostar. Ils étaient à Jasinjabovic

 19   [phon] et à Petkovici, enfin, je pense qu'ils le savent. On les a mis à

 20   disposition.

 21   Q.  Si je vous ai bien compris, deux de ces obusiers sont partis à Sarajevo

 22   sur le mont Igman, un à Konjic et le quatrième au HVO de Mostar.

 23   R.  Oui, oui. Le dernier est parti au HVO.

 24   Q.  Donc ce qui nous mène à la nomination dont vous avez parlé il y a un

 25   moment. Pourriez-vous nous parler de cette personne, ce Daidza, qui est

 26   arrivé à peu près à ce moment-là et pouvez-vous nous parler de ce qu'il a

 27   fait ?

 28    R.  Enfin, il est venu sans être convié à le faire. Lui et ses soldats,

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  1   tout de suite, ont commencé à se comporter de façon inappropriée. Il s'est

  2   servi des médias pour s'attaquer à nous dans le département de la défense.

  3   Puis il déambulait dans les villages, il portait des bonbons et des

  4   sucreries dans sa voiture pour distribuer aux enfants et il jouait un peu

  5   au Père Noël. C'est ainsi qu'il se présentait.

  6   Q.  Avant de poursuivre, j'aimerais savoir si vous saviez d'où venait M.

  7   Daidza ou si vous savez qui l'avait envoyé dans la région de Jablanica ? Le

  8   cas échéant, bien sûr.

  9   R.  C'était un immigré, un criminel de la Deuxième Guerre mondiale. Avant

 10   les changements en Croatie, il n'osait pas revenir en Yougoslavie. Pour

 11   autant que nous le sachions, c'est quelqu'un de Croatie qui l'a appelé pour

 12   lui donner un grade de général. Je ne sais pas quelle a été la

 13   réglementation pour ce qui est de cette république concernant la

 14   distribution des grades de général, mais il est arrivé là en tant que

 15   général de l'armée croate.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous voulez intervenir sur quoi ?

 17   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Ce que je veux dire, c'est que ce

 18   monsieur, avant son arrivée en Croatie, était citoyen des Etats-Unis

 19   d'Amérique tout le temps. Et si c'était un citoyen des Etats-Unis

 20   d'Amérique avec un passeport, qui est celui du procureur, on ne peut pas

 21   autoriser quelqu'un à le déclarer criminel de guerre sans élément de

 22   preuve. Là, on est passé à des offenses de façon directe.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, ce n'est pas

 24   acceptable. Vous n'avez pas le droit d'être debout et n'avez pas le droit

 25   de venir témoigner. Vous vous êtes levé comme si vous étiez un témoin et

 26   vous faites ça pour faire une déclaration qui n'a rien à voir avec le

 27   témoin. Si vous n'êtes pas d'accord avec ce que dit le témoin, je suis sûr

 28   que vos conseils en profiteront plus tard. Mais il faut quand même que vous

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  1   respectiez les règles, s'il vous plaît.

  2   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je vais respecter les règles, mais

  3   entendre des propos comme ceci et ne voir personne se lever, je vous en

  4   prie, de telles désinformations. Plus tard, nous démontrerons qui était

  5   général au service de qui.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, vous avez dit, en parlant de ce général,

  7   que c'était un criminel de la Seconde Guerre mondiale. Le général Praljak

  8   fait ressortir le fait que c'était un citoyen américain détenteur d'un

  9   passeport des Etats-Unis. Alors qu'est-ce qui vous permet de dire que

 10   c'était un criminel de la Seconde Guerre mondiale ? D'où tenez-vous ça ?

 11   Parce que c'est toujours grave d'accuser quelqu'un sans preuve. Alors

 12   qu'est-ce qui vous permet de le dire ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont ses voisins et les membres de sa

 14   famille qui me l'ont dit, parce qu'il est natif de Blagaj dans la région de

 15   Mostar. Et lorsqu'il a fait son apparition sur le territoire de la Bosnie-

 16   Herzégovine, ce sont eux qui nous ont dit qui il était. Jusqu'à ce moment-

 17   là, nous ne l'avions jamais vu et nous n'avions jamais entendu parler de

 18   lui. Donc ce que j'ai dit à son sujet, c'est comme ça qu'on le vivait et

 19   c'est ce qu'on a entendu de la bouche de gens qui étaient ses voisins et

 20   des membres de sa famille.

 21   Maintenant si j'ai enfreint une règle, toutes mes excuses. J'ai peut-être

 22   utilisé des mots très forts, mais en tout cas, c'est comme ça qu'on le

 23   vivait. C'est comme ça qu'on le ressentait.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous dites que ce sont les voisins ou les

 25   membres de sa famille qui avaient dit ça. Mais vous êtes quelqu'un

 26   d'instruit. Vous avez fait des études à l'université, vous avez été à

 27   l'Université de Zagreb. Vous êtes spécialisé en sciences politiques et vous

 28   avez quelques connaissances quand même. Vous savez que lorsqu'on est

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  1   citoyen américain, lorsqu'on provient d'un pays autre que les Etats-Unis,

  2   il y a toute une procédure de vérification par les autorités américaines

  3   sur le fait de savoir si on a été un délinquant, un recherché, et cetera.

  4   Donc vous faites état de certains faits sans aucune vérification

  5   intellectuelle à votre niveau. Vous ne le saviez pas -- ou vous ne savez

  6   pas qu'on est citoyen des Etats-Unis après avoir été soumis à une série de

  7   vérifications ? Ça, vous ne le savez peut-être pas, alors dites : Je ne le

  8   sais pas.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le savais pas, et d'ailleurs je

 10   doute fort qu'il ait été citoyen des Etats-Unis d'Amérique.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Si M. Praljak affirme qu'il est citoyen des Etats-

 12   Unis, c'est qu'il doit avoir des éléments de preuve. Mais ça, on verra ça

 13   plus tard.

 14   Monsieur Scott, continuez.

 15   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 16   Q.  Monsieur, si je ne me trompe, ce que vous aviez commencé à nous dire il

 17   y a quelques minutes avant de parler de l'implication de ce M. Daidza,

 18   c'était qu'il y a eu un moment où le commandant de la Défense territoriale

 19   de Jablanica a été arrêté par M. Daidza ou des gens qui agissaient sous ses

 20   ordres; c'est bien ça ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Dites-nous ce qui s'est passé.

 23   R.  Un jour il a fait irruption dans l'hôtel de Jablanica où se trouvait le

 24   commandant de notre état-major. Il était accompagné de 15 ou 20 soldats

 25   bien armés. Il a interpellé cet homme, il l'a emmené avec lui jusqu'au

 26   commandement de la brigade Herceg Stjepan à Kostajnica, non loin de Konjic,

 27   après quoi il a émis un ordre visant à nommer Balija Dzavid au poste de

 28   commandant à sa place. Et ce faisant, il lui a donné le rôle de commandant

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  1   suprême, c'est-à-dire de quelqu'un qui a la possibilité de nommer ou de

  2   démettre de ses fonctions les autres commandants de l'état-major.

  3   Q.  Avant de poursuivre, pouvez-vous nous dire à peu près à quel moment

  4   cela s'est passé, au moins le mois et l'année ?

  5   R.  C'était entre le 10 et le 12 juillet 1992.

  6   Q.  A votre connaissance, M. -- non, je ne devrais pas dire M. Daidza,

  7   parce que Daidza, c'était bien son surnom, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Je pense vous l'avoir entendu dire déjà, mais connaissez-vous le vrai

 10   nom de cet homme ?

 11   R.  Il en avait deux, un nom croate et un nom musulman de Bosnie. Mate

 12   Sarlija ou Nijaz Batlak.

 13   Q.  Lorsque Daidza a arrêté le chef de la Défense territoriale, c'était qui

 14   d'ailleurs à l'époque pour le compte rendu d'audience ?

 15   R.  M. Salihamidzic. Salihamidzic. Nous en avons déjà parlé.

 16   Q.  Lorsque Daidza a arrêté ce commandant, une quelconque explication

 17   aurait-elle été donnée par lui quant à l'autorisation qu'il avait ou le

 18   mandat qui était le sien pour agir ainsi ?

 19   R.  Mais non, bien sûr, rien. Il était commandant d'une espèce de brigade

 20   et il a ordonné de remplacer cet homme par un autre au poste qu'il

 21   occupait.

 22   Q.  Vous avez dit il y a un instant que le commandant avait été emmené

 23   jusqu'au commandement de la brigade Herceg Stjepan, non loin de Konjic.

 24   Mais cette brigade Herceg Stjepan dépendait de quel organisme militaire, de

 25   quel organe ?

 26   R.  Du HVO.

 27   Q.  Vous avez dit que Daidza ensuite s'était efforcé de nommer au poste de

 28   commandant quelqu'un d'autre pour remplacer cet homme. Qui était ce

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  1   quelqu'un d'autre ?

  2   R.  Dzavid Balija.

  3   Q.  Que lui est-il arrivé à lui ?

  4   R.  Lorsqu'il est arrivé chez nous pour devenir notre commandant, nous

  5   l'avons placé en état d'arrestation. Deux jours plus tard, nous l'avons

  6   expulsé de la municipalité.

  7   Q.  Pourquoi l'avez-vous placé en état d'arrestation ?

  8   R.  Parce que c'était un lâche, c'était un cheval de Troie qu'on voulait

  9   nous imposer.

 10   Q.  Comment pouvez-vous dire cela ?

 11   R.  Bien, le commandant d'une armée qui remplace un commandant dans une

 12   autre armée et nomme un autre homme au poste de commandant. Je ne sais pas

 13   s'il y a de meilleure expression que celle que j'ai utilisée. En Bosnie, on

 14   parle de cheval de Troie ou de changement de nid pour un oiseau.

 15   Q.  Avançons dans le temps pour parler de l'été 1992. Qui étaient les plus

 16   grandes personnalités du HDZ à Jablanica à ce moment-là ?

 17   R.  C'était surtout trois hommes qui occupaient tous les postes et qui

 18   remplissaient toutes les fonctions importantes. C'était Matan Zaric, Ivan

 19   Rogic et Mirko Zelenika.

 20   Q.  Je regarde ce qui figure au compte rendu d'audience, le deuxième nom

 21   n'a pas été consigné. Vous avez parlé de Matan Zaric, ce nom figure au

 22   compte rendu désormais. Pouvez-vous nous donner le deuxième nom que vous

 23   avez prononcé.

 24   R.  Ivan Rogic.

 25   Q.  Dans la suite de l'été 1992, est-ce qu'il y a eu une autre attaque

 26   visant ce même pont Aleksin Han dont vous avez déjà parlé aujourd'hui ?

 27   R.  Oui, le 8 août 1992. Des unités du HVO sont revenues jusqu'au pont,

 28   deux de nos hommes ont été tués alors qu'ils se trouvaient là pour assurer

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  1   la sécurité du pont. Ces membres du HVO ont capturé sept autres hommes

  2   qu'ils ont emmenés à Split. Deux jours plus tard, ces hommes sont revenus à

  3   Grude, et depuis Grude, le président de notre municipalité et le chef du

  4   MUP les ont transportés. Entre autres choses, on a un rapport de police du

  5   HVO de Jablanica qui le prouve. Ce sont des documents que vous avez en

  6   votre possession. Notre unité du génie, suite à l'incident survenu sur le

  7   pont, a découvert 150 kilos d'explosifs à peu près avec tous les

  8   équipements nécessaires pour faire sauter le pont. C'était la deuxième

  9   tentative de faire sauter le pont et, voyez-vous, celle-ci a heureusement

 10   avorté pour des raisons techniques. Je ne me souviens plus exactement

 11   quelle était la nature de ces raisons. Vous pouvez le trouver sans doute

 12   dans vos documents. Est-ce que c'était parce qu'il y avait trop d'humidité

 13   ou parce que la poudre était mouillée, je ne sais plus.

 14   Mais c'étaient en tout cas les premières victimes qui sont tombées de notre

 15   côté, victimes de cette guerre.

 16   Q.  Je vous demanderais de vous pencher sur la pièce 388 à présent. C'est

 17   un rapport qui émane de la police militaire du HVO et qui couvre la période

 18   allant du 6 août au 13 août 1992. Je vous prie de bien vouloir vous pencher

 19   sur le chapitre intitulé "Incidents." Je pense que vous pourrez le trouver

 20   dans votre texte --

 21   R.  Oui, je l'ai trouvé.

 22   Q.  Après lecture de ce chapitre, Monsieur, pouvez-vous nous dire s'il

 23   décrit, au moins en partie, ce qui s'est passé au niveau du pont Aleksin

 24   Han à ce moment-là ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Avez-vous eu jamais l'occasion de vous entretenir avec des membres de

 27   l'ABiH ou des soldats de cette armée qui avaient été emmenés à Split ?

 28   Excusez-moi. Vous n'avez sans doute pas entendu ma question.

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  1   R.  Oui, oui.

  2   Q.  D'accord. Pouvez-vous dire aux Juges ce que ces hommes vous ont dit

  3   qu'il leur était arrivé et quel était le motif pour lequel on les avait

  4   emmenés à Split ?

  5   R.  Ils ont été emmenés là-bas pour interrogatoire. Ils n'ont pas subi de

  6   sévices quelconques. Et après l'interrogatoire, on les a ramenés à Grude.

  7   Q.  Avançons dans le temps. Nous arrivons au mois de septembre 1992, et je

  8   vous demande si vous pourriez nous dire s'il y a eu une attaque contre un

  9   poste de contrôle non loin des sorties de

 10   Jablanica ?

 11   R. Oui, oui. Une attaque a eu lieu à la sortie de Jablanica dans le village

 12   de Jelacic, contre un poste de contrôle, et heureusement il n'a pas fait de

 13   victimes humaines.

 14   Q.  Savez-vous qui était responsable de cette attaque ?

 15   R.  Bien, ça ne pouvait pas être l'ABiH qui se serait attaquée elle-même

 16   quand même.

 17   Q.  Bien, vous me permettrez d'insister dans cette question, Monsieur.

 18   Savez-vous ou auriez-vous reçu des renseignements quant à l'identité des

 19   assaillants au niveau de ce poste de contrôle ?

 20   R.  C'est le HVO qui a attaqué.

 21   Q.  Avançons toujours dans le temps, nous atteignons le mois d'octobre

 22   1992. Est-ce qu'à ce moment-là vous auriez entendu parler d'une réunion

 23   convoquée par quelqu'un. En tout cas, pour l'instant, ce qui fait l'objet

 24   de ma question, c'est de savoir si une réunion a été organisée pour

 25   discuter de l'avenir de la Bosnie-Herzégovine à peu près à ce moment-là ?

 26   R.  C'est la communauté internationale. En tout cas, des pourparlers se

 27   sont menés en rapport avec quelque chose qui s'appelait, je crois, le plan

 28   Vance-Owen ou quelque chose comme ça. Je ne me rappelle plus exactement les

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  1   détails aujourd'hui mais ce plan n'a jamais été accepté, car il prévoyait

  2   la division de la Bosnie en cantons, si je ne me trompe, cantons créés sur

  3   bases ethniques.

  4   Q.  Dans ce contexte, Monsieur, je reviens sur ma question. Etant donné le

  5   contexte que vous venez de décrire, y a-t-il eu une réunion à Tomislavgrad

  6   pour discuter de l'avenir de la Bosnie-Herzégovine dans ce contexte ?

  7   R.  Durant l'été 1992, nous avons déployé des efforts pour obtenir une

  8   réunion. Je crois que nos représentants sont allés à Posusje et à

  9   Tomislavgrad pour obtenir des pourparlers. Mais ce qui fait l'objet de

 10   votre question, la discussion de l'avenir de la Bosnie-Herzégovine à

 11   Tomislavgrad, je ne saurais vraiment pas vous répondre. Je ne sais pas si

 12   c'est bien cela qui a été le sujet de la discussion, l'avenir de la Bosnie-

 13   Herzégovine, parce que l'avenir de la Bosnie-Herzégovine c'est un sujet qui

 14   a été discuté ailleurs, pas en Bosnie-Herzégovine à l'époque. C'était un

 15   sujet qui était discuté hors de la Bosnie-Herzégovine. Mais je ne suis pas

 16   sûr d'avoir très bien compris votre question pour commencer.

 17   Q.  D'accord. Je vais vous demander autre chose, et si cela ne nous aide

 18   pas, nous passerons à un autre sujet. Est-ce que l'un de vos collègues

 19   aurait jamais assisté à une réunion avec un homme dont le nom est Zeljko

 20   Glasnovic ?

 21   R.  Je n'y ai pas assisté, mais certains de mes collègues l'ont fait.

 22   Q.  Qui étaient ces collègues à vous ?

 23   R.  Bien, en principe, c'était toujours le chef du MUP qui se rendait à de

 24   telles réunions et il y avait quelqu'un qui représentait l'état-major, soit

 25   le chef d'état-major, soit un commandant.

 26   Q.  Qui était chef du MUP en Bosnie-Herzégovine, en tout cas au mois

 27   d'octobre 1992 ?

 28   R.  A Jablanica, vous voulez dire.

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  1   Q.  Oui.

  2   R.  C'était Emin Zebic.

  3   Q.  M. Zebic est-il allé à cette réunion avec M. Glasnovic ?

  4   R.  Quelqu'un est allé avec lui. Aujourd'hui, je ne saurais pas vous le

  5   dire avec certitude. Je n'ai pas un souvenir précis et je n'ai pas de

  6   document sur moi à ce sujet.

  7   Q.  D'accord.

  8   R.  Mais il y a eu une réunion, et il y a des documents qui rendent compte

  9   de cette réunion quelque part.

 10   Q.  Avançons dans le temps, si vous ne vous en souvenez pas. Est-ce qu'un

 11   moment est arrivé où certains membres croates du MUP, puisque nous venons

 12   de parler du MUP, ont quitté le MUP pour entrer dans le HVO ?

 13   R.  Oui. Ça, c'était déjà à l'automne 1992. D'autres tentatives ont été

 14   faites pour intégrer le MUP de Jablanica et de Konjic au sein du MUP de

 15   Bosnie. Plusieurs tentatives de ce genre ont eu lieu et, en définitive,

 16   certains membres croates du MUP de la République de Bosnie-Herzégovine ont

 17   peu à peu quitté le MUP pour entrer dans la police civile. Alors je ne sais

 18   plus s'ils avaient une police civile à l'époque, mais en tout cas, pour

 19   entrer dans le HVO.

 20   Là-bas, les gens recevaient une solde et ils se voyaient garantir un statut

 21   plus ou moins normal, alors que chez nous, ce n'était pas le cas. C'est

 22   peut-être l'une des raisons qui les a poussés à agir. Et l'autre, c'était

 23   qu'une tentative a été faite pour créer un pouvoir du HVO et une autorité

 24   du HVO graduellement, aussi bien au sein de la police que de l'armée, dans

 25   le but, plus tard, de s'emparer totalement du pouvoir.

 26   Q.  Je vous prierais maintenant de vous pencher sur la pièce 832. C'est un

 27   rapport qui vient du ministère de l'Intérieur de la République de Bosnie-

 28   Herzégovine. Il date du 30 novembre 1992. Je vous demanderais, si vous

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  1   voulez bien, de lire les quelques premiers paragraphes de ce rapport et de

  2   dire aux Juges si ce rapport concerne bien le sujet dont nous parlions il y

  3   a un instant.

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que c'est bien cela qui était en train de se passer au sein du

  6   MUP de la République de Bosnie-Herzégovine et dans la municipalité de

  7   Jablanica à ce moment-là à peu près ?

  8   R.  Mais oui. C'est le genre de choses qui se passaient. Nous sommes ici à

  9   un moment où le MUP d'Herceg-Bosna et le MUP de Bosnie-Herzégovine ont

 10   commencé à être très insistants, à tirer chacun de son côté et cela a

 11   débouché sur - comment est-ce que je pourrais appeler ça - un conflit

 12   d'intérêt.

 13   Ici on voit que le ministre du MUP de la Bosnie-Herzégovine déclare que le

 14   MUP de Bosnie-Herzégovine est le MUP légal, que tout le reste est illégal

 15   et qu'un accord doit être conclu pour mettre en place un MUP conjoint.

 16   C'est plus ou moins ce qu'on peut lire dans ce document.

 17   Q.  Savez-vous si ces efforts pour créer un MUP conjoint à Jablanica ont

 18   été couronnés de succès à quelque moment que ce soit ?

 19   R.  Non, non. Le MUP de la République de Bosnie-Herzégovine existait.

 20   L'Herceg-Bosna a créé son propre MUP et c'est de là que venait cette

 21   question, parce qu'à partir de ce moment-là, il a existé deux ministères de

 22   l'Intérieur.

 23   Q.  Monsieur, en octobre 1992, est-ce qu'à un certain moment votre

 24   attention a été appelée par le fait qu'un conflit armé avait éclaté dans la

 25   municipalité voisine de Prozor ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Dans votre souvenir, vous avez appris cet événement à quel moment ?

 28   R.  C'était après le 20 ou le 21 octobre. Des rapports ont commencé à

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  1   arriver en provenance de l'équipe municipale de Prozor, qui disaient que la

  2   situation était critique et qu'ils s'attendaient à une attaque à tout

  3   moment et qu'ils demandaient de l'aide. Ils nous demandaient de ne pas

  4   laisser passer à nos postes de contrôle des membres du HVO qui risqueraient

  5   d'arriver chez eux en renfort. Puis il y avait aussi les premiers réfugiés

  6   qui ont commencé à arriver.

  7   Q.  Des réfugiés qui venaient d'où ?

  8   R.  De Prozor.

  9   Q.  Et ces réfugiés étaient de quelle appartenance ethnique ?

 10   R.  Musulmane.

 11   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges combien de réfugiés musulmans à peu près

 12   sont arrivés de Prozor à Jablanica aux environs de cette date ?

 13   R.  Plus d'un millier de personnes sont arrivées à Jablanica, et à leur

 14   arrivée, ils ont créé à Jablanica une espèce de pouvoir provisoire. La

 15   plupart des Musulmans de Prozor avaient fui dans la direction de Bugojno,

 16   mais il y en avait qui avaient fui dans la direction de Konjic et de la

 17   vallée de la Neretva, voisine de cette municipalité.

 18   Q.  Je vous demanderais maintenant de vous pencher sur la pièce 653. Vous

 19   l'avez sous les yeux, Monsieur ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  C'est un document du HVO qui date du 26 octobre 1992. Dans le texte

 22   qu'on peut lire sous l'intitulé "Secteur de Prozor," et je vous demanderais

 23   d'en prendre connaissance. Est-ce que dans ce passage, vous voyez une

 24   phrase qui se lit comme suit, je cite : "Les Musulmans avaient déjà expulsé

 25   la plupart des femmes et des enfants de Prozor et de ses environs" ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Ce que vous pouvez lire dans ce document, Monsieur, correspond-il à ce

 28   qui s'est réellement passé dans la zone de Prozor, s'agissant d'événements

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  1   qui ensuite ont influé sur Jablanica à ce moment-là ?

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Absence de

  3   fondement. Si le témoin est capable d'établir que cela se passait à Prozor,

  4   cela voudrait dire qu'il a pu voir les événements de Prozor de cette

  5   époque. Maintenant on lui demande de lire un document et d'émettre des

  6   conjectures au sujet de ce qui se serait passé.

  7   M. SCOTT : [interprétation] Je vais reformuler, Monsieur le Président.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie.

  9   M. SCOTT : [interprétation] Je vais reformuler.

 10   Q.  Monsieur, vous avez dit il y a quelques instants que plus de 1 000

 11   réfugiés musulmans sont arrivés en provenance de Prozor à Jablanica à ce

 12   moment-là, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Est-ce que vous voyez la citation que je vous ai soumise tout à

 15   l'heure, le passage du texte où il est question de femmes et d'enfants

 16   musulmans qui sortent de Prozor ?

 17   R.  Oui, je la vois.

 18   Q.  Est-ce que c'est à peu près à ce moment-là que les réfugiés sont

 19   arrivés à Jablanica ?

 20   R.  Bien, les tensions ont duré pas mal de temps là-bas. Les gens

 21   essayaient de sauver leurs têtes. Ils souhaitaient partir avant qu'un

 22   conflit n'éclate. Donc il y a très peu de civils qui sont arrivés pour

 23   faire du mal.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous avez discuté avec eux pour leur demander --

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr, nous avons parlé. M.

 28   Izetbegovic est venu lui aussi.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Que vous ont-ils dit ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] M. Petkovic est venu à ce moment-là. Nous en

  3   avons discuté à plusieurs reprises de ce sujet. Il y a des gens qui sont

  4   allés à Prozor. Mon commandant, Pasalic, et M. Petkovic et d'autres y sont

  5   allés.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant que le président Izetbegovic ou le général

  7   Petkovic arrivent, vous voyiez arriver, vous, les réfugiés. Vous avez dit

  8   que vous avez discuté avec eux. Qu'est-ce que les réfugiés vous ont dit ?

  9   Qu'ils avaient quitté la ville, qu'ils avaient été expulsés de la ville,

 10   qu'ils venaient à Jablanica parce qu'ils ne savaient pas où aller ? Qu'est-

 11   ce qu'ils vous ont dit au juste ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Les gens voulaient sauver leurs têtes. Ils se

 13   sont rendu compte que des choses très désagréables allaient arriver. Ils

 14   ont quitté leurs domiciles et tout ce qu'ils possédaient et ils ont pris la

 15   route, tout simplement.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites qu'ils essayaient de sauver leur peau.

 17   Parce qu'ils vous ont dit que des personnes de Prozor avaient été tuées ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous parler de ça. Ça s'est

 19   passé il y a longtemps. Ce n'était pas le genre de choses qui m'intéressait

 20   le plus à ce moment-là. Etant donné que j'étais dans l'armée, ce qui

 21   m'intéressait le plus c'était l'aspect militaire. C'étaient des civils et

 22   il y avait des gens pour s'occuper d'eux.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit que M. Izetbegovic était venu. Vous

 24   vous souvenez de son arrivée ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, très bien. J'ai été son hôte.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est vous-même qui l'avez reçu alors. Il venait

 27   pour quelle raison, lui ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est venu, parce que ce conflit était le

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  1   premier conflit important entre l'ABiH et le HVO. Il est venu pour essayer

  2   d'intervenir, d'apaiser la situation, pour voir s'il était possible de

  3   revenir à la situation ancienne et d'obtenir que les gens reviennent à

  4   leurs domiciles, de reprendre une vie normale.

  5   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, toutes mes excuses,

  6   mais je crois qu'il serait utile que le témoin dise à quelle date M.

  7   Izetbegovic est venu à Jablanica. Je crois que ce serait une précision

  8   utile.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est écrit dans les documents.

 10   Mme ALABURIC : [interprétation] Je sais que c'est écrit dans les documents,

 11   mais veuillez nous le dire, parce qu'il y a une différence de date

 12   importante entre ce dont nous parlons et l'arrivée de M. Izetbegovic.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, admettez que je ne suis

 14   pas un ordinateur. Vous savez le nombre d'années qui s'est écoulé depuis.

 15   Je ne peux pas vous donner toutes les dates de mémoire. Je n'ai pas inscrit

 16   cela sur un papierC'est écrit.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai remis les

 19   documents.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : -- aucun document sur la venue de M. Izetbegovic.

 21   Vous avez dit également que le général Petkovic est venu. Alors vous vous

 22   en rappelez dans quel contexte ? Est-ce que vous pouvez nous apporter des

 23   éléments d'information ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, M. Petkovic et M. Pasalic sont venus

 25   ensemble. Je crois qu'ils étaient ensemble. Je n'en suis pas sûr à 100 %.

 26   Ils sont venus au commandement dans mes bureaux et nous avons discuté d'un

 27   certain nombre de choses. Je crois d'ailleurs que cela ne s'est pas passé

 28   une seule fois. Cela s'est passé à plusieurs reprises.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : A quelle date ? Vous ne pouvez pas vous souvenir de

  2   la date non plus ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je l'ai mise par écrit quelque part, mais

  4   je ne peux pas tout garder dans ma mémoire aujourd'hui. Ne soyez pas

  5   enfantin avec moi. Je ne peux pas tout me rappeler.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Donc MM. Pasalic et Petkovic viennent au

  7   commandement de la Défense territoriale. Alors qu'est-ce qui se passe là ?

  8   Pouvez-vous nous dire quel était l'objet de leur visite, qu'est-ce qui

  9   s'est passé ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils se sont mis d'accord pour aller à Prozor

 11   et ils y sont allés.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous-même, vous l'avez vu, le général Petkovic,

 13   de vos propres yeux ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Il était habillé comment ? Vous avez un souvenir ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il portait un uniforme. Il portait un

 17   uniforme de l'armée comme nous tous.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Et M. Pasalic était aussi en uniforme ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous avez vu MM. Pasalic et Petkovic. Vous êtes

 21   affirmatif ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Ils sont venus avant ou après M. Izetbegovic ou

 24   pendant ? Je ne sais, moi.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Sans consulter de documents, je ne peux pas

 26   vous le dire. Vraiment, je ne peux pas. Je ne peux pas me rappeler chaque

 27   jour. Vous savez, c'était 1992. Cela fait 14 ans.

 28   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous pourrions peut-

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  1   être contribuer à apporter des précisions car le témoin ne peut plus être

  2   utile. Le général Petkovic était à Jablanica en décembre 1992. Lorsque le

  3   président Izetbegovic s'y est trouvé, l'objet de la réunion était tout à

  4   fait différent. Un autre général y est allé avec Pasalic. Ce n'était pas le

  5   général Petkovic. Si on pourrait donner au témoin les documents qui lui

  6   rafraîchisse la mémoire, je n'ai absolument rien contre.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] M. Petkovic est arrivé avec M. Pasalic à

  8   Jablanica. J'ai personnellement vu M. Petkovic ce jour-là pour la première

  9   fois. Vous ne pourrez pas me convaincre du contraire.

 10   L'ACCUSÉ PRALJAK : [aucune interprétation]

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce dont vous parlez a eu lieu le 15 décembre

 12   1992. C'est à peu près au moment où il y a eu un accord avec Petkovic pour

 13   entreprendre quelque chose pour lever le siège de Sarajevo. Voilà quand ça

 14   s'est passé.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : -- à poser, sinon --

 16   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Oui, j'en ai une, Monsieur le

 17   Président. Monsieur le Témoin, est-ce que c'est M. Petkovic ou moi qui est

 18   venu en compagnie de M. Pasalic ? Réfléchissez, je vous prie, si vous

 19   pouvez vous souvenir.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je n'arrive pas à me souvenir. Zeljko

 21   Siljeg est venu là-bas; Petkovic aussi; vous, vous êtes venu; puis il y

 22   avait ce Maric - comment il s'appelait déjà - qui est venu aussi. Plusieurs

 23   généraux du HVO sont venus. Beaucoup.

 24   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Ils n'étaient pas généraux à l'époque.

 25   Regardez-moi ici aujourd'hui. Etant donné que je vous pose cette question,

 26   est-ce que vous avez le souvenir de m'avoir vu arriver moi plutôt que

 27   Petkovic ? Immédiatement après l'incident de Prozor, il y a eu une grande

 28   réunion à Jablanica dans la centrale électrique, dans la cour devant la

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  1   centrale. Est-ce que vous vous rappelez avoir vu ça ou m'avoir vu moi ou M.

  2   Petkovic ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me rappelle vous avoir vu et M. Petkovic,

  4   mais peut-être que je fais erreur au sujet des réunions. Vous savez, nous

  5   avons vu beaucoup de monde. Nous avons vu des gens arriver très

  6   fréquemment, et sans consulter un document, je ne pourrais pas vous le dire

  7   avec certitude.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : -- parce qu'apparemment vous avez vu plusieurs

  9   personnalités. Vous l'avez vu ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je les ai vus, tous ceux qui sont venus,

 11   comme j'ai déjà dit : M. Siljeg, M. Praljak, M. Petkovic, M. Maric, puis le

 12   commandant de la Brigade Herceg Stjepan. Comment il s'appelait lui ?

 13   Sagolj, et bien d'autres. Nous avions des contacts régulièrement. Nous nous

 14   rencontrions. Nous négociions ensemble. Malheureusement, les accords

 15   étaient très mauvais. Ça, c'était le problème.

 16   Monsieur le Président, si vous me permettez. Monsieur le Président, puis-je

 17   poursuivre.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y, il reste cinq minutes.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 20   Q.  Monsieur Idrizovic, peut-être pourrons-nous revenir sur certains de ces

 21   événements plus tard, lorsque nous parlerons du mois de décembre, car je

 22   vois dans le prétoire qu'apparemment il n'y a pas contestation au sujet de

 23   réunions qui se sont tenues plus tard durant l'année 1992 étant donné ce

 24   qui vient d'être dit. Mais j'aimerais appeler votre attention sur autre

 25   chose. En octobre, après les événements de Prozor, est-ce que vous avez été

 26   nommé au poste de chef de la Défense territoriale de Jablanica ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Cela s'est passé quand à peu près ?

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  1   R.  Le 28 octobre.

  2   Q.  Est-ce que par cette nomination, Monsieur, dans cette période bien

  3   précise, et je pense que nous en reparlerons demain, est-ce que cette

  4   nomination a fait de vous le plus haut responsable de l'ABiH ou de la

  5   Défense territoriale dans le municipalité de Jablanica ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Est-ce que vous avez participé à quelque chose qu'on appelait la

  8   commission de Prozor à peu près à ce moment-là ?

  9   R.  Bien, après les événements survenus à Prozor, j'ai reçu un décret du

 10   gouvernement de Bosnie-Herzégovine qui m'indiquait que j'étais nommé membre

 11   d'une commission gouvernementale chargée de se rendre à Prozor pour

 12   enquêter sur ce qui s'y était passé avant de soumettre un rapport.

 13   M. SCOTT : [interprétation] Peut-être serait-il bon d'éteindre le deuxième

 14   micro.

 15   Q.  Excusez-moi, apparemment il y a eu un problème technique. Pourriez-vous

 16   me dire, en dehors de vous, qui a été nommé pour faire partie de cette

 17   commission d'enquête chargée d'enquêter sur ce qui s'était passé à Prozor.

 18   R.  Emin Zebic, le chef du MUP de Jablanica; Jurisic - je ne me souviens

 19   plus de son prénom - en tout cas il représentait la brigade de Herceg

 20   Stjepan de Konjic; puis le président, c'était un des officiers de Zenica.

 21   Je ne me rappelle pas qui était le cinquième membre de la commission.

 22   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges, je vous prie, avant d'en terminer sur ce

 23   sujet pour aujourd'hui, si vous-même ou la commission en question s'est

 24   efforcée de mener à bien sa tâche; et si oui, ce qu'elle a fait ?

 25   R.  Oui. Etant donné que la situation s'est dégradée à Prozor, Zebic et

 26   moi-même, sommes allés à Konjic voir M. Jurisic qui faisait partie du

 27   commandement de la Brigade Herceg Stjepan de la Brigade du HVO. Je ne me

 28   rappelle pas exactement quelles étaient ses fonctions précises. Nous

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  1   l'avons attendu pendant deux heures à peu près. Il est arrivé et nous

  2   avions besoin de le rencontrer, parce que sans intervention du HVO nous ne

  3   pouvions pas entrer à Prozor. Sans l'autorisation du HVO, nous n'aurions

  4   pas eu la liberté de circuler dans la ville ou d'y pénétrer.

  5   Donc il nous a dit qu'il allait consulter son gouvernement à Grude

  6   pour savoir s'il acceptait de participer au travail de la commission et

  7   qu'il nous informerait des résultats de cette consultation plus tard. Bien

  8   entendu, nous n'avons jamais reçu de réponse et la commission ne s'est

  9   jamais rendue sur les lieux et n'a jamais mené à bien sa mission.

 10   Q.  M. Jurisic a-t-il jamais participé au travail de la commission après sa

 11   rencontre avec vous ce jour-là ?

 12   R.  Non. Comment est-ce qu'il aurait pu participer au travail de la

 13   commission puisque la commission ne s'est jamais réunie ? Non, non.

 14   M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais en terminer sur ce sujet, Monsieur

 15   le Président pour aujourd'hui, si tout va bien.

 16   Q.  Certains membres de la commission ont-ils essayé de se rendre à Prozor

 17   physiquement pour enquêter ?

 18   R.  C'est le moment où Praljak est venu. Quand Pasalic et tout le monde a

 19   voulu aller là-bas pour la première fois, j'aurais dû y aller avec Pasalic,

 20   mais comme ils avaient d'autres choses à faire, ils m'ont dit de venir à

 21   Prozor à une certaine heure. Je ne sais plus quand exactement. C'est

 22   Pasalic qui m'a dit ça en fait. Bien entendu, j'ai pris la route. Je suis

 23   arrivé jusqu'au pont de Jasen, où se trouvait le premier poste de contrôle

 24   du HVO à ce moment-là. Les gens qui tenaient le poste de contrôle m'ont dit

 25   aimablement qu'ils savaient que je devais franchir le poste mais qu'ils me

 26   demandaient d'attendre une dizaine de minutes pour que certaines formalités

 27   s'accomplissent d'après eux. Dix minutes se sont écoulées, puis encore dix

 28   minutes, après quoi ils m'ont dit qu'il faudrait que j'attende encore une

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  1   demi-heure. Ensuite, ils m'ont dit qu'il fallait que j'attende encore une

  2   heure. Et finalement, ils m'ont dit que je ne pouvais pas entrer dans

  3   Prozor. Donc je ne suis pas allé à Prozor.

  4   Q.  Je vous remercie, Monsieur Idrizovic.

  5   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, nous pouvons nous

  6   interrompre ici.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez utilisé presque deux heures déjà.

  8   Monsieur, donc demain vous reviendrez pour l'audience qui débutera à 9

  9   heures du matin. D'ici là vous ne rencontrez pas M. le Procureur, puisque

 10   comme vous avez prêté serment, vous êtes maintenant le témoin de la justice

 11   et vous ne rencontrez personne.

 12   J'invite donc tous les participants à revenir pour l'audience qui

 13   débutera demain à 9 heures. Je vous remercie.

 14   --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mardi 7

 15   novembre 2006, à 9 heures 00.

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