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1 Le lundi 6 novembre 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
6 l'affaire, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : Bonjour, Monsieur le Président. Affaire IT-04-74-T, le
8 Procureur contre Prlic et consorts.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je salue tous les
10 représentants de l'Accusation qui sont en nombre, je salue les accusés, je
11 salue leurs avocats ainsi que tout le personnel de cette salle d'audience.
12 Comme vous le savez, dans quelques instants, je vais donner la parole
13 sur la question de la réduction du temps pour la présentation des éléments
14 de preuve par l'Accusation. Mais avant cela, je tenais au nom de tous les
15 Juges à féliciter Me Karnavas pour son élection à la présidence de
16 l'Association des conseils de la Défense, et je suis convaincu que ses
17 grandes compétences permettront au comité du Règlement d'avoir un concours
18 précieux par les observations donc des conseils de la Défense. Donc je
19 tenais à exprimer au nom des Juges mes vives félicitations auprès de Me
20 Karnavas.
21 Ceci étant dit, je vais maintenant, pour 15 minutes précises, donner
22 la parole à l'Accusation pour qu'elle nous présente ses observations en ce
23 qui concerne le projet éventuel d'une réduction du temps de la durée de la
24 présentation des moyens de preuve.
25 Monsieur Scott, vous avez la parole pour 15 minutes.
26 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, merci Messieurs
27 les Juges. Bonjour à tous.
28 L'Accusation était en train de penser à ce problème, et nous nous sommes
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1 rappelés que nous avions fait une présentation un peu semblable à la
2 Chambre de première instance avant le début du procès, et d'après nous, ces
3 points sont toujours extrêmement pertinents, donc je vais essayer d'être
4 rapide, rapide tout en étant, bien sûr, exhaustif, et parler de ce qui est
5 important pour l'Accusation et pour tout le monde ici dans ce prétoire.
6 J'ai d'ailleurs préparé une présentation PowerPoint à cet égard, donc je
7 voudrais que l'on puisse afficher la première diapositive de cette
8 présentation.
9 Messieurs les Juges, Monsieur le Président, je vais commencer par cette
10 diapositive pour vous rappeler que le Tribunal tout entier, et pas
11 uniquement le bureau du Procureur, s'est avancé vers ces mégaprocès afin
12 d'être plus efficace, afin d'être plus efficace dans son travail.
13 Néanmoins, il est bon de savoir que ces mégaprocès, ils sont de grands
14 procès sont extrêmement complexes à gérer et que lorsque l'on gère ces
15 procès, bien sûr, il ne faut pas handicaper l'Accusation.
16 Je tiens aussi à commencer en disant que l'Accusation qui représente les
17 victimes des crimes allégués, ainsi que la communauté internationale, a
18 droit à un procès équitable, un procès tout aussi équitable pour
19 l'Accusation que pour la Défense. Pas à peu près aussi équitable, pas
20 presque aussi équitable, mais tout à fait aussi équitable que la Défense,
21 ni plus ni moins. Donc nous considérons qu'il s'agit de la prémisse
22 essentielle.
23 Cette institution a reconnu l'importance et le fardeau qu'a l'Accusation,
24 puisqu'elle doit raconter toute l'histoire et elle doit présenter sa thèse.
25 La Défense, en revanche, elle, n'a pas à présenter toute sa thèse alors que
26 nous devons le faire. Nous devons absolument présenter les éléments de
27 preuve qui, selon nous, sont essentiels pour assurer, puisque nous avons le
28 fardeau de la preuve.
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1 De ce fait, l'Accusation considère, espère, en tout cas, que la Chambre a
2 l'intention de donner et donnera à l'Accusation, aux victimes et à la
3 communauté internationale un procès équitable. Et de ce fait, nous devons
4 prendre pour hypothèse ou bien comprendre que la Chambre de première
5 instance a des idées en tête, elle sait plus ou moins comment faire avancer
6 les choses de façon plus efficace tout en restant parfaitement équitable.
7 Pour être équitable à la fois pour la Défense et à l'Accusation ainsi
8 qu'aux victimes et à la communauté internationale. Et de ce fait, Messieurs
9 les Juges, l'Accusation ne peut pas vraiment vous dire exactement quelle
10 est sa position aujourd'hui sans savoir ce que la Chambre de première
11 instance a en tête en ce qui concerne la gouvernance de ce procès pour
12 qu'il soit plus efficace, parce que notre position de base de référence,
13 c'est qu'il ne serait pas juste -- qu'il n'est pas juste de décider tout
14 simplement d'enlever du temps à l'Accusation, qui a quand même la charge de
15 la preuve, car nous considérons que ce serait parfaitement injuste.
16 Il est injuste et inutile, à notre avis, Monsieur le Président, de parler
17 de mesures de rythme de procès d'après le mois calendaire, les 12 mois. Le
18 calendrier, ça peut être un peu n'importe quoi. Ça peut être 52 semaines de
19 cinq jours par semaine, à huit heures par jour. Ça peut être 30 semaines
20 par année, deux jours par semaine. Donc, cela ne signifie pas grand-chose.
21 Il faut vraiment définir d'abord le rythme.
22 Pour ce qui est de ce procès, une année de procès Prlic, c'est 40 semaines.
23 Quand on prend en compte les vacances judiciaires, ça fait 40 semaines,
24 quatre jours par semaine, sans compter les pauses, donc à peu près quatre
25 heures de présence en prétoire par jour. Donc ça nous fait une année de
26 procès représentant 640 heures.
27 Bien sûr, de ce fait, l'Accusation, tout comme la Défense, n'a à rendre de
28 comptes que sur son temps. Elle n'a pas de contrôle sur ce que fait la
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1 Défense, ce que fait la Chambre, les questions des Juges, les questions de
2 procédure. Nous ne pouvons pas contrôler tout cela et, bien sûr, nous ne
3 pouvons pas être tenus comme étant responsables. Nous ne sommes
4 responsables que du temps que nous dépensons nous-mêmes.
5 A l'heure actuelle, l'Accusation, jusqu'à présent, en moyenne, fait cinq
6 heures et demie par semaine d'interrogatoire principal. Mais les chiffres
7 que l'on étudie à ce moment-là, tout comme les chiffres tenus par le
8 greffe, qui nous ont été donnés par le greffe, vendredi le 2 novembre, on
9 voit que jusqu'à présent le procès dure depuis 330 heures et 30 minutes.
10 Les contre-interrogatoires de la Défense ont pris environ 126 heures, les
11 points de procédure et les questions des Juges ont pris environ 105 heures,
12 et l'Accusation, jusqu'à présent, a utilisé à peu près 103 heures. Je
13 remarque d'ailleurs que dans les trois catégories, l'Accusation est celle
14 qui a pris le moins de temps. Elle est en bas de la liste. En bas de la
15 liste, je tiens à le faire remarquer.
16 Parlons chiffres, maintenant. Nous avons cité 44 témoins à charge en 75
17 jours. Bien sûr, nous avons aussi présenté 82 [comme interprété] témoins 92
18 bis jusqu'à présent qui ont été acceptés, en fait, on a présenté 46 témoins
19 à la Chambre jusqu'à présent. Il y a quatre heures dans la journée de
20 procès, dans la semaine de procès ça fait 16 heures. L'Accusation a utilisé
21 102 heures et 40 minutes. Donc vous pouvez faire le calcul. Pour 44
22 témoins, ça fait à peu près 2,3 heures par témoin. Bien sûr, il y a des
23 témoins qui ont été plus longs, comme les experts, les témoins politiques,
24 les témoins qui parlent de la politique. Donc certains ont été plus brefs.
25 Et je tiens à dire que j'ai 26 à 27 ans d'expérience dans ce métier, et
26 j'ai déjà géré des procès et des mégaprocès complexes. Mais je tiens à vous
27 dire que jusqu'à présent, on ne peut pas trouver de personne honnête et
28 franche qui dit que ne passer que 2,3 heures en interrogatoire principal,
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1 en moyenne, est déraisonnable. C'est rapide, en fait, au vu de l'envergure
2 même de ce procès.
3 Au départ, l'Accusation et la Chambre de première instance avaient déjà
4 posé cette question avant le procès. D'ailleurs, ils avaient calculé qu'en
5 se basant sur nos évaluations, nous aurions besoin de 450 heures
6 d'interrogatoire principal. C'est ce que nous avions dit d'ailleurs à la
7 Chambre en avril. Nous vous rappelons que la Chambre a déjà enlevé 50
8 heures de la présentation de nos moyens. Et maintenant, elle est en train
9 d'essayer de nous refuser encore 100 heures. Cela signifierait, en tout,
10 enlever un tiers même des estimations qui étaient nécessaires au départ
11 d'après l'Accusation et qui était parfaitement réaliste, à notre avis.
12 Alors, comment peut-on travailler plus efficacement ? L'Accusation - et je
13 suis sûr que la Défense va dire exactement la même chose - l'Accusation
14 tient à travailler avec la Chambre pour trouver des façons de rendre les
15 audiences plus faciles, plus efficaces, si cela peut être fait de façon
16 équitable, et surtout si c'est bien partagé entre la Défense et
17 l'Accusation, parce que sinon, ce serait parfaitement injuste, à notre
18 avis. Injuste envers l'Accusation, notre équipe, mais aussi injuste envers
19 les victimes qui ont droit à être en audience et à être entendues, et ce
20 serait injuste aussi pour la communauté internationale qui a droit à un
21 procès équitable.
22 Nous avons essayé d'identifier les faits contestés pour les réduire.
23 Nous avons passé énormément de temps avant le procès pour le faire au
24 travers des échanges à propos des faits convenus. Et ne le faisons encore
25 d'ailleurs.
26 Au cours des dernières semaines, nous avons présenté différentes
27 propositions à la Défense depuis la fin août sur certains points qui
28 pourraient -- sur, par exemple, les faits de Prozor, les faits de Gornji
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1 Vakuf, et aujourd'hui on va parler maintenant des crimes qui ont été commis
2 à Jablanica. Mais malheureusement, nous ne sommes arrivés à rien. Ce qui
3 signifie encore que l'Accusation n'a aucune alternative, elle doit
4 présenter tous ses moyens, tous ses éléments de preuve sur chaque élément
5 de chaque délit afin de pouvoir assurer le fardeau de la preuve puisqu'il
6 nous revient.
7 Nous avons dit au départ que nous espérions utiliser un grand nombre
8 de témoins 92 bis, surtout ceux des témoins des faits, afin qu'ils n'aient
9 pas à venir pour un contre-interrogatoire supplémentaire. Je vous rappelle
10 qu'il y a deux requêtes en cours portant sur deux témoins qu pourraient
11 être acceptés comme étant témoins 92 bis sans passer par le contre-
12 interrogatoire.
13 Nous avons parlé aussi de l'utilisation d'éléments de preuve écrits.
14 Cette institution, jusqu'à présent, par le biais de son comité des règles
15 et par le biais de sessions plénières, a bien indiqué qu'elle voulait
16 absolument que l'on accepte de plus en plus de preuves écrites, et qu'elle
17 n'avait pas vraiment de préférence pour les preuves orales comme c'était le
18 cas au début de notre institution. Cette institution est prête à accepter
19 plus d'éléments de preuve écrits, et nous avons déclaré que nous avions
20 l'intention d'utiliser ces instruments, et nous allons essayer, bien sûr,
21 de le faire et continuer à le faire.
22 Nous avons aussi parlé à propos de la façon dont on pourrait gérer les
23 éléments de preuve de façon plus efficace et les pièces aussi de façon plus
24 efficace. Et la semaine dernière, la Chambre nous a demandé de faire
25 différentes présentations à propos de ce qu'on pourrait faire, et nous
26 demandons à nouveau à la Chambre de première instance d'être extrêmement
27 souple dans son approche en ce qui concerne la recevabilité et
28 l'admissibilité des documents, surtout des documents qui satisfont aux
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1 critères de la jurisprudence et de la pratique de cette institution.
2 Peut-on travailler quotidiennement plus efficacement ? L'Accusation a sans
3 doute des idées, la Défense aussi. La Chambre, sans doute, peut-être. Peut-
4 être que l'on pourrait poser des questions de façon plus efficace aux
5 témoins, quotidiennement. Je déclare cela juste parce que je pense qu'on
6 pourrait en reparler.
7 Maintenant, parlons des thèses de la Défense. Evidemment, l'Accusation
8 déclare que si on met des limites, des contraintes de temps sur
9 l'Accusation, nous exigeons, en fait, que la même chose s'applique
10 exactement aux Défenses lorsqu'elles présentent leur thèse. Si nous sommes
11 limités à 300 heures, nous considérons que la Chambre devrait limiter les
12 six Défenses à 300 heures aussi, et il faut absolument donc que nous soyons
13 à armes égales.
14 Ensuite, comme nous l'avons déjà dit en avril, si la Chambre nous met dans
15 une position où nous devons prouver ce qui n'est en fait qu'une cause
16 extrêmement limitée, bien, nous considérons, dans ce cas-là, que la Chambre
17 et nous espérons que la Chambre nous permettra au moins de présenter des
18 éléments en réplique une fois que des points auront été identifiés lors de
19 la présentation des moyens de la Défense. Parce qu'on ne peut pas tout
20 simplement enlever une centaine d'heures de la présentation des moyens de
21 la Défense [comme interprété], c'est absolument déraisonnable.
22 Voici donc la présentation de nos arguments. Bien sûr, nous sommes prêts de
23 travailler avec la Chambre pour trouver une façon plus efficace de
24 fonctionner afin que le fardeau soit partagé par tous, y compris la
25 Défense, et aussi avec le respect que nous vous devons, avec la Chambre de
26 première instance, les équipes et avec l'Accusation, sans que ce soit fait
27 au détriment de l'Accusation et des victimes et de la communauté
28 internationale. Je dois dire, je conclus en disant que ce sont des victimes
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1 surtout, les victimes de ces crimes allégués ont droit à un procès
2 équitable. Ils ont droit à un procès équitable, ce serait une honte que de
3 leur accorder moins que cela.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Scott, pour cette présentation
5 particulièrement intéressante, et notamment avec les tableaux que nous
6 avons vus sur le système e-court, ça nous a permis de suivre en temps réel
7 ce que vous nous disiez oralement. Donc je vous exprime ma reconnaissance
8 pour cette présentation qui était très efficace et qui va nous permettre,
9 pas plus tard que dans les prochaines heures, d'en discuter entre Juges.
10 Mais avant cela, bien entendu, nous allons écouter avec la même attention
11 vigilante la Défense. Alors, la Défense avait globalement le même temps de
12 parole, et j'ai l'impression que c'est Me Murphy qui, au nom de la Défense,
13 va intervenir.
14 Maître Murphy, vous avez la parole.
15 M. MURPHY : [interprétation] Je vous remercie. Bonjour à tous.
16 Il y a deux points que la Chambre de première instance nous a demandé
17 d'aborder aujourd'hui. Tout d'abord, l'un qui porte sur la modification
18 éventuelle de la décision sur les éléments de preuve du 13 juillet, ensuite
19 la question plus générale de limite de temps que M. Scott vient d'ailleurs
20 d'aborder. Peut-être que je devrais commencer par le premier sujet qui est
21 plus bref, donc cette décision du 13 juillet.
22 Si j'ai bien compris, la Chambre de première instance considère que la
23 décision du 13 juillet devrait rester en état, mais avec certaines
24 modifications afin de fournir un peu de souplesse pour les déclarations qui
25 ne peuvent pas être montrées à des témoins dans le cadre de
26 l'interrogatoire principal. La Défense en a débattu, et nous avons une
27 proposition à vous faire, que je vais vous faire d'ailleurs tout de suite
28 et, bien sûr, l'Accusation et la Chambre de première instance auront le
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1 temps d'y réfléchir.
2 D'après nous, une façon de traiter ce problème, c'est la suivante : le
3 témoin pourrait rédiger une déclaration de témoin supplémentaire qui serait
4 limitée à la question d'identification des documents que le témoin connaît.
5 Ce serait une déclaration qui serait faite indépendamment de tout autre
6 élément de preuve que pourrait apporter ce témoin. Et cette déclaration
7 supplémentaire pourrait être communiquée à la Défense avec un préalable
8 raisonnable, et cette déclaration pourrait être versée au dossier au titre
9 de l'article 89(F). Mais bien sûr, si cela se fait, la Défense devrait
10 avoir un temps raisonnable pour procéder à son contre-interrogatoire.
11 Il se pourrait que parfois, les témoins n'auraient pas grand-chose à dire,
12 ne pourraient pas dire grand-chose de plus, mis à part d'identifier
13 certains documents. Cela dit, ces éléments de preuve seraient des éléments
14 supplémentaires qui viendraient en addition de ce dont a parlé le témoin.
15 Mais ce serait assez simple pour la Chambre de première instance de donner
16 à la Défense un délai supplémentaire, sachant que tout ceci serait
17 uniquement pour tout contre-interrogatoire nécessaire des documents
18 abordés.
19 Nous avons deux autres propositions, propositions très mineures mais
20 qui pourraient éventuellement être utiles. La Chambre de première instance
21 a parlé des difficultés pour respecter la ligne directrice numéro 6 de
22 l'ordonnance du 13 juillet pour expliquer à la Chambre de première instance
23 pourquoi un document bien précis est absolument nécessaire pour la
24 présentation des arguments. Je n'ai que la version française de
25 l'ordonnance aujourd'hui, mais le libellé dans cette version : [en
26 français] numéro 6 à 7, "Les raisons pour lesquelles la partie estime que
27 cette pièce est indispensable à la détermination de l'affaire."
28 [interprétation] Selon nous, cette disposition est superflue, très
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1 certainement, en tout cas. Nous préférerions qu'elle soit annulée. Si une
2 partie peut démontrer que le document est bel et bien pertinent et qu'il
3 possède une valeur probante essentielle, selon nous, cela suffit pour la
4 requête, et cela permettrait aussi de ne pas laisser croire que si la
5 Chambre de première instance considère qu'un document est nécessaire ou
6 "indispensable", comme ça, on éviterait de voir la Chambre de première
7 instance recevant cette pièce lui donnerait un certain poids, puisque c'est
8 ce que signifie le mot "indispensable" -- ou ce que suggère le mot
9 "indispensable". Nous considérons que ce serait plus facile de travailler
10 avec des lignes directrices si cela était annulé.
11 Ensuite, dernière chose, dans la première ligne de la ligne directrice
12 numéro 6, il est fait référence à l'Accusation, qui est la partie qui a le
13 droit de faire une requête. Nous pensons que la Défense pourrait tout à
14 fait, à un moment ou à un autre, se retrouver dans la même position, et
15 nous aimerions que la Chambre de première instance modifie la première
16 ligne pour que l'on parle des parties plutôt que "l'Accusation". Nous
17 considérons que ce sont les parties qui auraient le droit de faire une
18 requête de ce type.
19 Maintenant, je voudrais aborder le deuxième point, point beaucoup plus
20 général, qui est la réduction supplémentaire du temps dont M. Scott vient
21 de parler. Donc je tiens, en propos liminaires, à dire que tout comme M.
22 Scott, moi aussi je fais ce métier depuis très longtemps, plus de 35 ans.
23 Et dans ma juridiction, la tradition fait que lorsqu'on a un peu
24 d'ancienneté, les conseils ont tendance à parler avec un peu plus de
25 franchise aux Juges que lorsqu'ils en ont moins, tout en, bien sûr, restant
26 totalement respectueux des Juges. Donc j'espère que vous comprenez bien que
27 je vous respecte tout à fait.
28 Mais tout d'abord, je tiens à dire que la Défense est parfaitement d'accord
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1 avec la position de l'Accusation telle qu'elle a été exprimée par M. Scott
2 aujourd'hui. Cette affaire est une affaire de très grande envergure et elle
3 est extrêmement complexe. Côté Défense, par le passé, nous avons déclaré
4 que c'est l'acte d'accusation qui aurait dû être réduit, et notre position
5 permanente a toujours été que si on avait réduit l'acte d'accusation au
6 départ, le procès n'aurait pas eu cette envergure et, bien sûr, n'aurait
7 pas nécessité autant de temps. Mais étant donné que cela n'a pas été le
8 cas, nous considérons que l'Accusation a le droit à un procès équitable et
9 a droit à présenter ses arguments de façon parfaitement exhaustive. Nous le
10 disons en principe, et pour être totalement franc ces temps-ci parce que
11 c'est dans notre intérêt. Comme l'a dit M. Scott aujourd'hui, très
12 logiquement, ce qui arrive aujourd'hui à l'Accusation pourrait très bien
13 dans quelques mois arriver à la Défense. Et bien sûr, nous serions
14 parfaitement opposés à toute réduction du temps qui nous est alloué. Et
15 très franchement, Monsieur le Président, ça fait 35 ans que je travaille
16 dans ce métier, et je n'ai jamais entendu, je n'ai jamais eu vent d'une
17 Chambre de première instance qui décidait tout d'un coup de réduire de
18 façon aussi dramatique le temps alloué à une partie, surtout dans un procès
19 qui était commencé depuis au moins six mois.
20 Donc la Défense a l'impression que le centre de gravité de ce procès a un
21 petit peu été modifié. Au départ, on cherchait la vérité dans cette affaire
22 très complexe, mais maintenant c'est une espèce de course contre la montre
23 pour arriver à tenir les délais, délais qui nous ont été imposés par
24 l'extérieur. Je vais vous donner un exemple de cela, car cela a d'ailleurs,
25 une incidence sur l'Accusation autant que sur la Défense. C'est
26 l'indication donnée par la Chambre de première instance qui, visiblement,
27 aurait l'intention de déduire le temps passé à faire des objections au
28 temps alloué à la partie qui, justement, fait l'objection.
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1 Laissons de côté les problèmes pratiques, le fait, par exemple, que
2 certains conseils ont tendance à faire des objections au nom de tous les
3 accusés. Mais ça nous met surtout dans une position difficile lorsque nous
4 représentons nos clients, car nous sommes pris entre deux chaises. Nous
5 avons deux éléments et fonctions qui sont moins importantes à assurer qui
6 assurent justement l'équité du procès. Tout d'abord, il faut que le contre-
7 interrogatoire soit parfaitement exhaustif, ensuite il faut aussi faire un
8 compte rendu, un transcript par le biais des objections. Comme vous le
9 savez, à plusieurs reprises, la Chambre d'appel a déclaré que si on ne fait
10 pas le compte rendu, si on ne note pas les objections pendant le procès,
11 dans ce cas-là, la Chambre d'appel ne le prend pas en compte, ce moyen
12 d'appel, éventuellement, par la suite. Donc nous devons absolument essayer
13 de trouver le bon équilibre entre le temps qui vous est nécessaire pour
14 faire une fonction essentielle avec le temps qui nous est nécessaire pour
15 faire une autre fonction essentielle. Mais nous considérons que les accusés
16 -- enfin, l'accusé aussi a droit à un procès équitable, et de ce fait les
17 conseils doivent avoir le droit d'exercer les deux fonctions essentielles
18 qui sont les leurs.
19 Et maintenant, il y a aussi tout ce qui concerne la diligence.
20 Maintenant, nous sommes dans une position où la Chambre a imposé des
21 restrictions sur les durées dans chaque aspect du procès, alors que des
22 accusés qui sont dans d'autres procès, eux, ne sont pas soumis à cette même
23 chose. Ces restrictions d'ailleurs n'ont absolument pas été appliquées aux
24 procès préalables dans ce Tribunal. Par exemple, je vais vous donner un
25 exemple. Le général Blaskic et son procès. C'est un procès qui est très
26 proche du nôtre. Mais là, il y avait un seul accusé. Etant donné que le
27 procès a pris un certain temps -- en fait, ils en ont eu pour deux ans en
28 tout.
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1 L'INTERPRÈTE : Au début de ce paragraphe, dire qu'il y a aussi le problème
2 de la régularité même du procès.
3 M. MURPHY : [interprétation] Donc quand on voit les modifications qui ont
4 été faites, on n'est pas en train uniquement de modifier le Règlement de
5 procédure et de preuve. C'est tout à fait différent. On change la modalité
6 même du procès. En 1994, le Juge Cassese, le premier Président du Tribunal,
7 lors de l'adoption des Règles de procédure et de preuve, avait fait une
8 déclaration au cours de laquelle il disait que ce procès était censé se
9 dérouler sur un mode contradictoire. Mais très récemment, le Juge Pocar,
10 lorsqu'il s'est adressé aux Nations Unies, a déclaré que le mode
11 contradictoire avait maintenant été plus ou moins remplacé par un autre
12 système, une autre modalité où on exerçait beaucoup plus de contrôle
13 judiciaire.
14 Bien sûr, la Défense n'a aucune objection à ce qu'un procès se fasse sur le
15 mode inquisitorial. Nous reconnaissons que c'est une modalité qui peut être
16 parfaitement juste. Mais le problème c'est que dans ce cas-là, il faut
17 mettre en place des protections procédurales. Par exemple, il faut que le
18 Procureur ait l'obligation de faire des enquêtes mais dans l'intérêt des
19 deux parties, et le Procureur doit préparer le dossier de preuves. Et de
20 plus, nous tenons à faire remarquer que ce changement dans la modalité du
21 procès s'est fait pendant ce procès lorsqu'il avait commencé depuis
22 quelques mois.
23 Maintenant, côté Défense, nous reconnaissons bien que les Juges de cette
24 Chambre sont extrêmement préoccupés et ont en tête l'équité. C'est évident.
25 J'espère que vous n'allez pas penser que ce que je dis va à l'encontre de
26 cela, mais la Défense considère que cette modification dans les modalités
27 mêmes de conduite du procès, avec la réduction du temps, par exemple,
28 principalement, rend ce procès inéquitable pour l'Accusation aussi bien que
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1 la Défense.
2 Et enfin, je tiens à attirer votre attention sur la chose suivante : il ne
3 peut pas y avoir de procès équitable sans un système judiciaire
4 parfaitement indépendant. Et lorsque la conduite du procès est gouvernée
5 par la stratégie d'achèvement, la tenue des délais uniquement plutôt que
6 par l'équité qui doit être réservée aux parties, bien sûr, dans ce cas-là,
7 on compromet l'indépendance du système judiciaire. Mais nous savons, bien
8 sûr, que ce n'est absolument pas votre intention. Nous tenons à le dire. Et
9 nous voulons attirer votre attention, avec tout le respect que nous vous
10 devons, afin que vous preniez cela en compte avant la poursuite du procès.
11 Parce que ce qui est en jeu ici, comme l'a dit M. Scott avec autant
12 d'éloquence, c'est aussi l'équité de ce procès envers la communauté
13 internationale et aussi l'héritage que laissera ce Tribunal.
14 Maintenant, je tiens à conclure en disant quelque chose très rapidement.
15 Comme tout conseil de la Défense, parfois j'ai fait des objections, je
16 dépose des requêtes lorsque je considère que quelque chose ne fonctionne
17 pas, le procès ne va pas dans le bon sens, mais comme un grand nombre
18 d'autres avocats, on m'invite aussi souvent à parler à l'extérieur de ce
19 Tribunal, et à chaque fois je défends toujours l'équité de ce Tribunal et
20 de sa procédure. Et lorsque l'on critique, ce que j'appelle mon Tribunal, à
21 ces occasions, je me mets vraiment en colère. Donc, Messieurs les Juges, la
22 Défense, tout comme l'Accusation souhaite que ce procès réussisse pour des
23 raisons bien différentes, bien sûr, mais nous travaillerons avec la Chambre
24 de première instance pour nous assurer que nous serons le plus efficace
25 possible, et nous invitons la Chambre de première instance à nous
26 réprimander lorsque nous ne sommes pas assez efficaces. Mais avec tout le
27 respect que nous vous devons, Messieurs les Juges, nous ne pouvons
28 absolument pas considérer que ce procès va être mis en danger uniquement
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1 parce qu'il faut tenir des délais qui nous sont imposés par l'extérieur.
2 J'ai été extrêmement franc. Je tiens à dire que c'est l'une des
3 argumentations les plus difficiles que j'ai eu à faire au cours de mes 35
4 ans de métier. Je suis content que ce soit terminé d'ailleurs, mais
5 j'espère que mes propos vous auront aidés.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Murphy. Nous vous avons écouté avec
7 attention. Comme vous vous en doutez, bien entendu, nous allons examiner
8 point par point tout ce que vous nous avez dit et nous en tiendrons
9 particulièrement compte, comme vous vous en doutez.
10 Dans votre intervention en premier lieu, vous avez évoqué un sujet qui
11 devait être débattu aujourd'hui concernant l'admissibilité des pièces. Je
12 vais donc brièvement donner la parole à l'Accusation pour qu'elle me fasse
13 également valoir son point de vue, parce que ceci n'avait pas été évoqué
14 tout à l'heure lors de l'intervention de M. Scott.
15 Pour résumer votre intervention, vous faites une proposition très
16 novatrice et fort intéressante, qui serait que le témoin aurait la
17 possibilité par une déclaration écrite de faire une déclaration sur des
18 documents de telle façon que l'Accusation ne serait pas obligée de lui
19 présenter pendant l'interrogatoire principal ces documents, mais ça
20 permettrait après à la Défense de faire un contre-interrogatoire sur ces
21 pièces. Donc c'est très intéressant et la base juridique serait le 89(F).
22 Vous avez formulé également deux autres adaptations de nature plus
23 technique, l'une qui concerne le paragraphe 6 de notre décision qui est
24 relatif au mot "indispensable." Dans l'esprit de la Chambre, nous avions
25 estimé que certains documents ne pourraient être admis que si, aux yeux de
26 la partie qui le présente, ces documents sont vraiment indispensables,
27 c'est-à-dire qu'ils aient une valeur probante, une pertinence et une
28 fiabilité maximale. En revanche, des documents de moindre intérêt
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1 pourraient ne pas être admis.
2 Et troisièmement, qui est là d'ordre technique, et vous avez parfaitement
3 raison, vous souhaitez qu'on substitue au terme "Accusation" "les parties,"
4 mais c'était bien dans notre intention. En revanche, vous n'avez pas
5 répondu à la question de fond qui était que nous avions envisagé
6 l'admission de documents lorsqu'il n'y a aucun témoin et ça, vous ne faites
7 pas de propositions.
8 Monsieur Scott, est-ce que vous voulez répondre par écrit ou par oral à
9 cette première partie d'intervention de Me Murphy ?
10 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous
11 avions compris, mais peut-être nous nous étions trompés. Nous pensions que
12 ceci serait une présentation écrite et nous avons déposé d'ailleurs -- nous
13 sommes en train de déposer une écriture à ce propos aujourd'hui. J'ai
14 parfaitement compris ce qu'a dit M. Murphy, et nous aimerions aussi le
15 prendre en compte pour voir ce que nous allons faire.
16 La Chambre de première instance a fait remarquer les choses qui sont
17 importantes pour nous et ce qui est important pour nous, et je tiens à le
18 dire en toute franchise, que les documents qui ne peuvent pas passer par un
19 témoin pour différentes raisons, parce qu'il n'y a pas de temps, parce que
20 le témoin n'est pas disponible, je ne sais pas, pour différentes raisons,
21 on a bien compris ce que vous avez dit. Notre proposition, en fait, avec
22 tout le respect que nous vous devons, nous pensons que chaque procès qui a
23 eu lieu dans cette institution doit y avoir un mécanisme raisonnable pour
24 verser certains éléments de preuve directement, "bar table" comme on dit en
25 anglais. Nous considérons que c'est parfaitement cohérent avec la
26 jurisprudence du Tribunal et avec la pratique du Tribunal aussi, et
27 d'ailleurs dans notre présentation écrite nous en parlons.
28 J'aimerais dire aussi que je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Murphy sur
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1 la pertinence. Le facteur essentiel, en fait, c'est de savoir si un
2 document est pertinent ? S'il va aider la Chambre à faire son travail, qui
3 est de juger ? Toutes les jurisprudences de ce Tribunal ne sont pas
4 construites sur des règles techniques des moyens de preuve. On reçoit des
5 moyens de preuve de façon inclusive plutôt que de façon exclusive, et de ce
6 fait, ce qui est important, le critère essentiel c'est, bien entendu, la
7 pertinence même de l'élément et du document. Nous considérons que ce
8 critère peut être satisfait en versant les éléments de preuve directement,
9 que ce soit directement par l'Accusation ou directement par la Défense, et
10 nous sommes d'accord avec M. Murphy si l'Accusation a le droit de le faire,
11 la Défense doit aussi avoir le droit de le faire, mais si les parties
12 peuvent présenter des pièces qui, selon elles, sont pertinentes et il faut
13 expliquer quelle est la pertinence parce que c'est le critère essentiel.
14 Je vous remercie.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous lirons vos écritures, puisque vous venez
16 de nous indiquer que vous avez enregistré ce matin. Je l'ignorais. A la
17 lumière de ce que nous a dit Me Murphy et de ses propositions ainsi que de
18 vos écritures, nous prendrons une décision.
19 J'ai vu M. Praljak se lever. Monsieur Praljak, très rapidement.
20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Très brièvement, Monsieur le Président,
21 Messieurs les Juges, je vais parler en mon nom, mais je pense que mes
22 coaccusés sont d'accord.
23 Nous aussi, nous tenons à avoir un jugement ou un procès équitable,
24 indépendamment du fait que cela risque de prolonger notre détention. Je
25 sais que c'est une détention provisoire, mais ce n'est quand même pas de la
26 liberté. Nous voulons que la vérité soit entendue devant ce Tribunal. Ce
27 que je veux exprimer une fois de plus, ce sont des appréhensions concernant
28 la teneur de notions telles que "gouvernement," "armée," "situation
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1 politique," influence de la communauté internationale au niveau de la
2 Yougoslavie, l'embargo, et cetera, et le tout nous ferait parvenir à
3 l'objectif clé, à savoir que pouvait-on bien faire, et ce que les uns et
4 les autres avaient bien pu faire dans la situation telle qu'elle se
5 présentait.
6 C'est avec beaucoup de regrets que nous avons pu voir et entendre ces
7 gens témoigner de la base du crime, de viols, de mauvais traitements, de
8 meurtres, et cetera. Mais malheureusement dans 95 % des cas, on n'a pas
9 appris qui les avait tués. On sait qu'il y en a qui font l'objet de procès.
10 On sait aussi qu'il y en a qui se promènent en liberté. Mais ce que nous
11 n'avons pas appris c'est quelle est la corrélation entre 50 villages qui
12 existent au niveau de la communauté, quelle est la corrélation entre les
13 différents villages, et ce qui s'est passé entre ces gens.
14 Il y a des milliers qui phénomènes qui sont intervenus, et nous ne
15 pouvons pas prélever une partie sans pour autant comparer les autres
16 éléments. Par exemple, l'armée américaine en Irak, et les situations où il
17 n'est pas possible de gouverner ou de maîtriser les choses, maîtriser, par
18 exemple, les troubles en France, parce que quelqu'un dans telle ville a
19 pris position, mais on n'a pas encore le pouvoir d'empêcher ce type de
20 chose, par exemple, quand on parle d'armée, d'une notion telle que l'armée.
21 Par exemple, le gouvernement allemand, l'armée allemande, le peuple
22 allemand apprend qu'en 2002 des soldats allemands ont pris des photos avec
23 des têtes décapitées, on ne l'apprend qu'en 2006, et on apprend qu'à Abu
24 Ghraib où un photographe a communiqué des photos aux journalistes en
25 Angleterre de ce qui s'y passait, ce que j'appréhende, c'est de nous voir
26 aller vers des éléments qui nous rendraient coupables parce que nous avons
27 possédé les attributs du bon Dieu.
28 Vous avez demandé que des éléments fondamentaux, par exemple, les
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1 expertises relatives à l'armée, la notion d'armée organisée et aménagée, ou
2 une armée où on voit le peuple armé avec un gouvernement qui ne fait que
3 s'appeler gouvernement et des ministres qui n'ont même pas de téléphones,
4 que l'on fasse donc une comparaison entre les différents modèles. Ce qui
5 s'est passé à la Nouvelle-Orléans après les inondations où il y a eu le
6 chaos, des meurtres, et cetera, mais ce n'est pas le maire et le chef de la
7 police qui en sont responsables. Il y a des responsables par leurs noms et
8 prénoms.
9 Je ne dis pas qu'il n'y en a pas d'autres, mais nous n'avons pas
10 d'éléments de corrélation ici. Je crois que les modèles, pris séparément,
11 pris à part, risquent de nous conduire à un degré de culpabilité que les
12 gens ne pouvaient pas percevoir.
13 Etant donné que nos vies ont été détruites, ou du moins la mienne depuis
14 sept ou huit ans, parce que les journalistes n'ont jamais dit que j'étais
15 un "criminel de guerre potentiel," ou "éventuel." Il n'y avait pas de
16 guillemets. Si je n'ai pas ici la possibilité de montrer où sont les
17 limites de ma culpabilité, dans ce type de circonstance et avec ce contenu
18 des notions pour ce qui est de l'armée, du gouvernement, de la police, et
19 cetera, je crois que cela risque de fausser la donne. Merci.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci, Monsieur Praljak. Nous avons écouté ce
21 que vous avez dit. Nous intégrons vos propos dans nos réflexions, et nous
22 serons amenés dans quelque temps à rendre une décision en la matière.
23 Je vois que M. Prlic veut aussi intervenir. Donc je lui laisse aussi
24 rapidement la parole.
25 L'ACCUSÉ PRLIC : [interprétation] Messieurs les Juges, il convient de faire
26 la distinction entre certaines notions. En effet, cela n'est pas
27 suffisamment clair. Que veut-on dire par "limite de temps" et par rapport à
28 quoi ? Deux ans après l'obtention d'un acte d'accusation, on a vu le procès
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1 commencer. Il faut que cela dure au moins trois ans si on fait vite. Or, si
2 l'on continue avec cette cadence, par ce que nous estimons que ce n'est pas
3 équitable, parce que nous n'avons pas eu le temps de poser des questions en
4 contre-interrogatoire pour des témoins cruciaux qui ne recomparaîtront pas
5 devant ce Tribunal, cela nous signifie encore cinq ans, au total, ça nous
6 donne sept ans, avec des limites de temps. Ce n'est pas ni long ni court si
7 on compare avec rien d'autre. On promulgue des mesures qui semblent
8 accélérer les choses mais ça les rallonge. Le 92 ter, de façon évidente, ne
9 fait que rallonger le procès plutôt que de l'écourter, parce qu'on avait
10 prévu 20 minutes pour des témoins qui avaient, dans la documentation
11 originale, été prévus pour deux heures.
12 Il y a une prolongation du procès alors quand on parle du temps imparti,
13 nous ne sommes pas coupables de la chose. Nous sommes ici confrontés à des
14 actes d'accusation rédigés à notre encontre. Nous n'avions rien à voir avec
15 les mémoires ou les éléments qui ont liés à l'acte d'accusation. Ils ne
16 sont plus. Nous avons demandé une reconfirmation compte tenu des
17 circonstances nouvellement établis. On nous a refusé la chose. On a demandé
18 à ce que des procès soient dissociés. Ça était rejeté aussi.
19 Alors, je ne suis pas d'accord avec le propos qui consiste à dire "la
20 Défense." Non, il y a six Défenses ici. Monsieur le Président de la
21 Chambre, vous avez dit qu'il y avait 1 800 délits avec 14 formes de
22 responsabilités différentes. Si on divise cela par le temps imparti au
23 total à une Défense, à savoir 66 heures pour ce qui est des 400 heures
24 prévues initialement, il se trouve que pour chacun des délits et chaque
25 forme de responsabilité concrète, la Défense n'a plus de sept secondes pour
26 contre-interroger. Si l'on ajoute ce temps, lorsque la Défense va présenter
27 ses éléments de preuve à décharge, ça nous donne à peu près le même quota.
28 Cela additionné nous donne 15 secondes pour toute forme de responsabilité
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1 qui est avancée dans l'acte d'accusation.
2 Que voudrais-je dire par là ? On se trouve dans une situation qui ne
3 saurait être imaginée même par Kafka. Il faut que nous renoncions à un
4 droit au procès rapide et que nous vous suppliions de nous garder deux ans
5 de plus en prison pour que le procès soit équitable. Je vous demande de
6 comprendre nos positions à nous. Merci.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Prlic. Merci aussi pour les
8 précisions et les calculs que vous avez fait sur le fait, et vous avez
9 parfaitement raison qu'il y a 1 800 crimes, et que si on divisait le temps
10 par le nombre de crimes, ça vous donnerait que quelques secondes par crime.
11 C'est une évidence dont nous tiendrons, bien entendu, compte.
12 Tout ce que les uns et les autres avaient dit va être intégré,
13 analysé et disséqué, et nous rendrons une décision répondant aux éléments
14 avancés par les uns et par les autres.
15 J'ai vu le président de l'Association des conseils de la Défense se
16 lever. Si Me Karnavas voulait rajouter quelque chose de particulièrement
17 intéressant, vous avez la parole. Sinon, on va passer à la suite.
18 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie. Je voulais juste
19 faire remarquer à la Chambre de première instance que ce qu'a dit M. Prlic
20 et ce qu'ont dit d'autres personnes, y compris M. Praljak. En fait, ils
21 sont presque prêts à renoncer à un droit qui est leur droit à un procès
22 rapide. Certains diraient - et j'en suis d'ailleurs - que le droit à un
23 procès rapide doit se faire dans le cadre de la phase préalable au procès,
24 sachant que cette phase doit, bien sûr, être raisonnable en matière de
25 temps, mais ce n'est pas ce qui arrive ici dans ce Tribunal. Lorsqu'on est
26 à l'étape préalable au procès, les accusés entendent sans doute trois,
27 quatre, cinq ans avant de passer au procès.
28 Mais si ce droit existe et qu'il est interprété comme certains le font,
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1 c'est-à-dire que le procès doit être rapide, dans ce cas-là, il me semble
2 qu'on renonce de façon non équivoque à ce droit, et c'est dans le compte
3 rendu, puisque plutôt que d'avoir un procès rapide ils préféreraient avoir
4 un procès qui dure un temps raisonnable afin que chaque accusé ait le droit
5 de présenter ses arguments et présenter sa cause tout en reconnaissant,
6 bien sûr, qu'il ne suffit pas que la Chambre de première instance de dire à
7 la Défense : Ecoutez, vous en parlerez lorsque vous présenterez vos moyens.
8 Dans ce cas-là, ça signifie qu'on doit présenter des moyens et qu'on doit
9 réfuter une thèse, et si on doit réfuter une thèse, dans ce cas-là, la
10 Défense se retrouve avec le fardeau de la preuve.
11 Je considère que jusqu'à présent, nous avons travaillé rapidement et je
12 voudrais m'assurer qu'on n'aille pas si vite car, à la fin on doit tous
13 endosser la responsabilité du résultat, tous, c'est-à-dire les parties
14 ainsi que les Juges. Mais le compte rendu a déjà été fait, et chaque accusé
15 visiblement, semble prêt à renoncer à son droit, tout en comprenant, bien
16 sûr, que le procès doit quand même être tenu dans une durée raisonnable. On
17 ne peut pas renoncer à un droit à un procès équitable.
18 On vous voit hocher la tête, Monsieur le Juge Trechsel. Vous pouvez
19 renoncer à aider à votre première Défense. Vous pouvez renoncer à votre
20 droit à vous auto-incriminer et témoigner de ce cas-là. Vous pouvez
21 renoncer à certains droits. Il y a des droits auxquels on peut renoncer
22 dans une certaine mesure et, bien entendu, c'est ce que je suis en train de
23 vous dire. Ils sont en train de renoncer à ce droit puisqu'ils sont en
24 train de dire : Tout ce qu'on veut, c'est un procès qui dure une période
25 raisonnable, et rien de plus. J'espère que vous m'avez compris.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à mon collègue, qui -
27 -
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Je voulais juste m'assurer d'une chose. J'ai l'impression que tout ce que
2 j'ai dit non verbalement a tendance à être mal compris. Je n'étais pas en
3 train de hocher la tête, j'étais en train de hocher doucement la tête parce
4 que je réfléchissais. C'est tout. Vous pensez peut-être que je ne suis pas
5 capable de réfléchir, mais j'étais en train de le faire en tout cas, et
6 j'essaie en tout cas.
7 Maintenant, j'aimerais ajouter une ou deux choses. Tout d'abord, en
8 effet, je ne suis pas très sûr dans quelle mesure une partie, c'est-à-dire
9 la Défense, peut de façon unilatérale renoncer à son droit à un procès
10 rapide. L'Accusation semble aller dans ce sens, mais à mon avis, cette
11 question n'a pas encore été réglée dans la jurisprudence. C'est pour cela
12 que j'étais en train de dodeliner, si je puis dire.
13 Je suis très impressionné - et M. Murphy d'ailleurs en a parlé rapidement -
14 ce qui m'intéresse, c'est qu'il y a un élément que nous avons tous en tête.
15 Jusqu'à présent, au niveau du Conseil de sécurité des Nations Unies, il
16 semble que l'opinion soit que les procès en première instance doivent
17 absolument être terminés avant la fin 2008, et il y a maintenant un membre
18 permanent, la Russie, pour ne pas la nommer, qui indique très clairement
19 qu'elle mettra son veto à toute prolongation à l'existence de ce Tribunal.
20 J'avais espéré que les parties en présence allaient aborder ce sujet en
21 parlant du fond, un petit peu, car je tiens à vous dire que malheureusement
22 ceci est en dehors du contrôle de la Chambre.
23 M. KARNAVAS : [interprétation] J'aimerais parler --
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pas tous en même temps. M. Karnavas
25 d'abord --
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais être rapide - et j'en ai déjà parlé
27 d'ailleurs - ce qui se passe ici est la chose suivante : le Conseil de
28 sécurité a placé le Tribunal, et surtout les Juges, dans une situation tout
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1 à fait intenable. Ils doivent décider s'ils vont servir les intérêts du
2 Conseil de sécurité, qui a quand même créé cette institution et qui la
3 finance, qui a rédigé ou qui a approuvé le Statut, ou ils doivent savoir
4 s'ils veulent servir les intérêts de la justice. Je pense que la réponse
5 est simple et facile. Les Juges ne peuvent servir que la justice et les
6 intérêts de la justice, point final. Le Conseil de sécurité, s'ils veulent
7 nous fermer en plein milieu d'un procès, qu'ils le fassent. C'est sur eux
8 que tombera la honte. Ils l'ont établi; ils l'ont financé. Je crois que le
9 Juge Hunt était extrêmement éloquent quand il a dit que : "Si la communauté
10 internationale veut avoir des tribunaux de ce type, ils ont besoin de les
11 financer." On ne peut pas dire que c'est aux Juges de faire leur sale
12 boulot, si je puis dire, "débrouillez-vous maintenant pour trouver une
13 solution pour que le procès se termine dans un délai ceci, parce qu'après
14 vous n'aurez plus d'argent." Si vous partagez cette responsabilité et ce
15 fardeau, vous partagez aussi la honte qui va tomber sur la communauté
16 internationale si, par la suite, on se rend compte que les victimes ou que
17 les accusés n'ont pas eu droit à un procès équitable. Je pense vraiment que
18 malheureusement personne ne veut en parler. Pourtant, c'est ce qui est
19 arrive.
20 On aime parler de procès rapides, on en parle tout le temps, mais c'est un
21 peu comme un slogan. Je l'avoue, c'est vraiment comme un slogan. C'est du
22 baratin de stratégie d'achèvement, rien de plus, et personne n'en parlait
23 il y a quelques années. Maintenant on en parle très ouvertement et très
24 franchement. Mais je pense que les Juges doivent être extrêmement fermes et
25 dire, "Non, au vu de la complexité de ces procès, on ne peut pas les
26 terminer dans un délai X ou Y."
27 M. Murphy a parlé de la régularité du procès et de la protection des deux
28 parties. Précédemment, il est vrai qu'il y avait beaucoup de problèmes
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1 légaux, des problèmes de procédure qui devaient être traités. Mais
2 lorsqu'on étudie ces affaires, lorsqu'on regarde les actes d'accusation et
3 regarde le niveau qu'avaient ces personnes et qu'on voit les ressources qui
4 étaient disponibles à l'époque et le temps qui a été alloué par rapport à
5 ce qui se passe aujourd'hui avec les mégaprocès, là, on parle quand même
6 d'accusés qui étaient à des niveaux extrêmement élevés. Alors s'il est vrai
7 qu'il y a peut-être un grand nombre de faits admis dans le cadre de
8 d'autres procès, il y a les problèmes de procédure qui ont déjà été
9 traités, c'est vrai, mais quand on compare ce type d'affaire, comment ça se
10 fait que Blaskic ait un procès équitable, alors que Prlic, Petkovic,
11 Praljak, Stojic ou Coric ne l'ont pas.
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pusic.
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Ou Pusic n'arrive pas à avoir un procès
14 équitable. Pourquoi est-ce que Kordic a eu autant de temps ? Ou Naser Oric,
15 il avait la moitié d'un chef à défendre, rien de plus, et il a eu plus de
16 temps que nous. Je ne veux pas que l'on commence à dire qu'une appartenance
17 ethnique a droit à plus de temps que d'autres. Ce n'est pas du tout de ça
18 que je veux débattre. Le problème ici, regardez par le passé, à un moment,
19 cette institution avait beaucoup d'argent et ils l'ont jeté par la fenêtre.
20 Tout d'abord, il y avait des procès très longs sur des subalternes, c'est
21 vrai qu'ils n'avaient que ça à se mettre sous la dent. Maintenant, nous en
22 sommes à une étape où la communauté internationale commence à manquer de
23 patience. Mais il faut bien qu'ils comprennent, on en arrive au 60e
24 anniversaire du procès de Nuremberg. Nuremberg c'était une première étape,
25 la première étape visant à mettre sur pied le droit pénal international
26 comme on le connaît aujourd'hui, première étape. Mais qu'est-ce que il y a
27 eu d'autre à Nuremberg ? C'est un processus qui n'était pas correct, un
28 processus d'appel où ils ont eu 15 jours, rien de plus. Une procédure, lors
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1 du procès, où la Défense était totalement handicapée. Enfin, je ne vais pas
2 entrer dans les détails, l'entreprise criminelle commune, parce que je
3 pense que c'était erroné, c'est encore erroné et c'est dommage que ce
4 Tribunal ait accepté ce concept qui est mal né, si je puis dire. Mais
5 regardez Nuremberg, c'était positif, mais c'était un peu la justice des
6 vainqueurs, les choses ont été trop rapides. La Défense n'a pas eu le temps
7 de se préparer. La Défense n'a pas eu de ressources supplémentaires non
8 plus.
9 On ne veut pas se retrouver dans cette position, et je pense que chaque
10 Juge, en son âme et conscience, doit décider fermement de prendre parti et
11 dire : J'ai fait de mon mieux pour que leur procès soit le meilleur
12 possible. Pas parce que j'ai été pressé par le Conseil de sécurité, parce
13 qu'ils doivent fermer l'institution et je dois aller le plus vite possible.
14 Non, il faut que je sache que j'ai fait de mon mieux et qu'ils ont eu le
15 procès le plus équitable et le plus rapide possible au vu de la complexité.
16 On comprend bien qu'on ne peut pas faire un procès pendant quatre ou cinq
17 ans. On essaie de travailler de façon efficace, mais il y a une limite
18 quand on essaie de réduire les procédures, quand on essaie de prendre sans
19 arrêt des raccourcis, en fin de compte on n'en arrive pas à un procès
20 équitable. Je dois encore revenir en arrière et vous demander à tous, ici,
21 si vous aimeriez qu'on vous juge ainsi. Est-ce qu'on voudrait avoir le
22 président d'un pays que nous représentons jugé de cette façon ? Non. Est-ce
23 qu'un membre du Conseil de sécurité, M. Bolton, par exemple, est-ce qu'il
24 aimerait bien être dans le box des accusés ici ? Je ne pense pas. Le
25 président Bush, est-ce qu'il serait ravi d'être jugé comme ça ? Poutine,
26 aussi ? C'est vrai que les Russes sont un peu en colère du fait de la mort
27 de Milosevic, mais soyons francs, on devrait faire en sorte que le procès
28 soit exactement un procès qui nous siérait à nous, si nous étions dans le
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1 box.
2 Je suis d'accord avec l'Accusation. Ils ont travaillé pour préparer leur
3 thèse. Ils ont aussi un client. Leurs clients, ce sont les victimes et la
4 communauté internationale, ils travaillent pour eux, je soutiens
5 parfaitement leur droit, ils ont droit à présenter de façon exhaustive
6 leurs arguments. S'ils n'arrivent pas à présenter leurs arguments, moi
7 aussi je vais être contraint, mais eux ils ont une fonction à remplir, et
8 c'est pour cela que l'Accusation doit être indépendante dans son choix de
9 personnes à mettre en Accusation, pour quel chef, et cetera. Mais la
10 Défense doit aussi recevoir les ressources nécessaires, recevoir
11 suffisamment de temps pour bien préparer sa thèse et pour bien défendre ses
12 clients dans ce système, système qui est contradictoire. Ce n'est pas le
13 système anglo-saxon, c'est un système contradictoire. C'est vrai qu'on
14 arrive de plus en plus à se rapprocher du système romain germanique, ça ne
15 me gêne pas. M. Murphy en a parlé, d'ailleurs. Mais il reste quand même
16 contradictoire, et comme a dit M. Murphy, plus on s'en rapproche - et là,
17 je ne suis pas d'accord avec le Président Pocar lorsqu'il dit que la
18 procédure est plus contrôlée par les Juges et qu'il dit qu'on en est arrivé
19 au domaine romain germanique. Si c'était le cas, là on aurait des
20 problèmes, parce que les Juges font les règlements - en fait, ce qui se
21 passe, effectivement, c'est que les Juges font des règles et ont tendance à
22 "by-passer" les Statuts, et le Statut ne peut être modifié que par le
23 Conseil de sécurité.
24 Comme a dit M. Murphy - et je l'ai d'ailleurs fait remarquer par le passé
25 et je tiens à le répéter - en dépassant cette ligne jaune, cela signifie
26 que les accusés ne reçoivent pas les protections auxquelles ils auraient
27 droit au titre du système romain-germanique tout en réduisant leurs droits
28 à un contre-interrogatoire, et de ce fait, vous nous enlevez nos outils qui
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1 nous sont absolument indispensables. Le droit à la confrontation, le droit
2 à un contre-interrogatoire est essentiel dans un mode contradictoire à
3 cause des rôles très différents de l'Accusation. Il est important aussi de
4 faire un compte rendu.
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Stewart, mais très vite, parce que tout a déjà
8 été dit. Allez-y.
9 M. STEWART : [interprétation] Non, si je pensais que tout avait été dit, je
10 me tairais. Mais je serai très bref. Je tiens à dire que du côté de la
11 Défense de M. Petkovic, nous sommes parfaitement d'accord avec ce que
12 Murphy a dit à propos de la thèse de l'Accusation, et cetera, et je ne vais
13 certainement pas essayer de débattre cet après-midi de la possibilité à
14 renoncer éventuellement à un procès équitable. Nous considérons qu'on n'a
15 pas le droit à cela, Il y a certains aspects que l'on peut renoncer mais
16 j'en parlerai plus tard de toute façon. Mais notre position de principe est
17 bien simple : on ne peut pas évaluer le temps qui est nécessaire pour
18 présenter les six thèses de la Défense avant que l'Accusation elle-même
19 n'ait présenté sa thèse, parce qu'il faut que l'on réponde à la thèse de
20 l'Accusation. Il faut premièrement évaluer ça correctement, et cela doit
21 être fait de façon permanente au fil de l'eau, parce que le principe de
22 base c'est que la Défense doit, pendant tout le procès, avoir le droit,
23 l'occasion et le temps de présenter correctement sa Défense, et le droit à
24 un procès rapide doit être intégré dans ce droit de base. Le procès ne doit
25 jamais aller plus vite que ce que permet ce droit, qui est un droit de
26 base. J'en ai parlé avec M. Petkovic, avec Mme Alaburic aussi cet après-
27 midi. Je ne parle pour aucun autre accusé, mais en ce qui concerne les
28 autres accusés, s'ils sont d'accord avec nous, nous serions ravis, parce
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1 que nous considérons que c'est essentiel. On ne peut absolument pas
2 utiliser le droit des accusés à un procès rapide pour aller à l'encontre de
3 leur droit de base, qui est le droit d'avoir le temps, en fait, de
4 présenter leur propre thèse.
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Me Murphy s'était levé, mais peut-être ses confrères
8 ont déjà abordé les points qu'il voulait rajouter.
9 M. STEWART : [interprétation] Je pense qu'ils ont en effet répondu à tout
10 cela, mais je voulais m'assurer que la question du Juge Trechsel avait été
11 bien traitée, et je crois qu'il suffit de regarder à l'article 12 du Statut
12 pour le faire, puisqu'il est écrit que les Juges du Tribunal doivent être
13 indépendants. Bien sûr, il y aura toujours des problèmes politiques à
14 propos du financement du Tribunal et toutes ces choses, et j'hésite à
15 rentrer dans ces détails, surtout en audience publique, mais ce qui est
16 important, à mon avis, c'est que les Juges sachent qu'ils doivent rester
17 indépendants de toutes les pressions et qu'ils doivent continuer à assurer
18 un procès équitable pendant toute la durée de vie du Tribunal.
19 Si le Tribunal ne vit pas longtemps, j'espère que non, mais s'il a une
20 durée de vie très courte, bien, dans ce cas-là, il est certain que ceux qui
21 ne doivent pas en souffrir, ce sont les accusés.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, la réplique.
23 M. SCOTT : [interprétation] Oui, tout à fait. Tout d'abord, je tiens à dire
24 en préface que j'apprécie énormément tous les commentaires très francs qui
25 ont été faits par mes confrères de la Défense. Cela dit, je dois quand même
26 faire remarquer, qu'une fois de plus, l'Accusation a utilisé moins de temps
27 que quiconque dans ce prétoire, et ce serait quand même notre temps,
28 normalement, qui serait réduit, le temps de l'Accusation.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : -- écrit au transcript. Nous allons peut-être dans
2 les minutes qui viennent faire la pause, puisqu'on devait la faire dans 15
3 minutes, il vaudrait mieux faire la pause et puis faire venir le témoin
4 après.
5 Mais juste avant cela, je vais lire une décision orale relative à
6 l'admissibilité de pièces, décision orale portant sur l'admission de pièces
7 relatives au Témoin BU. Le Témoin BU a comparu à l'audience du 12 octobre
8 2006. La Chambre décide d'admettre les éléments de preuve suivants
9 présentés par l'Accusation au motif qu'ils ont une certaine valeur probante
10 et une certaine pertinence. Alors je vais lire lentement les pièces. P
11 09713 sous pli scellé. Dès le départ, ça part mal parce qu'il y a une
12 erreur, alors je redis P 09713 sous pli scellé. Il y a toujours une erreur.
13 Je recommence. Vous allez m'obliger à le dire en anglais. P 09713 sous pli
14 scellé. Voilà, c'est bon.
15 Ensuite, P 01839, P 01955, P 01966, P 01976, P 08289 sous pli scellé,
16 P 09696 sous pli scellé. Je recommence, P 09696 sous pli scellé. P 08477
17 sous pli scellé. P 08613, P 08615.
18 La Chambre constate que la Défense n'avait demandé l'admission d'aucune
19 pièce pour ce témoin.
20 Bien, alors il est 15 heures 30. Nous allons faire notre pause de 20
21 minutes, et nous reprendrons donc à 16 heures moins 10.
22 --- L'audience est suspendue à 15 heures 29.
23 --- L'audience est reprise à 15 heures 51.
24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Oui, Maître Kovacic.
26 M. KOVACIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je crains de n'arriver
27 en retard pour ce qui est de requêtes complémentaires pour ce qui est du
28 témoin. Je pense que maintenant, le temps ne s'y prête pas, mais peut-être
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1 pourrions-nous laisser quelques minutes à la fin de l'audience pour en
2 parler. Merci.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, alors Monsieur, pourriez-vous vous lever, s'il
4 vous plaît. Je vais d'abord vérifier que vous entendez bien dans votre
5 langue la traduction de mes propos. Si c'est le cas, dites, je vous entends
6 et je vous comprends.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous comprends.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, pouvez-vous me donner votre nom, prénom et
9 date de naissance.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Safet Idrizovic, je suis né le 28 mars 1949.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre activité ou profession actuelle ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis responsable du service de sécurité
13 dans une compagnie de fabrication d'énergie électrique à Jablanica.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, avez-vous déjà témoigné devant un tribunal
15 international ou national sur les faits qui se sont déroulés dans votre
16 pays dans les années 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994, ou bien c'est la
17 première fois que vous témoignez en justice ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai déjà témoigné avant.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez témoigné. Pouvez-vous nous dire devant
20 quel tribunal et pour quelle affaire ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné devant ce Tribunal, dans
22 l'affaire Tuta et Stela.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans l'affaire Tuta et Stela, vous étiez témoin de
24 l'Accusation ou témoin de la Défense ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais témoin de l'Accusation.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Deuxième question qui est importante car on s'en
27 rend compte de l'utilité. Est-ce que vous avez été entendu par des
28 enquêteurs de votre pays ? Vous avez été entendu par des enquêteurs du
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1 bureau du Procureur, mais je voudrais savoir si vous avez été entendu par
2 des enquêteurs de votre propre pays ou par un juge de votre pays sur les
3 faits qui se sont également déroulés, et cetera.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je vous demande de lire le serment que
6 M. l'Huissier vous présente.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 LE TÉMOIN : SAFET IDRIZOVIC [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : -- quelques éléments d'information, Monsieur. Le
14 Procureur a prévu que vous resteriez trois jours à La Haye pour témoigner,
15 aujourd'hui, mardi et mercredi. Vous allez devoir répondre à des questions
16 que le Procureur va vous poser, et le Procureur a l'intention également de
17 vous présenter des documents que vous avez certainement vus quand vous
18 l'avez rencontré hier ou ce matin.
19 Une fois que le Procureur aura terminé ses questions -- le Procureur a
20 prévu quatre heures 30, mais d'un premier examen, il me semble que c'est
21 beaucoup, alors peut-être que le Procureur fera des efforts pour réduire ce
22 temps. La Défense aura pour le moment quatre heures 30 pour vous poser des
23 questions dans le cadre du contre-interrogatoire.
24 A plusieurs reprises, vous faites état du général Petkovic. La Défense du
25 général Petkovic aura une heure 30, et les autres accusés auront trois-
26 quarts d'heure chacun.
27 Les quatre Juges qui sont devant vous pourront également vous poser des
28 questions s'ils l'estiment nécessaire. En règle générale, quand nous posons
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1 des questions, c'est en complément des questions qui vous sont posées ou
2 parce qu'il nous apparaît que votre point de vue ou vos dires peuvent être
3 importants par rapport à l'acte d'accusation et par rapport aux questions
4 que nous nous posons. Les questions essentielles que nous nous posons sont
5 de deux types : les premières questions, c'est de savoir qui a fait quoi
6 exactement, et deuxièmement, une fois que nous avons des réponses à cela,
7 nous essayons de savoir dans la chaîne de responsabilité, quels sont les
8 rôles des uns et des autres. C'est toujours au travers de cette grille
9 d'analyse que nous posons nos questions, ce qui nous permet, nous, les
10 Juges, d'aller tout de suite à l'essentiel.
11 Si vous éprouvez quelques difficultés pendant l'audience, n'hésitez pas à
12 nous l'indiquer. Si vous ne comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez
13 pas à demander à celui qui vous la pose de la reformuler. La Chambre est
14 évidemment à votre disposition pour tout problème que vous estimerez devoir
15 évoquer.
16 Nous faisons des pauses toutes les heures et demie pour des raisons
17 techniques et pour vous permettre de vous reposer. Vous vous rendrez compte
18 qu'au bout de trois jours d'interrogatoire, vous éprouverez une certaine
19 fatigue. C'est pour ça qu'on fait des pauses. Voilà.
20 Monsieur Scott, je pense que c'est vous qui allez mener l'interrogatoire
21 principal, je vous laisse la parole.
22 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
23 Messieurs les Juges.
24 Interrogatoire principal par M. Scott :
25 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
26 R. Bonjour.
27 Q. Monsieur Idrizovic, j'aimerais aborder rapidement votre carrière, mais
28 il y a quelques aspects qui sont importants en ce qui concerne votre
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1 témoignage, on aura un petit peu de temps.
2 Si j'ai bien compris, vous avez fait votre service national au sein de la
3 JNA à peu près de 1969 à 1971; c'est bien cela ?
4 R. Oui.
5 Q. Au cours de votre service national, avez-vous reçu la formation pour
6 les officiers de réserve afin de pouvoir être officier commandant au sein
7 des unités de réserve qui, à l'époque, étaient connues sous le nom de la
8 Défense territoriale ?
9 R. Oui.
10 Q. En 1971, lorsque vous avez quitté le service actif, êtes-vous resté
11 officier de réserve au sein de la Défense territoriale de la municipalité
12 de Jablanica ?
13 R. Oui.
14 Q. En plus d'être officier de réserve à l'époque, vous étiez aussi
15 instituteur dans une école élémentaire de la municipalité de Jablanica
16 pendant cette époque ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous avez ensuite été à l'Université de Zagreb, et vous avez été
19 diplômé en sciences politiques; c'est bien cela ?
20 R. Oui.
21 Q. -- diplômé, il me semble, en 1979.
22 R. Oui, oui.
23 Q. Après l'obtention de ce diplôme, vous êtes allé travailler au bureau du
24 ministère de la Défense de la municipalité de Jablanica de 1979 à 1983 ?
25 R. Oui.
26 Q. Pourriez-vous nous dire rapidement quel était votre profil de poste
27 lorsque vous étiez au ministère de la Défense, quelles étaient vos
28 responsabilités ?
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1 R. Il s'agissait des devoirs qui étaient prévus par la Loi portant Défense
2 nationale du pays. Il s'agissait, par exemple, de recrutement de jeunes
3 gens, l'envoi vers des unités de ces jeunes gens au sein de l'armée
4 yougoslave de l'époque, et par la suite de les affecter dans les unités de
5 réserve de la JNA, voire dans des unités de la Défense territoriale, puis
6 il y avait une surveillance et inspection pour ce qui est des préparatifs
7 de la municipalité à la défense, élaboration de plans liés à la défense, et
8 ainsi de suite.
9 Q. Vous nous avez dit que vous avez eu ce poste en plus d'être instituteur
10 jusqu'à 1983 à peu près. Vous y avez travaillé quelques années, jusqu'à
11 1995, mais là vous étiez dans le privé principalement; c'est bien cela ?
12 R. Peut-être n'ai-je pas bien compris. Quand j'ai travaillé au ministère,
13 je n'étais pas employé à l'école.
14 Q. Je suis désolé. Oui, en effet. Mais lorsque vous avez pris le poste au
15 sein du ministère de la Défense, il ne s'agissait pas d'un emploi à plein
16 temps, n'est-ce pas ?
17 R. C'est cela.
18 Q. Désolé. Je me suis trompé. Vous avez passé quelques années, jusqu'à
19 1985, dans le privé; c'est bien cela ?
20 R. Enfin non, pas privé. A l'époque, il n'y avait pas de propriété privée.
21 Ça appartenait à la société. C'était une entreprise de restauration qui
22 n'était ni en propriété de l'Etat ni en propriété privée. C'était en
23 propriété sociale, c'est ainsi que les choses étaient organisées en
24 Yougoslavie.
25 Q. Ensuite, à peu près en 1985, vous êtes revenu dans le service militaire
26 actif en tant que commandant de la Défense territoriale de Jablanica, et
27 ce, jusqu'à environ 1988 ?
28 R. Oui.
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1 Q. On peut dire que vous étiez capitaine de première classe à l'époque,
2 c'était votre grade ?
3 R. Oui.
4 Q. De 1988 jusqu'à maintenant, en fait, vous avez obtenu un poste en tant
5 que chef de la sécurité de l'une des centrales hydroélectriques de la zone
6 de Jablanica; c'est bien cela ?
7 R. Oui.
8 Q. Je me répète, vous occupez encore ce poste en ce moment-là; c'est cela
9 ?
10 R. Oui.
11 Q. Maintenant, j'attire votre attention sur l'année 1990. Pourriez-vous
12 nous dire, étant donné que vous avez résidé dans cet endroit pendant très
13 longtemps, pourriez-vous nous dire quelle est la composition démographique
14 de la municipalité de Jablanica en 1990, quelle était la composition
15 ethnique de cette municipalité.
16 R. Je pense que c'est donné dans les documents, les renseignements
17 statistiques tout à fait précis, mais à peu près, il devait y avoir 71 et
18 72 % de Musulmans; environ 17,8 %, si je ne m'abuse, étaient Croates; il y
19 avait à peu près 4 % de Serbes. Les autres, c'était ce qu'on appelait
20 autres de ceux qui s'étaient déclarés comme étant Yougoslaves ou autre
21 chose. Pour l'essentiel, c'est cela.
22 Q. Monsieur Idrizovic, l'huissier vient de vous présenter une liasse de
23 documents qui va être utilisée dans le cadre de votre interrogatoire
24 principal. Veuillez, s'il vous plaît, trouver le document portant la cote
25 8556, qui doit aussi être disponible pour affichage à l'écran.
26 Les intercalaires portent des numéros, normalement c'est en ordre
27 numérique, le 8556 devrait se trouver en bas du dossier.
28 M. SCOTT : [interprétation] Je demande l'aide de l'huissier. C'est peut-
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1 être dans la deuxième liasse.
2 Q. Monsieur Idrizovic, il s'agit d'un document qui vient du dossier sur
3 les résultats du recensement de 1991. Vous pouvez trouver les informations
4 à propos de la municipalité de Jablanica.
5 R. Oui, oui, j'ai trouvé.
6 Q. Cela ne donne pas de pourcentages, mais vous verrez que pour la
7 municipalité de Jablanica, il est indiqué qu'il y avait environ 7 806
8 Musulmans et environ 2 346 Croates. Le voyez-vous ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce à peu près cohérent avec ce que vous venez de nous dire en ce
11 qui concerne ce que vous avez observé lorsque vous habitiez dans votre
12 résidence à Jablanica ?
13 R. Je pense que ça coïncide, ce n'est pas difficile de faire le calcul.
14 C'est cela.
15 Q. Pour aider les Juges, je tiens à vous dire qu'il y a aussi des chiffres
16 pour la ville même de Jablanica, non pas pour la municipalité ou l'opstina,
17 mais pour la ville, et il est écrit que la ville comprend 1 839 Musulmans
18 et environ 617 Croates, entre autres.
19 R. Oui, oui.
20 M. SCOTT : [interprétation] Bien. Je ne vais pas passer en détail tout ce
21 qui est écrit sur ce document, mais vous verrez que cela donne aussi le
22 découpage en compositions ethniques pour les villages de Doljani et de
23 Sovici, exactement de la même façon que pour celui que nous avons vu.
24 Q. La Chambre de première instance a entendu un grand nombre d'éléments de
25 preuve à propos de la situation politique en 1990 et les élections qui se
26 sont tenues vers la fin de cette année, donc je ne vais pas vous poser
27 beaucoup de questions à ce propos. Mais j'aimerais que vous nous disiez si
28 en 1990 et au cours des années qui ont suivi, vous faisiez partie d'un
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1 parti politique.
2 R. Non.
3 Q. Au cours de cette période -- vous dites que vous n'étiez membre d'aucun
4 parti, mais est-ce que vous vous considériez comme actif politiquement ?
5 R. Non, ce n'est pas le cas. J'ai apporté mon soutien au SDP
6 parti multiethnique, mais sans avoir de participation vraiment active.
7 Q. Suite aux élections qui se sont tenues aux environs de novembre 1990,
8 pourriez-vous nous dire quels étaient les résultats des élections en ce qui
9 concerne les partis politiques ? Quel était le parti qui est arrivé en
10 majorité et quel est le parti qui est arrivé deuxième ?
11 R. Si on se penche sur la question de façon conforme au principe, on
12 peut les qualifier de démocratiques, ces élections ont révélé quelle était
13 la volonté de la population, mais c'était une catastrophe.
14 Q. Est-ce que le parti du SDA a obtenu la majorité, et est-ce que le parti
15 HDZ de Bosnie-Herzégovine est arrivé deuxième dans la municipalité de
16 Jablanica ?
17 R. Je dirais qu'en principe, à ces élections, les partis nationaux
18 ethniques l'ont emporté, le parti qui s'est présenté comme étant celui du
19 groupe ethnique a remporté le SDA, le parti du peuple musulman a obtenu le
20 plus de votes parce que - je vais répondre à votre question - parce qu'il y
21 avait une majorité de Musulmans. Après il y a le HDZ parce que les Croates,
22 de par leur nombre, étaient en deuxième position en tant que groupe
23 ethnique. Le SDS a eu moins de votes parce que les Serbes, eux, n'étaient
24 qu'à peu près
25 4 %. A l'époque, il y avait une sorte de bloc de partis pluriethniques tels
26 le SDP, puis il y avait les libéraux, et il y avait ce parti d'Ante
27 Markovic. Son nom véritable m'échappe à présent. Eux aussi ont obtenu un
28 peu de votes, mais en somme, c'est les partis nationaux qui l'ont emporté,
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1 et ils ont formé l'autorité au pouvoir, et ça va par la suite donner lieu à
2 une catastrophe pour la Bosnie-Herzégovine.
3 Q. Pourriez-vous nous dire, en vous basant sur des résultats d'élection,
4 qui est devenu président de la municipalité de Jablanica, à l'époque ?
5 R. C'était le candidat du SDA, Hamdo Sefer.
6 Q. Vous souvenez-vous de la personne qui a eu le poste de vice-président ?
7 R. Je ne m'en souviens pas, mais ça devait forcément être l'un des
8 représentants du parti croate. Je ne sais pas comment les choses s'étaient
9 organisées, mais c'était ce qu'on considérait comme étant normal.
10 Q. Très bien. Passons à autre chose. Vous souvenez-vous que les Juges ont
11 entendu un grand nombre de moyens de preuve à ce propos, mais pourriez-vous
12 nous dire si, à un moment ou à un autre, la JNA en 1991 a confisqué toutes
13 les armes et équipements qui, jusqu'à présent, avaient fait partie de la
14 Défense territoriale et avaient appartenu à la Défense territoriale ?
15 R. Oui, oui.
16 Q. Cela a-t-il eu une influence sur vous -- est-ce que cela a eu une
17 influence sur l'implication de la Défense territoriale ou des effectifs de
18 réserve en ce qui concerne le territoire de Jablanica ?
19 R. C'était déjà la période où l'ex-Yougoslavie était en train de se
20 dissoudre. La guerre a déjà commencé en Slovénie en 1991, c'était en
21 ébullition en Croatie, on a désarmé la Défense territoriale en Bosnie, et
22 tout laissait présager une guerre.
23 Q. En 1991, pourriez-vous nous dire si les groupes ethniques ou si les
24 partis politiques ont procédé au découpage d'usines ou d'entreprises dans
25 la municipalité de Jablanica, ou s'ils ont essayé de le faire, en tout cas
26 ?
27 R. Bien, oui. Ça a commencé dès 1990, dès qu'il y a eu mise en place d'une
28 autorité.
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1 Q. Que s'est-il passé ?
2 R. Les gens normaux ont du mal à comprendre, mais je dirais qu'ils avaient
3 convenu, parce que toutes les sociétés et les compagnies étaient en
4 propriété de la société à l'époque, en propriété autogérée. Là-bas il y
5 avait un directeur qui était musulman, donc on en ferait une usine
6 musulmane. Là où le directeur était Croate ou Serbe, ce serait croate ou
7 serbe, peu importe. On a eu un cas de figure que ni la pratique ni la
8 théorie politique ailleurs dans le monde n'a pu connaître. Bien entendu,
9 cela a généré des situations conflictuelles. Les gens savaient parfaitement
10 bien que ça ne donnerait rien de bien.
11 Q. [aucune interprétation]
12 R. Mais le pouvoir c'est le pouvoir, et c'est le pouvoir qui dicte toute
13 chose. Ce n'est pas seulement le cas de Jablanica. C'était la situation
14 telle qu'elle se présentait dans l'Etat entier.
15 Q. Pourriez-vous nous dire s'il s'est passé quelque chose, plus
16 particulièrement en ce qui concerne les entreprises forestières ou les
17 ressources sylvicoles de la région de cette municipalité de Jablanica ?
18 R. Oui. Ça a partagé le sort de tout le reste. Dans une région où il y
19 avait surtout des forêts, et c'est ce secteur de Sovici --
20 Q. Pourriez-vous nous dire quel était le groupe national ou le groupe
21 ethnique qui s'est chargé des ressources sylvicoles ?
22 R. Oui. J'allais le faire, j'ai patienté un peu pour laisser aux
23 interprètes le temps d'interpréter. Jusque-là, il y avait à la tête de
24 l'exploitation un Serbe, mais il a été démis de ses fonctions, et ils ont
25 mis un Croate à sa place.
26 Q. Aviez-vous des informations ou des connaissances à l'époque à propos de
27 la façon dont ces ressources sylvicoles ont été employées, lorsque
28 l'entreprise est devenue principalement croate ou, du moins, croate de
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1 Bosnie ?
2 R. Non, je n'ai pas d'information. Je ne pouvais pas en avoir. La forêt a
3 commencé à être exploitée selon des modalités différentes que celles de
4 jusque-là.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : -- à ce moment, parce qu'on parle de l'industrie
6 forestière, mais les Juges, qui sont des juristes, se posent la question de
7 savoir si cette industrie, c'était une industrie qui tombait dans la
8 propriété privée ou c'était une industrie étatique ou municipale ? De quel
9 type était cette
10 industrie ? Allez-y.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça appartenait à l'Etat. C'était une
12 entreprise de l'Etat. Parce que les forêts, même de nos jours, c'est ce qui
13 est inscrit dans la documentation, c'est en propriété de l'Etat.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Le remplacement du directeur serbe par un Croate,
15 qui a fait ce remplacement ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Les partis politiques qui décidaient de la
17 chose. Ce sont les partis politiques qui étaient venus au pouvoir.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Ça voulait dire que les Croates avaient la majorité
19 politique pour nommer qui ils voulaient ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils s'entendaient assez bien lorsqu'il
21 s'agissait des privilèges. Ils n'avaient aucun problème, par exemple, pour
22 se mettre d'accord avec le SDA. L'essentiel, c'était de s'emparer du plus
23 possible d'un maximum de propriétés appartenant à l'Etat ou à d'autres
24 groupes. Ils n'avaient aucun problème pour ce qui était de s'entendre entre
25 eux sur ce qu'il convenait de faire.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais quand on a nommé le directeur croate, le SDA
27 était d'accord ou pas ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez, Monsieur Scott.
2 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. Il y a un instant à la page 44, ligne 7, vous avez dit -- non, c'était
4 ligne 2, en fait -- vous avez dit, "cela dit, l'exploitation forestière a
5 commencé à se faire sur des modalités différentes, différentes de ce qui
6 avait été le cas jusqu'à présent." Pouvez-vous nous dire exactement ce que
7 vous vouliez dire ?
8 R. Il y a eu une coupe massive non contrôlée de la forêt.
9 Q. Monsieur Idrizovic, pourriez-vous vous tourner sur la pièce 9400.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : -- on a procédé à des coupes de bois de façon
11 incontrôlée et massive. "On", c'est qui le "on" ? Les dirigeants de
12 l'industrie forestière ? Ce sont les travailleurs de cette industrie ? Qui
13 a décidé du changement sur l'exploitation forestière ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est celui qui était directeur qui pouvait
15 faire ce que bon lui semblait. Hélas, c'est toujours la même situation de
16 nos jours en Bosnie. Rien n'a changé.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est le directeur croate qui a décidé de modifier
18 la façon d'exploiter le bois ?
19 R. Oui. Mais il en allait de même ailleurs. Ça n'a pas été une exception
20 à la règle. Je voulais dire par là que de toutes parts, on a massivement
21 saccagé les biens publics, et s'en sont servi ceux à qui on a confié la
22 gestion. Il n'y a pas que cela. Ç'a été partout pareil.
23 De nos jours encore en Bosnie c'est ce qui se fait, mais il y a une police
24 internationale, le ITPF, ou je ne sais trop comment ça s'appelle, bien
25 qu'ils exercent un contrôle, les autorités politiques, de nos jours, le
26 font encore.
27 M. SCOTT : [interprétation]
28 Q. Monsieur Idrizovic, passons à autre chose. Je vous ai demandé de vous
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1 pencher sur la pièce 9400, elle doit être devant vous, dans le deuxième
2 dossier.
3 R. J'y suis.
4 Q. Elle est aussi affichée à l'écran. Vous pouvez utiliser le moyen le
5 plus simple.
6 Depuis quelques années, Monsieur, avez-vous décidé de vous-même de préparer
7 la chronologie de différents événements qui ont eu lieu à Jablanica au
8 début des années 1990 jusqu'à 1995 à peu près ?
9 R. En réalité, je suis maintenant président de cette union des vétérans de
10 la municipalité de Jablanica. Je suis membre de la direction de ladite
11 organisation depuis sa création même.
12 Q. Pourriez-vous nous dire quelle est la teneur de la pièce 9400.
13 R. Peut-être trouvez-vous que je parle un peu trop lentement. Si vous
14 voulez que j'aille plus vite, il n'y a pas de difficulté, mais j'allais
15 continuer. Entre autres tâches que nous effectuions, nous avons décidé,
16 partant de la documentation datant de la guerre que nous possédions,
17 d'établir une chronologie des événements pour ce qui est de cette période
18 de temps entre 1992 et 1995. Pour ce qui est du partage des tâches, j'ai eu
19 pour mission de m'occuper de la période allant du 15 avril 1992 au 15 avril
20 1993, jusqu'au début des conflits avec le HVO. Ça a duré cinq ou six ans et
21 ça dure encore. Partant des documents qui ont été mis à ma disposition,
22 j'ai fait mon travail. Ensuite, une fois ce travail terminé et comme
23 j'étais déjà parti prenante à ce procès auquel nous assistons maintenant,
24 je me suis dit que s'agissant de cette chronologie il faudrait en extraire
25 ce qui se rapporte aux activités du HVO, jusqu'au début des conflits du
26 conflit du 15 avril 1993.
27 Cette chronologie-là, je l'ai à Jablanica dans mes locaux, dans son
28 ensemble. Ceci ne constitue qu'un extrait de ce qui se rapporte au HVO.
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1 Personne ne m'a demandé de le faire. J'ai estimé moi-même qu'il était plus
2 facile de comprendre lorsque l'on range le déroulement chronologique des
3 événements.
4 M. KARNAVAS : [interprétation] J'aimerais intervenir, s'il vous plaît. Nous
5 n'avons pas le déroulement chronologique original, uniquement un extrait,
6 et il est écrit d'ailleurs que c'est un addendum à la déclaration de ce
7 témoin. J'aimerais savoir s'il a le déroulement chronologique avec lui
8 parce que ce serait très important. On a juste un passage, et pour le
9 contre-interrogatoire ça serait bien avant la totalité.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le document B/C/S, je vois que ça était fait le
11 26 novembre 2004. Ce que nous avons, c'est un extrait d'un document plus
12 important, et à ce moment-là, est-ce qu'il y a des dates qui ne figurent
13 pas dans votre chronologie ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il existe une chronologie des événements dans
15 l'ensemble, mais ce que je veux dire, c'est que j'ai prélevé dans celle-ci
16 tout ce qui concerne les activités du HVO.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez mis dans ce document que tout ce qui
18 concerne le HVO. Par exemple, ça démarre le 28 novembre 1991 à Grude. La
19 communauté croate HZ HB est créée, et cetera, et cetera. Vous n'avez mis
20 uniquement que ce qui concerne le HVO.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, vous ne m'avez pas bien compris.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais c'est ce que j'essaie de comprendre. Alors
23 reprécisez-nous ce que vous avez mis dans cette chronologie.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans cette chronologie, nous avons inséré tout
25 ce qui s'est passé sur le territoire de la municipalité, y compris
26 l'exercice du pouvoir, en partie les activités des parties politiques, puis
27 les activités de l'armée, du ministère de l'Intérieur et du HVO. En somme,
28 nous nous sommes efforcés en réalité, partant des documents dont nous
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1 disposions, de mettre sur pied une chronologie à l'attention des
2 générations futures pour qu'ils aient une idée de la façon dont la vie
3 s'est déroulée. Il y avait là le fonctionnement de l'économie, la
4 production du temps de guerre, les hôpitaux de guerre, la scolarité, enfin,
5 toute la vie de Jablanica dans cette période-là. On a essayé de la
6 présenter. Mais rien qu'à partir des documents, pas à partir des souvenirs
7 des uns ou des autres, excusez-moi, je voudrais encore --
8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- "nous", je crois comprendre que c'est un travail
9 collectif des vétérans de la municipalité. Ce n'est pas votre travail seul.
10 C'est un travail collectif. Est-ce bien comme ça que je dois comprendre ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
12 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais
13 que l'on tire les choses au clair car il parle au pluriel. Je voudrais
14 savoir, quel est son travail et quel est celui des autres ? Je crois qu'il
15 ne s'est occupé que d'une période déterminée dans la chronologie en
16 question, si j'ai bien compris, avril 1992 à avril 1993.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Ces vétérans, vous étiez combien ? Vous étiez
18 combien dans ce groupe ? Comme le dit l'avocat, vous avez participé de A à
19 Z à tout ce travail, ou bien vous n'avez apporté qu'une contribution
20 parcellaire ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Les autres se sont occupés de ce qui est venu
22 après. Je me suis occupé de cette période. On a essayé de travailler par
23 groupe, par équipe, aux fins de partager le travail par année ou par type
24 d'activité, ainsi de suite. On a fonctionné de toutes sortes de façons, et
25 au final ça s'est réduit à quelques-uns d'entre nous qui sont restés actifs
26 en la matière jusqu'au bout. Nous n'avons malheureusement pas publié tout
27 cela, parce que personne ne veut nous apporter de soutien financier. Il
28 faut de l'argent pour qu'on puisse le publier. Je dirais que c'est à 90 %
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1 prêt pour être mis sous presse.
2 Pour ce qui est de la période courante jusqu'au conflit, et pour ce qui est
3 de la période après le 15 avril 1993, les autres s'en sont occupés encore
4 plus que moi. C'est pourquoi je n'ai pas voulu parler de cette période-là.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : On comprend que vous avez travaillé jusqu'au 15
6 avril 1993. Pour la période au 15, et vous avez commencé à quelle date au
7 juste ? Est-ce que vous avez commencé à partir du 28 novembre 1991 pour ce
8 qui vous concerne ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est là que tout commence. C'est en 1991
10 qu'il y a formation de la HZ HB à Grude. Puis le 20 ou le 21 janvier 1992,
11 lorsqu'il y a eu création de la Republika Srpska. Pour que vous compreniez
12 mieux, ce n'est pas tout. Ce n'est pas le dixième de ce qui y figure, ou
13 même pas le vingtième de ce qui figure dans le reste.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que ce
15 document précis ne soit pas versé au dossier pour plusieurs raisons, et que
16 nous n'employions pas ce document comme moyen de preuve pour les raisons
17 suivants : tout d'abord, nous n'avons pas les noms des autres membres, ce
18 qui serait quand même utile. Deuxièmement, nous n'avons pas les documents
19 qui ont été employés dans toutes ces occasions qui sont énumérées dans le
20 déroulement chronologique, qui nous permettrait éventuellement de vérifier
21 le type de documents qui ont été employés. Si les documents étaient
22 disponibles et n'ont pas été utilisés, ce sont des documents qui auraient
23 dû être utilisés et qui n'étaient pas disponibles. Troisièmement, nous ne
24 savons absolument pas si cette chronologie est fondée sur ce que cette
25 personne savait des événements ou s'il s'agit d'une compilation faite par
26 ses soins, mais suite à la lecture de documents et ensuite des conclusions
27 qu'il en aurait tirées. A mon avis, cette chronologie n'a aucune valeur
28 probante. Il serait bien plus utile que cette personne, puis qu'il soit
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1 tourné au mur, qu'il décrive ce dont il se souvient et qu'il ait assisté.
2 C'est bien plus valable que de nous présenter cette chronologie, parce que
3 cela a une influence quand même sur le droit au contre-interrogatoire. En
4 effet, par exemple, il ne peut citer absolument rien à propos de ces lignes
5 qui sont là. La façon dont la chronologie nous est présentée, c'est comme
6 c'était un rapport d'expert.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, les problèmes que posent la Défense,
8 mais que les Juges aussi peuvent avoir à l'esprit, c'est la méthodologie
9 suivie pour établir ce document. Est-ce que peut-être par un jeu de
10 questions pertinentes vous pouvez répondre aux objections de la Défense, si
11 vous estimez que ce document est d'une importance telle qu'il faut
12 l'aborder, parce que c'est encore un autre problème.
13 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie. En fait -- je vois le conseil
14 qui est debout --
15 M. KOVACIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Je
16 n'avais pas l'intention d'interrompre qui que ce soit, mais le témoin n'a
17 pas répondu à votre question pour ce qui est de ce dernier segment. Il a
18 commencé à parler du premier événement de la chronologie, mais il n'a rien
19 dit des dates. Il est évident qu'il y a pas mal de données.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Répondez à cela. A quel moment le document a
21 été préparé ? Puis M. Scott interviendra. Allez-y.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Les gens ne veulent pas comprendre. J'ai été
23 clair pour chaque constatation dans cette chronologie. Il y a un document
24 et une documentation. Derrière tout ceci, ce que vous avez entre les mains,
25 et pour ce qui est de l'ensemble du jeu complet qui est en ma possession,
26 il y a des bases documentaires. S'ils se sont bien préparés, pour tout ce
27 qui est rédigé ici, je dirais qu'il y a quelque chose pour le sous-tendre.
28 Je les ai communiqués, ces documents. S'ils ne les ont pas lus, c'est leur
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1 problème. S'ils ne veulent pas les lire, une fois de plus c'est leur
2 problème à eux.
3 M. SCOTT : [interprétation] Mais --
4 M. LE JUGE ANTONETTI : -- décision sur le temps des objections n'aient pas
5 encore été prise, ce qui aurait eu l'avantage de limiter.
6 Maître Nozica, vous voulez intervenir sur quoi ?
7 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voulais pas
8 élever une objection, mais juste aider les Juges et le Procureur. Au côté
9 de la déclaration de ce témoin, nous voyons qu'il a confié 65 documents au
10 bureau du Procureur, et on voit à compter les événements de la chronologie
11 qu'il y a au moins deux fois plus d'événements que de documents. Ce qui
12 fait que l'argument avancé par le témoin tout à l'heure ne tient pas
13 debout, s'il est exact qu'il a confié autant de documents figurant à la
14 déclaration.
15 M. KOVACIC : [interprétation] Je m'excuse vraiment, Monsieur le Président.
16 Je dois vous ennuyer et vous importuner, mais le témoin a évité de répondre
17 à la question. La question a été tout à fait claire. J'avais demandé à M.
18 le Procureur de lui poser la question ou de me laisser poser la question.
19 Vous avez été tout à fait clair, j'ai paraphrasé ce que vous avez dit, et
20 une fois de plus le témoin donne des leçons à la Défense pour ce qui est de
21 ce qu'elle devrait savoir ou ne pas savoir, au lieu de répondre à la
22 question simple à savoir quand ce document a-t-il été élaboré.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense avoir répondu, mais il est évident
24 que vous ne voulez pas entendre. Ce document a été élaboré pendant des
25 années. Je l'ai déjà dit, pendant des années. Tout de suite après la
26 guerre, à partir de 1995, nous avons élaboré une documentation. J'ai
27 également indiqué, et ça doit être au PV --
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que nous voulons savoir --
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux répondre.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : -- à partir de quelle date vous avez décidé de
3 concentrer vos travaux. Dans le document, on voit c'est Grude, novembre
4 1991. Nous voulons savoir, est-ce que c'est la date du commencement où vous
5 vous êtes concentré sur la chronologie ou il y a une date antérieure. C'est
6 ça que nous voulons savoir, et non pas de savoir que c'est en 1995 que vous
7 avez tous commencé à travailler. Est-ce que vous avez compris la différence
8 ? Quelle est la date où vous êtes dit, "on va commencer à travailler sur ce
9 sujet" ? Est-ce que c'est en novembre 1991 ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois être tout à fait sincère et dire que
11 je ne sais pas. Il y a une décision de la présidence de notre organisation
12 portant sur ce sujet. Je ne veux pas émettre des hypothèses. Je ne saurais
13 pas vous donner l'année. Parce que ça s'est passé il y a longtemps.
14 M. SCOTT : [interprétation]
15 Q. S'il vous plaît, avec la permission des Juges, j'aimerais poser
16 quelques questions, si vous m'y autorisez.
17 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Oui, je pense qu'il faut mettre un
18 terme à cette discussion. La Chambre de première instance décidera à propos
19 de la recevabilité de ce document. Nous avons entendu des arguments de la
20 Défense. Nous avons entendu le témoin. Nous avons entendu l'Accusation
21 aussi. Je considère que nous devrions poursuivre. Je vous remercie.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur Scott, vous avez la parole.
23 Essayez par vos questions de répondre aux préoccupations qui ont été
24 soulevées, si c'est possible.
25 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
26 Q. Monsieur Idrizovic, j'ai cru comprendre qu'un moment après la fin de la
27 guerre, vous nous avez dit d'ailleurs il y a peu de temps que c'était en
28 1995, cette organisation d'anciens combattants a décidé de rédiger un
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1 document reprenant le déroulement chronologique des événements qui ont eu
2 lieu dans la municipalité de Jablanica pendant le conflit; c'est bien cela
3 ?
4 R. Oui.
5 Q. Et votre mission dans le cadre de cette tâche était de vous occuper de
6 ce qui s'était passé d'environ avril 1992 jusqu'à la mi-avril 1993; c'est
7 cela ?
8 R. Oui.
9 Q. Si vous pouviez maintenant jeter un œil sur la pièce et la deuxième
10 page de ce document --
11 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Tant qu'il n'y a pas de décision rendue,
12 je voudrais dire quelques mots, Monsieur le Président. M. Scott a posé une
13 question pour savoir si c'est une chronologie de la municipalité de
14 Jablanica. Le témoin lui a dit qu'il a pris les événements pour ce qui est
15 des activités du HVO. Je devrais aussi prendre en considération ce qu'a
16 fait M. Karnavas et ce que j'ai fait. Il faudrait qu'on prenne ce qu'a fait
17 l'ABiH et ce qu'a fait le HVO. Il ne s'agit pas seulement de la
18 municipalité de Jablanica.
19 M. SCOTT : [interprétation] Ecoutez, là les choses ne sont plus contrôlées.
20 Je ne vois pas pourquoi on fait une objection, on ne peut pas dire qu'un
21 livre ou qu'un document soit exhaustif. Il n'a pas l'intention d'être autre
22 chose d'ailleurs. C'est comme faire une objection en disant que quelqu'un a
23 écrit un livre et n'a pas ajouté, présenté toutes ces sources qui étaient
24 servies dans le livre. C'est comme dire que dans un livre, on ne parle pas
25 de tous les événements historiques.
26 Il s'agit d'un livre, et le témoin a répondu aux questions de façon
27 très franche. Il a été commencé par une organisation de vétérans après la
28 guerre à peu près en 1995. Lui était chargé de s'occuper d'une période
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1 allant du 15 avril 1992 environ jusqu'à la mi-avril 1993.
2 Tout ce que je voulais faire, c'était lui demander de regarder la
3 deuxième page, en fait, la traduction en anglais de ce document, et vous
4 verrez que mis à part ce qui est écrit pour le 28 novembre 1991, vous
5 verrez qu'en effet, la première ligne renseignée porte sur avril 1992.
6 Ensuite, si on passe à la dernière page de ce document - et le témoin peut,
7 bien sûr, le confirmer, parce que je pense que le document est extrêmement
8 clair - ce document se termine au 15 avril 1993. C'est exactement ce que le
9 témoin nous a dit depuis 20 minutes.
10 Si je peux revenir en arrière, c'est pour le compte rendu pour qu'il soit
11 clair, ensuite nous passerons à autre chose. Peut-être que ce document
12 pourrait aider le témoin ou utiliser la Chambre de première instance. Ce
13 n'est pas, bien sûr, la Bible reprenant tout ce qui s'est passé dans le
14 conflit, c'est juste une tentative faite par une organisation de rédiger le
15 déroulement de ce qui s'est passé. C'est ce que le témoin nous a dit
16 d'ailleurs, mais il faudrait que le compte rendu soit clair.
17 Q. J'aimerais vous poser la question suivante : au bureau du Procureur,
18 personne ne vous a demandé de préparer ce document ni ne vous a indiqué
19 quoi mettre dans ce document, n'est-ce pas ?
20 R. Non, non.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Les vétérans, les anciens combattants, c'étaient des
22 anciens combattants tous confondus, Croates, HVO et ABiH, ou bien les
23 anciens combattants uniquement de l'ABiH ou de la Défense territoriale de
24 Jablanica ? Pouvez-vous nous préciser qui sont ces anciens combattants.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux le faire. Il s'agit des
26 combattants de l'"armija". Les combattants du HVO ont leur propre
27 organisation qui s'appelle Hvidra. Malheureusement, les deux organisations
28 ne se sont pas encore unifiées et ça devrait être le cas parce que
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1 désunies, elles ne font pas le poids.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que les anciens membres du HVO ont
3 aussi, comme vous, leur propre organisation qui s'appelle Hvidra, mais ils
4 n'ont pas encore fait ce document, et vous semblez dire, si je comprends
5 bien vos propos, qu'il faudra un jour où vos deux organisations n'en
6 fassent plus qu'une. C'est bien comme ça qu'on comprend ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Au moins, ça a le mérite d'être précis.
9 Monsieur Scott, continuez.
10 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.
11 Q. Passons à autre chose. Pourriez-vous nous dire la chose suivante : si
12 après les élections de 1990 et l'élection des représentants municipaux dont
13 vous avez parlé il y a un petit moment, est-ce que les autorités
14 municipales, pendant l'essentiel de l'année 1992, ont continué à
15 fonctionner comme étant une autorité multiethnique ou multipartite, c'est-
16 à-dire est-ce qu'il y avait des membres du SDA, des membres du HDZ, des
17 membres du SDS, et cetera, au sein de ces autorités municipales ?
18 R. Ils coopéraient dans les apparences. C'était le cas dans le pays
19 entier, mais leurs objectifs étaient tout à fait différents.
20 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Je m'excuse, mais nous n'avons pas
21 d'interprétation vers l'anglais.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, il semblerait qu'il n'y ait
23 pas d'interprétation en B/C/S.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je reçois l'interprétation.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vérifie si la traduction fonctionne. Voilà, ça
26 marche. Vous entendez dans votre langue mes propos, Monsieur ? Bien, ça
27 marche.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends, je vous entends.
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1 M. SCOTT : [interprétation]
2 Q. Il y a un petit moment, vous avez dit : Oui, c'était le cas, en tout
3 cas, ostensiblement. Pourriez-vous maintenant regarder la pièce 624 qui se
4 trouve dans le premier dossier où il se trouve aussi affiché à l'écran.
5 S'agit-il du PV de la réunion de l'assemblée municipale de Jablanica
6 s'étant tenue le 22 octobre 1992 ?
7 R. Oui.
8 Q. Lorsqu'on regarde ce document et que l'on voit les personnes qui y ont
9 participé, on voit qu'il y avait des participants venant d'un grand nombre
10 de partis politiques, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Bien. Un exemple -, je ne suis pas sûr que la pagination soit identique
13 dans la version en bosniaque - mais à la deuxième page, on voit que le
14 premier point de l'ordre du jour est un camp qui a été établi pour les
15 personnes déplacées. Ça semble être le point numéro 1 de l'ordre du jour,
16 n'est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Ensuite, si on compile sur plusieurs pages, pourriez-vous arriver
19 maintenant au point numéro 2 à l'ordre du jour. Veuillez me faire savoir
20 quand vous aurez trouvé le passage.
21 R. Je suis en train de chercher sur le moniteur. Je n'ai pas ça sur le
22 moniteur.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : -- que vous regardez les documents parce que
24 l'écran, c'est très compliqué à manier. Personnellement, je ne travaille
25 uniquement que sur les pièces que j'ai dans les mains. Allez, regardez le
26 document.
27 M. SCOTT : [interprétation]
28 Q. Si vous avez trouvé le point de l'ordre du jour numéro 2, point numéro 2
Page 9582
1 de l'ordre du jour, il s'agit en fait de la situation en termes de sécurité
2 concernant la municipalité de Jablanica, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Au titre des postes qui vous ont employés, avez-vous à un moment ou à
5 un autre participé à une réunion de ce type ou vu au moins le PV de ces
6 réunions ?
7 R. Oui.
8 Q. Si nous regardions une série des PV concernant l'année 1992, ils
9 seraient tous à peu près identiques, enfin, en ce qui concerne la liste des
10 participants et leurs partis politiques; c'est cela ?
11 R. Oui.
12 Q. Maintenant, j'aimerais attirer votre attention sur le mois de février
13 1992. Les Juges de cette Chambre ont entendu un grand nombre d'éléments de
14 preuve à ce propos, mais j'aimerais que vous nous disiez ce qui s'est passé
15 par rapport au référendum sur l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, en
16 vous concentrant plus précisément sur la municipalité de Jablanica.
17 Qu'avez-vous vu et de quoi vous souvenez-vous ?
18 R. Alors, avant cet événement, il y a eu d'abord le prononcé des
19 représentants du peuple serbe au Parlement de la République de Bosnie-
20 Herzégovine. Et ils ont voulu se dissocier, ne plus participer aux
21 activités du Parlement. Ils ont décidé de créer cette République serbe en
22 Bosnie-Herzégovine. En réponse à cela, probablement, il y a eu décision de
23 procéder à un référendum auprès des citoyens de la Bosnie-Herzégovine pour
24 dire s'ils sont pour le fait de faire rester la République de Bosnie-
25 Herzégovine au sein de la Yougoslavie ou devenir un Etat indépendant.
26 Et si mes souvenirs sont bons, le référendum a été prévu pour le 28 févier
27 et pour le 1er mars 1992. Les médias ont fait savoir, le 28 au soir, que
28 dans les municipalités à majorité croate, il y avait eu un minimum ou
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1 presque pas de gens à être sortis voter. Au lendemain, la volonté du peuple
2 croate, ceux qui sont allés voter au référendum, il y a eu vote en faveur
3 de l'indépendance, donc sécession vis-à-vis de la Yougoslavie. Et le jour
4 d'après, ça a donné lieu à la guerre. Il y a eu blocus de Sarajevo, ensuite
5 les événements se sont déroulés comme ils se sont déroulés. Et au final, le
6 15 avril, il y a eu une guerre totale.
7 Q. Il y a quelques choses. Vous nous dites qu'il s'agit du 15 avril. C'est
8 le 15 avril 1992, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, 1992.
10 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Scott, je suis désolé.
11 M. SCOTT : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je pense qu'il y a peut-être une
13 erreur dans le compte rendu en ce qui concerne la réponse du témoin. Avez-
14 vous parlé des municipalités où c'étaient les Croates qui étaient en
15 majorité ou s'agissait-il de municipalités où il y avait une majorité de
16 Serbes ? Parce qu'il est dit à la fin de votre dernière réponse que le
17 lendemain, les Croates qui avaient pris part au référendum ont proclamé
18 l'indépendance, ont fait sécession d'avec la Yougoslavie et le lendemain,
19 ont immédiatement commencé le blocus de Sarajevo.
20 Il me semble que vous parliez des Serbes et non pas des Croates. Cela dit,
21 dans le compte rendu, il est écrit Croates. Merci.
22 M. SCOTT : [interprétation]
23 Q. Monsieur le Témoin, vous venez de hocher la tête de façon affirmative.
24 Donc j'imagine que la réponse, du [comme interprété] Juge Prandler avait
25 raison, n'est-ce pas ?
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Répondez.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas comment il y a eu confusion.
28 J'ai dit que la volonté du peuple croate de Bosnie-Herzégovine a fait que
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1 la Bosnie-Herzégovine a acquis son indépendance. Et le lendemain, les
2 Serbes ont bloqué Sarajevo et il s'est produit ce qui s'est produit. C'est
3 ce que j'ai voulu dire. Je ne sais pas si j'ai été suffisamment clair.
4 M. MURPHY : [interprétation] On a demandé au témoin ce qui se passait à
5 Jablanica. On pourrait peut-être gagner du temps si le témoin ne nous
6 donnait pas sa version des événements en ce qui concerne toute la
7 Yougoslavie, mais s'il se concentrait sur la question qui lui est posée.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. C'est une réflexion que je me pose. Je vois que
9 vous avez fait des études de sciences politiques. Alors, vous venez, non
10 pas comme expert en sciences politiques, mais vous venez comme témoin de la
11 municipalité de Jablanica. Alors, essayez uniquement de ne parler que de
12 Jablanica. Parce que si vous intégrez dans vos réponses des considérations
13 géopolitiques, géostratégiques, que sais-je, à ce moment-là, on va perdre
14 du temps, et nous, ce qui nous intéresse, c'est votre vécu à Jablanica.
15 Alors, essayez de bien vous concentrer uniquement sur ce qui s'est passé
16 dans cette municipalité.
17 Monsieur Scott, essayez bien de le cadrer uniquement dans la
18 municipalité de Jablanica.
19 M. SCOTT : [interprétation] Tout à fait. Je pense que je l'ai fait, comme
20 l'a dit M. Murphy. Je vais essayez, cela dit, de faire encore mieux.
21 Q. Maintenant, j'attire votre attention bien précisément, parce que les
22 Juges ont déjà entendu parler du référendum, mais j'ai quelques questions à
23 vous poser à propos de ce qui s'est passé là où vous résidiez, c'est-à-dire
24 à Jablanica, à cette époque-là. Il y a un moment, vous avez dit que,
25 d'après ce que vous saviez, le premier jour -- le projet de référendum, en
26 fait, les Croates ne sont pas allés voter. En revanche, le deuxième jour,
27 ils y sont allés. Voilà où nous en sommes.
28 Donc avez-vous appris quoi que ce soit à Jablanica, à l'époque, à propos de
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1 ce qui s'était passé entre le premier jour du vote et le deuxième jour, qui
2 aurait fait que les Croates, tout d'une coup, se rendent au bureau de vote
3 le deuxième jour, si vous le savez, bien sûr ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'ai dit tout à l'heure ne se rapporte
5 pas à eux. A Jablanica, le premier jour, il y a eu un nombre suffisant de
6 gens à voter. Il n'y a pas eu de problème. Alors, quand on compte les
7 votes, on ne compte pas les groupes ethniques, et on le sait. Les médias
8 ont fait savoir que dans les municipalités à majorité croate, il n'y a pas
9 eu suffisamment de gens à être venus voter. C'est ce que j'ai dit. Je n'ai
10 rien dit d'autre.
11 M. SCOTT : [interprétation]
12 Q. Je répète ma question. Savez-vous s'il s'est passé quelque chose entre
13 le premier jour et le deuxième jour du scrutin qui aurait fait que les
14 Croates, tout d'un coup, se seraient rendus aux bureaux de vote ?
15 R. Non, je ne le sais pas.
16 Q. Bien. Passons à ce qui s'est passé après le référendum, passons à avril
17 1992. Y a-t-il eu une entité appelée présidence de Guerre ou cellule de
18 Crise qui aurait été créée dans la municipalité de Jablanica à ce moment-là
19 ?
20 R. Oui.
21 Q. Pourriez-vous nous en parler brièvement. Comment cette entité a-t-elle
22 été créée, et cette cellule de Crise ou cette présidence de Guerre, pouvez-
23 vous nous dire en quoi elle différait du gouvernement municipal qui
24 existait jusqu'alors ?
25 R. D'après les statuts ou la constitution, comme vous voulez l'entendre, à
26 l'époque, en cas de guerre, les décisions étaient prises par des corps ou
27 des instances plus restreintes, pas par les parlements, mais qui sont crées
28 par les partis politiques au pouvoir pour être plus rapides. Donc il y a
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1 eu, conformément à cette pratique, création d'une cellule de Crise et d'une
2 présidence de Guerre qui a fonctionné pendant toute la durée de la guerre.
3 Q. A l'époque, donc à partir d'avril 1992, cette cellule de Crise qui a
4 été formée, était-elle établie sur la base du multiethnisme ou du
5 multipartisme ?
6 R. Oui, cela traduisait, oui.
7 Q. Donc il y avait des Croates, des Musulmans et aussi des Serbes au sein
8 de cette cellule de Crise ?
9 R. Oui.
10 Q. Et --
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Là aussi, je suis un peu perdu. Vous dites, en
12 période de guerre. Qui était l'ennemi ? Parce que s'il y a des Croates, des
13 Musulmans et des Serbes, alors qui est l'ennemi désigné ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait encore un ennemi. Les Serbes
15 étaient, à l'époque, l'ennemi.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, l'ennemi c'est les Serbes et dans la cellule
17 de Crise il y a aussi des Serbes ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, parce que ce sont des gens qui sont là,
19 qui vivent là, et ils n'interviennent en rien contre l'Etat. Tous les
20 Serbes n'ont pas été partis de suite. On avait 4 % de Serbes chez nous. Ils
21 ne représentaient aucune espèce de puissance. C'étaient des gens qui
22 étaient là, tout simplement, qui résidaient là et qui ont fait partie des
23 instances de pouvoir au prorata de leur nombre.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Les 4 % de Serbes dans la municipalité de Jablanica
25 étaient représentés dans la cellule de Crise; c'est ce qu'on comprend de
26 vos propos ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le SDS avait un délégué à l'assemblée
28 municipale et il a fait partie de cette présidence.
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1 M. SCOTT : [interprétation]
2 Q. Monsieur Idrizovic, peut-être pourrions-nous éclaircir un peu les
3 choses si je vous pose la question suivante : c'était ce qui se passait au
4 début, donc en avril 1992, mais pourriez-vous nous dire si cela s'est
5 poursuivi pendant tout le conflit ?
6 R. Non. Enfin, rien n'est resté pareil. La situation s'est détériorée.
7 Enfin, je ne peux pas dire du jour au lendemain, mais ça s'est détérioré
8 constamment.
9 Q. Bien. J'aimerais juste poursuivre un petit peu la question posée par le
10 Président. Est-ce qu'à un moment ou un autre les membres serbes de
11 l'assemblée municipale et/ou de la cellule de Crise ont été retirés de
12 cette cellule, de cette entité ? Est-ce qu'ils ont été chassés de l'entité
13 ? Est-ce qu'ils ont cessé d'en faire partie à un moment où à un autre ?
14 R. A l'époque dont nous sommes en train de parler, non. J'ai parlé de
15 façon générale à l'instant même.
16 Q. Quand est-ce que cela est arrivé ?
17 R. Je n'ai pas compris votre question.
18 Q. Vous avez dit que c'était pas arrivé à ce moment-là, en avril 1992,
19 mais j'imagine, d'après votre question, que c'est arrivé à un autre moment.
20 Pouvez-vous dire quand ?
21 R. Les Serbes ou la majorité des Serbes qui avaient un député au niveau
22 municipal ont quitté Jablanica en automne 1993. Et si vous le permettez, je
23 dirais aussi, qu'avant cela, le Parlement de la République de Bosnie-
24 Herzégovine avait proclamé que le SDS était une organisation terroriste, et
25 il y a eu cessation du mandat de ces gens-là, si mes souvenirs sont bons.
26 Parce qu'ils étaient en train de représenter une organisation terroriste,
27 si je m'en souviens bien. Et ça s'est passé à un moment donné de l'année
28 1992. Je ne sais pas vous donner la date exacte.
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1 Q. Vous avez dit qu'ils sont partis à l'automne 1993 et maintenant, vous
2 venez de nous parler de l'année 1992. Pourriez-vous éclaircir ce point ?
3 Peut-être qu'il y a une erreur de traduction ou peut-être la sténotypiste
4 s'est-elle trompée.
5 R. Non. J'ai dit que le Parlement de la République de Bosnie-Herzégovine a
6 proclamé le Parti démocratique serbe d'organisation terroriste. Cela a fait
7 cesser le mandat à tous les députés à tous les niveaux du pouvoir. Je parle
8 ici maintenant des députés du SDS.
9 Q. Très bien. Maintenant, par rapport à la cellule de Crise et l'assemblée
10 municipale, nous aimerions savoir si la cellule de Crise avait remplacé
11 l'assemblée municipale, a-t-elle délogé, ou est-ce que cette assemblée
12 municipale a continué à fonctionner pendant toute cette période ?
13 R. La cellule de Crise prend ses décisions au nom du parlement, de
14 l'assemblée, lorsque cette assemblée n'est pas en mesure de siéger. Et une
15 fois que les conditions sont réunies, on réunit l'assemblée et c'est cette
16 assemblée qui entérine ou n'entérine pas les décisions prises par la
17 cellule de Crise, voire cette présidence.
18 Q. Très bien. En avril 1992, pouvez-vous nous dire si une nouvelle
19 organisation appelée la Défense territoriale a été créée ?
20 R. Oui.
21 Q. Pourriez-vous nous dire en quoi cette Défense territoriale différait,
22 le cas échéant, de la Défense territoriale qui avait existé au sein de la
23 structure de la JNA ?
24 R. Ça s'est passé en même temps. Je pense qu'il y a eu suppression du QG
25 existant jusque-là, parce que celui-ci était une espèce d'appendice de la
26 JNA, et on a créé un QG de la Défense territoriale de la République de
27 Bosnie-Herzégovine.
28 Q. Pouvez-vous nous dire à peu près quand ça s'est passé, si vous vous
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1 rappelez de la date ?
2 R. Début avril 1992.
3 Q. Et s'agit-il de l'organisation qui, quelques mois après, c'est-à-dire
4 en juin 1992, est devenue l'ABiH ?
5 R. Oui.
6 Q. Pourriez-vous nous dire aussi - et nous parlons toujours, bien sûr, de
7 la municipalité de Jablanica, pourriez-vous nous dire si une organisation
8 armée du HVO, une organisation militaire du HVO aurait été créée à peu près
9 au même moment, en avril 1992 ?
10 R. Ça doit exister dans les documents. C'est inscrit quelque part. Il y a
11 là-bas une décision portant création du HVO dans les municipalités qui
12 étaient censées constituer la communauté croate de la Herceg-Bosna. En ce
13 moment, je ne sais pas vous dire, mais c'est dans les documents que nous
14 avons tous en main. C'est à peu près vers cette date-là que ça s'est passé,
15 peut-être même avant.
16 Q. Entre la Défense territoriale et le HVO, comme ils existaient alors ou
17 comme ils étaient en formation en avril 1992, parmi ces deux organisations,
18 pourriez-vous nous dire laquelle des deux était mieux organisée et surtout
19 mieux équipée à ce moment-là ?
20 R. Je pense que c'était le cas du HVO. Je n'ai pas d'élément de preuve à
21 l'appui, mais je suppose que ça allait mieux chez eux, parce que d'un point
22 de vue logistique ils étaient mieux couverts que l'"armija". Ils avaient
23 sur qui prendre appui.
24 Q. Vous dites qu'ils avaient sur qui prendre appui. Que voulez-vous dire ?
25 R. Bien, ils pouvaient prendre appui sur la République de Croatie qui,
26 probablement, les a aidés à s'équiper et à former les membres du HVO. Parce
27 que même avant cela, ils avaient participé à la guerre patriotique de
28 Croatie. Donc probablement la Croatie les a-t-elle aidés.
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1 Q. A cette époque, au sein de la municipalité de Jablanica, pourriez-vous
2 nous dire si un grand nombre de Musulmans ont rejoint les rangs du HVO.
3 Parce qu'à l'époque, le HVO était perçu comme étant une organisation qui
4 était la mieux équipée et la mieux organisée ?
5 R. Pour autant que je sache, il n'y avait que trois soldats à faire partie
6 du HVO à Jablanica. Jablanica n'est pas très caractéristique pour ce cas de
7 figure. Dans d'autres municipalités, oui, Capljina, Stolac, Mostar, oui.
8 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre de première instance si à un
9 moment ou un autre d'avril 1992, un pont dont la région de Jablanica appelé
10 le pont Aleksin Han a été détruit, ou au moins détruit en partie ?
11 R. Oui. Le 10 avril 1992. Il y a eu une tentative de destruction de ce
12 pont à Aleksin Han, pont par lequel passait la seule voie de communication
13 en Bosnie-Herzégovine.
14 Q. Où se trouvait ce pont par rapport à la ville de
15 Jablanica; c'était au nord, à l'est, à l'ouest, au sud ?
16 R. Ça se trouve à 10 kilomètres au sud de Jablanica.
17 Q. Donc vers Mostar ?
18 R. Oui, oui. Vers le sud.
19 Q. Et à l'époque, est-ce que vous ou d'autres personnes avez su qui avait
20 été à l'origine de cette destruction du pont ?
21 R. L'enquête, s'agissant de cet incident, a été diligentée par le
22 ministère de l'Intérieur. On a vu dans un camion, et on a même appréhendé
23 pour interviewer un dénommé Rogic. Cette enquête, hélas, n'a pas été
24 conduite à son terme, n'a jamais abouti, car le susnommé, à ce moment-là et
25 pendant la guerre et de nos jours encore, c'est un membre très proéminent
26 du HDZ.
27 Q. Quel était le poste de M. Rogic dans la région de Jablanica en avril
28 1992 ?
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1 R. Oui, bien, il a eu beaucoup de fonctions. Et je parle là de la période
2 partant des élections. Il a fait partie du parti, c'était l'homme numéro un
3 du HDZ à Jablanica, c'était la personnalité ou l'individu en position
4 numéro un du HVO.
5 Q. A peu près à la même époque où le pont Aleksin Han a été détruit en
6 partie, est-ce qu'un tunnel appelé le tunnel Bradina aurait lui aussi été
7 soit détruit, soit partiellement détruit ?
8 R. Oui.
9 Q. Où se trouve ce tunnel par rapport au pont ?
10 R. Le tunnel se trouve sur la route entre Konjic et Sarajevo, à une
11 dizaine de kilomètres au nord-est de Konjic.
12 Q. Quelle a été les conséquences de la destruction du pont, destruction
13 partielle en tout cas, du pont et du tunnel sur le transport et la
14 circulation en ce qui concerne Jablanica, pour sortir de Jablanica et pour
15 y entrer ?
16 R. On a complètement endommagé une voie du pont. Et la FORPRONU, à
17 l'époque, avait acheminé une construction métallique pour remédier aux
18 dégâts, et le pont a pu être partiellement utilisé. On ne pouvait pas faire
19 passer des camions lourds, des poids lourds par ce pont.
20 S'agissant maintenant du tunnel, je dirais qu'on a fait tomber le plafond,
21 les murs, et en partie il y a eu la voie qui a été endommagée. Mais une
22 fois nettoyé, on a quand même pu l'utiliser.
23 Q. Pouvez-vous nous dire combien de temps après la destruction partielle
24 du pont la FORPRONU a réussi à faire ces réparations de fortune ?
25 R. Il ne s'est pas passé beaucoup de temps. Il s'agissait d'une
26 construction métallique qui a été placée au-dessus des tours portant le
27 pont, les pylônes ou les piliers, et ça a permis aux véhicules de passer.
28 Mais les travaux en tant que tels ont duré cinq à six jours.
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1 Q. C'est peut-être le moment de faire la pause. Mais j'ai une question à
2 vous poser avant. Vous avez dit à un moment, si je vous ai bien compris,
3 que ce pont de fortune a été construit mais il n'était pas suffisamment
4 solide pour supporter la circulation de poids lourds; c'est cela ?
5 R. C'est cela, oui.
6 Q. Donc y avait-il une autre option, un autre itinéraire pour faire passer
7 les camions à l'époque; et si oui, pouvez-vous nous dire quel était cet
8 itinéraire de contournement ?
9 R. Bien, de l'avis général, ces deux explosions étaient censées rendre
10 impossible la communication entre Sarajevo et le littoral adriatique. Et
11 comme cela s'est passé à Konjic et Jablanica, c'étaient les frontières de
12 la Bosnie orientale, ces régions-là n'avaient pas besoin de voies de
13 communication pour aller à Sarajevo et le littoral. Et à la place, on a
14 joué sur toute une série de routes, la route principale étant celle allant
15 de Jablanica en passant par Posusje et Grude pour aller à Imotski et au-
16 delà, en direction de Split. On a fait des travaux sur d'autres routes,
17 parce qu'il fallait rattacher la totalité des territoires de l'Herceg-
18 Bosna, donc entre Kiseljak et Split. Et ces projets ont presque été
19 conduits à bon terme. Il y a eu deux oasis sans route de construites. L'une
20 de ces oasis était à Fojnica et l'autre se situait au niveau de Prozor. En
21 passant par Prozor, on passait par le mont Vran pour aller à Proxor et au-
22 delà, une fois de plus, vers Split.
23 M. SCOTT : [interprétation] Nous allons peut-être y revenir après la pause,
24 Monsieur le Président. Je vous remercie.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est et 25. Nous allons faire donc une pause
26 de 20 minutes. On reprendra aux environs de six moins quart.
27 --- L'audience est suspendue à 17 heures 24.
28 --- L'audience est reprise à 17 heures 44.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Scott. Pouvez-vous apporter une
2 précision à la Chambre, parce qu'au moment où -- comme vous le savez, le
3 temps de l'Accusation est important et nécessaire pour vous. L'acte
4 d'accusation concerne les localités de Sovici et Doljani pour des faits qui
5 se sont déroulés en avril 1993. On a passé quasiment une heure pour parler
6 de ce qui est passé dans la municipalité de Jablanica en 1992. Alors
7 qu'est-ce que vous voulez établir ? Vous visez quel but ? C'est ce que j'ai
8 du mal à comprendre. C'est toute la Chambre qui a du mal à comprendre.
9 M. SCOTT : [interprétation] Oui, tout à fait. Je vous remercie. En effet,
10 ce qui est allégué dans l'acte d'accusation, en termes de crimes qui ont
11 été commis à Sovici et Doljani, ne porte que sur une période bien précise
12 en avril 1993. Mais comme disait le Juge Liu, Rome n'a pas été construite
13 en un jour, n'est-ce pas, donc il y a un grand nombre d'événements qui ont
14 débouché sur ces événements bien particuliers. Première partie de ma
15 réponse.
16 Deuxième partie maintenant. Malgré tout ce que je viens de dire, la thèse
17 de l'Accusation est la suivante : il y avait un schéma parfaitement
18 identique en ce qui concerne les captures de municipalités par le HVO, que
19 ce soit Mostar, Jablanica, Vares, Stolac, enfin, toutes ces municipalités.
20 Comme vous le savez, nous sommes maintenant en train de traiter une
21 séquence d'éléments de preuve concernant notre terme à propos des crimes
22 qui ont été perpétrés dans différents endroits, et M. Idrizovic est notre
23 premier témoin. C'est notre premier témoin qui vient ici et il est ici pour
24 présenter ce qui s'est passé à Jablanica. Il doit aussi expliquer un petit
25 peu ce qui s'est passé avant ces événements et c'est pertinent, puisque
26 c'est notre thèse. Enfin, je ne voudrais surtout pas trop en dire devant
27 notre témoin, mais notre thèse porte sur la prise de pouvoir dans toutes
28 les municipalités qui amène ensuite à d'autres événements qui sont allégués
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1 dans l'acte d'accusation. On a procédé un peu lentement, ça je suis
2 d'accord avec vous.
3 M. KARNAVAS : [interprétation] En ce qui concerne la dernière réponse que
4 nous avons obtenue du témoin lorsqu'il parlait du pont et du tunnel, si
5 j'ai bien compris l'Accusation - et là je suis en train d'essayer de lire
6 dans la boule de cristal, rien de plus, ou dans la tasse de café comme on
7 dit chez vous - j'ai l'impression qu'il est en train d'essayer de dire que
8 ce qui s'est passé en 1992 fait partie de l'acte d'accusation. Alors je ne
9 vois absolument pas quel est le lien.
10 L'Accusation est-elle en train d'alléguer que la destruction du pont
11 et la destruction du tunnel faisaient partie d'une entreprise criminelle
12 commune du HVO ? Si c'est le cas, j'aimerais vraiment savoir où ça se
13 trouve dans l'acte d'accusation. Il faudrait que je sache où c'est. Dois-je
14 m'en préoccuper ?
15 J'aimerais aussi savoir si c'est ce que dit le témoin ? S'il y a bel
16 et bien une corrélation ? Parce que si j'ai bien compris les choses, il me
17 semblait qu'à l'époque l'agresseur principal c'étaient les Serbes.
18 M. SCOTT : [interprétation] En effet, c'est dans l'acte d'accusation,
19 Monsieur le Président. La destruction du pont en tant que telle n'est pas
20 dans l'acte d'accusation, bien sûr, mais dans l'acte d'accusation, il est
21 écrit -- Maître Karnavas, j'ai besoin d'une petite minute.
22 M. KARNAVAS : [interprétation] Allez-y.
23 M. SCOTT : [interprétation] Cela commence au paragraphe 18. Nous avons tout
24 d'abord un aperçu de l'historique de l'affaire, ensuite, entre autres, on
25 parle de la prise de pouvoir au niveau des municipalités par le HVO dans
26 différentes municipalités qui auraient été des municipalités faisant partie
27 de l'Herceg-Bosna. Tout ça fait partie de la thèse de l'Accusation. Tout
28 ceci a débouché sur ce qui s'est passé en 1991. La Chambre de première
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1 instance est très au courant d'ailleurs. Nous en avons entendu parler de la
2 formation du HDZ, la formation de l'Herceg-Bosna en 1991, ce qui s'est
3 passé en Croatie, M. Manolic; tout ceci fait partie d'une même histoire qui
4 débouche sur le conflit armé en 1993. Et ce témoin est notre premier témoin
5 qui est ici pour présenter tout ceci et présenter l'aperçu historique.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : -- est-ce que ça fait partie de la stratégique de
7 prise de pouvoir ?
8 M. SCOTT : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : "Yes." Ecoutez, on verra. Bien.
10 Maître Karnavas.
11 M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense, en ce qui concerne l'entreprise
12 sylvicole, c'est pareil aussi. Paragraphe 18, je tiens à dire qu'il n'est
13 pas mentionné dans le tableau dont va nous parler ce témoin. Tant pis, je
14 ne voudrais pas rentrer dans les détails. Mais je ne comprends pas, si ce
15 n'est pas allégué dans l'acte d'accusation, il me semble que l'Accusation
16 est en train de dire qu'en avril 1992, il y a déjà une entreprise
17 criminelle commune qui a été créée et que ceci fait partie de cette
18 entreprise criminelle commune justement. Mais souvenez-vous après, plus
19 tard, Mostar va être libérée. Souvenez-vous de tous les événements qui ont
20 eu lieu ensuite.
21 Donc il me faut quand même quelque chose de plus précis. Or, tout ceci
22 n'est pas allégué dans l'acte d'accusation. Donc dire d'un trait de plume
23 qu'ils sont en train d'essayer de prendre le pouvoir dans la municipalité,
24 on va parler de la structure surtout politique, décision de la présidence
25 de Guerre, mais maintenant on parle d'événements qui ont lieu pendant la
26 guerre. Alors s'ils veulent qu'il y ait corrélation et un lien, il faut
27 qu'ils posent plus de questions au témoin. Peut-être avec leurs questions,
28 j'arriverais à comprendre comment cela peut faire partie de leur plan pour
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1 éventuellement en arriver à prendre le pouvoir. C'est vrai que Rome n'a pas
2 été construite en un jour, certes, mais j'ai l'impression qu'on commence
3 très loin dans la stratosphère.
4 M. SCOTT : [interprétation] Bien, Monsieur le Président --
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, on doit comprendre que par vos
6 questions, vous essayez de mettre en évidence tous les aspects de la prise
7 de contrôle au niveau de la municipalité par le HVO. On verra ce que cela
8 donnera en fonction des réponses et du contre-interrogatoire. Bien.
9 Poursuivez.
10 M. SCOTT : [interprétation] Merci.
11 Q. Avant la pause, nous parlions de plusieurs routes qui auraient été
12 construites. Donc avant de poursuivre sur le sujet, pourriez-vous nous dire
13 à peu près, à l'époque où le pont a été détruit, à savoir si des engins
14 lourds ont été confisqués par certaines parties, engins lourds qui
15 appartenaient à des entreprises travaillant dans la région de Jablanica ?
16 Et si ça était le cas, s'il vous plaît, veuillez nous en parler.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Avant la guerre, sur le territoire de notre
18 municipalité en direction de Konjic, il y a eu une grande reconstruction de
19 la route. Cela a été confié à deux grandes compagnies de génie civil dont
20 le siège se trouve à Sarajevo. Lorsqu'il y a eu blocus de Sarajevo au début
21 de la guerre, ces engins du génie sont restés sur le chantier. Une partie
22 de ces engins, notre présidence de Guerre les a réquisitionnés pour les
23 envoyer construire une route entre Jablanica et Posusje. L'autre partie de
24 ces engins, il y a des gens de la vallée de la Neretvica qui les ont pris
25 pour faire construire toute une série de petites routes dans la région sur
26 le territoire de Konjic et en direction de Fojnica. Il y a eu plusieurs
27 routes de construites. Je ne sais pas s'il est pertinent de vous donner le
28 détail de ces routes.
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1 Donc une partie a été réquisitionnée et l'autre a été aliénée pour être
2 emmenée à Neretvica et construire des routes destinées à répondre aux
3 besoins du HVO là-bas.
4 M. SCOTT : [interprétation]
5 Q. Très bien. Pour aller plus vite, Monsieur, j'ai une question à vous
6 poser à ce propos. Avez-vous su à un moment ou un autre si tous ces travaux
7 de terrassement que vous avez vus à Jablanica et à Konjic, et cetera,
8 étaient reliés au fait que l'Herceg-Bosna était en train d'essayer de
9 consolider ses voies de transmission et ses lignes de communication ?
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis désolé. Je soulève une objection là.
11 Je comprends la question, mais je soulève une objection. Ça va bien au-delà
12 de ce qui est autorisé.
13 M. SCOTT : [interprétation]
14 Q. Pourriez-vous nous dire plutôt, Monsieur le Témoin, ce à quoi vous avez
15 assisté en ce qui concerne tous ces terrassements et ces constructions de
16 routes. Pouvez-vous nous en parler par rapport aux voies de communication
17 au niveau de l'Herzégovine ?
18 R. Il y a une décision de la présidence de Guerre de notre municipalité
19 disant que toutes les ressources humaines et matérielles devaient être
20 placées au service de la construction de cette route du salut - on
21 l'appelait ainsi - Jablanica-Posusje. Il y a ce document dans la
22 documentation que vous avez ici. Ça, vous l'avez. Alors il y a eu toute une
23 série d'autres routes qui ont été construites vers d'autres positions pour
24 attacher des positions avec des agglomérations. Ces routes sont de nos
25 jours encore présentes. Elles existent. Personne ne les a emportées. Si
26 vous voulez, je peux vous les énumérer.
27 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, maintenant regarder la pièce 273 du
28 dossier.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais cette pièce n'a rien à voir avec les routes,
2 Monsieur Scott.
3 M. SCOTT : [interprétation] Cela porte sur la liberté de mouvement et les
4 routes sont souvent empruntées dans ce but.
5 Q. Donc avez-vous vu ce document à l'époque ou en avez-vous eu vent à un
6 moment ou un autre, document portant sur les possibilités de déplacement
7 aux alentours de la municipalité de Jablanica ?
8 R. Le document, je ne l'ai pas vu auparavant, mais nous avons tous
9 ressenti les séquelles de ceci. En effet, le HVO, c'était pour nous
10 l'ambassade, le poste de douanes, tout. Si on voulait voyager quelque part,
11 c'est le HVO qui délivrait une attestation. C'est comme si moi, pour venir
12 aux Pays-Bas, j'aurais besoin d'un passeport et d'un visa pour le faire.
13 Donc c'était cela l'attestation délivrée par le HVO à notre attention.
14 Bien sûr, je comprends pourquoi Boban est allé intervenir. Ces
15 attestations ont été délivrées moyennant finances. Or, un grand nombre de
16 personnes étaient en situation de faire des attestations en série et de les
17 mettre en vente. Alors on a autorisé que le dénommé Rogic, pour ce qui est
18 de la signature qui permettait de sortir de la municipalité. C'est de cela
19 qu'il s'agit.
20 Q. La teneur de ce document reflète bien ce que vous avez vécu, vous et
21 les autres habitants de Jablanica, au cours de cette période, c'est-à-dire
22 au milieu de 1992 ?
23 R. Mais on a tous vécu la même chose. Nous ne pouvions pas sortir de la
24 municipalité en direction de la Croatie sans qu'il ne nous ait autorisé à
25 le faire.
26 Moi en personne, à l'époque, je voulais aller à Split deux fois,
27 parce que mon père était à l'hôpital là-bas, et je ne pouvais pas y aller
28 sans son attestation.
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1 Q. Avez-vous été impliqué à cette époque dans des discussions, des
2 conversations avec les autorités municipales de Jablanica quant à savoir si
3 Mate Boban, Ivan Rogic ou le HVO étaient les seuls qui étaient capables
4 d'émettre ce type de certificats ?
5 R. Comment vouliez-vous qu'on s'entretienne avec ? On ne pouvait pas
6 sortir sans attestation. Il n'y a pas à discuter. Vous n'avez rien à
7 discuter à Jablanica, si là-bas à Risovac ils ne vous laissent pas passer.
8 Donc là, la conversation est coupée court.
9 Q. Vous --
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, je vois cet ordre de M. Mate Boban qui est
11 adressé au staff HVO municipal de Jablanica. Si un habitant de cette
12 localité quittait la ville sans ce certificat, qu'est-ce qui se passait ?
13 Qu'est-ce qui pouvait lui arriver ? Est-ce à dire que la ville était
14 contrôlée par les forces du HVO de telle façon que vous n'aviez pas la
15 liberté de mouvement ? Vous-même, vous avez dit vous vouliez aller à Split
16 à deux reprises et vous n'avez pas pu y aller. Qu'est-ce qui se serait
17 passé si vous étiez parti de la ville ? Vous ne pouviez pas le faire ?
18 Quels étaient les risques ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous ne m'avez pas compris. J'ai obtenu cette
20 attestation et je suis allé à Split, mais je l'ai payée, celle-là. Mais on
21 ne pouvait pas sortir, parce qu'au premier poste de contrôle du HVO, il y
22 avait une barrière et on ne pouvait pas passer. C'est comme si vous allez à
23 l'aéroport sans passeport. On ne vous laisserait pas passer.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce qu'à la sortie de la localité, il y avait un
25 "check point" ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Enfin, ce n'étaient pas des gens de la
27 localité. C'était sur le territoire contrôlé par le HVO.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Si quelqu'un était contrôlé sans certificat, qu'est-
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1 ce qui se passait ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il devait rebrousser chemin.
3 M. SCOTT : [interprétation]
4 Q. Passons à autre chose. A ce moment-là - puisque nous en sommes
5 maintenant au printemps 1992, en avril - à cette époque-là, vous êtes-vous
6 rendu compte que certains officiers militaires de la République de Croatie
7 étaient entrés dans la région de Jablanica ?
8 R. Oui, en avril ou un peu plus tard même, il est arrivé un général. Ils
9 l'appelait Daidza, Mate Sarlija ou Nijaz Batak, appelez-le comme vous le
10 voulez. C'était un général croate, un Musulman, et il trimbalait 40 ou 50
11 soldats à composition ethnique mixte. Il y avait là des Croates et des
12 Musulmans. Il s'est présenté comme étant une personne censée rassembler les
13 forces pour aller débloquer Sarajevo.
14 Q. Avant d'en venir à M. Daidza, avez-vous remarqué l'arrivée d'autres
15 forces militaires dans la région de Jablanica, mis à part ce M. Daidza?
16 R. Bien, c'était l'époque où on pouvait déambuler normalement. Tout le
17 monde pouvait le faire. Il n'y avait aucune espèce de problème. Ce n'est
18 que plus tard qu'on apprendra qu'un membre de l'ex-armée populaire
19 yougoslave, qui s'appelait Dzavid Balija, qui était du groupe ethnique
20 albanais, avait des liens de famille avec des gens de Jablanica. Sa femme
21 était de Jablanica. Il est venu à nous et c'était à l'époque où tous
22 demandaient à quitter la JNA pour rejoindre les rangs de la Défense
23 territoriale. Alors cet homme est venu et on l'a accepté. Ultérieurement,
24 on verra que vers le mois de juillet - vous avez la date dans les papiers -
25 on apprendrait que c'est le SIS du HVO qui l'avait envoyé pour l'infiltrer
26 dans nos rangs. Le nommé Daidza allait le nommer commandant, bien qu'il
27 n'ait pas les compétences qu'il fallait. Et il allait, le même jour, mettre
28 aux arrêts notre commandant et nous mettre ce Dzavid comme commandant.
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1 Lorsqu'il est venu pour être commandant, nous, on l'a arrêté, on l'a gardé
2 deux jours en prison et on l'a expulsé du territoire de la municipalité. Il
3 n'est plus jamais revenu. Malheureusement, le temps ne nous laisse pas
4 suffisamment de champ de manœuvre pour en parler en long et en large, parce
5 que nous avons, pendant toute la durée de la guerre, eu des gens infiltrés
6 qui étaient là pour venir nous saboter. Mais on n'a pas le temps d'en
7 parler.
8 Q. Savez-vous si des conseillers militaires venant de la République de
9 Croatie étaient impliqués dans la Défense territoriale de la région de
10 Jablanica au cours du printemps et de l'été 1992 ?
11 R. Je ne comprends pas très bien votre question. Quand vous parlez de
12 conseillers militaires, que voulez-vous dire ? Il y a eu différentes sortes
13 de personnes qui venaient pour nous proposer leur aide. Mais la question,
14 je ne l'ai pas comprise.
15 Q. Je suis désolé. C'est peut-être les mots que j'emploie. Vous dites
16 qu'il y avait plusieurs personnes qui sont venues pour offrir leur aide.
17 Est-ce que certaines de ces personnes appartenaient à l'armée de Croatie ?
18 R. Je ne sais pas qu'on en ait eu de l'armée de Croatie à venir vers nous.
19 Q. Restons-en donc au mois d'avril 1992. Pourriez-vous nous dire qui a
20 pris la tête de la Défense territoriale de la municipalité de Jablanica à
21 l'époque ?
22 R. Le 15 avril, il y a eu création de ce QG de la défense. On a nommé aux
23 fonctions de commandant Zijad Salihamidzic. Kopilas Stipo était chef
24 d'état-major. Et sur la totalité des membres, 23 ou 24 qu'ils étaient -
25 vous avez la composition de l'état-major dans la documentation. Il y avait
26 un Juif, un Serbe, je pense qu'il devait y avoir quatre ou cinq Croates et
27 les autres étaient tous des Musulmans. Au HVO de Jablanica, il y a eu
28 proposition d'effectifs de leur part et la chose a été acceptée, bien sûr.
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1 Pour ce qui est de Marko Zelenika qui est venu pendant un mois pour
2 travailler à l'état-major, oui, lui est venu. Les autres n'ont jamais fait
3 leur apparition.
4 Q. L'interprète dans la cabine anglaise n'a pas entendu la dernière partie
5 de votre réponse. Donc pouvez-vous la répéter ?
6 R. Bien, il a cessé de venir lui aussi. Il a cessé de venir.
7 Q. Après qu'il ait mis un terme à sa participation, est-ce que ça a
8 signifié la fin de toute participation croate à la Défense territoriale de
9 Jablanica ?
10 R. Pour ce qui est des officiers, oui. Pour ce qui est des soldats, non.
11 Q. Etes-vous devenu membre de l'état-major de la Défense territoriale vers
12 le 12 mai 1992 ?
13 R. Oui.
14 Q. La Défense territoriale a-t-elle essayé de faire participer le HVO à la
15 Défense territoriale pour qu'ils viennent, par exemple, à des réunions de
16 la Défense territoriale ?
17 R. Oui. Dans la documentation que j'ai communiquée au bureau du Procureur,
18 on peut voir qu'à plusieurs reprises, il y a eu tentative de s'asseoir pour
19 en discuter. Toutefois, ça n'a jamais donné de résultats.
20 Q. Maintenant veuillez, s'il vous plaît, regarder la pièce 321. Non,
21 désolé. Je voudrais que vous regardiez d'abord la pièce 186.
22 Pouvez-vous nous parler de la nature et de la teneur du document, s'il vous
23 plaît ?
24 R. Bien, c'est le début de la guerre en mai 1992. Il y a eu avant cette
25 décision un décret ayant force de loi ou chose similaire de la part de la
26 présidence de la Bosnie-Herzégovine pour dire que les forces armées en
27 Bosnie-Herzégovine étaient constituées par la Défense territoriale, le
28 Conseil croate de la Défense, le ministère de l'Intérieur, ainsi que toutes
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1 les forces armées et individus qui étaient disposés à défendre la Bosnie-
2 Herzégovine. Quelque chose de ce genre. Par la suite, il y a eu prise de ce
3 type de décisions, à savoir que sur le territoire de notre municipalité,
4 puisqu'il y avait le HVO, la TO, il y avait des Bérets verts, c'était une
5 espèce de formation demi-privée, et cela devait constituer ces effectifs au
6 niveau de la municipalité.
7 Il s'agit d'une défense qui a été mise sur pied lorsqu'il n'y a pas
8 encore eu de conflit ni ouvert ni dissimulé.
9 Q. Maintenant veuillez, s'il vous plaît, regarder la pièce 196, nous
10 parler de la nature de ce document et nous dire un petit peu comment il
11 s'insère dans le déroulement des événements à l'époque.
12 R. Mais c'est de cela que je parlais tout à l'heure. Il y a eu au début de
13 la guerre création de ce QG. Ils ont proposé à ce que ces individus-là
14 fassent partie de l'état-major : Stipe Kopilas, Marko Zelnika, Ivo Zelenika
15 et Skarda Vjekoslav. Bien sûr, mis à part Marko, personne ne viendra par la
16 suite pour y intervenir. Ça, je vous l'ai déjà indiqué.
17 Q. Passez, s'il vous plaît, maintenant à la pièce 321. J'en ai parlé il y
18 a quelques minutes et, par erreur, j'avais oublié quelques pièces. Donc
19 j'aimerais savoir s'il y a encore eu des efforts de la Défense territoriale
20 visant à essayer d'impliquer le HVO pour qu'au moins il coopère avec la
21 Défense territoriale ?
22 R. Bien, ça a été la dernière des tentatives. Après il n'y en a plus eu.
23 Il y a rien eu du tout, parce qu'ils n'ont pas répondu présent à l'appel.
24 Je pense que par la suite, on aura une nouvelle décision portant
25 organisation de cet état-major, car entre-temps, du fait de menaces,
26 l'état-major et la Bosnie ont été abandonnés par l'individu qui était Juif,
27 puis par celui qui était Serbe. Les Croates, eux, ne voulaient pas y
28 participer. Il n'y a donc rien eu d'autre à faire que de créer cet état-
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1 major à partir de personnalités qui voulaient bien en faire partie.
2 Q. Très bien. Il y avait un musée à Jablanica où se trouvaient des pièces
3 d'artillerie venant de la Deuxième Guerre mondiale; c'est bien le cas,
4 n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Pourriez-vous nous dire si à un moment ou à un autre, lors de l'été ou
7 du printemps 1992, un moment où ces pièces d'artillerie ont été remises en
8 état pour pouvoir être à nouveau employées, et pourriez-vous nous dire
9 ensuite quel a été le sort de ces pièces d'artillerie ?
10 R. Oui, il y avait quatre obusiers. C'était ce qu'on appelait les Zis.
11 C'étaient des obusiers de 100-millimètres. On a tout remis en état de
12 marche, parce que nous n'avions pas d'activités de combat nulle part. On
13 avait des positions plutôt passives vis-à-vis des Serbes sur le territoire
14 du mont Prenj. Nous, on n'en avait pas besoin, donc on en a envoyé deux
15 pour Sarajevo au mont Igman, puis un obusier à Konjic, parce que là ils
16 étaient en contact avec les Serbes, et il y en a un qui a été fourni à
17 Jablanica pour débloquer Mostar. On a mis à la disposition de Jaganjac 80
18 de nos soldats pour libérer le nord de Mostar. Ils étaient à Jasinjabovic
19 [phon] et à Petkovici, enfin, je pense qu'ils le savent. On les a mis à
20 disposition.
21 Q. Si je vous ai bien compris, deux de ces obusiers sont partis à Sarajevo
22 sur le mont Igman, un à Konjic et le quatrième au HVO de Mostar.
23 R. Oui, oui. Le dernier est parti au HVO.
24 Q. Donc ce qui nous mène à la nomination dont vous avez parlé il y a un
25 moment. Pourriez-vous nous parler de cette personne, ce Daidza, qui est
26 arrivé à peu près à ce moment-là et pouvez-vous nous parler de ce qu'il a
27 fait ?
28 R. Enfin, il est venu sans être convié à le faire. Lui et ses soldats,
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1 tout de suite, ont commencé à se comporter de façon inappropriée. Il s'est
2 servi des médias pour s'attaquer à nous dans le département de la défense.
3 Puis il déambulait dans les villages, il portait des bonbons et des
4 sucreries dans sa voiture pour distribuer aux enfants et il jouait un peu
5 au Père Noël. C'est ainsi qu'il se présentait.
6 Q. Avant de poursuivre, j'aimerais savoir si vous saviez d'où venait M.
7 Daidza ou si vous savez qui l'avait envoyé dans la région de Jablanica ? Le
8 cas échéant, bien sûr.
9 R. C'était un immigré, un criminel de la Deuxième Guerre mondiale. Avant
10 les changements en Croatie, il n'osait pas revenir en Yougoslavie. Pour
11 autant que nous le sachions, c'est quelqu'un de Croatie qui l'a appelé pour
12 lui donner un grade de général. Je ne sais pas quelle a été la
13 réglementation pour ce qui est de cette république concernant la
14 distribution des grades de général, mais il est arrivé là en tant que
15 général de l'armée croate.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous voulez intervenir sur quoi ?
17 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Ce que je veux dire, c'est que ce
18 monsieur, avant son arrivée en Croatie, était citoyen des Etats-Unis
19 d'Amérique tout le temps. Et si c'était un citoyen des Etats-Unis
20 d'Amérique avec un passeport, qui est celui du procureur, on ne peut pas
21 autoriser quelqu'un à le déclarer criminel de guerre sans élément de
22 preuve. Là, on est passé à des offenses de façon directe.
23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, ce n'est pas
24 acceptable. Vous n'avez pas le droit d'être debout et n'avez pas le droit
25 de venir témoigner. Vous vous êtes levé comme si vous étiez un témoin et
26 vous faites ça pour faire une déclaration qui n'a rien à voir avec le
27 témoin. Si vous n'êtes pas d'accord avec ce que dit le témoin, je suis sûr
28 que vos conseils en profiteront plus tard. Mais il faut quand même que vous
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1 respectiez les règles, s'il vous plaît.
2 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je vais respecter les règles, mais
3 entendre des propos comme ceci et ne voir personne se lever, je vous en
4 prie, de telles désinformations. Plus tard, nous démontrerons qui était
5 général au service de qui.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, vous avez dit, en parlant de ce général,
7 que c'était un criminel de la Seconde Guerre mondiale. Le général Praljak
8 fait ressortir le fait que c'était un citoyen américain détenteur d'un
9 passeport des Etats-Unis. Alors qu'est-ce qui vous permet de dire que
10 c'était un criminel de la Seconde Guerre mondiale ? D'où tenez-vous ça ?
11 Parce que c'est toujours grave d'accuser quelqu'un sans preuve. Alors
12 qu'est-ce qui vous permet de le dire ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont ses voisins et les membres de sa
14 famille qui me l'ont dit, parce qu'il est natif de Blagaj dans la région de
15 Mostar. Et lorsqu'il a fait son apparition sur le territoire de la Bosnie-
16 Herzégovine, ce sont eux qui nous ont dit qui il était. Jusqu'à ce moment-
17 là, nous ne l'avions jamais vu et nous n'avions jamais entendu parler de
18 lui. Donc ce que j'ai dit à son sujet, c'est comme ça qu'on le vivait et
19 c'est ce qu'on a entendu de la bouche de gens qui étaient ses voisins et
20 des membres de sa famille.
21 Maintenant si j'ai enfreint une règle, toutes mes excuses. J'ai peut-être
22 utilisé des mots très forts, mais en tout cas, c'est comme ça qu'on le
23 vivait. C'est comme ça qu'on le ressentait.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous dites que ce sont les voisins ou les
25 membres de sa famille qui avaient dit ça. Mais vous êtes quelqu'un
26 d'instruit. Vous avez fait des études à l'université, vous avez été à
27 l'Université de Zagreb. Vous êtes spécialisé en sciences politiques et vous
28 avez quelques connaissances quand même. Vous savez que lorsqu'on est
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1 citoyen américain, lorsqu'on provient d'un pays autre que les Etats-Unis,
2 il y a toute une procédure de vérification par les autorités américaines
3 sur le fait de savoir si on a été un délinquant, un recherché, et cetera.
4 Donc vous faites état de certains faits sans aucune vérification
5 intellectuelle à votre niveau. Vous ne le saviez pas -- ou vous ne savez
6 pas qu'on est citoyen des Etats-Unis après avoir été soumis à une série de
7 vérifications ? Ça, vous ne le savez peut-être pas, alors dites : Je ne le
8 sais pas.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le savais pas, et d'ailleurs je
10 doute fort qu'il ait été citoyen des Etats-Unis d'Amérique.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Si M. Praljak affirme qu'il est citoyen des Etats-
12 Unis, c'est qu'il doit avoir des éléments de preuve. Mais ça, on verra ça
13 plus tard.
14 Monsieur Scott, continuez.
15 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
16 Q. Monsieur, si je ne me trompe, ce que vous aviez commencé à nous dire il
17 y a quelques minutes avant de parler de l'implication de ce M. Daidza,
18 c'était qu'il y a eu un moment où le commandant de la Défense territoriale
19 de Jablanica a été arrêté par M. Daidza ou des gens qui agissaient sous ses
20 ordres; c'est bien ça ?
21 R. Oui.
22 Q. Dites-nous ce qui s'est passé.
23 R. Un jour il a fait irruption dans l'hôtel de Jablanica où se trouvait le
24 commandant de notre état-major. Il était accompagné de 15 ou 20 soldats
25 bien armés. Il a interpellé cet homme, il l'a emmené avec lui jusqu'au
26 commandement de la brigade Herceg Stjepan à Kostajnica, non loin de Konjic,
27 après quoi il a émis un ordre visant à nommer Balija Dzavid au poste de
28 commandant à sa place. Et ce faisant, il lui a donné le rôle de commandant
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1 suprême, c'est-à-dire de quelqu'un qui a la possibilité de nommer ou de
2 démettre de ses fonctions les autres commandants de l'état-major.
3 Q. Avant de poursuivre, pouvez-vous nous dire à peu près à quel moment
4 cela s'est passé, au moins le mois et l'année ?
5 R. C'était entre le 10 et le 12 juillet 1992.
6 Q. A votre connaissance, M. -- non, je ne devrais pas dire M. Daidza,
7 parce que Daidza, c'était bien son surnom, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Je pense vous l'avoir entendu dire déjà, mais connaissez-vous le vrai
10 nom de cet homme ?
11 R. Il en avait deux, un nom croate et un nom musulman de Bosnie. Mate
12 Sarlija ou Nijaz Batlak.
13 Q. Lorsque Daidza a arrêté le chef de la Défense territoriale, c'était qui
14 d'ailleurs à l'époque pour le compte rendu d'audience ?
15 R. M. Salihamidzic. Salihamidzic. Nous en avons déjà parlé.
16 Q. Lorsque Daidza a arrêté ce commandant, une quelconque explication
17 aurait-elle été donnée par lui quant à l'autorisation qu'il avait ou le
18 mandat qui était le sien pour agir ainsi ?
19 R. Mais non, bien sûr, rien. Il était commandant d'une espèce de brigade
20 et il a ordonné de remplacer cet homme par un autre au poste qu'il
21 occupait.
22 Q. Vous avez dit il y a un instant que le commandant avait été emmené
23 jusqu'au commandement de la brigade Herceg Stjepan, non loin de Konjic.
24 Mais cette brigade Herceg Stjepan dépendait de quel organisme militaire, de
25 quel organe ?
26 R. Du HVO.
27 Q. Vous avez dit que Daidza ensuite s'était efforcé de nommer au poste de
28 commandant quelqu'un d'autre pour remplacer cet homme. Qui était ce
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1 quelqu'un d'autre ?
2 R. Dzavid Balija.
3 Q. Que lui est-il arrivé à lui ?
4 R. Lorsqu'il est arrivé chez nous pour devenir notre commandant, nous
5 l'avons placé en état d'arrestation. Deux jours plus tard, nous l'avons
6 expulsé de la municipalité.
7 Q. Pourquoi l'avez-vous placé en état d'arrestation ?
8 R. Parce que c'était un lâche, c'était un cheval de Troie qu'on voulait
9 nous imposer.
10 Q. Comment pouvez-vous dire cela ?
11 R. Bien, le commandant d'une armée qui remplace un commandant dans une
12 autre armée et nomme un autre homme au poste de commandant. Je ne sais pas
13 s'il y a de meilleure expression que celle que j'ai utilisée. En Bosnie, on
14 parle de cheval de Troie ou de changement de nid pour un oiseau.
15 Q. Avançons dans le temps pour parler de l'été 1992. Qui étaient les plus
16 grandes personnalités du HDZ à Jablanica à ce moment-là ?
17 R. C'était surtout trois hommes qui occupaient tous les postes et qui
18 remplissaient toutes les fonctions importantes. C'était Matan Zaric, Ivan
19 Rogic et Mirko Zelenika.
20 Q. Je regarde ce qui figure au compte rendu d'audience, le deuxième nom
21 n'a pas été consigné. Vous avez parlé de Matan Zaric, ce nom figure au
22 compte rendu désormais. Pouvez-vous nous donner le deuxième nom que vous
23 avez prononcé.
24 R. Ivan Rogic.
25 Q. Dans la suite de l'été 1992, est-ce qu'il y a eu une autre attaque
26 visant ce même pont Aleksin Han dont vous avez déjà parlé aujourd'hui ?
27 R. Oui, le 8 août 1992. Des unités du HVO sont revenues jusqu'au pont,
28 deux de nos hommes ont été tués alors qu'ils se trouvaient là pour assurer
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1 la sécurité du pont. Ces membres du HVO ont capturé sept autres hommes
2 qu'ils ont emmenés à Split. Deux jours plus tard, ces hommes sont revenus à
3 Grude, et depuis Grude, le président de notre municipalité et le chef du
4 MUP les ont transportés. Entre autres choses, on a un rapport de police du
5 HVO de Jablanica qui le prouve. Ce sont des documents que vous avez en
6 votre possession. Notre unité du génie, suite à l'incident survenu sur le
7 pont, a découvert 150 kilos d'explosifs à peu près avec tous les
8 équipements nécessaires pour faire sauter le pont. C'était la deuxième
9 tentative de faire sauter le pont et, voyez-vous, celle-ci a heureusement
10 avorté pour des raisons techniques. Je ne me souviens plus exactement
11 quelle était la nature de ces raisons. Vous pouvez le trouver sans doute
12 dans vos documents. Est-ce que c'était parce qu'il y avait trop d'humidité
13 ou parce que la poudre était mouillée, je ne sais plus.
14 Mais c'étaient en tout cas les premières victimes qui sont tombées de notre
15 côté, victimes de cette guerre.
16 Q. Je vous demanderais de vous pencher sur la pièce 388 à présent. C'est
17 un rapport qui émane de la police militaire du HVO et qui couvre la période
18 allant du 6 août au 13 août 1992. Je vous prie de bien vouloir vous pencher
19 sur le chapitre intitulé "Incidents." Je pense que vous pourrez le trouver
20 dans votre texte --
21 R. Oui, je l'ai trouvé.
22 Q. Après lecture de ce chapitre, Monsieur, pouvez-vous nous dire s'il
23 décrit, au moins en partie, ce qui s'est passé au niveau du pont Aleksin
24 Han à ce moment-là ?
25 R. Oui.
26 Q. Avez-vous eu jamais l'occasion de vous entretenir avec des membres de
27 l'ABiH ou des soldats de cette armée qui avaient été emmenés à Split ?
28 Excusez-moi. Vous n'avez sans doute pas entendu ma question.
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1 R. Oui, oui.
2 Q. D'accord. Pouvez-vous dire aux Juges ce que ces hommes vous ont dit
3 qu'il leur était arrivé et quel était le motif pour lequel on les avait
4 emmenés à Split ?
5 R. Ils ont été emmenés là-bas pour interrogatoire. Ils n'ont pas subi de
6 sévices quelconques. Et après l'interrogatoire, on les a ramenés à Grude.
7 Q. Avançons dans le temps. Nous arrivons au mois de septembre 1992, et je
8 vous demande si vous pourriez nous dire s'il y a eu une attaque contre un
9 poste de contrôle non loin des sorties de
10 Jablanica ?
11 R. Oui, oui. Une attaque a eu lieu à la sortie de Jablanica dans le village
12 de Jelacic, contre un poste de contrôle, et heureusement il n'a pas fait de
13 victimes humaines.
14 Q. Savez-vous qui était responsable de cette attaque ?
15 R. Bien, ça ne pouvait pas être l'ABiH qui se serait attaquée elle-même
16 quand même.
17 Q. Bien, vous me permettrez d'insister dans cette question, Monsieur.
18 Savez-vous ou auriez-vous reçu des renseignements quant à l'identité des
19 assaillants au niveau de ce poste de contrôle ?
20 R. C'est le HVO qui a attaqué.
21 Q. Avançons toujours dans le temps, nous atteignons le mois d'octobre
22 1992. Est-ce qu'à ce moment-là vous auriez entendu parler d'une réunion
23 convoquée par quelqu'un. En tout cas, pour l'instant, ce qui fait l'objet
24 de ma question, c'est de savoir si une réunion a été organisée pour
25 discuter de l'avenir de la Bosnie-Herzégovine à peu près à ce moment-là ?
26 R. C'est la communauté internationale. En tout cas, des pourparlers se
27 sont menés en rapport avec quelque chose qui s'appelait, je crois, le plan
28 Vance-Owen ou quelque chose comme ça. Je ne me rappelle plus exactement les
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1 détails aujourd'hui mais ce plan n'a jamais été accepté, car il prévoyait
2 la division de la Bosnie en cantons, si je ne me trompe, cantons créés sur
3 bases ethniques.
4 Q. Dans ce contexte, Monsieur, je reviens sur ma question. Etant donné le
5 contexte que vous venez de décrire, y a-t-il eu une réunion à Tomislavgrad
6 pour discuter de l'avenir de la Bosnie-Herzégovine dans ce contexte ?
7 R. Durant l'été 1992, nous avons déployé des efforts pour obtenir une
8 réunion. Je crois que nos représentants sont allés à Posusje et à
9 Tomislavgrad pour obtenir des pourparlers. Mais ce qui fait l'objet de
10 votre question, la discussion de l'avenir de la Bosnie-Herzégovine à
11 Tomislavgrad, je ne saurais vraiment pas vous répondre. Je ne sais pas si
12 c'est bien cela qui a été le sujet de la discussion, l'avenir de la Bosnie-
13 Herzégovine, parce que l'avenir de la Bosnie-Herzégovine c'est un sujet qui
14 a été discuté ailleurs, pas en Bosnie-Herzégovine à l'époque. C'était un
15 sujet qui était discuté hors de la Bosnie-Herzégovine. Mais je ne suis pas
16 sûr d'avoir très bien compris votre question pour commencer.
17 Q. D'accord. Je vais vous demander autre chose, et si cela ne nous aide
18 pas, nous passerons à un autre sujet. Est-ce que l'un de vos collègues
19 aurait jamais assisté à une réunion avec un homme dont le nom est Zeljko
20 Glasnovic ?
21 R. Je n'y ai pas assisté, mais certains de mes collègues l'ont fait.
22 Q. Qui étaient ces collègues à vous ?
23 R. Bien, en principe, c'était toujours le chef du MUP qui se rendait à de
24 telles réunions et il y avait quelqu'un qui représentait l'état-major, soit
25 le chef d'état-major, soit un commandant.
26 Q. Qui était chef du MUP en Bosnie-Herzégovine, en tout cas au mois
27 d'octobre 1992 ?
28 R. A Jablanica, vous voulez dire.
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1 Q. Oui.
2 R. C'était Emin Zebic.
3 Q. M. Zebic est-il allé à cette réunion avec M. Glasnovic ?
4 R. Quelqu'un est allé avec lui. Aujourd'hui, je ne saurais pas vous le
5 dire avec certitude. Je n'ai pas un souvenir précis et je n'ai pas de
6 document sur moi à ce sujet.
7 Q. D'accord.
8 R. Mais il y a eu une réunion, et il y a des documents qui rendent compte
9 de cette réunion quelque part.
10 Q. Avançons dans le temps, si vous ne vous en souvenez pas. Est-ce qu'un
11 moment est arrivé où certains membres croates du MUP, puisque nous venons
12 de parler du MUP, ont quitté le MUP pour entrer dans le HVO ?
13 R. Oui. Ça, c'était déjà à l'automne 1992. D'autres tentatives ont été
14 faites pour intégrer le MUP de Jablanica et de Konjic au sein du MUP de
15 Bosnie. Plusieurs tentatives de ce genre ont eu lieu et, en définitive,
16 certains membres croates du MUP de la République de Bosnie-Herzégovine ont
17 peu à peu quitté le MUP pour entrer dans la police civile. Alors je ne sais
18 plus s'ils avaient une police civile à l'époque, mais en tout cas, pour
19 entrer dans le HVO.
20 Là-bas, les gens recevaient une solde et ils se voyaient garantir un statut
21 plus ou moins normal, alors que chez nous, ce n'était pas le cas. C'est
22 peut-être l'une des raisons qui les a poussés à agir. Et l'autre, c'était
23 qu'une tentative a été faite pour créer un pouvoir du HVO et une autorité
24 du HVO graduellement, aussi bien au sein de la police que de l'armée, dans
25 le but, plus tard, de s'emparer totalement du pouvoir.
26 Q. Je vous prierais maintenant de vous pencher sur la pièce 832. C'est un
27 rapport qui vient du ministère de l'Intérieur de la République de Bosnie-
28 Herzégovine. Il date du 30 novembre 1992. Je vous demanderais, si vous
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1 voulez bien, de lire les quelques premiers paragraphes de ce rapport et de
2 dire aux Juges si ce rapport concerne bien le sujet dont nous parlions il y
3 a un instant.
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que c'est bien cela qui était en train de se passer au sein du
6 MUP de la République de Bosnie-Herzégovine et dans la municipalité de
7 Jablanica à ce moment-là à peu près ?
8 R. Mais oui. C'est le genre de choses qui se passaient. Nous sommes ici à
9 un moment où le MUP d'Herceg-Bosna et le MUP de Bosnie-Herzégovine ont
10 commencé à être très insistants, à tirer chacun de son côté et cela a
11 débouché sur - comment est-ce que je pourrais appeler ça - un conflit
12 d'intérêt.
13 Ici on voit que le ministre du MUP de la Bosnie-Herzégovine déclare que le
14 MUP de Bosnie-Herzégovine est le MUP légal, que tout le reste est illégal
15 et qu'un accord doit être conclu pour mettre en place un MUP conjoint.
16 C'est plus ou moins ce qu'on peut lire dans ce document.
17 Q. Savez-vous si ces efforts pour créer un MUP conjoint à Jablanica ont
18 été couronnés de succès à quelque moment que ce soit ?
19 R. Non, non. Le MUP de la République de Bosnie-Herzégovine existait.
20 L'Herceg-Bosna a créé son propre MUP et c'est de là que venait cette
21 question, parce qu'à partir de ce moment-là, il a existé deux ministères de
22 l'Intérieur.
23 Q. Monsieur, en octobre 1992, est-ce qu'à un certain moment votre
24 attention a été appelée par le fait qu'un conflit armé avait éclaté dans la
25 municipalité voisine de Prozor ?
26 R. Oui.
27 Q. Dans votre souvenir, vous avez appris cet événement à quel moment ?
28 R. C'était après le 20 ou le 21 octobre. Des rapports ont commencé à
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1 arriver en provenance de l'équipe municipale de Prozor, qui disaient que la
2 situation était critique et qu'ils s'attendaient à une attaque à tout
3 moment et qu'ils demandaient de l'aide. Ils nous demandaient de ne pas
4 laisser passer à nos postes de contrôle des membres du HVO qui risqueraient
5 d'arriver chez eux en renfort. Puis il y avait aussi les premiers réfugiés
6 qui ont commencé à arriver.
7 Q. Des réfugiés qui venaient d'où ?
8 R. De Prozor.
9 Q. Et ces réfugiés étaient de quelle appartenance ethnique ?
10 R. Musulmane.
11 Q. Pourriez-vous dire aux Juges combien de réfugiés musulmans à peu près
12 sont arrivés de Prozor à Jablanica aux environs de cette date ?
13 R. Plus d'un millier de personnes sont arrivées à Jablanica, et à leur
14 arrivée, ils ont créé à Jablanica une espèce de pouvoir provisoire. La
15 plupart des Musulmans de Prozor avaient fui dans la direction de Bugojno,
16 mais il y en avait qui avaient fui dans la direction de Konjic et de la
17 vallée de la Neretva, voisine de cette municipalité.
18 Q. Je vous demanderais maintenant de vous pencher sur la pièce 653. Vous
19 l'avez sous les yeux, Monsieur ?
20 R. Oui.
21 Q. C'est un document du HVO qui date du 26 octobre 1992. Dans le texte
22 qu'on peut lire sous l'intitulé "Secteur de Prozor," et je vous demanderais
23 d'en prendre connaissance. Est-ce que dans ce passage, vous voyez une
24 phrase qui se lit comme suit, je cite : "Les Musulmans avaient déjà expulsé
25 la plupart des femmes et des enfants de Prozor et de ses environs" ?
26 R. Oui.
27 Q. Ce que vous pouvez lire dans ce document, Monsieur, correspond-il à ce
28 qui s'est réellement passé dans la zone de Prozor, s'agissant d'événements
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1 qui ensuite ont influé sur Jablanica à ce moment-là ?
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Absence de
3 fondement. Si le témoin est capable d'établir que cela se passait à Prozor,
4 cela voudrait dire qu'il a pu voir les événements de Prozor de cette
5 époque. Maintenant on lui demande de lire un document et d'émettre des
6 conjectures au sujet de ce qui se serait passé.
7 M. SCOTT : [interprétation] Je vais reformuler, Monsieur le Président.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie.
9 M. SCOTT : [interprétation] Je vais reformuler.
10 Q. Monsieur, vous avez dit il y a quelques instants que plus de 1 000
11 réfugiés musulmans sont arrivés en provenance de Prozor à Jablanica à ce
12 moment-là, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que vous voyez la citation que je vous ai soumise tout à
15 l'heure, le passage du texte où il est question de femmes et d'enfants
16 musulmans qui sortent de Prozor ?
17 R. Oui, je la vois.
18 Q. Est-ce que c'est à peu près à ce moment-là que les réfugiés sont
19 arrivés à Jablanica ?
20 R. Bien, les tensions ont duré pas mal de temps là-bas. Les gens
21 essayaient de sauver leurs têtes. Ils souhaitaient partir avant qu'un
22 conflit n'éclate. Donc il y a très peu de civils qui sont arrivés pour
23 faire du mal.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous avez discuté avec eux pour leur demander --
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr, nous avons parlé. M.
28 Izetbegovic est venu lui aussi.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Que vous ont-ils dit ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Petkovic est venu à ce moment-là. Nous en
3 avons discuté à plusieurs reprises de ce sujet. Il y a des gens qui sont
4 allés à Prozor. Mon commandant, Pasalic, et M. Petkovic et d'autres y sont
5 allés.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant que le président Izetbegovic ou le général
7 Petkovic arrivent, vous voyiez arriver, vous, les réfugiés. Vous avez dit
8 que vous avez discuté avec eux. Qu'est-ce que les réfugiés vous ont dit ?
9 Qu'ils avaient quitté la ville, qu'ils avaient été expulsés de la ville,
10 qu'ils venaient à Jablanica parce qu'ils ne savaient pas où aller ? Qu'est-
11 ce qu'ils vous ont dit au juste ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Les gens voulaient sauver leurs têtes. Ils se
13 sont rendu compte que des choses très désagréables allaient arriver. Ils
14 ont quitté leurs domiciles et tout ce qu'ils possédaient et ils ont pris la
15 route, tout simplement.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites qu'ils essayaient de sauver leur peau.
17 Parce qu'ils vous ont dit que des personnes de Prozor avaient été tuées ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous parler de ça. Ça s'est
19 passé il y a longtemps. Ce n'était pas le genre de choses qui m'intéressait
20 le plus à ce moment-là. Etant donné que j'étais dans l'armée, ce qui
21 m'intéressait le plus c'était l'aspect militaire. C'étaient des civils et
22 il y avait des gens pour s'occuper d'eux.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit que M. Izetbegovic était venu. Vous
24 vous souvenez de son arrivée ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, très bien. J'ai été son hôte.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est vous-même qui l'avez reçu alors. Il venait
27 pour quelle raison, lui ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est venu, parce que ce conflit était le
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1 premier conflit important entre l'ABiH et le HVO. Il est venu pour essayer
2 d'intervenir, d'apaiser la situation, pour voir s'il était possible de
3 revenir à la situation ancienne et d'obtenir que les gens reviennent à
4 leurs domiciles, de reprendre une vie normale.
5 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, toutes mes excuses,
6 mais je crois qu'il serait utile que le témoin dise à quelle date M.
7 Izetbegovic est venu à Jablanica. Je crois que ce serait une précision
8 utile.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est écrit dans les documents.
10 Mme ALABURIC : [interprétation] Je sais que c'est écrit dans les documents,
11 mais veuillez nous le dire, parce qu'il y a une différence de date
12 importante entre ce dont nous parlons et l'arrivée de M. Izetbegovic.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, admettez que je ne suis
14 pas un ordinateur. Vous savez le nombre d'années qui s'est écoulé depuis.
15 Je ne peux pas vous donner toutes les dates de mémoire. Je n'ai pas inscrit
16 cela sur un papierC'est écrit.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai remis les
19 documents.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : -- aucun document sur la venue de M. Izetbegovic.
21 Vous avez dit également que le général Petkovic est venu. Alors vous vous
22 en rappelez dans quel contexte ? Est-ce que vous pouvez nous apporter des
23 éléments d'information ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, M. Petkovic et M. Pasalic sont venus
25 ensemble. Je crois qu'ils étaient ensemble. Je n'en suis pas sûr à 100 %.
26 Ils sont venus au commandement dans mes bureaux et nous avons discuté d'un
27 certain nombre de choses. Je crois d'ailleurs que cela ne s'est pas passé
28 une seule fois. Cela s'est passé à plusieurs reprises.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : A quelle date ? Vous ne pouvez pas vous souvenir de
2 la date non plus ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je l'ai mise par écrit quelque part, mais
4 je ne peux pas tout garder dans ma mémoire aujourd'hui. Ne soyez pas
5 enfantin avec moi. Je ne peux pas tout me rappeler.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Donc MM. Pasalic et Petkovic viennent au
7 commandement de la Défense territoriale. Alors qu'est-ce qui se passe là ?
8 Pouvez-vous nous dire quel était l'objet de leur visite, qu'est-ce qui
9 s'est passé ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils se sont mis d'accord pour aller à Prozor
11 et ils y sont allés.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous-même, vous l'avez vu, le général Petkovic,
13 de vos propres yeux ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Il était habillé comment ? Vous avez un souvenir ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il portait un uniforme. Il portait un
17 uniforme de l'armée comme nous tous.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Et M. Pasalic était aussi en uniforme ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous avez vu MM. Pasalic et Petkovic. Vous êtes
21 affirmatif ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils sont venus avant ou après M. Izetbegovic ou
24 pendant ? Je ne sais, moi.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Sans consulter de documents, je ne peux pas
26 vous le dire. Vraiment, je ne peux pas. Je ne peux pas me rappeler chaque
27 jour. Vous savez, c'était 1992. Cela fait 14 ans.
28 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous pourrions peut-
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1 être contribuer à apporter des précisions car le témoin ne peut plus être
2 utile. Le général Petkovic était à Jablanica en décembre 1992. Lorsque le
3 président Izetbegovic s'y est trouvé, l'objet de la réunion était tout à
4 fait différent. Un autre général y est allé avec Pasalic. Ce n'était pas le
5 général Petkovic. Si on pourrait donner au témoin les documents qui lui
6 rafraîchisse la mémoire, je n'ai absolument rien contre.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Petkovic est arrivé avec M. Pasalic à
8 Jablanica. J'ai personnellement vu M. Petkovic ce jour-là pour la première
9 fois. Vous ne pourrez pas me convaincre du contraire.
10 L'ACCUSÉ PRALJAK : [aucune interprétation]
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce dont vous parlez a eu lieu le 15 décembre
12 1992. C'est à peu près au moment où il y a eu un accord avec Petkovic pour
13 entreprendre quelque chose pour lever le siège de Sarajevo. Voilà quand ça
14 s'est passé.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : -- à poser, sinon --
16 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Oui, j'en ai une, Monsieur le
17 Président. Monsieur le Témoin, est-ce que c'est M. Petkovic ou moi qui est
18 venu en compagnie de M. Pasalic ? Réfléchissez, je vous prie, si vous
19 pouvez vous souvenir.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je n'arrive pas à me souvenir. Zeljko
21 Siljeg est venu là-bas; Petkovic aussi; vous, vous êtes venu; puis il y
22 avait ce Maric - comment il s'appelait déjà - qui est venu aussi. Plusieurs
23 généraux du HVO sont venus. Beaucoup.
24 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Ils n'étaient pas généraux à l'époque.
25 Regardez-moi ici aujourd'hui. Etant donné que je vous pose cette question,
26 est-ce que vous avez le souvenir de m'avoir vu arriver moi plutôt que
27 Petkovic ? Immédiatement après l'incident de Prozor, il y a eu une grande
28 réunion à Jablanica dans la centrale électrique, dans la cour devant la
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1 centrale. Est-ce que vous vous rappelez avoir vu ça ou m'avoir vu moi ou M.
2 Petkovic ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me rappelle vous avoir vu et M. Petkovic,
4 mais peut-être que je fais erreur au sujet des réunions. Vous savez, nous
5 avons vu beaucoup de monde. Nous avons vu des gens arriver très
6 fréquemment, et sans consulter un document, je ne pourrais pas vous le dire
7 avec certitude.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- parce qu'apparemment vous avez vu plusieurs
9 personnalités. Vous l'avez vu ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je les ai vus, tous ceux qui sont venus,
11 comme j'ai déjà dit : M. Siljeg, M. Praljak, M. Petkovic, M. Maric, puis le
12 commandant de la Brigade Herceg Stjepan. Comment il s'appelait lui ?
13 Sagolj, et bien d'autres. Nous avions des contacts régulièrement. Nous nous
14 rencontrions. Nous négociions ensemble. Malheureusement, les accords
15 étaient très mauvais. Ça, c'était le problème.
16 Monsieur le Président, si vous me permettez. Monsieur le Président, puis-je
17 poursuivre.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y, il reste cinq minutes.
19 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
20 Q. Monsieur Idrizovic, peut-être pourrons-nous revenir sur certains de ces
21 événements plus tard, lorsque nous parlerons du mois de décembre, car je
22 vois dans le prétoire qu'apparemment il n'y a pas contestation au sujet de
23 réunions qui se sont tenues plus tard durant l'année 1992 étant donné ce
24 qui vient d'être dit. Mais j'aimerais appeler votre attention sur autre
25 chose. En octobre, après les événements de Prozor, est-ce que vous avez été
26 nommé au poste de chef de la Défense territoriale de Jablanica ?
27 R. Oui.
28 Q. Cela s'est passé quand à peu près ?
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1 R. Le 28 octobre.
2 Q. Est-ce que par cette nomination, Monsieur, dans cette période bien
3 précise, et je pense que nous en reparlerons demain, est-ce que cette
4 nomination a fait de vous le plus haut responsable de l'ABiH ou de la
5 Défense territoriale dans le municipalité de Jablanica ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous avez participé à quelque chose qu'on appelait la
8 commission de Prozor à peu près à ce moment-là ?
9 R. Bien, après les événements survenus à Prozor, j'ai reçu un décret du
10 gouvernement de Bosnie-Herzégovine qui m'indiquait que j'étais nommé membre
11 d'une commission gouvernementale chargée de se rendre à Prozor pour
12 enquêter sur ce qui s'y était passé avant de soumettre un rapport.
13 M. SCOTT : [interprétation] Peut-être serait-il bon d'éteindre le deuxième
14 micro.
15 Q. Excusez-moi, apparemment il y a eu un problème technique. Pourriez-vous
16 me dire, en dehors de vous, qui a été nommé pour faire partie de cette
17 commission d'enquête chargée d'enquêter sur ce qui s'était passé à Prozor.
18 R. Emin Zebic, le chef du MUP de Jablanica; Jurisic - je ne me souviens
19 plus de son prénom - en tout cas il représentait la brigade de Herceg
20 Stjepan de Konjic; puis le président, c'était un des officiers de Zenica.
21 Je ne me rappelle pas qui était le cinquième membre de la commission.
22 Q. Pourriez-vous dire aux Juges, je vous prie, avant d'en terminer sur ce
23 sujet pour aujourd'hui, si vous-même ou la commission en question s'est
24 efforcée de mener à bien sa tâche; et si oui, ce qu'elle a fait ?
25 R. Oui. Etant donné que la situation s'est dégradée à Prozor, Zebic et
26 moi-même, sommes allés à Konjic voir M. Jurisic qui faisait partie du
27 commandement de la Brigade Herceg Stjepan de la Brigade du HVO. Je ne me
28 rappelle pas exactement quelles étaient ses fonctions précises. Nous
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1 l'avons attendu pendant deux heures à peu près. Il est arrivé et nous
2 avions besoin de le rencontrer, parce que sans intervention du HVO nous ne
3 pouvions pas entrer à Prozor. Sans l'autorisation du HVO, nous n'aurions
4 pas eu la liberté de circuler dans la ville ou d'y pénétrer.
5 Donc il nous a dit qu'il allait consulter son gouvernement à Grude
6 pour savoir s'il acceptait de participer au travail de la commission et
7 qu'il nous informerait des résultats de cette consultation plus tard. Bien
8 entendu, nous n'avons jamais reçu de réponse et la commission ne s'est
9 jamais rendue sur les lieux et n'a jamais mené à bien sa mission.
10 Q. M. Jurisic a-t-il jamais participé au travail de la commission après sa
11 rencontre avec vous ce jour-là ?
12 R. Non. Comment est-ce qu'il aurait pu participer au travail de la
13 commission puisque la commission ne s'est jamais réunie ? Non, non.
14 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais en terminer sur ce sujet, Monsieur
15 le Président pour aujourd'hui, si tout va bien.
16 Q. Certains membres de la commission ont-ils essayé de se rendre à Prozor
17 physiquement pour enquêter ?
18 R. C'est le moment où Praljak est venu. Quand Pasalic et tout le monde a
19 voulu aller là-bas pour la première fois, j'aurais dû y aller avec Pasalic,
20 mais comme ils avaient d'autres choses à faire, ils m'ont dit de venir à
21 Prozor à une certaine heure. Je ne sais plus quand exactement. C'est
22 Pasalic qui m'a dit ça en fait. Bien entendu, j'ai pris la route. Je suis
23 arrivé jusqu'au pont de Jasen, où se trouvait le premier poste de contrôle
24 du HVO à ce moment-là. Les gens qui tenaient le poste de contrôle m'ont dit
25 aimablement qu'ils savaient que je devais franchir le poste mais qu'ils me
26 demandaient d'attendre une dizaine de minutes pour que certaines formalités
27 s'accomplissent d'après eux. Dix minutes se sont écoulées, puis encore dix
28 minutes, après quoi ils m'ont dit qu'il faudrait que j'attende encore une
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1 demi-heure. Ensuite, ils m'ont dit qu'il fallait que j'attende encore une
2 heure. Et finalement, ils m'ont dit que je ne pouvais pas entrer dans
3 Prozor. Donc je ne suis pas allé à Prozor.
4 Q. Je vous remercie, Monsieur Idrizovic.
5 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, nous pouvons nous
6 interrompre ici.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez utilisé presque deux heures déjà.
8 Monsieur, donc demain vous reviendrez pour l'audience qui débutera à 9
9 heures du matin. D'ici là vous ne rencontrez pas M. le Procureur, puisque
10 comme vous avez prêté serment, vous êtes maintenant le témoin de la justice
11 et vous ne rencontrez personne.
12 J'invite donc tous les participants à revenir pour l'audience qui
13 débutera demain à 9 heures. Je vous remercie.
14 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mardi 7
15 novembre 2006, à 9 heures 00.
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