Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 6 décembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

7 l'affaire, s'il vous plaît.

8 M. LE GREFFIER : Bonjour, Monsieur le Président. Affaire

9 IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je salue toutes les

11 personnes présentes, je salue les représentants de l'Accusation, les

12 avocats, MM. les accusés, et M. le Greffier qui nous est revenu parmi nous.

13 Nous devons poursuivre nos travaux par l'audition du témoin présent dans la

14 salle, donc, nous allons passer en audience à huis clos.

15 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

16 [Audience à huis clos partiel]

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22 [Audience publique]

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Madame Egels, vous avez la parole.

24 Mme EGELS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, bonjour à tous.

26 Interrogatoire principal par Mme Egels :

27 Q. [interprétation] En 1993, le témoin est partie avec sa famille à Visici

28 dans municipalité de Capljina. Aux environs du 15 avril 1993, les soldats

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1 du HVO sont venus à sa maison pour arrêter son mari mais ne l'ont pas

2 trouvé. Aux environs du 20 avril, les soldats ont fouillé sa maison pour

3 essayer d'y trouver des armes. Depuis le 15 avril 1993, le HVO a continué à

4 arrêter des hommes musulmans qui étaient armés à Dretelj ou Gabela. Le 1er

5 juillet 1993, le HVO a arrêté tous les hommes musulmans de Visici quelque

6 soit leur appartenance ou leur statut civil ou militaire, quelque soit leur

7 état de santé ou leur âge.

8 A la fin de juillet 1993, la mosquée à Visici a été détruite. Le 11 août

9 1993, le témoin ainsi que d'autres femmes et d'autres enfants a été arrêtée

10 par le MUP de Capljina et a été emmenée à Tasovcici où elles ont été

11 gardées dans une maison privée. Plus tard d'autres femmes ont été amenées à

12 cette maison à Tasovcici. Les civils, confinés dans cet endroit ont été

13 interrogés par des membres du MUP et du SIS.

14 Le 7 octobre 1993, le témoin était transféré par la police dans des

15 entrepôts de Capljina où les conditions de détention étaient épouvantables.

16 Dans les entrepôts ou les silos, le témoin a vu deux hommes être emmenés et

17 être passés à tabac. Elle les a entendu être battus, roués de coups. Elle a

18 également entendu que les femmes ont été emmenées, on leur a dit de se

19 promener nu. Les détenus étaient malmenés physiquement et tourmentés

20 mentalement.

21 Le 11 ou le 12 octobre 1993, les hommes musulmans qui étaient détenus à

22 Gabela ont été emmenés aux silos pour qu'ils soient cachés des gens de la

23 Croix-Rouge qui visitaient Gabela. Le 19 octobre, le témoin a été

24 transférée au dortoir des étudiants de Capljina parce que les silos étaient

25 devenus trop froids pour les enfants qui y étaient détenus. Elle est restée

26 dans le dortoir des étudiants jusqu'au 10 juin 1994 quand elle a été

27 libérée par l'intervention de la Croix-Rouge.

28 Q. Bonjour, Témoin CN.

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1 R. Bonjour.

2 Q. Le 29 mars 2001, vous avez donné une déclaration à l'enquêteur du

3 bureau du Procureur de ce Tribunal; est-ce exact ?

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. A l'époque où vous avez fait cette déclaration, est-ce que vous l'avez

6 donnée en toute honnêteté ?

7 R. Oui.

8 Q. Avez-vous répondu aux questions librement ?

9 R. Oui.

10 Q. A la fin de cette entrevue, vous a-t-on donné lecture de votre

11 déposition dans votre propre langue ?

12 R. Oui.

13 Q. Avez-vous alors signée la version anglaise de votre déposition ?

14 R. Oui.

15 Q. Témoin, pourrais-je vous demander d'examiner la pièce 9754. Mme EGELS :

16 [interprétation] A cet effet, Monsieur le Président, je vous demanderais de

17 passer à huis clos partiel puisque ce document est sous pli scellé.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, nous passons à huis clos.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

20 le Président.

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2 [Audience publique]

3 Mme EGELS : [interprétation]

4 Q. Témoin CN, quand nous nous sommes réunis hier, vous, moi et un

5 enquêteur, vous a-t-on donné l'opportunité de lire votre déposition dans

6 votre propre langue ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-il exact de dire qu'en relisant cette déposition dans votre propre

9 langue, vous avez voulu y apporter de petites corrections ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Est-il exact de dire qu'à la page 2, paragraphe 9 de la déclaration

12 dans sa version anglaise et à la page 3 en 3e paragraphe de la version en

13 bosnien, vous avez spécifié que la mosquée de Visici a été détruite en

14 juillet et que l'année était 1993 ?

15 R. Oui, oui.

16 Q. A la page 3, au paragraphe 8 de la déclaration en anglais et à la page

17 5, premier paragraphe de la version en bosnien, vous avez déclaré - et ici

18 je cite la phrase : "J'ai reconnu le policier qui est venu dans ma maison,

19 c'était quelqu'un dont je ne connaissais pas le prénom et un autre." Ceci

20 doit être remplacé par : "J'ai reconnu le policier qui est venu dans la

21 maison, l'un venait de Konjic et l'autre de Celjevo. Je ne connais pas

22 leurs noms."

23 R. Oui.

24 Q. Si vous deviez donner aujourd'hui dans ce prétoire un témoignage, est-

25 ce que le contenu de cette dite déposition serait le même que votre

26 déclaration préalable ?

27 R. Oui.

28 Q. Témoin CN, j'aimerais maintenant que vous examiniez la pièce 1900 qui

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1 se trouve en liasse de documents devant vous.

2 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me permettez

3 d'intervenir pour ne pas perdre de temps plus tard pour des raisons

4 pratiques, à la page 6 à la ligne 21, il est dit que le témoin confirme que

5 la mosquée à Visici a été détruite en juillet et que l'année était 1993.

6 Hier soir, tard dans la soirée, nous avons reçu une correction qui dit que

7 c'était au mois de juin. Enfin, je ne sais pas si c'est le compte rendu

8 d'audience qui est erroné, mais je vous prie de m'excuser parce que l'on

9 vient de m'informer qu'une nouvelle correction a été reçue ce matin.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Cela ne m'a pas échappé puisque dès ce matin,

11 j'ai vu qu'il y avait juin ou juillet.

12 Alors, Madame, la mosquée a été détruite en juin 1993 ou juillet 1993 dans

13 votre souvenir ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] En juillet 1993, le septième mois de l'année,

15 juillet.

16 Mme EGELS : [interprétation] Très bien.

17 Q. TEMOIN CN, pour en revenir à la pièce 1900. Dans votre déclaration vous

18 avez parlé de soldats du HVO qui sont venus dans votre maison, aux environs

19 du 15 avril 1993 pour arrêter votre mari qui était un membre de l'ABiH. Ce

20 document est un ordre donné par le commandant Obradovic qui porte la date

21 du 16 avril 1993. J'aimerais que vous examiniez le point 2, à la page 1 des

22 deux versions, aussi bien la version anglaise que la version en bosniaque

23 de ce document.

24 Sous ce point, il est écrit, et je cite : "Tous les membres de l'ABiH

25 qui portent des armes ou des insignes doivent être arrêtés immédiatement et

26 détenus pendant 15 jours." Est-ce que ceci correspond à votre expérience

27 sur le terrain ?

28 R. Oui.

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1 Q. Puis-je maintenant vous demander d'examiner la pièce 3057 ? Dans votre

2 déclaration, vous avez parlé de l'arrestation de Musulmans dans votre

3 village le 1er juillet 1993. Puis-je vous demander de vous tourner --

4 d'examiner la page 2, le paragraphe 2 de la version en bosnien. C'est la

5 page 3, le premier paragraphe de la version anglaise, sous le chapeau :

6 "Eléments relatifs à la sécurité."

7 Est-ce que ceci correspond à ce que vous avez vu se produire sur le

8 terrain ?

9 R. Oui.

10 Q. Pourriez-vous prendre la pièce 3057 ? Ce paragraphe décrit la prise de

11 Musulmans qui étaient éligibles pour le service militaire et c'est un ordre

12 qui porte la date du 1er juillet 1993. Est-ce que ceci correspond à votre

13 perception des faits sur le terrain le 1er juillet 1993 ?

14 R. J'aimerais l'exprimer de la manière suivante. Il y avait bien plus de

15 monde que les 161 personnes qui ont été mentionnées ici, parce qu'ils

16 étaient en train de rassembler tous les hommes en âge de porter les armes à

17 l'époque, mais il y avait également des enfants et des personnes âgées.

18 Q. Témoin, puis-je maintenant vous demander d'examiner la pièce 9086. Il

19 s'agit d'une série de photographie. Reconnaissez-vous les lieux ?

20 R. Le silo à Capljina.

21 Q. Pour le compte rendu d'audience, il s'agit de la première page de cette

22 liasse. Alors, pour ce qui est de la photographie sur la deuxième page de

23 cette liasse, reconnaissez-vous ce lieu ?

24 R. C'est également le silo. C'est par là que nous entrions dans le silo.

25 Q. Alors, la troisième page de cette même liasse ?

26 R. Comme j'entrais et je sortais d'ici par l'autre porte, mais il me

27 semble que l'entrée est à l'extrémité. Je ne sais pas de quelle extrémité

28 il s'agit, mais je suis sûre qu'il s'agit du bâtiment, du silo.

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1 Q. Qu'en est-il de la quatrième page de cette même liasse ?

2 R. Je ne suis jamais passée par cette porte-là, pour autant que je m'en

3 souvienne. Je sais qu'il y avait des marches et ceci me dit quelque chose,

4 la deuxième photographie. Mais il s'agit bien du silo, cela est sûr.

5 Q. La dernière page de cette même liasse ?

6 R. Je ne reconnais pas ceci.

7 Q. Pouvez-vous maintenant examiner la pièce 9285 ? Reconnaissez-vous ce

8 bâtiment ?

9 R. C'est la mosquée à Visici qui existait avant la guerre et qui a été

10 détruite.

11 Q. La page suivante de cette même liasse ?

12 R. C'est également la mosquée, prise d'un point de vue différent.

13 Q. Merci, Témoin CN.

14 Mme EGELS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

15 n'ai plus d'autres questions à poser à ce témoin.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Egels, juste une petite interrogation de ma

17 part. Vous lui avez présenté les photos. Il y en a qu'elle a reconnues,

18 d'autres qu'elle n'a pas reconnues. Pendant la phase du proofing, vous lui

19 avez montré les photos, oui ou non ?

20 Mme EGELS : [interprétation] Oui, je l'ai fait, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, quel est l'intérêt à l'audience de lui

22 présenter des photos où elle dit : "Je ne connais pas la photo." Est-ce

23 qu'il n'aurait pas mieux valu ne pas, à l'audience, lui montrer une photo

24 qu'elle ne connaît pas ? On aurait gagné du temps.

25 Mme EGELS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : D'autant que, concernant le silo, plusieurs témoins

27 nous ont déjà dit : "Oui, c'est le silo." Alors, voilà. Bien. Merci,

28 Madame.

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1 Juste une brève question de ma part, qui n'est pas très compliquée. Vous

2 avez dit tout à l'heure que vous aviez reconnu des policiers. L'un venait

3 de Konjic, l'autre de Celjevo, mais vous avez dit : "Je ne connais pas leur

4 nom." Alors, comment pouvez-vous reconnaître des policiers, sachant qu'ils

5 venaient de deux localités différentes ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Celjevo se trouve tout à côté de Visici. C'est

7 le village voisin dans le même alignement, donc, je connais tous ces gens.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, c'était des policiers que vous

9 connaissiez déjà ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais avant qu'ils viennent pour vous arrêter, ces

12 individus, c'était déjà des policiers, ou vous avez découvert qu'ils

13 étaient policiers le jour où ils sont venus, alors même que vous les

14 connaissiez de manière différente ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pourrais l'expliquer comme suit. Quand nous

16 avons été emmenés, quand on nous a emmenés de notre maison, vers la maison

17 de Dino Traljovic -- ou Tasovic [phon], il y avait une voiture de police et

18 il y avait un policier qui avait toujours été policier auparavant et à ce

19 moment-là.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, ils sont venus dans une voiture de police et

21 c'est une voiture de police que vous connaissiez déjà ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, petite précision, mais peut-être que vous ne

24 pouvez pas répondre. Dans votre souvenir, ces policiers, c'était des

25 policiers civils, du MUP, ou des policiers militaires ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était des policiers de la police civile.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Alors, maintenant, la Défense. On va refaire

28 le tour habituel.

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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

2 les Juges, Madame. Nous n'avons pas de questions à poser à ce témoin et

3 nous la remercions d'être venue déposer devant ce Tribunal.

4 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, selon l'ordre établi

5 pour ce matin, le conseil de la Défense pour le général Praljak est avant

6 moi et il aimerais poser quelques questions au témoin.

7 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :

8 Q. [interprétation] Bonjour, Madame. Mon nom est Praljak.

9 R. Bonjour.

10 Q. J'aimerais en revenir à 1992. J'ai une question ensuite à vous poser

11 concernant la mosquée. Est-il exact de dire qu'en 1992, Visici avait été

12 bombardée par des frappes aériennes par la force aérienne de l'arrêt de

13 Patajoveta [phon] ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-il également vrai -- exact de dire qu'à l'époque, c'est-à-dire en

16 1992, les Serbes ont pris le contrôle de toute la région de Stola jusqu'à

17 la rivière Neretva à Capljina ?

18 R. Les régions de Dubrava et Stolac, oui.

19 Q. Merci. Bien. Alors que les bombardements sur toutes ces municipalités,

20 y compris votre village, vous avez dit que vous avez quitté votre village

21 avec votre enfant vers la Croatie où vous avez passé plusieurs mois; est-ce

22 exact ?

23 R. Oui, à Grac.

24 Q. A Grac. Bien. D'accord. Alors, est-ce qui que ce soit vous a forcée à

25 retourner ou pouvez-vous rester à Gradac ?

26 R. Oui, je pensais que je pourrais retourner. Oui, j'y suis allée

27 délibérément.

28 Q. Vous avez pensé qu'après que ces gens avaient été libérés, vous

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1 pourriez vivre là normalement?

2 R. Oui. J'y suis retournée de mon propre chef et sur ma propre

3 responsabilité. Je savais ce qui m'y attendait mais j'ai décidé de

4 retourner à la maison néanmoins.

5 Q. Bien. Je vous remercie. Vous dites que : "La Brigade Bregova de l'ABiH

6 a été formée, mon mari a rejoint ces rangs."

7 R. C'est exact.

8 Q. Est-ce qui que ce soit l'a empêché ou était-ce délibérément -- avait-il

9 le choix ? Est-ce que la brigade fonctionnait normalement ? Avait-il le

10 choix ?

11 R. C'était son choix.

12 Q. Bien. D'accord. C'était son choix. C'était bien son choix et c'était à

13 la fin de 1992.

14 R. C'était en 1993. Excusez-moi, en 1993.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez de dire en répondant au général Praljak

16 que suite aux bombardements des Serbes vous avez quitté votre village pour

17 aller en Croatie. Pouvez-vous nous dire de quel mois -- à quel mois vous

18 êtes restée en Croatie ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] D'avril 1992, peut-être deux mois et demi.

20 J'étais là en tout cas pendant le mois d'avril et de mai. Avril et mai,

21 certainement.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous étiez en Croatie, vous pouviez vous

23 déplacer librement sur le territoire, vous étiez libre de vos mouvements.

24 Vous n'étiez pas contrôlée.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'étais libre de circuler.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez décidé, fin mai ou début juin -

27 parce que vous dites que vous êtes restée deux mois - de retourner dans

28 votre village, c'est librement que vous êtes repartie chez vous ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, je l'ai fait délibérément. Quand je

2 suis retournée dans mon village, bien d'autres n'ont pas fait le même

3 choix. C'est vraiment un choix que j'ai pris moi-même.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, vous dites que d'autres n'ont pas fait le

5 même choix. Vous en connaissez les raisons ou pas ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, certains ne se sentaient pas en

7 sécurité. D'autres ne voulaient pas retourner. C'étaient à eux de décider.

8 En ce qui me concerne, j'ai décidé de retourner.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, vous dites qu'ils ne se sentaient pas en

10 sécurité; à cause des Serbes ou à cause d'autres personnes ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, vous savez, on ne sait jamais très bien,

12 en temps de guerre, on ne sait jamais ce qui va se passer. Au moment où on

13 se trouve en territoire libre et une seconde après, ce n'est plus un

14 territoire libre.

15 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

16 Q. Pouvons-nous dire alors qui est plus vraisemblable que vous ayez

17 retourné en juin 1993 parce que c'est quand le plateau de Dubrava a été

18 libéré ?

19 R. Oui, on pourrait dire cela.

20 Q. En 1992 ?

21 R. Oui, en 1992, mais mon mari n'a pas rejoint les rangs de l'armée en

22 1992, comme vous l'avez dit.

23 Q. Mais ce n'est pas ce que j'ai dit. Madame, ne n'est pas ce que j'ai

24 dit. Je ne sais pas. Terminons pour ce qui est de cette partie-là. Ces

25 autres personnes qui craignaient encore de rester là, qui se demandaient si

26 le territoire était libre, ils pouvaient librement rester en Croatie

27 encore ?

28 R. Oui.

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1 Q. Peut-être vous ne le savez. Mais est-ce que vous savez que la Brigade

2 Bregava a été formée par des Musulmans comme on les appelait à l'époque à

3 la fin de l'année 1992 ?

4 R. Je ne m'y connais pas.

5 Q. Votre mari est allé dans l'Unité appelée Bregava -- Brigade Bregava de

6 son propre gré. C'était son choix, cette brigade se trouvait à Gubavica et

7 personne ne l'a empêché dans ce dessein ?

8 R. C'est la décision qu'il avait prise.

9 Q. Très bien. Dans votre déclaration, à la page 4, vous dites : "On est en

10 train de parler de l'année 1993, deux Croates sont venus qui faisaient du

11 trafic des gens jusqu'en Croatie."

12 R. Oui. Ils les transportaient.

13 Q. Tout d'abord il était évident qu'il y avait dès ce moment-là des

14 trafiquants qui gagnaient de l'argent en faisant du commerce avec des

15 gens ?

16 R. Cela c'est leur affaire.

17 Q. Puis, deuxièmement, lorsque vous traversiez du côté de la Croatie ou

18 plutôt ces personnes-là ils pouvaient circuler librement en tant que

19 réfugiés. Ils étaient libres de circuler partout.

20 R. Par la suite c'était plus difficile.

21 Q. C'était avant ?

22 R. C'était toujours -- il était toujours possible d'être arrêté. C'était

23 une décision personnelle de chaque individu, mais le risque était réel.

24 Q. Je ne comprends pas. En Croatie, il y avait entre 500 et 600 000

25 réfugiés. Des gens étaient enregistrés, hébergés. Je ne sais pas qui était

26 arrêté. Est-ce que vous avez des exemples de ceux qui ont été arrêtés, bien

27 sûr, à moins qu'ils aient commis un délit ?

28 R. Tout cela c'est en 1992. En 1993, tout ceci a changé.

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1 Q. En 1993, en juin, les choses en Bosnie-Herzégovine, plutôt en

2 Herzégovine ont changé, mais qu'est-ce qui a changé en Croatie ?

3 R. D'après ce que d'autres personnes me disaient, je sais qu'ils avaient

4 beaucoup de gêne et ils étaient apeurés lorsqu'ils traversaient cette route

5 jusqu'à Zagreb, ils ne se sentaient pas en sécurité à Zagreb. Je ne sais

6 pas qui procédait aux arrestations.

7 Q. Excusez-moi, mais dites-moi, de quelles personnes il s'agit ? A ce

8 moment-là il y avait déjà entre 300 et 400 000 réfugiés de la Bosnie-

9 Herzégovine. Qui pouvait les arrêter, pourquoi, qui vous a raconté cela ?

10 Est-ce que vous pouvez nous donner les détails de l'expérience de cette

11 personne qui vous en a parlé ?

12 R. Ecoutez, à l'époque je n'étais pas à Zagreb. Je ne peux pas vous en

13 parler directement. Je me fonde uniquement sur ce que d'autres m'ont dit à

14 ce sujet.

15 Q. Merci. Je souhaite vous demander maintenant la chose suivante. Est-ce

16 que vous pouvez me dire avec exactitude quelle est la date à laquelle la

17 mosquée dans votre village a été démolie ?

18 R. Je ne connais pas la date exacte. C'était vers la fin du mois de

19 juillet. Peut-être vers le 17, mais je ne connais pas la date exacte. Cela

20 c'est fait à deux reprises. Une fois la mosquée a été détruite. Ensuite, le

21 lendemain il y avait une pause, et c'était seulement le troisième soir que

22 le minerai a été démoli.

23 Q. Vous croyez que c'était vers la fin du mois de juillet.

24 R. Oui. Ce n'était pas au mois de juin, alors que c'était au mois de

25 juillet.

26 Q. Le mois de juillet compte 30 jours. Est-ce que vous pouvez nous dire

27 quelque chose d'un peu plus précis ?

28 R. Ecoutez, peut-être vers le 16, 17. Au moment de la déclaration j'ai dit

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1 que c'était vers la fin, mais vraiment je ne connais pas la date exacte.

2 Q. Merci beaucoup.

3 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, pas de questions pour vous-même ?

5 M. KOVACIC : [interprétation] Non.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

7 Maître Alaburic.

8 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

9 bonjour. Bonjour à toutes les personnes présentes dans ce prétoire aussi.

10 Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :

11 Q. [interprétation] Je souhaite que l'on reparle maintenant de la pièce à

12 conviction de l'Accusation P 01900. Il s'agit d'un ordre donné par Knez

13 Domagoj, qui était le commandant de la 1ère Brigade du HVO.

14 R. Je ne peux pas le trouver.

15 Q. Maintenant, c'est bon ?

16 R. Oui.

17 Q. Il s'agit donc d'un ordre en date du 16 avril 1993 dans lequel il est

18 dit qu'il n'est pas permis aux membres de l'ABiH d'entrer dans la zone de

19 responsabilité de la brigade entre Rotimlje et Drenovac. Puis, il est dit

20 que les personnes qui ne respectent pas les dispositifs de cet ordre seront

21 arrêtées et détenues pendant 15 jours. C'est au paragraphe 2. Dites-moi,

22 s'il vous plaît, est-ce que dans cette zone se trouvait effectivement la

23 1ère Brigade Knez Domagoj, était active ? De même que la Brigade de

24 Drenovac, qui était une Unité de l'ABiH ?

25 R. Probablement, mais je ne le sais pas avec exactitude.

26 Q. On sait que votre mari était au HVO.

27 R. Oui.

28 Q. D'après ce que vous avez dit, il a fui et passé du côté de l'ABiH pour

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1 rejoindre les rangs de la Brigade de Bregava. Est-ce que vous savez si, mis

2 à part ces deux autres unités, il y avait une quelconque autre unité

3 appartenant à une troisième armée qui était active dans cette région ?

4 R. Les gens de Visici ne faisaient pas partie de la Brigade de Knez

5 Domagoj. Il s'agissait d'une compagnie à part. Donc, les gens de Visici

6 n'avaient aucun contact avec ces unités de Knez Domagoj.

7 Q. Dites-nous, s'il vous plaît, si cette unité était une unité du HVO.

8 R. Oui, cela, je le sais. Je sais que c'était le cas.

9 Q. Peut-on conclure, alors, que dans cette région, les unités du HVO

10 étaient actives, de même que la Brigade de l'ABiH appelée Bregava; est-ce

11 exact ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que, par conséquent, cet ordre peut porter seulement sur les

14 membres de la Brigade de l'ABiH dont le nom était Bregava ? Donc c'était

15 les seules personnes qui auraient pu venir dans cette région et cet ordre

16 ne pouvait porter seulement sur eux ?

17 R. Ecoutez, vous me posez une question à laquelle je ne peux pas vous

18 répondre avec exactitude.

19 Q. Si vous m'avez dit que, dans cette région, il n'y avait pas d'autres

20 Unités de l'ABiH --

21 R. Ecoutez, je n'étais pas membre de l'ABiH et vraiment, je ne peux pas

22 vous répondre à cette question.

23 Q. Madame le Témoin, vous avez dit, en répondant aux questions, que la

24 situation sur le terrain ressemblait justement à ce qui est dit dans cet

25 ordre. C'est la raison pour laquelle je suis en train d'analyser cet ordre

26 avec vous.

27 R. Ecoutez, je sais seulement pour mon mari, qui faisait partie de l'ABiH.

28 Mais tout le reste, je l'ignore.

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1 Q. Regardez, s'il vous plaît, Madame, au fond de ce document à gauche, à

2 qui cet ordre a été envoyé. Est-ce que vous pouvez lire qui était le

3 quatrième destinataire ?

4 R. Oui. La Brigade de Bregava.

5 Q. Très bien. Donc cet ordre a été envoyé à l'ABiH.

6 R. D'après ce qui est écrit.

7 Q. Savez-vous, compte tenu du fait que votre mari faisait partie des deux

8 unités, que -- Savez-vous que le HVO et la Brigade de Bregava avait partagé

9 la zone de responsabilité. Par conséquent, la Brigade de Bregava contrôlait

10 entièrement une région, alors qu'une autre région était entièrement placée

11 sous le contrôle du HVO ? Le savez-vous ?

12 R. Vous ne pouvez pas me le demander.

13 Q. Le savez-vous ?

14 R. Non.

15 Q. Saviez-vous qu'entre l'ABiH et le HVO, il y avait un accord selon

16 lequel les membres de la Brigade de Bregava n'allaient pas venir dans la

17 zone de responsabilité, la zone contrôlée par le HVO, sans avoir notifié le

18 HVO au préalable ?

19 R. Non, je ne le sais pas vraiment.

20 Q. Savez-vous, Madame, que certains membres et groupes de membres de la

21 Brigade de Bregava se rendaient sur le territoire contrôlé par le HVO sans

22 avoir notifié en avance leur arrivée, contrairement à ce qui avait été

23 convenu ?

24 R. Non. Tout ceci, je l'ignore.

25 Q. Savez-vous, s'il vous plaît, s'il était possible de placer les membres

26 de ses propres unités ou des unités alliées, de les placer en détention

27 pendant 15 jours ?

28 R. Je ne suis pas au courant de tout cela.

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1 Q. D'accord. Nous allons examiner maintenant l'autre document présenté par

2 l'Accusation. Il s'agit du document P 03057. Vous l'avez trouvé, n'est-ce

3 pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Je vais vous poser une question au sujet de la partie qui vous a été

6 présentée par Mme le Procureur. Donc, vous avez confirmé que ce qui est

7 écrit dans ce document correspond à ce qui se passait sur le terrain,

8 notamment dans la partie intitulée "Les événements intéressants en matière

9 de sécurité." Donc, il s'agit d'un ordre de la Brigade de Knez Domagoj, au

10 sujet de l'arrestation de certaines personnes. La date est le 1er juillet

11 1993 et il est dit que cet ordre est le résultat des derniers événements à

12 Mostar.

13 Puisque vous avez confirmé que cette partie du document est conforme à la

14 vérité, est-ce que vous pourriez nous dire, s'il vous plaît, de quels

15 événements qui se sont déroulés à Mostar il est question ici.

16 R. C'était à Bijelo Polje, d'après mes souvenirs. Il s'agissait de ces

17 événements-là.

18 Q. Dites-vous, s'il vous plaît, ce qui s'est passé à Bijelo Polje ?

19 R. Je ne sais pas. Il y a eu un conflit entre l'armée et les membres du

20 HVO pour autant que je le sache.

21 Q. Comment est-ce que ce conflit a résulté ?

22 R. Je ne comprends pas.

23 Q. Quelle était l'issue de ce conflit ? Qui a vaincu ? Qui a gagné ?

24 R. L'ABiH, si mes souvenirs sont bons. Ils se sont emparés de ce

25 territoire.

26 Q. Très bien. Dites-moi, s'il vous plaît : ceci a aggravé la situation en

27 matière de sécurité dans cette région, d'après ces documents-ci ?

28 R. Mais le 14 ou plutôt, le 15 avril, ils étaient venus arrêter les gens,

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1 et non pas le 1er juillet. Donc c'est à ce moment-là que les arrestations

2 ont commencé, et pas le 1er juillet. Le 1er juillet, c'était les arrestations

3 en masse.

4 Q. Madame le Témoin, nous reparlons du mois d'avril 1993. Pour le moment,

5 nous parlons exclusivement de cet ordre. Puisque vous avez confirmé la

6 véracité de cet ordre, je vous pose une question au sujet de vos

7 connaissances. Si vous savez que le fait que l'ABiH s'est emparé de Bijelo

8 Polje a aggravé la situation en matière de sécurité dans cette région-là.

9 Que savez-vous au sujet de cette situation de sécurité ?

10 R. Le 1er juillet, dans la matinée, ils ont rassemblé tous les hommes et

11 non pas seulement les hommes en âge de combattre, mais il y avait des

12 personnes plus jeunes, de 17 ans peut-être, puis des personnes âgées aussi.

13 Q. Excusez-moi de vous interrompre, mais ces arrestations étaient la

14 conséquence de l'aggravation de la situation en matière de sécurité, comme

15 il est écrit dans ce document.

16 R. Je ne suis pas au courant de cela. Nous n'avions rien à faire avec tout

17 cela, croyez-moi.

18 Q. Lorsque vous dites "nous", est-ce que vous pourriez me préciser de qui

19 parlez-vous ?

20 R. Les gens de Visici, concrètement parlant, ceux qui y vivaient.

21 Q. Très bien. Maintenant, je souhaite vous poser une question au sujet de

22 vos déclarations contenues dans votre déclaration préalable. Vous avez dit

23 s'agissant de votre mari qu'il était au sein du HVO jusqu'à la mi-mars

24 1993, n'est-ce pas ?

25 R. Ecoutez, je ne connais pas le mois exact, je sais qu'il était d'abord

26 dans la Ligue patriotique, ensuite le HVO, ensuite dans l'ABiH. Mais

27 croyez-moi, je ne connais pas les dates exactes, ni le mois.

28 Q. Dans la déclaration préalable, vous avez utilisé le terme "fuir." Vous

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1 avez dit qu'il fui du HVO. Pourquoi avez-vous dit qu'il avait fui du HVO ?

2 R. Non, c'était peut-être une erreur. Il est passé du HVO à l'ABiH, il a

3 pris cette décision.

4 Q. Dans votre déclaration, vous dites que les gens du HVO n'arrêtaient de

5 l'appeler, de lui envoyer des lettres mais qu'il les ignorait.

6 R. Ce sont ses affaires, je suppose qu'il avait ses propres raisons de

7 faire cela.

8 Q. Est-ce que vous savez quel était le contenu de ces lettres et de ces

9 appels ?

10 R. Non.

11 Q. Puisque vous dites qu'il les ignorait, est-ce que cela veut dire qu'ils

12 l'appelaient à rejoindre le HVO de nouveau ?

13 R. Je suppose qu'il avait ses propres raisons pour lesquelles il ne

14 souhaitait pas réintégrer le HVO.

15 Q. Mais est-ce qu'il était appelé à réintégrer le HVO, quelles que soient

16 les raisons pour lesquelles il ne répondait pas à ces appels ?

17 R. Je dois répondre, mais je ne sais pas. Tout simplement, je ne le sais

18 pas.

19 Q. Dites-nous, s'il vous plaît Madame, est-ce que vous savez comment le

20 HVO agissait lorsque l'un de ses membres ne se présentait pas auprès de

21 l'unité et qu'il était absent pendant une certaine période ? De quelle

22 manière est-ce que l'on établissait les raisons pour lesquelles la personne

23 était absente ?

24 R. Je ne le sais pas moi.

25 Q. Vous êtes en train de d'écrire la situation dans laquelle deux

26 personnes, deux officiers du HVO en uniforme --

27 R. Je n'ai pas dit que c'était des officiers.

28 Q. C'est ce qui est écrit dans la déclaration préalable. Vous voulez dire

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1 des soldats ?

2 R. Soldats.

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6 R. Oui.

7 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, mes collègues

8 m'avertissent, c'est vrai, j'ai lu une partie de la déclaration. Je n'ai

9 pas du tout pensé au fait que cela pouvait poser des problèmes. Mais

10 puisque ceci a été marqué --

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier, faites un ordre, s'il

12 vous plaît pour expurger ceci du compte rendu.

13 Mme ALABURIC : [interprétation] Je souhaite que l'on passe à huis clos

14 partiel parce que je souhaite que l'on traite de cette partie de la

15 déclaration.

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17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

18 partiel, Monsieur le Président.

19 [Audience à huis clos partiel]

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5 [Audience publique]

6 Mme ALABURIC : [interprétation]

7 Q. Donc, ces deux soldats sont venus, ils vous ont demandé -- donc ces

8 deux soldats sont venus, ils vous ont demandé si votre mari était à la

9 maison. Vous avez répondu que non et ils sont partis. Est-ce exact ?

10 Est-ce que vous pourriez vous rappeler à présent s'il était habituel, si

11 quelqu'un ne se présentait pas dans son unité, que quelqu'un de son unité

12 vienne chez lui pour vérifier de quoi il s'agissait, si la personne était

13 malade, si elle était absente pour une autre raison ?

14 R. A ce moment-là, il ne faisait partie d'aucune unité militaire.

15 Q. Je pense que nous devrons répéter la question et la réponse car il y a

16 eu une petite confusion dans le compte rendu d'audience. Donc ma question à

17 laquelle la réponse n'a pas été enregistrée était la suivante : Deux

18 soldats du HVO sont venus chez vous, ils vous ont dit qu'ils cherchaient

19 votre mari, ils ont dit que -- vous avez répondu qu'il n'était pas là et

20 ils sont partis, n'est-ce pas ? Veuillez parler un peu plus fort.

21 R. Oui, mais ils cherchaient son mari aussi qui à ce moment-là n'était

22 dans aucune formation militaire.

23 Q. Ma question suivante était de savoir si vous saviez si quelqu'un était

24 absent d'une unité, si quelqu'un de l'unité venait à la maison pour

25 demander de quoi il s'agissait, si la raison de l'absence était une maladie

26 ou autre chose. De toute façon il fallait établir pour quelle raison le

27 soldat ne s'était pas présenté auprès de son unité ?

28 R. Je ne le sais pas moi.

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1 Q. Très bien. Dans ce cas-là, nous allons poursuivre. Dites-nous : de

2 quelle manière agissaient les soldats du HVO lorsqu'ils venaient poser des

3 questions au sujet de votre mari, lorsqu'ils demandaient des armes, lorsque

4 par la suite ils venaient auprès de vous ? Est-ce qu'ils vous croyiez

5 lorsque vous disiez que votre mari n'était pas chez vous ?

6 R. La deuxième fois qu'ils sont venus il y avait plus de dix soldats qui

7 étaient armés, qui sont entrés sans poser de questions, sans rien dire. Ils

8 ont fouillé partout dans la maison, dans la cour, dans le garage. Ils ont

9 entrés librement.

10 L'INTERPRÈTE : Les interprètes notent qu'ils entendent très mal le témoin.

11 Peut-on lui demander de s'approcher du micro ? Merci.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Madame, quand vous parlez, essayez d'approcher

13 du micro pour qu'on vous entende bien.

14 Mme ALABURIC : [interprétation]

15 Q. Dites-moi, s'il vous plaît : lorsque votre mari était au sein du HVO,

16 est-ce qu'il avait reçu des armes ?

17 R. Pour autant que je m'en souvienne, il n'apportait pas d'armes à la

18 maison. Je ne peux pas vous répondre avec exactitude.

19 Q. Dites-nous s'il vous plaît si vous savez s'il a rendu les armes au HVO

20 au moment où il a décidé de fuir comme vous le dites, à l'ABiH ?

21 R. Croyez-moi, je ne le sais pas.

22 Q. Est-ce que les soldats du HVO qui venaient fouiller votre maison ? Est-

23 ce qu'ils vous ont fait clairement savoir qu'il s'agissait du fait qu'il

24 fallait qu'ils établissent s'il y avait des armes cachées chez vous ?

25 R. Ils cherchaient surtout des armes, oui.

26 Q. Madame le Témoin, dans votre déclaration vous avez parlé de nombreuses

27 arrestations vers la mi-avril 1993, n'est-ce pas ?

28 R. Oui.

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1 Q. Pourriez-vous nous dire qui a été arrêté ? Si vous le savez, dites-

2 nous, s'il vous plaît, si c'était un membre de l'armée, si c'était une

3 personnalité importante dans votre communauté, s'il exerçait des fonctions.

4 R. Faut-il que je mentionne des noms ?

5 Q. Si vous les avez, si vous allez mentionner les noms --

6 Mme ALABURIC : [interprétation] Je ne sais pas, Monsieur le Président, s'il

7 faut passer à huis clos partiel pour mentionner les gens qui ont été

8 arrêtés, mais, si nécessaire, nous pouvons le faire.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer en huis clos.

10 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

11 [Audience à huis clos partiel]

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22 [Audience publique]

23 Mme ALABURIC : [interprétation]

24 Q. Témoin, ces arrestations se sont produites au début du mois de juillet

25 1993, j'ai quelques questions à vous poser sur le sujet, et j'aimerais

26 savoir quand vous dites qu'il y avait des gens qui avaient plus de 70 ans

27 qui ont été arrêtés.

28 Maintenant, puisque l'ordre du HVO faisait référence exclusivement à des

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1 hommes en âge de porter les armes, j'aimerais vous demander de nous donner

2 des exemples de ce que vous avez dit, puis je vous pose la question d'une

3 autre manière : connaissez-vous les noms de personnes qui avaient plus de

4 70 ans qui ont été arrêtés à l'époque ? Ensuite, après votre réponse, nous

5 pouvons repasser en audience à huis clos partiel.

6 R. Je n'ai pas dit de plus de 70 ans. J'ai dit jusqu'à 70 ans.

7 Q. Très bien. Maintenant connaissez-vous le nom de personne qui avait plus

8 de 60 ans quand ils ont été arrêtés ?

9 R. Oui, j'en connais.

10 Q. Alors, pouvons-nous repasser à huis clos partiel, s'il vous plaît ?

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Passons en audience à huis clos partiel.

12 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

13 [Audience à huis clos partiel]

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9 [Audience publique]

10 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci de m'avoir accordé ce temps, Monsieur

11 le Président. Tout d'abord, avant de commencer, je souhaite faire une

12 petite observation au sujet de la dernière série de questions posée par le

13 Juge Prandler car j'ai remarqué qu'à plusieurs reprises, il a posé des

14 questions au sujet du retour des gens chez eux.

15 Il s'agit d'une question extrêmement compliquée en Bosnie-

16 Herzégovine. Personnellement, j'ai travaillé là-dessus et je sais à quel

17 point c'est compliqué. Si cette question est posée en raison de l'intérêt,

18 je n'ai pas d'objection, mais ceci ne fait pas l'objet de l'acte

19 d'accusation, la question de savoir si quelqu'un est rentré chez lui, en ce

20 moment, car il peut y avoir des raisons différentes. Pendant la guerre ou

21 après la guerre, les gens changent de lieu de résidence, mais après,

22 parfois, c'est impossible de renter, parce qu'il n'y a plus d'endroit ou

23 rentrer ou pour toute sorte de raisons. C'est tout simplement une

24 observation que je fais. Ce n'est pas une critique ou un reproche, mais

25 j'ai l'impression que d'une certaine manière, c'est lié -- C'est censé

26 d'être lié aux faits sur lesquels vous allez fonder votre décision à la

27 fin. Par rapport à ce que j'ai annoncé hier, j'ai l'impression que --

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour une clarification, Maître Karnavas, vous venez

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1 de le dire, c'est une question très complexe, effectivement. N'oublions pas

2 que dans l'acte d'accusation, il est allégué que des propriétés, des

3 appartements appartenant à des Musulmans ont fait l'objet par le HVO de

4 mesures d'expulsion pour loger, pour loger des Croates. Donc, n'importe

5 quel Juge, lisant cela dans un acte d'accusation, a l'esprit de vérifier si

6 ces appartements réquisitionnés peut-être - parce qu'ils ont peut-être été

7 réquisitionnés ou des appartements occupés de manière illégale - est-ce

8 qu'ils ont été restitués ultérieurement à leurs propriétaires légitimes ?

9 Soit dans le cadre de procédure judiciaire, d'où la question qui a été

10 posée tout à l'heure pour savoir s'il y avait eu une action judiciaire ou

11 parce que le gouvernement actuellement a pris des mesures de restitution,

12 donc, c'est quand même une question qui est importante et qu'on ne peut pas

13 passer sous silence.

14 Monsieur le Juge Prandler veut aussi intervenir.

15 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci beaucoup. Oui, effectivement.

16 Tout d'abord, je souhaite remercier Me Karnavas de répondre à la question

17 que j'ai posée au témoin et je prends note de son explication et je suis

18 sûr qu'il est un véritable expert en la matière et que souvent ces maisons

19 et propriétés ont changé de propriétaires au cours des dernières années de

20 la guerre. C'est la raison pour laquelle je pose cette question. Vous vous

21 souvenez peut-être que j'ai mentionné aussi -- j'ai demandé aussi s'ils

22 sont allés vivre dans une maison rendue vacante pour le départ d'un autre

23 Serbe ou Croate peut-être. Donc, c'est justement pour cette raison-là que

24 je pose cette question et c'est une question humanitaire, mais merci

25 d'avoir soulevé cette question.

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Juge Prandler,

27 de cette explication supplémentaire. Soyez rassuré, il existe une loi

28 concernant la restitution des biens et des propriétés. Elle est en train

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1 d'être harmonisée partout en Bosnie-Herzégovine.

2 En ce qui concerne la procédure, bien sûr, nous avons un système hybride

3 ici et nous essayons de trouver les manières de rendre notre travail plus

4 efficace. Ceux parmi nous, qui viennent du système du "common law", système

5 anglo-saxon, parfois nous avons dû nous adapter et nous continuons à le

6 faire. Mais parfois, nous avons l'impression qu'il existe des manières

7 permettant de rendre les choses plus rapides. D'un côté, il y a un

8 Règlement de procédure et de preuve bien strict toujours par rapport à la

9 manière dont les éléments de preuve sont admis car nous n'avons pas de

10 jury, mais des Juges professionnels. Donc, nous ne devons pas nous

11 préoccuper de la question de si nous allons influencer quelqu'un d'une

12 certaine manière.

13 Il est relativement facile de verser au dossier les documents, je

14 pense que les documents émanant du HVO ou de la HZ HB ou HR HB, je pense

15 que l'Accusation a pu assez facilement les verser au dossier, à moins qu'il

16 y ait eu des obstacles pour rapport à l'endroit où ils ont été trouvés ou

17 leur authenticité.

18 Je dis cela par rapport aux témoins qui déposition en vertu du 92 ter

19 car j'ai l'impression qu'il serait plus rapide de résoudre les questions de

20 manière -- résoudre la question et la difficulté du temps de manière

21 différente, si l'on lit le document. Si on a, par exemple, dix documents

22 que l'Accusation souhaite verser au dossier par le biais d'un témoin en

23 particulier, à mon avis, il faudrait que l'Accusation notifie cela à la

24 Défense, à la Chambre de première instance, en disant exactement le nombre

25 de paragraphes qui les intéressent et le lien entre cela et la déposition

26 du témoin.

27 Car ceci, d'autre part, n'est pas forcément nécessaire ici car nous

28 sommes devant des Juges professionnels qui peuvent lire les documents, et

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1 ils pourront faire référence au document dans leur mémoire de clôture.

2 Mais, bien sûr, il serait utile qu'ils indiquent quels sont les passages

3 pertinents. Ensuite, la Défense pourra se focaliser au cours du contre-

4 interrogatoire et poser des questions bien précises.

5 Autrement dit, c'est ainsi que les choses peuvent fonctionner plus

6 rapidement. Il est tout à fait clair que l'Accusation est bien préparée, et

7 a tous les documents en ordre. Ils savent exactement quels sont les

8 documents qu'ils souhaitent présenter et quels sont les articles qui les

9 intéressent. Donc, je pense que s'ils nous notifiaient en avance de cela,

10 nous pourrions rendre les choses plus rapides par rapport au témoin en

11 vertu du 92 ter.

12 Je pense que nous pouvons accélérer la procédure ainsi, et je pense

13 que ceci ne lésera aucune partie, s'agissant donc des témoins 92 bis et 92

14 ter car nous pouvons lire le document nous-mêmes.

15 Puis, d'autre part, par rapport aux notes de récolement, à mon avis,

16 il s'agit d'un système mixte, et ici, car le Procureur ne joue pas le rôle

17 du Juge d'instruction, et ses déclarations n'ont pas le même poids que les

18 déclarations prises par un Juge d'instruction, donc, il est tout à fait

19 normal que l'Accusation souhaite parler avec le témoin, le rafraîchir la

20 mémoire. Puisqu'il y a un problème de la langue, il faut faire en sorte que

21 le témoin liste la déclaration dans sa langue et apporte certaines

22 corrections. Les deux parties peuvent bénéficier de cette procédure.

23 Mais lorsqu'il y a des corrections, peut-être il serait plus efficace

24 d'agir différemment car hier nous avons passé 20 minutes à parler des

25 corrections. Je ne dis pas que c'est de la faute de l'Accusation, ni du

26 témoin, mais, tout simplement, c'est quelque chose qui prend beaucoup de

27 temps.

28 Bien sûr, nous avons la version en anglais. Peut-être il serait un

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1 peu difficile de demander à l'Accusation de traduire en B/C/S cette

2 nouvelle déclaration pour qu'il la vérifie après lecture et qu'il la signe.

3 Si, c'est difficile, mais je pense que, dans ce cas-là, peut-être un

4 assistant linguistique de l'Accusation pourrait relire au témoin cette

5 déclaration et les notes de récolement en lui disant : "Est-ce que vous

6 souhaitez apporter des corrections ?" Si le témoin dit : "Oui," dans ce

7 cas-là, il serait tout simplement possible de faire en sorte que les notes

8 de récolement fassent partie de la déclaration du témoin. Je pense que nous

9 pourrions économiser du temps ainsi.

10 Puis, j'ai remarqué que nous utilisons beaucoup de photographies.

11 Certaines photographies ont déjà été présentées, les endroits ont été

12 identifiés, donc, il n'y a pas de dilemme sauf que l'Accusation souhaite

13 s'assurer que le témoin en question peut identifier la caserne en question.

14 Donc, à moins que ceci soit contesté par la Défense, à moins que la Défense

15 ne dise que le témoin ne peut pas reconnaître ces lieux, je pense que ceci

16 ne devrait pas poser de problèmes. En général, cela ne pose pas de

17 problèmes.

18 Mais, hier, une photo a été montrée au témoin - c'était un village -

19 et ensuite, on demandé au témoin de montrer sa maison et puis, on a passé

20 trois, quatre minutes avec l'Huissière qui a dû se déplacer, le témoin a du

21 apporter des annotations à tout cela. Mais quelle est la pertinence de tout

22 cela ? C'est sa maison, donc, pourquoi demander au témoin de regarder la

23 photo, d'essayer d'identifier sa maison qui n'est même pas la photo, tout

24 simplement, pour pouvoir ajouter une pièce à conviction qui va, à la

25 limite, encombrer les Juges. C'est une photographie d'un village avec une

26 maison, mais pourquoi ? Quelle est la pertinence ? Car les questions

27 importantes n'étaient pas liées au fait que ces personnes venaient de ce

28 village en particulier. Donc, parfois, les photographies sont importantes,

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1 mais je pense que nous devons dépenser notre temps précieux d'une manière

2 différente.

3 Donc, nous sommes toujours en train de revivre ce même processus et

4 je me dis que peut-être il serait possible de surmonter ce genre de

5 difficultés et d'économiser du temps. Comme je le disais, bien sûr, je

6 comprends qu'il y a les deux systèmes. Je ne dis pas que le mien est

7 toujours meilleur, mais il y a parfois des idées qui peuvent être utiles.

8 Merci de votre attention.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais résumer ce qui vient d'être dit. Il y a

10 trois grands problèmes qui ont été soulevés par Me Karnavas. Tout d'abord,

11 les corrections aux déclarations écrites, Me Karnavas, à juste titre, met

12 en exergue le fait que l'on perd beaucoup de minutes dans la lecture de

13 corrections apportées par le témoin. Pour y remédier, Me Karnavas suggère

14 qu'il y ait une note de recollement qui s'ajouterait à la déclaration

15 écrite précisant cela. Comme la Défense en est informée avant l'audition du

16 témoin, cela lui permettra donc de vérifier.

17 Pour être sûr qu'il n'y ait pas d'erreurs, la Défense suggère que,

18 quand vous rencontrez le témoin, soyez assisté d'un assistant en B/C/S.

19 Avec le nombre de stagiaires que vous avez ou tout le personnel, cela ne

20 doit pas être une grande difficulté. Donc, cela permettrait déjà de gagner

21 beaucoup de temps.

22 Deuxième élément. Temps fort, c'est à partir des documents qui sont

23 présentés au témoin. Dans le document, les questions portent sur le

24 contenu, un paragraphe, et cetera. Il serait souhaitable d'identifier le

25 paragraphe, de l'indiquer, bien entendu, à la Défense et, à ce moment-là,

26 il y aurait un gain de temps, puisque la Défense saurait à l'avance quel

27 paragraphe vous voulez interroger le témoin.

28 Troisième temps fort, et je l'ai constaté aussi, c'est le problème des

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1 photos. Bon. Il y a X photos qui sont présentées. A titre d'exemple, les

2 photos du silo, peut-être on en a déjà eu une trentaine qui ont été

3 présentée à différents témoins. Bon. Ce n'est pas la peine de continuer à

4 présenter ce type de photos.

5 Ou, si la photo a une utilité, de savoir que la maison du témoin est à tel

6 endroit, bon, si ce n'est pas utile, ce n'est pas la peine. Si c'est utile,

7 parce que de sa maison, il a pu voir la mosquée ou je ne sais quoi, bon là,

8 cela peut peut-être être utile.

9 Donc, voilà trois propositions, moi, qui me paraissent très intéressantes.

10 Alors, je ne sais pas si M. Scott a eu le temps d'y réfléchir. Est-ce que

11 vous voulez apporter une observation ?

12 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. En ce qui concerne

13 les documents, je vais être très pondéré dans ma réponse, car j'apprécie

14 les commentaires utiles de la Défense et de la Chambre, mais cette question

15 concernant le versement au dossier a fait l'objet de discussions avant le

16 début ou dès le début du procès et l'Accusation considère que la plupart

17 des documents ne devraient même pas être présentés au témoin. La raison

18 pour laquelle nous le faisons est afin de permettre à la Chambre d'avoir le

19 respect de la procédure qu'elle avait proposé. Mais nous aimerions

20 beaucoup, et nous le proposions d'ailleurs, de verser au dossier plus de

21 documents sans le faire de manière aussi détaillée avec les témoins. La

22 Chambre est consciente de cela.

23 Cela dit, nous considérons que, lorsqu'il y a un document du HVO

24 concernant un rapport international qui parle de certains événements dans

25 une certaine région, et si le témoin peut confirmer le contenu de ce

26 document, que par rapport à sa propre expérience, que cela peut être utile.

27 Puis, nous pouvons assurer la Chambre du fait que, s'agissant de

28 chaque témoin, au jour le jour, nous limitons au maximum le nombre de

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1 pièces à conviction utilisées et présentées.

2 En ce qui concerne le fait de noter des passages en particulier,

3 Monsieur le Président, je vais prendre cela en considération de manière

4 supplémentaire et s'agissant de cela et des notes de récolement, j'ai un

5 commentaire général. J'ai demandé à la Chambre de première instance de

6 comprendre cela et de demander à la Défense de comprendre que parfois, il y

7 aura des difficultés de temps en temps, car nous sommes sans cesse en train

8 de devoir apporter des modifications. Nous avons les résumés. Nous avons dû

9 remplacer les documents sur le rétroprojecteur et tout cela. Donc, cela

10 prend souvent beaucoup de temps.

11 Je pense que, le plus souvent, ces documents sont d'une, deux ou

12 trois pages et donc, il est assez facile de retenir le passage qui est

13 pertinent et il n'est pas du tout nécessaire de dépenser beaucoup de temps

14 en faisant cela.

15 En ce qui concerne les photographies, bien sûr, peut-être au cours

16 des deux dernières journées, il y a eu certaines photographies qui ont été

17 montrées aux témoins alors que ce n'était pas forcément nécessaire, mais

18 tous les jours, nous présentons les éléments de preuve différents;

19 cependant, je pense que souvent, il est très utile de demander au témoin de

20 nous donner des détails liés aux photographies présentées. Donc, je pense

21 qu'il faut procéder au cas par cas.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je constate que vous n'êtes pas hostile aux

23 propositions et que vous allez essayer d'améliorer le fonctionnement. A

24 titre personnel, j'ajoute qu'en ce qui concerne les éléments de preuve, ce

25 n'est pas la quantité qui fait la qualité. Donc ce qui est important,

26 parfois, c'est d'avoir le bon élément de preuve.

27 A titre d'exemple, la Défense, tout à l'heure, c'était fort

28 intéressant, sur le partage des responsabilités entre l'ABiH et le HVO. Il

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1 y avait donc le document qui est à la cote 1900, qui montre bien qu'il y

2 avait une zone de responsabilité du HVO. Il aurait été utile pour les Juges

3 que la Défense, à ce moment-là, nous présente ou présente au témoin le

4 document sur l'accord entre le HVO et l'ABiH, ou un document de l'ABiH sur

5 le partage des responsabilités, pour qu'on confronte les deux documents.

6 Vous voyez ? C'est là où c'est utile et on gagne du temps. Alors, peut-être

7 que vous le ferez ultérieurement, je ne sais pas. Mais c'était peut-être là

8 la bonne occasion de dire au témoin : "Voilà. Il y avait un partage de

9 responsabilité. Je vous présente le document de l'ABiH qui montre qu'à

10 l'extérieur de la zone Rotimlje-Drenovac, il y avait une responsabilité;

11 est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?" Voilà.

12 Oui, Maître Alaburic.

13 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis absolument

14 d'accord avec vous, mais je peux vous dire pour quelle raison je ne

15 préparais pas ce genre de chose par rapport à ce témoin, car on m'a fait

16 objection, disant que j'essayais de parler des affaires militaires avec des

17 témoins qui sont des victimes et qui ne s'y connaissent pas en matière

18 militaire. C'est la raison pour laquelle je ne considérais pas qu'il fût

19 approprié que je vienne avec une carte qui délimiterait les zones de

20 responsabilité entre Knez Domagoj Brigade et la Brigade Bregava. Mais cela

21 dit, je suis entièrement d'accord avec vous et je pense que cela serait

22 utile.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Karnavas.

24 M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis entièrement d'accord avec Mme

25 Alaburic car nous savons que ce sont des témoins qui déposent au sujet des

26 faits liés aux crimes et parfois. Nous faisons objection à ce qu'on leur

27 pose des questions techniques car, bien sûr, nous ne pouvons pas vérifier

28 ce genre d'élément dans certains documents. Ils ne peuvent pas le savoir.

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1 Mais peut-être nous pouvons adopter la procédure que je suggère et dans ce

2 cas-là, la Défense pourrait avoir les documents déjà prêts et nous

3 pourrions nous préparer. Il ne nous est pas nécessaire de le faire avec les

4 témoins. Par exemple, il serait possible de vous dire qu'il y a certains

5 documents qu'il faudrait prendre en considération et qui sont liés à cela

6 car, sinon, nous allons en traiter par le biais de nos propres témoins.

7 Puis, je suis, bien sûr, comme disait Me Scott, nous ne sommes pas en

8 train de perdre trop de temps. Parfois, je pense que le temps est perdu. Je

9 n'essaie pas de critiquer qui que ce soit. Mais je pense que, parfois, il y

10 a des moments de clarté où je vois éventuellement la manière dont il serait

11 possible d'accélérer le processus, et en même temps, je suis souple et je

12 reconnais bien sûr que l'Accusation a le droit d'essayer de présenter les

13 documents de la manière qu'il leur convient le plus.

14 Cela dit, nous sommes préoccupés par ce qu'ils les intéressent, et

15 quelles sont les parties des documents qui les intéressent ? Parce qu'ils

16 souhaitent présenter des centaines ou des milliers de documents pages nous

17 avons besoin de savoir quels sont les paragraphes et les passages qui les

18 intéressent. Je ne vois pas où est le dilemme, mais je pensais que peut-

19 être nous pourrions arriver à des solutions raisonnables ensemble.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Merci.

21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Avec votre permission,

22 Monsieur le Président, je souhaite faire une déclaration personnelle. Je ne

23 serais pas dans ce prétoire au moment de l'audition du témoin suivant, même

24 si je serais toujours là, mais je dois partir très tôt demain matin, et

25 probablement le témoin déposera encore demain matin.

26 Je pense qu'il ne serait pas équitable vis-à-vis de la Défense si

27 j'entends en direct l'interrogatoire principal mais le contre-

28 interrogatoire seulement sur la base du compte rendu d'audience. Puis,

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1 peut-être je serais tenté d'intervenir au cours de la première partie mais

2 après cela ne sera pas possible. Donc, c'est mon explication. Merci.

3 M. KARNAVAS : [interprétation] On dirait que vous êtes un avocat de

4 la Défense, Monsieur le Juge Trechsel.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il est 11 heures moins 20. Nous sommes

6 obligés de faire une pause de 30 minutes à cause du transcript. Nous

7 reprendrons à 11 heures 10.

8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 40.

9 --- L'audience est reprise à 11 heures 13.

10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Madame. On va passer en audience à huis

12 clos.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

14 le Président.

15 [Audience à huis clos partiel]

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7 [Audience publique]

8 M. SCOTT : [interprétation]

9 Q. Madame, est-il exact qu'avant le 1er juillet 1993 vous et votre famille,

10 et d'autres Musulmans du village de Visici, vous habitiez dans une paix

11 approximative jusqu'à un moment donné ?

12 R. Oui.

13 Q. Cependant, le 1er juillet 1993, votre mari et votre enfant, votre fils

14 ont été arrêtés dans votre maison; est-ce exact ?

15 R. Oui, à 4 heures 1993, c'était le 1er juillet 1993.

16 Q. Pourriez-vous décrire au juste ce qui s'est passé ?

17 R. A 4 heures, le 1er juillet, les soldats du HVO sont venus à ma porte,

18 ils ont frappé à la porte, ils m'ont demandé d'ouvrir la porte, je l'ai

19 fait immédiatement. Ils m'ont demandé s'il y avait des hommes à

20 l'intérieur, je leur ai répondu, ils sont entrés dans ma maison. Ils ont

21 voulu réveiller mon fils. Je leur ai dit que j'allais le faire. L'autre

22 soldat est allé réveiller mon mari. J'ai réveillé mon fils rapidement, je

23 lui ai expliqué qu'il fallait qu'il se réveille.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites à 4 heures, c'est 4 heures du matin parce

25 que s'ils sont en train de dormir, c'est donc 4 heures du matin.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. A 4 heures du matin, oui.

27 M. SCOTT : [interprétation]

28 Q. Donc, vous avez réveillé votre fils. Ils sont venus, ils vous ont

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1 demandé s'il y avait des hommes dans ma maison. Vous avez répondu, ensuite,

2 vous êtes allé réveiller votre fils. Que se passe t-il par la suite ?

3 R. Ils leur ont dit qu'ils fallaient qu'ils les suivent. J'étais la mère

4 de cet enfant, je lui ai demandé pourquoi. Un des soldats m'a dit que son

5 camarade a été tué à Bijelo Polje. Je lui ai dit que mes hommes n'ont pas

6 fait cela, qu'ils étaient chez moi dans ma maison. Mais cette remarque n'a

7 servi à rien. L'autre soldat a crié, il voulait que mon mari se dépêche. Je

8 lui ai donné un petit peu de nourriture, il m'a dit -- le soldat m'a dit

9 qu'il n'avait pas besoin de la nourriture, que là où ils allaient, ils vont

10 avoir leur petit déjeuner. Puis, ils sont arrivés donc à la porte, ils

11 m'ont demandé à qui appartient ces maisons, ils faisaient référence aux

12 maisons de mes voisins. J'ai -- comme il m'a répété -- je n'ai rien

13 répondu, mais il a réitéré la question et j'ai répondu à haute voix, j'ai

14 dit : "Ce sont les maisons des Croates, ces maisons ne vous intéressent

15 pas." C'est à ce moment-là qu'ils sont partis et je ne savais pas où.

16 Q. Le 1er juillet 1993 ou autour de cette date-là, peut-être un ou deux

17 jours avant, ensuite, le 1er juillet, est-ce qu'il y avait des opérations de

18 combat dans le village ou autour du village ?

19 R. Non. Ni dans le village ni autour du village, pas du tout.

20 Q. Votre fils ou votre mari, est-ce qu'ils ont participé à des quelconques

21 activités militaires à cette époque-là autour de la date du 1er juillet

22 1993, et même à aucune date avant cela ?

23 R. Non. Ni avant, ni après, ni à cette date-là.

24 Q. Les soldats sont venus chez vous donc à 4 heures du matin le 1er

25 juillet, pourriez-vous décrire leur tenue vestimentaire ?

26 R. Ils portaient des uniformes de camouflage et ils avaient des visages

27 fins, de toutes les couleurs non reconnaissables.

28 Q. Est-ce que vous avez vu des insignes, des badges, des symboles sur

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1 leurs uniformes ?

2 R. Oui, bien sûr. J'ai vu des insignes du HVO.

3 Q. Donc, votre mari et votre fils ont été emmenés, le 1er juillet 1993. A

4 quel moment aviez-vous eu les premières informations les concernant ?

5 R. Une demie heure plus tard, j'ai appris où ils étaient.

6 Q. Où est-ce que cela se trouvait d'après ce que vous avez appris ?

7 R. Un camarade d'école de mon fils est passé à côté de chez moi. Je lui ai

8 posé la question et il m'a répondu qu'ils avaient été tous amenés à Dretelj

9 dans les dépôts d'essence de ce qui était -- qui appartenait auparavant à

10 la JNA.

11 Q. A nouveau nous allons en parler par la suite. Mais dites-nous d'emblée

12 à quel moment revoyez-vous pour la prochaine fois votre mari ?

13 R. Le 2 avril 1994.

14 Q. Votre fils, vous l'avez revu quand pour la prochaine fois ?

15 R. Le 1er août 1994.

16 Q. Qu'avez-vous fait après que votre mari et votre fils ont été amenés ce

17 jour-là ?

18 R. Comme toutes les femmes le feraient à ma place, j'ai essayé d'organiser

19 ma vie, je me suis occupé de la maison.

20 Q. Est-ce qu'à ce moment-là -- ce jour-là, est-ce que vous avez appris que

21 votre fils et votre mari n'étaient pas les seuls à avoir été emmenés, mais

22 que d'autres hommes musulmans de votre village ont été emmenés de la façon

23 similaire, arrêtés de la façon similaire ?

24 R. Je l'ai vu de mes propres yeux. J'ai vu de mes propres yeux comment on

25 a emmené un vieil homme et un ami à lui qui habitait avec lui et un réfugié

26 de Srebrenica. Je l'ai vu de mes propres yeux puisque ma maison n'était pas

27 loin de là.

28 Q. Est-ce qu'un groupe de soldats est venu chez vous ou dans une des

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1 maisons de vos voisins à peu près à ce moment-là ? Je parle de la date du

2 1er juillet après que votre époux et votre fils ont été emmenés ?

3 R. Je n'ai pas compris la question que vous m'avez posée.

4 Q. Je vous présente mes excuses. Est-ce que vous avez vu des soldats venir

5 dans les maisons de vos voisins, à peu près à cette époque-là, est-ce que

6 vous avez vu des soldats ou de groupes de soldats venir donc dans les

7 maisons de vos voisins dont je ne veux pas mentionner de nom pour des

8 mesures de sécurité ?

9 R. Monsieur le Président, je viens de vous dire que je les ai vus venir

10 près de la maison de ces voisins à moi.

11 Q. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé, ce qui est arrivé ? Est-ce

12 que l'on a emmené les habitants de cette maison ?

13 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, effectivement, j'ai vu

14 qu'il y avait un groupe de soldats qui avaient emmené ces deux vieillards.

15 Il y avait un vieil homme qui essayait de dire quelque chose et puis, un

16 soldat s'est approché de lui. Il lui a donné un coup de crosse de fusil. Il

17 lui a dit qu'il ne fallait pas qu'il parle; sinon, il allait les tuer et

18 les jeter avec les ordures.

19 Q. Est-ce que plus tard, au cours de cette journée-là, est-ce qu'il y

20 avait des soldats qui sont venus chez vous, dans votre maison, pour

21 fouiller la maison ?

22 R. Oui.

23 Q. Madame, je vais vous demander de nous dire ce qui s'est passé là-bas et

24 à un moment donné, je vais passer à huis clos partiel. Mais tout d'abord,

25 dites-nous s'il y avait des soldats qui sont venus donc dans votre maison ?

26 On va écouter la réponse que vous allez nous donner. A un moment donné, on

27 va vous arrêter pour peut-être passer à huis clos partiel. Donc, dites-nous

28 ce qui s'est passé.

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1 R. Mais je ne -- je comprends. Donc, une voiture rouge -- une camionnette

2 rouge est venue, s'est arrêtée devant chez moi. Trois soldats sont sortis

3 de ce véhicule. Ils sont entrés dans la cour de ma maison. J'étais là avec

4 mes deux filles. Ils voulaient que je leur donne le pistolet, le pistolet

5 que je n'avais pas. Le soldat m'a dit que mon mari avait reconnu qu'on

6 possédait un pistolet, et je lui ai répondu que ce n'était pas possible,

7 qu'il ne pouvait pas avouer une chose semblable. Ensuite, il m'a invité

8 d'entrer dans la maison, ou plutôt dans la chambre à coucher.

9 Q. Là, je vais vous arrêter, Madame.

10 M. SCOTT : [interprétation] Je vais demander que l'on passe à huis clos

11 partiel, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Une petite précision. D'après ce qu'on a compris, à

13 4 heures du matin, deux soldats qui étaient en tenue de camouflage avec le

14 visage peinturluré comme Rambo, rentrent chez vous, emmènent votre mari.

15 Donc, cela a dû prendre peut-être une demi-heure. Il est 4 heures et demie,

16 5 heures du matin. Après, vous dites que vous avez vu également d'autres

17 personnes. Alors, je vous pose la question : à quelle heure ? Cinq heures

18 du matin, 6 heures du matin, 7 heures du matin ? Dans l'après-midi ? Est-ce

19 que vous pouvez être précise sur les heures et, lorsque cette voiture

20 arrive avec trois individus, c'est à quelle heure ? Est-ce que vous pouvez,

21 dans votre souvenir, nous donner des précisions ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est à peu près à

23 10 heures du matin.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, quand la voiture vient, il est 10 heures du

25 matin. Quand vous avez vu vos voisins également emmenés, cela devait être

26 avant 10 heures du matin.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était à peu près à 5 heures du matin.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour ces précisions.

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1 Alors, nous allons passer pendant quelques instants à huis clos partiel.

2 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

3 [Audience à huis clos partiel]

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22 [Audience publique]

23 M. SCOTT : [interprétation]

24 Q. Madame, nous allons être très précis. En fait, je voudrais être très

25 précis. Je vous prie de bien vouloir faire attention aux noms que vous

26 pourriez éventuellement prononcer et aux informations que vous pourriez

27 considérer comme sensible. Donc, vous avez dit qu'il y avait ces soldats et

28 qui se trouvaient chez vous, qu'à un moment donné, il y avait un soldat qui

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1 est sorti du garage. C'était le deuxième soldat. Que s'est-il passé

2 ensuite ?

3 R. Il a dit qu'il n'y avait rien à trouver là-bas.

4 Q. Est-ce qu'il a mentionné la possibilité d'incendier le garage ?

5 R. Oui. A ce moment-là, je lui ai dit qu'il pouvait mettre le feu là où il

6 voulait, mais qu'il y avait des maisons croates autour. L'autre soldat a

7 dit qu'il fallait me frapper pour que j'arrête de parler.

8 Q. Que s'est-il passé après cela ? Est-ce que vous pouvez ajouter quoi que

9 ce soit d'autre que vous pouvez dire en public ? Que s'est-il passé

10 ensuite ? Est-ce que quoi que ce soit est arrivé avec votre voiture ?

11 R. Oui. Un soldat a pris son fusil et il a cassé le réservoir qui se

12 trouvait dans notre voiture. Il a pris un bidon qu'il avait dans sa voiture

13 et ils ont volé l'essence qui était dans la voiture. Ils ont pris aussi

14 quelque chose d'autres dans la voiture, mais je ne sais pas ce que c'était.

15 M. SCOTT : [interprétation] Bien. Là, Monsieur le Président, je voudrais

16 demander à nouveau à passer à huis clos partiel.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous repassons à huis clos partiel pendant

18 quelques instants.

19 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

20 [Audience à huis clos partiel]

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16 [Audience publique]

17 M. SCOTT : [interprétation]

18 Q. Madame nous sommes à nouveau en audience publique, donc, j'aimerais

19 vous mettre en garde de ne rien dire que vous avez dit au cours du huis

20 clos partiel.

21 Donc, pour suivre sur le point du Juge, je ne vous demande pas ce qui s'est

22 passé, mais je vous demande simplement de dire aux Juges si vous aviez le

23 téléphone dans votre maison, le 1er juillet 1993 ?

24 R. Messieurs les Juges, bien sûr, j'avais le téléphone, mais le téléphone

25 a cessé de fonctionner à partir du 1er juillet à 4 heures 15. J'ai essayé de

26 faire un appel téléphonique, mais le téléphone ne fonctionnait pas.

27 Q. Avez-vous découvert plus tard le même jour, ou le jour suivant, que

28 dans les maisons avoisinantes, des voisins croates avaient -- ou qui

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1 portaient noms croates, avaient le téléphone ou que les téléphones

2 fonctionnaient ?

3 R. Oui.

4 Q. Après ce moment-là, avez-vous commencé à séjourner avec vos voisins

5 après, avec vos voisins et amis après le 1er juillet 1993 dans le village ?

6 R. Oui. Je ne dormais plus dans ma maison à partir de ce moment-là.

7 Q. Ceci inclut également les enfants, je suppose qu'ils restaient avec

8 vous. Encore une fois, ne mentionnez pas leurs noms, mais ils se sont

9 déplacés avec vous d'un endroit à l'autre ?

10 R. Oui. Bien évidemment, quel genre de mère aurais-je été si j'avais

11 laissé mes enfants derrière moi ?

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, je voudrais revenir à l'épisode du téléphone

13 qui m'intéresse particulièrement.

14 Les soldats rentraient chez vous à 4 heures du matin. C'est la nuit,

15 tout le monde dort et à 4 heures 15. Vous dites que vous avez essayé de

16 téléphoner. Donc, je présume que vous avez dû essayer de téléphoner après

17 qu'ils soient partis. Vous avez dit que le téléphone ne marchait pas. C'est

18 bien cela.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Si, si.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez essayé de téléphoner à quelle heure ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon mari, mon fils ont été emmenés très

22 rapidement. Il était peut-être 4 heures 20 quand j'ai essayé de téléphoner

23 Capljina en état de choc, je voulais téléphoner à des amis, ma sœur.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quand vous avez demandé à vos voisins croates

25 si leurs téléphones fonctionnaient ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être deux jours plus tard.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Leurs téléphones fonctionnaient deux jours plus

28 tard. Le vôtre, il n'a jamais fonctionné ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'êtes pas une technicienne, mais est-ce que

3 vous vous avez posé la question de savoir pourquoi vos téléphones ne

4 fonctionnaient pas, alors que les téléphones des maisons d'à côté

5 fonctionnaient ? Est-ce que vous avez vérifié les bornes téléphoniques, à

6 savoir si on n'avait pas coupé les fils d'arrivée ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, pendant une heure, les

8 femmes musulmanes de Bosnie ont découvert qu'aucun des téléphones ne

9 fonctionnait, ce n'est pas seulement ma ligne téléphonique.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, c'est toutes les maisons musulmanes qui

11 n'avaient plus le téléphone et par contre les maisons --

12 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais dans les maisons croates, les téléphones

14 fonctionnaient ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Personne n'a essayé de savoir comment cela a pu se

17 faire ? Est-ce que c'était au niveau du central téléphonique ou au niveau

18 des maisons ? Vous ne savez pas. Enfin, c'est quelque chose qu'un enquêteur

19 aurait pu se poser.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense -- Messieurs les Juges, nous ne

21 sommes pas si bêtes. Nous savions qu'un ordre avait été donné de couper les

22 lignes téléphoniques des Musulmans de Bosnie. Il ne fallait pas aller

23 examiner quoi que ce soit.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que vous savez qu'un ordre avait été

25 donné. Qui vous a dit qu'il y avait eu un ordre qui avait été donné ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, en dépit de tous les

27 ordres, j'ai vécu d'une manière honnête et honorable pendant 18 ans. J'ai

28 des bons amis croates et il n'était pas possible de donner des ordres à

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1 tout propos. Il n'était pas possible de m'ordonner de dire certaines

2 choses.

3 M. SCOTT : [interprétation]

4 Q. Madame, d'après ce que vous nous avez dit jusqu'à présent, pouvez-vous

5 confirmer ceci ? Encore une fois, quand vous vous êtes déplacée le 1er

6 juillet et les jours suivants, est-ce que vous avez découvert qu'il y avait

7 d'autres familles musulmanes ou musulmanes de Bosnie dans le village, des

8 femmes et des enfants dont les hommes avaient été amenés et séparés de leur

9 famille ?

10 R. Messieurs les Juges, j'ai découvert tout ceci à 8 heures dans la partie

11 de Visici dans laquelle j'habitais moi. C'est là que j'ai découvert qu'ils

12 avaient tous été emmenés.

13 Q. Ce jour-là et dans les jours suivants -- au cours des jours suivants,

14 pouvez-vous nous dire s'il n'y avait aucune des maisons ou propriétés de

15 votre famille -- ou possessions, des possessions de vous-même ou de votre

16 famille, qui ont été prises par qui que ce soit, volées, pillées, quel que

17 soit le terme que vous souhaitiez utiliser ?

18 R. Rien n'a été pris de chez moi, dans ma famille.

19 Q. Qu'en est-il de vos voisins ou de vos parents ? Encore une fois,

20 veuillez ne pas prononcer leur nom, s'il vous plaît.

21 R. Je les ai vus amener des véhicules qui appartenaient à des réfugiés de

22 Stolac.

23 Q. Avez-vous des possessions, des cartons ou autre chose être emmenés des

24 maisons dans le village ?

25 R. J'ai vu cela, le fait d'amener des choses d'une maison dans laquelle

26 personne n'habitait à l'époque.

27 Q. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez vu se produire en rapport avec

28 les choses qui ont été emmenées de cette maison en particulier ?

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1 R. Ils mettaient des choses dans la voiture. Les plaques d'immatriculation

2 étaient des plaques de véhicules de Makarska. Ils n'étaient pas les

3 propriétaires de la maison, puisque je connaissais le propriétaire. Je ne

4 sais pas ce qu'ils ont emporté, mais j'ai vu ces colis.

5 Q. Est-ce que les personnes qui sont sorties de ces véhicules et qui

6 emmenaient ces paquets, est-ce qu'ils portaient des uniformes ?

7 R. Oui.

8 Q. Pouvez-vous nous dire si vous étiez assez proche des événements qui se

9 déroulaient pour entendre les individus parler ?

10 R. Oui.

11 Q. Pouvez-vous dire aux Juges si vous avez reconnu un accent en entendant

12 parler ces gens, les soldats que vous avez entendus ?

13 R. Ils parlaient dans un dialecte dalmate, très proche Metkovici. Je

14 connaissais bien la manière dont parlaient les Dalmates.

15 Q. Pouvez-vous confirmer pour les Juges ? Il s'agit peut-être simplement

16 d'examiner une carte géographique. Est-ce que Metkovici se trouve dans la

17 République de Croatie ?

18 R. Une carte ?

19 Q. Est-ce que Metkovici se trouve dans la République de Croatie ?

20 R. Oui, bien évidemment.

21 Q. Pour conclure sur ce point, pouvez-vous dire aux Juges combien de fois

22 environ vous avez dit avoir eu le même groupe de soldats venir dans la

23 maison et emporter des objets de cette maison que vous venez de décrire ?

24 R. J'ai vu ces soldats venir deux à trois fois.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit, tout à l'heure, que vous -- que ces

26 soldats avaient un dialecte dalmate. Vous avez dit, très vite que vous le

27 saviez. Alors, pouvez-vous nous dire quelle est la compétence particulière

28 dans le dialecte dalmate que vous avez ? Est-ce que c'est un dialecte que

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1 vous connaissez pour une raison particulière ? Est-ce que vous pouvez nous

2 apporter des précisions ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

4 nous disons "gdje si" pour dire "où êtes-vous," alors que les Dalmates

5 disent "di si". Je peux vous donner d'autres exemples. Il y a nombre de

6 mots qui sont prononcés différemment. Donc c'est facile de le reconnaître.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : En entendant parler de cette façon, quelle était

8 leur conclusion sur leur provenance ? D'où pouvaient-ils provenir, d'après

9 vous ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils auraient pu venir de Metkovici ou de

11 Croatie ou je ne sais pas.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Juste une dernière question parce que, pour

13 nous, c'est important. Quand vous les avez vus prendre les paquets de la

14 maison et les mettre dans leur voiture, et cetera, c'était quelle heure

15 exactement ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'était pas toujours

17 la même heure. Une fois, ils sont venus le matin. A une autre reprise, ils

18 sont venus à midi. La troisième fois, je ne me souviens pas de l'heure

19 exacte parce que, Monsieur le Président, je n'avais pas vraiment le temps

20 de regarder l'horloge.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, au moins pour une fois, c'était le matin, et

22 une fois, l'après-midi.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

24 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais passer à une

25 autre sujet. Pourrions-nous passer à huis clos partiel, s'il vous plaît ?

26 M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer à huis clos partiel.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

28 le Président.

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14 [Audience publique]

15 M. SCOTT : [interprétation]

16 Q. Madame, avant de poursuivre avec d'autres événements au cours du mois

17 de juillet, pouvez-vous dire aux Juges si après le 1er juillet, environ

18 combien de femmes et d'enfants musulmans restaient dans le village après

19 que les hommes aient été emmenés, ou du moins la plupart d'entre eux ?

20 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je peux vous parler de la

21 partie du village où j'habitais. Au cours de cette période, il y avait

22 peut-être des femmes, des enfants et des personnes âgées, environ 30

23 personnes.

24 Q. A cette époque, avez-vous vu quoi que ce soit arrivé, et ici, je ne

25 veux pas mentionner le nom, mais au père d'un de vos voisins ?

26 R. Oui, Messieurs les Juges.

27 Q. Pouvez-vous dire, encore une fois sans le nommer, est-ce que cet homme

28 avait environ 70 ans à l'époque ?

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1 R. Oui.

2 Q. Pouvez-vous dire aux Juges ce que vous avez vu arriver à cet individu

3 ou ce que vous avez vu advenir à cet individu ?

4 R. Il y avait un couvre-feu, donc de 22 heures à 6 heures du matin, nous

5 n'avions pas la permission de circuler à l'extérieur. Nous n'avions pas

6 l'autorisation de quitter la maison. Cet homme âgé est venu loger chez sa

7 fille aînée qui était ma voisine, et je dormais là aussi. Il s'est rendu

8 dans sa propre maison pour prendre une douche pour se laver et à un certain

9 moment, nous avons entendu des coups de feu. Nous avons entendu des cris

10 terribles et quelqu'un qui criait : "A l'aide, a l'aide." Nous ne savions

11 pas ce qui se passait et puisque c'est un village avec des maisons à un

12 seul étage, nous avons regardé par la fenêtre et avons vu un homme à demi

13 nu courrant dans la rue. Il traversait la rue, ou plutôt il est passé

14 devant l'entrée principale de la maison de mes voisins et s'est arrêté.

15 Maintenant, nous avons observé cet homme et nous avons qu'il s'agissait du

16 père de ma voisine. Elle a commencé à crier : "Papa, papa." Je suis sorti

17 avec elle. L'homme était à demi nu. Il saignait de la tête. Il avait été

18 roué de coups. Nous l'avons amené à l'intérieur de la maison. Il grognait

19 et il criait. Nous lui avons demandé ce qui s'est passé. Il a dit qu'il

20 était entré dans sa maison pour prendre une douche, que quelqu'un avait

21 frappé à la porte violemment. Il est allé ouvrir la porte. Il y avait des

22 soldats à l'extérieur qui lui ont dit de lui donner de l'argent. Alors, il

23 est sorti de la salle de bains, il a ouvert le verrou et à ce moment-là, il

24 a réussi à s'échapper des soldats, mais il a traversé la cour en courrant

25 pour aller vers la rue. Il est tombé sur un autre soldat qui l'a poursuivi

26 et l'a frappé avec la crosse de son fusil sur la tête, sur l'oreille et son

27 oreille a commencé à saigner. Donc, il a commencé à crier et à geindre, et

28 cet homme l'a frappé, l'a roué de coups sur tout le corps. Il a donc passé

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1 toute la nuit à panser ses blessures et à se mettre des bandages et donc,

2 le lendemain matin, sa fille a trouvé quelqu'un pour l'amener chez le

3 docteur. Il a été examiné par le docteur et il avait trois côtes cassées.

4 Q. Donc, Madame, avant que vous ne mentionniez le couvre-feu, est-ce que

5 vous pourriez dire aux Juges quand ce couvre-feu a été imposé et qui l'a

6 imposé, pour autant que vous le sachiez ?

7 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne sais pas quand

8 exactement on a introduit le couvre-feu.

9 Q. Est-ce que --

10 R. Cela, nous l'avons donc appris de la part de nos voisins que le couvre-

11 feu était en cours. Mais qui en a donné l'ordre, je ne sais pas.

12 Q. Avez-vous vu -- avez-vous entendu que le couvre-feu était annoncé ou

13 qu'on en a parlé à la radio ?

14 R. Oui. Oui, bien évidemment. On nous a dit de ne pas ouvrir la porte à

15 qui que ce soit après -- à la porte après 22 heures, qui que ce soit se

16 présente dans votre cour ou à votre porte.

17 Q. Savez-vous quelle est la station de radio qui a diffusé cette

18 information, cette annonce ?

19 R. C'est une station de radio croate, la station de Capljina.

20 Q. Pouvez-vous dire aux Juges, je parle de ce que vous avez vu, qui

21 faisait respecter le couvre-feu ?

22 R. Monsieur le Président, je ne peux pas vraiment vous dire avec qui

23 l'application du couvre-feu. Tout ce que je peux vous dire c'est que nous

24 le respections.

25 Q. Laissez-moi reformuler la question. Peut-être que c'est ma question ou

26 peut-être ma question qui a été mal traduite. Est-ce que vous avez vu des

27 gens circuler le soir pour s'assurer que le couvre-feu était respecté ?

28 R. Oui. Un soldat passait fréquemment.

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1 Q. Laissez-nous poser une question sur un autre incident. Encore une fois,

2 veuillez ne pas donner de noms, mais à l'époque, une de vos voisines a dit

3 que de l'argent avait été pris, si vous vous en souvenez. Je vais vous

4 demander de nous décrire ce qui s'est passé, de nous décrire brièvement ce

5 qui s'est passé.

6 R. Oui. Une nuit, je ne me souviens pas de la date, à 2 heures et demie du

7 matin, ils sont venus frapper dans la maison de ma voisine, j'y dormais, et

8 ils ont dit: "Ouvrez, police." Bien évidemment, nous avons obéi

9 immédiatement.

10 Ils sont entrés dans la maison et nous avions des sacs qui avaient

11 été tempérés, les sacs on les fouillait immédiatement. J'avais dans les

12 bras un bébé de huit mois qui était le bébé de ma voisine. Ils sont dits

13 qu'ils fouillaient les maisons parce qu'ils étaient à la recherche d'armes.

14 J'ai dit à l'un des soldats que ma maison était fermée à clé et je leur ai

15 demandé s'ils voulaient que j'aille leur ouvrir la porte avec eux; ils ont

16 répondu que oui. La maison de ma voisine, la maison de son père était

17 verrouillée également. Ils avaient permis à ma voisine qui allait --

18 Nous nous sommes arrêtés auprès d'une maison, soit musulmane qui

19 appartenait à Basaric, ils étaient censés fouiller cette maison également,

20 ce qu'ils ont fait. Nous sommes restés à l'extérieur dans la rue, nous

21 avons entendu beaucoup de bruits, des objets chuter, des choses qui étaient

22 jetés, et ils ont dit qu'ils avaient un homme, un male, et plus tard, il se

23 trouve qu'ils ne l'avaient pas emmené parce qu'il avait 16 ans, il était

24 donc mineur. Sa mère a montré son carnet médical qui prouvait son âge. Je

25 suis restée à l'extérieur de la maison avec un des soldats et ma voisine.

26 Un voisin est passé, qui était un ami d'enfance de mes fils, il ne portait

27 pas d'uniforme à cette occasion et je lui ai demandé de m'aider à aller

28 ouvrir ma maison immédiatement pour que mes enfants ne craignent pas pour

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1 ma vie, et il était d'accord.

2 Q. Excusez-moi de vous interrompre pendant un instant.

3 M. SCOTT : [interprétation] Je vois, Monsieur le Président, que dans le

4 compte rendu d'audience, il y a un nom qui est mentionné. Je ne crois pas

5 que cela soit nécessaire, je ne crois pas que la situation requiert

6 d'expurger le témoignage. Mais je voudrais néanmoins mettre en garde le

7 témoin encore une fois, s'il vous plaît, soyez prudente et n'utilisez pas

8 de noms.

9 Q. Donc, vous venez de nous dire, Madame, que vous vouliez que votre

10 maison soit ouverte pour que vos enfants n'aient pas peur encore une. Que

11 s'est-il passé après cela ?

12 R. Il est parti avec moi ce jeune homme accompagné d'un autre soldat. On

13 est arrivé devant chez moi, on a ouvert la porte à clé, ce jeune a commencé

14 à fouiller, mon voisin donc et il m'a demandé à nouveau si j'avais des

15 armes. Je lui ai dit comme si je dirais à mon propre enfant : "Je n'ai pas

16 d'armes parce que si j'avais un canon en or, je le donnerai parce que mon

17 mari n'est pas là, mon fils n'est pas là. Que voulez-vous que je fasse avec

18 les armes ?" Il a dit à ces soldats qu'il était en train de fouiller la

19 maison, que tout allait bien, que ce n'était pas la peine d'insister, que

20 tout allait bien.

21 Q. Donc, pendant que ces soldats étaient là, est-ce que vous avez à

22 nouveau rencontré des individus, dialectes particuliers, caractéristiques ?

23 R. Non. Je ne peux pas dire que je l'ai reconnu. Mais il y avait un homme

24 qui était plus âgé, mais il avait ses dialectes, il parlait ce dialecte

25 dalmate, c'est lui qui donnait les ordres, ils l'écoutaient. Je ne sais pas

26 qui était cet homme.

27 Q. Vous avez dit que les autres l'écoutaient. Est-ce que les autres

28 hommes, qui étaient autour de cet homme qui parlait le dialecte dalmate,

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1 est-ce qu'ils se comportaient avec lui différemment qu'ils ne se

2 comportaient entre eux ?

3 R. Oui, bien sûr.

4 Q. Qu'avez-vous remarqué ? Comment se comportaient-ils avec lui ?

5 R. Il a dit : "Ne vous -- ne courrez pas, cessez de courir, c'est comme

6 cela qu'on perd la tête, qu'on peut mourir." Ils l'écoutaient. Ils lui

7 disait : "D'accord, oui," et cetera. Ils acceptaient ce qu'il disait.

8 Q. A présent, je voudrais que l'on parle de la mosquée de votre village.

9 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander que

10 l'on repasse à huis clos partiel, mais très brièvement.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

13 le Président.

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1 (expurgé)

2 [Audience publique]

3 M. SCOTT : [interprétation]

4 Q. Madame, est-il exact de dire que dans votre village il y avait une

5 mosquée ?

6 R. Oui, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

7 Q. Nous allons en parler plus en détail. Mais à l'époque qui nous

8 concerne, c'est-à-dire au moment où -- par rapport à la période qui nous

9 concerne à ce moment-là, dont nous parlons à ce moment, est-ce que la

10 mosquée était déjà détruite ?

11 R. Je n'ai pas compris la question.

12 Q. Depuis ce matin on parle du mois de juillet 1993. Est-ce que la mosquée

13 du village a été détruite à ce moment-là déjà ?

14 Je ne pense pas qu'on ait saisi la réponse.

15 R. La mosquée était toujours là au mois de juillet.

16 Q. Peut-être que j'ai mal posé la question ou qu'elle n'a pas été bien

17 interprétée. Est-ce que la mosquée de votre village a été détruite à un

18 moment donné au mois de juillet 1993 ?

19 R. Oui, bien sûr.

20 Q. Pourriez-vous nous en parler, donc nous raconter les événements sans

21 toutefois mentionner les noms ?

22 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, peut-être que les dates que

23 je vais vous donner ne vont pas être tout à fait exactes parce qu'à

24 l'époque, vous savez je comptais le temps en comptant les jours que les

25 miens passaient dans le camp. Je sais qu'un jour vers 4 heures de l'après-

26 midi, une Golf rouge s'est arrêtée sur la route N17 qui se trouve à une

27 vingtaine de mètres de la mosquée. Je l'ai vue puisque j'étais la maison de

28 ma voisine.

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1 Quatre soldats sont sortis de ce véhicule, ils arboraient des uniformes

2 militaires, ils ont traversé la distance qui les séparait de la mosquée

3 très rapidement, ils ont cassé les carreaux, fenêtres et ils ont jeté

4 quelque chose à l'intérieur de la mosquée. Puis, ensuite, ils ont fait vite

5 pour regagner le véhicule et ils sont partis en direction de Metkovici, en

6 descendant donc la route principale. Peu de temps après, on a entendu des

7 explosions, il y en a eu deux. Je ne sais pas s'il y en a eu plus, mais

8 j'en ai entendu deux. Il en n'avait pas cinq.

9 Q. Par rapport aux dates, je voudrais qu'on prenne le repère comme date --

10 -- comme la date repère la date du 1er juillet, on en a beaucoup parlé

11 aujourd'hui, pourriez-vous me dire par rapport à cette date-là à quel

12 moment s'est produit cet incident concernant la mosquée ?

13 R. Treize, 14 jours plus tard.

14 Q. A la mi-juillet à peu près, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous avez dit avoir entendu ces explosions après le départ du véhicule,

17 que d'autres avez-vous pu remarqué par rapport à la mosquée à ce moment-

18 là ? Dans quel état se trouvait la mosquée ? Dans quelle mesure elle était

19 détruite ?

20 R. Les carreaux étaient cassés. On a entendu le verre se briser. Un peu

21 plus tard, j'ai traversé un pré et j'ai vu à travers une fenêtre un tapis

22 puis on sentait la laine brûlée. C'est une odeur caractéristique. Je me

23 suis dit que ce sont des tapis qui sont en train de brûler. Mais il n'y a

24 pas eu d'incendie cela étant dit.

25 Q. Est-ce qu'il y a eu d'autres incendies concernant la mosquée après cet

26 incident-là. L'incident que vous venez de nous décrire, est-ce que quoi que

27 ce soit d'autre s'est passé avec la mosquée ?

28 R. Peu de temps après, je dormais aussi dans la maison de ma voisine dont

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1 la maison est tout près de la mosquée. Entre 3 et 4 heures du matin, j'ai

2 été réveillée par le bruit d'une explosion très forte. J'ai entendu un

3 bruit correspond à un bruit provoqué par le choc d'un objet métallique et

4 je suis sortie devant sa maison et j'ai pu voir la mosquée. J'ai vu que les

5 murs de la mosquée étaient comme s'ils étaient un carton. Le toit n'était

6 plus là. La mosquée était détruite.

7 Q. Le minerai dans quel état était-il à l'époque ?

8 R. Bien, le minerai était séparé de la mosquée. Il était toujours debout.

9 Q. Est-ce que vous avez des informations vous indiquant que le minerai

10 allait aussi être détruit ? Par la suite, je vous demanderais

11 éventuellement quelle était la source de ces informations ?

12 R. Oui.

13 Q. Sans mentionner les noms pourriez-vous nous dire ce que vous avez

14 appris à ce sujet ?

15 R. Bien, la mosquée a été détruite ce jour-là et le lendemain il y avait

16 une grande tempête il pleuvait et rien ne s'est passé. Le jour d'après,

17 j'ai rencontré mon voisin, qui m'a dit qu'il ne fallait pas que je dorme à

18 la proximité de la mosquée avec mes enfants, parce que cette nuit-là le

19 minerai allait être détruit.

20 Q. A nouveau sans mentionner les noms, pourriez-vous nous dire si cet

21 homme était un Croate ou un Musulman ?

22 R. C'était un Croate.

23 Q. Par la suite cette nuit-là, est-ce que vous avez remarqué quoi que ce

24 soit dans le village un incendie, qu'est-ce qui s'est passé, pourriez-vous

25 en parler aux Juges ?

26 R. Puisque je savais déjà ce qui allait se passer cette nuit-là, j'en ai

27 informé mes voisines, les Musulmanes de Bosnie, je leur ai dit qu'il

28 fallait qu'on aille dormir ailleurs, et je leur ai donné la raison pour

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1 cela.

2 Q. Est-ce que vous avez vu des véhicules circulés dans le village cette

3 nuit-là ?

4 R. Oui, bien sûr. J'ai vu un véhicule qui passait par chaque maison croate

5 à proximité de la mosquée, et même un petit peu plus loin que cela.

6 Q. Avant que nous n'en arrivions à ce qui s'est passé à la mosquée au

7 sujet du véhicule qui a fait le tour des maisons croates, dites-nous, je

8 vous prie, si vous avez entendu dans la journée d'après ce qui s'était

9 passé à ce sujet d'après ce qu'on vous a dit ?

10 R. Oui, bien sûr, que je l'ai appris. Je l'ai appris de la bouche de ma

11 voisine, elle m'a dit que cette nuit-là toutes les maisons croates enfin

12 les habitants de ces maisons croates ont été informés de la nécessité

13 d'ouvrir leurs fenêtres chez eux pour qu'il n'y ait pas de dégât. Nous

14 autres, Musulmans de Bosnie n'avons été informés de rien.

15 Q. Je vais revenir à présent vers la nuit en tant que telle, que s'est-il

16 produit, que s'est-il passé au juste au sujet du minerai ?

17 R. Vers minuit il faisait un silence de mort. Il n'y avait ni transport.

18 Rien d'autre. On entendait rien. Nous savions que quelque chose allait se

19 passer, et je vous ai déjà dit comment nous l'avions appris. Vers 1 heure

20 du matin, il y a eu un léger tremblement du sol. Comme un petit tremblement

21 de terre. Ensuite on a entendu une grosse déflagration. Nous savions bien

22 entendu de quoi il s'agissait. Peu de temps après donc à quelques minutes

23 de là, il y a eu des voitures qui passaient par la nationale avec des coups

24 de klaxon, des tirs, des coups de feu, des cris. Enfin, la fête.

25 Q. Pouvez-vous dire, Madame, dire aux Juges de la Chambre, à quel est le

26 groupe ethnique qui faisait la fête au village ?

27 R. Messieurs les Juges, je vais le dire, enfin je ne pense pas que cela

28 soit indispensable, c'étaient les Croates.

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1 Mme ALABURIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, pour ce

2 qui est du groupe ethnique, la fête ou la célébration ne peut être

3 organisée que par des individus et non pas par un groupe ethnique.

4 M. SCOTT : [interprétation]

5 Q. Qu'avez-vous vu le matin d'après, Madame ?

6 R. Messieurs les Juges, j'ai vu le minerai brisé là-bas. J'ai vu non loin

7 de la mosquée de nos jours encore c'est le cas mais à l'époque cela était

8 vrai aussi, il y avait des maisons croates qui avaient subi des dégâts. Un

9 véhicule était arrivé. Il en est sorti des gens en uniformes civiles. Le

10 véhicule était de Capljina, immatriculé à Capljina, municipalité de

11 Capljina. Je n'ai pas connu. Vous connaissez enfin les noms de ces gens,

12 mais je suis allée à Capljina, comme bon nombre d'autres personnes, et

13 c'était des gens qui étaient venus pour recenser les dégâts.

14 Q. Lorsque vous avez vu ces individus qui sont venus recenser les dégâts,

15 quelles sont les structures ou maisons auxquelles ils ont prêté attention ?

16 R. Messieurs les Juges, ils ont prêté attention aux maisons croates, comme

17 je vous l'ai dit. C'est à cela qu'ils ont prêté attention. Celles-ci se

18 trouvaient loin et il y en avait deux de Musulmans. C'était aux maisons

19 croates, qui étaient plus nombreuses, qu'ils prêtaient surtout attention.

20 Q. N'avez-vous vu -- avez-vous vu, à ce moment-là, qu'ils ont prêté une

21 attention quelconque aux maisons musulmanes ou à la mosquée ?

22 R. Non, Messieurs les Juges.

23 Q. Je crois que le compte rendu d'audience est tout à fait clair de ce

24 point de vue, Madame. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre si, à

25 l'époque, lorsqu'il y a eu destruction de la mosquée, mi-juillet 1993, il y

26 avait dans votre village ou dans la région des combats en cours ?

27 R. Messieurs les Juges, à l'époque, il n'y a eu aucun combat. Ni dans

28 notre village, ni dans ses environs.

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1 Q. Vers cette même période de temps, Madame, auriez-vous vu un individu

2 que vous auriez reconnu comme étant un représentant éminent des Croates de

3 Bosnie, qui serait venu ou qui serait passé par votre village ?

4 R. Je ne sais pas combien de temps il s'est passé. Donc, de là à savoir

5 s'il s'est passé quelques jours, mais il ne s'est pas certainement pas

6 passé un mois, parce que je n'ai pas passé -- j'ai passé un mois à Visici

7 après l'arrestation de mon époux et de mon fils.

8 J'étais sortie de notre rue, celle qui débouche sur la route M17 et

9 j'y ai vu un véhicule. Le véhicule se déplaçait, mais très lentement. J'ai

10 vu, à bord de ce véhicule, le général Praljak, qui était assis côté

11 passager, de mon côté à moi. Il se trouvait à cinq mètres à peine de moi,

12 ce qui fait que j'ai bien pu le voir.

13 Q. M. Praljak se trouvait-il à la place du conducteur ou à la place du

14 passager, à bord du véhicule ?

15 R. A côté du passager.

16 Q. Excusez-moi, mais à côté du passager, est-ce qu'il était en train de

17 conduire ce véhicule ? Est-ce que c'est M. Praljak qui conduisait ?

18 R. Non, Messieurs les Juges.

19 Q. Donc, il serait exact de dire, Madame, qu'il y avait, à bord du

20 véhicule, un chauffeur et à côté de ce chauffeur, à la place devant, il y

21 avait cette personne que vous avez identifié comme étant M. Slobodan

22 Praljak ?

23 R. Oui. C'est exact.

24 Q. Alors, pourriez-vous dire aux Juges comment il vous a été donné la

25 possibilité d'identifier M. Praljak ?

26 R. Messieurs les Juges, M. Praljak, à l'époque, était très souvent à la

27 télévision et nous, nous suivions la télévision croate. Très souvent, M.

28 Praljak y était. Donc, j'ai précisément pu le reconnaître.

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1 Q. Avez-vous pu remarquer M. Praljak faire des gestes de sa main, nous

2 montrant quelque chose à l'intérieur ?

3 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je vais faire une

4 objection concernant la question -- la nature directrice de la question. Ce

5 que je veux dire, c'est que la question devrait être celle de savoir si

6 elle a vu ce quelque chose et elle pourrait fournir la description.

7 M. SCOTT : [interprétation] Oui, je vais le faire avec plaisir, Monsieur le

8 Président. Je vais reformuler ma question.

9 Q. Alors, avez-vous vu, à l'époque où vous avez vu M. Praljak à l'endroit

10 que vous avez indiqué, près de vous, que faisait-il ?

11 R. Etant donné que le véhicule se déplaçait très lentement, j'ai identifié

12 le général Praljak et lorsqu'ils sont passés par la route nationale, le

13 général le fait comme cela, de sa main, en montrant vers la mosquée. Est-ce

14 que c'est -- cela suffit comme cela ?

15 Q. Est-ce que vos écouteurs sont bien replacés ?

16 R. Oui, le fil est un peu cours, mais cela va.

17 Q. Je suis désolé pour cette interruption. Alors, pouvez-vous nous dire,

18 une fois de plus, qu'avez-vous vu ?

19 R. J'ai vu un véhicule se déplaçant très lentement. A la place du co-

20 passager, à bord du véhicule, il y avait le général M. Praljak. Lorsqu'ils

21 sont passés à côté de la mosquée, le général a fait de sa main, comme cela.

22 Q. Pouvez-vous maintenant, enfin les Juges ont vu, mais est-ce que vous

23 pourriez nous -- enfin, nous avons tous vu le geste que vous avez fait,

24 mais est-ce que vous pourriez décrire le geste que vous avez vu M. Praljak

25 en train de faire ?

26 Ce M. Praljak a fait ce mouvement et je veux que le compte rendu d'audience

27 traduise ce que le témoin a fait comme geste.

28 M. STEWART : [interprétation] Mais ce n'est pas tout à fait ce que j'ai vu,

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1 Monsieur le Juge. Peut-être pourrions-nous avoir une description précise

2 pour les besoins du compte rendu d'audience.

3 M. SCOTT : [interprétation] Je serais content de --

4 M. LE JUGE ANTONETTI : je vais le décrire. Elle a fait un geste circulaire.

5 Refaites-le geste pour que tout le monde le voie.

6 Voilà. Sa main droite part du niveau de son bras gauche et décrit un arc de

7 cercle.

8 M. SCOTT : [interprétation]

9 Q. A l'époque, où ce geste a été fait, est-ce que c'était un geste fait

10 dans une direction particulière ? Si c'est le cas, veuillez nous indiquer

11 dans quelle direction.

12 R. Le bras droit vers la droite et sur sa droite, il y avait la mosquée.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce à dire, Madame, que la mosquée était dans le

14 prolongement de sa main droite, qui achevait sa course par le mouvement

15 circulaire ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

17 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis intervenir

18 pour un instant. C'est ce que je qualifierais de perte de temps. Le témoin

19 ne sait pas nous dire quand, aux Juges, il y a ce geste de la main, assez

20 lent -- et la voiture qui allait lentement, je ne sais pas à quel point la

21 voiture allait lentement. Je ne sais pas à quel point cela peut avoir de la

22 pertinence. A mon avis, il y a un abus de guerre. Nous sommes en train de

23 perdre notre temps et ce sont des éléments de preuve maigrichons qui nous

24 font perdre notre temps au niveau, par les soins de l'Accusation, pour ce

25 qui est d'établir un lien entre M. Praljak et la destruction de la mosquée.

26 Je trouve cela absurde.

27 M. SCOTT : [interprétation] J'ose qu'on je ne peux qu'être en désaccord

28 avec M. Karnavas parce que, par la suite, à l'occasion du contre-

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1 interrogatoire du témoin, il pourra poser cette question et faire ses

2 commentaires. Mais cela --

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Passons aux autres sujets.

4 M. SCOTT : [interprétation]

5 Q. Pouvez-vous dire, enfin avant que nous n'abandonnions le sujet, pouvez-

6 vous dire quand est-ce que vous avez vu M. Praljak faire ce geste en

7 direction de la mosquée ? Est-ce que c'était avant la destruction ou est-ce

8 que c'est une fois que la mosquée a été détruite ? Est-ce que vous pouvez

9 nous aider ?

10 R. Je crois que la mosquée était déjà détruite.

11 Q. Quand avez-vous ou plutôt avez-vous quitté votre village à un moment

12 donné vers la fin du mois de juillet 1993 ?

13 R. Oui, Monsieur le Juge.

14 Q. Où êtes-vous allé à ce moment-là ?

15 R. Je suis allée chez ma sœur à Capljina.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, juste une question. Vous avez parlé du

17 général Praljak, c'est vous-même d'ailleurs qui avez dit, général Praljak.

18 Comment vous le connaissiez ? Comme le saviez-vous que c'était lui, comment

19 saviez-vous précisément qu'il était général, que c'était M. Praljak ? Est-

20 ce qu'on peut voir des tas de gens passer ne voiture sans se dire : "Tiens,

21 c'est X, Y, ou Z."

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce véhicule avançait

23 lentement, très lentement. Je vous ai déjà dit que pratiquement tous les

24 soirs nous voyions le général Praljak à la télévision et son visage, ses

25 traits m'ont marquée. A l'époque, il n'était pas inconnu, je savais que

26 c'était un général.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, parce que vous l'aviez vu à la télévision.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que la télévision fonctionnait, à l'époque, au

2 mois de juillet dans votre village ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Nous pouvions suivre la télévision.

4 Nous avions de l'électricité.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous aviez de l'électricité. C'était la télévision

6 qui venait d'où ? De Zagreb, de Mostar, de Sarajevo ? D'où venait

7 l'émission ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Les programmes que nous pouvions suivre

9 c'étaient les programmes de Zagreb, Monsieur le Président.

10 M. SCOTT : [interprétation]

11 Q. Je vais avancer. Avant de quitter le village, avant cela donc puisque

12 nous allons parler de votre départ par la suite, est-ce que vous avez

13 appris quoi que ce soit au sujet des possibilités d'une libération

14 éventuelle des hommes musulmans, de leur détention ? Est-ce que quelque

15 chose pouvait être fait dans ce sens ? Est-ce que vous avez entendu parler

16 de cela ?

17 R. Nous avons entendu dire que cette libération était possible si l'on

18 pouvait présenter une lettre de garantie affirmant que la personne pouvait

19 partir à l'étranger.

20 Q. D'après vous, cette lettre de garantie, elle correspondait à quoi ?

21 Donc, c'était une lettre de garanti pour faire quoi exactement ?

22 R. Bien. Que mon mari, mon fils, ils pouvaient être libérés s'ils

23 partaient à l'étranger. Peut-être que je ne vous ai pas très bien compris.

24 Q. Donc, s'ils sont libérés, qu'est-ce qui devait leur arriver par la

25 suite, enfin, en fonction de cette lettre ? Où est-ce qu'ils devaient

26 partir, aller ?

27 R. Dans le pays émetteur de cette lettre de garantie.

28 Q. Comment vous avez appris que cet accord existait, que les hommes

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1 musulmans pouvaient partir s'ils présentaient une attestation comme quoi

2 ils allaient partir pour un pays tiers ?

3 R. Je ne me souviens pas de la personne qui m'a dit cela, mais j'ai bien

4 vu les femmes aller chercher, appeler les amis, la famille à l'étranger les

5 priant de leur faire parvenir des lettres de garantie.

6 Q. Maintenant, je vais revenir sur le moment où vous quittez le village. A

7 nouveau, je vous prie de ne pas mentionner de noms. Donc par la suite vous

8 êtes allée à Capljina, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Cela s'est produit à quel moment ? Combien de temps après l'arrestation

11 de votre mari et de votre fils qui a eu lieu le

12 1er juillet, conclusion, combien de temps après cela, vous partez à

13 Capljina ?

14 R. Je dirais un mois plus tard, ou peut-être plus précisément un mois et

15 deux jours.

16 Q. Vous êtes restée combien de temps à Capljina ?

17 R. Nous y sommes restés jusqu'au 23 août 1993, quand j'étais obligée de

18 partir.

19 Q. Nous allons en parler tout à l'heure. Donc, vous êtes allée à Capljina

20 avec vos enfants, n'est-ce pas ? Enfin, on peut imaginer que oui, mais nous

21 avons besoin d'établir cela.

22 R. Bien sûr.

23 Q. Pourriez-vous dire aux Juges, quand vous êtes allée à Capljina si qui

24 que ce soit vous a dit quoi que ce soit concernant vos enfants, à savoir

25 s'ils pouvaient aller à l'école là-bas ?

26 R. Pendant que j'étais chez ma sœur deux femmes sont venues, deux Croates,

27 une nuit. Elles ont frappé à la porte et sont entrée chez elle dans son

28 appartement. Une de ces deux femmes, je ne lui ai même pas demandé comment

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1 elle s'appelait, d'ailleurs, je ne sais pas comment elle s'appelait. Il a

2 dit à ma sœur qu'elle avait amenée son amie de Siroki Brijeg, qu'il fallait

3 qu'elle déménage chez elle parce que nos enfants n'allaient pas pouvoir

4 aller à l'école à Capljina le 1er septembre. Donc quand elle a dit nos

5 enfants, elle voulait dire les enfants de Musulmans de Bosnie. Donc, elle

6 nous a dit : "Ecoutez, vous allez partir de toute façon, donc, laissez

7 votre appartement à mon amie."

8 Q. Donc, je regarde le compte rendu d'audience et apparemment il y a un

9 problème au niveau du compte rendu d'audience. Pourriez-vous répéter

10 exactement ce que vous avez dit ? Donc, vos enfants, qu'est-ce que vous

11 avez dit au sujet de vos enfants et leur scolarisation à Capljina ?

12 R. Les enfants, le 1er septembre, sont scolarisés, vont à l'école, ils

13 commencent l'année scolaire. Cette dame, puisque nous étions au mois

14 d'août, a dit que nos enfants n'allaient pas être scolarisés à Capljina à

15 la rentrée et elle faisait référence aux enfants de Musulmans de Bosnie

16 quand elle disait nos enfants, elle pensait aux enfants de Musulmans de

17 Bosnie.

18 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, j'aborde le dernier

19 terme de mon interrogatoire principal, à savoir ce qui se passe à Capljina

20 et puis l'expulsion de Capljina. Même je ne saurais terminer cela en cinq

21 minutes, je vois que j'ai utilisé 29 minutes, et c'est pour cela que je

22 vais demander aux Juges de terminer donc, à présent, mon interrogatoire

23 principal et reprendre demain matin.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne pouvez pas en cinq minutes ? Je peux vous

25 faire la démonstration en cinq minutes, qu'elle peut dire énormément de

26 choses en cinq minutes.

27 M. SCOTT : [interprétation] Si vous le souhaitez, oui, oui, je vais le

28 faire.

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1 Q. Madame, il y a quelques instants vous nous avez dit qu'à peu près le 23

2 août 1993, on vous a fait partir de Capljina, je ne vois pas exactement ce

3 que vous avez dit puisque le transcript n'est plus là. Mais est-ce que vous

4 pouvez nous dire ce qui s'est passé ?

5 R. Oui. Le 23 août, dans l'après-midi, 5 ou 6 heures de l'après-midi,

6 devant l'immeuble où habitée ma sœur un véhicule de police est arrivé avec

7 des haut-parleurs, et ils ont appelé les citoyens de nationalité musulmane

8 de sortir devant les halls d'entrée d'immeuble.

9 Q. Le véhicule de la police qui -- à partir duquel on disait ces

10 instructions, pourriez-vous nous dire quelles étaient les insignes que l'on

11 pouvait détecter sur ce véhicule de police, puis est-ce que vous pouvez

12 tout simplement dire aux Juges quelle était la police qui oeuvrait à

13 Capljina au mois d'août 1993 ?

14 R. C'était la voiture de la police civile, de la police que nous avions à

15 l'époque, une voiture de police. Qu'est-ce que vous voulez que je vous

16 dise ?

17 Q. Bien. Qu'est-ce que vous avez fait vous et les autres après avoir

18 entendu cette annonce sur le mégaphone demandant donc aux Musulmans de

19 descendre devant l'entrée de leurs immeubles ?

20 R. Nous avions très peur et immédiatement nous avons exécuté l'ordre

21 donné. Moi avec mes enfants je suis partie immédiatement, je suis descendue

22 immédiatement devant l'entrée. Devant l'entrée, il y avait une voiture,

23 peut-être une camionnette. Ma sœur a mis un petit peu de temps pour venir,

24 et je lui ai demandé pourquoi elle a mis autant de temps pour venir. Elle

25 m'a dit : "Qu'il fallait qu'elle rendre la clé de son appartement," ensuite

26 on est entré donc dans ce véhicule et il y avait beaucoup de gens à

27 l'intérieur. C'étaient les habitants de cet immeuble qui étaient là-dedans.

28 Q. Avant de continuer, Madame, vous avez dit que votre sœur devait

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1 remettre la clé de son appartement, à qui devait-elle remettre cette clé ?

2 R. Aux policiers qui étaient là.

3 Q. Vous avez dit que vous êtes entrés dans le véhicule, et vous avez dit

4 qu'il y avait beaucoup d'habitants d'immeubles dans ce véhicule. Quel était

5 le type de ce véhicule puisque vous avez dit que c'était peut-être une

6 camionnette, ou un camion ?

7 R. C'était un camion deux tonnes.

8 Q. Le camion était plein, vous avez dit, il y avait combien de gens à peu

9 près dans ce camion ?

10 R. Une vingtaine de personnes, je dirais.

11 Q. On vous a emmené où par ce camion ?

12 R. A bord de ces camions nous avons été emmenés dans le silo de

13 l'entreprise Lasta de Capljina.

14 Q. Que s'est-il passé quand vous êtes arrivé là-bas ?

15 R. Il y avait déjà plein de femmes, d'enfants, de vieillards qui étaient

16 là. Il y avait plusieurs parties qui faisaient ce silo, enfin plusieurs

17 pièces. Toute la pièce était pleine et c'est vraiment au bout du couloir se

18 trouvait une pièce et c'est dans cette pièce-là qu'on a trouvé un petit peu

19 de place pour nous.

20 Q. Quand vous avez dit qu'il y avait déjà beaucoup de femmes et beaucoup

21 d'enfants et des vieillards là-bas, pourriez-vous nous citer un chiffre

22 approximatif pour nous dire combien ils étaient 50, 100 personnes, 500

23 personnes, combien de personnes à peu près vous avez vues là-bas ?

24 R. Bien, je dirais qu'à ce moment-là il y avait 150 personnes, jusqu'à 150

25 personnes dans ce lieu.

26 Q. Que s'est-il passé -- qu'est-ce qui vous est arrivée après que vous

27 êtes arrivée dans ce silo ? Qu'est-ce que vous avez fait ?

28 R. Nous avons pris quelques affaires nous sommes arrivés dans le silo, et

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1 vers 10 heures on a commencé à nous transporter à partir de ce silo par des

2 camions. A nouveau on nous faisait monter dans le camion. Mes enfants, ma

3 fille, qui à l'époque était âgée de huit ans. Elle était morte de peur.

4 Elle embrassait toutes les femmes qui étaient dans le silo, en demandant si

5 on allait être tués. A l'époque vous savez personne ne faisait attention

6 aux émotions. Personne n'a essayé de lui expliquer quoi que ce soit. On ne

7 savait pas comment faire d'ailleurs. J'ai pris mes deux filles et j'ai

8 entendu un ordre venant du couloir : "Jetez tout ce que vous avez pris.

9 Jetez tout ce que vous avez pris avec vous, tout ce que vous avez avec

10 vous." Il y avait beaucoup d'injures, des cris, des tirs. Un soldat avait

11 demandé un couteau. J'ai demandé pourquoi il avait besoin de ce couteau. Je

12 me suis posée la question justement et au fait c'était un vieillard qui

13 avait pris un bidon d'eau et il voulait prendre -- il avait besoin d'un

14 couteau pour lui percer ses bidons pour qu'il n'y ait plus d'eau. C'est

15 cette nuit-là que je suis montée dans un camion et que j'ai quitté ce silo

16 avec mes enfants. Il était à peu près minuit.

17 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, de deux choses, une. Vous avez terminé,

19 Monsieur Scott, ou vous voulez encore continuer un peu demain ?

20 M. SCOTT : [interprétation] J'ai besoin à peu près je dirais -- à peu près

21 d'une dizaine de minutes concernant des questions d'ordre général, ensuite

22 j'ai besoin d'encore cinq ou six minutes de montrer un certain nombre de

23 documents, y compris une vidéo au témoin. Effectivement, oui, j'ai besoin à

24 peu près de deux heures en tout puisque là j'en suis à une heure 35

25 minutes, donc je ne suis pas arrivé, je n'ai pas dépensé les deux heures

26 que nous avons prévu dépenser avec ce témoin.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci. Nous reprendrons l'audience qui

28 débutera demain à 9 heures. Concernant les questions des bactéries de la

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1 légionellose, nous n'avons toujours pas le résultat des expertises en

2 cours, donc dès que nous les connaîtrons vous en serez informés.

3 Apparemment pour le moment la situation est sous contrôle, il n'y a aucun

4 danger.

5 Voilà. Je remercie et nous nous retrouvons demain à 9 heures.

6 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le jeudi

7 7 décembre 2006, à 9 heures 00.

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