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1 Le lundi 4 février 2008
2 [Audience de Règle 98 bis]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 [L'accusé Pusic n'est pas présent dans le prétoire]
6 --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
8 l'affaire, s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, toutes les
10 personnes présentes dans le prétoire. Il s'agissait de l'affaire IT-04-74-
11 T, le Procureur contre Prlic et consorts.
12 Merci, Messieurs les Juges.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je salue toutes les personnes présentes ou les
14 représentants de l'Accusation, Mmes et MM. les avocats, MM. les accusés
15 ainsi que toutes les personnes de cette salle qui nous assistent.
16 Je constate, pour les besoins du transcript, que M. Pusic est absent.
17 Aujourd'hui va commencer l'intervention de l'Accusation concernant sa
18 réponse à la procédure de l'article 98 bis, étant précisé que la semaine
19 dernière c'est la Défense qui était intervenue. Alors, je vois que M. Scott
20 est prêt, il a le pupitre, donc, je lui donne la parole.
21 M. SCOTT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
22 Juges, ainsi que toutes les personnes qui sont dans le prétoire.
23 Plaise aux Juges, avant d'aborder la question des arguments de la Défense,
24 et en particulier, je souhaite évoquer le critère qui sera appliqué par les
25 Juges de la Chambre lorsqu'elle tiendra compte de l'article 98 bis et des
26 éléments présentés par l'Accusation lors de la présentation de ses moyens.
27 La version actuelle de 98 bis, que chacun connaît s'applique aux
28 chefs plutôt qu'aux charges ou aux infractions, c'est ainsi que ceci a été
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1 appliqué dans plusieurs cas, récemment dans l'affaire Milutinovic en mai
2 2007. Ceci précise que : "A la fin de la présentation des moyens à charge,
3 la Chambre de première instance, que ce soit oralement et après avoir
4 entendu les arguments oraux des parties, prononcera un jugement sur un chef
5 d'accusation si aucun élément n'existe qui permettrait de condamner en
6 vertu de ce chef d'accusation."
7 Cette Règle doit être appliquée séparément par rapport à chaque
8 accusé et par rapport à chaque argument 98 bis. La Chambre de première
9 instance, dans l'affaire Milutinovic, a clairement indiqué la voie à
10 suivre, je cite : "Le critère qui doit être appliqué est de savoir si, oui
11 ou non, il existe des éléments de preuve sur lesquels on peut se reposer
12 pour autant qu'il soit accepté qu'un Tribunal de fait puisse être convaincu
13 au-delà de tout doute déraisonnable de la culpabilité d'un accusé compte
14 tenu du chef en question. Le critère ne porte pas sur le fait de savoir si
15 la Chambre de première instance condamnerait au-delà de tout doute
16 raisonnable mais si la Chambre pourrait le faire."
17 Ceci a été statué dans l'affaire Milutinovic le 18 mai 2007.
18 La Chambre de première instance a de surcroît indiquer que, dans
19 l'application de l'article 98 bis, la Chambre de première instance ne
20 s'engage pas à évaluer la crédibilité des témoins, à moins que des éléments
21 "sont si improbables que l'on ne puisse pas condamner pour ce chef même
22 lorsque les éléments de preuve sont évalués au sens le plus haut du terme."
23 L'Accusation, Messieurs les Juges, sauve [phon] votre respect, argue du
24 fait que des éléments n'ont pas été présentés par l'Accusation et tombe
25 dans cette catégorie, aucun élément de preuve ne peut être considéré comme
26 tout à fait "difficile à croire." Subsidiairement, même si la Chambre
27 estime qu'un élément de preuve tombe dans cette catégorie, quand bien même
28 que de tels éléments auraient été présentés par l'Accusation ces éléments
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1 sont très limités et leur portée est extrêmement limitée quand bien même
2 cela existerait cela n'aurait aucune incidence sur les éléments à charge
3 présentés par l'Accusation.
4 De surcroît, hormis peut-être encore une fois dans les cas les plus
5 extrêmes, l'article 98 bis n'évoque pas le fait de soupeser les éléments de
6 preuve, à savoir faire peser les éléments de preuve de l'Accusation contre
7 les éléments présentés par l'Accusation lors du contre-interrogatoire des
8 témoins. Il ne s'agit pas d'un moment où la Chambre en fait prend les
9 éléments présentés à charge et les soupèse par rapport aux éléments
10 présentés par la Défense. Ceci n'est pas le rôle joué par l'article 98 bis.
11 Pour finir, l'article n'exige pas que la Chambre soit convaincue qu'il y
12 ait suffisamment d'éléments de preuve à l'appui de chaque chef d'accusation
13 qui représenterait -- chaque charge représentant un chef d'accusation comme
14 cela a été indiqué au cours des dernières semaines.
15 La Chambre de première instance se préoccupe plus particulièrement des
16 chefs d'accusation, quand bien même les faits incriminés ou modes
17 responsabilité sont distincts. De surcroît, comme ceci est indiqué aux
18 paragraphes 221 à 228 de l'acte d'accusation modifié, ces accusations sont
19 accusés de plus d'une forme de responsabilité. L'Accusation argue du fait
20 que les éléments de preuve documentaires et testimoniaux qui ont été
21 présentés au cours de l'interrogatoire principal établissent de façon
22 irréfutable la criminalité pénale de chaque accusé eu égard à chaque chef
23 d'accusation de l'acte d'accusation, à savoir toute une série de crimes ont
24 été commis sur l'ensemble du territoire de ce qui était l'Herceg-Bosna
25 entre 1992 et 1993; et que ces crimes ont été dirigés contre la population
26 musulman de Bosnie -- ceci faisait partie d'une campagne systématique,
27 délibérée et de grande envergure; l'objectif de cette campagne consistait à
28 assujettir, et déplacer et à nettoyer les Musulmans de Bosnie ainsi que
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1 d'autres personnes qui n'étaient pas de nationalité croate du territoire
2 qui formait à ce moment-là l'Herceg-Bosna; chaque accusé porte une
3 responsabilité pénale pour chacun de ces crimes.
4 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation n'a pas
5 l'intention de vous présenter les éléments dans le détail et de façon
6 longue pour prouver tous les crimes qui ont été répétés, à commencer par le
7 mois d'octobre 1992 à Prozor et qui se sont poursuivis jusqu'à la fin de
8 l'année 1993 et voire même au début de l'année 1994. Les méthodes utilisées
9 -- les moyens utilisés pour réaliser ce déplacement de la population
10 musulman est restée cohérente tout au long de cette période, que ce soit
11 par assassinat, emprisonnement, expulsion, destruction, pillage, la seule
12 modification c'est la période en question et le niveau d'atrocité.
13 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, d'après la façon dont nous
14 comprenons les éléments, les accusés ont présenté des arguments qui ne sont
15 pas réfutables conformément à l'article 98 bis, nous ne sommes pas d'accord
16 avec les faits qui seront jugés plus tard, pour nous les arguments ne
17 remettent pas en question le fait incriminé -- ils ne présentaient que des
18 éléments généraux. Par exemple, l'argument de Coric sur les viols, la
19 Défense n'argue pas du fait qu'il n'y a pas eu de viol mais nie la
20 responsabilité de Coric dans ces derniers sur un seul élément. Autrement
21 dit, il n'y a pas eu des rapports là-dessus, c'est ce que j'ai entendu la
22 semaine dernière, rien ne pouvait être fait et ce qui aurait pu être fait a
23 été fait, et cetera, mais on n'a pas indiqué -- il n'a pas été indiqué que
24 les viols n'ont pas eu lieu. L'Accusation avance que, compte tenu des
25 arguments présentés par la Défense la semaine dernière, ce que nous
26 appelons en fait les faits incriminés, n'ont pas été remis en cause. Et
27 c'est pour cette raison - et en grande partie pour cette raison - que
28 l'Accusation ne va pas aborder ceci dans le détail autrement dit les faits
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1 incriminés et les éléments de preuve à l'appui, sauf lorsque cela porte sur
2 des questions qui ont été soulevées par les accusés qui ont présenté les
3 arguments. Nous n'allons pas non plus évoquer tout ce qui est peut être
4 associé aux éléments de preuve et des associations à chaque accusé qui a
5 présenté des arguments, nous n'allons pas non plus aborder la question de
6 toutes les formes de responsabilité. Pour ce qui est de l'article 98 bis,
7 et ce qu'il les concerne ici, la seule question qui nous intéresse est de
8 savoir si chaque chef d'accusation peut être maintenu pour chaque accusé
9 compte tenu d'une théorie ou sur la base de leur responsabilité.
10 Et pour cette raison, l'Accusation va se concentrer plus particulièrement
11 sur l'existence et l'opération vu l'entreprise criminelle commune et les
12 formes 1 et 3 de ces éléments de responsabilité. Nous n'allons pas aborder
13 la question de la responsabilité d'un des accusés conformément à l'article
14 7(3), car nous avançons que la Chambre ne doit pas tenir compte de cet
15 élément-là pour établir le fait que chaque chef d'accusation sera retenu et
16 maintenu contre les accusés.
17 Nous allons donc rechercher les instructions de la Chambre à cet égard :
18 l'Accusation va brièvement aborder la question de l'entreprise criminelle
19 commune et aborder certaines autres affaires qui ont été jugées devant ce
20 Tribunal, de façon à ce que les Juges puissent tenir compte de la
21 jurisprudence devant ce Tribunal lorsqu'elle tiendra compte des arguments
22 de l'Accusation.
23 Deuxièmement, nous allons présenter les éléments de cette affaire dans le
24 détail, un aperçu, ses caractéristiques principales et l'entreprise
25 criminelle commune. Encore une fois, on ne tiendra pas des faits incriminés
26 mais on tiendra compte des éléments de preuve présentés par l'Accusation
27 dans leur ensemble, après quoi, l'Accusation traitera ensuite les arguments
28 particuliers qui ont été présentés par les équipes de la Défense Petkovic,
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1 Coric et Pusic.
2 Alors, pour ce qui est de termes utilisés par le Tribunal et la
3 jurisprudence qui existe jusqu'à ce jour, dans l'affaire Krajisnik, la
4 Chambre de première instance a décidé que le principal objectif des
5 dirigeants serbes de Bosnie, les Juges de la Chambre voudront peut-être
6 tenir compte des parallèles qui ont été -- des parallèles qui existent
7 entre les objectifs des dirigeants croates de Bosnie dans l'affaire
8 Krajisnik, concernant les dirigeants serbes de Bosnie, la Chambre pourra
9 aborder la question sous l'angle de l'objectif central : "De recomposer sur
10 un plan éthique les territoires placés sous ce contrôle en chassant de
11 façon dramatique et en réduisant une partie de la population musulmane de
12 Bosnie qui y vivait ainsi que des Croates de Bosnie."
13 Ils vont découvrir que les crimes d'expulsion et de transfert forcé :
14 "C'étaient les moyens utilisés pour mettre en œuvre cet objectif commun
15 pour déplacer par la force les Musulmans de Bosnie, les Croates de Bosnie
16 de régions importantes de Bosnie-Herzégovine," et on fait référence à ces
17 crimes comme étant les "crimes originaux," ce qui correspond à ce que
18 j'appelle l'entreprise criminelle commune forme numéro I. Ceci reprend
19 l'arrêt dans l'affaire Krajisnik au paragraphe 1097.
20 Au-delà de ces crimes de l'acte d'accusation dans l'affaire Krajisnik,
21 mais l'accusé a été accusé de persécution, de meurtre, d'extermination,
22 d'expulsion et de transfert forcé. En supposant les crimes restant, ceux
23 qui tombaient dans les catégories I et III de l'entreprise criminelle
24 commune, la Chambre de première instance a noté que : "Les crimes soient
25 originaux, répondaient à un objectif commun ou qu'ils aient été ajoutés par
26 la suite, bien sûr, relèvent des éléments de preuve et non pas d'analyse
27 logique."
28 La Chambre de première instance avance, par conséquent, ce qu'on
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1 appelle une "approche strictement empirique" ne consiste à spéculer sur le
2 crime s'il reprend l'objectif initial de l'entreprise criminelle commune,
3 mais établit sous la forme d'un concept l'objectif commun qui devient alors
4 un moyen criminel. C'est ce que précise l'arrêt Krajisnik au paragraphe
5 1098.
6 Il explique les moyens par lesquels un plan commun peut se développer en
7 déclarant : "Lorsque les moyens criminels se développent, l'objectif est
8 prouvé lorsque les membres dirigeants de l'entreprise criminelle commune
9 sont informés du nouveau type de crime qui ont été commis conformément à la
10 mise en œuvre de cet objectif commun et ne prend pas les mesures effectives
11 pour empêcher que de tels crimes soient commis et persiste dans la mise en
12 œuvre de l'objectif commun de l'entreprise criminelle." Lorsque ceci
13 arrive, la Chambre de première instance indique que : "Les membres de
14 l'entreprise criminelle commune ont accepté que ces moyens soient déployés
15 étant donné que la mise en œuvre de l'objectif commun ne peut plus être
16 compris comme étant une commission stricte et limitée des crimes
17 originaux." Ceci reprend le paragraphe 1098 de l'arrêt Krajisnik.
18 La Chambre de première instance a constaté que, si on l'accepte la
19 commission de ce nouveau type de crime, et le fait que l'on contribue à
20 nouveau à ces objectifs, cela ressemble à une intention, et la commission
21 de ces crimes, qui a lieu par la suite, fait partie de l'entreprise
22 criminelle commune et reprend la forme de responsabilité numéro I dans le
23 cadre de l'entreprise criminelle commune.
24 Si on applique ces critères, la Chambre de première instance, dans
25 l'affaire Krajisnik, a décrété que la détention illégale de civils, le
26 traitement cruel et inhumain de détenus, les meurtres, détention, abus
27 sexuel, condition inhumaine de vie, meurtre de civils pendant les attaques
28 entre les villes et les villages, extermination des Musulmans, pillage,
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1 appropriation de biens, destruction de lieu culturel et de lieu de culte
2 font partie de l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune au fil
3 des jours; parce que les dirigeants politiques de Bosnie savaient que ces
4 crimes étant commis et n'ont pas cessé de mettre en œuvre leur programme de
5 déplacement forcé et discriminatoire de la population même en tenant compte
6 des crimes qui étaient rapportés, qui étaient commis, plutôt ont continué
7 leur conquête de territoire et leur recomposition démographique.
8 Ceci a été abordé de façon précise, Monsieur le Président, Messieurs les
9 Juges, dans d'autres affaires mais également pour gagner du temps dans
10 l'arrêt Krstic, on en parle très longuement. C'est le jugement rendu dans
11 l'affaire Kovocka qui évoque des éléments similaires lorsque l'on tient
12 compte des arguments 98 bis dans l'affaire Milutinovic.
13 Je fais une pause et reprends la décision prise dans le cadre de l'affaire
14 Milutinovic et reprend les éléments de l'entreprise criminelle commune
15 numéro 3. Dans ce cas, les arguments présentés dans le cadre de l'article
16 98 bis ou la décision a été prise, la Chambre précise que : "A la lumière
17 des éléments de preuve discutés ici ainsi que compte tenu du sens d'un
18 mouvement organisé de la population albanaise du Kosovo et le comportement
19 de l'accusé par rapport à ces événements, la Chambre peut constater qu'il y
20 a entreprise criminelle commune pour la période qui nous intéresse, dont le
21 but était de déplacer par la force la population albanaise du Kosovo du
22 Kosovo. De surcroît dans le cas où des crimes précis feraient l'objet d'un
23 acte d'accusation comme le viol le meurtre, ceci ne faisait pas partie d'un
24 plan commun, néanmoins c'était envisageable et prévisible que de tels
25 crimes pourraient être commis au cours des expulsions massives de la
26 population."
27 Donc, en tenant compte de ces éléments de jurisprudence, je vais maintenant
28 vous présenter les éléments de preuve à charge dans leur ensemble.
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1 L'Accusation avance que les crimes qui ont été commis dans cette affaire,
2 les crimes qui font l'objet de l'acte d'accusation indiquent qu'il y avait
3 des dirigeants qui haut vers le bas avaient mis en place un programme
4 politique et géopolitique, une stratégie que l'on peut appeler en réalité
5 un gouvernement de Tudjman-Susak-Boban et Prlic parce qu'en réalité,
6 c'était un système qui avait été mis en place. L'organisation, le pouvoir
7 repris par Tudjman, Susak, Boban, Prlic ainsi que d'autres en fait était
8 une opération où il y avait aucune fuite entre Zagreb et Mostar.
9 Les événements allégués dans l'acte d'accusation qui se sont déroulés ont
10 fait partie de la dissolution de l'ex-Yougoslavie. La Chambre connaît les
11 éléments historiques. La Communauté européenne reconnaît la République de
12 Croatie comme étant indépendante le 15 juin 1992, et les Nations Unies ont
13 admis la Croatie comme étant membre le 22 mai 1992.
14 Donc, au cours de ces événements, la Communauté croate d'Herceg-Bosna a
15 décrété son existence, entité politique et territoriale sur ce qui était
16 autrefois la République socialiste de Bosnie-Herzégovine. Comme le sait la
17 Chambre, en août 1993, la Communauté croate d'Herceg-Bosna a déclaré
18 qu'elle était une République croate d'Herceg-Bosna. Mate Boban était le
19 président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna depuis sa création et a
20 continué à être président de la République croate d'Herceg-Bosna jusqu'à la
21 fin de l'année 1993 et après.
22 Donc, différentes actions menées le 8 avril 1992 et le 15 mai 1992,
23 différents dirigeants d'Herceg-Bosna y compris Mate Boban ont mis en place
24 le Conseil de Défense croate ou le HVO qui était -- représentait les forces
25 armées du HVO du gouvernement, qui ont décrit le HVO comme étant l'organe
26 administratif exécutif et de défense suprême de l'Herceg-Bosna.
27 Dans l'acte d'accusation modifié au paragraphe 15, on peut lire ce qui suit
28 : "Entre le 18 novembre 1991 ou avant avril 1994 environ et après,
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1 différentes personnes ont mis sur pied une entreprise criminelle commune et
2 ils ont participé en vue de soumettre politiquement et militairement les
3 Musulmans de Bosnie et autres non-Croates qui vivaient des de régions du
4 territoire de la République de Bosnie-Herzégovine revendiquées comme
5 faisant partie de la Communauté croate, future République d'Herceg-Bosna;
6 et de réunir à court et à long terme ces dernières au sein d'une 'Grande-
7 Croatie' soit par attachement à la République de Croatie, soit en une
8 étroite association avec elle, et ce, par la force, l'intimidation, la
9 menace du recours à la force, la persécution, l'emprisonnement et la
10 détention, le transfert forcé et l'expulsion d'appropriation et la
11 destruction de biens qui par d'autres moyens consistent à -- commettre des
12 crimes sanctionnés par les articles 2, 3, et 5 du Statut du Tribunal.
13 L'ambition territoriale de l'entreprise criminelle commune est un décret,
14 un territoire croate, reprenant les frontières de la banovine Croate entité
15 territoriale ayant existé de 1939 à 1941. Elle visait notamment à
16 redessiner la carte politique et ethnique de ces régions de façon à ce
17 qu'elle soit dominée par les Croates tant sur le plan politique que sur le
18 plan démographique."
19 Je vais maintenant aborder la question territoriale de l'entreprise
20 criminelle commune.
21 Le président de Croatie, Franjo Tudjman, avait depuis longtemps parlé de
22 son obsession, à savoir l'acquisition par la Croatie de certaines parties
23 de la Bosnie-Herzégovine. Comme cela a pu être étayé par la déposition de
24 Robert Donia, à la pièce P 09536, dès 1981, Tudjman, dans les œuvres
25 publiées par lui, a décrit la Bosnie et la Croatie comme "étant une entité
26 économie et géographique indivisible." En public, il a soutenu les
27 prétentions de la Croatie à des grandes parties de la Bosnie qui avaient --
28 faisaient à ce moment-là partie de la banovine Croate.
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1 Comme le sait la Chambre, la banovine Hrvatska était une région autonome
2 croate établie vers 1939 qui a existé jusqu'en 1941 environ. Elle répondait
3 aux desiderata des plus grands acteurs en Yougoslavie, les Serbes et les
4 Croate, aux dépens des Musulmans de Bosnie avec l'aide d'un territoire
5 souverain de Bosnie-Herzégovine qui souhaitait reprendre donc ses terrains
6 croates.
7 Les éléments de preuve montrent que ce Tribunal, dans cette affaire-ci
8 ainsi que d'autres affaires, ce que l'on peut appeler les affaires serbes
9 avec la dissolution de la Yougoslavie, la Serbie et la Croatie ont vu
10 l'occasion de faire valoir des expansions territoriales en Bosnie-
11 Herzégovine. Des discussions avaient pour but de diviser la Bosnie et
12 l'Herzégovine; ces discussions ont eu lieu entre Tudjman et Slobodan
13 Milosevic à Karadjordjevo en octobre 1991. A la veille de l'indépendance de
14 la Croatie par rapport à la Yougoslavie, Tudjman a fait connaître ses
15 ambitions au niveau de la Bosnie très claires le 8 juin 1991, la pièce P
16 00037 : "Et bien, Messieurs, si nos optons pour l'indépendance de la
17 Croatie, que ce soit à l'intérieur d'une alliance ou que ce soit sous la
18 forme d'une indépendance totale, les frontières de la Croatie telles
19 qu'elles existent aujourd'hui sont absurdes tout à fait impossible dans le
20 sens d'une administration et du commerce, sans tenir compte de la question
21 de la protection des frontières avec la Croatie. Par conséquent, d'après
22 nous, cela ne pose pas de problème, il faut trouver une solution
23 essentielle à ce problème parce qu'il faut créer une Bosnie -- les
24 frontières de la Bosnie après la Deuxième Guerre mondiale et ceci est
25 historiquement absurde."
26 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
27 M. SCOTT : [aucune interprétation]
28 Ceci a été confirmé à une réunion importante de la Chambre. Nous avons
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1 entendu le Témoin Kljuic qui a participé à cette réunion à Zagreb le 27
2 décembre 1991; ceci se trouve à la pièce P 00089.
3 Au cours de cette réunion, Tudjman, encore une fois, a indiqué que : "La
4 survie de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat indépendant et souverain,
5 quand bien même c'est possible, est de toute façon contre les intérêts de
6 l'Etat croate et rend impossible la mise en place au plan du territoire de
7 l'Etat croate et crée les conditions de la disparition de ce qui reste du
8 peuple croate en Bosnie-Herzégovine aujourd'hui. Tout ce que l'histoire
9 nous a montré c'est que la Bosnie-Herzégovine n'est pas une solution pour
10 le peuple croate. La Bosnie et l'Herzégovine ne doivent pas être considérée
11 comme quelque chose qui a été reçu de Dieu et -- préservé. Nous ne devons
12 jamais oublier combien cela peut nous faire du mal parce que lorsque la
13 Bosnie-Herzégovine a été créée, la Croatie a été placée dans une situation
14 impossible par rapport à son territoire.
15 "Par conséquent, nous voulions pour finir et ceci n'était pas un
16 accident dans le préambule de la constitution croate où nous évoquons la
17 banovine de Croatie. Il me semble que nous avons bénéficié de ce moment
18 historique pour mettre en place une Croatie indépendante, reconnue au plan
19 international, à mon sens le moment est venu pour rassembler le peuple
20 croate au sein de frontières les plus larges possibles."
21 Ce que les éléments de preuve présentés par l'Accusation au-delà de tout
22 ceci c'est que et c'est ce qui vraiment dans une grande mesure qui a donné
23 lieu au conflit ceci a fait en sorte que Tudjman et d'autres accusés ont --
24 avaient des revendications territoriales en Bosnie-Herzégovine qui dans des
25 régions qui n'étaient même pas à majorité Croates et qui dans certains cas
26 n'avaient même pas une compilation croate importante. Ce qui peut être
27 illustré par une autre déclaration de Tudjman lorsqu'il s'est adressé à des
28 représentant de l'Herceg-Bosna en septembre 1993 : "A Stolac. Je connais
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1 l'importance stratégique de Stolac en tant que président de la Croatie et
2 si vous voulez en tant que soldat aussi. Je sais que Stolac et Jablanicki
3 Kotar et Konjic ont été compris dans la banovine Croate en 1939. Il s'agit
4 là d'arguments que j'ai soutenus depuis le premier jour. Quoi qu'il en
5 soit, ils disent Stolac était principalement Musulman, et par conséquent,
6 il y a eu un nettoyage ethnique."
7 Le 8 juin 1991, Tudjman a indiqué qu'en réalité, les dirigeants musulmans
8 en Bosnie-Herzégovine devaient accepter la division de la Bosnie-
9 Herzégovine. Tudjman, je cite : "Je crois que nous allons réussir parce que
10 ceci est également dans l'intérêt de la Serbie et de la Croatie, alors que
11 la composante musulmane n'a pas d'autre sortie que d'accepter cette
12 solution, mais il ne sera pas aisé de trouver une solution mais en somme
13 voilà c'est cela."
14 Voire en octobre 1993, beaucoup plus tard, Tudjman en fait la situation
15 précédente date du mois de juin 1991, déjà en octobre 1993, Tudjman parlait
16 encore de combats en Bosnie-Herzégovine et ce combat portait sur les
17 frontières de l'Etat croate. A la pièce P 00612, Tudjman dit : "Il y a
18 plusieurs mois je vous ai parlé de cette situation et j'ai donné des
19 missions à remplir au ministre de la Défense Susak et le général Bobetko
20 concernant notre aide et notre engagement en Herceg-Bosna. Je leur ai dit
21 que c'est là que seraient dessinées les frontières futures de l'Etat
22 croate, et donc, je leur ai indiqué à ce moment-là combien il était
23 important de défendre leurs positions et les territoires du HVO qu'ils
24 tenaient à cet endroit-là. C'était le problème de Novi Travnik, Vitez,
25 Busovaca, Mostar et les problèmes de Gornji Vakuf et de Bugojno auxquels on
26 devait trouver une solution le plus rapidement possible." Et c'est Tudjman
27 qui a dit cela en octobre 1993.
28 La Chambre nous a aidé en ceci parce que les aspirations territoriales de
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1 Tudjman ont été bien établies par des faits admis en vertu de jugement
2 antérieur, et je vais en invoquer certains ici.
3 "Le président Tudjman aspire à un partage de ce pays voisin, la Bosnie-
4 Herzégovine," fait admis en vertu d'un jugement antérieur 73 par la Chambre
5 le 16 septembre 2006, je cite : "Le nationalisme de Franjo Tudjman et son
6 désir d'annexer une partie de la Bosnie-Herzégovine semblait tout à fait
7 clair à Lord David Owen à qui le président Tudjman a indiqué ses
8 revendications, 17,5 % du territoire de Bosnie devrait revenir à la
9 république qui a une majorité croate." Fait admis en vertu d'un jugement
10 antérieur numéro 75.
11 "Le président Tudjman, en tant que leader du HDZ, devrait promouvoir
12 l'identité croate en faisant appel à la Croatie comme étant une entité
13 continue, distincte sur un plan historique." Numéro 77.
14 De multiples dont on fait référence en tant que "frontières naturelles de
15 la Croatie" peut être trouvé au fait admis 79.
16 "L'admission de Tudjman quant à la politique de positions et malgré la
17 position qu'il avait adoptée, ne fait que fortifier les discussions qui
18 avaient lieu entre Tudjman et Milosevic dans le cadre de la Fédération
19 yougoslave en 1991." Fait admis 81.
20 Ces aspirations pour partage ont été démontrées lors de pourparlers
21 confidentiels entre Franjo Tudjman et Slobodan Milosevic et Karadjordjevo
22 le 30 mars 1991 sur la division de Bosnie-Herzégovine. Fait admis 82.
23 Excusez-moi, Monsieur le Juge Prandler, je vais ralentir. Merci.
24 A la suite de la réunion de Karadjordjevo, Franjo Tudjman a dit : "Qu'il
25 serait difficile pour que la Bosnie survive et que les Serbes allaient
26 prendre la banovine, Kazim, Kladusa et Bihac." Fait admis numéro 84.
27 Franjo Tudjman également a ajouté : "Qu'il n'y aura plus de région
28 musulmane à l'intérieur de l'ex-Yougoslavie, et que ceci ne serait qu'un
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1 tout petit élément d'un Etat croate." Fait admis 89.
2 "L'accord signé entre les Serbes et les Croates sur la partition ou le
3 partage de la Bosnie a été confirmé à la suite d'une réunion entre les
4 dirigeants politiques serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Mate Boban à
5 Graz en Autriche le 6 mai 1992." Fait admis 90.
6 Les aspirations de Franjo Tudjman visant à annexer "les régions croates de
7 la Bosnie se sont vu -- pendant le conflit, tout au long du conflit" Fait
8 admis 88.
9 Je ne vais pas insister plus longuement là-dessus. Ceci ressort d'autres
10 faits présentés devant le TPI, d'autres affaires et ce sont tous des faits
11 admis.
12 Je ne vais pas maintenant me pencher sur les cartes, mais la Chambre se
13 rappellera du livre de carte que l'Accusation a remis aux Juges dans le
14 cadre de cette affaire et l'Accusation respecte sous-tend respectueusement
15 que tout ce qu'il y a à faire c'est de regarder ces cartes, et carte par
16 carte vous verrez que ceci correspond avec un objectif d'établir les
17 frontières de la banovine. Ce n'est pas une coïncidence que les lignes
18 territoriales de l'Herceg-Bosna coexistaient presque ou -- en fait étaient
19 presque identiques aux frontières de la banovine. Chaque carte de paix,
20 qu'il s'agisse de carte proposée par Vance-Owen, chaque carte proposée par
21 les Croates correspond au fait d'établir une -- les frontières de la
22 banovine.
23 Maintenant qu'ont dit nos accusés sur cet aspect de l'affaire en l'espèce ?
24 Le plan, la banovine, l'entreprise criminelle commune, et cetera. Alors,
25 prenons les accusés un par un pour voir ce qu'ils ont dit là-dessus.
26 M. Prlic, dans sa déclaration, la pièce P 09078 dit, je cite : "Le plan
27 proclamé, soutenu par Zagreb qui également le centre politique du pouvoir
28 était d'abord d'établir une République des frontières de la Croatie
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1 reconnue internationalement. Le deuxième objectif politique était
2 d'intégrer une partie de l'ABiH à l'intérieur de la République de Bosnie-
3 Herzégovine. Lié à ceci est le lien qui existait entre le HV et le HVO
4 entre le gouvernement et la République de Croatie et les autorités
5 d'Herceg-Bosna. Le HDZ en Croatie et l'armée serbe, l'armée pardon de
6 l'ABiH ont également parlé au public pour dire au public que chaque -- que
7 tout a été fait et que tous les préparatifs ont été faits et prêts pour
8 défendre la Bosnie-Herzégovine qui ce qui n'était pas que partiellement
9 correct."
10 Je cite, bien sûr, la déclaration de Prlic, que c'était partiellement
11 vrai. Ils l'ont dit au public, tous ces préparatifs avaient été proclamés
12 mais entre eux ils avaient créé un autre plan qui a été adopté et qui avait
13 été proclamé, soutenu par Zagreb, et encore une fois, ainsi c'est pour dire
14 que c'était le centre politique du pouvoir.
15 Donc, l'objectif -- le point principal de ce plan était de défendre le
16 territoire et possiblement également, je cite : "De leur attacher aux
17 territoires de Croatie." Et je dois dire que cette idée a été soutenue par
18 la majorité des gens d'Herzégovine. Donc, il ne s'agissait pas seulement de
19 plan de conspiration d'un groupe. Une autre déclaration faite par M. Prlic
20 : "Zagreb voulait intégrer une partie de Bosnie-Herzégovine à la République
21 de Croatie si la Bosnie-Herzégovine était --a été démantelée." Encore une
22 fois, il s'agit d'une déclaration que l'on peut retrouver au transcript à
23 la page 65 : "La plupart des Croates en Bosnie-Herzégovine ont soutenu ce
24 plan, pour attacher l'Herceg-Bosna à la Croatie."
25 Que dit Slobodan Praljak, s'agissant du plan ? Mais en fait c'était l'une
26 de ses pièces à lui qu'il nous a présentée, la pièce
27 3D 004482; il s'agissait d'une note d'une réunion qui a été faite lors
28 d'une réunion du général de l'armée croate Anton Tus et le général de
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1 l'armée croate Slobodan Praljak avec une délégation française le 13 janvier
2 1993. Le compte rendu d'audience décrit Slobodan Praljak comme étant : "Le
3 commandant général Slobodan Praljak, assistant du ministre de la Défense de
4 la République de Croatie."
5 M. Praljak dit : "La position croate a été claire depuis le début. Le
6 territoire qui appartient à la Croatie correspond aux frontières de la
7 banovine Hrvatska de 1939, division de -- s'agissant de la division de la
8 Yougoslavie synchronisée avec le recensement de 1981, mais entre
9 parenthèses (le recensement de 1991 selon lui n'est pas valide). Les
10 Croates se trouvent en Bosnie-Herzégovine en tant que une nation
11 constitutive. Les problèmes qui existent parmi les Croates entre les
12 Croates et les Musulmans résultent de divers objectifs se trouvant au sein
13 des combats politiques. Les Croates se battent à l'intérieur de la Bosnie-
14 Herzégovine avec l'autonomie des Croates alors que les Musulmans se battent
15 pour un état civil."
16 Maintenant, je ne viens que de vous faire lecture d'une partie de cette
17 déclaration, lorsque M. Praljak parle de se battre pour l'état de Bosnie-
18 Herzégovine, mais il parle également de l'établissement de la banovine et
19 des frontières de la banovine. Il y a eu également d'autres déclarations et
20 d'autres éléments de preuve que nous avons entendus, et qu'il a dit dans ce
21 même sens.
22 Que dit maintenant M. Stojic concernant les objectifs des Croates de Bosnie
23 tels que Tudjman, Boban et autres ? La pièce
24 P 00185 est une conversation téléphonique enregistrée du 5 mai 1992,
25 conversation qui a eu lieu entre deux dirigeants croates de Bosnie, Bruno
26 Stojic et Branko Kvesic et deux dirigeants serbes de Bosnie, le ministère
27 de l'Intérieur Momcilo Mandic, en fait un autre accusé devant ce Tribunal,
28 M. Mico Stanisic concernant les revendications territoriales des Croates et
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1 des Serbes en Bosnie-Herzégovine et le besoin pour que les Croates et les
2 Serbes s'assoient et se mettre d'accord sur leurs revendications.
3 D'autres, il s'avère que la conversation a eu lieu un jour avant l'accord
4 de grâce, le 6 mai 1992, la pièce P 00187.
5 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
6 M. SCOTT : [interprétation] Au cours de la conversation, Stojic dit très
7 clairement que les frontières désirées par les Croates sont les frontières
8 de la banovine de 1939.
9 La conversation se poursuit, elle dure un certain temps, et je ne
10 veux pas vous donner lecture de l'ensemble de la conversation ou quoi que
11 lire la conversation remet les choses dans son contexte, mais pour gagner
12 du temps je ne vais pas donc lire l'ensemble Stojic et Mico Stanisic
13 parlent.
14 Stanisic dit : "Ecoute, Karadzic aussi veut un accord, il veut
15 s'asseoir pour se mettre d'accord sur un plan, sur un accord, mais quand ça
16 commence ça recommence."
17 Bruno : "Arrête, qu'est-ce qui se passe avec toi."
18 Stanisic : "Et bien, écoute donne-nous une initiative."
19 Bruno : "Toi et nous. Non, non, cela n'a absolument -- ne fait aucun
20 sens."
21 Stanisic : "Nous allons vous donner ici nous allons vous donner
22 Visoko, Vares, Kakanj, et Zenica. Nous allons vous les donner."
23 Bruno : "Vous ne pouvez pas nous donner ce qui est à nous. Vous ne
24 pouvez pas nous donner ce qui est déjà à nous. C'est la banovine de 1939.
25 Alors qu'est-ce qui se passe là-bas ?"
26 La conversation se poursuit et quelques minutes après, on parle de Neretva.
27 Stojic dit à Stanisic : "Laissez tomber ces rêves. Quelle Neretva ?
28 Vous vous accrochez à Drina."
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1 Et Stanisic lui dit : "Il n'y a pas une seule personne ou 50
2 kilomètres à la ronde de l'autre côté de la Neretva. Est-ce qu'est d'accord
3 avec moi ?"
4 Bruno : "Mais ceci n'est absolument aucun sens avec les aéronefs, les
5 avions."
6 Stanisic : "Et bien, nous allons commençons quelque chose. Nous
7 allons vous donner quelque chose, nous -- quelque chose, et nous allons
8 pourriez-vous de cette façon-là établir les frontières naturelles."
9 Bruno : "Quelles frontières naturelles ?"
10 Stanisic : "Les, et bien."
11 Bruno : "Il n'y a que les frontières de 1939 et je suis tout à fait
12 sérieux il n'y a pas d'autre frontière."
13 Stanisic : "Il faut être réaliste. Il faut s'asseoir et nous mettre
14 d'accord sur quelque chose."
15 Bruno : "Seulement les frontières de 1939 et aucun -- nous n'allons
16 pas essayer de trouver d'autres solution. Ah, ah.
17 " Stanisic : "N'essaie pas de blaguer avec moi. En 1939 on n'avait
18 pas encore d'Etat, ah, ah."
19 Que dit maintenant Petkovic dans la pièce P 00279. Ce qui est
20 intéressant c'est le rapport du 26 juin 1992, quelques semaines après la
21 conversation téléphonique avec M. Stojic. Milivoj Petkovic parle au
22 commandant du HVO et aux dirigeants politiques s'agissant des succès
23 militaires récents réalisés par le HVO en Herzégovine Bosnie et le travail
24 qui reste encore à faire pour pouvoir atteindre ces objectifs, et voici ce
25 que M. Petkovic a écrit dans un document du 26 juin 1992.
26 "1. Situation tactique et opérationnelle. Par le biais d'activités
27 offensives dans l'ensemble de la région du sud-ouest de l'Herzégovine où
28 les forces du HVO avec l'aide de l'armée croate assez importante et leur
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1 équipement ont réussi -- ont eu un succès qui nous a tous surpris et a
2 surpris également les autorités juridiques. Aujourd'hui nous avons le
3 contrôle de presque tout l'ensemble du territoire des municipalités croates
4 telles Neum, Ravno, Stolac, Capljina, Ljubuski, Citluk, Siroki Brijeg et
5 Mostar. Bien sûr, il y a encore une partie du territoire pour la plupart
6 des municipalités de Mostar et Stolac qui ne sont pas sous le contrôle des
7 forces du HVO. Donc, nous avons quatre missions principales qui nous
8 attendent.
9 "D'abord, de placer sous notre contrôle les zones qui restent des
10 municipalités croates;
11 Deux, d'assurer et de fortifier les lignes que nous avons déjà;
12 Trois, de mener à bien notre organisation des forces déjà existante
13 du HVO; et
14 Quatre, d'établir un règne croate sur toutes les municipalités.
15 C'était le plan en date du -- enfin en juin 1992."
16 L'Accusation sous-tend que le Parti HDZ de l'Herceg-Bosna et le HVO
17 sont des instruments employés par le gouvernement de Tudjman et l'Herceg-
18 Bosna et les dirigeants du HVO, y compris ces accusés, pour faire une
19 Grande-Croatie se basant sur les frontières de banovine en tenant le
20 contrôle de certaines municipalités croates soit à l'intérieur des
21 frontières déjà croates ou de mini-Etat croate qui serait identifié ou qui
22 serait aligné -- allié -- identifié avec la Croatie. Quand il est devenu
23 apparemment que les Musulmans n'allaient pas acquiescer à tout ça de façon
24 volontaire il y a eu une violence de stratégie qui s'est fait sentir de
25 plus en plus et ceci pour atteindre un programme géopolitique que j'ai
26 décrit un peu plus tôt sur la base de la preuve entendue il y a quelques
27 instants.
28 Tout comme les Chambres de première instance du TPIY ont trouvé qu'il
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1 y avait une existence vers une aspiration du gouvernement Tudjman vers la
2 Croatie, il y a eu un très grand nombre de faits admis sur le contrôle de
3 la Croatie sur le HVO et l'Herceg-Bosna établissant l'existence d'un
4 conflit international armé sous le contrôle de la Croatie et de l'entité
5 croate.
6 Je vais maintenant de nouveau passer et sauter sur d'autres choses,
7 je crois que ceci -- qu'il s'agit de faits admis et ceci -- des faits admis
8 qui ont été admis par cette Chambre première instance, donc, je ne vais pas
9 les citer.
10 Citation : "Outre l'intervention directe par les forces de l'armée
11 croate et de la Croatie et il y a eu un contrôle indirect sur le HVO et le
12 HZ Herceg-Bosna." Fait admis numéro 504.
13 "Il n'y a absolument aucun doute que la République de Croatie a eu un
14 lien très prêt avec les Croates en Bosnie-Herzégovine." Fait admis 461.
15 "Il n'y a absolument aucun doute que la République de Croatie
16 et le HZ HB avaient le même objectif final notamment l'incorporation des
17 provinces croates de Bosnie-Herzégovine en un Etat croate." Fait admis 91.
18 "Les liens qui existaient entre le président Tudjman en tant que chef
19 du HDZ en Croatie et les dirigeants du HZ HB étaient très prêts tout au
20 long du conflit." Fait admis numéro 94.
21 "Pour Mate Boban, le HDZ était la branche bosnienne du parti qui a
22 été créé par Franjo Tudjman." Fait admis 45.
23 "Les délégations du HDZ de Bosnie se rendaient régulièrement pour
24 consulter le président Tudjman." Fait admis 98.
25 "Il y avait des réunions régulières avec le président Tudjman
26 et les dirigeants croates de Bosnie nommés par la Croatie ou avec son
27 consentement et ont continué avec les dirigeants croates de Bosnie nommés
28 par la Croatie et avec son consentement ont continué de diriger le HZ HB,
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1 le HVO après juin 1992." Fait admis 99.
2 "La Croatie a donc été impliqué directement dans le contrôle des
3 forces du HVO qui ont été créées le 8 avril par le HZ HB, c'est-à-dire par
4 leur présidence." Fait admis 471.
5 "La République de Croatie a participé à l'organisation et la
6 planification ou la coordination des opérations militaires menées dans le
7 contexte d'un conflit existant entre le HVO et l'ABiH." Fait admis 474.
8 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation sous-tend
9 que ce niveau de contrôle en soit sans même entrer dans les incidents
10 spécifiques s'agissant de la participation directe de l'armée croate sur le
11 terrain, même si nous n'abordons pas ces éléments de preuve-là l'étendue du
12 contrôle absolu sur les dirigeants d'Herceg-Bosna et du HVO établit
13 l'existence d'un conflit international armé, et l'Accusation ne croit pas -
14 - ou ne va pas parler de ces aspects militaires dans le cadre de ces
15 arguments présentés en vertu de l'article 98 bis afin -- à moins que la
16 Chambre n'ait des questions à nous poser, mais cette participation est très
17 large, il y a donc des pièces qui nous permettent de savoir qu'il y avait
18 des Brigades et des Unités croates qui opéraient sur le territoire de
19 Bosnie-Herzégovine.
20 Pour revenir maintenant à la chronologie des événements pour ce qui est de
21 l'Herceg-Bosna, je souhaiterais revenir à la date du
22 12 novembre 1991. En fait, il s'agit de six jours avant que -- vers le 18,
23 donc, il y a deux réunions, l'une la Herzégovine menée par Mate Boban, et
24 en Bosnie centrale, Dario Kordic se sont rencontrés à Grude et ont conclu
25 cette réunion. Le compte rendu de cette réunion porte la cote P 00071 : "La
26 communauté régionale d'Herzégovine et la Communauté régionale de Travnik
27 maintiennent leurs conclusions à laquelle -- ont été arrivées lors des
28 réunions précédentes que le peuple croate de ces régions continue de tenir
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1 les décisions acceptées de façon unanime et les conclusions adoptées au
2 cours des consultations avec le président, le Dr Franjo Tudjman, les 13 et
3 20 juin 1991 à Zagreb.
4 "A la suite de conclusions de ces réunions, desquelles nous avons parlées
5 un peu plus haut et des consultations spéciales du 15 août -- octobre 1991
6 à Grude et du 22 octobre 1991 à Busovaca et celle-ci du 12 novembre 1991,
7 ces deux communautés régionales se sont -- ont décidé, de façon conjointe
8 et unanime, que le peuple croate en Bosnie-Herzégovine doit finalement
9 mener à bien une politique active et décider qui nous mènera à la
10 réalisation de notre rêve que nous avons eu depuis plusieurs siècles,
11 c'est-à-dire de joindre un Etat -- de créer un Etat -- de rejoindre un Etat
12 croate pour mener à bien cet objectif historique deviendra réalité. Et pour
13 que ceci se fasse, il faut commencer des activités pour formuler et pour
14 donner des documents politiques et juridiques afin de pouvoir proclamer une
15 banovine Croate en Bosnie-Herzégovine et qu'un référendum doit être mené
16 sur la section de la République de Croatie, et cetera. Ceci serait une
17 première étape sur la route d'un -- règlement final dans la question de la
18 création d'une Croatie souveraine pour créer ses frontières maintenant
19 possibles ethniques et historiques."
20 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la preuve sur ces questions est
21 très longue et je ne vais pas trop m'appesantir sur ces dernières mais les
22 transcripts que vous avez que la Chambre a déjà eus, qui sont déjà versés
23 au dossier; vous verrez que ces discussions se répètent de nombreuses fois.
24 La pièce -- par exemple, la pièce
25 P 00699, réunion du 3 novembre 1992, très souvent impliquant un très grand
26 nombre de nos accusés, ceci implique Mate Boban, Jadranko Prlic et Bruno
27 Stojic; et Jadranko Prlic et Susak étaient également présents à cette
28 réunion. Et voilà ce que je voudrais mentionner. C'est que l'un de nos
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1 accusés était là et Susak dit : "De plus, pour pouvoir comprendre -- avoir
2 une meilleure compréhension de la politique générale pour l'ensemble de la
3 Bosnie-Herzégovine, nous avons convoqué une réunion de la région élargie du
4 20 juin 1992 y compris les municipalités. Et ils ont reçu les instructions
5 à ce moment-là. Et le 19 juin -- août, plutôt, 1991, les personnes
6 suivantes ont été appelées et étaient présentes aux réunions : le ministre
7 de la Défense, Mate Boban; Neven Tomic; Jozo Maric; Bruno Stojic, président
8 --" - je cite - "président du département de la Défense d'Herceg-Bosna, et
9 Jadranko Prlic, président du HVO, HZ HB." Et Susak se plaint dit donc : "Ce
10 n'est pas vrai comme il est dit dans ce rapport qu'il ne savait pas qu'elle
11 était la politique croate concernant les Croates en Bosnie-Herzégovine et
12 qu'elles étaient les lignes directrices."
13 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
14 M. SCOTT : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les mesures d'autres
15 citations que je pourrais vous citer, nous prenons la pièce P 01622 du 8
16 mars 1993; la pièce P 02099 du 26 avril 1993; la pièce P 02122 du 27 avril
17 1993; la pièce P 03112 du 2 juillet 1993; la pièce P 05498 du 30 septembre
18 1993; la pièce P 06591 du
19 10 novembre 1993. Toutes ces pièces nous montrent qu'il y a eu d'énormes
20 discussions pour pouvoir mener à bien ce plan. Cet objectif, je pourrais
21 vous donner lecture pendant des heures de ces pièces, mais j'invite les
22 Juges de la Chambre de relire les transcripts de ces réunions
23 présidentielles car en fait c'est un vrai trésor nous permettant d'établir
24 les faits dans cette affaire.
25 Mais je souhaiterais simplement me pencher sur une pièce en date du 13
26 février 1994, toujours une date qui se trouve encore à l'intérieur de la
27 période couverte par l'acte d'accusation, la pièce P 07856, Jadranko Prlic
28 participe à une réunion avec Tudjman et il dit à Tudjman et je cite : "Nous
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1 avons créé un Etat, l'Etat d'Herceg-Bosna à tous les systèmes, y compris
2 les coutumes et les finances, des gens meurent et naissent avec des
3 documents émanant de l'Herceg-Bosna. Je crois que nous devrions peser tous
4 les éléments, de façon très attentive, absolument aucune solution n'est
5 acceptable sans une République croate d'Herceg-Bosna, en d'autres mots, une
6 république croate et les frontières doivent englober le plus de zones
7 possibles à l'intérieur de l'Herceg-Bosna. Et je crois que ceci peut être
8 fait avec les moyens mêmes militaires s'il est nécessaire afin de pouvoir
9 nous assurer que les choses se développent de la façon dont elles se
10 développent."
11 Et une dernière pièce relative à ce point particulier, la pièce P 08288, 31
12 mai 1994. C'est après l'accord de Washington et ceci nous dit, Monsieur le
13 Président, Messieurs les Juges, que le plan n'était pas mort, qu'une vision
14 était encore -- existait encore et qu'on essaie de la maintenir. Le 31 mai
15 1994, Tudjman dit aux dirigeants d'Herceg-Bosna qui se trouvaient sur
16 place, y compris Jadranko Prlic, Dario Kordic et autres, je cite : "Nous
17 devons maintenir notre politique de la façon à nous approprier --"
18 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
19 M. SCOTT : [aucune interprétation]
20 M. LE JUGE ANTONETTI : -- quand vous citez une pièce, est-ce que la pièce
21 apparaît sur l'écran ou pas ? Vous avez demandé à ce que le Greffier fasse
22 apparaître la pièce pour qu'on puisse la voir très vite ?
23 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, encore une fois, pour
24 gagner du temps, non, nous n'avons pas fait ceci. Si j'avais vraiment voulu
25 faire tout ceci une présentation de cette façon-là, je n'ai pas eu en fait,
26 je n'ai pas eu le temps de le faire. Peut-être, si vous voulez, à l'avenir,
27 je pourrais vous donner
28 la pièce -- le numéro de la pièce, afin que vous puissiez vérifier mes
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1 citations. Mais si je dis quelque chose est une citation, c'est réellement
2 une citation, donc ce n'est pas mes propres mots. Je cite -- lit
3 textuellement, donc, j'espère que, dans le cadre de mes -- donc des
4 réquisitoires, je pourrais justement faire une présentation de ce type-là
5 lorsque j'évoquerai des documents.
6 Mais Tudjman dit : "Nous devront continuer notre politique et nous allons
7 mener une politique intelligente. Nous devons être perçus comme étant du
8 côté des Musulmans mais nous ne voulons pas qu'ils créent leur Etat
9 musulman et ceci crée un problème." Et Tudjman assure les dirigeants
10 d'Herceg-Bosna que nous allons faire en sorte que je cite : "Les Musulmans
11 se prononcent comme étant des Croates de religion musulmane. Nous n'avons
12 pas de choix."
13 Monsieur le Président, pour ce qui est de la mise en place de Herceg-Bosna,
14 du HVO, en avril et mai 1992, tout ceci vous vous souviendrez de la
15 déposition de Stepjan Kljuic, par exemple, de Milivoj Gagro qui nous ont
16 parlé de l'évolution politique de la situation en 1991, vers la fin de
17 cette année, et ceci a amené à la réunion du 27 décembre 1991, à Zagreb,
18 une réunion à laquelle Kljuic a participé, il nous en a parlé lui-même ici.
19 Et il s'agissait, en l'occurrence, de la dernière épreuve de force entre le
20 HDZ de Bosnie-Herzégovine plutôt modéré, et les extrémistes, Mate Boban,
21 Dario Kordic et les autres. Et il apparaît clairement à la fin de cette
22 réunion que les modérés ont perdu et que les extrémistes, les durs, ont
23 gagné cette bataille. Tudjman appuie cette solution et il fait un certain
24 nombre de déclarations à ce sujet.
25 A l'issue de cette réunion - il s'agit de la pièce P00089 - après
26 avoir entendu toutes les parties se prononcer, Tudjman déclare, je cite :
27 "Pourquoi ne pas accepter une offre de démarcation si c'est dans l'intérêt
28 du peuple croate ? Parce que, quant à moi, je ne vois aucune raison -- pas
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1 une seule raison sérieuse qui ne parle contre cela. En cas de démarcation
2 des frontières, la Croatie obtiendrait non seulement ses deux communautés,
3 l'Herceg-Bosna et la Posavina, mais pour des régions géopolitiques, elle
4 obtiendrait également Cazinska et Bihacka Krajina, ce qui correspondrait de
5 manière pratiquement idéale, aux intérêts nationaux croates. Et il
6 s'agirait également de créer un petit Etat avec ce qui reste autour de
7 Sarajevo où se trouveraient l'essentiel des Musulmans et certains Croates
8 catholiques, ça ressemblerait à une petite Bosnie historique. Ça
9 constituerait un tampon entre la Serbie et la Croatie. Et dans ces
10 conditions, cet Etat devrait s'appuyer sur la Croatie dans une grande
11 mesure. De ce point de vue, même une sorte de canonisation avec une
12 poursuite de l'existence de la Bosnie-Herzégovine ne constituerait pour
13 nous une solution telle que la solution de la démarcation des frontières."
14 Ensuite, il y a une série de pièces, une série d'éléments de preuve
15 qui confortent la thèse de l'Accusation, et ce que nous avons qualifié de
16 politique à deux vitesses ou à deux niveaux et qui constituaient en la
17 chose suivante. C'est que d'une part, lors des réunions, d'ailleurs et dans
18 les comptes rendus, on l'a déjà vu précédemment, c'est-à-dire qu'il y avait
19 une politique délibérée qui était confirmée et annoncée par Tudjman; ça se
20 revoit dans toutes les transcriptions des réunions, et qui se manifeste de
21 la manière suivante, c'est-à-dire d'une manière publiquement, nous allons
22 dire que nous sommes en faveur d'une Bosnie-Herzégovine souveraine. Nous
23 allons le dire -- l'affirmer que nous sommes en faveur d'une Bosnie-
24 Herzégovine indivisible, mais, en réalité, nous avons un autre programme,
25 et c'est ce programme -- cet objectif que nous allons poursuivre.
26 Lors de cette fameuse réunion du 27 septembre dont j'ai déjà parlé,
27 Perica Juric dit : "Au niveau diplomatique, les nôtres à Sarajevo peuvent
28 continuer à jurer qu'ils sont en faveur d'une Bosnie-Herzégovine
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1 souveraine, comme nous l'avons fait nous-mêmes jusqu'à présent -- comme ils
2 l'ont fait eux-mêmes jusqu'à présent." Tudjman, lui-même, a précisé la
3 nature de cette politique lors d'une réunion avec les dirigeants de croates
4 de Bosnie en mars 1993. Il s'agit là de la pièce P01594. Bien que du fait
5 du climat diplomatique, ils fussent contraints de se prononcer du moins sur
6 la forme en faveur d'une Bosnie-Herzégovine souveraine, Tudjman, lui, fait
7 clairement comprendre ce qu'il en est vraiment, je cite : "Pour l'instant,
8 l'occident se prononce pour une Bosnie-Herzégovine entière, mais avec un
9 système politique qui mènera probablement à une solution finale, et peuvent
10 encore penser dans le monde que si la Yougoslavie n'est pas parvenue à
11 survivre, la Bosnie, elle pourrait le faire."
12 Cela ça s'est passé au cours du mois de décembre 1991, mais en
13 juillet 1993, alors qu'on est au cœur de la période visée à l'acte
14 d'accusation à l'espèce, à la pièce P03195, Tudjman déclare à son cercle de
15 conseillers très proche, je cite : "Nous n'allons pas dire maintenant que
16 nous sommes en faveur d'une division de la Bosnie tout comme nous avons
17 recommandé aux Croates de Bosnie-Herzégovine de voter lors du référendum
18 lorsque les Serbes, eux, s'étaient déjà séparés du reste du territoire. Ils
19 avaient déjà fait scission."
20 Ensuite, là, je vais résumer en quelques mots un certain nombre de
21 pièces, un certain nombre de dépositions que nous avons entendues en
22 l'espèce, mais disons que au printemps 1992, le HVO avait été mis en place.
23 Vous vous souviendrez, Messieurs les Juges, des dépositions de plusieurs
24 dirigeants de municipalité qui nous ont expliqué que municipalité après
25 municipalité, on a vu le HVO s'emparer du pouvoir et exclure les Musulmans,
26 de l'administration municipale, de la vie économique; il ne restait peut-
27 être parfois que quelques Musulmans, très peu. Il y a eu une politique de
28 croatisation qui s'est mis en œuvre avec un programme exclusivement croate
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1 à l'école. C'est la langue croate qui devait être utilisée. On changeait
2 les pancartes, et cetera, on ne parlait plus de "Prozor," on disait "Rama,"
3 et cetera, et cetera. Et cela, ça s'est poursuivi tout au long de l'année
4 1992, il y a un nombre certain d'éléments de preuve qui en attestent, il y
5 a un nombre certain de témoins qui nous en ont parlé.
6 Je me rattache à seulement certains points, mais je reviens aux
7 faits constatés judiciairement; une fois encore, vous pouvez en faire un
8 point de départ, Messieurs les Juges. "Le nationalisme croate et la
9 discrimination contre les musulmans augmentent en Bosnie centrale en 1991
10 et 1993." Fait constaté judiciairement numéro 104.
11 "Mostar est dominé politiquement par les Croates de Bosnie-
12 Herzégovine." Fait constaté judiciairement, numéro 223.
13 "Il y a une disposition qui a été adoptée par la République de
14 Croatie, qui donne la nationalité croate à tous les citoyens de la nation
15 croate." Fait numéro 106.
16 "Il y a une nouvelle loi qui autorise tous les Croates à voter lors
17 des élections en Croatie, notamment aux élections parlementaires." Fait
18 107.
19 "Les Croates de Bosnie-Herzégovine pouvaient facilement obtenir un
20 passeport croate, obtenir la nationalité croate et voter lors des élections
21 en République de Croatie." Fait numéro 108.
22 "On a constaté une division entre les Musulmans et les Croates en
23 1992." Fait constaté judiciairement numéro 41.
24 Nous avons vu plusieurs aspects de cette situation, en 1992, on a vu
25 la prise en main des médias. On sait très bien que ça a eu les 50 premières
26 années -- ou la première partie du XXIe siècle, on a appris l'essentiel,
27 c'est de s'emparer du contrôle des médias, et ça, en s'emparant d'une
28 station de radio, en croatisant le nom, le nom de radio Mostar, et cetera.
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1 En 1994, Prlic pouvait dire à Tudjman - pièce 04759 : "Monsieur le
2 Président, tous les Croates en Bosnie-Herzégovine sont des Croates payés,
3 c'est-à-dire, tout le monde perçoit un budget, tout le monde perçoit un
4 salaire émergeant au budget d'Herceg-Bosna, à l'exception de la partie en
5 territoire serbe."
6 Dans cette affaire, on a beaucoup parlé, on a entendu des témoins
7 nous parler, on a vu des éléments qui évoquaient la coopération entre les
8 Serbes et les Croates dans la période visée à l'acte d'accusation en
9 l'espèce qui est pertinente. Je vais ici sauter une bonne partie de ce que
10 j'avais prévu de vous dire pour me concentrer sur un exemple, un exemple
11 qui me paraît le mieux illustrer la situation. Je vais me concentrer sur
12 une seule pièce à conviction. Il s'agit d'une réunion entre Slobodan
13 Praljak et d'autres et le président Tudjman. Pièce P 05096, fin septembre
14 93.
15 Il s'agit là de la nature de la coopération entre les Croates et les
16 Serbes et la façon dont ceci est devenu absolument essentiel dans
17 l'évolution militaire du HVO -- dans sa situation militaire. On voit, dans
18 cette conversation, la pression internationale se fait sentir et on
19 envisage une paix avec les Musulmans de Bosnie. C'est Tudjman qui
20 l'envisage avec ses conseillers, donc, Praljak, et lors de cette réunion,
21 on s'inquiète, on se demande comment le changement dans la relation avec
22 Musulmans va affecter la coopération, qui est excellente, entre les Croates
23 et les Serbes.
24 Praljak, je cite : "La relation entre les Croates et les Serbes s'est
25 améliorée, en particulier sur -- dans le domaine militaire parce que toutes
26 nos unités sont tributaires de la coopération avec les Serbes. En Bosnie-
27 Herzégovine, cet accord avec les Musulmans aggraverait la situation, si
28 bien que Zepce, Kiseljak, et donc, Vitez, le bataillon qui se trouve en
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1 dessous de Konjic et Vares; dans ces zones, nous serons en -- dans une
2 situation difficile pour les ravitailler."
3 Tudjman intervient et dit : "Oui, c'est peut-être -- ce sera peut-
4 être le cas, Praljak, mais il faut qu'on fasse un -- fasse un accord avec
5 les Musulmans."
6 Praljak, lui, avance qu'il sera difficile de s'adapter à cette
7 nouvelle situation, je le cite : "Ça va s'arrêter," - enfin, les combats
8 avec les Musulmans vont s'arrêter - "mais ça va être différent. Il y a un
9 an, nous pensions que nous ne pouvions avoir aucune discussion avec les
10 Serbes, mais nous sommes parvenus à conclure certains accords avec les
11 Serbes. Et maintenant, nous devrions commencer une guerre contre eux pour
12 apaiser les tensions avec les Musulmans, et il faudra sans doute pas mal de
13 temps pour modifier la donnée psychologique des choses.
14 "On voit qu'il y a un changement d'état d'esprit. Ils ont coopéré
15 avec les Serbes. Maintenant, on va opérer un virage à 180 degrés, alors
16 qu'il y a des unités qui sont tributaires des Serbes, à Vares, Kiseljak et
17 autres." Voilà ce que Slobodan dit au sujet de -- Slobodan Praljak dit au
18 sujet de la coopération avec les Serbes.
19 Maintenant, j'aimerais aborder autre chose, un élément de portée plus
20 générale, dans le cadre de ce passage en revue de l'affaire. Il s'agit de
21 l'automne 92. Quel est le contexte de l'évolution de la situation ? La
22 guerre en ex-Yougoslavie dure depuis un certain temps et, selon nous, il
23 est important que la Chambre de première instance note le fait que ces
24 conflits armés et ces persécutions, ces opérations de nettoyages ethniques
25 et de détentions et d'arrestations massives en ex-Yougoslavie n'ont pas
26 commencé en 1993 à la date où commence l'acte d'accusation, pas du tout.
27 En août 1992, déjà, quand on -- comme on peut le voir dans la pièce P
28 05096, le Conseil de sécurité des Nations Unies avait déjà à plusieurs
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1 reprises manifesté "sa grave préoccupation face aux violations du droit
2 humanitaire international considérables que l'on constatait en ex-
3 Yougoslavie," dont, notamment, je cite : "Les expulsion de masse forcées,
4 des expulsions de civils, des détentions et des mauvais traitements
5 infligés à des civils dans des centres de détention, des attaques
6 délibérées menées contre des non-combattants, des obstacles posés à
7 l'approvisionnement en vivres et en fournitures médicales des populations
8 civiles et la dévastation et la destruction sans motif des biens." Le
9 Conseil de sécurité avait, je cite, "condamné fermement" toute violation du
10 droit humanitaire international, y compris ce que, à l'époque, en août
11 1992, on appelait déjà le 'nettoyage ethnique'."
12 Je vais résumer tout ce qui concerne ce volet de mon intervention de
13 la manière suivante : nous avons beaucoup d'éléments à ce sujet au dossier,
14 nous avons beaucoup de documents qui viennent des Nations Unies, beaucoup
15 de résolutions qui, chacune d'entre elles, après tous les rapports qui sont
16 reçus, montrent que déjà, au milieu de l'année 1992, il y avait déjà
17 beaucoup de choses qui s'étaient produites et qui étaient typiques du
18 conflit en ex-Yougoslavie. La Chambre se souviendra que le Dr Miller a
19 résumé bien tout cela dans son rapport P010239 : "Caractéristiques du
20 conflit dans les Balkans", fin 1992, conformément à des informations
21 connues largement de tous."
22 Le Dr Miller conclut, dans son rapport -- je pense que c'est une
23 bonne conclusion d'une bonne partie des éléments de preuve présentés en
24 l'espèce à ce sujet et que je n'ai pas le temps de présenter de manière
25 approfondie, je cite : "Tout au long de l'année 1992, à l'été et à
26 l'automne 1992 également, ainsi qu'en 1991, les caractéristiques d'un
27 conflit reposaient sur l'affrontement ethniques, les pratiques. Les types
28 de comportements qu'on pu constatés dans ce conflit sont devenus notoires.
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1 On en a beaucoup parlé et tout le monde a commencé à bien comprendre de ce
2 dont il s'agissait : les attaques contre les civils, les transferts forcés
3 de populations, les arrestations de grande envergure étaient connus de
4 beaucoup sous le terme de 'nettoyage ethnique'."
5 Le Dr Miller concluait en disant : "Toute personne modérée et bien
6 informée vivant et travaillant en ex-Yougoslavie ne pouvait qu'être
7 informée de cette évolution, de ces rapports et de la pratique qui se
8 développait dans le conflit des Balkans. Les opérations, les actions des
9 partis belligérants jusqu'à la moitié de l'année 1992 montrent clairement
10 que les meurtres de civils, les expulsions forcées, les destructions de
11 grandes envergures auraient forcément lieu si un groupe ethnique essayait
12 de soumettre l'autre en Bosnie-Herzégovine. La nature ethnique du conflit
13 était manifeste avant même qu'il ne commence comme ont montré les violences
14 de Plitvice, Borovo Selo et Pakrac. La probabilité de -- d'actes de
15 violence compris contre des civils a été rendue très claires par les
16 événements de Dalj, Tenja, et par des dizaines d'autres incidents dont j'ai
17 examiné certains exemples dans mon rapport."
18 Voilà le contexte dans lequel se déroulaient ces événements à la mi-1992,
19 avant que les événements incriminés dans l'affaire qui nous intéresse
20 n'aient été commis. Et ceci nous amène à -- au mois d'octobre 92 et à la
21 première offensive de grande envergure -- au premier combat à Prozor et
22 Novi Travnik, fin 1992.
23 Plus ce qui figure dans le rapport Miller est conformément à ce qu'il avait
24 lui-même et Boban, la plupart des Musulmans de Bosnie n'ont pas accepté le
25 contrôle du HVO même quand on a essayé de le leur imposer. Vers la fin
26 1992, il était déjà clair que Tudjman -- que le projet de Tudjman et des
27 dirigeants d'Herceg-Bosna de mettre sur pieds une grande Croatie ne
28 pourrait être réalisé par la simple application d'une pression politique.
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1 Il faudrait avoir recours à la persécution. Il était manifeste que des
2 actions de force devraient intervenir, telles que la violence ethnique, le
3 conflit armé et les transferts forcés de populations. Les dirigeants
4 croates, les dirigeants de l'Herceg-Bosna se préparaient déjà au conflit
5 avant même les combats à Prozor en octobre 1992.
6 Dans une réunion du 11 septembre 92, pièce P 00466, Slobodan Praljak a dit
7 à Tudjman et Susak, je cite : "On peut anticiper une guerre avec les
8 Musulmans."
9 Et Susak a répondu à Praljak : "Oui, ça fait plus d'une semaine que nous en
10 sommes rendu compte et que nous prenons des préparatifs en la matière."
11 Réunion du 11 septembre 92, Prozor 23 octobre 92.
12 La réunion se poursuit, la conversation aussi.
13 Tudjman : "Messieurs, messieurs, nous n'avons rien à conquérir. Il faut
14 défendre les Croates."
15 Et Slobodan Praljak intervient : "Non, c'est impossible, Monsieur le
16 Président, il est impossible de passer plus loin."
17 Et Tudjman répond : "Préparons-nous" - et je vous rappelle ça s'est passé
18 le 11 septembre 1992 - "Préparons-nous à les nettoyer de la Croatie, mais,
19 comme je l'ai dit, il ne faut pas que vous participiez à une conquête de la
20 Bosnie."
21 Praljak : "Non, Monsieur le Président, croyez-moi, les attaques ont été
22 interrompues."
23 Susak : "Rien dans la banovine. Nous n'avons pas avancé même d'un seul
24 mètre."
25 Praljak : "Croyez-moi on pourrait y être en 12 heures, à Nevesinje,
26 Trebinje, sans aucun problème."
27 Susak : "On n'aurait aucun problème à y entrer demain. Mais on ne peut pas
28 à cause de la situation."
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1 Tudjman : "Non, écoutez, il faut être réaliste. On vient d'échapper avec
2 difficulté à ce que voulait nous imposer le gouvernement islamique et le
3 monde, il ne faudrait pas qu'on subisse maintenant des sanctions parce que
4 soi-disant nous ferions office d'agresseurs en Bosnie, nous serions ceux
5 qui voudraient conquérir la Bosnie. Donc il ne faut pas surtout."
6 Susak répond : "Monsieur le Président, nous sommes tout ce qui a pu
7 discipliner."
8 Dans une deuxième réunion qui a eu lieu quelques jours plus tard avec
9 beaucoup des mêmes participants, le 26 septembre 92, c'est-à-dire peu de
10 temps après ce qui s'est passé à Prozor, donc le 26 septembre 1992, nous
11 avons la pièce P 00524. Slobodan Praljak met en garde Tudjman et Susak. Il
12 les mit en garde contre le danger causé par l'arrivée massive de réfugiés
13 musulmans venant de certaines régions d'Herceg-Bosna ou se rendant plutôt
14 dans des régions d'Herceg-Bosna revendiquées par la cet Herceg-Bosna.
15 Praljak conseille Tudjman et Susak : "Il vaut mieux faire face à la
16 situation maintenant, pendant la guerre parce que ce sera difficile de les
17 expulser plus tard."
18 Pièce 524, pages 17 et 18. Praljak, je cite : "Au sein du gouvernement, il
19 a été question des réfugiés de Bosnie-Herzégovine qui devraient pouvoir
20 recevoir l'autorisation d'entrer en Croatie; étant donné qu'ils sont déjà
21 sur le territoire où se trouve le peuple croate. Ensuite, à partir de la
22 Croatie et sous la pression de la communauté internationale, il faudrait
23 les envoyer jusqu'à la frontière, et puis ensuite, tant pis pour eux. Mais
24 il semble maintenant parce que les nôtres s'installent sur les territoires
25 à partir de Travnik et en dessous, je crains que nous n'ayons pas beaucoup
26 de chance en ce moment -- ou plutôt, nous n'aurons pas de beaucoup de
27 chance quand la guerre sera finie. Il y a eu beaucoup de modifications de
28 la composition ethnique. Et il sera très difficile de les chasser et sans
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1 les chasser, sans chasser ces gens nous n'aurons pas la majorité dans ces
2 régions." Voilà ce que déclare Praljak en septembre 1992.
3 Je sais que le moment est bientôt venu de faire la pause, mais encore une
4 chose, ce que nous montrent les éléments de preuve c'est que comme bien
5 souvent on voit que le HVO obtient souvent des choses par la force, c'est
6 ce qu'on voit à Prozor en octobre 92, à Gornji Vakuf en janvier 1993, en
7 Bosnie centrale, à Doljani en avril 1993. On voit toujours que ça se répète
8 cette façon de faire.
9 Le 23 octobre 1992, dans la pièce P 00628, quelques jours seulement après
10 les conversations entre Praljak, Tudjman et Susak, que j'ai évoquée
11 précédemment, les dirigeants du HVO à Prozor insistent pour que les
12 Musulmans acceptent les structures militaires et politiques du HVO. Dans ce
13 document, ils disent la chose suivante -- ils font les revendications
14 suivantes, je cite : "Nous exigeons une cessation urgente et sans condition
15 de toutes les opérations militaires;
16 "Deuxièmement, nous insistons que vous envoyez un message à tous vos
17 soldats -- ou plutôt, nous insistions que vous envoyiez tous vos soldats
18 sur la ligne de front pour renforcer vos unités face aux Chetniks;
19 "Troisièmement, retrait de toutes les unités armées de la ville;
20 "Quatrièmement, passage pour la police militaire venant de
21 l'extérieur de la municipalité et allant vers sa destination définitive,
22 c'est-à-dire vers son poste de combat;
23 "Cinquièmement - c'est la chose la plus importante - nous insistons
24 pour que soit accepté immédiatement et instantanément la structure civile
25 et militaire du HVO de la HZ HB au sein de laquelle les représentants
26 musulmans auront une représentation proportionnelle.
27 "Acceptation immédiate exigée par le HVO de cette structure militaire et
28 civile. Les Musulmans répondent non, une fois encore c'est pourquoi il y
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1 aura des combats à Prozor les 23 et 24 octobre 1992."
2 Bon, si on regarde la pièce du 24 octobre 1992, la pièce
3 P 00647, le commandant de la zone opérationnelle du HVO, Zeljko Siljeg,
4 déclare : "La ville de Prozor et le lac de Rama sont sous le contrôle du
5 HVO de Prozor. Ces deux zones sont ethniquement pures. La population
6 musulmane a été soit arrêtée soit contrainte de fuir." Et, je parle de la
7 situation telle qu'elle se présente à la date du
8 24 octobre 1992. Donc, les combats forcément n'ont pas vraiment lieu
9 d'être.
10 Je regarde l'horloge et je me dis que le moment est sans doute bienvenu
11 pour faire la pause.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : -- faire une pause de 20 minutes.
13 --- L'audience est suspendue à 15 heures 43.
14 --- L'audience est reprise à 16 heures 08.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, vous avez la parole.
16 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 Avant de quitter Prozor au mois d'octobre 1992, bien évidemment, nous ne
18 voulons pas écarter M. Coric ici. La pièce P 00956 c'est le rapport de M.
19 Coric sur le travail de la police militaire du HVO qui couvre la période
20 depuis le début au mois d'avril 1992 à la fin de l'année 1992. Ce rapport
21 est daté du
22 26 décembre 1992. Je vais peut-être inviter les Juges de la Chambre à
23 regarder cette pièce.
24 C'est une des rares pièces qui couvre l'ensemble de la période sur --
25 depuis la création de la police militaire jusqu'à la fin de l'année. C'est
26 une source d'information assez importante. Dans ce rapport, M. Coric parle
27 de Prozor, et je cite : "Le 23 octobre 1992, il y a eu une confrontation
28 armée entre les membres de l'ABiH et du HVO à Prozor et les Unités de la
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1 Police militaire sont intervenues. En un très court laps de temps, la ville
2 a été placée sous le contrôle de la police militaire. Du côté de la police
3 militaire, un membre a été tué et cinq personnes ont été blessées en même
4 temps, il y a eu une confrontation entre eux à Gornji Vakuf et Bugojno."
5 En même temps et pour placer ceci dans un contexte plus large, dans ce même
6 rapport, M. Coric a indiqué : "Le 21 octobre 1992, pour ce qui est de la
7 situation qui empirait en Bosnie centrale, un siège complet de la ville de
8 Mostar a été réalisé et 500 policiers militaires ont participé à cette
9 opération." Donc, la police militaire du HVO a également œuvré sous les
10 ordres de M. Coric.
11 A la fin de l'année 1992, c'est maintenant la période à laquelle nous
12 sommes parvenus, et à la mi-janvier 1993, nous constatons les différentes
13 évolutions eu égard au plan Vance-Owen. Aucun -- ni les Serbes, ni les
14 Musulmans n'étaient tombés d'accord sur le plan Vance-Owen à la mi-janvier
15 1993. Il est vrai qu'il y avait quelques parties du plan sur lequel
16 d'aucuns étaient tombés d'accord et, bon, je crois que ceci doit être
17 clair, mais certaines parties du plan avaient été acceptées mais le plan
18 dans son ensemble n'a jamais été accepté. Et les Serbes et les Musulmans ne
19 s'étaient jamais mis d'accord sur le plan, et à la mi-janvier 1993,
20 Tudjman, Susak et ensuite les dirigeants du HVO d'Herceg-Bosna, y compris
21 l'accusé, ont trouvé que ce plan tel qu'ils l'envisageaient, tel qu'ils
22 l'interprétaient était tout à fait en leur faveur. Et pour l'essentiel dans
23 ce plan Vance-Owen, les provinces 3, 8 et 10 leur revenaient. C'était pour
24 l'essentiel les frontières de la banovine.
25 Cela étant dit, bon nombre de ces régions à l'intérieur de ces frontières
26 avaient des populations qui étaient -- avaient une population musulmane
27 égale qui n'était pas tombée d'accord là-dessus et qui n'avait pas consenti
28 à cette partie de l'Herceg-Bosna. Et il semblait que les propositions du
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1 plan Vance-Owen semblaient donner aux Croates, en tout cas, à ce moment-là,
2 17,5 % sur l'ensemble de la population de la Bosnie-Herzégovine, environ 28
3 % de l'ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine. Et Tudjman, lui-
4 même, a déclaré plus tard, au mois de juin 1993, dans la pièce P 02613, que
5 le plan des propositions Vance-Owen, que les provinces 3, 8 et 10, et je
6 cite : "Etant bon an, mal an ce qui est -- a fait partie de la banovine de
7 Croatie en 1939."
8 C'est en raison de ce traitement, semble-t-il, favorable en tout cas
9 tel que ça été interprété par les Croates lors de ces discussions Vance-
10 Owen qu'à Zagreb et -- à Zagreb et dans l'ABiH, on commençait à dire que le
11 HVO défendait les intérêts -- le plan Vance-Owen défendait le HVO.
12 A la mi-janvier 1993, les dirigeants du HVO d'Herceg-Bosna étaient désireux
13 de mettre en œuvre cette proposition du plan Vance-Owen et ont refusé
14 d'attendre les Musulmans et les Serbes d'accepter leur interprétation. Au
15 lieu de ça -- de cela, ils ont préféré prendre une -- adopté une action
16 unilatérale pour le mettre en œuvre. A une réunion à Zagreb qui a eu lieu
17 le 15 janvier 1993, ceci est consigné dans la pièce P 01158. Tudjman, Susak
18 et Boban n'ont pas réussi à convaincre le président de la Bosnie-
19 Herzégovine, Alija Izetbegovic - c'est une réunion à laquelle a assisté
20 Izetbegovic et cela est consigné dans le compte rendu - n'ont pas réussi à
21 convaincre Izetbegovic d'accepter leurs points de vue, et ceci est daté du
22 15 janvier 1993. Et ensuite, ils ont tout de suite mis en œuvre leur plan.
23 Izetbegovic s'en est plaint au cours de cette réunion. Il a indiqué
24 que les autorités d'Herceg-Bosna et du HVO avaient privé les Musulmans de
25 Mostar de leurs droits et qui -- ceci comprenait la moitié de la population
26 de la ville et que les autorités du HVO et du HZ HB ont dissout les
27 gouvernements légaux. Izetbegovic a également attiré l'attention sur le
28 fait que Tudjman, Susak, et Boban avaient interprété le plan Vance-Owen et
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1 avaient indiqué que ce dernier leur donnait le feu vert et pouvait forcer
2 l'ABiH à se retirer des trois régions de Bosnie-Herzégovine et que les
3 dirigeants croates considéraient leur appartenir.
4 Izetbegovic est très clair lors de cette réunion. Il suffit de relire
5 le compte rendu pour cela pour s'apercevoir, il est très clair que, le 15
6 janvier, ceci n'est pas sa position, ceci n'est pas son point de vue.
7 Izetbegovic, et je cite : "Ce n'est pas ainsi que j'ai compris ce
8 document et je ne sais pas si tel était l'intention derrière ce document.
9 Mais parce que je ne vois pas en quoi il définisse qui a droit à quel
10 territoire, à qui sont ces armées, vous savez, donc, je crains que ce qui
11 se passe maintenant à Gornji Vakuf est quelque chose qui est peut-être dû à
12 un malentendu de ce point de ces accords."
13 Izetbegovic poursuit en disant, je cite : "Je ne pense pas que ceci
14 avait été prévu par ces propositions. Il n'avait pas été prévu que l'ABiH
15 quitte la province de Travnik ou Mostar. Ça n'est pas ainsi que j'ai
16 compris ce document."
17 Le même jour, le 15 janvier 1993, nonobstant la position d'Izetbegovic sans
18 équivoque, il rejetait les positions du HVO. Le président du HVO, Jadranko
19 Prlic, a signé une décision, et je cite : "En vertu de quoi toutes les
20 Unités de l'ABiH, qui à ce moment-là étaient cantonnées dans les provinces
21 3, 8, et 10, qui avaient été proclamées provinces croates au terme des
22 accords de Genève, seront subordonnées à l'état-major général des forces
23 armées du HVO. Le délai fixé pour la mise en œuvre de cette décision est
24 ainsi fixée à cinq jours à partir d'aujourd'hui, le 15 janvier 1993." Ceci
25 se trouve à la pièce P 01155.
26 Messieurs les Juges, dans ce cas, nous constatons que ceci est une parfaite
27 illustration de l'ensemble de la chaîne de commandement du HVO. Je vais
28 commencer par la décision prise par Jadranko Prlic que je viens de citer, P
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1 01155, suivie tout de suite par les services du ministre de la Défense
2 Bruno Stojic qui lui donne son ordre. C'est la pièce P 01140 qui fait plus
3 précisément allusion à la décision de Prlic, qui ensuite est suivie à son
4 tour, comme on pourrait s'y attendre par le président et le ministre de la
5 Défense qui se trouvent être des soldats de carrière suivie par les ordres
6 correspondants de l'état-major général du HVO Milivoj Petkovic. Ceci est à
7 la pièce P 01139. Ceci a été transmis tout au long de la chaîne de
8 commandement le 15 janvier 1993. L'ordre de Petkovic est très précis. Le
9 numéro de la décision et l'ordre ont été donnés.
10 Encore une fois, les éléments, ces fonds pour l'essentiel ont été établis
11 par les faits admis en vertu de jugement antérieur.
12 "Mate Boban, le dirigeant du HDZ BiH est tout de suite d'accord avec
13 les conditions du plan Vance-Owen, parce qu'il promet des gains de
14 territoires très importants pour les Croates de Bosnie." Fait admis 464.
15 "Et Mate Boban a signé le plan Vance-Owen au nom des Croates de
16 Bosnie-Herzégovine le 2 janvier 1993. Ni les Serbes de Bosnie ni les
17 représentants musulmans de Bosnie-Herzégovine avaient signé le plan à ce
18 stade." Fait admis 128.
19 "Tout en sachant que les autres parties n'avaient pas signé mais
20 sachant et que l'opinion publique mondiale les soutenait, les Croates de
21 Bosnie-Herzégovine ont tenté de mettre en œuvre le plan Vance-Owen de façon
22 unilatérale." Fait admis numéro 129.
23 Malgré le fait que ni le président de la Bosnie-Herzégovine, M.
24 Izetbegovic, ni les négociateurs internationaux n'étaient tombés d'accord
25 sur la mise en œuvre unilatérale des propositions du plan Vance-Owen, les
26 autorités de l'Herceg-Bosna et du HVO ainsi que leurs forces, une fois
27 passé le délai du 15 juin 1993, ont engagé des actions militaires et
28 violentes pour faire exécuter l'ultimatum, en attaquant les Musulmans en
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1 exerçant des pressions sur eux dans bon nombre d'endroits, y compris à Novi
2 Travnik, Gornji Vakuf et Busovaca. Dans ce rapport régulier de l'état-major
3 du HVO, le
4 16 janvier 1993, un jour après les ordres donnés par Prlic, Stojic et
5 Petkovic, le commandant de la zone opérationnelle de la partie nord-ouest,
6 Zeljko Siljeg, consigne dans un rapport : "Ce soir à Gornji Vakuf, le
7 colonel Siljeg et le colonel Andric vont négocier avec les représentants de
8 l'ABiH. Il n'y a pas eu de résultat à moins qu'il y ait un accord. Sans
9 accord, Gornji Vakuf et les bastions du sud seront pris et nous allons
10 étendre la ligne de front. Le général Praljak leur envoie un message en
11 indiquant qu'ils seront détruits ou anéantis s'ils n'acceptent pas les
12 décisions du HZ Herceg-Bosna."
13 Le 20 janvier, le délai est dépassé et la première grande
14 confrontation entre le HVO et les Musulmans depuis Prozor en octobre 1992
15 éclate dans plusieurs régions de Bosnie-Herzégovine, y compris Gornji Vakuf
16 et Busovaca.
17 Les observateurs internationaux sur le terrain ont clairement compris
18 que les confrontations sur le terrain étaient dues, d'après eux, "au désir
19 prématuré de se saisir de ces territoires." Ceci se trouve à la pièce P
20 01285. Il y a un représentant de la FORPRONU qui indique que, le 28 janvier
21 1993 : "Depuis les pourparlers de janvier -- au début du mois de janvier,
22 les tensions se sont accrues de façon progressive entre différents éléments
23 à la fois du HVO croate et de l'armée musulmane de BiH et essentiellement
24 musulmane en Bosnie centrale et en Bosnie du sud. Au cours de la dernière
25 semaine les dirigeants politiques et militaires de la Communauté croate
26 d'Herceg-Bosna ont commencé à mettre en œuvre 'leur accord' de l'accord qui
27 -- de la proposition d'accord. Ce désir prématuré de se saisir des
28 provinces 3, 8, et 10 ont provoqué des tensions extrêmement fortes et de
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1 très lourds combats."
2 Ceci a coïncidé et je passe un peu -- j'évoque une partie du rapport
3 un peu plus loin. Ceci a coïncidé avec les préparatifs récents et un retour
4 à Genève. Les Unités du HVO venant des municipalités du sud majoritairement
5 croates ont été déplacées en Bosnie centrale. Il y a eu de façon plus
6 inquiétante d'après des sources des Nations Unies des soldats portant des
7 écussons qui les identifient comme étant des membres de l'armée croate.
8 Dans cette zone, le rôle des soldats n'est pas clair mais le fait d'avoir
9 aperçu ces soldats correspond à ce qui a été constaté, à savoir que les
10 Unités du HVO se trouvaient dans les municipalités du sud.
11 Le 25 janvier 1993, pièce P 01297, Tudjman précise encore une fois de
12 façon très claire. Il n'y a pas de malentendu, Izetbegovic n'a absolument
13 pas accepté cette voie. Tudjman a très précisément admis qu'il avait une
14 position contraire et qu'il ne cautionnait pas du tout le point de vue
15 avancé par le HVO. Et Tudjman dit : "La position d'Izetbegovic, eu égard à
16 l'avenir de la Bosnie, ne concordait pas avec celle des intérêts croates ni
17 des dirigeants croates en Bosnie-Herzégovine."
18 Une référence très claire à Boban et consorts, le 27 janvier, deux
19 jours plus tard, la pièce 01325, au cours du conflit en cours en Bosnie
20 centrale -- dans la deuxième moitié de janvier 1996 -- 1993 et Susak, dans
21 un rapport, indique qu'il a reçu des mises à jour de Stojic et Kordic sur
22 les combats à Busovaca et a dit que Praljak et Stojic avaient, je cite,
23 "tout organisé -- organisé tout ce qu'ils pouvaient là-bas dans le sud."
24 Praljak et Stojic avaient tout organisé.
25 A la date du 1er février 1993, la FORPRONU consigne dans ses rapports, je
26 cite : "Le HVO continue à montrer une détermination très ferme et souhaite
27 encore à l'avenir contrôler les 'provinces croates' 8 et 10. Sans un accord
28 convenu bientôt, le HVO va asseoir son contrôle sur les provinces,
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1 proposées dans l'accord, 3, 8 et 10 -- il faut trouver un accord
2 rapidement; sinon, le HVO ne pourra pas asseoir son contrôle sur les
3 provinces 3, 8 et 10. Il s'agit donc de ce désir de s'emparer de ces
4 territoires et les intentions de la Communauté croate."
5 Bien qu'il y a des cessez-le-feu localement qui avaient été déclarés
6 à la fin du mois de janvier, début du mois de février, Tudjman, Boban et
7 les autres n'avaient absolument pas l'intention de renoncer à une plus
8 grande Croatie. Le 8 mars 1993, tel qu'il est dit dans la pièce P 01622,
9 Boban dit à Tudjman, Susak et à un groupe de leaders croates de Bosnie :
10 "Si la Bosnie-Herzégovine doit exister nous avons une frontière. Nous
11 savons exactement comment nous allons préparer un plan à l'avance.
12 L'Herceg-Bosna ne cessera jamais d'exister. Même dans le cadre d'autre
13 chose cela restera toujours l'Herceg-Bosna."
14 Dans une autre réunion, le 9 mars, il s'agit de la pièce
15 P 01452. Je vais vérifier. Il peut s'agir du 9 février, quoi qu'il en soit
16 c'est la pièce P 01452. En la regardant maintenant il me semble que la date
17 peut être erronée. Mais dans cette pièce Tudjman dit : "Encore une fois, le
18 problème était que les Musulmans n'étaient pas d'accord avec le fait qu'une
19 autorité croate soit établie dans les provinces désignées comme Croates
20 selon les termes de la proposition du plan Vance-Owen."
21 Susak a déclaré : "Qu'Izetbegovic doit présenter une déclaration car
22 les provinces doivent être -- les provinces qui doivent être partagées
23 entre les Croates et les Serbes doivent ne pas faire l'objet de différends
24 et doivent être des conditions sine qua non."
25 Les tensions restaient élevées et il y avait des escarmouches
26 localement. Un conflit majeur a pu être évité jusqu'à la fin du mois de
27 mars 1993.
28 Je crois, Monsieur le Président, qu'en réalité, il s'agit bien de la
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1 date du mois de février pour la pièce P 01452. Il y a eu une période où
2 aucun conflit majeur n'avait éclaté jusqu'à la fin du mois de mars 193. A
3 ce moment-là, vers le 26 et le 27 mars, Izetbegovic signe la plus grande
4 partie du plan Vance-Owen pour la première fois et accepte de façon
5 provisoire le plan quoi qu'il y ait eu certains termes -- certains des
6 termes de l'accord qui restent incertains. Et les Serbes sont également
7 d'accord avec ce plan -- la condition était que les Serbes soient d'accord
8 avec ce plan, chose qui n'a jamais -- ne s'est jamais réalisée. Les aspects
9 militaires et la répartition des forces doivent être clairement définis.
10 A cet égard, il est important que la Chambre admette que, dans ces
11 documents, le plan Vance-Owen, signé par Izetbegovic, n'évoquait pas la
12 question de la subordination des Unités de l'ABiH aux provinces 8 et 10 au
13 HVO mais a clairement indiqué - ceci se trouve à la pièce P 01398 - fait
14 partie des documents Vance-Owen en annexe : "Le retrait des forces." Dans
15 cette annexe, on peut lire : "L'armée de Bosnie et les forces du HVO seront
16 déployées dans les provinces 5, 8, 9 et 10, conformément aux accords entre
17 eux."
18 Encore une fois, je peux vous citer des faits admis en vertu de
19 jugements antérieurs dans le cadre des événements que je vous présente dans
20 ma chronologie :
21 "Les négociations du plan Vance-Owen se sont poursuivies en février,
22 mars 1993." Fait 151.
23 "Le président Izetbegovic a signé le plan Vance-Owen au nom des
24 Musulmans de Bosnie le 25 mars 1993. Et les représentants Serbes de Bosnie
25 n'avaient toujours pas signé le plan." Fait numéro 152.
26 "Le 3 avril 1993, les dirigeants du HVO se sont réunis à Mostar pour
27 aborder la question de la mise en œuvre du plan Vance-Owen -- du plan de
28 paix Vance-Owen." Fait 155.
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1 Je fais valoir, Messieurs les Juges, qu'il y a au moins deux
2 documents qui sont essentiels pour les Juges de la Chambre. Il est
3 important de les examiner dans leur totalité. Il y en a même trois. La
4 Chambre ne sera pas surprise de constater qu'il s'agit encore d'un compte
5 rendu des réunions de la présidence. C'est la pièce P 01737, le 27 mars
6 1993. Lors d'une autre réunion encore une fois en présence d'Izetbegovic
7 également ainsi que d'autres personnes, Tudjman insistait auprès
8 d'Izetbegovic au cours de cette réunion, vous pourrez le lire, et a dit à
9 Izetbegovic de rencontrer Slobodan Praljak et de façon à faire une
10 déclaration conjointe -- et sur l'accord de prise de contrôle par le HVO
11 des provinces soi-disant Croates et d'organiser le retrait et la
12 subordination de l'armée de l'ABiH dans ces provinces.
13 Souvenez-vous de ce que j'ai dit il y a un instant. Ceci s'est trouvé
14 dans l'annexe. Il y avait eu un accord. Il n'y avait pas eu d'accord sur la
15 disposition des forces du HVO et de l'ABiH, un accord n'avait pas encore
16 été conclu. Le 27 mars, Tudjman insiste auprès d'Izetbegovic pour qu'il
17 rencontre Praljak et pour parvenir à un autre accord.
18 En même temps, ceci se trouve à la pièce P 01737.
19 En même temps, Boban propose sa déclaration conjointe du
20 2 avril 1993. C'est la pièce P 01792. Ceci est encore un autre document qui
21 est fort important ce qui montre qu'Izetbegovic n'a pas signé cela en nom
22 seulement, c'est une -- il importe que le document dit : déclaration
23 conjointe mais c'est tout. Il n'a pas été préparé par le HVO. Il est signé
24 par Mate Boban. Il n'a jamais été signé par la partie musulmane. Encore une
25 fois, on fixe d'autres délais le mois de janvier -- à la date du 15 avril
26 1993, date butoir pour que soit subordonnée l'ABiH aux Unités du HVO dans
27 les provinces 8 et 10, ou qu'elles se retirent. Souvenez-vous de la date
28 c'est le 15 avril
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1 1993 ?
2 Il y a deux ou trois documents que je vous signalais il y a quelques
3 instants. Il est très important, Messieurs les Juges, que vous regardiez
4 ces documents en ce qui concerne -- parce qu'il y a une réunion en
5 particulier au quelle ont assisté un certain nombre de personnes.
6 Voici comment nous nous proposons d'avancer eu égard à ce plan et
7 ceci se retrouve au procès-verbal de la réunion de l'Herceg-Bosna et du HVO
8 le 3 avril 1993.
9 Ce jour-la, c'est la pièce P 01798. Il est inhabituel, je dois vous
10 dire, entre autres, parce que M. Boban assistait rarement aux réunions du
11 gouvernement du HVO qui étaient présidées par M. Prlic en tant que
12 président du gouvernement du HVO, mais à cette occasion-là, Boban a assisté
13 également. Et les participants étaient Jadranko Prlic qui "présidait la
14 réunion," le président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, Mate Boban,
15 Bruno Stojic et toute une série d'autres personnes de personnalités du HVO.
16 Je fais maintenant référence à la proposition de déclaration
17 conjointe, celle qui n'a jamais été signée par Izetbegovic et qui fixait
18 les délais au 15 avril 1993, le procès-verbal déclare, je cite : "Le HVO HZ
19 HB" - à savoir l'organe présidé par Jadranko Prlic, le gouvernement du HVO
20 - "le HVO HZ HB espère qu'en raison de l'importance cruciale de cette
21 déclaration, M. Alija Izetbegovic va signer ce document parce que ceci
22 indique encore une fois que nous souhaitons avoir la paix et que chacun
23 souhaite avoir la paix. Au cours de cette réunion, le HVO, HZ HB a adopté
24 la position suivante, à savoir si la déclaration susmentionnée n'est pas
25 signée par les dirigeants des délégations musulmanes concernant les
26 provinces, numéro 3, 8 et 10, l'élément important sur lequel se repose le
27 plan
28 -- repose le plan de paix décrète que les forces armées doivent se retirer
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1 dans les provinces où elles éliront domicile."
2 [aucune interprétation]
3 "Si la déclaration conjointe n'est pas une mise en œuvre, les autorités
4 militaires et autres du HVO, HZ, HB mettront en œuvre la disposition de ce
5 document de base du plan de paix pour ce qui est des régions 3, 8 et 10."
6 Je ne vais pas citer tout ceci parce que vous disposez du document. Le
7 procès verbal néanmoins se lit comme suit : "Puisque le pouvoir des
8 autorités centrales à venir et des autorités dans les provinces ont été
9 clairement définies et de façon distincte par le document de référence ou
10 de base et de l'accord sur une organisation provisoire, le HVO HZ HB
11 empêchera toute tentative d'installation de différents organes nommés par
12 une présidence qui ne représente qu'une des parties et le gouvernement de
13 la République de Bosnie-Herzégovine."
14 Le procès verbal conclut cette partie en disant : "Il a été convenu à cette
15 réunion que, dans les prochains jours, le HVO HZ HB devra se rendre dans
16 les municipalités des provinces 3, 8 et 10 afin d'expliquer aux autorités
17 l'essentiel du plan Vance-Owen et des conclusions auxquelles nous nous
18 sommes parvenus à cette réunion."
19 Donc, c'est un plan très complet. Nous avons besoin de nous y rendre. Nous
20 devons nous retrouver parmi les gens là-bas. Nous devons nous rendre dans
21 les municipalités, nous devons leur expliquer ce qui se passe et quel est
22 ce plan.
23 En réalité, ce deuxième document, avant cette réunion qui s'est déroulée
24 le 2 avril, un jour la veille, Slobodan Praljak et Valentin Coric avaient
25 déjà commencé à apporter la bonne parole et étaient rentrés en Bosnie
26 centrale à cette occasion-là pour rencontrer Dario Kordic, Tihomir Blaskic
27 et les dirigeants militaires du HVO qui s'étaient rassemblés en Bosnie
28 centrale, Slobodan Praljak, Valentin Coric. Voici ce que dit le procès
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1 verbal, cette réunion se trouve consigner à la pièce P 01780 [comme
2 interprété].
3 Praljak président la réunion, et encore une fois, Blaskic et Kordic sont
4 là, ils préparent un rapport et veulent indiquer ce qui va advenir de la
5 population de Bosnie centrale. Le document se lit comme suit : "Le général
6 Praljak a ouvert la réunion en indiquant aux participants -- en invoquant
7 aux participants l'arrivée de cinq ou six officiers d'Herzégovine. Il l'a
8 clairement indiqué qu'il fallait signer le plan et que la FORPRONU allait
9 rester dans la région pendant trois mois encore." Il était sans doute assez
10 optimiste. "Cette déclaration établit le caractère immuable des frontières
11 de la République de Croatie. On ne pourra plus l'échanger que ce soit par
12 la paix ou par la force. La République de Croatie peut maintenant signer
13 elle-même des traités avec les organisations internationales. Cette
14 déclaration représente une très grande victoire et nous devons être
15 patient."
16 Le texte se poursuit en disant : "La République de Bosnie-Herzégovine --
17 l'option de Alija Izetbegovic est maintenant hors de question."
18 Il a signé comme je l'ai indiqué un peu plus tôt.
19 Le procès verbal se poursuit comme suit : je crois qu'ils sont suffisamment
20 révélateurs. On peut lire que Slobodan Praljak a donné une interview et
21 indiquait : "La Communauté croate d'Herceg-Bosna restera à sa propre
22 assemblée et le gouvernement provincial va diriger le pays. Le gouvernement
23 central n'aura rien. La province de Sarajevo ne restera pas telle qu'elle
24 existe aujourd'hui. L'occident ne s'intéresse pas à l'histoire mais le
25 nombre de Croates qui se trouvent dans ces régions. Il n'y aurait plus
26 qu'un pour cent des Croates sur tout l'ensemble du territoire de la Bosnie-
27 Herzégovine en raison de populations qui ont été déplacées et les Musulmans
28 et les Serbes. Le salut ne viendra que de la protection de la population et
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1 de l'augmentation du taux de natalité. Les gens qui se trouveront en dehors
2 de ces provinces auront une vie difficile. Les Musulmans ne savent -- ne
3 sont pas confiants de leur perte. Nous devons être patients avec eux. Tous
4 ceux qui sont venus sont des réfugiés, les Croates pourront venir dans ces
5 provinces quand bon leur semble et de quelle manière qu'ils souhaitent. Les
6 provinces musulmanes seront surpeuplées. Le fanatisme religieux fera
7 surface c'est inévitable. Il y aura des déplacements, il y aura des
8 réinstallations et la population sera ensuite homogène."
9 Le procès verbal se poursuit comme suit : "Il faut séparer les deux
10 politiques. Il y aura peut-être des querelles comme il y en aura mais notre
11 intérêt global -- national n'est pas disons cause de la politique
12 nationale, de l'état et d'autres choses. La République de Croatie et le HZ
13 HB a son propre chemin. Nous sommes en train de faire un très bon progrès
14 le long de cette route -- de ce chemin. Restons dessus."
15 Et si vous vous rappelez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la
16 carte qui avait été signée à la fin du mois de mars, n'est-ce pas, vous
17 vous rappelez qu'il y a eu une préoccupation constante si Vares serait
18 incluse et ferait partie des territoires croates ?
19 Donc, après ces commentaires faits par M. Praljak, le procès verbal
20 poursuit pour dire : "Le colonel Tihomir Blaskic a ouvert une discussion
21 avec les commandants. Borivoje Malbasic a posé une question concernant
22 Vares. Le général Praljak a dit, je cite : 'Il n'y a aucune politique qui
23 peut nous permettre avoir tout. Si vous pensez que ceci existe, dites-nous-
24 le. Donc, il n'y a absolument aucune politique qui peut nous permettre de
25 tout avoir, n'est-ce
26 pas ?'."
27 Et ensuite, la question qui s'ensuit : "Mais qu'est-ce qui va se
28 passer s'ils nous demandent d'avoir d'autres municipalités ? Par le biais
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1 de notre politique, nous avons pris tout ce que nous avons pu. Les
2 négociations, bien, quelque chose doit être signé. La meilleure route pour
3 la Croatie, la meilleure façon pour la Croatie pour procéder, c'est d'avoir
4 un territoire qui va jusqu'à la Drina. Nous n'avons jamais pu obtenir rien
5 de ceci, et nous ne l'aurons jamais. En Croatie centrale près de 49 %, les
6 Croates n'ont rien à demander. C'est un exemple classique de stupidité. Il
7 n'y a pas d'état sans une nation et dans cet état-là, où serions-nous ?
8 Maintenant, nous avons ce que nous avons voulu, la homogénéisation de notre
9 population se poursuit. Nous pouvons maintenant protéger ce qui est à nous,
10 et nous pouvons construire notre propre espace, notre propre état. Tout est
11 aussi clair comme une journée limpide de printemps."
12 Vous vous rappellerez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que la
13 date butoir ou le délai du 15 avril avait été présenté, les Musulmans
14 n'étaient pas d'accord. Izetbegovic n'a jamais signé et le 16 avril nous
15 avons une série d'attaques qui avaient été menées et des crimes que nous
16 appelons maintenant comme des crimes les plus notoires, le 16 avril, par
17 exemple l'attaque sur Ahmici qui a été établie comme un fait admis dans un
18 certain nombre d'affaires devant ce Tribunal.
19 Mais dans cette affaire-ci, nous avons les combats autour de Sovici et de
20 Doljani, vers le 17 avril, et ensuite, il y avait aussi les attaques menées
21 contre Parcani, Lizoperci et Toscanica, le 17 et 19 avril, tel que stipulé
22 dans l'acte d'accusation. Donc date butoir du 15 avril après la date.
23 Après du délai du 15 avril, le HVO mène l'attaque.
24 Un très grand nombre de rapports faits par des observateurs des Nations
25 Unies, y compris les membres de la MOCE, le FORPRONU et des Nations Unies,
26 ont dit très clairement que des crimes de guerre ont été commis en Bosnie
27 centrale et que ceci fait partie d'une lancée d'événements selon laquelle
28 le HVO de l'Herceg-Bosna essaie de mettre en œuvre le plan Vance-Owen. Il y
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1 a un très grand nombre de pièces, bien sûr, mais la pièce peut-être la plus
2 importante est la pièce
3 P 01981, mais je ne vais pas me pencher trop longuement sur cette dernière.
4 Il est bien sûr intéressant de remarquer l'intérêt historique, le 17 avril
5 1993, deux jours après que l'ultimatum eut été fait concernant les attaques
6 de Sovici et Doljani, et cetera. Le 17 avril, le Conseil de sécurité des
7 Nations Unies a adopté la résolution 820 réaffirmant par cette dernière que
8 si l'on s'empare du territoire par la force et toute pratique de "nettoyage
9 ethnique" était illégale et complètement inacceptable, et il fait appel au
10 secrétaire général de faire un rapport sur l'établissement d'un Tribunal
11 sur les crimes de guerre le plus tôt possible. C'est bien sûr notre
12 Tribunal.
13 Lors d'une réunion du 24 avril 1993, la pièce P 02059, Izetbegovic de
14 nouveau dit que : "La vision de Tudjman concernant une solution pour la
15 Bosnie-Herzégovine avec chaque groupe ethnique ayant son propre territoire
16 n'est pas ou tout du moins de son point de vue n'est pas la Bosnie-
17 Herzégovine du plan de paix Vance-Owen."
18 Izetbegovic de nouveau incite pour dire que : "Les dirigeants croates ont
19 interprété les dispositions du plan de façon complètement erronée."
20 Izetbegovic dit plus loin dans cette réunion, de la pièce
21 P 020509, je cite : "Le conflit a éclaté parce que les autorités croates
22 ont commencé à être mis -- placent dans les provinces de Mostar et Travnik.
23 Nous savons que nous avons été très coopératifs et tolérants lorsque les
24 frontières de ces provinces avaient été établies. Nous acceptons que la
25 promesse selon laquelle tout le monde serait égal, mais le plan Vance-Owen
26 était un trou contenant un chapitre très volumineux sur les droits
27 nationaux et humains, et qu'il y avait également été signé et que les
28 gouvernements participants seraient sécurs [comme interprété]. Nous
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1 tolérons le fait qu'il y a dix larges municipalités musulmanes qui
2 demeurent à Travnik et à Mostar et nous avons l'impression d'avoir été
3 trompés."
4 A la fin du mois avril 1993, une mission du Conseil de sécurité a mené une
5 enquête pour ce qui est de Bosnie-Herzégovine et ceci concernant un
6 massacre du HVO sur Ahmici et le 16 avril et je vais mentionner la pièce P
7 02150. Je veux simplement résumer pour dire qu'il y a eu au cours de cette
8 période beaucoup de discussions sur le développement en Bosnie centrale
9 avec Tudjman et Boban admettant bien sûr que les crimes avaient été commis
10 et avec les promesses qui avaient été données selon lesquelles on allait
11 entreprendre les mesures nécessaires pour traduire en justice les auteurs
12 de ces crimes. Mais, bien sûr, ceci malheureusement n'a pas été fait.
13 Au cours de cette même période, le 27 avril 1993, Mate Boban, Franjo
14 Tudjman et le président Izetbegovic ont effectivement signé une déclaration
15 conjointe à Zagreb demandant l'arrêt de toute hostilité entre les Croates
16 et les forces du gouvernement de l'ABiH en Bosnie centrale, je cite : "Ceci
17 a causé un très grand nombre de pertes en vies humaines et de violations
18 très graves du droit humanitaire international."
19 Encore une fois, cette déclaration condamne, je cite : "Très sévèrement
20 toutes les violations des règles du droit humanitaire international," et a
21 admis que des deux côtés, même les Croates ont, je cite : "Violé cette loi
22 sur la base des informations disponibles." Boban et les autres ont
23 entreprise, je cite : "D'initier de façon urgente une enquête conjointe et
24 individuelle concernant chaque crime de violation des droits de l'homme et
25 d'entreprendre les mesures immédiatement pour traduire en justice les
26 auteurs des crimes menés contre la population civile."
27 En date du 1er mai, le chef de la mission de la MOCE, qui s'était chargé de
28 la Bosnie centrale et l'Herzégovine, dit, dans son rapport : "Les dernières
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1 réunions des autorités d'Herceg-Bosna à Citluk, le 30 avril 1993, ont
2 révélé ou ont démontré quel était l'aspect politique des événements
3 militaires, et c'est maintenant ou jamais le moment d'exprimer le sentiment
4 très claire des 23 observateurs de la MOCE en Bosnie-Herzégovine.
5 "Un, des Croates de Bosnie continuent de formuler leurs plaintes selon
6 lesquelles ils se font attaquer par les 'forces musulmanes' de tous les
7 côtés malgré le fait que nous estimons qu'ils sont complètement
8 responsables du conflit qui a éclaté le 14 avril et s'est poursuivi. Les
9 combats ont commencé sans doute d'après l'initiative du HVO, prétendant
10 qu'il ne faisait que répondre à une attaque systématique anti-croate.
11 C'était tout à fait clairement une tentative de s'emparer des 'provinces
12 croates'."
13 Il y a un autre document de la MOCE qui est en rapport avec cette période,
14 mais je ne vais pas de nouveau vous donner lecture de ce document il s'agit
15 de la pièce P 02787, vous pourrez en prendre connaissance, bien sûr,
16 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, et l'Accusation en fait, dans
17 ce document, établit -- ou fait une analyse très précise et est très
18 détaillée de ce qui se passait sur le territoire à l'époque. Je répète
19 c'est bien la pièce P 02787.
20 Je vais toutefois que citer un passage très court : "L'objectif pour le HVO
21 semble être de nettoyer les provinces 8 et 10 des Musulmans et de
22 poursuivre leur rêve selon lequel ils auraient l'Herceg-Bosna."
23 Pour la chronologie, je crois qu'il est important de mentionner que c'est
24 au mois d'avril de 1993 qu'à Mostar, il y a eu un passage d'un décret
25 administratif. C'est la décision du mois d'avril 1993 qui a mené au fait
26 qu'on n'a pas donné d'aide humanitaire à environ
27 10 000 personnes en besoin à Mostar. La façon dont ceci fonctionnait, en
28 fait, cette règle a affecté de façon disproportionné les Musulmans, les
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1 réfugiés, les personnes déplacées qui s'étaient retrouvées et rassemblées
2 autour de Mostar, ou dans la région de Mostar, il y avait d'autres
3 organisations internationales - je ne veux pas mentionner de nom car nous
4 avons entendu un témoin protégé - qui a dit que cette décision n'était rien
5 d'autre qu'un type de nettoyage ethnique en application d'un décret
6 administratif. Effectivement, après cette décision, les organisations
7 humanitaires internationales ont fait un rapport selon lequel les Musulmans
8 ont eu un autre délai et cette fois-ci c'était le 9 mai pour quitter --
9 abandonner les appartements qui se trouvaient à Mostar, les appartements
10 abandonnés dans lesquels les Musulmans avaient emménagé. La date butoir
11 selon laquelle il fallait abandonner ces appartements avant le 9 mai. Vous
12 vous rappellerez. Je -- en fait, je demande aux Juges de la Chambre de
13 garder à l'esprit la date du 9 mai.
14 Pour suivre, bien sûr, cette chronologie, le 6 mai 1993, l'assemblée serbe
15 de Bosnie a voté deux à 12 contre la ratification du plan de paix Vance-
16 Owen. Donc, il n'y avait absolument aucune question qui s'est posée à cette
17 époque. Donc, en date du 6 mai, le plan Vance-Owen était mort. Il n'y avait
18 plus de plan Vance-Owen. Les Serbes avaient rejeté de façon catégorique le
19 plan Vance-Owen, et ce plan était donc mort.
20 Maintenant, parlons des stratégies du HVO et des pratiques. De nature
21 systématique du fait d'enlever les Musulmans des territoires que l'on
22 [imperceptible] annexé de l'Herceg-Bosna, ça a été fait de façon
23 progressive. Et on a également mis en prison les -- l'intelligentia de ces
24 derniers de ces groupes. Ensuite, on a arrêté les dirigeants intellectuels
25 politiques et religieux même avant les événements du mois de mai, c'est-à-
26 dire l'attaque menée contre Mostar. Au début de 1993, le HVO a mis en
27 prison environ 1 000 intellectuels. Au mois d'avril, mai, juin 1993, tous
28 les imans qui ont pu être capturés par le HVO se sont faits arrêter et des
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1 dizaines avaient été faits prisonniers à ce moment-là.
2 Je dois souligner que les intellectuels musulmans faisaient l'objet d'un
3 traitement spécial. Ces derniers avaient été placés à un endroit
4 particulier c'était la prison du HVO de Ljubuski. Vous avez entendu des
5 éléments de preuve concernant ce sujet également. Nous avons entendu que
6 certains des hommes avaient été emmenés à cet endroit-là et avaient été
7 détenus pendant très longtemps. Maintenant, le nettoyage ethnique s'est
8 poursuivi au cours de l'été 1993, bien sûr, et tous les hommes musulmans en
9 âge de porter les armes avaient été arrêtés malgré les avertissements
10 internationaux aux autorités croates que c'était contre le droit
11 humanitaire, que c'était une -- quelque chose qui a été fait contre
12 l'action -- contre le droit humanitaire international.
13 Encore une fois, je vais citer une pièce, la pièce P 09078, dans laquelle
14 Jadranko Prlic dit qu'il avait de très -- des contacts très près avec le
15 ministre de l'étranger croate, Mate Granic, qui avait une influence sur
16 Tudjman concernant ce qui s'était passé en Bosnie-Herzégovine, et Granic
17 avait informé Prlic, selon Prlic, que des crimes avaient été commis en
18 Herceg-Bosna qui ont résulté avec Boban et Susak à qui on avait dit que
19 ceci devait arrêté, que si ces choses n'arrêtaient pas que tous les combats
20 qui étaient en train d'avoir, et toutes les choses dont vous n'avez pas
21 connaissance telles l'emprisonnement non sélectif, et cetera. Et c'est à la
22 pièce P 09078, transcript page 12 425.
23 Prlic a également dit que les conséquences de la guerre croato-musulmane
24 n'étaient pas seulement d'avoir des prisonniers de guerre mais aussi il y
25 avait des prisonniers qui étaient emprisonnés de façon non sélective, et
26 ceci ne pouvait pas être décrit comme étant des prisonniers de guerre. Page
27 86 du transcript. Lorsqu'on doit demander la question : "Qui a commis les
28 crimes du côté du HVO ? Prlic a répondu mais c'étaient les membres de
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1 l'armée du HVO et donc c'étaient les autorités militaires qui en sont
2 responsables, qui sont les coupables de ces crimes." Page 74.
3 Citation. "L'armée doit être tenue responsable des crimes commis."
4 Jadranko Prlic, transcript, page 82.
5 Au même moment, Prlic reconnaît que la guerre avait été menée par les
6 combattants politiques par le biais de l'état-major du HVO et par les
7 organes militaires. Page du transcript 85.
8 Nous savons, bien sûr, que ce n'est pas les généraux qui mènent une guerre
9 mais plutôt les -- ces hommes politiques, comme nous le savons.
10 Pour ce qui est des personnes responsables des crimes de guerre et pour
11 citer Prlic, il dit je cite : "Je vous ai dit aujourd'hui que des centaines
12 de meurtriers de déplacent encore aujourd'hui ou marchent dans les rues de
13 la ville" -- enfin, à Mostar. "Mais une telle décision a été prise par
14 l'armée et il devait être appuyée par les hommes politiques. Eux" - c'est-
15 à-dire - "l'armée, elle-même, ne pouvait pas donner de telles décisions --
16 prendre de telles décisions par elle-même." Transcript, page 128.
17 En réalité, Prlic, lui-même, avait été impliqué à de telles discussions et
18 a pris part aux décisions stratégiques. Et dans une autre réunion
19 impliquant Tudjman, Boban, Slobodan Praljak, nous allons presque tous les
20 avoir, Tudjman, Boban, Slobodan Praljak, Milivoj Petkovic, Jadranko Prlic,
21 le 5 novembre 1993, il s'agit ici de la pièce P 06454. Tudjman a donné aux
22 dirigeants rassemblés de l'Herceg-Bosna des instructions très précises sur
23 ce qu'ils doivent faire. Et c'est à la page de 1 à 4, s'agissant de ce
24 traité.
25 "Président Tudjman : Messieurs commençons avec la réunion. Ceci -- cette
26 réunion a été organisée selon l'initiative car le président je dis -- à
27 cause de la situation je dirais critique de la situation en Herceg-Bosna et
28 dans l'ensemble de Bosnie-Herzégovine. Il est tout à fait possible que ceci
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1 puisse avoir un impact négatif sur la Croatie, plus particulièrement après
2 les événements de Stupni Do."
3 Et n'oubliez pas que cette conversation a eu lieu le
4 5 novembre, donc, quelques jours après Stupni Do, le 23 octobre.
5 "Donc outre ces questions concrètes, nous devons également discuter
6 des questions importantes, telles les intérêts stratégiques et politiques
7 de la Croatie concernant le comportement des Musulmans et les événements
8 que nous avons pu observer dernièrement.
9 Tudjman de nouveau dit, je cite : "Le problème de Bosnie-Herzégovine
10 est un problème de peuple -- du peuple croate en Bosnie-Herzégovine, mais
11 c'est également un problème de l'Etat croate et de son avenir. Il s'agit,
12 bien sûr, d'une question très difficile, épineuse. Lorsqu'on essaie de
13 résoudre cette question, nous avons pris des mesures -- certaines mesures
14 très concrètes et nous avons fait des propositions concrètes. Nous avons
15 toujours commencé en -- pensant à la réalité qui existait avant la guerre
16 ou qui a été créé pendant la guerre. En ce faisant, nous avons toujours
17 tenu à l'esprit les intérêts stratégiques de l'importance de l'avenir du
18 peuple croate et de la Croatie en général, y compris la question de ses
19 frontières."
20 Et par la suite, une longue discussion s'ensuit, plusieurs personnes
21 prennent la parole, Boban, Praljak, Prlic, et ensuite, vers la fin de la
22 réunion, Tudjman revient pour dire - et c'est aux pages 80 à 85 de ce
23 compte rendu d'audience; encore une fois, je vous rappelle il s'agit de la
24 pièce P 04654 -, Tudjman dit :
25 "Messieurs, nous pourrions poursuivre cette réunion pendant des
26 journées et des journées, mais l'image est effectivement telle que la
27 présentée. La situation est critique mais soyons actifs au niveau
28 opérationnel. Une guerre est en cours, et malgré tout ce qui se passe,
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1 c'est encore pire ce que vous m'avez dit, nous reconnaissons la République
2 croate d'Herceg-Bosna. Bien, trouvez une situation pareille dans ce chaos
3 du point de vue du peuple croate en tout dans un Etat croate. Donc, le
4 problème revient à dire qu'il faut nous assurer les frontières dans la
5 République d'Herceg-Bosna de la façon la plus favorable que nous ne
6 pouvons. Ce que je vous ai dit concerne la Bosnie occidentale Bihac, et
7 cetera, car la Krajina ils allaient faire partie de l'Etat croate. Et cette
8 partie ces gens-là ne feraient pas partie de ceci et nous devons comprendre
9 que même les plus grands Etats ne peuvent s'assurer que tous leurs membres
10 puissent appartenir à un seul et même Etat."
11 Lors de cette réunion, Tudjman a dit -- donné des instructions très
12 précises à Petkovic en lui disant de faire une percée avec les forces du
13 HVO de Kiseljak à Busovaca. Et n'oubliez pas vous vous rappellerez,
14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que nous avons entendu des
15 éléments de preuve concernant Vares et ce qui s'est passé à Vares et
16 quelles étaient les directions qu'avait pris le commandant du HVO à Vares.
17 Nous ne pouvons pas punir ces soldats maintenant tout de suite car nous en
18 avons besoin pour une opération de percée. Nous devons mener une percée de
19 Kiseljak à Busovaca. Il faut absolument faire ceci et nous allons nous
20 servir des mêmes troupes qui sont allées à Stupni Do car nous en avons
21 besoin, nous avons besoin de ces personnes maintenant. Et le 5 novembre,
22 Tudjman dit à Petkovic, je cite : "Transfert tout ce qui reste des troupes
23 à Vares et Kiseljak et mène une percée vers Busovaca." Pages 49 à 62.
24 Lors de cette même réunion, Prlic parle également de la situation
25 militaire en Bosnie-Herzégovine. Pages 30 à 39 du même transcript. Il dit
26 et je cite : "Je crois qu'en ce moment, une victoire militaire est
27 impérative pour rétablir la situation et l'état d'esprit. Je crois qu'il
28 est tout à fait clair et il n'est pas besoin d'expliciter quoi que ce soit
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1 qu'il s'agisse de Mostar, qu'il s'agisse de Vakuf ou de cette action qui
2 avait été planifiée là-bas pour établir un lien entre Kiseljak et Busovaca.
3 Nous devons nous rapprocher pour encercler les territoires. En tant que
4 gouvernement au printemps dernier, nous avons défini la proposition et les
5 conclusions même lorsqu'il s'agit de déplacer certaines brigades de
6 certaines zones qui comprendraient -- qui feraient en sorte que la
7 population soit déplacée de ces zones-là et de nous concentrer sur
8 certaines directions qui, selon nous, pourraient devenir et rester des
9 zones croates. Je sais qu'il faut résoudre cette situation de façon
10 pragmatique. Je sais que des efforts ont été menés pour que chaque Croate
11 reste là où il vit, en ce moment, mais il y a le pragmatisme. Il y a la
12 concentration des forces. Il y a tout le reste."
13 Il faudrait également remarquer que, dans le -- en parlant du
14 contexte, donc, du printemps, l'été et l'automne de 1993, était que les
15 forces du HVO ont suivi ce schéma -- qu'il s'agisse de Prozor, de Stolac,
16 de Capljina, ils ont suivi ce schéma. D'après, la plupart des hommes en âge
17 de porter les armes musulmans, et des fois on les décrirait comme étant des
18 hommes âgés entre les âges de 16 et 60 ans étaient d'abord encerclés, ils
19 se faisaient arrêtés, détenus, placés dans diverses prisons du HVO et
20 laissant les femmes, les enfants et les personnes âgées dans les villages
21 non protégés par les hommes adultes. Ensuite, lorsque la plupart des hommes
22 musulmans avaient été déplacés, le HVO prenait le contrôle des villages, en
23 cerclant de façon systématique les femmes musulmanes, les enfants et les
24 personnes âgées soit qu'ils étaient envoyés quelque part sur le territoire
25 contrôlé par l'ABiH ou ailleurs. La Chambre se rappellera des éléments de
26 preuve entendues qu'ils avaient été emmenés à certains endroits par camion,
27 et on leur disait ensuite de descendre et de marcher vers Jablanica, vers
28 Gornji Vakuf, et d'autres destinations.
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1 Il y avait un grand nombre de pratiques, effectivement, qui pour ceux qui
2 sont impliqués dans cette entreprise criminelle commune c'était d'employer
3 la terreur et la force. Et dans le cas, de très souvent des hommes
4 musulmans avaient été tués, dérobés de leurs biens, qui ont fait l'objet de
5 divers abus. Des papiers d'identité avaient été amenés de façon routinière,
6 donc, en les exposant à divers risques ne leur permettant pas d'avoir leurs
7 documents. Des attaques avaient été menées contre les villages musulmans,
8 et le siège de l'est Mostar avait été fait, et donc, il s'agissait
9 également d'un pilonnage systématique et régulier des civils musulmans.
10 Il y avait également un autre schéma c'est l'appropriation et la
11 destruction des biens. Herceg-Bosna ou les autorités de cette dernière et
12 les soldats ont forcé les Musulmans de Bosnie de partir de leurs maisons,
13 et devaient donner leurs maisons, signer un document, laissant les clés de
14 la maison. Les voitures, les biens personnels avaient très souvent -- les
15 objets personnels avaient très souvent été pris, l'argent, les voitures, et
16 tout avait été pillé. Les bâtiments officiels détruits et pillés y compris
17 les bâtiments musulmans et les écoles et les mosquées avaient été détruits
18 également.
19 L'Accusation sous-tend que cette destruction avait été faite dans un but
20 précis, et c'est de faire en sorte que les Musulmans ne puissent plus
21 revenir dans les régions dans lesquelles ils avaient leurs centres
22 culturels où ils habitaient.
23 Nous verrons également que le HVO -- les autorités en fait du HVO d'Herceg-
24 Bosna se sont appropriées des biens publics et, bien sûr, nous avons vu
25 très souvent dans Narodni List, par exemple. Nous avons entendu des
26 témoignages nous disant que ces biens avaient été pris et qu'ils
27 appartenaient maintenant à la République de Bosnie-Herzégovine, qui était
28 l'Etat reconnu.
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1 Vous vous rappellerez qu'il y a eu des camps de prisons -- de prisonniers.
2 Il y a eu l'Heliodrom, il y a eu la prison de Ljubuski, Dretelj, et la
3 prison de Gabela. Nous allons aborder cette question tout à l'heure.
4 Vous avez entendu parler de la déportation et des transferts forcés des
5 Musulmans, Musulmans qui ont été déplacés vers d'autres parties de la
6 Bosnie qui ne faisaient pas l'objet de prétention des Croates -- Musulmans
7 pour aller dans les parties qui étaient contrôlées par les Musulmans, ou
8 étaient très souvent déportés à l'extérieur du pays. Je vais laisser ceci
9 de côté car je vais l'aborder lors des arguments présentés en réponse à la
10 Défense de Coric et Pusic, l'utilisation des lettres de garantie et les
11 visas de transit, par lesquels les Musulmans avaient été déplacés de façon
12 systématique nous aborderons tous ces sujets ultérieurement non pas
13 seulement à l'extérieur de l'Herceg-Bosna mais également vers d'autres
14 pays.
15 Vous avez également souvent entendu parler du blocage de l'aide humanitaire
16 les obstacles qui ont été posées au passage de cette aide humanitaire et
17 ceci en tant qu'arme de guerre.
18 Je ne vais pas en parler au cours de cette procédure 98 bis, parce que ça
19 prolongerait trop nos débats mais il faut savoir que l'aide humanitaire a
20 été bloquée, pillée. On a empêché à ces convois d'entrer dans des villes,
21 comme par exemple, Mostar, et pendant près de deux mois, personne n'a pu
22 entrer dans cette ville, jusqu'au
23 25 août 1993. De nombreux témoins ont parlé de cela et du fait que c'est
24 finalement la fin août seulement qu'un convoi a pu entrer à Mostar.
25 S'agissant des déplacements aussi bien des personnes que de l'aide
26 humanitaire, c'est-à-dire du passage des hommes et des femmes et de l'aide
27 humanitaire à travers l'Herceg-Bosna, M. Praljak a confirmé que c'était
28 bien lui, M. Praljak, que c'était Bruno Stojic, Milivoj Petkovic et
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1 d'autres qui contrôlaient ce passage, le passage des hommes, des femmes et
2 le passage de l'aide humanitaire. Cela on le trouve au compte rendu
3 d'audience, pages 19 331, à 19 332.
4 D'autre part, il faut savoir que la pratique des travaux forcés était
5 généralisée. Je ne vais pas entrer dans les détails. Les Juges ont entendu
6 de nombreux témoins à ce sujet. Vous avez reçu les documents y afférant,
7 nous indiquant qu'au quotidien, on emmenait des prisonniers à partir de
8 l'Heliodrom, par exemple, pour aller travailler sur la ligne de
9 confrontation à Mostar et ailleurs. C'était systématique, c'est indéniable
10 pendant longtemps, et on ne peut pas donner d'explication à ceci en
11 invoquant des éléments incontrôlés, des unités incontrôlées. Il s'agit d'un
12 système délibérément mis en place avec des documents, et cetera. On tenait
13 compte, on gardait la trace de départ de chaque prisonnier et de son retour
14 ou de son non-retour lorsqu'ils étaient blessés ou tués.
15 Maintenant, parlons de Mostar du 9 ou du 10 mai 1993. Nous avons entendu
16 beaucoup d'argument s'échanger au sujet de savoir qui était à l'origine de
17 ces affrontements. Mais peu importe. Tous les observateurs -- les
18 intervenants de la communauté internationale l'ont dit, c'est le HVO qui
19 était à l'origine de ces opérations. Mais peu importe, peu importe, parce
20 qu'il est indéniable que ce qui s'est passé c'est bien se passer qu'il y a
21 eu des arrestations massives et des expulsions de Musulmans de Mostar, qui
22 ont été repoussés vers Mostar Est, emmenés à l'Heliodrom et que beaucoup
23 ensuite ont été libérés pour être de nouveau emprisonnés quelques jours
24 plus tard.
25 Je ne vais pas passer trop de temps sur ce point. Nous estimons que
26 c'est le HVO qui a tout commencé, mais savoir qui a tiré le premier coup de
27 feu le 9 mai ça ne change pas grand-chose parce que nous savons
28 pertinemment ce qui s'est passé. On a emmené des hommes et des femmes -- ou
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1 plutôt, des femmes et des enfants au stade de foot Vales. On les a fait
2 monter à bord d'autocars, et on les a emmené jusqu'à l'Heliodrom.
3 Il y a ensuite eu une résolution du Conseil de sécurité condamnant
4 fermement ce qui s'était passé à Mostar. Il s'agit de la pièce P 02274.
5 "Le Conseil de sécurité exige que toutes les attaques menées contre
6 Mostar, Jablanica, et Dreznica s'arrêtent immédiatement, et que les Croates
7 de Bosnie et leurs unités paramilitaires se retirent de cette zone et
8 respectent leurs engagements pris précédemment ainsi que l'accord de
9 cessez-le-feu [imperceptible] le jour même entre les Croates de Bosnie et
10 les Musulmans de Bosnie.
11 "Le Conseil de sécurité s'est également dit : "Très préoccupé de
12 constater que le Bataillon de la FORPRONU, qui se trouvait dans la zone," -
13 nous savons que c'est le Bataillon espagnol - "avait été contraint sous les
14 tirs de se redéployer suite à cette dernière offensive et le Conseil de
15 sécurité condamne le refus des unités paramilitaires croates de Bosnie
16 d'accepter la présence des observateurs militaires des Nations Unies, en
17 particulier dans la ville de Mostar.
18 "Le Conseil de sécurité en appelle à la République de Croatie,
19 conformément aux engagements de l'accord de Zagreb du 25 avril 1993,
20 d'exercer toute l'influence possible sur les dirigeants croates de Bosnie
21 et à leurs unités paramilitaires afin de faire cesser immédiatement les
22 attaques, en particulier dans les zones de Mostar, Jablanica, et Dreznica.
23 "D'autre le Conseil en appelle à la République de Croatie pour
24 qu'elle respecte strictement ses obligations aux termes de la résolution
25 752 du Conseil de sécurité en mettant un terme notamment à toutes les
26 formes d'ingérence et en respectant l'intégrité territoriale de la
27 République de Bosnie-Herzégovine."
28 Pour revenir ici à la question du conflit armé international et au
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1 contrôle exercé par la République de Croatie sur les forces croates
2 présentes en République de Bosnie-Herzégovine.
3 Je voudrais dire la chose suivante, je rappelle ce qu'a dit
4 M. Galbraith qui était l'ancien ambassadeur des Nations Unies, il a dit que
5 tout le monde savait bien ce qui se passait en Herceg-Bosna était contrôlé
6 par Zagreb. Je ne vais pas citer ses mots, mot pour mot, mais il avait dit
7 que : "C'était un secret de polichinelle à tel point que ce n'était plus du
8 tout un secret." Oui, c'est ce qu'il a dit : "Un secret polichinelle qui
9 n'était même plus un secret." Si on voulait que Praljak et les autres
10 fassent quelque chose il fallait s'adresser à Zagreb. C'est ce qu'a dit
11 Galbraith et c'est ce qu'ont répété également d'autres témoins après lui.
12 Je parle de ceci maintenant parce qu'on constate dans la résolution du
13 Conseil de sécurité lors d'attaque menée à Mostar, pourquoi est-ce que le
14 Conseil de sécurité en appelle à la Croatie pour qu'elle mette un terme au
15 conflit et au combat ?
16 On vient de m'apprendre que c'est à la page 6471 du compte rendu
17 d'audience, ligne 5 que l'on trouve les propos de M. Galbraith que je viens
18 de citer.
19 Le 11 mai 1993, après la deuxième journée de l'attaque croate contre
20 Mostar, Tudjman a de nouveau rencontré des dirigeants du gouvernement
21 croate et des représentants militaires de ce gouvernement, il a confirmé
22 que selon lui quand Izetbegovic avait accepté de manière provisoire le plan
23 Vance-Owen, cela ne constituait pour lui une reconnaissance du caractère
24 "croate" des provinces 3, 8 et 10. Pièce P 02302.
25 Tudjman reconnaît lors de cette réunion, je cite : "Lorsque les dirigeants
26 musulmans ont accepté le plan Vance-Owen, ils ne l'ont fait que pour la
27 forme. Izetbegovic n'a jamais accepté ce plan Vance-Owen parce que ces
28 provinces auraient dû être croates." De Tudjman. Izetbegovic n'a jamais
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1 accepté le plan Vance-Owen.
2 Le 20 mai 1993, pièce 02466, Tudjman indique qu'il a déclaré Izetbegovic
3 que je cite : "Les Croates ne peuvent pas vraiment pas accepter de perdre
4 certaines régions qui auparavant faisaient partie de la banovine croate
5 même si quelque 140 000 réfugiés s'y trouvent actuellement, dont 100 000
6 Musulmans." "La Croatie en tant que pays ne saurait accepter une
7 modification de la structure démographique dans cette région, dans ces
8 régions." "La Croatie en tant que pays ne peut accepter une modification de
9 la structure démographique de ces régions." Je vous le répète.
10 A la date du juin 1993, les forces du HVO avaient entamé un siège contre
11 Mostar Est. Un véritable siège. Il y avait un chemin de montagne, un
12 sentier qu'on pouvait emprunter en passant par les montagnes mais il était
13 très peu praticable. Il était donc très difficile d'accéder à Mostar et
14 d'en sortir, en tout cas, on n'empruntait pas une autoroute. Il s'agissait
15 d'un véritable siège, il y avait des tireurs embusqués. On manquait de
16 nourriture, d'aide humanitaire, de fourniture médicale. Il y avait des
17 tirs, des tirs de tireurs embusqués. La Chambre le sait bien. Je voudrais
18 revenir à la pièce de la Défense 3D 00482 de M. Praljak. Une note qui émane
19 d'une réunion avec le général de l'armée croate Anton Tus qui rencontre la
20 délégation française le 13 janvier 1993.
21 M. Praljak, et là il dit, je cite : "Les Serbes dominent dans le domaine de
22 l'artillerie, mais ceci n'est pas décisive. L'artillerie on s'en sert pour
23 détruire les villes sans objectif militaire. Ils ne touchent jamais les
24 premières lignes de combat, c'est la même chose pour Sarajevo, Mostar,
25 Jajce, Bosanski Brod, Slavonski Brod, et ailleurs. Leur tactique c'est de
26 détruire ou d'anéantir la défense en se servant de femmes, d'enfants et de
27 personnes âgées morts."
28 Je laisse aux Juges de la Chambre le soin de réfléchir à ce que vient de
Page 27088
1 dire M. Praljak qui attribue aux Serbes cette vision de l'emploi de
2 l'artillerie des villes. On peut dire que selon moi la même chose
3 s'applique au pilonnage de Mostar Est.
4 Après une attaque menée par l'ABiH contre un camp du HVO au nord de Mostar,
5 le 30 juin, et ceci ne fait aucun doute, l'Accusation ne l'a jamais remis
6 en question, ne remettra jamais en question, il y a une guerre. Des combats
7 font rage avec des intervenants des deux côtés. Il y a eu une attaque de
8 l'ABiH sur les casernes de Mostar au nord de Mostar, le 30 juin, c'est
9 indéniable. Ce sont les soldats qui se battent contre des soldats. Des
10 militaires qui se battent contre des militaires.
11 Ceci ressort d'une déclaration, d'une décision et d'un ordre de Jadranko
12 Prlic et Bruno Stojic le 30 juin. Pièce P 03038, document où figurent les
13 noms et les signatures de Prlic et Stojic. Les Croates sont exterminés et
14 si les Croates sont exterminés l'existence même des Croates en Bosnie-
15 Herzégovine est en péril. Mostar doit rester une ville croate, c'est ce
16 qu'on peut lire dans ce document. Pour replacer le document dans son
17 contexte, le 2 juillet, c'est-à-dire quelques jours après ce 30 juin,
18 Franjo Tudjman a dit à Susak et d'autres à Zagreb lors d'une réunion : "Il
19 est important de faire pression sur les Unités musulmanes sur le front de
20 la Neretva."
21 Ici encore, nous avons un exemple pratiquement parfait de ce qu'est la
22 filière hiérarchique du HVO, sa chaîne de commandement et de la manière
23 dont elle fonctionne. Nous avions précédemment vu les ordres de Stojic et
24 de Petkovic conformément à l'ultimatum du 15 janvier 93. Et ici, nous avons
25 la décision, l'ordre de Prlic et Stojic. Pièce P 03038, je le répète. Et ce
26 document est suivi par la pièce P 03039, un communiqué de Zeljko Siljeg, de
27 la zone opérationnelle nord-ouest, qui transmet l'ordre Prlic-Stojic que je
28 viens de mentionner et on voit sa référence mentionnée dans ce dernier
Page 27089
1 document. L'ordre est donc transmis en aval de la filière hiérarchique dans
2 la zone opérationnelle nord-ouest, pièce P 03039.
3 Le même jour, pièce P 03019, le général Petkovic, le jour même donc ce 30
4 juin, donne son ordre à lui, je cite : "Dans les unités où il y a encore
5 des soldats musulmans, il faut désarmer, les isoler -- isoler tous les
6 hommes aptes au combat dans les villages musulmans dans votre zone de
7 responsabilité et laisser les femmes et les enfants dans leurs maisons ou
8 leurs appartements."
9 Voilà l'ordre de Petkovic donné suite à la décision et à l'ordre de Prlic
10 et Stojic.
11 A la fin de cet ordre de Petkovic, on trouve un autre ordre, l'ordre de
12 Mijenko Lasic pour la zone opérationnelle du sud-est où se trouve Mostar,
13 et ce qu'a fait Lasic c'est qu'il a écrit en bas à la fin de l'ordre de
14 Petkovic, il s'est servi de ce document pour transmettre à ses subordonnés,
15 aux 2e et 3e Brigades du HVO. Le même jour, on trouve un autre document, le
16 document P 03035, c'est l'ordre de la 3e Brigade du HVO, donc, là, on est
17 maintenant au niveau, à l'échelon de la brigade et on met en œuvre l'ordre
18 de Mijenko Lasic, je cite : "Dans les unités où il y a encore des
19 combattants de nationalité musulmane, les désarmer et les isoler. Dans les
20 endroits où se trouve une population musulmane dans votre zone de
21 responsabilité, isoler tous les hommes en âge de porter les armes. Il faut
22 laisser les femmes et les enfants dans leurs maisons ou leurs
23 appartements." On reprend donc pratiquement mot pour mot l'ordre de
24 Petkovic. Ensuite, on trouve la pièce P03075 qui date du lendemain, 1er
25 juillet 1993. Il ne faut ici oublier la police militaire. Nous avons un
26 rapport de la 3e Compagnie, 3e Bataillon de la Police militaire du HVO pour
27 la période du 30 juin au 1er juillet 1993. Je cite : "Le 30 juin à 9 heures,
28 un groupe de 17 policiers militaires se sont rendus en mission à Mostar sur
Page 27090
1 les ordres de l'administration de la police militaire. On a procédé à une
2 [imperceptible] générale des membres restants de la compagnie. En
3 conséquence, une section s'est occupée de rassembler les Musulmans à
4 Stolac, les autres se sont livrés à leurs activités habituelles et ont
5 notamment tenu les points de contrôle. La section de Neum s'est également
6 livrée à ses activités habituelles, et de plus, a rassemblé les personnes
7 susmentionnées. La section qui était en attente a escorté, réceptionné et
8 assuré la garde des personnes détenues. Jusqu'à présent, environ 1 300
9 personnes ont été interpellées et on les a faits venir des municipalités de
10 Stolac, Capljina, Mostar et Neum, le 30 juin et le 1er juillet 1993. Les
11 arrestations et les déplacements des personnes concernées se sont fait en
12 coopération avec la Brigade de Police du MUP de Capljina et la 1re Brigade
13 de Knej Domagoj."
14 Même journée du 1er juillet 1993, nous avons une autre pièce, la pièce
15 P03082, adressée à toutes les zones opérationnelles et les brigades du HVO
16 : "Prendre des mesures vigoureuses concernant tous les membres du HVO qui
17 ne rempliraient ou ne s'acquitteraient pas de leurs fonctions de la manière
18 la plus consciencieuse et la responsable possible. On ne saurait tolérer
19 aucun caractère arbitraire superficiel ou irresponsable dans les activités
20 de chacun. Tout le monde doit bien comprendre seuls les Croates vont
21 défendre la HZ HB."
22 Le 2 juillet, nous avons une autre pièce, la pièce P03128, encore un
23 ordre de Petkovic, signé par Bruno Stojic, il fait référence à toutes les
24 unités et zones opérationnelles du HVO : "L'objectif c'est d'éliminer les
25 forces armées musulmanes et de se préparer à la dernière confrontation --
26 l'ultime confrontation avec les forces musulmanes. La police militaire du
27 HVO et la police civile se voient conférer toute l'autorité nécessaire sur
28 leurs organes militaires et civiles."
Page 27091
1 Et on poursuit ensuite : "Jusqu'à la fin de ces missions, vous êtes
2 placés directement sous les ordres de l'état-major général du HVO." Voilà
3 ce qui est dit à ces unités.
4 Le 6 juillet 1993, un autre document est établi, P03234, un ordre de
5 Zeljko Siljeg, commandant de la zone opérationnelle nord-ouest du HVO, je
6 cite : "Au vu de la situation actuelle dans la zone de la municipalité
7 Rama, Prozor, j'ordonne ce qui suit : Arrêter tous les hommes musulmans
8 âgés entre 16 et 60 ans. Les unités suivantes sont chargées d'exécuter ces
9 ordres : La police militaire et le SIS (Service d'information et de
10 sécurité) de la Brigade de Rama."
11 Voici quelques-uns des ordres, si sous cet ordre qui ont été émis en
12 le 30 juin, le 1er, le 2 et le 6 juillet, et qui nous rappelle ce que les
13 Juges de la Chambre savent déjà. Ces arrestations massives d'hommes
14 musulmans à partir de juillet 1993. Des hommes qui ont ensuite été emmenés
15 dans différents camps, Heliodrom, Ljubuski, Dretelj, et cetera. Les ordres
16 viennent du sommet de la voix hiérarchique et descendent jusqu'au niveau
17 des brigades et des compagnies.
18 A ce sujet, s'agissant des ordres militaires, de la chaîne de
19 commandement, il semble que c'est indéniable que au cours du printemps 1993
20 et jusqu'en novembre 1993, nous savons qui étaient ceux qui étaient à la
21 tête du HVO, avant M. Praljak, fin juillet 1993, c'était M. Petkovic, qui
22 était à la tête des forces armées du HVO.
23 Ensuite, c'est M. Praljak qui l'a remplacé. Il nous l'a dit, lui-
24 même, et je reprends la page 24 314 du compte rendu d'audience en l'espèce.
25 Donc : "Le chef de l'état-major principal - c'était moi - et l'adjoint,
26 est-ce qu'on peut déterminer qui était qui et qui faisait quoi ? Le
27 commandant et le témoin peuvent nous dire si c'est vrai ou pas. Le
28 commandant de l'état-major principal, c'était Slobodan Praljak. Le
Page 27092
1 commandant second de l'état-major principal c'était le général Milivoj
2 Petkovic. Le chef d'état-major, le général Tole. L'adjoint du chef d'état-
3 major c'était le général Matic."
4 Lorsqu'on évoque les principaux militaires du HVO, il faut se
5 rappeler de la déposition du général Pringle et son rapport d'expert. Pièce
6 P09549.
7 Quels sont les principaux arguments développés par le général Pringle
8 ? En premier lieu, le HVO n'a pas été construit, mis en place à partir de
9 rien. Des préparatifs ont été réalisés précédemment et on s'est servi de la
10 doctrine de la JNA. Ceci a permis à Petkovic et Praljak de développer des
11 outils leur permettant d'imposer la discipline. Ils se sont servis de
12 nombreux manuels pour la formation de leurs hommes, et cetera, et notamment
13 des manuels portant sur le droit de la guerre, et cetera. Le général
14 Pringle en a longuement parlé.
15 Deuxièmement, le général Pringle a parlé du : "Fait que la
16 documentation du HVO reprenait le concept du contrôle politique sur
17 l'armée."
18 Pages 6 et 7 de son rapport.
19 Le général Pringle a également longuement parlé du climat de
20 commandement, c'est-à-dire du climat qui est créé par un chef -- par un
21 commandant et qui se fait par l'exemple, et non pas seulement par
22 l'application des règlements. Il a donné l'exemple d'un chef qui parle :
23 "De la partie adverse de manière insultante, en utilisant, par exemple, le
24 terme de 'balija.' Selon lui, quand on fait une chose de ce genre, on
25 envoie un message à ses soldats, à ses subordonnées, au sujet de l'attitude
26 à adopter envers l'adversaire."
27 Il me reste deux minutes seulement pour ce qui est du général
28 Pringle, je vais accélérer.
Page 27093
1 Il nous a dit également que plus la situation est confuse, plus la
2 responsabilité du commandant est importante. Personne n'a jamais affirmé
3 qu'il n'y a pas confusion lorsqu'il y a une guerre. Nous n'avons jamais dit
4 le contraire, mais ce que nous a dit le général Pringle, c'est que plus la
5 situation est compliquée, confuse, plus la responsabilité du commandant est
6 engagée est importante.
7 Le général Pringle nous a également expliqué que la discipline
8 militaire est essentielle, que le fait de ne pas imposer la discipline est
9 interprété comme une acceptation, même une approbation de certains
10 comportements, et que si ces comportements ne sont pas sanctionnés, à ce
11 moment-là, ils vont devenir "la norme."
12 Le général Pringle, pendant sa déposition, page 24 059 du compte
13 rendu d'audience, a dit que Praljak avait démontré qu'il avait la
14 personnalité - une personnalité lui permettant d'imposer la discipline s'il
15 l'avait voulu.
16 Le général Pringle a également ajouté qu'un chef -- qu'un commandant
17 devait savoir ce que faisaient les hommes sous ses ordres. Vous vous
18 souviendrez qu'il nous a parlé des deux échelons au-dessus et au dessous du
19 commandant. Il doit être informé de ce qu'au fond, ses subordonnées, c'est
20 une obligation qu'il a. Les commandants doivent assurer le suivi des ordres
21 pour s'assurer qu'ils ont été exécutés.
22 Le général Pringle a répété, à plusieurs reprises, donner un ordre,
23 ça c'est facile, mais faire exécuter cet ordre, ça c'est beaucoup plus
24 difficile, c'est une autre paire de manches.
25 Le général Pringle a également rappelé que lorsqu'un grand nombre de
26 personnes sont emprisonnées, les commandants - et en l'espèce, il
27 s'agissait de Petkovic qui occupait le poste suprême - les commandants
28 concernés doivent avoir connaissance de la logistique que cela implique,
Page 27094
1 approvisionnement en vivres, en eau, hébergement, et cetera.
2 Et le général Pringle s'est montré très prudent -- pragmatique. Il a
3 dit : oui, bien entendu, le premier et le deuxième jours, on a en tête des
4 problèmes. On ne peut pas régler toutes les difficultés du jour au
5 lendemain. Mais ce qu'il a ajouté le général Pringle c'est qu'au dixième
6 jour, le commandant devait se demander : comment est-ce qu'on hébergeait,
7 ce qu'il en était de l'hébergement de tous les détenus. Et s'agissant du
8 général Pringle, je rappellerai qu'à la fin de son rapport d'expert, pièce
9 09549, il a dit, je cite : "Le HVO a été confronté à un défi considérable."
10 Je le répète : "Le HVO a été confronté à un défi considérable. Mettre en
11 place la Communauté d'Herceg-Bosna, former et entraîner une armée, mettre
12 en place toutes les règlementations nécessaires à la HZ HB, tout en étant
13 engagé dans un véritable conflit d'abord avec les Serbes de Bosnie ensuite
14 les Musulmans de Bosnie."
15 Tout ceci, bien entendu, représentait des difficultés considérables.
16 Ceci étant dit, une bonne partie des éléments des documents qui m'ont été
17 fournis par le bureau du Procureur indique selon moi qu'il s'agissait d'un
18 gouvernement opérationnel qui fonctionnait avec des dirigeants militaires
19 et civils responsables, un système dans lequel les ordres et les consignes
20 circulaient en aval de la voie hiérarchique à partir de la présidence et
21 vers les commandements opérationnels en passant par le ministère de la
22 Défense et l'état-major principal.
23 Il était manifeste qu'existait une armée qui fonctionnait et qui s'était
24 dotée d'un code de discipline militaire. Elle a fait appel à des forces qui
25 avaient été mobilisées localement et qui n'étaient pas bien formées.
26 D'autre part, la formation militaire régulière n'était au niveau requis.
27 Ceci, bien entendu, posait d'énormes difficultés pour le système de
28 formation des hommes et les officiers de cette armée dont beaucoup
Page 27095
1 n'avaient pas non plus été formés comme il se doit.
2 Mais ceci étant dit, ils disposaient de la doctrine, ils disposaient des
3 documents concernant le droit humanitaire international, les lois de la
4 guerre, et cetera, et ceci aurait dû être suivi des faits dans le cadre de
5 leur fonctionnement quotidien. Les commandants doivent donner l'exemple, et
6 ceci aurait dû être le cas aux conventions de la JNA.
7 [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
9 --- L'audience est suspendue à 17 heures 39.
10 --- L'audience est reprise à 18 heures 00.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
12 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
13 Juges.
14 Avant de poursuivre, je souhaite apporter une correction. On m'a dit que
15 j'ai fait référence à une pièce, j'ai donné un numéro qui était le P 01737
16 à la page 48 du compte rendu, ligne 8, et ceci aurait dû être la pièce
17 01739.
18 Donc, je poursuis, Monsieur le Président. Encore une fois, je vais aborder
19 la partie de nos arguments où les Juges de la Chambre pourront être aidés
20 par les faits admis en vertu du jugement antérieur qui établissent un lien
21 non seulement entre Mostar et ce qui se passait en Herzégovine à cette
22 époque, l'été de l'année 1993. Je cite : "Il y avait une attaque
23 généralisée et systématique contre la population civile musulmane de la
24 région. Ce qui est pertinent eu égard à l'acte d'accusation. Cette campagne
25 avait pour but de transformer cette région mixte à l'origine ethniquement
26 mixte dans et autour de Mostar en territoire croate en Bosnie-Herzégovine
27 pour être habitée par une population croate ethniquement pure." Fait numéro
28 156
Page 27096
1 "Des milliers de civils musulmans ont été contraints de quitter leur
2 maison, à Sovici Doljani et à Mostar Ouest." Fait numéro 157.
3 "La campagne contre la population musulmane de Bosnie-Herzégovine dans la
4 région a atteint son apogée après l'attaque de Mostar au début du mois de
5 mai 1993 lorsque après les hostilités musulmanes de Bosnie-Herzégovine a dû
6 quitter, contrainte par la force de -- a dû quitter Mostar Ouest suite à
7 des actions concertées." Fait numéro 158.
8 "Le harcèlement dont ont fait l'objet les Musulmans de Bosnie, on les a
9 obligés à quitter leurs appartements, on les a détenus. Ceci est devenu --
10 ceci s'est répandu et a été généralisé à partir du
11 9 mai jusqu'à l'automne 1993." Fait numéro 159.
12 "Les sites religieux musulmans comme les mosquées de Sovici et Doljani ont
13 été systématiquement détruits." Fait numéro 160.
14 "Les centres de détention pour la population musulmane de Bosnie-
15 Herzégovine ont été établis ou créés dans l'ensemble de la région." Fait
16 numéro 162.
17 "Les prisonniers ont été déplacés entre ces endroits et différents centres
18 de détention. Par exemple, les soldats de l'ABiH qui s'étaient rendus ou
19 qui avaient été capturés à Sovici ou Doljani ont été emmenés à la prison de
20 Ljubuski le 18 avril 1993 et ont ensuite été emmenés à l'Heliodrom." Fait
21 numéro 163.
22 "Les civils musulmans de Bosnie-Herzégovine qui ont été détenus et les
23 soldats musulmans de Bosnie-Herzégovine hors de combat, ont souvent fait
24 l'objet de mauvais traitements humiliants et brutaux de la part de soldats
25 qui pouvaient donner libre cours à leurs instincts dans ces centres de
26 détention. Bon nombre de civils musulmans et de prisonniers de guerre ont
27 été battus ou sinon ont subi de très mauvais traitements dans les
28 différents centres de détention et les soldats qui se livraient à ce genre
Page 27097
1 d'activité venaient des différentes unités militaires." Fait numéro 165.
2 Dans le courant de l'été 1993, nous disposons d'autres éléments qui
3 indiquent que l'accusé Bruno Stojic en rapport avec ces événements -- ayant
4 eu un rapport avec ces événements en principe surtout en ce qui concerne la
5 population musulmane de Mostar. Ce qui a été confirmé lors d'un dîner avec
6 les observateurs internationaux à la mi-juillet 1993. La Chambre en a eu
7 connaissance récemment lorsque les éléments de preuve ont été présentés par
8 l'Accusation par
9 M. Stojic puisqu'il a parlé d'une solution militaire définitive, ce qui
10 d'après lui permettait de trouver une solution [imperceptible] de problème
11 musulman. Cette stratégie se retrouve dans un rapport où dans un procès
12 verbal de la réunion P 03530, P 03545, P 03547. On y déclare : "La
13 stratégie consiste à prendre Mostar Est par le biais d'une offensive de la
14 HVO -- HVO/HV depuis le sud. Bruno Stojic propose, pour faciliter cette
15 offensive militaire à la FORPRONU, d'évacuer toute la population civile et
16 musulmane de Mostar Est."
17 C'est au cours de cette époque le 17 juillet 1993 que Stojic a dit :
18 "Cela prendra peut-être 20 jours mais pas davantage. Ce sera soit eux, soit
19 nous." Ceci se retrouve dans les pièces que je viens de citer P 10367. Il
20 s'agit de la déposition du Témoin DZ.
21 Dans sa déclaration qui a été versée au dossier sous le numéro P 09078,
22 Jadranko Prlic a indiqué que les premières expulsions de Musulmans se sont
23 produites immédiatement après la date du 9 mai 1993. La deuxième fois Prlic
24 a reçu des éléments à cet égard sur le fait que les Musulmans avaient été
25 chassés dit-il au mois de juillet 1993. A ce moment-là, il a donné sa
26 démission à Mate Boban parce que lui et Prlic étaient contre l'expulsion de
27 citoyens musulmans -- de citoyens d'origine ethnique musulmane. Telle est
28 sa déclaration consignée au compte rendu, aux pages 124 à 126.
Page 27098
1 Il est intéressant de constater que c'est vers cette époque que Bruno
2 Stojic dans ces déclarations parle de la façon dont on peut trouver une
3 solution une bonne fois pour toute aux problèmes musulmans de Mostar. Prlic
4 dit : "Qui a proposé -- qui a donné -- proposé sa démission parce que, dit-
5 il, aucun objectif de ce type ou de combat ou de nation ou toute personne -
6 - ces objectifs ne pourraient être les objectifs d'une nation ou d'une
7 personne, et ceci ne justifie en rien le comportement des actions qui se
8 déroulaient à Mostar."
9 Concernant cette information, M. Praljak nous a fourni pendant le
10 procès différents éléments et il a confirmé que Gornji Vakuf, Prozor, Ramoc
11 Bilapel [phon], pour utiliser les termes croates, ne pouvaient pas être
12 séparés. Vakuf et Prozor -- Prozor, les choses se sont passées comme --
13 l'expulsion des Musulmans. Et ceci se retrouve au compte rendu à la page 22
14 240 -- donc, à 22 250.
15 Je souhaite maintenant consacrer quelques instants à l'opération des
16 prisons du HVO et des camps de détention. Et pour les besoins de notre
17 argumentation, Messieurs les Juges, je vais me concentrer maintenant sur ce
18 qui s'est passé en 1993. Encore une fois, ceci a été grandement évoqué par
19 les -- dans les arguments concernant M. Coric et M. Pusic. Je pense qu'il
20 est important de venir en aide aux Juges de la Chambre à cet égard. Vous
21 vous rappellerez les éléments de preuve sur la création et la mise en œuvre
22 de ces camps en 1992. Il s'agit non seulement de camps du HVO et de prisons
23 qui avaient été utilisés mais qui avaient déjà été utilisés dans une autre
24 guerre avec les Serbes.
25 Encore une fois dans sa déclaration P 09078, Jadranko Prlic a indiqué que
26 les centres de détention du HVO avaient été créés pendant la guerre avec la
27 JNA en 1992. Un des -- importants ou particulièrement importants à cet
28 égard est la pièce P 00292. Il s'agit du décret sur le traitement des
Page 27099
1 personnes capturées lors de combats dans la communauté croate d'Herceg-
2 Bosna daté du 1er septembre 1992.
3 La Chambre se souviendra peut-être de la déposition fournie et ainsi que du
4 document, lui-même, à l'article 2 : "Le ministre de la Justice et les
5 différents services administratifs en coopération avec le chef des services
6 de la Défense et le chef des services de l'Intérieur nommeront les endroits
7 où les prisonniers devront être détenus conformément avec le décret
8 susmentionné."
9 A l'article suivant 3 : "Les services de Défense, le ministère de la
10 Défense sera responsable des locaux tel que c'est indiqué à l'article 2 de
11 ce décret."
12 C'est la pièce P 00452 qui est la décision rendue par Bruno Stojic
13 qui était à la tête des services de Défense du HVO portant sur la mise en
14 place de la prison centrale à l'Heliodrom en septembre 1992.
15 A partir du moment où il a été nommé à la tête de l'administration de la
16 police militaire en avril 1992, Valentin Coric a participé activement à la
17 mise en place et à l'administration des prisons du HVO et des camps du HVO,
18 y compris l'Heliodrom, ce que -- auquel a participé M. Coric. Il a
19 participé à la mise en place de ces camps en septembre 1992. En réalité,
20 c'était lui qui avait recommandé cela à M. Stojic. Cela se retrouve à la
21 pièce P 00513 ainsi que la pièce P 00515.
22 La pièce P 00916 est un ordre qui est daté du 16 septembre 1992. Il
23 émane du commandant de la 3e Compagnie du 3e Bataillon de la Police
24 militaire du HVO qui précise que la police militaire du HVO placée sous le
25 commandant de Valentin Coric était responsable de l'Heliodrom. Et dans cet
26 ordre en particulier, on précise que tous les détenus doivent être envoyés
27 à l'Heliodrom la prison militaire.
28 Mais comme je l'ai indiqué un peu plus tôt cet après-midi, la pièce P
Page 27100
1 00956 nous fournit un -- très bon aperçu et un résumé, un rapport avec le
2 fonctionnement des camps de la police militaire entre avril et décembre
3 1992, y compris la création des différentes prisons du HVO et de camps. Il
4 s'agit du rapport rédigé par -- de la main de Valentin Coric et fournit des
5 éléments d'information très détaillés qui pourront être examinés par la
6 Chambre. Je vais simplement vous en citer quelques éléments.
7 Dans ce rapport, tout d'abord, il précise que le 13 avril, en vertu
8 d'une décision rendue par le président du HZ HB, M. Boban,
9 M. Valentin Coric a effectivement -- ceci est indiqué dans le rapport.
10 C'est son rapport a été nommé commandant adjoint chargé de la sécurité et
11 des services de renseignements ainsi que de toutes les unités de police
12 militaire existantes alors s'était placé sous son commandement à savoir le
13 commandant de Coric.
14 Le document nous précise également qu'à ce moment-là, une enquête --
15 une prison militaire chargée des interrogatoires a été créée -- et mise en
16 place à Capljina. Le quatrième du genre sur le territoire de la HZ HB.
17 Néanmoins, la police militaire -- l'administration de la police militaire a
18 essayé de mettre en place une prison militaire centrale parce que les
19 interrogatoires militaires dans les prisons se déroulaient en général dans
20 des locaux assez délabrés et ne pouvait pas accueillir un nombre suffisant
21 de prisonniers de guerre, de détenus.
22 Et le texte se poursuit en disant : au début du mois de septembre en
23 vertu d'une décision rendue par les services de Défense la prison militaire
24 centrale a été créée à Mostar. Encore une fois, ceci nous ramène aux ordres
25 donnés par M. Stojic et M. Coric qui avaient mis en place l'Heliodrom.
26 Ensuite, une section particulière de ce même rapport qui évoque la
27 police militaire. Sous le titre : "Détenus et prisonniers," on peut lire :
28 !A la fin du mois de juin, compte tenu des exigences du HZ HB,
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1 l'administration de la police militaire a mis en place trois prisons
2 militaires chargées d'interroger les prisonniers à Ljubuski, Mostar et
3 Livno. Tous les prisonniers de guerre et détenus, les soldats du HVO qui
4 ont commis, qui ont mal agi ou qui ont commis des infractions et les civils
5 qui ont commis des infractions contre les membres du HVO seront placés à
6 cet endroit."
7 Ensuite, le texte poursuit et parle de la prison militaire, la prison
8 centrale de Mostar. Dans ce rapport, il y a certaines dispositions que je
9 ne vais pas évoquer car je manque de temps. On parle plus précisément du
10 traitement de prisonniers et les conditions de détention doivent être
11 conformes aux conventions internationales telles que cela a été -- a dicté
12 par les représentants des organisations internationales des droits de
13 l'homme, le Helsinki Watch au cours de leur visite le 24 octobre 1992. Et
14 ceci est bien avant 1993. Les prisons avaient déjà commencé à fonctionner.
15 Les normes internationales étaient débattues, les inspections avaient déjà
16 commencé. Et M. Coric dans son rapport indique que la police militaire
17 s'occupe des échanges des prisonniers de guerre par l'intermédiaire de ses
18 représentants et de ses comités de négociations chargées des échanges et,
19 en réalité, a effectué des échanges. L'administration de la police
20 militaire a gardé toutes les archives et sur les personnes détenues, les
21 prisonniers de guerre, et ceux qui s'y trouvent de la partie ennemie, du
22 côté ennemi, du côté [imperceptible]. Le rapport portant les détenus et les
23 prisons, on peut lire ce qui suit. Je crois que les Juges de la Chambre
24 devraient tenir compte de ce qui s'est passé en 1993 : "La police militaire
25 a également mis en place un système de coopération avec la municipalité --
26 avec les organes de la municipalité ainsi que les organisations
27 internationales et institutions au CICR, la MOCE et la FORPRONU."
28 La pièce P 00677 est un autre document d'importance. C'est un rapport
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1 encore une fois de Valentin Coric, la [imperceptible] de la police
2 militaire et qui envoie un rapport à Bruno Stojic, son supérieur
3 hiérarchique, en tant que chef des services de défense du HVO daté du 31
4 octobre 1992. Entre autres, ce document démontre que le HVO à Livno et
5 Mostar, Tomislavgrad, dans ces prisons étaient placées sous
6 l'administration de la police militaire du HVO. Et encore une fois, Coric
7 remettait les rapports à son supérieur hiérarchique, Bruno Stojic.
8 J'invite les Juges de la Chambre a examiné de près ce rapport et à
9 vous, c'est un rapport qui a été préparé non pas en octobre 1993 mais en
10 octobre 1992 à une époque où c'était surtout les Serbes qui étaient détenus
11 et non pas des Musulmans. Dans ce rapport, M. Coric indique que :
12 "Conformément à un accord conclut avec le CICR, les observateurs européens
13 et la FORPRONU ainsi qu'un ordre établit par le chef des services de la
14 défense le 28 octobre 1992, tous les prisonniers de guerre ont été remis en
15 liberté sans condition à Livno, Mostar, Tomislavgrad le 30 octobre 1992.
16 Les représentants du CICR ont mené une étude portant sur les prisonniers
17 qui ont exprimé leur préférence, à savoir s'ils souhaitaient aller en
18 Yougoslavie."
19 Le texte évoque ceci dans le détail. Certains prisonniers souhaitaient
20 partir d'autres non. Et ce, en rapport avec les représentants de l'Union
21 européenne et du CICR, de la Croix-Rouge internationale.
22 Le texte se poursuit en disant : "Le 30 octobre 1992, l'ordre portant sur
23 la remise en liberté des prisonniers des centres de détention militaires
24 préventifs à Livno, Mostar, et Tomislavgrad ont été menés à bien. En tout
25 363 prisonniers ont été libérés en présence des représentants du CICR et
26 des représentants européens."
27 La pièce P 00740 et un rapport des services de Sécurité et du
28 Renseignement du HVO, il est daté du 13 novembre 1992 et porte sur les
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1 prisonniers qui ont été emmenés de l'Heliodrom pour accomplir certaines
2 tâches à différents endroits, y compris la ligne de front.
3 Dans ce rapport, il s'agit de novembre 1992, n'est-ce pas, l'adjoint
4 directeur de l'Heliodrom, les directeurs de prison à l'Heliodrom, Josip
5 Praljak a confirmé qu'ils ont enregistré chaque instance lorsque les
6 prisonniers avaient été emmenés au travail. Ensuite il dit : "Jusqu'au 27
7 octobre 1992, le processus d'emmener les prisonniers pour effectuer des
8 travaux impliquait une certification d'une demande par l'une des personnes
9 qui était chargée de la question de logistique et une notification verbale
10 de Valentin Coric, chef de l'administration de police du HZ HB." Et je cite
11 encore le document : "Conformément aux sources, ils se sont plaints de la
12 façon dont les prisonniers étaient emmenés. A la suite de ceci, Valentin
13 Coric a émis une décision selon laquelle personne avait le droit de sortir
14 de prison sans sa signature."
15 Maintenant, parlons de je -- en abordant ces questions des camps de
16 1992. Nous pouvons maintenant revenir au rapport du
17 Dr Miller sur les caractéristiques du conflit des Balkans. Il s'agit encore
18 une fois de la pièce P 10239, page 15. Encore une fois, le
19 Dr Miller dit que : "Déjà en date de la mi -- en date de milieu de 1992, il
20 y a eu une -- le camp de détention existait de façon très étendue et il y
21 avait également le crime de viol était commis comme un phénomène ainsi que
22 des meurtres organisés. Et l'un des camps qui est mieux connu était le camp
23 de Manjaca près de Banja Luka était employé en tant que camp de prisonniers
24 au cours de la première année de la guerre en Croatie." Ensuite, il dit que
25 : "Au mois de juillet 1992, les représentants de la Croix-Rouge se sont
26 rendus dans les camps et les prisons de Mostar, Ljubuski, Capljina,
27 Bosanski Brod, Zenica, et Bjelica, et dans cette année-là, dans l'année
28 depuis le début du conflit des violations du droit international
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1 humanitaire avaient été commises par toutes les parties qui ont pris part
2 au conflit, et ceci était devenu une pratique plus particulièrement
3 lorsqu'il s'agissait de la population civile."
4 En août 1993, je fais encore une fois -- enfin je fais toujours
5 référence au rapport du Dr Miller. Donc, au mois d'août 1992, l'existence
6 des camps du HVO à Ljubuski et Capljina était bien connue, tout comme
7 étaient connus des camps serbes aussi.
8 En dernier lieu, quelques commentaires -- d'autres commentaires sur
9 le camp et en fait l'assistant de M. Praljak, il avait dit que : "Il avait
10 une autorité sur les camps de prison du HVO tout du moins du camp de
11 Dretelj en 1992."
12 Pendant ou à l'époque plutôt où les Serbes avaient été détenus et
13 selon ce qu'a dit M. Praljak en audience aux pages du transcript de 15 à
14 22, c'est lui qui a fermé le camp de Dretelj en 1992.
15 Je souhaiterais maintenant faire référence au quatrième rapport de M.
16 Mazowiecki, le rapporteur spécial des Nations Unies. Ce rapport est déjà
17 versé au dossier. Il s'agit bien sûr de la pièce P 04822. Ce rapport aborde
18 --
19 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] je voulais simplement que l'on dit
21 qu'il s'agit bel et bien de Josip Praljak à côté du nom de Praljak pour que
22 l'on sache qu'il ne s'agissait pas de moi. Merci. Pour qu'il ne s'ait pas
23 de malentendu, bien sûr, n'est-ce pas ?
24 M. SCOTT : [interprétation] Non, très bien, Monsieur le Président. Je fais
25 référence à la page du transcript 1 624,
26 M. Slobodan Praljak nous a dit ici en audience que c'est lui qui avait
27 fermé le camp en 1992. Le camp de Dretelj. Je suis tout à fait certain que
28 nous pouvons faire référence au compte rendu d'audience pour vérifier mes
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1 propos.
2 Je ne sais pas si M. Praljak a peut-être oublié. Bien.
3 Monsieur le Président, le quatrième rapport établi par
4 M. Mazowiecki, il parle en profondeur et nous décrit les opérations du
5 camp. Je crois que la Chambre a déjà eu l'occasion de lire ceci s'agissant
6 du camp de Dretelj, Gabela, ou lorsque vous aurez en fait examiné cet
7 élément vous verrez que les éléments directs, les preuves directes où vous
8 avez entendu ici ce sont des personnes qui se trouvaient sur place. Et ce
9 rapport spécial des Nations Unies confirme ceci.
10 L'Accusation souhaite souligner plus particulièrement dans cette partie-ci
11 de son exposé et en fait la Chambre se demandera et elle pourra parler de
12 1992 car l'établissement des opérations des camps n'était pas chose
13 nouvelle en 1992. On a procédé à une arrestation massive d'hommes musulmans
14 au début du mois de juillet 1993. Il fallait qu'ils s'en débarrassent, il
15 fallait qu'ils les mettent quelque part, et les camps existaient en 1992,
16 et c'est eux qui voulaient les observateurs internationaux s'occupaient des
17 camps en 1992.
18 Maintenant, très brièvement, concernant les travaux forcés, je ne vais
19 aborder que très brièvement ce sujet. Mais on peut bien établir qu'il
20 s'agissait d'une pratique systématique et généralisée. On ne pouvait pas
21 parler de pratique plus systématisée -- des systématiques plutôt les
22 prisonniers avaient été emmenés pour faire des travaux forcés et d'autres
23 personnes avaient été tuées sur les lignes de confrontation.
24 Alors, pour vous donner deux exemples très rapides, la pièce
25 P 03474, le 15 juillet 1993, M. Petkovic a donné l'ordre aux Unités du HVO
26 dans la zone opérationnelle de l'Herzégovine d'organiser immédiatement les
27 fortifications et de placer un barricade des lignes de la défense pour y
28 arriver en engageant l'équipement militaire des prisonniers et des détenus.
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1 Et quelques jours plus tard, à partir du 29 juillet 1993, pièce P 03592,
2 Petkovic de nouveau donne l'ordre concernant les travaux de -- du génie :
3 "De faire travailler les prisonniers et de prendre tout l'équipement
4 disponible pour mener à bien cette mission."
5 Je voudrais maintenant passer quelques minutes, Monsieur le Président,
6 Messieurs les Juges, sur le sujet de ce que l'on a appelé le nettoyage
7 ethnique inverse. Ceci nous montre effectivement la nature systématique et
8 délibérée de ce plan. Un plan, les stratégies qui existaient, qui
9 n'impliquaient pas seulement les Musulmans en réalité mais qui impliquaient
10 de déplacer les Croates musulmans également. Effectivement, lorsque le
11 Témoin BF, dans l'un de ces rapports que la Chambre a lu, a décrit -- en
12 fait, a décrit : cette pratique comme étant une pratique machiavélienne.
13 Les Croates des autres parties de la Bosnie ont été "encouragés" -
14 encouragés entre guillemets - "on les a forcés de quitter leur maison pour
15 consolider une majorité croate des municipalités qui se trouvaient au cœur
16 de la banovine d'Herceg-Bosna."
17 L'Accusation sous-tend que s'agissant de ce programme selon lequel il
18 fallait viser -- créer une Grande-Croatie d'Herceg-Bosna est composée de
19 trois objectifs importants. Dans certaines municipalités et dans des zones
20 prétendues par l'Herceg-Bosna qui étaient plus croates, que d'autres, il y
21 avait certaines régions qui étaient plus dirigées vers la Bosnie centrale
22 et qui n'avaient pas une population croate trop importante ou une majorité.
23 Un jugement a été fait, nous soutenons qui a évolué avec le temps, mais ce
24 qui était vraiment important c'est de déplacer la population croate des
25 zones plus marginales qui se trouvent sur les frontières aux régions plus
26 centrales pour que l'on puisse renforcer ou consolider une majorité croate.
27 Tudjman, lui-même, a reconnu les bénéfices de ceci. Le fait de déplacer des
28 Croates de leur maison même si c'était difficile. Dans la pièce P 0645,
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1 Tudjman déclare : "Bien sûr que c'est pénible. Outre ceci, 200 000 Croates
2 ont déjà été chassés de leur maison. Il y aura sans doute 100 000 autres
3 Croates. C'est affreux pour eux, mais même du point de vue historique, ces
4 100 000 à 200 000 Croates vont assurer le territoire croate Istria Baranja,
5 vous comprendrez, lorsque nous en aurons terminé, et cetera. Donc, chaque
6 mauvaise chose n'est pas seulement mauvaise mais il faut tirer au profit le
7 meilleur de toute situation."
8 Deuxièmement, pour parler des questions économiques, militaires et
9 politiques, ce que j'appelle [imperceptible] qu'avec les Musulmans et les
10 Serbes, Tudjman et les dirigeants de l'Herceg-Bosna avaient reconnu qu'il
11 fallait abandonner certaines régions qui se trouvaient au centre du
12 territoire de la banovine. Un de mes meilleurs exemples pour ceci, Monsieur
13 le Président, c'est sans doute Vares. Ce territoire était presque
14 complètement encerclé par les zones serbes et musulmanes.
15 Troisièmement, très important aussi ce que j'ai déjà mentionné c'est de re-
16 localiser les Croates venant d'autres parties de Bosnie-Herzégovine et de
17 les faire emménager dans des maisons et des appartements qui avaient saisis
18 par les familles musulmanes qui avaient été expulsées, donc, appartements
19 abandonnés par ces dernières, ce qui faisait en sorte qu'il était
20 impossible aux Musulmans de vouloir revenir dans ces régions car leurs
21 maisons et leurs appartements avaient été pris par les Croates.
22 De nouveau, Tudjman dit en septembre 1993 - et on parle de la pièce 5255 :
23 "Moi aussi, j'ai dit à notre peuple : placer ces réfugiés dans ces régions,
24 Tasovici, Stolac, et cetera afin que ces régions puissent devenir croates
25 pour que les Croates et le peuple croate puissent être présents sur place."
26 Dans cette même réunion, Tudjman a dit à ses supporters pour l'Herzégovine
27 de ne pas -- de faire, c'est ce que dit Tudjman : "D'emménager dans les
28 régions de Ravno, Capljina, Neum et Stolac, et ensuite, nous allons
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1 insister pour obtenir ces régions que la rive gauche de la Neretva fera
2 partie de la République bosnienne, et donc de faire l'inverse, de faire
3 emménager les personnes à Ravno, Capljina, Neum et Stolac."
4 Les représentants des organisations internationales telles le Témoin BA et
5 le Témoin DZ ont déposé devant nous et ont parlé de la façon dont les
6 populations étaient transférées, qui avaient un large groupe de Croates
7 bosniens qui avaient été déplacés, et ceci a fait l'objet de grandes
8 discussions pour ce qui est des dirigeants vers le milieu de 1993, y
9 compris Boban, Jadranko Prlic, Bruno Stojic, et autres, ils ont insisté
10 auprès des organisations internationales de prêter main-forte pour ce
11 qu'ils ont appelé une évacuation des dizaines de milliers de Croates de
12 Bosnie de la région centrale de Bosnie.
13 Et ceci est clairement visible dans la pièce P 09712, P 02872.
14 Maintenant, pour faire référence au Témoin BA qui connaissait des -- qui
15 avait des collègues de Bosnie centrale, même s'il savait qu'il y avait un
16 conflit il était confirmé que ces Musulmans ne voulaient pas en fait
17 quitter cette région.
18 De façon générale, c'était la politique de cette organisation humanitaire
19 dont fait partie le Témoin BA et de prêter main-forte lors des évacuations
20 seulement dans les situations où les civils étaient placés à risque et
21 c'était -- il était -- en fait cette organisation avait évalué que ce
22 n'était pas le cas pour ce qui est de ces régions-là, telle Zenica.
23 Le Témoin BC s'est entretenu avec les Croates de Bosnie déplacés concernant
24 les circonstances de leur départ. Un très grand nombre d'entre eux ont dit
25 ou déclaré au Témoin BC qu'ils avaient été manipulés ou forcés par les
26 soldats du HVO d'entrer dans les autobus. Un très grand nombre d'entre eux
27 ne voulaient pas partir comme il nous a dit. Le modus operandi de façon
28 typique était que les soldats arrivaient dans les villages, disaient
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1 quelque chose en genre, nous allons nous retirer de cette zone, les
2 Moudjahidines arrivent il vaut mieux quitter cette région pendant que vous
3 le pouvez encore.
4 Et un très grand nombre de Croates de Bosnie étaient en colère car ils
5 avaient l'impression qu'ils n'avaient pas le choix et qu'il fallait
6 absolument qu'ils quittent leur demeure. L'emploi de la terreur comme je
7 viens de le mentionner était souvent combiné avec une promesse de meilleure
8 condition de vie en Herzégovine, par exemple. Plus tard comme c'était le
9 cas pour les personnes croates dans la plupart des camps. Mais encore une
10 fois, ce n'était pas encore pour les Musulmans mais les Croates de Bosnie
11 également que cette stratégie existait.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une précision. Ce que vous venez de dire,
13 comment est-ce compatible avec ce qui s'est passé à Guca Gora où les
14 Moudjahidines sont arrivés effectivement ?
15 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, vous verrez, en fait,
16 les éléments de preuve reçus à cet égard n'ont pas été tout à fait clairs.
17 Je crois que le témoin nous a dit que la situation à Guca Gora était que
18 alors que certaines choses très mauvaises s'étaient passées à cet endroit-
19 là, elles n'avaient pas été vues de façon très précise. L'Accusation sous-
20 tend depuis le début de ce procès qu'il y a effectivement des crimes qui
21 avaient été commis par le côté musulman et qu'il y a effectivement eu des
22 crimes donc commis par eux. Ceci est incontestable. Mais les témoins qui
23 ont témoigné dans cette affaire nous soutenons et ce que nous démontrent
24 également les documents internationaux que outre quelques incidents, il y
25 avait eu un plan de stratégie de manipulation pour que les Croates de
26 Bosnie soit déplacé vers l'Herzégovine. Et nous nous estimons -- nous
27 croyons que c'est ce que présente les éléments de preuve.
28 Le Témoin BA -- excusez-moi, Monsieur le Président, je -- vous avez posé
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1 une question ? Je crois que j'y ai répondu, n'est-ce pas ?
2 Pour continuer, le Témoin Peter Galbraith, qui a témoigné, il
3 -- Galbraith nous a dit que Mate Boban, au mois de juillet 1993, il lui a
4 dit que le HVO et la Croatie voulaient déplacer un très grand nombre de
5 Croates de la région de Vares à la région croate
6 présumément [comme interprété] en Herzégovine. Et ce que Galbraith nous a
7 dit et ce qui était vraiment étonnant selon lui et c'est ce qu'il nous a
8 dit ici, c'est que Boban n'a pas demandé l'aide internationale pour
9 protéger la population croate qui était déjà sur place, c'est-à-dire de les
10 laisser à Vares et de les protéger là mais ce que Boban voulait faire c'est
11 de les faire sortir de Vares.
12 Nous avons également les rapports écrits du Témoin DE. Je parle de la pièce
13 P 080865, donc, 80865. Mais je crois qu'il y a une erreur ici. Je vais
14 devoir vérifier le numéro. Je crois qu'il y a trop de numéros. C'est peut-
15 être P 0 -- en fait, non, je vais devoir vérifier.
16 Mais dans ce récit relatif au Témoin DE, il dit, et je crois que
17 c'est tout à fait clair ce qu'il a dit : "J'accuse le plus haut niveau des
18 hommes politiques croates d'avoir trahi les intérêts croates en Bosnie
19 centrale, plus particulièrement à Vares où je suis né. Je comprends
20 maintenant plus clairement la chute de Travnik et de Kakanj. Tout avait été
21 fait conformément au scénario déjà prémédité. Je les accuse d'un exode sans
22 égal des Croates de Vares et de la souffrance. Vous avez fait tout ce que
23 vous avez pu pour nous faire quitter nos vieilles demeures qui nous
24 appartenaient depuis des siècles. Quelle était la région que vous nous avez
25 -- que vous aviez réservée pour nous ? Quel était notre avenir ?"
26 Et il nous a dit ceci -- à la pièce P 08086 -- donc 8086.
27 Et pour terminer je vais -- pour terminer ce sujet, je vais me rapporter au
28 rapport qui porte la cote P 02845, rédigé par le Témoin BS qui a témoigné
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1 il n'y a pas longtemps. Et il a dit -- il a donné une évaluation très
2 frappante. Il a dit : "Il semblerait que c'est machiavélique mais ce n'est
3 que les Balkans. Et tous ceux qui ont rencontré de façon régulière les
4 dirigeants croates de Bosnie, Boban, Stojic, Kordic, Valenta, dans
5 différentes situations et qui ont abordé des différents sujets qu'il s'agit
6 -- que leur paranoïa et l'extrémisme n'avait pas été caché --"
7 M. LE JUGE ANTONETTI : -- [imperceptible] -- là où il y a 20, oui, ça y
8 est, c'est corrigé.
9 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 J'en arrive à la fin de ce survol. Nous sommes maintenant à l'automne 1993
11 et il n'est pas surprenant de constater qu'à ce moment-là la poursuite du
12 transfert forcé et illégal et des arrestations de civils ont conduit la
13 communauté internationale à -- faire de plus en plus pression à la fois sur
14 la Croatie et sur les dirigeants de l'Herceg-Bosna.
15 En conséquence, le 6 septembre 1993, le gouvernement du HVO, -- appelé
16 aussi le cabinet du HVO, a organisé une réunion spéciale pour aborder ces
17 problèmes parce qu'on s'alarmait du mal qui était causé à la cause croate
18 aussi bien sûr place qu'à Zagreb. On trouve cela da la pièce P 04841.
19 Après avoir essayé de prétendre que le gouvernement du HVO n'était
20 pas responsable des violations des droits de l'homme dans les camps qu'il
21 avait lui-même mis en place et géré, ces hommes n'ont fait pratiquement
22 aucun effort pour fermer ces camps, parce qu'ils avaient encore une raison
23 d'être tant qu'il existait des Musulmans en Herceg-Bosna. C'est seulement
24 quand tous les Musulmans auraient été chassés des zones les plus
25 importantes qu'on verra certains de ces camps être fermés à la fin 1993,
26 même si certains sont restés ouverts jusqu'en 1994.
27 La campagne du HVO d'Herceg-Bosna, campagne de nettoyage ethnique et
28 d'offensive militaire menée à bien par le HVO sous la direction des
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1 dirigeants politiques de l'Herceg-Bosna s'est poursuivie à la fin 1993,
2 comme cela a été illustré une fois encore par ce qui s'est passé le 23
3 octobre 1993 et l'attaque menée contre le village musulman de Stupni Do. Je
4 ne vais pas entrer dans les détails de cet événement mais je pense que les
5 Juges de la Chambre ont entendu suffisamment de témoignages, d'éléments de
6 preuve à ce sujet, des éléments de preuve très convaincants qui viennent
7 pour certains de membres du HVO. Les discussions ont lieu à Zagreb sur ce
8 qu'il fallait faire de l'officier du HVO et les Juges savent de qui il
9 s'agit, l'officier du HVO qui commandait les forces du HVO qui ont
10 participé aux meurtres de Stupni Do. Les principaux dirigeants militaires
11 et politiques se sont lancés dans ce que Franjo Tudjman a lui même qualifié
12 de jeu.
13 La Chambre est au courant de tous les efforts qui ont été déployés pour
14 dissimuler les crimes commis. On voit qu'Ivica Rajic reçoit un nouveau nom,
15 un faux nom; il devient Viktor Andric. Il est soi-disant mis à pied mais en
16 fait il reste à son poste sous le nom de Viktor Andric. C'est toujours le
17 même homme. Nous savons bien toutes les manœuvres qui ont eu lieu. Il
18 s'agit sans doute d'une des plus grandes opérations de dissimulation qui se
19 soient déroulées pendant la guerre des Balkans. Et il y a eu plusieurs
20 réunions, comme le dit Tudjman, lui-même, plus d'une réunion présidentielle
21 au cours desquelles on a parlé de Stupni Do, de manière très approfondie.
22 M. Petkovic y participait et Tudjman utilise encore une fois le terme de
23 jeu.
24 Et ce qu'on dit à la communauté internationale c'est qu'on a démis Rajic de
25 ses fonctions mais alors qu'en réalité il a changé de nom et il est resté
26 pratiquement au même poste. Et les hommes qui sont allés à Stupni Do,
27 quelques jours plus tard ont rebroussé chemin et se sont dirigés vers
28 Busovaca. C'est l'ordre qu'on leur a donné.
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1 Dans une résolution adoptée le 20 décembre 1993, l'assemblée générale a
2 condamné le pilonnage aveugle des villes et des civils et le meurtre des
3 non combattants. Elle a pris tout particulièrement pour cible les Croates
4 de Bosnie dans cette résolution et le nettoyage ethnique a été condamné des
5 deux côtés et en particulier celui commis par les forces croates de Bosnie.
6 Il s'agit d'une résolution du Conseil de sécurité, pièce P 07268.
7 L'assemblée générale une fois encore a demandé au gouvernement croate de
8 faire usage de son influence : "Auprès des autorités autoproclamées de la
9 Bosnie-Herzégovine pour mettre un terme à la pratique du nettoyage ethnique
10 immédiatement et pour en inverser les effets."
11 Le sixième rapport de Mazowiecki, qui avait été désigné par les Nations
12 Unies, c'est la pièce P 07917. C'est un rapport dans lequel on voit relater
13 dans les détails ce qui s'est passé au cours de cette période en
14 Herzégovine. Je ne vais pas donner lecture de certains extraits de ce
15 rapport car les Juges bien entendu disposent de ce document.
16 Suite à la campagne du HVO d'Herceg-Bosna, campagne de persécution et de
17 nettoyage ethnique, la population musulmane de Bosnie a été grandement
18 diminuée en nombre dans beaucoup de régions de l'Herceg-Bosna et
19 parallèlement on a vu augmenter fortement la proportion de la population
20 croate dans les mêmes régions. Les Musulmans qui restaient étaient, c'était
21 manifeste, dominés par les autorités du HVO d'Herceg-Bosna. C'est ce qui
22 était prévu, c'était l'intention d'ailleurs de l'entreprise criminelle
23 commune. A la fin de l'automne 1993 on peut dire qu'en grande partie les
24 nettoyages des Musulmans de nombreuses régions de l'Herceg-Bosna avait été
25 réalisé. Il n'était vraiment plus nécessaire, à ce moment-là, de conserver
26 les camps. Si en septembre on trouvait encore 8 000 Musulmans à Stolac et
27 14 000 à Capljina, au mois de novembre déjà, c'est-à-dire seulement neuf
28 mois plus tard en novembre, bien, il ne resterait plus un seul Musulman à
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1 Stolac, et sur les 14 000 Musulmans qui se trouvaient à Capljina, le mois
2 précédent, on en trouvait plus que 3 852.
3 La portée des efforts déployés, la réussite des efforts déployés pour
4 chasser les Musulmans les dirigeants de l'Herceg-Bosna en étaient
5 pleinement conscients. Lors d'une réunion, Dario Kordic, ce criminel de
6 guerre condamné, vice-président des Croates de Bosnie, a signalé que :
7 "Environ 75 000 Musulmans avaient été chassés par la HV." Là, il y a peut-
8 être une faute de frappe, peut-être que c'était le HVO, on va lui donner le
9 bénéfice du doute. Mais, en tout cas, c'est ce qu'on trouve à la pièce P
10 08597 : "Près de 75 000 Musulmans ont été expulsés.
11 Zoran Maric s'est vanté, il a fanfaronné devant Tudjman lors d'une
12 réunion de mars 1993, je cite : "En ce moment, il y a vraiment très peu de
13 Musulmans qui restent à Busovaca. Il y en a beaucoup qui voulait revenir
14 mais nous avons installé des Croates dans leurs maisons."
15 Je cite encore, il s'agit là de la pièce P 01622 : "Lors d'une
16 réunion assez exceptionnelle qui a eu lieu le 21 septembre 1993," pièce
17 05237, Andjelko Markovic du HVO informe avec fierté Tudjman du fait suivant
18 : "Aujourd'hui il ne reste plus un seul Musulman à Stolac. Nous avons
19 peuplé Stolac de nos réfugiés en provenance de Bosnie."
20 Et Tudjman répond, je cite : "Andjelko, je sais tout ça. Tu
21 m'apprends rien du tout."
22 Pero Markovic du HVO de Capljina, un autre Markovic, dit à Tudjman au
23 cours de la même réunion, je cite : "En ce qui concerne le territoire qui
24 se trouve au sud de la Buna et qui va jusqu'à Stolac et qui remonte à
25 Capljina, et ça c'est une zone d'environ 250 kilomètres carrés, et là, il
26 ne reste plus un seul Musulman. Ce sont les Croates qui habitent cette
27 zone. Et nous avons emmené 3 000 Croates de Kakanj, de Travnik aussi, et
28 également de Konjic. Toutes les maisons qui sont habitables ont habitées.
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1 Leurs prêtres les ont également suivis."
2 Tudjman, je cite : "Attends. J'ai dit que les conteneurs aussi."
3 Et Markovic : "Oui, on a environ 100 petites maisons. Nous avons déjà
4 rempli Stolac au maximum."
5 Tudjman déclare que : "Il avait donné des instructions pour que les
6 Croates s'installent à Tasovici, Stolac, et ailleurs en Bosnie-Herzégovine.
7 Je leur ai dit qu'il fallait installer ces réfugiés dans ces zones pour
8 qu'il y ait des Croates à cet endroit." C'est la pièce P 05237.
9 Le travail entrepris par le témoin à charge Mme Tabeau nous montre
10 les éléments suivants : sur la base de ce qu'elle qualifie d'analyse
11 statistique prudente. Mme Tabeau a étudié l'évolution de la population dans
12 huit municipalités de l'Herceg-Bosna, Et parmi ces conclusions, on peut
13 citer les suivantes : "La population d'Herceg-Bosna examinée s'est divisée
14 le long de" -- enfin, "conformément à des répartitions ethniques au cours
15 du conflit de 1993 et 1994 entre les Croates et les Musulmans. Ça ne
16 surprend personne. Parmi toutes ces personnes, environ 43,2 % des non-
17 Croates qui habitaient dans les certaines municipalités, dans les huit
18 municipalités avant le conflit, n'habitaient plus sur leurs lieux de
19 résidence de 1991 en 1997, 1998, C'est-à-dire que 43,2 % des personnes
20 avaient été déplacées.
21 49 % de la population musulmane, et qui habitait avant le conflit
22 dans les municipalités concernées, n'y vivait plus en 1997, 1998, les
23 Musulmans, donc, 49 %.
24 Il est vrai que chacune des communautés ethniques a souffert,
25 l'Accusation sera toujours prête à reconnaître qu'on a souffert de tous les
26 côtés, du côté des Musulmans, des Serbes, des Croates, c'est vrai, on a
27 souffert dans toutes les communautés, mais le plus grand nombre de
28 personnes déplacées et le plus grand nombre de réfugiés on les trouve parmi
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1 les Musulmans de Bosnie, au minimum, et là encore on fait preuve de
2 prudence sur la plan statistique, au minimum il n'y a que 26 663 à 40 266
3 personnes qui ont été déplacées à l'intérieur du territoire ou qui sont
4 devenus des réfugiés. Ceci représente 43,4 % du total des personnes
5 déplacées ou réfugiés, c'étaient donc ces Musulmans.
6 Si on regarde la zone qui est visée à l'acte d'accusation en
7 l'espèce, et si on compare le pourcentage des différents groupes dans la
8 population entre 1991 et 1997, 1998, on voit qu'à Prozor, on est passé de
9 62,2 % de Croates à 93 % de Croates. Mostar-Jug on passe de 49 % de Croates
10 dans la population à 96,1 % de Croates parmi les habitants. Mostar-
11 Jogozapad - excusez ma prononciation si jamais j'ai massacré ce nom - en
12 tout cas, on est passé d'une population croate à 47,9 % d'une opération
13 croate à 78,2 %. Mostar-Zapad passe de 41,6 % de Croates à 75,2 % de
14 Croates. Capljina le pourcentage des Croates passe de 53,8 % à 92,3 %. Et à
15 Stolac, on trouvait 48 % de Musulmans dans la population en 1991 et on
16 passe à un pourcentage de 95,5 % de Croates dans la population après le
17 conflit.
18 Tous les Musulmans qui sont restés sur place après cette campagne
19 active de nettoyage menée par le HVO ou ceux qui ont pu revenir ont dû
20 changer leurs identités nationales. Tudjman a déclaré à plusieurs
21 dirigeants croates, pièce P 08288 : "Commencez immédiatement à faire en
22 sorte qu'ils se déclarent comme Croates de confession musulmane. Il faut
23 s'y mettre tout de suite. On n'a pas le choix."
24 Ce qui nous emmène, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, aux
25 accords de Washington de mars 1994, et à la fin de la période visée à
26 l'acte d'accusation notifiée. Et à ce moment-là, le plan continuait à être
27 mis en application. Tudjman encourageait ses hommes, il ne fallait pas
28 abandonner l'Herceg-Bosna, l'Herceg-Bosna continuerait toujours à exister,
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1 jamais elle ne disparaîtrait. Je terminerais en reprenant les termes de la
2 déposition du Témoin DZ, qui dans son rapport P 08167, nous a expliqué que
3 beaucoup de Croates qu'il rencontrait au cours du printemps 1994, avant
4 qu'ils ne quittent la zone avaient déclaré que les accords de Washington
5 c'était un mariage obligé destiné à préparer un meilleur divorce.
6 Monsieur le Président, j'en suis arrivé à mon survol de notre
7 affaire, M. Stringer et moi-même demain, répondront à certains des
8 arguments développés par les équipes Coric et Pusic.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous avez utilisé quatre heures grosso
10 modo, hein. Je ne vais pas compter les secondes ou les minutes qui
11 manquent. Si demain vous avez également encore quatre heurs. Ça serait bien
12 de terminer donc demain. Bien que dans notre décision on avait dit neuf
13 heures, mais il se peut que demain vous aurez terminé.
14 Alors, comme vous le savez, demain nous nous retrouvons à 9 heures du
15 matin, puisqu'on est du matin. Donc je vous invite à revenir pour
16 l'audience qui débutera demain à 9 heures.
17 --- L'audience est levée à 18 heures 56 et reprendra le mardi
18 5 février 2008, à 9 heures 00.
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