Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 15 mai 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  5   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  9   les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et

 10   consorts. Merci.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 12   Bien, en ce jeudi, je salue les représentants de l'Accusation, M. le

 13   Témoin, Mmes et MM. les avocats, MM. les accusés ainsi que toutes les

 14   autres personnes présentes qui nous assistent en ayant une pensée

 15   particulière pour nos interprètes.

 16   Je vais donc maintenant donner la parole à M. Scott qui va poursuivre le

 17   contre-interrogatoire.

 18   LE TÉMOIN : DAMIR ZORIC [Reprise]

 19   [Le témoin répond par l'interprète]

 20   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, bonjour. Messieurs les

 21   Juges, bonjour. Je souhaite également dire bonjour à toutes les personnes

 22   présentes dans ce prétoire, mes éminents confrères, les accusés, toutes les

 23   personnes qui nous aident. Bien, commençons à travailler.

 24   Contre-interrogatoire par M. Scott : [Suite]

 25   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin, Docteur Zoric. Docteur,

 26   essayons d'avancer quelque peu et de nous rendre au mois de février 1993.

 27   Il est exact de dire, n'est-ce pas, Monsieur, qu'en février 1993 - en fait,

 28   pour être plus précis du 10 au 20 février - il y a eu un recensement comme

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  1   on l'appelle ou -- une nouvelle enregistrement des réfugiés en Croatie,

  2   n'est-ce pas ?

  3   R.  Je ne me souviens pas de date exacte mais, à ce moment-là, en

  4   coopération avec le HCR, nous avons procédé à l'enregistrement des

  5   réfugiés; c'est vrai.

  6   Q.  De nouveau, pour parler de ce concept du statut de réfugié, les divers

  7   droits et protections qui découlent de ce statut, il est exact, n'est-ce

  8   pas, qu'un statut de réfugié est une forme de protection temporaire. Je

  9   crois que vous nous avez dit hier qu'il s'agissait d'une période de six

 10   mois -- que ce statut était octroyé pour une période de six mois, bien sûr,

 11   sujet à une extension continue. L'extension de ce délai si, bien sûr, les

 12   conditions le justifient; est-ce exact ?

 13   R.  Pour l'essentiel, c'est ainsi qu'on agissait mais il était possible de

 14   renouveler le statut pour des périodes plus courtes de trois mois.

 15   Q.  Très bien. Et lorsque ce nouveau processus de registration ait eu lieu

 16   en février 1993, les personnes qui avaient reçu le statut de réfugié ont dû

 17   s'enregistrer de nouveau, et s'ils ne s'étaient pas enregistrés de nouveau

 18   leur statut de réfugié était perdu, n'est-ce pas ?

 19   R.  Je pense que oui, c'était quelque chose qui était annoncé publiquement.

 20   Il y a eu des abus du statut, et je pense que nous avons décidé à partir de

 21   ce moment-là que des photographies figurent également sur les cartes --

 22   cartes d'enregistrement. Nous voulions nous assurer de ne pas nous tromper

 23   sur l'identité des personnes.

 24   Q.  Et il est également juste de dire, n'est-ce pas, qu'à la suite de ce

 25   processus, selon lequel les personnes devaient s'enregistrer de nouveau, la

 26   période de validité -- ou la période pendant laquelle le statut de réfugié

 27   était en vigueur était raccourci à une période de trois mois, n'est-ce pas

 28   ?

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  1   R.  Concrètement, ces détails-là, je ne les ai pas gardés en mémoire.

  2   Q.  Je souhaiterais vous demander de prendre le classeur de l'Accusation et

  3   l'intercalaire qui est indiqué par les chiffres

  4   P 10419. Lorsque vous aurez trouvé ce document, Monsieur, vous allez

  5   sûrement trouver la version en croate, je voudrais également attirer

  6   l'attention sur le paragraphe 8 de ce rapport. Est-ce que vous avez ce

  7   document ? Est-ce que vous voulez trouver le paragraphe 38 ? Et pour le

  8   compte rendu d'audience, il s'agit d'un rapport de la MOCE qui porte la

  9   date du 7 février 1993. C'est une période dont nous avons parlé, que nous

 10   avons évoqué il y a quelques instants, donc, la mi-février 1993.

 11   Et le paragraphe 38 se lit comme suit, vous pouvez suivre et me dire

 12   si cette déclaration est juste, si c'est un résumé qui correspond à ce qui

 13   s'est passé à l'époque. On dit ici que : "Le

 14   3 février, l'un des centres de Coordination de la MOCE a reçu une

 15   information selon laquelle il y a eu une annonce pour les personnes

 16   déplacées, les réfugiés, à savoir que tous les réfugiés en Croatie seraient

 17   enregistrés entre le 10 et le 28 février, après quoi ils obtiendront un

 18   statut de réfugié pendant une période de trois mois, et toutes les

 19   personnes qui ne sont pas enregistrées seront considérées comme étant des

 20   étrangers. Les centres de Réfugiés seront fermés après cette date et

 21   l'hébergement plus approprié sera trouvé pour les réfugiés. Le gouvernement

 22   bosniaque donnera son avis à savoir quelles sont les régions qui sont sûres

 23   et non; les réfugiés seront rapatriés s'ils proviennent des régions sûres."

 24   Est-ce que c'est un résumé qui correspond à ce qui s'est passé en

 25   février 1993 ?

 26   R.  Je pense que oui.

 27   Q.  Est vraiment exact, Monsieur, qu'en février 1993, autour de cette date-

 28   là, les réfugiés devaient s'enregistrer chaque mois pour pouvoir avoir leur

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  1   statut de réfugié ?

  2   R.  Oui, tous les mois on procédait à la vérification de l'enregistrement

  3   de tout ce qu'on avait reçu de leur part, donc, leur état de santé,

  4   finance, et cetera. Donc, il fallait qu'ils se présentent au bureau le plus

  5   proche une fois par mois.

  6   Q.  Merci beaucoup, Monsieur. Maintenant, abordons quelques points

  7   concernant la situation relative aux réfugiés. Pour qu'il n'y ait pas de

  8   malentendu, je ne vous dis pas et je n'essaie pas de dire non plus que la

  9   Croatie n'ait pas accueilli un certain nombre de personnes qui ont fui la

 10   Bosnie, eu égard aux circonstances là-bas. Mais il est juste de dire,

 11   n'est-ce pas, que la Croatie n'était pas ravie de voir ce grand nombre de

 12   personnes. Cela avait créé -- cela avait fait un poids énorme ? 

 13   R.  Je pense que personne ne serait heureux de recevoir ce type de charge -

 14   - de fardeau.

 15   Q.  Oui, bien sûr. Et vous nous en avez parlé, vous avez parlé de ce fait

 16   dans l'affaire Tuta-Stela, à la page 10 965, ligne 22, vous avez dit :

 17   "Nous n'étions pas ravis de voir que toutes ces personnes étaient venues et

 18   nous devions nous occuper d'eux." Nous comprenons du moins ce n'est pas une

 19   bonne situation ni pour les réfugiés ni pour la Croatie. En fait, vous

 20   serez sans doute d'accord et c'est mon deuxième point qu'être un réfugié

 21   n'est pas quelque chose d'agréable; ces personnes se trouvent dans une

 22   situation difficile. Personne ne souhaite être un réfugié, n'est-ce pas ?

 23   R.  Je suis d'accord avec vous.

 24   Q.  En réalité, vous avez dit, mardi, alors que vous avez déposé dans cette

 25   affaire, je cite : "Que toutes les personnes étaient contentes, non, bien

 26   sûr, personne n'était heureux ou content. Ils étaient tristes d'être un

 27   réfugié, et les gens étaient déçus." Et vous nous avez également dit que

 28   ces personnes qui venaient en Croatie provenant de diverses régions en

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  1   difficulté, que ces personnes craignaient, ils avaient peur, ils avaient

  2   peur également pour l'avenir, et cetera.

  3   R.  C'est exact.

  4   Q.  Vous avez également dit, dans le cadre de votre déposition, que et nous

  5   serons tous d'accord sans doute pour dire que [imperceptible] toute somme

  6   faite, il était plus facile d'être un Croate en Croatie que d'être autre

  7   chose en Croatie. Et vous avez dit à la page 27 896, ligne 12 : "Que c'est

  8   un fait que les Croates ont trouvé qu'il était beaucoup plus facile de

  9   s'intégrer dans la société croate," n'est-ce pas ?

 10   Nous sommes tous d'accord avec cela.

 11   R.  Je pense que c'est la logique. Ils se débrouillent plus facilement.

 12   Q.  Parlons maintenant du déplacement des personnes qui se sont trouvés --

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a quelque chose que je ne comprends pas dans

 14   votre contre-interrogatoire. Vous faites redire à l'intéressé des choses

 15   qu'il a dites lors des questions de l'interrogatoire principal. Tout le

 16   monde le sait. Si vous le contre-interrogez, c'est que vous n'êtes pas

 17   d'accord avec lui; sinon, pourquoi le contre-interroger ?

 18   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, ce sont simplement des

 19   affirmations de base et je voulais simplement m'assurer que tout le monde

 20   comprenne le tout très clairement. En fait, je suis en train d'établir les

 21   fondements. La Chambre comprendra que c'est pour des questions

 22   supplémentaires que j'essaie d'établir le fondement.

 23   Q.  Alors, Monsieur, pourrait-on passer au sujet du déplacement des

 24   personnes qui se sont trouvées en Croatie et qui sont parties vers des pays

 25   tiers6 Je crois que toutes les personnes dans ce prétoire et les Juges

 26   également ont entendu parler d'un processus qui impliquait le fait de

 27   recevoir une lettre en guise de garantie qui permettra aux personnes

 28   d'aller quelque part et c'est en fait un visa de -- enfin, ce papier, cette

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  1   lettre devait être présentée avec un visa de transit, donc, si les

  2   personnes avaient cette lettre sur eux et les visas de transit, ils

  3   pouvaient aller vers des pays tiers. Est-ce que vous savez de quoi je parle

  4   ?

  5   R.  Oui, je connais cela.

  6   Q.  Pourriez-vous, je vous prie, nous expliquer de quelle façon on obtenait

  7   ces lettres de garantie ?

  8   R.  Les lettres, pour l'essentiel, on les recevait par la poste. Parfois

  9   les gens venaient les remettre en main propre. Dans différents pays, les

 10   formes variaient mais, généralement, il y avait une forme de certification

 11   de la part d'un notaire ou d'une instance de l'administration ou instance

 12   municipale où la personne en question venait faire une déclaration et

 13   s'engageait à recevoir tel ou tel individu, et nous, nous apportions notre

 14   aval à ces personnes pour qu'elles puissent se rendre là où elles ont été

 15   invitées.

 16   Q.  Fort bien. Et ensuite il y a eu un deuxième document que cette personne

 17   devait présenter outre la lettre de garantie. Nous avons déjà entendu

 18   d'autres témoins nous parler de visa de transit, de quelle façon est-ce

 19   qu'une personne pouvait obtenir un visa de transit pour aller soit passer

 20   par la Croatie ou passer par la Croatie -- soit se rendre en Croatie ou

 21   passer par la Croatie, pour se rendre ailleurs ?

 22   R.  Le bureau qui avait la charge des personnes déplacées et des réfugiés

 23   ne délivrait pas de visa de transit en fait c'est une expression du langage

 24   commun. Nous faisions une lettre sur laquelle figurait notre aval,

 25   consentement pour que la personne X puisse traverser les postes-frontières

 26   donc présenter cela à la police frontière croate. Donc, ceci montrait qu'il

 27   y avait notre consentement pour que l'individu en question puisse traverser

 28   la frontière. Ce n'était pas un visa c'était comme une forme de

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  1   recommandation de notre part.

  2   Q.  J'aimerais maintenant vous montrer quelques documents et les parcourir

  3   brièvement et nous dire si vous pouvez nous donner des points de précision.

  4   Je vous demanderais de prendre le document

  5   P 04941, c'est un document du HVO qui porte la date du 11 septembre 1993.

  6   Je vous montre le document simplement pour que l'on voit de quoi il s'agit,

  7   donc il s'agit : "Demande d'une libération de prison pour les personnes en

  8   possession de lettres de garantie et de visa de transit afin de leur

  9   permettre de traverser la Croatie."

 10   Voyez-vous cela ?

 11   R.  Ce ne sont pas les documents délivrés par nous.

 12   Q.  Non, je comprends. Je n'essaie pas de dire le contraire. Mais il est un

 13   fait que 44 personnes figurent sur cette liste qui était en possession de

 14   ces deux lettres de ces documents, une lettre de garantie et un visa de

 15   transit, et qui demandaient leur libération. J'aimerais simplement vous

 16   demander : si c'était quelque chose du langage commun que c'est les mêmes

 17   documents que les personnes décrivaient comme des documents de voyage, est-

 18   ce que c'est exact ?

 19   R.  [aucune interprétation]

 20   Q.  En fait, je crois que j'avais entendu une réponse de vous mais elle ne

 21   figure pas au compte rendu d'audience. Est-ce que vous avez répondu ?

 22   R.  Oui, je sais que les gens appelaient ça de ce mot-là je ne conteste pas

 23   le fait que ça a été appelé visa de transit. Mais les visas de transit

 24   n'étaient pas délivrés sur la base de ce type de document. Une lettre de

 25   garantie devait arriver de la part de l'autre future de la personne qui

 26   allait recevoir donc ces personnes --

 27   Q.  Oui, je comprends. Je répète, il y avait bien deux documents : il y

 28   avait donc une lettre de garantie pour que les personnes puissent voyager;

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  1   il y avait également un deuxième document, un document que les gens

  2   appelaient visa de transit. Et vous me dites que c'était plutôt -- ça

  3   ressemblait plutôt à une recommandation, pour ce qui est de votre agence du

  4   moins ?

  5   R.  C'est exact. Cela étant dit, cette lettre de garantie ne devait pas

  6   nécessairement arriver d'un pays tiers, la lettre de garantie pouvait venir

  7   de Croatie.

  8   Q.  [aucune interprétation]

  9   M. KARNAVAS : [interprétation] Interruption [imperceptible] petite

 10   observation simplement pour l'avenir. Voilà un très bon exemple de ce que

 11   le témoin nous dit lorsqu'on lui pose des questions. Il nous dit qu'il a

 12   connaissance de quelque chose. Je mentionne ceci parce qu'au cours de mon

 13   interrogatoire principal, il y a eu des objections quant à la base. Lorsque

 14   le témoin -- lorsqu'on établit des fondements et lorsque le témoin a

 15   connaissance personnelle de certaine choses, à ce moment-là, on peut poser

 16   des questions. Et je mentionne ceci parce que le Juge Trechsel hier m'avait

 17   demandé -- ou, en fait, il y a quelques réserves de quelques Juges de cette

 18   Chambre de première instance, à savoir que le témoin n'était plus qualifié

 19   pour répondre à cette question car après le mois de mars 1993 le témoin

 20   n'était plus au sein de l'ODPR.

 21   Donc, voici un exemple parfait et classique et c'est la réponse -- c'est la

 22   raison pour laquelle je le mentionne. Je félicite le Procureur de se servir

 23   de cette technique. Et j'espère que la même chose me sera permise lorsque

 24   je mènerais mon interrogatoire principal.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je ne me préoccupe pas, moi, des

 26   questions de procédure; moi, je vais au cœur du problème. Le Procureur vous

 27   montre un document qui concerne

 28   44 personnes, qui sont des prisonniers, qui ont des garanties et un visa de

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  1   transit. Ces personnes dont nous avons la liste, sont-elles, d'après vous,

  2   de nationalité de la République de Bosnie-Herzégovine ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Cette liste était dressée de toute

  4   évidence en Bosnie-Herzégovine et c'est ce qui figure dans l'en-tête du

  5   document.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, ce sont des étrangers, par rapport à votre

  7   pays.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : A l'époque, un étranger, qui soit de Bosnie-

 10   Herzégovine ou de Hongrie ou des Etats-Unis, lorsqu'il venait dans votre

 11   pays, avait-il besoin d'un visa pour venir et de garantie pour demeurer

 12   pendant quelque temps dans votre pays ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] -- et on n'avait pas besoin d'un visa. Ça n'a

 14   jamais été le cas, Monsieur le Président, pour entrer de Bosnie-Herzégovine

 15   en Croatie. Les étrangers, les ressortissants étrangers ainsi également les

 16   citoyens de Bosnie-Herzégovine, pouvaient séjourner en Croatie et circuler

 17   jusqu'à une période de trois mois conformément à la loi sur la circulation

 18   et séjour des étrangers au-delà de trois mois, s'ils avaient une raison

 19   justifiée, des soins médicaux, scolarité, mariage ou autres.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Je prends l'hypothèse d'un Hongrois qui vient en

 21   voiture; il part de Budapest et il veut aller avec sa voiture à Sarajevo et

 22   il passe par Zagreb parce qu'il veut visiter votre pays, il passe par

 23   Zagreb. A l'époque, il avait besoin d'un visa de transit ou pas ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il n'avait pas besoin

 25   d'un visa de transit parce qu'en Hongrie, même si c'est très hypothétique

 26   la situation était bien meilleure qu'en Bosnie-Herzégovine. Ce n'était pas

 27   rationnel de se dire que qui que ce soit de Hongrie chercherait une aide ou

 28   un statut de réfugié en Croatie mais en Bosnie-Herzégovine c'était la

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  1   guerre.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, donc, si je comprends bien, le visa de

  3   transit qui existe c'est parce que vos autorités considéraient que ces

  4   personnes du fait même de la guerre pouvaient avoir besoin de secours

  5   matériel et que, donc, pour régler ce type de situation, on leur donnait un

  6   visa de transit. Par contre, les autres étrangers qui n'allaient pas ou par

  7   vocation à rester dans votre pays, ils en avaient pas besoin, et c'est pour

  8   ça -- que pour cela, on a instauré des visas de transit et des garanties;

  9   est-ce que c'est dû à une raison financière et économique ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que oui. Une deuxième raison

 11   également, qui n'est pas moins importante, c'est que nous souhaitions

 12   savoir qui est entré en Croatie de Bosnie-Herzégovine, où il est entré, par

 13   quel poste-frontière il est sorti, où il est allé. Je pense que c'est une

 14   raison très importante, c'est là -- c'était très important pour la base de

 15   données du service de Recherche des personnes et c'est sur la base de ces

 16   documents précisément que notre bureau a souvent été la première source

 17   pour lancer la recherche d'individus ou pour le regroupement familial

 18   ultérieur ou pour le retour éventuel de ces personnes.

 19   Alors, [imperceptible] si nous n'avions pas eu ce type de listes, il

 20   y a beaucoup de champs que nous n'aurions pas pu trouver ou opérer

 21   rapidement.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 23   Monsieur Scott.

 24   M. SCOTT : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 25   Je ne veux pas m'étaler trop longuement sur, pour ce qui est de la réponse

 26   du commentaire fait par M. Karnavas et j'aimerais une réponse très

 27   rapidement. Tout ce que je sais est quelque chose que je fais habituel;

 28   normalement, je ne m'attendais à ce que le témoin puisse me parler de ces

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  1   44 personnes. Mais je voulais simplement donner un exemple d'un document

  2   qui emploie la terminologie visa transit pour que tout ceci soit moins

  3   abstrait. Je n'ai pas voulu demander au témoin de nous parler plus en

  4   détail des personnes se trouvant sur ce document. Je voulais simplement

  5   m'assurer que tout soit bien compris et que je travaille de façon enfin

  6   habituellement comme cela.

  7   Q.  Alors, Monsieur, pour vous poser une question de suivi, si vous avez

  8   une personne, par exemple, venant de la Hongrie et qui voulait visiter

  9   votre pays sans avoir un visa, vous avez dit qu'il n'est pas nécessaire

 10   d'avoir un visa transit mais vous avez dit très précisément que nous savons

 11   très bien que les conditions en Bosnie-Herzégovine étaient bien différentes

 12   de la situation en Hongrie à l'époque, par exemple. Donc, il y avait un

 13   aspect ou une différence, si vous voulez, entre les deux pays et les

 14   personnes qui venaient de Bosnie-Herzégovine étaient différentes des autres

 15   personnes, donc, n'est-il pas exact que ce que les personnes appelaient

 16   visa transit si c'est quelque chose qui ressort du langage commun. Un autre

 17   but -- une autre raison d'obtenir ce genre de documents c'était pour

 18   indiquer que ces personnes ne faisaient que passer par la Croatie, qu'ils

 19   n'avaient pas l'intention de rester en Croatie et que ces personnes

 20   n'allaient pas obtenir le statut de réfugié; est-ce exact ?

 21   R.  Nous ne voyons pas ces gens-là dans nos recommandations. Nous faisons

 22   figurer ce qui était écrit dans la lettre de garantie. S'il était écrit

 23   qu'ils se rendaient en Allemagne, alors, nous confirmions qu'ils allaient

 24   en Allemagne. Des lettres comparables étaient également délivrées ou

 25   données pour arriver en Croatie.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, la question de

 27   M. Scott est particulièrement intéressante et très pertinente. Prenons un

 28   des 44 qui a une garantie pour aller en Suisse, par exemple, et puis au

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  1   dernier moment, il se dit : "Tiens, Zagreb c'est bien, je préfère rester

  2   qu'aller en Lausanne." Est-ce qu'il avait la possibilité de demander le

  3   statut de réfugié à partir de ce moment-là, ou bien, vous, vous auriez dit

  4   : "Non, vous n'auriez pas le statut de réfugié" ? Ou est-ce que vous avez

  5   eu des cas de gens qui ont finalement décidé de rester chez vous ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons eu nombre de

  7   cas de ce type où les gens sont restés chez nous finalement. Il y a eu

  8   beaucoup de cas comme ça. Je peux présenter aux avocats des données qui

  9   attestent quel a été le nombre de ces personnes même après la date qui a

 10   été évoquée par M. le Procureur, le 13 juin, je pense, 1992, combien de

 11   personnes de Bosnie-Herzégovine ont été reçues par la Croatie en tant que

 12   réfugiés, combien sont venues en transit, combien sont revenues, combien

 13   n'ont pas eu l'autorisation d'entrer en Croatie de la part du bureau des

 14   personnes déplacées parce que le bureau n'avait pas la compétence sur eux.

 15   J'ai tout ça sur moi et je vais demander que ça soit versé au dossier ou

 16   montré dans le dossier de l'affaire.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 18   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense que le témoin a dit 1996 et non pas

 20   1992, mais je n'en suis pas tout à fait sûr. Lorsqu'il a dit 30 juin, ma

 21   collègue a entendu 1996.

 22   M. SCOTT : [interprétation] Je pensais qu'il faisait référence à la

 23   question que je lui avait posée à propos de la décision du 30 juillet 1992.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est peut-être le cas.

 25   M. SCOTT : [interprétation]

 26   Q.  Est-ce que vous pourriez répéter parce qu'il y a une certaine

 27   incertitude qui plane sur cette date. Pourriez-vous le répéter ?

 28   R.  Je me référais aux dates que vous aviez citées vous-même hier.

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  1   Q.  Donc, 13 juillet 1992 ?

  2   R.  Oui, c'est cela. Permettez-moi une question de suivi : après la

  3   question posée par le Président de la Chambre, nous savons tous que les

  4   êtres humains sont des êtres complexes et compliqués qui changent par

  5   nature et quelqu'un qui arrive à Zagreb veut rester, nous sommes d'accord

  6   que ce genre de cas peut se présenter. Pourtant dans ce cas, votre service

  7   recevait les papiers lorsque vous examiniez ces lettres de garantie et ce

  8   que certains appellent un visa de transit donné si vous voulez traverser

  9   votre pays pour aller en Allemagne ou ailleurs. Quand je dis "vous," je ne

 10   dis pas vous personnellement mais l'ODPR. Le gouvernement croate avait pour

 11   intention et comme -- du sujet que ces personnes voulaient passer peu de

 12   temps dans votre pays pour aller ailleurs et que cette personne n'allait

 13   pas demeurer en Croatie en qualité de réfugié. Ça se peut que certains

 14   l'aient fait, mais que ce ne fût pas l'idée de départ ni l'intention.

 15   R.  Je pense que c'est exact.

 16   Q.  Revenons disons au revers de la médaille, à savoir la question de

 17   savoir d'où venaient ces gens et je veux revenir à quelque chose que vous

 18   avez abordé brièvement hier, je crois. Je crois que vous avez dit quelque

 19   chose qui revient à dire qu'en fonction de l'origine de ces gens, et ces

 20   personnes ne pouvaient pas se voir accorder -- entrer ni statut de réfugié.

 21   On disait : "Bien, il n'y a pas de raison de considérer que cette personne

 22   puisqu'elle vient de là est un réfugié." Et d'ailleurs, dans le procès

 23   Tuta-Stella, vous avez donné l'exemple de Siroki Brijeg où vous aviez un

 24   Croate qui est apparemment du coin, et vous avez dit que c'était "une zone

 25   restée libre" pendant la durée de la guerre et que vous n'alliez pas donner

 26   ce statut de réfugié à un Croate venant de Siroki Brijeg.

 27   Si vous voulez vérifier le compte rendu, je m'adresse à

 28   Me Karnavas, c'est la page 11 005 -- donc, 11 005, ligne 10; est-ce exact ?

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  1   R.  C'est exact.

  2   Q.  Je veux m'assurer que tout le monde comprend ces scénarios, vous seriez

  3   d'accord avec moi pour dire, n'est-ce pas, que pour certains -- ou pour un

  4   groupe ethnique, une zone peut être sûre sans problème alors qu'elle ne

  5   l'est pas pour un autre groupe ?

  6   R.  Cela est exact aussi. Cette peur justifiée, nous reconnaissions cet

  7   élément-là pour l'attribution d'un statut de réfugié; souvent il y a eu des

  8   cas où nos décisions, qui ont revêtu un caractère général, ont dû être

  9   rectifiées -- reprises pour être ramenées au cas concret. Si quelqu'un a

 10   dit venir de certaines municipalités qui n'étaient pas sous l'emprise de la

 11   guerre, comme cela était le cas de Siroki Brijeg, il n'y avait pas de

 12   raison d'attribuer à ces gens-là un statut de réfugié. Je peux confirmer

 13   qu'il y a eu des gens en Croatie qui ont reçu ce statut, qui l'ont demandé

 14   et qui l'ont obtenu, ou cela a été supprimé. Et si complainte il y a eu par

 15   la suite pour ce qui est de demander des explications pertinentes ces

 16   personnes ont fini par le réobtenir.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : -- en vous écoutant et il y a un autre problème

 18   juridique qui vient d'apparaître. Ce Croate de Siroki Brijeg, je présume

 19   que c'est un ressortissant de la République de Bosnie-Herzégovine; son

 20   ethnie il est Croate, mais c'est un ressortissant de la République de

 21   Bosnie-Herzégovine, mais dans votre droit, les Croates n'ont-ils pas la

 22   double nationalité ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est vrai de dire que les Croates, s'ils ne

 24   résident pas en République de Croatie, peuvent toutefois demander la

 25   citoyenneté de la République de Croatie, pas seulement ceux de la Bosnie-

 26   Herzégovine mais ceux d'ailleurs aussi et si la législation du pays dans

 27   lequel ils résident le permet.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce Croate de Siroki Brijeg, dont la zone n'est pas

Page 28039

  1   affectée par les conflits, s'il veut demander la nationalité croate, peut-

  2   il, étant national croate, est considéré comme réfugié parce qu'il

  3   m'apparaît qu'on n'est pas réfugié dans son propre Etat ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est des habitants de Siroki

  5   Brijeg, nous ne leur avons pas attribué de statut de réfugié. Le problème

  6   peut être de nature juridique si ces réfugiés venaient à demander la

  7   nationalité croate et l'obtenaient au moment où ces personnes ont obtenu la

  8   citoyenneté croate, on biffait leur statut de réfugié, donc, ils ne

  9   pouvaient pas conserver le statut de réfugié, mais ce qu'on appliquait

 10   c'était ce qu'on appelait le processus d'intégration. Ce sont des questions

 11   qu'il a fallu résoudre conformément au conseil dispensé par le HCR.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : -- dernière question parce que plusieurs des accusés

 13   ici présents nous ont dit qu'ils avaient la double nationalité. Et j'ai cru

 14   comprendre que la double nationalité qu'ils avaient, elle était

 15   automatique, il n'y avait pas besoin de la demander. Alors, là, vous

 16   semblez dire qu'un Croate, qui vit à l'extérieur, peut avoir la nationalité

 17   croate mais il faut la demander. Pouvez-vous m'éclairer ? Cette nationalité

 18   elle est de droit ou il faut une procédure d'acquisition de la nationalité

 19   ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, pour autant que je puisse

 21   vous expliquer la chose, tous les habitants de la Croatie, qui ont séjourné

 22   en Croatie et qui avaient un lieu de résidence permanent dans une ex-

 23   république de l'ex-état, automatiquement devenaient citoyens de la

 24   République de Croatie indépendamment de leur origine ethnique. Tous les

 25   autres devaient demander cette nationalité pour l'obtenir. Il en va de même

 26   pour ce qui est des Croates résidant hors de la Croatie de par la loi

 27   relative à la citoyenneté croate il fallait qu'ils prouvent.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Un Croate, qui a habité à Prozor, Rama, qui a été à

Page 28040

  1   l'école et qui vient en Croatie, il faut qu'il demande à ce moment-là la

  2   nationalité croate ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Cette personne pouvait demander

  4   un consulat de la Croatie en Bosnie-Herzégovine la chose et si les

  5   conditions étaient réunies, il obtenait la citoyenneté où il pouvait aller

  6   en Croatie s'il s'y trouvait par exemple et le demander là-bas.

  7   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, moi, je propose qu'on

  8   pose une question complémentaire. Il me semble que, dans la version

  9   anglaise, votre question était celle de savoir : "Si ce Croate originaire

 10   de Prozor aurait demandé cette citoyenneté au moment où il serait arrivé en

 11   Croatie," et peut-être qu'y a-t-il un malentendu, il a été question de

 12   pouvoir d'avoir le droit non pas de devoir le faire. Alors, je ne sais pas

 13   si vous avez bien demandé ça et je voudrais que vous vérifiiez.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Je répète mon cas, un Croate qui habite Prozor va à

 15   l'école pendant des années des années puis un jour décide d'aller en

 16   Croatie pour des raisons X, Y ou Z. Est-il automatique Croate ? Et on lui

 17   donne un passeport et une carte d'identité croate avec nationalité croate,

 18   ou bien, doit-il demander la reconnaissance de la nationalité croate avant

 19   qu'on lui donne cette carte d'identité ou son passeport ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, ce type de personne devrait

 21   demander la nationalité. La nationalité n'était pas attribuée de façon

 22   automatique. Je vous rappelle un exemple : de nos jours encore, il y a en

 23   Bosnie-Herzégovine des Croates qui se déclarent croates mais qui n'ont pas

 24   demandé et qui n'ont pas obtenu la citoyenneté croate. L'un d'entre eux a

 25   été élu récemment aux élections pour être membres croates de la présidence

 26   de Bosnie-Herzégovine et il a publiquement déclaré qu'il n'était pas

 27   ressortissant croate, qu'il n'était pas citoyen, il ne l'a jamais demandé

 28   cette citoyenneté, il n'est citoyen que de la Bosnie-Herzégovine, bien que

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  1   ethniquement parlant c'est un Croate de Bosnie-Herzégovine.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour vos réponses.

  3   Monsieur Scott.

  4   M. SCOTT : [interprétation]

  5   Q.  Maintenant, que nous avons abordé ce sujet, il serait peut-être utile

  6   pour tous -- en tout cas, certaines des personnes ici présentes du côté --

  7   de notre côté de ce prétoire et peut-être pour les Juges d'examiner

  8   davantage le sujet. L'impression qu'on a - vous me direz si elle est

  9   erronée - c'est que, vu cet éveil de l'esprit national, l'arrivée au

 10   pouvoir du gouvernement de Tudjman, du HDZ, il y avait ce souhait de

 11   promouvoir la citoyenneté croate, quiconque se considérait Croate dans la

 12   diaspora des Etats-Unis, de l'Australie, du Canada, de l'Allemagne, et

 13   quiconque voulait obtenir la citoyenneté, la nationalité croate, et bien

 14   sûr, il fallait passer par certaines procédures nous en parlerons dans un

 15   instant, mais qu'il y avait une attitude qui était d'encourager une

 16   attitude assez favorable à l'idée d'accueillir des personnes qui

 17   demandaient à devenir Croates ?

 18   R.  Non, je ne qualifierais pas cela d'attitude libérale. Les gens devaient

 19   recueillir une documentation pertinente, la remettre à l'administration

 20   concernée, à savoir au service consulaire, donc, satisfaire à des

 21   conditions ou à des préalables prévus par la loi. Et si ces préalables

 22   étaient réunis, ils devenaient citoyens. Je pense même que des gens

 23   s'étaient plaints de lenteur, enfin, ce n'était pas si simple.

 24   Q.  Bien entendu, nous comprenons tout ce que la bureaucratie, elle existe

 25   dans tous les pays. Mais voici la question que je vous pose - et dites-moi

 26   carrément si je me trompe - parce qu'il se peut que certains ici présents

 27   aient réfléchi à cette question. Est-ce qu'il y avait certains avantages ou

 28   des règles différentes qui s'appliquaient à un Croate qui demandait la

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  1   nationalité par rapport à quiconque qui demande une naturalisation, par

  2   exemple ? Moi, je ne suis pas Hollandais, Néerlandais d'origine, mais si

  3   j'ai passé suffisamment de temps ici, si je veux demander la

  4   naturalisation, je peux l'obtenir.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi de faire objection à la portée

  6   de cette question, au titre de la compétence. En quoi est-ce que ceci est

  7   pertinent ? Première remarque. Et puis aussi, il faut penser à la portée du

  8   contre-interrogatoire. Moi, je vais peut-être devenir Suisse mais ça ne

  9   veut pas dire que je pourrais devenir Helvétique tout simplement parce que

 10   je viens de tel ou tel pays. Je pourrais demander à être Grec mais il faut

 11   quand même que je respecte la procédure. Je ne vois pas en quoi ceci est en

 12   rapport avec l'interrogatoire principal, surtout que ce témoin a déposé sur

 13   des sujets bien circonscrits.

 14   Je peux vous le garantir, Monsieur Scott - et je garantis à tout le

 15   monde - qu'il y aura sous peu un témoin qui était de la diaspora, qui a

 16   participé aux événements et a fini par devenir ambassadeur de Croatie.

 17   Peut-être que c'est à lui qu'on devrait poser ce genre de questions. Mais

 18   ce témoin-ci, vu la portée de l'interrogatoire principal, je ne vois pas en

 19   quoi ces questions sont pertinentes. Si elles le sont, j'aimerais savoir

 20   pourquoi elles le seraient et j'aimerais avoir une décision de la Chambre.

 21   M. SCOTT : [interprétation] Permettez-moi, Monsieur le Président, de

 22   répondre avant que vous ne discutiez de la question.

 23   Première chose, d'abord, c'est une question de suivi puisque vous avez posé

 24   le problème, Monsieur le Président, et je pense qu'il est pertinent, ceci

 25   étant dit.

 26   Je pense que c'est pertinent, ici dans ce procès, car nous abordons toute

 27   la portée du statut des droits des personnes qui se déplacent et des droits

 28   qu'ils ont une fois qu'ils arrivent en Croatie. Il y avait des Musulmans

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  1   mais il y avait aussi des Croates qui arrivent en Croatie. Et je pense

  2   effectivement qu'il pourrait y avoir une différence suivant que c'est un

  3   Croate de Bosnie qui arrive à Zagreb, il peut facilement obtenir la

  4   nationalité croate et rester -- résider parce qu'il est croate et à ce

  5   moment-là et peut-être que la situation est fondamentalement différente de

  6   ce qui peut arriver à un Musulman de Bosnie qui arrive à Zagreb.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Mais je ne vois pas en quoi ceci relève

  8   d'une entreprise criminelle commune ou d'une infraction.

  9   M. SCOTT : [interprétation] Personne ne dit que c'est le cas.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Maintenant, quelle est la pertinence.

 11   Permettez-moi de le dire et je ne veux abuser du temps réservé à

 12   l'Accusation, mais, Monsieur le Juge, les Juges posent cette question - M.

 13   Scott aussi - qui pense que quelqu'un qui arrive, il peut résider trois

 14   mois, pas de problème. Après quoi, il doit demander la permission,

 15   l'autorisation ou demander le statut de réfugié. Ça, c'est la base.

 16   Maintenant, s'il veut restreindre la portée de sa question pas de problème,

 17   mais je ne veux aucunement m'immiscer dans son contre-interrogatoire, mais

 18   je ne vois pas en quoi ceci fait avancer une partie comme une autre pour

 19   que la vérité se manifeste.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, c'est vous qui avez fait venir un

 21   témoin pour parler du statut des réfugiés, des personnes déplacées. Bien,

 22   donc, c'est un aspect juridique important. A partir de là, il est

 23   intéressant de savoir quelle était la procédure d'acquisition du statut des

 24   réfugiés, qui restait, qui partait, y avait-il des cas de discrimination,

 25   le cas échéant, c'est un peu ce que l'Accusation veut évoquer avec le

 26   témoin. Voilà des sujets pertinents. Donc, on ne perd pas son temps.

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Mais je veux m'assurer que toute la lumière

 28   s'est faite. Je ne voudrais pas que la Chambre suppose quel que Juge que ce

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  1   soit que j'essaierai quelque part de vous empêcher de connaître les faits,

  2   pas d'objection à cela.

  3   Mais quant à la question de savoir qui peut obtenir la nationalité et de

  4   dire que quelqu'un qui est d'origine musulmane ou qui est Slovène ou

  5   Hongrois qui vient de l'ex-Yougoslavie ne pourrait pas obtenir cette

  6   nationalité, je ne vois pas qu'il y ait une pertinence avec ce procès. Si

  7   nous nous en tenons à la question du statut de réfugié, pour ce qui est de

  8   la résidence dans un pays, des avantages que ceci peut présenter, pas de

  9   problème.

 10   Mais au-delà de cela, je pense qu'il faudrait avoir une portée plus

 11   restreinte, c'est tout ce que je dis. J'ai fait vraiment une objection et

 12   puis je resterai coi pour le reste du temps.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Nozica.

 14   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais à part

 15   entière apporter mon soutien à ce que vient de dire mon confrère, M.

 16   Karnavas. Nous avons ici un témoin qui a été député du côté croate à

 17   Sarajevo pendant la guerre et qui peut expliquer mieux la question relative

 18   à l'obtention de la citoyenneté. Je le dis parce que le Procureur, à la fin

 19   de son intervention et des explications pour ce qui est de savoir pour

 20   quelle raison il insistait sur ces questions, il disait qu'un Croate

 21   obtenait plus facilement sa citoyenneté lorsqu'il venait en tant que

 22   réfugié de Bosnie plutôt que ce ne serait le cas d'un Musulman.

 23   Alors, je crois que nous allons avoir un témoin que nous attendons pour

 24   témoigner ici et qui a été député à Sarajevo. Il sera intéressant

 25   d'entendre les réponses de ce futur témoin pour savoir combien de Musulmans

 26   ont obtenu la citoyenneté croate. Un chiffre énorme pendant la guerre même

 27   et je crois que ce témoin pourra nous le dire. J'imagine que celui-ci ici

 28   ne sait pas quelle a été la procédure et de quelle façon la citoyenneté

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  1   croate avait été accordée à des citoyens de la Bosnie-Herzégovine.

  2   Je pense donc, pour cette raison-là, que tout ce volet de l'histoire soit

  3   laissé ou abandonné pour laisser pour plus tard lorsque nous aurons un

  4   témoin qui connaît mieux la situation. Merci.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] En d'autres termes, Maître Nozica,

  6   vous ne dites pas que c'est une question qui manque de pertinence, n'est-ce

  7   pas ?

  8   Mme NOZICA : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, merci d'avoir posé

  9   cette question. Je pense que c'est pertinent. Mais ce que je crains c'est

 10   que nous allions dans une seule direction seulement. Il est question de

 11   Croates qui ont obtenu la citoyenneté. Il faut qu'on établisse la

 12   corrélation pour savoir comment la citoyenneté croate a été attribuée à des

 13   Musulmans. Et ce n'est que là qu'on comprendra le principe entier du

 14   fonctionnement de cet aspect-là pendant la guerre.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, continuez Monsieur Scott.

 16   M. SCOTT : [interprétation] Très brièvement, Monsieur le Président, je n'ai

 17   aucunement voulu laisser entendre qu'il y avait des situations, ou bien, la

 18   situation des Musulmans de Bosnie-Herzégovine auraient obtenu la

 19   nationalité croate, loin de moi cette idée. Mais nous essayons de mieux

 20   comprendre la situation. Nous avons ici un témoin qui a été un haut

 21   fonctionnaire, ambassadeur, parlementaire, qui a été vraiment partie

 22   prenante à ces événements et qui connaît la situation de l'arrivée de

 23   personnes dans son pays.

 24   Si je pose quelques questions de plus, comment on dit dans les films,

 25   donnez-moi un peu de marge de manœuvre, voir si ça marche, si ça a une

 26   pertinence quelconque dans ses réponses, et puis si ça ne prend pas --

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Moi, je trouve que c'est pertinent. On a bien pris

 28   note qu'il y a des Musulmans qui pouvaient aussi devenir citoyens croates.

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  1   Mais ça évidemment c'est une possibilité, peut-être une réalité aussi.

  2   M. SCOTT : [interprétation]

  3   Q.  Ce que j'essayais d'illustrer c'était ceci, c'était simple. Je pense

  4   que la plupart des gens dans ce prétoire savent que la plupart de pays

  5   prévoient une procédure de naturalisation, c'est-à-dire que n'importe qui

  6   pratiquement peut demander à obtenir la nationalité dans un pays dont ils

  7   ne sont pas originaires. J'ai simplement pris l'exemple, le mien; je suis

  8   au Pays-Bas. Je ne suis pas de naissance ni d'origine néerlandaise mais si

  9   je le décide, je peux rester ici. Si je veux obtenir la nationalité, je

 10   peux devenir par procédure citoyen. Je peux demander la naturalisation mais

 11   ça ne pivote pas sur le fait que je serais Néerlandais sur ma néerlandicité

 12   [comme interprété], si j'ose dire. Est-ce que vous pensez qu'un Croate

 13   d'Australie, des Etats-Unis ou de Bosnie-Herzégovine, n'avait pas

 14   d'avantages supplémentaires, n'avait pas de meilleures possibilités de

 15   devenir Croates pas plus que quelqu'un d'autres qui empruntaient la voie de

 16   la procédure de naturalisation ?

 17   Donc, quelqu'un -- un Croate de Bosnie-Herzégovine n'avait pas plus

 18   d'avantages plus de chance d'obtenir la nationalité croate que disons

 19   quelqu'un qui en fait la demande mais qui était disons d'Allemagne mais qui

 20   n'était pas Croate. Un citoyen allemand qui n'est pas Croate et qui demande

 21   la nationalité croate. Vous dites que les Croates d'où qu'ils soient dans

 22   le monde, de la diaspora, qui essaie de contacter Tudjman et le HDZ, il

 23   n'avait pas plus de droit que n'importe qui ?

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Une fois de plus, maintenant, on va prendre

 25   le HDZ et Tudjman. Le tout premier témoin nous l'a déjà dit et je le

 26   reconnais, je concède ceci -- ce point aux fins du dossier. Pour la

 27   première fois, la Croatie est une nation qui est reconnue dans ses confins

 28   internationaux. Sur la base d'une constitution, tous les Croates d'où

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  1   qu'ils viennent, qu'ils viennent de Cleveland, Ohio, d'où je suis, où il y

  2   a une grande communauté croate, tous avaient le droit de demander la

  3   nationalité croate, tout comme ce fut le cas lorsque la Grèce est devenue

  4   membre de la Communauté européenne.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous déposez de nouveau, vous êtes

  6   le nouveau témoin.

  7   M. KARNAVAS : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous ne devriez pas le faire,

  9   Monsieur Karnavas. Mais ce n'est pas la chose à faire. 

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous avons eu des témoins qui sont venus le

 11   dire je suis quand même choqué de voir que vous n'avez pas fait objection à

 12   la forme de la question posée. Ce témoin n'a jamais laissé entendre que ce

 13   Croate ou que les Croates n'étaient pas sur le même pied d'égalité que les

 14   autres. Regardez ce qui a été dit auparavant. Vous faites tout de suite

 15   objection à moi. Vous intervenez, vous sautez sur moi. Mais lorsque c'est

 16   l'Accusation qui parle et qui essaie de présenter des faits qui ne sont pas

 17   versés au dossier, vous ne faites pas objection. Le témoin n'a jamais dit,

 18   n'a jamais dit que nous avions, nous avons des témoignages. Je sais

 19   pourquoi qu'il témoigne ici. Nous avons eu des témoins. Nous avons la

 20   constitution, ça été présenté pendant la présentation des moyens à charge

 21   et nous avons le tout premier témoin qui nous l'a dit, les Croates du monde

 22   entier avaient la possibilité d'obtenir la nationalité. Et, bien entendu,

 23   ils avaient plus de privilèges mais le témoignage c'était qu'ils devaient

 24   quand même en faire la demande. C'est pour ça que je l'ai indiqué. Si, moi,

 25   je voulais devenir Suisse, si un Croate voulait devenir Slovène, par

 26   exemple, un citoyen slovène, il devait -- ou si vous avez un Slovène des

 27   Etats-Unis, qui est-ce qui va avoir plus de chance, qui est-ce qui va avoir

 28   plus d'opportunités, qui aura plus de privilèges ou plus de chance de

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  1   devenir Slovène de nationalité ? Ça dépend de la constitution.

  2   En quoi est-ce que ceci est pertinent dans ce procès ou l'entreprise

  3   criminelle ? Vous sautez sur moi mais, moi, je veux savoir pourquoi vous

  4   n'arrêtez pas l'Accusation lorsqu'elle pose ses questions ? Pourquoi ne

  5   dites-vous pas qu'il pose des questions sur des faits qu'il aura versés au

  6   dossier ? Ou bien, qu'il déforme les dires du témoin ? C'est pour ça que je

  7   pense qu'il y a ici deux poids, deux mesures.

  8   Hier, on m'a empêché d'aborder certains sujets partant de l'idée

  9   qu'au-delà d'un certain point en 1993, ce témoin ne pouvait pas intervenir.

 10   Maintenant, on lui pose des questions dont il n'est pas expert. Vous n'avez

 11   pas fait objection, bon, au fait qu'il ne soit pas expert, vous autorisez

 12   ceci. Alors, maintenant, vous dites : j'autorise parce que l'Accusation

 13   pose ses bases. Je suis frustré parce qu'ici, dans ce prétoire, il y a deux

 14   poids, deux mesures, surtout lorsque vous faites objection à moi, Monsieur

 15   le Juge Trechsel, et je pense que parfois c'est quelque chose de personnel.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] J'espère que ce n'est pas le cas mais c'est

 18   l'impression qu'on a. C'est l'impression qu'on a et je parle ici

 19   d'impression et de perception.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, je n'ai pas très bien compris le

 21   problème, le problème posé tant par M. Scott que par vous-même. On a un

 22   témoin qui a eu de hautes fonctions diverses, politiques, administratives

 23   au sein de cet office. Il a été ambassadeur, donc, quelqu'un qui est

 24   capable de comprendre une question et d'apporter des réponses.

 25   Qui plus est en matière de nationalité, il a une certaine compétence

 26   ayant été ambassadeur de son pays à Sarajevo. Bien qu'il existe un

 27   consulat, il a dû avoir à s'occuper des problèmes de nationalité, donc, il

 28   connaît un petit peu la question.

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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est un fait établi en cette espèce

  2   que des Croates du monde entier avaient la possibilité d'obtenir la

  3   nationalité. Ça c'est un fait connu. Pourquoi est-ce qu'on insiste là-

  4   dessus.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai même pas abordé ce problème. Vous,

  6   vous levez. Vous ne savez même pas ce que j'allais dire, vous vous levez

  7   pour parler des Croates des Etats-Unis qui ont la nationalité. Moi, ce

  8   n'est pas mon sujet. Mon sujet est de savoir quelle est la procédure pour

  9   acquérir la nationalité.

 10   Et la thèse de M. Scott - et c'est la question qu'il voulait poser -

 11   c'est que, dans son idée, il y avait, au niveau du traitement de la

 12   nationalité, des raisons diverses, et c'est la question qu'il voulait poser

 13   au témoin. Le témoin va peut-être dire : "Non, il n'y a aucune raison, il

 14   n'y a pas de discrimination, ce n'est pas parce qu'on est membre du HDZ

 15   qu'on a la nationalité." J'en sais rien, moi. Moi, je ne sais même pas ce

 16   que le témoin va répondre et vous êtes en train de vous acharner les uns et

 17   les autres sur des questions qui ont des réponses juridiques parce qu'en

 18   Croatie, il y avait des lois, des règlements et une pratique pour

 19   l'acquisition de la nationalité.

 20   N'oublions pas qu'en Croatie, c'est vous-même qui l'avez mis en

 21   évidence par des documents, il y avait des centaines de milliers de

 22   réfugiés. On a vu 1 800 000 réfugiés à un moment donné. Je pense que, dans

 23   ce chiffre, il y en a qui ont dû demander la nationalité croate,

 24   certainement. Mais ça peut-être le témoin peut nous le dire. Il peut nous

 25   dire qu'à sa connaissance, il y a des Musulmans qui sont devenus Croates ou

 26   pas; plutôt que de passer du temps, moi, je préfère qu'on aborde les

 27   questions de fond. Le Procureur pose une question et le témoin répond, et

 28   puis si vous n'êtes pas content, dans le cadre des questions

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  1   supplémentaires, vous reviendrez.

  2   Bien. Alors, Monsieur Scott. 

  3   M. LE JUGE PRANDLER : [aucune interprétation] 

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

  5   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Avant de poursuivre je souhaiterais

  6   faire quelques commentaires relativement pour ce qui vient de se dire; je

  7   crois qu'il nous faut nous calmer. D'abord -- et lorsque nous abordons ces

  8   questions, il ne faudrait pas peut-être employer tant si véhément mais, en

  9   même temps, je suis d'accord pour dire que, de façon générale, il faut

 10   aborder ces questions -- il faut en poser des questions sur le sujet. Je

 11   voudrais dire que, connaissant très bien la situation en Hongrie, nous

 12   avons la nationalité pour les Hongrois qui ont quitté le pays avant 1956 et

 13   après 1956, mais ces derniers doivent en faire la demande. Ils peuvent

 14   également obtenir un passeport mais ils n'ont pas tous les droits qui sont

 15   égaux aux citoyens hongrois qui se trouvent en Hongrie car ils ne peuvent

 16   pas faire une demande pour les mêmes bénéfices comme peuvent le faire les

 17   Hongrois vivant en Hongrie.

 18   Maintenant, la même situation s'applique aux Hongrois -- aux ressortissants

 19   Hongrois qui habitent à l'extérieur de la Hongrie. Et comme vous le savez -

 20   - ou autour de la Hongrie, et nous avons un très  grand nombre de ces

 21   derniers qui vivent en Vojvodine, quelque -- un peu en Croatie mais un très

 22   grand nombre d'Hongrois vivent en Transylvanie, en Roumanie et en

 23   Slovaquie.

 24   On pourrait parler, par exemple, de cette question s'il y avait une

 25   discrimination sur cette base mais c'est la raison pour laquelle je crois

 26   que ces sujets devraient être abordés car mais plutôt c'est quelque chose

 27   que l'on pourrait demander à d'autres témoins lorsque nous aurons d'autres

 28   témoins ici qui vont nous parler de cette question.

Page 28052

  1   Et de nouveau, je voudrais dire que je n'exclus pas la possibilité de

  2   ce qu'a dit Me Karnavas, mais je crois qu'il nous faut demeurer calme et il

  3   faut permettre à M. Scott de mener son contre-interrogatoire eu égard au

  4   fait que ceci n'est pas le problème principal en fait avec ce témoin.

  5   Merci.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

  7   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai jamais

  8   cru que nous allions avoir tout un débat mais j'ai simplement voulu poser

  9   une question de suivi à la suite d'une question posée par le Président de

 10   cette Chambre et je ne croyais surtout pas que nous allions -- que cette

 11   situation sera si contrôlée ou si -- enfin, je ne crois pas pourquoi mon

 12   éminent confrère est tellement -- réagit de cette façon-ci.

 13   M. Karnavas est d'accord, et c'est ce qu'a dit également le Juge

 14   Trechsel. En fait -- et la raison pour laquelle j'ai posé la question que

 15   j'ai posée c'est parce que j'ai essayé simplement d'obtenir des réponses

 16   très simples. Me Karnavas, lui-même, a répondu non pas en déposant mais

 17   simplement pour que l'on puisse se référer a la page 25 aujourd'hui, ligne

 18   15, Me Karnavas a dit : "Les Croates partout dans le monde pouvaient

 19   obtenir une nationalité croate et bien sûr ils les avaient plus de

 20   privilège ou des privilèges spéciaux pour obtenir la nationalité croate."

 21   Donc, voilà l'idée. Je n'ai jamais dit que les Musulmans ne pouvaient

 22   obtenir la nationalité croate. Ils pouvaient sans doute l'obtenir. Je ne

 23   conteste pas ceci du tout. Tout ce que nous essayons d'établir c'est

 24   justement à cause de cette politique qui, d'après

 25   M. Karnavas, existe. Les Croates se trouvaient dans une situation

 26   différente, c'est-à-dire qu'ils avaient plus de privilèges, et j'aimerais

 27   demander au témoin de nous dire qu'outre le fait que partout dans le monde

 28   un Croate pouvait demander ou une personne pouvait demander la nationalité

Page 28053

  1   croate, et pour citer l'exemple personnel, c'est-à-dire si je voulais

  2   demander la nationalité néerlandaise, je pourrais l'obtenir.

  3   Q.  Mais, Monsieur, dites-nous : les personnes qui étaient Croates ou qui

  4   se disaient être "Croates," est-ce qu'il pouvait faire une demande pour

  5   obtenir la nationalité croate ? Ou bien, est-ce que ces personnes pouvaient

  6   simplement faire l'objet d'une naturalisation tout comme n'importe quelle

  7   autre personne ? Est-ce que vous pourriez nous parler de cette procédure ?

  8   Y avait-il deux procédures ou une seule procédure uniforme ?

  9   R.  Je ne suis pas certain d'avoir compris quelle a été votre dernière

 10   question. Vous avez parlé des Allemands s'ils avaient la possibilité de

 11   demander la nationalité croate, ou bien, est-ce que -- maintenant, on

 12   revient dans le cas des Musulmans et des Croates ?

 13   Q.  Permettez-moi d'essayer une dernière fois et pour gagner du temps je

 14   promets aux Juges de la Chambre que si nous n'arrivons pas à obtenir une

 15   réponse, je vais passer à autre chose alors je vous pose cette question une

 16   dernière fois.

 17   Monsieur le Témoin, nous savons très bien que toute personne peut faire une

 18   demande pour devenir Croate, n'est-ce pas, pour obtenir la citoyenneté ou

 19   la nationalité croate pour être

 20   naturalisé ?

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   Q.  Nous avons entendu toutefois des témoins ou les Juges également l'ont

 23   confirmé que les personnes qui se trouvaient et qui étaient croates et qui

 24   se trouvaient à l'extérieur partout dans le monde pouvaient voter pour le

 25   HDZ, et pouvaient même élire au parlement des personnes parce qu'ils

 26   étaient Croates, donc, il y avait un lien spécial avec leur pays, la

 27   Croatie. Outre le processus de naturalisation, est-ce que les Croates qui

 28   se trouvaient ailleurs que ce soit dans des pays tiers, que ce soit en

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  1   Australie ou ailleurs, ou en Bosnie, si vous étiez Croate -- si on était

  2   Croate, est-ce qu'il y avait un arrangement particulier qui permettait à

  3   ces personnes d'obtenir une nationalité croate outre le processus de

  4   naturalisation régulier ?

  5   R.  Une loi existe en Croatie qui régit cela. Cette loi prévoit différentes

  6   catégories, différentes conditions, différentes possibilités. On pouvait

  7   demander la citoyenneté et ne pas l'obtenir. Quelqu'un d'autre devait tout

  8   d'abord remplir certaines conditions pour obtenir la citoyenneté. Par

  9   exemple, parlons d'un étranger, un étranger au bout d'un séjour interrompu

 10   de cinq ans en Croatie, je pense, remplit la condition de base. Puis

 11   quelqu'un d'autre serait obligé de démontrer qu'il connaît les coutumes et

 12   la langue du pays dont il souhaite obtenir la citoyenneté puis il se peut

 13   aussi qu'on offre à quelqu'un la citoyenneté si on estimait, par exemple,

 14   que ce serait d'une importance signification particulière pour la

 15   République de Croatie il y a un article spécial de la loi qui prévoit cela,

 16   l'octroi de la citoyenneté aux sportifs de haut rang, et cetera.

 17   Donc, la citoyenneté croate pouvait être obtenue selon des bases

 18   différentes, mais tout ceci est prévu par la loi qui régit la question, et

 19   en vertu de cette loi je suis d'accord pour dire que tout un chacun pouvait

 20   demander la citoyenneté mais je suis d'accord également pour dire que la

 21   réponse n'était pas toujours affirmative.

 22   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 23   j'avais promis que j'allais passer à un autre sujet. Je crois que les Juges

 24   de la Chambre sont au courant de la question qui est restée en suspens et

 25   on pourra l'aborder peut-être avec d'autres témoins qui viendront déposer à

 26   l'avenir et comme promis je vais passer à un autre sujet.

 27   Q.  Monsieur, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que s'agissant des

 28   personnes qui revenaient ou qui avaient la possibilité de retourner à

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  1   l'endroit d'où ils étaient partis, ou ces personnes avaient le droit sur

  2   papier de rentrer chez eux, n'est-ce pas ? Mais le fait que d'avoir ce

  3   droit sur papier et que de pouvoir regagner leur demeure, retourner chez

  4   eux et vivre en paix, ces deux choses différentes, n'est-ce pas ?

  5   R.  Dans certaines situations, c'est ce qui a pu se produire effectivement.

  6   La sécurité était la première condition pour un retour de qualité, un

  7   retour viable, durable.

  8   Q.  La sûreté étant bien sûr la première condition, je comprends. Il y

  9   avait également des conditions qui existaient, d'autres conditions dans la

 10   région non pas seulement la sécurité ou la sûreté. Est-ce que vous êtes

 11   d'accord pour dire qu'il y avait peut-être plus de maisons ? que ces

 12   personnes -- y avait-il une communauté qui était restée ? Est-ce que l'on

 13   pouvait retrouver, trouver un emploi, et cetera ?

 14   R.  C'est exact. La deuxième condition c'est le caractère viable de ce

 15   retour ou le premier ou l'ensemble de ces critères et puis aussi le

 16   caractère volontaire de ce retour. Malheureusement, en Bosnie-Herzégovine,

 17   il y a encore beaucoup de communautés où il n'y a pas de retour du tout et

 18   je doute qu'il y en ait dans un proche avenir puisque les conditions ne

 19   sont pas là dans ces endroits. Mais le retour pouvait se passer à deux

 20   niveaux différents. Vous avez un type de retour chez soi donc dans la

 21   localité d'origine un deuxième retour c'est dans son Etat d'origine. Si on

 22   n'a pas rempli les conditions que vous venez d'énoncer, si ces conditions

 23   n'étaient pas réunies, vous n'aviez pas de toit, vous ne vous sentiez pas

 24   en sécurité, mais vous étiez dans votre Etat.

 25   A titre d'exemple, la Croatie. Nombre de pays européens nous ont lancé des

 26   appels nous demandant pour ce qui est des habitants de Vukovar, par

 27   exemple, au bout d'un certain temps, donc, d'une année de voire trois de

 28   les recevoir en Croatie de nouveau même si leur ville n'était pas libre,

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  1   leurs maisons n'avaient pas été réparées, restaurées, mais on les a ramené

  2   dans leur Etat et c'est leur Etat qui a continué de les prendre en charge.

  3   Ainsi de Bosnie-Herzégovine, les réfugiés dans certaines situations, ces

  4   réfugiés pouvaient revenir dans leur Etat dans ce cas-là ils ne seraient

  5   plus des réfugiés en Bosnie-Herzégovine ce serait des personnes

  6   déplacées.Ce genre de cas c'est produit souvent, il y en a eu beaucoup.

  7   Un premier pas vers le retour, c'est le retour dans une région qu'on

  8   appelle région majoritaire. Nos programmes -- les programmes qu'on

  9   appliquait, j'en ai parlé il y a deux jours ou hier, je ne me souviens

 10   plus. C'étaient des programmes qui s'appelaient le plus souvent "plus près

 11   de chez soi," et je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire

 12   qu'avec le temps --

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin --

 14   R.  -- avec le temps --

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : -- votre réponse, aujourd'hui, en 2008, y a-t-il

 16   encore en Croatie des réfugiés venant de Bosnie-Herzégovine, par exemple,

 17   de la ville de Mostar qui n'ont pas pu pour des raisons X, Y ou Z revenir

 18   chez eux et qui sont encore chez vous comme réfugiés; y en a-t-il

 19   aujourd'hui ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il y en a

 21   encore plusieurs milliers, les uns comme les autres.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Aujourd'hui, donc, vous dites qu'il y en a plusieurs

 23   milliers qui sont dans cette situation.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce ne sont pas des chiffres très importants,

 25   mais pour autant que je le sache, il y a encore des gens qui ont gardé ce

 26   statut en Croatie. Encore aujourd'hui, vous avez le bureau qui a été

 27   rebaptisé, cette direction au sein du ministère mais il y a encore des gens

 28   en Croatie qui ont gardé ce statut; soit parce que la reconstruction n'a

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  1   pas été menée à son terme, soit pour une raison ou une autre, le retour

  2   n'est pas possible. Je ne connais pas les chiffres exacts, mais je sais

  3   qu'ils ne sont pas très importants. Malheureusement il y en a encore au

  4   bout de tant de temps.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Scott.

  6   M. SCOTT : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Zoric, pour terminer cette question, je souhaiterais vous

  8   référer à quelque chose que vous avez dit auparavant et vous me direz si

  9   c'est juste. En parlant des réfugiés et des personnes déplacées, à ce

 10   moment-là, les personnes qui rentraient ou qui revenaient et je regarde la

 11   page 11 022, ligne 24, vous avez dit et je cite : "Où pouvaient-ils aller ?

 12   Aux endroits détruits, aux régions qui étaient minées, qui n'ont pas été

 13   reconstruites ? Donc, il a fallu encore deux ou trois années pour essayer

 14   de reconstruire le tout. Mais il était impossible de revenir même deux ou

 15   trois ans après. Et si vous vivez en tant que réfugié ou personne déplacée

 16   pendant six ou sept ans, un très grand nombre de choses changent dans votre

 17   vie. Les enfants grandissent, vous vous habituez à habiter à un endroit,

 18   vous avez déjà quitté votre demeure et donc il vous est difficile de

 19   retourner."

 20   Est-ce que vous affirmiez cette même déclaration, est-ce que vous affirmiez

 21   ces mêmes propos ?

 22   R.  Oui, je pense que c'est un tableau très réaliste.

 23   Q.  Passons maintenant à un autre sujet. Je ne souhaiterais pas parler de

 24   l'ODPR pour lequel vous avez travaillé en Croatie, mais je souhaiterais

 25   parler d'une agence qui porte le même nom, le bureau des personnes

 26   déplacées et réfugiés qui avaient été établies en Herceg-Bosna. Pourriez-

 27   vous dire aux Juges de la Chambre, s'il vous plaît, si en tant que

 28   représentant de l'ODPR de Croatie vous est-il arrivé d'avoir des contacts

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  1   avec des homologues d'autres employés de l'ODPR de l'Herceg-Bosna ?

  2   R.  Il m'est arrivé d'avoir des contacts qu'il s'agisse de ce bureau-ci ou

  3   du bureau du gouvernement à Sarajevo ou encore qu'il s'agisse d'un bureau

  4   comparable, il s'agit d'une agence du commissariat qui fonctionnait à Banja

  5   Luka.

  6   Q.  Concernant les personnes de l'ODPR en Herceg-Bosna, pourriez-vous

  7   donner aux Juges de la Chambre les noms de personnes avec lesquelles vous

  8   avez eu des contacts ?

  9   R.  Il y a eu plusieurs personnes qui se sont relayées à la tête de ce

 10   bureau. Martin Raguz était l'un d'entre eux, je ne sais pas si c'était le

 11   premier ou le deuxième. J'ai du mal à me souvenir de cela. Le deuxième, son

 12   nom était Tadic. A Sarajevo, le monsieur qui était à la tête du bureau

 13   était Mujahin [phon] Recica. Et à Banja Luka, je sais qu'après il est allé

 14   travailler à la banque nationale de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo, Vladusic

 15   -- voilà

 16   M. Vladusic c'était ça son nom. Oui, je pense qu'il s'appelait Vladusic,

 17   quelque chose comme ça.

 18   Q.  Très bien, merci. M. Tadic, je crois que vous nous avez dit était

 19   l'autre personne qui s'occupait ensemble avec M. Martin Raguz, qui

 20   s'occupait de la région d'Herzégovine; est-il exact de dire que c'est

 21   Darinko Tadic ?

 22   R.  Oui, Darinko.

 23   Q.  Très bien. Vous étiez impliqué, n'est-ce pas, dans le processus de

 24   recrutement, mais c'est vous qui avez engagé M. Tadic et je crois que vous

 25   et M. Ciro Grubicic, un autre collègue avait engagé M. Darinko Tadic pour

 26   établir l'ODPR en Herceg-Bosna; est-ce exact ?

 27   R.  Non, ce n'est pas exact. Je n'aurais pas pu faire quelque chose de ce

 28   genre, je n'avais pas les attributions me permettant de le faire. Je n'ai

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  1   pas eu la possibilité non plus, non ce n'est pas exact.

  2   Q.  Très bien. Alors, je vais essayer de rafraîchir votre mémoire. Vous ne

  3   vous souvenez pas avoir rencontré M. Tadic à Zagreb en octobre 1992 ou

  4   autour de cette date et que vous aviez lors de cette rencontre discuter de

  5   l'établissement de l'ODPR en Herceg-

  6   Bosna ?

  7   R.  Je ne me souviens pas de cette réunion mais je sais que

  8   M. Tadic avait une organisation humanitaire à Zagreb, et par la suite,

  9   puisqu'il est originaire de ce secteur, je l'ai vu. J'ai appris par la

 10   télévision qu'il se trouvait à la tête de ce bureau.

 11   Q.  Très bien. Monsieur, vous souvenez-vous en réalité qu'après avoir

 12   rencontré ou dites-nous si vous vous rappelez d'avoir rencontré M. Tadic,

 13   après avoir rencontré M. Tadic à Zagreb, que vous vous étiez déplacé avec

 14   M. Tadic à Mostar et c'est là que vous avez rencontré Jadranko Prlic afin

 15   de procéder à la création de l'ODPR à Herceg-Bosna ?

 16   R.  Non, non, je n'ai pas fait un déplacement avec M. Tadic, ça, c'est

 17   certain. M. Prlic, il est possible que j'aie eu une conversation avec lui,

 18   à savoir qu'il est nécessaire de créer un bureau de ce type comme je

 19   l'avais déjà dit. j'avais l'intention, j'avais le souhait qu'ils se charge

 20   eux de leur travail seuls et dans ce sens, j'ai confirmé que je souhaitais

 21   aider M. Prlic ainsi que tout un chacun pour qu'ils s'organisent seuls sur

 22   le plan de l'aide humanitaire et qu'ils gèrent les affaires le concernant.

 23   Q.  Très bien. Vous nous dites Monsieur, qu'il est possible que vous ayez

 24   rencontré M. Prlic. Il est possible que vous l'ayez rencontré maintenant

 25   que vous avez pu réfléchir un peu sur le sujet, est-ce que vous êtes en

 26   train de dire aux Juges de la Chambre que vous avez en réalité rencontré

 27   Jadranko Prlic ?

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Je crois qu'il a dit j'ai pu parler, j'ai

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  1   peut-être parlé avec, non pas rencontré.

  2   M. SCOTT : [interprétation] D'accord, j'accepte votre objection.

  3   Q.  Vous dites que vous lui avez peut-être parlé. Est-ce que vous vous

  4   souvenez que vous lui aviez peut-être parlé ou si oui, est-ce que c'était à

  5   plusieurs reprises ou seulement une reprise ? --

  6   R.  J'en ai déjà parlé. Il est très difficile de me rappeler concrètement

  7   les dates. Ce n'est pas un secret de savoir que j'ai eu des conversations

  8   avec lui. Je pense que c'est tout à fait logique. Nombre d'organisations

  9   qui étaient situées hors de la Croatie se rendaient en Croatie pour nous

 10   aider. Je ne vois pas, je ne vois rien d'étrange à cela. Que je tente, ne

 11   serait-ce que par voie de conseil de les aider là-bas en Bosnie-

 12   Herzégovine. Ça aurait été étrange de ma part de ne pas vouloir les aider.

 13   Q.  Monsieur Zoric, non, je ne dis rien d'étrange sur vous aussi. Mais, en

 14   fait, je pose une question. Lorsque vous dites que ce n'est pas un secret,

 15   que vous vous étiez entretenu avec M. Prlic sur ce sujet; est-ce que vous

 16   lui avez parlé une fois, ou plusieurs

 17   fois ?

 18   R.  Je n'arrive pas à me rappeler là sur le champ. Je pense que c'était une

 19   fois ou deux fois et c'était en passant, des entretiens en passant.

 20   Q.  Est-ce que c'était au téléphone, ou bien vous êtes-vous entretenu avec

 21   M. Prlic en personne, par exemple lors d'une réunion ?

 22   R.  J'ai eu un entretien avec lui une fois, non au moins deux heures et

 23   demie car c'est la durée du trajet de Zagreb à Grac, et en hiver 1992, je

 24   l'ai conduit à Grac. Je souhaitais qu'il se familiarise avec les

 25   différentes possibilités de collecter davantage d'aide humanitaire dont il

 26   avait besoin. Il est tout à fait certain que pendant le trajet on ne s'est

 27   pas tu. On s'est parlé concrètement, et ce qu'on a évoqué, il m'est

 28   difficile de me rappeler les détails maintenant.

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  1   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quel était le but de votre

  2   déplacement avec M. Prlic, vous vous êtes rendu donc à Grac avec M. Prlic,

  3   quel était le but de ce voyage ?

  4   R.  Je souhaitais qu'il rencontre des organisations humanitaires

  5   autrichiennes. C'étaient des organisations qui avaient

  6   Acheminé de l'aide là-bas et je voulais qu'il entre en contact directement

  7   avec eux. Je voulais qu'il puisse avoir ce contact directement et recevoir

  8   de l'aide. A l'époque, nombre d'organisations et d'individus de Bosnie-

  9   Herzégovine s'étaient adressées à nous à Zagreb, ce qui constituait une

 10   charge considérable puisque nous avions nos affaires courantes, notre

 11   travail. Je pensais qu'eux devaient s'occuper de leurs affaires pour notre

 12   travail à nous de nous occuper des nôtres. Il ne fallait pas que nous on

 13   fasse leur partie du travail.

 14   Q.  Je vous arrête quelques instants. Monsieur, à cause du temps que je me

 15   rends compte que M. Prlic, selon vous, était qui -- enfin, de quelle façon

 16   s'est-il présenté à vous ? Vous avez partagé sur -- vous étiez avec lui

 17   lors de ce voyage, de ce déplacement; comment s'était-il présenté à vous ?

 18   Quelles étaient ses fonctions ? Que vous a-t-il dit ?

 19   R.  Je pense qu'il avait un poste important en Herceg-Bosna, je ne sais pas

 20   ce que c'était exactement mais c'était des fonctions importantes.

 21   Q.  Est-ce que vous avez eu d'autres conversations après ce voyage à Grac ?

 22   L'avez-vous rencontré ?

 23   R.  Très rarement. Pratiquement, je ne l'ai pas revu jusqu'à ce que

 24   j'arrive à Sarajevo. Si je l'ai vu, ça dû être sans être prévu, planifié et

 25   vraiment d'une manière très superficielle.

 26   Q.  Très bien. Et lorsque vous me dites que c'est jusqu'à ce que vous ne

 27   l'ayez vu à Sarajevo, j'imagine que c'est en connexion avec votre mission

 28   d'ambassadeur ?

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  1   R.  Oui, c'est cela. J'étais ambassadeur et lui il était ministre des

  2   Affaires étrangères.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Je crois qu'on va faire la pause, Monsieur Scott.

  4   On va faire une pause de 20 minutes.

  5   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

  6   --- L'audience est reprise à 10 heures 52.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Scott, vous avez la parole.

  8   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Q.  Passons à un autre sujet, si vous voulez bien, Monsieur le Témoin.

 10   Auparavant, revenons quelques instants sur quelques éléments de contexte

 11   personnel. Nous avons déjà compris que vous avez élu au parlement en 1993

 12   et que vous êtes resté député jusqu'en 1995; est-ce exact ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Pendant que vous étiez parlementaire, n'avez-vous pas -- outre le fait

 15   que vous étiez député, est-ce que vous n'avez pas été vice-président de la

 16   chambre des contés ?

 17   R.  C'est exact.

 18   Q.  Cette chambre des contés c'est une des deux chambres du parlement

 19   croate ?

 20   R.  Exact.

 21   Q.  Pour que tout soit clair au dossier, est-ce que c'est la chambre haut

 22   ou la chambre basse peut-être que ça ne s'applique pas

 23   du tout ? Est-ce que c'est l'assemblée nationale, le sénat -- enfin, ça ne

 24   correspond peut-être pas du tout, mais qu'est-ce que c'est ?

 25   R.  A l'époque, le parlement croate avait deux chambres et maintenant le

 26   parlement n'a qu'une chambre une fois de plus suite à une modification

 27   constitutionnelle. Laquelle des deux chambres était au-dessus de l'autre,

 28   enfin, les uns estimaient qu'ils étaient au-dessus et nous avions pensé que

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  1   nous étions au-dessus et jamais le débat ne s'est terminé.

  2   Q.  Je comprends cela, Monsieur Zoric. Nous avons toujours cette même

  3   discussion, M. Stringer et moi. Mais à l'époque - c'était en 1993 - il n'y

  4   avait -- vous dites maintenant qu'il y avait qu'une chambre, mais c'était

  5   un système Bicaméral, à l'époque; comment s'appelle l'autre chambre ?

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître.

  7   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Je pense qu'il y a une erreur de

  8   compte rendu qui modifie la signification de ce que le témoin a dit. Il

  9   s'agit de la ligne 22 à 25, le témoin a dit que jusqu'à la modification

 10   constitutionnelle, il y avait eu deux chambres et ce n'est pas suite à une

 11   modification qu'il y a eu deux chambres pour ne pas savoir laquelle était

 12   plus -- la chambre haute et la chambre basse. Et que les uns disaient que

 13   c'était eux la chambre haute et qu'ils avaient plus d'importance que

 14   l'autre. Je crois que c'est consigné de façon erronée. Donc, suite à la

 15   modification constitutionnelle, il n'y a plus eu deux chambres, la chambre

 16   de haut représentant et la chambre des régions administratives. Il y a eu

 17   juste une chambre et selon la constitution précédente il y en avait eu

 18   deux. Donc je crois que le compte rendu n'a pas bien reflété la teneur

 19   véritable de sa réponse, à savoir qu'il y a eu suite à la modification de

 20   la constitution une seule chambre.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Continuez, Monsieur Scott.

 22   M. SCOTT : [interprétation] Merci de cette précision, Maître.

 23   Q.  Nous voulons rappeler certaines choses aux fins du dossier vous étiez

 24   vice-président de la chambre des comtés, comment s'appelait l'autre chambre

 25   ? A l'époque où c'était un système bicaméral comment s'appelle l'autre

 26   chambre ?

 27   R.  Alors, il s'agit de la chambre des représentants et l'autre chambre

 28   c'est la chambre des régions administratives et je faisais partie de la

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  1   deuxième chambre.

  2   Q.  Fort bien. Et comment se fait-il que vous soyez devenu vice-président

  3   de la chambre des comtés ? Pourriez-vous le dire en quelques mot aux Juges

  4   comment est-ce qu'on est sélectionné et nommé vice-président ?

  5   R.  Ce n'est pas une nomination, il y a élection à une audience

  6   constitutive et une session constitutive. Il y a eu deux vice-présidents

  7   j'ai été l'un des deux vice-présidents. Et c'est les députés qui élisent

  8   ces deux.

  9   Q.  Bien. A l'époque où vous faisiez partie du parlement croate, est-ce que

 10   vous étiez membre du Parti socio-libéral ?

 11   R.  C'est exact.

 12   Q.  On mentionne parfois sous le sigle HSLS ?

 13   R.  -- exact.

 14   Q.  A cette époque-là, n'est-il pas exact de dire que le HSLS c'était le

 15   plus grand parti de l'opposition en Croatie, faisant partie de l'opposition

 16   au HDZ qui était le parti au pouvoir à l'époque ?

 17   R.  C'est exact.

 18   Q.  Et puis vous nous avez dit que plus tard, vous étiez devenu ambassadeur

 19   de la Croatie en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 20   R.  C'est exact aussi.

 21   Q.  Ici, il n'y a rien de sinistre ni de négatif dans ma question, mais

 22   est-ce que vous étiez l'ambassadeur de Croatie en Bosnie-Herzégovine en

 23   tant que tel, ou est-ce que vous aviez un poste qui recouvrait aussi des

 24   fonctions d'ambassadeur plutôt que d'être l'ambassadeur attitré ?

 25   R.  Je n'étais qu'ambassadeur. Je ne sais pas quelle autre fonction

 26   j'aurais pu avoir. 

 27   Q.  Fort bien. Et ce sont des fonctions que vous avez exercées pendant

 28   combien de temps ?

Page 28065

  1   R.  De quelle fonction parlez-vous, celle d'ambassadeur ?

  2   Q.  Effectivement.

  3   R.  J'ai été ambassadeur pendant un peu moins de deux ans.

  4   Q.  Pourriez-vous nous dire les dates ?

  5   R.  Janvier 1999 à novembre 2000.

  6   Q.  Merci.

  7   Eu égard à ces fonctions que vous avez exercées des fonctions très

  8   importantes, vice-président d'une chambre du parlement, ambassadeur de

  9   votre pays, chef de parti, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que,

 10   dans l'exercice de certaines de ces fonctions, vous avez compris, et vous

 11   avez vécu toute la complication que peut représenter la vie politique ?

 12   R.  Oui. J'ai essayé de vaquer à des activités politiques et ça n'allait

 13   pas très bien, et c'est la raison pour laquelle j'y ai mis un terme.

 14   Q.  Peut-être que c'est une bonne chose. Mais lorsque vous faisiez partie

 15   de la vie politique ou dans la vie en général, il est parfois possible

 16   d'avoir plusieurs programmes, plusieurs objectifs dans sa vie personnelle,

 17   privée ou publique, et quelquefois, il se peut que ces objectifs soient

 18   contradictoires disons.

 19   R.  Je ne comprends pas cette question. Que voulez-vous dire ?

 20   Q.  Je vais reformuler ma question. Est-ce que vous seriez d'accord pour

 21   dire que parfois dans la vie et dans sa vie privée ou dans la vie publique

 22   ou dans sa carrière, on peut avoir des objectifs multiples et parfois ils

 23   peuvent se trouver en conflit on essaie disons d'établir un équilibre si

 24   précaire fut-il ? En tout cas, c'est que j'essaie de faire. Je ne sais pas

 25   comment vous menez votre vie mais quelquefois, il y a une certaine

 26   compétition -- est-ce que vous n'avez jamais qu'un objectif à la fois dans

 27   votre vie ?

 28   R.  Je n'ai jamais eu qu'un seul programme ou un objectif unique. J'ai

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  1   essayé de faire de la politique ça n'a pas très bien marché, donc, je n'en

  2   ai plus fait. Je suis assez bon en affaire relativement bon et je n'ai pas

  3   voulu quitter ma profession première et je suis resté fidèle à celle-ci

  4   jusqu'à nos jours. Ce qui n'est pas chose simple mais j'y arrive je ne suis

  5   peut-être pas très bon dans une matière je suis un peu bon dans plusieurs

  6   domaines. Mais être une personnalité publique c'est une chose qui est

  7   plutôt demandant.

  8   Q.  Certain. Et je ne parle simplement de la vie politique, je l'ai dit. Je

  9   ne vous juge pas. Je ne dénigre pas le travail varié que vous avez fait.

 10   Mais ne conviendriez-vous pas avec moi quand dans les affaires, dans la

 11   vie, dans les relations, dans la politique, à tout moment on peut avoir

 12   plusieurs objectifs de stratégies multiples, et je reprends le terme en

 13   anglais "agendas" qui veut dire des programmes des objectifs qui peuvent se

 14   trouver en conflit les uns avec les autres. Bon. On veut faire le A mais on

 15   veut aussi faire le B, et quelquefois disons que c'est en conflit mais,

 16   enfin, on essaie de réconcilier ces choses qui sont un peu contradictoires

 17   en établissant le meilleur équilibre possible entre les deux ?

 18   R.  Si vous voulez parler de mes activités politiques, cela pourrait être

 19   vrai, oui. Parfois il faut faire des choses qu'on préfère ou qu'on aime

 20   mieux; des fois,M. BUDIC : [interprétation]  le parti vous demande de faire

 21   des choses que vous n'aimeriez pas faire peut-être, des fois vous devez

 22   parler ce que les -- ou dire ce que les gens souhaitent entendre de votre

 23   part et non pas ce que vous pensez. Et l'avis public, c'est passé en

 24   corrélation avec bon nombre de compromis.

 25   Q.  Je reviendrai à ce sujet dans quelques instants. Dans l'intervalle,

 26   parlant de votre engagement pour ce qui est de veiller à ce que le secours

 27   humanitaire soit fourni. Vous en avez parlé un peu pendant l'interrogatoire

 28   principal. Et je pense que vous avez dit que vous-même vous aviez emmené de

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  1   l'aide humanitaire à Tuzla; est-ce exact ?

  2   R.  Une fois, j'ai conduis moi-même, oui.

  3   Q.  Et dans le procès Tuta-Stela, on vous a demandé si l'attitude que vous

  4   aviez ou qu'avait l'ODPR en Croatie avait changé ou changeait en fonction

  5   de savoir si à un moment donné les Croates et les Musulmans étaient en

  6   situation de conflit en Bosnie-Herzégovine. Donc, on vous a demandé si ce

  7   conflit a fait que vous, personnellement, ou votre fils, avait changé de

  8   politique. Et à l'époque, vous avez répondu par la négative. Vous avez dit

  9   que votre politique, votre attitude n'avait pas changé. Que ces

 10   circonstances n'avaient eu aucune incidence sur votre attitude; est-ce

 11   exact ?

 12   R.  Je ne me souviens pas exactement de ce que j'ai dit dans ce cas

 13   concret. Ce que je sais, c'est que l'approche n'a pas été modifiée. Je ne

 14   cache pas que c'était psychologiquement grevé de difficultés.

 15   Les gens ça ne leur était pas égal, les gens qui étaient dans ce bureau,

 16   ces agents humanitaires, ce n'était que des hommes. Qui étaient exposés à

 17   des pressions. Qui avaient leurs propres émotions, la façon de comprendre

 18   leur connaissance. Il n'est guère facile de se pencher sur des gens qui ont

 19   été massacrés.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, quand vous citez l'affaire

 21   Tuto-Stela où le témoin a déposé, indiquez-nous le numéro de la page.

 22   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, j'étais sur le point de le faire,

 23   Monsieur le Président.

 24   Q.  Par soucis d'équité envers vous, je vais vous remettre ceci dans le

 25   contexte de votre audition, et je partirai de là pour élaborer.

 26   M. SCOTT : [interprétation] Il s'agit de la page 11 029, à commencer par la

 27   ligne 23.

 28   Q.  Permettez-moi de vous lire ce passage, Monsieur Zoric, l'avocat de M.

Page 28068

  1   Prlic a copie de ce compte rendu, je suis sûr que si je me trompe dans

  2   cette lecture, il va me le dire.

  3   Vous avez dit à l'époque ceci, je cite, ligne 23 : "Il arrivait qu'il y ait

  4   parfois des tentions que j'ai essayées d'apaiser. Et vous me permettez

  5   d'ajouter ceci, par rapport à la question posée dans ce procès par le

  6   Procureur, après le conflit en Bosnie-Herzégovine entre les Musulmans et

  7   les Croates, il y a eu des changements dans l'attitude que nous avons eu

  8   envers les réfugiés. Je dois le dire -- alors, on m'a demandé s'il y en

  9   avait eu. Et j'ai dit catégoriquement que non. J'ai dit que notre attitude

 10   à leur égard n'avait pas changé."

 11   Ensuite, vous dites ceci : "C'est moi qui ai mené plusieurs convois à

 12   Tuzla," avez-vous dit à l'époque. Je saute quelques lignes - Me Karnavas le

 13   verra - vous dites ceci : "Si mon attitude ou cette de quiconque d'autre

 14   avait changé, quelqu'un à Sarajevo m'en aurait voulu et ceci avec beaucoup

 15   de sérieux."

 16   Je vous demande maintenant ceci : partant de ce que je viens de lire,

 17   lorsque vous dites ceci et que si votre attitude -- votre pratique avait

 18   changé, qu'il y aurait eu à Sarajevo quelqu'un qui vous en aurait voulu,

 19   qui vous l'aurait reproché très sérieusement, qu'est-ce que vous voulez

 20   dire par là ?

 21   R.  Je suppose que je n'aurais pas obtenu d'agrément si j'avais eu une

 22   attitude discriminatoire vis-à-vis des Bosniens ou si j'avais eu une

 23   attitude hostile à l'égard de ce pays. J'ai donc été reçu, agréé -- très

 24   bien reçu d'ailleurs, et de nos jours encore je retourne volontiers vers ce

 25   pays. J'ai bien des liens, des liens multiples avec et je me sens tout à

 26   fait à l'aise dans Sarajevo.

 27   Q.  Si je comprends bien ce que vous nous dites maintenant, votre position

 28   politique ou le fait que les gens vous acceptaient ou l'attitude qu'ils

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  1   avaient envers vous, cette attitude aurait changé pour devenir disons

  2   négativement si vous aviez cessé de fournir cette aide dans cette

  3   situation, vous auriez dit, "Bon, maintenant que les Croates et les

  4   Musulmans se font la guerre, il n'y aura plus d'aide."

  5   Et si vous aviez dit cela, ça aurait changé l'attitude qu'on avait envers

  6   vous; vous ai-je bien compris ?

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  8   je pense qu'ici, on déforme les propos. Je pense que le témoin parlait --

  9   vous savez, de ceci, vous savez quand on devient ambassadeur, il y a une

 10   accréditation; et est-ce que M. Scott pourrait reformuler la question et

 11   rester fidèle aux faits et ne pas poser une question directrice ? Mais je

 12   ne pense pas que c'est ce que le témoin avait à l'esprit. Je pense que M.

 13   Scott a déformé les dires du témoin.

 14   M. SCOTT : [interprétation]

 15   Q.  C'est -- je ne veux pas déformer ni qualifier des propos, c'est pour ça

 16   que j'ai cité ce que vous aviez dit sous serment dans le procès Tuta-Stela.

 17   Je vais relire ce que vous avez dit : "Si mon attitude -- ou l'attitude de

 18   qui que ce soit à l'égard de ces réfugiés avait changé, quelqu'un à

 19   Sarajevo s'en serait plaint, m'en aurait voulu, et ceci de façon très

 20   sérieuse."

 21   Donc, vu le commentaire de Me Karnavas, je repose ma question. Quand vous

 22   dites que quelqu'un vous en aurait vraiment voulu à Sarajevo, qu'est-ce que

 23   vous vouliez dire exactement ?

 24   R.  Je pense avoir répondu à cette question. Il me semble que vous voudriez

 25   savoir si j'ai participé à ces activités humanitaires aux fins d'édifier à

 26   mon intention une image meilleure de l'opinion de Sarajevo. Je n'ai pas

 27   participé à ces activités humanitaires pour d'autres raisons si ce n'est

 28   mon option personnelle. Je n'ai pas été récompensé, je n'ai pas été payé,

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  1   j'ai eu beaucoup de problème et beaucoup de stress de ce fait.

  2   Indépendamment de cela, si j'avais été dans la même situation et si je

  3   faisais face à des personnes qui se trouvaient avoir besoin de mon aide, je

  4   les aiderais encore.

  5   Q.  Très bien. Je voudrais aborder un autre sujet et je reviendrai à celui-

  6   ci pour voir si on peut faire le lien. Je pense que nous avons entendu

  7   beaucoup de témoignages qui ne sont d'ailleurs pas contestés ici qui disent

  8   que au cours de cette période de 1992, 1993, il y avait une guerre

  9   terrible. Nous connaissons la situation horrible de Vukovar. Et vous savez

 10   qu'il y a d'ailleurs eu un procès à cet égard dans ce Tribunal. Nous savons

 11   qu'à l'époque la JNA, les Serbes occupaient environ un tiers du territoire

 12   croate. C'étaient des temps difficiles, n'est-ce pas, en Croatie, c'est le

 13   moins qu'on puisse dire ?

 14   R.  Oui. Ces temps-là c'étaient des temps durs et vous les avez fort bien

 15   décrits.

 16   Q.  Et s'agissant du cadre politique international, la Croatie voulait

 17   garder l'intégrité de ses frontières et en fait revendiquer le territoire

 18   qui était alors occupé par les Serbes, n'est-ce pas ?

 19   R.  Chaque pays, la Croatie aussi, souhaite préserver son intégrité

 20   territoriale.

 21   Q.  Serait-il exact de dire que, tout comme vous, vous vouliez préserver

 22   votre statut et d'ailleurs privilégiés, très bien reconnu pendant que vous

 23   étiez ambassadeur à Sarajevo. En ces temps difficiles, la Croatie voulait

 24   aussi préserver le bon statut dont elle bénéficiait au sein de la

 25   communauté internationale ?

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Non seulement c'est une question qui est en

 27   dehors de la portée de l'interrogatoire principal mais on demande ici un

 28   avis d'expert. Que peut-il dire à propos de la

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  1   Croatie ? Au sein de la communauté internationale, par rapport à

  2   quoi ? A quel titre ? Par rapport à la Bosnie ? Est-ce qu'on peut poser les

  3   bases à une telle question, la justifier ? Mais je ne vois pas en quoi elle

  4   est compétente surtout vu la portée de mon interrogatoire principal. M.

  5   Scott peut-il nous le dire ? Je ne veux pas faire objection.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Scott.

  7   M. SCOTT : [interprétation] Si vous ne voulez pas faire objection, ne

  8   faites pas objection.

  9   M. KARNAVAS : [aucune interprétation]

 10   M. SCOTT : [interprétation] Mais je vais répondre pour ce qui est de la

 11   justification de la question. Mais c'est pour ça que j'ai fait preuve d'une

 12   grande minute dans l'examen des questions précédentes. On a ici un haut

 13   fonctionnaire, un haut commis de l'Etat, vice président d'une des chambres

 14   du parlement. Il est ambassadeur, il est chef de parti, président de parti,

 15   j'en passe et des meilleurs. Alors, je pense que cet homme est bien placé

 16   pour savoir ce qui se passe en Croatie, si ce n'est pas lui qui pourrait le

 17   faire, peut-être des gens qui ont des postes encore plus élevés que le

 18   sien.

 19   Mais je pense que la pertinence est tout à fait immédiate et j'espère

 20   que si vous me donnez l'occasion de poser quelques questions

 21   supplémentaires, vous devez le constater.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] La question est sans doute

 23   très naïve, Monsieur Scott, mais est-ce que vous posez des questions en

 24   raison des faits auxquels vous faites référence ou plutôt pour mettre en

 25   cause la crédibilité du témoin ? 

 26   M. SCOTT : [interprétation] Non. Je parle ici du fond de l'affaire de notre

 27   procès, des questions en litige, et je veux poser des questions au témoin

 28   sur des éléments qui sont en prise directe sur les questions en litige ici.

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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce qu'on parle de 1993 [comme

  2   interprété] ?

  3   M. SCOTT : [interprétation] 1992, 1993.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Moi, j'avais l'impression qu'on parlait

  5   1993, je l'avoue.

  6   M. SCOTT : [interprétation] Mais non, non, j'ai dit pendant que la Croatie

  7   était occupée, qu'il y avait la guerre après Vukovar.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] O.K. D'accord. D'accord. D'accord. 

  9   M. SCOTT : [aucune interprétation]

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Je retire mon objection. Si c'est 1992, 1993

 11   pas de problèmes.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, précisez au témoin que c'est 1992-1993.

 13   M. SCOTT : [interprétation]

 14   Q.  Oui, Monsieur le Témoin, pour que tout soit clair, je parle de la

 15   période de 1991, 1992, 1993 et 1994, à l'époque où vous étiez parlementaire

 16   auparavant et je vous ai cité plusieurs événements il y a quelques instants

 17   et je pense qu'ils ne font pas l'objet de controverses dans ce prétoire.

 18   Nous parlions ici des circonstances auxquelles la Croatie devait faire face

 19   à l'époque.

 20   Nous n'avons plus à l'écran la question que j'avais posée avant les

 21   diverses interventions que nous venons d'avoir. Mais je vous demandais ceci

 22   : à ce moment-là précis face à ces conditions, nous étions en train

 23   d'examiner l'idée selon laquelle l'Etat de Croatie, votre gouvernement

 24   tenait à préserver le meilleur statut possible, son standing au sein de la

 25   communauté internationale ?

 26   R.  Je pense que tout gouvernement mis à part celui qui viserait une auto

 27   isolement chercherait à se faire prévaloir d'une telle situation --

 28   position. 

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, la question qui vous est posée

  2   est très politique puisque le Procureur vous demande quelle était la

  3   position du gouvernement.

  4   Or, j'ai cru comprendre que vous étiez dans l'opposition, alors, de

  5   fil en aiguille, je me demande dans l'opposition vous étiez donc opposé à

  6   Tudjman et opposé au HDZ; oui ou non ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, s'agissant de ce poste haut

  8   placé au gouvernement, je suis arrivé là du temps de la coalition. En 1991,

  9   il s'est créé un gouvernement de coalition à savoir un gouvernement d'union

 10   démocratique. Et il n'y a pas eu d'opposition parce qu'il s'agissait de la

 11   survie du pays. Par la suite, sur des questions variées, nous étions

 12   opposés aux autres sur d'autres questions, nous pouvions même être d'accord

 13   avec eux.

 14   Pour ce qui me concerne en personne, j'étais d'accord avec bon nombre de

 15   questions, mais il y avait autant de points ou de questions sur lesquelles

 16   je n'étais pas d'accord. Et dans une façon de procéder démocratique, j'ai

 17   eu l'opportunité de le faire savoir.

 18   M. SCOTT : [interprétation] Si la Chambre me le permet, excusez-moi,

 19   Monsieur le Président, je ne veux aucunement vous interrompre, mais si vous

 20   me le permettez, je voudrais aborder ce genre de questions mais si vous me

 21   le permettez j'en ai quelques autres au préalable mais j'ai effectivement

 22   l'intention d'aborder ces questions-là.

 23   Q.  Ma question qui découle de tout ceci, désolé qu'il y ait eu autant

 24   d'interventions, ce qui a peut-être interrompu la cadence que j'avais dans

 25   les questions. Vous avez dit, il y a quelques instants, ce n'est plus à

 26   l'écran maintenant, vous dites : tout pays veut bénéficier de la meilleure

 27   réputation, du meilleur standing possible. J'ai une question à ce propos à

 28   vous poser. On a beaucoup, beaucoup parlé de l'assistance fournie par la

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  1   Croatie des réfugiés, de l'envoi de secours humanitaire en Bosnie-

  2   Herzégovine où le passage de ce genre d'aide humanitaire par la Croatie, ce

  3   n'est pas, ce n'est pas contesté, je le précise. Mais vu votre

  4   participation dans la vie politique, notamment parce que vous avez été

  5   ambassadeur dans un autre pays, pourriez-vous dire aux Juges ce que -- ce

  6   qui est -- serait arrivé à la réputation internationale [imperceptible] si

  7   la communauté internationale, si on avait dit : "Voilà, c'est fini l'aide

  8   humanitaire. On accepte plus de réfugiés. On ne va pas envoyer un seul

  9   convoi humanitaire en Bosnie-Herzégovine. Plus jamais." Qu'est-ce que la

 10   réputation aurait fait subir ?

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que ce n'est pas une question

 12   qui pousse à des suppositions ?

 13   M. SCOTT : [interprétation] Non, tout homme politique expérimenté peut le

 14   penser, vous aussi, d'ailleurs en tant que Juges. C'est un homme politique,

 15   c'était un des dirigeants politiques du pays. Alors, à qui peut-on poser ce

 16   genre de questions ?

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais on lui demande de supposer ce

 18   qui se serait passé si, si, bien, pour moi c'est une supposition.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Si ce que vous pensez si c'est comme ça que

 20   vous comprenez la supposition -- l'hypothèse, je peux lui [imperceptible].

 21   Q.  Qu'est-ce que vous pensez qu'il se serait passé à votre avis ? Si la

 22   Croatie avait adopté cette position, est-ce que vous pensez que la position

 23   de la Croatie serait restée la même, c'est-à-dire de jouir d'une bonne

 24   réputation dans le monde occidental, aux Nations Unies, ou est-ce que cette

 25   communauté internationale aurait vu la Croatie de façon différente ?

 26   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si je

 27   peux maintenant soulever une objection suite à des questions posées pendant

 28   le contre-interrogatoire du Procureur puisque ce n'est pas mon témoin. Mais

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  1   en tant qu'avocat et en tant que participant à cette affaire, si ceci n'est

  2   pas un exemple pur de conjecture, que ce serait-il passé si cela s'était

  3   produit, certes, nous avons ici un homme qui a une certaine expérience sur

  4   le plan politique, mais une question purement -- ou tellement politique, si

  5   mon grand-père avait été Hongrois, je serais peut-être Hongrois mais mon

  6   grand-père était Italien, et cetera. Mais ce type de conjecture à ce

  7   niveau-là, véritablement, je ne vois pas à quoi ça mène. C'est vous qui

  8   dirigez la procédure.

  9   Je souhaitais, cependant, acter cela pour le compte rendu d'audience

 10   et nous sommes --

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il y a de la conjecture dans votre

 12   question mais votre question est tellement évidente que la réponse ne peut

 13   être qu'évidente aussi. Donc, à moins que vous ayez derrière -- en arrière

 14   plan, une autre question pour embrayer sur un sujet très particulier.

 15   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, si la Chambre partage

 16   cette opinion que la réponse est tellement évidente que cela fait partie de

 17   connaissance commune, alors, je vais demander à la Chambre d'en prendre

 18   connaissance judiciaire, et à ce moment-là, nous pouvons tous comprendre

 19   sur la base de notre expérience que le problème n'avait pas --

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : -- que c'est évident, il n'y a qu'à voir la

 21   situation aujourd'hui en Birmanie, quand il y a une catastrophe

 22   humanitaire, on voit bien que les organisations humanitaires veulent

 23   intervenir et si elles ne peuvent pas, il y a un problème. Bon, c'est

 24   tellement évident. Et là, vous posez une question où le témoin ne peut que

 25   répondre par évidence mais il serait intéressant de savoir ce qu'il va

 26   répondre. Mais l'intérêt peut être que relatif. Oui, j'ai peut-être dit la

 27   Roumanie, mais c'est la Birmanie.

 28   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je vais passer à autre

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  1   chose mais simplement pour le compte rendu d'audience, je tiens à dire que

  2   une personne qui ait tenue des postes si importants que cette personne peut

  3   certainement s'exprimer là-dessus. Il était le représentant le haut placé

  4   pour l'aide humanitaire. Il était vice-président d'une maison

  5   parlementaire. Il était l'ambassadeur dans un autre pays. Si ce témoin ne

  6   comprend pas la politique internationale et ce que peut prendre une action

  7   particulière adoptée par la République de Croatie, mais exprimé par des

  8   vues en fait.

  9   Il est certain que la Croatie a des motivations très puissantes mais

 10   il y avait également dimension politique non pas seulement une dimension

 11   humanitaire.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre

 13   permission, d'abord, la question aurait pu être posée d'une façon

 14   directrice et de cette façon elle aurait évité tous ces griefs. Mais en

 15   fait que de dire que la Croatie a signé des accords internationaux c'est

 16   certain qu'il y a des obligations. Il y aurait eu peut-être des

 17   répercussions à ce moment-là, mais je ne vois pas de quelle façon est-ce

 18   que ceci est relié à notre affaire. Je ne vois pas à moins que M. Scott

 19   nous démontre que la Croatie ne s'est pas pliée à ces obligations, eu égard

 20   aux circonstances. Voilà ce qui se trouve au cœur du sujet; sinon, il

 21   devrait passer à autre chose. Sinon, je crois que cette question est en

 22   fait spéculative. Elle demande à émettre des conjectures.

 23   Pour donner un exemple, lorsque le conseil de sécurité a pris la

 24   décision de bombarder une capitale d'Europe, effectivement, ils l'ont fait.

 25   Ils ont bombardé Belgrade, en fait, c'est spéculatif. Tout le monde s'est

 26   plaint mais, en réalité, en fin de compte, les Etats-Unis, comment ce

 27   qu'ils ont fait, ils ont fait exactement la même chose avec l'Irak. Ils ont

 28   envahi l'Irak, ils le quittent maintenant mais je ne vois pas de quelle

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  1   façon est-ce que ceci nous aide dans l'affaire en l'espèce.

  2   M. SCOTT : [interprétation] Je vais passer à un autre sujet. Je crois

  3   que vous avez qu'on -- comme M. Karnavas a dit, au cours des dernières

  4   années, j'espère que la Chambre comprend tout à fait, et de nouveau, ceci

  5   prouve notre point. En fait, je ne crois pas que les normes des Etats-Unis

  6   -- enfin, je ne crois pas que les standards des  Etats-Unis est le point de

  7   vue, la façon dont on voit les Etats-Unis, cela n'a rien -- ne lui ajoute

  8   absolument en rien que d'avoir bombardé ces pays, et cetera. Donc, je ne

  9   veux pas m'étaler plus longuement là-dessus, je vais passer à un autre

 10   sujet.

 11   Mais si vous vous attendez à ce que je défende des positions plus de

 12   mon gouvernement juste parce que je suis Américain, on fait erreur.

 13   Q.  Passons maintenant à un autre sujet, Monsieur, pour ce qui est de

 14   votre travail humanitaire, de votre travail avec les réfugiés, votre

 15   travail en tant qu'ambassadeur, est-il exact de dire que vous aviez des

 16   rapports -- de bons rapports avec le président

 17   Izetbegovic ?

 18   R.  Oui, il est exact de dire que j'avais de bonnes relations avec

 19   lui, des relations correctes.

 20   Q.  Pourriez-vous confirmer aux Juges de la Chambre si, effectivement,

 21   après la guerre, le président Tudjman avait donné au président Izetbegovic

 22   et Haris Silajdzic des félicitations les plus honorées de la Croatie ?

 23   R.  C'est exact. Le président Tudjman a décoré le président Izetbegovic

 24   ainsi que M. Silajdzic. Ils ont reçu des ordres les plus élevés qui soient

 25   en Croatie.

 26   Q.  Pour maintenant passer à un autre sujet, et c'est un sujet qui découle

 27   de votre déposition faite dans l'affaire Tuta-Stela. Vous avez dit - et je

 28   fais référence à la page 10 981, à la ligne 3 - vous avez dit : "Les

Page 28079

  1   personnes vont toujours essayer d'aller vers les centres de leurs propres

  2   républiques. Donc, il était tout à fait logique que les personnes venant

  3   des régions croates en Bosnie-Herzégovine de venir étudier à Zagreb ou à

  4   Split non pas à Sarajevo."

  5   Je saute maintenant quelques phrases - je vous re-cite à nouveau - vous

  6   dites que : "l'intérêt était dans la vie de leur propre pays, leur propre

  7   nation et non pas en leur propre république."

  8   Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?

  9   R.  Je pense que j'ai cherché à interpréter ici un fait sociologique, à

 10   savoir l'orientation de certains peuples qui ont composé l'ex-état. Et

 11   c'est un fait que de dire que la Yougoslavie était composée, donc, était

 12   fédérale, deux républiques, mais c'est un fait également que des peuples

 13   qui vivaient, il n'y a que parmi eux certains ne vivaient pas totalement

 14   dans leur république mère. La Yougoslavie s'est décomposée --

 15   Q.  Excusez-moi, je vous interromps, si vous me permettez mais je voudrais

 16   apporter une correction au compte rendu d'audience, à la page 56, ligne 2,

 17   je crois que vous voulez dire que la Yougoslavie était composée d'unités

 18   fédérales et non pas la Croatie. Je présume que vous voulez dire la

 19   Yougoslavie; est-ce que c'était un lapsus ?

 20   R.  La Yougoslavie, oui.

 21   Q.  Désolé de vous interrompre, veuillez poursuivre je vous prie.

 22   R.  Donc, ce qui a existé c'étaient des identités très prononcées, très

 23   fortes avec l'arrivée de la démocratie, ces identités se sont développées.

 24   Mais la Yougoslavie a dû se décomposer selon ces lignes de partage entre

 25   ces républiques, ces entités fédérales et c'est quelque chose qui a généré

 26   des tensions.

 27   Comme vous le savez, au départ, la Croatie a estimé qu'il fallait

 28   remodeler la Yougoslavie pour en faire une Confédération. Milosevic a

Page 28080

  1   estimé pour sa part qu'elle devait être un état unitaire; en même temps, il

  2   a estimé que s'agissant de son propre peuple que c'était le principe

  3   ethnique qui devait être appliqué, à savoir que les frontières devaient

  4   être tracées de telle sorte que dans son intégralité son peuple se retrouve

  5   embrasser au sein d'une même entité, mais s'agissant du Kosovo, là, il a

  6   évoqué le principe historique puisque, là, il a dit : "Non, c'est un

  7   principe formel, juridique."

  8   Q.  Monsieur Zoric, en fait, j'attends pour -- mais j'attends la fin

  9   de votre interprétation. Je suis navré de vous interrompre mais nous devons

 10   gagner du temps. Ma question n'était pas tellement à savoir quelle est la

 11   position de Milosevic ou d'autres hommes politiques en Yougoslavie à

 12   l'époque, mais je voulais simplement savoir au niveau d'un très grand

 13   nombre de personnes, je ne parle pas de tout le monde mais votre

 14   déclaration dans l'affaire Tuta-Stela que je vous ai lue, il y a quelques

 15   instants, il semble dire pour un très grand nombre de personnes, il y avait

 16   une très grande affinité ou un lien sort vers leur peuple et leur nation.

 17   J'emploie les deux mots que vous avez employés dans votre déposition

 18   contrairement à l'entité politique dans laquelle ils se trouvaient; est-ce

 19   que c'est exact ?

 20   R.  Oui. Il y a eu de tels groupes de tels individus, c'est exact. D'un

 21   point de vue sociologique, c'est un fait. C'est quelque chose qui est

 22   présent sur une longue durée de temps, ou des années. Il y a eu émigration

 23   des gens et ils sont allés à des endroits où ils ont estimé qu'ils auraient

 24   une meilleure vie. Ce n'était pas nécessairement le fait que ceux qui

 25   étaient résidents à un endroit, qu'ils estiment qu'ils n'ont plus d'avenir,

 26   qu'ils migrent vers les grandes villes de leur propre république. Nombre de

 27   Croates de Bosnie-Herzégovine ont toujours davantage migré vers Zagreb que

 28   vers Sarajevo. Tout simplement, c'est un fait.

Page 28081

  1   Ce que je voulais juste dire c'est que l'évolution politique n'a pu

  2   qu'accélérer cela.

  3   Q.  Très bien. Pour suivre, je souhaiterais vous ramener à quelque chose

  4   que vous avez dis dans un autre témoignage. Et il s'agit du transcript à la

  5   page 10 984, vous avez parlé, à la ligne 2, de l'identification d'une ville

  6   ou d'une capitale. Je ne vais pas vous citer directement, mais, en fait, ce

  7   que vous venez de dire -- ce que vous avez dit pour pouvoir identifier une

  8   ville comme étant la "capitale" -- "de tout à fait différent, pour un

  9   Serbe, pour un Croate et non pas Sarajevo." "Donc, lorsqu'un Bosniaque

 10   parle de Bosnie-Herzégovine, cette personne ne pense pas à la même chose

 11   que les Croates lorsqu'ils parlent de Bosnie-Herzégovine." Pourriez-vous,

 12   je vous prie, élaborer sur ce fait ?

 13   R.  Oui, c'est tout le malheur de ce pays, à savoir, toutes les personnes

 14   qui y vivent, qui en sont des pays, qui en sont partie constitutive ne

 15   perçoivent pas le pays en question de la même façon. Les uns, les autres

 16   parlent de la Bosnie-Herzégovine, mais si vous les interroger là-dessus, si

 17   vous leur demandez comment est ce pays ou comment devrait-il être aménagé.

 18   Alors, les différences sont très grandes entre eux et ces différences,

 19   comme vous le savez, ont mené à des conflits tragiques même.

 20   Je pense que les conflits de ce type qui se sont produits en Bosnie-

 21   Herzégovine, hélas, mais c'est vrai, révèlent à quel point il y a des

 22   différences dans ce pays, et c'est un petit pays, bien trop petit pour tant

 23   de différences. Et à tout moment, il a été difficile de trouver la

 24   meilleure façon de gérer ces différences, tout le monde n'a pas su les

 25   gérer et c'est la raison pour laquelle des événements si tragiques se sont

 26   produits.

 27   De toute évidence, ce pays avait besoin d'aide à la fois des pays voisins

 28   et aussi de la communauté internationale, au sens plus large. C'est bien

Page 28082

  1   que cette aide lui ait été accordée.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : -- intervenir sur les fonds de la réponse. Mais

  3   Monsieur Scott, je suis un peu étonné. Le contre-interrogatoire, comme vous

  4   le savez, n'est pas limité, la Chambre d'appel l'a dit plusieurs fois.

  5   Votre contre-interrogatoire, de mon point de vue, devrait porter sur les

  6   questions qui ont été posées par la Défense à ce témoin, et notamment sur

  7   l'objet principal qui était le statut des réfugiés, la question des

  8   déplacés, des convois humanitaires le cas échéant. Là, vous abordez à

  9   partir d'un transcript de l'affaire Tuta-Stela ce qu'il a dit, vous auriez

 10   pu à la limite faire venir ce témoin comme témoin de l'Accusation, et on

 11   part dans d'autres sujets.

 12   Vous savez que notre temps est très précieux, les sujets que vous abordez,

 13   vous pourriez peut-être les aborder avec d'autres témoins qui seront

 14   beaucoup plus près de ces sujets. Là, vous êtes en train de partir très

 15   loin, alors même que ce témoin est venu pour répondre à des questions

 16   précises sur des -- un champ très délimité. Et là, vous partez tout azimut;

 17   tout ça au prétexte qu'on vous a donné quatre heures. Moi, je dis, ce n'est

 18   pas de l'utilisation rationnelle du temps, c'est une perte de temps et je

 19   ne vois pas du tout où vous voulez aller, sauf à jouer la montre en posant

 20   des questions à partir d'un transcript. Vous avez qu'à demander l'admission

 21   du transcript.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous allons demander pour que le transcript

 23   soit versé au dossier eu égard aux questions posées. Nous n'avons

 24   absolument aucun problème à ce que les dépositions du témoin soient versées

 25   au dossier en plus de la déposition du témoin aujourd'hui.

 26   M. SCOTT : [interprétation] En fait, je n'avais pas pensé à cela avant,

 27   mais si M. Karnavas souhaite demander le versement de ceci au dossier,

 28   c'est d'accord. Mais, en fait, pour ce qui est du temps, je ne veux

Page 28083

  1   certainement pas vous faire perdre votre temps, Monsieur le Président,

  2   Messieurs les Juges, mais en même temps je souhaite dire qu'on m'a accordé

  3   quatre heures. Je ne les ai pas encore utilisées et je crois que toutes les

  4   questions sont directement pertinentes et je crois que toutes ces questions

  5   portent sur les positions, les postes tenus par ce témoin, les points de

  6   vue de ce témoin. Je crois que le témoin peut nous informer de tout ceci.

  7   Les Juges de la Chambre ont entendu un très grand nombre de

  8   dépositions au cours des dernières années relatives sur les points de vue

  9   politiques et il arrive que des témoins emploient le même mot pour dire

 10   complètement autre chose. Et lorsque j'ai relu les dépositions de ce

 11   témoin, je me suis rendu compte que le témoin nous a justement dit que

 12   lorsqu'un Bosniaque parle de Bosnie-Herzégovine et lorsqu'un Croate parle

 13   de Bosnie-Herzégovine, ce n'est pas la même chose, cela ne veut pas dire la

 14   même chose pour ces deux ressortissants. Donc, il me semble que c'est tout

 15   à fait pertinent, justement très pertinent pour l'affaire en l'espèce.

 16   Pour ce qui est de la portée, Monsieur le Président, je crois que

 17   ceci découle ou fait partie du contre-interrogatoire, fait partie de la

 18   portée du contre-interrogatoire. Et deuxièmement, je souhaiterais référer

 19   les Juges de la Chambre -- je souhaiterais attirer votre attention sur

 20   l'article 90 -- ou plutôt, un instant s'il vous plaît -- 90(H)(i) qui dit

 21   très clairement --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais lire ce que nous nous avons dit dans notre

 23   décision du 24 avril 2008, c'est à la page 7,

 24   paragraphe F. L'article 90(H)(i) du Règlement dispose que le contre-

 25   interrogatoire se limite aux points évoqués dans l'interrogatoire principal

 26   et à ce ayant trait à la crédibilité du témoin. Le même alinéa prévoit que

 27   le contre-interrogatoire porte également sur les points ayant trait à la

 28   cause de la partie procédant au contre-interrogatoire sur lesquels portent

Page 28084

  1   les déclarations du témoin. La Chambre peut demander à la partie procédant

  2   au contre-interrogatoire d'expliquer en quoi une question posée à un témoin

  3   a trait à la cause qu'elle défend. La Chambre de première instance ne

  4   permet pas que le contre-interrogatoire déborde le cadre susmentionné et

  5   pourrait rejeté toute question inappropriée ou inéquitable, de même que

  6   toute question répétitive ou dénuée de pertinence.

  7   Voilà ce qu'on a dit. Alors, moi, je vois bien que vous abordez différents

  8   sujets, mais encore convient-il de dire en répondant à la question posée

  9   lors de l'interrogatoire principal vous avez dit ça, et puis, moi, je vous

 10   demande de me dire cela, et cetera, ou bien, des questions sur la

 11   crédibilité.

 12   Il faut se cadrer par rapport à l'interrogatoire principal et pas déborder

 13   tel que j'ai l'impression. Bien. Alors, continuez. On va exercer un

 14   contrôle plus -- alors, si la Chambre fait des règles, encore faut-il qu'on

 15   les applique.

 16   M. SCOTT : [interprétation] Oui, certainement, Monsieur le Président. Le

 17   passage que vous venez de lire il y a quelques instants est, en fait, un

 18   passage que vous avez cité, qui est une citation cérale [comme interprété]

 19   de l'article 90(H)(i), et j'allais justement référer les Juges de la

 20   Chambre à cet article -- cet article qui se trouve dans les lignes

 21   directrices de la Chambre et du Règlement, et on dit : "Et lorsqu'un témoin

 22   peut donner des éléments de preuve pertinents à la partie qui contre-

 23   interroge." Je comprends tout à fait quel est le Règlement et quelles sont

 24   les lignes directrices. Et je crois que je suis tout à fait -- je m'en

 25   tiens à la portée du contre-interrogatoire, j'ai suffisamment de temps.

 26   D'accord, il est vrai que si j'avais passé des heures et des heures sur un

 27   point, je serais d'accord avec vous. Je n'ai posé que quelques questions

 28   sur le sujet jusqu'à maintenant. Je ne crois pas que c'est une perte de

Page 28085

  1   temps. Mais, en tous les cas, justement j'avais terminé ce sujet. Pour

  2   revenir au sujet que le Président de la Chambre a soulevé, étant donné que

  3   vous avez soulevé cette question, Monsieur le Président, j'espère que vous

  4   allez considérer que c'est pertinent et que c'est une question qui se

  5   trouve bien dans la portée.

  6   Q.  Alors, s'agissant du Parti libéral social, est-ce que vous étiez membre

  7   de ce parti, c'était le parti d'opposition le plus important en Croatie au

  8   cours de l'année 1993-1994, peut-être même après, je n'en sais rien, vous

  9   avez également été à l'époque vice-président de la chambre des comtés.

 10   Pourriez-vous nous dire qui était le chef du HSLS à l'époque ?

 11   R.  Je peux vous le dire. C'était M. Drazen Budisa.

 12   Q.  Et s'agissant du Parti libéral social, à l'époque -- je ne sais pas

 13   comment ceci se traduit dans votre langue mais vous aviez "reduced board"

 14   en anglais qui se traduirait en français comme "[imperceptible] réduit" ?

 15   R.  Oui, on pourrait dire qu'il y a eu un conseil de ce type-là.

 16   Q.  Il y a peut-être un meilleur terme, un meilleur mot pour le mot

 17   "board," en anglais, vous pourriez peut-être nous le dire dans votre

 18   langue, ou est-ce que c'est exactement comme ceci est appelé ?

 19   R.  On l'a appelé le "petit conseil," c'était le conseil restreint du parti

 20   et j'en étais membre.

 21   Q.  Serait-il juste de considérer ou de prendre -- est-ce que vous pensez

 22   que c'est dans les pays, d'un autre pays, quelque chose qui s'appelle le

 23   conseil exécutif ?

 24   R.  Oui, ce serait exact.

 25   Q.  A l'époque, outre le président du parti, M. Budisa et vous-même,

 26   combien y avait-il de personnes membres du petit conseil ou du conseil

 27   restreint du HSLS ?

 28   R.  Je pense dix à 15, je ne suis pas certain.

Page 28086

  1   Q.  Je souhaiterais appeler votre attention sur la pièce

  2   P 10420 du classeur. Alors, je vous répète la cote P 10420. Je vois que

  3   vous l'avez trouvée. Bien.

  4   Monsieur, est-il exact -- de nouveau, je vous pose cette question à la

  5   suite des questions posées par le Président de la Chambre : en tant que

  6   parti de l'opposition, le HSLS était opposé au président Tudjman et aux

  7   politiques du HDZ envers la Bosnie-Herzégovine; est-ce exact ?

  8   R.  A l'époque, oui, et pas seulement sur cette question. Les parties

  9   d'opposition prennent bon nombre de positions opposées.

 10   Q.  [aucune interprétation]

 11   R.  Et ce parti-là pour ce qui est celle-ci et d'autres questions c'est

 12   très vite divisé et c'est désintégré pour constituer plusieurs petits

 13   partis. Malheureusement, depuis lors il n'a plus jamais atteint le nombre

 14   de députés qui étaient le sien à l'époque. Je pense que, maintenant, il y

 15   en a deux --

 16   Q.  Permettez-moi de vous interrompre car nous n'avons pas beaucoup de

 17   temps comme vient de nous le rappeler le Président de la Chambre. Je

 18   précise pour le dossier cette pièce P 10420 c'est un article paru dans le

 19   journal britannique "The Independent," le 30 juillet 1993.

 20   Le second paragraphe du texte, voici ce qui est dit : "Le président

 21   de la Croatie, Franjo Tudjman, fait face à des pressions sans cesse plus

 22   grandes dans son pays afin que soit arrêté le soutien qu'apporte Zagreb à

 23   ces irrédentistes de Bosnie-Herzégovine aux Croates et irrédentistes pour

 24   abandonner son plan de se partager la Bosnie-Herzégovine. Mais le père

 25   fondateur de la Croatie ne vous montre pas de signe qui parlerait ou qui

 26   montrerait qu'il cède à cette pression sans cesse plus forte pour qu'il y

 27   ait un changement de politique."

 28   Alors, quelle était la pression à l'intérieur du pays dont il est question

Page 28087

  1   ici pour ce qui est de la politique adoptée par le président Tudjman à

  2   l'égard de la Bosnie ?

  3   R.  Les différents partis, les individus, les groupes exprimaient des

  4   opinions variées concernant la situation en Bosnie-Herzégovine. Et

  5   concernant les différentes propositions avancées, que cela vienne du niveau

  6   local ou que cela vienne de la communauté internationale, pour ce qui est

  7   de la façon dont il convenait d'aménager les relations dans ce pays,

  8   certains apportaient plutôt leur soutient au plan Vance-Owen, d'autres à

  9   celui de Stoltenberg, d'autres encore critiquaient l'évolution locale des

 10   événements ou de la situation, et ainsi de suite. Donc, c'était des

 11   activités plutôt mouvementées, tant du côté de la communauté

 12   internationale, qu'en Bosnie-Herzégovine et qu'en Croatie. Chacun

 13   présentait ses propres opinions. Il en allait de même pour ce qui est des

 14   partis politiques, bien entendu.

 15   Q.  Bien entendu, dans tout système politique, je pense qu'on trouve des

 16   désaccords politiques là où le désaccord est permis.

 17   Mais sautons un paragraphe pour dire ceci : "Mercredi, les dirigeants des

 18   15 partis d'opposition de Croatie unis pour la première fois pour s'opposer

 19   à l'objectif qu'avait Tudjman de diviser la Bosnie. 'La politique de la

 20   Croatie à l'égard de la Bosnie-Herzégovine a besoin d'un revirement,' dit

 21   Drazen Budisa, le chef de votre parti, le principal Parti d'opposition

 22   socio-libéral qui a tenu ces propos au journal Vecernji. 'Il n'est pas trop

 23   tard pour parvenir à un accord avec les Musulmans," est-il supposé avoir

 24   dit."

 25   M. Budisa est le chef du parti, vous faisiez partie du comité directeur de

 26   l'exécutif de ce parti; alors, pourquoi est-ce qu'il fallait un

 27   "revirement," entre guillemets, de cette politique de Croatie à l'écart de

 28   la Bosnie ?

Page 28088

  1   R.  Tout d'abord, je pense qu'ici, il s'agit d'une erreur de faits et d'une

  2   exagération. La Croatie n'a jamais compté 15 partis importants qui auraient

  3   eu 15 leaders. On peut parler de trois ou quatre partis importants à

  4   l'époque tout comme aujourd'hui.

  5   Deuxièmement, qui a-t-il de plus logique pour ce qui est d'un chef

  6   d'opposition si ce n'est de parler d'un changement. Barack Obama parle de

  7   changement, de bouleversement. Il ne demande pas un soutien, il demande un

  8   changement. Les chefs de l'opposition réclament toujours un changement --

  9   INTERVENANT NON IDENTIFIE : Excusez-moi --

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] -- par conséquent, les exigences des leaders

 11   d'opposition sont légitimes. Ça peut être plus ou moins acceptable et le

 12   travail de l'Etat, voire du chef de l'Etat consiste à se déplacer dans des

 13   cadres ou des limites précises, comme vous le savez, la communauté

 14   internationale y a participé de façon très vive.

 15   M. SCOTT : [interprétation] 

 16   Q.  -- désolé. Bien entendu, nous en avons beaucoup entendu parler. Mais ma

 17   question était précise, qu'il y ait eu 13 ou 15 partis d'opposition, ce

 18   n'était pas l'objet de ma question. Il est dit ici ceci : "La politique de

 19   la Croatie à l'égard de la Bosnie-Herzégovine a besoin d'un revirement,

 20   mais pour qu'il y ait revirement, il faut d'abord qu'il y ait une politique

 21   déjà en place qu'on peut changer. Alors, quelle était la politique d'alors

 22   adoptée par la Croatie ? Je parle de la politique à la date du 13 juillet

 23   1993 et les mois précédents. Quelle était la politique qui, de l'avis de

 24   votre parti, devait être changée du tout au tout ?

 25   R.  Comme on a pu le voir hier, en Croatie, très souvent les leaders

 26   politiques parlaient de choses dont ils ne savaient pas grand-chose ou

 27   alors de choses dont ils n'avaient pas d'informations de première main. La

 28   première délégation de ce parlement - et

Page 28089

  1   M. Budisa en a été membre - est allée à l'invitation -- ou suite à

  2   l'invitation de M. Praljak ici présent là-bas. Et comme vous le savez, ce

  3   parti sur ce type de questions et des questions similaires s'est intégré,

  4   il y a eu séparation d'opinions entre les différents représentants. Moi,

  5   j'ai eu des opinions divergentes vis-à-vis de

  6   M. Budisa. M. Budisa est vivant, est en bonne santé et vous pouvez lui

  7   poser la question de savoir ce qu'il voulait dire par là.

  8   Le fait est qu'il a connu un échec avec ce type d'opinion politique exposée

  9   de la sorte.

 10   Q.  Mais la question n'est pas de savoir si la position, adoptée alors ou

 11   aujourd'hui par M. Budisa, est couronnée de succès. La question qui se pose

 12   c'est de savoir ce qui se passait à l'époque et vous avez dit de façon très

 13   clairement à la Chambre que le HSLS était le principal parti d'opposition,

 14   qui avait à sa tête M. Budisa. Vus en étiez membre de ce parti, vous étiez

 15   vice-président à la chambre des comtés et vous étiez membre du comité

 16   exécutif de ce parti, ce qui veut dire que, lorsque ce parti HSLS se

 17   montrait critique face à la politique de la Croatie à l'égard de la Bosnie-

 18   Herzégovine, vous devez connaître cette politique.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, mais c'est un individu qui exprime son

 20   avis ici dans cet article en tant que chef du parti. Est-ce que c'est

 21   l'opinion personnelle de cette personne ou celle du parti, première chose.

 22   Deuxième chose, le témoin a dit que ce monsieur est en vie et qu'on peut le

 23   citer pour qu'il explique exactement ce qu'il voulait dire à l'époque. Mais

 24   si vous demandez à ce témoin de donner son avis sur ce qu'étaient les

 25   pensées d'un autre individu, c'est demander des conjectures.

 26   M. SCOTT : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne suis pas d'accord avec ce que vous venez de

 28   dire. Le témoin faisait partie du comité exécutif de ce parti. Il y a un

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  1   document de provenance britannique qui semble indiquer qu'il y a eu un

  2   changement politique. Alors, est-ce qu'il sait ou il ne le sait pas ?

  3   Et, Monsieur le Témoin, vous n'avez pas répondu à la question du Procureur.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, nous voulions tous en

  5   Croatie tant le parti au pouvoir que les partis d'opposition qu'on en

  6   finisse avec les conflits en Bosnie-Herzégovine et qu'il y ait

  7   normalisation de la situation. Le parti d'opposition dont je faisais partie

  8   n'était pas très satisfait de la façon dont on essaie de le faire ou de la

  9   vitesse à laquelle cela se faisait.

 10   Je crois qu'il a été question d'une déclaration ou d'entretiens qui

 11   ont eu lieu à la veille de la signature des accords de Washington, et comme

 12   vous le savez, cela a été signé par les représentants de la Croatie et de

 13   la Bosnie-Herzégovine. Il me semble que ledit accord a constitué une sorte

 14   --

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : -- à la veille des accords de Washington, cet

 16   article c'est 30 juillet 1993. Là, la date c'est 30 juillet 1993.

 17   M. SCOTT : [interprétation] Puis-je poursuivre, Monsieur le Président ?

 18   Q.  Avançons dans le temps. Si je vous demande de voir d'autres parties de

 19   l'article, vous pourrez nous aider éventuellement. Sautons plusieurs

 20   paragraphes pour en arriver à celui qui commence par les mots suivants :

 21   "D'anciens associés,"

 22   Ceux qui suivent le texte en anglais, c'est le troisième paragraphe

 23   de la deuxième page. "D'anciens associés disent que

 24   M. Tudjman est obsédé par la division de la Bosnie et répugne à abandonner

 25   aux extrémistes de l'Herzégovine parce que leur soutien financier l'a amené

 26   au pouvoir. Il rejette les propositions de l'opposition. 'Ceux qui

 27   proposent des modifications de politique cherchent à déstabiliser tant la

 28   Croatie que le parti au pouvoir.' C'est ce que dit le comité exécutif de

Page 28091

  1   cette Union démocratique croate HDZ."

  2   Alors, vous faisiez partie de ce comité exécutif, comment a-t-il réagi ce

  3   parti à l'attitude du président Tudjman ?

  4   R.  Chaque parti y compris le mien disait ce qui a un moment déterminé lui

  5   convenait le plus. La position fondamentale de la politique officielle de

  6   l'Etat en Croatie, telle que je le vois depuis la perspective qui est la

  7   nôtre actuellement, c'est de faire au plus tôt et avec le moins possible de

  8   victimes, une intégration des territoires de la République de Croatie. Et

  9   l'un des préalables fondamentaux c'était de voir la situation en Bosnie-

 10   Herzégovine se stabiliser. Alors de là à savoir si les gens qui ont pris

 11   part aux activités politiques à l'époque ont tous compris cela, j'ai du mal

 12   à vous le dire ou l'affirmer. Mais il en est ainsi en politique. Certains

 13   pensent d'une façon, d'autres pensent d'une autre façon. Et il nous

 14   appartient à nous de soupeser ce qui a constitué au final les faits.

 15   Q.  Oui, c'est tout à fait cela. Nous sautons un autre paragraphe pour

 16   arriver au dernier. J'ai plusieurs questions à vous poser sur ce

 17   paragraphe. Je le cite : "Les critiques craignent que la division de la

 18   Bosnie va faire précédent pour le démantèlement de la Croatie qui a encore

 19   ses propres litiges territoriaux qui ne sont pas réglés. Les rebelles

 20   serbes contrôlent un tiers du territoire de la république et ils veulent

 21   rejoindre leurs frères de Bosnie pour créer une Grande-Serbie. Il y a aussi

 22   beaucoup de Croates qui pensent que le soutien continue que poursuit Zagreb

 23   aux extrémistes croates en Bosnie va entraîner l'adoption de sanction

 24   internationale contre Zagreb, ce qui pourrait pratiquement fin à l'économie

 25   croate."

 26   Pourriez-vous expliquer ceci aux Juges ? Pourquoi y avait-il ces

 27   inquiétudes lorsqu'on dit : "Qu'on craignait que la division de la Bosnie

 28   fasse précédent pour le démantèlement de la Croatie de la part des Serbes."

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  1   Pourriez-vous expliquer ceci aux Juges ?

  2   R.  Comme vous le savez, à l'époque, il y avait encore un tiers de la

  3   Croatie qui était occupée, comme vous le savez aussi les Serbes qui

  4   tenaient cette partie du territoire demandaient, réclamaient un état

  5   indépendant. On sait aussi qu'une partie de la communauté internationale

  6   vers l'année 1994 avait proposé ce qu'il était convenu d'appeler le plan Z-

  7   1, alors, ce plan sous entendait en termes pratiques la création d'un état

  8   dans l'Etat croate afin que les Serbes en Croatie aient, pratiquement

  9   parlant, leur état à eux avec tout ce qui constituerait les

 10   caractéristiques d'un état, la monnaie, la police, l'armée, les frontières.

 11   On avait prévu l'obligation pour la Croatie de payer tout ça. Cela

 12   aurait constitué une Croatie en quelque sorte fédérale.

 13   Q.  Excusez-moi de devoir vous interrompre. Mais est-ce que le

 14   problème essentiel n'était pas celui-ci, de l'avis de beaucoup en Croatie à

 15   l'époque notamment des différents partis de l'opposition on s'inquiétait de

 16   voir la politique de la Croatie à l'égard de la Bosnie qu'on croyait

 17   qu'elle était en contradiction fondamentale avec ce souci de la

 18   préservation de l'intégrité territoriale de la Croatie. Parce qu'on se

 19   disait que la volonté de Tudjman de diviser la Serbie, ça voudrait dire

 20   qu'on ne pourrait pas refuser de la part des Serbes qu'ils veuillent

 21   diviser la Croatie ?

 22   R.  Dans ce cas-là, Monsieur le Procureur, je ne sais pas comment le

 23   président Tudjman aurait pu réaliser ces objectifs. La guerre c'est un

 24   grand jeu où au final tout le monde n'est pas vainqueur. La communauté

 25   internationale, très souvent en 1992, 1993, 1994, avait proposé des plans

 26   variés. L'état, et les hommes d'état dont nous sommes en train de parler

 27   ici --

 28   Q.  Je suis désolé vous ne répondez pas à ma question.

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  1   R.  Je réponds à votre question.

  2   Q.  -- tout à fait simple, ils précisent les critiques dont il est fait

  3   état ici, les critiques. Vous en faisiez partie -- votre parti faisait

  4   partie des critiques; est-ce qu'il ne pensait pas qu'il y avait une

  5   contradiction, une incohérence fondamentale entre la politique du HDZ qui

  6   voulait diviser un pays, la Bosnie, tout en refusant aux Serbes le droit de

  7   diviser la Croatie ? Si un pays peut diviser un autre pays, n'importe qui

  8   peut le faire, à votre avis ?

  9   R.  Mais la Croatie n'a pas procédé à un partage de la Bosnie-Herzégovine,

 10   de là à savoir s'il y a eu des partages à l'intérieur, oui, il y a eu des

 11   partages, et différentes façons ayant envisagé pour ce qui est du partage

 12   interne de ce pays.

 13   Q.  Monsieur, je ne veux pas parcourir la totalité de cet article une fois

 14   de plus avec vous, mais revenons au premier paragraphe que je vous ai

 15   montré, c'était le deuxième de cet

 16   article : "Le président Franjo Tudjman fait face à des pressions de plus en

 17   plus pressantes pour que Zagreb soutiennent plus les irrédentistes croates

 18   en Bosnie-Herzégovine et pour qu'ils abandonnent son plan qui est de

 19   participer à une division de la Bosnie." 

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je rappeler à

 21   tous qu'il s'agit ici d'un article écrit par un journaliste ? C'est la

 22   position que défend un journaliste. Ce journaliste, il peut penser ce qu'il

 23   veut. C'est lui qui est l'auteur de l'article, et lorsqu'il cite quelque

 24   chose au moins on sait qui parle mais ici c'est l'avis du journaliste.

 25   Alors, si M. Scott veut citer le journaliste, d'accord mais maintenant il

 26   demande au témoin d'accepter les dires du journaliste.

 27   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Permettez-moi de dire ceci. Vous

 28   avez dit Me Karnavas que c'était l'avis d'un journaliste; cependant, je

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  1   pense que c'était au paragraphe 4 déjà cité, il dit et je cite : "Mercredi,

  2   les dirigeants des 15 partis d'opposition," peut-être qu'il y en avait

  3   moins en Croatie. En tout cas, en effet, le Dr Zoric a dit qu'il n'y avait

  4   pas 15 partis d'opposition. "Les chefs étaient unis pour la première fois

  5   pour s'opposer à l'objectif qui défendait Tudjman de diviser la Bosnie." Et

  6   puis on reprend une citation : "La politique de la Croatie à l'égard de la

  7   Bosnie-Herzégovine nécessite un revirement." C'est ce qu'a dit M. Budisa --

  8   Drazen Budisa, qui est le président à l'époque du principal parti de

  9   l'opposition, le Parti socio-libéral. C'est ce qu'il a dit au quotidien.

 10   Si le témoin ne veut pas répondre à la question posée par l'Accusation, à

 11   propos d'un paragraphe cité plus tard sur lequel on a posé des questions,

 12   je voudrais demander au témoin ce que lui et son parti à l'époque

 13   pensaient. "S'opposer à l'objectif qu'avait Tudjman de diviser la Bosnie" -

 14   M. Budisa dit - "qu'il faut un revirement dans la politique de la Croatie à

 15   l'égard de la Bosnie-Herzégovine." Alors, qu'est-ce que ça voulait dire ce

 16   revirement, ce changement de cape ? Comment pouvait-il être effectué ?

 17   Voilà la question que je voulais vous poser, Monsieur Zoric.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur le Témoin, j'appuie totalement la

 19   question que je viens de poser mon collègue parce que je voulais poser la

 20   même question. On est au cœur du sujet par cet article, bien sûr, c'est un

 21   article de journaliste, mais qui semble faire des références comme l'a dit

 22   mon collègue à des hommes politiques locaux qui ont fait certaines

 23   déclarations. Donc, répondez à la question de mon collègue qui pour nous

 24   est très importante.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble, Monsieur le Président, qu'il

 26   s'agit ici -- enfin, qu'il s'agissait à l'époque du fait de voir ces

 27   propositions en provenance de Zagreb, et notamment les propositions en

 28   provenance de ce groupe de personnes invité visant à faire en sorte que les

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  1   Croates de Bosnie-Herzégovine se doivent d'établir une coopération avec les

  2   Musulmans de cette Bosnie-Herzégovine, et ce, pour ce qui est de la

  3   réorganisation de ce pays suivant des modalités différentes, différentes de

  4   celles qui étaient en circulation à l'époque.

  5   Il me semble que c'est justement l'opposition de l'époque qui s'était

  6   vivement opposée au plan avancé par la communauté internationale. A bien

  7   des reprises, ils ont souligné le fait que le plan Vance-Owen, par exemple,

  8   était très dangereux pour ce qui est de l'avenir de ce pays.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes diplomate et vous répondez de façon

 10   diplomatique. Ce texte est relatif à des problèmes de politique intérieure.

 11   Mettez de côté l'aspect international, on a l'impression, en lisant ce

 12   texte - je vais vous donner mon impression - on a l'impression qu'il y

 13   avait une ligne politique définie apparemment par plusieurs partis de la

 14   Croatie. Ça c'était une ligne politique. Et d'exit cet article avec un

 15   objectif envisagé par Tudjman qui était la partition de la Bosnie-

 16   Herzégovine.

 17   Voilà qu'apparaît, d'après l'article, des dissensions dans cette ligne

 18   définie et certains partis politiques dont, apparemment, le vôtre semble

 19   dire qu'il y a un danger de s'engager dans la voie de la partition, parce

 20   qu'il peut y avoir un effet boomerang sur la Croatie, elle-même, dont un

 21   tiers de son territoire est occupé par les Serbes, et qu'à ce moment-là, il

 22   faut changer de lignes, changer de politiques, faire un retournement de

 23   situation ce qui pourrait expliquer à ce moment-là la division politique

 24   entre cette entente entre les partis. Voilà ce que dit l'article.

 25   Alors, êtes-vous d'accord avec le fait qu'il y avait envisagé une partition

 26   de la Bosnie-Herzégovine; oui ou non ? Est-ce que c'est en raison de la

 27   présence des Serbes sur un tiers de votre territoire, que certains comme

 28   vous on dit : "Attention, il ne faut pas aller dans cette voie parce que la

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  1   voie est dangereuse." Et il faut, vis-à-vis des Croates de Bosnie-

  2   Herzégovine, avoir une autre approche. Est-ce que c'est comme cela que vous

  3   pouvez interpréter cet article ? Et est-ce que cet article restitue bien

  4   les débats internes politiques que vous avez eus entre vous ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Vous interprétez tout à

  6   fait bien cet article. Je ne peux pas toutefois vous confirmer que l'on

  7   avait envisagé le partage de la Bosnie-Herzégovine, je ne peux pas

  8   confirmer que l'on avait envisagé à titre officiel ce partage et qu'une

  9   instance officielle de notre pays l'ai dit, aucune personnalité officielle

 10   l'ait dit. Ce que je puis confirmer, c'est qu'il y a eu bon nombre de

 11   planning s'agissant des souhaits d'individus de particulier, je ne pense

 12   pas qu'il faille perdre son temps à en parler si tant est qu'il est en a eu

 13   de cela.

 14   Le fait est qu'il s'agit ici d'un article de presse, et rien que de cela.

 15   Et avec tout le respect qui est dû à tout un chacun, j'ai entendu les

 16   propos de M. le Procureur il n'est pas fier de ce que son pays est en train

 17   de faire en Iraq. Je suis certain qu'on peut trouver bon nombre d'articles

 18   dans son pays ou dans d'autres pays encore qui disent du bien, beaucoup de

 19   biens du président actuel de son pays, Et beaucoup d'articles et de

 20   journalistes disant du bien des futures présidents qui parlent de

 21   changement propre à l'opposition vis-à-vis de la politique actuelle en

 22   Amérique, donc, il s'agit d'un débat sur des options politiques ici. Ce que

 23   je puis confirmer c'est le fait qu'il n'a jamais été question ou d'activité

 24   déployée en faveur d'un partage de ce pays et nous avons considéré que les

 25   enragements internationaux, tels que proposés, et c'est exact, je le pense

 26   de nos jours encore, pourraient constituer des précédents dangereux pour ce

 27   qui est de la situation de la Croatie à l'époque.

 28   Malheureusement, de mon avis, ce pays se trouve être partagé de nos jours

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  1   encore suivant des modalités qui ne garantissent guère pour ce pays le

  2   meilleur des avenirs possibles. Des partages de ce type ne sont une bonne

  3   chose dans aucun pays et en Bosnie-Herzégovine non plus.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Permettez-moi de poser une dernière

  5   question avant la pause. Revenons à ce que disait

  6   Me Karnavas, intervention à mes yeux tout à fait justifiée, ce qui me

  7   manquait c'était disons une base permettant de poser cette question. Ces

  8   passages-ci, et surtout celui qui dit de Tudjman qu'il est obsédé par la

  9   division de la Bosnie; est-ce qu'à votre avis, c'est bien décrire la

 10   situation politique de l'époque en Croatie, ou est-ce que le journaliste a

 11   tort ?

 12   Oui, Maître Alaburic, c'est une question un peu directrice, j'en suis

 13   conscient, mais enfin la réponse reste ouverte.

 14   Mme ALABURIC : [interprétation] Je voudrais dire quelque chose, Monsieur le

 15   Juge, pour éviter tout malentendu. Peut-être existe-t-il un problème au

 16   niveau linguistique. Il se peut qu'il y ait également une façon différente

 17   de comprendre la même notion dans différentes langues. Il faut d'abord que

 18   nous tirions au clair ce que nous entendons par partage de la Bosnie. Pour

 19   commencer, nous ne savons pas ce que le journaliste entendait par cette

 20   notion-là, ce que je peux vous dire c'est que nous en Croatie nous

 21   entendions sous cette notion dans différentes circonstances nous entendions

 22   des choses différentes.

 23   Parfois on entendait un partage au sein des frontières internationalement

 24   reconnues de la Bosnie-Herzégovine pour avoir trois entités, et donc, il ne

 25   s'agissait pas d'une désintégration de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Et

 26   parfois on parlait d'un partage de l'Etat de Bosnie-Herzégovine dans le

 27   sens de la disparition de la Bosnie-Herzégovine pour ce qui est de ses

 28   frontières internationalement reconnues. Alors, si ma contribution à ces

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  1   explications pourraient être celle-là qui se trouve être tout à fait

  2   justifiée et peut-être devrions-nous nous entendre d'abord sur cela.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne suis pas très convaincu, je

  4   suis désolé, parce qu'on parle ici des dures, de la ligne dure en

  5   Herzégovine. Je crois que c'est assez clair. Mais j'aimerais que le témoin

  6   réponde à cette question parce que c'est une question qui s'avèrera de

  7   base. Il va peut-être nous dire que ce sont les sornettes que tout ceci

  8   sont des inventions. Dites, Monsieur Zoric : pourriez-vous répondre à ma

  9   question ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, volontiers, je vous répondrais à votre

 11   question. M. le président Tudjman était obsédé par la division de la

 12   Bosnie-Herzégovine au sens de découper ce pays ou de le rattacher à la

 13   Croatie. Il savait très bien quelle était la nature des relations

 14   internationales. Il savait quel était le rapport de forces sur le terrain

 15   et c'est de manière clairement définie qu'il agissait. Son objectif était

 16   précis. C'était une République de Croatie, libre sur toutes les portions de

 17   son territoire.

 18   Afin d'atteindre cet objectif, il fallait qu'il fasse preuve de patience,

 19   il fallait qu'il oppose une résistance armée et il fallait qu'il

 20   s'entretienne et qu'il négocie, il fallait aussi qu'il attaque. Et comme

 21   vous le savez, heureusement, son objectif a été atteint.

 22   Il existe beaucoup de documents, beaucoup d'accords signés par le président

 23   Tudjman. Il les a signés avec le président Izetbegovic et ces accords

 24   faisaient toujours état d'une Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat. Ces

 25   accords ont contribué à l'établissement -- au rétablissement de la paix

 26   dans ce pays entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Il y a des accords

 27   comportant différentes propositions d'aménagement intérieur évoquant

 28   différentes répartitions territoriales, des attributions, des compétences,

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  1   et cetera.

  2   Le président Tudjman, quoi qu'il en soit souhaitait que l'on préserve le

  3   caractère constitutif des Croates en Bosnie-Herzégovine. Ce caractère

  4   constitutif c'est quelque chose qu'ils avaient en vertu de la constitution

  5   de l'ancien Etat. Hélas, je pense qu'aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Et

  6   s'agissant de ces questions, les questions qui ont occupé l'opinion, et en

  7   sus de ces inquiétudes et de leurs opinions, je ne peux que réitérer que la

  8   Croatie, avec le président Tudjman à sa tête, a invité, vous le savez, les

  9   Croates de Bosnie-Herzégovine -- les a inviter à voter au référendum qui

 10   avait été organisé portant sur l'indépendance de ce pays et les Bosniens

 11   ont répondu présents.

 12   Si cet appel, lancé par le président, le fondement juridique -- la

 13   légitimité de l'accession à l'indépendance aurait été controversée, et ça

 14   c'est un premier fait qui parle à l'appui de l'indépendance de Bosnie-

 15   Herzégovine. C'est avec le président Tudjman à sa tête que la République de

 16   Croatie a été parmi les premiers à reconnaître l'indépendance de la Bosnie-

 17   Herzégovine, et la République de Croatie a été le premier Etat qui a envoyé

 18   un ambassadeur en poste dans cet Etat. Je pense que ce sont des signes

 19   clairs et reconnaissables.

 20   Nous le savons.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai cru --

 22   Monsieur Praljak, quel est le problème pour lequel vous vouliez

 23   intervenir ?

 24   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, je m'adresse à

 25   vous en tant que président. Est-ce que vous pouvez poser juste une question

 26   : cette équipe dirigeante en parlant de la division de Bosnie pensait à

 27   l'organisation interne selon le plan Vance-Owen, ou une Bosnie unitaire

 28   contrairement aux aspirations des Croates de Bosnie-Herzégovine ?

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Cette question pourrait être posée dans le

  2   cadre des questions supplémentaires. Mais, bon, je vais la reprendre à mon

  3   compte.

  4   Monsieur le Témoin, vous avez entendu ce que vient de dire M. Praljak. Vous

  5   pouvez répondre à cela ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que les deux sont possibles, que

  7   l'opposition très souvent se coalise. Il y a un éventail très large qui se

  8   constitue, certains pouvaient être opposés au plan Vance-Owen qui pouvait

  9   précéder un dénouement négatif en Croatie, et puisque nous évoquons les

 10   articles de presse, je vais me permettre d'en évoqué un où l'un des leaders

 11   que nous avons mentionné a dit qu'il pouvait envisager une Croatie

 12   fédéralisée. Et puis par la suite, il y a eu une période où on a vu

 13   apparaître que la proposition Z-4. Puis d'autres dirigeants ont rejoint ce

 14   type de déclarations. Et c'étaient des opposants du plan Vance-Owen et de

 15   toutes divisions alors qu'ils étaient favorables à une Bosnie-Herzégovine

 16   unitaire.

 17   Il y a eu une constante chez le président Tudjman de la manière dont je

 18   l'ai vu c'est le fait de préserver le caractère constitutif des Croates en

 19   Bosnie-Herzégovine sur la totalité du territoire de cet Etat. Hélas,

 20   aujourd'hui, nous n'avons pas cette solution qui a été adoptée.

 21   La question est de savoir s'ils ont ce caractère constitutif. Et puis aussi

 22   un Croate en Bosnie-Herzégovine qui vit disons à Mostar, est-ce qu'il a les

 23   mêmes droits que celui qui vit à Banja Luka ? Malheureusement, non. Et il

 24   me semble qu'il devrait avoir les mêmes droits.

 25   Cela signifiait également que ces mêmes droits devraient être accordés en

 26   Bosnie-Herzégovine à tout Serbes qu'ils vivent à Doboj ou à Capljina et

 27   aussi par analogie en tant que membre du troisième peuple constitutif, tout

 28   Bosniens devraient avoir les mêmes droits où qu'ils vivent. Aujourd'hui,

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  1   nous connaissons la situation qui est le moins satisfaisant pour les

  2   personnes qui y vivent et on témoigne de la situation tous les jours, les

  3   gens qui vivent en Bosnie-Herzégovine savent que de la façon dont le pays

  4   est aménagé et constitué aujourd'hui peut très difficilement être géré et

  5   peut avancer difficilement.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va faire la pause. Il est

  7   12 heures 30. On fait une pause de 20 minutes. Alors, comme j'ai l'œil sous

  8   la montre, nous reprendrons donc à 1 heure moins 10.

  9   --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

 10   --- L'audience est reprise à 12 heures 50.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur Scott, pouvez-vous nous dire

 12   combien de temps vous faut-il encore ?

 13   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 14   [imperceptible] circonstances, il m'est bien difficile de vous le dire il y

 15   a eu beaucoup d'interventions. Et je crois que jusqu'à maintenant, je n'ai

 16   utilisé que la moitié du temps qui m'a été alloué. On m'a accordé quatre

 17   heures. Je voudrais dire que pour la Défense ils ont employé quatre heures

 18   et 46 minutes. Et l'Accusation n'a utilisé que la moitié du temps de la

 19   Défense. Il m'est difficile de vous le dire. S'il n'y a pas d'intervention,

 20   si le témoin donne des réponses très courtes et succinctes, je pourrais

 21   terminer à 1 heure 45 aujourd'hui, mais je ne le sais pas.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Allez-y.

 23   M. SCOTT : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur Zoric, eu égard à ce qui a été dit jusqu'à maintenant, et plus

 25   particulièrement concernant l'article P 10420, et eu égard aux réponses que

 26   vous nous avons données, je voudrais vous demander, dans la grande mesure,

 27   les positions que vous avez adoptées aujourd'hui si cette position

 28   aujourd'hui est bien différente à la position que vous et votre parti aviez

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  1   en 1993 et 1994. Ce que vous nous dites aujourd'hui, est-ce exact de dire

  2   que votre position d'aujourd'hui diffère de celle que vous aviez en 1993 et

  3   1994 ?

  4   R.  Les circonstances ne sont plus les mêmes et les faits ne sont plus les

  5   mêmes donc aujourd'hui, j'ai une interprétation différente des choses, un

  6   point de vue différent.

  7   Q.  Oui, justement. Mais voyez-vous, Monsieur Zoric, vous pouvez nous le

  8   dire -- et je comprends très bien que vous nous dites : j'ai changé d'avis,

  9   mais ce qu'il faut dire aux Juges de la Chambre, et plus particulièrement

 10   en réponse à une question relative à la pièce que vous avez sous les yeux,

 11   je ne veux pas savoir quelle est votre opinion aujourd'hui; mais quelles

 12   étaient vos convictions à l'époque en juillet 1993 et les mois qui ont

 13   précédé le mois de juillet 1993. Aujourd'hui, vous nous donnez des réponses

 14   différentes, vous avez changé d'avis, vous ne nous avez pas encore dit --

 15   nous n'avons peut-être pas le temps, mais vous ne nous avez pas encore dit

 16   quelle était votre position à l'époque.

 17   Cela dit, je crois qu'il faudrait que les Juges de la Chambre soient

 18   mis au courant de la chose suivante. Donc, est-ce que exact qu'en juin

 19   1995, vous avez quitté le parti du HSLS et vous avez rejoint le parti de

 20   Tudjman du HDZ ?

 21   R.  Exact. Mais ce n'était pas en juin 1995.

 22   Q.  Quand était-ce alors ?

 23   R.  Plus tard, c'est en septembre, octobre, par là.

 24   Q.  Donc, septembre ou octobre 1995, vous avez quitté le HSLS et vous avez

 25   rejoint le parti de Franjo Tudjman le HDZ.

 26   R.  Exact.

 27   Q.  Bien. Je souhaiterais que l'on prenne maintenant la pièce P10422. Il

 28   s'agit en l'occurrence d'un article tiré de Globus, c'est une publication

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  1   croate bien connue et le 28 janvier 1994, cet article a été publié dans ce

  2   quotidien concernant un entretien avec Drazen Budisa qui était le chef de

  3   votre parti et votre supérieur à l'époque. Donc, ce même fait. De nouveau,

  4   eu égard au temps qui nous manque, nous ne pouvons pas passer en revue

  5   l'ensemble de l'article, mais je vous vous demanderais de passer

  6   directement à l'entretien. Et pour les personnes qui suivent en anglais,

  7   c'est en haut de la

  8   page 3. Et Monsieur Zoric, je vous demanderais de trouver le paragraphe qui

  9   commence par les mots : "Puisque le président Tudjman," c'est attribué à M.

 10   Budisa cet article. Donc, dites-moi lorsque vous l'aurez trouvé, s'il vous

 11   plaît; est-ce que vous

 12   l'avez ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  On y lit, je cite -- en fait, je ne vais pas donner lecture de

 15   l'ensemble du paragraphe, mais on dit : "Puisque le président Tudjman

 16   souhaite réarranger l'ancienne ex-Yougoslavie dans des circonstances qui

 17   seraient complètement différentes, il a dit à plusieurs reprises qu'il n'y

 18   avait pas de solution à la question croate sans avoir un accord avec

 19   Belgrade, que notre intérêt est de englober le territoire ethnique croate.

 20   Ceci n'a rien de mal et n'est pas étrange et au contexte historique, le

 21   signataire croate en 1939, Macek, a également à Banat en Croatie accepté

 22   cela."

 23   Donc, Monsieur, est-ce que vous ne pensez pas que cela ne fait que

 24   renforcer ce que votre partie prenait en 1993 concernant les politiques de

 25   Tudjman ? En fait, votre partie était opposée aux désirs de Tudjman, à

 26   savoir, de staminer [comme interprété] -- d'établir les frontières de la

 27   Banovina croate à l'intérieur de Bosnie-Herzégovine ?

 28   R.  Ce sont des affirmations d'un homme faisant partie de la direction de

Page 28105

  1   ce partie. Même si cet homme est le président du parti, je ne partageais

  2   pas son avis, je n'étais pas d'accord avec ses affirmations et comme on le

  3   sait, un an plus tard, nos chemins se sont séparés.

  4   Q.  Un an plus tard, d'accord, mais ce n'était pas la position de M. Budisa

  5   comme on le lit ici, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, mais en politique, il y a des mûrissements. Les causes ne sont pas

  7   toujours simples, il faut du temps. Ce type de prise de position a

  8   contribué à mon mécontentement, mais pas uniquement de ma part, je ne suis

  9   pas le seul qui ait eu des différents avec lui. Je vous ai dit que ce parti

 10   s'est fragmenté et qu'il y a eu trois petits partis qui en sont issus et

 11   parce qu'il y avait des désaccords sur des questions clés.

 12   Q.  Monsieur Zoric, je vais vous poser une question concernant M. Macek, le

 13   signataire des accords de 1939 et qui avait établi la Banovina. Au

 14   paragraphe suivant, on peut voir le nom de Dragisa - excusez ma

 15   prononciation, si je m'abuse - Cvetkovic --

 16   R.  Cvetkovic.

 17   Q.  -- pourriez-vous nous dire et expliquer aux Juges de la Chambre qui

 18   était Dragisa Cvetkovic ?

 19   R.  Je le sais parce que je suis diplômé d'histoire; autrement, je ne vois

 20   pas comment j'aurais pu en parler. Enfin, Dragisa Cvetkovic était, à ce

 21   moment-là, le chef du gouvernement du royaume de Yougoslavie, et Vladko

 22   Macek était le président du Parti paysan croate, qui était à l'époque le

 23   premier parti politique en Croatie qui bénéficiait du plus large soutient

 24   croate, non seulement en Croatie, mais également en Bosnie-Herzégovine. Et

 25   on le note dans des publications comme un paradoxe politique, et dans

 26   certaines municipalités en Serbie, il y avait aussi des gens qui votaient

 27   Macek.

 28   On sait que Cvetkovic et Macek ont signé un accord sur le réaménagement du

Page 28106

  1   royaume de Yougoslavie, cela s'est produit en 1939. Ils ont estimé que cet

  2   accord constituait une solution de ce qu'on a appelé la question nationale

  3   croate en Yougoslavie. L'évolution des événements montrera que par cet

  4   accord, il n'a pas réussi à résoudre la situation.

  5   Q.  Dans l'entretien, il y avait été question de la chose suivante, on lui

  6   demande : "Est-ce que vous pensez que Tudjman a essayé de trouver son

  7   propre Dragisa Cvetkovic, premier ministre de la Yougoslavie, cosignataire

  8   des accords de 1939 ? A-t-il essayé de le remplacer par Milosevic ?" En

  9   d'autres mots, Tudjman voulait jouer le rôle de Macek en donnant le rôle de

 10   Milosevic pour jouer Cvetkovic. Est-ce que c'est exact ? C'est la question

 11   concernant cet entretien que j'ai à vous poser.

 12   R.  Je pense que, pour la Chambre -- les Juges de la Chambre, il vaudrait

 13   mieux convoquer la personne qui a dit cela. Il ne m'appartient pas

 14   d'interpréter cette déclaration et je ne souhaite pas interpréter ce qu'il

 15   avait à l'esprit, ce qu'il voulait direction par là. Avec tous mes

 16   respects, je me suis préparé pour déposer ici au sujet des réfugiés de

 17   Bosnie-Herzégovine et l'aide que nous leur avons fournie.

 18   Q.  Ce n'est pas tout à fait exact, Monsieur, comme les Juges de cette

 19   Chambre vous ont expliqué -- vous ont expliqué quelle était l'étendue de ce

 20   contre-interrogatoire. Bien, en fait, je souhaiterais maintenant appeler

 21   votre attention sur quelques paragraphes plus bas. Budisa dit :

 22   "Aujourd'hui…" Donc, prenez la question qui suit. Budisa prend la parole de

 23   nouveau et dans ce paragraphe, il est dit - je vous dis ça eu égard aux

 24   questions qui ont été posées ce matin - il dit, je cite : "Si la politique

 25   croate continue" - et je souhaite souligner le mot "continue" à aspirer -

 26   "envers l'annexion de l'Herceg-Bosna à la Croatie, la question qui se pose,

 27   à savoir, de quelle façon nous allons récupérer nos régions occupées. Il a

 28   constamment été question des deux tiers de Croates en Bosnie-Herzégovine

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  1   qui seraient restés à l'extérieur de l'Herceg-Bosna et que ces derniers

  2   seraient égaux à tous les niveaux."

  3   Maintenant, de nouveau, c'était une question qui préoccupait vous, Budisa,

  4   et votre parti, et c'est ce qui vous opposait au président Tudjman; est-ce

  5   que c'est exact ?

  6   R.  Oui, nous n'étions pas d'accord, il y avait un différent. Nous ne

  7   pouvions pas comprendre comment est-ce que cela pouvait ne pas avoir

  8   d'incident sur la Croatie.

  9   Q.  Prenons la pièce P 10409, s'il vous plaît.

 10   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, on

 11   m'apprend qu'il y a une correction de la traduction. Donc, je crois que

 12   vous devriez avoir une copie papier devant vous.

 13   Q.  Monsieur, vous avez fait plusieurs allusions, il y a quelques instants

 14   et au cours de vos -- des réponses que vous nous avez données que vous

 15   aimeriez que l'on vous relise vos propres mots et voilà, c'est ce que je

 16   fais. Voilà un entretien que vous avez vous-même accordé le 13 mars 1994 à

 17   Vijesnik; voyez-vous cela ?

 18   R.  Oui, oui je vois.

 19   Q.  Est-ce que nous pouvons tous être d'accord pour dire que vous avez

 20   effectivement accordé un entretien à Vijesnik le 13 mars 1994 ?

 21   R.  Oui. A l'époque, j'ai accordé beaucoup d'entretiens, entre autres, à

 22   Vijesnik. A quel moment exactement, il m'est difficile de le situer.

 23   Q.  Très bien, merci. Donc, j'ai relu cet entretien plusieurs fois, il me

 24   semble que votre position -- la position de cet entretien est la suivante :

 25   que les accords de Washington et, en fait, c'est en date du 13 mars 1994,

 26   votre position à l'époque était que les accords de Washington devraient

 27   être appuyés, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui. D'après la manière dont je comprenais les choses, c'était que cet

Page 28108

  1   accord pouvait mettre fin au conflit et pouvait rapprocher les parties

  2   belligérantes pour qu'elles négocient. J'estimais que la table de

  3   négociations était meilleure que la paix

  4   -- que la guerre.

  5   Q.  Et de nouveau, Monsieur, vous êtes d'accord avec moi pour dire que les

  6   accords de Washington représentaient un virement fondamental pour ce qui

  7   est de ce qui s'est -- de la route qu'avait emprunté la politique de

  8   Tudjman à l'époque ?

  9   R.  Je ne sais pas si c'était un tournant dans sa politique. Le fait est

 10   qu'après les entretiens, après plusieurs tentatives, un accord a été passé.

 11   Et il faut toujours être deux à souhaiter un accord pour qu'il intervienne.

 12   Q.  Monsieur, au premier paragraphe, après le texte qui est dans l'encadré,

 13   le premier paragraphe qui suit se lit comme suit -- en fait, je vais

 14   aborder quelques sujets. Donc, vous dites : "'L'accord croato-musulman à

 15   Washington devrait être appuyé, mais sans euphorie,' dit Damir Zoric, le

 16   vice-président de la Chambre des comtés et membre du Comité restreint du

 17   HSLS. Zoric dit que : 'C'est peut-être vraiment une question stratégique et

 18   que c'est un tournant stratégique dans la politique croate'."

 19   Donc, je vais vous citer : "C'était un tournant stratégique par rapport à -

 20   - aux politiques de Tudjman qui étaient en place avant."

 21   R.  Oui, j'estime que ça a été un pas. Or, vous avez parlé de tournant, et

 22   ce ne sont pas -- ou de revirement, ce ne sont pas tout à fait les mêmes

 23   choses. Un pas, c'est se déplacer vers l'avant en changeant de position

 24   alors qu'un revirement peu signifier complètement autre chose. Faire un

 25   pas, ça peut signifier s'inscrire dans la continuité. Or, un revirement

 26   peut signifier abandonner une position pour en adopter une autre.

 27   Q.  Monsieur, donc, vous et votre partie espériez que ceci voulait dire que

 28   Tudjman avait abandonné la politique selon laquelle on partageait la

Page 28109

  1   Bosnie, on établissait les frontières de la

  2   Banovina ?

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Il faut d'abord établir ce fait. Je voulais

  4   lui permettre de terminer son contre-interrogatoire, mais ce n'est pas un

  5   fait qui a été établi. Il faut d'abord établir que c'était bel et bien la

  6   politique de Tujdman tel qu'il les a compris.

  7   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  8   voilà, c'est notre thèse -- notre thèse -- la thèse de l'Accusation

  9   s'appuie dessus. Je vous ai déjà montré deux articles qui sont à l'appui de

 10   cette thèse.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Les deux articles, c'est des articles qui

 12   parlent des propos -- qui rapportent des propos de quelqu'un. La personne

 13   est en vie, elle peut venir témoigner ici.

 14   C'est la théorie de l'Accusation, c'est -- c'est quelque chose que

 15   l'Accusation peut dire en tant que théorie -- peut évoquer cette théorie,

 16   mais ce n'est pas un fait.

 17   M. SCOTT : [interprétation] Je n'ai pas moi-même rédigé ce document.

 18   Q.  Monsieur, voilà, je vais vous poser la question de cette façon-ci. Je

 19   sais que la Défense n'est pas d'accord avec ce genre d'élément de preuve --

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Pourquoi

 21   est-ce que nous ne disons pas au témoin ce qu'a dit le témoin précédent

 22   lors de l'interrogatoire principal ? M. Zuzul a dit très clairement que ce

 23   n'était pas la politique de M. Tudjman, pourquoi ne dit-on pas cela au

 24   témoin ? Et ensuite, on peut dire : "Est-ce que vous êtes en désaccord avec

 25   M. Zuzul ?" Et ce n'est pas une question si j'aime ou pas, c'est une

 26   étiquette appropriée d'employée ici.

 27   M. SCOTT : [interprétation] J'imagine que M. Zoric a déjà entendu le

 28   témoignage de M. Zuzul.

Page 28110

  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Maintenant, nous sommes en train de dire que

  2   tous nos témoins fabulent. Donc, c'est très intéressant : tous les témoins

  3   de la Défense fabulent et tous les témoins de l'Accusation disent la

  4   vérité. D'abord, posez les fondements et ensuite je n'aurai pas d'objection

  5   à formuler.

  6   M. SCOTT : [interprétation] Cela fait déjà deux ans que nous sommes en

  7   train d'établir les fondements. Bien. Le prédicat est connu, mais bien.

  8   Q.  Pour employer vos propres mots, Monsieur, je vous pose la question

  9   suivante -- je cherche, un instant. A la page 3 de la traduction anglaise,

 10   je vais vous aider à trouver le passage exact. On vous demande -- et vous

 11   allez pouvoir trouver cette question sous l'intitulé : "La jeunesse de Tito

 12   fatale."

 13   "Ceci ne veut pas dire que le HSLS sera moins critique envers les

 14   autorités ? Non, ce n'est pas le cas. Nous n'avons pas critiqué le HDZ

 15   seulement à cause de leurs politiques catastrophiques envers la BiH et à

 16   l'intérieur de la BiH."

 17   Monsieur, vous pourriez peut-être nous dire ce qui était

 18   catastrophique, c'est vos propres termes. Qu'est-ce qui est catastrophique

 19   lorsqu'on parle des politiques croates qui existaient à l'intérieur de

 20   l'ABiH et vers l'ABiH -- envers l'ABiH ?

 21   R.  Je peux vous répondre indépendamment des aspects que relève la

 22   procédure. Je souhaitais également répondre à la question précédente, même

 23   si la question a été jugée hypothétique. Il n'y a aucune raison que je ne

 24   vous réponde pas.

 25   Nous avons mené des actions publiques, nous avons pris la parole --

 26   position en public et il y a eu un débat public. Et généralement, c'est

 27   suite à des télévisions -- des émissions de télévision et des articles de

 28   journaux qu'on nous jugeait. La culture politique, l'infrastructure des

Page 28111

  1   partis politiques à l'époque n'était pas développée au point qu'on ait la

  2   possibilité toujours de s'exprimer sur des points concrets. Mais, dans la

  3   compétition politique, tout un chacun souhaitait se placer au mieux et

  4   saisir l'occasion de s'emparer de tout espace de débat public possible.

  5   S'agissant de mon appréciation de cet accord, l'accord que j'ai commenté,

  6   j'ai estimé à l'époque, et j'estime encore aujourd'hui, que cet accord de

  7   Washington était un pas stratégique.

  8   Si -- ou, en fait -- non, poursuivez, excusez-moi.

  9   Q.  D'accord merci. Excusez-moi, je m'excuse de vous avoir interrompu.

 10   Revenons sur quelque chose que vous avez dit en répondant à ma question

 11   précédente. Vous dites, Monsieur, que vous vous appuyez sur les journaux,

 12   sur les émissions télévisées, et cetera, donc j'emploie le mot gouvernement

 13   mais non pas en tant que branche exécutive. Je parle du gouvernement de la

 14   Croatie en tant que tout. Vous étiez un membre très haut placé au sein de

 15   ce gouvernement. Vous étiez vice-président au parlement, membre exécutif

 16   d'un comité qui gouvernait. Donc, ne dites pas au juste que vous ne

 17   compreniez pas quelle était la politique en Croatie à l'époque. Vous saviez

 18   très bien quelles étaient les politiques de -- quelle était la politique de

 19   Tudjman et vous et votre parti, après le conseil restreint aviez décidé sur

 20   sa politique ? Vous saviez -- vous, M. Budisa et le parti, vous vous

 21   opposiez à la politique de Tudjman de partager la Bosnie, n'est-ce pas ?

 22   R.  Bien sûr, je le savais je ne vois pas comment est-ce qu'on aurait pu

 23   qualifier ce parti d'opposition s'il ne s'opposait pas. À chaque fois que

 24   vous avez un parti de l'opposition, il s'oppose à celui qui est au pouvoir.

 25   J'ai essayé de vous répondre mais vous m'interrompez. Je peux répondre à

 26   toutes les questions que vous posez voire même la question précédente avant

 27   la pause qui est restée sans réponse de ma part pour des raisons de

 28   procédure.

Page 28112

  1   Mais je n'ai aucune raison de ne pas répondre à toutes les questions

  2   voire à celle-là et je vous répondrais indépendamment de ce que disent les

  3   avocats et je peux vous répondre à la question que vous me posez, mais ne

  4   m'interrompez pas, à ce moment-là, s'il vous plaît, parce que je souhaite

  5   vous présenter une réponse raisonnée.

  6   Q.  Les Juges de la Chambre savent que nous sommes contraints par le temps,

  7   mais allez-y, dites ce que vous voulez dire.

  8   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je souhaite qu'on en

  9   termine aujourd'hui. Je suis quelqu'un qui a un travail.

 10   Je veux dire la chose suivante, pour répondre à votre question, oui, en

 11   tant que parti de l'opposition nous avons critiqué de toutes les manières

 12   possibles le parti au pouvoir ainsi que son dirigeant et certaines mesures

 13   prises par ce gouvernement. Souvent lorsque l'opposition crique le pouvoir,

 14   ce sont des critiques générales et puis on cite des exemples à l'appui.

 15   Parfois, on n'est pas d'accord avec des solutions sur le plan des cadres,

 16   du personnel, choix de personnes sur des choix législatifs, sur des

 17   attitudes qui s'opposent à des entretiens, nous parlons de Bosnie-

 18   Herzégovine, maintenant qui s'opposent à ceux qui proposent des accords, et

 19   je pense que c'est exactement ce qui s'est produit ici.

 20   Dans le discours politique, souvent on emploie des termes entendus,

 21   il y a une certaine phraséologie, et on voit ici que je me sers de cette

 22   phraséologie également.

 23   Q.  Monsieur, prenez l'entretien de nouveau, et en anglais, c'est en

 24   haut de la page 2 pour trouver la question intitulée : "Que pensez-vous de

 25   la Confédération de la Croatie et la Bosnie-Herzégovine ?"

 26   Vous dites : "La Croatie et la Bosnie-Herzégovine peuvent commencer

 27   d'avoir des rapports interétatiques que seulement lorsqu'ils deviendront

 28   souverains dans toute la région qu'ils occupaient. Les intérêts de la

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  1   Croatie sont que l'ABiH demeure un pays unique et que les Croates soient

  2   égaux à tous les autres citoyens."

  3   Maintenant, vous dites que ces questions peuvent être résolues

  4   "seulement lorsqu'ils deviendront souverains pour ce qui est de toute la

  5   région qu'ils occupent." N'est-il pas exact de dire que vous êtes en train

  6   de parler de la Bosnie-Herzégovine reconnue enfin en tant qu'état reconnu

  7   par la communauté internationale, les frontières reconnues par la

  8   communauté internationale ? Et pour vous, à ce moment-là, il sera

  9   souverain; j'emploie vos mots "dans toute cette région."

 10   R.  Oui, ce sont mes propos et je les maintiens. Je ne les ai jamais

 11   niés et je les maintiens aujourd'hui comme à l'avenir. La Bosnie-

 12   Herzégovine doit être un état souverain sur chaque portion de son

 13   territoire, la Croatie doit avoir la souveraineté sur chaque portion de son

 14   territoire tout comme d'ailleurs tout autre état qui a été reconnu sur le

 15   plan international.

 16   Quant à savoir si ces états le jour où ils ont résolu ces problèmes

 17   de base, est-ce qu'ils vont envisager de se rapprocher de coopérer, et

 18   cetera, de faire partie de nouvelles associations ou alliances sur le plan

 19   international ? Ça ne peut être que souhaitable. Mais pour adhérer à une

 20   association, tout un chacun doit être entièrement souverain sur son propre

 21   territoire.

 22   Q.  Veuillez maintenant examiner la page 4 dans la traduction en

 23   anglais et regardez la question qui vous est posée, on vous demande : "Si

 24   l'exécution ou l'application de l'accord de Washington puisse se heurter à

 25   une forte résistance dans une partie du parti au pouvoir ou dans les rangs

 26   de l'opposition." Voici ce que vous répondez, je saute le premier

 27   paragraphe même si tout le monde a le texte sous les yeux dans ce prétoire,

 28   je n'induis personne en erreur, je cite : "cependant, l'application de

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  1   cette nouvelle politique pourrait être très douloureuse en Herzégovine. La

  2   politique de l'accord croato-musulmane se fait dans la collision avec les

  3   faits, Les émotions qui règnent aujourd'hui. Par conséquent il faut veiller

  4   à ce que l'application ne soit pas en confrontation avec la réalité. On

  5   peut aussi se demander si des mêmes gens peuvent appliquer deux concepts

  6   qui sont tellement différents et qui vont de la guerre à l'alliance."

  7   J'espère que nous pourrons terminer aujourd'hui, en tout cas, en ce

  8   qui me concerne, je ne sais pas ce qu'il en est des autres; c'est pour ça

  9   que je vous renvoie au bas de la page, après une question qui demande ceci

 10   : "Est-ce que vous voulez parler de Mate Boban ?" Voici maintenant ce que

 11   vous répondez au troisième paragraphe : "De nos jours, leurs chefs

 12   politiques disent qu'il y aurait une absence de problème en Herzégovine;

 13   cependant, il y a en fait des problèmes en Herzégovine. Les gens sont un

 14   peu perdus parce qu'ils font la guerre, ils ont fait la guerre pour quelque

 15   chose, ils ont perdu des vies, des enfants, des maris, des biens, il y a eu

 16   plus de victimes qui sont tombées pendant la guerre contre les Musulmans

 17   que dans la guerre contre les Serbes. Et beaucoup se demandent aujourd'hui

 18   : Pourquoi ?"

 19   Je viens de vous citer deux passages, Monsieur Zoric; qu'est-ce que

 20   vous dites au fond ici ? Vous dites que Washington a représenté un

 21   changement fondamental. Les gens ont pensé qu'ils luttaient, bon, beaucoup

 22   d'entre eux pas tous, mais beaucoup dont les dirigeants d'Herceg-Bosna

 23   pensaient qu'ils luttaient pour une Herceg-Bosna qui allait devenir une

 24   partie de la Croatie, alors que -- maintenant, alors que Washington

 25   commençait à prendre forme, il y a eu un retournement de situation que

 26   beaucoup trouvent difficile d'accepter. Est-ce que ce n'est pas là la

 27   source de votre attitude ?

 28   R.  Non, vous n'avez pas bien interprété. Je n'ai pas dit que les

Page 28115

  1   gens se sont battus et ont péri pour quelque chose qui deviendrait la

  2   Croatie. Il y a peut-être eu des gens de ce genre, mais je pense que la

  3   signification de la participation de bon nombre de personnes à tout ceci

  4   n'avait pas pour visée une annexion à la Croatie mais pour viser la

  5   création d'une troisième unité fédérale, à savoir l'entité croate au sein

  6   de la Bosnie-Herzégovine.

  7   Comme vous devez le savoir, le concept de la Fédération c'est quelque chose

  8   de quelque peu différent. Cela ne sous-entendait pas à la création d'une

  9   troisième entité et pour bon nombre de personnes, il était difficile de

 10   l'accepter. J'ai rencontré ce genre de personnes, c'était des gens que je

 11   connaissais. Ils étaient sous l'emprise des émotions et à chaque fois il ne

 12   peut y avoir en matière de politique victoire de l'émotionnelle, il faut

 13   qu'il y ait acceptation rationnelle de solutions qui sont souvent

 14   douloureuses.

 15   Et j'ai estimé que ceci était une solution douloureuse, mais que c'était

 16   préférable à ces solutions dont on parlait à l'époque ça et là. Je n'ai

 17   jamais parlé d'annexion à la Croatie ou de je ne sais quoi de ce genre. Ces

 18   gens-là, là-bas, comme partout ailleurs avaient le droit d'exprimer leur

 19   position, avaient le droit de se battre pour leurs droits, avaient le droit

 20   d'articuler et d'exprimer des droits qui étaient les leurs. La question qui

 21   se pose c'est de savoir de quelle façon. Et d'après moi, la meilleure des

 22   façons possibles est celle de la coopération avec la communauté

 23   internationale.

 24   Q.  Merci de cette réponse. Croyez-moi, vous ne me croirez peut-être pas

 25   mais j'essaie vraiment de vous aider à terminer éventuellement votre

 26   audition aujourd'hui.

 27   Dernier sujet -- ou plutôt, dernière question, ça dépendra de vos réponses,

 28   bien entendu, il faudra peut-être une ou une autre question de suivi. Mais

Page 28116

  1   veillez vous rapporter au texte qui suit tout juste après la question.

  2   Lorsque la question vous est posée, qui est celle-ci : "Est-ce que vous

  3   voulez parler de Mate Boban ?"

  4   De parler de Mate Boban, vous répondez ceci : "Moi je parle de la

  5   jeunesse de Tito qui règne en, qui gouverne en Bosnie-Herzégovine

  6   aujourd'hui. Ceux qui ont fait de leur mieux pendant qu'ils travaillaient

  7   pour avoir l'étiquette ou le badge de travailleur de choques, ceux qui

  8   aujourd'hui dirigent le HDZ comme étant le parti du peuple des Croates en

  9   Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, c'est mon parti aussi et c'étaient des

 10   gens qui, à l'époque, venaient, amenaient avec eux même pour une interview

 11   les premiers fondateurs du HDZ. Ce sont des exécutants politiques très

 12   adroits mais ils manquent d'adresse à l'égard de leur propre peuple quand

 13   ils les chassent partout lorsqu'ils rendent fou tellement de gens en

 14   Herzégovine."

 15   Alors, maintenant, vous dites que c'était la jeunesse de Tito qui gouverne

 16   le HDZ en BiH; aujourd'hui, vous parlez de qui ?

 17   R.  Comme vous pouvez le voir, je n'ai jamais mentionné de noms concrets;

 18   par ma réponse, je voulais inciter les gens de ces régions à rechercher de

 19   nouvelles personnalités parce que, dans ces jeunes démocraties, les

 20   modifications -- les changements sont préférables plutôt que de voir les

 21   mêmes personnalités au pouvoir tout le temps. Je crois que c'était une

 22   proposition encourageante. De là, à savoir si cela était politiquement

 23   correct, c'est plus difficile à dire. Quand on parle de jeunesse à Tito

 24   dans cette région-là, ce n'était pas particulièrement acceptable. C'est la

 25   raison pour laquelle j'avais pensé que cela les inciterait à élire et à

 26   chercher de nouveaux leaders. Voilà.

 27   Q.  Mais c'est le travail qui me revient c'est pour ça que je dois vous

 28   poser les questions, même si ça vous met mal à l'aise, je peux le regretter

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  1   en mon nom personnel, mais je suis obligé de le faire. A quelles personnes

  2   pensiez-vous ? Est-ce que, si vous vous souvenez, bien entendu, est-ce que

  3   vous pourriez nous donner le nom de ces personnes auxquelles vous pensiez ?

  4   R.  Je n'avais personne de concret à l'esprit. Comme vous pouvez le voir,

  5   je vous ai répondu de façon générale. Mon intention était bel et bien celle

  6   d'inciter les gens à la réflexion et à la recherche de forces nouvelles

  7   pour être conduits par ces forces.

  8   La question du journaliste a été très explicite. Elle avait pensé à

  9   une personnalité bien déterminée. Et comme vous pouvez le voir, moi j'ai

 10   répondu par une phrase de nature générale, je n'ai cité personne au

 11   concret. Bien entendu, il y a eu certaines modifications ultérieures, il y

 12   a eu un renouveau en matière de cadres dirigeants. Il y a eu de nouvelles

 13   personnalités qui ont émergé et les anciens sont partis, et je pense que

 14   ces changements sont toujours les bienvenus.

 15   Q.  Désolé. Oui, parfois c'est vrai. Mais la question était qui vous

 16   est posée est de savoir : "Si vous pensiez à Mate Boban ?" Vous auriez pu

 17   répondre carrément par un "oui," mais vous ne l'avez pas fait. Vous ne

 18   l'avez pas fait. Vous dites, dans votre réponse : "Je parle de la jeunesse

 19   de Tito qui gouverne en BiH aujourd'hui." A la ligne suivante, vous dites :

 20   "Ce sont des gens qui aujourd'hui sont à la tête du HDZ."

 21   [imperceptible] mais allez-vous nous dire tel que vous le sachiez quand

 22   vous dites "des gens qui aujourd'hui dirigent le HDZ," vous saviez

 23   exactement de qui vous parliez. Alors, je vous en prie, dites-nous qui

 24   c'était.

 25   R.  Vous n'auriez certainement pas voté pour moi. J'ai répondu de la sorte

 26   et j'ai agi de la sorte. A l'époque, j'ai essayé de faire de la politique

 27   et je vous ai dit que ce travail-là n'allait pas très bien -- n'allait pas

 28   très fort pour moi, donc, je suis retourné faire ce que je faisais mieux

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  1   que cela. Peut-être aurais-je dû dire quelque chose de direct, je ne l'ai

  2   pas fait, et je ne peux pas maintenant répondre de façon hypothétique au

  3   sujet de ce que j'avais pensé dans le concret il y a 15 ans de cela.

  4   Q.  Ecoutez, je ne riais pas de vous, mais je riais avec vous parce que je

  5   sais que ce n'est pas toujours facile et qu'on essaie de trouver un terrain

  6   d'entente quand on peut. Bon. Je laisserai cela aux Juges d'insister s'ils

  7   le souhaitent, mais je pense que vous saviez de qui vous parliez ici, vous

  8   voulez simplement ne pas le dire, vous refusez de le dire. Est-ce que ce

  9   n'est pas cela la

 10   vérité ? Est-ce que c'est un oui ?

 11   R.  Je pense qu'il serait fort peu correct d'énumérer des noms au bout de

 12   15 ans. Je ne pense pas que cela soit considéré comme étant correctement de

 13   ma part. Ce que j'avais souhaité obtenir, je l'ai obtenu. Et si vous le

 14   souhaitez, je peux vous répondre à la question que vous avez posée et qui

 15   est restée sans réponse juste avant la pause. Vous m'avez demandé -- enfin,

 16   il y a eu une question de procédure pour objecter à la réponse et je peux

 17   vous apporter cette réponse. Et si mes souvenirs sont bons, je peux -- je

 18   dirais que vous m'aviez demandé -- enfin, si c'est important pour vous, je

 19   veux répondre; sinon, ce n'est pas grave.

 20   Q.  Je dois terminer, je laisse le soin aux Juges de décider s'ils veulent

 21   un complément d'information, les Juges vous le demanderont. Merci. En dépit

 22   des questions parfois vigoureuses que je vous ai posées, je vous remercie

 23   d'avoir répondu à cette réponse et je vous souhaite un bon retour chez

 24   vous.

 25   M. SCOTT : [interprétation] J'en ai terminé, Monsieur le Président. 

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Il nous reste 12 minutes pour les questions

 27   supplémentaires. Y a-t-il des questions supplémentaires ?

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je rebondis sur

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  1   la dernière question. Si le témoin veut passer à huis clos partiel, s'il se

  2   souvient de tels ou tels noms, il se sentira peut-être mieux, plus à l'aise

  3   pour autant qu'il ait à l'esprit certains noms précis parce que le

  4   Procureur ne lui a pas donné cette modalité. Voulez-vous passer à huis clos

  5   partiel, Monsieur le

  6   Témoin ?

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : On peut passer en audience à huis clos, si vous le

  8   voulez.?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas ce que

 10   sait qu'un huis clos.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Un huis clos, personne ne saura ce que vous allez

 12   dire, sauf ceux qui sont dans cette pièce évidemment.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous répondre : "De mortuis nihil nisi

 14   bene."

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Il faudra peut-être une traduction de ce qui

 16   a été dit.

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] On en peut rien retirer des morts.

 18   Il ne faut pas insulter une personne lorsqu'elle est décédée. Peut-être pas

 19   dire la vérité.

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Très rapidement.

 21   Nouvel interrogatoire par M. Karnavas :

 22   Q.  A la page 2 du compte rendu d'aujourd'hui, il y avait une question qui

 23   portait sur le statut des réfugiés. A un moment donné, vous avez dit qu'on

 24   avait fait un usage abusif de statut de réfugié, ce qui a donné lieu à un

 25   échange. Ce statut n'était donné que pour trois mois, après quoi il devait

 26   y avoir une présentation de la personne qui avait reçu ce statut pour faire

 27   un nouvel examen de la situation, pour faire le point. Quand vous disiez

 28   "usage abusif" ou "abus," est-ce que vous parliez des Croates, des

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  1   Musulmans, des

  2   deux ? Est-ce que vous pourriez donner un exemple à titre d'illustration de

  3   quel usage abusif s'agit-il ? N'oubliez que nous n'avons que dix minutes.

  4   R.  Je n'ai pas eu spécifiquement à l'esprit des membres d'un groupe

  5   ethnique concret. Il y a eu des uns et des autres à s'efforcer à commettre

  6   des abus. Alors, autant que faire se pouvait, nous avions visé à

  7   l'empêcher. Ce n'était pas des comportements qui l'emportaient. S'il y en a

  8   eu, nous avons cherché à empêcher cela. Il y en a eu parmi les réfugiés

  9   croates, parmi les réfugiés musulmans ou qui avaient violé les règles, qui

 10   avaient essayé d'abuser des choses, qui essayaient de se faire octroyer des

 11   choses indues. C'est à cela que je faisais référence.

 12   Q.  Merci. Le Procureur vous a posé une question, page 31, à propos du

 13   retour et vous avez dit que la sécurité était une des conditions et une

 14   autre question vous a été posée, bien entendu, et vous avez dit une autre.

 15   C'est le compte rendu d'aujourd'hui, donc, ça ne se trouve pas, Monsieur.

 16   Monsieur, ça se ne trouve pas dans les documents. C'est dans le compte

 17   rendu d'audience d'aujourd'hui.

 18   Vous avez dit, aujourd'hui, que lorsqu'on essayait de renvoyer des gens

 19   vers leur lieu d'origine, il fallait considérer les facteurs de sécurité et

 20   d'hébergement ?

 21   R.  Exact.

 22   Q.  Prenons un exemple, 1D01953, j'ai un exemplaire pour le témoin. Madame

 23   l'Huissière, pourriez-vous nous aider. Et j'ai aussi des exemplaires pour

 24   tout le monde. Ça se trouve déjà dans le système du prétoire électronique,

 25   e-court. Nous avons un exemplaire pour l'Accusation aussi et bien entendu

 26   pour les Juges.

 27   Vous avez ici un exemple, lettre datée du 7 avril 1994. Prenons la deuxième

 28   page, nous voyons la signature du document Jadranko Prlic, président du

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  1   gouvernement, lettre adressée au président du gouvernement de la République

  2   de Croatie, M. Nikica Valentic.

  3   M. Valentic était-il le chef du gouvernement à l'époque ?

  4   R.  Il était le premier ministre à l'époque.

  5   Q.  A lire la lettre, il semblerait que M. Prlic indique que pour une

  6   raison donnée, il y avait une absence de coordination et que des gens

  7   étaient renvoyés chez eux et qu'ils s'inquiétaient se disant que les

  8   endroits où on les renvoyait n'étaient pas tout à fait prêts à les

  9   accueillir.

 10   R.  Oui. Nous avons eu des situations de ce type. Certaines régions

 11   pouvaient sembler à Zagreb comme étant plus sûres, mais les gens qui

 12   étaient localement responsables étaient mieux au courant que nous. Nous

 13   nous sommes penchés sur les municipalités du point de vue de leur étendue

 14   en 1990, sur le plan territorial. Alors, s'il y a eu des changements

 15   d'intervenu au niveau territorial entre-temps, c'était autre chose et les

 16   municipalités avaient des territoires assez importants et des petites

 17   localités pouvaient être peu propices pour ce qui est des retours. Et les

 18   gens de Zagreb ne pouvaient pas forcément savoir de façon précise et

 19   connaître le moindre détail.

 20   Alors, suite à la demande de M. Prlic il s'agissait de stopper une

 21   décision de M. Rebic pour ce qui est du retour des gens en Bosnie-

 22   Herzégovine. Il indique ici qu'il bénéficie de l'appui de personnes du

 23   gouvernement de Sarajevo et de l'appui des personnalités à Mostar

 24   également.

 25   Q.  Il suffit de dire ceci, il semble à la lecture de cette lettre que tout

 26   du moins, pour ce qui est de la Croatie, il y a peut-être eu quelques

 27   erreurs. En d'autres termes, on pourrait penser que ces zones ne présentent

 28   pas de problèmes de sécurité, qu'il y a un absence de coordination; est-ce

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  1   exact ?

  2   R.  Il pouvait y avoir de l'un et de l'autre. Il y a eu des régions qui

  3   étaient peu sûres, et Zagreb ne le savait forcément pas. Donc, cela

  4   signifiait qu'il y avait mauvaise coordination, mauvaise information et

  5   manque de concertation. Il y a eu de ce type de situation ou des situations

  6   de ce type, avant et après. Et chacune de ces décisions étaient sujettes à

  7   révision et il y a eu des rectifications de tirs, si on ne pouvait pas

  8   procéder au retour ou du moins pas au retour de tout le monde, la décision

  9   était stoppée, ils restaient là où ils étaient et on attendait une

 10   opportunité meilleure. Il me semble que c'est ici un cas de ce genre,

 11   justement.

 12   Q.  Bien. Vous n'êtes pas juriste, c'est cela, n'est-ce pas ?

 13   R.  Non, et je m'en félicite.

 14   Q.  Parfait.

 15   On va poser quelques questions assez pressantes sur la question des

 16   réfugiés, notamment vous avez donné quelques réponses. Et pendant la pause,

 17   j'ai discuté avec M. Prlic. Il m'a dit que sa famille, sa femme plus

 18   précisément, qui est originaire de l'Herzégovine, est allée en Croatie et a

 19   obtenu la nationalité. Mais que parallèlement, en raison des conditions de

 20   l'époque, a aussi pu bénéficier du statut de réfugié, ce qui était

 21   important. Si ne serait-ce que pour les soins de santé.

 22   Est-ce que à votre connaissance c'était une possibilité ? Savez-vous

 23   comment était formulée la loi ? Essayons d'en parler en quelques mots, car

 24   j'ai d'autres questions à vous poser.

 25   R.  Je ne suis pas au courant de ce type de situation, non.

 26   Q.  On vous a posé des questions sur la politique de Tudjman qui aurait été

 27   de se répartir la Bosnie-Herzégovine et dans le procès Tuta-Stela, vous

 28   avez indiqué que ceci avait été largement mentionné dans une déclaration

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  1   aux représentants des Nations Unies à Sarajevo, le général Klein -- Jacques

  2   Klein, à savoir que Izetbegovic avait offert l'Herzégovine à Tudjman et que

  3   Tudjman aurait refusé cet offre. Est-ce que vous vous souvenez de cette

  4   partie-là de votre audition ?

  5   R.  Oui, je m'en souviens de cette partie et je me souviens également des

  6   déclarations faites par le général Klein. Je m'en souviens de ces

  7   déclarations, oui.

  8   Q.  Vous avez ajouté - je veux être juste ici - que dans la presse, on a

  9   dit qu'Izetbegovic ne niait pas cela, mais qu'il disait qu'il interprétait

 10   cela "comme étant une décision tactique pour impliquer davantage la Croatie

 11   dans un espèce de jeu ou tout du moins à mes [imperceptible], elle ne

 12   pourrait jamais libérer ses propres territoires occupés notamment à Vukovar

 13   et à Knin, parce que d'autres principes se seraient appliqués," et je lis

 14   dans le compte rendu révisé, pas celui utilisé par l'Accusation, mais il

 15   s'agissait des pages 11 080 à 11 081.

 16   Est-ce que vous maintenez vos dires ? Est-ce que vous avez dit vous être

 17   souvenu qu'Izetbegovic dans la presse donnait son approbation, disait que

 18   c'était une décision tactique destinée à appliquer davantage la Croatie,

 19   c'est-à-dire qu'on essayait d'appâter Tudjman et que, s'il avait mordu à

 20   l'hameçon, ceci aurait pu être utilisé pour des raisons tactiques par

 21   Izetbegovic ?

 22   R.  Ceci montre qu'il n'y a pas que le métier de juriste qui est difficile,

 23   il y en a un autre l'homme politique a un métier difficile, ce sont deux

 24   tâches très exigeantes et c'est la raison pour laquelle je ne vaque à

 25   aucune d'entre elles. Je me suis entretenu avec M. Izetbegovic à plusieurs

 26   reprises dans ses bureaux à Sarajevo.

 27   Et pour autant que les circonstances me l'aient permis, nous nous sommes

 28   également penchés sur des questions politiques. Ma conclusion était

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  1   justement celle que vous venez d'énoncer. Mais en matière politique c'est

  2   ainsi que les choses se passent. Chacun s'efforçait de réaliser ses

  3   objectifs et se servait de moyens variés pour y aboutir. Mon impression

  4   c'est que M. Izetbegovic avait signé tout ce qu'on lui mettait sous le nez

  5   pour qu'il y ait d'autres opportunités qui s'offriraient à lui. Il a signé

  6   une fois avec Boban puis ensuite il a tout de suite signé avec Karadzic, et

  7   cetera, et cetera, il a signé pour une confédération puis une fédération

  8   avec la Croatie, puis il a renoncé. Donc il a signé plein de choses.

  9   Son objectif était la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine.

 10   Q.  Une dernière question à ce propos en ce qui concerne Tudjman, en effet

 11   nous voulons être sûr d'avoir parfaitement compris. Vous avez dit que

 12   c'était un gouvernement de coalition, avec plusieurs factions, un

 13   gouvernement d'unité nationale. A l'époque, n'est-il pas vrai que Tudjman

 14   avait beaucoup d'acteurs qui chacun avait leurs programmes, certains

 15   pensant qu'il faudrait avoir la frontière à la Drina, c'est-à-dire que

 16   toute la Bosnie-Herzégovine était englobée; d'autres disaient qu'elle

 17   devait s'arrêter à la Banovina. D'autres encore qui avaient toutes sortes

 18   de variantes et qu'ici Tudjman essaie de concilier les uns et les autres

 19   pour parvenir à son propre objectif qui est une Croatie indépendante dans

 20   ces frontières qui est reconnue ? Un commentaire ?

 21   R.  Je pense que vous l'avez bien jugé. Je ne pense pas que ces groupes qui

 22   avaient parlé d'une Grande-Croatie jusqu'à la Drina étaient des groupes

 23   importants il y a même eu des gens. Il y avait de des têtes brûlées qui

 24   faisaient ce type de déclaration, probablement pas dans l'entourage

 25   immédiat du président Tudjman, mais il y avait beaucoup de gens autour de

 26   lui. Il s'efforçait de tirer le maximum de tout un chacun pour ce qui est

 27   des éléments qui conduisaient vers son objectif tant sur le plan intérieur

 28   que sur le plan international, avec bien sûr une représentation très

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  1   importante de cette communauté internationale et je crois que dans un

  2   éventail assez grand sur un diapason d'année fort important, il a réussi à

  3   accomplir, à réaliser son objectif.

  4   Certains voulaient que les choses se fassent plus vite, certaines personnes

  5   pensaient que cela aurait terminé en l'espace de quelques semaines, de

  6   quelques mois, de façon évidente il a mieux jaugé les choses il savait qui

  7   il y avait derrière telle ou telle autre chose et je crois qu'il a réalisé

  8   son objectif. C'était un travail plutôt dure mais il a réussi.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, il faut terminer, parce que --

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

 11   Président.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Je voulais faire un commentaire à propos du

 14   témoin suivant mais je pourrais le faire par courrier électronique.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 16   Alors, Monsieur le Témoin, je vous remercie. Nous avons été pressés

 17   par le temps. Je remercie toutes les parties d'avoir fait en sorte que

 18   votre témoignage se terminer maintenant. Vous nous avez indiqué que vous

 19   aviez d'autres occupations ce que je comprends très bien. En tout cas, la

 20   Chambre va vous souhaiter un bon retour dans vos activités.

 21   Oui, Maître Karnavas.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Je voulais remercier le témoin, aussi, au

 23   nom de nous tous, car je n'avais pas eu l'occasion de le faire, j'avais

 24   oublié, mais merci d'être venu, Monsieur le Témoin.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, l'audience est donc levée. La semaine

 26   prochaine, nous avons un autre témoin dans les mêmes conditions que

 27   précédemment. Voilà. Donc, je crois que c'est le

 28   Dr Rebic qui vient, quatre heures pour --

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  1   M. KARNAVAS : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Ah, non, nous on a dit quatre.

  3   Bien. Voilà. Donc, nous nous retrouverons la semaine prochaine, nous sommes

  4   d'après-midi à 14 heures 15, lundi.

  5   --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le lundi 19 mai 2008,

  6   à 14 heures 15.

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