Page 29695
1 Le lundi 23 juin 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 21.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,
7 s'il vous plaît.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit
9 de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.
11 En ce lundi, 23 juin 2008, je salue M. le Témoin qui est resté
12 pendant le week-end afin que nous puissions continuer l'audience, et je
13 l'en remercie.
14 Je salue MM. les accusés, Mmes et MM. les avocats ainsi que tous les
15 représentants du bureau du Procureur et les personnes qui nous assistent.
16 Nous avons pris notre audience avec 15 minutes de retard parce que
17 dans la Chambre Gotovina, il y a eu un problème de procédure au dernier
18 moment, qui a fait que ce problème de procédure a pris 15 minutes. De ce
19 fait, nous avons donc pris notre audience avec 15 minutes de retard.
20 Je rappelle une fois de plus que lorsqu'il y a des problèmes
21 administratifs ou de procédures, il faut les soulever en début d'audience,
22 et pas au dernier moment, pour éviter ce type de problèmes.
23 Alors, je sais que Me Karnavas a un problème à soulever, et je lui
24 donne la parole.
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
26 les Juges. Je salue toutes les personnes dans le prétoire et à l'extérieur
27 également. Je ne souhaiterais pas revenir trop longuement sur les affaires
28 fédérales, mais nous avons reçu de nouveaux documents de l'Accusation,
Page 29696
1 documents que l'Accusation souhaite présenter cet après-midi au témoin.
2 Nous les avons reçus alors que nous étions déjà dans le prétoire.
3 Je ne vois pas pourquoi ces documents n'auraient pas pu nous être
4 communiqués dans le courant de la matinée, soit sous forme électronique,
5 soit sous forme papier. Nous avons des assistants qui auraient pu venir
6 récupérer ces documents, mais j'ai l'impression qu'il y a eu un acte de
7 sabotage. Je reçois là un jeu de documents que je n'ai pas eu l'occasion de
8 lire car j'ai passé beaucoup de temps à lire tous les documents de
9 l'Accusation, les trois classeurs. Donc je lis ces documents, et je
10 souhaite être préparé du mieux que possible. Je sais que les contraintes
11 sont très difficiles pour eux comme pour nous, mais dans la mesure du
12 possible, il serait bon d'éviter ce genre de problèmes ou en tout cas de
13 nous informer qu'il y aura de nouveaux documents, et s'ils existent sous
14 forme électronique, ce serait bon de nous les communiquer. Je veux
15 simplement être prêt.
16 Puis nous avons reçu un document supplémentaire; il n'est pas rédigé
17 en anglais. Je ne pense pas que tout le document sera évoqué, mais si
18 l'Accusation se sert simplement d'une ou deux pages de ce document, il
19 serait bon que ce passage soit traduit, de façon à ce que les gens comme
20 moi qui ne lisent pas ou ne parlent pas le B/C/S puissent se rendre bien
21 compte de ce qui va être présenté au témoin, et moi, je peux faire des
22 recherches pour les questions complémentaires.
23 Merci.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, vous pouvez répondre ?
25 M. SCOTT : [interprétation] En quelques mots, Monsieur le Président. Tout
26 d'abord, les documents qui ont été communiqués n'étaient pas si volumineux
27 que ça. Mais il est vrai, comme l'a dit Me Karnavas, qu'on n'a pas fourni
28 d'explications suffisantes. Nous avons retrouvé pendant le week-end
Page 29697
1 quelques pages qui avaient été omises. Donc, il s'agit d'un complément
2 d'information. L'équipe a préféré, plutôt que de communiquer des pages
3 volantes, d'inclure les nouvelles pages dans les pages communiquées. En
4 fait, il s'agissait d'une ou deux pages manquantes qui ont été rajoutées,
5 mais le reste demeure identique.
6 Pour ce qui est des documents qui n'ont pas été traduits -- enfin, du
7 document, nous l'avons trouvé, nous n'avons pas eu l'occasion de le
8 traduire encore. J'espérais que la traduction soit disponible avant le
9 début de l'audience, mais ce n'était pas possible. Il n'y a que quelques
10 passages de ce document que j'ai demandé à faire traduire en B/C/S, et donc
11 la traduction sera réalisée.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, à la suite de ce témoin est prévu
13 donc M. Zarko Primorac. Vous avez prévu dans la liste 65 ter trois heures,
14 et puis nous avons appris que vous aviez besoin de quatre heures.
15 Manifestement, si vous avez besoin de quatre heures, on ne pourra pas
16 terminer dans la semaine avec M. Primorac, ce qui fait que l'intéressé sera
17 obligé de rester jusqu'à la semaine prochaine. Est-ce que vous avez
18 vraiment besoin de quatre heures ou vous pouvez ramener à trois heures
19 comme vous l'aviez prévu ? Je sais qu'il y a 67 documents.
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
21 nous avons passé beaucoup de temps pendant ce week-end à nous occuper de ce
22 témoin. Je ne veux pas prendre d'engagement, mais je pense que ce serait
23 possible en trois heures. Alors j'espère terminer avec ces dépositions
24 d'ici la fin de la semaine, c'est mon intention. Je sais que nous
25 commençons un peu tard aujourd'hui, mais je vais demander à la Chambre de
26 garder les questions de procédures au minimum. Bon, bien entendu, c'est
27 souvent moi qui en parle. Donc, nous pourrions terminer cette semaine.
28 Merci.
Page 29698
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors Monsieur Scott, d'après les calculs du
2 Greffier, il reste quatre heures, 16 minutes. Vous avez la parole.
3 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,
4 Messieurs les Juges, bonjour à toutes les personnes présentes dans le
5 prétoire et à l'extérieur de celui-ci.
6 LE TÉMOIN : MILE AKMADZIC [Reprise]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 Contre-interrogatoire par M. Scott : [Suite]
9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Akmadzic. J'espère que votre séjour
10 a été assez plaisant à La Haye, jusqu'à présent.
11 R. J'ai lu les documents que vous m'avez donnés.
12 M. SCOTT : [interprétation] Pourrait-on remettre au témoin la pièce --
13 alors, c'est une pièce qui a été communiquée il y a quelques instants,
14 donc. C'est la pièce 10509. Ce document, effectivement, n'a pas encore été
15 traduit, mais je demanderais l'aide des interprètes en ce qui concerne
16 plusieurs passages de ce document. Là encore, je regrette qu'il n'y ait pas
17 de traduction disponible, mais ce n'était pas possible dans les délais
18 impartis. Il s'agit d'un document que nous avons examiné à la fin de la
19 semaine dernière.
20 Q. Monsieur, vous avez ce document sous les yeux. Vous avez l'intégralité
21 de ce document. Dans la version publiée au journal officiel, et ce document
22 est rédigé en croate, ou en B/C/S comme on dit ici, il s'agit du règlement
23 intérieur de la présidence de Bosnie-Herzégovine, telle qu'elle existait à
24 l'époque ou durant la période couverte par l'acte d'accusation, fin 1992,
25 début 1993. J'appellerai votre attention sur certains passages dans un
26 instant, mais veuillez parcourir ce document rapidement afin de confirmer
27 qu'il s'agit bien du règlement intérieur de la présidence.
28 R. Je n'ai aucune raison de douter de la chose. Je ne me suis pas penché
Page 29699
1 sur le règlement de procédure pour ce qui est de ce journal officiel. Je
2 l'ai vu imprimé au niveau de la présidence. Mais lorsque vous m'aurez posé
3 des questions, je saurai identifier le sujet et vous répondre. J'imagine
4 que c'est bien le règlement dont il est question, en effet.
5 Q. Merci beaucoup. Pour vous aider et pour aider toutes les personnes
6 présentes dans le prétoire, j'ai joint à la fin du document, en B/C/S
7 seulement, certes, les passages pertinents, agrandis, qui sont plus faciles
8 à lire. Je demanderai l'aide des interprètes pour ce qui est des passages
9 en question. Alors vous pouvez soit examiner le journal officiel soit
10 examiner les extraits agrandis. Tout d'abord, l'article 8.
11 Est-ce que vous l'avez trouvé ?
12 On m'a dit que le document a été communiqué à la cabine B/C/S. Est-ce
13 que nous pourrions avoir une traduction en anglais de ce document ou de ce
14 passage, s'il vous plaît.
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ne serait-il pas plus simple de
16 demander au témoin de lire ?
17 M. SCOTT : [interprétation] Dans mon expérience, on a essayé les deux, on
18 peut faire comme cela également.
19 Q. Monsieur le Témoin, veuillez donner lecture de l'article 8, ainsi nous
20 aurons une traduction de ce passage.
21 R. Avant que je ne lise cet article, je dirais qu'indépendamment du fait
22 de l'avoir identifié, ce règlement, le premier règlement, le vrai règlement
23 de la présidence de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine a été
24 rédigé le 20 ou le 23 décembre 1990. Je ne me souviens pas, indépendamment
25 du fait que j'aie été là-bas, qu'il y ait eu modification du règlement
26 régissant notre fonctionnement. Je vais donc donner lecture de ce que vous
27 avez demandé comme article.
28 "Les dispositions de ce règlement sont à appliquer à tout point de vue" --
Page 29700
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29701
1 Q. Veuillez lire lentement, s'il vous plaît, puisque vos propos seront
2 interprétés.
3 R. "Les dispositions de ce règlement sont à appliquer à tout point de vue
4 sur les activités de la présidence, même en cas de guerre ou de danger de
5 guerre imminent."
6 Q. Article 10. Pourriez-vous donner lecture de l'article 10, s'il vous
7 plaît.
8 R. L'article 10 a un intitulé qui se lit comme suit : "Exercice des droits
9 et des devoirs des membres de la présidence. Les membres de la présidence
10 ont le droit et le devoir d'assister aux sessions de la présidence et aux
11 sessions des organes de travail de la présidence dont ils sont membres,
12 ainsi qu'à participer à leurs activités et à la prise des décisions."
13 Alinéa 2 : "Au cas où un membre de la présidence serait empêché d'assister
14 à une session ou pour des raisons déterminées soit tenu pendant les travaux
15 de quitter la session, il est tenu d'en informer en temps utile, il est
16 tenu d'en informer en temps utile le président, voire le secrétaire général
17 de la présidence."
18 Alinéa 3 : "Dans l'exercice de leurs fonctions, les membres de la
19 présidence peuvent prendre part aussi aux activités des organes de travail
20 de la présidence dont ils ne sont pas membres sans droit de prise de
21 décisions."
22 Et deuxième page, alinéa 4 : "Au cas où un membre de la présidence serait
23 absent de la session, il est tenu de prendre connaissance des questions
24 dont il sera débattu et voté et d'informer de ses positions le président de
25 la présidence."
26 Et on a fini avec l'article 10.
27 Q. Merci beaucoup. Pourriez-vous maintenant vous pencher sur l'article 14.
28 Pourriez-vous également en donner lecture.
Page 29702
1 R. L'article 14 : "Un membre de la présidence, qui prend part au nom de la
2 présidence aux activités de certains organes, organisations et communautés,
3 est tenu de se conformer à ses propres attributions ou positions prises et
4 aux lignes directrices adoptées par la présidence tout comme d'informer la
5 présidence des décisions et positions prises par lesdits organes ou
6 organisations et communautés pour l'essentiel."
7 Alinéa 2 : "Lorsque nécessaire, un membre de la présidence peut proposer
8 une prise de position par les soins de la présidence sur la question dont
9 il est débattu au sein des organes, organisations et communautés qui feront
10 l'objet de sa participation, de la participation de ce membre de la
11 présidence."
12 Je viens de vous en donner lecture.
13 Q. Merci. Pour ce qui est du premier alinéa de l'article 14, est-ce qu'il
14 faut comprendre que lorsqu'on est membre d'un parti politique ou d'une
15 organisation politique et en même temps membre de la présidence, le premier
16 devoir de cette personne c'est de s'acquitter de ses fonctions en tant que
17 membre de la présidence ?
18 R. On a dit clairement qu'un membre de la présidence pourrait être présent
19 aux sessions des organes de la présidence, aux sessions des autres
20 organisations et communautés, ils peuvent participer aux débats, à
21 l'occasion donc de ces sessions d'organes et d'organisations, et s'agissant
22 des positions qui auraient été prises, il est tenu d'en informer la
23 présidence. Il est mentionné le président, voire la présidence, donc c'est
24 l'intéressé qui informe l'institution dont il fait partie.
25 Q. Vous avez en partie répondu à ma question, mais je vous avais également
26 posé une autre question. Nous ne voyons presque plus le premier alinéa de
27 cet article, mais si je lis cet alinéa, j'ai l'impression que cette
28 personne, si elle est impliquée dans d'autres organisations, d'autres
Page 29703
1 entités, ses responsabilités sont "d'agir conformément aux pouvoirs,
2 positions et directives donnés par la présidence"; c'est bien cela ?
3 R. Oui, s'il est désigné par cette présidence et s'il intervient là-bas au
4 nom de la présidence, comme on le dit de façon tout à fait claire dans cet
5 article. Donc il n'intervient pas en son nom personnel, il intervient au
6 nom de la présidence.
7 Q. Vous nous avez lu également le deuxième alinéa où il est dit qu'il lui
8 faut d'abord s'acquitter de ses responsabilités à l'égard de la présidence,
9 mais également informé la présidence des autres activités entreprises par
10 la personne en question; c'est bien cela ?
11 R. Un membre de la présidence peut proposer à la présidence. On dit "peut
12 proposer" à la présidence de prendre position sur telle question, donc il
13 n'y a pas d'obligation.
14 Q. Pourriez-vous maintenant vous intéresser à l'article 19, nous en avons
15 longuement parlé. Je pense qu'il est bon que la Chambre ait l'article en
16 question sous les yeux. Est-ce que cette disposition prévoit que le
17 président de la présidence est élu pour un mandat d'un an et peut effectuer
18 deux mandats consécutifs ?
19 R. Si vous voulez, je peux vous donner lecture du premier alinéa de cet
20 article 19. Etes-vous d'accord ?
21 Q. Oui, allez-y.
22 R. "Le président de la présidence est élu par cette présidence parmi ses
23 propres membres, pour une année. Il peut être réélu une fois de plus, une
24 fois encore de plus à ces fonctions de façon consécutive."
25 Alinéa 2 : "Pour ce qui est de la façon dont se prononceront sur l'élection
26 du président de la présidence, il y a prononcé par majorité de votes des
27 membres de la présidence."
28 Si vous voulez, je peux vous expliquer cet article ?
Page 29704
1 Q. Soyez bref, s'il vous plaît, car comme vous le savez le temps est
2 précieux, mais allez-y.
3 R. Je dirais d'abord que le président est élu par la présidence. Cela ne
4 fait pas l'ombre d'un doute ici. Alors on ne dit pas s'il sera voté en
5 public ou par scrutin secret. C'est la présidence qui en décide. Ce qui est
6 important c'est que le président est élu pour une année et il ne peut être
7 réélu qu'une seule fois pour une autre année consécutive.
8 Q. Vous avez indiqué il y a un instant que la décision se prenait à la
9 majorité; c'est bien ça ?
10 R. C'est exact.
11 Q. La semaine dernière, vous vous souviendrez peut-être que vous avez dit
12 qu'en général au sein de la présidence, les décisions étaient prises à la
13 majorité. Pouvez-vous nous le confirmer de nouveau ?
14 R. Oui.
15 Q. S'agissant de ce règlement, comme vous l'avez expliqué la semaine
16 dernière et comme vous l'avez confirmé aujourd'hui, ce mandat d'un an qui
17 pouvait être renouvelé, cela ne découlait pas de la constitution de la
18 Bosnie-Herzégovine mais du règlement de la présidence, n'est-ce pas ?
19 R. Le règlement régissant les activités de la présidence n'est pas
20 contraire à la constitution, sans quoi il n'aurait pas été adopté.
21 Q. Compte tenu de ce que nous avons dit tout à l'heure, même si les
22 décisions de la présidence étaient prises à la majorité, est-ce que ces
23 règlements de procédure pouvaient être également modifiés à la majorité par
24 les membres de la présidence ?
25 R. Je ne sais pas comment se lit le dernier des articles, il se peut que
26 dans le dernier article il soit précisé de quelle façon cela est
27 modifiable.
28 Q. Parlez-nous de votre expérience, vous avez passé plusieurs années au
Page 29705
1 sein de cette entité, est-ce qu'il n'est pas exact de dire que l'on pouvait
2 modifier ce règlement en prenant une décision à la majorité ?
3 R. Oui.
4 Q. Pourriez-vous maintenant --
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Scott, nous
6 avons entendu à maintes reprises le terme "majorité". Dans mon système, et
7 de façon générale, on fait la distinction entre deux types de majorité, la
8 majorité relative ou simple, et la majorité absolue. Pour ce qui est de la
9 majorité absolue, cela signifie que tous les membres d'une entité doivent
10 voter dans le même sens pour qu'une décision soit adoptée. Une majorité
11 qualifiée signifie que les personnes présentes au moment où le vote a eu
12 lieu sont comptées et plus de la moitié doivent voter en faveur de la
13 proposition.
14 Alors lorsque vous utilisez le terme "majorité", est-ce que vous
15 avez à l'esprit une majorité absolue ou une majorité qualifiée ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ce règlement, et ça fait une quinzaine
17 d'années que je ne l'ai pas lu, je n'arrive pas à me souvenir du tout. Mais
18 quand on dit "majorité", cela sous-entend quatre votes, d'un. De deux, dans
19 notre pays où il y avait trois peuples en présence, il ne convient pas
20 d'oublier qu'il y a trois peuples représentés au niveau de la présidence,
21 et il y a eu en vigueur un principe de concertation et d'harmonisation.
22 Parce qu'au cas où un peuple sur les trois serait contre, il y aurait une
23 procédure d'harmonisation. Il y aurait donc une majorité en faveur d'une
24 décision, mais il fallait satisfaire à l'autre principe. Cela n'est pas
25 indiqué dans ce règlement mais c'était la pratique. Nous savions
26 parfaitement bien quelles étaient les relations qui étaient les nôtres, qui
27 étaient plus que sensibles dans une communauté pluriethnique et la chose
28 était considérée comme étant normale.
Page 29706
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29707
1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie de votre réponse,
2 mais je dois dire que je n'ai pas bien compris ce que vous attendiez par
3 harmonisation.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a des négociations ou des pourparlers à
5 part pour déterminer sur quoi il y a des accords afin d'aboutir à une prise
6 de décision par majorité.
7 M. KARNAVAS : [interprétation] Peut-être que le témoin pourrait lire les
8 articles 45 et 46, ce serait peut-être utile, me dit-on.
9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Auriez-vous l'obligeance de bien
10 vouloir faire cela ? Je ne vois pas de raisons pour lesquelles vous ne
11 pourriez pas le faire.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Au chapitre 5 il est question des modalités de
13 prise de décisions. Et l'article 45 se lit comme suit :
14 "La présidence décide partant de positions concertées au niveau de ses
15 membres. L'harmonisation des positions constitue le principe fondamental de
16 la prise des décisions au sein de la présidence."
17 Alinéa numéro 2 : "Au cas où il n'y aurait pas accord sur une question, la
18 présidence décide de cette question par vote. Les décisions sont prises par
19 majorité de votes de la totalité des membres de la présidence."
20 Alinéa 3 : "Lorsque l'on examine des questions relatives à l'égalité en
21 droit des nations et des minorités nationales, qui en tant que telles
22 seront déterminées par la nouvelle constitution de la République de Bosnie-
23 Herzégovine, la présidence décide par consensus."
24 Fin de l'article 45. Vous voulez que je donne lecture tout de suite
25 de l'article 46 ?
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous en prie.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Article 46 : "La présidence décide avec au
28 moins cinq votes de membres de la présidence."
Page 29708
1 Alinéa 1 : "Détermine la proposition relative à la modification de la
2 constitution de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine.
3 "Deuxièmement, promulgue les lois par décret.
4 "Troisièmement, se penche sur les questions relatives à la mise en œuvre
5 d'une politique telle que déterminée dans le domaine de la Défense
6 populaire généralisée de la sécurité de l'Etat, de l'autoprotection sociale
7 et de la coopération internationale, et propose au Parlement de la RS de
8 Bosnie-Herzégovine la prise des mesures indispensables visant à la mise en
9 œuvre de ladite politique.
10 "Quatrièmement, définit le plan de la défense de la République, et à ce
11 sujet fournit les lignes directrices nécessaires conformément à la loi.
12 "Cinquièmement, en conformité avec les positions et propositions émanant du
13 Parlement de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine, procède à
14 l'examen des questions relatives à la participation de la République
15 socialiste de Bosnie-Herzégovine quant à la définition et réalisation de la
16 politique étrangère de la République socialiste fédérative de Yougoslavie
17 relative à la coopération de la république avec les autres républiques
18 concernant la mise en œuvre de cette coopération internationale dans le
19 cadre de la politique étrangère définie au niveau de la RSF de Yougoslavie
20 et par les traités internationaux.
21 "Sixièmement, examine les questions relatives à la coopération avec
22 la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie ainsi
23 qu'avec les présidents, voire les présidences des autres républiques.
24 "Septième, partant des consultations effectuées au préalable au sein
25 de la république, propose les candidats à la présidence du gouvernement de
26 la République socialiste de Bosnie-Herzégovine et les candidats au poste de
27 chef de missions diplomatiques et de juges à la cour constitutionnelle de
28 Yougoslavie en provenance de la République socialiste de Bosnie-
Page 29709
1 Herzégovine, puis propose un candidat à la présidence et au tribunal
2 constitutionnel de Bosnie-Herzégovine et émet des propositions relatives à
3 la nomination et à la révocation du commandant de la Défense territoriale
4 de la république."
5 Je viens de vous donner lecture de ces articles 45 et 46.
6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
7 Reprenez, s'il vous plaît, Monsieur Scott.
8 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie. Je vous remercie de cette
9 question.
10 Q. Passons maintenant à la pièce 10496, s'il vous plaît.
11 M. SCOTT : [interprétation] Il se peut que ce soit l'un des feuillets qui
12 n'est pas dans le classeur. Donc la pièce 10496, s'il vous plaît.
13 Je pense que Mme l'Huissière va vous aider.
14 Q. Avez-vous le document ? Pouvez-vous nous confirmer qu'il s'agit
15 bien d'un enregistrement d'une réunion de la présidence de Bosnie-
16 Herzégovine en date du 22 décembre 1992 ? Cela semble être la 178e Session
17 de cette présidence qui a été enregistrée.
18 Je me suis trompé, visiblement. J'ai dit 178e Session alors qu'il
19 s'agit bien de la 179e. Donc il s'agit de la pièce 10496.
20 M. KHAN : [interprétation] Ceci se réfère à des réunions qui ont eu lieu le
21 22 décembre 1992.
22 M. SCOTT : [interprétation] En effet, je me suis un peu trompé. J'en suis
23 désolé.
24 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder la pièce 10467. Pouvez-vous
25 nous confirmer qu'il s'agit bien de l'enregistrement de la 178e réunion de
26 la présidence de Bosnie-Herzégovine qui a eu lieu le 21 décembre 1992 ?
27 R. C'est exact.
28 Q. Entre autres, nous n'avons, bien sûr, pas le temps de feuilleter tout
Page 29710
1 le document, mais j'aimerais vous poser quelques questions à ce propos.
2 Dans tout ce document et dans d'autres enregistrements à l'époque de cet
3 enregistrement et de cette réunion, n'est-il pas vrai que M. Izetbegovic,
4 vous-même, et d'autres étiez très préoccupés à propos de l'absence répétée
5 de différents membres de la présidence et du gouvernement ?
6 R. Sur la base de la lecture de ce texte, je ne saurais vous répondre,
7 mais je pense que vous avez raison.
8 Q. Par exemple, pour la première page, en tout cas en ce qui est dans la
9 version anglaise, première intervention de M. Pejanovic, c'est au milieu du
10 paragraphe, deuxième ligne, par exemple, il fait référence à des gens qui
11 n'ont pas participé aux réunions depuis quatre mois. Donc ça, c'est un des
12 exemples dont je parle.
13 R. C'est exact, mais ces gens étaient absents en vertu de la décision de
14 la présidence prise d'une session antérieure et on ne leur a pas dit à quel
15 moment ils devaient revenir. Ici, on peut lire effectivement que la
16 présidence avait discuté de cela.
17 Q. Poursuivons un peu plus loin, je vais essayer de vous aider en vous
18 donnant le nom de l'orateur, troisième page de la version en anglais,
19 première prise de parole de M. Ganic -- enfin, sur cette page-là, bien sûr.
20 M. Ganic dit : "Disons qu'un ministre n'a pas été là depuis deux ou trois
21 mois, et personne dans le ministère ne peut faire quoi que ce soit à cause
22 de l'absence de ce ministre." Est-ce que vous voyez cela dans le document ?
23 R. Oui, je le vois.
24 Q. Donc, n'est-il pas vrai que l'absence de personnages officiels était un
25 problème non seulement pour la présidence mais aussi pour le gouvernement ?
26 R. Oui, c'était un problème, mais il concernait surtout les Serbes. Mais
27 quand on parle de ce que M. Galic a dit là, cela ne concernait pas le
28 gouvernement dont je faisais partie, parce qu'on sait que mon gouvernement
Page 29711
1 avait été créé à peu près à ce moment-là, et un ministre ne pouvait pas
2 être absent pendant trois ou quatre mois, alors que je sais moi-même
3 pertinemment que j'en ai discuté avec chacun d'entre eux.
4 Q. Après ce qu'a dit M. Ganic, c'est vous qui prenez la parole et vous
5 dites : "Je propose quatre candidats croates, enfin de souche, qui seront
6 présentés par le HDZ."
7 Vous souvenez-vous de leurs noms ? Entre autres, M. Primorac. Vous
8 souvenez-vous du nom des trois autres ?
9 R. Non. En ce moment, cela ne me vient pas à l'esprit. Primorac n'était
10 pas proposé à l'époque pour faire partie du gouvernement. Il n'était pas
11 membre du HDZ, c'est pour cela que je parlais de lui, pour dire que tous
12 les Croates qui faisaient partie du gouvernement d'avant et de celui-là
13 n'étaient pas membres du HDZ. Je savais, par exemple, que Martin Raguz
14 était un libéral, il n'était pas membre du HDZ.
15 Q. A certains moments, Monsieur, je vais devoir vous dire qu'il faut vous
16 interrompre. Je ne veux surtout pas que vous preniez cela mal, c'est juste
17 que nous avons très peu de temps, donc nous devons nous dépêcher.
18 Vous souvenez-vous -- d'ailleurs, c'est un peu plus loin au compte rendu,
19 mais vous souvenez-vous que l'un de ces quatre dont vous parliez à l'époque
20 était justement Bozo Rajic ?
21 R. Oui, c'est exact. Il était ministre de la Défense.
22 Q. Mais contrairement à M. Primorac, lui il était membre du HDZ, n'est-ce
23 pas ?
24 R. Oui, c'est le HDZ qui l'a proposé. Mais je ne sais pas s'il était
25 vraiment membre du HDZ, enfin je suppose que oui.
26 Q. Oui, mais là vous avez anticipé ma question suivante : pour ce qui est
27 des candidats qui ont été présentés par le HDZ, comme vous venez de nous le
28 dire, savez-vous quel était le processus utilisé par le HDZ pour nommer ses
Page 29712
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29713
1 candidats ? Et d'ailleurs je vais vous poser le reste de ma question, dans
2 la deuxième partie de votre réponse je pense qu'il y a ma réponse. Mais
3 j'aimerais savoir comment vous étiez averti de la décision, donc comment
4 saviez-vous qu'il fallait présenter justement ces quatre noms-là ?
5 R. Le principe c'est que j'étais mandaté pour la composition du
6 gouvernement. Mais pour composer ce gouvernement, il fallait que je procède
7 à des consultations au sens large du terme. Je les ai faites tout d'abord
8 avec les trois partis qui ont remporté les élections. Dans ce cas précis,
9 le SDS avait quitté le pouvoir, mais certains de ses membres étaient
10 restés.
11 Q. Ma question était très précise. Veuillez, s'il vous plaît, être concis
12 dans vos réponses. Pour ce qui est des candidats du HDZ, j'aimerais savoir
13 comment ils étaient choisis, et ensuite une fois choisis, comment cette
14 information vous était communiquée ? Je ne vous pose pas une question à
15 propos des Serbes ou qui que ce soit. Je vous parle de ces quatre personnes
16 dont les noms étaient présentés au nom du HDZ.
17 R. C'est le HDZ qui les a proposés parce que ce n'était pas possible
18 d'avoir beaucoup de contacts parce que la guerre faisait rage déjà et on
19 m'a fait cette proposition par téléphone, oralement.
20 Q. Passons maintenant un peu plus loin dans le document, et une autre
21 intervention qui est l'intervention du président, à la page 8 de la version
22 en anglais, non, page 5 de la version en anglais, il y a une intervention
23 du président sur cette page où il parle de Delimustafic, j'ai sans doute
24 écorché le nom, et de M. Abdic. Vous pourrez trouver tout ceci à la page
25 précisée. Le président semble dire : "Si c'est comme ça, alors il y a
26 quatre personnes ici qui ne viennent pas travailler, et il y en a deux
27 autres d'ailleurs du côté musulman qui ne viennent pas, ou qui ne répondent
28 même pas et qui n'ont absolument rien à faire avec le gouvernement, qui
Page 29714
1 n'appellent même pas."
2 M. Delimustafic et M. Abdic. "Il faut que ça change. Il faut qu'on
3 fasse quelque chose à propos de ces personnes qui ne viennent pas
4 travailler. La structure ethnique doit rester identique." Et vous répondez
5 : "Il y a en d'autres aussi qui ne viennent pas travailler, qui ne se
6 montrent pas."
7 Vous avez parlé des Serbes, mais vous voyez que M. Izetbegovic lui-
8 même parle de deux membres musulmans de souche, qui eux, ne participent pas
9 non plus aux travaux de la présidence ?
10 R. Oui. Une des raisons pour laquelle M. Delimustafic ne faisait pas
11 partie de ce gouvernement, le gouvernement que j'avais composé, que j'avais
12 créé, et celui-ci aussi. M. Abdic faisait partie de la présidence déjà,
13 donc on ne pouvait pas le remplacer ou le refuser.
14 Q. Toujours dans le but du même exercice, pourriez-vous passer à la page 6
15 de la version anglaise. Une autre intervention du président où il dit :
16 "Pour ce qui est des députés on verra plus tard, on verra demain. Mais
17 parlons des quatre ministres, il faut quand même qu'on ait des critères. On
18 va nommer ces cinq ministres. Pour ce qui de Brkic, on verra, ça fait un
19 moment qu'il n'est pas venu travailler."
20 Ces cinq ministres dont Izetbegovic voulait parler qu'il voulait
21 présenter, est-ce que ça comprenait les quatre que vous vouliez présenter
22 au nom du HDZ ?
23 R. Je pense que non.
24 Q. Vous ne savez pas du tout quelles étaient ces cinq personnes que M.
25 Izetbegovic voulait présenter ?
26 R. Je n'arrive pas à me rappeler de tout cela, mais je peux vous dire que
27 le nom des ministres, et d'ailleurs toute la composition du gouvernement,
28 j'en avais discuté jusqu'au bout avec M. Izetbegovic, et ils étaient élus
Page 29715
1 tous de façon unanime.
2 Q. Passons maintenant à la pièce 10496 - j'espère que je ne me suis pas
3 trompé - il s'agit d'un enregistrement d'une réunion de la présidence qui a
4 eu lieu le lendemain, c'est la 179e Séance ou session. A la première page,
5 non pas la page de garde mais la page suivante, c'est encore un document
6 sur feuille volante.
7 Il n'y avait qu'un point à l'ordre du jour ce matin, "Révision du
8 programme modifié de la République de Bosnie-Herzégovine." Est-ce que vous
9 le voyez ?
10 R. Oui, je l'ai trouvé.
11 Q. Pour aller un peu plus vite, et si je me trompe, bien sûr ceux qui ont
12 lu le document pourront me corriger, mais je vais résumer, dans ce document
13 il y a des déclarations répétées à propos de certains membres du
14 gouvernement ou membres de la présidence qui ne viennent pas travailler,
15 qui ne remplissent pas leurs obligations. Etes-vous d'accord avec moi oui
16 ou non ?
17 R. Je suis d'accord avec cela, mais vous savez c'était la guerre. Il y en
18 avait qui sont partis de l'autre côté, puis il y avait d'autres qui avaient
19 peur de vivre à Sarajevo, qui était exposée à des pilonnages incessants.
20 C'étaient deux raisons qu'il fallait reconnaître très importantes.
21 Q. La première fois que vous prenez la parole, c'est à la page 4 de la
22 version anglaise, je crois que c'est la première fois que votre nom
23 apparaît, et vous êtes assez ferme, vous dites : "Je ne proposerai aucune
24 personne à un poste à ce gouvernement, une personne qui est coupable
25 d'absentéisme, et une personne --
26 R. Oui, c'est ce que j'ai dit, et je peux vous dire que de toute façon mon
27 gouvernement a été élu de façon unanime, je l'ai déjà dit.
28 Q. Si vous passez maintenant à l'intervention à la page 6 de la version
Page 29716
1 anglaise, c'est encore vous qui prenez la parole, c'est au milieu de la
2 page. M. Zarko Primorac est évoqué à nouveau et vous dites : "Zarko
3 Primorac n'est pas à Sarajevo, ça fait trois mois qu'il n'est pas à
4 Sarajevo." Cela me paraît bizarre. D'après vous, M. Primorac était quand
5 même une personne qui pouvait faire partie du gouvernement même si depuis
6 un moment il était absent ou est-ce que vous considériez que M. Primorac
7 n'était pas la bonne personne pour le poste du fait de son absence ?
8 R. Non, il ne faisait pas partie de mon gouvernement. C'est vrai que j'ai
9 discuté avec lui, je lui ai proposé de prendre la place du ministre des
10 Finances. Il ne souhaitait pas accepter cette fonction, et donc on ne le
11 prenait plus en compte en tant que candidat. On ne comptait plus avec lui.
12 Q. Très bien. Toujours à la même page, juste au-dessus, une personne
13 appelée Filipovic fait une intervention, je ne vais pas -- M. Filipovic dit
14 deux ou trois phrases et ensuite je vais le citer, il représentait les
15 partis de l'opposition; c'est bien cela ?
16 R. Ici il représentait un parti de l'opposition. Je ne sais pas quel était
17 le nom de ce parti, mais c'était un parti musulman.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, excusez-nous.
19 Maître Kovacic.
20 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas
21 déranger le contre-interrogatoire, mais il s'agit d'une page sur l'écran au
22 niveau de la ligne 7, page 22, il est écrit que le témoin avait répondu,
23 "Oui, c'est ce que j'ai dit, mais je répète que mon gouvernement avait été
24 accepté de façon unanime." Ce n'est pas exactement qu'a dit le témoin. Il a
25 dit : "Je répète que mon gouvernement avait accepté cette proposition de
26 façon unanime," à savoir qu'uniquement ceux qui n'étaient absents à cause
27 des conditions qui prévalaient pouvaient faire partie du gouvernement. Je
28 pense que ceci change de façon significative la --
Page 29717
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez
2 confirmer ce que vient de dire Me Kovacic ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux confirmer les deux. D'ailleurs
4 cela, mais aussi le fait que mon gouvernement avait été élu de façon
5 unanime, avec l'unanimité. De voix, je ne sais pas ce que j'ai dit
6 exactement, mais les deux affirmations sont exactes.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.
8 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, et
9 merci à Maître Kovacic.
10 Q. Avant de passer au autre chose, lorsque vous nous dites que votre
11 gouvernement a été approuvé à l'unanimité, quand est-ce que ce gouvernement
12 a été formé, ce fameux gouvernement dont vous nous parlez ?
13 R. Je ne peux pas vous donner la date exacte, mais c'était à peu près à ce
14 moment-là. Moi, j'ai été élu le 10 novembre.
15 Q. Oui, vous dites à peu près à ce moment-là, mais c'est décembre 1992,
16 janvier 1993 ? Il y a une déclaration justement dans ce document, dans cet
17 enregistrement de cette séance qui pourrait nous aider. C'est peut-être
18 dans le document précédent. M. Izetbegovic a dit : "Je crois que la
19 création du gouvernement mettra au moins trois mois," dans ce cas-là, ça
20 nous amènerait au mois de février ou mars 1993, n'est-ce pas ? Est-ce que
21 cela vous aide un peu à vous repérer dans le temps ?
22 R. Non. Nous avons créé le gouvernement avant le nouvel an.
23 Q. Revenons-en à M. Filipovic. A la première page du procès-verbal, et je
24 ne parle pas de la page de garde, donc de la première page, M. Izetbegovic
25 pour lancer la réunion dit qu'une demande a été soumise juste avant le
26 début de la réunion. Cela se trouve au quatrième paragraphe sous le nom de
27 M. Izetbegovic : "C'est signé par Filipovic et c'est une demande qui vient
28 de toute l'opposition unie de l'ABiH." Ensuite, Filipovic déclare qu'il
Page 29718
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29719
1 aimerait bien avoir des explications à ce propos. Alors j'aimerais que l'on
2 ne perde pas trop de temps, donc veuillez, s'il vous plaît, passer à la fin
3 du document, page 6 de la version en anglais et de regarder l'avant-
4 dernière intervention de M. Filipovic, l'antépénultième peut-être, il dit :
5 "Nous n'accepterons pas la règle qui a été proposée ouvertement ici, qu'il
6 y ait un monopole des partis nationaux pour représenter les peuples. Nous
7 n'acceptons pas cela et nous proposons que le parti ait le droit de
8 proposer non seulement les membres du gouvernement et leurs délégués, mais
9 aussi les membres de la présidence et les ambassadeurs. Et nous avons
10 concrètement proposé le remplacement d'un grand nombre de membres du HDZ,
11 et cetera, et cetera."
12 M. Filipovic et les autres partis de l'opposition se plaignaient du fait
13 qu'il n'y avait que des partis nationaux, c'est-à-dire le HDZ, le SDA qui
14 avaient droit de citer. Il voulait que les partis de l'opposition aient
15 aussi le droit de participer à la nomination des différents fonctionnaires;
16 c'est bien cela ?
17 R. Oui. Vous savez comment une opposition fonctionne. M. Filipovic faisait
18 partie de l'opposition, et vous aviez trois autres partis qui étaient au
19 pouvoir et qui ne voulaient pas donner ce pouvoir à l'opposition.
20 Q. Et il y avait aussi des petits partis, par exemple des courants au sein
21 du HDZ, qui peut-être n'auraient pas vraiment accepté les actions du HDZ ou
22 alors la liste proposée par le HDZ, la liste des candidats proposée par le
23 HDZ ?
24 R. Bien sûr que c'est possible, c'est une question de parti politique, pas
25 de la présidence. La présidence fonctionne d'une façon, le gouvernement
26 fonctionne aussi sur le principe de majorité qui existait à l'époque.
27 Q. Nous allons en rester quand même dans la procédure. Mais on nous a dit
28 que la semaine dernière vous avez dit que la présidence ne se réunissait
Page 29720
1 pas d'une façon régulière, n'est-ce pas, l'assemblée n'était pas en séance
2 et que vous êtes entré en poste vers décembre, vers le 10 novembre 1992 à
3 votre poste de premier ministre. Pouvez-vous nous dire quel a été le
4 processus employé pour vous nommer à ce poste, puisque le gouvernement ne
5 siégeait pas ?
6 R. Le premier critère c'était que le premier ministre se devait d'être un
7 Croate. C'était une règle au sein de l'Etat. Le Parlement, la présidence et
8 le gouvernement devaient avoir à leur tête, chaque fois, le représentant
9 d'un groupe ethnique déterminé. Par exemple, le Parlement c'était un Serbe.
10 Q. Je vous interromps un instant. Nous allons procéder par étape. Lorsque
11 vous dites qu'il existait une règle en vigueur selon laquelle le premier
12 ministre, par exemple, devait être Croate, est-ce qu'il s'agissait d'une
13 règle qui était énoncée dans les textes ou est-ce qu'il s'agissait du
14 règlement intérieur de la présidence ou est-ce qu'il s'agissait plutôt d'un
15 accord politique ?
16 R. C'est un principe en Bosnie-Herzégovine, je n'ai pas dit que le premier
17 ministre se devait d'être Croate, mais il fallait qu'un Croate soit un
18 premier ministre, soit un président de la présidence soit encore président
19 du Parlement. Les trois groupes ethniques se trouvaient à tour de rôle aux
20 trois postes-clés de l'Etat.
21 Dans le cas concret - excusez-moi - dans le cas concret, le président
22 de la présidence étant un Musulman, le président du Parlement étant un
23 Serbe. Il y avait cet accord politique et une pratique et je crois que même
24 la constitution le prévoyait, si ce n'est pas autre chose, il y avait le
25 principe d'égalité en droit des peuples qui imposait qu'il en soit ainsi.
26 Q. Vous avez dit plusieurs choses à l'instant. Vous avez dit qu'il
27 s'agissait d'une règle, puis d'un principe, alors c'est peut-être une
28 question de traduction. Vous avez parlé d'accord politique, vous avez dit
Page 29721
1 qu'il s'agissait de pratique établie, puis vous avez parlé de la
2 constitution. Alors est-ce que vous pouvez nous aider à mieux comprendre de
3 quoi s'agissait-il au juste ?
4 R. Il y avait un principe constitutionnel d'avoir une rotation au sommet
5 du pouvoir, et cela est mis en œuvre lorsqu'il s'agit de la présidence, par
6 exemple, depuis 1974.
7 Q. Je m'excuse auprès des interprètes. Parfois j'attends la fin de
8 l'interprétation, c'est la raison pour laquelle il y a un ange qui passe
9 dans le prétoire.
10 Là encore, vous avez parlé du principe de rotation. Où est-ce que
11 cela se trouve ? Est-ce qu'il s'agissait de la coutume, de la pratique, du
12 règlement ? Est-ce que c'était un principe énoncé dans la constitution ?
13 D'où venait cette pratique ou d'où venait ce principe ?
14 R. Je ne peux pas vous l'affirmer au sens où vous le réclamez, mais
15 c'était la règle d'or en vigueur dans cet Etat de Bosnie-Herzégovine.
16 Jamais personne n'a eu l'idée de changer la chose ou de remettre en
17 question à l'époque précédente, on ne parle pas maintenant du temps de la
18 guerre.
19 Q. Parlons de votre situation et de la question que je vous ai posée.
20 Quelle était la procédure suivie pour nommer le premier ministre ? Par
21 exemple, je ne dis pas que ce sera la teneur de votre réponse, mais
22 imaginons qu'il doit s'agir d'un Croate, alors on va consulter le HDZ,
23 d'autres partis croates, alors on leur demande qui doit être nommé, qui
24 doit être premier ministre. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre
25 quelle est la procédure suivie pour présenter un candidat en vue d'occuper
26 le poste de premier ministre ?
27 R. J'ai été proposé par le HDZ, en sa qualité de parti qui a été l'un des
28 trois à l'avoir remporté aux élections, à savoir ils l'avaient remporté
Page 29722
1 pour ce qui est du peuple croate. Je me suis entretenu avec le président de
2 la présidence, qui allait le mettre à l'ordre du jour d'une session de la
3 présidence, et cette présidence me nomme, me fait mandataire, et comme la
4 présidence est placée au service de l'assemblée, je suis élu par cette
5 dernière aux fonctions de premier ministre.
6 Q. La procédure était telle que vous l'avez décrite parce que vous
7 travailliez en temps de guerre ou est-ce qu'en temps de paix l'assemblée
8 tenait des séances de travail où les procédures auraient été différentes ?
9 R. Ce serait différent, parce que ce serait décidé par le Parlement. Or,
10 ici c'est la présidence qui décide au service du Parlement. Plutôt, cette
11 présidence de Guerre qui est quelque peu élargie.
12 Q. Compte tenu des conditions de guerre, un certain nombre d'ajustements
13 ont dû être apportés à la procédure suivie par la présidence, n'est-ce pas
14 ?
15 R. Oui, mais ces modifications ne devaient pas être contraires aux
16 dispositions de la constitution. Ni la présidence ni le Parlement n'ont le
17 droit de modifier la constitution.
18 Q. Pourriez-vous maintenant examiner le document 1D 01939. Il doit se
19 trouver dans l'un de nos classeurs. Dans le troisième classeur, en
20 l'occurrence, 1D 01939. J'espère que nous allons pouvoir examiner ce texte
21 rapidement.
22 Nous avons là, semble-t-il, le procès-verbal d'une réunion de la
23 présidence tenue les 21 et 22 juin 1993. J'appelle votre attention sur le
24 paragraphe numéro 6, où le texte se lit comme suit : "La présidence à la
25 majorité a exprimé son désaccord quant à la proposition faite par les
26 présidents Izetbegovic et Ganic qui voulaient se rendre à Sarajevo." Est-ce
27 que vous voyez cela ?
28 R. Oui.
Page 29723
1 Q. S'agit-il là d'un exemple qui confirme qu'à l'été 1993 la présidence
2 continuait de fonctionner sur le principe du vote à la majorité ?
3 R. Oui. Lorsque la présidence siégeait, il y avait ce principe de la
4 majorité des votes, comme le prévoit le règlement.
5 Q. Je souhaiterais passer au sujet suivant, à savoir la création du
6 Conseil de Défense croate, le HVO est devenu une force armée. La semaine
7 dernière, nous avons évoqué la création de la "nouvelle" Défense
8 territoriale. Il ne s'agissait plus de la même Défense territoriale que
9 celle qui existait en ex-Yougoslavie, qui était contrôlée par la JNA, mais
10 il s'agit de la nouvelle Défense territoriale, la nouvelle TO en Bosnie-
11 Herzégovine. Vous vous en souvenez certainement ?
12 R. Oui.
13 Q. Nous avons examiné le procès-verbal de réunions de la présidence tenues
14 les 8 et 9 avril 1992 -- excusez-moi un instant. Pourriez-vous examiner la
15 pièce P 00151, premier classeur. Est-ce que vous l'avez trouvée ?
16 R. Oui, je l'aie.
17 Q. Un instant. Avant de vous interroger sur ce document, je souhaiterais
18 savoir la chose suivante. En fait, je vous rappelle que dans l'affaire
19 Kordic, et je renvoie les conseils de la Défense à la page 20 436 du compte
20 rendu de la déposition du témoin dans l'affaire Kordic en juin 2000.
21 Vous avez dit à l'époque : "Le HVO était une force armée qui
22 combattait un ennemi commun. La présidence estimait que toutes les forces
23 armées qui combattaient l'agresseur étaient légitimes et devaient être
24 impliquées dans la structure de l'Etat en vue de la protection de celui-ci.
25 Cela inclut la police, les agences des autres entités, même les entreprises
26 qui fabriquaient du matériel de guerre. Donc, la défense de la Bosnie-
27 Herzégovine, dans son système, comprend le HVO."
28 Vous confirmez ce que vous avez dit dans l'affaire Kordic ?
Page 29724
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29725
1 R. Oui, je suis d'accord.
2 Q. Dans la pièce --
3 R. Excusez-moi. Je voudrais ajouter. J'ai lu les documents. Il y a un bon
4 nombre d'erreurs, mais en principe, je suis tout à fait d'accord avec ce
5 que j'ai déjà dit dans mon témoignage dans l'affaire Kordic.
6 Q. Parlons maintenant de la pièce P 00151. Il s'agit d'une décision
7 qui apparemment a été prise par Mate Boban, le 8 avril 1992, le jour de
8 l'une des réunions tenue par la présidence de la Bosnie-Herzégovine dont
9 nous avons parlé plusieurs fois. En avril 1992, M. Mate Boban était
10 président du HVO et du HZ HB. Il crée le Conseil de Défense croate qui est,
11 comme il est dit ici, "l'organe de Défense suprême du peuple croate au sein
12 de la communauté croate d'Herceg-Bosna."
13 Vous souvenez-vous des circonstances dans lesquelles le HVO a été
14 créé ?
15 R. Très rapidement, je n'étais pas à Sarajevo, les voies de communication
16 étaient entravées. Je suis devenu conscient de la chose et nous avons mis
17 cela à l'ordre du jour de la présidence tout de suite.
18 Q. Pourriez-vous maintenant voir le document P 00154, document suivant,
19 premier classeur. Ce document est un peu plus long. Mais le sujet est
20 grosso modo le même. La date est celle du 10 avril 1992. Veuillez examiner
21 le deuxième paragraphe de ce document, M. Boban fait expressément référence
22 aux actions de la présidence en Herzégovine, au fait que cette décision a
23 été adoptée le 8 avril 1992. A la fin de ce paragraphe, M. Boban dit :
24 "Suite à tout cela, la communauté croate d'Herceg-Bosna n'accepte pas la TO
25 compromise comme étant sa structure militaire."
26 Est-ce que vous avez appris cela à peu près au même moment que
27 l'autre question ?
28 R. Je dois dire que ce n'est que maintenant que j'ai vu cela. Cependant,
Page 29726
1 vous avez bien fait de dire qu'il n'acceptait pas la TO. M. Boban ne
2 voulait pas une TO non transformée qui recevrait ses ordres depuis
3 Belgrade.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Je voulais simplement dire que pour
6 pleinement comprendre que cela n'a pas été accepté, il faut examiner la
7 phrase précédente. Donc je demanderais au témoin de regarder l'intégralité
8 du paragraphe en question et de façon soigneuse. Première phrase, il est
9 dit : "Même maintenant on a parlé suffisamment clairement de la tragédie du
10 peuple croate et de Ravno, Neum, Kupres, Mostar." Donc il faut examiner les
11 choses dans leur contexte.
12 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis le dire, je
13 crois qu'il y a une omission au niveau des questions, parce qu'on laisse
14 entendre une chose qui n'est pas exacte. Dans la troisième ligne, du moins
15 pour ce qui est du texte en croate, et je crois que la version anglaise,
16 c'est aussi la troisième ligne, il est explicitement question de l'ex-TO,
17 celle qui jusque-là, jusqu'à la création de ce document, et avait été
18 placée au service des armadas serbo-chetnik. Donc il n'est pas question de
19 la TO qui fait son apparition comme force nouvelle. On parle de la TO de la
20 République socialiste fédérative de Yougoslavie. Donc il s'agit ici d'un
21 malentendu évident.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit "non transformée," c'est justement ce
23 que je voulais dire, et ici on voit que Boban est en train de parler de la
24 TO qui recevait ses ordres de la part de Belgrade. Donc il s'agit de la TO
25 antérieure et non pas de la TO nouvellement créée.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci pour ces précisions.
27 Monsieur Scott, il va bientôt être l'heure de la pause.
28 M. SCOTT : [interprétation] J'aurai juste à quand, Monsieur le Président ?
Page 29727
1 M. LE JUGE ANTONETTI : On peut aller jusqu'à 4 heures.
2 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : La cafèt' ferme avant 4 heures, alors il vaudrait
4 peut-être mieux arrêter -- à 5 heures, bon. Alors allez jusqu'à 4 heures.
5 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Q. Je vous ai lu une partie de ce document, mais un peu plus loin on peut
7 lire juste en dessous de la rubrique "Conseil de Défense croate," M. Boban
8 dit : "Ce conseil disposera du commandement Suprême exclusif de ces forces.
9 Il s'agit de la seule entité légitime et son nom est le seul nom officiel."
10 Ensuite, nous voyons le nom de M. Boban, il y est dit : "Toutes les autres
11 formations militaires déployées sur le territoire de la communauté croate
12 d'Herceg-Bosna sont soit illégales soit des formations ennemies." Est-ce
13 que vous voyez cela ?
14 R. Oui, je vois cette partie du texte, et je pense que cela se rapporte
15 aussi à l'ex-JNA et aux formations paramilitaires qui ont été créées par la
16 suite.
17 Q. N'est-il pas exact de dire que l'une des raisons pour lesquelles M.
18 Boban fait référence à une action de la présidence datée du 8 avril 1992,
19 tient au fait que cela ne serait pas reconnu sur le territoire d'Herceg-
20 Bosna ?
21 R. Je pense qu'on n'a jamais remis en question le fait de savoir si on
22 allait reconnaître l'ABiH sur le territoire de l'Herceg-Bosna, et l'inverse
23 non plus.
24 Q. Le document se passe de commentaire, mais nous pourrions maintenant
25 examiner le document 5D 04271. Dernier classeur, 5D 04271.
26 Il s'agit apparemment d'un ordre donné par Mate Boban, le 10 avril 1992, le
27 jour même, il semblerait que ce document mette en œuvre la décision prise
28 précédemment, et que nous avons examinée tout à l'heure, M. Boban ordonne
Page 29728
1 que toutes les cellules de Crise ou anciens états-majors de la Défense
2 territoriale soient rebaptisés aussitôt états-majors municipaux du Conseil
3 de Défense croate; est-ce exact ?
4 R. Oui. Il en allait de même à Sarajevo, les QG des TO précédentes avaient
5 été nommés autrement. Cela se rapporte également à la TO qui était à
6 caractère yougoslave, dirais-je.
7 Q. Est-ce que dans ce document M. Boban a fait la différence entre la
8 nouvelle TO, qui était placée sous le commandement de la présidence de
9 Bosnie-Herzégovine, et la nouvelle TO placée sous le commandement du HVO ?
10 R. Je pense qu'il s'agissait d'une période de temps courte, puisque là on
11 est en train de parler du 10 avril et il s'agit de deux journées, et il est
12 sous-entendu que là on parle de l'ancienne théorie et non pas de la
13 nouvelle théorie.
14 Q. Je suis désolé de sauter d'un classeur à l'autre, mais là on va passer
15 un certain temps sur le premier classeur. Est-ce que vous pourriez vous
16 pencher sur le premier classeur et retrouver le document P 00195, s'il vous
17 plaît.
18 Il s'agit apparemment d'un ordre donné par le général Ante Roso au nom de
19 l'état-major principal du HVO. Le document est daté du 8 mai 1992, et on
20 peut lire au point 1 que : "Les seules unités militaires légitimes sur le
21 territoire de la HZ-HB sont les unités du HVO."
22 Alors, nous sommes un mois plus tard, et vous avez dit tout à l'heure
23 qu'il s'agissait d'une affaire d'un ou deux jours, mais est-ce que vous
24 pouvez confirmer que l'on continue à mettre en œuvre l'ordre de Boban selon
25 lequel seules les unités du HVO étaient légitimes sur le territoire de
26 l'Herceg-Bosna ?
27 R. Je pense que je ne peux pas témoigner au sujet de lettres écrites par
28 quelqu'un d'autre, et écrites, qui plus est, dans des régions où je n'ai
Page 29729
1 pas été.
2 Q. Saviez-vous, puisqu'à l'époque vous étiez en contact avec la
3 présidence, peut-être pas en tant que premier ministre mais quelques mois
4 plus tard vous êtes devenu vice-président du HDZ, vous êtes devenu le
5 premier ministre, est-ce que vous saviez que le HVO pendant toute cette
6 période estimait être la seule force armée légitime sur le territoire de la
7 Bosnie-Herzégovine ?
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'une affirmation ou
9 d'une question ? Est-ce qu'il soumet cette question au témoin ?
10 M. SCOTT : [interprétation] Oui.
11 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien, alors posez la question au témoin
12 --
13 M. SCOTT : [interprétation] C'est ce que je viens de faire.
14 Q. "Est-ce que vous saviez à l'époque," c'était une question, il y a un
15 point d'interrogation à la fin. Est-ce que vous saviez, et ainsi de suite.
16 R. A cette date-là j'étais secrétaire général de la présidence, le 8 mai
17 1992. Je n'étais pas une personnalité politique et je n'étais pas vice-
18 président du HDZ. A cette époque, je ne le savais pas ça, je n'étais pas
19 censé le savoir, je ne devais pas le savoir.
20 Q. Est-ce qu'à un moment donné à l'époque vous avez appris, par exemple,
21 lorsque vous êtes devenu premier ministre ou vice-président du HDZ, que
22 telle était la politique suivie par le HVO ?
23 M. KARNAVAS : [interprétation] Là encore, j'objecte quant à la formulation
24 de la question. Il peut dire : "Je vous affirme que selon moi c'était la
25 politique suivie." Mais il présente les choses comme étant des faits
26 établis et faisant partie du dossier, ce n'est pas vrai. Il s'agit de la
27 thèse de l'Accusation. Il s'agit d'argument, cela peut être présenté, mais
28 de la bonne manière. Le Procureur peut en parler dans le cadre d'un contre-
Page 29730
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29731
1 interrogatoire mais ce n'est pas un fait établi dans ce procès.
2 M. SCOTT : [interprétation] C'est une question tout à fait équitable. Il
3 peut répondre par oui ou par non. Il peut dire oui, non, je suis d'accord,
4 je ne suis pas d'accord. J'ai demandé quand il avait appris cela.
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Scott, je pense que
6 l'objection est justifiée et que vous devriez reformuler votre question.
7 M. SCOTT : [interprétation] Très bien.
8 Q. Alors je vous affirme qu'en réalité c'était la politique suivie par le
9 HVO pendant toute cette période, en 1992 et 1993, le HVO estimait être la
10 seule force armée légitime pouvant opérer sur le territoire de la Bosnie-
11 Herzégovine, n'est-ce pas ainsi ?
12 R. Vous affirmez, Monsieur, qu'il en est ainsi; moi, j'affirme qu'il n'en
13 est pas ainsi. Ça ne s'est pas passé ainsi, le HVO n'était pas la seule
14 force reconnue. S'agissant de la présidence de l'Etat de Bosnie-
15 Herzégovine, où il y a des Croates qui siègent, où il y a des membres du
16 HDZ qui siègent, il y a eu acceptation d'une décision disant que les forces
17 armées de la Bosnie-Herzégovine étaient composées par l'ABiH, le Conseil
18 croate de la Défense et on a même dit autres effectifs de la défense aussi.
19 M. SCOTT : [interprétation] Pourrait-on examiner rapidement la pièce P
20 00200 avant la pause.
21 Q. P 00200 doit se trouver juste après le document que nous venons
22 d'examiner. Il s'agit d'un ordre émanant de Tihomir Blaskic, il est daté du
23 11 novembre 1992. Là encore, on répète au point 1 : "Les seules unités
24 militaires légitimes dans le secteur de Kiseljak sont les unités du HVO."
25 N'avez-vous jamais vu d'ordres de ce genre ? Est-ce que ces questions
26 n'ont jamais été évoquées dans le cadre de discussion entre hauts
27 dirigeants du HDZ et du HVO ou de l'Herceg-Bosna ?
28 R. D'après mes souvenirs, ça n'a pas été présenté à la présidence. Je peux
Page 29732
1 vous répondre la même chose que pour le document précédent, cela veut dire
2 que la présidence de Bosnie-Herzégovine, d'après mes souvenirs, n'a jamais
3 contesté ceci, et pour autant que je le sache, ne s'est pas penchée du tout
4 sur ces questions.
5 Q. Peut-être qu'il y a un petit malentendu ici. Je ne vous demande pas
6 quelle était la position de la présidence de Bosnie-Herzégovine, mais je
7 vous demande quelle était la politique du Conseil croate de la Défense et
8 de l'entité appelée Herceg-Bosna. Je vous demande la position de ces deux
9 entités, n'était-elle pas la suivante, les seules unités opérationnelles
10 légitimes pouvant opérer sur le territoire d'Herceg-Bosna étaient les
11 unités militaires qui faisaient partie du HVO ?
12 R. Tout d'abord, à l'époque je contesterais l'élément qui dirait que
13 l'Herceg-Bosna était une entité, pas dans le contexte de la création de la
14 Bosnie-Herzégovine.
15 Deuxièmement, le HVO était une force légale et reconnue par la présidence
16 de Bosnie-Herzégovine. C'était une question de temps seulement que de
17 savoir quand est-ce qu'il y aurait création d'un commandement conjoint. Et
18 pour finir, un commandement conjoint a bel et bien été créé.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous êtes debout ?
20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Messieurs les Juges, je vous
21 demanderais de demander au témoin de donner lecture des articles 4 et 5,
22 qui vous montreront de façon tout à fait claire ce qu'on entendait par
23 légal et tout ce qui constituait ces autres groupes ou groupuscules qui
24 s'organisaient de façon autonome, et à quoi on pensait en disant qu'il
25 fallait mettre ces groupuscules sous contrôle. Merci.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai le texte en anglais sous les yeux, je
27 l'ai également en croate, oui. Article 4 : "J'interdis la création d'unités
28 privées. A l'égard des personnes qui ne se conformeraient pas à cet ordre
Page 29733
1 ou qui ne l'exécuteraient pas dans l'esprit de l'exigence --
2 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française précise que c'est
3 difficile de lire puisqu'il manque une partie de la ligne.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] -- et il s'agit de briser militairement
5 l'unité créée."
6 Donc il y a une partie qui n'est pas lisible.
7 Paragraphe 5 : "Cet ordre met hors-la-loi -- hors vigueur tout ordre
8 émanant du commandant de la TO, lequel commandement sur ces territoires est
9 considéré comme étant illégal."
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous allons faire la pause. Il est 16 heures
11 05, on reprendra dans 20 minutes.
12 --- L'audience est suspendue à 16 heures 05.
13 --- L'audience est reprise à 16 heures 26.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, vous avez la parole.
15 M. SCOTT : [interprétation]
16 Q. Passons maintenant, s'il vous plaît, à un document qui se trouve dans
17 le premier classeur. Il s'agit de la pièce P 00157. Il s'agit d'un article
18 repris dans "Vjesnik", 11 avril 1992, le titre est le suivant : "Tous
19 ensemble dans un même panier." Pour ce qui est de la version en anglais,
20 nous avons besoin de la deuxième page, deuxième paragraphe depuis la fin,
21 le deuxième paragraphe, et juste avant le paragraphe précédent, il est
22 écrit : "De même, étant donné que la décision de la présidence de l'ABiH
23 nous a tous mis dans le même panier avec les autres organisations
24 militaires et paramilitaires et autres forces militaires et paramilitaires
25 qui existent sur le territoire de la BiH."
26 Ensuite, je poursuis, au paragraphe suivant : "Lorsqu'on a demandé si cela
27 signifiait que l'état-major principal de la Défense croate ne pouvait pas
28 accepter une décision de la présidence de la BiH qui l'aurait mis sous le
Page 29734
1 contrôle de la Défense territoriale de la BiH, Boban a déclaré : 'En ce
2 moment absolument pas'."
3 Savez-vous que M. Boban avait dit cela ? Ce qui est repris par "Vjesnik",
4 je ne parle pas exactement de sa déclaration mais au moins de la position
5 représentée par M. Boban à l'époque.
6 R. Non, je n'étais pas au courant de cela, mais si vous voulez, je peux
7 essayer de vous donner une explication de ce qu'il dit ici.
8 Q. Bien. Je vous remercie. Je voulais savoir si vous connaissiez la
9 position de M. Boban à l'époque, c'était tout. Vous ne savez pas, vous ne
10 savez pas.
11 Passez maintenant, s'il vous plaît, à un document qui se trouve au
12 troisième document, 1D 00970. Je reprends, il s'agit de la pièce 1D 00970.
13 Ce document qui est une annonce faite par la cellule de Crise de
14 l'assemblée municipale de Jablanica, le 6 mai 1992, il s'agit d'une annonce
15 faite par cette municipalité visant à organiser son système de défense
16 unifiée en une seule force armée, comprenant les forces de la Défense
17 territoriale, le Conseil de la Défense croate, les Bérets verts, et toute
18 autre force qui voudrait se mettre sous le commandement unifié du QG de la
19 Défense territoriale à Jablanica.
20 Comme vous étiez impliqué dans les réunions de la présidence à cette
21 époque-là, vous étiez ensuite membre de la présidence, saviez-vous qu'il y
22 avait des municipalités, des organisations qui, suite à une décision de la
23 présidence en date du 8 avril 1992, essayaient de réunir toutes les forces
24 armées sous une même égide, sous un commandement unifié, y compris bien sûr
25 le HVO ?
26 R. Je ne me souviens pas de cela, cependant, la création des commandements
27 conjoints relevait d'un processus permanent. Il y a eu pas mal d'accords de
28 signés, cela étant dit, le processus s'est terminé seulement après la
Page 29735
1 guerre.
2 Q. Bien. Passons maintenant à la -- qui se trouvera dans le premier
3 classeur cette fois-ci, la pièce P 00377. Je suis désolé, c'est le deuxième
4 classeur. Toutes mes excuses.
5 Cela semble être un ordre du commandant Petkovic, en date du 10 août
6 1992. Point numéro 1 : "Vous devez employer toutes les forces de police,
7 militaire et civile du HVO pour empêcher toute unité militaire autre que le
8 HVO de rentrer dans votre zone de responsabilité."
9 Pourriez-vous nous dire pourquoi les unités militaires de l'Etat même
10 de Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire l'ABiH, pourquoi il fallait absolument
11 les empêcher de rentrer sur le territoire de Bosnie-Herzégovine, et qu'il
12 fallait que ce soit le HVO qui le fasse ?
13 Mme ALABURIC : [interprétation] -- par rapport à la question posée, parce
14 qu'ici, dans cet ordre, on ne dit à aucun moment qu'il s'agit d'un ordre
15 qui concerne l'ABiH, puisqu'à l'époque le gouvernement de Sarajevo avait
16 une armée qui portait ce nom.
17 Si l'on regarde les municipalités concernées par cet ordre, on va
18 voir que l'ordre a été envoyé à Livno, Tomislavgrad, Posusje, et cetera. Il
19 s'agit des municipalités qui ont une grande majorité de Croates qui y
20 habitaient. Ce sont des unités où, à l'époque, il n'y avait absolument pas
21 d'unités de l'ABiH, donc il y a une présomption qui est complètement
22 fausse, qui est contenue dans la question posée par M. Scott. Je voudrais
23 suggérer que l'on explique tout d'abord de quoi il s'agit dans cet ordre,
24 si sur le territoire des municipalités concernées par cet ordre, il y avait
25 des unités appelées HOF, ou que l'on établisse quelle serait la base de cet
26 ordre, parce qu'on ne peut pas sous-entendre que cet ordre concerne l'ABiH
27 alors que ce n'est pas vrai.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges vont se consulter.
Page 29736
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29737
1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors la Chambre, qui a délibéré, estime que
3 le Procureur a le droit de poser cette question. Bien, alors, Monsieur
4 Scott.
5 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
6 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous aider à comprendre pourquoi le HVO
7 et pourquoi le général Petkovic leur donnerait cet ordre le 10 août 1992,
8 puisqu'il utilise les mots "toute forme", toute unité militaire, mis à part
9 le HVO, donc empêcher toute unité militaire, y compris bien sûr l'ABiH, qui
10 doit être empêchée de pénétrer sur le sol, et cetera ? Pouvez-vous nous
11 aider ?
12 R. Je ne peux même pas en parler. Je ne peux pas commenter des lettres qui
13 appartiennent à quelqu'un d'autre, mais je peux dire que l'ABiH et le HVO
14 ne s'excluaient pas mutuellement. Je peux confirmer qu'il y avait beaucoup
15 d'unités paramilitaires, des armées privées. Je peux confirmer ce qu'a dit
16 M. Izetbegovic, à savoir - il a dit cela au début de la guerre, avant donc
17 la période concernée par cette lettre - qu'il y allait y avoir beaucoup de
18 petites guerres privées au cours de cette guerre qui était devant nous, et
19 je pense --
20 Q. Malheureusement, je dois vous couper, car nous n'avons pas beaucoup de
21 temps. Pourriez-vous maintenant, s'il vous plaît, regarder la pièce P
22 10481, qui devrait se trouver dans le classeur numéro 3.
23 Veuillez, s'il vous plaît, regarder la page 9 dans la version
24 anglaise. Il s'agit d'une déclaration commune entre Tudjman et Izetbegovic.
25 Il y a six points dans la version croate.
26 Au paragraphe 3 de ce document, deuxième phrase, il est écrit, je
27 vais vous le lire tout simplement et vous me direz si vous le confirmez ou
28 non, ou si vous pouvez commenter : "La République de Croatie soutient aussi
Page 29738
1 les efforts du gouvernement légitime et de la présidence de Bosnie-
2 Herzégovine en vue de consolider la défense de la République par le biais
3 de l'unification de toutes forces et éléments des forces armées de la
4 Bosnie-Herzégovine qui seraient placés sous le commandement Suprême de la
5 présidence de Bosnie-Herzégovine."
6 Est-ce une déclaration fiable ?
7 R. Je ne vois pas de signature de M. Tudjman, je pense que ce qui est dit
8 ici est exact, correct.
9 Q. Nous avons déjà eu ce problème avec les signatures, pourriez-vous
10 regarder dans le même classeur numéro 3 la pièce 5D 00064, s'il vous plaît.
11 Veuillez regarder le bas du paragraphe 3. Cela semble être une autre
12 version de la même information. Ici c'est diffusé à la radio croate, Radio
13 Zagreb, le 15 juin 1992, visiblement, c'est exactement la même déclaration
14 que celle que nous avons lue précédemment ?
15 R. Je le vois.
16 Q. Passons à autre chose. Et nous sommes toujours dans le même classeur,
17 classeur 3, pièce P 10190. Pièce P10190. Premier document que l'on doit
18 trouver dans le classeur numéro 3.
19 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je
20 n'ai pas encore entendu la question de M. Scott par rapport au document,
21 mais j'objecte quant à la présentation de ce document au témoin pour la
22 même raison que j'ai évoquée au sujet de M. Sancevic quand il a déposé ici.
23 Autrement dit, il s'agit d'un document qui figure déjà comme pièce à
24 conviction. Il a été montré à un témoin dont je ne vais pas mentionner le
25 nom. Il s'agit d'un témoin qui était protégé et qui était le plus à même
26 pour déposer au sujet de ce document. Il s'agit d'un document qui concerne
27 les thèmes qui n'ont pas été évoqués au moment de l'interrogatoire
28 principal si l'on regarde les contenus des documents. Quand on examine les
Page 29739
1 contenus des documents, je n'arrive absolument pas à voir quel est le
2 rapport entre ce document et le contre-interrogatoire de M. Scott. De toute
3 façon, ce document figure déjà en tant que pièce à conviction en l'espèce.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, la Défense de M. Coric dit que, un,
5 ce document est déjà admis et elle ne voit pas le lien entre
6 l'interrogatoire principal, ce document et votre intention. Vous pouvez
7 nous indiquer ce que vous voulez mettre en évidence ?
8 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais que le témoin nous confirme qu'il y
9 a une certaine personne qui est mentionnée dans ce document et quel est son
10 rôle. La participation de M. Brkic, je crois qu'on en a déjà parlé
11 d'ailleurs. C'est toujours la même chose, ça revient au rôle joué par le
12 HVO qui serait soit dans, soit en dehors des forces armées de l'ABiH, et la
13 reconnaissance ou la non-reconnaissance de l'Herceg-Bosna. C'est
14 parfaitement pertinent pour ce qui est des questions qui ont été posées au
15 témoin jusqu'à présent.
16 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-
17 moi, mais ce dénommé Brkic n'existait pas dans le document, pas dans le
18 document que nous avons ici avec ce même numéro.
19 M. SCOTT : [interprétation] Je me suis peut-être trompé. Non, moi je parle
20 du document P 10190, je vois que son nom est répété à plusieurs reprises.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il doit y avoir une erreur.
22 M. SCOTT : [interprétation] Je suis absolument désolé, toutes mes excuses.
23 Le document n'était pas correctement libellé. Notre commis aux affaires va
24 très certainement nous venir en aide.
25 Dans l'intervalle, essayons de ne pas perdre de temps.
26 Q. Ce nom de M. Brkic a été évoqué à plusieurs reprises, Miljenko Brkic,
27 on en a même parlé aujourd'hui. Pouvez-vous nous dire qui était ce M. Brkic
28 en 1992, quel était son poste, sa fonction, faisait-il partie d'un parti
Page 29740
1 politique, pouvez-vous nous en parler ?
2 R. Miljenko Brkic est un politicien croate de Sarajevo, originaire de
3 l'Herzégovine, pour ce qui le concerne, un universitaire. Pendant une
4 période, il était le président du HDZ.
5 M. SCOTT : [interprétation] J'ai la bonne cote et je m'excuse de l'erreur.
6 C'est la P 10490. P 10490, fort heureusement c'est toujours dans le même
7 classeur, le troisième.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] On me dit que le témoin a dit que M. Brkic
9 était président par intérim. Ce n'est pas au compte rendu. Il n'est pas
10 président, mais président par intérim du HVO. Il faudrait que le témoin le
11 confirme.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Brkic était président du HDZ en exercice,
13 HDZ de Bosnie-Herzégovine.
14 M. SCOTT : [interprétation]
15 Q. Vous nous confirmez en regardant la pièce P 10490 qu'il s'agit bien
16 d'une réunion du HDZ du 15 mars 1992 à Bugojno et que c'est lors de cette
17 réunion que M. Brkic a justement été élu président par intérim du HDZ de
18 l'ABiH ?
19 R. Je n'étais pas présent au moment de la réunion, mais s'il a été élu, il
20 a été élu. Je ne vois où est le problème.
21 Q. Je n'ai pas suggéré qu'il y avait quoi que ce soit, mais je voulais
22 juste que vous confirmiez quelque chose, que vous nous confirmiez qu'au
23 printemps 1992, il était président par intérim du HDZ de l'ABiH, c'est
24 tout.
25 R. [aucune interprétation]
26 Q. Je vous remercie. Dans ce document il y a d'autres noms, il y a M.
27 Boban, M. Kostroman, je pense que la Chambre n'en a pas beaucoup entendu
28 parler. Savez-vous quelle était la position de ce M. Kostroman à l'époque,
Page 29741
1 son poste, sa fonction au sein du parti de l'Herceg-Bosna ? Ici nous
2 parlons du printemps et de l'été 1992.
3 R. Je connais personnellement Kostroman. Je ne sais pas quelle était sa
4 fonction à l'époque, pas au sein du parti.
5 Q. Ici on dit qu'il est secrétaire exécutif et membre du conseil
6 principal. Cela vous semble correct ?
7 R. Oui, moi j'étais à Sarajevo, on était encerclé, donc je n'avais pas
8 beaucoup de contact avec les partis, c'est tout à fait possible. Cela étant
9 dit, je n'ai pas beaucoup de raisons pour contester cela.
10 Q. Revenons maintenant au premier classeur, pièce P 00312. Je reprends, il
11 s'agit de la pièce P 312 qui se trouve dans le premier classeur. Il s'agit
12 d'un procès-verbal d'une réunion, ce qui nous intéresse c'est le deuxième
13 paragraphe de la première page. C'est daté du 5 juin 1992. Cela concerne M.
14 Tudjman et d'autres personnes.
15 Pouvez-vous, s'il vous plaît, vous placer à la deuxième page, à la fois
16 dans la version en anglais et de la version en croate, première prise de
17 parole de M. Brkic.
18 Dans le deuxième ou troisième paragraphe, c'est le troisième
19 paragraphe en fait qui nous intéresse, il est écrit : "Mais qu'est-ce que
20 l'Herceg-Bosna, quel type d'association est-ce ? Il faut aussi clarifier la
21 Posavina et la Bosnie centrale. Il convient de savoir quelle est leur
22 relation avec l'Etat, de savoir ce qu'est le HVO ? Est-ce une armée ou une
23 structure civile, et quel est son mandat ? Tout ceci n'a pas été
24 suffisamment clarifié ou éclairci. Le HVO a suspendu l'autorité civile
25 régulière et même le HDZ."
26 Je passe deux paragraphes, ensuite il dit : "Le parti du HDZ a adopté
27 des conclusions et a rendu hommage au HVO pour ce qu'il a accompli jusqu'à
28 présent, surtout en ce qui concerne les territoires libres. Néanmoins le
Page 29742
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29743
1 HDZ n'est pas du tout d'accord avec la suspension de l'autorité civile."
2 Ensuite plus loin : "En créant un bureau en Herceg-Bosna, il provoque
3 une réaction de dilemme à propos d'une autorité duelle, ce qui fait qu'on
4 ne sait plus à quelle autorité il faut se reporter. Je dis qu'il y a des
5 personnes de Zagreb qui servent d'intermédiaires dans tout ceci mais je ne
6 suis pas sûr qu'ils aient des intentions très claires."
7 Saviez-vous ce que pensait M. Brkic à l'époque de tout cela au milieu
8 des années 1992 ?
9 R. Je pense que les positions de M. Brkic relèvent de l'organisation, pas
10 de la politique. Il pense que le HVO ne doit pas être ensemble du point de
11 vue militaire et civil. Il pense qu'il faudrait que les deux segments,
12 politique et militaire, les deux volets soient complètement séparés.
13 Q. Une des déclarations que je viens de vous lire est une déclaration qui
14 a été faite par M. Brkic. Il déclare que le HDZ n'est pas du tout d'accord
15 avec la suspension de l'autorité civile. D'après vous, M. Brkic adoptait
16 bien cette position ?
17 R. C'est tout à fait possible, c'était son point de vue personnel.
18 Cependant, son affirmation est erronée quand il dit que le HDZ n'était pas
19 d'accord. Lui en tant que personne n'était peut-être pas d'accord, mais le
20 HDZ était d'accord avec cela, c'est évident.
21 Q. A l'époque, M. Brkic était quand même président par intérim de la HDZ,
22 n'est-ce pas ? C'est ce que vous nous avez dit il y a une seconde.
23 R. Je dois dire que c'était le président en exercice du HDZ et ce n'est
24 pas la même chose que le président du HDZ. Parce que quand vous êtes un
25 président par intérim ce n'est pas la même chose, parce que vous n'avez pas
26 exactement les mêmes pouvoirs que le pouvoir du véritable président du
27 parti dont les pouvoirs sont bien plus larges, bien plus importants.
28 Q. Le président du HDZ à l'époque était Stjepan Kljuic, n'est-ce pas ?
Page 29744
1 R. Le président du HDZ, mais avant cela était Stjepan Kljuic, mais au
2 moment où Brkic était le président en exercice du HDZ, Kljuic n'était pas
3 le président du parti.
4 Q. Bien. L'une des raisons pour laquelle je vous ai montré le PV de la
5 réunion du HDZ de mars est la suivante : j'affirme que la direction du HDZ
6 a nommé M. Brkic comme président par intérim, par une lettre signée par M.
7 Boban et M. Kostroman, c'est parce qu'il y avait un combat entre lui et M.
8 Kljuic à l'époque. Ils n'arrivaient pas à ce que M. Kljuic se démette de
9 ses fonctions lui-même, démissionne et c'est pour cela qu'on a nommé M.
10 Brkic comme président par intérim à la place; c'est cela ?
11 R. Je dois avouer que je n'ai pas assisté à ces réunions donc on peut
12 interpréter ce texte autrement. De toute façon, du point de vue de la
13 théorie et du point de vue pratique, si M. Brkic était le président en
14 exercice, cela veut dire que Kljuic n'était pas le président.
15 Q. Bien. De toute façon n'en parlons plus. Nous y reviendrons.
16 Page 3, maintenant. Il a une intervention d'une personne appelée V. Baric,
17 M. Baric dit : "Je crois que l'établissement du HVO était une bonne chose,
18 mais dans les endroits où il y a une majorité musulmane, ils ne le
19 reconnaissent pas parce qu'en fait cela représente une prise de pouvoir
20 très tranquille, si je puis dire."
21 Connaissiez-vous ce M. Baric ?
22 R. Non, ce n'est pas Baric, mais Barac, si c'est de la même personne que
23 vous êtes en train de parler.
24 Q. Connaissez-vous une personne nommée V. Barac ?
25 R. [aucune interprétation]
26 Q. Connaissez-vous cette personne, V son prénom V, Barac ?
27 R. Oui, j'ai connu quelqu'un répondant à ce nom. Pas bien, mais je l'ai
28 connu.
Page 29745
1 Q. Vous pouvez nous dire quel était son poste ou ce qu'il était en juillet
2 1992 ?
3 R. Je ne sais pas. Il était dans le parti. Je crois qu'il était originaire
4 de Zenica. Je ne sais pas ce qu'il faisait dans le parti.
5 Q. Vous dites qu'il faisait partie "du parti", mais quel parti, du HDZ ?
6 R. Oui, c'est du HDZ que je parle.
7 Q. Passons maintenant à la page 8 de ce document, intervention d'un M. P.
8 Juric, ce M. Juric dit : "Pour ce qui est des conclusions, à mon avis en
9 reconnaissant la BH, les autorités élues de façon légale à la BH devraient
10 aussi être reconnues."
11 Je passe au paragraphe suivant, il dit : "Il faut quand même clarifier les
12 activités de l'Herceg-Bosna, à savoir qui les finance, et quels sont les
13 parrainages de tout cela."
14 Pouvez-vous nous dire quel était le poste de M. Juric à cette époque ?
15 R. Je dois admettre que je ne connais pas M. Juric. Donc je ne sais pas
16 s'il était dans le parti et quelles étaient ses fonctions.
17 Q. Saviez-vous qu'environ à ce moment-là, M. Boban était de plus en plus
18 en conflit avec la direction du parti du HDZ, c'est-à-dire y compris M.
19 Brkic, M. Jure Pelivan, M. Barac, M. Juric ? Toutes ces personnes faisaient
20 partie du HDZ et n'acceptaient absolument pas le point de vue de M. Boban;
21 c'est bien cela, n'est-ce pas ?
22 R. A l'époque je n'étais pas actif au sein du parti. Je faisais mon
23 travail à titre professionnel au sein de la présidence, donc je ne peux pas
24 me prononcer à ce sujet. Mais ce que je puis faire c'est me prononcer au
25 sujet de M. Boban à l'occasion d'une assemblée du parti lorsqu'il a été élu
26 président, il a été élu de façon tout à fait légale avec une majorité
27 écrasante. Je crois que c'était non pas unanime, mais avec une majorité
28 écrasante.
Page 29746
1 Q. [aucune interprétation]
2 R. Dans ce conflit au sein du parti à l'époque dont je parle, c'était le
3 mois d'octobre 1992.
4 Q. Je pense que nous avons ce document. Nous y viendrons, mais allons de
5 l'avant, je souhaiterais que vous répondiez à ma question sur ce point. Et
6 si le temps nous y autorise, nous reviendrons là-dessus plus tard.
7 A l'époque M. Boban était très en colère contre M. Brkic, M. Barac, M.
8 Pelivan, et ainsi de suite.
9 R. Je ne le dirais pas pour Pelivan et je ne sais pas pour Brkic. Pelivan,
10 je ne le dirais pas parce qu'il n'était pas actif au sein du parti et je ne
11 sais pas pourquoi M. Boban serait mécontent de lui. Je ne sais même pas si
12 Pelivan était membre du parti.
13 Q. Pourriez-vous vous pencher sur la page 8 de ce document, cela ne
14 correspond pas à la page 8 en croate, je crois que c'est la première
15 intervention d'un certain Vice Vukojevic. Qui était cet homme et quel était
16 son rôle éventuel à l'époque dans ces événements ?
17 R. M. Vukojevic, c'est un homme originaire de l'Herzégovine. A l'époque il
18 résidait à Zagreb. Il allait en Herzégovine. Je pense qu'il était membre du
19 Parlement croate. Et sa carrière, je ne sais pas s'il l'a conduit à son
20 terme ou pas, mais je sais qu'il était membre de la cour constitutionnelle
21 de Croatie.
22 Q. Savez-vous pourquoi M. Vukojevic a assisté à cette réunion avec le
23 président Tudjman, réunions auxquelles ont assisté plusieurs dirigeants du
24 HDZ de Bosnie-Herzégovine ?
25 R. Je puis vous donner mon avis. Moi, je ne le convoquais pas aux
26 réunions. Je n'ai en rien lorsque j'étais présent, mais je ne sais même pas
27 s'il était aux mêmes réunions que moi, mais je pense que ce qui a été
28 déterminant c'était son origine, puisqu'il était originaire de la Bosnie-
Page 29747
1 Herzégovine.
2 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi.
3 Q. Vous dites que parce que ce monsieur venait d'Herzégovine ça
4 l'autorisait à assister à une réunion avec M. Tudjman et des dirigeants
5 croates, croates de Bosnie j'entends ?
6 R. Je suppose qu'il en est ainsi, je pense que c'est à cet effet qu'il a
7 été convié. Il connaissait la problématique des Croates en Bosnie-
8 Herzégovine. Et j'ai déjà dit que j'ignorais les raisons pour lesquelles on
9 l'avait convié, et je ne sais pas qui est-ce qui l'a convié. Je ne connais
10 pas les raisons concrètes, je ne puis que supposer.
11 Q. N'est-il pas exact de dire que M. Vukojevic était l'un des confidents
12 du président Tudjman, avec M. Susak, c'est l'une des personnes qui étaient
13 les plus impliquées dans les questions relatives à l'Herceg-Bosna, n'est-ce
14 pas ?
15 R. Les relations entre le président Tudjman et M. Vukojevic, c'est un
16 volet qui m'échappe, ce qui fait que toute allégation que vous présenteriez
17 est une position à vous. Ce n'est pas un élément que je pourrais
18 reconnaître, je ne le sais pas.
19 Q. Revenons-en à la page 7 de ce document. Là encore, il est fait
20 référence à une intervention de M. Brkic. Il est dit : "…l'attitude à
21 l'égard du gouvernement de Bosnie-Herzégovine. S'il reconnaît la Bosnie-
22 Herzégovine, il doit reconnaître le gouvernement de Bosnie-Herzégovine."
23 Est-ce que vous êtes d'accord ?
24 R. Excusez-moi, je n'ai pas retrouvé. Vous parlez de M. Brkic, n'est-ce
25 pas ? Ça y est.
26 Q. Il dit : "Si vous reconnaissez la Bosnie-Herzégovine, vous devez
27 reconnaître son gouvernement." Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?
28 Est-ce que cela vous paraît véridique et exact ? Je parle de la teneur de
Page 29748
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29749
1 cette déclaration, est-ce que vous êtes d'accord avec la position exprimée
2 selon laquelle si l'on reconnaît la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat
3 souverain et indépendant, il est logique de reconnaître également le
4 gouvernement de cet Etat, ou est-ce que votre position est différente sur
5 la question ?
6 R. Je ne vois pas. Enfin, dans le texte croate ici, d'abord, on dit que
7 l'on reconnaît l'autorité. L'autorité, ce n'est pas seulement le
8 gouvernement, c'est un contexte plus vaste que ne l'est le gouvernement.
9 Par conséquent, je suppose que M. Brkic parle ici pour dire si l'on
10 reconnaît la Bosnie-Herzégovine, il est logique de reconnaître ses
11 autorités aussi. Cela me semble normal.
12 Q. Page 10 de ce document, là où il est indiqué conclusion, nous trouvons
13 des informations imputées à M. Manolic. Il est dit : "M. Manolic maintient
14 que M. Brkic et M. Boban doivent se montrer plus modérés, ils doivent se
15 rencontrer plus souvent pour résoudre les problèmes. Le HDZ est au-dessus
16 du HVO et des autorités civiles. Les organes provisoires du gouvernement
17 peuvent être constitués là où il n'y a plus d'autorités. Les autorités
18 légalement élues ne doivent pas être perturbées. Le HVO ne doit pas être
19 responsable de ces autorités."
20 Est-ce que vous êtes d'accord avec le point de vue exprimé par M.
21 Manolic ici ? Car vous avez parfois assisté à des réunions avec M. Manolic,
22 n'est-ce pas ?
23 R. J'étais présent à certaines de ces réunions et je puis vous expliquer
24 de quoi il en retourne. Certains pensaient, dont M. Manolic, que là où les
25 conditions de guerre le permettaient, on pouvait faire fonctionner les
26 autorités telles qu'élues par le peuple, en passant par leurs députés au
27 Parlement de Bosnie-Herzégovine. Je pense qu'ici, il est question d'une
28 position prise au sein du HVO comme cela a été le cas au sein de la
Page 29750
1 présidence de Bosnie-Herzégovine, à savoir qu'en cas de guerre ou de danger
2 de guerre imminent, il ne saurait y avoir tenue de sessions de Parlement ou
3 des instances légalement élues, et cela a été remplacé par le HVO. Comme à
4 Sarajevo, c'est la présidence qui a remplacé les sessions du Parlement.
5 Q. La différence c'est que les membres de la présidence étaient élues à
6 leurs postes -- enfin, la plupart d'entre eux, comme nous l'avons dit la
7 semaine dernière, tandis que les membres du HVO n'étaient pas élus, n'est-
8 ce pas ? Est-ce que vous pouvez m'indiquer si à quelque moment que ce soit
9 des élections ont été tenues sur le territoire revendiqué par l'Herceg-
10 Bosna en 1992 et en 1993 ? Donc, est-ce qu'il y a des personnes qui ont été
11 élues au sein du gouvernement du HVO ? Si tel est le cas, dites-le-moi.
12 R. Je ne peux pas en parler. Je ne sais pas comment fonctionnait le HVO
13 dans le détail. Ce que je sais, c'est que l'Herceg-Bosna a été créé par les
14 députés -- ceux des députés qui, aux élections, avaient obtenu le plus de
15 votes au sein de leur municipalité respective. Je parle là d'élections pour
16 le Parlement de la Bosnie-Herzégovine.
17 M. SCOTT : [interprétation] Est-ce que Mme l'Huissière pourrait m'aider ?
18 Je souhaiterais me servir du compte rendu de votre déposition dans
19 l'affaire Kordic. Peut-être que l'on pourrait placer cela sur le
20 rétroprojecteur. Il s'agit de la page 20 434, ligne 19. Est-ce que l'on
21 peut agrandir un peu l'image ?
22 Q. Monsieur, dans l'affaire Kordic, vous avez dit : "La position générale
23 de la présidence de Bosnie-Herzégovine était que la création du HVO était
24 tout à fait légale et que la création de la communauté des municipalités de
25 Bosnie orientale et la création de la communauté croate d'Herceg-Bosna
26 étaient illégales."
27 Est-ce exact ?
28 R. Oui, mais là je parlais des positions prises au sein de la présidence,
Page 29751
1 mais la présidence n'a pas adopté de décision en ce sens.
2 Q. C'est ce que vous avez dit sous serment dans l'affaire Kordic, n'est-ce
3 pas ? Vous avez dit que la position générale de la présidence de Bosnie-
4 Herzégovine était telle que vous l'avez décrite. Vous avez dit de façon
5 générale, la présidence pensait que la création du HVO était légale; est-ce
6 exact ?
7 R. Je tiens à dire une fois de plus que les positions générales et les
8 conclusions de la présidence, ce n'est pas la même chose. Il s'agissait
9 d'entretiens au sein de la présidence qui ne se sont pas mués en
10 conclusions. C'est ainsi que j'ai témoigné.
11 Q. Dernier document du premier classeur, P 00336.
12 Il s'agit du procès-verbal d'une réunion qui s'est tenue quelques
13 semaines après la réunion dont nous avons parlé plus tôt, avec M. Brkic et
14 d'autres, le 5 juillet 1992. Alors, cette réunion s'est tenue le 21 juillet
15 1992. Il y a plusieurs déclarations qui ont été faites lors de cette
16 réunion et qui figurent dans ce procès-verbal. Je souhaiterais vous
17 interroger à ce sujet. D'après ce que je sais, la numérotation des pages
18 est la même en anglais et en croate, page 59. Par exemple, page 59
19 correspond à la même page dans les deux versions. Est-ce que vous pourriez
20 vous pencher sur la page 59, s'il vous plaît.
21 R. Je vais me retourner vers la page en anglais parce que je ne peux plus
22 chercher.
23 Q. Comme vous voulez. Comme je l'ai dit, les pages sont identiques.
24 Page 59, nous trouvons une déclaration du président Tudjman. Il fait
25 référence à M. Izetbegovic et il dit que les deux délégations sont d'accord
26 pour dire que le statut du peuple croate en Bosnie-Herzégovine doit être
27 organisé sur la base de trois unités constitutives de la Bosnie-
28 Herzégovine. Puis à la page 60, on peut lire et deuxièmement que : "Les
Page 29752
1 forces de défense du HVO soient considérées comme faisant partie intégrante
2 des forces de défense de la Bosnie-Herzégovine, que ces forces soient
3 représentées au sein du commandement conjoint de la Bosnie-Herzégovine."
4 Est-ce que vous voyez cela ?
5 R. Je vois.
6 Q. Puis un peu plus bas sur cette même page, M. Izetbegovic dit la chose
7 suivante : "La deuxième chose est non seulement acceptable, mais elle est
8 également nécessaire et souhaitable à tous égards, c'est la référence faite
9 à ce que le HVO fasse partie intégrante des forces de défense de Bosnie-
10 Herzégovine." Ensuite, on dit : "Tout d'abord nous ne voulons pas préjuger
11 de cette question." Est-ce que vous voyez cela ?
12 R. Je vois.
13 Q. Est-ce que ces deux déclarations correspondent aux positions exprimées
14 par M. Izetbegovic en 1992 sur ces deux questions, c'est-à-dire qu'il a
15 effectivement reconnu le HVO comme faisant partie intégrante des forces de
16 défense de la Bosnie-Herzégovine, et que par ailleurs, du moins lors de
17 cette réunion, il n'a pas accepté que la Bosnie-Herzégovine soit divisée en
18 trois Etats ethniques différents ?
19 R. En tout état de cause il est exact de dire que M. Izetbegovic
20 reconnaissait le HVO. Il reconnaissait aussi l'existence de trois peuples
21 constitutifs. Pour ce qui est des trois unités ethniques, il y a eu bien
22 des doutes d'émis de sa part. Il a accepté au final mais ça ne s'est pas
23 réalisé.
24 Q. Dans les hauts cercles du gouvernement croate ou du HVO ou du HDZ,
25 connaissiez-vous un certain Milan Gromiljak ?
26 R. Oui, j'ai connu cet homme. C'était le vice-premier ministre du
27 gouvernement croate. Il était également originaire de la Bosnie-
28 Herzégovine, oui. C'est tout ce que je peux vous dire.
Page 29753
1 Q. Pourriez-vous vous pencher sur la page 152 de ce procès-verbal. M.
2 Ramljak parle des questions d'organisation. Il fait référence au dialogue
3 avec les représentants du HVO, c'est le principal sujet ici. La composante
4 armée doit être placée aussitôt sous le commandement, et ainsi de suite,
5 avec quelques ajustements selon les circonstances.
6 Est-ce qu'à l'époque vous saviez que M. Izetbegovic, tout en reconnaissant
7 que le HVO faisait partie intégrante des forces de défense de Bosnie-
8 Herzégovine, estimait que le HVO devait malgré tout se placer sous le
9 commandement unifié de l'Etat de Bosnie-Herzégovine ?
10 R. Je pense que le terme utilisé, à savoir municipalité n'est pas le bon
11 terme. Le bon terme ce serait de dire que toutes les forces armées soient
12 subordonnées à un commandement conjoint, dont le commandement Suprême se
13 trouverait être la présidence de la Bosnie-Herzégovine.
14 Q. C'est justement l'objet de ma question. M. Izetbegovic a accepté la
15 légitimité du HVO pour autant que le HVO reconnaisse et se place sous le
16 commandement de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?
17 R. Non. Il a reconnu le HVO sans placer sous un point d'interrogation les
18 autres préalables. Les autres préalables c'est une convention relative ou
19 une concertation relative à un commandement conjoint.
20 Q. Peut-être que nous nous sommes mal compris, mais il me semble qu'à la
21 page 59 vous avez dit que : "Il valait mieux dire que toutes les forces
22 armées devaient être subordonnées à un commandement conjoint dont le
23 commandant suprême serait la présidence de Bosnie-Herzégovine"; est-ce bien
24 cela ?
25 R. Oui, Monsieur. Mais vous posez vos questions de façon variée et je ne
26 peux pas toujours répondre de la même façon. Il est vrai de dire que M.
27 Izetbegovic a reconnu le HVO. Pas M. Izetbegovic ce n'est pas une question
28 qui le regardait, c'est la présidence de Bosnie-Herzégovine qui a reconnu
Page 29754
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29755
1 le HVO en tant que segment des forces armées de la Bosnie-Herzégovine. Il
2 est vrai aussi de dire qu'il y a eu des pourparlers pour faire en sorte
3 qu'entre le HVO et l'ABiH il soit établi un commandement conjoint. Il est
4 exact aussi de dire dans une situation de ce genre, la présidence de
5 Bosnie-Herzégovine comme le dit la constitution se trouve être le
6 commandant suprême des forces armées.
7 Ce que je dis ici ou ce que j'évoque c'est la présidence de la Bosnie-
8 Herzégovine dans sa légitimité pleine et entière. Or, ce n'est pas ici
9 l'élément dont on débat à présent.
10 Q. Pouvez-vous passer à la page 144 du procès-verbal. En bas de la page
11 nous trouvons une fois encore une intervention de M. Miljenko Brkic. "M. le
12 président, lorsque le HVO a fait son apparition en tant que structure
13 militaire, les Musulmans et les Croates étaient unis, mais dès que le HVO
14 apparaît comme une structure civile, les Musulmans ne l'acceptent pas dans
15 tout le secteur de la Bosnie-Herzégovine centrale."
16 Alors vu le document précédent, est-ce que c'était la position de M.
17 Brkic, président par intérim du HDZ de Bosnie-Herzégovine. Il pensait que
18 le HVO était accepté en tant que structure militaire dans la mesure où le
19 HVO était subordonné à la présidence, mais le HVO n'était pas accepté en
20 tant qu'autorité civile ?
21 R. Oui. C'est ainsi que M. Brkic a présenté les opinions qui sont
22 les siennes.
23 Q. Pourriez-vous vous pencher sur la page 149 de ce même compte rendu,
24 s'il vous plaît. Ceux qui le souhaitent pourront se pencher sur les pages
25 précédentes. On parle du HVO en tant que gouvernement civil. En haut de la
26 page 149, on voit une intervention de M. Izetbegovic. Il dit : "Il s'agit
27 d'un gouvernement civil." Et au milieu de la page, M. Pelivan déclare :
28 "Cela ne passera pas au gouvernement, je connais les membres du
Page 29756
1 gouvernement. Tudjman : "Cela ne passera pas dans quel gouvernement ?"
2 Pelivan : Dans le gouvernement de Bosnie-Herzégovine." Est-ce que M.
3 Pelivan ne disait pas très clairement, tout comme M. Izetbegovic, que le
4 gouvernement de Bosnie-Herzégovine n'accepterait pas la position selon
5 laquelle l'Herceg-Bosna serait reconnue comme autorité civile en parallèle
6 de l'Etat de Bosnie-Herzégovine ?
7 R. Je dois vous donner ici mon opinion, à savoir que les autorités civiles
8 du HVO n'étaient pas une des autorités parallèles.
9 Q. Ce n'était pas ma question. Veuillez répondre à ma question, s'il vous
10 plaît, si vous le pouvez, si vous ne connaissez pas la réponse, dites-le-
11 moi.
12 Est-ce que M. Pelivan et M. Izetbegovic, d'après ce qu'il est dit
13 dans cette réunion, saviez-vous à l'époque que ces deux hommes rejetaient
14 le HVO en tant qu'autorité du gouvernement, autorité civile par opposition
15 au fait que le HVO était une composante militaire des forces armées de
16 Bosnie-Herzégovine ? Alors quelle est votre opinion ? Saviez-vous que M.
17 Pelivan et M. Izetbegovic étaient de cet avis au milieu de l'année 1992 ?
18 R. Non, ce n'est pas un fait, c'est une supposition que me fait M.
19 Pelivan, si lui fait des suppositions, je peux en faire aussi. M. Pelivan a
20 dit clairement : "Ça ne passera pas au gouvernement. Je connais la
21 composition de ce gouvernement." Il n'a pas dit : "Ceci n'est pas passé au
22 gouvernement."
23 Q. Monsieur, M. Pelivan était premier ministre de la Bosnie-Herzégovine en
24 juillet 1992, n'est-ce pas ? Il vous a précédé à ce poste. M. Pelivan a été
25 le premier ministre de Bosnie-Herzégovine, il a indiqué clairement à M.
26 Tudjman et à toutes les personnes présentes que l'Herceg-Bosna ne serait
27 pas reconnue comme autorité civile légale; c'est bien le cas, n'est-ce pas
28 ?
Page 29757
1 R. Si je ne m'abuse, ici il s'agit du volet civil du HVO. M. Pelivan a dit
2 quelle était la composition du gouvernement, qu'il savait qui faisait
3 partie du gouvernement, à savoir que c'était les Musulmans qui avaient tout
4 le pouvoir au sein du gouvernement.
5 Q. Vous spéculez -- excusez-moi, je ne pense pas que ce comportement soit
6 acceptable.
7 M. Pelivan a dit que ce ne serait pas accepté par le gouvernement, et à la
8 page 150, au milieu de la page, il poursuit en disant : "Le fait est que
9 cela pourrait être désapprouvé de l'autre côté. Les Serbes veulent
10 également avoir leur propre gouvernement." Donc si la légitimité de
11 l'Herceg-Bosna était reconnue, il n'y aurait pas de différence, on aurait
12 dû reconnaître l'entité serbe comme tout aussi légitime, n'est-ce pas ?
13 R. C'est le point de vue de M. Pelivan. Je ne veux pas discuter de cela.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Si l'on reste sur ce sujet, je propose que
15 l'on demande à ce témoin d'examiner la page 151, sans lui demander de
16 donner son avis. Il y a une discussion qui a lieu maintenant, mais
17 franchement, on demande au témoin de parler d'une situation alors qu'il n'a
18 pas participé à ces événements.
19 M. SCOTT : [interprétation] Deux réponses. Si l'on regarde le reste du
20 document, tout ce document a été versé au dossier, la Chambre en dispose.
21 Me Karnavas peut en parler lors des questions supplémentaires.
22 Deuxièmement, ce témoin a été impliqué à un niveau ou à un autre dans les
23 hauts cercles de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Je lui présente des
24 positions fondamentales des parties en présence à l'époque. Il s'agit de
25 positions très importantes. Je n'ai pas entendu le témoin dire cela, mais
26 si M. Akmadzic nous dit qu'il n'a aucune connaissance concernant les
27 différentes positions des partis en présence lors de ces négociations,
28 alors toute sa déposition doit être remise en question.
Page 29758
1 M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne souhaite pas insister. Manifestement,
2 cela ne découle pas de l'interrogatoire principal. Le témoin a bien parlé
3 des positions des différentes parties, de M. Silajdzic et des autres, de
4 toutes les personnes du côté musulman, du côté croate, du côté serbe. Or,
5 je ne vois pas en quoi cela affecte la crédibilité du témoin. On demande au
6 témoin de donner son opinion sur les idées de M. Pelivan, ce qu'il pensait,
7 on peut lire cela. Mais je ne sais pas où il veut en venir avec son contre-
8 interrogatoire.
9 M. SCOTT : [interprétation] J'essaie d'obtenir une confirmation et je pense
10 être en droit de le faire. Je souhaiterais savoir en posant des questions
11 au témoin si c'était juste Izetbegovic et les Musulmans qui étaient en
12 désaccord, mais également des Croates, et notamment le président d'un parti
13 politique croate, M. Brkic, il a dûment élu en tant que président par
14 intérim en mars 1992, et M. Pelivan qui était le premier ministre croate de
15 la Bosnie-Herzégovine à l'époque, alors ce n'était pas juste la position de
16 M. Izetbegovic, il s'agissait de positions de hauts dirigeants croates
17 également qui manifestement rejetaient la position de M. Boban et de ses
18 acolytes. Alors je souhaite confronter le témoin.
19 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, nous voyons bien qu'il y avait diverses
20 positions, mais le témoin présent nous a également indiqué que M. Brkic
21 avait ses propres idées sur la composition. Personne ne l'a contesté, les
22 gens ont toujours eu des positions différentes. Alors je ne vois pas où est
23 le problème.
24 M. SCOTT : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voulez confronter la position de M. Pelivan à
26 partir de ce document, page 150. Et vous voulez savoir si le témoin
27 confirme ou pas. Le témoin semble dire que ce que M. Pelivan a dit, ça lui
28 incombe, sans pour autant que le témoin ici présent soit d'accord ou
Page 29759
1 contre. Bon. Me Karnavas lors des questions supplémentaires pourra revenir
2 là-dessus s'il veut.
3 Bien. Continuez, Monsieur Scott.
4 M. SCOTT : [interprétation]
5 Q. Troisième classeur. La pièce 1D 00507. Cela semble être un décret
6 portant sur la loi régissant les forces armées de la République de Bosnie-
7 Herzégovine, loi adoptée le 6 août 1992, juste après cette réunion à Zagreb
8 qui avait eu lieu le 21 juillet. Il s'agit bien d'une action prise par la
9 présidence de Bosnie-Herzégovine mettant en œuvre ce qui est écrit à
10 l'article 1, c'est-à-dire : "Les parties intégrantes de l'armée -- les
11 forces armées de la République consistent dans l'armée de la république que
12 l'on nommera ici l'armée, les parties intégrales de l'armée sont formées
13 par le Conseil croate de la Défense ainsi que d'autres groupes armés qui
14 sont mis sous le commandement uni de l'armée."
15 C'est bien l'action qui a été prise par la présidence le 6 août 1992
16 ?
17 R. Oui, mais il y a une erreur ici, si vous me permettez. Dans ce texte,
18 on dit : "Les forces armées de la République sont composées de l'armée de
19 la République," plus loin dans le texte, "font partie de l'armée, les
20 unités du Conseil croate de la Défense ainsi que d'autres membres de
21 l'armée." Là il y a une erreur, c'est manifeste, puisqu'on parle de forces
22 armées du pays et pas de l'armée dans le sens "armija."
23 Q. Vous n'êtes pas tout à fait d'accord avec cela, mais -- en tout cas,
24 c'est ce qui est écrit dans le document. Vous avez le droit d'avoir votre
25 point de vue, certes. Mais vous avez confirmé quand même que c'est bien
26 l'action entérinée par la présidence de la Bosnie-Herzégovine.
27 Passons toujours même au classeur 3, mais nouvelle pièce. La pièce 1D
28 02432, s'il vous plaît. Il s'agit d'un ordre en date du 16 octobre 1992,
Page 29760
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29761
1 vous l'avez déjà vu, c'est un ordre donné aux forces armées de Bosnie-
2 Herzégovine, c'est-à-dire l'armée de la BiH et le HVO, et d'après ce que
3 vous nous avez dit jusqu'à présent, d'après vous, ceci est un ordre
4 parfaitement légal où on donne des ordres aux deux composantes des forces
5 de Bosnie-Herzégovine. C'est bien cela ?
6 R. Oui. Cependant, au paragraphe 2, Monsieur, on dit que pour le
7 commandant de l'action avec pleine compétence, c'est Jasmin Jaganjac qui
8 est nommé. On nomme Mirsad Catic aux fonctions d'adjoint. Et les autres
9 membres de l'action, Zejnil Delalic et Ferid Buljubacic. C'est tous des
10 Musulmans. Et je pense que ce type d'ordre n'a pas été adopté par la
11 présidence. Dans le texte plus haut, on voit "présidence de la Bosnie-
12 Herzégovine," et on voit "cabinet du président." Cet ordre ne se réfère pas
13 à une décision de la présidence, mais c'est M. Izetbegovic --
14 Q. Je vous arrête. Nous n'avons pas beaucoup de temps --
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Je soulève une objection. Il a le droit de
16 terminer sa phrase, nous savons d'après la déposition précédente, que c'est
17 la présidence qui était le commandement Suprême, et non pas Izetbegovic. Et
18 là Izetbegovic usurpe la présidence, il devient dictateur, si je puis dire,
19 et c'est ce l'on m'a dit depuis toujours. Il agit comme s'il était chef
20 d'Etat. Le témoin a le droit de répondre.
21 M. SCOTT : [interprétation] Non. Je vais essayer d'avoir une réponse
22 correcte, et je regarde ce qui est écrit au compte rendu. Le témoin a dit
23 en réponse à ma question -- ma question était : "Est-ce un ordre bien
24 légitime, légal ?" Et la réponse est : "Oui," page 66, ligne 16.
25 Quant à savoir pour ce qui est de la composition des officiers qui
26 avaient été nommés, paragraphe numéro 2, et le témoin a encore répondu :
27 "C'est intitulé bureau du président de la Bosnie-Herzégovine", M.
28 Izetbegovic étant président et il y a sa signature.
Page 29762
1 M. KARNAVAS : [interprétation] Je demande à ce que le témoin finisse sa
2 réponse, puisqu'il était en train de finir sa réponse. Pourquoi
3 l'interrompre ?
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, qu'est-ce que vous vouliez
5 terminer au moment où vous auriez été coupé ? Qu'est-ce que vous vouliez
6 compléter ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais dire aux Juges de la Chambre que je
8 reconnais ici la signature de M. Izetbegovic. Ce n'est pas contesté. Ce qui
9 est contesté, c'est deux éléments ici. L'un, c'est que M. Izetbegovic n'a
10 pas donné cet ordre partant d'une conclusion ou d'une décision de la
11 présidence, mais de son propre gré. On le voit partant de deux segments.
12 Dans le texte, on dit "cabinet du président" et non pas "présidence." Et
13 deuxième segment, c'est que dans le texte, avant l'intitulé de l'ordre, il
14 ne se réfère pas à une décision de la présidence. Il parle d'une nécessité
15 qui s'est avéré exister suivant sa décision.
16 J'ai dit que les décisions de la présidence étaient signées par le
17 président et il fallait qu'on s'y réfère. Ici le président signe en son nom
18 personnel, il ne se réfère pas à une décision de la présidence, vu que
19 celle-ci n'a pas existé.
20 Deuxième chose, le paragraphe 2, pour ce qui est des nominations, nous
21 montre que cette présidence n'aurait jamais adopté telle décision, car ce
22 sont tous des gens qui appartiennent au groupe ethnique musulman. Les
23 Serbes et les Croates dans la présidence n'auraient pas accepté cela.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, ce que vous dites, vous pouvez
25 le dire, mais moi, ce qui m'importe, c'est la question du HVO. Est-ce que
26 la présidence, mettez Izetbegovic de côté, la présidence, est-ce que la
27 présidence reconnaît le HVO comme force armée de la République de Bosnie-
28 Herzégovine ?
Page 29763
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. La présidence
2 reconnaissait le HVO comme un des deux segments-clés des forces armées de
3 la Bosnie-Herzégovine.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Deuxième question : Ce document mais -- votre
5 réponse va dans le sens, le HVO est donc reconnu comme force armée. Je me
6 pose la question de savoir si la présidence reconnaissait au HVO un rôle
7 civil. Alors, c'est oui ou c'est non.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous répondre par un oui ou par
9 un non puisqu'on n'a pas discuté de cela au sein de la présidence.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Ça n'a jamais été discuté au sein de la présidence ?
11 Jamais ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Que je sache, non.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Au moins, c'est clair.
14 M. SCOTT : [interprétation]
15 Q. Oui, pour reprendre sur la question du président de la Chambre. On met
16 de côté M. Izetbegovic pour l'instant, et on parle juste du principe, est-
17 il correct de dire que la présidence de Bosnie-Herzégovine est le
18 commandement Suprême des forces armées de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, et
19 donc, de ce fait, dans cette capacité, peut donner des ordres, à la fois à
20 l'armée, -- à toutes les armées, qu'elles soient ABiH ou HVO ? C'est
21 correct, n'est-ce pas ?
22 R. Oui, en tenant compte de ce qu'on a déjà dit aujourd'hui, à savoir que
23 la présidence est composée des trois peuples et que les trois peuples
24 doivent participer à la prise de décisions au niveau de la présidence.
25 Q. Ça c'est votre point de vue, certes, je le comprends bien. Mais je vous
26 demande la chose suivante : la présidence et le commandement Suprême -
27 laissez-moi poursuivre, s'il vous plaît - la présidence, et vous l'avez dit
28 à plusieurs reprises, et je tiens à m'assurer que c'est bien ce que vous
Page 29764
1 avez dit, que nous parlons tous de la même langue, donc la présidence et le
2 commandement Suprême des forces armées de Bosnie-Herzégovine, y compris le
3 HVO ?
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Khan.
5 M. KHAN : [interprétation] Je suis sûr que mon éminent confrère n'a aucune
6 idée préconçue, mais cela paraît assez péjoratif ce qu'il dit, puisque le
7 témoin témoigne sous serment, il n'est pas en train d'argumenter. Or, à
8 plusieurs occasions, à plusieurs reprises, mon éminent confrère, par
9 inadvertance a essayé de catégoriser ce que disait le témoin comme étant
10 argumentatif. Je pense qu'il l'a fait par inadvertance uniquement.
11 M. SCOTT : [interprétation]
12 Q. Oui, je pose quand même ma question, et je la repose à nouveau. La
13 présidence de la Bosnie-Herzégovine était le commandement Suprême de toutes
14 les forces armées légales de l'Etat de Bosnie-Herzégovine et tout ordre
15 donné par ce commandement Suprême au HVO serait un ordre légal et serait
16 contraignant pour le HVO; c'est bien cela ? Ou considérez-vous que le HVO
17 avait le droit de choisir quels ordres il allait suivre et quels ordres il
18 allait décider de ne pas suivre ?
19 R. Le HVO n'avait pas ce droit. Aujourd'hui, j'ai donné lecture devant le
20 Juge du règlement de la présidence, les décisions de la présidence sont
21 légitimes si elles sont prises conformément aux règlements que nous avons
22 lus. Les décisions portant sur, par exemple, les questions militaires, les
23 décisions concernant les affaires militaires doivent être adoptées par
24 consensus avec l'approbation d'au moins cinq personnes, cinq votes pour. Ce
25 n'est pas mon point de vue. C'est ce qui est écrit dans le règlement.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pendant que M. Scott prend des
27 notes, Monsieur le Témoin, je pense que vous faites peut-être une petite
28 confusion entre deux choses. La question telle que je l'ai comprise est une
Page 29765
1 question assez abstraite. Imaginez qu'il y a un ordre légal donné par la
2 présidence de la Bosnie-Herzégovine, là nous parlons d'une supposition et
3 rien d'autre. Le HVO dans ce cas-là, est-il obligé de suivre cet ordre
4 donné par la présidence ? C'est ça la question. Pour ce qui est de votre
5 réponse, lorsque vous avez parlé de la légalité de l'ordre, vous avez
6 changé la prémisse de la question en disant : "A l'époque il n'y avait de
7 toute façon pas d'ordres légaux donnés par ceci ou cela." Ce n'est pas ce
8 qui nous intéresse. Ce n'était pas en tout cas le but de la question.
9 Puisque la question est une supposition, vous dites que la supposition
10 n'est pas réaliste, mais il ne faut pas prendre ça en compte.
11 S'il y avait eu un ordre parfaitement légal, remplissant tous les critères
12 de légalité, et pris de façon correcte avec le quorum, et cetera, la
13 majorité, si cet ordre avait été donné de façon légale, le HVO aurait-il
14 été obligé de suivre cet ordre, oui ou non ? C'était la question.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais ils auraient été obligés à partir de
16 ce moment-là de créer un commandement commun, puisque cela aussi figure
17 parmi les décisions de la présidence. Dans ce cas-là oui, je vous réponds
18 par l'affirmative.
19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, le commandement commun, c'est
21 important ce que vous dites. Mais je vous ai déjà posé la question, mais il
22 faut que ça soit clair pour tout le monde. Dans votre esprit, le
23 commandement commun, est-ce à dire qu'il doit y avoir les Serbes, les
24 Croates et les Musulmans, ou bien le commandement commun doit avoir un chef
25 quel que soit son ethnie, et le reste est indifférent ? Comment vous
26 définissez au juste ce commandement commun ? Parce qu'en terme militaire,
27 il ne peut pas y avoir 36 chefs. Il y a un chef suprême et puis comme c'est
28 hiérarchisé, il y a des échelons. Alors qu'est-ce que vous entendez quand
Page 29766
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29767
1 vous dites il fallait qu'il y ait un commandement commun ? Ne serait-ce,
2 par exemple, dans le document, l'article 2, j'étais en train de me dire, si
3 c'était la présidence qui avait adopté ce texte, l'article 1 n'aurait pas
4 bougé et à l'article 2 peut-être que la présidence aurait mis Jasmin
5 Jaganjac comme commandant de l'opération, puis aurait peut-être mis un
6 adjoint croate, et puis un autre adjoint serbe. Alors pouvez-vous nous
7 définir ce que vous entendez par commandement commun ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, dans ce cas précis il
9 s'agit de lever le blocus de Sarajevo. Sarajevo a été encerclée par l'armée
10 serbe. Donc, ils ne font pas partie de ce commandement commun, conjoint. Le
11 commandement conjoint -- bon, je ne suis pas un militaire, mais on va dire
12 qu'il peut y avoir, par exemple, cinq personnes qui font partie de ce
13 commandement commun, ou bien sept membres comme c'est le cas au niveau de
14 la présidence. Il y en a un parmi eux qui est à la tête du commandement.
15 C'est comme cela que je le comprends. Mais les décisions essentielles vont
16 être prises par tous les membres, ensuite vous avez un organe civil, c'est
17 la présidence, et il n'y avait aucun membre de la présidence qui a été un
18 militaire avec un grade. Nous étions tous des civils, nous ne savions pas
19 faire la guerre, nous étions censés faire de la politique, et connaître la
20 politique. Quand on parle de l'armée du point de vue opérationnel, elle est
21 commandée par ce commandement commun, dans ce cas précis le commandement
22 concernait deux composantes, l'armée et le HVO. Je pense qu'un tel
23 commandement existe au jour d'aujourd'hui en Bosnie-Herzégovine qui est
24 composé de trois parties parce que l'armée de la Republika Srpska
25 aujourd'hui en fait partie. C'est un système qui est assez complexe. Mais
26 quand vous avez trois peuples, si on ne veut pas se faire la guerre entre
27 nous, il faut qu'on trouve une façon pour vivre ensemble.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est clair. J'ai compris ce que vous dites.
Page 29768
1 Monsieur Scott, j'ai regardé la montre. On est tellement intéressé
2 par le sujet, -- alors il faut peut-être faire le break. On va faire 20
3 minutes, et on reprendra à 18 heures 10.
4 --- L'audience est suspendue à 17 heures 50.
5 --- L'audience est reprise à 18 heures 11.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, vous avez la parole.
7 M. SCOTT : [interprétation]
8 Q. Oui. Nous allons terminer le sujet que nous discutions avant la pause,
9 j'aimerais que vous confirmiez votre déposition jusqu'à présent, à
10 l'automne 1992, n'est-il pas vrai que M. Brkic a été démis de ses fonctions
11 en tant que président par intérim du HDZ de l'ABiH; n'est-ce pas ?
12 R. Non, ce n'est pas exact. M. Brkic n'a pas été mis de côté. Il n'a pas
13 réussi aux élections pour la présidence. Il n'a pas déposé sa candidature.
14 Q. Nous avons des documents à ce propos. Mais il a été remplacé lors d'une
15 assemblée du HDZ BiH en octobre -- non, en novembre 1992 par Mate Boban,
16 qui est devenu président du parti une bonne fois pour toutes, c'est bien
17 cela ? M. Boban est devenu président du HDZ de la BiH en novembre 1992,
18 c'est bien cela ?
19 R. Il est vrai de dire qu'il n'est pas venu à la place de M. Brkic, et il
20 n'est pas devenu, il a été élu suivant les modalités d'élection au sein des
21 partis. Je ne vais donc pas entrer dans ce type de détails, mais il a été
22 élu président.
23 Q. Nous n'avons pas beaucoup de temps, donc je n'aimerais pas couper les
24 cheveux en quatre, donc en novembre 1992, M. Brkic n'était plus président
25 par intérim du HDZ de la BiH, et c'était Mate Boban qui avait ce poste,
26 président du HDZ de la BiH.
27 R. Ça c'est exact.
28 Q. De façon identique, c'est en automne 1992, c'est la date que vous avez
Page 29769
1 précisée hier, donc vers le mois d'octobre 1992, je crois, M. Pelivan lui
2 non plus n'était plus premier ministre de la Bosnie-Herzégovine ?
3 R. Je pense que c'était au moins de novembre.
4 Q. Après cela, donc en octobre ou novembre 1992, quand M. Pelivan n'était
5 plus premier ministre de la Bosnie-Herzégovine, c'est vous qui êtes devenu
6 premier ministre de la Bosnie-Herzégovine. Vous avez été élu en novembre
7 1992 lors d'une assemblée du HDZ à ce poste; c'est bien cela ?
8 R. Ce n'est pas exact. Je n'ai pas été élu à une assemblée du HDZ pour
9 être premier ministre.
10 Q. Vous avez absolument raison, je suis désolé. Donc, en octobre 1992,
11 lors de l'assemblée du HDZ, c'est vous qui avez été candidat sur
12 appointement de Mate Boban, et c'est vous qui êtes devenu le vice-président
13 du HDZ BiH, c'est bien cela ? Et à peu près au même moment, vous avez été
14 nommé premier ministre de la Bosnie-Herzégovine.
15 R. Exact.
16 Q. Passons maintenant à un autre sujet, les négociations de paix. Vous en
17 avez beaucoup parlé lors de votre déposition. Voici ce que j'aimerais que
18 nous abordions ensemble. Il y avait beaucoup de négociations en cours,
19 beaucoup de pourparlers, mais jusqu'à l'accord de Washington, donc en
20 février, mars 1994, il n'y a jamais eu d'accord qui aurait été
21 véritablement mis en œuvre, n'est-ce pas ?
22 R. Il n'y a pas eu mise en œuvre complète d'aucun accord, mais il y a eu
23 des modifications sur le plan organisationnel.
24 Q. Je ne sais pas comment c'est traduit en croate, mais en anglais, il y a
25 quelque chose qui n'est pas très politiquement correct mais qu'on dit
26 souvent, on dit : "Ce n'est jamais fini jusqu'à ce que la grosse dame
27 chante." C'est très anglais, très américain, en fait. Vous l'avez entendu ?
28 R. Nous avons eu une expression plutôt importante qui disait que quand il
Page 29770
1 y a des négociations, c'est quand tout est fini que c'est vraiment fini.
2 Q. Parfait, un point chacun. Pour ce qui est de ces processus de
3 négociations, j'aimerais qu'on en parle. Vous avez dit, je ne sais pas si
4 on va passer beaucoup de temps pour regarder tout ceci, mais j'aimerais que
5 ce soit au compte rendu, donc à moins que quelqu'un le veuille, je ne vais
6 qu'aborder le sujet au passage. Donc, dans la pièce 1D 0238 [comme
7 interprété], il s'agissait d'une lettre que vous avez écrit à Susak le 21
8 mai 1992 en lui envoyant des informations qui étaient qui étaient
9 nécessaires pour M. Brkic et qui portaient sur les négociations Cutileiro
10 surtout.
11 R. Oui, c'est exact.
12 Q. Pourriez-vous nous aider, vous avez voulu transmettre l'information,
13 mais pourquoi est-ce que vous avez pensé que c'était M. Susak qui était le
14 parfait relais pour cela ? Comment est-ce que vous saviez qu'en l'envoyant
15 à M. Susak, M. Brkic serait mis au courant ?
16 R. Ici, on parle du 21 mai 1992, M. Brkic a quitté Sarajevo, c'était vers
17 le 1er mai, donc c'était une question technique pour ce qui est de la façon
18 dont on pourrait envoyer cette lettre à M. Brkic. Et d'après mes
19 informations, il se trouvait à Zagreb à ce moment-là, donc j'ai supposé
20 qu'il était en contact avec M. Susak. Je connaissais l'adresse de M. Susak,
21 je ne connaissais pas celle de M. Brkic. Donc c'est juste une question de
22 nature technique.
23 Q. Donc en liaison avec la négociation Cutileiro, il est vrai, n'est-ce
24 pas, que les Croates ont rejeté la carte qui avait été dessinée par la
25 Communauté européenne, n'est-ce pas ?
26 R. Les Croates n'ont rejeté aucun plan. Le plan Cutileiro a été accepté
27 par les Croates.
28 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder la pièce P 09927 qui devrait
Page 29771
1 se trouver dans le deuxième classeur, dernier document.
2 Il devrait y avoir une traduction en croate du passage que je vais vous
3 lire. Donc pièce P 09927, page 112 de la version en anglais, et je pense
4 que vous allez trouver une traduction en croate. Donc vers le milieu de la
5 page, note de pied de page 222, il est écrit : "Les Croates étaient les
6 premiers à répudier publiquement la carte de l'Union européenne. Miljenko
7 Brkic, plusieurs jours après avoir accepté le plan Cutileiro, a insisté
8 pour que les frontières cantonales soient basées sur le recensement de
9 1961."
10 C'est correct, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Vers la fin de la page, ça n'a pas été traduit, mais dans ce
13 paragraphe-là, et là, vous vous repèrerez avec les notes de pied de page
14 228, il est écrit : "Un groupe de 83 [comme interprété] intellectuels
15 croates de Bosnie ont critiqué le plan de l'Union européenne en déclarant
16 qu'il était contraire au résultat du référendum sur l'indépendance et que
17 59 % des Croates en Bosnie deviendraient des minorités nationales si la
18 carte de Cutileiro était bel et bien adoptée." Vous souvenez-vous qu'une
19 déclaration aurait été émise à peu près à ce moment-là, il s'agit de mars
20 1992, par un groupe de quelque 93 intellectuels croates ?
21 R. Je n'ai pas retrouvé le texte, mais j'ai compris votre question, et je
22 pense pouvoir répondre même si je n'ai pas retrouvé le passage. Je ne suis
23 pas au courant d'un groupe d'un tel nombre d'intellectuels. Je suis au
24 courant d'intellectuels qui n'étaient pas d'accord avec le plan Cutileiro.
25 Le plan Cutileiro avait eu trois variantes, qui plus est. Ces
26 intellectuels, je pense, n'acceptaient pas celle des variantes où la
27 Bosnie-Herzégovine devait être partagée en trois parties afin que ces trois
28 parties aient des liens confédéraux les uns avec les autres. Cette
Page 29772
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29773
1 variante, les intellectuels de Sarajevo, je parle d'eux parce que j'étais à
2 Sarajevo, n'acceptaient pas et ils venaient me voir. Moi, je n'ai pas pris
3 part à ces négociations, mais je prêtais une oreille attentive à ces gens-
4 là.
5 Q. Je vous remercie. Désolé de vous avoir interrompu, je pensais que vous
6 en aviez terminé. En fin de compte, comme je vous l'ai dit, visiblement il
7 y avait des négociations en cours mais ce qui est certain c'est qu'il n'y
8 avait pas d'accord signé une bonne fois pour toutes, un plan Cutileiro en
9 bonne et due forme signé et accepté par tous et mis en œuvre; c'est bien
10 cela ?
11 R. Non, il n'y a pas eu de signature, mais ces principes ont été acceptés,
12 enfin certains des principes ont été agréés par les Serbes et les Croates.
13 Q. Pour ce qui est de ces négociations, entre 1991 et 1995, il n'y a
14 jamais eu de moment ou il n'y avait pas une quelconque négociation en
15 cours, il y avait toujours des négociations, n'est-ce pas ? Soit le plan
16 Vance, le plan Cutileiro, le plan Vance-Owen, Owen-Stoltenberg, Washington,
17 donc pendant toute la période il y avait sans cesse des négociations en
18 cours. Mais malheureusement aucune n'aboutissant à quoi que ce soit jusqu'à
19 l'accord de Washington, n'est-ce pas ?
20 R. Il est vrai de dire que les négociations ont eu cours tout le temps. Il
21 est vrai que cela a été accepté par les trois parties et par la communauté
22 internationale et le Conseil de sécurité a aussi confirmé les principes
23 d'aménagement de la Bosnie-Herzégovine. C'est sur ces principes-là que
24 devaient se poursuivre et se dérouler les autres négociations. Je pense que
25 les principes, vous devez les connaître et les avoir. Je ne les connais pas
26 par cœur, mais il y en a neuf. Le premier de ces principes --
27 Q. Désolé de vous interrompre à nouveau, on pourrait en parler si on avait
28 plus de temps, mais malheureusement j'ai encore quelques questions à vous
Page 29774
1 poser, et nous ne pouvons pas nous étendre sur ce sujet.
2 Donc passons maintenant au plan Vance-Owen ou au processus Vance-Owen, si
3 je puis dire, qui est mort de sa belle mort, sans que l'on arrive à quoi
4 que ce soit visiblement. Les Serbes ne l'ont jamais accepté, entre autres,
5 n'est-ce pas ?
6 R. Les trois parties ont accepté le plan Vance-Owen. D'abord à Genève,
7 avec les neuf principes et l'accord militaire qui n'est --
8 Q. En 1993 l'assemblée serbe a rejeté le plan Vance-Owen, n'est-ce pas ?
9 R. Le principe des négociations était celui-ci, après les négociations il
10 fallait adopter une constitution, O.K.
11 Q. En mai 1992, l'assemblée serbe a rejeté le plan Vance-Owen ?
12 R. C'est exact, mais l'accord a été signé par les représentants légaux à
13 Athènes le 2 mai 1993.
14 Q. Mais c'est en juin 1993, suite à des négociations supplémentaires entre
15 Milosevic et Tudjman qu'un nouveau plan a finalement été présenté, plan qui
16 visait à diviser la Bosnie-Herzégovine en trois Etats ethniques ?
17 R. Je ne sais pas si cela était la résultante des négociations entre
18 Milosevic et Tudjman. Ce que je sais c'est que ça a été la résultante d'une
19 proposition envoyée vers nous lors des négociations, et j'y étais à ces
20 négociations, par MM. Owen et Stoltenberg, et c'est la raison pour laquelle
21 ce plan s'appelle Owen-Stoltenberg.
22 Q. Il est vrai, n'est-ce pas, que M. Vance a démissionné de ses fonctions
23 de négociateur des Nations Unies en mai 1993 et que c'étaient les
24 propositions de négociations entre Milosevic et Tudjman qui ont été
25 présentées à Owen et Stoltenberg en juin 1993, n'est-ce pas, et qui sont
26 devenues ce fameux plan Owen-Stoltenberg ?
27 R. Je ne peux pas le confirmer. Je ne pense pas que cela se soit passé
28 ainsi.
Page 29775
1 Q. Mais au cours de ces négociations qui avaient lieu sans cesse, est-ce
2 que vous vous souvenez que vers le milieu de 1993, il y aurait eu des
3 discussions qui disaient qu'une fois que la Croatie et la Serbie avaient
4 résolu leurs propres problèmes entre eux, la Bosnie-Herzégovine
5 nouvellement restructurée pourrait s'engager ensuite dans un nouveau
6 processus pour échanger les territoires entre les trois ethnies, n'est-ce
7 pas ?
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense que la question est assez vague.
9 Qui fait ces discussions, qui tient ces discussions, il nous faudrait des
10 documents ici à propos de tout cela.
11 M. SCOTT : [interprétation]
12 Q. C'étaient des discussions entre des représentants des Serbes et des
13 Croates, et je vous ai demandé si vous vous souvenez de ce qui s'est passé
14 en 1993, oui ou non ?
15 R. Si je dois répondre brièvement, je dirais non. Je ne me souviens pas de
16 ces négociations, et s'agissant de ce type de pourparlers, je n'en suis pas
17 au courant.
18 Q. Début 1994, les négociations Owen-Stoltenberg ont échouées, aucun
19 accord n'a été conclu ?
20 R. Ça c'est exact.
21 Q. Ce qui s'est passé c'est que l'accord de Washington est arrivé sur la
22 table et a en quelque sorte effacé ce que l'on appelait le plan Owen-
23 Stoltenberg, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. S'agissant des négociations, il y a une période au sujet de laquelle je
26 souhaiterais vous interroger, pendant les pourparlers entourant le plan
27 Vance-Owen, en janvier 1993, et je souhaiterais à cet égard vous montrer la
28 pièce P 01146, qui doit se trouver dans le deuxième classeur, P 01146.
Page 29776
1 Si vous avez ce document, Monsieur, il s'agit d'un document que la Chambre
2 a déjà vu. C'est une décision prise par Jadranko Prlic le 15 janvier 1993.
3 Le texte commence ainsi : "Conformément aux accords conclus et signés
4 jusqu'à présent lors de la Conférence internationale, et cetera, tenue à
5 Genève", puis nous voyons une décision en six points. Monsieur, vous savez,
6 n'est-ce pas, que la déclaration que l'on trouve au début du texte,
7 conformément aux accords conclus et signés jusqu'à présent, en fait à la
8 date du 15 janvier 1993, aucun accord n'avait été conclu et aucun accord
9 n'avait été signé visant à mettre en œuvre le plan Vance-Owen, n'est-ce pas
10 ?
11 R. Oui. Pas signé à part entière mais à titre partiel, oui. Dans le cas
12 concret, je vous ai déjà dit que l'accord militaire du 4 janvier à Genève
13 n'a pas été signé. Il était censé être appliqué une fois l'accord en entier
14 entériné. Mais nos négociateurs et les coprésidents avaient souhaité mettre
15 une mise en œuvre des accords lorsque possible.
16 Q. Cette décision ainsi que d'autres qui ont suivi ont été prises
17 unilatéralement par le HVO et pas soutenues dans le cadre des négociations
18 Vance-Owen tenues à l'époque, n'est-ce pas ?
19 R. Cette décision est conforme aux négociations alors que ces négociations
20 n'étaient pas encore terminées. Cette décision, si on l'examine comme un
21 objectif et pas un moyen sous-entend la création d'un commandement commun.
22 Q. Vous voulez dire que le HVO lorsqu'il a rendu cette décision regardait
23 l'avenir dans une boule de cristal en disant qu'un jour ou l'autre il y
24 aurait un accord et qu'il fallait aller de l'avant et mettre en œuvre ces
25 dispositions tout de suite ?
26 Ma question était la suivante : le 15 janvier 1993, Monsieur, compte
27 tenu de l'état d'avancement des négociations Vance-Owen, aucun accord
28 définitif n'avait été conclu, si bien que cette décision et d'autres a été
Page 29777
1 prise de façon tout à fait unilatérale par le HVO, n'est-ce pas ? La grosse
2 dame n'avait pas encore chanté, n'est-ce pas ?
3 R. Je dois dire qu'à l'époque, je pense que c'était justement le 15
4 janvier, il y a eu une réunion qui s'est faite entre Boban et Izetbegovic à
5 Zagreb. Moi, je n'ai pas assisté à cette réunion donc je ne sais pas ce qui
6 a fait l'objet de cette réunion et sur quoi ils s'étaient mis d'accord.
7 Est-ce qu'ils se sont mis d'accord d'avoir un commandement commun et qu'il
8 s'agissait de retirer les forces militaires des provinces respectives, je
9 ne sais pas.
10 Q. Tout ce que vous dites ce sont des suppositions puisque finalement vous
11 n'en savez rien, n'est-ce pas ?
12 R. J'ai dit que je n'étais pas sûr mais je sais que --
13 Q. Page 82, vous dites : "Je ne sais pas ce qui a été convenu." De quoi --
14 ce qui avait été convenu entre --
15 R. Je ne sais pas ce qui a été convenu entre Boban et Izetbegovic. En
16 revanche, je sais ce qui a été convenu à Genève.
17 Q. Avec l'aide de Mme l'huissière, je souhaiterais encore une fois vous
18 montrez un extrait de votre déposition dans l'affaire Kordic. Page 20 468,
19 déposition que vous avez faite le 6 juin 2000. Là encore nous avons une
20 traduction en croate de ce passage qui pourrait vous aider.
21 R. Je ne le vois pas.
22 Q. Non, non, nous n'avons pas le bon document à l'écran. Désolé. Nous
23 avons le système de prétoire électronique qui fonctionne mais pas le
24 rétroprojecteur. Si, maintenant ça va.
25 N'avez-vous pas dit dans l'affaire Kordic, en juin 2000, en réponse à la
26 question qui vous était posée, la chose suivante : "Cet ordre en janvier
27 1993 est un ordre du HVO pris de façon unilatérale, et dans les provinces
28 concernées, la TO musulmane est passée sous les ordres du HVO", n'est-ce
Page 29778
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29779
1 pas ?
2 "Réponse : Oui. Ce que vous venez de dire est exact.
3 "Question : Et pour ce qui est de la légalité ce n'est pas légal ?
4 "Réponse : Cela ne faisait pas partie de l'accord conclu entre les Croates
5 et les Musulmans. En tout cas, je ne savais pas que cela avait été convenu
6 avec les Musulmans ou avec l'ABiH."
7 C'est ce que vous avez dit sous serment dans l'affaire Kordic, n'est-ce pas
8 ?
9 R. Oui, je pense que c'est exact. Et d'ailleurs au jour d'aujourd'hui je
10 vous ai dit que je ne savais pas s'il y a eu cet accord. Je ne sais pas si
11 l'accord a eu lieu ou non. Je peux vous dire que tout simplement j'ai dit
12 la même chose à l'époque et aujourd'hui, à savoir que je n'étais pas au
13 courant de l'existence d'un accord. J'ai dit à l'époque et que j'ai répété
14 aujourd'hui qu'un accord militaire --
15 Q. Inutile de vous livrer à des spéculations. Ce que vous savez, non pas
16 ce que vous supposez, ce que vous savez, vous l'avez dit dans Kordic, alors
17 est-ce que vous maintenez aujourd'hui qu'il s'agissait d'un ordre
18 unilatéral de la part du HVO ?
19 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Le Procureur témoigne et prend
20 des libertés. Le témoin a répondu à la question posée à plusieurs reprises.
21 Il a dit qu'il ne savait pas si un accord avait été conclu entre Boban,
22 Izetbegovic et Tudjman. Il a dit cela de façon très claire. Si l'on examine
23 sa déposition, on voit que cela correspond à ce qu'il dit aujourd'hui. Il
24 dit, je ne sais pas si un accord a été conclu.
25 Si on examine la question posée par le Procureur, on voit qu'on présume des
26 faits qui ne sont pas admis, qui ne font pas l'objet d'un accord. Or il
27 peut poser sa question au témoin et le témoin peut y répondre, mais il ne
28 peut pas dire qu'il s'agit de fait. Alors depuis quand avez-vous cessé de
Page 29780
1 battre votre femme, c'est ce genre de question.
2 M. SCOTT : [interprétation]
3 Q. Vous avez dit plusieurs fois que vous ne saviez pas s'il y avait eu
4 accord ou pas, donc vous ne le savez pas a priori. Compte tenu de ce que
5 vous saviez à l'époque, il s'agissait d'un ordre unilatéral du HVO, et ce
6 n'était pas légal ?
7 M. KARNAVAS : [interprétation] S'il ne sait pas comment peut-il répondre à
8 la question ? S'il a tous les faits à sa disposition il peut répondre à la
9 question, mais il y a quelque chose qui manque. Comment le Procureur peut
10 dire, oui, c'est légal ou pas ? Imaginons qu'il n'y avait pas d'autre
11 accord, o.k, oui c'était unilatéral.
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Karnavas, je suis perplexe,
13 le Procureur vient de dire littéralement la même chose que ce qu'avait dit
14 le Procureur dans l'affaire Kordic, et le témoin a dit, oui ce que vous
15 venez de dire est exact. Alors est-ce qu'il pourrait dire aujourd'hui que
16 ce n'est pas correct et que ce n'est pas exact ?
17 M. KARNAVAS : [interprétation] Le Procureur affirme que ce que le témoin a
18 dit à l'époque et ce qu'il dit aujourd'hui est la même chose. Il ne faut
19 pas donner des coups d'épée dans l'eau. Le Procureur peut de nouveau poser
20 sa question mais il y a déjà répondu.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais ce n'était pas formulé de la
22 même manière il y a un instant. Là je suis d'accord. Alors on peut reposer
23 la question et le témoin peut y répondre. Je comprends. Que je sois
24 d'accord ou pas c'est une autre question mais je comprends ce que vous
25 dites.
26 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
28 M. SCOTT : [interprétation]
Page 29781
1 Q. Monsieur, pourriez-vous vous pencher sur la pièce P 01168, qui doit se
2 trouver dans le deuxième classeur. P 01168. Il s'agit apparemment d'un
3 ordre donné par M. Halilovic le 16 janvier 1993, il est fait référence à un
4 ordre donné apparemment ou d'une décision plutôt, prise par le HVO de la HZ
5 HB le 15 janvier 1993. Compte tenu de ce que nous avons dit il y a un
6 instant, M. Halilovic dit : "S'agissant du fait que les pourparlers de
7 Genève ne sont pas encore terminés, que toutes les parties aux pourparlers
8 n'ont pas encore signé les documents proposés," et ainsi de suite. Ce qui
9 est dit ici est vrai, n'est-ce pas ? Les pourparlers à Genève n'étaient pas
10 terminés et les parties en présence n'avaient signé aucun document, du
11 moins aucun document définitif, n'est-ce pas ?
12 R. Je n'ai pas vraiment la chronologie des événements sous mes yeux, mais
13 je pense que le 16 janvier, on était déjà à New York. C'est tout à fait
14 possible. Le plan Vance-Owen n'avait pas été encore adopté dans son
15 intégralité à l'époque.
16 Q. Donc ce qui est dit ici est vrai. S'agissant du fait que les
17 pourparlers de Genève ne sont pas encore terminés et que toutes les parties
18 aux négociations n'ont pas encore signé ces documents, et ainsi de suite,
19 donc ce qui est dit ici est vrai, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, mais ils parlent de Genève, les entretiens ne se passent pas à
21 Genève, ils se passent à New York, désormais.
22 Q. Pourrions-nous maintenant passer à la pièce P 01186, toujours dans le
23 même classeur avec un peu de chance. C'est une communication du 18 janvier
24 1993, rédigée par Arif Pasalic, envoyée à l'état-major général du HVO, en
25 faisant référence à un ordre qui est mentionné, en s'informant en tant que
26 chef de l'état-major du HVO en janvier 1993. Cette personne, le chef du
27 HVO, c'est M. Petkovic ?
28 R. Petkovic était le chef du QG du HVO.
Page 29782
1 Q. S'il vous plaît, regardez le paragraphe numéro 3. M. Pasalic dit : "Je
2 vous informe que je reconnais l'état-major principal du HVO en tant que
3 commandement supérieur pour ce qui est de la coordination des activités sur
4 la ligne de front et des opérations de combat contre l'ennemi, les
5 Chetniks, et les restes de l'ancienne JNA.
6 "4. Pendant tous les travaux et toutes les activités, je considèrerai
7 votre commandement comme étant valide légalement en ce qui concerne les
8 activités émanant du point 3.
9 "5. Je ne peux pas effectuer le point 2 de votre ordre étant donné que le
10 4e Corps de l'armée bosnienne et ses unités ne sont pas sous votre
11 commandement en ce qui concerne ces décisions et leur exécution."
12 Tout qui est écrit ici est correct, n'est-ce pas ?
13 R. Non, je ne peux pas le savoir. Je n'ai pas lu ces lettres de M.
14 Pasalic. Là, c'est une lettre de M. Pasalic, qu'est-ce que vous voulez que
15 je vous dise à ce sujet ? Mais ce que je peux vous dire, c'est que très
16 vite après le 15, il y a eu une réunion entre M. Petkovic et M. Halilovic,
17 et ils se sont mis d'accord sur quelque chose, mais je ne sais pas sur
18 quoi, puisque je n'ai pas assisté à ces réunions.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, il est très intéressant de
20 comparer le dernier document de M. Pasalic avec la lettre précédente de
21 Halilovic qui est datée du 16 janvier. Et Pasalic écrit deux jours après,
22 le 18 janvier. J'ai l'impression qu'entre les deux il y a des divergences.
23 Halilovic semble totalement rejeter le document de M. Prlic, c'est un rejet
24 quasi-total. En revanche, quand on regarde à la loupe le texte de M.
25 Pasalic, il semble reconnaître qu'il y a un commandement supérieur qui
26 serait le HVO, c'est au point 3, mais il diverge avec le document de M.
27 Prlic au fait que le 4e Corps serait intégré dans le HVO, et donc lui
28 semble dire, il n'est pas contre le document de M. Prlic, mais il reconnaît
Page 29783
1 que le HVO assurera la direction, mais le 4e Corps ne sera pas dissout dans
2 le HVO. Et on a l'impression d'une grande confusion entre Halilovic,
3 Pasalic.
4 Bon, alors si j'ai bien compris, vous, vous ne connaissiez pas tous ces
5 échanges de documents, de lettres entre les uns et les autres parce que
6 vous étiez à New York, tous. Enfin, les décideurs politiques, vous étiez à
7 New York.
8 Alors, est-ce que dans le dos, j'allais dire, des décideurs politiques,
9 est-ce que les militaires ne jouaient pas un jeu personnel ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà expliqué aux Juges de la Chambre que
11 dans l'ABiH, effectivement, il y avait des désaccords. Surtout M. Halilovic
12 avait pour habitude de prendre des décisions tout seul. Aussi M. Pasalic
13 n'est pas à Sarajevo, il est là avec le HVO en quelque sorte, mais j'ai
14 l'impression qu'il comprend mieux la situation quand même. Il n'est pas
15 contre, comme vous venez de dire, comme vous l'avez très bien compris, vous
16 avez remarqué qu'il n'y a pas d'opposition, alors que chez M. Halilovic, il
17 y a cette opposition.
18 Moi, je ne sais pas si on était à Genève ou à New York, je pense que ce
19 n'est pas important, toujours est-il qu'on était en négociations quelque
20 part. On est revenu autour du 20 à Zagreb.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Et si vous, les politiques, aviez eu connaissance de
22 tous ces documents militaires, est-ce que vous auriez sifflé la fin de la
23 récréation pour faire comprendre qu'il pouvait y avoir des interférences
24 dans les négociations, ou bien vous auriez considéré que c'était normal
25 compte tenu des circonstances de l'époque ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous essayions, en tout cas moi, de mon côté,
27 j'ai essayé de faire en sorte pour que ces négociations aboutissent à
28 quelque chose et qu'on s'en tienne aux accords conclus. Cela est arrivé,
Page 29784
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29785
1 mais malheureusement souvent il est arrivé qu'il se produise des choses qui
2 n'étaient pas conclues, qui ne faisaient pas partie de ces accords et
3 souvent nos ordres n'étaient pas respectés au sommet militaire.
4 M. SCOTT : [interprétation]
5 Q. Oui, avec tout le respect que je dois au Président de la Chambre, je
6 voudrais vous présenter une autre thèse. En fait, il n'y a aucune
7 incohérence entre le document Halilovic et le document Pasalic, puisque
8 tous les deux rejettent la mise en œuvre de la décision Prlic et
9 reconnaissent que dans ces trois provinces, 3, 8 et 10, le HVO doit soit
10 être subordonné entièrement -- non, l'ABiH doit être subordonnée
11 entièrement au HVO ou quitter ce territoire. Ils réitèrent cette position
12 tous les deux, alors que M. Pasalic, qui est peut-être plus nuancé, semble
13 dire oui, pendant qu'on combat les Serbes, on attend ce qui se passe du
14 côté opérationnel, mais au paragraphe 5 de la communication Pasalic, il est
15 écrit clairement, "Nous n'exécuterons pas les ordres qui sont mentionnés
16 dans le point 2, de resubordonner notre armée au HVO."
17 C'est ce qui est dit si l'on prend en compte les deux documents, n'est-ce
18 pas ?
19 R. Oui, cependant, il n'aurait rien contre un commandement commun tel que
20 prévu. Le document de M. Prlic ne demande pas que l'armée de Bosnie-
21 Herzégovine soit placée sous les ordres du HVO. Elle demande que les deux
22 armées ensemble soient constituées conformément au plan de paix dont on a
23 convenu à Genève. Autrement dit, dans certaines provinces, le commandement
24 est assuré par le HVO, dans d'autres, par l'ABiH. Mais les deux
25 commandements doivent avoir des composantes de l'autre structure, cela
26 devait dépendre normalement du nombre de soldats.
27 Q. Vous avez fait exactement la même erreur que celle qu'a fait le HVO en
28 janvier 1993. Page 89, ligne 24, vous avez dit : "L'accord de paix de
Page 29786
1 Genève." Mais il n'y a pas eu d'accord de paix à Genève en 1993, il y a eu
2 des pourparlers, pourparlers, pourparlers, pourparlers et rien que des
3 pourparlers. Et comme je l'ai déjà dit, la cantatrice n'avait pas chanté et
4 il n'y a pas eu de tirs au but. On n'en était pas là. Il y avait que des
5 pourparlers.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Maître -- attendez. Attendez -- le témoin
7 réponde et puis je vous donnerai la parole après.
8 Oui, répondez, Monsieur, puis l'avocate interviendra.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit, et je pense que je n'ai pas besoin
10 de répéter, que le plan de paix a été adopté de façon définitive entre les
11 Croates et les Musulmans à Washington. Donc c'était un plan de paix
12 définitif. A Genève, les trois parties avaient accepté le strict nécessaire
13 et je pense que le Conseil de sécurité avait constaté cela, à savoir les
14 principes de l'organisation de la Bosnie-Herzégovine ainsi que certains
15 accords militaires qui n'ont pas été signés mais qui ont fait l'objet d'un
16 consensus.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Tomic veut intervenir.
18 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Je voulais tout simplement dire
19 qu'il s'agit peut-être d'une erreur linguistique, puisque M. Scott dans la
20 traduction on a pu l'entendre dire autre chose que ce qu'il a dit au début.
21 Je pense qu'il s'agit de la page 90, deuxième et troisième lignes, il
22 parlait des choses dont on a discuté à Genève. Il a clairement dit de quoi
23 il s'agissait, parce qu'il a parlé de discussions, je pense qu'il faudrait
24 absolument lire cela jusqu'au bout et ne pas faire dire au témoin ce qu'il
25 n'a pas dit. Ceci est très clair si on lit l'intégralité de la réponse du
26 témoin. Merci.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, sur ce problème qui semble vous
28 opposer au Procureur, je crois comprendre dans ce que vous dites.
Page 29787
1 A Genève, il y a les principes qui avaient été admis par les trois
2 parties. Il n'y avait pas de plan signé, mais les principes, il y avait un
3 accord des trois parties, c'est ça que vous voulez dire ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Je pense que les
5 principes avaient été signés même.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, si je comprends bien, ce que vous dites, la
7 lettre -- le document de M. Prlic serait, d'après vous, en conformité avec
8 ces principes.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Le document de M. Prlic concerne la partie
10 militaire de l'accord et il respecte ces principes. Cependant, les
11 négociations militaires à Genève, mis à part la session plénière, ces
12 négociations étaient séparées des négociations qu'il y avait entre nous,
13 les hommes politiques. Donc un document militaire a été produit mais il n'a
14 pas été signé. Il s'agissait d'un accord et on a dit que tant le paquet
15 tout entier n'est pas finalisé avec les frontières du pays, le gouvernement
16 intermédiaire, avec tous les éléments dont a parlé, tant que tout cela
17 n'était pas terminé, l'accord n'était pas définitif. Mais il existait un
18 accord de principe, sans que cela soit vraiment un accord proprement dit,
19 définitif.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour vous, il y avait un accord de principe
21 concernant l'aspect militaire, et concernant notamment la resubordination
22 des unités ABiH ou HVO aux uns ou aux autres. C'est comme ça qu'on doit
23 comprendre votre position ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je n'ai pas le plan sous mes yeux, mais
25 ce plan prévoit tout d'abord l'arrêt des hostilités, ensuite le retrait des
26 unités dans leurs provinces respectives. Je dis cela entre guillemets parce
27 qu'il y en dix en tout, si l'on compte Sarajevo. Donc il s'agissait que les
28 deux segments de l'armée se retirent dans leurs provinces respectives. Et
Page 29788
1 puis il y avait cette question de commandement commun au niveau des
2 provinces. Il y a eu un accord là-dessus aussi.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Scott continuera demain certainement là-dessus,
4 puisqu'il est 19 heures.
5 Donc, Monsieur le Témoin, d'une part pour vous rassurer, nous serons donc
6 d'audience le matin. Donc comme M. Scott, il lui restera une heure 30 et
7 que Me Karnavas aura des questions supplémentaires, mais peut-être pas sur
8 deux jours, je ne sais pas, donc il y a peut-être des chances que mardi ça
9 soit terminé. C'est tout ce que je peux vous dire puisque je ne maîtrise
10 pas cela, malheureusement.
11 Bien. Donc il restera à M. Scott une heure 30, une heure 29 minutes, donc
12 nous nous retrouverons tous demain matin à 9 heures. Je vous remercie.
13 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mardi 24 juin 2008,
14 à 9 heures 00.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28