Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 21 juillet 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Monsieur le Greffier, appelez le

  6   numéro de l'affaire, s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  8   tous. Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts. Merci.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 10   En ce lundi 21 juillet 2008, je salue MM. les accusés, Mmes et MM. les

 11   avocats, M. Scott et ses collaborateurs ainsi que toutes les personnes qui

 12   nous assistent.

 13   Je vais d'abord donner la parole à M. le Greffier pour des numéros IC.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Certaines parties ont soumis des listes de documents à verser par le

 16   truchement du témoin Zoran Buntic. 1D, ce sera la cote

 17   IC 00827. La liste 2D sera 00828. La liste 3D 00829. La 4D 00830. La liste

 18   5D 002833. Et la liste de l'Accusation portera la cote 832. La précédente

 19   sera sans doute 831.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Je

 21   crois que M. Scott veut intervenir.

 22   M. SCOTT : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président. Mais tout

 23   à fait brièvement. Est-ce que nous pourrions passer l'espace d'un instant à

 24   huis clos partiel ?

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes désormais à huis clos

 27   partiel. 

 28   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Page 31046 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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 14   [Audience publique]

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Donc, c'est 4D qui va mener

 16   le contre-interrogatoire. Il lui reste deux heures et 60 secondes. Comme

 17   vous voyez c'est très précis.

 18   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 19   LE TÉMOIN: MIOMIR ZUZUL [Reprise]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur, vous savez que votre contre-

 24   interrogatoire va se poursuivre, et c'est Me Alaburic qui, pour la Défense,

 25   va vous contre-interroger dans un premier temps, et après, ce sera au

 26   Procureur de faire son contre-interrogatoire.

 27   Maître Alaburic, vous avez la parole.

 28   Oui. Alors, Maître Alaburic, mon collègue me rappelle, si vous abordez des

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  1   sujets nouveaux, vous nous l'indiquez. Si vous abordez des questions qui

  2   découlent directement de l'interrogatoire principal, ça rentrera dans votre

  3   contre-interrogatoire. Si ce sont des sujets nouveaux, indiquez-le-nous à

  4   l'avance.

  5   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, bonjour. Bonjour,

  6   Monsieur Zuzul. Bonjour à tous nos confrères et collaborateurs dans le

  7   prétoire.

  8   Monsieur le Président, j'estime que toutes mes questions, d'une certaine

  9   façon, seront liées aux sujets et documents qui ont déjà été vus ou montrés

 10   à l'occasion de l'interrogatoire principal. Mais si vous jugez que des

 11   éléments de mes questions sortent de ces cadres, je ne m'opposerai pas à ce

 12   que vous considériez ce temps comme du temps pris sur la défense du général

 13   Petkovic.

 14   Contre-interrogatoire par Mme Alaburic : [Suite]

 15   Q.  [interprétation] Monsieur Zuzul, je ne vais pas vous rappeler ce que

 16   nous avons dit la fois passée. Je crois bien que vous vous en souvenez fort

 17   bien. Je vais continuer suivant le planning qui était le mien au mois de

 18   mai.

 19   Pour commencer, je voudrais vous rappeler une question posée par M. le Juge

 20   Antonetti, qui se rapportait à des documents des Nations Unies. Et on vous

 21   a demandé si vous pouviez montrer une résolution ou un rapport du

 22   secrétaire général qui comporterait des erreurs majeures. La question et la

 23   réponse figurent à la page 27 713 et la page d'après, 27 714. Alors,

 24   Monsieur Zuzul, vous avez répondu que vous n'aviez pas remarqué des erreurs

 25   majeures, mais ce que vous pouviez reprocher en quelque sorte à la

 26   communauté internationale, c'est le fait d'avoir essayé de mettre en place

 27   une espèce d'équilibre des responsabilités. Vous souvenez-vous de votre

 28   réponse ?

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  1   R.  Oui, je m'en souviens.

  2   Q.  J'aimerais que vous expliquiez de quel type d'équilibre dans les

  3   responsabilités vous parliez dans votre réponse.

  4   R.  A l'occasion de plusieurs rencontres que j'ai eues personnellement avec

  5   des représentants de la communauté internationale, il m'a été donnée la

  6   possibilité d'entendre des réponses disant que dans les zones de la

  7   FORPRONU croate ou en Bosnie-Herzégovine, là, pour déterminer à qui la

  8   faute et à qui n'est pas la faute. Entre d'autres termes, ils disaient, je

  9   le crois du moins, ils disaient vouloir rapporter objectivement de ce qui

 10   se passait sur le terrain sans prendre en considération l'image totale. Et

 11   cela créait l'impression que c'est artificiellement qu'on essayait

 12   d'établir un équilibre des culpabilités. Parce que si vous excluez le fait

 13   dans les zones de la FORPRONU que ces territoires de la Croatie étaient

 14   occupés et que c'est ce qui a précédé l'arrivée de la communauté

 15   internationale, et lorsque vous essayez d'informer rien qu'à partir d'un

 16   moment donné sans prendre en considération ce qui s'était passé avant, on

 17   se fait une idée qui, objectivement, n'est pas juste.

 18   Q.  Monsieur Zuzul, dites-nous, est-ce que vous avez été relativement bien

 19   informé au sujet des événements en Croatie dans ces années 1990, et cela

 20   vous permet-il -- permettait-il de juger du fait de voir des erreurs de

 21   contenu dans un rapport des Nations Unies ou pas ?

 22   R.  Je pense bien avoir été relativement bien informé.

 23   Q.  Dites-nous, étiez-vous aussi bien informé au sujet des événements en

 24   Bosnie-Herzégovine ?

 25   R.  S'agissant des événements mêmes sur le terrain en Bosnie-Herzégovine,

 26   je n'étais certainement pas aussi bien informé que cela n'était le cas en

 27   Croatie, mais pour ce qui est de la situation générale, notamment pour ce

 28   qui est des événements liés aux négociations et à ce qui se passait à la

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  1   conférence sur l'ex-Yougoslavie, j'étais relativement bien informé.

  2   Q.  Bien. J'aimerais maintenant aborder avec vous un autre sujet, un sujet

  3   qui se rapporte aux transcripts dont il a déjà été question avec la Défense

  4   du Dr Prlic le 7 mai. Il s'agit du 00131. Ça se trouve dans le classeur de

  5   la Défense de Jadranko Prlic. Je reconnais que je ne sais pas quel est le

  6   numéro du classeur en question puisqu'ils étaient plusieurs, ces classeurs.

  7   Monsieur Zuzul, je crois que vous n'avez pas à consulter le document

  8   même. Je vais essayer de vous rappeler certaines parties de cette

  9   transcription pour que nous puissions commenter ensemble.

 10   Il s'agit d'une transcription d'une réunion entre le président

 11   Tudjman avec le ministère de la Défense de la République de Croatie, le QG

 12   de l'armée croate et les commandants militaires qui s'est tenue le 4 mars

 13   1992, et dans l'interrogatoire principal, vous avez parlé du contexte de la

 14   défense de la Croatie du sud. Alors, Dr Zuzul, vous avez été présenté comme

 15   étant psychologue à l'administration IPD du ministère de la Défense de la

 16   République de Croatie. En était-il ainsi au mois de mars 1992 ?

 17   R.  C'est exact. Début mars 1992, c'était les fonctions que j'occupais.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Alaburic. Au

 19   compte rendu, je lis ceci -- enfin, on vous présente en tant que

 20   psychologue. Vous voulez dire qu'on vous présentait ou qu'on vous présenta

 21   comme psychologue ? Cette phrase, telle qu'elle est, et bien elle ne tient

 22   pas vraiment la route.

 23   Mme ALABURIC : [interprétation] Je -- j'ai voulu dire qu'il a été présenté

 24   comme psychologue. Et chaque fois que quelqu'un prenait la parole, il

 25   disait -- il se présentait, il disait ses fonctions, et le Dr Zuzul a été

 26   présenté comme psychologue à l'administration du ministère de la Défense.

 27   Q.  Ce document a déjà un statut de pièce à conviction dans notre classeur,

 28   et il comporte plusieurs alinéas que je voudrais que vous commentiez en

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  1   votre qualité de participant à ce débat, Monsieur Zuzul. Alors, à cette

  2   réunion, et je précise pour les Juges qu'il s'agit de la page 46 de la

  3   version anglaise de la transcription, indiqué qu'il y avait deux catégories

  4   de personnes : les uns étaient ex-membres de la JNA, et les autres étaient

  5   ceux qui n'appartenaient pas à cette armée -- n'y -- n'ont pas appartenu à

  6   cette armée. Vous avez indiqué que dans certaines parties de la République

  7   de Croatie, il y avait des tensions entre ces deux types de personnes.

  8   Vous souvenez-vous de cet avertissement que vous aviez

  9   formulé ?

 10   R.  Oui, je m'en souviens.

 11   Q.  Ce qui m'intéresserait en ce moment-là, c'est la position du président

 12   Tudjman. Le président Tudjman a-t-il jugé si -- que toutes les personnes

 13   qui voulaient s'engager dans la défense du pays, indépendamment du fait de

 14   savoir s'ils étaient auparavant -- s'ils avaient été officiers de la JNA,

 15   devaient trouver une place quelconque dans les unités ou dans une

 16   institution chargée de la défense du pays ?

 17   R.  Oui. Je puis témoigner partant d'une conversation directe avec le

 18   président Tudjman que c'était précisément son opinion, parce que seulement

 19   une journée ou deux après mon intervention, le président Tudjman m'a

 20   convoqué pour un entretien. Nous nous sommes entretenus justement sur ce

 21   sujet, et à l'occasion de cette conversation, il m'a même proposé des

 22   fonctions au sein du ministère de la Défense.

 23   Q.  Je voudrais que vous nous aidiez à comprendre une autre déclaration de

 24   feu président Tudjman, page 92 de la version anglaise de la transcription,

 25   et il a dit, je citerais : "Comme le Pr Zuzul l'a, à mon avis, indiqué ne

 26   faites pas de déclaration politiques quelle que soit, et l'armée n'a pas sa

 27   place sur la scène politique."

 28   Alors, Docteur Zuzul, feu président Tudjman avait-il vraiment estimé que

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  1   l'armée ne devait vaquer qu'à la Défense du pays et qu'elle ne devait pas

  2   être un facteur actif en matière de politique ?

  3   R.  Mon opinion à l'époque était la suivante : le président Tudjman

  4   estimait que pour la défense de l'Etat et pour la création d'une armée le

  5   mieux serait de voir cette armée s'occuper le moins possible de politique.

  6   Q.  Bon. Une autre déclaration très importante, qui est une espèce de petit

  7   discours sur trois pages, il s'agit des pages 103 à 105 de la version

  8   anglaise. Je vous demanderais brièvement -- ou plutôt, j'aimerais

  9   brièvement vous rappeler, Monsieur Zuzul. Le président Tudjman a dit que

 10   les Etats-Unis d'Amérique n'avait toujours pas reconnu la Croatie, et une

 11   partie des officiers ou des intervenants politiques aux Etats-Unis

 12   considéraient en quelque sorte la Croatie comme étant une continuation de

 13   l'Etat croate indépendant le NDH, et ce président Tudjman avait indiqué

 14   qu'il y avait ce parti du droit, le HOS, et que ces unités-là se référaient

 15   notamment à Pavalic [phon], elle prenait des photos de ces militaires de

 16   l'armée militaire avec un "U" sur leur couvre-chef et que d'autres

 17   portaient des insignes des "SS" qu'ils traçaient des cartes de cet Etat

 18   croate indépendant de l'époque." Et je vais faire la chose courte, mais je

 19   cite ce que M. Tudjman a dit : "Ce sont des fascistes. C'est une poursuite,

 20   une continuation de la NDH." Il a donc convié tous les commandants

 21   militaires de l'armée croate à s'opposer violemment à ceci et empêcher

 22   toute identification des soldats avec l'une des idéologies qui faisait

 23   partie de ce jeu de complément ou de qualificatif "Fascistes" pendant la

 24   Deuxième Guerre mondiale.

 25   Alors, le président Tudjman a-t-il défendu cette politique antifasciste de

 26   la direction de l'Etat et de la direction militaire ?

 27   R.  Au travers de toutes les conversations, des communications et des

 28   activités qui ont été les miennes au côté du président Tudjman, je n'ai

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  1   plus à entendre de sa bouche que des opinions antifascistes. Du reste,

  2   c'est un fait notoirement connu que de dire que le président Tudjman a été

  3   l'un de ceux qui c'était battu contre le fascisme, et si je puis ajouter à

  4   titre personnel, que c'était véritablement l'un des sujets que très souvent

  5   nous avons débattu étant donné que mon père avait également été intégré à

  6   la lutte antifasciste. Et non pas en Croatie ou en Yougoslavie du reste

  7   mais en Belgique. Alors nous en avons longuement parlé, et assez souvent

  8   parlé. Et lorsque -- puisque j'étais assez jeune à l'époque, j'avais

  9   beaucoup d'intérêt, je portais beaucoup d'intérêt à entendre ces réflexions

 10   là-dessus.

 11       Q.  Alors, comme on pourrait le dire en terme très simple, le président

 12   Tudjman c'était un général à Tito, n'est-ce pas ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Je vous demanderais, Monsieur Zuzul, d'essayer de commenter certaines

 15   déclarations et certains événements reliés au plan Vance-Owen et les

 16   négociations du mois de janvier 1993. Et j'aimerais que vous nous le

 17   rappeliez parce que vous étiez présent à ces négociations, et vous étiez au

 18   courant des plans de la communauté internationale.

 19   R.  Exact. Début février - 1er février 1993, pour être plus précis - je suis

 20   devenu ambassadeur de la République de Croatie à Genève et, entre autres,

 21   ma mission consistait à suivre les négociations de paix.

 22   Q.  A l'occasion de ces négociations avez-vous fait la connaissance de M.

 23   Herbert Okun ?

 24   R.  Oui, j'ai fait la connaissance de l'ambassadeur Okun.

 25   Q.  Bien. Je vais vous montrer certaines de ses déclarations, et je vous

 26   demanderais de commenter pour savoir si c'est exact ou pas, et si vous

 27   estimez qu'il conviendrait d'ajouter quelque chose, on se mettra d'accord

 28   là-dessus.

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  1   Donc, la déclaration de M. Okun est la suivante, je cite : "Les Croates

  2   étaient très enthousiasmes, non seulement du point de vue des cartes mais

  3   aussi du point de vue du plan Vance-Owen tout entier."

  4   C'est noté au PV, 16 752.

  5   Dites-nous, Docteur Zuzul : est-ce que cette évaluation relative à

  6   l'enthousiasme des Croates est, de votre avis, exacte ou pas ?

  7   R.  Bien, je pense que la constatation est exacte. Je ne sais pas si, je

  8   parlerais "d'enthousiasme," moi-même, mais je dirais certainement que les

  9   Croates étaient très disposés à accepter le plan Vance-Owen dans son

 10   intégralité.

 11   Q.  Dès la page suivante du PV, Herbert Okun dit, cependant, ce qui suis,

 12   je cite : "Les Croates de Bosnie ont signé le plan Vance-Owen au mois de

 13   janvier 1993 sachant que les Serbes, et dans une moindre mesure les

 14   Musulmans, n'accepteraient pas cela en paquet."

 15   Alors, Monsieur Zuzul, de votre connaissance, les Croates ont-ils

 16   véritablement accepté ce plan Vance-Owen sincèrement jusqu'au bout de façon

 17   enthousiasme, ou est-ce qu'ils avaient pensé qu'ils accepteraient mais les

 18   autres parties n'accepteraient pas et que cela finirait bien par tomber à

 19   l'eau ?

 20   R.  J'ai plus de facilité à parler des positions officielles de la Croatie.

 21   Et ce que je peux dire c'est la Croatie officielle a véritablement avec

 22   beaucoup de sérieux accepté ce plan Vance-Owen parce que nous avions pensé

 23   que cela nous conduirait vers une solution en Bosnie-Herzégovine aussi, et

 24   que cela apporterait une solution également aux problèmes de la Croatie

 25   parce qu'une partie de la Croatie était encore occupée, et que cela

 26   contribuait à un apaisement général. C'est ce que je puis vous affirmer

 27   avec certitude.

 28   Pour ce qui est des collègues croates de Bosnie-Herzégovine, j'ai eu

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  1   l'occasion de m'entretenir avec bon nombre d'entre eux à l'époque, bien que

  2   je ne les représentais pas d'un titre officiel, et mon impression était

  3   celle de dire, qu'eux aussi acceptaient cela de façon franche.

  4   Q.  Je vous demanderais maintenant de commenter certaines observations

  5   liées aux cartes. Herbert Okun nous a dit que les débats relatifs aux

  6   cartes étaient permanents et litigieux. Est-ce que vous pensez que ce

  7   jugement se trouve être exact ?

  8   R.  Je pense que c'était plutôt exact.

  9   Q.  Dans mon jeu de documents, j'ai préparé un document qui porte le P

 10   9276. Il s'agit de cartes. Entre autres, celle de la banovina croate et de

 11   la délimitation des provinces en Bosnie-Herzégovine en application du plan

 12   Vance-Owen daté de janvier 1993. Le document a déjà un statut d'élément de

 13   preuve, de pièce à conviction.

 14   Et ce que je voudrais vous demander c'est d'ouvrir ce jeu qui parle de :

 15   "La Banovina en 1939," et l'autre document, qui est un plan de paix Vance-

 16   Owen, daté du 2 janvier 1993. Nous n'allons pas entrer dans le détail. Mais

 17   de ce que l'on pourrait considérer comme étant une conclusion de prime à

 18   bord.

 19   Si vous vous penchez sur ces deux cartes, Monsieur Zuzul, est-ce que l'on

 20   pourrait tomber d'accord d'une certaine façon sur le fait de dire que ce

 21   territoire qui est indiqué comme étant la Banovina de 1939 sur le

 22   territoire de la Bosnie-Herzégovine ressemble énormément aux provinces

 23   croates en application du plan Vance-Owen de janvier 1993 ?

 24   R.  Il me semble que vous avez raison. C'est assez similaire.

 25   Q.  Mis à part ces deux cartes, à l'occasion des négociations, avez-vous eu

 26   l'occasion de voir d'autres cartes avec des territoires plus ou moins

 27   grands qui seraient qualifiés de territoire croate ?

 28   R.  A l'occasion de ces négociations, il y a eu beaucoup de cartes et des

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  1   territoires variés. Ils étaient plus grands ou plus petits que ceci.

  2   Q.  Si nous essayons de trouver une espèce de dénominateur commun pour

  3   toutes ces cartes, est-ce que l'on pourrait constater que dans toutes les

  4   cartes, les territoires croates sont ceux de l'Herzégovine occidentale, à

  5   savoir le territoire Tomislavgrad, Posusje, Ljubusko, et cetera. J'ai dit

  6   Tomislavgrad, Posusje, Ljubusko, Grude, et cetera pour ne pas énumérer la

  7   totalité des municipalités. Puis une partie de la Bosnie centrale et une

  8   partie de la Posavina de Bosnie. Donc, ces trois groupes de territoires ou

  9   de régions, est-ce qu'on peut tomber d'accord, Professeur Zuzul ?

 10   R.  Oui, exact.

 11   Q.  Alors, si ici dans ce prétoire nous essayons de nous référer aux

 12   critères ethniques ou d'entité économique pour définir les territoires ou

 13   la population croate constituerait une majorité absolue ou relative, et

 14   pour dire que ce territoire représenterait une entité cohérente, est-ce

 15   qu'on l'on dessinerait une fois de plus l'Herzégovine occidentale, une

 16   partie de la Bosnie centrale, et des parties de la Posavina de Bosnie ?

 17   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, désolé de vous interrompre,

 18   Maître, mais ce qui m'inquiète c'est l'inexactitude du compte rendu

 19   d'audience. Nous voulons tous savoir de quoi nous parlons ici. Je comprends

 20   que Me Alaburic ne veuille pas nécessairement parcourir toutes les

 21   municipalités qui sont affirmées comme étant parties de l'Herceg-Bosna,

 22   mais nous estimons qu'il y a une autre catégorie de territoire qui n'est ni

 23   l'Herzégovine ni la Bosnie centrale.

 24   Regardons la carte, vous l'avez à votre disposition, Messieurs les Juges,

 25   nous serions éventuellement d'accord pour dire que quand on se sert du

 26   terme de "Herzégovine occidentale," c'est peut-être ce qu'on appelle Livno,

 27   Tomislavgrad, Posusje, Grude, Ljubuski, ces municipalités limitrophes. Mais

 28   nous ne sommes pas d'accord pour dire que, par exemple, dans cette zone, il

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  1   y a Jablanica, non pas que ceci fasse partie donc de la Bosnie centrale ni

  2   de l'Herzégovine occidentale. Donc, lorsqu'on pose des questions à M.

  3   Zuzul, qui ne délimite pas exactement le territoire décrit, ceci peut semer

  4   la confusion ou le manque de clarté. Il faudra peut-être un peu plus de

  5   détail si Me Alaburic veut être tout à fait exacte.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic.

  7   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je remercie mon

  8   collègue, M. Scott pour ce commentaire. Mais je dois avouer que je ne

  9   comprends pas son objection sur le fond. J'aimerais simplement appeler

 10   l'attention sur le fait que la question que j'ai posé au Dr Zuzul ne

 11   concerne pas le territoire de l'Herceg-Bosna. Dans ma question, je parlais

 12   des territoires qui sont inclus dans la Banovina en 1939 ainsi que des

 13   territoires qui sont désignés comme des provinces croates aux termes du

 14   plan Vance-Owen de janvier 1993. Donc, je n'ai à aucun moment parlé de

 15   l'Herceg-Bosna, par conséquent, l'observation qui concerne Jablanica et

 16   d'autres localités est considérée par moi comme totalement infondée et n'a

 17   rien à voir avec le témoignage du Dr Zuzul qui n'est pas appelé à parler du

 18   territoire de l'Herceg-Bosna mais qui est invité à parler de ce que je lui

 19   ai demandé dans ma question. Et je crois d'ailleurs qu'il a répondu à ma

 20   question -- excusez-moi, le témoin n'a pas répondu à ma question, donc je

 21   demanderais Monsieur le Président, que l'on permette au témoin de répondre

 22   à la question qui lui a été posée. 

 23   Q.  Oublions que l'Herceg-Bosna a existé à quel que moment que ce soit, si

 24   quelqu'un aujourd'hui souhaitait en Bosnie-Herzégovine créer une autre

 25   entité, donc ce qu'on appelle une troisième entité. L'entité qu'il est

 26   convenu d'appeler la Croatie ou l'entité croate. Est-ce que si l'on tient

 27   compte des critères économiques ou de critère autres mais assimilés aux

 28   critères économiques; est-ce que l'on pourrait penser à une entité

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  1   régionale ou ethnique qui couvrirait donc les territoires incluant

  2   l'Herzégovine occidentale, des parties de la Bosnie centrale et des parties

  3   de la Posavina bosniaque ?

  4   R.  Ce que je peux dire dans ma déposition en me fondant sur ce que je sais

  5   du travail effectué par les participants aux négociations, c'est que la

  6   carte qu'ils ont établie est reposée sur les critères que vous venez

  7   d'évoquer, c'est-à-dire sur les critères ethniques, les critères

  8   économiques et les critères territoriaux. D'ailleurs ce sont des experts de

  9   la communauté internationale qui ont établi cette carte. Il n'y avait parmi

 10   eux aucun expert dépendant de l'un ou l'autre des parties aux négociations.

 11   Mais, pour ma part, je pense que quel que soient l'expert qui ait établi

 12   une telle carte, il serait parvenu à peu près à la même carte.

 13   Q.  Je vous remercie. J'aimerais maintenant Docteur Zuzul que vous nous

 14   commentiez la possibilité d'une division de l'ex-Yougoslavie et que vous

 15   nous parliez des états qui auraient pu en découler. Vous avez dans votre

 16   document le document 4D -- la pièce

 17   4D 540. Il s'agit de l'avis de la Commission Badinter. C'est donc déjà un

 18   élément de preuve. On y trouve les conditions devant présider à la

 19   reconnaissance de la République de l'ex-Yougoslavie en tant qu'état. Vous

 20   n'avez pas besoin de lire l'intégralité de ce texte, vous vous en

 21   souviendrez sans doute.

 22   Mais, en tout cas, il y a un critère qui est évoqué qui confirme que

 23   les Républiques de l'ex-Yougoslavie seront reconnues dans les frontières

 24   qui étaient les leurs du temps de leur existence, frontières sur le plan

 25   administratif.

 26   Alors, Docteur Zuzul, est-ce que vous avez connaissance de l'avis de

 27   la Commission Badinter ?

 28   R.  Bien que la Commission Badinter ait émis son avis avant que je ne

Page 31059

  1   commence à participer au travail diplomatique, en tant que simple citoyen

  2   et plus tard en tant que diplomate, j'en avais connaissance. Donc, j'ai pu

  3   dire sans la moindre réticence et très librement qu'une énorme majorité, je

  4   dis bien une énorme majorité des habitants de la République de Croatie a

  5   admis cette décision avec bonheur.

  6   Après toutes les années qui se sont écoulées depuis, je puis dire que

  7   c'était la seule décision acceptable, à savoir que les frontières des

  8   nouveaux états ne peuvent être que celles qui étaient les anciennes

  9   frontières des anciennes républiques de l'ex-Yougoslavie.

 10   Q.  Penchons-nous maintenant sur le document suivant, la pièce 4D

 11   00542. C'est un document qui vient du conseil des ministres de la

 12   Communauté européenne et qui s'intitule ligne directrice présidant à la

 13   reconnaissance de nouveaux états d'Europe de l'Est de l'Union soviétique.

 14   Ce document date de décembre 1991.

 15   Et au dernier point de la page 1, nous lisons les mots qui suivent :

 16   "Par reconnaissance de l'inviolabilité de toutes les frontières qui ne

 17   peuvent être modifiées que par des voies pacifiques, et sur accord

 18   conjoint."

 19   Alors, Docteur Zuzul, je vous demande si vous connaissiez ce document

 20   émanant du conseil des ministres de l'Union européenne ?

 21   R.  J'en avais connaissance. Il ressentait de ce document que la

 22   Slavonie et la Croatie ont été reconnues un mois plus tard.

 23   Q.  Dites-nous, Docteur Zuzul, est-ce bien une réalité que tous les experts

 24   professionnels de façon générale ont appuyé l'idée que les nouveaux Etats

 25   émanant de l'ex-Yougoslavie devraient avoir comme frontière ce qu'il est

 26   convenu d'appeler les frontières de l'AVNOJ ?

 27   R.  Absolument. Je dirai simplement quelque chose qui va peut-être un peu

 28   au-delà de votre question, mais ce sont ces documents qui m'y ont fait

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  1   penser. A plusieurs reprises durant le procès -- durant cette affaire, et

  2   je l'ai remarqué également dans l'acte d'accusation, on trouve le désir de

  3   la Croatie de demeurer dans les frontières de la Banovina croate, et le

  4   document que nous avons maintenant à l'écran prouve l'absurdité d'une telle

  5   idée de départ, ou en tout cas d'une telle inspiration, car la Banovina

  6   croate n'englobait pas, en réalité, des parties très importantes de la

  7   République de Croatie : l'Istrie, qui est l'une des régions les plus belles

  8   et les plus importantes de la Croatie; la ville de Rijeka, qui a une

  9   population de plus de 200 000 habitants; la ville de Zadar, qui a une

 10   population de 100 000 habitants. Autrement dit, si quelqu'un devait

 11   proposer aux habitants de la Croatie les frontières de la Banovina croate,

 12   qui leur feraient perdre des territoires habités approximativement par un

 13   demi million d'habitants aujourd'hui, des territoires qui,en tout état de

 14   cause,font partie intégrante de la Croatie, donc,si on leur proposait cela

 15   en leur offrant en échange quelque chose qui ni sur le plan territorial, ni

 16   sur le plan historique, ne peut être comparé à ce qu'ils perdraient, je

 17   pense que de telles personnes ne pourraient pas être considérées comme des

 18   personnes sérieuses. Très sincèrement, je ne connais pas une seule personne

 19   sérieuse qui aurait la moindre compétence -- ou même pas une seule personne

 20   dans le public, dans -- dans la population qui, si on lui présentait la

 21   carte actuelle de la République de Croatie, opterait en toute liberté pour

 22   la Banovina croate.

 23   Q.  Je vous remercie, Docteur Zuzul. Vous avez ajouté un commentaire

 24   intéressant. Vous avez ajouté -- et il convient d'ajouter la Banovina,

 25   n'est-ce pas, que vous n'avez pas mentionnée ?

 26   R.  Oui, et la Banovina. C'est exact.

 27   Q.  Alors, penchons-nous maintenant sur un autre document qui est également

 28   -- qui traite du même sujet. Il s'agit du document 34428 qui est également

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  1   une pièce à conviction. C'est une note officielle émanant de la réunion

  2   avec la délégation française. Elle a été établie par le général Anton Tus.

  3   Et je vous renvoie à la page 2 de ce document. Je répète la cote du

  4   document qui vient de la Défense du général Praljak, il s'agit de la pièce

  5   3D 00482. Alors, en page 2, ce document date de janvier 1993 et concerne

  6   une réunion qui a eu lieu le 13 janvier. En page 2 de ce document, on

  7   reprend les propos du général Praljak, et ce sont ces propos que je vais

  8   maintenant citer. Je cite : "Les Croates se déclarent favorables à une

  9   République de Bosnie-Herzégovine intégrée dans le respect des droits de la

 10   population croate. Les problèmes qui opposent les Musulmans et les Croates

 11   en Bosnie-Herzégovine résultent des objectifs différents assignés au combat

 12   politique. Les Croates luttent pour un Etat de Bosnie-Herzégovine qui

 13   garantirait l'autonomie des Croates alors que les Musulmans se battent pour

 14   un Etat civil. Il s'ensuit que les Croates sont les seuls à se battre

 15   réellement pour un vrai Etat de Bosnie-Herzégovine." Et puis en page 3,

 16   avant-dernier paragraphe, c'est le général Tus qui parle à la Conférence de

 17   Genève, et il parle de la nécessité de créer sur un pied d'égalité un Etat

 18   serbe en Bosnie-Herzégovine en disant que cette nécessité serait une erreur

 19   qui ne contribuerait pas à résoudre la question serbe en République de

 20   Croatie. En rapport avec ce document, et notamment en rapport avec l'idée

 21   de départ exprimée par le général Tus, je vous pose la question suivante :

 22   Docteur Zuzul, en tant que quelqu'un qui était très proche du président

 23   Tudjman - et vous pouvez fournir votre témoignage sur ce que vous savez de

 24   première main - est-ce que la République de Croatie, dans les frontières de

 25   l'AVNOJ, avait la moindre valeur pour le président Tudjman, et est-ce qu'il

 26   n'avait rien contre, quelles que soient les circonstances à votre avis ?

 27   R.  C'est absolument certain, c'est exact.

 28   Q.  A votre connaissance, le président Tudjman était-il au courant du fait

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  1   qu'en divisant la Bosnie-Herzégovine pour créer un certain nombre d'Etats

  2   indépendants, la question de la survivance des frontières des Républiques

  3   de l'AVNOJ se poserait et même, la question de la survivance de la

  4   République croate à l'intérieur des frontières AVNOJ ? En d'autres termes,

  5   est-ce qu'une telle évolution en Bosnie-Herzégovine n'aurait pas légitimé

  6   en Bosnie-Herzégovine l'exigence de la population serbe justifiant qu'elle

  7   demande la création d'une troisième entité distincte en Bosnie-Herzégovine

  8   ?

  9   R.  Je crois qu'il était conscient de cela, et il est tout à fait certain

 10   qu'un tel risque existait. Je préfèrerais ne pas entrer maintenant dans le

 11   fait de discuter dans quelle mesure une telle position aurait été légitime

 12   en Croatie à l'époque, mais ce qui est un fait, c'est qu'en 1993 ou en

 13   1994, les Serbes résidant en Krajina -- dans la Krajina croate, ainsi que

 14   les Serbes résidant sur le territoire de la Republika Srpska de Bosnie-

 15   Herzégovine avaient déjà pris et compris officiellement des décisions

 16   allant dans le sens d'une unification -- d'une réunification entre eux, ce

 17   qui - c'est certain - aurait mis en danger les frontières et même la

 18   survivance de la République de Croatie.

 19   Q.  Docteur Zuzul, dites-nous, je vous prie, si le défunt président Tudjman

 20   considérait que la communauté internationale était sérieuse lorsqu'elle

 21   insistait sur le fait de ne pas permettre la moindre modification sous la

 22   contrainte des frontières des anciennes Républiques de l'ex-Yougoslavie ?

 23   R.  Je considère qu'il pensait que la communauté internationale était

 24   sérieuse à ce sujet et qu'il était convaincu que des modifications des

 25   frontières par la force ne seraient pas autorisées. Mais il était souvent

 26   question dans les négociations internationales d'une modification pacifique

 27   des frontières.

 28   Q.  J'aimerais que vous précisiez un peu ce que vous venez de dire au sujet

Page 31063

  1   des négociations où il était question des modifications pacifiques des

  2   frontières. Pourriez-vous nous dire exactement des frontières -- de quelles

  3   frontières de la République de Croatie vous parlez ?

  4   R.  La seule exemples dont j'ai connaissance -- le seul cas où, à ma

  5   connaissance, le président Tudjman a accepté de participer à de telles

  6   négociations concernait la possibilité d'un échange de territoires dans le

  7   secteur de Neum, en Bosnie-Herzégovine, donc, échanger cette région de Neum

  8   contre une zone déterminée en Croatie. J'en ai déjà parlé. Nous avons reçu

  9   des propositions d'échanges de territoires, et j'indiquerai à titre

 10   d'exemple que j'ai entendu dire à plusieurs reprises que la République de

 11   Croatie ne serait pas en mesure de restituer la Slavonie orientale, et

 12   qu'il était donc préférable que nous négociions à ce sujet avec les Serbes

 13   afin d'obtenir un échange de cette zone contre des terroristes de la

 14   Posavina de Bosnie-Herzégovine, éventuellement, et à deux reprises, j'ai

 15   entendu très nettement que la partie serbe nous proposait un échange de

 16   cette zone contre les territoires occupés dans les environs de Knin.

 17   Autrement dit, on nous proposait d'échanger un territoire croate contre un

 18   autre territoire croate. Mais je n'ai à aucun moment constaté que le

 19   président Tudjman aurait été prêt à accepter l'une quelconque de ces

 20   propositions.

 21   Q.  Pourriez-vous, je vous prie, nous préciser ce que vous venez de dire au

 22   sujet d'un échange concernant la zone de Neum. Est-ce que vous parliez des

 23   pourparlers qui auraient dû résulter de la possibilité pour la Bosnie-

 24   Herzégovine de disposer d'un port lui appartenant sur la côte adriatique,

 25   port destiné à assurer son développement économique ?

 26   R.  Exact. La Bosnie-Herzégovine, ou pour être plus précis, les

 27   représentants musulmans, revenaient en permanence sur la question de cette

 28   sortie sur la mer, question qu'ils considéraient comme essentielle. Et au

Page 31064

  1   cours de toutes les négociations, la question qui suivait immédiatement

  2   était la question de Neum et du statut de Neum.

  3   Q.  Docteur Zuzul, j'aimerais maintenant, par opposition à ce que nous

  4   venons de voir des déclarations relatives à la réalité politique et aux

  5   positions de la communauté internationale, que vous examiniez les

  6   déclarations du président Tudjman au sujet des frontières de la République

  7   de Croatie, qu'il qualifiait d'absurdes ou de frontières qui n'étaient pas

  8   naturelles. Il disait que la Croatie était le seul Etat du monde qui

  9   présentait un aspect de croissant et affirmait que ce n'était pas naturel.

 10   Alors, voici ma question : nous venons d'évoquer ces déclarations du

 11   président Tudjman au sujet de l'aspect non naturel des frontières; est-ce

 12   que ces déclarations pouvaient être lues par l'opinion publique croate dans

 13   les journaux, ou est-ce qu'elle pouvait entendre le président Tudjman en

 14   parler à la télévision ? Est-ce qu'elle pouvait trouver trace de cela dans

 15   les médias ?

 16   R.  Je crois que oui.

 17   Q.  Nous pouvons donc conclure que ces déclarations du président Tudjman

 18   n'ont pas été connues par quoi que ce soit grâce à des moyens d'espionnage

 19   ou à des écoutes secrètes, n'est-ce pas ?

 20   R.  Exact. Et je vous donnerais mon exemple. Si je me souviens bien, le

 21   président Tudjman a prononcé une déclaration de ce genre au cours d'un

 22   débat public dès la période qui précédait les premières élections

 23   démocratiques en Croatie.

 24   Q.  Vous pensez de cette déclaration sur le croissant, n'est-ce pas ?

 25   R.  C'est cela.

 26   Q.  Dites-nous, le défunt président Tudjman était historien, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Puisque vous étiez son collaborateur et que vous occupiez un poste

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  1   important dans le monde politique en Croatie, auriez-vous à aucun moment

  2   considéré que de telles déclarations faisaient partie des responsabilités

  3   officielles ou des comportements politiques du président Tudjman et

  4   qu'elles pouvaient avoir un effet sur la politique étrangère de la Croatie

  5   et la politique de l'Etat de façon générale ?

  6   R.  Si vous me donnez un peu de temps, je vais pouvoir vous détailler mon

  7   impression. J'ai toujours eu le sentiment que le président Tudjman abordait

  8   certains problèmes sous deux angles. Premier angle, en sa qualité

  9   d'historien qui a consacré plusieurs décennies de sa vie à étudier la

 10   situation sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, notamment les relations

 11   liant les différentes populations habitant ces -- ce territoire, et qu'il

 12   l'a fait aussi en tant qu'historien philosophe, si je puis me permettre

 13   cette expression, donc, en tant qu'historien philosophe, j'ai le sentiment

 14   qu'il appréciait de réfléchir aux grandes théories qui ont présidé aux

 15   solutions internationales les plus importantes. Donc, lorsque -- lorsqu'il

 16   s'exprimait dans ces termes -- lorsqu'il s'exprimait en tant qu'historien

 17   et théoricien de l'histoire, le Dr Franjo Tudjman était capable de traiter

 18   de tous les problèmes liés à la création de la Bosnie-Herzégovine et à

 19   toutes les difficultés qui ont surgi sur le territoire de la première ainsi

 20   que de la seconde Yougoslavie, et il lui arrivait aussi, c'est vrai,

 21   d'exprimer quelques doutes quant à la possibilité qu'avait la Bosnie-

 22   Herzégovine de survivre dans l'avenir. D'ailleurs, il n'est pas le seul

 23   historien, il n'est pas le seul responsable politique, et il n'est pas non

 24   plus le seul philosophe qui exprimait de telles positions à l'époque.

 25   Certains les expriment toujours aujourd'hui. Mais en tant que responsable

 26   d'un Etat qui, comme il le disait lui-même, s'était vu offrir la

 27   possibilité historique de créer un Etat de Croatie indépendant, à mon avis,

 28   il a agi de façon rationnelle et pragmatique en admettant le fait que la

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  1   Bosnie-Herzégovine avait été reconnue en tant qu'Etat et à en juger par son

  2   comportement, en tant que chef d'Etat, je conclurais et je vais vous dire

  3   ma pensée très clairement. Donc, son action - et là, je parle de des

  4   consignes qu'il nous donnait à nous diplomates ainsi qu'à d'autres, j'en

  5   suis certain - donc, ces consignes -- ces instructions allaient toujours

  6   dans le sens de la préservation de la Bosnie-Herzégovine mais également

  7   dans le sens de la protection nécessaire pour les Croates habitant sur le

  8   territoire de la Bosnie-Herzégovine.

  9   Q.  Merci d'avoir apporté ces explications complémentaires.

 10   Docteur Zuzul, dites-nous, je vous prie, si, en étant présent à l'occasion

 11   de ces négociations internationales, vous avez pu observer des participants

 12   à ces négociations non pas seulement en leur qualité enfin du point de vue

 13   politique mais en votre qualité de

 14   psychologue ?

 15   R.  J'ai été formé en qualité de psychologue. J'ai suivi un entraînement

 16   puisque j'ai passé une bonne partie de ma vie comme enseignant, professeur

 17   de psychologie, et je suppose que je pourrais utiliser une analogie de ce

 18   type. Comme vous, éminents juristes pour la plupart, vous avez du mal à

 19   vous pencher sur des documents sans pour autant relever les aspects

 20   juridiques contenus dans ce document. Donc, il est probable que, pour la

 21   plupart d'entre nous psychologues, il est difficile d'éviter un fait, à

 22   savoir celui que nous avons été formés en tant que psychologue. Ceci dit,

 23   je n'affirme pas que mes conclusions ou les conclusions de quel que d'autre

 24   psychologue que ce soit se trouveraient être plus exactes que celles d'un

 25   observateur profane, observateur ordinaire.

 26   Q.  Je me propose de vous montrer des documents et j'aimerais vous demander

 27   des commentaires pour ce qui est des éléments défendus par la délégation

 28   d'Alija Izetbegovic qui est l'une des parties en conflit en Bosnie-

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  1   Herzégovine, et j'imagine que ces déclarations et vos commentaires

  2   permettront aux Juges de mieux comprendre ce qui se passait véritable.

  3   Le premier document dans mon jeu de documents est le 4D 01118. Il

  4   s'agit d'une transcription d'une session de la présidence de la République

  5   de Bosnie-Herzégovine datée du 26 novembre 1993.

  6   Alors, Docteur Zuzul, je voudrais vous poser une question au sujet de

  7   la page 4 de cette transcription dans notre langue à nous, et en version

  8   anglaise c'est la page qui porte le DD 003364. Alors, entre autres, ici il

  9   est question de démilitarisation. D'après vos souvenirs, ce sujet relatif à

 10   la démilitarisation a-t-il fait partie des sujets étudiés aux négociations

 11   internationales ?

 12   R.  Oui, ça et là, il a été bel et bien question de démilitarisation.

 13   Q.  Penchons-nous sur ce qu'a dit Alija Izetbegovic au sujet de la

 14   position prise par sa délégation, je cite : "Je dirais deux ou trois mots

 15   au sujet de la démilitarisation. Il convient de défendre aussi une autre

 16   thèse. Lorsque nous avons accepté cette démilitarisation, nous avons

 17   réfléchi ainsi, personne ne rendra les armes légères, c'est sûr. Par

 18   conséquent, qui est-ce qui sera démilitarisé ? Ce seront les parties qui

 19   auront des armes lourdes, par conséquent, nous, on n'est pas concerné.

 20   C'est ainsi que nous raisonnions du point de vue de ces différentes

 21   démilitarisations, cela ne nous concernerait pas, ce sont les autres qui

 22   devraient restituer les chars et placer sous contrôle l'artillerie lourde.

 23   Ils ont restitué 100 chars - je me rectifie - ils restitueraient 100 chars,

 24   nous, on en restituerait quatre ou dix; je ne sais pas quel est le ratio à

 25   présent. Il en va de même pour l'artillerie, ratio de 1 pour 10. Les armes

 26   légères vont être cachées par tout un chacun, bien sûr, ou alors seront

 27   confiées à la police. Aussi avons-nous estimé que cela constituerait une

 28   façon d'enlever ces chars de la Bosnie ? Cependant, après avoir inspecté la

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  1   Bosnie-Herzégovine, par ici, il nous semblerait qu'il nous faudrait une

  2   armée et qu'il faudrait assurer sur le plan juridique -- je m'excuse le lis

  3   la phrase et il faut qu'elle existe en tant qu'ABiH, ce qui ne nous

  4   convient pas c'est cette démilitarisation de la Bosnie-Herzégovine parce

  5   que personne ne nous défendra."

  6   Alors, Docteur Zuzul, d'après ce que vous en savez, la délégation

  7   musulmane, à savoir bosnienne, s'était-elle employée véritablement en

  8   faveur d'une démilitarisation, à un moment donné, et au bout d'un certain

  9   temps, a-t-elle cessé de s'employer en faveur de ce principe parce qu'ils

 10   ont jugé que cela mettrait en péril ou porterait préjudice à leurs intérêts

 11   à eux ? Alors, aviez-vous des informations quelconques à ce sujet ?

 12   R.  Je pense que personnellement que la démilitarisation n'a jamais

 13   été prise par qui que ce soit au sérieux en tant qu'option parce qu'il

 14   était tout à fait clair que la partie serbe, voire l'armée yougoslave

 15   n'était pas disposée à restituer ces armes. Et il était tout aussi clair

 16   que la communauté internationale n'avait pas la détermination qu'il fallait

 17   pour les déposséder de ces armes. Il est certain que la Croatie aussi et

 18   notamment la partie musulmane au tout début de la guerre verrait cette

 19   démilitarisation d'un bon œil. Mais comme je vous l'ai déjà dit, personne

 20   n'y prêtait foi.

 21   Néanmoins si vous le permettez, je voudrais faire un commentaire en

 22   ma qualité de psychologue. J'ai connu et j'avais de l'estime pour M. Alija

 23   Izetbegovic, en sa qualité d'individu qui était profondément préoccupé, on

 24   le voyait profondément préoccupé par le sort, la destinée de son peuple. Il

 25   me semble cependant que ce paragraphe dont vous avez donné lecture était

 26   assez typique de sa personne au cours des négociations. Car, dans un bref

 27   passage, il défend lui-même deux thèses qui se trouvent à l'opposé l'une de

 28   l'autre. Dans les quelques premières phrases, il s'emploie en faveur de la

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  1   démilitarisation, et dans les quelques phrases suivantes, il est contre et

  2   il s'adresse à son parlement à lui, si je ne m'abuse. Ça arrivait assez

  3   souvent lors des négociations aussi, y compris les négociations directes,

  4   les entretiens, les pourparlers.

  5   Si vous le permettez, j'aimerais faire une observation. Il me

  6   semblait que parfois cela créait des malentendus du point de vue de la

  7   communication qu'il y avait, qui circulait entre lui et le président

  8   Tudjman. Ce dernier de règles lorsqu'il prenait une décision et il les

  9   prenait de façon relativement ferme, et à ce moment-là, cette décision il

 10   voulait la mettre en œuvre. Le président Izetbegovic, lui - et là, je

 11   précise une fois de plus que c'est une expérience personnelle qui est la

 12   mienne - avait beaucoup de mal à prendre une décision et quand il en

 13   prenait une, il n'était pas sûr de le voir -- on n'était pas sûr de le voir

 14   près à la mettre en œuvre ou pas. Et je dirais une fois de plus que je n'ai

 15   pas voulu dire quoi que ce soit de mal à son sujet. Il me semble que bon

 16   nombre de ceux qui comme moi ont eu l'occasion de l'observer, se

 17   trouveraient être d'accord avec cette conclusion-là.

 18   Q.  Docteur Zuzul, vous venez de nous présenter une conclusion à laquelle

 19   j'avais souhaité aboutir après examen de l'une de ces transcriptions. Mais,

 20   bon, je pense que vos thèses on pourra les confirmer dans la suite comme

 21   étant des observations tout à fait exactes. Penchez-vous sur la partie

 22   suivante de cette transcription qui en page croate se trouve être à la page

 23   13, et au-delà -- et en version anglaise, c'est le 1D 003374, et au-delà,

 24   il s'agit d'un texte relativement long. Je me propose de le résumer et je

 25   le pense pouvoir le faire de façon correcte.

 26   Alija Izetbegovic prévient du fait que seul l'Amérique est favorable à une

 27   Bosnie intégrale, et à l'intention du Juge Antonetti, je vais citer la

 28   partie relative à la France : "Et bien, cela ne sert à rien puisque la

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  1   politique en France est conduite par le président Mitterrand."

  2   Et on voit plus loin comment Izetbegovic et ses dirigeants étaient

  3   favorables à une Bosnie-Herzégovine unitariste et unique, unifiée.

  4   Et je cite maintenant une partie qui figure vers la moitié de cette

  5   première partie, ce premier segment : "Je répète à présent la partie de ma

  6   question. Après cette observation au sujet de la France et de Mitterrand,

  7   Alija Izetbegovic fait savoir que l'objectif de sa politique est une Bosnie

  8   intégrée."

  9   Et ensuite, je cite : "Je ne vois pas en ce moment si des forces quelles

 10   quel soient qui seraient capable de réaliser cette idée. Je ne les vois

 11   pas. Montrez-moi du doigt quelles sont ces forces-là, qui pourraient nous

 12   faire aboutir à une Bosnie intégrée. Ici si vous avez à l'esprit l'armée

 13   elle peut défendre ces régions-ci, ici, et exercer des pressions et nous

 14   autres moyennant la politique que nous défendons, aboutir à l'élargir

 15   quelque peu. Mais l'armée n'a pas la force qu'il faut pour arriver jusqu'à

 16   Banja Luka. Et ce n'est même pas la peine de le dire. Il n'y a que des gens

 17   qui sous la coupe d'illusion qui peuvent l'affirmer."

 18   Et là, je m'arrête parce que la phrase continue.

 19   Alors, Docteur Zuzul, pour commencer, Banja Luka c'était la capitale

 20   de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?

 21   R.  L'une des deux principales villes que les Serbes ont considéré de la

 22   sorte; il y avait Banja Luka et l'autre ville c'était Pale. Il est certain

 23   qu'il s'agissait de régions occupées par les Serbes.

 24   Q.  En votre qualité de connaisseur de la situation à l'époque, est-ce

 25   qu'Alija Izetbegovic voulait dire en réalité que l'ABiH n'avait pas la

 26   force d'arriver jusqu'à Banja Luka, à savoir libérer la Bosnie-Herzégovine

 27   de l'armée de la Republika Srpska, n'est-ce

 28   pas ?

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  1   R.  Je pense que votre interprétation est tout à fait exacte.

  2   Q.  Docteur Zuzul, partant de vos présences aux Conférences

  3   internationales, était-il apparent que cette délégation musulmane de Bosnie

  4   --

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Alaburic,

  6   revenons à votre question précédente. Moi, j'ai compris que vous demandiez

  7   si c'était l'une ou l'autre des possibilités. Et la réponse est ceci : "Je

  8   pense que votre interprétation est correcte." Et vous, vous demandiez si

  9   c'était un choix. Sans doute, vous attendiez, vous, à ce que le témoin

 10   répondre en choisissant l'une ou l'autre des possibilités. Il ne peut pas

 11   répondre comme il l'a fait en disant : "Oui, c'est tout à fait exact." Vous

 12   savez, ici c'est une exception à la règle dans laquelle, à savoir qu'on

 13   doit répondre : "Oui, non, ou je ne sais pas." C'est peut-être un problème

 14   sémantique. Je parle de la page 26, lignes 6 à 9.

 15   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, si je puis apporter un

 16   éclaircissement. Ici le "ou," "or" se rapporte à une notion, à savoir deux

 17   notions : arriver jusqu'à Banja Luka ou libérer ce territoire. Donc, vous

 18   pouvez l'interpréter comme vous voulez. Pour les Serbes, ce serait une

 19   agression; pour les Croates et les Musulmans, ce serait une libération

 20   d'une partie de ce territoire de la Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, ma

 21   question n'est pas une question alternative avec -- ou comportant des

 22   alternatifs, mais c'est la libération qui est une notion alternative pour

 23   ce qui est de l'arrivée de l'ABiH jusqu'à Banja Luka. Et je pense que c'est

 24   ainsi que M. Zuzul a compris la chose.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Il a dit qu'il n'avait pas

 26   reçu de traduction non plus. Mais ça c'est plus facile pour lui puisqu'il

 27   vous comprend. Merci de cette explication, Maître.

 28   Mme ALABURIC : [interprétation] Fort bien.

Page 31072

  1   Q.  Docteur Zuzul, il me semble que vous vouliez ajouter quelque chose; si

  2   ce n'est pas le cas on peut passer à autre chose -- à une question

  3   suivante. Je voulais vous demander si, à votre connaissance, lors de ces

  4   Conférences internationales, il apparaissait clairement que les délégations

  5   bosniennes, voire musulmanes, s'employaient en faveur d'une Bosnie-

  6   Herzégovine unifiée. Quand on dit "unifiée," c'est contraire à un Etat

  7   complexe, c'est-à-dire fédération, confédération ou quoi que ce soit de ce

  8   genre-là ?

  9   R.  Si l'on devait tracer une ligne, voire recourir à un qualificatif

 10   concernant le comportement des délégations bosniennes, voire musulmanes, je

 11   pense véritablement que c'était cette intervention en faveur d'un Etat

 12   unifié, mais dans le sens de "unitariste". Qui plus est, c'est plutôt du

 13   point de vue politique que je l'entends que du point de vue territorial.

 14   Q.  Merci de cette réponse.

 15   Penchons-nous sur la partie suivante du PV, page 19, version croate et

 16   version anglaise, c'est le 3380. C'est une conclusion plutôt courte de la

 17   part d'Alija Izetbegovic. Je vais en donner lecture intégralement. Je cite

 18   : "Nous pouvons conclure d'une chose jusqu'à présent. Voire une délégation

 19   aller là-bas, avoir plus ou moins d'une plate-forme que l'on connaît, plus

 20   les efforts relatifs à l'élargissement des fonctions et des territoires et,

 21   par surcroît, l'absence d'une signature, et ainsi de suite. Est-ce qu'avec

 22   ces instructions-là, on peut aller là-bas, être vu et revenir chez

 23   nous ?"

 24   Alors, partant de là, Docteur Zuzul, il découlerait de façon

 25   inéquivoque que la délégation bosnienne a pour instruction de ne rien

 26   signer, d'aller négocier et de revenir sans signature du tout. Est-ce que,

 27   de votre avis -- de votre expérience, il y aurait eu des situations où les

 28   délégations bosniennes se comportaient bel et bien ainsi ?

Page 31073

  1   R.  Je n'ai jusqu'à présent jamais eu l'occasion de voir une forme aussi

  2   claire que celle-ci pour ce qui est de M. Alija Izetbegovic s'adressant à

  3   sa délégation. Mais, vraiment, j'ai souvent en l'impression qu'ils ne

  4   s'efforçaient pas de trouver une solution. Ils étaient plutôt là pour

  5   négocier -- donc, pour négocier, voire encore pour gagner du temps.

  6   Q.  Merci. Nous verrons au-delà et ultérieurement comment vont évoluer les

  7   positions de la délégation musulmane. Penchez-vous maintenant sur le 4D

  8   01052. 01052. Il s'agit d'une transcription d'une session de la présidence

  9   de la République de Bosnie-Herzégovine du 29 décembre 1993.

 10   J'ai choisi des parties que j'ai jugées importantes. Peut-être une partie

 11   qui n'est pas si importante que cela, mais qui est intéressante -- excusez-

 12   moi. Version anglaise, il s'agit -- non, version croate, il s'agit -- nous

 13   allons suivre la numérotation qui figure en bas à droite.

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Alaburic, il se

 15   peut que j'aie de nouveau mal compris quelque chose. Ici, nous avons un

 16   titre -- un numéro, et c'est une réunion du

 17   29 décembre. Mais ensuite, nous avons le compte rendu -- le transcript lui-

 18   même, qui parle du 26 décembre. Alors qu'est-ce que j'ai mal compris ?

 19   Pourriez-vous me le dire ?

 20   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, j'aimerais que

 21   vous m'indiquiez où est-ce qu'on dit 26 décembre, au juste, parce que, moi,

 22   je ne retrouve pas cette date dans mon document.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais c'est la toute première page.

 24   En anglais, dans la traduction.

 25   Mme ALABURIC : [interprétation] Oui, je viens de le voir. C'est une erreur

 26   de traduction. Une erreur dans version anglaise. Il s'agit de la 233e

 27   session, ce n'est pas contesté, mais dans l'original, vous pouvez voir

 28   qu'il s'agit du 29 décembre, et c'est le traducteur qui a fait une erreur.

Page 31074

  1   Je m'excuse de ne pas avoir relevé cela. Je n'ai pas contrôlé la traduction

  2   dans tous ses moindres détails.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : Je vous remercie.

  4   Mme ALABURIC : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

  5   Q.  Alors, ce que je voulais pour commencer vous entendre commenter, c'est

  6   suivre cette numérotation dans la version -- dans notre langue, donc, les

  7   numéros qui se trouvent en bas à droite. Et je vous demande de vous pencher

  8   sur le 0700, version anglaise, il s'agit de la 26e et 27e page. Je vous

  9   dirai brièvement de quoi s'occupe la présidence de la Bosnie-Herzégovine.

 10   Ils sont en train de dire que ce n'est pas une bonne chose de  -- que de

 11   voir l'armée à Boban qualifiée de Ustasha, parce que suivant une enquête

 12   d'un hebdomadaire politique de Zagreb appelé Globus, la direction de

 13   l'Herceg-Bosna avait 200 et quelques années

 14   -- 521 ans de -- d'affiliation au parti et qu'il n'y avait aucun Ustasha

 15   parmi ces gens-là. Par conséquent, on ne devrait pas les qualifier

 16   d'Oustacha. Alors, comment remplacer la terminologie : terroristes,

 17   fascistes, bandits de grands chemins, vampires, et que sais-je. On parle

 18   donc de Vampires, d'Hommes à Boban, et ce genre de chose.

 19   Alors, d'après vous, Docteur Zuzul, la politique officielle d'Alija

 20   Izetbegovic, comment qualifiait-elle la direction de l'Herceg-Bosna et les

 21   commandants du HVO ? Avez-vous des informations à ce sujet ou pas ?

 22   R.  Je ne me permettrais pas de parler de la façon officielle dont cela

 23   était qualifié, et on parle ici d'un argot, le fait est que les médias et

 24   le parler au commun avait coutume de recourir à des moyens d'identification

 25   très simplistes et simplifiés datant de la Deuxième Guerre mondiale pour

 26   parler d'Ustasha et de Chetniks. Parmi les Croates et les Musulmans de

 27   Bosnie-Herzégovine, ça ne pouvait pas être utilisé compte tenu des

 28   analogies de la Deuxième Guerre mondiale parce qu'il y avait des uns et des

Page 31075

  1   autres  -- tant des Croates que des Musulmans se trouvant du côté des

  2   Partisans, mais aussi du côté des Oustacha.

  3   Donc, c'est un parler de la rue, au sens politique, je veux parler aussi de

  4   cette politique, entre guillemets, de sous-sol qui entrait en utilisation

  5   de façon générale. Je n'ai pas remarqué qu'il ait été fait recours à ce

  6   type d'argot aux réunions officielles, mais j'étais conscient du fait que

  7   la communication, d'une manière générale, s'en trouvait plus difficile.

  8   Tant entre les nations qu'entre les hommes politiques.

  9   Q.  Merci, Docteur Zuzul. Penchons-nous maintenant sur une déclaration

 10   d'Alija Izetbegovic en page 703 et au-delà. Version anglaise, il s'agit de

 11   la page 29 et au-delà. C'est fin décembre 1993. L'armée de Bosnie-

 12   Herzégovine mène une offensive sur le territoire de la Bosnie centrale. On

 13   en arrivera à cette partie de la transcription. Ce qui m'intéresse à

 14   présent, c'est la chose suivante, je cite : "Lorsqu'il s'agit du

 15   comportement concret de l'armée en Bosnie centrale, ce qu'ils disent

 16   s'agissant des négociations, c'est à la lettre la chose suivante : Rien

 17   n'est convenu avant que tout ne soit arrêté, par conséquent, la Bosnie

 18   centrale ce n'est pas convenu. L'armée a le droit de recours à une liberté

 19   d'action car rien n'a encore été arrêté."

 20   Docteur Zuzul, d'après les connaissances qui sont les vôtres, la politique

 21   de la délégation musulmane était-elle véritablement celle-là, à savoir

 22   laisser à chaque fois de côté un sujet sans qu'on ait abouti à un accord

 23   sur ce sujet-là ? Et, compte tenu de cette politique que rien n'est convenu

 24   tant que tout n'a pas été arrêté, il y a de nouveau un débat de relancé sur

 25   ces mêmes questions, alors que d'autres intervenants estimaient qu'on avait

 26   déjà abouti à des solutions sur ces mêmes sujets.

 27   R.  Je ne peux pas affirmer pour ma part si la partie bosnienne voire

 28   musulmane le faisait délibérément. Moi, j'étais présent plusieurs fois, et

Page 31076

  1   à l'occasion de plusieurs négociations où non seulement M. Izetbegovic mais

  2   d'autres représentants des Musulmans présentaient des positions suivant

  3   lesquelles rien n'est convenu tant que la totalité des sujets ne se trouve

  4   être arrêtée.

  5   Je me souviens même assez bien d'une situation où à l'occasion d'une

  6   pause dans les négociations et ce en ma qualité de personne ayant déjà

  7   commencé à vaquer à la théorie des négociations où j'ai commencé sur un

  8   plan intellectuel non pas politique de prouver qu'avec une telle approche

  9   il se trouverait impossible d'arriver, d'aboutir dans les négociations à

 10   des relations quelles que complexes que ce soit, et ceci se trouverait être

 11   confirmé par tout manuel lié aux négociations ou relatif à des

 12   négociations. Toujours est-il qu'ils insistaient de façon persistante sur

 13   cette façon de faire et cela laissait les négociations constamment ouvertes

 14   sans que l'on aboutisse à des conclusions.

 15   D'autre part, les négociateurs internationaux préféraient ce type

 16   d'attitude parce que ça leur permettait de laisser les négociations

 17   ouvertes eux aussi.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur

 19   Zuzul, d'après vous, est-ce qu'il s'agit d'une mauvaise attitude, rien ne

 20   fait l'objet d'un accord tant que tout n'a pas fait l'objet d'un accord, ou

 21   est-ce que c'est une attitude tout à fait possible dans le cadre des

 22   négociations ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela est une position possible et a bien des

 24   négociations fort présentes. Mais dans la plupart des négociations les plus

 25   complexes - et là, il s'agissait de négociations fort complexes - ce type

 26   d'attitude, à mon avis, et je pense que la plupart des experts en la

 27   matière tomberaient d'accord avec moi; cela mène à une impossibilité

 28   d'aboutir à un accord.

Page 31077

  1   Par exemple, si je puis illustrer, pour convenir de solutions politiques il

  2   faut qu'auparavant convenir d'un cessez-le-feu. Si vous dites nous ne

  3   pouvons convenir un cessez-le-feu car nous n'avons pas convenu de solutions

  4   politiques, cela interdit l'aboutissement à un accord quel qu'il soit.

  5   Pour être concret -- pour parler dans le concret, maintenant, ça me

  6   revient, lorsque sur le principe on tombait d'abord sur un cadre de

  7   solution à appliquer à la Bosnie-Herzégovine, on disait : "Oui, certes mais

  8   on n'est pas tombé d'accord sur la délimitation des différentes

  9   municipalités."

 10   Mais d'autre part, donc, l'accord obtenu sur d'autres éléments n'est

 11   pas valide puisqu'on n'a pas tout convenu. Du point de vue de la théorie et

 12   de la pratique des négociations, vous ne pouvez pas convenir des

 13   spécificités, des détails si vous n'êtes pas tombé d'accord sur les lignes

 14   générales du cadre, en tant que tel. Ça a été mon opinion à l'époque et je

 15   pense la même chose au jour d'aujourd'hui.

 16   Ce que je n'oserais pas affirmer, c'est de dire que la partie

 17   musulmane le faisait du fait d'une obstruction sciemment faite vis-à-vis de

 18   ces négociations. Et, à plusieurs reprises, je me suis servi du terme

 19   gagner du temps, temporiser, parce que j'avais l'impression que cette

 20   partie musulmane et en particulier le président Izetbegovic était convaincu

 21   qu'avec le temps, au fil du temps, cette position dans les négociations ne

 22   ferait que se renforcer. Cela peut n'être que mon impression à moi.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause parce que c'est l'heure. On va

 25   faire une pause de 20 minutes.

 26   J'indique à la Défense Petkovic qu'il lui reste 45 minutes.

 27   --- L'audience est suspendue à 15 heures 52.

 28   --- L'audience est reprise à 16 heures 12.

Page 31078

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. Je crois que le Juge

  2   Prandler a une question à poser.

  3   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie, et je suis désolé

  4   de vous prendre un peu de temps, Maître Alaburic, mais ma question ne

  5   durera qu'une minute; enfin, ce n'est pas votre temps tout à fait. Et je

  6   voulais tout simplement obtenir une petite confirmation de votre part, et

  7   j'aurais aimé poser la même question à M. Zuzul, que M. le Juge Trechsel.

  8   Vu mon expérience dans le domaine en question, à savoir les

  9   négociations internationales, je pense que le principe qui a été mentionné

 10   est un principe positif de façon générale. Donc, sans trop nous appesantir

 11   sur cette question, je souhaiterais vous demander la chose suivante,

 12   Monsieur Zuzul : est-ce que vous pensez véritablement que le principe en

 13   question a empêché la partie croate de poursuivre les négociations et

 14   d'aboutir à des résultats positifs ? Voilà ma question.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, absolument pas. Cela n'a pas empêché la

 16   partie croate et la partie croate ne l'a jamais abordé que comme quelque

 17   chose qui pourrait être négatif. Il s'est agi, si vous me permettez de

 18   préciser, d'une position qui était celle de la partie musulmane dans les

 19   conditions suivantes : lorsque vous avez des négociations durables vous

 20   passez des jours, des jours, à discuter, et vous arrivez sur un point à un

 21   accord, et pour autant que l'une ou l'autre des parties s'en tienne au

 22   principe consistant à penser que rien n'est conclu tant que tout n'est pas

 23   conclu. Et si l'on ajoute à cela la possibilité d'interpréter ce principe

 24   en estimant que tout ce qui a été conclu précédemment s'annule, alors, dans

 25   la pratique, cela peut entraver n'importe laquelle négociation. Pour ma

 26   part, j'ai interprété ce principe de cette façon et il n'est arrivé de

 27   penser que la partie musulmane l'a interprété de cette façon aussi.

 28   Et si vous permettez, j'aimerais apporter une illustration

Page 31079

  1   supplémentaire. Alors, qu'est-ce qui se passe ? Nous négocions un jour,

  2   deux jours, des dizaines de jours, mais si l'une des parties s'en tient au

  3   principe consistant à penser que rien de ce qui a été débattu ne vaut rien,

  4   tant que le dernier jour, nous n'avons pas mis un point final surtout quand

  5   nous ne sommes pas entendus sur tout, alors, il arrivait au moment où cette

  6   partie peut dire : "Et bien, tout ce qui a été conclu jusqu'à présent et

  7   entendu jusqu'à présent ne vaut plus rien, il faut tout recommencer depuis

  8   le départ."

  9   Ce que j'ai dit, c'est que : dans la pratique et dans la théorie, si

 10   on s'en tient à un principe de ce genre, cela aboutit à l'impossibilité de

 11   conclure un accord. Quant à mon idée selon laquelle il arrive parfois, je

 12   ne dis pas toujours, mais il arrive parfois que les pourparlers se mènent

 13   dans ces conditions, j'ai toujours la même idée. Et j'espère avoir répondu

 14   à votre question, Monsieur le Juge.

 15   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur

 16   Zuzul.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, vous avez la parole. J'ai été trop

 18   généreux tout à l'heure; je vous ai dit 45 minutes, les décomptes me disent

 19   43 minutes.

 20   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie de

 21   votre générosité, et j'espérais être en mesure de vous rendre votre

 22   générosité en utilisant pas l'intégralité de ces

 23   43 minutes.

 24   Q.  Docteur Zuzul, je remercie les Juges des questions qu'ils vous ont

 25   posées, et j'aimerais à présent que nous nous en résumions à deux positions

 26   fondamentales. Pouvons-nous convenir que si l'on atteint pas un accord sur

 27   tous les éléments en discussion, l'accord n'est pas conclu; c'est bien cela

 28   ?

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  1   R.  Bien entendu.

  2   Q.  Et, dites-moi, Docteur Zuzul, si l'une des négociations qui participe

  3   aux négociations, même les négociations consciencieusement et délibérément

  4   de façon à ce qu'il n'y ait jamais la possibilité de s'entendre sur tous

  5   les éléments en discussion pour que ce principe selon lequel l'accord n'est

  6   pas conclu tant qu'un accord n'existait pas sur tous les éléments en

  7   discussion; est-ce qu'une partie qui agit de cette façon n'empêche pas un

  8   accord de se combler ? Est-ce que ce n'est pas une façon d'éviter que la

  9   solution au problème soit trouvée ?

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Alaburic, je me demande s'il

 11   est bon d'utiliser le terme "délibéré," une fois encore, sachant que le

 12   témoin a déclaré qu'il ne pouvait confirmer qu'il y avait une politique

 13   délibérée. Je pense que ce n'est pas tout à fait correct. Peut-être

 14   pourriez-vous reformuler votre question ?

 15   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, ma question, celle que je

 16   viens de poser, est une question très générale qui n'a rien à voir avec la

 17   politique de la partie musulmane. C'est une question générale qui peut

 18   concerner d'autres situations impliquant, y compris les Croates. Je ne

 19   tiens pas à interroger ce témoin sur les positions de principe, car nous le

 20   ferons avec d'autres témoins et nous avons déjà pas mal de documents qui le

 21   font.

 22   Q.  Donc, ma question je vous la répète, Docteur Zuzul : si une délégation

 23   se comporte de cette façon délibérément et consciencieusement et que

 24   certains problèmes restent irrésolus, est-ce que l'on ne peut pas

 25   considérer une telle façon de faire comme désireuse de ne pas conclure

 26   l'accord ?

 27   R.  Je pense qu'on peut interpréter les choses ainsi, j'en suis certain, et

 28   j'ai essayé de le dire dans ma réponse à M. le Juge Prandler. Je pense

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  1   qu'il peut s'agir effectivement d'obstruction, à savoir que si un principe

  2   légitime est considéré comme un principe absolu, et là, je parle du

  3   principe selon lequel tant que tout n'est pas conclu rien n'est conclu, et

  4   ce principe dans ce cas peut être utilisé pour détruire l'ensemble du

  5   processus. Ce principe est un bon principe lorsque les participants aux

  6   négociations négocient dans un esprit de bonne volonté et de désir

  7   d'aboutir à un accord. Mais, dans le cas contraire, cela peut être une

  8   obstruction à la conclusion d'un accord.

  9   Q.  Je vous remercie, Docteur Zuzul. Continuons à analyser ce texte. Il est

 10   question des attaques sur Vitez, en page 704 de la version croate, et en

 11   page 29 de la version anglaise, Stjepan Kljuic s'efforce de poser la

 12   question de savoir s'il ne serait pas bon que l'armija de Bosnie-

 13   Herzégovine se lance dans la libération de Foca plutôt que d'aller dans la

 14   direction de Vitez. Et nous lisons que : "Du point de vue de la Bosnie-

 15   Herzégovine et du point de vue de la population musulmane, il pourrait se

 16   faire que Foca soit plus important." 

 17   Alors, Docteur Zuzul, savez-vous quelle était la partie belligérante qui

 18   tenait sur son contrôle la ville de Foca ?

 19   R.  Je ne serais vous le dire en cet instant. Mais à en juger par les

 20   phrases que je lis dans ce texte -- enfin je préférerais en fait ne pas me

 21   lancer dans une interprétation des mots de M. Stjepan Kljuic.

 22   Q.  Quelles pages plus tard, c'est-à-dire en page 709 de la version croate,

 23   et en pages 33, 34, de la version anglaise, M. Siber, qui était le

 24   commandant adjoint de l'ABiH, et je pense que sa position est intéressante

 25   car nous pourrons voir qui attaquait qui, dit ce qui suit, et je cite en

 26   page 710, la fin de son propos -- je cite : "Je suis en train de vous dire

 27   que l'ABiH a une force suffisante s'agissant de Busovaca, Vitez et d'une

 28   partie de Novi Travnik tenus actuellement par le HVO sous le commandement

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  1   absolu des hommes de Boban, donc, des Herzégoviens, et ce n'est pas le cas

  2   de Kiseljak qui est tenu par la FORPRONU et où on ne peut rien faire. Donc,

  3   je vous dis que l'ABiH a les moyens et les forces suffisantes pour entrer

  4   dans ces localités dans un délai de 48 heures. Et, si nous parlons de

  5   Mostar, la même chose se passera sur la rive gauche de Mostar. Quant à

  6   l'industrie de Vitez, et notamment les segments de l'industrie de Vitez qui

  7   importe pour cet Etat, la même chose s'y passera."

  8   Alors, je vous pose la question suivante : Docteur Zuzul, est-ce que vous

  9   saviez que, vers la fin de 1993, donc, à l'époque des négociations, l'ABiH

 10   était en train de délibérément lancer une action destinée à libérer

 11   Busovaca, Vitez et des parties de Novi Travnik du contrôle exercé par le

 12   HVO ?

 13   R.  J'ai été au courant d'affrontement ponctuel et d'escarmouche dans ces

 14   secteurs mais je dois vous dire très sincèrement que je suis surpris de

 15   lire ce texte et de me rendre compte qu'il est question d'opération

 16   planifiée. Je n'en avais pas la moindre idée et je pensais que personne de

 17   notre côté, personne parmi les participants aux négociations n'a été au

 18   courant de cela.

 19   Q.  Alors, maintenant, voyons ce qu'il en est de la direction de Sarajevo

 20   qui a planifié cette offensive à l'insu des autres, pages 35, 36 de la

 21   version anglaise, et je cite ce que dit Stjepan Kljuic

 22   -- je cite : "Est-ce que nous pourrions vous faire quelque chose dans notre

 23   intérêt car, aux Nations Unies, on nous a mis en accusation et nous devons

 24   répliquer puisqu'on nous a montrés du doigt ? Alors, pourquoi ne pas aller

 25   à la télévision et dire que l'ABiH n'a pas prévu une offensive contre Vitez

 26   ? Mais, entre nous, écoutez, nous ne sommes pas des enfants. Nous savons,

 27   comme Ivo l'a dit, qu'il -- que quelqu'un a plus d'expérience de la vie que

 28   quelqu'un soit plus mûr, que certains parlent davantage, que certains

Page 31083

  1   parlent moins, et cetera. Mais nous nous rendons tous parfaitement compte

  2   que, stratégiquement parlant, c'est Vitez et Novi Travnik qui sont les

  3   localités les plus importantes pour l'ABiH, car c'est là que se trouvent

  4   les industries. Comme cela a été dit, cela pourrait nous mener vers les

  5   vingt ans à venir."

  6   Je saute quelques lignes, et je reprends la citation : "J'ai dit une fois

  7   que le -- j'ai dit cela une fois au président, et j'ai dit que, dans

  8   l'intérêt de la communauté internationale, il faudrait déclarer que nous ne

  9   sommes pas en train de monter la moindre offensive et en deuxième lieu,

 10   qu'il faudrait arrêter quelle qu'offensive que ce soit avant le 18."

 11   Alors, dites-nous, Docteur Zuzul : est-ce que vous avez été au courant du

 12   fait qu'Alija Izetbegovic ou l'un de ses représentants à la direction de

 13   Sarajevo faisait des déclarations publiques en indiquant qu'aucune

 14   offensive n'était en cours alors même qu'une offensive très importante se

 15   déroulait sur le terrain, et que la date même de la fin de cette offensive

 16   était déjà déterminée ?

 17   R.  Je n'en avais pas la moindre idée et je crois que personne du côté de

 18   ceux qui participaient comme nous aux négociations n'en a eu la moindre

 19   idée. Je me félicite de constater que finalement un accord a pu être conclu

 20   à l'issue de ces négociations mais je suis absolument et sincèrement ébahi

 21   de constater ce double jeu.

 22   Q.  J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur la pièce 4D 009300 --

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je souhaiterais poser une petite

 24   question. J'ai l'impression que vous avez sous-entendu la réponse déjà,

 25   mais je pense, malgré tout, que cette question est pertinente. Nous lisons

 26   la transcription des débats; est-ce que vous savez si ces débats se sont

 27   soldés par une décision ? Est-ce qu'une décision a été prise en fin de

 28   compte ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand vous dites "des décisions," vous voulez

  2   dire des discussions émanant des négociations ou des -- quand vous dites

  3   "des décisions," vous parlez des décisions résultant des négociations ou

  4   des décisions résultant des luttes sur le

  5   terrain ?

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je parle des décisions mettant en

  7   œuvre certains points convenus lors des discussions et qui vous auraient

  8   surpris.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais affirmer et je ne sais pas si

 10   suite à tout cela il y a eu un comportement concret, autrement dit une mise

 11   en œuvre de ces décisions par l'ABiH. Ça, je ne le sais pas. Mais, Monsieur

 12   le Président, j'espère que vous m'autoriserez à poursuivre, en disant

 13   pourquoi j'ai fait part à la Chambre de ma surprise. Vous vous rappellerez

 14   peut-être ce que j'ai déjà dit, personnellement  --

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, mais vous avez déjà

 16   répondu à ma question. Je préférerais que l'on ne passe pas davantage de

 17   temps sur ce point.

 18   Excusez-moi, Maître Alaburic.

 19   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, nous savons bien qu'il

 20   faut apporter la preuve du fait, la preuve de la réalité de ces actes

 21   politiques après avoir établi les fondements comme nous venons de le faire.

 22   Et, le général Praljak se consacrera à cela -- la Défense du général

 23   Praljak se consacrera à cela dans les mois qui viennent.

 24   J'aimerais que nous nous penchions sur la pièce 4D 009300 qui est un

 25   document datant du 14 janvier 1993, la page qui se termine par les numéros

 26   232 m'intéresse. Cela commence au début de la page 9 dans la version

 27   anglaise et en B/C/S c'est la fin de la page 11 et le début de la page 12.

 28   Là, nous voyons un certain M. Ljubjankic qui participe à cette

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  1   réunion et lit une décision allemande au sujet du déroulement des

  2   négociations au cours des derniers jours, et il est question dans ce texte,

  3   entre autres, de l'offensive lancée par l'armée de Bosnie-Herzégovine sur

  4   Vitez. J'aimerais que nous nous concentrions sur les propos d'Alija

  5   Izetbegovic, je cite : "Car ils ont dit qu'ils voulaient maintenant faire

  6   la guerre. Je dis nous avons besoin de Vitez à cause de l'avenir et pas en

  7   raison du fait que nous désirons à présent faire la guerre."

  8   Nous serons accusés de vouloir nous emparer de vitesse pour

  9   poursuivre la guerre. Ce n'est pas cela, la raison -- vitesse nous est

 10   nécessaire pour l'avenir."

 11   Alors, Docteur Zuzul, pouvez-vous me dire si vous aviez la moindre

 12   idée du fait qu'au début de l'année 1994 - je dis bien au début de 1994 -

 13   des combats avaient lieu entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO pour

 14   la prise de vitesse ?

 15   R.  Je ne savais rien de précis à ce sujet mais je recevais ponctuellement

 16   des renseignements portant sur certains combats qui se déroulaient dans

 17   certaines régions de la Bosnie centrale.

 18   Q.  J'aimerais maintenant appeler votre attention sur une partie de ce

 19   rapport allemand qui est cité par M. Ljubjankic, je cite : "Suite aux

 20   derniers efforts déployés pour établir la paix, en tout état de cause, il

 21   est devenu très clair que la partie musulmane place toujours au premier

 22   plan l'option de guerre. C'est le moins que l'on puisse dire. Il est

 23   manifeste que ce qu'elle veut, c'est obtenir des Croates ce qu'elle n'a pas

 24   pu réussir à obtenir des Serbes." Je termine la citation, même si, dans la

 25   suite du texte, il y a aussi des constatations intéressantes.

 26   Docteur Zuzul, dites-nous si, pendant les négociations avec la communauté

 27   internationale, vous avez acquis le sentiment, ou est-ce que vous auriez

 28   appris que la direction musulmane à Sarajevo s'était rendu compte qu'elle

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  1   ne pouvait obtenir aucun résultat dans les combats qui l'opposait à l'armée

  2   de la Republika Srpska, qui était plus forte que l'armée de la Bosnie-

  3   Herzégovine, et qu'elle se serait dit qu'en revanche, elle pouvait obtenir

  4   quelque chose à l'issue des combats contre le Conseil croate de Défense --

  5   le HVO ?

  6   R.  Je ne saurais dire que j'avais des renseignements précis à ce sujet,

  7   mais je dois dire que c'est une idée qui m'est venue à l'esprit de temps en

  8   temps.

  9   Q.  Page 240 et pages suivantes de ce procès-verbal, qui correspond à la

 10   page -- aux pages 19 et 20 de la version anglaise, Alija Izetbegovic répète

 11   que, si nous n'avons rien -- si nous n'avons pas tout conclu, nous n'avons

 12   rien conclu.

 13   Et un peu plus loin, deux phrases -- j'aimerais que nous nous

 14   arrêtions sur deux phrases prononcées par lui, et je cite : "Bien entendu,

 15   nous devons défendre une Bosnie intégrée sans oublier que la présence de

 16   l'armée est la raison qui nous permet d'envisager une autre solution qu'un

 17   Etat intégré."

 18   Alors, Docteur Zuzul, est-ce que vous saviez que la direction musulmane de

 19   Sarajevo s'était rendu compte du fait qu'elle ne parviendrait pas à obtenir

 20   un Etat intégré en raison de la Republika Srpska et des actions de l'armée

 21   de la Republika Srpska parce que l'armée de Bosnie-Herzégovine n'aurait pas

 22   la force de battre l'armée de la Republika Srpska ?

 23   R.  Je dois dire que l'idée m'est venue en tête, et d'ailleurs, ce procès-

 24   verbal confirme cette idée que j'ai pu avoir. L'idée m'est venue à l'esprit

 25   que l'objectif poursuivi par la direction musulmane constituait à créer un

 26   Etat de Bosnie-Herzégovine intégré, et l'idée qui peut être concrétisée au

 27   vu des situations réelle est l'idée que la partie musulmane était prête à

 28   renoncer à certains territoires plutôt qu'à renoncer au principe d'une

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  1   Bosnie-Herzégovine intégrée, je l'ai eue aussi.

  2   Et puis, ce que confirme aussi ce procès-verbal, c'est l'idée que la

  3   partie musulmane négocie parfois, non pas dans le but d'atteindre une

  4   solution, mais pour faire passer le temps de façon à ce qu'entre-temps se

  5   créent, d'une façon ou d'une autre, les conditions permettant la

  6   réalisation de l'objectif poursuivi, c'est-à-dire la création d'une Bosnie-

  7   Herzégovine intégrée.

  8   Je peux vous donner en exemple une situation que j'ai vécue

  9   personnellement. A un certain stade des négociations, je crois que c'était

 10   à Zagreb, le président Tudjman a déclaré au président Izetbegovic la chose

 11   suivante : "Mais voyons, Alija, vous dites que vous avez subi plusieurs

 12   milliers de morts. Combien faut-il de morts pour que, finalement, vous

 13   deveniez prêt à discuter en vue d'une solution ?" Et à cette question, le

 14   président Izetbegovic lui a répondu : "Même s'il devait y avoir des

 15   millions de morts, il restera encore des millions qui pourront vivre dans

 16   les conditions dans lesquelles il importe de vivre." Alors, ce que je viens

 17   de vous citer, c'est ce que j'ai en mémoire, mais je dois dire que cette

 18   conversation a réellement marqué ma mémoire, et d'une certaine façon, elle

 19   correspond tout à fait à l'image globale dont nous parlons.

 20   Q.  Docteur Zuzul, je vous remercie. Mon contre-interrogatoire est terminé.

 21   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je fais cadeau de mon temps à

 22   mon collègue de l'Accusation sans la moindre restriction. Je vous remercie.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Alaburic, pour votre générosité.

 24   Bien. Monsieur Scott.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il est peut-être important de

 26   préciser quelque chose pour qu'il n'y ait pas de malentendu. Me Alaburic ne

 27   peut, bien entendu, pas vous céder son temps, mais vous en avez

 28   suffisamment.

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  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, c'était une plaisanterie,

  2   bien sûr. Je sais bien que nous sommes sur un pied d'égalité dans notre

  3   contre-interrogatoire avec M. Scott, mais il n'est pas question de nous

  4   partager notre temps. Merci.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, la pointe d'humour a été

  6   transmise.

  7   M. SCOTT : [interprétation] Merci.

  8   Bonjour, une fois de plus, Messieurs les Juges et à toutes les personnes

  9   ici présentes.

 10   Contre-interrogatoire par M. Scott :

 11   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Zuzul. Une grande partie de votre

 12   déposition a contribué à conforter la thèse de l'Accusation, ce qui veut

 13   dire qu'il y a beaucoup de choses que nous n'aurons pas besoin d'examiner,

 14   vous et moi. Mais j'ai quelques questions à vous poser à propos de la

 15   préparation à votre déposition.

 16   Avant de venir ici devant les Juges au mois de mai pour entamer votre

 17   audition, dites-nous : qu'est-ce que vous avez effectué comme préparatifs ?

 18   Est-ce que vous avez rencontré quelqu'un ? Est-ce que vous avez consulté

 19   des documents ? Qu'est-ce que vous avez fait précisément ?

 20   M. KHAN : [interprétation] Auparavant, avant qu'une réponse ne soit donnée,

 21   je ne veux pas ici -- avant qu'une réponse ne soit faite à cette question,

 22   et je ne veux pas me montrer pédant ou faire la difficulté -- fustiger

 23   l'inclinaison qu'avaient certains, apparemment, à sortir leurs questions de

 24   commentaires, et à mon humble avis, c'est précisément ce que M. Scott vient

 25   de faire dans son propos liminaire. Il dit : "Une grande partie de la thèse

 26   de l'Accusation était prouvée." Bien sûr, c'est quelque chose que vous,

 27   Messieurs les Juges, devrez trancher en temps utile. Je ne voudrais pas que

 28   le silence sous quelque forme qu'il soit, soit considéré comme étant un

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  1   assentiment -- ou un acquiescement, une acceptation de ce que vient de dire

  2   M. Scott.

  3   M. SCOTT : [interprétation]

  4   Q.  Veuillez nous dire quels sont les préparatifs que vous avez effectués

  5   avant de venir déposer ici au mois de mai ?

  6   R.  Monsieur Scott, dans le désir de me préparer du mieux possible afin de

  7   contribuer à l'établissement de la vérité et uniquement de la vérité, car

  8   c'est le but que j'assigne à mon séjour ici, j'ai rencontré les

  9   représentants qui assurent la Défense de

 10   M. Prlic. J'ai examiné les documents que les conseils ont mis à ma

 11   disposition, et en discutant avec les conseils de la Défense, nous avons

 12   donc étudié ces documents. Je me suis entretenu une seule fois au téléphone

 13   avec Me Alaburic, et c'est tout.

 14   Q.  Lorsque vous avez rencontré les avocats de M. Prlic, est-ce qu'une

 15   déclaration a été préparée à résumer une esquisse -- l'ossature de votre

 16   déposition ? Est-ce que quelque chose vous a été présenté en guise de

 17   résumer quelque chose qui engloberait ou qui résumerait la déposition que

 18   vous étiez censé faire en [imperceptible] ?

 19   R.  Je ne me souviens de rien de ce genre.

 20   Q.  Vous vous souvenez que lorsque vous avez quitté ce prétoire au mois de

 21   mai, le Président de la Chambre vous avait averti que vous n'étiez pas

 22   censé parler à qui que ce soit entre la date qui a été celle d'alors et

 23   celle d'aujourd'hui. Je voudrais vous demander maintenant si vous avez

 24   parlé à qui que ce soit de votre déposition, de ce que vous avez déjà dit

 25   dans ce cadre ou de ce que vous étiez censé recommencer aujourd'hui ? Et

 26   quand je dis "qui que ce soit," je parle de n'importe qui; est-ce que vous

 27   avez parlé à qui que ce soit de votre déposition ?

 28   R.  Mon épouse était dans la galerie du public à l'époque, elle est

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  1   d'ailleurs aujourd'hui pendant ma déposition. Je ne la mettrais pas dans la

  2   catégorie de n'importe qui. Et il est évident que j'ai parlé avec elle de

  3   ma déposition dans des termes -- et dans des termes très généraux, j'en ai

  4   discuté avec des personnes que je placerais dans la catégorie de mes

  5   proches dans ma vie privée. Mais selon la façon dont j'ai compris les

  6   propos du Président de la Chambre, la dernière fois, je n'ai discuté avec

  7   personne qui, à mon avis, pourrait être peu ou prou impliqué dans l'affaire

  8   avec de telles personnes je n'ai évidemment pas du tout discuté de la

  9   question.

 10   Q.  Qui sont les personnes qui font partie de votre vie privée à qui vous

 11   auriez parlé de votre déposition ?

 12   R.  Il me serait difficile de me rappeler exactement qui sont ces

 13   personnes. Car, premièrement, je suis un homme heureux --

 14   Q.  Désolé, est-ce que c'est si difficile que ça de se souvenir du nombre

 15   de personnes à qui vous avez parlé de votre déposition ?

 16   R.  De la teneur de ma déposition, je ne crois pas en avoir discuté avec

 17   qui que ce soit. Mais ce qui est un fait c'est qu'une grande partie de la

 18   Croatie et une grande partie de la Bosnie-Herzégovine savent qui je suis et

 19   savent que j'ai témoigné. Cela a été dit dans les médias. Ma déposition

 20   était publique. Toute personne désireuse de le faire a pu suivre ma

 21   déposition. Je n'ai discuté par personne --

 22   Q.  Ecoutez, ce n'est pas la question que je vous posais. Je n'ai que peu

 23   de temps à ma disposition et je m'excuse d'avance si je dois vous

 24   interrompre. Ce qui m'intéresse ce n'est pas ce qu'ont dit les médias. Il y

 25   a quelques instants vous avez dit et je cite, je regarde le compte rendu :

 26   "Certaines personnes qui font partie de ma vie privée." Donnez-nous des

 27   noms, s'il vous plaît.

 28   R.  Excusez-moi, Monsieur le Procureur, mais vraiment je ne comprends pas

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  1   parfaitement votre question. Je pense qu'il me faudrait des précisions car,

  2   lorsque vous me demandez de quoi j'ai parlé, j'ai parlé, par exemple, avec

  3   les membres de ma famille pour leur dire comment je m'étais senti dans ce

  4   prétoire. Est-ce que cela signifie discuter de quelque chose qui a un

  5   rapport avec le procès ? Je ne sais pas.

  6   Q.  Mettons votre famille de côté. Mettons votre famille de côté; à qui

  7   d'autre avez-vous parlé de votre déposition ?

  8   R.  Je ne saurais me rappeler ici même aujourd'hui avec qui exactement j'en

  9   ai parlé, mais, à mon avis, je n'ai parlé avec personne de quoi que ce soit

 10   qui aurait un intérêt sur le fond par rapport à ma déposition ou au procès.

 11   Q.  Depuis votre venue en mai, vous vous attendiez à ce que vous alliez

 12   revenir pour terminer votre déposition. Depuis ce temps, au mois de mai,

 13   est-ce que vous vous êtes livré à d'autres préparatifs ? Est-ce que vous

 14   avez procédé à l'examen d'autres documents depuis le début de votre

 15   déposition ?

 16   R.  Aucun document particulier -- non, excusez-moi, si, si. J'ai lu sur

 17   internet des documents qui étaient publiés et qui avaient un rapport avec

 18   d'autres procès. Et puis j'ai lu des livres relatifs à cette période et à

 19   cette région, et rien de bien important, sauf un livre dont je pense que le

 20   Procureur le connaît. C'est un livre qui est publié par la "CIA" -- ou, en

 21   tout cas, par des analystes de la "CIA," et qui s'intitule : "Les lieux de

 22   combat dans les Balkans." Ce livre m'a permis de me rafraîchir la mémoire

 23   sur certains événements. En dehors de cela, je dirais que je n'ai pas eu la

 24   moindre activité. Je n'ai rien entrepris par rapport à ce procès.

 25   Q.  -- avoir examiné ou consulté ce document en passant par internet sur

 26   d'autres procès. Quels étaient ces autres procès ?

 27   R.  J'ai vu sur internet une partie de la déposition de M. Mile Akmadzic,

 28   pas toute sa déposition, une partie seulement, ainsi qu'une partie de la

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  1   déposition de M. Rebic.

  2   Q.  Est-ce qui vous a poussé à faire cela ? Qu'est-ce qui vous a donné à

  3   penser que vous vouliez revoir ce qu'avaient dit

  4   MM. Akmadzic et Rebic avant de venir ici ?

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, je vais soulever une objection

  6   face à ce genre de question. Il n'y avait pas d'interdiction à poser sur ce

  7   genre d'action. Et si j'ai bien compris, d'après les sources que j'ai,

  8   l'Accusation a été très active pour essayer de trouver des choses négatives

  9   à propos du passé politique ou de la vie privée de ce témoin. Donc, je

 10   pense qu'il n'y avait aucune interdiction qui avait été imposée, et il n'y

 11   a aucun mal à ça. Et ce témoin a demandé à avoir une copie du compte rendu

 12   d'audience, on lui a dit qu'il pouvait consulter l'internet. Alors, si

 13   maintenant on essaie de placer les restrictions, il faudrait le faire avant

 14   que le témoin ne quitte le prétoire une première fois, et pas maintenant.

 15   Objection. Je voudrais savoir quelle est la pertinence de ce genre de

 16   question.

 17   Et j'espère que je pourrai avoir une décision.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Nous n'avons rien laissé entendre. Nous n'avons

 20   aucun -- parlé de [imperceptible] quelque chose qui n'aurait pas été bien

 21   fait. C'est simplement une enquête afin que la Chambre puisse voir quelle

 22   est la valeur probante à donner à ce témoin lorsqu'il s'est agi de se

 23   préparer pour sa déposition. Si

 24   Me Karnavas n'a pas d'objection quant à la teneur même et si tout le monde

 25   peut le faire, alors, que j'aie une réponse à ma question, ma question

 26   étant celle-ci : qu'est-ce qui a poussé le témoin à croire qu'il était

 27   utile de revoir ce qu'avaient dit M. Akmadzic et M. Rebic avant qu'ils ne

 28   reviennent ici à La Haye ? Pourriez-vous nous répondre, Monsieur le Témoin

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  1   ?

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, répondez, Monsieur le Témoin.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci bien, Monsieur le Président.

  4   D'abord, convaincu d'utiliser la langue croate de façon précise et de

  5   comprendre assez bien la langue anglaise, je n'ai dit à aucun moment que

  6   j'aurais étudié les témoignages de M. Akmadzic ou de

  7   M. Rebic. Ce que j'ai dit, c'est que j'ai utilisé internet, comme cela m'a

  8   été proposé, puisqu'on m'a dit que je pourrais trouver les comptes rendus

  9   des dépositions sur internet et que c'était la seule façon pour moi de les

 10   obtenir, internet n'étant pas le moyen le plus facile pour lire. Mais,

 11   après, je me suis rendu compte qu'il existait des comptes rendus d'autres

 12   dépositions qui me semblent être des éléments admirables très utiles et

 13   très efficaces pour se rendre compte de la façon dont les choses évoluent.

 14   Mais pour vous dire la vérité, comme ces dépositions étaient longues, que

 15   j'étais avec ma famille en vacances, je n'ai regardé ces dépositions que

 16   très superficiellement et rapidement, et je viens de le dire avec la plus

 17   grande sincérité à l'instant. Il ne m'est jamais venu à l'esprit, et

 18   personne ne me l'a d'ailleurs laissé entendre, que ceci pourrait être

 19   contraire aux obligations que je dois respecter en tant que témoin.

 20   M. SCOTT : [interprétation] Abordons d'autres points fondamentaux.

 21   J'aimerais qu'on montre au témoin une carte qui porte la cote P 09276. Ça

 22   se trouve dans la -- la classe des -- de l'Accusation. Je ne sais pas si

 23   c'est plus facile de l'afficher à l'écran. C'est la toute première carte

 24   qui m'intéresse. Je rappelle le numéro de la pièce, P 09276. Est-ce que il

 25   y a -- oui, il y a une copie dans le classeur -- dans le classeur numéro 2.

 26   Ceci pourra peut-être nous aider tous. P 09276. Je crois qu'on a quelques

 27   difficultés. Est-ce qu'on peut l'afficher à l'écran ?

 28   Q.  Monsieur Zuzul, veuillez examiner l'écran que vous avez devant vous. Ce

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  1   sera amplement suffisant pour les besoins que j'en aurai. Regardant la

  2   carte, je rappelle qu'il s'agit de la première carte de la classe de

  3   l'Accusation, P 09276. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'en

  4   décembre 1990, à la suite des élections -- des premières élections libres

  5   en Bosnie-Herzégovine qui se sont tenues vers le mois de novembre ou de

  6   décembre 1990 -- chaque partie du territoire se trouvant à l'intérieur des

  7   lignes du -- du tracé rouge Bosnie-Herzégovine -- que chaque pouce de

  8   terrain à l'intérieur de ces lignes appartenait à la Bosnie-Herzégovine

  9   qui, à l'époque, se trouvait tout à fait intégrée dans le système de la

 10   République fédérale type socialiste de Yougoslavie, n'est-ce pas ?

 11   R.  D'après ce qu'il me semble voir, c'est un -- une carte précise, donc,

 12   c'est exact.

 13   Q.  En décembre, si nous avançons d'une année dans le temps pour arriver au

 14   mois de décembre 1991, la situation restait identique. Tout le territoire

 15   se trouvant à l'intérieur de ce -- cette ligne formant un tracé rouge

 16   restait le territoire de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 17   R.  Je pense que oui. Cela me semble évident.

 18   Q.  Et nous arrivons fin mai 1992, après que la Bosnie-Herzégovine soit

 19   devenue un Etat indépendant, un Etat membre des Nations Unies, cette ligne

 20   rouge -- en rouge vif reste la frontière reconnue internationalement de cet

 21   Etat qui est Etat membre des Nations Unies et tout le territoire qui se

 22   trouve à l'intérieur de cette ligne reste, sans aucune exception,

 23   territoire de l'Etat souverain de Bosnie-Herzégovine.

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Et -- et ceci est vrai au moins -- au moins jusque vers le milieu de

 26   l'année 1994 pour chacun de ces jours qui se sont écoulés au cours de cette

 27   période, chaque pouce de terrain de cette zone est resté partie du

 28   territoire souverain de l'Etat de Bosnie-Herzégovine.

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  1   R.  D'après moi, c'était tout le temps une partie intégrante de la Bosnie-

  2   Herzégovine souveraine, jusqu'à nos jours.

  3   Q.  Dans la même veine, à compter du moment où la Bosnie-Herzégovine est

  4   devenue un Etat indépendant -- Etat membre des Nations Unies, en mai 1992,

  5   à partir de ce moment-là et au moins jusque vers le milieu de l'année 1994,

  6   le gouvernement reconnu internationalement de cet Etat membre des Nations

  7   Unies, c'était le gouvernement qui était surtout basé à Sarajevo, n'est-ce

  8   pas ?

  9   R.  En principe, c'est exact. Je n'oserais pas affirmer où est-ce que cela

 10   a toujours été stationné.

 11   Q.  Je ne sais pas si je comprends véritablement la dernière partie de

 12   votre réponse. Excusez-moi, j'ai -- ce n'était peut-être pas très clair.

 13   R.  Si je puis apporter un éclaircissement, je pense pouvoir dire qu'il y a

 14   eu des moments où le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, pas plus que la

 15   présidence, ne pouvait accéder à Sarajevo. Et me demander maintenant de

 16   confirmer la chose alors que je ne le sais pas vraiment, ce serait peut-

 17   être prétentieux de ma part d'affirmer quoi que ce soit, mais je pense que

 18   ce que vous avez dit me semble être exact.

 19   Q.  Merci. Non, non, je ne vous posais pas de question à propos d'une

 20   liberté de mouvement en matière de déplacements, mais vous confirmez ce

 21   principe à l'intention des Juges, même si vous pensiez que c'était peut-

 22   être -- que vous pensiez que c'est une bonne ou une mauvaise idée, peu

 23   importe, c'est un gouvernement de cet Etat membre des Nations Unies et

 24   gouvernement reconnu internationalement, c'était bien le gouvernement de la

 25   Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 26   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous le permettez

 27   une petite objectif. Il n'est pas contesté le fait que l'on reconnaisse des

 28   Etats en matière de droit international, et on ne reconnaît pas les

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  1   gouvernements de certains pays, ce qui fait que les gouvernements peuvent

  2   changer, mais l'Etat de -- reste un élément du droit international à titre

  3   permanent. Merci.

  4   M. SCOTT : [interprétation] Quoi qu'il en soit, ceci n'a aucun effet -- pas

  5   le moindre effet sur ma question. Je répète la question que je posais au

  6   témoin, je pense qu'il y a répond, mais étant donné qu'on a -- qu'il a

  7   apporté une précision, je veux que tout soit clair. Je répète dès lors ma

  8   question.

  9   Q.  Ce gouvernement reconnu internationalement de cet Etat, c'était bien le

 10   gouvernement de la Bosnie-Herzégovine qui, en premier lieu, tout du moins

 11   pendant cette période, était basé à Sarajevo, n'est-ce pas ?

 12   R.  Sarajevo, ça a tout le temps été la capitale de l'Etat indépendant

 13   internationalement reconnu de Bosnie-Herzégovine. Je crois que c'est

 14   incontesté.

 15   Q.  Monsieur, est-ce que il y avait un autre gouvernement qui affirmait

 16   représenter cet Etat membre des Nations Unies qui aurait été reconnu par la

 17   communauté internationale ? Est-ce que il y avait quelque part ailleurs un

 18   autre gouvernement qui représentait cet

 19   Etat ?

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, mais nous parlons de quelle

 21   période ?

 22   M. SCOTT : [interprétation] Je l'ai déjà dit; nous parlons de la période

 23   qui va de mai 1992 et qui se termine au milieu de l'année 1994.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Puisque nous avons entendu des

 25   témoins qui sont venus dire qu'il y a eu plusieurs négociations et que

 26   Izetbegovic était représenté comme étant -- présenté comme étant un membre

 27   de la nation -- nation musulmane, laissez faire le Procureur. On comprend

 28   très bien la question et on attend la réponse. Votre objection ne sert à

Page 31098

  1   rien.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Je m'oppose à la forme donnée à cette

  3   question car nous avons entendu des témoins, nous avons eu des éléments où

  4   nous avions Akmadzic qui était le premier ministre aux Etats-Unis.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Karnavas, je ne comprends pas

  6   très bien la nature de votre objection. Est-ce que vous partez du principe

  7   que tous les témoins vont dire la même chose, s'il y a certains témoins qui

  8   ont dit quelque chose, vous voulez dire qu'on ne peut pas reposer la même

  9   question à un autre témoin ?

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Mais j'examine la question posée et nous

 11   avons des témoignages, il y avait trois parties différentes à des

 12   négociations internationales.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Et c'est tout, point final, on ne

 14   peut pas reposer la même question; c'est-ce que vous pensez ? Je suis

 15   désolé, nous, il nous faut sous peser, sous peser la déposition du témoin

 16   ce qu'il dit ici, et on ne peut -- on ne saurait s'attendre à ce que chacun

 17   témoin dise la même chose. Si un témoin a dit quelque chose, il se peut que

 18   l'autre témoin dise la même chose ou quelque chose de différent. Et j'ai

 19   peine à comprendre en quoi votre objection serait justifiée.

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que je peux avoir une décision ? Mon

 21   objection c'était sous la forme de la question. Ce sont des faits qui ne

 22   sont pas exactement présentés. On peut retenir mon objection ou la rejeter,

 23   mais je dois avoir une décision --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Votre objection est rejetée.

 25   Bien, continuez.

 26   M. SCOTT : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur Zuzul, je ne peux pas faire le difficile ici. Je ne cherche

 28   pas à couper les cheveux en quatre. Je veux une réponse claire, qui -- il

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  1   se peut que certains portaient des casquettes différentes, la Chambre en a

  2   entendu parler. Mais, moi, je parle du gouvernement en tant qu'entité, la

  3   communauté internationale devait bien avoir un interlocuteur. Les Nations

  4   Unies à New York devait quand même bien avoir un interlocuteur puisque

  5   c'était un Etat membre des Nations Unies. Si quelqu'un pendant toute cette

  6   période, dans cette période qui va de mai 1992 au milieu de l'année 1994,

  7   c'était quand même bien le gouvernement de cet état de Bosnie-Herzégovine.

  8   Et, tout ce que je dis c'est que la plupart des gens diraient que c'était

  9   le gouvernement de Sarajevo, n'est-ce pas ?

 10   R.  Si l'on veut la clarté vraiment, la façon dont vous l'avez dit est

 11   exacte. Mais il est tout aussi exact de dire que les représentants qui

 12   étaient en même temps les représentants de la Bosnie-Herzégovine dans les

 13   négociations au sujet de la Bosnie-Herzégovine, ils faisaient figure d'une

 14   partie concrète, et cela risque de générer des points obscurs. Pour moi, il

 15   n'y a pas eu de problème à l'occasion de mon témoignage, j'ai dit de M.

 16   Izetbegovic c'était le président de la Bosnie-Herzégovine. Et, je sais qu'à

 17   un moment donné, et on pouvait se poser la question si du point de vue de

 18   la constitution de la Bosnie-Herzégovine sa fonction était vraiment celle-

 19   la. Mais pour moi, je n'ai pas eu de dilemme; c'était le gouvernement de la

 20   Bosnie-Herzégovine mis à part lorsque dans les négociations, il

 21   représentait l'une des parties en présence au sein de la Bosnie-

 22   Herzégovine.

 23   Q.  Vous avez répondu à mes questions, oui, Monsieur, pour ce qui est

 24   d'autres personnes qui portaient d'autres casquettes, vous reconnaissez

 25   qu'il n'y avait du côté croate des gens qui eux aussi ont plusieurs

 26   fonctions dont une personne déjà mentionnée

 27   M. Akmadzic, n'est-ce pas ? Parfois il agissait du HDZ, parfois au nom de

 28   l'Herceg-Bosna, d'autres fois encore en tant que représentant personnel de

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  1   Franjo Tudjman et il lui arrivait aussi d'être premier ministre de Bosnie-

  2   Herzégovine, n'est-ce pas ?

  3   R.  Je ne pourrai pas confirmer parce que vous avez énuméré bon nombre de

  4   fonctions, et comme je l'ai déjà dit auparavant, je peux le répéter si vous

  5   le souhaitez, et cela n'était pas le cas de

  6   M. Akmadzic. M. Izetbegovic, parfois il faisait figure de président de

  7   Bosnie-Herzégovine et parfois il faisait figure d'un parti politique, à

  8   savoir le SDA, et parfois encore il était le représentant des Musulmans en

  9   Bosnie-Herzégovine.

 10   Q.  Et tout comme M. Bush, président des Etats-Unis, est le numéro un du

 11   Parti républicain, parfois il agit en tant président des Etats-Unis. Je

 12   pense que ça, ça peut être établi, mais avançons -- passons à la Grande-

 13   Serbie. Vous vous êtes servi de ce concept au moins sept ou huit fois

 14   pendant l'interrogatoire principal. Vous avez évoqué la Grande-Serbie;

 15   pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que ça veut dire pour vous

 16   quand vous dites Grande-Serbie ?

 17   R.  C'est exact, je me suis servi de ce terme, je ne suis pas le seul du

 18   reste. Je pense qu'il y avait un consensus assez large parmi ceux qui se

 19   sont penchés sur l'étude de l'histoire du démantèlement de l'ex-

 20   Yougoslavie. En Serbie, il y avait un groupe d'intellectuels qui avait

 21   formulé l'idée, le concept de la Grande-Serbie, qui inclurait l'Etat serbe

 22   en englobant dans cet Etat tous les Serbes indépendamment du fait de savoir

 23   où est-ce qu'ils résidaient.

 24   Pour ce qui est des termes concrets, entre autres, cela figure dans ce

 25   qu'il est convenu d'appeler le mémorandum de l'académie serbe des sciences

 26   et des arts qui est un document officiel. Pour ce qui est des termes

 27   concrets à un moment donné, vers le début des années 90, cette politique a

 28   commencé à être mise en œuvre par l'occupation d'une partie des territoires

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  1   de la République de Croatie, puis au travers me semble-t-il de l'occupation

  2   d'une certaine partie du territoire de la Bosnie-Herzégovine. Donc, cela

  3   visait à réaliser le plan relatif à la création de ce qu'il est convenu

  4   d'appeler la

  5   Q.  Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur, mais à cet égard, et

  6   en fait, ça découle de ce que vous venez de dire. Dans le cadre de cette

  7   pratique, de cette habitude, vous l'avez dit -- vous avez souvent utilisé

  8   la notion de nettoyage ethnique; pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre

  9   ce que vous entendez quand vous utilisez ces termes ? Qu'est-ce que ça veut

 10   dire pour vous ?

 11   R.  A mes yeux et aux yeux de la majorité de cette notion, c'est de

 12   dire que l'on chasse par la force une partie de la population depuis des

 13   territoires où cette population a vécu depuis des siècles. Rien parce que

 14   cette population fait partie d'un groupe ethnique. Et, si je ne m'abuse, ce

 15   terme a été utilisé pour la première fois de façon tout à fait justifiée

 16   dans le cadre de l'occupation de Vukovar, lorsque la population croate

 17   toute entière et non seulement croate mais aussi la population non-serbe au

 18   complet ont été chassées de cette région. Ça a été réitéré dans d'autres

 19   territoires occupés par les Serbes, et ensuite, cela s'est produit en

 20   Bosnie-Herzégovine.

 21   Q.  Lorsque vous vous servez de ces termes, quand vous parlez de

 22   Vukovar, vous pourrez peut-être si vous vouliez répondre à cette question

 23   de Vukovar, comme vous voulez. Mais vous parlez de l'expulsion, éviction

 24   forcée, et quels sont les autres comportements ou agissements qui pour vous

 25   relèvent ou font partie ou qui se sont produits d'ailleurs dans le cadre du

 26   nettoyage ethnique ? Si vous voulez parler de Vukovar, je vous en prie.

 27   R.  J'ai parlé en termes généraux, très généraux, bien que l'on ne

 28   puisse rien dire de positif s'agissant d'un comportement aussi vilain. Mais

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  1   mis à part l'expulsion, il y a eu des meurtres en masse, des déportations

  2   en masse, enfin, tout ce qui visait à faire en sorte qu'une population d'un

  3   groupe ethnique disparaisse de cette région, d'une région déterminée. Et,

  4   cela s'est produit même à Vukovar, je dirais plutôt ça s'est produit

  5   d'abord à Vukovar.

  6   Q.  La destruction de lieux de culte -- de biens culturels, ou destiné à

  7   l'enseignement, vu ce que vous avez observé vous-même, vécu pendant ces

  8   guerres des Balkans. Quel rôle est-ce que tout ceci joue dans le nettoyage

  9   ethnique ?

 10   R.  Ça servait à des fins de nettoyage ethnique dès le début de

 11   l'agression, les monuments religieux, les édifices religieux ont

 12   particulièrement été exposés à des attaques et à des dévastations.

 13   Q.  Et pourquoi ? En quoi la destruction des sites consacrés à le religion

 14   appartenant aux autres - et j'insiste sur ce terme - en quoi était-ce

 15   inscrit dans le cadre de nettoyage ethnique ?

 16   R.  J'ai du mal à répondre à cette question parce que, moi aussi, parfois

 17   je me la pose, cette question, de savoir pourquoi, si j'essaie de me

 18   pencher sur la chose, je dirais que non pas la raison acceptable mais la

 19   raison rationnelle c'était de montrer à la population qu'elle ne pourra

 20   jamais revenir dans cette région. Parce que ce n'est pas un secret du tout

 21   que de dire que ces institutions religieuses revêtent beaucoup d'importance

 22   pour ce qui est de la sauvegarde de l'ethnicité d'un groupe. Il y a eu, je

 23   dois dire, beaucoup d'éléments irrationnels et que des dévastations se sont

 24   faites par pure haine.

 25   Q.  Je vous reconnaisse -- remercie. Nous reviendrons un peu plus tard sur

 26   certains de ces sujets. Parlons de votre position telle que vous nous

 27   l'avez décrite.

 28   Lorsque vous étiez ministre adjoint des Affaires étrangères, je pense

Page 31103

  1   que c'est le premier poste que vous avez occupé au sein du gouvernement

  2   croate, à l'époque où vous exerciez ces fonctions, pourriez-vous nous dire

  3   qui était votre supérieur hiérarchique direct; en d'autres termes, qui

  4   dirigeait votre travail, de qui receviez-vous vos consignes ?

  5   R.  Dans cette brève période d'à peu près deux mois, le ministre était M.

  6   Zvonimir Separovic.

  7   Q.  Et je suppose qu'il en découle que c'est lui qui vous confiait vos

  8   tâches, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, en principe, lui aussi, mais dans une certaine mesure à partir de

 10   ce moment-là, c'était aussi le président Tudjman.

 11   Q.  Lorsque vous avez été nommé ministre adjoint des Affaires étrangères,

 12   qui était votre supérieur ?

 13   R.  Le ministre c'était le Pr Skrabalo, avec qui j'avais à vrai dire

 14   fonctionné en tant que membre d'équipe. Et tous les deux nous présentions

 15   nos rapports au président Tudjman.

 16   Q.  Vous êtes ensuite devenu représentant de la Croatie au près des Nations

 17   Unies à Genève à l'époque, d'après vous qui était votre supérieur

 18   hiérarchique ?

 19   R.  Mon supérieur direct était le ministre des Affaires étrangères, le Dr

 20   Granic.

 21   Q.  Etait-ce uniquement sur le papier, ou est-ce que M. Granic contrôlait

 22   votre travail, vous donnait des instructions, vous disait quelles positions

 23   devaient être adoptées à Genève, ou était-ce que quelqu'un d'autre ?

 24   R.  Ce n'était pas seulement pour la forme le Dr Granic était mon supérieur

 25   hiérarchique, nous avons bien coopéré; cependant, je recevais bon nombre

 26   d'instruction directement du président Tudjman, notamment les instructions

 27   qui portaient sur les négociations. Alors, si vous êtes intéressé par des

 28   explications, je dirais que, dans le fonctionnement normal, à savoir dans

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  1   mes activités diplomatiques au quotidien, je communiquais avec le ministère

  2   des Affaires étrangères, à savoir avec M. Granic, en sa qualité de

  3   ministre, et M. Sanader, qui était ministre adjoint. Dans les négociations

  4   je communiquais directement avec le président Tudjman et, à l'époque,

  5   notamment du fait que j'étais devenu l'émissaire spécial du président

  6   Tudjman pour les négociations, donc, il était logique que de me voir

  7   communiquer directement avec lui.

  8   Q.  Afin que les Juges de la Chambre comprennent un peu mieux vos

  9   communications à l'époque, nous parlons maintenant de l'époque où vous

 10   étiez représentant de la Croatie auprès des Nations Unies à Genève. A

 11   quelle fréquence vous entreteniez-vous avec M. Granic ou avec M. Tudjman ?

 12   Etait-ce tous les jours, une fois par semaine ? Est-ce que vous vous

 13   parliez au téléphone le matin ? Alors, quelle était la fréquence de vos

 14   contacts avec ces personnes ?

 15   R.  Je pense que je pourrais dire que, s'agissant de M. Granic, je lui

 16   parlais pratiquement au quotidien; avec le président Tudjman, c'était plus

 17   rare, ce n'était pas quotidien mais c'était quand même relativement

 18   souvent. A l'époque où il y avait des négociations, cela pouvait arriver au

 19   quotidien, mais ce n'était pas une règle. C'était surtout la résultante de

 20   ce qui se passait à l'occasion ou lors de la conférence.

 21   Q.  Parlons maintenant de M. Susak. Vous connaissiez déjà

 22   M. Susak lorsque vous étiez ministre délégué aux Affaires étrangères puis

 23   ministre adjoint aux Affaires étrangères, n'est-ce pas ?

 24   R.  Il est exact de dire que j'ai fait sa connaissance lorsque j'étais dans

 25   l'armée croate, à savoir dans le ministère de la Défense.

 26   Q.  Comment avez-vous fait la connaissance de M. Susak ?

 27   R.  Je me trouvais avec un groupe de collègues, de professeurs à

 28   l'université, et nous avions eu des idées pour ce qui est de l'organisation

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  1   des activités idéologiques et psychologiques au sein du ministère de la

  2   Défense, et c'est au travers de ces activités-là qu'on a fait mieux

  3   connaissance avec ou de M. Susak, le ministre. Il me semble qu'on s'était

  4   entretenu d'abord avec le général Tus puis ensuite avec le ministre Susak.

  5   Q.  Avez-vous développé des liens avec M. Susak, après cette première

  6   rencontre, est-ce que M. Susak, tout comme le président Tudjman, était

  7   quelque chose avec qui vous aviez des contacts

  8   directs ?

  9   R.  Il est vrai que j'ai développé ma relation avec M. Susak à titre privé

 10   aussi. Nous avions bien des amis en communs. Nous avions assez souvent

 11   coutume de communiquer, pour ce qui est du travail ça ne s'est jamais fait

 12   suivant les modalités qui étaient celles avec

 13   M. Tudjman ou avec le ministre M. Granic. Je ne sais pas, je n'ai pas

 14   connaissance d'une situation où le ministre Susak serait venu me donner des

 15   instructions en ma qualité d'ambassadeur à quelques points de vue que ce

 16   soit.

 17   Q.  [aucune interprétation]

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Une petite intervention au niveau de la

 19   traduction. J'ai dit que je ne souvenais pas de la moindre occasion où M.

 20   Susak m'aurait donné des instructions en tant qu'ambassadeur --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous étiez donc ambassadeur de

 22   la Croatie à Genève. Le Procureur vous a demandé comment ça se passait au

 23   niveau des communications entre M. Tudjman et M. Granic, et vous avez

 24   expliqué qu'on vous appelait au téléphone. Et vous avez indiqué la

 25   fréquence, et moi, ce que je voudrais savoir : est-ce que comme ça se passe

 26   en matière diplomatique, vous envoyez des rapports écrits sur l'état des

 27   négociations, vous faisiez des télégrammes diplomatiques, et est-ce que de

 28   Zagreb vous arrivaient des instructions précises, ou bien, tout se passait

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  1   au téléphone ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est du fonctionnement diplomatique

  3   normal, à savoir du fonctionnement de la mission après des Nations Unies à

  4   Genève, je pense que cette communication se faisait comme dans toutes les

  5   autres missions, à savoir au travers d'échanges de moyens de communication

  6   diplomatiques, à savoir télégrammes, notes, et cetera. Nous envoyions cela

  7   régulièrement et nous en recevions régulièrement aussi, y compris

  8   s'agissant des instructions. Car d'une certaine façon, depuis mon départ

  9   vers Genève, mon rôle a été défini suivant deux filières. Le travail

 10   habituel auprès des Nations Unies, et nous avons effectué cela, Monsieur le

 11   Juge, conformément aux modalités qui étaient celles des  -- de toutes les

 12   autres missions.

 13   Pour ce qui est toutefois du suivi des activités de la Conférence relative

 14   à l'ex-Yougoslavie et de la participation aux négociations, là aussi, la

 15   majeure partie se déroulait par le biais de communications diplomatiques

 16   habituelles. Mais, assez souvent, cette communication se faisait

 17   directement, par conversation téléphonique car les choses se déroulaient

 18   tout simplement très vite, et j'avais aussi des instructions et j'avais le

 19   droit, partant de mes responsabilités, de jauger de l'importance des

 20   choses. Et lorsque c'était le cas, je contactais directement voire soit le

 21   ministre, voire le président de la -- de l'Etat -- le chef de l'Etat sans

 22   pour autant avoir à passer par la filière diplomatique habituelle.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 24   M. SCOTT : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Zuzul, parlons maintenant de Mate Boban. Vous avez déjà évoqué

 26   son nom dans le cadre de votre déposition. Vous avez dit que vous

 27   connaissiez déjà M. Boban et qu'en réalité, vous aviez grandi dans la ville

 28   d'Imotski, où travaillait M. Boban. Vous avez déclaré qu'avant les

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  1   événements que vous venez de mentionner, événements survenus en décembre

  2   1991, vous avez dit, je cite : "J'étais en contact direct avec M. Boban."

  3   Vous souvenez-vous de la nature de vos contacts avec M. Boban en décembre

  4   1991 ou vers cette date ?

  5   R.  Si mes souvenirs sont bons au sujet de ce que j'ai dit au juste,

  6   j'étais en contact indirect avec M. Boban, du fait que mon ami et son

  7   parent à lui, que - j'imagine que c'est un parent - M. Marinko Boban avait

  8   contacté M. Mate Boban du point de vue de l'organisation possible de

  9   volontaires en vue de la libération voire en vue d'apporter de l'aide dans

 10   la défense de Dubrovnik. Je ne me souviens pas d'avoir eu une conversation

 11   directe, pour ma part, au moins de décembre 1991, avec M. Boban. Je

 12   l'exclus -- non, non, je n'exclus pas -- non, je ne me souviens pas.

 13   Q.  Je n'ai pas l'intention de m'appesantir là-dessus vu ce dont nous avons

 14   parlé jusqu'à présent. Cela apparaît à la page 26 789 du compte rendu

 15   d'audience, on peut lire : "J'étais direction en contact avec M. Boban au

 16   cours de cette période," mais vous avez modifié cela.

 17   Alors, quel type de relation avez-vous développé au fil du temps avec M.

 18   Boban - et j'ai à l'esprit les années 1992, 1993, 1994 - à l'époque où il

 19   était président d'Herceg-Bosna. Nous sommes tous d'accord, je pense, pour

 20   dire que cela a eu une grande influence sur votre vie à l'époque. Quelle

 21   était la nature de vos contacts avec

 22   M. Boban ?

 23   R.  Je n'ai pas parfaitement compris la constatation faite par vous,

 24   Monsieur le Procureur, mais selon ce qu'il me semble, je ne saurais être

 25   d'accord pour dire que sur ma vie, le fait que je connaissais Mate Boban

 26   avait une influence significative. Ce fait n'a eu aucune influence

 27   significative sur ma vie.

 28   Q.  Non, non, ce n'est pas ce que j'ai dit, Monsieur. Je pensais à

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  1   l'Herceg-Bosna. Nous pouvons convenir, je pense, qu'à l'époque, l'Herceg-

  2   Bosna a eu une importance particulière pour votre vie; sinon, vous ne

  3   seriez pas là aujourd'hui. S'agissant de l'Herceg-Bosna -- de vos contacts

  4   avec l'Herceg-Bosna, est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges de la

  5   Chambre quel type de relation vous avez développé au cours de cette époque

  6   avec Mate Boban ?

  7   R.  Monsieur le Procureur, je vais une nouvelle fois commencer par la

  8   constatation que l'Herceg-Bosna n'a -- n'avait pas non plus une influence

  9   importante sur ma vie. La République de Croatie, oui, et le rapport que je

 10   faisais en rapport avec la République de Croatie, mais pas l'Herceg-Bosna.

 11   Mais --

 12   Q.  Quoi qu'il en soit, nous aurons suffisamment de temps pour parler de

 13   ces questions plus en détail, mais pourriez-vous nous décrire vos rapports

 14   avec M. Boban à l'époque ?

 15   R.  Comme je l'ai déjà dit, nous nous connaissions dans notre vie privée.

 16   Nous communiquions l'un avec l'autre chaque fois qu'il lui arrivait de

 17   venir à Genève. D'ailleurs, il était normal qu'il vienne à la mission où

 18   nous nous trouvions. Il m'arrivait d'aller avec lui, pas toujours, mais il

 19   m'arrivait d'aller avec lui à certaines réunions. Il nous arrivait parfois

 20   de discuter de certaines questions politiques. Il m'arrivait parfois y

 21   compris de faire état de désaccords par rapport à ce qu'il pensait ou à ce

 22   qu'il faisait dans son travail. Mais, dans l'ensemble, j'avais des

 23   instructions qui me venaient de Zagreb et je me comportais comme cela

 24   m'était indiqué par mes supérieurs.

 25   Q.  Vous venez de dire que parfois, vous exprimiez votre désaccord par

 26   rapport à certains de ses points de vue ou par rapport à certaines de ses

 27   actions. Alors, avec quoi n'étiez vous pas d'accord au juste ?

 28   R.  Mon style -- ma façon de penser est manifestement différente de celle

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  1   de M. Boban. Je me suis efforcé de lui démontrer que sa manière dure

  2   pouvait parfois ne pas régler les problèmes et irriter les gens auxquels

  3   ils s'adressaient. Donc, c'était dans ce sens qu'allaient mes observations.

  4   Quant au fond, je rendais compte régulièrement au ministre quand c'était

  5   nécessaire et à M. Tudjman quant à ce qui se passait, et je leur laissais

  6   toute latitude de décider à quel moment une intervention ou un entretien

  7   pouvait être nécessaire avec M. Boban ou avec qui que ce soit d'autre,

  8   d'ailleurs.

  9   Q.  Vous n'étiez pas d'accord avec son style, bien. Est-ce que vous n'étiez

 10   pas d'accord non plus avec sa politique ou avec son comportement ?

 11   R.  Ecoutez, Monsieur le Procureur, j'étais ambassadeur, et je m'occupais à

 12   remplir ma fonction de la façon la plus professionnelle qui soit car, à

 13   Genève, je n'étais pas représentant politique, et donc, je ne m'occupais

 14   pas de politique.

 15   Q.  Excusez-moi. Je vous pose cette question à vous en tant qu'être humain.

 16   Mettons de côté le fait que vous ayez été ambassadeur. Est-ce que vous

 17   désapprouviez la nature de la politique adoptée par M. Boban en qualité

 18   privée, en qualité professionnelle, peu importe ? Vous avez dit que vous

 19   désapprouviez son style. Est-ce que vous désapprouviez également son

 20   comportement, ses actions ou les politiques qu'il suivait ?

 21   R.  Bien, il est très difficile de répondre de façon générale à une telle

 22   question. Si vous m'interrogez sur une situation précise, je peux vous

 23   donner mon point de vue, mais comment une situation pourrait exister dans

 24   laquelle on s'entendrait surtout avec quelqu'un dans une situation aussi

 25   complexe ? Bien sûr, qu'il m'arriverait de ne pas être d'accord avec lui

 26   comme avec beaucoup d'autres représentants politiques.

 27   Q.  Donnez-nous un exemple, quelque chose de marquant. Je suis sûr que vous

 28   ne voulez pas faire perdre leur temps aux Juges, en invoquant un point

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  1   anodin. Donc, donnez-nous un exemple important ?

  2   R.  Excusez-moi, dans la mesure où c'est vous qui me posez les questions,

  3   je crois qu'il faudrait que vous me posiez une question concrète sur une

  4   situation déterminée, pas me poser une question générale en me demandant si

  5   je suis d'accord ou pas d'accord avec quelqu'un, ça c'est vraiment trop

  6   général.

  7   Q.  J'appelle votre attention sur la pièce à conviction - un instant, je

  8   vous prie - P 10402. Ce document doit se trouver dans l'un de vos

  9   classeurs.

 10   M. SCOTT : [interprétation] Il s'agit du troisième classeur.

 11   P 10402.

 12   Q.  Monsieur le Témoin, vous pouvez vous pencher sur la version croate ou

 13   la version en anglais, comme vous préférez. Il s'agit d'extraits de

 14   l'ouvrage de Mate Granic est l'auteur. Je vous renvoie à la page 70,

 15   correspond à la page 5 en anglais.

 16   Voilà ce que dit M. Granic dans son livre : "Mate Boban a joué un rôle

 17   particulier dans ce conflit. J'ai entendu parler de lui pour la première

 18   fois en 1992, date à laquelle il est devenu chef du HDZ en Bosnie-

 19   Herzégovine. Nous avons été officiellement présentés peu de temps après

 20   mais nos premiers contacts sérieux ont eu lieu seulement après que j'ai été

 21   nommé à la tête de la diplomatie croate. Nous avons assisté à plusieurs

 22   réunions tenues entre les autorités croates et des Croates de Bosnie-

 23   Herzégovine. Nous n'avons jamais été proches et nous étions en faveur de

 24   positions différentes. Boban a été quelqu'un de très borné, il était rempli

 25   de haine à l'encore des Musulmans de Bosnie. Il était en faveur du fait que

 26   les Serbes de Bosnie pensaient qu'il pouvait conclure un accord avec eux

 27   indépendamment des politiques criminelles menées par Kordic, Mladic, et

 28   leurs collaborateurs. J'ai bien compris que c'était lui le plus grand

Page 31111

  1   obstacle pour la paix en Bosnie-Herzégovine. Lors des réunions, il ne

  2   parlait jamais des Musulmans de Bosnie ou des Bosniens, mais des Turcs ou

  3   des Balija."

  4   Alors, cette description de M. Boban correspond-elle à votre expérience ?

  5   Est-ce que vous êtes d'accord avec ce qui est dit ici ?

  6   R.  Ça c'est l'avis de M. Granic. Il a écrit cela plusieurs années après

  7   les faits. A l'époque dont nous parlons, il n'exprimait pas cette position

  8   dans les mêmes termes qu'ici; cependant, je puis me dire d'accord avec

  9   certaines parties de cette position.

 10   Car j'avais en vérité l'impression que M. Boban avait plus de facilité à

 11   s'entendre avec les Serbes de Bosnie-Herzégovine qu'avec les Musulmans de

 12   Bosnie-Herzégovine. Toutefois, indépendamment de cela, je ne dirais pas que

 13   M. Boban était le plus grand obstacle à la paix en Bosnie-Herzégovine. Je

 14   crois que dire cela c'est exagéré.

 15   Q.  Qu'en est-il de l'affirmation selon laquelle il était rempli de haine à

 16   l'égard des Bosniens et qu'il ne parlait jamais des Bosniens ou des

 17   Musulmans mais toujours des Turcs ou des Balija ?

 18   R.  Je l'ai entendu utiliser ces termes mais je ne dirais certainement pas

 19   qu'il n'utilisait que ces termes. Il est vrai qu'il disait souvent les

 20   Musulmans, mais il lui arrivait également de dire les Turcs ou les Balija.

 21   Q.  L'heure serait bientôt venue de faire la pause, mais je souhaiterais

 22   terminer ce volet. Au milieu du paragraphe, il est dit que : "Leurs

 23   positions étaient tout à fait différentes."

 24   Vous nous avez dit que vous travaillez en étroite collaboration avec le Dr

 25   Granic; est-ce que vous pourriez nous dire en quoi les positions de M.

 26   Granic différaient de celles de M. Boban car le

 27   Dr Granic dit ici que ces positions étaient radicalement différentes de

 28   celles de M. Boban.

Page 31112

  1   R.  Dans ce passage du texte, il fait une déclaration de nature très

  2   générale qui concerne une période très longue. Je pense qu'effectivement,

  3   il y a eu un moment où il y a eu des différences de principe entre les

  4   positions de M. Granic et les miennes également d'une part et les positions

  5   de principe de M. Boban d'autre part au sujet de l'accord de Washington,

  6   c'est-à-dire au sujet de la possibilité de créer une fédération regroupant

  7   les Croates et les Musulmans. M. Granic et moi-même pensions que c'était

  8   une option réalisable, et donc, possible, et on voit à la lecture des

  9   transcriptions que M. Tudjman le pensait également.

 10   Je crois que M. Boban ne pensait pas que cela était réalisable. Je

 11   crois que c'est là que réside la plus grande différence de point de vue à

 12   ce moment-là. Il me semble que ce que M. Granic a à l'esprit en écrivant

 13   les mots que nous lisons ici, c'est cela.

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   M. SCOTT : [interprétation]  Je demande l'indulgence de la Chambre de

 16   façon à ce que nous puissions terminer avec cette question avant la pause. 

 17   Q.  Vous dites que M. Boban ne pensait pas que c'était viable. Alors,

 18   quand vous dites cela, à quoi pensez-vous, qu'est-ce qui n'était pas

 19   d'après M. Boban ?

 20   R.  Je crois avoir parlé assez longuement du fait qu'à un certain

 21   stade des négociations et, avant tout, dans les échanges avec les

 22   représentants américains, mais également avec les représentants musulmans,

 23   nous avons commencé à travailler en vue de nous entendre sur la création

 24   d'une fédération --

 25   Q.  Excusez-moi, ma question portait sur M. Boban. Alors, peu importe

 26   ce que disaient les Américains, peu importe ce que disaient les Musulmans,

 27   d'après M. Boban, qu'est-ce qui n'était pas viable ?

 28   R.  Monsieur le Procureur, c'est exactement ce que j'essayais de vous

Page 31113

  1   dire dans ma réponse; M. Boban considérait qu'une telle fédération ne

  2   pouvait pas voir le jour.

  3   M. SCOTT : [interprétation] Je ne veux pas abuser de la patience des Juges,

  4   nous y reviendrons après la pause.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Une petite correction au transcript. Il y a une

  6   erreur à la page 56, ligne 18; il est indiqué, dans la version anglaise,

  7   "Juge Antonetti," alors qu'il faut lire : "The Witness." Voilà.

  8   Nous faisons une pause de 20 minutes, nous reprendrons dans 20 minutes.

  9   --- L'audience est suspendue à 17 heures 44.

 10   --- L'audience est reprise à 18 heures 05.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise.

 12   Monsieur Scott, vous avez la parole.

 13   M. SCOTT : [interprétation]

 14   Q.  Pour ne pas perdre de temps, passons à un autre sujet.

 15   N'est-il pas juste de dire qu'à partir de 1990 et jusqu'au moment où

 16   il y a eu reconnaissance internationale de leur statut d'Etat, tant la

 17   Croatie que la Bosnie-Herzégovine faisaient partie de l'Etat de Yougoslavie

 18   dont le territoire allait jusqu'aux frontières externes des deux -- des

 19   diverses républiques de l'ex-Yougoslavie ?

 20   R.  Il est exact qu'elles faisaient partie de la République fédérative

 21   socialiste de Yougoslavie jusqu'à la proclamation de l'indépendance.

 22   Q.  Et jusqu'au moment où leur indépendance a été déclarée et reconnue, les

 23   forces armées de cet Etat reconnu internationalement, à savoir les forces

 24   armées de la République fédérative socialiste de la Yougoslavie pouvaient

 25   être placées en garnison, cantonnées et se déplacer en [imperceptible] de

 26   cet Etat.

 27   R.  Jusqu'au moment, et tant qu'elles représentaient les forces armées de

 28   ce pays et que ce pays existait, je crois que c'est exact.

Page 31114

  1   Q.  Serait-il dès lors juste de dire que de façon -- à cet égard, tant

  2   Tudjman qu'Izetbegovic en 1991 se trouvaient dans une situation qui était

  3   pratiquement la même pour eux deux, sachant que par rapport à l'Etat dont

  4   ils faisaient partie et par rapport aux forces armées de cet Etat ?

  5   R.  Je crois que oui.

  6   Q.  Et tout du moins en 1990, mais aussi pendant l'année 1991, ni aucun des

  7   -- je ne devrais pas parler d'individus, je ne peux pas parler de Tudjman

  8   ni d'Izetbegovic, mais ni la Croatie, ni la République de Bosnie-

  9   Herzégovine n'avaient de forces armées significatives mis à part les forces

 10   qui étaient sous la tutelle ultime du gouvernement fédéral de Yougoslavie.

 11   R.  Jusqu'à un certain moment, la République de Croatie, la République de

 12   Bosnie-Herzégovine ainsi que toutes les républiques de l'ex-Yougoslavie

 13   avaient également une Défense territoriale qui était sous le contrôle des

 14   institutions de la république et non des institutions de la fédération.

 15   Q.  En 1990, est-il exact de dire qu'en Croatie, comme en Bosnie-

 16   Herzégovine, la JNA, sous une forme ou une autre, a saisi les armes qui

 17   appartenaient à la Défense territoriale dans ces deux républiques ?

 18   R.  Exact.

 19   Q.  Vous l'avez dit, en cours d'audition, lorsque le conflit d'armé avec la

 20   JNA avec les forces de l'ex-Yougoslavie ou peut-être avec la République de

 21   Serbie, lorsque ce conflit a éclaté, la Croatie n'avait que des moyens

 22   militaires très limités, et je crois pouvoir vous citer en disant qu'elles

 23   étaient vraiment d'une faiblesse navrante et -- et qu'effectivement, ces

 24   forces armées n'étaient pas en mesure de s'opposer aux forces de la JNA

 25   dans -- sur -- dans beaucoup de parties du territoire.

 26   R.  C'était mon avis, effectivement.

 27   Q.  Est-il juste de dire -- rappelez-vous, vous étiez un citoyen de ce

 28   pays, à l'époque, est-il juste de dire qu'on a beaucoup critiqué le

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  1   président Tudjman parce que, lui, son gouvernement, n'avait pas fait

  2   davantage pour ce préparer à un conflit armé, un conflit militaire avec la

  3   Yougoslavie ?

  4   R.  Il y a eu des critiques de ce genre, c'est exact. Il y a eu de telles

  5   critiques.

  6   Q.  Est-il exact de dire, et vous avez effleuré ce sujet déjà auparavant,

  7   lorsque arrive le deuxième semestre de l'année 1991, les forces serbes de

  8   la JNA occupaient au moins un tiers du territoire de la Croatie ?

  9   R.  Je pense que ce -- ceci est à peu près exact.

 10   Q.  En cours d'interrogatoire principal, vous avez indiqué qu'à cette

 11   époque-là, les dirigeants de la Bosnie-Herzégovine n'avaient rien fait pour

 12   protester face aux actions de la JNA ou pour soutenir la Croatie lors de

 13   ces événements divers intervenus en 1991. A un moment donné, plus

 14   exactement le 9 janvier 1991, la présidence ou le gouvernement fédéral

 15   yougoslave avait donné l'ordre aux forces paramilitaires illégales dans les

 16   républiques de déposer les armes; vous vous en souvenez ?

 17   R.  Oui, oui. Je me souviens avoir dit dans ma déposition que l'impression

 18   générale, c'était que la direction de Bosnie-Herzégovine ne faisait rien

 19   pour appuyer la Croatie.

 20   Q.  Vous souvenez-vous que, le 21 janvier 1991, les dirigeants de la

 21   Bosnie-Herzégovine, soutenus tant par la Croatie que par la Slovénie dans

 22   le conflit qu'elle avait avec la présidence du gouvernement, avaient

 23   exhorté la présidence fédérale yougoslave de revenir sur ses actions et sur

 24   ses menaces qui étaient de désarmer des forces supposées illégales, des

 25   forces paramilitaires, en Croatie et en Slovénie ?

 26   R.  Je n'ai pas le souvenir de cela, mais je n'exclus pas que ce soit

 27   exact.

 28   Q.  Vous souvenez-vous qu'en août 1991, la Bosnie-Herzégovine, comme la

Page 31116

  1   Macédoine, ont annoncé qu'elles ne permettraient pas à leurs conscrits de

  2   faire leur service militaire en dehors de leurs républiques respectives ?

  3   R.  Bien, j'ai un souvenir approximatif de cela. Je ne sais pas exactement

  4   quand cela a été dit ni en quels termes exactement.

  5   Q.  Ceci nous amène à ce qui a été appelé la déclaration où ces termes,

  6   apparemment, de M. Izetbegovic, ce n'est pas à nous. Vous en avez parlé à

  7   la page 27 618. La Chambre l'a longuement entendu parler de cette

  8   déclaration. Il l'a faite, M. Izetbegovic le 6 octobre 1991. Est-ce que,

  9   vous, vous l'avez entendu exprimer ces termes -- dire cela ?

 10   R.  Personnellement, je n'étais pas à l'endroit où il l'a dit. Mais des

 11   déclarations plus nombreuses que nécessaires ont été faites dans lesquelles

 12   j'ai confiance, et donc, je crois, encore aujourd'hui, que tel a été bien

 13   le cas.

 14   Q.  Et d'ailleurs, ces quatre mots "ce n'est pas notre guerre,"

 15   s'inscrivait dans une déclaration bien plus longue qu'il a faite à

 16   l'époque. Est-ce que vous avez lu la totalité de cette déclaration ?

 17   R.  Je ne me souviens pas.

 18   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du contexte dans lequel il a dit : "Ce

 19   n'est pas notre guerre" -- dire, à l'intérieur même de la déclaration --

 20   R.  Je ne me souviens pas de la déclaration mais je me souviens du contexte

 21   historique en Croatie et dans toute cette région à l'époque, et ce contexte

 22   a rendu très connue la région en général.

 23   Q.  Ma question porte sur le contexte de cette déclaration. Mais vous avez

 24   dit que vous n'aviez pas entendu s'exprimer ce jour-là, vous ne vous

 25   souvenez pas avoir lu la totalité de la déclaration; c'est bien cela ?

 26   R.  Je crois que c'était exact.

 27   Q.  N'est-il pas exact de dire que comme tant d'autres vous avez répété ces

 28   termes exprimés par M. Izetbegovic quand ils étaient tirés de ce contexte

Page 31117

  1   sans savoir quel était précisément le contexte dans lequel il s'était

  2   exprimé ?

  3   R.  Non, ce n'est pas le cas. Je pense que je connais assez bien le

  4   contexte de ces événements politiques ainsi que l'importance d'une telle

  5   déclaration dans le contexte politique marqué par le début du démantèlement

  6   de l'ex-Yougoslavie.

  7   Q.  -- il vous est impossible de nous dire ce qu'il y a d'autre dans cette

  8   déclaration, le 20 septembre 1991. Stjepan Mesic était alors le président

  9   yougoslave, il a appelé les soldats yougoslaves à déserter et à se ranger

 10   du côté des dirigeants élus en Bosnie-Herzégovine et en Croatie ?

 11   R.  J'ai un souvenir approximatif, mais je ne me rappelle pas la date avec

 12   précision.

 13   Q.  Est-ce que -- ce que le président Izetbegovic a dit quelques jours à

 14   peine plus tard, est-ce que ce n'était pas là exprimé sa solidarité avec

 15   Stjepan Mesic en Croatie lorsqu'il a dit : "Ce n'est pas notre guerre" ?

 16   Est-ce qu'il ne dit pas aux jeunes hommes de Bosnie à ces conscrits de ne

 17   pas aller dans la JNA lutter contre la Croatie ? Est-ce que ce n'est pas là

 18   ce que dit sa déclaration si vous aviez pris la peine de lire toute la

 19   déclaration ?

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Le conseil est en train de

 21   déposer, et je suis quelque peu surpris de voir l'absence de réaction de la

 22   part des Juges --

 23   M. SCOTT : [interprétation] Mais tout ceci c'est dans le dossier.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Qu'on me laisse parler et puis le conseil

 25   peut dire ce qu'il veut. Si vous voyez les questions et les réponses

 26   précédentes, le témoin dit ne pas avoir vu cette déclaration, qu'il en a un

 27   souvenir plus ou moins flux et vague. Maintenant, lui pose une question,

 28   après quoi il y a une déclaration faite par l'Accusation sans point

Page 31118

  1   d'interrogation à la fin de la voix. Et c'est du témoignage, objection, et

  2   je pense que c'est avec beaucoup d'éloquences que Me Khan nous a dit que ce

  3   genre de déclaration présente beaucoup de danger. Et je pense qu'il

  4   faudrait mettre en garde l'Accusation tout comme on me met en garde, et

  5   qu'on malmenasse quand je m'emporte.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur Karnavas.

  7   Pourquoi ne pas soumettre ce document au témoin, vous avez d'autres façons

  8   de l'amener là où vous voulez qu'il soit ? Je pense que là l'objection

  9   soulevée est tout à fait valable.

 10   M. SCOTT : [interprétation] Le témoin a dit qu'il n'avait pas lu cette

 11   déclaration. Je ne vais pas lui montrer une déclaration qui n'a jamais vue.

 12   Mais la Chambre, elle, a déjà vu cette déclaration.

 13   Q.  Vers cette même période, le 27 janvier 1991, vous vous souvenez que le

 14   président Tudjman a effectivement renforcé et reconnu le droit qu'avait la

 15   JNA d'arrêter des personnes qui étaient surtout à l'époque des activistes

 16   d'un parti parce qu'elle aurait eu possession illégale d'armes. Est-ce que

 17   vous vous souvenez que le président Tudjman a soutenu -- a encouragé cet

 18   acte ?

 19   R.  D'abord, je n'ai pas dit tout à l'heure que je n'avais jamais vu la

 20   déclaration de M. Izetbegovic car je l'ai vue à plusieurs reprises. Ce que

 21   j'ai dit c'est que je ne l'avais pas bien entendue. Et je crois que les

 22   deux choses sont différentes.

 23   Deuxièmement, s'agissant de ce que vous venez d'aborder dans votre

 24   question, je n'en ai vraiment pas le souvenir.

 25   Q.  Puisque vous revenez à cette question, je vous repose la question :

 26   pourriez-vous nous dire ce qu'il y a d'autre dans le reste de la

 27   déclaration ? Vous dites que vous l'avez vue plusieurs fois, alors, dites-

 28   nous : mis à part ces quatre mots dont vous vous souvenez, quel était le

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  1   contexte ? Qu'est-ce qu'on a dit en plus de ces quatre mots ? Et donnez-

  2   nous le contexte et la signification qu'il fallait donner à ces

  3   déclarations.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Vraiment injuste envers le témoin, tant

  5   d'années se sont écoulées, et maintenant, on lui demande de se souvenir

  6   quelque chose qui s'est dit il y a des années. Je crois que le Juge

  7   Trechsel a dit qu'il y avait une autre façon -- une autre technique pour

  8   obtenir une réponse. Moi, personnellement, je n'ai pas voulu souffler de

  9   suggestion. Je ne suis pas ici pour faire le travail du substitut mais,

 10   effectivement, il faudrait lui montrer le document, et s'il veut poursuivre

 11   son contre-interrogatoire, pas de problème, mais il n'est pas très juste de

 12   demander à un témoin de se souvenir de quelque chose qu'il a entendu il y a

 13   15 ans. Soyons réalistes.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Monsieur Scott, je ne sais pas très bien ce que

 15   vous voulez mettre en évidence. Donc, je vous laisse poser les questions,

 16   mais comme le dit Me Karnavas, et on gagnerait du temps si vous avez la

 17   déclaration exacte dans le contexte de

 18   M. Izetbegovic, autant lui montrer.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Je n'ai pas le temps, Monsieur le Président. Et

 20   j'ai déjà fait valoir ce que je voulais, je ne veux pas maintenant

 21   polémiquer avec lui. Ce qui compte c'est qu'il ne s'en souvient pas du tout

 22   de cette déclaration. Tout ce qu'il a en tête ce sont ces quatre mots : "Ce

 23   n'est pas notre guerre."

 24   Q.  Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous qu'en mai 1991, le président

 25   Tudjman a approuvé une décision prise à l'unanimité par la présidence

 26   collégiale de la RSFY pour donner davantage d'autorités à  la JNA pour

 27   régler des conflits d'ordre ethnique ?

 28   R.  Véritablement, je ne m'en souviens pas. A l'époque, j'étais aux Etats-

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  1   Unis, et dans votre question, il y a trop d'éléments détaillés. Donc,

  2   vraiment, je n'ai pas le souvenir.

  3   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de ceci : en mai 1991, le président

  4   Tudjman a exhorté un groupe de Croates de souche en Bosnie-Herzégovine qui

  5   étaient du côté de Mostar et qui avaient protesté en faisant le blocus en

  6   bloquant un convoi de la JNA ? Il leur a dit de mettre fin à cette

  7   protestation et de laisser passer le convoi, vous en souvenez --

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Autre objection, je m'oppose à cette

  9   technique. Soit on montre le document pour que le témoin le voie, mais on

 10   demande maintenant au témoin de se souvenir de certaines choses. C'est là

 11   pratiquement du domaine de l'impossible à ce stade. Je ne m'oppose pas à ce

 12   genre de question; cependant, si ceci va être le socle sur lequel on va

 13   s'appuyer pour demander le versement du document, là, je serais vraiment

 14   catégorique, car on ne donne pas l'occasion au témoin de voir le document.

 15   Alors, sur quoi s'appuie-t-il, M. Scott, pour dire ce genre de chose ? Je

 16   ne sais pas, je crois qu'on a le droit de le savoir.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, vous lui demandez s'il s'en

 18   souvient. Lui, il dit : je ne m'en souviens pas parce qu'à ce temps-là,

 19   j'étais aux Etats-Unis. Bon, très bien. A ce moment-là, pour lui rafraîchir

 20   la mémoire, vous lui montrez le document, vous lui dites : je vous présente

 21   un document faisant état de cela. Il dit : je l'ai vu, je ne l'ai pas vu,

 22   j'étais aux Etats-Unis, j'ai fait chose que de lire des documents ou la

 23   presse. Et puis, voilà.

 24   M. SCOTT : [interprétation]

 25   Q.  Oui, la question que je vous pose était celle-ci : est-ce que vous vous

 26   souvenez que M. Tudjman a demandé à des Croates de souche qui étaient à

 27   Mostar de mettre fin au blocus qu'ils faisaient d'un convoi de la JNA ?

 28   Dites-moi si vous vous souvenez ou pas, c'est tout.

Page 31121

  1   R.  J'ai déjà répondu. J'ai dit que je ne me rappelais pas ces événements -

  2   - ou enfin, pas des éléments très précis -- très détaillés les concernant.

  3   Q.  En octobre 1991 et plus tard, le gouvernement de Tudjman a autorisé les

  4   forces de la JNA -- les effectifs de la JNA à quitter leur caserne en

  5   Croatie, en portant chars, munitions et autres matériels.

  6   R.  Ça, je me souviens à peu près.

  7   Q.  Est-ce que ça s'est passé ?

  8   R.  Je crois que cela s'est partiellement passé. Bien entendu, la

  9   motivation du président Tudjman c'était la volonté que l'armée yougoslave

 10   quitte le territoire croate.

 11   Q.  Ils ont été autorisés à partir en emportant armes, munitions.

 12   R.  Je ne me rappelle pas des détails et je pense qu'il est assez difficile

 13   de vous répondre de façon générale car, si je ne me trompe pas, les choses

 14   ne sont pas passées de manière identique dans les différentes régions de la

 15   Croatie. Il y a des régions où les commandants des unités de l'armée

 16   yougoslave se sont contentés de rendre leurs armes. Il y a d'autres régions

 17   où ils se sont opposés. Donc, il est difficile de répondre de façon

 18   générale à cette question.

 19   Q.  Mais voici ce à quoi je veux en venir; n'est-il pas exact de dire qu'en

 20   1990 et en 1991, la capacité qu'avait Izetbegovic ou Tudjman de faire quoi

 21   que ce soit pour essayer d'enrayer les actions de la JNA c'était une

 22   capacité tout à fait limitée, n'est-ce pas ?

 23   R.  Limitée, elle était mais le temps a montré que tout de même la chose

 24   n'était pas impossible. Le temps l'a prouvé.

 25   Q.  Vous avez dit notamment que M. Izetbegovic croit, à l'époque quand vous

 26   parlez de ça - vous parlez du mois de juin 1991 - qu'il pensait que les

 27   forces fédérales, la JNA, n'allaient pas attaquer la Bosnie-Herzégovine,

 28   n'est-ce pas, ce que vous avez dit à la page 27 687 du compte rendu

Page 31122

  1   d'audience ? Je vous demande ceci : pendant le plus clair de 1991, est-ce

  2   que ceci n'avait pas été aussi l'attitude de M. Tudjman, ou est-ce qu'il

  3   croyait qu'il pouvait éviter un conflit armé avec la Yougoslavie avec la

  4   JNA ?

  5   R.  Pendant une partie de l'année 1990, je pense que ceci a réellement été

  6   la position du président Tudjman. Pour être plus précis, je dirais que

  7   l'idée c'était qu'à travers les négociations et par une intervention de la

  8   communauté internationale, on pouvait arriver à une solution.

  9   Q.  Effectivement, est-ce que ce n'est pas précisément pour cela que

 10   Tudjman et Milosevic se sont rencontrés à Karadjordjevo afin de négocier un

 11   accord en vertu duquel la Croatie ne serait pas attaquée et que tous deux

 12   ils se concentreraient plus tôt sur la Bosnie-Herzégovine ?

 13   R.  Je ne sais pas exactement quelle a été la teneur des conversations, les

 14   entretiens à Karadjordjevo. Comme on le sait, personne mis à part Tudjman

 15   et Milosevic n'y était et personne ne sait directement de quoi ils ont

 16   parlé. Connaissant -- ayant fait la connaissance du président Tudjman à

 17   posteriori, je crois fermement que les motivations -- sa motivation pour ce

 18   déplacement vers la réunion avec Milosevic avait été une tentative de faire

 19   stopper la guerre et faire en sorte qu'une solution pacifique soit trouvée.

 20   Q.  Nous n'allons pas afficher la carte; si quelqu'un le souhaite, nous

 21   pouvons le faire. Mais si l'on examine la carte de l'ex-Yougoslavie, on

 22   constate, n'est-ce pas, que la Serbie n'a aucune frontière commune avec la

 23   Slovénie, et pourtant il est exact, n'est-ce pas, que la JNA était contre

 24   l'indépendance de la Slovénie, donc, la Slovénie qui venait de proclamer

 25   son indépendance ?

 26   R.  C'est exact.

 27   Q.  Savez-vous si Tudjman ou son gouvernement ont fait quoi que ce soit

 28   pour empêcher la JNA de traverser le territoire croate afin de mener des

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  1   actions en Slovénie ?

  2   R.  Bien qu'il me paraisse évident quelle est la logique que vous

  3   poursuivez, mais toute personne connaissant la situation, alors, savait

  4   pertinemment bien que la Croatie ne pouvait pas stopper l'armée yougoslave.

  5   Du reste, cette intervention de l'armée yougoslave n'a duré qu'une dizaine

  6   de jours. Et, la Slovénie n'a pas sérieusement entamé une guerre, et la

  7   Croatie n'a pas non plus été en situation de se porter à son secours. Et,

  8   l'armée croate, comme on le peut le conclure partant des documents

  9   disponibles -- la JNA, partant des documents disponibles, n'avait pas des

 10   intentions sérieuses. Je crois pouvoir dire que ni la Slovénie, ni la

 11   Croatie n'ont aidé l'une ou l'autre.

 12   Pour ce qui est de l'imprécision ici, je n'ai pas dit -- j'ai dit jusqu'au

 13   bout à part entière.

 14   Q.  Savez-vous si le président Tudjman n'a jamais dit à Kadijevic que la

 15   Croatie ne s'immiscerait pas dans les problèmes entre la Serbie et la

 16   Slovénie ?

 17   R.  Non, je n'en suis pas au courant.

 18   Q.  A cet égard, vous avez également déclaré qu'en Croatie et en Bosnie-

 19   Herzégovine, les gens avaient pris l'initiative de s'armer; est-ce bien

 20   cela ?

 21   R.  Le fait est qu'ils se sont armés en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

 22   Q.  Conviendrez-vous avec moi que les Musulmans avaient autant de droits

 23   que les Croates de se préparer à l'éventualité d'un conflit, de s'armer ?

 24   R.  Tout à fait certain.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, dans votre réponse, il peut y

 26   avoir une approximation mais qui résulte également de la question.

 27   L'armement des populations, c'est un armement spontané ou on leur a dit de

 28   s'armer ? Ce qui ne serait pas la même chose.

Page 31124

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur le Président. Je

  2   m'efforce de répondre de façon précise mais je n'ai pas compris la question

  3   avec précision. Je pense que, du moins, en Croatie, il est survenu deux

  4   choses en parallèle. La population s'est organisée de façon spontanée, ça,

  5   j'en ai été le témoin. La grande majorité de mes collègues a essayé de se

  6   procurer des armes quelles qu'elles soient sans avoir un objectif concret.

  7   D'autre part, le gouvernement, aussi, s'est efforcé de façons variées à se

  8   procurer des armes et à en assurer donc -- s'en procurer pour sa défense.

  9   Il y a eu donc deux processus -- il y en a eu probablement un troisième, de

 10   processus, à savoir qu'un grand nombre de Croates dans la diaspora avait

 11   essayé de s'organiser aux fins d'aider au travers des -- d'envois d'armes,

 12   tant vers la Croatie, me semble-t-il, que vers la Bosnie-Herzégovine, et

 13   peut-être vais-je me rectifier. Je dirais un grand nombre de Croates et

 14   autres, pas seulement des Croates.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci pour cette réponse complémentaire.

 16   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci de cette

 17   précision. C'est moi qui aurais dû être plus clair.

 18   Q.  Est-il exact de dire que, dans la situation que nous avons décrite,

 19   s'agissant du gouvernement croate et du gouvernement de Bosnie-Herzégovine,

 20   ces deux gouvernements ont pris des mesures pour s'organiser, pour s'armer.

 21   En même temps, des personnes et des groupes le faisaient également; c'est

 22   bien cela ?

 23   R.  Je pense que c'est exact.

 24   Q.  Je souhaiterais évoquer certaines des négociations de paix auxquelles

 25   vous avez participé. En rapport avec les questions posées par Me Alaburic,

 26   nous avons longuement parlé du processus de négociations. Vous avez déclaré

 27   lors de l'interrogatoire principal que les négociations aboutissaient

 28   généralement à une espèce de compromis, c'est bien cela ?

Page 31125

  1   R.  En principe, oui.

  2   Q.  Chaque partie aux négociations a droit de rester sur ses positions et

  3   de se montrer dur.

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  Et je suis sûr que dans le cadre de votre expérience, vous avez pu

  6   constater qu'il existait toutes sortes de tactiques -- on peut approcher

  7   les choses de différentes manières pour obtenir ce qu'on veut.

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Ce processus peut être frustrant et il n'arrange peut-être pas les

 10   choses, mais c'est ce que veut le principe de négociations, n'est-ce pas ?

 11   R.  Exact.

 12   Q.  Vous avez mentionné des cas, les situations où les représentants

 13   musulmans se présentaient, recevaient des informations mais n'étaient pas

 14   en mesure de prendre des décisions. Je pense que cela arrive fréquemment.

 15   Une partie peut se présenter à une réunion en disant : "Nous sommes ici

 16   pour écouter, voyons ce que vous avez à dire. Nous ne pouvons pas prendre

 17   de position -- de décision aujourd'hui, mais dites-moi quelle est votre

 18   position et nous verrons plus tard." Ce n'est pas inhabituel, n'est-ce pas

 19   ?

 20   R.  Il est tout à fait certain que ce n'est pas le cas. Cependant, lorsque

 21   ce type de stratégie est utilisé pour faire obstruction aux négociations,

 22   alors, on ne peut parler d'éléments positifs. Et je n'ai jamais affirmé que

 23   c'était de cette façon-là qu'on avait eu recours à la stratégie. J'ai dit

 24   que mon impression était parfois celle de penser que c'était de cette façon

 25   qu'on s'efforçait de négocier sans pour autant aboutir -- arriver à aboutir

 26   à un accord. C'était l'impression que j'avais.

 27   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire -- enfin, je vais

 28   paraphraser ce que vous avez dit, et corrigez-moi si je me trompe. Ce

Page 31126

  1   principe qui veut que rien n'est convenu tant que tout n'a pas été convenu;

  2   est-ce que vous conviendrez avec moi que l'inverse pourrait être tout

  3   autant destructif, improductif ? Ce n'est pas parce que quelque chose a été

  4   convenu que tout l'a été nécessairement, n'est-ce pas ?

  5   R.  Tout à fait certain. Chaque méthodologie, chaque approche utilisée aux

  6   fins de faire obstruction à des négociations est négative de façon égale.

  7   Q.  Je veux être tout à fait clair. Beaucoup pensent, et un nombre de ces

  8   personnes sont venues témoigner ici -- beaucoup pensent que le problème,

  9   côté croate, de façon générale, c'est que lorsque l'on s'était mis d'accord

 10   sur quelque chose, les Croates faisaient comme si tout avait fait l'objet

 11   d'un accord, qu'il y ait eu un accord ou pas. Est-ce que vous avez déjà

 12   entendu ce type de commentaire ?

 13   R.  Je ne puis me souvenir de cela dans le concret, mais il est exact de

 14   dire que la partie croate était intéressée, une fois une chose convenue,

 15   par la nécessité de passer à la mise en œuvre, parce que l'idée motrice

 16   était celle de voir au plus tôt mettre en œuvre pour au plus tôt faire

 17   mettre un terme à la guerre.

 18   Q.  N'est-il pas juste de dire qu'à plusieurs reprises, les négociateurs

 19   étrangers et/ou les Serbes et/ou les Musulmans ont dû dire : "Attendez, on

 20   n'est pas encore là. On s'est mis d'accord sur certaines choses, mais pas

 21   sur tout, donc on ne peut pas aller de l'avant." Est-ce que cela ne s'est

 22   pas produit un certain nombre de fois ? En janvier 1993, en mars 1993 ?

 23   R.  Il est tout à fait normal et certain de voir ce type de chose survenir

 24   dans toutes les négociations et encore davantage dans des négociations

 25   aussi compliquées -- aussi complexes.

 26   Q.  Un peu plus tôt, vous avez mentionné les réunions présidentielles

 27   tenues en juin 1991. Il y a eu des négociations.

 28   M. Izetbegovic et M. Gligorov ont exprimé leurs positions, et Tudjman,

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  1   d'après la transcription de la réunion tenue le 8 juin 1991 - P 0003 - a

  2   dit, je cite : "Pour l'essentiel, la Serbie l'a accepté, mais interprété

  3   les choses à sa manière."

  4   Alors, qu'est-ce que ça veut dire ? Vous dites que l'une des parties

  5   a accepté la position exprimée mais l'a interprétée à sa manière. Qu'est-ce

  6   que cela veut dire ?

  7   R.  Je ne saurais interpréter cette phrase car, en réalité, je ne sais pas

  8   dans quel contexte elle a été prononcée et comment cela était fait. Pour ce

  9   qui est d'une interprétation générale, tout un chacun d'entre nous sait

 10   qu'une partie, ayant accepté une chose, l'a interprétée différemment.

 11   Alors, je ne sais pas maintenant me souvenir de la teneur concrète de ce

 12   passage. Le fait est que j'ai cité, du moins par cœur, la -- les dires de

 13   Tudjman, et cette phrase, telle que je la vois en anglais maintenant, je

 14   n'arrive plus à la caser dans ce que j'aurais éventuellement dit à

 15   l'époque.

 16   Q.  Excusez-moi, je ne veux pas vous induire en erreur. Il s'agit d'une

 17   déclaration attribuée à M. Tudjman dans un transcript présidentiel. En tant

 18   que négociateur chevronné, je voulais vous soumettre l'idée suivante.

 19   Lorsqu'on dit qu'une partie a accepté la position exprimée mais l'a

 20   interprétée à sa manière, je voulais savoir ce que vous en pensiez, je ne

 21   vous imputais pas cette déclaration du tout.

 22   Nous avons parlé -- ou plutôt, vous avez parlé de l'accord de Washington,

 23   vous nous avez dit que vous aviez été impliqué à un stade assez précoce des

 24   négociations, au stade préliminaire, en réalité.

 25   R.  Oui, exact.

 26   Q.  Vous souvenez-vous grosso modo à quel moment le processus de Washington

 27   a commencé par rapport aux efforts entrepris précédemment. Je ne parle pas

 28   de Owen-Stoltenberg mais à quel moment a-t-on commencé à parler d'un

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  1   processus qui aurait lieu à

  2   Washington ?

  3   R.  Je ne m'aventurerais pas à donner des dates exactes, d'ailleurs ces

  4   dates peuvent se retrouver très facilement et on peut les citer. Mais nous

  5   parlons de la situation caractérisant ces négociations, je pense que deux

  6   facteurs principaux ont déterminé le début du processus de Washington.

  7   D'abord, l'envoi de M. Redman, en tant qu'envoyé spécial du président

  8   Clinton, c'est ce qui impliquait une implication directe des Etats-Unis; et

  9   deuxièmement, l'impression qui présidait dans l'esprit de tous à l'époque

 10   que la Conférence de Paix telle qu'elle s'était déroulée depuis le début à

 11   Genève, que cette Conférence de Genève était arrivée dans une voie sans

 12   issue, donc, elle ne pouvait pas se poursuivre. Je pense que c'était là les

 13   deux facteurs les plus importants.

 14   Q.  Je pense que vous avez confirmé cela dans vos déclarations antérieures

 15   et à l'occasion de certaines réunions présidentielles auxquelles vous avez

 16   participé. Inutile de passer trop de temps là-dessus. Est-il juste de dire

 17   qu'à la fin de l'année 1993, la plupart des processus de paix entamés

 18   jusqu'à présent étaient dans l'impasse.

 19   R.  C'était l'impression qui prévalait à l'époque.

 20   Q.  Dans l'une de vos déclarations, me semble-t-il, vous avez dit que la

 21   Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie n'était plus productive, ne

 22   servait plus à rien, n'est-ce pas, ce que vous avez dit ?

 23   R.  Mon impression était bien celle-là à l'époque.

 24   Q.  Vous avez parlé de certains des événements qui avaient conduit à la

 25   Conférence de Washington. Vous avez dit que le gouvernement des Etats-Unis

 26   était de plus en plus impliqué, de façon de plus en plus directe. Est-il

 27   juste de dire qu'à la fin de 1993, au début de l'année 1994, les Croates de

 28   Bosnie tout particulièrement étaient à l'objet d'une pression militaire

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  1   très importante en Bosnie-Herzégovine. Il y avait eu un renversement de la

  2   situation de la guerre à leur détriment, et la Croatie subissait des

  3   pressions internationales très importantes en raison de la situation en

  4   Bosnie-Herzégovine. Est-ce que ce que je viens de dire n'est pas vrai ?

  5   R.  Je ne saurais commenter la situation du point de vue des éventuels

  6   affrontements qui se produisaient sur le terrain à l'époque. Il est certain

  7   que d'autres pourraient le faire mieux que moi car ils en savent davantage

  8   sur ce sujet. Mais il est clair que la Croatie subissait des pressions

  9   importantes de la part de la communauté internationale à ce moment-là.

 10   Q.  Alors qu'on se dirige lentement vers le processus de Washington, vous

 11   avez indiqué qu'une union entre les Croates et les Musulmans au sein d'une

 12   même entité, d'après M. Boban, en tout cas n'était pas viable. C'était

 13   votre position également, n'est-ce pas ? R.  C'était mon impression à ce

 14   moment-là, exact.

 15   Q.  Je vous invite à vous reporter à la pièce P 01532, un document qui doit

 16   se trouver dans le troisième classeur, P 01532.

 17   Il s'agit d'un communiqué de presse de la BBC daté du 9 août 1993, il

 18   est en rapport avec les négociations en cours à l'époque. Vous avez été

 19   interviewé, on vous décrit comme étant le chef de la mission croate auprès

 20   des Nations Unies à Genève. Au dernier paragraphe de cet article, le texte

 21   se lit comme suit, je cite : "En réponse à la question de savoir pourquoi

 22   l'idée musulmane d'une union entre les Musulmans -- entre les Républiques

 23   musulmanes et la République croate au sein d'une union en Bosnie-

 24   Herzégovine n'est pas acceptable, Zuzul a répondu : "Cela ne pourrait pas

 25   vraiment marcher." Il a dit que cela profiterait à la troisième partie,

 26   c'est-à-dire aux Serbes."

 27   Pourquoi pensiez-vous cela ?

 28   R.  La vérité c'est que je ne me souviens pas de cette déclaration. Je n'ai

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  1   pas de raison d'affirmer qu'est-ce qui est dit ici n'est pas exact, mais si

  2   je l'ai dit, en tout cas, c'est qu'à ce moment-là que je pensais que telle

  3   entité ne pourrait pas fonctionner. Cela étant, j'ai, à partir de ce

  4   moment-là, commencé à travailler en vue d'aboutir à une situation ou une

  5   telle solution pourrait fonctionner. Donc, si j'ai dit ce qui est écrit

  6   ici, c'est quelque chose que j'ai pensé exclusivement, uniquement pour ce

  7   moment-là.

  8   Q.  Aujourd'hui, me semble-t-il, vous avez indiqué que les  représentants

  9   de la communauté internationale préparaient des cartes. Au premier

 10   paragraphe, vous parlez de la répartition des territoires, du fait que les

 11   Musulmans de Bosnie obtiendraient 30 % et ainsi de suite. N'est-il pas

 12   exact de dire que toutes les parties étaient constamment en train de

 13   préparer des cartes tout au long de ce processus ?

 14   R.  Exact. Mais je répondais à la question relative aux cartes qui

 15   faisaient partie des discussions du plan Owen, c'est en répondant à une

 16   question sur le plan Owen que j'ai dit que je pensais que c'étaient les

 17   experts internationaux qui avaient préparé les cartes.

 18   Q.  Nous entrons à Washington, n'est-il pas juste de dire qu'en définitive,

 19   vu le document qui a été signé par les Croates et les Musulmans, l'accord

 20   de Washington était radicalement différent des plans de paix précédents et

 21   constituait un tournant important dans la politique croate ?

 22   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Le plan Vance-Owen, bien sûr.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aurais du mal à dire si cela représentait un

 24   tournant parce qu'il avait déjà été question de fédération et de

 25   confédération dans la période antérieure -- fédération entre les Croates et

 26   les Musulmans en Bosnie-Herzégovine ou confédération. Mais je pense que

 27   cela constituait une réelle et concrète possibilité pour la conclusion d'un

 28   accord qui avait le soutien à l'époque de la majorité des éléments

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  1   internationaux existant alors.

  2   M. SCOTT : [interprétation] 

  3   Q.  Nous ne pourrons pas en terminer aujourd'hui mais nous allons utiliser

  4   le temps qui nous reste.

  5   Je vous demande d'examiner la pièce P 07856, deuxième classeur.

  6   Je précise pour les besoins du compte rendu d'audience, qu'il s'agit du

  7   compte rendu d'une réunion auxquels ont participé le

  8   Dr Tudjman et d'autres personnes, le 13 février 1994, à Zagreb. Vous pouvez

  9   examiner la transcription en croate ou en anglais. Voyez ce qui est le plus

 10   simple pour vous.

 11   Page 1, les pages correspondent dans les deux langues. Alors, le président

 12   Tudjman a -- prend la parole en premier, et il dit : "Messieurs, j'ai

 13   demandé au ministre Susak d'inviter Mate et le reste d'entre vous pour

 14   assister à un sommet des dirigeants de l'Herceg-Bosna afin de parvenir a un

 15   accord sur les mesures à prendre après tout ce qui s'est passé ces derniers

 16   temps : notre réunion générale à Livno, la réunion de Sarajevo, les

 17   pourparlers actuels à Genève, mais surtout en ce qui concerne la nouvelle

 18   situation créer par l'initiative des Etats-Unis avec un groupe de pays

 19   européens qui cherchent à trouver une solution pour la crise en Bosnie-

 20   Herzégovine."

 21   Alors, ici il est fait référence à Washington, n'est-ce pas ?

 22   R.  C'est le début, de ce qui va aboutir sur l'accord de Washington.

 23   Q.  Veuillez examiner la page 2, dernier paragraphe. Le président Tudjman

 24   poursuit son intervention et déclare, je cite : "En même temps, des

 25   pressions sont exercées sur nous," puis il y a quelque chose qui manque

 26   dans le texte. "Jusqu'à présent, ils ont fait savoir qu'ils n'étaient pas

 27   satisfait de notre politique en Herceg-Bosna, et que c'était de notre faute

 28   si les relations avec les Musulmans s'étaient dégradées, ils nous ont fait

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  1   savoir que nous devions changer cela et que nous devions faire de Mate

  2   Boban un symbole de cette responsabilité qui est la nôtre pour

  3   l'affrontement avec les Musulmans. Il a été dit dans le cadre de

  4   discussions amicales que nous devions changer ce symbole, c'est la raison

  5   pour laquelle j'ai décidé que Mate ne participerait plus aux négociations,"

  6   et ainsi de suite.

  7   Alors, vous souvenez-vous de la décision prise par le président Tudjman en

  8   1994 selon laquelle Boban ne participerait plus aux négociations ?

  9   R.  Je me rappelle que Mate Boban a cessé de participer aux négociations à

 10   l'époque et je sais que le président Tudjman voulait qu'il cesse d'y

 11   participer, maintenant, à savoir si quelqu'un a rendu une décision

 12   officielle sur ce point, je n'en sais rien.

 13   Q.  Je vous prie, de vous pencher sur la page 4 de cette transcription. Le

 14   président Tudjman mentionne les négociations en cours, et au deux tiers de

 15   la page il dit : "Nous sommes en faveur d'une union des trois républiques

 16   de Bosnie-Herzégovine, mais la question peut être soulevée et l'ambassadeur

 17   Zuzul, qui s'est entretenu avec l'émissaire américain Redman, qui est

 18   responsable de cela, vous dire que nous pourrions nous retrouver dans une

 19   situation délicate si les politiques occidentales et américaines allaient

 20   jusqu'à autoriser le départ des Serbes."

 21   Alors, côté croate, je ne parle pas des Croates de Bosnie mais des Croates

 22   de Croatie, est-ce que c'est vous qui dirigiez les négociations à cette

 23   époque ?

 24   R.  Je ne les conduisais pas, mais j'y participais à ces négociations. Et

 25   là, dans cet exemple concret, je crois que je disais au président ce qu'il

 26   en était des pourparlers, des entretiens avec l'ambassadeur Redman.

 27   Q.  En haut de la page 5, il poursuit et Tudjman dit à propos de ce

 28   processus : "Alors que nous sommes en train de trouver les façons d'arriver

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  1   à un accord avec les Musulmans, mais un accord qui ne va pas mettre en

  2   cause notre propre intérêt en Herceg-Bosna ou dans notre Etat en tant que

  3   tel."

  4   On voit que vous étiez présent à la réunion, pour vous, qu'est-ce qu'il a

  5   voulu dire le président Tudjman lorsqu'il a dit que : "Il ne permettrait

  6   pas que cet accord mettre en cause ces intérêts en Herceg-Bosna" ?

  7   R.  Mon interprétation, à ce moment-là et aujourd'hui, consiste à penser

  8   qu'il pensait à la défense de l'aspect constitutif du peuple croate en

  9   Bosnie-Herzégovine -- du caractère constitutif.

 10   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que c'est à peu

 11   près tout pour aujourd'hui.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur le Témoin, quelques

 13   recommandations puisque vous allez donc revenir demain, pour l'audience qui

 14   commencera à 9 heures. Bien entendu, vous n'avez aucun contact avec

 15   quiconque, sauf avec les membres de votre famille, avec qui vous pouvez,

 16   bien entendu, faire part de vos impressions de l'audience du moment que ça

 17   ne sort pas du cercle familial. Par ailleurs, vous pouvez lire tout ouvrage

 18   à votre disposition. Nous ne sommes pas des censeurs et nous n'interdisons

 19   pas, bien entendu, toute lecture qui vous paraîtrait pour vous utile.

 20   Voilà ce que j'ai à vous dire. Et donc, nous nous retrouverons demain à 9

 21   heures. Je vous remercie.

 22   --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mardi 22 juillet

 23   2008, à 9 heures 00.

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