Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 24 novembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Pusic est absent]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appeler le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, toutes les

  9   personnes présentent dans le prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T,

 10   le Procureur contre Prlic et consorts. Merci, Messieurs les Juges.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce lundi 24 novembre

 12   2008, je salue en premier lieu tous les accusés. Je constate que M. Pusic

 13   doit être malade. Je formule mes propres vœux de rétablissement. Je salue

 14   Mmes et MM. les Avocats. Je salue M. Stringer, et toutes ses

 15   collaboratrices; il n'y a pas de collaborateurs, il n'y a que des femmes,

 16   donc je salue toutes ces collaboratrices. Je salue M. le Greffier et M.

 17   l'Huissier ainsi que toutes les personnes qui nous assistent. Je crois que

 18   M. le Greffier a quelques numéros IC à nous donner.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Différentes

 20   parties ont soumis des listes de documents à être versés par le truchement

 21   de Tomic, Neven. La première équipe de la Défense aura le numéro IC 00889;

 22   la deuxième équipe de la Défense aura le numéro IC 00890; celle par la

 23   troisième équipe de la Défense IC 00891; la quatrième équipe de la Défense,

 24   IC 00892; la liste soumise par l'Accusation aura le numéro IC 00893. La

 25   première pièce comporte le numéro 00889.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 27   Bien. La semaine dernière la Chambre a rendu une décision concernant le

 28   témoin expert qui va venir. La Chambre a fixé à deux heures

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  1   l'interrogatoire principal, a fixé à une heure le contre-interrogatoire par

  2   les autres avocats de la Défense; et je crois que ce sera l'avocat de M.

  3   Praljak et M. Petkovic. Et la Chambre, compte tenu du champ de ce témoin

  4   expert, a fixé à trois heures pour l'Accusation le temps nécessaire pour

  5   son contre-interrogatoire. Etant précisé que ce témoin expert vient dans la

  6   suite de l'expert Ewa Tabeau, que nous avons déjà entendue. Voilà.

  7   Je vois que Me Karnavas est prêt. Il nous a donné son dossier avec toutes

  8   les pièces qui vont être évoquées. Il y en a environ une dizaine. Nous

  9   allons introduire le témoin.

 10   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Madame.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me donner votre nom, prénom et date de

 14   naissance.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Svetlana Radovanovic, je suis née

 16   le 14 novembre 1949.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuelle ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis professeur à l'université.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle université ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas la traduction. Faculté de

 21   géographie à l'Université de Belgrade.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Madame, avez-vous déjà témoigné devant un

 23   tribunal sur les faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie ou bien

 24   c'est la première fois que vous témoignez ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà témoigné au tribunal.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez témoigné devant quel tribunal ou dans

 27   quelle affaire ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné devant ce Tribunal dans quatre

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  1   affaires : l'affaire Galic; l'affaire Blagojevic; l'affaire Beara, Nikolic

  2   et autres; et l'affaire Simic.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez témoigné dans quatre affaires. Vous

  4   étiez témoin de l'Accusation ou témoin de la Défense ? 

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais témoin de la Défense. J'ai témoigné

  6   également devant le tribunal à Sarajevo.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez témoigné à Sarajevo dans quel procès ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais vous dire le numéro de

  9   l'affaire. Je ne sais pas non plus comment s'appelle l'accusé. Je peux vous

 10   donner le nom de l'avocat, si vous voulez. C'était en corrélation avec le

 11   génocide perpétré à Srebrenica. Et pour être tout à fait concrète, c'est le

 12   site de Kravica.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous étiez témoin de l'Accusation ou témoin de la

 14   Défense ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais témoin de la Défense.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 18   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19   LE TÉMOIN : SVETLANA RADOVANOVIC [Assermentée]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame, vous pouvez vous asseoir.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelques éléments d'information de ma part afin que

 24   l'audience se déroule le mieux possible. Comme ce n'est que la cinquième

 25   fois que vous témoignez devant ce Tribunal, vous savez comment ça se passe.

 26   Vous allez devoir, dans un premier temps, répondre à des questions que Me

 27   Karnavas va vous poser à partir certainement de documents qu'il vous

 28   présentera. A l'issue de cette phase, les autres avocats des autres accusés

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  1   - car M. Karnavas est l'avocat de M. Prlic - mais comme il y a cinq accusés

  2   avec d'autres avocats, ceux-ci pourront également vous poser des questions

  3   dans le cadre du contre-interrogatoire.

  4   Et puis le Procureur, qui se trouve à votre droite, M. Stringer, vous

  5   contre-interrogera le moment venu lorsqu'il aura la parole.

  6   Les quatre Juges qui sont devant vous vous poseront des questions. Et peut-

  7   être qu'à la différence des quatre autres procès auxquels vous avez

  8   participé, vous vous rendrez compte que les Juges ici posent beaucoup de

  9   questions. Et ce sera peut-être la différence que vous allez ressentir avec

 10   les autres procès auxquels vous avez participé.

 11   Essayez d'être très précise dans les réponses que vous allez donner. Dans

 12   la mesure où vous êtes professeur de faculté, je n'ai aucune crainte à cet

 13   égard, vous saurez parfaitement synthétiser vos réponses. Si en revanche

 14   vous ne comprenez pas le sens d'une question, et même si c'est un Juge qui

 15   vous la pose, parce que parfois les Juges peuvent même poser des questions,

 16   n'hésitez pas à ce moment-là à demander à celui qui vous pose la question

 17   de la reformuler.

 18   Nous faisons des pauses toutes les heures et demie, mais si à un moment

 19   donné vous éprouvez un léger malaise ou vous avez besoin d'une suspension

 20   d'audience, n'hésitez pas à lever la main pour le demander. La Chambre est,

 21   bien entendu, à votre entière disposition.

 22   Voilà ce que je voulais vous dire, Madame, afin que cette audience puisse

 23   se dérouler le mieux possible dans l'intérêt de tous et dans l'intérêt de

 24   la justice.

 25   Maître Karnavas, c'est avec plaisir que je vous donne la parole.

 26   M. STRINGER : [interprétation] Simplement un point de précision, Monsieur

 27   le Président, simplement pour informer les Juges de la Chambre et le témoin

 28   que le contre-interrogatoire sera menée par ma consoeur, Mme West.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je vous remercie. Ce sera également avec

  2   plaisir que nous entendrons Mme West, que nous avons déjà eu l'occasion

  3   d'entendre. Tout en regrettant, Monsieur Stringer, que vous ne contre-

  4   interrogiez pas vous-même, mais nous aurons certainement le plaisir de vous

  5   écouter ultérieurement.

  6   Maître Karnavas, vous avez la parole.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

  8   Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes présentes dans le

  9   prétoire.

 10   Interrogatoire principal par M. Karnavas :

 11   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Madame le Professeur.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Avant de commencer avec mes premières

 13   questions, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y a une question

 14   d'ordre technique qui m'a effleuré l'esprit avant d'entrer dans le

 15   prétoire, à savoir le rapport de ce professeur Radovanovic, qui est la

 16   pièce 1D 03110, n'a pas été rajouté sur la liste 65 ter, donc maintenant et

 17   sur le champ je vais vous demander l'autorisation de bien vouloir ajouter

 18   ce document sur notre liste de façon à pouvoir l'aborder pendant mon

 19   contre-interrogatoire.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Ça n'avait pas échappé à la Chambre. Je vais

 21   consulter mes collègues, mais il n'y a pas de problème.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre est tout à fait d'accord. Il est tout à

 24   fait naturel que ce rapport soit rajouté à la liste.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci,

 26   Messieurs les Juges.

 27   Q.  Madame le Professeur, dans votre rapport que nous avons, qui est le 1D

 28   00310, en annexe il y a une page sur laquelle nous avons votre curriculum

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  1   vitae; est-ce exact, ce curriculum vitae ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Je ne souhaite pas aborder toute votre formation et vos études, mais il

  4   suffit de dire que vous avez un doctorat de la faculté de géographie,

  5   d'après ce que j'ai compris, votre spécialité c'est la démographie ?

  6   R.  Oui, je suis docteur ès sciences démographiques.

  7   Q.  Regardons un petit peu votre formation et ce que vous avez fait dans le

  8   cadre de vos travaux, plus particulièrement portant sur le domaine de la

  9   démographie, parce que c'est ce qui nous intéresse ici aujourd'hui.

 10   R.  Depuis 1974 jusqu'à 1992, j'ai travaillé à l'Institut de la république

 11   des statistiques de Serbie. Dans le cadre de mes activités, j'ai exercé mes

 12   fonctions uniquement dans le département de la statistique de la

 13   population. Et j'y ai travaillé depuis 1976 où j'étais devenue chef de ce

 14   département, et j'ai participé à trois recensements de la population. En

 15   1971, puis il y a eu les préparatifs, l'élaboration et la réalisation et le

 16   traitement des données pour ce qui est du recensement de 1981, et je

 17   précise que pour ce qui est de ce recensement de 1981, j'ai été membre d'un

 18   groupe d'experts de l'ex-République fédérale de la Yougoslavie, chargé de

 19   la méthodologie des recensements. En 1991, j'ai également fait partie d'un

 20   groupe d'experts pour ce qui est de la méthodologie du recensement en RSFY.

 21   Les autres experts étaient des experts des autres républiques de la l'ex-

 22   Yougoslavie. De par mes fonctions, j'ai été chargée également du

 23   recensement de la population en Serbie. Je précise aussi que la

 24   méthodologie --

 25   Q.  Je vous interromps quelques instants. Il y a deux choses que je

 26   souhaite vous signaler. Il serait peut-être bon que vous parliez un peu

 27   plus fort et un peu plus lentement, s'il vous plaît. Merci. Pardonnez-moi

 28   de vous avoir interrompue.

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  1   R.  Tous les recensements de la population au sein de l'ex-Yougoslavie ont

  2   été réalisés suivant une méthodologie unifiée, prescrite par un

  3   établissement fédéral chargé des statistiques. Mis à part les statistiques

  4   liées au recensement, j'ai été à la tête de ce service de la statistique

  5   vitale, ce qui revient à dire parler de natalité, mortalité, des mariages

  6   faits et défaits et, depuis 1982, j'ai été à la tête d'un service qui a

  7   fonctionné suivant une méthodologie fédérale --

  8   Q.  Veuillez ralentir, sinon vous allez les épuiser. Veuillez ralentir.

  9   Sachez que c'est en simultané.

 10   R.  Je disais pour ce qui est de la mise en place d'un service des

 11   statistiques de migration.

 12   En 1992, je suis passée à l'institut des sciences sociales, centre de

 13   recherche démographique, et j'y ai eu à travailler à des tâches de

 14   réalisation de projets de recherche scientifique conduits par ce centre.

 15   Ces projets de recherche scientifique ont été commandés par le ministère

 16   des Sciences ou par d'autres institutions.

 17   Je me suis trouvée à la tête de deux projets moi-même. J'ai également

 18   participé à la réalisation de projets du centre européen pour la paix et le

 19   développement des Nations Unies qui vaquaient à l'étude de la population

 20   d'une partie de la Serbie qui est connue comme la Raska ou le Sandzak où il

 21   y a eu une forte concentration de la population musulmane.

 22   En 1992 -- je m'excuse, en 1999, je suis passée à travailler à la faculté

 23   de géographie, et depuis lors, à ce jour, je travaille à la faculté de

 24   géographie. Dans cette faculté de géographie, j'ai été chef de la chaire

 25   pour la démographie et pendant un certain temps, j'étais doyen chargé des

 26   tâches matérielles et financières de cette faculté.

 27   J'enseigne trois matières : introduction à la démographie,

 28   statistique des populations et ethnodémographie.

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  1   Q.  Bien. Merci.

  2   R.  En outre --

  3   Q.  Allez-y. Je croyais que vous aviez terminé.

  4   R.  En outre, j'ai participé à bien des projets de recherche scientifique

  5   confiés à la faculté de géographie ainsi que bon nombre de projets de

  6   recherche scientifique de l'Académie serbe des sciences et des arts. C'est

  7   sous la direction de l'Académie serbe des sciences et des arts que j'ai

  8   organisé et préparé une méthodologie pour ce qui est d'un recensement

  9   extraordinaire de la population d'une partie du territoire qui est appelée

 10   Serenijca Zopa [phon] qui se trouve au Kosovo-et-Metohija. Je suis membre

 11   de ce comité chargé de la population à l'Académie serbe des sciences et des

 12   arts et je suis également membre de plusieurs associations telles que

 13   l'Association de la géographie, des statistiques, de la démographie, et

 14   cetera.

 15   Q.  Très bien. Merci. Je crois que nous avons un exposé ou en tout cas un

 16   aperçu assez exhaustif de votre formation et de vos travaux.

 17   Je souhaite maintenant vous demander de vous reporter à ce document

 18   qui est la pièce 1D 03110. C'est le tout premier document que nous avons.

 19   Est-ce que vous reconnaissez ce document, Madame ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas. J'aurais juste une question de

 23   suivi sur le CV de Madame.

 24   Madame, j'ai écouté avec attention tout ce que vous avez fait. Mais je

 25   voudrais savoir, avec vos homologues croates ou musulmans, est-ce que vous

 26   avez participé à des travaux collectifs sur le recensement dans le cadre

 27   d'une coopération avec toutes les républiques actuelles ou vous êtes restée

 28   uniquement au niveau de la République de Serbie ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons eu à travailler ensemble. La

  2   méthodologie qui est mise en œuvre et qui est l'œuvre de cet institut

  3   fédéral des statistiques est l'œuvre conjointe de tous les experts en

  4   matière de statistiques, de recensement de la démographie en provenance de

  5   différentes républiques. Avant qu'il n'y ait eu mise en place d'une

  6   organisation et qu'il ne soit adoptée une méthodologie de fonctionnement,

  7   on organise d'abord un groupe d'experts, un groupe de travail qui participe

  8   à la mise en œuvre d'une méthodologie pour ce qui est du recensement de la

  9   population. Ensuite, cette méthodologie du recensement de la population est

 10   publiée par l'Institut fédéral à la statistique. Cela a été unifié pour

 11   toutes les républiques de l'ex-Yougoslavie et c'est suivant cette

 12   méthodologie unifiée que nous sommes tous intervenus pour procéder au

 13   recensement de la population.

 14   Je dois vous signaler aussi que les républiques avaient le droit d'ajouter

 15   des questions qu'elles jugeaient intéressantes ou importantes pour leur

 16   propre république. Ces questions supplémentaires pouvaient varier,

 17   pouvaient, par exemple, ne concerner qu'une seule république. Mais tout le

 18   reste était conjoint, commun à la totalité des républiques et devait être

 19   fait de façon unifiée. Ce n'était pas seulement en vigueur pour ce qui est

 20   de l'élaboration, de la méthodologie, cela étant aussi en vigueur pour

 21   l'organisation, l'élaboration, l'établissement de tableaux et la

 22   publication de données.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce à dire qu'aujourd'hui, dans toutes les

 24   républiques qui existent, la méthodologie est exactement la même, il n'y a

 25   pas de changement ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] D'après les informations que j'ai obtenues,

 27   partant, par exemple, des recensements effectués dans les différentes

 28   républiques, en Croatie en 2001, en Slovénie, puis en Serbie, je dirais que

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  1   la majeure partie des éléments de méthodologie sont les mêmes. Il y a un

  2   certain nombre de questions, par exemple, au niveau des appartenances

  3   ethniques, qui se trouvent être différemment fait en Croatie que cela n'est

  4   le cas en Serbie. Mais je dirais que la substantifique moelle de la

  5   méthodologie est demeurée la même et je précise que ce sont des choses

  6   assez complexes. La méthodologie, ça englobe pas mal de choses. Il y a le

  7   partage, découpage administratif et territorial. Parce que le découpage

  8   territorial et administratif n'est plus resté le même en Croatie en 2001 et

  9   en 2002 qu'avant. Mais les instruments, eux, tels que les nomenclatures

 10   pour ce qui est des cotes d'appartenance ethnique, pour ce qui est de la

 11   détermination des différents cercles ou des différentes professions, ça a

 12   été modifié. Mais la substance, en matière de méthodologie, est demeurée la

 13   même.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette réponse fort complète.

 15   Maître Karnavas.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Q.  Bien. Si

 17   nous regardons ce document, le 1D 03110, il s'agit là de votre rapport,

 18   n'est-ce pas ?

 19    R.  Exact.

 20   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire comment ce rapport a été

 21   élaboré ? Qui a participé à la rédaction de ce

 22   rapport ? Qu'est-ce qui a été fait pour le préparer ?

 23   R.  C'est vous qui m'avez contactée et qui m'avez demandé si je voulais ou

 24   si je voudrais participer à ce que vous faites et me pencher sur l'expert

 25   de l'Accusation rédigé pour cette affaire. Ensuite, vous m'avez envoyé le

 26   rapport, ou plutôt, les rapports puisqu'il y en a trois. J'en ai pris

 27   lecture et nous avons rétabli le contact. Je vous ai donné mes opinions,

 28   mes observations au niveau de ces rapports et vous m'avez dit que je

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  1   pouvais faire un aperçu sur la documentation originale. Vous m'avez rendu

  2   possible l'étude de ces originaux et vous m'avez donné un champ de manœuvre

  3   tout à fait -- enfin, une pleine liberté de champ de manœuvre pour ce qui

  4   est de rédiger mon rapport dans cette affaire.

  5   Q.  Bien. Compte tenu de vos travaux, combien de rapports avez-vous publiés

  6   ? Nous en avons un, mais celui-ci comporte combien de parties et quels sont

  7   les sujets abordés ?

  8   R.  J'ai fait deux parties de ce rapport. J'aurais pu en faire trois. Mais

  9   le rapport relatif aux blessés, je ne l'ai pas rédigé pour une simple

 10   raison, parce que c'est les mêmes problèmes que ceux qui sont évoqués dans

 11   les deux premiers rapports. Je les ai étudiés, et je puis répondre à la

 12   totalité des questions qui seraient posées à ce sujet.

 13   Q.  Bien. Alors, vous nous avez dit que vous êtes venue à La Haye pour

 14   regarder les données. Pourriez-vous nous dire combien de temps vous avez

 15   passé à La Haye, en présence de qui et ce que vous avez fait précisément ?

 16   R.  Avec mes deux assistants qui sont experts en informatique, je suis

 17   restée dans le département démographique du bureau du Procureur la période

 18   allant du 14 au 18 avril de cette année. J'ai eu accès aux sources

 19   principales des données utilisées par l'expert principal de l'Accusation et

 20   aux autres rapports que j'ai demandés. Je les ai examinés afin de connaître

 21   cette source de données pour connaître sa substance et tirer mes

 22   conclusions de ces sources. Bien sûr, je n'ai pas pu voir les autres

 23   sources, mis à part ces sources principales, d'aussi près, mais j'ai pu les

 24   examiner un peu et arriver à une opinion concernant ce qui aurait pu se

 25   passer si ces sources-là avaient été appliquées aussi.

 26   Sur la base de tout cela, j'ai pu tirer mes propres résultats et mis

 27   à part cela, j'ai pu obtenir la plus grande partie des rapports d'experts

 28   surtout ceux qui concernent la structure ethnique élaborée par le Dr Ewa

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  1   Tabeau. J'ai obtenu également toute une série de publications publiques,

  2   statistiques publiées par l'établissement fédéral chargé des statistiques

  3   de la République de Bosnie-Herzégovine. Et j'ai oublié de mentionner

  4   certaines autres publications publiées par le ministère chargé des

  5   personnes déplacées et des réfugiés.

  6   Dans mon rapport, j'ai cité à la fois les sources et les références

  7   auxquelles je me suis appuyée.

  8   Q.  Sans nous appesantir sur le rapport dans les détails car nous pouvons

  9   tous le lire, je voudrais vous poser des questions qui ont trait au

 10   rapport. Mais tout d'abord, pour des questions administratives, je vais

 11   vous demander de passer en revue d'autres documents qui sont dans le

 12   classeur et que vous avez apparemment utilisés en plus de ce qui vous a été

 13   fourni et ce que vous avez pu consulter dans la liste du bureau du

 14   Procureur. Le 1D 03099, c'est le deuxième document. Si vous voulez bien

 15   nous dire si vous reconnaissez ce document et si tel est le cas, de quoi

 16   s'agit-il et pourquoi ce document est-il pertinent ? Il s'agit du deuxième

 17   document.

 18   R.  1D 030 -- 0399, c'est le document que j'ai.

 19   Q.  C'est exact. 1D 03099.

 20   R.  Oui, j'ai le document.

 21   Q.  Voulez-vous nous dire quel est ce document ?

 22   R.  C'est une publication publiée par l'Institut fédéral des statistiques

 23   de Sarajevo et qui concerne les données suivant les cantons. S'agissant de

 24   chacun des cantons, existent des données statistiques à part, de points de

 25   vue différents. Ce qui m'intéressait en particulier, c'est les données sur

 26   la population et notamment les tableaux représentant l'appartenance

 27   ethnique, donc l'évaluation de l'ensemble de la population répartie par

 28   appartenance ethnique. J'ai utilisé aussi plusieurs publications pour des

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  1   cantons différents, car les municipalités dont traite l'expert de

  2   l'Accusation peuvent se trouver dans des cantons différents.

  3   Q.  -- cherchez de l'obtenir de la part de Mme Ewa Tabeau lorsque vous

  4   étiez ici à La Haye et que vous étiez en train d'examiner ces autres

  5   documents ?

  6   R.  J'ai soumis une requête à vous indiquant ce que je souhaitais consulter

  7   une fois que j'arrivais au département chargé de la démographie et cette

  8   requête contenait ces publications-là aussi. Or, je n'ai pas eu accès à ces

  9   publications-là, donc je suppose qu'ils ne l'avaient pas non plus.

 10   Q.  Le 1D 03100, le document suivant. Voulez-vous, s'il vous plaît, vous

 11   reporter, nous dire si vous le reconnaissez et si tel est le cas, de quoi

 12   s'agit-il et pourquoi est-ce qu'il est important.

 13   R.  Il s'agit d'une publication du ministère des droits de l'homme et des

 14   réfugiés, du secteur chargé des réfugiés de la Bosnie-Herzégovine. Ici,

 15   nous avons des informations concernant la situation en matière du retour

 16   des réfugiés de la Bosnie, des personnes déplacées, et ainsi de suite. Ceci

 17   a été publié en 2004, à Sarajevo.

 18   Q.  S'agit-il d'un document officiel ou non officiel ?

 19   R.  C'est un document officiel.

 20   Q.  Merci. Reportons-nous au prochain document, le 1D 03101. Est-ce que

 21   vous reconnaissez ce document, si tel est le cas, de quoi s'agit-il et

 22   pourquoi était-il significatif ?

 23   R.  L'une des brochures publiées par l'Institut fédéral chargé des

 24   statistiques que j'ai déjà mentionné et qui concerne les cantons en Bosnie-

 25   Herzégovine. Concrètement, il s'agit du canton de la Bosnie centrale. Le

 26   titre est "Le canton de la Bosnie centrale exprimé en chiffres," je l'ai

 27   utilisé en raison du tableau qui présente la population totale suivant

 28   l'appartenance ethnique. Puis, dans ce canton il existe deux municipalités

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  1   -- ou pardon, je me corrige, une municipalité qui a été analysée par

  2   l'expert du bureau du Procureur, il s'agit de Gornji Vakuf.

  3   Q.  Encore une fois, de quoi s'agit-il, s'il vous plaît, dites-le-nous et

  4   pourquoi est-ce qu'il est pertinent.

  5   R.  Il s'agit encore une fois du document public du ministère chargé des

  6   droits de l'homme et des réfugiés. Ceci a été publié à Sarajevo en 2003.

  7   Comme vous pouvez le voir, le titre est "Bulletin 2003" et il s'agit de

  8   données comparatives concernant les réfugiés, les personnes déplacées et

  9   ceux qui sont retournés dans leur foyer.

 10   Q.  Est-ce que vous avez dû vous reporter à ce document-là en particulier ?

 11   R.  Ce document porte sur les réfugiés et les personnes déplacées et

 12   présente les données suivant les municipalités. Puisque les données

 13   concernent le même recensement des réfugiés, dans la base de données existe

 14   aussi dans le département démographique du bureau du Procureur, je

 15   considérais que c'était très important, puisque je pouvais suivre les

 16   données en vertu -- en fonction des municipalités, en fonction des réfugiés

 17   et personnes déplacées et personnes qui sont retournées. Je considère qu'il

 18   s'agit des données officielles qui ont été publiées et qui reflètent la

 19   position de l'état de Bosnie-Herzégovine et de son ministère là-dessus.

 20   Q.  Vous savez si elle fait référence à ce bulletin-là dont vous indiquez

 21   qu'il est officiel et qu'il est pertinent, en particulier pour la période

 22   qui nous intéresse ?

 23   R.  Je n'ai pas remarqué qu'elle le mentionnait nulle part.

 24   Q.  Si nous nous reportons au 1D 03103, est-ce que vous, pouvez s'il vous

 25   plaît, nous dire si vous reconnaissez ce document et si tel est le cas, de

 26   quoi il s'agit et pourquoi il est important ?

 27   R.  Il s'agit de la brochure concernant le canton de la Bosnie centrale --

 28   ou plutôt l'Herzégovine de l'Ouest, exprimé en chiffres. Ceci est important

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  1   encore une fois, car ce document fournit l'évaluation de la population

  2   suivant les groupes ethniques et les municipalités y sont mentionnées, ce

  3   qui était important pour moi, puisque j'ai analysé dans le cadre sur huit

  4   municipalités que le Dr Tabeau a analysées.

  5   Q.  Nous vous avions demandé de nous envoyer un certain nombre de documents

  6   par "Federal Express" à la demande du bureau du Procureur. Est-ce qu'il

  7   s'agit là de certains des documents que le bureau du Procureur demandait à

  8   consulter, ou y avait-il d'autres documents qui n'ont pas de lien avec ceux

  9   que nous avons vus là ?

 10   R.  Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris votre question.

 11   Q.  D'accord.

 12   R.  Si j'ai bien compris votre question --

 13   Q.  Je vais essayer de vous reposer la question pour essayer de gagner du

 14   temps. Avant que vous veniez ici, j'ai fait par demande d'envoyer un

 15   certain nombre de documents par "Federal Express" qui avaient été demandés

 16   par le bureau du Procureur, des documents que vous aviez utilisés et

 17   auxquels vous faisiez référence dans votre rapport. Est-ce que vous vous

 18   souvenez de cela ?

 19   R.  Bien sûr que je m'en souviens. Je résistais à cette demande de votre

 20   part, vous m'avez demandé d'envoyer des documents qui ont été publiés, et

 21   moi, à deux reprises, je vous ai répondu que je ne demande pas à

 22   l'Accusation de m'envoyer des documents qui ont été officiellement publiés.

 23   Mais puisque vous m'avez réprimandée un peu, je vous ai envoyé ces

 24   documents quand même.

 25   Q.  Alors est-ce qu'il y a certains des documents qui avaient été demandés

 26   par le bureau du Procureur, parce qu'on pourrait se dire que si c'était le

 27   cas, ils n'auraient pas fait la demande s'ils en avaient possession.

 28   R.  Je suppose que l'Accusation ne les avait pas, puisqu'ils me demandaient

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  1   à moi de leur envoyer des documents officiellement publiés.

  2   Q.  -- de bien écouter ma question, ma question est extrêmement précise.

  3   S'agit-il des documents ou certains des documents qui ont été demandés ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  D'accord. Merci.

  6   R.  Pas certains des documents, mais tous les documents, il s'agit de tous

  7   les documents requis par le bureau du Procureur, plus les instructions

  8   concernant les "voteurs [phon]," qui n'existent pas ici, mais que j'ai

  9   envoyés au bureau du Procureur aussi puisque j'utilise cela dans mon

 10   rapport.

 11   Q.  -- vous dites les instructions concernant les électeurs, est-ce qu'il

 12   s'agit là de quelque chose qui avait été utilisé pendant les élections et

 13   auquel Ewa Tabeau fait référence ou d'où il découle certaines de ses

 14   statistiques ? Est-ce qu'il s'agit de ces élections-là ?

 15   R.  Nous parlons des instructions données aux fins d'enregistrement des

 16   électeurs en 1997.

 17   Q.  D'accord.

 18   R.  Le Dr Tabeau dispose d'une liste des électeurs enregistrés. Mais je ne

 19   sais pas si elle dispose des instructions.

 20   Q.  Très bien. Alors dans votre domaine de travail, est-ce que ç'aurait été

 21   utile pour le Dr Tabeau, ces éléments démographiques auraient été utiles,

 22   ces informations, puisqu'ils ont utilisé ce processus d'enregistrement ?

 23   Mme WEST : [interprétation] Objection.

 24   M. KARNAVAS : [aucune interprétation] 

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame West.

 26   Mme WEST : [interprétation] Merci. Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour

 27   à tous. La question posée par M. Karnavas suggère la réponse.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Il s'agit d'un expert. La question c'est de

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  1   savoir si un expert se fierait à ce type d'information. Si la réponse est

  2   oui, cela pose la question à un autre moment comment est-il possible que le

  3   Dr Tabeau et le bureau OTP aient utilisé ces statistiques pendant toutes

  4   ces années sans donner les instructions, et pourquoi est-ce que Karnavas et

  5   ses experts aujourd'hui en 2008 doivent-ils donner ces informations. Si la

  6   réponse est non, je peux passer à autre chose bien que si ce n'était pas

  7   pertinent, pourquoi est-ce qu'ils auraient demandé cela ?

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Madame l'Expert, vous pouvez répondre ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît,

 10   répéter votre question. Je l'ai perdue de vue.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation]

 12   Q.  La question c'est : ces instructions, est-ce que ce sont les documents

 13   qui seraient pertinents pour un démographe tel que Mme Tabeau, en

 14   particulier puisqu'elle fait référence aux résultats des élections, ces

 15   élections dans plusieurs rapports concernant plusieurs années ?

 16   R.  Oui. Toutes les instructions font partie en réalité de l'explication

 17   d'une partie de la méthodologie. Ces instructions-là montrent la manière

 18   dont on recueillait et enregistrait les électeurs.

 19   Q.  Fort bien.

 20   R.  Il est indiqué quelles sont les personnes qui peuvent participer, de

 21   quelle façon elles peuvent être enregistrées, où cela se fait, de quelle

 22   façon l'on détermine l'endroit d'enregistrement et ainsi de suite.

 23   Q.  Très bien. Est-ce que je peux vous demander de regarder très rapidement

 24   -- jeter un coup d'œil aux deux documents qui suivent, qui sont le P 09836

 25   et le P 09837. Il s'agit des deux derniers documents qui figurent dans

 26   votre classeur, et je voudrais vous poser une question : est-ce que ce sont

 27   les rapports préparés par Ewa Tabeau que vous avez étudiés, que vous avez

 28   analysés et sur la base desquels vous avez rédigé votre rapport ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Fort bien. Avant de parler de ces rapports, est-ce que vous voulez très

  3   rapidement, reconnaissant le fait que le domaine de la démographie est

  4   extrêmement complexe et que vous êtes vous-même professeur - donc nous

  5   souhaitons obtenir, s'il vous plaît, une réponse concise, pas quelque chose

  6   de trop compliqué - voulez-vous, s'il vous plaît, nous parler un petit peu

  7   de la démographie, nous dire ce qu'est la démographie et que sont les

  8   outils utilisés par un démographe lorsqu'il fait son travail ?

  9   R.  Un démographe doit disposer de bonnes sources de données, puis il doit

 10   savoir procéder à la répartition et au calcul des indicateurs pertinents

 11   sur le plan de la statistique et de la démographie d'après ces sources-là,

 12   puis il doit procéder à l'analyse et aux conclusions. Mais les instruments

 13   utilisés, c'est la méthodologie.

 14   Q.  Bien. Avant que de parler de méthodologie - et je vais essayer de ne

 15   pas poser des questions à tiroirs, en particulier parce que ça peut être

 16   très long et que vous pourriez ne répondre qu'à une partie de la question -

 17   en quoi consiste la démographie avant tout ?

 18   R.  Au plus bref, la démographie est une science sur la population qui se

 19   penche sur la taille, la structure, les déplacements naturels et

 20   géographiques de la population. Il s'agit d'une science multidisciplinaire

 21   compte tenu du fait qu'elle utilise, mis à part ses propres méthodes, les

 22   méthodes de bien d'autres sciences semblables, tout comme elle met à la

 23   disposition des autres sciences ses propres conclusions et résultats.

 24   Q.  Bien. Alors nous pourrions maintenant peut-être parler -- vous avez

 25   parlé de méthodologie. Qu'entendez-vous par méthodologie, vous avez

 26   identifié les termes et nous allons les utiliser pendant l'après-midi, donc

 27   c'est important d'avoir des définitions.

 28   R.  La méthodologie c'est un système complexe des procédés qu'il est

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  1   nécessaire d'appliquer si l'on souhaite explorer un phénomène au sein de la

  2   population et, bien sûr, dans d'autres sciences aussi. Ce système complexe

  3   de procédés, s'agissant de la démographie, peut être réparti en termes

  4   généraux en trois procédés.

  5   Le premier pas concerne le choix des sources de données. Ce premier pas est

  6   le plus important, car si vous ne faites pas le bon choix, la bonne

  7   sélection et la bonne évaluation des sources de données, vous pouvez être

  8   parfait en matière de la méthodologie, en matière de la technique

  9   statistique et démographique, tous les autres pas, si ce premier pas n'a

 10   pas été bien choisi, tous les autres pas deviennent insensés.

 11   Le deuxième pas consiste justement à tirer les données de ces sources de

 12   données. Ensuite, les regrouper suivant certains critères que vous

 13   souhaitez étudier, ensuite l'on procède aux calculs afin d'obtenir des

 14   indices statistiques et démographiques sur la base desquels, par la suite,

 15   vous tirez les conclusions statistiques et démographiques, qui elles,

 16   feront partie de l'analyse que vous effectuez. En analysant, vous êtes en

 17   train de terminer et faire vos commentaires sur un certain nombre de

 18   phénomènes. Dans la mesure du possible, vous essayez d'appliquer le

 19   principe du lien de cause à effet pour déterminer les causes et les effets.

 20   Q.  Alors ces trois grandes étapes générales que vous venez de nous décrire

 21   et dont vous dites qu'elles font partie du processus de la méthodologie en

 22   démographie sont-elles là des mesures qui sont reconnues dans le domaine de

 23   la démographie ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Bien. Alors si vous pouvez reprendre le premier, le numéro un, je vous

 26   demanderai à nouveau d'être tout à fait concrète et très concise. Vous

 27   indiquez des sources et vous dites que les sources sont très importantes.

 28   Qu'entendez-vous par sources ? Est-ce que vous pouvez nous en donner des

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  1   exemples, une définition et un exemple, s'il vous plaît ?

  2   R.  Les sources de données, c'est ce que le démographe utilise, car c'est

  3   sa base principale qui est son point de départ pour qu'il puisse arriver

  4   aux résultats. La source de données n'est pas quelque chose que le

  5   démographe crée. Mais le plus souvent, il sait où se trouvent les

  6   meilleures sources de données concernant la population. D'abord les

  7   statistiques de la population, ensuite les recensements de population et

  8   migratoires, puis d'autres documents et publications démographiques. Donc

  9   le démographe devrait savoir évaluer et apprécier la source de données

 10   qu'il obtient et qu'il utilise.

 11   Q.  Est-ce que vous voulez bien nous donner un exemple de source ? Dans ce

 12   cas précis, quel est le type de sources qui ont été utilisées par Mme Ewa

 13   Tabeau ?

 14   R.  Le Dr Tabeau utilise le recensement de la population de 1991 effectué

 15   en Bosnie-Herzégovine. Ensuite, les listes des électeurs de 1997 et 1998,

 16   puis aussi la liste de données concernant les personnes déplacées et les

 17   réfugiés.

 18   Q.  Bien. Alors nous en reparlerons dans le détail, mais je voudrais

 19   d'abord passer par les étapes que vous nous avez tellement bien données. Si

 20   j'ai bien compris - et je pense que vous avez dit cela pour la première

 21   étape, vous avez aussi parlé de "clé" - est-ce que vous voulez bien nous

 22   expliquer ce que vous entendez par cela ?

 23   R.  Il s'agit là de la manière dont l'expert du bureau du Procureur, sur la

 24   base de trois sources qui ne correspondent pas les unes aux autres sur les

 25   plans géographique et temporaire, résout les problèmes qu'elles

 26   confrontent. Il s'agit là d'une clé méthodologique, si c'est de cela que

 27   vous parlez. Mais peut-être j'ai dit que le point principal dans la

 28   méthodologie c'était la bonne sélection et l'évaluation et l'appréciation

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  1   des sources de données. C'est ça la clé, puisque si les données sont

  2   mauvaises et si les sources sont mauvaises, même si vous êtes un grand

  3   expert, vous n'arriverez pas à de bons résultats. Dans ce sens-là, c'est la

  4   clé. Mais souvent, on utilise le mot-clé dans la démographie et la

  5   statistique, donc il peut y avoir d'autres clés aussi.

  6   Q.  Bien. Alors si vous voulez bien vous reporter à l'étape suivante. Vous

  7   avez parlé du regroupement et de l'extraction des données. Comment est-ce

  8   que cela est-il fait ? Est-ce que vous voulez bien nous donner une brève

  9   description ?

 10   R.  Techniquement parlant, tous les statisticiens ou démographiques,

 11   lorsqu'il est question d'extraire des données, ça veut dire que vous avez

 12   une source de données qui vous sert tout d'abord à obtenir le nombre total

 13   de quelque chose, ensuite vous souhaitez faire faire des répartitions de

 14   certaines données, puis procéder à certains calculs sur la base de cela.

 15   Vous pouvez le faire à base de chaque source séparément, et c'est ce qui

 16   est fait si les sources ne correspondent pas les unes aux autres. Or ici,

 17   un autre principe a été utilisé. Ici, les sources ne correspondaient pas

 18   les unes aux autres, les sources de données --

 19   Q.  D'accord.

 20   R.  -- et l'on a utilisé une méthode reconnue en matière de la statistique

 21   et aussi dans la vie courante. On a essayé de faire en sorte que des trois

 22   sources de données l'on extrait et regroupe les données en tant que

 23   résultat, en tant que produit, si vous voulez, de la combinaison de ces

 24   trois sources de données.

 25   Q.  Nous entrerons dans les détails des rapports. Pour l'instant, je veux

 26   avoir une idée générale de manière à avoir une base. Lorsque nous passerons

 27   aux rapports, nous comprendrons les choses plus précisément.

 28   Vous avez utilisé le terme de "corrélation," est-ce que vous voulez nous

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  1   expliquer ce que vous entendez par cela.

  2   R.  La méthode de la comparaison ou de l'identification est une méthode

  3   connue qui est utilisée non pas seulement en matière de la statistique de

  4   démographie, mais dans bien d'autres sciences et aussi dans la vie courante

  5   ou pratique. Cette méthode sous-entend que par le biais des sources

  6   différentes de données, vous pouvez effectuer l'identification d'une unité

  7   statistique. Dans notre cas, il s'agit d'une personne. Ce qui est très

  8   important pour la méthode comparative est de connaître la clé de la

  9   comparaison. C'est quoi la clé ? La clé de la correspondance, c'est toute

 10   une série des éléments qui nous permettent d'identifier sur la base d'une

 11   source une personne mentionnée dans une autre source. Par exemple, le

 12   numéro personnel unique des citoyens, c'est une excellente clé de

 13   correspondance lorsqu'elle est exacte. C'est une très bonne clé, car elle

 14   ne peut jamais être répétée, et le numéro ID car il s'agit du numéro

 15   unique, puis il contient certains éléments qui nous garantissent si la

 16   correspondance existe que vraiment vous allez tomber sur exactement la même

 17   personne.

 18   Cette clé-là, donc le numéro unique de citoyens contient 13 éléments.

 19   Les sept premiers éléments, ce sont les chiffres qui indiquent la date, le

 20   mois et l'année de la naissance. Les deux chiffres qui suivent indiquent

 21   l'Etat, ou plutôt, la république, et la région dans laquelle ce numéro

 22   unique a été rendu public. Ensuite, les deux chiffres qui viennent

 23   indiquent le sexe de la personne, s'il s'agit d'une femme ou d'un homme,

 24   puis les deux derniers chiffres, c'est le numéro de contrôle qui empêche

 25   toute duplication et évite qu'une personne puisse avoir deux numéros, ou

 26   que plusieurs personnes puissent avoir un seul numéro.

 27   Donc cette clé de correspondance est, comme je vous l'ai déjà dit, la

 28   plus précise possible. Mais les sources utilisées par l'expert du bureau du

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  1   Procureur n'ont pas cette clé-là. Cela dit, il existe les numéros

  2   d'immatriculation, et dans les recensements et dans les listes des

  3   électeurs, mais ils ne sont pas complets et beaucoup d'erreurs ont été

  4   remarquées, plus de 40 % même.

  5   Q.  Encore une fois, je dois vous demander de faire particulièrement

  6   attention. Nous allons y venir, mais je souhaite poser le fondement.

  7   Alors, abordons la troisième étape, qui est celle de l'analyse. Vous avez

  8   indiqué qu'on tente de tirer des conclusions et d'établir des faits.

  9   Pourriez-vous nous expliquer ceci un petit peu, s'il vous plaît, et établir

 10   les liens de cause et effet ?

 11   R.  L'analyse, ça vient en guise de corollaire de l'expertise, parce que

 12   cela permet de tirer des conclusions. Cela nous fait tirer donc la

 13   conclusion de ce qui s'est passé. On établit le lien entre les causes et

 14   effets, et ça explique ce qui a été fait. Mais cette analyse, pour qu'elle

 15   soit bonne, elle doit comporter des tableaux analytiques.

 16   Q.  Vous n'avez pas terminé. Allez-y, terminez.

 17   R.  Alors, ces tableaux analytiques, il n'y en a pratiquement pas dans le

 18   rapport du Dr Tabeau. Ceci illustre la pauvreté des sources utilisées.

 19   Q.  Très bien. Alors, parlons un petit peu de ces rapports. Je ne vais pas

 20   les aborder dans le détail, mais le premier rapport, par exemple, --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Une question.

 22   M. LE JUGE MINDUA : Maître Karnavas, excusez-moi. Il y a quelque chose de

 23   très important là.

 24   Madame le Professeur, vous avez dit évidemment que pour faire les

 25   correspondances d'où s'étaient tirées les conclusions, il faut disposer de

 26   bonnes sources; dans les sources où nous avons le "ID numbers," J'ai

 27   entendu cela en anglais, mais je ne sais pas comment on l'a traduit en

 28   français. Vous dites que les "ID numbers" que le Procureur a utilisés,

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  1   l'expert du Procureur, étaient faux, et les vôtres sont justes. C'est ça

  2   que j'ai compris. Vous pouvez confirmer ça ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai peut-être pas bien expliqué, ou peut-

  4   être n'avez-vous pas bien compris pour cette raison-là. L'expert de

  5   l'Accusation ne mentionne à aucun endroit l'utilisation de ce qu'on appelle

  6   le numéro unique d'immatriculation du citoyen, le JMBG. Je ne m'en suis pas

  7   servi non plus. J'ai dit tout simplement que c'était la façon, la clé

  8   d'identification la meilleure possible. Mais le problème de la source est

  9   celui de la source visée par l'expert de l'Accusation, parce qu'il y a un

 10   grand nombre d'erreurs au niveau de ces JMBG, de ces numéros uniques

 11   d'immatriculation de citoyens. Le taux d'erreur tourne autour de

 12   40 %.

 13   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame l'expert, si je comprends bien, dans l'ex-

 15   Yougoslavie chaque citoyen avait un numéro d'immatriculation, ce que vous

 16   appelez le JMBG. Et si je comprends bien, c'est une source qu'il faut

 17   examiner quand on s'intéresse aux problèmes démographiques. Je crois

 18   comprendre que Mme Tabeau ne les a pas utilisés; est-ce exact ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas bien expliqué. Le fait est que

 20   chaque citoyen de l'ex-Yougoslavie s'est vu attribuer un numéro de

 21   matricule unique de citoyen, parce que dans les années 1980 il y a eu une

 22   loi de promulguée portant sur ce numéro unique d'immatriculation de

 23   citoyen. Ce JMBG est pour la première fois utilisé lors du recensement de

 24   1991. L'idée était la suivante : l'ex-Yougoslavie était censée faire un

 25   registre de sa population. Cependant, ce numéro de citoyen n'a pas été

 26   établi de façon à illustrer la qualité des renseignements. Dans 40 % des

 27   sites, des agglomérations, villages ou hameaux, les citoyens n'ont pas

 28   fourni leurs JMBG. Cela fait que dans les renseignements, les données du

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  1   recensement n'englobent pas le JMBG pour tous les citoyens, et on ne

  2   considère pas que cela soit une donnée véritable. Ça n'a pas été utilisé,

  3   et ça n'a pas non plus été contrôlé en tant que tel.

  4   Lorsque j'ai parlé de cette méthode de correspondance, j'ai essayé

  5   d'expliquer que si les JMBG étaient bien utilisés et bons, la méthode de

  6   correspondance garantirait la fiabilité des données s'agissant des sources

  7   qui avaient disposé des JMBG bons et exacts. Alors, les sources utilisées

  8   pour l'analyse ne disposent pas d'une qualité satisfaisante d'utilisation

  9   des JMBG.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, en 1991, quand il y a le

 11   recensement, les autorités distribuent, je présume, un document à toutes

 12   les personnes, et ce document doit avoir normalement le numéro JMBG. Le

 13   citoyen remet au service qui procède au recensement le document complet, et

 14   si je comprends ce que vous dites, 40 % des personnes auraient mal rempli

 15   ce document, ou ne l'auraient pas remis; est-ce bien cela ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Le numéro unique d'immatriculation du

 17   citoyen est attribué à chaque enfant né après 1980. Chaque enfant se voit

 18   attribuer avec son extrait de naissance ce numéro d'immatriculation de

 19   citoyen. Pour toute la population née avant 1980, donc avant la mise en

 20   place de ce JMBG, on ne pouvait pas obtenir un document tel que carte

 21   d'identité ou passeport si auparavant on n'allait pas à la police pour se

 22   faire attribuer ce JMBG.

 23   La statistique en 1991 voulait entamer des préparatifs pour la mise en

 24   place d'un grand registre de la population. Les préparatifs liés à ce

 25   registre de la population fourniraient à la population l'opportunité de

 26   fournir les JMBG, et cela aurait fait faire ce qui n'était pas fait dans

 27   les recensements. Par exemple, le recenseur, parce que je précise que le

 28   recensement sur le territoire de l'ex-Yougoslavie était fait suivant une

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  1   méthodologie d'interview. Je venais, par exemple, chez vous, à domicile, en

  2   ma qualité de recenseur formé, connaissant la méthodologie à utiliser. Je

  3   vous demande vos renseignements et je vous demande si vous avez un JMBG.

  4   Voulez-vous bien me donner votre carte d'identité afin que je copie votre

  5   JMBG ? C'est le recenseur donc qui est censé le noter. Par exemple, bon

  6   nombre de citoyens ne voulaient pas donner ce JMBG. Je ne suis pas, en ma

  7   qualité de citoyen, tenu de vous le donner. Je ne peux vous donner rien que

  8   les sept premiers chiffres qui sont, en fait, ma date de naissance.

  9   Certains citoyens ont voulu le donner, ce JMBG; d'autres non. Et lorsque la

 10   personne chargée du recensement venait, bien, ils n'étaient pas là. Donc

 11   ils ne pouvaient pas leur donner le JMBG. Certaines personnes chargées du

 12   recensement n'avaient pas été consciencieuses et avaient fait des erreurs

 13   au niveau de la notation des numéros.

 14   Vous aviez une Loi portant sur le recensement disant qu'il fallait préciser

 15   telle, telle, telle chose, et la population est censée collaborer.

 16   Mais lorsque l'on a recueilli toutes les données concernant le recensement,

 17   on a constaté au niveau des statistiques que les JMBG étaient collectés

 18   dans 50 à 60 % des cas à titre complet - à part entière, je veux dire. Donc

 19   les autres manquaient les -- ou dans les autres, il manquait les six

 20   derniers chiffres, ou alors ils étaient là mais ils étaient erronés.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation]

 24   Q.  Alors, étant donné que nous parlons du recensement -- nous avons avancé

 25   rapidement, je crois - dans un recensement, il y a également des noms,

 26   n'est-ce pas ? Donc on a listé les noms. Je veux parler du recensement en

 27   Bosnie-Herzégovine en 1991.

 28   R.  On prend les noms, mais jamais on n'a consigné cela jusqu'en 1991. Et

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  1   ça a été le cas dans certaines républiques, notamment.

  2   Q.  Savez-vous pourquoi ceci a été fait en Bosnie-Herzégovine, par exemple

  3   ?

  4   R.  Je pense que c'est parce que l'on avait fait passer les documents au

  5   scanner. Parce que la méthodologie de consignation des données a évolué

  6   avec la technologie, la technique utilisée. Donc on a pris les documents et

  7   on les a passés au scanner, et on voyait donc le nom et le prénom tout de

  8   suite. La Serbie, elle, faisait autrement. Par exemple, on ne faisait faire

  9   inscrire que les numéros. Il n'y avait pas, par exemple, le nom et prénom

 10   jusqu'à 1991 dans certaines républiques. On n'a jamais utilisé des bandes

 11   magnétiques. Ça existait au niveau des questionnaires, mais jamais on n'a

 12   pensé que c'était une donnée liée au recensement, et ça n'en est pas une,

 13   en réalité.

 14   Q.  Très bien. Etant donné que nous parlions des sources, à ce stade, je

 15   souhaite parler des deux autres sources sur lesquelles vous vous êtes

 16   reposée pour la première étude. Donc, votre première source était la liste

 17   électorale. Alors, pourriez-vous nous parler de ceci des les grandes lignes

 18   ? Pourriez-vous nous dire si ceci est un élément fiable ?

 19   R.  Toutes les sources utilisées par l'expert de l'Accusation sont

 20   méthodologiquement non conformes, parce qu'on recueille, par exemple, les

 21   données au sujet de la population; on sait quel est le moment où ça se fait

 22   et on sait quelle est la modalité. J'essaie d'y arriver. Vous avez des

 23   listes électorales, et là, il y a une méthodologie de recensement des

 24   données différente. En quoi cela consiste ? Chaque citoyen majeur se

 25   présente de son plein gré pour voter ou pour ne pas voter. Ce faisant, il

 26   fournit des renseignements personnels, il donne son nom, son prénom. Il

 27   pouvait dire où est-ce qu'il résidait jusqu'en 1991, et il pouvait parler

 28   de l'endroit où il voulait voter. Il pouvait donc se déclarer soi-même ou

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  1   il pouvait être déclaré par quelqu'un d'autre. Ils pouvaient même voter in

  2   absentia.

  3   Le nombre d'électeurs inscrits n'est pas une source de renseignements,

  4   d'après ce que j'en sais, à avoir été utilisée dans des recherches

  5   scientifiques et professionnelles, parce que c'était estimé non fiable, non

  6   pas seulement pour ce qui est du volume de citoyens, mais vous pouvez avoir

  7   dans ces renseignements soit ceci, soit cela. Et dès que vous avez soit

  8   ceci, soit cela, ce n'est pas fiable. Donc je n'ai jamais ouï-dire que dans

  9   des recherches professionnelles et d'experts, on ait utilisé comme source

 10   fiable les listes électorales.

 11   Q.  Qu'en est-il de la troisième source ?

 12   R.  La troisième liste a été faite par l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Ça

 13   pourrait être utilisé comme une source officielle de renseignements. Il y a

 14   un certain nombre d'erreurs, les erreurs pullulent, dirais-je, mais il y a

 15   une lacune fondamentale. Pour deux tiers des personnes déplacées, il n'y a

 16   pas les renseignements individuels. C'est ce qui est utilisé par le Dr

 17   Tabeau. On ne sait que qui est la tête de la famille. Les deux tiers des

 18   personnes, parce qu'on sait qui est la tête de la famille et on sait qui

 19   sont les membres de sa famille.

 20   Donc ça a été recueilli comme information entre 1996 et 1998. Cela a été

 21   recueilli par les autorités locales, puis ça a été confié à des endroits

 22   déterminés et on n'a mis cela dans des ordinateurs, d'après ce que j'en

 23   sais, qu'en 2004.

 24   M. LE JUGE MINDUA : Maître Karnavas, une minute, parce que je crois qu'on a

 25   un problème, là.

 26   A la page 29, ligne 25, le transcript en anglais, c'est

 27   marqué : "Registers of voters are not a source of data." Alors en français,

 28   dans la traduction que j'ai eue, un moment donné, c'était : "Les listes

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  1   électorales ne sont pas une source," et après il y a eu une autre

  2   traduction.

  3   Nous allons nous mettre d'accord sur quoi ? Je m'adresse, je crois, aux

  4   interprètes en français. Quelle est la vraie traduction ?

  5   Oui, les listes électorales. Donc c'est bien ça, Madame le Professeur

  6   : "Les listes électorales ne sont pas une source fiable" ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Les enregistrements au niveau de ces listes,

  8   c'est cela.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, la difficulté que j'ai - c'est peut-être la

 10   même pour mes collègues - c'est que nous, en tant que Juges, on a été

 11   recensés dans notre pays et on figure sur des listes électorales. Donc si

 12   on applique notre propre système, on est très étonnés par ce que vous

 13   dites. Alors, il serait peut-être utile que vous nous donniez des points de

 14   comparaison en nous disant, par exemple, enfin, si vous le savez, qu'en

 15   Allemagne la liste électorale, elle est constituée de telle façon, par

 16   contre dans l'ex-Yougoslavie, c'était pas comme ça, pour qu'on comprenne

 17   mieux les différences.

 18   Car la difficulté que nous avons, c'est qu'en lisant le rapport de l'expert

 19   du bureau du Procureur, on le lit au travers du prisme que nous avons,

 20   nous, des recensements et des listes électorales. Et voilà que maintenant,

 21   vous, en tant qu'expert de la Défense, vous nous dites que tout ça n'a

 22   aucun intérêt parce qu'il y a des erreurs, rien n'est fiable. Alors c'est

 23   très bien et vous avez peut-être raison, mais ce que nous aimerions c'est

 24   que vous nous donniez des exemples très précis.

 25   En quoi, par exemple, une liste électorale à Gornji Vakuf n'est pas

 26   un instrument suffisant pour faire un examen démographique de la population

 27   ? Est-ce à dire que la municipalité tenait ces listes sur la base du

 28   volontariat, que les personnes n'étaient pas obligées de s'inscrire, et

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  1   cetera, et cetera ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela. Il n'y a pas d'obligation de se

  3   faire figurer sur une liste. La liste électorale, c'est votre bonne

  4   volonté, donc vous voulez y figurer ou pas. Ça c'est d'un. Pour autant que

  5   je le sache, partout dans le monde - mais je ne peux pas affirmer que je

  6   connais la totalité des cas dans le monde - mais je n'ai jamais vu nulle

  7   part qu'il y ait eu des recherches scientifiques ou des recherches faites

  8   par des experts se référant à des données obtenues dans des listes

  9   électorales. Ce qui est tout à fait possible, c'est que partant des

 10   renseignements liés au recensement de la population, on aille évaluer qui

 11   sont les électeurs possibles pour telle et telle année. Mais faire

 12   l'inverse, à savoir prendre la liste électorale et évaluer le nombre

 13   d'habitants, ça je ne l'ai pas entendu dire et parler partant de là de

 14   structure de la population, encore moins lorsqu'il s'agit de recherches

 15   d'experts ou de recherches scientifiques. Alors s'il y a eu des recherches

 16   faites par des profanes ou des amateurs, moi, je ne le sais pas.

 17   Pour ce qui est de ces listes électorales, lorsque nous parlons

 18   desdites analyses, il y a une lacune fondamentale encore. Etant donné la

 19   méthodologie utilisée par la Dr Tabeau, je dirais qu'il n'y a pas de

 20   données relatives au nom du père et de données au niveau de l'appartenance

 21   ethnique. Alors comment peut-on considérer ces données comme étant des

 22   données comparatives pour procéder à des recherches et faire des calculs au

 23   niveau des structures ethniques, et comment voulez-vous que ce soit une

 24   source fiable pour identifier une personne concrète partant rien que de son

 25   nom et prénom ?

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, concernant les listes

 27   électorales, dans la mesure où il n'y avait aucune obligation légale d'être

 28   inscrit sur les listes électorales dans l'ex-Yougoslavie, ne s'inscrivaient

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  1   que ceux qui voulaient bien, et que si on fait des études à partir de ces

  2   listes électorales, il y a un risque d'erreur important. C'est votre

  3   conclusion ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait. Il n'y a pas de fondement

  5   juridique ou d'obligation pour ce qui est d'aller vous présenter. Dans

  6   certains Etats, c'est obligatoire, par exemple, la Grèce. Mais sur le

  7   territoire de l'ex-Yougoslavie, jusqu'à il y a quelques années peut-être,

  8   et en tout état de cause, en 1997 et en 1998, je sais pour sûr que ça

  9   n'existait pas. Les listes électorales, elles étaient créées partant du bon

 10   vouloir des individus.

 11   Même de nos jours, en Serbie, c'est cette affaire de bon vouloir de

 12   chaque individu. Je pense que c'est pareil dans les autres républiques.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est important ce que vous venez de dire.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation]

 15   Q.  Je vais maintenant poser une question de suivi étant donné que vous

 16   avez parlé de la Grèce. En général, en Grèce, on s'inscrit là où on est né.

 17   Quelle était la procédure en ex-Yougoslavie pour ce qui est de

 18   l'enregistrement ? Où est-ce qu'on s'enregistrait ?

 19   Mme WEST : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. J'entends

 20   bien et j'apprécie le fait que l'on fasse référence à la Grèce. Je souhaite

 21   que nous nous en tenions aux faits qui concernent le témoin et que cela ne

 22   s'applique pas au conseil lui-même.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais reprendre. 

 24   Q.  Savez-vous comment on enregistrait les personnes en ex-Yougoslavie ?

 25   Est-ce qu'il fallait s'enregistrer à un endroit donné, et si oui, où ?

 26   R.  Vous parlez d'électeurs ?

 27   Q.  Oui.

 28   R.  A la veille des élections, pendant un certain temps, on fait savoir que

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  1   vous pouvez aller dans votre municipalité pour vérifier si vous figurez bel

  2   et bien sur la liste électorale. Ces listes électorales ont été créées à

  3   une année donnée, donc vous n'avez pas obligation de le faire. Si vous

  4   voulez, vous pouvez aller vérifier, ou si par hasard vous n'avez pas

  5   retrouvé votre nom, vous pouvez aller vous réclamer. Mais il y a des

  6   organisations locales qui déclarent leur population, et c'est notamment à

  7   cette fin que les recensements de la population sont utilisés.

  8   On voit quelle est la population recensée et on estime quel peut être

  9   le nombre d'électeurs. Mais il n'y a pas de fondement juridique pour faire

 10   en sorte que quelqu'un, du fait d'être né là, soit électeur dans cette

 11   localité, la même où il est né.

 12   Q.  Est-ce qu'il y avait des exigences particulières ? Est-ce qu'il fallait

 13   habiter à un endroit donné à un moment donné ?

 14    R.  Si vous parlez de la Bosnie-Herzégovine.

 15   Q.  Oui, on parle de Bosnie.

 16   R.  Alors si vous parlez des années 1997 et 1998, il n'existait pas de

 17   demande. Mais il y avait une recommandation de l'OSCE qui disait que ce

 18   serait une bonne chose que d'aller dire où est-ce que vous avez résidé en

 19   1991. Vous pouvez déclarer votre lieu de résidence à présent, soit pour ce

 20   qui est de l'année 1991, soit pour l'année courante si vous avez quitté,

 21   par exemple, votre lieu de résidence initial avant avril 1991 [comme

 22   interprété], ou alors vous pouvez vous déclarer dans la nouvelle

 23   municipalité où vous résidez à présent, ou alors là où vous avez résidé en

 24   1991, voire dans la nouvelle municipalité. Mais si cette municipalité a été

 25   scindée en deux, il faudrait préciser laquelle des deux est la vôtre.

 26   Donc vous pouviez choisir votre lieu d'enregistrement. Vous pouviez

 27   vous enregistrer pour être électeur dans un endroit où vous ne résidiez pas

 28   du tout.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous me permettez. Madame

  2   Radovanovic, est-ce qu'on pouvait s'inscrire à plusieurs endroits à la fois

  3   ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Là, je ne saurais pas vous donner une réponse,

  5   parce que je ne sais pas quel type de contrôle avait été installé. Par

  6   exemple, s'inscrire à Mostar et à Sarajevo en même temps, je ne sais pas si

  7   c'était faisable, je ne sais pas quel était le type de contrôle mis en

  8   place.

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Peut-être --

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, je vais prendre un cas concret. Imaginons un

 12   Serbe né à Gornji Vakuf issu d'un couple mixte. Le père est Serbe et la

 13   mère Croate, par exemple. A l'âge de 20 ans, cet homme va travailler à

 14   Mostar et il va y avoir des élections. Est-ce qu'il peut s'inscrire à

 15   Mostar ou doit-il s'inscrire à Gornji Vakuf ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Il peut s'inscrire à Mostar. En 1997, 1998,

 17   l'OSCE a réceptionné ces inscriptions d'électeurs. Par exemple, je pouvais

 18   aller dans un bureau électoral et dire, "Je veux me présenter ici." Il y

 19   avait possibilité de fournie. Alors on vous demande où étiez-vous en 1991,

 20   puis on vous demande pourquoi voulez-vous vous inscrire justement ici. Vous

 21   pouvez, par exemple, répondre, "Parce qu'en avril 1991, j'ai quitté mon

 22   lieu d'origine et je suis ici depuis un an," ou alors, "Papa et maman ont

 23   déménagé et moi, je veux aussi m'installer à Mostar."

 24   Donc on essayait de former ces listes avec un recensement de la

 25   population et d'établir des listes électorales tout à fait nouvelles qui

 26   constitueraient une image de la situation au moment même. Mais il y avait

 27   aussi possibilité de se déclarer pour des personnes qui étaient soit en

 28   Bosnie, soit ne l'étaient pas, qui étaient, par exemple, à l'étranger.

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  1   Je connais en personne des personnes originaires de la Bosnie-

  2   Herzégovine qui se trouvent être citoyens de Serbie mais qui se déclaraient

  3   pour participer aux élections en Bosnie dans leur municipalité d'origine où

  4   il y avait encore leurs parents.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Je prends le dernier exemple avant la pause.

  6   Imaginons quelqu'un qui est né à Prozor et qui, à l'âge de 20 ans, part

  7   travailler en Allemagne, à Frankfort. Mais pendant les vacances, il vient

  8   voir ses parents à Prozor qui sont restés à Prozor. Ces parents lui disent,

  9   "Il va y avoir des élections, ça serait bien que tu votes pour X parce que

 10   nous on l'aime bien."

 11   Dans ce cas, est-ce qu'il pouvait, lui, s'inscrire sur la liste

 12   électorale à Prozor ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ses parents peuvent aller dans leur unité

 14   électorale et dire, "Notre fils est à l'étranger, mais il est citoyen de la

 15   Bosnie-Herzégovine et il a le droit de se présenter aux élections." Donc

 16   ils demandent que cette personne soit enregistrée dans la liste électorale.

 17   Tous les citoyens de la Bosnie-Herzégovine, et peu importe s'ils

 18   n'avaient jamais été enregistrés ou pas auparavant, avaient le droit de

 19   s'inscrire pour participer aux élections.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : -- parce que là vous venez de dire, comme il est

 21   citoyen, mais ce garçon est à Frankfort et il s'est marié avec une

 22   Allemande et il a acquis la nationalité allemande par le lien du mariage et

 23   la durée de séjour en Allemagne. Imaginons qu'il a également un passeport

 24   allemand, mais il revient aussi en Bosnie parce qu'il a ses attaches

 25   familiales. Peut-il s'inscrire sur la liste électorale ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il peut obtenir tous les documents de

 27   l'Etat de Bosnie-Herzégovine, y compris la carte d'identité, le passeport,

 28   et ainsi de suite. La seule condition serait qu'il ne soumette pas

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  1   l'information indiquant qu'il est citoyen de l'Allemagne.

  2   Car en ex-Yougoslavie, il n'était pas possible de renoncer à la

  3   nationalité pour devenir citoyen d'un autre Etat. Puis il n'y avait pas de

  4   dispositions concernant la citoyenneté double, donc le citoyen d'un Etat

  5   pouvait devenir citoyen d'un autre Etat. Si pour devenir citoyen allemand

  6   il n'est pas nécessaire que la personne présente qu'il avait renoncé à sa

  7   citoyenneté de base, il peut avoir une double nationalité. Moi, par

  8   exemple, j'ai une petite-fille qui est à la fois citoyenne de la Serbie et

  9   de la Grèce.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Deux corrections. Une à la page 36,

 11   ligne 1. L'exemple qui a été donné c'est que l'ami est un citoyen de la

 12   Serbie, mais avait voté en Bosnie-Herzégovine. Elle peut me corriger si

 13   j'ai tort.

 14   A la ligne 27, elle indique que l'on peut être citoyen de l'Allemagne

 15   à partir du moment où on ne dit pas à la Bosnie qu'ils sont citoyens

 16   d'Allemagne, et à ce moment-là, ils peuvent encore voter.

 17   Q.  Mais peut-être que Madame le Témoin pourra confirmer cela.

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Il y a deux questions.

 20   R.  Peut-être que je voudrais --

 21   Q.  Nous souhaitons être sûrs.

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Votre ami est un citoyen de Serbie, mais a voté en Bosnie-Herzégovine ?

 24   R.  En 1997 -- 1998, cette personne a voté en Bosnie-Herzégovine.

 25   Q.  Alors nous essayons d'être précis pour le compte rendu, voilà pourquoi.

 26   Deuxièmement -- peut-être qu'il y a une erreur de traduction parce que

 27   peut-être vous êtes un petit peu rapide.

 28   Quelqu'un peut être un citoyen et posséder la nationalité allemande,

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  1   avoir un passeport allemand. A partir du moment où il n'en informe pas les

  2   autorités de Bosnie-Herzégovine, il est en mesure de voter en Bosnie-

  3   Herzégovine. C'est ce que vous avez indiqué un petit peu plus tôt dans

  4   votre déposition ?

  5   R.  Oui. Cela dit, les autorités ne le demandent pas. Donc seulement s'il

  6   allait volontairement présenter cette information, à moins qu'il dise lui-

  7   même, "Je ne veux pas voter, car j'ai l'autre citoyenneté." Mais s'il se

  8   tait à ce sujet-là, tant qu'il est vivant, il peut voter en Bosnie-

  9   Herzégovine.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est clair. Il va peut-être falloir faire le

 11   break. On va faire 20 minutes de pause.

 12   --- L'audience est suspendue à 15 heures 51.

 13   --- L'audience est reprise à 16 heures 15.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Karnavas, vous avez la parole.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 16   Juges.

 17   Q.  Madame le Professeur, est-ce que nous pouvons nous reporter au P 09836,

 18   je vous prie. Est-ce que vous avez ce document sous les yeux ? Il s'agit du

 19   P 09836. Il s'agit du premier rapport qui est intitulé, composition

 20   ethnique, et cetera.

 21   R.  Oui, j'ai le document.

 22   Q.  Bien. Je ne vais pas y faire longuement référence. Je voudrais juste

 23   attirer votre attention sur le fait que pendant environ une demi-heure nous

 24   allons en parler, car j'aurai besoin d'environ 30 minutes pour parler de

 25   l'autre rapport et des autres questions. Il me reste encore une heure qui

 26   m'a été attribuée pour faire cet interrogatoire principal.

 27   Est-ce que vous voulez bien nous dire rapidement si vous avez eu des

 28   problèmes concernant ce rapport, sans oublier, bien sûr, que vous nous avez

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  1   déjà parlé des trois grandes étapes méthodologiques dans le domaine de la

  2   démographie. Est-ce que vous voulez bien, s'il vous plaît, commencer par

  3   cette description.

  4   R.  Le problème de ce rapport réside justement dans le fait que s'agissant

  5   des trois pas méthodologiques qui auraient dû être faits, il y a des

  6   erreurs. Tout d'abord --

  7   Q.  Poursuivez. Vous pouvez avancez.

  8   R.  -- le rapport se fonde sur des sources non conformes sur le plan

  9   méthodologique qui abondent en erreurs. Il s'agit entre 30 et 100 %

 10   d'erreurs.

 11   Deuxièmement, on a modifié les méthodes standard statistiques et

 12   démographiques et on les a adaptées à ses propres besoins.

 13   Troisièmement, on a tiré des conclusions statistiques et démographiques sur

 14   la base de critères qui ne sont pas du tout des indices statistiques et

 15   démographiques. Dans ce sens, il n'est pas du tout possible de parler d'un

 16   rapport professionnel et scientifique qui serait acceptable en tant que

 17   tel.

 18   Q.  Bien. Est-ce que l'on peut commencer avec le premier problème. Vous

 19   avez évoqué des sources de données méthodologiques qui ne sont pas

 20   cohérentes. Pourquoi est-ce que cela pose problème, ou en quoi est-ce que

 21   cela constitue un problème ?

 22   R.  Le recensement de la population est une source officielle de données,

 23   qui est effectué par des organes officiels, et son problème de base lorsque

 24   je dis que, méthodologiquement, c'est mauvais et non conforme, ceci réside

 25   dans le fait que le plus souvent l'expert s'appuie sur le recensement de la

 26   population pour utiliser les noms et les prénoms des données de

 27   recensement, qui ne sont pas des données statistiques et qui n'ont pas été

 28   corrigées statistiquement mais seulement dans le département démographique.

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  1   Et c'est seulement l'ensemble de la population qui est concernée par la

  2   liste écrite sur la base d'un recensement, et ce, au moment critique. Or

  3   les listes électorales constituent la liste des personnes adultes qui se

  4   sont enregistrées volontairement.

  5   On ne sait pas si ceci a jamais été contrôlé officiellement quelque part,

  6   cela dit, ici aussi au sein du département de la démographie du bureau du

  7   Procureur, leurs noms, noms et prénoms, ont été corrigés.

  8   Comme je l'ai déjà indiqué, ces données concernent les années 1997, 1998.

  9   Mis à part un grand nombre d'erreurs en ce qui concerne les noms et les

 10   prénoms, comme je l'ai déjà dit, sur les plans démographique et

 11   statistique, il existe une erreur systématique liée au manque du nom du

 12   père et de la structure ethnique. Les bases de données concernant les

 13   personnes déplacées ont aussi beaucoup d'erreurs s'agissant des noms et des

 14   prénoms et comme je l'ai déjà dit, des données individuelles concernant

 15   toutes les personnes qui se considèrent comme des réfugiés et des personnes

 16   déplacées n'existent pas. Et compte tenu du fait que l'expert de

 17   l'Accusation fonde sa méthodologie sur la comparaison de données

 18   individuelles, dans ce cas-là, je peux évaluer cette base en tant que base

 19   contenant deux tiers d'erreurs. Cela dit, en tant qu'une base avec certains

 20   éléments agrégés, elle est acceptable et je la considère comme bonne.

 21   Q.  -- que vous nous avez souligné, y a-t-il des questions de la part des

 22   Juges sur ce point ?

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, j'ai une question sur le taux d'erreur.

 24   Dans votre science, la démographie, à partir de quel pourcentage d'erreurs

 25   on estime qu'un rapport démographique est fiable ou sujet à caution ? Quel

 26   est le pourcentage d'erreurs sur lequel la communauté scientifique

 27   internationale est d'accord dans votre domaine ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Compte tenu du fait que la démographie se

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  1   fonde sur les statistiques de la population, cette erreur est conforme aux

  2   recherches statistiques et à la statistique en tant que science. Un taux

  3   d'erreur jusqu'à 5 % est toléré. Il est considéré qu'une donnée est bonne

  4   si le taux d'erreurs ne dépasse pas les 5 %.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc taux d'erreurs 5 %. Dans le rapport de

  6   Mme Tabeau, j'ai cru comprendre que vous évaluez à 30,

  7   40 % le taux d'erreurs ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'évalue entre 30 et 100 %, mais je dois

  9   expliquer pour quelle raison je dis entre 30 et 100 %.

 10   Je l'évalue avec un maximum de tolérance et venant avec beaucoup d'efforts

 11   déployés pour corriger les noms, d'après ce que j'ai pu voir moi-même, je

 12   considère qu'au mieux 30 % des noms n'ont pas pu être faits comme il

 13   faudrait le faire. C'est une autre question de savoir s'il faut le faire ou

 14   pas. Et je souligne qu'il n'est pas possible de contrôler ces données.

 15   Deuxièmement, si vous avez une base de données concernant les chiffres

 16   portant sur les personnes déplacées, les chiffres agrégés - je parle des

 17   chiffres collectifs, non pas individuels, donc non pas d'une personne, mais

 18   d'une personne avec sa famille - dans ce cas-là, il n'est même pas possible

 19   de le vérifier. Et lorsque je dis 100 % d'erreurs, s'agissant des sources

 20   de données qui ne contiennent pas d'information dont il est question, par

 21   exemple, la structure ethnique, dans les statistiques il est considéré que

 22   ceci est une erreur de système.

 23   Maintenant, comment vous allez interpréter cela, c'est une autre question,

 24   mais vous avez une source de données qui, dans 100 %  des cas ne contient

 25   pas l'indice que vous utilisez dans votre analyse par la suite. Or, le nom

 26   du père ici est l'un des paramètres très importants pour déterminer

 27   l'identification d'une personne.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Je suppose que ce que vous nous dites aujourd'hui,

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  1   vous avez dû le dire dans les quatre autres procès où vous avez témoigné et

  2   je présume à partir du rapport de Mme Tabeau.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est ce que j'ai dit. Il ne s'agissait

  4   pas à chaque fois vraiment du rapport de Mme Tabeau. Une fois il s'agissait

  5   du rapport du Dr Brunborg, une fois. Une autre fois, le Dr Tabeau était le

  6   co-auteur avec le Dr Brunborg. Et dans les deux cas qui restent, c'était le

  7   Dr Tabeau qui était l'auteur exclusif, et c'est ce que j'ai dit à plusieurs

  8   reprises.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai pas eu le temps de regarder à nouveau ce

 10   point dans les jugements. Bien que les jugements, je les ai tous lus, mais

 11   je n'ai pas approfondi cela, mais à votre connaissance, les jugements en

 12   question, vous les avez lus, vous, après, sur ce débat entre experts ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui. Madame Radovanovic, il y a

 16   quelque chose qui m'a légèrement échappé, et peut-être que cela n'a-t-il

 17   pas bien été consigné au procès-verbal. Je me réfère à la page 41, lignes 4

 18   à 7. Vous dites, comme consigné procès-verbal : "Etant donné que l'expert

 19   du bureau du Procureur a basé sa méthodologie sur la comparaison de données

 20   individuelles, alors je considère que la marge d'erreurs de cette base de

 21   données est des deux tiers. Mais concernant les données agrégées, je

 22   considère que cette source de données-là est valable."

 23   Pour être tout à fait franc, je ne comprends pas ce que vous nous dites par

 24   là si c'est bien ce que vous nous avez dit.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était à peu près ce que j'ai dit.

 26   L'essentiel était là. La base de données concernant les réfugiés et les

 27   personnes déplacées se fonde sur l'identification de ces personnes faite

 28   sur la base des données complètes concernant le pilier de la famille, pour

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  1   ainsi dire, ensuite vous inscrivez le nombre d'autres membres de la

  2   famille. Par exemple, s'il s'agit de Svetlana Radovanovic, j'aurais donné

  3   mon nom et lieu de naissance, la date de naissance, l'appartenance

  4   ethnique, et cetera, et mis à part moi, il y aurait mes membres de famille

  5   sans données précises, par exemple, portant sur leur appartenance ethnique,

  6   et cetera.

  7   Donc cette base de données contient un tiers de données qui concerne les

  8   piliers de la famille, et deux tiers qui ne contiennent pas les

  9   informations complètes. Donc la comparaison, la méthode utilisée par le Dr

 10   Tabeau, cela dit, je dois dire qu'elle utilisait cette base de données le

 11   moins, mais ceci ne lui permet pas d'avoir un aperçu d'ensemble.

 12   S'agissant de la structure ethnique des personnes déplacées et des réfugiés

 13   ainsi enregistrés, s'agissant des membres de la famille, elle l'établissait

 14   d'après ce que j'appelle le pilier de la famille.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Et vous estimez que cela est donc

 16   correct ou exact ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je considère que lorsque vous vous

 18   penchez sur les données agrégées de cette base de données, les données

 19   collectives, que cette base de données est correcte sur le plan collectif,

 20   mais si vous examinez la méthode appliquée par le Dr Tabeau, vous ne pouvez

 21   pas avoir un aperçu d'ensemble, car le Dr Tabeau a besoin d'avoir à sa

 22   disposition les données individuelles. Donc s'agissant de données

 23   collectives, cette base de données est correcte, mais elle ne peut pas être

 24   appliquée dans la méthodologie appliquée par le Dr Tabeau, car dans les

 25   deux tiers des situations elle ne peut pas établir les correspondances.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si --

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Il y a peut-être une petite correction qui

 28   est une source de confusion. Page 44, ligne 10, il est indiqué, ne donne

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  1   pas de schéma d'ensemble des nombres. Je ne sais pas si c'est sur ce point-

  2   là que vous souhaitiez mettre l'accent. Ça ne donne pas, et non pas

  3   l'inverse, cette vision d'ensemble des chiffres.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec votre permission, je vais ajouter quelque

  5   chose. La base de données concernant les personnes déplacées et les

  6   réfugiés a été utilisée le moins par les experts de l'Accusation.

  7   Cependant, j'ai considéré que j'étais dans le devoir d'indiquer les

  8   défaillances de cette base de données. Sur la base des données contenues

  9   dans la base de données concernant les personnes déplacées et les réfugiés,

 10   vous avez un seul résultat indiqué par l'expert de l'Accusation. Et tout le

 11   reste concernant les personnes déplacées et les réfugiés, elle tire ses

 12   conclusions par le biais du recensement de la population et par le biais

 13   des listes des électeurs.

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Avez-vous terminé ?

 16   Q.  Je reprends, le Président Antonetti vous a posé une question à laquelle

 17   j'allais venir ultérieurement, mais je vais vous la poser maintenant. Au

 18   sein de la communauté scientifique, la méthode utilisée par le bureau du

 19   Procureur, et qu'ils ont continué à utiliser au fil des années, ce type de

 20   méthodologie, pour l'appeler comme cela, est-ce qu'elle est acceptable par

 21   la communauté scientifique, parmi les démographes ?

 22   R.  Non, mais je dois dire une chose. Les méthodes utilisées par l'expert

 23   de l'Accusation existent. La méthode de correspondance et de corrélation

 24   existe. Cependant, l'expert de l'Accusation n'applique pas ces méthodes

 25   conformément aux normes appliquées dans le cadre des études scientifiques

 26   et professionnelles. Cet expert les modifie de la manière qu'il lui

 27   convient, et les adapte ainsi à ses propres recherches.

 28   Q.  Bien. Pour être un peu plus concret, sur le premier aspect, la première

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  1   problématique, vous nous dites qu'il a été utilisé des sources de données

  2   qui n'étaient pas cohérentes. Est-ce que c'est quelque chose qui se fait en

  3   matière démographique, à savoir le fait de prendre des sources incohérentes

  4   pour essayer de les corréler ou de les faire correspondre afin d'obtenir un

  5   résultat qui fasse du sens ?

  6   R.  Non. On ne prend pas des sources des bases de données non conformes

  7   mutuellement, mais l'expert les modifie aussi ici car les données qui,

  8   collectivement, ne peuvent pas être comparées, elle les baisse à un niveau

  9   individuel et les utilise de la manière qui lui convient à elle.

 10   Q.  Pourriez-vous nous donner un exemple, s'il vous plaît, de façon à ce

 11   que nous puissions mieux comprendre. Modifier les données, comment modifie-

 12   t-elle les données ? Tout d'abord, je vais vous poser la question comme

 13   ceci : est-ce que le fait de modifier les données est quelque chose qui est

 14   acceptable par la communauté des démographes ? Est-ce qu'un démographe a le

 15   droit de modifier les données si ce démographe se sert de sources

 16   particulières. Il n'a pas le droit de modifier la méthode qui lui permet

 17   d'arriver à ces données. Si vous modifiez la méthode, automatiquement les

 18   données sont modifiées aussi.

 19   Q.  Pouvez-vous nous citer un exemple de la façon dont ceci est fait; donc

 20   il peut y avoir une présupposition, on estime que le bureau du Procureur

 21   cela fait partie du Tribunal des Nations Unies; donc ceci représente être

 22   un critère acceptable pour l'ensemble de la communauté scientifique.

 23   Veuillez nous dire en quoi ceci est différent, d'après vous.

 24   R.  Comme j'ai déjà dit, il s'agit de sources de données méthodologiquement

 25   incohérentes, et méthodologiquement, il serait inacceptable, par exemple,

 26   de comparer la structure de la génération 91 et la structure de la

 27   génération 97-99 au niveau collectif tiré des listes électorales. Là je

 28   parle sur le plan collectif. Il s'agit d'un côté de citoyens permanents, on

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  1   sait par quelle méthodologie ils ont été recensés. Puis les autres citoyens

  2   ont un statut différent. Donc vous ne pouvez pas les considérer comme

  3   faisant partie de la même catégorie.

  4   L'erreur faite par l'expert concerne l'application de la méthode, à

  5   savoir par le biais de l'application de plusieurs sources de données. Ici,

  6   il s'agit du recensement et des listes électorales. Elle identifie la même

  7   personne. Puis j'ai parlé du problème de l'existence de numéro unique

  8   d'immatriculation de citoyen, ça, c'est un problème à part, mais ces

  9   numéros n'existent pas, ne sont pas mentionnés dans la réalité. Or, il est

 10   nécessaire d'appliquer alors, de créer alors une clé de correspondance.

 11   Mais cette clé de correspondance doit être faite de telle façon à permettre

 12   d'être sûr, au moins au minimum, qu'il s'agit de la même personne dans les

 13   deux sources que vous affirmez identifier. Or, la clé de correspondance,

 14   mis à part le fait de devoir garantir le minimum de sûreté par rapport au

 15   fait que la personne identifiée est la même, devrait rester la même tout au

 16   long du processus de corrélation.

 17   Alors quelle est la clé de correspondance utilisée par l'expert de

 18   l'Accusation, c'est quelque chose que nous ne savons pas tout à fait. Or,

 19   dans l'unité démographique du bureau du Procureur, il est possible

 20   d'appliquer 71 clés de correspondance. Autrement dit, vous pouvez changer à

 21   61 reprises l'un des éléments pour arriver à l'identification. Or,

 22   l'expert, une seule fois dans ce rapport indique avoir utilisé le nom, le

 23   prénom, le numéro de la carte d'identité et la date de naissance suivant un

 24   tel critère compte tenu du fait que le numéro de la carte d'identité

 25   n'existe dans aucun document, il ne pouvait trouver aucune correspondance.

 26   Donc nous pouvons conclure que lors du premier pas de la corrélation,

 27   il utilise cette clé en supposant le deuxième; or, là déjà la lampe rouge

 28   s'allume, car dans le processus de correspondance il n'y a pas plusieurs

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  1   pas.

  2   Tous les jours nous appliquons cette méthode de corrélation ou

  3   correspondance où il y avait la carte de crédit que vous utilisez pour

  4   tirer de la monnaie dans les distributeurs automatiques. Cette carte

  5   contient certains numéros. Lorsque vous introduisez votre carte et que vous

  6   composez votre numéro personnel, automatiquement vous allez obtenir

  7   l'argent. Si vous faites une erreur, vous n'aurez pas d'argent, il n'y aura

  8   de corrélation et vous n'avez pas la possibilité non plus de dire, non

  9   peut-être c'est un autre numéro, et cetera. Donc dans une telle situation

 10   il existe une seule correspondance possible lorsque les identifications

 11   dans le cadre de la clé sont exactes et lorsque ceci est confirmé dans une

 12   autre source de données.

 13   Donc l'expert utilise le nom, le prénom et la date de naissance.

 14   Compte tenu des problèmes soulevés par l'expert elle-même concernant les

 15   niveaux de correction des noms et de prénoms et compte tenu des problèmes

 16   liés à la date de naissance, dès le premier pas le témoin a la possibilité

 17   de trouver relativement peu de correspondance. Par exemple, il peut obtenir

 18   20 % de correspondance. Ces 20 %, ce serait une certaine correspondance où

 19   on peut dire qu'il y a un certain niveau de certitude qui existe, qu'il

 20   s'agit de la même personne. Cependant à mon avis, ceci est trop peu pour

 21   l'expert. Donc il raccourcit la clé d'identification; il donne le nom et le

 22   prénom mais plus maintenant la date de naissance mais selon l'année de la

 23   naissance. Ainsi il augmente le pourcentage et il trouve la correspondance

 24   pour 50 %. Mais l'expert peut encore être insatisfait, il dit je ne vais

 25   plus appliquer juste le nom et le prénom, mais juste l'initiale, le nom de

 26   famille et l'année de naissance. Et ainsi, il peut appliquer 61[phon]

 27   critères.

 28   Je ne dis pas que le Dr Tabeau utilise 71 critères, mais nous ne

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  1   savons pas quel est le nombre de critères qu'elle a utilisés. Or, nous

  2   savons qu'elle applique deux pas dans le processus de corrélation. Je

  3   suppose qu'elle utilise le nom, le prénom et l'année de naissance, car lors

  4   du contrôle des documents, c'est moi qui ai utilisé cette clé

  5   d'identification et je suis arrivée à peu près aux mêmes chiffres que le Dr

  6   Tabeau.

  7   Je vais souligner la chose suivante : juste le nom, juste le prénom

  8   ou juste l'année de naissance, ce ne sont même pas les éléments

  9   minimalement fiables permettant d'identifier quelqu'un.

 10   Je peux vous donner un exemple d'un élément que j'ai obtenu au sein

 11   du département démographique de l'Accusation. Par exemple, dans les listes

 12   électorales, il existe 69 Mirsad Halilovic. Or dans le recensement de la

 13   population, il y a 87 Mirsad Halilovic. Sur ce numéro dans les listes

 14   électorales, huit d'entre eux ont été nés en 1965 et dans le recensement 14

 15   d'entre eux ont été nés en cette année-là. Donc vous pouvez établir la

 16   correspondance pour le minimum de 14 personnes, en disant que 14 des fois

 17   vous avez Mirsad Halilovic qui a été né en 1965. Or l'Accusation, elle

 18   parlait des "méthodes conservatrices" appliquées sur d'autres données.

 19   Puis vous pouvez dire en appliquant cela, en disant cela, en disant

 20   ce Mirsad est de Sarajevo, celui-ci de Mostar, et ainsi de suite. Donc ici

 21   vous êtes en position de décider quelle va être la personne qui va être

 22   acceptée et considérée comme identifiée.

 23   Lorsque vous établissez cette corrélation et vous décidez de ce que

 24   vous allez faire et de la façon dont vous allez procéder, cela sans

 25   différence aucune indépendamment du taux d'exactitude de votre honnêteté,

 26   de votre aspiration à la vérité scientifique, cela vous fournit tout de

 27   même la possibilité de cibler un type de données. Cela vous fournit la

 28   possibilité suivant les nécessités de votre recherche de créer une

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  1   statistique déterminée. Donc --

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais prendre un cas concret, parce qu'on

  3   est dans des matières extrêmement techniques, et comme il y a une

  4   contestation sur la base des expertises effectuées par le bureau du

  5   Procureur il convient de recadrer cela sur un plan logique. Je prends le

  6   cas d'un Croate de Kakanj, qui a quitté Kakanj et qui se retrouve à Zagreb.

  7   Il est à ce moment-là, enregistré auprès de l'office des réfugiés à Zagreb.

  8   Je présume que lors de son enregistrement il va donner son numéro JMBG.

  9   Donc on a un Croate de Kakanj réfugié, enregistré à Zagreb.

 10   L'expert qui va se pencher sur son cas, il aura - mais si je fais une

 11   erreur, n'hésitez pas à me le dire - l'affiche d'enregistrement de

 12   l'office. Il pourra vérifier s'il est âgé, par exemple, en 1992, 1993, de

 13   30 ans, la liste électorale de Kakanj. Il pourra également vérifier la

 14   liste résultant du recensement de 1991 à Kakanj, si à l'époque il habitait

 15   là, mais partons de l'hypothèse où il habitait là.

 16   Et comme ce Croate est né à Kakanj et il est peut-être catholique,

 17   certainement, l'expert pourra vérifier s'il a été mentionné sur le registre

 18   paroissial tenu par le curé de Kakanj, et il pourra aller à la municipalité

 19   pour vérifier si cet individu a été enregistré quand il est né à Kakanj.

 20   Dans cette hypothèse, est-ce que l'expert n'a pas à sa disposition

 21   toute une série de fichiers ou d'éléments lui permettant de croiser les

 22   informations et d'arriver à une conclusion à 100 % exact à partir de

 23   l'exemple que je donne ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a toute une série de sources

 25   d'information qui sont accessibles mais qui ne sont pas utilisées. Alors

 26   j'utilise ce qui m'est fourni par le recensement et ce que j'ai noté tel

 27   quel, et je me sers de ce qui existe sur, par exemple, la liste électorale,

 28   et tout le reste ne m'intéresse guère.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : -- moi, je ne suis pas là pour départager les bons

  2   experts du Procureur ou la Défense.

  3   Je pose la problématique avec - prenons un démographe suédois. On lui

  4   demande d'aller vérifier le sort du réfugié X qui vient de Kakanj et qui a

  5   été enregistré à Zagreb comme réfugié.

  6   Est-ce que cet expert ne ferait pas ce que je viens de décrire, c'est-à-

  7   dire aller dans le registre paroissial de la paroisse de Kakanj, aller à la

  8   municipalité sur le registre d'état civil, aller vérifier la liste

  9   électorale et aller regarder les documents sur le recensement ? Est-ce

 10   qu'un expert ne ferait pas cela pour éviter tout erreur ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce serait la meilleure des choses et la plus

 12   juste des choses à faire. Alors de là à savoir s'il le ferait

 13   véritablement, je ne sais pas. Je dois vous dire que c'est une tâche plutôt

 14   complexe. Ça demande du temps, mais dans bon nombre de cas de figure cela

 15   peut se faire.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc ce que je décris est le système idéal,

 17   mais si je comprends bien, Mme Tabeau n'a pas fait ça.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est ce qui se passerait dans un monde

 19   idéal, mais Mme Tabeau n'a pas fait cela.

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Q.  Madame le Professeur, vous nous avez donné une très longue réponse; je

 22   suppose que vous avez répondu aux trois questions. Vous avez précisé qu'il

 23   y avait trois problèmes au niveau du rapport d'Ewa Tabeau. Vous souvenez-

 24   vous du deuxième problème soulevé par ce rapport ? Le premier était les

 25   sources de données incohérentes au plan méthodologique. Ensuite vous avez

 26   parlé de --

 27   R.  Le deuxième problème c'est le changement de méthodologie de corrélation

 28   que j'ai essayé d'expliquer. Et le troisième problème c'est le calcul des

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  1   paramètres non démographiques et mise en exergue de ces paramètres non

  2   démographiques partant de quoi il est tiré des conclusions sur des éléments

  3   ou des phénomènes statistiques démographiques.

  4   Quand je dis "paramètres non démographiques" j'entends ce qui suit : la Dr

  5   Tabeau débat des changements de structure ethnique survenus et elle avance

  6   des chiffres, ou plutôt, elle avance des numéros relatifs. Je peux ouvrir

  7   ça, je peux vous en donner lecture, mais je peux par cœur vous donner

  8   quelque chiffre pour vous donner un exemple.

  9   Me Tabeau, par exemple, dit, affirme que le nombre de Croates sur le

 10   territoire de ces huit municipalités qu'elle estime être une partie de

 11   l'Herceg-Bosna avait accru de 22 % pendant la période courant de 1991 à

 12   1997, 1998. Alors elle tire ceci depuis une conclusion qui est celle de la

 13   modification en pourcentage du pourcentage, elle fait le calcul comme ceci

 14   : si en 1991, la part des Croates était de 44 % et si la part des Croates

 15   en 1997, 1998, d'après son évaluation du nombre de la population de ce

 16   groupe ethnique serait de, par exemple, de 50 et quelque pourcent, le Dr

 17   Tabeau tire une conclusion qui est celle de dire que les 52.4 sur 44.2 il y

 18   a donc un écart de 22 %. Le calcul est juste. Mais ça n'a rien à voir avec

 19   la croissance du ratio de certains groupes ethniques dans la population.

 20   Si en 1991 dans la population totale vous aviez 44 % de ce groupe

 21   ethnique, et si maintenant il a 54 %, donc il y a eu une croissance de 10

 22   %, et non pas de 22 %.

 23   Ce que je veux dire c'est qu'il s'agit là de paramètres qui ne sont

 24   pas des paramètres statistiquement démographiques. Partant de ces

 25   paramètres de l'expert de l'Accusation met ou place au premier plan cet

 26   élément-là et vient à tirer des conclusions partant de là.

 27   Pour dire vrai, l'expert avance toute une série de tableaux où

 28   il y a des paramètres tout à fait justifiés mais ne les commente pas.

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  1   Ça c'est le problème d'après. Il est encore des problèmes qui seraient de

  2   la comparaison de torchons et de serviettes --

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi. Avant que ceci

  4   disparaisse de l'écran, je ne suis pas très bien vos calculs mathématiques.

  5   Vous dites que si la part de - ceci se trouve à la page 52, ligne 25 - si

  6   vous dites que la part des Croates en 1999 était de 44 %, par exemple, et

  7   que la part des Croates en 1997 ou 1998 est de 50 et quelques, 54 %, je

  8   crois, que vous avez dit, 54 d'abord; donc 44, ensuite 54 %, et vous dites

  9   que cette augmentation n'est que 10 %. Pour moi l'augmentation est de 20 %.

 10   Je ne comprends pas comment vous calculez cela, parce que l'augmentation

 11   est de -- 10 à 44 cela fait presque 25. Ceci devrait correspondre à 20 % et

 12   non pas à 10 %, mais peut-être que je me trompe et à ce moment-là je veux

 13   bien qu'on me le dise.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer de vous expliquer. Le ratio

 15   des Croates dans la population totale en 1991, ça c'est un paramètre

 16   statistiquement démographique. Et on dit qu'en 1991, sur la totalité des

 17   habitants vivant sur ce territoire les Croates étaient 44.4 %, disons.

 18   Maintenant nous avons un autre ensemble statistique qui se rapporte

 19   maintenant aux années 1997, 1998. Et on calcule les choses sur la

 20   population totale qui, en 1997 ou 1998, réside sur le territoire dont on

 21   s'occupe, la part des Croates est de 54,4 %. Le ratio par rapport à 1991 et

 22   1997, il y a eu augmentation de 10 %. Ce chiffre relatif n'a rien à voir

 23   maintenant avec la population totale, ce sont des paramètres relatifs qui

 24   vous indiquent quelle est la qualité du chiffre.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous n'avez pas besoin de

 26   poursuivre. La partie que j'ai citée, vous avez parlé d'augmentation, et en

 27   tout cas c'est ce que nous avons au compte rendu, le terme "augmentation."

 28   Maintenant, vous parlez des pourcentages et là, évidemment, il s'agit d'une

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  1   toute autre question. Donc il faut certainement corriger l'un ou l'autre.

  2   L'augmentation en fait nous donne un chiffre plus bas, ensuite un

  3   pourcentage d'augmentation. Si l'augmentation est de 25 %, à ce moment-là,

  4   c'est de 25 %.

  5   Vous dites -- ou en tout cas, vous parlez de l'augmentation entre 54 -- 44

  6   jusqu'à 54 sur l'ensemble, et ça c'est un tout autre calcul. A ce moment-

  7   là, c'est 10 %. J'ai compris. Merci.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, sur le ratio, j'ai écouté attentivement ce

  9   que vous venez de dire et qui a été éclairé par la question de mon

 10   collègue, mais là aussi il semble qu'il y a un problème que je vais vous

 11   exposer.

 12   Si le ratio c'est le nombre de Croates sur la population totale en 1991, je

 13   pense que le ratio -- vous dites 44,4. Imaginons que c'est le chiffre. Mais

 14   en 1998, le ratio, le nombre de Croates sur la population totale, comme il

 15   y a eu des mouvements importants de population, des gens qui sont partis,

 16   qui ont été déplacés, qui sont partis à l'étranger, qui sont restés en

 17   Croatie, et cetera, à ce moment-là, il semble qu'on va comparer des

 18   torchons et des serviettes ou des pommes et des poires parce que la base de

 19   comparaison n'est plus la même.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour que je vous vienne en aide et que je me

 21   vienne en aide à moi-même, je vous prie de vous pencher sur le tableau

 22   numéro 1 de mon tableau pour que je n'invente pas de chiffres et que

 23   j'essaye d'expliquer ce que j'entends par ratio.

 24   Techniquement parlant, il s'agit de comparer des pommes et des poires ou

 25   des torchons et des serviettes, mais c'est une question de méthodologie où

 26   la Dr Tabeau sort une troisième masse qui prend en considération les

 27   groupes ethniques et qui procède à des correspondances. Alors la question

 28   qui se pose c'est de voir de quoi parle-t-on dans cet ensemble statistique.

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  1   Si nous acceptons le fait que par corrélation de données, indépendamment de

  2   l'exactitude de ces données, même le Dr Tabeau est arrivée à 118 000

  3   habitants pour 1997 --

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Un instant, s'il vous plaît. Le tableau, il est à

  5   quelle page de votre rapport ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] En B/C/S, c'est la page 8. Pour ce qui est de

  7   l'anglais, je ne le sais pas.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va tous regarder le B/C/S. On a maintenant

  9   une grande connaissance de cette langue alors on va pouvoir travailler sur

 10   le document.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] A la page 9, Messieurs les Juges, en

 12   anglais.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors allez-y, Madame.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je disais ce sont là des chiffres repris du

 15   rapport de la Dr Tabeau, ça nous montre de quoi a l'air au total la

 16   structure ethnique dans huit municipalités de l'Herceg-Bosna.

 17   La première donnée c'est 1991, on parle de personnes majeures qui étaient

 18   des groupes ethniques tels que présentés, et ces personnes sont 231 610 au

 19   total. Puis nous avons les ratios : sur le total de la population, les

 20   Croates sont 44,4; les Musulmans, 34,6; les Serbes, tant; et les autres,

 21   tant.

 22   La deuxième partie, celle qui concerne l'année 1997, c'est le fruit de la

 23   méthodologie du Dr Tabeau qui a procédé à une comparaison entre les

 24   recensements de la population où il y a des données relatives à

 25   l'appartenance ethnique et les listes électorales où il n'y a pas ces

 26   données d'appartenance ethnique.

 27   Le Dr Tabeau dit qu'elle a pris 118 000 personnes qu'elle constate

 28   comme étant la population. "Si on prend les ratios de groupes ethniques

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  1   tels que déclarés en 1991, voilà que ça nous donne comme Croates, ce que ça

  2   nous donne comme Musulmans, Serbes et autres." Autrement dit, c'est en

  3   reprenant les groupes ethniques de 1991 et en procédant à des corrélations

  4   modifiées pour 1997, 1998, nous obtenons cette image-ci.

  5   Pour ne pas maintenant nous aventurer à parler de la comparaison de

  6   1991 avec 1991 même, donc à condition qu'il y ait corrélation juste et

  7   précise. Si l'on prend en considération les indices démographiques, on

  8   parle d'une méthodologie qui parle du ratio d'une population dans un nombre

  9   total d'habitants exprimé en pourcentage et calculé de telle et telle

 10   façon. Et on voit que la part des habitants, en application de leur

 11   appartenance ethnique et celle qu'on a en 1991 et celle qu'on a en 1997.

 12   Si on prend maintenant rien que les Croates comme exemple parce que c'est

 13   plus facile, on voit que le nombre de Croates qui étaient en 1991 44,4 %,

 14   donc c'est une partie de la masse d'habitants et les Croates étaient 44,4

 15   %. En 1997, maintenant, sur la masse totale que nous avons, les Croates

 16   constituent 54,2 %.

 17   La conclusion démographique statistique dit ce qui suit : la part des

 18   Croates en 1997, 1998 par rapport à 1991 a augmenté de 10 %.

 19   Alors ces indices relatifs nous fournissent une possibilité de comparer

 20   sans pour autant entrer dans les chiffres absolus. Que veux-je dire par là

 21   ? Il est évident que le chiffre a chuté, vous le voyez. Mais pour que vous

 22   puissiez qualitativement expliquer certaines choses, vous vous servez

 23   d'indices relatifs. Le fait est que le chiffre total a chuté, personne ne

 24   le conteste, il n'y a pas de contestation du tout là. Mais si vous prenez

 25   les masses statistiques, elles ont subi des changements quantitatifs qui se

 26   rapportent à la totalité des groupes ethniques. Mais la qualité du point de

 27   vue ethnique nous donne le ratio que vous voyez ici, et c'est pour cela que

 28   vous avez index et "rank." L'index vous montre le taux de chute de la

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  1   population et le "rank" vous parle de qualité --

  2   Oui ?

  3   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi, Professeur Radovanovic.

  4   Je voudrais vous poser la question suivante : vous avez dit il y a quelques

  5   minutes, je crois, que l'indicateur relatif nous donne la possibilité de

  6   comparer des choses sans avoir des chiffres absolus pour autant. Qu'est-ce

  7   que vous entendez par cela ? "Manifestement, le nombre en terme absolu, il

  8   baisse," et là j'arrête la citation.

  9   Maintenant, je ne sais pas vraiment à quel chiffre vous vous référez

 10   lorsque vous dites que "manifestement, les chiffres sont en baisse." Vous

 11   voulez dire le nombre de Croates ou le nombre de Musulmans ou le nombre de

 12   quel groupe ? Est-ce que vous pouvez, si vous le voulez bien, expliciter

 13   cela et nous dire à quel groupe de population et à quel chiffre vous faites

 14   référence ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est une diminution de la

 16   population totale, et il y a une diminution des ressortissants de chaque

 17   groupe ethnique qui constitue la population totale. Pour que les choses

 18   soient tout à fait claires, quand j'ai parlé de l'importance de la prise en

 19   considération des chiffres relatifs, il est aussi important de prendre en

 20   considération les chiffres absolus. Mais quand on parle de la qualité de

 21   quelque chose, si nous n'avons que des chiffres absolus, nous ne pouvons

 22   pas procéder à des comparaisons qualitatives.

 23   Peut-être serais-je plus claire si je dis les choses comme

 24   suit : en Bosnie, annuellement, il y 50 000 bébés qui naissent. En Chine,

 25   il y en a sept millions et demi. Est-ce que la natalité est la même en

 26   Bosnie et en Chine ? A première vue, ça nous semble être tout à fait

 27   impossible, 50 000 et sept millions cinq. C'est la raison pour laquelle

 28   nous prenons en considération ces indices démographiques et statistiques

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  1   qui nous permettent de calculer le taux de natalité.

  2   Alors je parle de têtes. Je parle de taux de natalité en Bosnie qui

  3   est de 13 pour 1 000, et le taux de natalité en Chine est de 13 pour 1 000.

  4   Qualitativement parlant, j'ai un indice qui me dit que la natalité de la

  5   Chine et la natalité de la Chine ne diffère pas l'une de l'autre. Mais je

  6   sais quelle est la qualité et la fréquence des naissances, le taux, lui,

  7   dit : sur 1 000 habitants, il y a 13 bébés. La Bosnie a le nombre

  8   d'habitants qu'elle a, la Chine a ses habitants à elle, et sur 1 000, il y

  9   a 13 naissances. Je vois la qualité et la fréquence d'un phénomène. De ce

 10   point de vue-là, ces indices relatifs pour ce qui est des ratios vous

 11   indiquent aussi quelle est la qualité, non pas la quantité. La quantité,

 12   elle, a changé, donc il n'y a pas de modifications qualitatives du point de

 13   vue des Musulmans. Il y a une modification quantitative, ça se rapporte aux

 14   Musulmans, ça se rapporte aux Croates, aux Serbes et aux autres.

 15   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie de vos

 16   explications. D'un autre côté, il faut bien que je vous avoue que je ne

 17   reste pas convaincu lorsque vous nous dites que, "La quantité change, mais

 18   qu'il n'y a pas de changement en termes de qualité au niveau de la

 19   structure de la population," et c'est une citation de ce que vous avez dit

 20   concernant les Croates et les Musulmans. Je ne vois pas sur quelle base

 21   repose cela, parce qu'il y a une augmentation d'au moins 10 % du nombre de

 22   Croates puisqu'on passe de 44 à 54, virgule quelque chose. Donc c'est ça

 23   que j'essaie de savoir -- quels sont ces chiffres au sujet des changements

 24   intervenus dans les trois grands groupes de population en Bosnie-

 25   Herzégovine à l'époque, à savoir les Croates, les Serbes et les Bosniens ?

 26   Donc c'est ça que j'aimerais que vous nous mettiez en exergue. Pour être

 27   franc, je ne suis pas tout à fait convaincu de la comparaison que vous

 28   faites avec les taux de naissance en Chine, car je crois qu'il s'agit d'un

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  1   autre sujet. J'aimerais vraiment que vous reveniez à la question de départ,

  2   à savoir les changements intervenus dans les groupes de population dans

  3   cette région donnée parmi les trois grands groupes de population. Je vous

  4   remercie.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Les données que nous sommes en train de

  6   prendre en considération ne sont pas les miennes. Ce sont les données qui

  7   sont présentées par l'expert de l'Accusation. L'expert de l'Accusation

  8   affirme que le nombre des Croates en 1997, par rapport à 1991, a augmenté.

  9   Je parle -- non, du pourcentage. Le pourcentage a augmenté de 22 %, dit cet

 10   expert. Moi, je dis non. Si on prend en considération les données avancées

 11   par l'expert du Procureur et en procédant par la bonne méthodologie des

 12   proportions, sans pour autant prendre la ratio des pourcentages, l'image

 13   qui nous est donnée est la suivante : le chiffre a changé, mais le

 14   pourcentage n'a pas augmenté de 20 % pour ce qui est du ratio des Croates

 15   en 1991 vis-à-vis 1997. Ça n'a pas augmenté de 22 %. Ça n'a augmenté que de

 16   moins de 10 %.

 17   J'ai essayé - peut-être n'ai-je pas été suffisamment claire - j'ai

 18   essayé de vous expliquer comment les indices démographiques non

 19   statistiques font dire à l'expert une chose qui n'est pas exacte. De quoi

 20   cela aurait-il l'air si l'expert s'était servi d'indices démographiques

 21   statistiques ? Je vous l'ai indiqué et j'ai essayé de vous l'expliquer.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : En regardant le tableau, on se rend compte que les

 23   Croates de 44,4 % passent à 52,2 et que les Musulmans de 34,6 à 37,4, un

 24   esprit logique pourrait en conclure qu'il y a maintenant, en 1997, beaucoup

 25   plus de Croates qu'il y en avait en 1991. Ça, c'est un constat que l'on

 26   peut faire.

 27   Mais si je fais l'analyse suivante, Madame, pendant que vous parliez,

 28   je fais la soustraction entre les Croates de 1997 et les Croates de 1991. A

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  1   ce moment-là, on se rend compte qu'il y un déficit de 38 499 Croates. Quand

  2   je fais la soustraction entre les Musulmans de 1997 et de 1991, on

  3   s'aperçoit à ce moment-là qu'il y a 36 000 environ Croates -- Musulmans en

  4   moins.

  5   Ce différentiel, si je le rapporte par rapport à la population de

  6   1991, 102 866 pour les Croates, 80 151 pour les Musulmans. Lorsque je mets

  7   le nombre de Croates qui ont diminué, 38 499, par rapport à 102 866,

  8   j'arrive à un pourcentage de 40 % environ. Quand je fais pareil avec les

  9   Musulmans, j'arrive également à 40 %. A ce moment-là, un esprit logique

 10   peut en conclure qu'il n'y a pas eu de changement significatif. Qu'en

 11   pensez-vous puisque j'ai 40 % dans les deux cas ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Partons d'une supposition qui est celle de

 13   vous voir satisfait et accepter le chiffre que le Dr Tabeau affirme être le

 14   bon pour ce qui est du nombre de personnes identifiées là-bas. Si on

 15   accepte cette identification-là, et on verra qu'elle a d'abord dit qu'ils

 16   étaient tant, puis elle a dit ensuite qu'ils étaient 80 000, donc on opère

 17   avec trois chiffres. Alors si on soustrait des pommes depuis des poires, on

 18   peut obtenir ce chiffre-là. Mais moi, je nie en termes simples la

 19   méthodologie utilisée par le Dr Tabeau, et j'estime que cela n'est pas le

 20   bon chiffre. Ça peut être ça, ça peut être plus grand, ça peut être autre

 21   chose, mais elle dit à l'instant c'est tant, puis elle dit que c'est plus,

 22   puis elle dit que c'est moins.

 23   Les 118 000 habitants dans ce tableau-ci, dans cette façon de calculer

 24   utilisée par le Dr Tabeau, constituent la population permanente de ces huit

 25   municipalités au moment où ces gens-là ont voté et ce n'est qu'ainsi qu'on

 26   peut les comparer avec les 230 000 d'avant alors bien que dans le premier

 27   tableau nous ait fourni ceci, mais le Dr Tabeau dit que les habitants qui

 28   vivaient là-bas en 1991 et qui ont voté en 1997 étaient seulement 80 000.

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  1   Puis, avec les correspondances qu'elle a faites, elle resoustrait [phon]

  2   les 80 000 et elle obtient 60 000 réfugiés. Si nous acceptons ce chiffre

  3   avancé par le Dr Tabeau, votre conclusion est tout à fait exacte.

  4   C'est une opération mathématique qui montre ce que vous avez

  5   précisément dit.

  6   Si nous acceptons les indices démographiques statistiques qui

  7   découlent des mêmes chiffres, ça nous montre qu'il n'y a pas de changement

  8   radical. Les rangs de représentativité des différents groupes ethniques,

  9   notamment les Croates et les Musulmans, sont restés les mêmes.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas. C'est

 12   peut-être un problème d'enregistrement ou de traduction. Je fais référence

 13   à deux lignes, la dernière ligne de la page 56 et page 57, les deux

 14   premières lignes. Là je lis ce que l'expert aurait dit : "Et nous voyons

 15   que le pourcentage de population par groupe ethnique en 1991 était ce qu'il

 16   était alors qu'en 1997, il était à nouveau ce qu'il était en 1997." Pour

 17   moi, c'est une tautologie. Je ne sais pas si c'est ce que vous avez dit

 18   réellement ou si vous vouliez dire quelque chose, mais qu'il manque des

 19   éléments.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Le pourcentage en 1997 est justement ce qui a

 21   été indiqué dans le tableau. C'est ce que j'ai essayé de dire, car je ne

 22   souhaitais pas lire chaque pourcentage séparément.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. C'est différent,

 24   évidemment, si vous voulez dire que c'était ce que c'était dans le tableau,

 25   mais qu'en 1997, c'était une phrase qui s'annulait quelque part.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation]

 27   Q.  Je ne veux pas m'appesantir sur ce tableau, car nous avons aussi

 28   d'autres points à couvrir. Mais ces chiffres qui figurent dans la colonne

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  1   1991 et 1997, les totaux, ensuite la répartition entre Croates, Musulmans,

  2   Serbes et autres, est-ce que ces chiffres sont véritablement fiables pour

  3   1991 ? Commençons par 1991. Quel est le degré de fiabilité des chiffres qui

  4   sont donnés pour 1991 ?

  5   R. Les données sont reprises du recensement de la population. Cela dit,

  6   l'expert de l'Accusation, s'agissant de certains groupes d'âge, il les a

  7   transformés en personnes majeures en s'imaginant ce qui aurait dû être le

  8   cas en 1997. Ces données sont relativement fiables. Pourquoi est-ce que je

  9   dis relativement ? Non pas parce que je doute du nombre de membres de la

 10   population suivant le recensement, mais tout simplement car

 11   méthodologiquement, il existe des méthodes permettant de calculer les

 12   groupes d'âges.

 13   Or, le Dr Tabeau dit que "toutes les personnes qui sont nées en 1980

 14   et avant, sont des personnes majeures car en 1998, ils pourront voter." En

 15   termes généraux, j'ai tendance à être d'accord, mais le

 16   Dr Tabeau ne dit pas s'il s'agit de l'année de calendrier lorsqu'on parle

 17   de l'année de naissance, mais acceptons cela pour le moment.

 18   Mais il existe une autre controverse, car si vous souhaitez comparer

 19   ces données avec l'année 1997 - et on n'entre pas dans la qualité

 20   maintenant - mais nous avons la date de 1991, par exemple, il existe un

 21   certain pourcentage de personnes, mais il ne faut pas oublier que certaines

 22   personnes sont peut-être mortes entre-temps, certaines personnes ont

 23   déménagé. J'ai quelque part les informations, mais pas ici, je les ai à

 24   l'hôtel. Par exemple, indiquant qu'il y avait environ 10 000 personnes dans

 25   toutes ces municipalités qui étaient âgées de plus de 75 ans. Techniquement

 26   parlant, ce sont des électeurs potentiels.

 27   Puis, vous avez des statistiques indiquant que dans ces huit

 28   municipalités en 1996, 1997, 1998, plus de 5 000 personnes sont mortes.

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  1   Qu'en est-il des personnes mortes en 1992, 1993, 1994 ou

  2   1995 ? La statistique officielle ne dispose pas de cette donnée-là.

  3   Le département démographique, conformément à une instruction spéciale

  4   donnée par le Tribunal de La Haye, dispose de la statistique de la

  5   Fédération de la Bosnie-Herzégovine et de la Republika Srpska; ces deux

  6   entités ont procédé à une étude à part concernant le taux de mortalité

  7   entre 1992 et 1995. Cette base de données existe au sein du département

  8   démographique de l'Accusation.

  9   S'il est possible de trouver les correspondances par rapport aux

 10   listes électorales pour pouvoir établir l'appartenance ethnique d'une

 11   certaine personne et m'imposer d'une certaine personne -- à une personne,

 12   dans ce cas-là, il aurait fallu utiliser la même méthode pour nettoyer,

 13   d'une certaine manière, le recensement de l'année 199, des erreurs en

 14   utilisant cette même méthodologie et l'amener à un niveau acceptable.

 15   Q.  Bien.

 16   Mme WEST : [interprétation] -- avoir une citation concernant le nombre de

 17   décès du rapport.   

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Ceci pourra être couvert par le contre-

 19   interrogatoire. Mais peut-être -- je ne sais pas si le moment est venu de

 20   prendre une pause, mais je crois que mon collègue ne va pas faire son

 21   contre-interrogatoire tout de suite.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Je regarde votre tableau et ce sera la dernière

 23   question avant la pause. Tableau 1. Je regarde la situation des Serbes. 30

 24   495 en 1991. En 1997, ils ne sont plus que 3 281. Ils ont quasiment presque

 25   tous disparu. D'ailleurs, au niveau du rang, on les retrouve en quatrième

 26   position. Alors lorsqu'on parle d'épuration ethnique, est-ce qu'à ce

 27   moment-là, la première ethnie concernée ne serait-elle pas les Serbes ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis une démographe. Je ne sais pas ce

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  1   qu'est la purification ethnique. Ce que je sais, c'est ce que la

  2   modification de la structure ethnique est.

  3   D'après ces indices, on peut voir que les changements les plus

  4   raciaux en matière des modifications de groupes ethniques concernaient les

  5   catégories des autres, qui incluent les Yougoslaves et d'autres groupes

  6   ethniques et les Serbes. Mais je souligne encore une fois qu'il ne s'agit

  7   pas de mes données à moi, mais des données reprises du rapport de Mme Eva

  8   Tabeau et en bas j'indique la source de ces données-là.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et si on comprend bien, dans l'index, les

 10   Croates et les Musulmans gardent le même rang tel que Mme Tabeau l'indique

 11   ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. D'après ces données-là, leur rang est le

 13   même et du point de vue qualitatif, il n'y a pas de changements radicaux,

 14   quelques baisses, mais pas de changements radicaux. Or, les catégories des

 15   Serbes et des autres changent de rang, d'après les données de Mme Tabeau.

 16   Mais elle ne tire pas ces conclusions-là. Les conclusions du Dr Tabeau sont

 17   tout à fait différentes. Elle parle séparément des Croates -- enfin,

 18   particulièrement des Croates, particulièrement des Musulmans, puis elle

 19   utilise un terme que je ne connais pas en tant que démographe, en disant

 20   les non-Croates.

 21   Je peux comprendre que dans d'autres contextes on utilise ce terme-

 22   là, mais pour un démographe, qu'est-ce que ça veut dire, un non-Croate ?

 23   Tous ceux qui ne sont pas des Croates ? Donc, le Dr Tabeau n'a pas un

 24   tableau analytique qui - et peu importe si je suis d'accord ou pas avec ces

 25   données-là - un tableau qui, même avec des données obtenues ainsi,

 26   indiquerait que s'agissant des Croates et des Musulmans il n'y a pas de

 27   changements radicaux de structure ethnique.

 28   Mme Tabeau donne 100 tableaux simples et c'est différent des tableaux

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  1   analytiques où elle présente chaque groupe ethnique à part et il est très

  2   difficile de s'y retrouver.

  3   Ce que je souhaitais dire, c'est que le résultat du Dr Tabeau et les

  4   conclusions qu'elle en tire ne sont pas conformes s'agissant de la

  5   structure ethnique.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, sur les tableaux qu'on a, il me semble qu'il

  7   aurait été utile d'avoir le recensement précédent, qui était en 1981. Est-

  8   ce que vous avez le chiffre de la population totale en 1981 avec la

  9   répartition des Croates et des Musulmans et des Serbes, pour voir si entre

 10   1981 et 1991, il n'y a pas eu une diminution en raison du fait que certains

 11   sont passés à l'ouest ou ont été travailler en Allemagne, et cetera. Vous

 12   avez le chiffre ou vous ne l'avez pas ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai de telles données. Je ne les ai pas

 14   ici, mais j'ai dans la salle des témoins -- j'ai le livre publié par

 15   l'institut fédéral, suivant les groupes ethniques et qui indique que

 16   l'ensemble de la structure ethnique dans l'ensemble de la Bosnie-

 17   Herzégovine a commencé par le recensement de 1948 et qui se termine avec le

 18   recensement de 1991.

 19   Je souhaite attirer votre attention sur le fait que l'institut

 20   fédéral publie les données concernant la population dans son ensemble,

 21   alors que le Dr Tabeau, ici, représente les adultes, les majeurs. Mais si

 22   l'on se penche aussi sur la population dans son ensemble, nous pouvons

 23   constater qu'il n'y a pas de changements drastiques, dramatiques.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Durant la pause, si vous pouvez regarder le livre et

 25   me dire, en 1981, combien il y avait une population, combien de Croates et

 26   combien de Musulmans ? Ça peut être, le cas échéant, utile.

 27   Alors, on va faire la pause de 20 minutes.

 28   --- L'audience est suspendue à 17 heures 29.

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  1   --- L'audience est reprise à 17 heures 51.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

  3   Madame, pendant le break vous avez regardé votre livre. Pouvez-vous

  4   nous dire quelle était la population en 1981 et quelle était la répartition

  5   croate, musulmane, serbe ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le livre qui a été publié par l'Institut

  7   fédéral de la statistique de la population. Cela étant dit, ceci a été

  8   publié à Zagreb, mais concerne l'ensemble de la population en 1991. A la

  9   première page de ce livre, nous avons un aperçu comparatif de la population

 10   en Bosnie-Herzégovine à partir du recensement de 1948 jusqu'à celui de

 11   1991, et suivant la classe plus vaste de groupes ethniques.

 12   En Bosnie-Herzégovine en 1981, il y avait 4 124 256 habitants, dont

 13   758 140 habitants étaient des Croates. Excusez-moi, je dois prendre un

 14   papier pour mieux lire le tableau.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Peut-être que nous pourrions le placer

 16   sur le rétroprojecteur de façon à ce que tout un chacun puisse le voir.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] 

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc 758 146 Croates; ensuite

 19   1 630 033 Musulmans; ensuite 1 320 738 Serbes; et tous les autres, ce sont

 20   les autres groupes ethniques, dont les Yougoslaves étaient le groupe le

 21   plus nombreux, et leur nombre était de 326 316 habitants.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, dans le tableau du bas, on voit les

 23   pourcentages, apparemment en 1991, il y avait 17,4 % de Croates, 17,4; et

 24   43,5 de Musulmans; 31,2 Serbes; c'est bien ça ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Simplement on n'a pas le tableau pour les huit

 27   localités.

 28   Maître Karnavas.

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  1   M. KARNAVAS : [interprétation]

  2   Q.  Bien.

  3   R.  Dans ce livre nous n'avons pas de tableau pour les huit localités, mais

  4   nous avons des cantons de la Bosnie qui présentent l'évaluation pour

  5   l'année 2002, et suivant les municipalités, nous pouvons obtenir le nombre

  6   total d'habitants d'après les évaluations pour la Bosnie-Herzégovine et en

  7   fonction des groupes ethniques.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si

  9   vous souhaitez voir cela ?

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, si ça vous paraît utile d'avoir les

 11   chiffres de 2002 pour les huit cantons --

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] J'étais en train de vous demander, Madame,

 13   Messieurs les Juges, compte tenu du fait que mon temps est limité, c'est

 14   pour ça que je vous posais la question.

 15   Q.  Je vais revenir à une des choses que vous avez dites, parce qu'il

 16   y a beaucoup de questions à propos de ces chiffres et du tableau que vous

 17   nous avez montré, et je vous avais posé une question sur la fiabilité de

 18   ces chiffres, et à un moment donné, vous avez commencé par dire que

 19   l'appartenance ethnique était modifiée par la corrélation et que Mme Tabeau

 20   utilisait cette méthode, autrement dit l'affiliation ou l'appartenance

 21   ethnique en modifiant la corrélation. Qu'est-ce que vous voulez dire par là

 22   ?

 23   R.  Dans les listes électorales, il n'y a pas de données portant sur

 24   l'appartenance ethnique. Afin d'obtenir la donnée relative à l'appartenance

 25   ethnique, pour ce qui est des personnes qui se sont inscrites aux listes

 26   électorales, l'expert de l'Accusation a procédé à la corrélation des

 27   données. J'ai déjà dit de quelle façon elle avait modifié la clé, en

 28   appliquant comme critère le nom, le prénom et la date de naissance. Et

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  1   lorsqu'elle obtient une telle corrélation, elle constate, d'après le

  2   recensement, si la personne est Serbe ou Croate ou Musulmane ou autre, et

  3   donc elle reprend cette appartenance ethnique et la calque sur la liste

  4   électorale et dit : "Voilà. D'après mes données en corrélation, ces

  5   électeurs-là appartiennent à ce groupe ethnique-là." Et elle représente

  6   cela comme s'il s'agissait de deux sources de données tout à fait

  7   différentes et indépendantes, puis maintenant vous pouvez comparer ce qui

  8   s'est passé en 1991 et ce qui s'est passé en 1997. Or, ceci n'est pas

  9   exact. Techniquement parlant et sur le plan pratique, vous comparez ce qui

 10   s'est passé en 1991 et ce qui s'est passé de nouveau en 1991, s'agissant

 11   des personnes pour lesquelles vous avez trouvé les correspondances.

 12   Quel est le grand problème que ceci pose ? Dans tous les recensements de la

 13   population dans l'ex-Yougoslavie, le critère pour qu'une personne déclare

 14   son appartenance ethnique est subjectif. Un critère subjectif - et ça veut

 15   dire que je peux décider, à un moment donné, d'après la manière dont je me

 16   sens, je peux aussi évaluer la situation politique, je peux considérer que

 17   je ne trouve pas le recenseur sympa et je peux décider lors d'un

 18   recensement d'être Serbe, lors du deuxième d'être Croate, lors du troisième

 19   d'être Yougoslave, et j'avais aussi le droit de ne pas me déclarer sur le

 20   plan de l'appartenance ethnique - donc le critère subjectif vous permet de

 21   changer votre déclaration d'appartenance ethnique, et certainement, il y a

 22   eu de tels cas.

 23   S'agissant de certains groupes ethniques et de certaines communautés qui

 24   sont moins nombreuses, car statistiquement parlant, moins la masse est

 25   grande, plus elle est sensible et plus les problèmes éclatent de manière

 26   visible. S'agissant de petits groupes ethniques, vous trouvez plus

 27   d'irrégularités entre les deux recensements. Irrégularités qui ne peuvent

 28   pas être expliquées démographiquement mais qui sont la conséquence des

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  1   déclarations différentes.

  2   Et ici, par exemple, la catégorie des Yougoslaves est particulièrement

  3   importante et intéressante pour nous. Compte tenu du moment politique du

  4   recensement en 1991 avant la dissolution de l'Etat, les troubles, les

  5   émeutes, et ainsi de suite, vous pouvez voir que le nombre de Yougoslaves a

  6   baissé de manière importante. Et si je peux faire un calcul rapide, je

  7   pense qu'il s'agissait de plus de 100 000 Yougoslaves qui se sont déclarés

  8   en tant que tels en 1981 par rapport à 1991. Or, ils n'ont pas tous

  9   déménagé ni trouvé la mort. La seule explication possible est un changement

 10   de l'attitude au moment de la déclaration portant sur l'appartenance

 11   ethnique.

 12   Et puisque nous avons les données allant de 1948 jusqu'en 1991, il est très

 13   intéressant aussi de voir le nombre de Musulmans et voir une croissance

 14   démographiquement inexplicable. Vous pouvez voir qu'en 1961, il y avait 822

 15   000 Musulmans, or, en 1991, ce chiffre est de plus d'un million, à savoir 1

 16   484 430 Musulmans. Il s'agit d'une augmentation importante de personnes qui

 17   se déclarent en tant que Musulmans.

 18   Il s'agit d'une différence de 500 000. Or, la population ne s'est pas

 19   accrue suivant un pourcentage aussi élevé. Mais de tels changements

 20   s'expliquent par le fait que certaines personnes ont commencé à se déclarer

 21   différemment.

 22   Et je vous donne l'exemple de Musulmans puisque c'est un exemple complexe

 23   et puisque, suivant les recensements différents, ils avaient des

 24   possibilités différentes de se déclarer en tant qu'appartenant à tel ou tel

 25   groupe ethnique, et c'est un exemple bien drastique.

 26   Q.  Bien --

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Madame Radovanovic, est-ce qu'il y a

 28   une autre façon de procéder lorsque l'on se déclare tel ou tel, lorsqu'il

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  1   s'agit de déterminer l'appartenance ethnique de quelqu'un ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le recensement de la population.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Et ce recensement est basé là-

  4   dessus, sur le fait que les gens se déclarent tout seuls ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça se fonde exclusivement sur le choix

  6   personnel, sur la déclaration de la personne.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Donc en réalité il n'y a pas d'autre

  8   façon de faire, on peut simplement demander à la personne si cette personne

  9   est Musulmane ou si elle est Croate.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation]

 13   Q.  Qu'en est-il de la liste électorale ? Est-ce que cette liste donne

 14   l'appartenance ethnique de chaque individu ou pas ?

 15   R.  Non. Personne ne le demandait à personne. D'ailleurs à l'époque, ceci

 16   n'était même pas considéré comme important de savoir quelle était

 17   l'appartenance ethnique des personnes. Je répète, la liste électorale ne

 18   contient pas une question liée à l'appartenance ethnique.

 19   Q.  [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : L'augmentation entre 1961 et 1991 des Musulmans, 500

 21   000, c'est un chiffre énorme. C'est dû à quoi ? Au taux de natalité ou à

 22   d'autres facteurs, à savoir que ces Musulmans, en 1961, estimaient ne pas

 23   avoir une identité, une reconnaissance musulmane, et ce n'est qu'en 1991,

 24   au moment où l'on parle de l'indépendance possible, qu'il y a une prise de

 25   conscience ? Comment vous expliquez un chiffre pareil d'écart sur 30 ans ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un problème du point de vue statistique

 27   qui se résume à ce qui suit : dans le recensement de 1948, il y avait la

 28   possibilité de se prononcer comme non opté, Musulman-Serbe, Musulman-

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  1   Croate, Musulman-Macédonien, et cetera. Dans le recensement de 1953, il y a

  2   dans la nomenclature statistique un nouveau qualificatif qui dit, Musulmans

  3   du point de vue ethnique, non pas du point de vue confessionnel.

  4   Le recensement de 1961 dit, Musulmans du point de vue de

  5   l'appartenance ethnique. On disait du point de vue de la nationalité.

  6   C'était le terme consacré.

  7   En 1971, on disait, Musulmans avec un grand M, du point de vue de

  8   l'appartenance à un peuple déterminé. Et ça s'est passé ainsi en 1981, en

  9   1991, dans ces recensements consécutifs. Et probablement en 2011, y aura-t-

 10   il en Bosnie un recensement, je suppose, qu'ils diront alors Bosniens.

 11   Donc du point de vue statistique démographique, il y a un grand écart

 12   qui est manifeste et cela n'est pas dû seulement au taux de natalité. Il y

 13   a, bien sûr, le taux de natalité mais il y a surtout une consolidation

 14   ethnique, à savoir que les gens se prononcent différemment d'un recensement

 15   à l'autre.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que le facteur religieux a pu jouer un rôle ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en suis pas sûre. Je ne pourrais pas

 18   définir les choses de la sorte. Il y a aussi une confusion créée par l'Etat

 19   de Yougoslavie. Nulle part au monde il y a une possibilité de se déclarer

 20   Musulman en tant qu'appartenance ethnique. C'est une appartenance

 21   confessionnelle ça. Je ne pense pas que le facteur ethnique était décisif

 22   mais je ne me suis jamais penchée sur le problème. Je ne peux pas donc vous

 23   dire que ça a ou ça n'a pas joué un rôle dans tout cela.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Finalement, l'augmentation de 500 000, n'est-ce pas

 25   dû au fait que le gouvernement central ou le gouvernement fédéral vis-à-vis

 26   du facteur religieux était moins présent et laissait plus à ce moment-là

 27   les personnes à exprimer leur religion, ce qui a pu entraîner non pas des

 28   conversions mais des revendications d'appartenance à la religion musulmane

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  1   ? Parce que le pouvoir communiste était en recul sur plan ou bien c'est dû

  2   à autre chose ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons vécu dans un système spécifique qui

  4   avait pensé avoir résolu de la meilleure des façons possible la question

  5   ethnique, les problèmes ethniques et cela était censé constituer une

  6   réflexion de la liberté des gens permettant de se prononcer comme on

  7   l'entend.

  8   M. LE JUGE MINDUA : Madame, je voudrais revenir un peu à la question de

  9   l'augmentation du nombre de Musulmans entre 1948 et 1991 à travers les

 10   différents recensements. Vous avez dit que chacun se déclarait de l'ethnie

 11   qui lui plaisait. Moi, ça m'étonne un tout petit peu dans la mesure où dans

 12   la Yougoslavie socialiste si justement on avait prévu ce système d'ethnie

 13   et de nationalité c'était pour essayer de contrôler les différents

 14   équilibres.

 15   Alors vous comprenez que si chacun pouvait changer d'ethnie au gré

 16   des recensements, sans aucune possibilité, comment dirais-je, pour l'Etat

 17   de s'assurer de la nationalité exacte de chacun, des conflits pouvaient

 18   survenir notamment dans les cas de répartition des postes. Par exemple,

 19   s'il s'agissait de réserver un certain nombre de postes à des Serbes ou a

 20   des Croates, et du coup une personne pouvait changer sa nationalité, son

 21   ethnie par rapport au recensement d'avant et se déclarer d'une nouvelle

 22   nationalité. Que faisait l'Etat par rapport à ça ?

 23   Je m'excuse, le Juge Prandler me fait remarquer que dans le

 24   transcript c'est marqué à la page 73, ligne 20, Yougoslavie nationaliste,

 25   moi, je parlais de la Yougoslavie socialiste.

 26   S'il vous plaît, est-ce que je peux avoir une réponse à ma question ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Votre question est plutôt complexe. Elle

 28   comporte plusieurs facettes où je ne serais peut-être pas trop experte pour

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  1   vous apporter des réponses. Du point de vue politique, nous vivions dans ce

  2   qu'il était convenu d'appeler l'unité et la fraternité et personne ne

  3   mettait en exergue le fait décisif d'être de ce groupe ethnique plutôt que

  4   de l'autre. Il est vrai d'autre part que sur le plan politique, c'est

  5   suivant la clé ethnique que l'on confiait des postes de haut rang, parce

  6   qu'on veillait à ce que toutes les catégories ethniques soient

  7   représentées. Mais les recensements de la population vous donnaient la

  8   possibilité de vous déclarer, de vous prononcer sur le plan ethnique comme

  9   vous entendiez le faire. Et le recensement de la population n'était pas un

 10   repère pour, par exemple, dire si Svetlana Radovanovic en 1961 aurait dit

 11   quelle était Serbe, et 1971, elle aurait dit quelle était Croate, non. Les

 12   milieux politiques vaquaient à leurs affaires suivant leur propre clé

 13   politique à eux.

 14   Le recensement avait une clause aussi pour 1991, 1980 et 1971, en

 15   application de, je ne sais plus quel article de la constitution, on disait

 16   que tout individu avait le droit de ne pas se prononcer du point de vue de

 17   son appartenance ethnique. Donc personne n'exerçait une pression à

 18   l'encontre d'un tel pour qu'il se déclare de telle ou telle façon. Mais

 19   l'ambiance dans laquelle le recensement a eu lieu, par exemple, sur le plan

 20   politique, à chaque fois qu'il y a des bouleversements, dans des milieux

 21   hétérogènes sur le plan ethnique, le recenseur lui aussi a une influence à

 22   exercer. Ça peut être une influence importante. Il peut contribuer à faire

 23   en sorte que les questions qui ne sont pas posées avec précision où il y

 24   aurait des éléments de critères subjectifs qui interviendraient pour que

 25   cela devienne tout à coup litigieux. Pourquoi litigieux ?

 26   Quand je dis litigieux, ce n'est pas pour contester les

 27   renseignements officiels donnés par les statistiques de la Bosnie-

 28   Herzégovine. Ce que je veux dire c'est qu'un expert démographe qui étudie

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  1   la structure ethnique en application de données officielles se doit d'être

  2   au courant de la méthodologie, des temps, des possibilités, des modalités,

  3   suivant lesquelles ces renseignements ont été recueillis. Et il faut être

  4   très, très prudent car on dit : "Les gens se déclarent comme tels."

  5   Moi, je déclare mon opinion ethnique. Et techniquement parlant, ça

  6   peut ne rien à voir avec mon identité nationale propre. Par exemple, lors

  7   d'un recensement je peux dire que je suis de Papou ou d'un autre continent,

  8   mais je peux aussi dire que je ne suis rien du tout, ne pas me déclarer du

  9   tout.

 10   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.

 12   Q.  Je veux maintenant vous poser une question très simple. Je vais vous

 13   demander de me donner des réponses plus courtes; mon temps n'est pas

 14   illimité malheureusement et je le regrette. Voici ma question : ce rapport

 15   que nous avons évoqué, quel est son degré de fiabilité des statistiques ?

 16   Les données au sein de la communauté scientifique, est-ce que ce type de

 17   rapport, les méthodes utilisées, les données qui ont été rassemblées, la

 18   façon dont tout ceci a été traité, quelle est la fiabilité de ce type de

 19   rapport, s'il vous plaît ? 

 20   R.  Ce rapport ne satisfait pas, ne serait-ce qu'à un minimum de fiabilité.

 21   Il découle d'éléments ou de sources de renseignements non cohérents où les

 22   erreurs abondent, et par utilisation de norme modifiée vis-à-vis des

 23   méthodes usuellement utilisées dans la démographie statistique. Et à cet

 24   effet, on ne saurait ni le considérer comme un travail d'expert ni comme un

 25   travail scientifique.

 26   Q.  Bien. Dans sa déposition, le Pr Tabeau, à un moment donné, a précisé

 27   qu'il s'agissait d'une technique assez unique, une méthode assez unique qui

 28   était utilisée ici en matière de démographie. Je sais que vous avez écouté

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  1   sa déposition. Est-ce que vous pourriez nous expliquer si cette

  2   méthodologie est véritablement unique, et si tel est le cas, quel est son

  3   degré de fiabilité en tant que méthodologie dans le domaine démographique ?

  4   R.  En tant que méthodologie ce n'est ni scientifique ni propre à un

  5   expert. Pour être unique, oui, unique, elle l'est. Ce n'est utilisé qu'au

  6   département démographique du Tribunal de La Haye. Nulle part ailleurs au

  7   monde, pour autant que je le sache - et je pense connaître vraiment la

  8   littérature mondiale et celle de l'ex-Yougoslavie - jamais aucune recherche

  9   scientifique ni experte ne s'est servie de ces méthodes modifiées, pas plus

 10   que de ces sources de données.

 11   Q.  Bien. Nous allons brièvement aborder maintenant le deuxième rapport,

 12   mais peut-être étant donné votre réponse la question se prête bien étant

 13   donné la manière dont vous avez critiqué Brungbor et Tabeau. Comment se

 14   fait-il qu'ils aient recours à cette méthodologie puisqu'on peut l'appeler,

 15   enfin, si on peut l'appeler comme cela, est-ce que c'est qu'ils ne savent

 16   pas, est-ce qu'au contraire ils sont très novateurs ?

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Karnavas, cela est assez

 18   spéculatif, je crois. Comment l'expert peut-elle savoir ce qui était à

 19   l'esprit du Dr Tabeau ?

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Je peux y répondre. Je ne pense pas que ce

 21   soit de la nature de spéculation car il s'agit d'un expert. Si, par

 22   exemple, un expert manipule des données, manipule des sources d'information

 23   et il semblerait dans la déposition, j'ai posé cette question, de savoir

 24   s'il s'agit de manipulation, manifestement peut-être pourrait-on là se

 25   rapprocher de la vérité.

 26   R.  Attendez-vous une réponse de ma part ?

 27   Q.  Bien. Laissez-moi revenir un instant en arrière, et je vais essayer de

 28   reformuler pour les Juges.

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  1   Est-ce qu'il y a eu une manipulation, et si tel est le cas, est-ce que vous

  2   voulez informer la Chambre de première instance et nous dire comment se

  3   fait-il que ces experts auraient manipulé des données, des sources et une

  4   méthodologie ?

  5   R.  Il s'agit d'une manipulation. Pourquoi me permets-je de dire chose

  6   pareille ? Parce que je crois qu'un expert, l'expert de l'Accusation sait

  7   pertinemment bien quelles sont les bonnes méthodes, comment elles doivent

  8   être utilisées, quelles sont les bonnes sources de données. Moi-même, si je

  9   n'avais participé à la rédaction d'aucun rapport et l'expert de

 10   l'Accusation n'était pas censé lire l'un quelconque de mes rapports.

 11   L'expert de l'Accusation est un démographe. Elle a fait des écoles. Elle a

 12   des connaissances en matière de démographie.

 13   Or si j'ai lu moi, six rapports rédigés par l'expert du Procureur, et

 14   si les six se rapportent à des domaines différents, à des municipalités

 15   différentes, à des ensembles ethniques différents, et à des accusés

 16   différents, et si les six rapports se fondent sur les mêmes sources de

 17   renseignement, le recensement de 1991 et les listes électorales, tous les

 18   rapports se servent de la même méthode de corrélation, de mise en

 19   correspondance. Et tous comparent une structure ethnique qu'on a collée,

 20   copiée, collée. Tous parlent de réfugiés et de personnes déplacées en terme

 21   de soustraction vis-à-vis du recensement de 1991 par rapport à ce que

 22   l'expert a placé en corrélation. Tous les rapports disent, nous avons une

 23   définition statistique des réfugiés et des personnes déplacées. Mais ces

 24   définitions n'existent pas et un démographe le sait fort bien.

 25   Donc si en substance ces rapports sont tout à fait les mêmes, s'ils

 26   se servent des mêmes sources, s'ils se servent de la même méthodologie, je

 27   pense, qu'il s'agit bel et bien de manipulation.

 28   Q.  Est-ce que vous estimez qu'il y a eu des efforts concernant les

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  1   chiffres, les pourcentages ou les chiffres élevés qui sont

  2   donnés ? Est-ce que vous pensez que ça fait partie de cette manipulation,

  3   et si c'est le cas, est-ce que vous voulez bien nous expliquer comment

  4   cette manipulation aurait pu avoir lieu ou peut encore avoir lieu au sein

  5   de cette unité du bureau du Procureur ?

  6   R.  Je pense que l'expert a constamment cherché à augmenter, à gonfler

  7   certains chiffres relatifs à des catégories de la population. S'il avait

  8   besoin de plus de personnes déplacées et de plus de réfugiés, il pouvait

  9   manipuler et dire : "J'en ai placé tant en corrélation." Donc l'aspiration

 10   était celle qui tendait vers l'augmentation de ce que l'expert était censé

 11   constater et découvrir.

 12   Mais par les correspondances établies. Si dans un cas, vous vous servez de

 13   71 critères pour établir une corrélation, c'est déjà douteux, dans le cas

 14   concret ici et dans ces rapports-ci, l'expert dit : "Je me sers d'une

 15   méthodologie de mise en corrélation. Et il y a deux étapes." Sans pour

 16   autant fournir la statistique desdites étapes, l'expert dissimule, en

 17   l'occurrence, la possibilité qui est la nôtre de voir le degré de

 18   combinaisons qu'elle utilise.

 19   Quand je parle de statistiques ici, j'entends la chose suivante. Le

 20   témoin nous dit : "J'ai placé en corrélation 140 000 personnes de la liste

 21   électorale avec le recensement de la population," mais elle ne dit pas

 22   suivant les critères : nom, prénom, nom du père, date de naissance, là, 20

 23   %; critères : nom, prénom, année de naissance, 50 %, et ainsi de suite.

 24   Critère : si je mets l'initiale seulement, je n'ai pas le prénom entier,

 25   j'ai 80 % de corrélation. Avec ces statistiques de mise en corrélation, on

 26   pourrait avoir une idée exacte du type de combinaisons utilisées par

 27   l'expert, et on aurait une idée du groupe de données qui pourrait

 28   bénéficier d'un certain degré de fiabilité.

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  1   Un expert sait faire ce type de statistiques. C'est lui qui fait ces

  2   données, qui s'en sert. Et dans aucun des rapports que j'ai eu à voir, je

  3   n'ai vu ce type de statistiques de corrélation mis en exergue.

  4   Q.  Vous vous reportez au deuxième rapport. Il s'agit du document P 09837.

  5   Il s'agit du rapport que vous avez eu aussi, je crois, le loisir d'étudier,

  6   n'est-ce pas ? Le dernier document.

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Ici nous voyons du titre : "Personnes tuées lors du siège de Mostar."

  9   En termes démographiques, est-ce que vous pouvez nous définir ce que

 10   signifie un siège en tant que démographe ?

 11   R.  Je ne peux pas le définir, parce que la notion de siège n'existe pas en

 12   matière de démographie.

 13   Q.  Est-ce que ça fait partie du travail du démographe que de caractériser

 14   un événement tel qu'un siège, par exemple ?

 15   R.  Mais non, ce n'est pas le travail d'un démographe, parce qu'il n'est

 16   pas qualifié en la matière. J'imagine que ça doit avoir à voir avec

 17   l'armée, la police, d'autres domaines de travail. Je ne dis pas qu'un

 18   démographe ne saurait oser essayer de le faire, mais si on ose s'aventurer

 19   dans le domaine d'autrui du point de vue scientifique, alors il serait,

 20   professionnellement parlant, correct, honnête de dire en note de bas de

 21   page : Sous "siège", j'entends telle et telle chose."

 22   Q.  Bien. Est-ce que vous pourriez nous dire brièvement, puisque vous avez

 23   analysé ce rapport, est-ce que vous avez constaté des problèmes afférents à

 24   ce rapport, et si tel est le cas, est-ce que vous voulez bien nous les

 25   décrire dans les grandes lignes ?

 26   R.  Les problèmes sont en premier lieu de nature méthodologique, et ça se

 27   ramène aux sources de données, ça se ramène aux modalités, à la

 28   méthodologie utilisée par l'expert de l'Accusation. Les manipulations en

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  1   matière de chiffres sont également évidentes, mais il y a une chose qui m'a

  2   particulièrement surprise, c'est la construction de deux nouvelles

  3   méthodologies pour ce qui est de la détermination de l'appartenance

  4   ethnique. Ça, jusqu'à présent, je ne l'ai vu nulle part, mis à part le

  5   département démographique du bureau du Procureur.

  6   Q.  Bien. Est-ce que vous pouvez nous décrire cela, et je vais vous

  7   demander de le redire lentement, parce que vous utilisez des termes parfois

  8   techniques, il se fait tard, et je crois que c'est quelque chose

  9   d'important que nous abordons, mais nous sommes dans un territoire un petit

 10   peu inconnu.

 11   R.  L'expert se sert de deux sources de données. La première source de

 12   données, ce sont des états civils de personnes décédées. La deuxième source

 13   de données, ce sont les registres d'un hôpital de guerre. La première

 14   source de données --

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : -- donnez-nous le décompte du temps. Bien.

 16   Continuez, Madame. Continuez.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, j'avais à peu près 48

 18   minutes après la pause, je crois.

 19   Q.  Vous voulez bien reprendre depuis le haut.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : -- le greffier va nous resonner.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est parce que vous prenez sur mon temps du

 22   fait de cette interruption.

 23   Q.  Madame, si vous voulez bien poursuivre et continuer de répondre à la

 24   question concernant la manipulation de ce rapport en particulier. Merci.

 25   R.  La première source de données, disais-je, ce sont les états civils, qui

 26   sont une source statistique de données du point de vue de la mortalité.

 27   Mais les registres d'état civil ne comportent pas de renseignements sur

 28   l'appartenance ethnique, or, l'expert tire des conclusions relatives à

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  1   l'appartenance ethnique.

  2   La deuxième source de données, ce sont les registres de l'hôpital de

  3   guerre, qui sont des notes de profane, qui ne sont établies en application

  4   d'aucune norme statistique et qui ne comportent aucune donnée

  5   d'appartenance ethnique. Mais l'expert a trouvé le moyen de les trouver. Et

  6   le troisième problème, c'est que l'expert ne sait pas ce que c'est que

  7   Mostar est; et tout le temps, l'expert parle de Mostar est. Donc l'expert

  8   n'est pas en mesure de définir l'espace étudié. Or, il y a une déterminante

  9   méthodologique importante qui porte sur les notions, sur le temps et sur

 10   l'espace de ce que l'on est en train d'étudier. Ce serait, en plus bref, ce

 11   que je pourrais vous dire.

 12   Q.  Au deuxième, là vous avez dit qu'elle a une manière de traiter - je

 13   crois que c'était l'appartenance ethnique et qui avait trait au livre. Vous

 14   avez indiqué qu'il y avait trois problèmes, Madame, et je reprends le

 15   deuxième problème. Vous nous avez dit qu'Ewa Tabeau n'a pas de problème

 16   pour définir les choses sur le plan de l'appartenance ethnique. Est-ce que

 17   vous pouvez expliquer plus avant ce que vous voulez dire par là ?

 18   R.  Oui. L'expert utilise deux méthodes, mais je dois dire deux "méthodes."

 19   L'une de ces méthodes concerne la détermination de la structure ethnique

 20   d'après les registres de mort, et la deuxième se fonde sur les registres

 21   des hôpitaux de guerre. Or, la structure ethnique sur la base des registres

 22   d'hôpitaux de guerre, elle les détermine à l'aide des experts sans donner

 23   leurs qualifications, de quel type d'experts il s'agit et experts pour quel

 24   domaine. Ils sont par le biais des noms et des prénoms des personnes. Or,

 25   s'agissant de la structure nationale qu'elle détermine sur la base de

 26   registre de mort, elle le fait par le biais de la fréquence d'un certain

 27   nom dans les recensements et sur la base de cette fréquence, elle détermine

 28   l'appartenance ethnique de la personne décédée.

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  1   Autrement dit, si le prénom Svetlana apparaît plus souvent chez les Croates

  2   que chez les Serbes, alors Svetlana est une Croate. Si le prénom Svetlana

  3   apparaît plus souvent chez les Serbes que chez les Croates et les

  4   Musulmans, alors Svetlana est une Serbe.

  5   Pour moi, vraiment c'était une surprise et vraiment je n'ai jamais vu

  6   cela ni entendu parler de cela où que ce soit.

  7   Q.  -- vu le degré de fiabilité des résultats obtenus dans ce rapport-ci,

  8   et lorsque je parle de fiabilité, et je veux dire au sens de la communauté

  9   scientifique des démographes.

 10   R.  Absolument pas fiables. Si l'on tient compte, ne serait-ce que de la

 11   manière dont on détermine la structure ethnique, si l'on tient compte de la

 12   qualité des sources, dans ce cas-là ils ne sont absolument pas acceptables.

 13   Et surtout si l'on tient compte du fait que vous ne savez même pas quel est

 14   l'espace pris en considération. Si vous ne savez pas définir quelque chose,

 15   comment voulez-vous que l'on parle de la fiabilité ? Le fait que ceci n'a

 16   absolument aucune fiabilité est corroboré par le fait qu'il n'existe

 17   absolument aucune donnée qui pour un démographe est très importante, à

 18   savoir le ratio de la population de ces personnes décédées. Est-ce qu'il

 19   s'agit de 0,5 % ou 15 % ou 50 %? Il n'est absolument pas possible de

 20   déterminer cela car on ne sait pas quel est l'espace ni la population prise

 21   en considération.

 22   Et cette analyse-là n'est pas vraiment une analyse, et elle ne

 23   s'appelle pas ainsi d'ailleurs.

 24   Q.  Bien.

 25   R.  Elle s'appelle - aidez-moi, s'il vous plaît - le siège de Mostar.

 26   Je vais trouver. "Les personnes tuées en raison du siège de Mostar, analyse

 27   statistique des registres des hôpitaux de guerre et des registres de

 28   personnes décédées.

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  1   Q.  Bien. Je vais vous poser la question suivante : est-ce que vous avez

  2   déjà observé ce type de méthodologie appliquée dans le champ démographique

  3   ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Est-ce que vous avez observé une manipulation dans ce rapport visant à

  6   augmenter la taille d'un groupe ethnique, et si tel est le cas, comment ?

  7   R.  Je l'ai remarqué, et je pourrais le montrer, ce serait plus facile.

  8   Même si le Dr Tabeau ne sait pas ce qu'est Mostar est, dans son rapport

  9   elle présente le tableau numéro 12, dans lequel elle expose les critères --

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Page 15, Messieurs les Juges.

 11   Q.  Veuillez poursuivre.

 12   R.  Un instant. Je vais trouver cette partie, moi aussi. Le tableau

 13   12, je crois. Je n'arrive pas à le trouver. Oui, le tableau numéro 12. Où

 14   il est dit : "Aperçu des critères de sélection des données pour l'analyse

 15   des décès liés au siège de Mostar."

 16   Et je vous prie de bien vouloir prêter attention à la première ligne.

 17   Dans la dernière colonne de la dernière ligne où nous avons le chiffre 539.

 18   C'est le résultat que l'expert de l'Accusation a déterminé.

 19   Mme WEST : [interprétation] Il s'agit du tableau 12, mais de quel rapport

 20   si vous voulez bien le trouver pour nous.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est à la page 15 de la version

 22   anglaise; page 15.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] P 09837. C'est le rapport dont nous parlons

 24   depuis une vingtaine de minutes, et nous en sommes à la page 15. Il s'agit

 25   du tableau numéro 12 qui figure au paragraphe 4.1, procédure de sélection,

 26   et cetera.

 27   Q.  Vous pouvez poursuivre, Madame.

 28   R.  Il détermine 539 cas, et puis vous avez les critères à appliquer pour

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  1   déterminer cela.

  2   Dans la première ligne, vous avez la région, puis il y a le numéro,

  3   la validité, la copie, numéro, et ainsi de suite, puis Mostar est. La

  4   question de savoir s'il s'agit là de Mostar est ou non, elle répond "non".

  5   Puis la question de savoir si les années sont conformes, si les causes sont

  6   liées à la guerre, et cetera. S'il y a le nom et le prénom.

  7   Le Dr Tabeau le dit explicitement d'ailleurs, est-ce que vous voulez que je

  8   trouve cette partie pour la citer. Je vais citer afin de ne pas

  9   paraphraser.

 10   A la page 6 en B/C/S --

 11   Q.  Si vous voulez bien nous donner le numéro du paragraphe, cela

 12   nous serait très utile.

 13   R.  Je ne sais pas.

 14   Q.  Ils sont numérotés en général 2.2, 2.3. C'est à la page 4. Page 4 de la

 15   version anglaise.

 16   R.  Je ne l'ai pas.

 17   Q.  Bien. C'est à la page 4. Poursuivez, Madame.

 18   R.  Très bien. Le docteur dit comme suit : "Même si la catégorie 'pas

 19   Mostar est' se réfère surtout au registre des décès de l'extérieur de

 20   Mostar est, les registres de Mostar est qui pour une certaine raison ne

 21   sont pas marqués comme Mostar est, ont été également inclus dans cette

 22   catégorie."

 23   Q.  Merci. Y a-t-il autre chose que vous souhaitiez éclairer concernant ce

 24   rapport afférent à des problèmes ou des manipulations, toute chose qui

 25   pourrait aider la Chambre de première instance dans son exercice

 26   d'évaluation ?

 27   R.  Quelque chose qui s'appelle la méthode de la répartition utilisée par

 28   le Dr Tabeau dans les deux rapports, mais dans celui-ci ceci est

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  1   particulièrement dramatique. La méthode de la répartition existe dans la

  2   statistique, ceci n'est pas contesté. Cependant, s'agissant au moins de la

  3   statistique officielle, il est recommandé de ne pas l'utiliser lors des

  4   études statistiques. Cette méthode sous-entend que vous avez un groupe

  5   d'unités statistiques dont une partie en a certaines caractéristiques, et

  6   une autre partie n'en a pas.

  7   S'agissant de cet exemple concret, ceci sous-entendrait que sur les

  8   539 cas que le Dr Tabeau trouve en tant que personnes tuées en raison du

  9   siège de Mostar. Veuillez examiner le tableau numéro 2, du rapport que j'ai

 10   élaboré, les données sont reprises du Dr Tabeau. Pardon, ça porte sur la

 11   cause du décès, ce n'est pas le tableau auquel je voulais faire référence.

 12   Elle parle des 539 cas dont les causes de décès sont différentes, d'après

 13   toutes les sources. Et vous allez voir que le nombre le plus élevé des

 14   causes n'est pas classifié. Autrement dit, il existe des données concrètes

 15   relatives seulement à 135 décès; alors que --

 16   Q.  Je vous prie, une fois -- est-ce que je peux aussi vous demander

 17   à quel tableau est-ce que vous faites référence ?

 18   R.  Je parle du tableau numéro 2 de mon rapport. Peut-être il vaut mieux se

 19   référer au tableau du Dr Tabeau. Peut-être c'est encore plus clair.

 20   Mais quel est l'essentiel ? S'agissant de la totalité de ce cas, vous

 21   n'avez pas les causes de décès. Vous avez les causes de décès seulement

 22   s'agissant d'une partie de ce chiffre total. Et une partie c'est 135 cas.

 23   Donc la répartition c'est pilonnage, 86 tués, 34 tués par balle, un certain

 24   numéro 1, ainsi de suite.

 25   Maintenant, je n'entre pas dans la question de savoir si les causes

 26   de décès sont bien présentées ou pas. Pour présenter maintenant toutes les

 27   données --

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. L'expert a fait

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  1   référence au tableau 16 qui figure à la page 17 du rapport de Mme Tabeau.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais vous demander, parce que le compte

  3   rendu doit être exact.

  4   Q.  Nous faisons référence au rapport de Mme Tabeau. Donc nous savons

  5   maintenant que nous parlons du tableau 16 dans le document

  6   P 08937, qui est à la page 17 de la version anglaise.

  7   Est-ce que vous voulez bien poursuivre maintenant de manière à ce que

  8   je puisse conclure aujourd'hui ? Il s'agit de la répartition des victimes

  9   dans le siège selon les causes de la mort. Ça figure à la page 28.

 10   R.  C'est le tableau 16. La répartition des causes des victimes en vertu de

 11   la cause du décès. Vous pouvez voir qu'il y a au total 539 personnes

 12   classifiées en vertu de la cause du décès dont  404 personnes n'ont pas de

 13   cause de décès indiquée.

 14   Maintenant le Dr Tabeau procède à une évaluation. Regardez la colonne

 15   numéro 3, et elle dit, les causes de décès évaluées; elle dit qu'il y a eu

 16   victimes de pilonnage, 76 d'après les sources de données, or elle les

 17   évalue à 303. Comment est-ce qu'elle le fait ? S'agissant du groupe connu

 18   en fonction de la cause du décès, autrement dit tous ceux sauf les 404,

 19   donc 76 plus 34, plus 18, plus 6, plus 1, au total 135. Maintenant elle

 20   dit, 135 c'est 100 %, 76, des 135 c'est à peu près 50 %, 50 %; maintenant

 21   je calcule 50 % des 404. Donc c'est un peu plus de 200 cas, 200 cas plus

 22   les 76 déjà mentionnés. Je conclus qu'il s'agit de 303 cas qui, d'après mes

 23   conclusions ont la cause du décès dont le pilonnage. Elle le fait pour

 24   d'autres causes de décès.

 25   Donc c'est cette méthode de répartition où vous transférez une proportion

 26   sur la basse d'un moindre chiffre sur le chiffre plus important, et vous

 27   savez, en avance que vos chiffres seront plus élevés. Car entre 100 % --

 28   enfin 100 % sur 400, et 100 % sur 76, c'est très différent. Mais cette

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  1   méthode proportionnelle, c'est une méthode bien connue, mais si elle

  2   s'applique de cette manière à un chiffre aussi peu élevé, c'est très

  3   sensible car nous avons une augmentation; alors de trois à quatre fois de

  4   plus. Et cette méthode appliquée à de numéros des chiffres élevés était

  5   utilisée lors du recensement. Par exemple, un certain nombre de personnes

  6   n'avait pas de détermination du groupe d'âge. Si vous avez 4,4 millions

  7   d'habitants de Bosnie-Herzégovine et vous savez que peut-être tel groupe

  8   d'âge représente 1 à 3 ou 3 à 4 %, vous pouvez alors procéder à ce genre de

  9   calcul proportionnel. Mais lorsque vous avez une masse aussi petite et que

 10   vous l'augmentez, vous arrivez aux chiffres qui sont quatre fois plus

 11   élevés. L'utilisation de cette méthode ainsi constitue un abus, car un

 12   démographique sait que si vous appliquez cette méthode sur une masse

 13   statistique petite les données de résultats peuvent être déformées.

 14   Q.  -- vous -- qui reconnaît que vous n'avez pas fourni une analyse écrite

 15   de tout cela. Pourriez-vous nous dire très brièvement si les mêmes méthodes

 16   sont utilisées dans ce rapport lorsqu'il s'agit des blessés et des morts ?

 17   Mme WEST : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Comme Me

 18   Karnavas vient de le dire, il n'y a pas de rapport écrit là-dessus. Ce

 19   n'est pas quelque chose que nous sommes disposés à traiter d'autant que le

 20   témoin n'est pas préparé à cela, et --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : -- les tableaux, alors comme il y a des blessés, on

 22   peut peut-être savoir comment tout ça a été calculé.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation]

 24   Q.  Pourriez-vous nous dire comment on faisait le calcul de ces blessés

 25   compte tenu des observations actuelles ? Comment Ewa Tabeau inscrit-elle

 26   les chiffres des blessés par opposition aux personnes décédées ?

 27   R.  Excusez-moi, vous parlez de quel tableau ?

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce qu'il ne faut pas demander au

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  1   témoin si elle a étudié ce rapport, car ceci devrait être le fondement de

  2   toute autre question ?

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Le témoin a précisé - et c'est quelque chose

  4   qu'elle a dit un peu plus tôt, au tout début. Je suis tout à fait - si vous

  5   vous reportez au début, je peux vous donner le numéro de page.

  6   Q.  Avez-vous eu l'occasion de regarder le troisième rapport ?

  7   R.  Oui. Dans mon deuxième rapport je mentionne le fait que dans l'hôpital

  8   de guerre il y avait 6 000 blessés ainsi de suite, mais j'ai étudié de près

  9   aussi le troisième rapport. Je n'ai pas écrit mon propre rapport pour

 10   plusieurs raisons.

 11   Tout d'abord le manque de temps, puis deuxièmement puisque j'aurais répété

 12   exactement la même chose, car tous les problèmes sont identiques. A

 13   commencer par les sources de données, il existe une seule source. C'est le

 14   registre de l'hôpital de guerre. A travers le manque de connaissances de

 15   l'espace géographique concernée mis à part le fait que l'on sait que

 16   l'hôpital de guerre est à Mostar est, à gauche de la Neretva. Puis à

 17   travers les calculs de ses propres statistiques, pour ainsi dire, et ça non

 18   plus ce n'est pas une analyse du tout. Il s'agit tout simplement d'un

 19   commentaire d'une source de données sur la base duquel quelqu'un tire

 20   certaines conclusions statistiques. Et si vous n'avez aucune comparaison

 21   avec quoi que ce soit, de quelle analyse peut-on parler ?

 22   Si je tire mes propres données et je présente mes propres données, je

 23   n'ai aucune comparaison, aucun point de repère, bien, ce n'est pas une

 24   analyse ça. 

 25   Q.  Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Juge, est-ce que c'est un

 27   problème ?

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous demandez pour demain la Défense, qui va

  2   intervenir demain ? J'ai cru comprendre qu'il y avait la Défense Praljak et

  3   la Défense Petkovic.

  4   Oui, Monsieur Praljak.

  5   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge

  6   Antonetti, je souhaite demander une seule chose. Compte tenu du fait qu'à

  7   mon avis certains points restent à clarifier - et je pense que je pourrai

  8   les clarifier avec Mme le Témoin jusqu'à la fin - est-ce qu'il est possible

  9   de faire en sorte que l'on obtienne un peu plus de temps pour le contre-

 10   interrogatoire au dépens du temps qui m'a été alloué, car il s'agit d'un

 11   sujet qui est vaste et qui demande de plus de temps pour clarifier. Je

 12   pense que je vais faire ce travail de manière appropriée et je souhaite

 13   demander que l'on m'alloue une partie du temps qui pourra ensuite être

 14   décompté du temps dont je disposerais par la suite. Compte tenu des

 15   allégations selon lesquelles Mostar était pilonnée de façon non sélective

 16   et que c'était une ville assiégée et qu'il se passait des choses qui s'y

 17   passaient, par rapport à moi et le général Petkovic, il s'agit là d'une

 18   question très importante où nous souhaiterions clarifier tous les détails.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame ALABURIC

 20   Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, et

 21   toutes les personnes présentes. Le général Praljak et moi-même, nous allons

 22   essayer de nous mettre d'accord sur la distribution de cette heure et nous

 23   avons conclu que pour lui-même cette heure ne lui suffirait pas. Donc je

 24   souhaite soutenir la demande de M. Praljak de faire en sorte que le temps

 25   alloué à lui et le général Petkovic soit prorogé un peu. Nous croyons qu'au

 26   total il ne s'agirait pas plus d'une heure et demie au total. M. Praljak

 27   disposerait d'une heure et dix et moi comme femme modeste, je me

 28   contenterai d'une vingtaine de minutes.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre avait décidé une heure, mais on va

  2   en rediscuter.

  3   J'ai bien compris à ce moment-là que pour M. Stojic, il n'y aura pas

  4   de questions; pour M. Pusic, pas de questions; et M. Coric pas de

  5   questions; c'est bien cela ?

  6   M. KHAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  7   les Juges. Je peux confirmer qu'en l'état actuel des choses, nous n'avons

  8   pas l'intention pour ce qui est de M. Stojic de poser des questions à ce

  9   témoin.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour M. Coric.

 11   M. PLAVEC : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas

 12   de questions pour ce témoin.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Ibrisimovic.

 14   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Vous avez

 15   raison. Nous n'allons pas contre-interroger ce témoin.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais consulter mes collègues.

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre qui a délibéré décide d'accorder pour la

 19   Défense Petkovic et la Défense Praljak une heure 30, charge à eux de se

 20   répartir le temps comme ils veulent. J'ai cru comprendre que M. Praljak

 21   aura besoin d'une heure et Me Alaburic 30 minutes. Voilà.

 22   Alors, Madame, dernière recommandation puisque nous reprenons demain à 9

 23   heures du matin. Ça va être très court. Comme vous êtes maintenant témoin

 24   de la justice, vous n'avez plus aucun contact à avoir avec Me Karnavas,

 25   mais ça, vous le savez, on a dû vous le dire. Vous reviendrez donc demain,

 26   car l'audience démarre à 9 heures demain matin. Je souhaite à tous une

 27   bonne fin de journée.

 28   --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mardi 25 novembre

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  1   2008, à  9 heures 00.

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