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1 Le lundi 24 novembre 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [L'accusé Pusic est absent]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appeler le numéro de
7 l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, toutes les
9 personnes présentent dans le prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T,
10 le Procureur contre Prlic et consorts. Merci, Messieurs les Juges.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce lundi 24 novembre
12 2008, je salue en premier lieu tous les accusés. Je constate que M. Pusic
13 doit être malade. Je formule mes propres vœux de rétablissement. Je salue
14 Mmes et MM. les Avocats. Je salue M. Stringer, et toutes ses
15 collaboratrices; il n'y a pas de collaborateurs, il n'y a que des femmes,
16 donc je salue toutes ces collaboratrices. Je salue M. le Greffier et M.
17 l'Huissier ainsi que toutes les personnes qui nous assistent. Je crois que
18 M. le Greffier a quelques numéros IC à nous donner.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Différentes
20 parties ont soumis des listes de documents à être versés par le truchement
21 de Tomic, Neven. La première équipe de la Défense aura le numéro IC 00889;
22 la deuxième équipe de la Défense aura le numéro IC 00890; celle par la
23 troisième équipe de la Défense IC 00891; la quatrième équipe de la Défense,
24 IC 00892; la liste soumise par l'Accusation aura le numéro IC 00893. La
25 première pièce comporte le numéro 00889.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
27 Bien. La semaine dernière la Chambre a rendu une décision concernant le
28 témoin expert qui va venir. La Chambre a fixé à deux heures
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1 l'interrogatoire principal, a fixé à une heure le contre-interrogatoire par
2 les autres avocats de la Défense; et je crois que ce sera l'avocat de M.
3 Praljak et M. Petkovic. Et la Chambre, compte tenu du champ de ce témoin
4 expert, a fixé à trois heures pour l'Accusation le temps nécessaire pour
5 son contre-interrogatoire. Etant précisé que ce témoin expert vient dans la
6 suite de l'expert Ewa Tabeau, que nous avons déjà entendue. Voilà.
7 Je vois que Me Karnavas est prêt. Il nous a donné son dossier avec toutes
8 les pièces qui vont être évoquées. Il y en a environ une dizaine. Nous
9 allons introduire le témoin.
10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Madame.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me donner votre nom, prénom et date de
14 naissance.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Svetlana Radovanovic, je suis née
16 le 14 novembre 1949.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuelle ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis professeur à l'université.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle université ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas la traduction. Faculté de
21 géographie à l'Université de Belgrade.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Madame, avez-vous déjà témoigné devant un
23 tribunal sur les faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie ou bien
24 c'est la première fois que vous témoignez ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà témoigné au tribunal.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez témoigné devant quel tribunal ou dans
27 quelle affaire ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné devant ce Tribunal dans quatre
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1 affaires : l'affaire Galic; l'affaire Blagojevic; l'affaire Beara, Nikolic
2 et autres; et l'affaire Simic.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez témoigné dans quatre affaires. Vous
4 étiez témoin de l'Accusation ou témoin de la Défense ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais témoin de la Défense. J'ai témoigné
6 également devant le tribunal à Sarajevo.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez témoigné à Sarajevo dans quel procès ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais vous dire le numéro de
9 l'affaire. Je ne sais pas non plus comment s'appelle l'accusé. Je peux vous
10 donner le nom de l'avocat, si vous voulez. C'était en corrélation avec le
11 génocide perpétré à Srebrenica. Et pour être tout à fait concrète, c'est le
12 site de Kravica.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous étiez témoin de l'Accusation ou témoin de la
14 Défense ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais témoin de la Défense.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
19 LE TÉMOIN : SVETLANA RADOVANOVIC [Assermentée]
20 [Le témoin répond par l'interprète]
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame, vous pouvez vous asseoir.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelques éléments d'information de ma part afin que
24 l'audience se déroule le mieux possible. Comme ce n'est que la cinquième
25 fois que vous témoignez devant ce Tribunal, vous savez comment ça se passe.
26 Vous allez devoir, dans un premier temps, répondre à des questions que Me
27 Karnavas va vous poser à partir certainement de documents qu'il vous
28 présentera. A l'issue de cette phase, les autres avocats des autres accusés
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1 - car M. Karnavas est l'avocat de M. Prlic - mais comme il y a cinq accusés
2 avec d'autres avocats, ceux-ci pourront également vous poser des questions
3 dans le cadre du contre-interrogatoire.
4 Et puis le Procureur, qui se trouve à votre droite, M. Stringer, vous
5 contre-interrogera le moment venu lorsqu'il aura la parole.
6 Les quatre Juges qui sont devant vous vous poseront des questions. Et peut-
7 être qu'à la différence des quatre autres procès auxquels vous avez
8 participé, vous vous rendrez compte que les Juges ici posent beaucoup de
9 questions. Et ce sera peut-être la différence que vous allez ressentir avec
10 les autres procès auxquels vous avez participé.
11 Essayez d'être très précise dans les réponses que vous allez donner. Dans
12 la mesure où vous êtes professeur de faculté, je n'ai aucune crainte à cet
13 égard, vous saurez parfaitement synthétiser vos réponses. Si en revanche
14 vous ne comprenez pas le sens d'une question, et même si c'est un Juge qui
15 vous la pose, parce que parfois les Juges peuvent même poser des questions,
16 n'hésitez pas à ce moment-là à demander à celui qui vous pose la question
17 de la reformuler.
18 Nous faisons des pauses toutes les heures et demie, mais si à un moment
19 donné vous éprouvez un léger malaise ou vous avez besoin d'une suspension
20 d'audience, n'hésitez pas à lever la main pour le demander. La Chambre est,
21 bien entendu, à votre entière disposition.
22 Voilà ce que je voulais vous dire, Madame, afin que cette audience puisse
23 se dérouler le mieux possible dans l'intérêt de tous et dans l'intérêt de
24 la justice.
25 Maître Karnavas, c'est avec plaisir que je vous donne la parole.
26 M. STRINGER : [interprétation] Simplement un point de précision, Monsieur
27 le Président, simplement pour informer les Juges de la Chambre et le témoin
28 que le contre-interrogatoire sera menée par ma consoeur, Mme West.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je vous remercie. Ce sera également avec
2 plaisir que nous entendrons Mme West, que nous avons déjà eu l'occasion
3 d'entendre. Tout en regrettant, Monsieur Stringer, que vous ne contre-
4 interrogiez pas vous-même, mais nous aurons certainement le plaisir de vous
5 écouter ultérieurement.
6 Maître Karnavas, vous avez la parole.
7 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
8 Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes présentes dans le
9 prétoire.
10 Interrogatoire principal par M. Karnavas :
11 Q. [interprétation] Bonjour à vous, Madame le Professeur.
12 M. KARNAVAS : [interprétation] Avant de commencer avec mes premières
13 questions, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y a une question
14 d'ordre technique qui m'a effleuré l'esprit avant d'entrer dans le
15 prétoire, à savoir le rapport de ce professeur Radovanovic, qui est la
16 pièce 1D 03110, n'a pas été rajouté sur la liste 65 ter, donc maintenant et
17 sur le champ je vais vous demander l'autorisation de bien vouloir ajouter
18 ce document sur notre liste de façon à pouvoir l'aborder pendant mon
19 contre-interrogatoire.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Ça n'avait pas échappé à la Chambre. Je vais
21 consulter mes collègues, mais il n'y a pas de problème.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre est tout à fait d'accord. Il est tout à
24 fait naturel que ce rapport soit rajouté à la liste.
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci,
26 Messieurs les Juges.
27 Q. Madame le Professeur, dans votre rapport que nous avons, qui est le 1D
28 00310, en annexe il y a une page sur laquelle nous avons votre curriculum
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1 vitae; est-ce exact, ce curriculum vitae ?
2 R. Oui.
3 Q. Je ne souhaite pas aborder toute votre formation et vos études, mais il
4 suffit de dire que vous avez un doctorat de la faculté de géographie,
5 d'après ce que j'ai compris, votre spécialité c'est la démographie ?
6 R. Oui, je suis docteur ès sciences démographiques.
7 Q. Regardons un petit peu votre formation et ce que vous avez fait dans le
8 cadre de vos travaux, plus particulièrement portant sur le domaine de la
9 démographie, parce que c'est ce qui nous intéresse ici aujourd'hui.
10 R. Depuis 1974 jusqu'à 1992, j'ai travaillé à l'Institut de la république
11 des statistiques de Serbie. Dans le cadre de mes activités, j'ai exercé mes
12 fonctions uniquement dans le département de la statistique de la
13 population. Et j'y ai travaillé depuis 1976 où j'étais devenue chef de ce
14 département, et j'ai participé à trois recensements de la population. En
15 1971, puis il y a eu les préparatifs, l'élaboration et la réalisation et le
16 traitement des données pour ce qui est du recensement de 1981, et je
17 précise que pour ce qui est de ce recensement de 1981, j'ai été membre d'un
18 groupe d'experts de l'ex-République fédérale de la Yougoslavie, chargé de
19 la méthodologie des recensements. En 1991, j'ai également fait partie d'un
20 groupe d'experts pour ce qui est de la méthodologie du recensement en RSFY.
21 Les autres experts étaient des experts des autres républiques de la l'ex-
22 Yougoslavie. De par mes fonctions, j'ai été chargée également du
23 recensement de la population en Serbie. Je précise aussi que la
24 méthodologie --
25 Q. Je vous interromps quelques instants. Il y a deux choses que je
26 souhaite vous signaler. Il serait peut-être bon que vous parliez un peu
27 plus fort et un peu plus lentement, s'il vous plaît. Merci. Pardonnez-moi
28 de vous avoir interrompue.
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1 R. Tous les recensements de la population au sein de l'ex-Yougoslavie ont
2 été réalisés suivant une méthodologie unifiée, prescrite par un
3 établissement fédéral chargé des statistiques. Mis à part les statistiques
4 liées au recensement, j'ai été à la tête de ce service de la statistique
5 vitale, ce qui revient à dire parler de natalité, mortalité, des mariages
6 faits et défaits et, depuis 1982, j'ai été à la tête d'un service qui a
7 fonctionné suivant une méthodologie fédérale --
8 Q. Veuillez ralentir, sinon vous allez les épuiser. Veuillez ralentir.
9 Sachez que c'est en simultané.
10 R. Je disais pour ce qui est de la mise en place d'un service des
11 statistiques de migration.
12 En 1992, je suis passée à l'institut des sciences sociales, centre de
13 recherche démographique, et j'y ai eu à travailler à des tâches de
14 réalisation de projets de recherche scientifique conduits par ce centre.
15 Ces projets de recherche scientifique ont été commandés par le ministère
16 des Sciences ou par d'autres institutions.
17 Je me suis trouvée à la tête de deux projets moi-même. J'ai également
18 participé à la réalisation de projets du centre européen pour la paix et le
19 développement des Nations Unies qui vaquaient à l'étude de la population
20 d'une partie de la Serbie qui est connue comme la Raska ou le Sandzak où il
21 y a eu une forte concentration de la population musulmane.
22 En 1992 -- je m'excuse, en 1999, je suis passée à travailler à la faculté
23 de géographie, et depuis lors, à ce jour, je travaille à la faculté de
24 géographie. Dans cette faculté de géographie, j'ai été chef de la chaire
25 pour la démographie et pendant un certain temps, j'étais doyen chargé des
26 tâches matérielles et financières de cette faculté.
27 J'enseigne trois matières : introduction à la démographie,
28 statistique des populations et ethnodémographie.
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1 Q. Bien. Merci.
2 R. En outre --
3 Q. Allez-y. Je croyais que vous aviez terminé.
4 R. En outre, j'ai participé à bien des projets de recherche scientifique
5 confiés à la faculté de géographie ainsi que bon nombre de projets de
6 recherche scientifique de l'Académie serbe des sciences et des arts. C'est
7 sous la direction de l'Académie serbe des sciences et des arts que j'ai
8 organisé et préparé une méthodologie pour ce qui est d'un recensement
9 extraordinaire de la population d'une partie du territoire qui est appelée
10 Serenijca Zopa [phon] qui se trouve au Kosovo-et-Metohija. Je suis membre
11 de ce comité chargé de la population à l'Académie serbe des sciences et des
12 arts et je suis également membre de plusieurs associations telles que
13 l'Association de la géographie, des statistiques, de la démographie, et
14 cetera.
15 Q. Très bien. Merci. Je crois que nous avons un exposé ou en tout cas un
16 aperçu assez exhaustif de votre formation et de vos travaux.
17 Je souhaite maintenant vous demander de vous reporter à ce document
18 qui est la pièce 1D 03110. C'est le tout premier document que nous avons.
19 Est-ce que vous reconnaissez ce document, Madame ?
20 R. Oui.
21 Q. [aucune interprétation]
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas. J'aurais juste une question de
23 suivi sur le CV de Madame.
24 Madame, j'ai écouté avec attention tout ce que vous avez fait. Mais je
25 voudrais savoir, avec vos homologues croates ou musulmans, est-ce que vous
26 avez participé à des travaux collectifs sur le recensement dans le cadre
27 d'une coopération avec toutes les républiques actuelles ou vous êtes restée
28 uniquement au niveau de la République de Serbie ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons eu à travailler ensemble. La
2 méthodologie qui est mise en œuvre et qui est l'œuvre de cet institut
3 fédéral des statistiques est l'œuvre conjointe de tous les experts en
4 matière de statistiques, de recensement de la démographie en provenance de
5 différentes républiques. Avant qu'il n'y ait eu mise en place d'une
6 organisation et qu'il ne soit adoptée une méthodologie de fonctionnement,
7 on organise d'abord un groupe d'experts, un groupe de travail qui participe
8 à la mise en œuvre d'une méthodologie pour ce qui est du recensement de la
9 population. Ensuite, cette méthodologie du recensement de la population est
10 publiée par l'Institut fédéral à la statistique. Cela a été unifié pour
11 toutes les républiques de l'ex-Yougoslavie et c'est suivant cette
12 méthodologie unifiée que nous sommes tous intervenus pour procéder au
13 recensement de la population.
14 Je dois vous signaler aussi que les républiques avaient le droit d'ajouter
15 des questions qu'elles jugeaient intéressantes ou importantes pour leur
16 propre république. Ces questions supplémentaires pouvaient varier,
17 pouvaient, par exemple, ne concerner qu'une seule république. Mais tout le
18 reste était conjoint, commun à la totalité des républiques et devait être
19 fait de façon unifiée. Ce n'était pas seulement en vigueur pour ce qui est
20 de l'élaboration, de la méthodologie, cela étant aussi en vigueur pour
21 l'organisation, l'élaboration, l'établissement de tableaux et la
22 publication de données.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce à dire qu'aujourd'hui, dans toutes les
24 républiques qui existent, la méthodologie est exactement la même, il n'y a
25 pas de changement ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après les informations que j'ai obtenues,
27 partant, par exemple, des recensements effectués dans les différentes
28 républiques, en Croatie en 2001, en Slovénie, puis en Serbie, je dirais que
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1 la majeure partie des éléments de méthodologie sont les mêmes. Il y a un
2 certain nombre de questions, par exemple, au niveau des appartenances
3 ethniques, qui se trouvent être différemment fait en Croatie que cela n'est
4 le cas en Serbie. Mais je dirais que la substantifique moelle de la
5 méthodologie est demeurée la même et je précise que ce sont des choses
6 assez complexes. La méthodologie, ça englobe pas mal de choses. Il y a le
7 partage, découpage administratif et territorial. Parce que le découpage
8 territorial et administratif n'est plus resté le même en Croatie en 2001 et
9 en 2002 qu'avant. Mais les instruments, eux, tels que les nomenclatures
10 pour ce qui est des cotes d'appartenance ethnique, pour ce qui est de la
11 détermination des différents cercles ou des différentes professions, ça a
12 été modifié. Mais la substance, en matière de méthodologie, est demeurée la
13 même.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette réponse fort complète.
15 Maître Karnavas.
16 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Q. Bien. Si
17 nous regardons ce document, le 1D 03110, il s'agit là de votre rapport,
18 n'est-ce pas ?
19 R. Exact.
20 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire comment ce rapport a été
21 élaboré ? Qui a participé à la rédaction de ce
22 rapport ? Qu'est-ce qui a été fait pour le préparer ?
23 R. C'est vous qui m'avez contactée et qui m'avez demandé si je voulais ou
24 si je voudrais participer à ce que vous faites et me pencher sur l'expert
25 de l'Accusation rédigé pour cette affaire. Ensuite, vous m'avez envoyé le
26 rapport, ou plutôt, les rapports puisqu'il y en a trois. J'en ai pris
27 lecture et nous avons rétabli le contact. Je vous ai donné mes opinions,
28 mes observations au niveau de ces rapports et vous m'avez dit que je
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1 pouvais faire un aperçu sur la documentation originale. Vous m'avez rendu
2 possible l'étude de ces originaux et vous m'avez donné un champ de manœuvre
3 tout à fait -- enfin, une pleine liberté de champ de manœuvre pour ce qui
4 est de rédiger mon rapport dans cette affaire.
5 Q. Bien. Compte tenu de vos travaux, combien de rapports avez-vous publiés
6 ? Nous en avons un, mais celui-ci comporte combien de parties et quels sont
7 les sujets abordés ?
8 R. J'ai fait deux parties de ce rapport. J'aurais pu en faire trois. Mais
9 le rapport relatif aux blessés, je ne l'ai pas rédigé pour une simple
10 raison, parce que c'est les mêmes problèmes que ceux qui sont évoqués dans
11 les deux premiers rapports. Je les ai étudiés, et je puis répondre à la
12 totalité des questions qui seraient posées à ce sujet.
13 Q. Bien. Alors, vous nous avez dit que vous êtes venue à La Haye pour
14 regarder les données. Pourriez-vous nous dire combien de temps vous avez
15 passé à La Haye, en présence de qui et ce que vous avez fait précisément ?
16 R. Avec mes deux assistants qui sont experts en informatique, je suis
17 restée dans le département démographique du bureau du Procureur la période
18 allant du 14 au 18 avril de cette année. J'ai eu accès aux sources
19 principales des données utilisées par l'expert principal de l'Accusation et
20 aux autres rapports que j'ai demandés. Je les ai examinés afin de connaître
21 cette source de données pour connaître sa substance et tirer mes
22 conclusions de ces sources. Bien sûr, je n'ai pas pu voir les autres
23 sources, mis à part ces sources principales, d'aussi près, mais j'ai pu les
24 examiner un peu et arriver à une opinion concernant ce qui aurait pu se
25 passer si ces sources-là avaient été appliquées aussi.
26 Sur la base de tout cela, j'ai pu tirer mes propres résultats et mis
27 à part cela, j'ai pu obtenir la plus grande partie des rapports d'experts
28 surtout ceux qui concernent la structure ethnique élaborée par le Dr Ewa
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1 Tabeau. J'ai obtenu également toute une série de publications publiques,
2 statistiques publiées par l'établissement fédéral chargé des statistiques
3 de la République de Bosnie-Herzégovine. Et j'ai oublié de mentionner
4 certaines autres publications publiées par le ministère chargé des
5 personnes déplacées et des réfugiés.
6 Dans mon rapport, j'ai cité à la fois les sources et les références
7 auxquelles je me suis appuyée.
8 Q. Sans nous appesantir sur le rapport dans les détails car nous pouvons
9 tous le lire, je voudrais vous poser des questions qui ont trait au
10 rapport. Mais tout d'abord, pour des questions administratives, je vais
11 vous demander de passer en revue d'autres documents qui sont dans le
12 classeur et que vous avez apparemment utilisés en plus de ce qui vous a été
13 fourni et ce que vous avez pu consulter dans la liste du bureau du
14 Procureur. Le 1D 03099, c'est le deuxième document. Si vous voulez bien
15 nous dire si vous reconnaissez ce document et si tel est le cas, de quoi
16 s'agit-il et pourquoi ce document est-il pertinent ? Il s'agit du deuxième
17 document.
18 R. 1D 030 -- 0399, c'est le document que j'ai.
19 Q. C'est exact. 1D 03099.
20 R. Oui, j'ai le document.
21 Q. Voulez-vous nous dire quel est ce document ?
22 R. C'est une publication publiée par l'Institut fédéral des statistiques
23 de Sarajevo et qui concerne les données suivant les cantons. S'agissant de
24 chacun des cantons, existent des données statistiques à part, de points de
25 vue différents. Ce qui m'intéressait en particulier, c'est les données sur
26 la population et notamment les tableaux représentant l'appartenance
27 ethnique, donc l'évaluation de l'ensemble de la population répartie par
28 appartenance ethnique. J'ai utilisé aussi plusieurs publications pour des
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1 cantons différents, car les municipalités dont traite l'expert de
2 l'Accusation peuvent se trouver dans des cantons différents.
3 Q. -- cherchez de l'obtenir de la part de Mme Ewa Tabeau lorsque vous
4 étiez ici à La Haye et que vous étiez en train d'examiner ces autres
5 documents ?
6 R. J'ai soumis une requête à vous indiquant ce que je souhaitais consulter
7 une fois que j'arrivais au département chargé de la démographie et cette
8 requête contenait ces publications-là aussi. Or, je n'ai pas eu accès à ces
9 publications-là, donc je suppose qu'ils ne l'avaient pas non plus.
10 Q. Le 1D 03100, le document suivant. Voulez-vous, s'il vous plaît, vous
11 reporter, nous dire si vous le reconnaissez et si tel est le cas, de quoi
12 s'agit-il et pourquoi est-ce qu'il est important.
13 R. Il s'agit d'une publication du ministère des droits de l'homme et des
14 réfugiés, du secteur chargé des réfugiés de la Bosnie-Herzégovine. Ici,
15 nous avons des informations concernant la situation en matière du retour
16 des réfugiés de la Bosnie, des personnes déplacées, et ainsi de suite. Ceci
17 a été publié en 2004, à Sarajevo.
18 Q. S'agit-il d'un document officiel ou non officiel ?
19 R. C'est un document officiel.
20 Q. Merci. Reportons-nous au prochain document, le 1D 03101. Est-ce que
21 vous reconnaissez ce document, si tel est le cas, de quoi s'agit-il et
22 pourquoi était-il significatif ?
23 R. L'une des brochures publiées par l'Institut fédéral chargé des
24 statistiques que j'ai déjà mentionné et qui concerne les cantons en Bosnie-
25 Herzégovine. Concrètement, il s'agit du canton de la Bosnie centrale. Le
26 titre est "Le canton de la Bosnie centrale exprimé en chiffres," je l'ai
27 utilisé en raison du tableau qui présente la population totale suivant
28 l'appartenance ethnique. Puis, dans ce canton il existe deux municipalités
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1 -- ou pardon, je me corrige, une municipalité qui a été analysée par
2 l'expert du bureau du Procureur, il s'agit de Gornji Vakuf.
3 Q. Encore une fois, de quoi s'agit-il, s'il vous plaît, dites-le-nous et
4 pourquoi est-ce qu'il est pertinent.
5 R. Il s'agit encore une fois du document public du ministère chargé des
6 droits de l'homme et des réfugiés. Ceci a été publié à Sarajevo en 2003.
7 Comme vous pouvez le voir, le titre est "Bulletin 2003" et il s'agit de
8 données comparatives concernant les réfugiés, les personnes déplacées et
9 ceux qui sont retournés dans leur foyer.
10 Q. Est-ce que vous avez dû vous reporter à ce document-là en particulier ?
11 R. Ce document porte sur les réfugiés et les personnes déplacées et
12 présente les données suivant les municipalités. Puisque les données
13 concernent le même recensement des réfugiés, dans la base de données existe
14 aussi dans le département démographique du bureau du Procureur, je
15 considérais que c'était très important, puisque je pouvais suivre les
16 données en vertu -- en fonction des municipalités, en fonction des réfugiés
17 et personnes déplacées et personnes qui sont retournées. Je considère qu'il
18 s'agit des données officielles qui ont été publiées et qui reflètent la
19 position de l'état de Bosnie-Herzégovine et de son ministère là-dessus.
20 Q. Vous savez si elle fait référence à ce bulletin-là dont vous indiquez
21 qu'il est officiel et qu'il est pertinent, en particulier pour la période
22 qui nous intéresse ?
23 R. Je n'ai pas remarqué qu'elle le mentionnait nulle part.
24 Q. Si nous nous reportons au 1D 03103, est-ce que vous, pouvez s'il vous
25 plaît, nous dire si vous reconnaissez ce document et si tel est le cas, de
26 quoi il s'agit et pourquoi il est important ?
27 R. Il s'agit de la brochure concernant le canton de la Bosnie centrale --
28 ou plutôt l'Herzégovine de l'Ouest, exprimé en chiffres. Ceci est important
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1 encore une fois, car ce document fournit l'évaluation de la population
2 suivant les groupes ethniques et les municipalités y sont mentionnées, ce
3 qui était important pour moi, puisque j'ai analysé dans le cadre sur huit
4 municipalités que le Dr Tabeau a analysées.
5 Q. Nous vous avions demandé de nous envoyer un certain nombre de documents
6 par "Federal Express" à la demande du bureau du Procureur. Est-ce qu'il
7 s'agit là de certains des documents que le bureau du Procureur demandait à
8 consulter, ou y avait-il d'autres documents qui n'ont pas de lien avec ceux
9 que nous avons vus là ?
10 R. Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris votre question.
11 Q. D'accord.
12 R. Si j'ai bien compris votre question --
13 Q. Je vais essayer de vous reposer la question pour essayer de gagner du
14 temps. Avant que vous veniez ici, j'ai fait par demande d'envoyer un
15 certain nombre de documents par "Federal Express" qui avaient été demandés
16 par le bureau du Procureur, des documents que vous aviez utilisés et
17 auxquels vous faisiez référence dans votre rapport. Est-ce que vous vous
18 souvenez de cela ?
19 R. Bien sûr que je m'en souviens. Je résistais à cette demande de votre
20 part, vous m'avez demandé d'envoyer des documents qui ont été publiés, et
21 moi, à deux reprises, je vous ai répondu que je ne demande pas à
22 l'Accusation de m'envoyer des documents qui ont été officiellement publiés.
23 Mais puisque vous m'avez réprimandée un peu, je vous ai envoyé ces
24 documents quand même.
25 Q. Alors est-ce qu'il y a certains des documents qui avaient été demandés
26 par le bureau du Procureur, parce qu'on pourrait se dire que si c'était le
27 cas, ils n'auraient pas fait la demande s'ils en avaient possession.
28 R. Je suppose que l'Accusation ne les avait pas, puisqu'ils me demandaient
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1 à moi de leur envoyer des documents officiellement publiés.
2 Q. -- de bien écouter ma question, ma question est extrêmement précise.
3 S'agit-il des documents ou certains des documents qui ont été demandés ?
4 R. Oui.
5 Q. D'accord. Merci.
6 R. Pas certains des documents, mais tous les documents, il s'agit de tous
7 les documents requis par le bureau du Procureur, plus les instructions
8 concernant les "voteurs [phon]," qui n'existent pas ici, mais que j'ai
9 envoyés au bureau du Procureur aussi puisque j'utilise cela dans mon
10 rapport.
11 Q. -- vous dites les instructions concernant les électeurs, est-ce qu'il
12 s'agit là de quelque chose qui avait été utilisé pendant les élections et
13 auquel Ewa Tabeau fait référence ou d'où il découle certaines de ses
14 statistiques ? Est-ce qu'il s'agit de ces élections-là ?
15 R. Nous parlons des instructions données aux fins d'enregistrement des
16 électeurs en 1997.
17 Q. D'accord.
18 R. Le Dr Tabeau dispose d'une liste des électeurs enregistrés. Mais je ne
19 sais pas si elle dispose des instructions.
20 Q. Très bien. Alors dans votre domaine de travail, est-ce que ç'aurait été
21 utile pour le Dr Tabeau, ces éléments démographiques auraient été utiles,
22 ces informations, puisqu'ils ont utilisé ce processus d'enregistrement ?
23 Mme WEST : [interprétation] Objection.
24 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame West.
26 Mme WEST : [interprétation] Merci. Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour
27 à tous. La question posée par M. Karnavas suggère la réponse.
28 M. KARNAVAS : [interprétation] Il s'agit d'un expert. La question c'est de
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1 savoir si un expert se fierait à ce type d'information. Si la réponse est
2 oui, cela pose la question à un autre moment comment est-il possible que le
3 Dr Tabeau et le bureau OTP aient utilisé ces statistiques pendant toutes
4 ces années sans donner les instructions, et pourquoi est-ce que Karnavas et
5 ses experts aujourd'hui en 2008 doivent-ils donner ces informations. Si la
6 réponse est non, je peux passer à autre chose bien que si ce n'était pas
7 pertinent, pourquoi est-ce qu'ils auraient demandé cela ?
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Madame l'Expert, vous pouvez répondre ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît,
10 répéter votre question. Je l'ai perdue de vue.
11 M. KARNAVAS : [interprétation]
12 Q. La question c'est : ces instructions, est-ce que ce sont les documents
13 qui seraient pertinents pour un démographe tel que Mme Tabeau, en
14 particulier puisqu'elle fait référence aux résultats des élections, ces
15 élections dans plusieurs rapports concernant plusieurs années ?
16 R. Oui. Toutes les instructions font partie en réalité de l'explication
17 d'une partie de la méthodologie. Ces instructions-là montrent la manière
18 dont on recueillait et enregistrait les électeurs.
19 Q. Fort bien.
20 R. Il est indiqué quelles sont les personnes qui peuvent participer, de
21 quelle façon elles peuvent être enregistrées, où cela se fait, de quelle
22 façon l'on détermine l'endroit d'enregistrement et ainsi de suite.
23 Q. Très bien. Est-ce que je peux vous demander de regarder très rapidement
24 -- jeter un coup d'œil aux deux documents qui suivent, qui sont le P 09836
25 et le P 09837. Il s'agit des deux derniers documents qui figurent dans
26 votre classeur, et je voudrais vous poser une question : est-ce que ce sont
27 les rapports préparés par Ewa Tabeau que vous avez étudiés, que vous avez
28 analysés et sur la base desquels vous avez rédigé votre rapport ?
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1 R. Oui.
2 Q. Fort bien. Avant de parler de ces rapports, est-ce que vous voulez très
3 rapidement, reconnaissant le fait que le domaine de la démographie est
4 extrêmement complexe et que vous êtes vous-même professeur - donc nous
5 souhaitons obtenir, s'il vous plaît, une réponse concise, pas quelque chose
6 de trop compliqué - voulez-vous, s'il vous plaît, nous parler un petit peu
7 de la démographie, nous dire ce qu'est la démographie et que sont les
8 outils utilisés par un démographe lorsqu'il fait son travail ?
9 R. Un démographe doit disposer de bonnes sources de données, puis il doit
10 savoir procéder à la répartition et au calcul des indicateurs pertinents
11 sur le plan de la statistique et de la démographie d'après ces sources-là,
12 puis il doit procéder à l'analyse et aux conclusions. Mais les instruments
13 utilisés, c'est la méthodologie.
14 Q. Bien. Avant que de parler de méthodologie - et je vais essayer de ne
15 pas poser des questions à tiroirs, en particulier parce que ça peut être
16 très long et que vous pourriez ne répondre qu'à une partie de la question -
17 en quoi consiste la démographie avant tout ?
18 R. Au plus bref, la démographie est une science sur la population qui se
19 penche sur la taille, la structure, les déplacements naturels et
20 géographiques de la population. Il s'agit d'une science multidisciplinaire
21 compte tenu du fait qu'elle utilise, mis à part ses propres méthodes, les
22 méthodes de bien d'autres sciences semblables, tout comme elle met à la
23 disposition des autres sciences ses propres conclusions et résultats.
24 Q. Bien. Alors nous pourrions maintenant peut-être parler -- vous avez
25 parlé de méthodologie. Qu'entendez-vous par méthodologie, vous avez
26 identifié les termes et nous allons les utiliser pendant l'après-midi, donc
27 c'est important d'avoir des définitions.
28 R. La méthodologie c'est un système complexe des procédés qu'il est
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1 nécessaire d'appliquer si l'on souhaite explorer un phénomène au sein de la
2 population et, bien sûr, dans d'autres sciences aussi. Ce système complexe
3 de procédés, s'agissant de la démographie, peut être réparti en termes
4 généraux en trois procédés.
5 Le premier pas concerne le choix des sources de données. Ce premier pas est
6 le plus important, car si vous ne faites pas le bon choix, la bonne
7 sélection et la bonne évaluation des sources de données, vous pouvez être
8 parfait en matière de la méthodologie, en matière de la technique
9 statistique et démographique, tous les autres pas, si ce premier pas n'a
10 pas été bien choisi, tous les autres pas deviennent insensés.
11 Le deuxième pas consiste justement à tirer les données de ces sources de
12 données. Ensuite, les regrouper suivant certains critères que vous
13 souhaitez étudier, ensuite l'on procède aux calculs afin d'obtenir des
14 indices statistiques et démographiques sur la base desquels, par la suite,
15 vous tirez les conclusions statistiques et démographiques, qui elles,
16 feront partie de l'analyse que vous effectuez. En analysant, vous êtes en
17 train de terminer et faire vos commentaires sur un certain nombre de
18 phénomènes. Dans la mesure du possible, vous essayez d'appliquer le
19 principe du lien de cause à effet pour déterminer les causes et les effets.
20 Q. Alors ces trois grandes étapes générales que vous venez de nous décrire
21 et dont vous dites qu'elles font partie du processus de la méthodologie en
22 démographie sont-elles là des mesures qui sont reconnues dans le domaine de
23 la démographie ?
24 R. Oui.
25 Q. Bien. Alors si vous pouvez reprendre le premier, le numéro un, je vous
26 demanderai à nouveau d'être tout à fait concrète et très concise. Vous
27 indiquez des sources et vous dites que les sources sont très importantes.
28 Qu'entendez-vous par sources ? Est-ce que vous pouvez nous en donner des
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1 exemples, une définition et un exemple, s'il vous plaît ?
2 R. Les sources de données, c'est ce que le démographe utilise, car c'est
3 sa base principale qui est son point de départ pour qu'il puisse arriver
4 aux résultats. La source de données n'est pas quelque chose que le
5 démographe crée. Mais le plus souvent, il sait où se trouvent les
6 meilleures sources de données concernant la population. D'abord les
7 statistiques de la population, ensuite les recensements de population et
8 migratoires, puis d'autres documents et publications démographiques. Donc
9 le démographe devrait savoir évaluer et apprécier la source de données
10 qu'il obtient et qu'il utilise.
11 Q. Est-ce que vous voulez bien nous donner un exemple de source ? Dans ce
12 cas précis, quel est le type de sources qui ont été utilisées par Mme Ewa
13 Tabeau ?
14 R. Le Dr Tabeau utilise le recensement de la population de 1991 effectué
15 en Bosnie-Herzégovine. Ensuite, les listes des électeurs de 1997 et 1998,
16 puis aussi la liste de données concernant les personnes déplacées et les
17 réfugiés.
18 Q. Bien. Alors nous en reparlerons dans le détail, mais je voudrais
19 d'abord passer par les étapes que vous nous avez tellement bien données. Si
20 j'ai bien compris - et je pense que vous avez dit cela pour la première
21 étape, vous avez aussi parlé de "clé" - est-ce que vous voulez bien nous
22 expliquer ce que vous entendez par cela ?
23 R. Il s'agit là de la manière dont l'expert du bureau du Procureur, sur la
24 base de trois sources qui ne correspondent pas les unes aux autres sur les
25 plans géographique et temporaire, résout les problèmes qu'elles
26 confrontent. Il s'agit là d'une clé méthodologique, si c'est de cela que
27 vous parlez. Mais peut-être j'ai dit que le point principal dans la
28 méthodologie c'était la bonne sélection et l'évaluation et l'appréciation
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1 des sources de données. C'est ça la clé, puisque si les données sont
2 mauvaises et si les sources sont mauvaises, même si vous êtes un grand
3 expert, vous n'arriverez pas à de bons résultats. Dans ce sens-là, c'est la
4 clé. Mais souvent, on utilise le mot-clé dans la démographie et la
5 statistique, donc il peut y avoir d'autres clés aussi.
6 Q. Bien. Alors si vous voulez bien vous reporter à l'étape suivante. Vous
7 avez parlé du regroupement et de l'extraction des données. Comment est-ce
8 que cela est-il fait ? Est-ce que vous voulez bien nous donner une brève
9 description ?
10 R. Techniquement parlant, tous les statisticiens ou démographiques,
11 lorsqu'il est question d'extraire des données, ça veut dire que vous avez
12 une source de données qui vous sert tout d'abord à obtenir le nombre total
13 de quelque chose, ensuite vous souhaitez faire faire des répartitions de
14 certaines données, puis procéder à certains calculs sur la base de cela.
15 Vous pouvez le faire à base de chaque source séparément, et c'est ce qui
16 est fait si les sources ne correspondent pas les unes aux autres. Or ici,
17 un autre principe a été utilisé. Ici, les sources ne correspondaient pas
18 les unes aux autres, les sources de données --
19 Q. D'accord.
20 R. -- et l'on a utilisé une méthode reconnue en matière de la statistique
21 et aussi dans la vie courante. On a essayé de faire en sorte que des trois
22 sources de données l'on extrait et regroupe les données en tant que
23 résultat, en tant que produit, si vous voulez, de la combinaison de ces
24 trois sources de données.
25 Q. Nous entrerons dans les détails des rapports. Pour l'instant, je veux
26 avoir une idée générale de manière à avoir une base. Lorsque nous passerons
27 aux rapports, nous comprendrons les choses plus précisément.
28 Vous avez utilisé le terme de "corrélation," est-ce que vous voulez nous
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1 expliquer ce que vous entendez par cela.
2 R. La méthode de la comparaison ou de l'identification est une méthode
3 connue qui est utilisée non pas seulement en matière de la statistique de
4 démographie, mais dans bien d'autres sciences et aussi dans la vie courante
5 ou pratique. Cette méthode sous-entend que par le biais des sources
6 différentes de données, vous pouvez effectuer l'identification d'une unité
7 statistique. Dans notre cas, il s'agit d'une personne. Ce qui est très
8 important pour la méthode comparative est de connaître la clé de la
9 comparaison. C'est quoi la clé ? La clé de la correspondance, c'est toute
10 une série des éléments qui nous permettent d'identifier sur la base d'une
11 source une personne mentionnée dans une autre source. Par exemple, le
12 numéro personnel unique des citoyens, c'est une excellente clé de
13 correspondance lorsqu'elle est exacte. C'est une très bonne clé, car elle
14 ne peut jamais être répétée, et le numéro ID car il s'agit du numéro
15 unique, puis il contient certains éléments qui nous garantissent si la
16 correspondance existe que vraiment vous allez tomber sur exactement la même
17 personne.
18 Cette clé-là, donc le numéro unique de citoyens contient 13 éléments.
19 Les sept premiers éléments, ce sont les chiffres qui indiquent la date, le
20 mois et l'année de la naissance. Les deux chiffres qui suivent indiquent
21 l'Etat, ou plutôt, la république, et la région dans laquelle ce numéro
22 unique a été rendu public. Ensuite, les deux chiffres qui viennent
23 indiquent le sexe de la personne, s'il s'agit d'une femme ou d'un homme,
24 puis les deux derniers chiffres, c'est le numéro de contrôle qui empêche
25 toute duplication et évite qu'une personne puisse avoir deux numéros, ou
26 que plusieurs personnes puissent avoir un seul numéro.
27 Donc cette clé de correspondance est, comme je vous l'ai déjà dit, la
28 plus précise possible. Mais les sources utilisées par l'expert du bureau du
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1 Procureur n'ont pas cette clé-là. Cela dit, il existe les numéros
2 d'immatriculation, et dans les recensements et dans les listes des
3 électeurs, mais ils ne sont pas complets et beaucoup d'erreurs ont été
4 remarquées, plus de 40 % même.
5 Q. Encore une fois, je dois vous demander de faire particulièrement
6 attention. Nous allons y venir, mais je souhaite poser le fondement.
7 Alors, abordons la troisième étape, qui est celle de l'analyse. Vous avez
8 indiqué qu'on tente de tirer des conclusions et d'établir des faits.
9 Pourriez-vous nous expliquer ceci un petit peu, s'il vous plaît, et établir
10 les liens de cause et effet ?
11 R. L'analyse, ça vient en guise de corollaire de l'expertise, parce que
12 cela permet de tirer des conclusions. Cela nous fait tirer donc la
13 conclusion de ce qui s'est passé. On établit le lien entre les causes et
14 effets, et ça explique ce qui a été fait. Mais cette analyse, pour qu'elle
15 soit bonne, elle doit comporter des tableaux analytiques.
16 Q. Vous n'avez pas terminé. Allez-y, terminez.
17 R. Alors, ces tableaux analytiques, il n'y en a pratiquement pas dans le
18 rapport du Dr Tabeau. Ceci illustre la pauvreté des sources utilisées.
19 Q. Très bien. Alors, parlons un petit peu de ces rapports. Je ne vais pas
20 les aborder dans le détail, mais le premier rapport, par exemple, --
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Une question.
22 M. LE JUGE MINDUA : Maître Karnavas, excusez-moi. Il y a quelque chose de
23 très important là.
24 Madame le Professeur, vous avez dit évidemment que pour faire les
25 correspondances d'où s'étaient tirées les conclusions, il faut disposer de
26 bonnes sources; dans les sources où nous avons le "ID numbers," J'ai
27 entendu cela en anglais, mais je ne sais pas comment on l'a traduit en
28 français. Vous dites que les "ID numbers" que le Procureur a utilisés,
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1 l'expert du Procureur, étaient faux, et les vôtres sont justes. C'est ça
2 que j'ai compris. Vous pouvez confirmer ça ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai peut-être pas bien expliqué, ou peut-
4 être n'avez-vous pas bien compris pour cette raison-là. L'expert de
5 l'Accusation ne mentionne à aucun endroit l'utilisation de ce qu'on appelle
6 le numéro unique d'immatriculation du citoyen, le JMBG. Je ne m'en suis pas
7 servi non plus. J'ai dit tout simplement que c'était la façon, la clé
8 d'identification la meilleure possible. Mais le problème de la source est
9 celui de la source visée par l'expert de l'Accusation, parce qu'il y a un
10 grand nombre d'erreurs au niveau de ces JMBG, de ces numéros uniques
11 d'immatriculation de citoyens. Le taux d'erreur tourne autour de
12 40 %.
13 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame l'expert, si je comprends bien, dans l'ex-
15 Yougoslavie chaque citoyen avait un numéro d'immatriculation, ce que vous
16 appelez le JMBG. Et si je comprends bien, c'est une source qu'il faut
17 examiner quand on s'intéresse aux problèmes démographiques. Je crois
18 comprendre que Mme Tabeau ne les a pas utilisés; est-ce exact ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas bien expliqué. Le fait est que
20 chaque citoyen de l'ex-Yougoslavie s'est vu attribuer un numéro de
21 matricule unique de citoyen, parce que dans les années 1980 il y a eu une
22 loi de promulguée portant sur ce numéro unique d'immatriculation de
23 citoyen. Ce JMBG est pour la première fois utilisé lors du recensement de
24 1991. L'idée était la suivante : l'ex-Yougoslavie était censée faire un
25 registre de sa population. Cependant, ce numéro de citoyen n'a pas été
26 établi de façon à illustrer la qualité des renseignements. Dans 40 % des
27 sites, des agglomérations, villages ou hameaux, les citoyens n'ont pas
28 fourni leurs JMBG. Cela fait que dans les renseignements, les données du
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1 recensement n'englobent pas le JMBG pour tous les citoyens, et on ne
2 considère pas que cela soit une donnée véritable. Ça n'a pas été utilisé,
3 et ça n'a pas non plus été contrôlé en tant que tel.
4 Lorsque j'ai parlé de cette méthode de correspondance, j'ai essayé
5 d'expliquer que si les JMBG étaient bien utilisés et bons, la méthode de
6 correspondance garantirait la fiabilité des données s'agissant des sources
7 qui avaient disposé des JMBG bons et exacts. Alors, les sources utilisées
8 pour l'analyse ne disposent pas d'une qualité satisfaisante d'utilisation
9 des JMBG.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, en 1991, quand il y a le
11 recensement, les autorités distribuent, je présume, un document à toutes
12 les personnes, et ce document doit avoir normalement le numéro JMBG. Le
13 citoyen remet au service qui procède au recensement le document complet, et
14 si je comprends ce que vous dites, 40 % des personnes auraient mal rempli
15 ce document, ou ne l'auraient pas remis; est-ce bien cela ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Le numéro unique d'immatriculation du
17 citoyen est attribué à chaque enfant né après 1980. Chaque enfant se voit
18 attribuer avec son extrait de naissance ce numéro d'immatriculation de
19 citoyen. Pour toute la population née avant 1980, donc avant la mise en
20 place de ce JMBG, on ne pouvait pas obtenir un document tel que carte
21 d'identité ou passeport si auparavant on n'allait pas à la police pour se
22 faire attribuer ce JMBG.
23 La statistique en 1991 voulait entamer des préparatifs pour la mise en
24 place d'un grand registre de la population. Les préparatifs liés à ce
25 registre de la population fourniraient à la population l'opportunité de
26 fournir les JMBG, et cela aurait fait faire ce qui n'était pas fait dans
27 les recensements. Par exemple, le recenseur, parce que je précise que le
28 recensement sur le territoire de l'ex-Yougoslavie était fait suivant une
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1 méthodologie d'interview. Je venais, par exemple, chez vous, à domicile, en
2 ma qualité de recenseur formé, connaissant la méthodologie à utiliser. Je
3 vous demande vos renseignements et je vous demande si vous avez un JMBG.
4 Voulez-vous bien me donner votre carte d'identité afin que je copie votre
5 JMBG ? C'est le recenseur donc qui est censé le noter. Par exemple, bon
6 nombre de citoyens ne voulaient pas donner ce JMBG. Je ne suis pas, en ma
7 qualité de citoyen, tenu de vous le donner. Je ne peux vous donner rien que
8 les sept premiers chiffres qui sont, en fait, ma date de naissance.
9 Certains citoyens ont voulu le donner, ce JMBG; d'autres non. Et lorsque la
10 personne chargée du recensement venait, bien, ils n'étaient pas là. Donc
11 ils ne pouvaient pas leur donner le JMBG. Certaines personnes chargées du
12 recensement n'avaient pas été consciencieuses et avaient fait des erreurs
13 au niveau de la notation des numéros.
14 Vous aviez une Loi portant sur le recensement disant qu'il fallait préciser
15 telle, telle, telle chose, et la population est censée collaborer.
16 Mais lorsque l'on a recueilli toutes les données concernant le recensement,
17 on a constaté au niveau des statistiques que les JMBG étaient collectés
18 dans 50 à 60 % des cas à titre complet - à part entière, je veux dire. Donc
19 les autres manquaient les -- ou dans les autres, il manquait les six
20 derniers chiffres, ou alors ils étaient là mais ils étaient erronés.
21 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas.
23 M. KARNAVAS : [interprétation]
24 Q. Alors, étant donné que nous parlons du recensement -- nous avons avancé
25 rapidement, je crois - dans un recensement, il y a également des noms,
26 n'est-ce pas ? Donc on a listé les noms. Je veux parler du recensement en
27 Bosnie-Herzégovine en 1991.
28 R. On prend les noms, mais jamais on n'a consigné cela jusqu'en 1991. Et
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1 ça a été le cas dans certaines républiques, notamment.
2 Q. Savez-vous pourquoi ceci a été fait en Bosnie-Herzégovine, par exemple
3 ?
4 R. Je pense que c'est parce que l'on avait fait passer les documents au
5 scanner. Parce que la méthodologie de consignation des données a évolué
6 avec la technologie, la technique utilisée. Donc on a pris les documents et
7 on les a passés au scanner, et on voyait donc le nom et le prénom tout de
8 suite. La Serbie, elle, faisait autrement. Par exemple, on ne faisait faire
9 inscrire que les numéros. Il n'y avait pas, par exemple, le nom et prénom
10 jusqu'à 1991 dans certaines républiques. On n'a jamais utilisé des bandes
11 magnétiques. Ça existait au niveau des questionnaires, mais jamais on n'a
12 pensé que c'était une donnée liée au recensement, et ça n'en est pas une,
13 en réalité.
14 Q. Très bien. Etant donné que nous parlions des sources, à ce stade, je
15 souhaite parler des deux autres sources sur lesquelles vous vous êtes
16 reposée pour la première étude. Donc, votre première source était la liste
17 électorale. Alors, pourriez-vous nous parler de ceci des les grandes lignes
18 ? Pourriez-vous nous dire si ceci est un élément fiable ?
19 R. Toutes les sources utilisées par l'expert de l'Accusation sont
20 méthodologiquement non conformes, parce qu'on recueille, par exemple, les
21 données au sujet de la population; on sait quel est le moment où ça se fait
22 et on sait quelle est la modalité. J'essaie d'y arriver. Vous avez des
23 listes électorales, et là, il y a une méthodologie de recensement des
24 données différente. En quoi cela consiste ? Chaque citoyen majeur se
25 présente de son plein gré pour voter ou pour ne pas voter. Ce faisant, il
26 fournit des renseignements personnels, il donne son nom, son prénom. Il
27 pouvait dire où est-ce qu'il résidait jusqu'en 1991, et il pouvait parler
28 de l'endroit où il voulait voter. Il pouvait donc se déclarer soi-même ou
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1 il pouvait être déclaré par quelqu'un d'autre. Ils pouvaient même voter in
2 absentia.
3 Le nombre d'électeurs inscrits n'est pas une source de renseignements,
4 d'après ce que j'en sais, à avoir été utilisée dans des recherches
5 scientifiques et professionnelles, parce que c'était estimé non fiable, non
6 pas seulement pour ce qui est du volume de citoyens, mais vous pouvez avoir
7 dans ces renseignements soit ceci, soit cela. Et dès que vous avez soit
8 ceci, soit cela, ce n'est pas fiable. Donc je n'ai jamais ouï-dire que dans
9 des recherches professionnelles et d'experts, on ait utilisé comme source
10 fiable les listes électorales.
11 Q. Qu'en est-il de la troisième source ?
12 R. La troisième liste a été faite par l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Ça
13 pourrait être utilisé comme une source officielle de renseignements. Il y a
14 un certain nombre d'erreurs, les erreurs pullulent, dirais-je, mais il y a
15 une lacune fondamentale. Pour deux tiers des personnes déplacées, il n'y a
16 pas les renseignements individuels. C'est ce qui est utilisé par le Dr
17 Tabeau. On ne sait que qui est la tête de la famille. Les deux tiers des
18 personnes, parce qu'on sait qui est la tête de la famille et on sait qui
19 sont les membres de sa famille.
20 Donc ça a été recueilli comme information entre 1996 et 1998. Cela a été
21 recueilli par les autorités locales, puis ça a été confié à des endroits
22 déterminés et on n'a mis cela dans des ordinateurs, d'après ce que j'en
23 sais, qu'en 2004.
24 M. LE JUGE MINDUA : Maître Karnavas, une minute, parce que je crois qu'on a
25 un problème, là.
26 A la page 29, ligne 25, le transcript en anglais, c'est
27 marqué : "Registers of voters are not a source of data." Alors en français,
28 dans la traduction que j'ai eue, un moment donné, c'était : "Les listes
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1 électorales ne sont pas une source," et après il y a eu une autre
2 traduction.
3 Nous allons nous mettre d'accord sur quoi ? Je m'adresse, je crois, aux
4 interprètes en français. Quelle est la vraie traduction ?
5 Oui, les listes électorales. Donc c'est bien ça, Madame le Professeur
6 : "Les listes électorales ne sont pas une source fiable" ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Les enregistrements au niveau de ces listes,
8 c'est cela.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, la difficulté que j'ai - c'est peut-être la
10 même pour mes collègues - c'est que nous, en tant que Juges, on a été
11 recensés dans notre pays et on figure sur des listes électorales. Donc si
12 on applique notre propre système, on est très étonnés par ce que vous
13 dites. Alors, il serait peut-être utile que vous nous donniez des points de
14 comparaison en nous disant, par exemple, enfin, si vous le savez, qu'en
15 Allemagne la liste électorale, elle est constituée de telle façon, par
16 contre dans l'ex-Yougoslavie, c'était pas comme ça, pour qu'on comprenne
17 mieux les différences.
18 Car la difficulté que nous avons, c'est qu'en lisant le rapport de l'expert
19 du bureau du Procureur, on le lit au travers du prisme que nous avons,
20 nous, des recensements et des listes électorales. Et voilà que maintenant,
21 vous, en tant qu'expert de la Défense, vous nous dites que tout ça n'a
22 aucun intérêt parce qu'il y a des erreurs, rien n'est fiable. Alors c'est
23 très bien et vous avez peut-être raison, mais ce que nous aimerions c'est
24 que vous nous donniez des exemples très précis.
25 En quoi, par exemple, une liste électorale à Gornji Vakuf n'est pas
26 un instrument suffisant pour faire un examen démographique de la population
27 ? Est-ce à dire que la municipalité tenait ces listes sur la base du
28 volontariat, que les personnes n'étaient pas obligées de s'inscrire, et
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1 cetera, et cetera ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela. Il n'y a pas d'obligation de se
3 faire figurer sur une liste. La liste électorale, c'est votre bonne
4 volonté, donc vous voulez y figurer ou pas. Ça c'est d'un. Pour autant que
5 je le sache, partout dans le monde - mais je ne peux pas affirmer que je
6 connais la totalité des cas dans le monde - mais je n'ai jamais vu nulle
7 part qu'il y ait eu des recherches scientifiques ou des recherches faites
8 par des experts se référant à des données obtenues dans des listes
9 électorales. Ce qui est tout à fait possible, c'est que partant des
10 renseignements liés au recensement de la population, on aille évaluer qui
11 sont les électeurs possibles pour telle et telle année. Mais faire
12 l'inverse, à savoir prendre la liste électorale et évaluer le nombre
13 d'habitants, ça je ne l'ai pas entendu dire et parler partant de là de
14 structure de la population, encore moins lorsqu'il s'agit de recherches
15 d'experts ou de recherches scientifiques. Alors s'il y a eu des recherches
16 faites par des profanes ou des amateurs, moi, je ne le sais pas.
17 Pour ce qui est de ces listes électorales, lorsque nous parlons
18 desdites analyses, il y a une lacune fondamentale encore. Etant donné la
19 méthodologie utilisée par la Dr Tabeau, je dirais qu'il n'y a pas de
20 données relatives au nom du père et de données au niveau de l'appartenance
21 ethnique. Alors comment peut-on considérer ces données comme étant des
22 données comparatives pour procéder à des recherches et faire des calculs au
23 niveau des structures ethniques, et comment voulez-vous que ce soit une
24 source fiable pour identifier une personne concrète partant rien que de son
25 nom et prénom ?
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, concernant les listes
27 électorales, dans la mesure où il n'y avait aucune obligation légale d'être
28 inscrit sur les listes électorales dans l'ex-Yougoslavie, ne s'inscrivaient
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1 que ceux qui voulaient bien, et que si on fait des études à partir de ces
2 listes électorales, il y a un risque d'erreur important. C'est votre
3 conclusion ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait. Il n'y a pas de fondement
5 juridique ou d'obligation pour ce qui est d'aller vous présenter. Dans
6 certains Etats, c'est obligatoire, par exemple, la Grèce. Mais sur le
7 territoire de l'ex-Yougoslavie, jusqu'à il y a quelques années peut-être,
8 et en tout état de cause, en 1997 et en 1998, je sais pour sûr que ça
9 n'existait pas. Les listes électorales, elles étaient créées partant du bon
10 vouloir des individus.
11 Même de nos jours, en Serbie, c'est cette affaire de bon vouloir de
12 chaque individu. Je pense que c'est pareil dans les autres républiques.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est important ce que vous venez de dire.
14 M. KARNAVAS : [interprétation]
15 Q. Je vais maintenant poser une question de suivi étant donné que vous
16 avez parlé de la Grèce. En général, en Grèce, on s'inscrit là où on est né.
17 Quelle était la procédure en ex-Yougoslavie pour ce qui est de
18 l'enregistrement ? Où est-ce qu'on s'enregistrait ?
19 Mme WEST : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. J'entends
20 bien et j'apprécie le fait que l'on fasse référence à la Grèce. Je souhaite
21 que nous nous en tenions aux faits qui concernent le témoin et que cela ne
22 s'applique pas au conseil lui-même.
23 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais reprendre.
24 Q. Savez-vous comment on enregistrait les personnes en ex-Yougoslavie ?
25 Est-ce qu'il fallait s'enregistrer à un endroit donné, et si oui, où ?
26 R. Vous parlez d'électeurs ?
27 Q. Oui.
28 R. A la veille des élections, pendant un certain temps, on fait savoir que
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1 vous pouvez aller dans votre municipalité pour vérifier si vous figurez bel
2 et bien sur la liste électorale. Ces listes électorales ont été créées à
3 une année donnée, donc vous n'avez pas obligation de le faire. Si vous
4 voulez, vous pouvez aller vérifier, ou si par hasard vous n'avez pas
5 retrouvé votre nom, vous pouvez aller vous réclamer. Mais il y a des
6 organisations locales qui déclarent leur population, et c'est notamment à
7 cette fin que les recensements de la population sont utilisés.
8 On voit quelle est la population recensée et on estime quel peut être
9 le nombre d'électeurs. Mais il n'y a pas de fondement juridique pour faire
10 en sorte que quelqu'un, du fait d'être né là, soit électeur dans cette
11 localité, la même où il est né.
12 Q. Est-ce qu'il y avait des exigences particulières ? Est-ce qu'il fallait
13 habiter à un endroit donné à un moment donné ?
14 R. Si vous parlez de la Bosnie-Herzégovine.
15 Q. Oui, on parle de Bosnie.
16 R. Alors si vous parlez des années 1997 et 1998, il n'existait pas de
17 demande. Mais il y avait une recommandation de l'OSCE qui disait que ce
18 serait une bonne chose que d'aller dire où est-ce que vous avez résidé en
19 1991. Vous pouvez déclarer votre lieu de résidence à présent, soit pour ce
20 qui est de l'année 1991, soit pour l'année courante si vous avez quitté,
21 par exemple, votre lieu de résidence initial avant avril 1991 [comme
22 interprété], ou alors vous pouvez vous déclarer dans la nouvelle
23 municipalité où vous résidez à présent, ou alors là où vous avez résidé en
24 1991, voire dans la nouvelle municipalité. Mais si cette municipalité a été
25 scindée en deux, il faudrait préciser laquelle des deux est la vôtre.
26 Donc vous pouviez choisir votre lieu d'enregistrement. Vous pouviez
27 vous enregistrer pour être électeur dans un endroit où vous ne résidiez pas
28 du tout.
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1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous me permettez. Madame
2 Radovanovic, est-ce qu'on pouvait s'inscrire à plusieurs endroits à la fois
3 ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Là, je ne saurais pas vous donner une réponse,
5 parce que je ne sais pas quel type de contrôle avait été installé. Par
6 exemple, s'inscrire à Mostar et à Sarajevo en même temps, je ne sais pas si
7 c'était faisable, je ne sais pas quel était le type de contrôle mis en
8 place.
9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Peut-être --
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, je vais prendre un cas concret. Imaginons un
12 Serbe né à Gornji Vakuf issu d'un couple mixte. Le père est Serbe et la
13 mère Croate, par exemple. A l'âge de 20 ans, cet homme va travailler à
14 Mostar et il va y avoir des élections. Est-ce qu'il peut s'inscrire à
15 Mostar ou doit-il s'inscrire à Gornji Vakuf ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il peut s'inscrire à Mostar. En 1997, 1998,
17 l'OSCE a réceptionné ces inscriptions d'électeurs. Par exemple, je pouvais
18 aller dans un bureau électoral et dire, "Je veux me présenter ici." Il y
19 avait possibilité de fournie. Alors on vous demande où étiez-vous en 1991,
20 puis on vous demande pourquoi voulez-vous vous inscrire justement ici. Vous
21 pouvez, par exemple, répondre, "Parce qu'en avril 1991, j'ai quitté mon
22 lieu d'origine et je suis ici depuis un an," ou alors, "Papa et maman ont
23 déménagé et moi, je veux aussi m'installer à Mostar."
24 Donc on essayait de former ces listes avec un recensement de la
25 population et d'établir des listes électorales tout à fait nouvelles qui
26 constitueraient une image de la situation au moment même. Mais il y avait
27 aussi possibilité de se déclarer pour des personnes qui étaient soit en
28 Bosnie, soit ne l'étaient pas, qui étaient, par exemple, à l'étranger.
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1 Je connais en personne des personnes originaires de la Bosnie-
2 Herzégovine qui se trouvent être citoyens de Serbie mais qui se déclaraient
3 pour participer aux élections en Bosnie dans leur municipalité d'origine où
4 il y avait encore leurs parents.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je prends le dernier exemple avant la pause.
6 Imaginons quelqu'un qui est né à Prozor et qui, à l'âge de 20 ans, part
7 travailler en Allemagne, à Frankfort. Mais pendant les vacances, il vient
8 voir ses parents à Prozor qui sont restés à Prozor. Ces parents lui disent,
9 "Il va y avoir des élections, ça serait bien que tu votes pour X parce que
10 nous on l'aime bien."
11 Dans ce cas, est-ce qu'il pouvait, lui, s'inscrire sur la liste
12 électorale à Prozor ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ses parents peuvent aller dans leur unité
14 électorale et dire, "Notre fils est à l'étranger, mais il est citoyen de la
15 Bosnie-Herzégovine et il a le droit de se présenter aux élections." Donc
16 ils demandent que cette personne soit enregistrée dans la liste électorale.
17 Tous les citoyens de la Bosnie-Herzégovine, et peu importe s'ils
18 n'avaient jamais été enregistrés ou pas auparavant, avaient le droit de
19 s'inscrire pour participer aux élections.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : -- parce que là vous venez de dire, comme il est
21 citoyen, mais ce garçon est à Frankfort et il s'est marié avec une
22 Allemande et il a acquis la nationalité allemande par le lien du mariage et
23 la durée de séjour en Allemagne. Imaginons qu'il a également un passeport
24 allemand, mais il revient aussi en Bosnie parce qu'il a ses attaches
25 familiales. Peut-il s'inscrire sur la liste électorale ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il peut obtenir tous les documents de
27 l'Etat de Bosnie-Herzégovine, y compris la carte d'identité, le passeport,
28 et ainsi de suite. La seule condition serait qu'il ne soumette pas
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1 l'information indiquant qu'il est citoyen de l'Allemagne.
2 Car en ex-Yougoslavie, il n'était pas possible de renoncer à la
3 nationalité pour devenir citoyen d'un autre Etat. Puis il n'y avait pas de
4 dispositions concernant la citoyenneté double, donc le citoyen d'un Etat
5 pouvait devenir citoyen d'un autre Etat. Si pour devenir citoyen allemand
6 il n'est pas nécessaire que la personne présente qu'il avait renoncé à sa
7 citoyenneté de base, il peut avoir une double nationalité. Moi, par
8 exemple, j'ai une petite-fille qui est à la fois citoyenne de la Serbie et
9 de la Grèce.
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Deux corrections. Une à la page 36,
11 ligne 1. L'exemple qui a été donné c'est que l'ami est un citoyen de la
12 Serbie, mais avait voté en Bosnie-Herzégovine. Elle peut me corriger si
13 j'ai tort.
14 A la ligne 27, elle indique que l'on peut être citoyen de l'Allemagne
15 à partir du moment où on ne dit pas à la Bosnie qu'ils sont citoyens
16 d'Allemagne, et à ce moment-là, ils peuvent encore voter.
17 Q. Mais peut-être que Madame le Témoin pourra confirmer cela.
18 R. Oui.
19 Q. Il y a deux questions.
20 R. Peut-être que je voudrais --
21 Q. Nous souhaitons être sûrs.
22 R. Oui.
23 Q. Votre ami est un citoyen de Serbie, mais a voté en Bosnie-Herzégovine ?
24 R. En 1997 -- 1998, cette personne a voté en Bosnie-Herzégovine.
25 Q. Alors nous essayons d'être précis pour le compte rendu, voilà pourquoi.
26 Deuxièmement -- peut-être qu'il y a une erreur de traduction parce que
27 peut-être vous êtes un petit peu rapide.
28 Quelqu'un peut être un citoyen et posséder la nationalité allemande,
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1 avoir un passeport allemand. A partir du moment où il n'en informe pas les
2 autorités de Bosnie-Herzégovine, il est en mesure de voter en Bosnie-
3 Herzégovine. C'est ce que vous avez indiqué un petit peu plus tôt dans
4 votre déposition ?
5 R. Oui. Cela dit, les autorités ne le demandent pas. Donc seulement s'il
6 allait volontairement présenter cette information, à moins qu'il dise lui-
7 même, "Je ne veux pas voter, car j'ai l'autre citoyenneté." Mais s'il se
8 tait à ce sujet-là, tant qu'il est vivant, il peut voter en Bosnie-
9 Herzégovine.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est clair. Il va peut-être falloir faire le
11 break. On va faire 20 minutes de pause.
12 --- L'audience est suspendue à 15 heures 51.
13 --- L'audience est reprise à 16 heures 15.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Karnavas, vous avez la parole.
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
16 Juges.
17 Q. Madame le Professeur, est-ce que nous pouvons nous reporter au P 09836,
18 je vous prie. Est-ce que vous avez ce document sous les yeux ? Il s'agit du
19 P 09836. Il s'agit du premier rapport qui est intitulé, composition
20 ethnique, et cetera.
21 R. Oui, j'ai le document.
22 Q. Bien. Je ne vais pas y faire longuement référence. Je voudrais juste
23 attirer votre attention sur le fait que pendant environ une demi-heure nous
24 allons en parler, car j'aurai besoin d'environ 30 minutes pour parler de
25 l'autre rapport et des autres questions. Il me reste encore une heure qui
26 m'a été attribuée pour faire cet interrogatoire principal.
27 Est-ce que vous voulez bien nous dire rapidement si vous avez eu des
28 problèmes concernant ce rapport, sans oublier, bien sûr, que vous nous avez
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1 déjà parlé des trois grandes étapes méthodologiques dans le domaine de la
2 démographie. Est-ce que vous voulez bien, s'il vous plaît, commencer par
3 cette description.
4 R. Le problème de ce rapport réside justement dans le fait que s'agissant
5 des trois pas méthodologiques qui auraient dû être faits, il y a des
6 erreurs. Tout d'abord --
7 Q. Poursuivez. Vous pouvez avancez.
8 R. -- le rapport se fonde sur des sources non conformes sur le plan
9 méthodologique qui abondent en erreurs. Il s'agit entre 30 et 100 %
10 d'erreurs.
11 Deuxièmement, on a modifié les méthodes standard statistiques et
12 démographiques et on les a adaptées à ses propres besoins.
13 Troisièmement, on a tiré des conclusions statistiques et démographiques sur
14 la base de critères qui ne sont pas du tout des indices statistiques et
15 démographiques. Dans ce sens, il n'est pas du tout possible de parler d'un
16 rapport professionnel et scientifique qui serait acceptable en tant que
17 tel.
18 Q. Bien. Est-ce que l'on peut commencer avec le premier problème. Vous
19 avez évoqué des sources de données méthodologiques qui ne sont pas
20 cohérentes. Pourquoi est-ce que cela pose problème, ou en quoi est-ce que
21 cela constitue un problème ?
22 R. Le recensement de la population est une source officielle de données,
23 qui est effectué par des organes officiels, et son problème de base lorsque
24 je dis que, méthodologiquement, c'est mauvais et non conforme, ceci réside
25 dans le fait que le plus souvent l'expert s'appuie sur le recensement de la
26 population pour utiliser les noms et les prénoms des données de
27 recensement, qui ne sont pas des données statistiques et qui n'ont pas été
28 corrigées statistiquement mais seulement dans le département démographique.
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1 Et c'est seulement l'ensemble de la population qui est concernée par la
2 liste écrite sur la base d'un recensement, et ce, au moment critique. Or
3 les listes électorales constituent la liste des personnes adultes qui se
4 sont enregistrées volontairement.
5 On ne sait pas si ceci a jamais été contrôlé officiellement quelque part,
6 cela dit, ici aussi au sein du département de la démographie du bureau du
7 Procureur, leurs noms, noms et prénoms, ont été corrigés.
8 Comme je l'ai déjà indiqué, ces données concernent les années 1997, 1998.
9 Mis à part un grand nombre d'erreurs en ce qui concerne les noms et les
10 prénoms, comme je l'ai déjà dit, sur les plans démographique et
11 statistique, il existe une erreur systématique liée au manque du nom du
12 père et de la structure ethnique. Les bases de données concernant les
13 personnes déplacées ont aussi beaucoup d'erreurs s'agissant des noms et des
14 prénoms et comme je l'ai déjà dit, des données individuelles concernant
15 toutes les personnes qui se considèrent comme des réfugiés et des personnes
16 déplacées n'existent pas. Et compte tenu du fait que l'expert de
17 l'Accusation fonde sa méthodologie sur la comparaison de données
18 individuelles, dans ce cas-là, je peux évaluer cette base en tant que base
19 contenant deux tiers d'erreurs. Cela dit, en tant qu'une base avec certains
20 éléments agrégés, elle est acceptable et je la considère comme bonne.
21 Q. -- que vous nous avez souligné, y a-t-il des questions de la part des
22 Juges sur ce point ?
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, j'ai une question sur le taux d'erreur.
24 Dans votre science, la démographie, à partir de quel pourcentage d'erreurs
25 on estime qu'un rapport démographique est fiable ou sujet à caution ? Quel
26 est le pourcentage d'erreurs sur lequel la communauté scientifique
27 internationale est d'accord dans votre domaine ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Compte tenu du fait que la démographie se
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1 fonde sur les statistiques de la population, cette erreur est conforme aux
2 recherches statistiques et à la statistique en tant que science. Un taux
3 d'erreur jusqu'à 5 % est toléré. Il est considéré qu'une donnée est bonne
4 si le taux d'erreurs ne dépasse pas les 5 %.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc taux d'erreurs 5 %. Dans le rapport de
6 Mme Tabeau, j'ai cru comprendre que vous évaluez à 30,
7 40 % le taux d'erreurs ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'évalue entre 30 et 100 %, mais je dois
9 expliquer pour quelle raison je dis entre 30 et 100 %.
10 Je l'évalue avec un maximum de tolérance et venant avec beaucoup d'efforts
11 déployés pour corriger les noms, d'après ce que j'ai pu voir moi-même, je
12 considère qu'au mieux 30 % des noms n'ont pas pu être faits comme il
13 faudrait le faire. C'est une autre question de savoir s'il faut le faire ou
14 pas. Et je souligne qu'il n'est pas possible de contrôler ces données.
15 Deuxièmement, si vous avez une base de données concernant les chiffres
16 portant sur les personnes déplacées, les chiffres agrégés - je parle des
17 chiffres collectifs, non pas individuels, donc non pas d'une personne, mais
18 d'une personne avec sa famille - dans ce cas-là, il n'est même pas possible
19 de le vérifier. Et lorsque je dis 100 % d'erreurs, s'agissant des sources
20 de données qui ne contiennent pas d'information dont il est question, par
21 exemple, la structure ethnique, dans les statistiques il est considéré que
22 ceci est une erreur de système.
23 Maintenant, comment vous allez interpréter cela, c'est une autre question,
24 mais vous avez une source de données qui, dans 100 % des cas ne contient
25 pas l'indice que vous utilisez dans votre analyse par la suite. Or, le nom
26 du père ici est l'un des paramètres très importants pour déterminer
27 l'identification d'une personne.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Je suppose que ce que vous nous dites aujourd'hui,
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1 vous avez dû le dire dans les quatre autres procès où vous avez témoigné et
2 je présume à partir du rapport de Mme Tabeau.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est ce que j'ai dit. Il ne s'agissait
4 pas à chaque fois vraiment du rapport de Mme Tabeau. Une fois il s'agissait
5 du rapport du Dr Brunborg, une fois. Une autre fois, le Dr Tabeau était le
6 co-auteur avec le Dr Brunborg. Et dans les deux cas qui restent, c'était le
7 Dr Tabeau qui était l'auteur exclusif, et c'est ce que j'ai dit à plusieurs
8 reprises.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai pas eu le temps de regarder à nouveau ce
10 point dans les jugements. Bien que les jugements, je les ai tous lus, mais
11 je n'ai pas approfondi cela, mais à votre connaissance, les jugements en
12 question, vous les avez lus, vous, après, sur ce débat entre experts ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui. Madame Radovanovic, il y a
16 quelque chose qui m'a légèrement échappé, et peut-être que cela n'a-t-il
17 pas bien été consigné au procès-verbal. Je me réfère à la page 41, lignes 4
18 à 7. Vous dites, comme consigné procès-verbal : "Etant donné que l'expert
19 du bureau du Procureur a basé sa méthodologie sur la comparaison de données
20 individuelles, alors je considère que la marge d'erreurs de cette base de
21 données est des deux tiers. Mais concernant les données agrégées, je
22 considère que cette source de données-là est valable."
23 Pour être tout à fait franc, je ne comprends pas ce que vous nous dites par
24 là si c'est bien ce que vous nous avez dit.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était à peu près ce que j'ai dit.
26 L'essentiel était là. La base de données concernant les réfugiés et les
27 personnes déplacées se fonde sur l'identification de ces personnes faite
28 sur la base des données complètes concernant le pilier de la famille, pour
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1 ainsi dire, ensuite vous inscrivez le nombre d'autres membres de la
2 famille. Par exemple, s'il s'agit de Svetlana Radovanovic, j'aurais donné
3 mon nom et lieu de naissance, la date de naissance, l'appartenance
4 ethnique, et cetera, et mis à part moi, il y aurait mes membres de famille
5 sans données précises, par exemple, portant sur leur appartenance ethnique,
6 et cetera.
7 Donc cette base de données contient un tiers de données qui concerne les
8 piliers de la famille, et deux tiers qui ne contiennent pas les
9 informations complètes. Donc la comparaison, la méthode utilisée par le Dr
10 Tabeau, cela dit, je dois dire qu'elle utilisait cette base de données le
11 moins, mais ceci ne lui permet pas d'avoir un aperçu d'ensemble.
12 S'agissant de la structure ethnique des personnes déplacées et des réfugiés
13 ainsi enregistrés, s'agissant des membres de la famille, elle l'établissait
14 d'après ce que j'appelle le pilier de la famille.
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Et vous estimez que cela est donc
16 correct ou exact ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je considère que lorsque vous vous
18 penchez sur les données agrégées de cette base de données, les données
19 collectives, que cette base de données est correcte sur le plan collectif,
20 mais si vous examinez la méthode appliquée par le Dr Tabeau, vous ne pouvez
21 pas avoir un aperçu d'ensemble, car le Dr Tabeau a besoin d'avoir à sa
22 disposition les données individuelles. Donc s'agissant de données
23 collectives, cette base de données est correcte, mais elle ne peut pas être
24 appliquée dans la méthodologie appliquée par le Dr Tabeau, car dans les
25 deux tiers des situations elle ne peut pas établir les correspondances.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si --
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Il y a peut-être une petite correction qui
28 est une source de confusion. Page 44, ligne 10, il est indiqué, ne donne
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1 pas de schéma d'ensemble des nombres. Je ne sais pas si c'est sur ce point-
2 là que vous souhaitiez mettre l'accent. Ça ne donne pas, et non pas
3 l'inverse, cette vision d'ensemble des chiffres.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec votre permission, je vais ajouter quelque
5 chose. La base de données concernant les personnes déplacées et les
6 réfugiés a été utilisée le moins par les experts de l'Accusation.
7 Cependant, j'ai considéré que j'étais dans le devoir d'indiquer les
8 défaillances de cette base de données. Sur la base des données contenues
9 dans la base de données concernant les personnes déplacées et les réfugiés,
10 vous avez un seul résultat indiqué par l'expert de l'Accusation. Et tout le
11 reste concernant les personnes déplacées et les réfugiés, elle tire ses
12 conclusions par le biais du recensement de la population et par le biais
13 des listes des électeurs.
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Avez-vous terminé ?
16 Q. Je reprends, le Président Antonetti vous a posé une question à laquelle
17 j'allais venir ultérieurement, mais je vais vous la poser maintenant. Au
18 sein de la communauté scientifique, la méthode utilisée par le bureau du
19 Procureur, et qu'ils ont continué à utiliser au fil des années, ce type de
20 méthodologie, pour l'appeler comme cela, est-ce qu'elle est acceptable par
21 la communauté scientifique, parmi les démographes ?
22 R. Non, mais je dois dire une chose. Les méthodes utilisées par l'expert
23 de l'Accusation existent. La méthode de correspondance et de corrélation
24 existe. Cependant, l'expert de l'Accusation n'applique pas ces méthodes
25 conformément aux normes appliquées dans le cadre des études scientifiques
26 et professionnelles. Cet expert les modifie de la manière qu'il lui
27 convient, et les adapte ainsi à ses propres recherches.
28 Q. Bien. Pour être un peu plus concret, sur le premier aspect, la première
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1 problématique, vous nous dites qu'il a été utilisé des sources de données
2 qui n'étaient pas cohérentes. Est-ce que c'est quelque chose qui se fait en
3 matière démographique, à savoir le fait de prendre des sources incohérentes
4 pour essayer de les corréler ou de les faire correspondre afin d'obtenir un
5 résultat qui fasse du sens ?
6 R. Non. On ne prend pas des sources des bases de données non conformes
7 mutuellement, mais l'expert les modifie aussi ici car les données qui,
8 collectivement, ne peuvent pas être comparées, elle les baisse à un niveau
9 individuel et les utilise de la manière qui lui convient à elle.
10 Q. Pourriez-vous nous donner un exemple, s'il vous plaît, de façon à ce
11 que nous puissions mieux comprendre. Modifier les données, comment modifie-
12 t-elle les données ? Tout d'abord, je vais vous poser la question comme
13 ceci : est-ce que le fait de modifier les données est quelque chose qui est
14 acceptable par la communauté des démographes ? Est-ce qu'un démographe a le
15 droit de modifier les données si ce démographe se sert de sources
16 particulières. Il n'a pas le droit de modifier la méthode qui lui permet
17 d'arriver à ces données. Si vous modifiez la méthode, automatiquement les
18 données sont modifiées aussi.
19 Q. Pouvez-vous nous citer un exemple de la façon dont ceci est fait; donc
20 il peut y avoir une présupposition, on estime que le bureau du Procureur
21 cela fait partie du Tribunal des Nations Unies; donc ceci représente être
22 un critère acceptable pour l'ensemble de la communauté scientifique.
23 Veuillez nous dire en quoi ceci est différent, d'après vous.
24 R. Comme j'ai déjà dit, il s'agit de sources de données méthodologiquement
25 incohérentes, et méthodologiquement, il serait inacceptable, par exemple,
26 de comparer la structure de la génération 91 et la structure de la
27 génération 97-99 au niveau collectif tiré des listes électorales. Là je
28 parle sur le plan collectif. Il s'agit d'un côté de citoyens permanents, on
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1 sait par quelle méthodologie ils ont été recensés. Puis les autres citoyens
2 ont un statut différent. Donc vous ne pouvez pas les considérer comme
3 faisant partie de la même catégorie.
4 L'erreur faite par l'expert concerne l'application de la méthode, à
5 savoir par le biais de l'application de plusieurs sources de données. Ici,
6 il s'agit du recensement et des listes électorales. Elle identifie la même
7 personne. Puis j'ai parlé du problème de l'existence de numéro unique
8 d'immatriculation de citoyen, ça, c'est un problème à part, mais ces
9 numéros n'existent pas, ne sont pas mentionnés dans la réalité. Or, il est
10 nécessaire d'appliquer alors, de créer alors une clé de correspondance.
11 Mais cette clé de correspondance doit être faite de telle façon à permettre
12 d'être sûr, au moins au minimum, qu'il s'agit de la même personne dans les
13 deux sources que vous affirmez identifier. Or, la clé de correspondance,
14 mis à part le fait de devoir garantir le minimum de sûreté par rapport au
15 fait que la personne identifiée est la même, devrait rester la même tout au
16 long du processus de corrélation.
17 Alors quelle est la clé de correspondance utilisée par l'expert de
18 l'Accusation, c'est quelque chose que nous ne savons pas tout à fait. Or,
19 dans l'unité démographique du bureau du Procureur, il est possible
20 d'appliquer 71 clés de correspondance. Autrement dit, vous pouvez changer à
21 61 reprises l'un des éléments pour arriver à l'identification. Or,
22 l'expert, une seule fois dans ce rapport indique avoir utilisé le nom, le
23 prénom, le numéro de la carte d'identité et la date de naissance suivant un
24 tel critère compte tenu du fait que le numéro de la carte d'identité
25 n'existe dans aucun document, il ne pouvait trouver aucune correspondance.
26 Donc nous pouvons conclure que lors du premier pas de la corrélation,
27 il utilise cette clé en supposant le deuxième; or, là déjà la lampe rouge
28 s'allume, car dans le processus de correspondance il n'y a pas plusieurs
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1 pas.
2 Tous les jours nous appliquons cette méthode de corrélation ou
3 correspondance où il y avait la carte de crédit que vous utilisez pour
4 tirer de la monnaie dans les distributeurs automatiques. Cette carte
5 contient certains numéros. Lorsque vous introduisez votre carte et que vous
6 composez votre numéro personnel, automatiquement vous allez obtenir
7 l'argent. Si vous faites une erreur, vous n'aurez pas d'argent, il n'y aura
8 de corrélation et vous n'avez pas la possibilité non plus de dire, non
9 peut-être c'est un autre numéro, et cetera. Donc dans une telle situation
10 il existe une seule correspondance possible lorsque les identifications
11 dans le cadre de la clé sont exactes et lorsque ceci est confirmé dans une
12 autre source de données.
13 Donc l'expert utilise le nom, le prénom et la date de naissance.
14 Compte tenu des problèmes soulevés par l'expert elle-même concernant les
15 niveaux de correction des noms et de prénoms et compte tenu des problèmes
16 liés à la date de naissance, dès le premier pas le témoin a la possibilité
17 de trouver relativement peu de correspondance. Par exemple, il peut obtenir
18 20 % de correspondance. Ces 20 %, ce serait une certaine correspondance où
19 on peut dire qu'il y a un certain niveau de certitude qui existe, qu'il
20 s'agit de la même personne. Cependant à mon avis, ceci est trop peu pour
21 l'expert. Donc il raccourcit la clé d'identification; il donne le nom et le
22 prénom mais plus maintenant la date de naissance mais selon l'année de la
23 naissance. Ainsi il augmente le pourcentage et il trouve la correspondance
24 pour 50 %. Mais l'expert peut encore être insatisfait, il dit je ne vais
25 plus appliquer juste le nom et le prénom, mais juste l'initiale, le nom de
26 famille et l'année de naissance. Et ainsi, il peut appliquer 61[phon]
27 critères.
28 Je ne dis pas que le Dr Tabeau utilise 71 critères, mais nous ne
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1 savons pas quel est le nombre de critères qu'elle a utilisés. Or, nous
2 savons qu'elle applique deux pas dans le processus de corrélation. Je
3 suppose qu'elle utilise le nom, le prénom et l'année de naissance, car lors
4 du contrôle des documents, c'est moi qui ai utilisé cette clé
5 d'identification et je suis arrivée à peu près aux mêmes chiffres que le Dr
6 Tabeau.
7 Je vais souligner la chose suivante : juste le nom, juste le prénom
8 ou juste l'année de naissance, ce ne sont même pas les éléments
9 minimalement fiables permettant d'identifier quelqu'un.
10 Je peux vous donner un exemple d'un élément que j'ai obtenu au sein
11 du département démographique de l'Accusation. Par exemple, dans les listes
12 électorales, il existe 69 Mirsad Halilovic. Or dans le recensement de la
13 population, il y a 87 Mirsad Halilovic. Sur ce numéro dans les listes
14 électorales, huit d'entre eux ont été nés en 1965 et dans le recensement 14
15 d'entre eux ont été nés en cette année-là. Donc vous pouvez établir la
16 correspondance pour le minimum de 14 personnes, en disant que 14 des fois
17 vous avez Mirsad Halilovic qui a été né en 1965. Or l'Accusation, elle
18 parlait des "méthodes conservatrices" appliquées sur d'autres données.
19 Puis vous pouvez dire en appliquant cela, en disant cela, en disant
20 ce Mirsad est de Sarajevo, celui-ci de Mostar, et ainsi de suite. Donc ici
21 vous êtes en position de décider quelle va être la personne qui va être
22 acceptée et considérée comme identifiée.
23 Lorsque vous établissez cette corrélation et vous décidez de ce que
24 vous allez faire et de la façon dont vous allez procéder, cela sans
25 différence aucune indépendamment du taux d'exactitude de votre honnêteté,
26 de votre aspiration à la vérité scientifique, cela vous fournit tout de
27 même la possibilité de cibler un type de données. Cela vous fournit la
28 possibilité suivant les nécessités de votre recherche de créer une
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1 statistique déterminée. Donc --
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais prendre un cas concret, parce qu'on
3 est dans des matières extrêmement techniques, et comme il y a une
4 contestation sur la base des expertises effectuées par le bureau du
5 Procureur il convient de recadrer cela sur un plan logique. Je prends le
6 cas d'un Croate de Kakanj, qui a quitté Kakanj et qui se retrouve à Zagreb.
7 Il est à ce moment-là, enregistré auprès de l'office des réfugiés à Zagreb.
8 Je présume que lors de son enregistrement il va donner son numéro JMBG.
9 Donc on a un Croate de Kakanj réfugié, enregistré à Zagreb.
10 L'expert qui va se pencher sur son cas, il aura - mais si je fais une
11 erreur, n'hésitez pas à me le dire - l'affiche d'enregistrement de
12 l'office. Il pourra vérifier s'il est âgé, par exemple, en 1992, 1993, de
13 30 ans, la liste électorale de Kakanj. Il pourra également vérifier la
14 liste résultant du recensement de 1991 à Kakanj, si à l'époque il habitait
15 là, mais partons de l'hypothèse où il habitait là.
16 Et comme ce Croate est né à Kakanj et il est peut-être catholique,
17 certainement, l'expert pourra vérifier s'il a été mentionné sur le registre
18 paroissial tenu par le curé de Kakanj, et il pourra aller à la municipalité
19 pour vérifier si cet individu a été enregistré quand il est né à Kakanj.
20 Dans cette hypothèse, est-ce que l'expert n'a pas à sa disposition
21 toute une série de fichiers ou d'éléments lui permettant de croiser les
22 informations et d'arriver à une conclusion à 100 % exact à partir de
23 l'exemple que je donne ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a toute une série de sources
25 d'information qui sont accessibles mais qui ne sont pas utilisées. Alors
26 j'utilise ce qui m'est fourni par le recensement et ce que j'ai noté tel
27 quel, et je me sers de ce qui existe sur, par exemple, la liste électorale,
28 et tout le reste ne m'intéresse guère.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : -- moi, je ne suis pas là pour départager les bons
2 experts du Procureur ou la Défense.
3 Je pose la problématique avec - prenons un démographe suédois. On lui
4 demande d'aller vérifier le sort du réfugié X qui vient de Kakanj et qui a
5 été enregistré à Zagreb comme réfugié.
6 Est-ce que cet expert ne ferait pas ce que je viens de décrire, c'est-à-
7 dire aller dans le registre paroissial de la paroisse de Kakanj, aller à la
8 municipalité sur le registre d'état civil, aller vérifier la liste
9 électorale et aller regarder les documents sur le recensement ? Est-ce
10 qu'un expert ne ferait pas cela pour éviter tout erreur ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce serait la meilleure des choses et la plus
12 juste des choses à faire. Alors de là à savoir s'il le ferait
13 véritablement, je ne sais pas. Je dois vous dire que c'est une tâche plutôt
14 complexe. Ça demande du temps, mais dans bon nombre de cas de figure cela
15 peut se faire.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc ce que je décris est le système idéal,
17 mais si je comprends bien, Mme Tabeau n'a pas fait ça.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est ce qui se passerait dans un monde
19 idéal, mais Mme Tabeau n'a pas fait cela.
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 Q. Madame le Professeur, vous nous avez donné une très longue réponse; je
22 suppose que vous avez répondu aux trois questions. Vous avez précisé qu'il
23 y avait trois problèmes au niveau du rapport d'Ewa Tabeau. Vous souvenez-
24 vous du deuxième problème soulevé par ce rapport ? Le premier était les
25 sources de données incohérentes au plan méthodologique. Ensuite vous avez
26 parlé de --
27 R. Le deuxième problème c'est le changement de méthodologie de corrélation
28 que j'ai essayé d'expliquer. Et le troisième problème c'est le calcul des
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1 paramètres non démographiques et mise en exergue de ces paramètres non
2 démographiques partant de quoi il est tiré des conclusions sur des éléments
3 ou des phénomènes statistiques démographiques.
4 Quand je dis "paramètres non démographiques" j'entends ce qui suit : la Dr
5 Tabeau débat des changements de structure ethnique survenus et elle avance
6 des chiffres, ou plutôt, elle avance des numéros relatifs. Je peux ouvrir
7 ça, je peux vous en donner lecture, mais je peux par cœur vous donner
8 quelque chiffre pour vous donner un exemple.
9 Me Tabeau, par exemple, dit, affirme que le nombre de Croates sur le
10 territoire de ces huit municipalités qu'elle estime être une partie de
11 l'Herceg-Bosna avait accru de 22 % pendant la période courant de 1991 à
12 1997, 1998. Alors elle tire ceci depuis une conclusion qui est celle de la
13 modification en pourcentage du pourcentage, elle fait le calcul comme ceci
14 : si en 1991, la part des Croates était de 44 % et si la part des Croates
15 en 1997, 1998, d'après son évaluation du nombre de la population de ce
16 groupe ethnique serait de, par exemple, de 50 et quelque pourcent, le Dr
17 Tabeau tire une conclusion qui est celle de dire que les 52.4 sur 44.2 il y
18 a donc un écart de 22 %. Le calcul est juste. Mais ça n'a rien à voir avec
19 la croissance du ratio de certains groupes ethniques dans la population.
20 Si en 1991 dans la population totale vous aviez 44 % de ce groupe
21 ethnique, et si maintenant il a 54 %, donc il y a eu une croissance de 10
22 %, et non pas de 22 %.
23 Ce que je veux dire c'est qu'il s'agit là de paramètres qui ne sont
24 pas des paramètres statistiquement démographiques. Partant de ces
25 paramètres de l'expert de l'Accusation met ou place au premier plan cet
26 élément-là et vient à tirer des conclusions partant de là.
27 Pour dire vrai, l'expert avance toute une série de tableaux où
28 il y a des paramètres tout à fait justifiés mais ne les commente pas.
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1 Ça c'est le problème d'après. Il est encore des problèmes qui seraient de
2 la comparaison de torchons et de serviettes --
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi. Avant que ceci
4 disparaisse de l'écran, je ne suis pas très bien vos calculs mathématiques.
5 Vous dites que si la part de - ceci se trouve à la page 52, ligne 25 - si
6 vous dites que la part des Croates en 1999 était de 44 %, par exemple, et
7 que la part des Croates en 1997 ou 1998 est de 50 et quelques, 54 %, je
8 crois, que vous avez dit, 54 d'abord; donc 44, ensuite 54 %, et vous dites
9 que cette augmentation n'est que 10 %. Pour moi l'augmentation est de 20 %.
10 Je ne comprends pas comment vous calculez cela, parce que l'augmentation
11 est de -- 10 à 44 cela fait presque 25. Ceci devrait correspondre à 20 % et
12 non pas à 10 %, mais peut-être que je me trompe et à ce moment-là je veux
13 bien qu'on me le dise.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer de vous expliquer. Le ratio
15 des Croates dans la population totale en 1991, ça c'est un paramètre
16 statistiquement démographique. Et on dit qu'en 1991, sur la totalité des
17 habitants vivant sur ce territoire les Croates étaient 44.4 %, disons.
18 Maintenant nous avons un autre ensemble statistique qui se rapporte
19 maintenant aux années 1997, 1998. Et on calcule les choses sur la
20 population totale qui, en 1997 ou 1998, réside sur le territoire dont on
21 s'occupe, la part des Croates est de 54,4 %. Le ratio par rapport à 1991 et
22 1997, il y a eu augmentation de 10 %. Ce chiffre relatif n'a rien à voir
23 maintenant avec la population totale, ce sont des paramètres relatifs qui
24 vous indiquent quelle est la qualité du chiffre.
25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous n'avez pas besoin de
26 poursuivre. La partie que j'ai citée, vous avez parlé d'augmentation, et en
27 tout cas c'est ce que nous avons au compte rendu, le terme "augmentation."
28 Maintenant, vous parlez des pourcentages et là, évidemment, il s'agit d'une
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1 toute autre question. Donc il faut certainement corriger l'un ou l'autre.
2 L'augmentation en fait nous donne un chiffre plus bas, ensuite un
3 pourcentage d'augmentation. Si l'augmentation est de 25 %, à ce moment-là,
4 c'est de 25 %.
5 Vous dites -- ou en tout cas, vous parlez de l'augmentation entre 54 -- 44
6 jusqu'à 54 sur l'ensemble, et ça c'est un tout autre calcul. A ce moment-
7 là, c'est 10 %. J'ai compris. Merci.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, sur le ratio, j'ai écouté attentivement ce
9 que vous venez de dire et qui a été éclairé par la question de mon
10 collègue, mais là aussi il semble qu'il y a un problème que je vais vous
11 exposer.
12 Si le ratio c'est le nombre de Croates sur la population totale en 1991, je
13 pense que le ratio -- vous dites 44,4. Imaginons que c'est le chiffre. Mais
14 en 1998, le ratio, le nombre de Croates sur la population totale, comme il
15 y a eu des mouvements importants de population, des gens qui sont partis,
16 qui ont été déplacés, qui sont partis à l'étranger, qui sont restés en
17 Croatie, et cetera, à ce moment-là, il semble qu'on va comparer des
18 torchons et des serviettes ou des pommes et des poires parce que la base de
19 comparaison n'est plus la même.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour que je vous vienne en aide et que je me
21 vienne en aide à moi-même, je vous prie de vous pencher sur le tableau
22 numéro 1 de mon tableau pour que je n'invente pas de chiffres et que
23 j'essaye d'expliquer ce que j'entends par ratio.
24 Techniquement parlant, il s'agit de comparer des pommes et des poires ou
25 des torchons et des serviettes, mais c'est une question de méthodologie où
26 la Dr Tabeau sort une troisième masse qui prend en considération les
27 groupes ethniques et qui procède à des correspondances. Alors la question
28 qui se pose c'est de voir de quoi parle-t-on dans cet ensemble statistique.
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1 Si nous acceptons le fait que par corrélation de données, indépendamment de
2 l'exactitude de ces données, même le Dr Tabeau est arrivée à 118 000
3 habitants pour 1997 --
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Un instant, s'il vous plaît. Le tableau, il est à
5 quelle page de votre rapport ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] En B/C/S, c'est la page 8. Pour ce qui est de
7 l'anglais, je ne le sais pas.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va tous regarder le B/C/S. On a maintenant
9 une grande connaissance de cette langue alors on va pouvoir travailler sur
10 le document.
11 M. KARNAVAS : [interprétation] A la page 9, Messieurs les Juges, en
12 anglais.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors allez-y, Madame.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je disais ce sont là des chiffres repris du
15 rapport de la Dr Tabeau, ça nous montre de quoi a l'air au total la
16 structure ethnique dans huit municipalités de l'Herceg-Bosna.
17 La première donnée c'est 1991, on parle de personnes majeures qui étaient
18 des groupes ethniques tels que présentés, et ces personnes sont 231 610 au
19 total. Puis nous avons les ratios : sur le total de la population, les
20 Croates sont 44,4; les Musulmans, 34,6; les Serbes, tant; et les autres,
21 tant.
22 La deuxième partie, celle qui concerne l'année 1997, c'est le fruit de la
23 méthodologie du Dr Tabeau qui a procédé à une comparaison entre les
24 recensements de la population où il y a des données relatives à
25 l'appartenance ethnique et les listes électorales où il n'y a pas ces
26 données d'appartenance ethnique.
27 Le Dr Tabeau dit qu'elle a pris 118 000 personnes qu'elle constate
28 comme étant la population. "Si on prend les ratios de groupes ethniques
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1 tels que déclarés en 1991, voilà que ça nous donne comme Croates, ce que ça
2 nous donne comme Musulmans, Serbes et autres." Autrement dit, c'est en
3 reprenant les groupes ethniques de 1991 et en procédant à des corrélations
4 modifiées pour 1997, 1998, nous obtenons cette image-ci.
5 Pour ne pas maintenant nous aventurer à parler de la comparaison de
6 1991 avec 1991 même, donc à condition qu'il y ait corrélation juste et
7 précise. Si l'on prend en considération les indices démographiques, on
8 parle d'une méthodologie qui parle du ratio d'une population dans un nombre
9 total d'habitants exprimé en pourcentage et calculé de telle et telle
10 façon. Et on voit que la part des habitants, en application de leur
11 appartenance ethnique et celle qu'on a en 1991 et celle qu'on a en 1997.
12 Si on prend maintenant rien que les Croates comme exemple parce que c'est
13 plus facile, on voit que le nombre de Croates qui étaient en 1991 44,4 %,
14 donc c'est une partie de la masse d'habitants et les Croates étaient 44,4
15 %. En 1997, maintenant, sur la masse totale que nous avons, les Croates
16 constituent 54,2 %.
17 La conclusion démographique statistique dit ce qui suit : la part des
18 Croates en 1997, 1998 par rapport à 1991 a augmenté de 10 %.
19 Alors ces indices relatifs nous fournissent une possibilité de comparer
20 sans pour autant entrer dans les chiffres absolus. Que veux-je dire par là
21 ? Il est évident que le chiffre a chuté, vous le voyez. Mais pour que vous
22 puissiez qualitativement expliquer certaines choses, vous vous servez
23 d'indices relatifs. Le fait est que le chiffre total a chuté, personne ne
24 le conteste, il n'y a pas de contestation du tout là. Mais si vous prenez
25 les masses statistiques, elles ont subi des changements quantitatifs qui se
26 rapportent à la totalité des groupes ethniques. Mais la qualité du point de
27 vue ethnique nous donne le ratio que vous voyez ici, et c'est pour cela que
28 vous avez index et "rank." L'index vous montre le taux de chute de la
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1 population et le "rank" vous parle de qualité --
2 Oui ?
3 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi, Professeur Radovanovic.
4 Je voudrais vous poser la question suivante : vous avez dit il y a quelques
5 minutes, je crois, que l'indicateur relatif nous donne la possibilité de
6 comparer des choses sans avoir des chiffres absolus pour autant. Qu'est-ce
7 que vous entendez par cela ? "Manifestement, le nombre en terme absolu, il
8 baisse," et là j'arrête la citation.
9 Maintenant, je ne sais pas vraiment à quel chiffre vous vous référez
10 lorsque vous dites que "manifestement, les chiffres sont en baisse." Vous
11 voulez dire le nombre de Croates ou le nombre de Musulmans ou le nombre de
12 quel groupe ? Est-ce que vous pouvez, si vous le voulez bien, expliciter
13 cela et nous dire à quel groupe de population et à quel chiffre vous faites
14 référence ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est une diminution de la
16 population totale, et il y a une diminution des ressortissants de chaque
17 groupe ethnique qui constitue la population totale. Pour que les choses
18 soient tout à fait claires, quand j'ai parlé de l'importance de la prise en
19 considération des chiffres relatifs, il est aussi important de prendre en
20 considération les chiffres absolus. Mais quand on parle de la qualité de
21 quelque chose, si nous n'avons que des chiffres absolus, nous ne pouvons
22 pas procéder à des comparaisons qualitatives.
23 Peut-être serais-je plus claire si je dis les choses comme
24 suit : en Bosnie, annuellement, il y 50 000 bébés qui naissent. En Chine,
25 il y en a sept millions et demi. Est-ce que la natalité est la même en
26 Bosnie et en Chine ? A première vue, ça nous semble être tout à fait
27 impossible, 50 000 et sept millions cinq. C'est la raison pour laquelle
28 nous prenons en considération ces indices démographiques et statistiques
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1 qui nous permettent de calculer le taux de natalité.
2 Alors je parle de têtes. Je parle de taux de natalité en Bosnie qui
3 est de 13 pour 1 000, et le taux de natalité en Chine est de 13 pour 1 000.
4 Qualitativement parlant, j'ai un indice qui me dit que la natalité de la
5 Chine et la natalité de la Chine ne diffère pas l'une de l'autre. Mais je
6 sais quelle est la qualité et la fréquence des naissances, le taux, lui,
7 dit : sur 1 000 habitants, il y a 13 bébés. La Bosnie a le nombre
8 d'habitants qu'elle a, la Chine a ses habitants à elle, et sur 1 000, il y
9 a 13 naissances. Je vois la qualité et la fréquence d'un phénomène. De ce
10 point de vue-là, ces indices relatifs pour ce qui est des ratios vous
11 indiquent aussi quelle est la qualité, non pas la quantité. La quantité,
12 elle, a changé, donc il n'y a pas de modifications qualitatives du point de
13 vue des Musulmans. Il y a une modification quantitative, ça se rapporte aux
14 Musulmans, ça se rapporte aux Croates, aux Serbes et aux autres.
15 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie de vos
16 explications. D'un autre côté, il faut bien que je vous avoue que je ne
17 reste pas convaincu lorsque vous nous dites que, "La quantité change, mais
18 qu'il n'y a pas de changement en termes de qualité au niveau de la
19 structure de la population," et c'est une citation de ce que vous avez dit
20 concernant les Croates et les Musulmans. Je ne vois pas sur quelle base
21 repose cela, parce qu'il y a une augmentation d'au moins 10 % du nombre de
22 Croates puisqu'on passe de 44 à 54, virgule quelque chose. Donc c'est ça
23 que j'essaie de savoir -- quels sont ces chiffres au sujet des changements
24 intervenus dans les trois grands groupes de population en Bosnie-
25 Herzégovine à l'époque, à savoir les Croates, les Serbes et les Bosniens ?
26 Donc c'est ça que j'aimerais que vous nous mettiez en exergue. Pour être
27 franc, je ne suis pas tout à fait convaincu de la comparaison que vous
28 faites avec les taux de naissance en Chine, car je crois qu'il s'agit d'un
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1 autre sujet. J'aimerais vraiment que vous reveniez à la question de départ,
2 à savoir les changements intervenus dans les groupes de population dans
3 cette région donnée parmi les trois grands groupes de population. Je vous
4 remercie.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Les données que nous sommes en train de
6 prendre en considération ne sont pas les miennes. Ce sont les données qui
7 sont présentées par l'expert de l'Accusation. L'expert de l'Accusation
8 affirme que le nombre des Croates en 1997, par rapport à 1991, a augmenté.
9 Je parle -- non, du pourcentage. Le pourcentage a augmenté de 22 %, dit cet
10 expert. Moi, je dis non. Si on prend en considération les données avancées
11 par l'expert du Procureur et en procédant par la bonne méthodologie des
12 proportions, sans pour autant prendre la ratio des pourcentages, l'image
13 qui nous est donnée est la suivante : le chiffre a changé, mais le
14 pourcentage n'a pas augmenté de 20 % pour ce qui est du ratio des Croates
15 en 1991 vis-à-vis 1997. Ça n'a pas augmenté de 22 %. Ça n'a augmenté que de
16 moins de 10 %.
17 J'ai essayé - peut-être n'ai-je pas été suffisamment claire - j'ai
18 essayé de vous expliquer comment les indices démographiques non
19 statistiques font dire à l'expert une chose qui n'est pas exacte. De quoi
20 cela aurait-il l'air si l'expert s'était servi d'indices démographiques
21 statistiques ? Je vous l'ai indiqué et j'ai essayé de vous l'expliquer.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : En regardant le tableau, on se rend compte que les
23 Croates de 44,4 % passent à 52,2 et que les Musulmans de 34,6 à 37,4, un
24 esprit logique pourrait en conclure qu'il y a maintenant, en 1997, beaucoup
25 plus de Croates qu'il y en avait en 1991. Ça, c'est un constat que l'on
26 peut faire.
27 Mais si je fais l'analyse suivante, Madame, pendant que vous parliez,
28 je fais la soustraction entre les Croates de 1997 et les Croates de 1991. A
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1 ce moment-là, on se rend compte qu'il y un déficit de 38 499 Croates. Quand
2 je fais la soustraction entre les Musulmans de 1997 et de 1991, on
3 s'aperçoit à ce moment-là qu'il y a 36 000 environ Croates -- Musulmans en
4 moins.
5 Ce différentiel, si je le rapporte par rapport à la population de
6 1991, 102 866 pour les Croates, 80 151 pour les Musulmans. Lorsque je mets
7 le nombre de Croates qui ont diminué, 38 499, par rapport à 102 866,
8 j'arrive à un pourcentage de 40 % environ. Quand je fais pareil avec les
9 Musulmans, j'arrive également à 40 %. A ce moment-là, un esprit logique
10 peut en conclure qu'il n'y a pas eu de changement significatif. Qu'en
11 pensez-vous puisque j'ai 40 % dans les deux cas ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Partons d'une supposition qui est celle de
13 vous voir satisfait et accepter le chiffre que le Dr Tabeau affirme être le
14 bon pour ce qui est du nombre de personnes identifiées là-bas. Si on
15 accepte cette identification-là, et on verra qu'elle a d'abord dit qu'ils
16 étaient tant, puis elle a dit ensuite qu'ils étaient 80 000, donc on opère
17 avec trois chiffres. Alors si on soustrait des pommes depuis des poires, on
18 peut obtenir ce chiffre-là. Mais moi, je nie en termes simples la
19 méthodologie utilisée par le Dr Tabeau, et j'estime que cela n'est pas le
20 bon chiffre. Ça peut être ça, ça peut être plus grand, ça peut être autre
21 chose, mais elle dit à l'instant c'est tant, puis elle dit que c'est plus,
22 puis elle dit que c'est moins.
23 Les 118 000 habitants dans ce tableau-ci, dans cette façon de calculer
24 utilisée par le Dr Tabeau, constituent la population permanente de ces huit
25 municipalités au moment où ces gens-là ont voté et ce n'est qu'ainsi qu'on
26 peut les comparer avec les 230 000 d'avant alors bien que dans le premier
27 tableau nous ait fourni ceci, mais le Dr Tabeau dit que les habitants qui
28 vivaient là-bas en 1991 et qui ont voté en 1997 étaient seulement 80 000.
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1 Puis, avec les correspondances qu'elle a faites, elle resoustrait [phon]
2 les 80 000 et elle obtient 60 000 réfugiés. Si nous acceptons ce chiffre
3 avancé par le Dr Tabeau, votre conclusion est tout à fait exacte.
4 C'est une opération mathématique qui montre ce que vous avez
5 précisément dit.
6 Si nous acceptons les indices démographiques statistiques qui
7 découlent des mêmes chiffres, ça nous montre qu'il n'y a pas de changement
8 radical. Les rangs de représentativité des différents groupes ethniques,
9 notamment les Croates et les Musulmans, sont restés les mêmes.
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.
11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas. C'est
12 peut-être un problème d'enregistrement ou de traduction. Je fais référence
13 à deux lignes, la dernière ligne de la page 56 et page 57, les deux
14 premières lignes. Là je lis ce que l'expert aurait dit : "Et nous voyons
15 que le pourcentage de population par groupe ethnique en 1991 était ce qu'il
16 était alors qu'en 1997, il était à nouveau ce qu'il était en 1997." Pour
17 moi, c'est une tautologie. Je ne sais pas si c'est ce que vous avez dit
18 réellement ou si vous vouliez dire quelque chose, mais qu'il manque des
19 éléments.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Le pourcentage en 1997 est justement ce qui a
21 été indiqué dans le tableau. C'est ce que j'ai essayé de dire, car je ne
22 souhaitais pas lire chaque pourcentage séparément.
23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. C'est différent,
24 évidemment, si vous voulez dire que c'était ce que c'était dans le tableau,
25 mais qu'en 1997, c'était une phrase qui s'annulait quelque part.
26 M. KARNAVAS : [interprétation]
27 Q. Je ne veux pas m'appesantir sur ce tableau, car nous avons aussi
28 d'autres points à couvrir. Mais ces chiffres qui figurent dans la colonne
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1 1991 et 1997, les totaux, ensuite la répartition entre Croates, Musulmans,
2 Serbes et autres, est-ce que ces chiffres sont véritablement fiables pour
3 1991 ? Commençons par 1991. Quel est le degré de fiabilité des chiffres qui
4 sont donnés pour 1991 ?
5 R. Les données sont reprises du recensement de la population. Cela dit,
6 l'expert de l'Accusation, s'agissant de certains groupes d'âge, il les a
7 transformés en personnes majeures en s'imaginant ce qui aurait dû être le
8 cas en 1997. Ces données sont relativement fiables. Pourquoi est-ce que je
9 dis relativement ? Non pas parce que je doute du nombre de membres de la
10 population suivant le recensement, mais tout simplement car
11 méthodologiquement, il existe des méthodes permettant de calculer les
12 groupes d'âges.
13 Or, le Dr Tabeau dit que "toutes les personnes qui sont nées en 1980
14 et avant, sont des personnes majeures car en 1998, ils pourront voter." En
15 termes généraux, j'ai tendance à être d'accord, mais le
16 Dr Tabeau ne dit pas s'il s'agit de l'année de calendrier lorsqu'on parle
17 de l'année de naissance, mais acceptons cela pour le moment.
18 Mais il existe une autre controverse, car si vous souhaitez comparer
19 ces données avec l'année 1997 - et on n'entre pas dans la qualité
20 maintenant - mais nous avons la date de 1991, par exemple, il existe un
21 certain pourcentage de personnes, mais il ne faut pas oublier que certaines
22 personnes sont peut-être mortes entre-temps, certaines personnes ont
23 déménagé. J'ai quelque part les informations, mais pas ici, je les ai à
24 l'hôtel. Par exemple, indiquant qu'il y avait environ 10 000 personnes dans
25 toutes ces municipalités qui étaient âgées de plus de 75 ans. Techniquement
26 parlant, ce sont des électeurs potentiels.
27 Puis, vous avez des statistiques indiquant que dans ces huit
28 municipalités en 1996, 1997, 1998, plus de 5 000 personnes sont mortes.
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1 Qu'en est-il des personnes mortes en 1992, 1993, 1994 ou
2 1995 ? La statistique officielle ne dispose pas de cette donnée-là.
3 Le département démographique, conformément à une instruction spéciale
4 donnée par le Tribunal de La Haye, dispose de la statistique de la
5 Fédération de la Bosnie-Herzégovine et de la Republika Srpska; ces deux
6 entités ont procédé à une étude à part concernant le taux de mortalité
7 entre 1992 et 1995. Cette base de données existe au sein du département
8 démographique de l'Accusation.
9 S'il est possible de trouver les correspondances par rapport aux
10 listes électorales pour pouvoir établir l'appartenance ethnique d'une
11 certaine personne et m'imposer d'une certaine personne -- à une personne,
12 dans ce cas-là, il aurait fallu utiliser la même méthode pour nettoyer,
13 d'une certaine manière, le recensement de l'année 199, des erreurs en
14 utilisant cette même méthodologie et l'amener à un niveau acceptable.
15 Q. Bien.
16 Mme WEST : [interprétation] -- avoir une citation concernant le nombre de
17 décès du rapport.
18 M. KARNAVAS : [interprétation] Ceci pourra être couvert par le contre-
19 interrogatoire. Mais peut-être -- je ne sais pas si le moment est venu de
20 prendre une pause, mais je crois que mon collègue ne va pas faire son
21 contre-interrogatoire tout de suite.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je regarde votre tableau et ce sera la dernière
23 question avant la pause. Tableau 1. Je regarde la situation des Serbes. 30
24 495 en 1991. En 1997, ils ne sont plus que 3 281. Ils ont quasiment presque
25 tous disparu. D'ailleurs, au niveau du rang, on les retrouve en quatrième
26 position. Alors lorsqu'on parle d'épuration ethnique, est-ce qu'à ce
27 moment-là, la première ethnie concernée ne serait-elle pas les Serbes ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis une démographe. Je ne sais pas ce
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1 qu'est la purification ethnique. Ce que je sais, c'est ce que la
2 modification de la structure ethnique est.
3 D'après ces indices, on peut voir que les changements les plus
4 raciaux en matière des modifications de groupes ethniques concernaient les
5 catégories des autres, qui incluent les Yougoslaves et d'autres groupes
6 ethniques et les Serbes. Mais je souligne encore une fois qu'il ne s'agit
7 pas de mes données à moi, mais des données reprises du rapport de Mme Eva
8 Tabeau et en bas j'indique la source de ces données-là.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et si on comprend bien, dans l'index, les
10 Croates et les Musulmans gardent le même rang tel que Mme Tabeau l'indique
11 ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. D'après ces données-là, leur rang est le
13 même et du point de vue qualitatif, il n'y a pas de changements radicaux,
14 quelques baisses, mais pas de changements radicaux. Or, les catégories des
15 Serbes et des autres changent de rang, d'après les données de Mme Tabeau.
16 Mais elle ne tire pas ces conclusions-là. Les conclusions du Dr Tabeau sont
17 tout à fait différentes. Elle parle séparément des Croates -- enfin,
18 particulièrement des Croates, particulièrement des Musulmans, puis elle
19 utilise un terme que je ne connais pas en tant que démographe, en disant
20 les non-Croates.
21 Je peux comprendre que dans d'autres contextes on utilise ce terme-
22 là, mais pour un démographe, qu'est-ce que ça veut dire, un non-Croate ?
23 Tous ceux qui ne sont pas des Croates ? Donc, le Dr Tabeau n'a pas un
24 tableau analytique qui - et peu importe si je suis d'accord ou pas avec ces
25 données-là - un tableau qui, même avec des données obtenues ainsi,
26 indiquerait que s'agissant des Croates et des Musulmans il n'y a pas de
27 changements radicaux de structure ethnique.
28 Mme Tabeau donne 100 tableaux simples et c'est différent des tableaux
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1 analytiques où elle présente chaque groupe ethnique à part et il est très
2 difficile de s'y retrouver.
3 Ce que je souhaitais dire, c'est que le résultat du Dr Tabeau et les
4 conclusions qu'elle en tire ne sont pas conformes s'agissant de la
5 structure ethnique.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, sur les tableaux qu'on a, il me semble qu'il
7 aurait été utile d'avoir le recensement précédent, qui était en 1981. Est-
8 ce que vous avez le chiffre de la population totale en 1981 avec la
9 répartition des Croates et des Musulmans et des Serbes, pour voir si entre
10 1981 et 1991, il n'y a pas eu une diminution en raison du fait que certains
11 sont passés à l'ouest ou ont été travailler en Allemagne, et cetera. Vous
12 avez le chiffre ou vous ne l'avez pas ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai de telles données. Je ne les ai pas
14 ici, mais j'ai dans la salle des témoins -- j'ai le livre publié par
15 l'institut fédéral, suivant les groupes ethniques et qui indique que
16 l'ensemble de la structure ethnique dans l'ensemble de la Bosnie-
17 Herzégovine a commencé par le recensement de 1948 et qui se termine avec le
18 recensement de 1991.
19 Je souhaite attirer votre attention sur le fait que l'institut
20 fédéral publie les données concernant la population dans son ensemble,
21 alors que le Dr Tabeau, ici, représente les adultes, les majeurs. Mais si
22 l'on se penche aussi sur la population dans son ensemble, nous pouvons
23 constater qu'il n'y a pas de changements drastiques, dramatiques.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Durant la pause, si vous pouvez regarder le livre et
25 me dire, en 1981, combien il y avait une population, combien de Croates et
26 combien de Musulmans ? Ça peut être, le cas échéant, utile.
27 Alors, on va faire la pause de 20 minutes.
28 --- L'audience est suspendue à 17 heures 29.
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1 --- L'audience est reprise à 17 heures 51.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
3 Madame, pendant le break vous avez regardé votre livre. Pouvez-vous
4 nous dire quelle était la population en 1981 et quelle était la répartition
5 croate, musulmane, serbe ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le livre qui a été publié par l'Institut
7 fédéral de la statistique de la population. Cela étant dit, ceci a été
8 publié à Zagreb, mais concerne l'ensemble de la population en 1991. A la
9 première page de ce livre, nous avons un aperçu comparatif de la population
10 en Bosnie-Herzégovine à partir du recensement de 1948 jusqu'à celui de
11 1991, et suivant la classe plus vaste de groupes ethniques.
12 En Bosnie-Herzégovine en 1981, il y avait 4 124 256 habitants, dont
13 758 140 habitants étaient des Croates. Excusez-moi, je dois prendre un
14 papier pour mieux lire le tableau.
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Peut-être que nous pourrions le placer
16 sur le rétroprojecteur de façon à ce que tout un chacun puisse le voir.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc 758 146 Croates; ensuite
19 1 630 033 Musulmans; ensuite 1 320 738 Serbes; et tous les autres, ce sont
20 les autres groupes ethniques, dont les Yougoslaves étaient le groupe le
21 plus nombreux, et leur nombre était de 326 316 habitants.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, dans le tableau du bas, on voit les
23 pourcentages, apparemment en 1991, il y avait 17,4 % de Croates, 17,4; et
24 43,5 de Musulmans; 31,2 Serbes; c'est bien ça ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Simplement on n'a pas le tableau pour les huit
27 localités.
28 Maître Karnavas.
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1 M. KARNAVAS : [interprétation]
2 Q. Bien.
3 R. Dans ce livre nous n'avons pas de tableau pour les huit localités, mais
4 nous avons des cantons de la Bosnie qui présentent l'évaluation pour
5 l'année 2002, et suivant les municipalités, nous pouvons obtenir le nombre
6 total d'habitants d'après les évaluations pour la Bosnie-Herzégovine et en
7 fonction des groupes ethniques.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si
9 vous souhaitez voir cela ?
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, si ça vous paraît utile d'avoir les
11 chiffres de 2002 pour les huit cantons --
12 M. KARNAVAS : [interprétation] J'étais en train de vous demander, Madame,
13 Messieurs les Juges, compte tenu du fait que mon temps est limité, c'est
14 pour ça que je vous posais la question.
15 Q. Je vais revenir à une des choses que vous avez dites, parce qu'il
16 y a beaucoup de questions à propos de ces chiffres et du tableau que vous
17 nous avez montré, et je vous avais posé une question sur la fiabilité de
18 ces chiffres, et à un moment donné, vous avez commencé par dire que
19 l'appartenance ethnique était modifiée par la corrélation et que Mme Tabeau
20 utilisait cette méthode, autrement dit l'affiliation ou l'appartenance
21 ethnique en modifiant la corrélation. Qu'est-ce que vous voulez dire par là
22 ?
23 R. Dans les listes électorales, il n'y a pas de données portant sur
24 l'appartenance ethnique. Afin d'obtenir la donnée relative à l'appartenance
25 ethnique, pour ce qui est des personnes qui se sont inscrites aux listes
26 électorales, l'expert de l'Accusation a procédé à la corrélation des
27 données. J'ai déjà dit de quelle façon elle avait modifié la clé, en
28 appliquant comme critère le nom, le prénom et la date de naissance. Et
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1 lorsqu'elle obtient une telle corrélation, elle constate, d'après le
2 recensement, si la personne est Serbe ou Croate ou Musulmane ou autre, et
3 donc elle reprend cette appartenance ethnique et la calque sur la liste
4 électorale et dit : "Voilà. D'après mes données en corrélation, ces
5 électeurs-là appartiennent à ce groupe ethnique-là." Et elle représente
6 cela comme s'il s'agissait de deux sources de données tout à fait
7 différentes et indépendantes, puis maintenant vous pouvez comparer ce qui
8 s'est passé en 1991 et ce qui s'est passé en 1997. Or, ceci n'est pas
9 exact. Techniquement parlant et sur le plan pratique, vous comparez ce qui
10 s'est passé en 1991 et ce qui s'est passé de nouveau en 1991, s'agissant
11 des personnes pour lesquelles vous avez trouvé les correspondances.
12 Quel est le grand problème que ceci pose ? Dans tous les recensements de la
13 population dans l'ex-Yougoslavie, le critère pour qu'une personne déclare
14 son appartenance ethnique est subjectif. Un critère subjectif - et ça veut
15 dire que je peux décider, à un moment donné, d'après la manière dont je me
16 sens, je peux aussi évaluer la situation politique, je peux considérer que
17 je ne trouve pas le recenseur sympa et je peux décider lors d'un
18 recensement d'être Serbe, lors du deuxième d'être Croate, lors du troisième
19 d'être Yougoslave, et j'avais aussi le droit de ne pas me déclarer sur le
20 plan de l'appartenance ethnique - donc le critère subjectif vous permet de
21 changer votre déclaration d'appartenance ethnique, et certainement, il y a
22 eu de tels cas.
23 S'agissant de certains groupes ethniques et de certaines communautés qui
24 sont moins nombreuses, car statistiquement parlant, moins la masse est
25 grande, plus elle est sensible et plus les problèmes éclatent de manière
26 visible. S'agissant de petits groupes ethniques, vous trouvez plus
27 d'irrégularités entre les deux recensements. Irrégularités qui ne peuvent
28 pas être expliquées démographiquement mais qui sont la conséquence des
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1 déclarations différentes.
2 Et ici, par exemple, la catégorie des Yougoslaves est particulièrement
3 importante et intéressante pour nous. Compte tenu du moment politique du
4 recensement en 1991 avant la dissolution de l'Etat, les troubles, les
5 émeutes, et ainsi de suite, vous pouvez voir que le nombre de Yougoslaves a
6 baissé de manière importante. Et si je peux faire un calcul rapide, je
7 pense qu'il s'agissait de plus de 100 000 Yougoslaves qui se sont déclarés
8 en tant que tels en 1981 par rapport à 1991. Or, ils n'ont pas tous
9 déménagé ni trouvé la mort. La seule explication possible est un changement
10 de l'attitude au moment de la déclaration portant sur l'appartenance
11 ethnique.
12 Et puisque nous avons les données allant de 1948 jusqu'en 1991, il est très
13 intéressant aussi de voir le nombre de Musulmans et voir une croissance
14 démographiquement inexplicable. Vous pouvez voir qu'en 1961, il y avait 822
15 000 Musulmans, or, en 1991, ce chiffre est de plus d'un million, à savoir 1
16 484 430 Musulmans. Il s'agit d'une augmentation importante de personnes qui
17 se déclarent en tant que Musulmans.
18 Il s'agit d'une différence de 500 000. Or, la population ne s'est pas
19 accrue suivant un pourcentage aussi élevé. Mais de tels changements
20 s'expliquent par le fait que certaines personnes ont commencé à se déclarer
21 différemment.
22 Et je vous donne l'exemple de Musulmans puisque c'est un exemple complexe
23 et puisque, suivant les recensements différents, ils avaient des
24 possibilités différentes de se déclarer en tant qu'appartenant à tel ou tel
25 groupe ethnique, et c'est un exemple bien drastique.
26 Q. Bien --
27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Madame Radovanovic, est-ce qu'il y a
28 une autre façon de procéder lorsque l'on se déclare tel ou tel, lorsqu'il
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1 s'agit de déterminer l'appartenance ethnique de quelqu'un ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le recensement de la population.
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Et ce recensement est basé là-
4 dessus, sur le fait que les gens se déclarent tout seuls ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça se fonde exclusivement sur le choix
6 personnel, sur la déclaration de la personne.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Donc en réalité il n'y a pas d'autre
8 façon de faire, on peut simplement demander à la personne si cette personne
9 est Musulmane ou si elle est Croate.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.
11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
12 M. KARNAVAS : [interprétation]
13 Q. Qu'en est-il de la liste électorale ? Est-ce que cette liste donne
14 l'appartenance ethnique de chaque individu ou pas ?
15 R. Non. Personne ne le demandait à personne. D'ailleurs à l'époque, ceci
16 n'était même pas considéré comme important de savoir quelle était
17 l'appartenance ethnique des personnes. Je répète, la liste électorale ne
18 contient pas une question liée à l'appartenance ethnique.
19 Q. [aucune interprétation]
20 M. LE JUGE ANTONETTI : L'augmentation entre 1961 et 1991 des Musulmans, 500
21 000, c'est un chiffre énorme. C'est dû à quoi ? Au taux de natalité ou à
22 d'autres facteurs, à savoir que ces Musulmans, en 1961, estimaient ne pas
23 avoir une identité, une reconnaissance musulmane, et ce n'est qu'en 1991,
24 au moment où l'on parle de l'indépendance possible, qu'il y a une prise de
25 conscience ? Comment vous expliquez un chiffre pareil d'écart sur 30 ans ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un problème du point de vue statistique
27 qui se résume à ce qui suit : dans le recensement de 1948, il y avait la
28 possibilité de se prononcer comme non opté, Musulman-Serbe, Musulman-
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1 Croate, Musulman-Macédonien, et cetera. Dans le recensement de 1953, il y a
2 dans la nomenclature statistique un nouveau qualificatif qui dit, Musulmans
3 du point de vue ethnique, non pas du point de vue confessionnel.
4 Le recensement de 1961 dit, Musulmans du point de vue de
5 l'appartenance ethnique. On disait du point de vue de la nationalité.
6 C'était le terme consacré.
7 En 1971, on disait, Musulmans avec un grand M, du point de vue de
8 l'appartenance à un peuple déterminé. Et ça s'est passé ainsi en 1981, en
9 1991, dans ces recensements consécutifs. Et probablement en 2011, y aura-t-
10 il en Bosnie un recensement, je suppose, qu'ils diront alors Bosniens.
11 Donc du point de vue statistique démographique, il y a un grand écart
12 qui est manifeste et cela n'est pas dû seulement au taux de natalité. Il y
13 a, bien sûr, le taux de natalité mais il y a surtout une consolidation
14 ethnique, à savoir que les gens se prononcent différemment d'un recensement
15 à l'autre.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que le facteur religieux a pu jouer un rôle ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en suis pas sûre. Je ne pourrais pas
18 définir les choses de la sorte. Il y a aussi une confusion créée par l'Etat
19 de Yougoslavie. Nulle part au monde il y a une possibilité de se déclarer
20 Musulman en tant qu'appartenance ethnique. C'est une appartenance
21 confessionnelle ça. Je ne pense pas que le facteur ethnique était décisif
22 mais je ne me suis jamais penchée sur le problème. Je ne peux pas donc vous
23 dire que ça a ou ça n'a pas joué un rôle dans tout cela.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Finalement, l'augmentation de 500 000, n'est-ce pas
25 dû au fait que le gouvernement central ou le gouvernement fédéral vis-à-vis
26 du facteur religieux était moins présent et laissait plus à ce moment-là
27 les personnes à exprimer leur religion, ce qui a pu entraîner non pas des
28 conversions mais des revendications d'appartenance à la religion musulmane
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1 ? Parce que le pouvoir communiste était en recul sur plan ou bien c'est dû
2 à autre chose ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons vécu dans un système spécifique qui
4 avait pensé avoir résolu de la meilleure des façons possible la question
5 ethnique, les problèmes ethniques et cela était censé constituer une
6 réflexion de la liberté des gens permettant de se prononcer comme on
7 l'entend.
8 M. LE JUGE MINDUA : Madame, je voudrais revenir un peu à la question de
9 l'augmentation du nombre de Musulmans entre 1948 et 1991 à travers les
10 différents recensements. Vous avez dit que chacun se déclarait de l'ethnie
11 qui lui plaisait. Moi, ça m'étonne un tout petit peu dans la mesure où dans
12 la Yougoslavie socialiste si justement on avait prévu ce système d'ethnie
13 et de nationalité c'était pour essayer de contrôler les différents
14 équilibres.
15 Alors vous comprenez que si chacun pouvait changer d'ethnie au gré
16 des recensements, sans aucune possibilité, comment dirais-je, pour l'Etat
17 de s'assurer de la nationalité exacte de chacun, des conflits pouvaient
18 survenir notamment dans les cas de répartition des postes. Par exemple,
19 s'il s'agissait de réserver un certain nombre de postes à des Serbes ou a
20 des Croates, et du coup une personne pouvait changer sa nationalité, son
21 ethnie par rapport au recensement d'avant et se déclarer d'une nouvelle
22 nationalité. Que faisait l'Etat par rapport à ça ?
23 Je m'excuse, le Juge Prandler me fait remarquer que dans le
24 transcript c'est marqué à la page 73, ligne 20, Yougoslavie nationaliste,
25 moi, je parlais de la Yougoslavie socialiste.
26 S'il vous plaît, est-ce que je peux avoir une réponse à ma question ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Votre question est plutôt complexe. Elle
28 comporte plusieurs facettes où je ne serais peut-être pas trop experte pour
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1 vous apporter des réponses. Du point de vue politique, nous vivions dans ce
2 qu'il était convenu d'appeler l'unité et la fraternité et personne ne
3 mettait en exergue le fait décisif d'être de ce groupe ethnique plutôt que
4 de l'autre. Il est vrai d'autre part que sur le plan politique, c'est
5 suivant la clé ethnique que l'on confiait des postes de haut rang, parce
6 qu'on veillait à ce que toutes les catégories ethniques soient
7 représentées. Mais les recensements de la population vous donnaient la
8 possibilité de vous déclarer, de vous prononcer sur le plan ethnique comme
9 vous entendiez le faire. Et le recensement de la population n'était pas un
10 repère pour, par exemple, dire si Svetlana Radovanovic en 1961 aurait dit
11 quelle était Serbe, et 1971, elle aurait dit quelle était Croate, non. Les
12 milieux politiques vaquaient à leurs affaires suivant leur propre clé
13 politique à eux.
14 Le recensement avait une clause aussi pour 1991, 1980 et 1971, en
15 application de, je ne sais plus quel article de la constitution, on disait
16 que tout individu avait le droit de ne pas se prononcer du point de vue de
17 son appartenance ethnique. Donc personne n'exerçait une pression à
18 l'encontre d'un tel pour qu'il se déclare de telle ou telle façon. Mais
19 l'ambiance dans laquelle le recensement a eu lieu, par exemple, sur le plan
20 politique, à chaque fois qu'il y a des bouleversements, dans des milieux
21 hétérogènes sur le plan ethnique, le recenseur lui aussi a une influence à
22 exercer. Ça peut être une influence importante. Il peut contribuer à faire
23 en sorte que les questions qui ne sont pas posées avec précision où il y
24 aurait des éléments de critères subjectifs qui interviendraient pour que
25 cela devienne tout à coup litigieux. Pourquoi litigieux ?
26 Quand je dis litigieux, ce n'est pas pour contester les
27 renseignements officiels donnés par les statistiques de la Bosnie-
28 Herzégovine. Ce que je veux dire c'est qu'un expert démographe qui étudie
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1 la structure ethnique en application de données officielles se doit d'être
2 au courant de la méthodologie, des temps, des possibilités, des modalités,
3 suivant lesquelles ces renseignements ont été recueillis. Et il faut être
4 très, très prudent car on dit : "Les gens se déclarent comme tels."
5 Moi, je déclare mon opinion ethnique. Et techniquement parlant, ça
6 peut ne rien à voir avec mon identité nationale propre. Par exemple, lors
7 d'un recensement je peux dire que je suis de Papou ou d'un autre continent,
8 mais je peux aussi dire que je ne suis rien du tout, ne pas me déclarer du
9 tout.
10 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.
11 M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.
12 Q. Je veux maintenant vous poser une question très simple. Je vais vous
13 demander de me donner des réponses plus courtes; mon temps n'est pas
14 illimité malheureusement et je le regrette. Voici ma question : ce rapport
15 que nous avons évoqué, quel est son degré de fiabilité des statistiques ?
16 Les données au sein de la communauté scientifique, est-ce que ce type de
17 rapport, les méthodes utilisées, les données qui ont été rassemblées, la
18 façon dont tout ceci a été traité, quelle est la fiabilité de ce type de
19 rapport, s'il vous plaît ?
20 R. Ce rapport ne satisfait pas, ne serait-ce qu'à un minimum de fiabilité.
21 Il découle d'éléments ou de sources de renseignements non cohérents où les
22 erreurs abondent, et par utilisation de norme modifiée vis-à-vis des
23 méthodes usuellement utilisées dans la démographie statistique. Et à cet
24 effet, on ne saurait ni le considérer comme un travail d'expert ni comme un
25 travail scientifique.
26 Q. Bien. Dans sa déposition, le Pr Tabeau, à un moment donné, a précisé
27 qu'il s'agissait d'une technique assez unique, une méthode assez unique qui
28 était utilisée ici en matière de démographie. Je sais que vous avez écouté
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1 sa déposition. Est-ce que vous pourriez nous expliquer si cette
2 méthodologie est véritablement unique, et si tel est le cas, quel est son
3 degré de fiabilité en tant que méthodologie dans le domaine démographique ?
4 R. En tant que méthodologie ce n'est ni scientifique ni propre à un
5 expert. Pour être unique, oui, unique, elle l'est. Ce n'est utilisé qu'au
6 département démographique du Tribunal de La Haye. Nulle part ailleurs au
7 monde, pour autant que je le sache - et je pense connaître vraiment la
8 littérature mondiale et celle de l'ex-Yougoslavie - jamais aucune recherche
9 scientifique ni experte ne s'est servie de ces méthodes modifiées, pas plus
10 que de ces sources de données.
11 Q. Bien. Nous allons brièvement aborder maintenant le deuxième rapport,
12 mais peut-être étant donné votre réponse la question se prête bien étant
13 donné la manière dont vous avez critiqué Brungbor et Tabeau. Comment se
14 fait-il qu'ils aient recours à cette méthodologie puisqu'on peut l'appeler,
15 enfin, si on peut l'appeler comme cela, est-ce que c'est qu'ils ne savent
16 pas, est-ce qu'au contraire ils sont très novateurs ?
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Karnavas, cela est assez
18 spéculatif, je crois. Comment l'expert peut-elle savoir ce qui était à
19 l'esprit du Dr Tabeau ?
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Je peux y répondre. Je ne pense pas que ce
21 soit de la nature de spéculation car il s'agit d'un expert. Si, par
22 exemple, un expert manipule des données, manipule des sources d'information
23 et il semblerait dans la déposition, j'ai posé cette question, de savoir
24 s'il s'agit de manipulation, manifestement peut-être pourrait-on là se
25 rapprocher de la vérité.
26 R. Attendez-vous une réponse de ma part ?
27 Q. Bien. Laissez-moi revenir un instant en arrière, et je vais essayer de
28 reformuler pour les Juges.
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1 Est-ce qu'il y a eu une manipulation, et si tel est le cas, est-ce que vous
2 voulez informer la Chambre de première instance et nous dire comment se
3 fait-il que ces experts auraient manipulé des données, des sources et une
4 méthodologie ?
5 R. Il s'agit d'une manipulation. Pourquoi me permets-je de dire chose
6 pareille ? Parce que je crois qu'un expert, l'expert de l'Accusation sait
7 pertinemment bien quelles sont les bonnes méthodes, comment elles doivent
8 être utilisées, quelles sont les bonnes sources de données. Moi-même, si je
9 n'avais participé à la rédaction d'aucun rapport et l'expert de
10 l'Accusation n'était pas censé lire l'un quelconque de mes rapports.
11 L'expert de l'Accusation est un démographe. Elle a fait des écoles. Elle a
12 des connaissances en matière de démographie.
13 Or si j'ai lu moi, six rapports rédigés par l'expert du Procureur, et
14 si les six se rapportent à des domaines différents, à des municipalités
15 différentes, à des ensembles ethniques différents, et à des accusés
16 différents, et si les six rapports se fondent sur les mêmes sources de
17 renseignement, le recensement de 1991 et les listes électorales, tous les
18 rapports se servent de la même méthode de corrélation, de mise en
19 correspondance. Et tous comparent une structure ethnique qu'on a collée,
20 copiée, collée. Tous parlent de réfugiés et de personnes déplacées en terme
21 de soustraction vis-à-vis du recensement de 1991 par rapport à ce que
22 l'expert a placé en corrélation. Tous les rapports disent, nous avons une
23 définition statistique des réfugiés et des personnes déplacées. Mais ces
24 définitions n'existent pas et un démographe le sait fort bien.
25 Donc si en substance ces rapports sont tout à fait les mêmes, s'ils
26 se servent des mêmes sources, s'ils se servent de la même méthodologie, je
27 pense, qu'il s'agit bel et bien de manipulation.
28 Q. Est-ce que vous estimez qu'il y a eu des efforts concernant les
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1 chiffres, les pourcentages ou les chiffres élevés qui sont
2 donnés ? Est-ce que vous pensez que ça fait partie de cette manipulation,
3 et si c'est le cas, est-ce que vous voulez bien nous expliquer comment
4 cette manipulation aurait pu avoir lieu ou peut encore avoir lieu au sein
5 de cette unité du bureau du Procureur ?
6 R. Je pense que l'expert a constamment cherché à augmenter, à gonfler
7 certains chiffres relatifs à des catégories de la population. S'il avait
8 besoin de plus de personnes déplacées et de plus de réfugiés, il pouvait
9 manipuler et dire : "J'en ai placé tant en corrélation." Donc l'aspiration
10 était celle qui tendait vers l'augmentation de ce que l'expert était censé
11 constater et découvrir.
12 Mais par les correspondances établies. Si dans un cas, vous vous servez de
13 71 critères pour établir une corrélation, c'est déjà douteux, dans le cas
14 concret ici et dans ces rapports-ci, l'expert dit : "Je me sers d'une
15 méthodologie de mise en corrélation. Et il y a deux étapes." Sans pour
16 autant fournir la statistique desdites étapes, l'expert dissimule, en
17 l'occurrence, la possibilité qui est la nôtre de voir le degré de
18 combinaisons qu'elle utilise.
19 Quand je parle de statistiques ici, j'entends la chose suivante. Le
20 témoin nous dit : "J'ai placé en corrélation 140 000 personnes de la liste
21 électorale avec le recensement de la population," mais elle ne dit pas
22 suivant les critères : nom, prénom, nom du père, date de naissance, là, 20
23 %; critères : nom, prénom, année de naissance, 50 %, et ainsi de suite.
24 Critère : si je mets l'initiale seulement, je n'ai pas le prénom entier,
25 j'ai 80 % de corrélation. Avec ces statistiques de mise en corrélation, on
26 pourrait avoir une idée exacte du type de combinaisons utilisées par
27 l'expert, et on aurait une idée du groupe de données qui pourrait
28 bénéficier d'un certain degré de fiabilité.
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1 Un expert sait faire ce type de statistiques. C'est lui qui fait ces
2 données, qui s'en sert. Et dans aucun des rapports que j'ai eu à voir, je
3 n'ai vu ce type de statistiques de corrélation mis en exergue.
4 Q. Vous vous reportez au deuxième rapport. Il s'agit du document P 09837.
5 Il s'agit du rapport que vous avez eu aussi, je crois, le loisir d'étudier,
6 n'est-ce pas ? Le dernier document.
7 R. Oui.
8 Q. Ici nous voyons du titre : "Personnes tuées lors du siège de Mostar."
9 En termes démographiques, est-ce que vous pouvez nous définir ce que
10 signifie un siège en tant que démographe ?
11 R. Je ne peux pas le définir, parce que la notion de siège n'existe pas en
12 matière de démographie.
13 Q. Est-ce que ça fait partie du travail du démographe que de caractériser
14 un événement tel qu'un siège, par exemple ?
15 R. Mais non, ce n'est pas le travail d'un démographe, parce qu'il n'est
16 pas qualifié en la matière. J'imagine que ça doit avoir à voir avec
17 l'armée, la police, d'autres domaines de travail. Je ne dis pas qu'un
18 démographe ne saurait oser essayer de le faire, mais si on ose s'aventurer
19 dans le domaine d'autrui du point de vue scientifique, alors il serait,
20 professionnellement parlant, correct, honnête de dire en note de bas de
21 page : Sous "siège", j'entends telle et telle chose."
22 Q. Bien. Est-ce que vous pourriez nous dire brièvement, puisque vous avez
23 analysé ce rapport, est-ce que vous avez constaté des problèmes afférents à
24 ce rapport, et si tel est le cas, est-ce que vous voulez bien nous les
25 décrire dans les grandes lignes ?
26 R. Les problèmes sont en premier lieu de nature méthodologique, et ça se
27 ramène aux sources de données, ça se ramène aux modalités, à la
28 méthodologie utilisée par l'expert de l'Accusation. Les manipulations en
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1 matière de chiffres sont également évidentes, mais il y a une chose qui m'a
2 particulièrement surprise, c'est la construction de deux nouvelles
3 méthodologies pour ce qui est de la détermination de l'appartenance
4 ethnique. Ça, jusqu'à présent, je ne l'ai vu nulle part, mis à part le
5 département démographique du bureau du Procureur.
6 Q. Bien. Est-ce que vous pouvez nous décrire cela, et je vais vous
7 demander de le redire lentement, parce que vous utilisez des termes parfois
8 techniques, il se fait tard, et je crois que c'est quelque chose
9 d'important que nous abordons, mais nous sommes dans un territoire un petit
10 peu inconnu.
11 R. L'expert se sert de deux sources de données. La première source de
12 données, ce sont des états civils de personnes décédées. La deuxième source
13 de données, ce sont les registres d'un hôpital de guerre. La première
14 source de données --
15 M. LE JUGE ANTONETTI : -- donnez-nous le décompte du temps. Bien.
16 Continuez, Madame. Continuez.
17 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, j'avais à peu près 48
18 minutes après la pause, je crois.
19 Q. Vous voulez bien reprendre depuis le haut.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : -- le greffier va nous resonner.
21 M. KARNAVAS : [interprétation] C'est parce que vous prenez sur mon temps du
22 fait de cette interruption.
23 Q. Madame, si vous voulez bien poursuivre et continuer de répondre à la
24 question concernant la manipulation de ce rapport en particulier. Merci.
25 R. La première source de données, disais-je, ce sont les états civils, qui
26 sont une source statistique de données du point de vue de la mortalité.
27 Mais les registres d'état civil ne comportent pas de renseignements sur
28 l'appartenance ethnique, or, l'expert tire des conclusions relatives à
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1 l'appartenance ethnique.
2 La deuxième source de données, ce sont les registres de l'hôpital de
3 guerre, qui sont des notes de profane, qui ne sont établies en application
4 d'aucune norme statistique et qui ne comportent aucune donnée
5 d'appartenance ethnique. Mais l'expert a trouvé le moyen de les trouver. Et
6 le troisième problème, c'est que l'expert ne sait pas ce que c'est que
7 Mostar est; et tout le temps, l'expert parle de Mostar est. Donc l'expert
8 n'est pas en mesure de définir l'espace étudié. Or, il y a une déterminante
9 méthodologique importante qui porte sur les notions, sur le temps et sur
10 l'espace de ce que l'on est en train d'étudier. Ce serait, en plus bref, ce
11 que je pourrais vous dire.
12 Q. Au deuxième, là vous avez dit qu'elle a une manière de traiter - je
13 crois que c'était l'appartenance ethnique et qui avait trait au livre. Vous
14 avez indiqué qu'il y avait trois problèmes, Madame, et je reprends le
15 deuxième problème. Vous nous avez dit qu'Ewa Tabeau n'a pas de problème
16 pour définir les choses sur le plan de l'appartenance ethnique. Est-ce que
17 vous pouvez expliquer plus avant ce que vous voulez dire par là ?
18 R. Oui. L'expert utilise deux méthodes, mais je dois dire deux "méthodes."
19 L'une de ces méthodes concerne la détermination de la structure ethnique
20 d'après les registres de mort, et la deuxième se fonde sur les registres
21 des hôpitaux de guerre. Or, la structure ethnique sur la base des registres
22 d'hôpitaux de guerre, elle les détermine à l'aide des experts sans donner
23 leurs qualifications, de quel type d'experts il s'agit et experts pour quel
24 domaine. Ils sont par le biais des noms et des prénoms des personnes. Or,
25 s'agissant de la structure nationale qu'elle détermine sur la base de
26 registre de mort, elle le fait par le biais de la fréquence d'un certain
27 nom dans les recensements et sur la base de cette fréquence, elle détermine
28 l'appartenance ethnique de la personne décédée.
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1 Autrement dit, si le prénom Svetlana apparaît plus souvent chez les Croates
2 que chez les Serbes, alors Svetlana est une Croate. Si le prénom Svetlana
3 apparaît plus souvent chez les Serbes que chez les Croates et les
4 Musulmans, alors Svetlana est une Serbe.
5 Pour moi, vraiment c'était une surprise et vraiment je n'ai jamais vu
6 cela ni entendu parler de cela où que ce soit.
7 Q. -- vu le degré de fiabilité des résultats obtenus dans ce rapport-ci,
8 et lorsque je parle de fiabilité, et je veux dire au sens de la communauté
9 scientifique des démographes.
10 R. Absolument pas fiables. Si l'on tient compte, ne serait-ce que de la
11 manière dont on détermine la structure ethnique, si l'on tient compte de la
12 qualité des sources, dans ce cas-là ils ne sont absolument pas acceptables.
13 Et surtout si l'on tient compte du fait que vous ne savez même pas quel est
14 l'espace pris en considération. Si vous ne savez pas définir quelque chose,
15 comment voulez-vous que l'on parle de la fiabilité ? Le fait que ceci n'a
16 absolument aucune fiabilité est corroboré par le fait qu'il n'existe
17 absolument aucune donnée qui pour un démographe est très importante, à
18 savoir le ratio de la population de ces personnes décédées. Est-ce qu'il
19 s'agit de 0,5 % ou 15 % ou 50 %? Il n'est absolument pas possible de
20 déterminer cela car on ne sait pas quel est l'espace ni la population prise
21 en considération.
22 Et cette analyse-là n'est pas vraiment une analyse, et elle ne
23 s'appelle pas ainsi d'ailleurs.
24 Q. Bien.
25 R. Elle s'appelle - aidez-moi, s'il vous plaît - le siège de Mostar.
26 Je vais trouver. "Les personnes tuées en raison du siège de Mostar, analyse
27 statistique des registres des hôpitaux de guerre et des registres de
28 personnes décédées.
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1 Q. Bien. Je vais vous poser la question suivante : est-ce que vous avez
2 déjà observé ce type de méthodologie appliquée dans le champ démographique
3 ?
4 R. Non.
5 Q. Est-ce que vous avez observé une manipulation dans ce rapport visant à
6 augmenter la taille d'un groupe ethnique, et si tel est le cas, comment ?
7 R. Je l'ai remarqué, et je pourrais le montrer, ce serait plus facile.
8 Même si le Dr Tabeau ne sait pas ce qu'est Mostar est, dans son rapport
9 elle présente le tableau numéro 12, dans lequel elle expose les critères --
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Page 15, Messieurs les Juges.
11 Q. Veuillez poursuivre.
12 R. Un instant. Je vais trouver cette partie, moi aussi. Le tableau
13 12, je crois. Je n'arrive pas à le trouver. Oui, le tableau numéro 12. Où
14 il est dit : "Aperçu des critères de sélection des données pour l'analyse
15 des décès liés au siège de Mostar."
16 Et je vous prie de bien vouloir prêter attention à la première ligne.
17 Dans la dernière colonne de la dernière ligne où nous avons le chiffre 539.
18 C'est le résultat que l'expert de l'Accusation a déterminé.
19 Mme WEST : [interprétation] Il s'agit du tableau 12, mais de quel rapport
20 si vous voulez bien le trouver pour nous.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est à la page 15 de la version
22 anglaise; page 15.
23 M. KARNAVAS : [interprétation] P 09837. C'est le rapport dont nous parlons
24 depuis une vingtaine de minutes, et nous en sommes à la page 15. Il s'agit
25 du tableau numéro 12 qui figure au paragraphe 4.1, procédure de sélection,
26 et cetera.
27 Q. Vous pouvez poursuivre, Madame.
28 R. Il détermine 539 cas, et puis vous avez les critères à appliquer pour
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1 déterminer cela.
2 Dans la première ligne, vous avez la région, puis il y a le numéro,
3 la validité, la copie, numéro, et ainsi de suite, puis Mostar est. La
4 question de savoir s'il s'agit là de Mostar est ou non, elle répond "non".
5 Puis la question de savoir si les années sont conformes, si les causes sont
6 liées à la guerre, et cetera. S'il y a le nom et le prénom.
7 Le Dr Tabeau le dit explicitement d'ailleurs, est-ce que vous voulez que je
8 trouve cette partie pour la citer. Je vais citer afin de ne pas
9 paraphraser.
10 A la page 6 en B/C/S --
11 Q. Si vous voulez bien nous donner le numéro du paragraphe, cela
12 nous serait très utile.
13 R. Je ne sais pas.
14 Q. Ils sont numérotés en général 2.2, 2.3. C'est à la page 4. Page 4 de la
15 version anglaise.
16 R. Je ne l'ai pas.
17 Q. Bien. C'est à la page 4. Poursuivez, Madame.
18 R. Très bien. Le docteur dit comme suit : "Même si la catégorie 'pas
19 Mostar est' se réfère surtout au registre des décès de l'extérieur de
20 Mostar est, les registres de Mostar est qui pour une certaine raison ne
21 sont pas marqués comme Mostar est, ont été également inclus dans cette
22 catégorie."
23 Q. Merci. Y a-t-il autre chose que vous souhaitiez éclairer concernant ce
24 rapport afférent à des problèmes ou des manipulations, toute chose qui
25 pourrait aider la Chambre de première instance dans son exercice
26 d'évaluation ?
27 R. Quelque chose qui s'appelle la méthode de la répartition utilisée par
28 le Dr Tabeau dans les deux rapports, mais dans celui-ci ceci est
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1 particulièrement dramatique. La méthode de la répartition existe dans la
2 statistique, ceci n'est pas contesté. Cependant, s'agissant au moins de la
3 statistique officielle, il est recommandé de ne pas l'utiliser lors des
4 études statistiques. Cette méthode sous-entend que vous avez un groupe
5 d'unités statistiques dont une partie en a certaines caractéristiques, et
6 une autre partie n'en a pas.
7 S'agissant de cet exemple concret, ceci sous-entendrait que sur les
8 539 cas que le Dr Tabeau trouve en tant que personnes tuées en raison du
9 siège de Mostar. Veuillez examiner le tableau numéro 2, du rapport que j'ai
10 élaboré, les données sont reprises du Dr Tabeau. Pardon, ça porte sur la
11 cause du décès, ce n'est pas le tableau auquel je voulais faire référence.
12 Elle parle des 539 cas dont les causes de décès sont différentes, d'après
13 toutes les sources. Et vous allez voir que le nombre le plus élevé des
14 causes n'est pas classifié. Autrement dit, il existe des données concrètes
15 relatives seulement à 135 décès; alors que --
16 Q. Je vous prie, une fois -- est-ce que je peux aussi vous demander
17 à quel tableau est-ce que vous faites référence ?
18 R. Je parle du tableau numéro 2 de mon rapport. Peut-être il vaut mieux se
19 référer au tableau du Dr Tabeau. Peut-être c'est encore plus clair.
20 Mais quel est l'essentiel ? S'agissant de la totalité de ce cas, vous
21 n'avez pas les causes de décès. Vous avez les causes de décès seulement
22 s'agissant d'une partie de ce chiffre total. Et une partie c'est 135 cas.
23 Donc la répartition c'est pilonnage, 86 tués, 34 tués par balle, un certain
24 numéro 1, ainsi de suite.
25 Maintenant, je n'entre pas dans la question de savoir si les causes
26 de décès sont bien présentées ou pas. Pour présenter maintenant toutes les
27 données --
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. L'expert a fait
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1 référence au tableau 16 qui figure à la page 17 du rapport de Mme Tabeau.
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais vous demander, parce que le compte
3 rendu doit être exact.
4 Q. Nous faisons référence au rapport de Mme Tabeau. Donc nous savons
5 maintenant que nous parlons du tableau 16 dans le document
6 P 08937, qui est à la page 17 de la version anglaise.
7 Est-ce que vous voulez bien poursuivre maintenant de manière à ce que
8 je puisse conclure aujourd'hui ? Il s'agit de la répartition des victimes
9 dans le siège selon les causes de la mort. Ça figure à la page 28.
10 R. C'est le tableau 16. La répartition des causes des victimes en vertu de
11 la cause du décès. Vous pouvez voir qu'il y a au total 539 personnes
12 classifiées en vertu de la cause du décès dont 404 personnes n'ont pas de
13 cause de décès indiquée.
14 Maintenant le Dr Tabeau procède à une évaluation. Regardez la colonne
15 numéro 3, et elle dit, les causes de décès évaluées; elle dit qu'il y a eu
16 victimes de pilonnage, 76 d'après les sources de données, or elle les
17 évalue à 303. Comment est-ce qu'elle le fait ? S'agissant du groupe connu
18 en fonction de la cause du décès, autrement dit tous ceux sauf les 404,
19 donc 76 plus 34, plus 18, plus 6, plus 1, au total 135. Maintenant elle
20 dit, 135 c'est 100 %, 76, des 135 c'est à peu près 50 %, 50 %; maintenant
21 je calcule 50 % des 404. Donc c'est un peu plus de 200 cas, 200 cas plus
22 les 76 déjà mentionnés. Je conclus qu'il s'agit de 303 cas qui, d'après mes
23 conclusions ont la cause du décès dont le pilonnage. Elle le fait pour
24 d'autres causes de décès.
25 Donc c'est cette méthode de répartition où vous transférez une proportion
26 sur la basse d'un moindre chiffre sur le chiffre plus important, et vous
27 savez, en avance que vos chiffres seront plus élevés. Car entre 100 % --
28 enfin 100 % sur 400, et 100 % sur 76, c'est très différent. Mais cette
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1 méthode proportionnelle, c'est une méthode bien connue, mais si elle
2 s'applique de cette manière à un chiffre aussi peu élevé, c'est très
3 sensible car nous avons une augmentation; alors de trois à quatre fois de
4 plus. Et cette méthode appliquée à de numéros des chiffres élevés était
5 utilisée lors du recensement. Par exemple, un certain nombre de personnes
6 n'avait pas de détermination du groupe d'âge. Si vous avez 4,4 millions
7 d'habitants de Bosnie-Herzégovine et vous savez que peut-être tel groupe
8 d'âge représente 1 à 3 ou 3 à 4 %, vous pouvez alors procéder à ce genre de
9 calcul proportionnel. Mais lorsque vous avez une masse aussi petite et que
10 vous l'augmentez, vous arrivez aux chiffres qui sont quatre fois plus
11 élevés. L'utilisation de cette méthode ainsi constitue un abus, car un
12 démographique sait que si vous appliquez cette méthode sur une masse
13 statistique petite les données de résultats peuvent être déformées.
14 Q. -- vous -- qui reconnaît que vous n'avez pas fourni une analyse écrite
15 de tout cela. Pourriez-vous nous dire très brièvement si les mêmes méthodes
16 sont utilisées dans ce rapport lorsqu'il s'agit des blessés et des morts ?
17 Mme WEST : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Comme Me
18 Karnavas vient de le dire, il n'y a pas de rapport écrit là-dessus. Ce
19 n'est pas quelque chose que nous sommes disposés à traiter d'autant que le
20 témoin n'est pas préparé à cela, et --
21 M. LE JUGE ANTONETTI : -- les tableaux, alors comme il y a des blessés, on
22 peut peut-être savoir comment tout ça a été calculé.
23 M. KARNAVAS : [interprétation]
24 Q. Pourriez-vous nous dire comment on faisait le calcul de ces blessés
25 compte tenu des observations actuelles ? Comment Ewa Tabeau inscrit-elle
26 les chiffres des blessés par opposition aux personnes décédées ?
27 R. Excusez-moi, vous parlez de quel tableau ?
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce qu'il ne faut pas demander au
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1 témoin si elle a étudié ce rapport, car ceci devrait être le fondement de
2 toute autre question ?
3 M. KARNAVAS : [interprétation] Le témoin a précisé - et c'est quelque chose
4 qu'elle a dit un peu plus tôt, au tout début. Je suis tout à fait - si vous
5 vous reportez au début, je peux vous donner le numéro de page.
6 Q. Avez-vous eu l'occasion de regarder le troisième rapport ?
7 R. Oui. Dans mon deuxième rapport je mentionne le fait que dans l'hôpital
8 de guerre il y avait 6 000 blessés ainsi de suite, mais j'ai étudié de près
9 aussi le troisième rapport. Je n'ai pas écrit mon propre rapport pour
10 plusieurs raisons.
11 Tout d'abord le manque de temps, puis deuxièmement puisque j'aurais répété
12 exactement la même chose, car tous les problèmes sont identiques. A
13 commencer par les sources de données, il existe une seule source. C'est le
14 registre de l'hôpital de guerre. A travers le manque de connaissances de
15 l'espace géographique concernée mis à part le fait que l'on sait que
16 l'hôpital de guerre est à Mostar est, à gauche de la Neretva. Puis à
17 travers les calculs de ses propres statistiques, pour ainsi dire, et ça non
18 plus ce n'est pas une analyse du tout. Il s'agit tout simplement d'un
19 commentaire d'une source de données sur la base duquel quelqu'un tire
20 certaines conclusions statistiques. Et si vous n'avez aucune comparaison
21 avec quoi que ce soit, de quelle analyse peut-on parler ?
22 Si je tire mes propres données et je présente mes propres données, je
23 n'ai aucune comparaison, aucun point de repère, bien, ce n'est pas une
24 analyse ça.
25 Q. Merci. Je n'ai pas d'autres questions.
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Juge, est-ce que c'est un
27 problème ?
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous demandez pour demain la Défense, qui va
2 intervenir demain ? J'ai cru comprendre qu'il y avait la Défense Praljak et
3 la Défense Petkovic.
4 Oui, Monsieur Praljak.
5 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge
6 Antonetti, je souhaite demander une seule chose. Compte tenu du fait qu'à
7 mon avis certains points restent à clarifier - et je pense que je pourrai
8 les clarifier avec Mme le Témoin jusqu'à la fin - est-ce qu'il est possible
9 de faire en sorte que l'on obtienne un peu plus de temps pour le contre-
10 interrogatoire au dépens du temps qui m'a été alloué, car il s'agit d'un
11 sujet qui est vaste et qui demande de plus de temps pour clarifier. Je
12 pense que je vais faire ce travail de manière appropriée et je souhaite
13 demander que l'on m'alloue une partie du temps qui pourra ensuite être
14 décompté du temps dont je disposerais par la suite. Compte tenu des
15 allégations selon lesquelles Mostar était pilonnée de façon non sélective
16 et que c'était une ville assiégée et qu'il se passait des choses qui s'y
17 passaient, par rapport à moi et le général Petkovic, il s'agit là d'une
18 question très importante où nous souhaiterions clarifier tous les détails.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame ALABURIC
20 Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, et
21 toutes les personnes présentes. Le général Praljak et moi-même, nous allons
22 essayer de nous mettre d'accord sur la distribution de cette heure et nous
23 avons conclu que pour lui-même cette heure ne lui suffirait pas. Donc je
24 souhaite soutenir la demande de M. Praljak de faire en sorte que le temps
25 alloué à lui et le général Petkovic soit prorogé un peu. Nous croyons qu'au
26 total il ne s'agirait pas plus d'une heure et demie au total. M. Praljak
27 disposerait d'une heure et dix et moi comme femme modeste, je me
28 contenterai d'une vingtaine de minutes.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre avait décidé une heure, mais on va
2 en rediscuter.
3 J'ai bien compris à ce moment-là que pour M. Stojic, il n'y aura pas
4 de questions; pour M. Pusic, pas de questions; et M. Coric pas de
5 questions; c'est bien cela ?
6 M. KHAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
7 les Juges. Je peux confirmer qu'en l'état actuel des choses, nous n'avons
8 pas l'intention pour ce qui est de M. Stojic de poser des questions à ce
9 témoin.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour M. Coric.
11 M. PLAVEC : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas
12 de questions pour ce témoin.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Ibrisimovic.
14 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Vous avez
15 raison. Nous n'allons pas contre-interroger ce témoin.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais consulter mes collègues.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre qui a délibéré décide d'accorder pour la
19 Défense Petkovic et la Défense Praljak une heure 30, charge à eux de se
20 répartir le temps comme ils veulent. J'ai cru comprendre que M. Praljak
21 aura besoin d'une heure et Me Alaburic 30 minutes. Voilà.
22 Alors, Madame, dernière recommandation puisque nous reprenons demain à 9
23 heures du matin. Ça va être très court. Comme vous êtes maintenant témoin
24 de la justice, vous n'avez plus aucun contact à avoir avec Me Karnavas,
25 mais ça, vous le savez, on a dû vous le dire. Vous reviendrez donc demain,
26 car l'audience démarre à 9 heures demain matin. Je souhaite à tous une
27 bonne fin de journée.
28 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mardi 25 novembre
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1 2008, à 9 heures 00.
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