Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 25 novembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur l'Huissier, appelez le numéro de l'affaire,

  6   s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, bonjour à

  8   toutes et à tous.

  9   Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

 10   Merci, Messieurs les Juges.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 12   En ce mardi 25 novembre 2008, je salue les quatre accusés présents, il y en

 13   a deux qui sont malades. Je salue Mmes et MM. les Avocats, je salue M.

 14   Stringer et Mme West et je salue également leurs collaboratrices et toutes

 15   les personnes présentes.

 16   Je vais d'abord donner la parole à M. Le Greffier qui a un numéro IC à nous

 17   donner.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 19   La Défense Prlic a formulé son objection à la demande de versement de

 20   l'Accusation par le truchement du témoin Neven Tomic. Ce sera désormais la

 21   pièce IC 00894.

 22   Merci.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 24   Bien. Je vais lire une décision orale qui est un peu longue, mais je vais

 25   d'abord redonner la parole à M. Le Greffier, parce que le numéro n'a pas

 26   été bien inscrit sur le transcript.

 27   Monsieur le Greffier.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai dit que la

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  1   Défense Prlic avait formulé une objection à la demande de versement pour le

  2   témoin Nevic et que ce serait la pièce IC 00894. Merci. IC 00894.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà; c'est correct.

  4   La position de la Chambre concernant le champ d'application ratione

  5   temporis du deuxième acte d'accusation modifié.

  6   A l'audience du 4 novembre 2008, Me Kovacic et Me Karnavas ont soulevé une

  7   question portant sur l'interprétation du champ temporel du deuxième acte

  8   d'accusation modifié et à cette occasion, solliciter la tenue d'une

  9   audience sur ce point. Cette demande qui n'a pas été formulée en des termes

 10   précis est intervenue à l'occasion du contre-interrogatoire du témoin Neven

 11   Tomic par le Procureur sur des faits portant sur la période postérieure aux

 12   accords de Washington. La Chambre de première instance comprend que la

 13   demande de Me Kovacic et Me Karnavas porte simultanément sur le champ

 14   d'application ratione temporis du deuxième acte d'accusation modifié, ainsi

 15   que sur l'admissibilité des éléments de preuves se rapportant à des faits

 16   postérieurs à la période infractionnelle alléguée dans le deuxième acte

 17   d'accusation modifié.

 18   S'agissant du champ d'application ratione temporis du deuxième acte

 19   d'accusation modifié, la Chambre de première instance rappelle que la

 20   partie pertinente du paragraphe 15 du deuxième acte d'accusation modifié se

 21   lit comme suit, je cite :

 22   "Entre le 18 novembre 1991 ou avant et avril 1994 environ, et après,

 23   diverses personnes ont mis sur pied une entreprise criminelle commune et y

 24   ont participé en vue de soumettre politiquement et militairement les

 25   Musulmans de Bosnie et autres non-Croates qui vivaient dans des régions du

 26   territoire de la République de Bosnie-Herzégovine, revendiquées comme

 27   faisant partie de la communauté croate (future république d'Herceg-Bosna),

 28   de les chasser définitivement, de procéder à un nettoyage ethnique de ces

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  1   régions et de réunir à court ou à long terme ces dernières au sein d'une

  2   Grande Croatie, soit par attachement à la République de Croatie, soit en

  3   étroite association avec elle, et ce, par la force, l'intimidation ou la

  4   menace du recours à la force, la persécution, l'emprisonnement et la

  5   détention, le transfert forcé et l'expulsion, l'appropriation et la

  6   destruction des biens et par d'autres moyens consistant à commettre des

  7   crimes sanctionnés par les articles 2, 3 et 5 du Statut du Tribunal ou

  8   impliquant la commission de tels crimes."

  9   La Chambre de première instance comprend que la période

 10   infractionnelle alléguée dans le deuxième acte d'accusation modifié s'étend

 11   du 18 novembre 1991 à avril 1994 et que les accusés sont poursuivis pour

 12   les crimes allégués dans le deuxième acte d'accusation modifié, qui

 13   auraient été commis durant cette période de temps. Par conséquent, le

 14   deuxième acte d'accusation modifié n'entend pas, aux yeux de la Chambre de

 15   première instance, tenir les accusés responsables de crimes qui auraient

 16   été commis avant ou au-delà de cette période de temps.

 17   S'agissant à présent de l'admissibilité d'éléments de preuve se

 18   rapportant à des faits antérieurs ou postérieurs à cette période de temps,

 19   si de tels éléments sont pertinents, ont une valeur probante et répondent

 20   aux exigences d'admissibilité des documents telles que requises par les

 21   décisions de la Chambre en la matière, la Chambre de première instance peut

 22   les admettre s'ils visent à établir les éléments qui ne se rapportent pas à

 23   un comportement punissable des accusés, mais à une condition générale de

 24   leur responsabilité, notamment l'existence d'une entreprise criminelle

 25   commune qui ne constitue pas en tant que tel un crime.

 26   Eu égard à ce qui précède, la Chambre n'estime pas nécessaire de

 27   tenir une audience sur ces questions. La Chambre a rendu une décision sur

 28   le champ d'application ratione temporis de l'acte d'accusation.

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  1   Je vous invite à relire à tête reposée cette longue décision orale

  2   qui est très claire pour la Chambre.

  3   Nous allons introduire le témoin pour la suite du contre-

  4   interrogatoire. Je crois que c'est M. Praljak qui est prêt et qui va

  5   commencer.

  6   Maître Kovacic, M. Praljak va intervenir, parce qu'il s'agit

  7   d'éléments liés à des questions militaires.

  8   M. KOVACIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

  9   Je tiens à vous rappeler aussi que par une décision unanime de la Chambre à

 10   l'époque, avant qu'il y ait eu interjection d'appel pour ce qui est de

 11   l'élargissement des droits des accusés quant au contre-interrogatoire, les

 12   Juges de la Chambre avaient, à l'unanimité, décidé que Praljak pouvait

 13   contre-interroger et interroger le témoin expert de l'Accusation, Mme Ewa

 14   Tabeau. Etant donné que ce témoignage est en corrélation directe, je crois

 15   que la situation est tout à fait claire, point n'est nécessaire d'en dire

 16   plus.

 17   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Madame.

 20   Le général Praljak va vous poser des questions dans le cadre du contre. Je

 21   lui donne la parole.

 22   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 23   LE TÉMOIN : SVETLANA RADOVANOVIC [Reprise]

 24   [Le témoin répond par l'interprète]

 25   Contre-interrogatoire par M. Praljak :

 26   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame, Professeur Radovanovic.

 27   R.  Bonjour.

 28   Q.  Comme il vous est donné de le comprendre d'après la place que j'occupe

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  1   ici, je me trouve être accusé dans ce procès. Mais pour l'interrogatoire

  2   que je me propose d'effectuer, je tiens à vous préciser que je suis

  3   professeur de sociologie. Donc je me sens apte et avoir l'éducation

  4   nécessaire pour ce qui est de vous faire parcourir un certain nombre de

  5   questions que vous avez évoquées hier dans vos réponses.

  6   Pour le moment, étant donné que je vais vous conduire au travers d'un

  7   processus, je vous demanderai de ne pas vous servir de termes scientifiques

  8   tels que clés, corrélation, correspondance, et cetera, afin que nous

  9   puissions nous concentrer sur des fragments d'éléments qui m'intéressent.

 10   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je demanderais aux Juges de

 11   m'interrompre à tout moment, si nécessaire, et de tirer au clair des

 12   notions et autres éléments. Bien entendu, pas au détriment du temps qui

 13   m'est imparti.

 14   Nous sommes en 1991, je m'excuse auprès de M. Karnavas pour avoir à répéter

 15   des éléments de ce qu'il a dit hier, à l'occasion de son interrogatoire.

 16   Q.  Madame, en 1991, il y a eu un recensement. Vous avez établi un

 17   planning, il a été adopté des décisions, une méthodologie, et cetera, puis

 18   on rassemble les effectifs que vous formez.

 19   Ce sont des recenseurs. Est-ce bien comme cela que ça se

 20   passe ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Etant donné que ce recensement doit être effectué dans un délai de

 23   temps relativement court et qu'il y a beaucoup de personnes de recensées,

 24   les recenseurs sont nombreux; est-ce exact ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Les recenseurs ce sont des hommes, des êtres humains. Dès le

 27   recensement, est-ce qu'il y a, dès le départ, des erreurs que les gens

 28   commettent pour ce qui est des questions posées, des suggestions qu'on fait

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  1   dans le non-accomplissement de certaines tâches ?

  2   Est-ce que vous supposez ou vous savez que dès lors, il y a un certain

  3   nombre d'erreurs, voire de données erronées ?

  4   R.  C'est une question complexe que vous me posez. Tous les instructeurs

  5   qui forment les recenseurs s'efforcent de former ces recenseurs dans une

  6   méthodologie qui est la bonne. Les recenseurs obtiennent des instructions,

  7   toute une série d'instructions qu'ils sont censés respecter. Alors, s'ils

  8   ne peuvent pas retenir toutes les informations, il y a toute une série

  9   d'instructions qui les aident à garder les choses en mémoire.

 10   En sus, il y a un instructeur qui contrôle les recenseurs, mais les

 11   recenseurs sont contrôlés pour voir s'il y a eu des erreurs systématiques

 12   de commises; par exemple, si une question est posée de façon erronée, si

 13   elle est sautée ou si elle est mal interprétée, si elle est interprétée à

 14   tort et à travers. Mais le fait est que l'influence du recenseur est

 15   présente à chaque fois dans une mesure plus ou moins grande.

 16   Q.  Merci.

 17   R.  Si vous le permettez, j'aimerais ajouter --

 18   Q.  Madame Radovanovic, malheureusement je n'ai pas trois ou quatre heures,

 19   chose que j'estimerais nécessaire pour parcourir tous les éléments avec

 20   précision et clarté, mais comme mon temps est limité et qu'il y a des

 21   problèmes qui sont bien plus importants, excusez-moi d'aborder des

 22   problèmes qui sont plus grands.

 23   Alors, il peut y avoir, bien sûr, des erreurs, des contrôles, des

 24   rectifications, des échantillonnages pour les contrôles -- enfin vous, vous

 25   le savez et j'imagine que les autres s'en doutent aussi. Allons de l'avant.

 26   Quand on rassemble tous ces papiers à un endroit, à l'institut des

 27   statistiques, c'est bien comme ça que ça se passe, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Certes.

  2   R.  Mais avant l'institut des statistiques, ça part dans les commissions

  3   municipales, commissions électorales au niveau municipal, et c'est ensuite

  4   que cela est rebalancé [phon], retransmis vers l'institut des statistiques.

  5   Q.  Certes. Voyons maintenant ce qu'on recense et pourquoi. Ce que l'on

  6   cherche à savoir c'est le nom, le prénom d'un homme, une femme. On souhaite

  7   savoir combien il y a d'hommes et de femmes, puis on souhaite savoir quelle

  8   est l'appartenance ethnique qui est une chose que chacun et chacune décide

  9   de dire ou de ne pas dire, puis on essaye de savoir quelles sont les

 10   catégories d'âge, combien d'enfants, combien de vieillards, et cetera. Puis

 11   on souhaite savoir combien de bétails il y a, combien de moutons, combien

 12   de vaches. Puis on souhaite aussi savoir quels sont les biens immobiliers

 13   en propriété privée et quels sont les biens immobiliers en propriété

 14   publique, voire sociale. Puis combien de salles de réfrigération ou de

 15   réfrigérateurs il y a.

 16   R.  Pour l'essentiel, la statistique n'est pas intéressée par le nom et

 17   prénom, ça ne l'intéresse pas du tout.

 18   Q.  Justement. Si, par exemple, on constate qu'il y a un recensement en

 19   France, on aura peut-être beaucoup plus de personnes âgées. Le chef de

 20   l'Etat, par exemple, peut trouver une utilité pour ce qui est de savoir qui

 21   est-ce qui va nourrir ces personnes puisqu'il n'y a pas assez de jeunes. Et

 22   lorsqu'on prend des décisions dans la gestion des affaires de l'Etat, ça

 23   nous aide à aider pour ce qui est de déterminer l'âge du départ à la

 24   retraite, par exemple ?

 25   R.  A peu près, oui.

 26   Q.  Certes. Alors on constate quelles sont les formations scolaires,

 27   combien il y en a avec une formation secondaire, une formation supérieure

 28   universitaire, et cetera.

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  1   R.  C'est exact.

  2   Q.  Maintenant on vient à l'élément important. Tous ces renseignements-là,

  3   on va les dissocier du nom et du prénom ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et c'est là l'important. Toutes ces données, combien de terres, combien

  6   de frigos, quel âge, et cetera, et cetera, tout ça ce sont des ensembles de

  7   données qui, une fois traitées, n'ont plus rien à voir avec le nom et le

  8   prénom de l'individu concerné ?

  9   R.  Exact.

 10   Q.  Ces documents arrivant à Sarajevo sont envoyés vers un lecteur optique,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  En 1991, oui. Avant cela, jamais, non.

 13   Q.  Nous parlons de 1991. Alors on a des lecteurs optiques, et il y a

 14   lecture des données croates, "1." Je vais simplifier. Je simplifie pour que

 15   ce soit limpide. Yougoslave 1 Croate, 1. Puis Serbe 1, puis à la fin on

 16   fait l'addition. Albanais, Tanzanien, que sais-je ?

 17   R.  Je vais vous apporter une petite explication quand même ici. Toutes les

 18   questions qui sont posées à l'occasion du recensement dans les imprimés de

 19   recensement sont transmises en information numérique. Par exemple, pour ce

 20   qui est de l'appartenance ethnique, on est censé inscrire "Croate, Serbe,

 21   Musulman, Turc," et cetera. Mais avant que de traiter ces données

 22   statistiques, il convient de coder, parce qu'il y a des index de codes qui

 23   vous disent exactement. Si c'est un Croate il faut mettre 1, si c'est un

 24   Serbe il faut mettre un 2. Si c'est un Monténégrin, il faut mettre un 3, si

 25   c'est un Anglais il faut mettre 9, si c'est un Français il faut mettre 10,

 26   si c'est un Yougoslave il faut mettre tel chiffre, et ainsi de suite.

 27   Q.  Merci. C'est justement ce que je voulais vous entendre dire.

 28   Alors, les recenseurs inscrivent à la main, les écritures peuvent

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  1   être très variées. Et là aussi, pour autant que je le sache, il peut y

  2   avoir des erreurs pour ce qui est de comprendre ce que le recenseur a bien

  3   voulu marquer; est-ce exact ?

  4   R.  Exact.

  5   Q.  Merci.

  6   R.  Je vais vous donner un exemple.

  7   Q.  Allez-y.

  8   R.  Ce lecteur optique, en 1991, non seulement en Bosnie, mais dans bon

  9   nombre de républiques, s'est avéré comme étant peu pratique. Cela nécessite

 10   une inscription très précise d'un chiffre donné. J'ai conduit ces activités

 11   de recensement en 1991 et il nous est arrivé après le passage au scanner

 12   dans une cité ou une agglomération qui s'appelle Velika Drenova, c'était

 13   tous des Anglais avec pour langue maternelle le danois.

 14   C'est un tout petit bled. Or, le problème résidait justement dans une

 15   mauvaise lecture. Parce que le "6" était lu comme un "0", le "0" était lu

 16   comme un "9", et cetera. J'ai écrit un article à ce sujet, je l'ai publié

 17   cet article, et il a porté sur les problèmes rencontrés à l'occasion du

 18   recensement de 1991.

 19   Q.  Justement, c'est ce que j'avais souhaité entendre. Alors, il est normal

 20   que lorsque l'on voie qu'il y a eu erreur de la part de ce lecteur, on

 21   prend des échantillons, une centaine d'échantillons, et on compare avec ce

 22   que le recenseur a marqué pour, par exemple, pour voir quel est le taux

 23   d'erreurs ?

 24   R.  Non, non, ce n'est pas comme ça qu'on fait.

 25   Q.  Dites-nous comment on fait.

 26   R.  A l'occasion de l'élaboration, lorsque vous apportez, par exemple, ce

 27   lecteur optique, qu'il y a des données qui vous semblent quand même

 28   louches, suspectes, alors on va avoir le papier même et on vérifie la

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  1   donnée douteuse. Ça c'est le tout premier des contrôles, c'est effectué par

  2   des gens qui sont chargés de l'inscription des données.

  3   Ensuite il y a des contrôles, une série de contrôles tels que

  4   contrôle logique, et ainsi de suite.

  5   Q.  Maintenant ce qui est important, dans une localité A, municipalité A,

  6   disons, il y a le Juge Trechsel qui se déplace et il rencontre Praljak, on

  7   discute, on prend un verre de vin, et M. Le Juge Trechsel se trouve être

  8   intéressé par mon appartenance ethnique. S'il lui est permis de demander à

  9   le savoir, et comme les traitements statistiques ne sont faits ni pour le

 10   fisc ni pour les services secrets, pour autant que je sache, il ne peut

 11   obtenir la base de données pour apprendre dans la base de données si je

 12   suis Croate, Musulman ou Serbe; est-ce bien exact ?

 13   R.  C'est exact. Les renseignements individuels ne seraient être

 14   communiqués. Et j'ajoute, puisque c'est le Juge Trechsel, il se peut qu'on

 15   fasse une exception.

 16   Q.  Fort bien. Cela me paraît fort important. Nous avons donc dissocié ces

 17   groupes d'ensemble. Et nous savons pour cette localité qu'il y a tant de

 18   Croates, tant de Musulmans, de Bosniens, tant de Serbes, tant de

 19   Yougoslaves, et qu'il y a tant de biens immobiliers en propriété privée,

 20   tant en propriété publique, et cetera. Mais nous ne savons pas quelle est

 21   la corrélation entre les noms et prénoms et ce type-là de données; est-ce

 22   bien exact ?

 23   R.  Exact.

 24   Q.  Merci.

 25   Nous allons terminer pour ce qui est de cet aspect-là. Nous continuons.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Suite à ce que vient de dire le général Praljak et

 27   votre réponse, j'en reviens au codage.

 28   Puisque d'après ce que je comprends, Madame, les fiches sont remplies

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  1   par ceux qui se déclarent au recensement, et ensuite il y a quelqu'un qui

  2   va coder, qui va donc donner un chiffre. Par exemple, si l'ethnie est

  3   musulmane, il va donner un chiffre. Alors, moi, je m'interroge sur ceux qui

  4   vont coder.

  5   Peut-il y avoir à leur niveau des engagements politiques tels qu'ils

  6   vont, par exemple, avoir tendance à dire qu'il y a plus de Musulmans que de

  7   Croates ?

  8   Puisque vous, vous avez participé, est-ce qu'il y avait un contrôle

  9   de ces codeurs ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit du codage et non pas du décodage. Il

 11   existe des codeurs par domaine, s'agissant de la profession, éducation,

 12   état civil, sexe, et ainsi de suite. Donc le tout est numérotisé [phon]

 13   avec les codes particuliers. Et les codeurs, ce sont des professionnels. Et

 14   compte tenu du fait qu'il s'agit d'un travail de grande ampleur, encore une

 15   fois, un concours est lancé et l'on choisit les personnes éduquées qui sont

 16   considérées comme personnes capables de ce faire. Donc ces personnes

 17   reçoivent des instructions, et sont contrôlées.

 18   Personnellement, je pense qu'ils font leur travail au mieux, et qu'il

 19   n'est pas possible d'établir un lien entre ce travail et la politique. Car

 20   un seul homme ne peut jamais se retrouver en position de coder tout ce qui

 21   concerne une localité. Car il s'agit des conscriptions qui font partie des

 22   agglomérations. Donc à Mostar il peut en avoir des centaines, et c'est

 23   seulement en regroupant toutes les données que vous aurez les résultats

 24   pour Mostar.

 25   Je pense que chez les codeurs, théoriquement, c'est possible, mais

 26   que jusqu'à maintenant il n'y a pas eu de tels abus. Cela dit, ça n'a

 27   jamais fait l'objet d'une étude, donc je ne peux vraiment pas dire s'il y a

 28   eu des moments où ceci était le cas ou pas.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

  2   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

  3   Q.  Madame Radovanovic, maintenant c'est la guerre qui éclate. Nous

  4   n'allons pas entrer les causes du conflit, ça ne nous intéresse pas en ce

  5   moment. Beaucoup de choses arrivent aux gens. Il y en a qui perdent leur

  6   travail, il y en a qui déménagent, qui partent. Quant à la question de

  7   savoir si ce sont des réfugiés ou des personnes déplacées, s'ils ont été

  8   esquissés, c'est une question juridique, non pas une question

  9   démographique; est-ce exact ?

 10   R.  C'est exact. Et si vous examinez, par exemple, les instructions portant

 11   sur l'inscription des électeurs, d'après la définition de l'OSCE, il est

 12   dit que les personnes déplacées ce sont toutes les personnes qui ont changé

 13   de lieu de résidence de façon volontaire ou sous la contrainte. Donc la

 14   définition juridique est différente de la définition démographique. Or,

 15   dans la statistique il n'y a pas de définition. Et si on a besoin de

 16   définition, on s'appuie sur la définition juridique.

 17   Q.  Bon. C'est une question tout à fait différente.

 18   En 1997, 1998, en Bosnie-Herzégovine et dans les organes de l'Etat, "Vous

 19   n'aurez rien à voir avec les élections, n'est-ce pas ? C'est notre

 20   travail."

 21   R.  Je ne sais pas.

 22   Q.  D'accord. Passons à autre chose.

 23   Pourtant, en 1997, 1998, d'après vous et d'après les données que vous

 24   connaissez, combien de personnes de toute orientation possible ont changé

 25   de lieu de résidence ? Qu'il s'agisse de l'Allemagne, de la Hongrie, de la

 26   Finlande, de la Croatie, Serbie, ainsi de suite ? Est-ce que d'après les

 27   données dont vous disposiez, ce nombre dépassait les deux millions ?

 28   R.  J'ai lu des textes rédigés par des auteurs différents, venant des Etats

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  1   différents. Aujourd'hui, le chiffre est différent, mais il s'agit toujours

  2   de millions de gens.

  3   Q.  Ça commençait toujours par deux millions et parfois d'autres

  4   proposaient des chiffres plus élevés. Nous allons passer maintenant à la

  5   question des élections. L'OSCE dit : "Vous allez voter maintenant. D'abord

  6   vous devez vous inscrire pour voter." Cela dit, vous pouvez vous inscrire

  7   où que ce soit, l'endroit où vous vivez. Vous pouvez voter où que vous

  8   vouliez en Bosnie; est-ce

  9   exact ?

 10   R.  Pas tout à fait, mais il existe une telle possibilité. Dans les

 11   instructions de l'OSCE, il est dit que : Tous les citoyens de la Bosnie-

 12   Herzégovine peuvent s'inscrire à partir du moment où ils sont âgés de plus

 13   de 18 ans. Et ceux qui ont fait partie du recensement de 1991. Cependant,

 14   il y a un précédent. Disons, si vous n'avez pas participé au recensement de

 15   1991, il faut prouver la citoyenneté. Si vous n'avez pas de document

 16   prouvant votre citoyenneté, vous pouvez, en présence d'un juge, en présence

 17   d'un dirigeant religieux, ou en présence de deux témoins qui ont été

 18   enregistrés lors du recensement et qui vont témoigner du fait que vous êtes

 19   citoyen de la Bosnie-Herzégovine, bien, dans ce cas-là, vous aurez la

 20   possibilité de voter en Bosnie-Herzégovine car vous êtes citoyen de la

 21   Bosnie-Herzégovine.

 22   Q.  Supposons que nous, dans cette salle, nous étions habitants de cette

 23   municipalité A, comme j'ai mentionnée; et pour des raisons différentes qui

 24   concernent plus la politologie et la science politique et la sociologie,

 25   bien, nous sommes partis de notre lieu de résidence. Et par exemple, le

 26   Juge Trechsel, il est en train de vivre très loin et faire autre chose; et

 27   le Juge Antonetti, par exemple, il est en train d'admirer les sculptures de

 28   Rodin à Paris; et l'honorable Juge Prandler est en train de boire le Tokaj

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  1   sur le lac de Balaton. Ils avaient tous été citoyens de cette municipalité;

  2   et dans les Etats respectifs ils obtiennent le formulaire des bureaux de

  3   représentation de Bosnie-Herzégovine pour pouvoir voter. Est-ce possible ?

  4   R.  S'ils sont citoyens de la Bosnie-Herzégovine, c'est possible.

  5   Q.  Et ils disent tous, "Nous allons voter dans la municipalité A dont il

  6   est question." N'est-ce pas ? Ils peuvent le faire ?

  7   R.  Il est recommandé qu'ils votent dans la municipalité dans laquelle ils

  8   résidaient en 1991. Mais il existe un autre précédent où il est dit,

  9   s'agissant du grand nombre de personnes déplacées, quelle que soit la

 10   raison de cela, il est possible que ces personnes votent à leur lieu de

 11   résidence actuel s'il est possible de prouver que ces personnes y sont

 12   arrivées avant avril 1996. Je ne peux pas vous donner la date exacte. Il

 13   est même possible de voter dans la municipalité dans laquelle vous

 14   souhaitez voter, si vous résidez à l'étranger, si vous pouvez prouver que

 15   vous vivez là-bas. Autrement dit, il existe des précédents.

 16   Q.  Je comprends, mais nous allons parler maintenant du point le plus

 17   important, qui est le suivant : il existe un volontarisme. Tous ceux qui

 18   ont le droit de vote peuvent choisir où ils vont le faire ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et après cela, nous arrivons à une addition des personnes qui ont voté,

 21   et il s'agit là d'un chiffre tout à fait arbitraire ?

 22   R.  Oui, par rapport au recensement ce serait le cas.

 23   Q.  Oui, par rapport au recensement. Et ça dépend de la manière dont les

 24   gens réfléchissent. Par exemple, certains diront, "J'en ai marre de cet

 25   Etat, de la guerre et de la politique, et je ne veux pas voter" ?

 26   R.  Oui, encore aujourd'hui, en temps de paix, vous avez des gens qui ne

 27   veulent pas voter; c'est une position politique.

 28   Q.  Et d'après les données dont vous disposez s'agissant des élections

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  1   récentes en Bosnie-Herzégovine qui ont eu lieu il y a quelques mois, sur

  2   les 800 000 à un million de personnes de citoyens qui résident à

  3   l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine et qui sont encore citoyens de la

  4   Bosnie-Herzégovine, seulement 30 000 se sont enregistrés pour les élections

  5   locales ?

  6   R.  Je ne saurais pas vous dire le chiffre exact, mais je sais que le

  7   chiffre est peu important. Je le sais.

  8   Q.  D'accord, le chiffre est peu important. Donc nous arrivons à un chiffre

  9   qui porte sur la réponse des électeurs, mais nous ne pouvons pas en tirer

 10   d'autres éléments, sur le plan scientifique ?

 11   R.  Oui, plus ou moins.

 12   Q.  Nous allons passer à autre chose maintenant.

 13   Mme Tabeau dit, "Je n'ai pas d'argent. Il n'y avait pas d'argent à l'époque

 14   pour organiser un nouveau recensement. Nous ne pouvons pas aller à la même

 15   municipalité et faire l'exercice de nouveau car il n'y a pas d'argent." Et

 16   elle dit comme suit: "Je vais maintenant me pencher sur le numéro que j'ai

 17   obtenu et je vais essayer de voir ce qui s'est passé sur le plan des

 18   migrations." Elle dit : "Tout d'abord, il faut dire, d'après les gens qui

 19   se sont enregistrés, qui appartient à quel groupe ethnique, car il ne doit

 20   pas déclarer cela au moment du vote. Ils ne vont pas dire, 'Je vais

 21   m'inscrire en tant que Croate,' n'est-ce pas ?"

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Bien. Nous allons poursuivre. Maintenant, elle se penche sur la liste

 24   électorale dans la municipalité A et elle trouve le nom de "Karnavas," elle

 25   ne sait pas que faire avec ce nom de famille, elle ne sait pas si c'est un

 26   Américain, un Grec ou autre chose. Elle, elle va se pencher sur la base des

 27   données concernant le recensement de la population, mais là, elle ne peut

 28   que vérifier si "Karnavas" avait été enregistré dans cette municipalité. Il

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  1   n'est pas écrit comment il s'est déclaré.

  2   R.  Si, dans le recensement de la population, c'est inscrit; le recensement

  3   qui a été fait en Bosnie, c'est le cas car ils ont les noms et les prénoms.

  4   Le Dr Tabeau possède les noms et les prénoms s'agissant de l'ensemble de la

  5   Bosnie-Herzégovine, s'agissant du recensement de l'ensemble de la Bosnie-

  6   Herzégovine. Donc il y a le nom, le prénom, les dates, la municipalité,

  7   s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, et ainsi de suite. Quant à la

  8   question de savoir si le nom a été retranscrit de manière exacte, c'est une

  9   autre chose.

 10   Q.  Vous voulez dire qu'elle a les papiers et non pas les séries ?

 11   R.  Non. Le Dr Tabeau, sous forme électronique a l'ensemble des données du

 12   recensement de la population de la Bosnie-Herzégovine et elle a les données

 13   individuelles. Tout a été scanné et elle a les noms et les prénoms et tout

 14   simplement, ceci a été présenté sous forme électronique. Par exemple, vous

 15   pouvez avoir "Svetlana Radovanovic," ça peut être en bas de la liste et

 16   maintenant, elle peut déplacer cela en haut de la liste. Il y a les codes

 17   1, 2, 8, 7, mais on sait très exactement ce que ça veut dire et ce

 18   qu'indique l'appartenance ethnique, et ainsi de suite. Elle possède cela

 19   sous forme électronique, mais le nombre d'erreurs quant à ces noms et ces

 20   prénoms est incroyable.

 21   Q.  Bien. Voyons pourquoi. Si vous souhaitez, par le biais des noms et de

 22   la fréquence des noms, si vous souhaitez obtenir le résultat concernant

 23   l'appartenance ethnique, prenons Petkovic, combien de Petkovic y a-t-il en

 24   Serbie ?

 25   R.  Je ne sais pas, mais je sais combien de Kovacevic il y a en Croatie car

 26   ça faisait partie récemment d'un quiz.

 27   Q.  Les noms de famille serbe et croate sont très fréquents et il est

 28   impossible de déterminer l'appartenance ethnique seulement à cause du nom

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  1   de famille ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Par exemple, Slobodan Praljak, si on essaie d'évaluer la Situation,

  4   Slobodan Praljak, ça peut être à la fois serbe et croate et plutôt serbe

  5   que croate, n'est-ce pas ?

  6   R.  Si vous souhaitez utiliser cette méthodologie-là, la réponse -- je

  7   serais tenté de dire "oui."

  8   Q.  Bien. Cette dame, elle a ainsi obtenu un certain nombre de données, à

  9   la fois portant sur les personnes qui ont choisi volontairement de

 10   s'inscrire sur la liste électorale, mais ce nombre n'est pas élevé, elle

 11   souhaite augmenter le nombre. Est-ce qu'elle va ajouter à une personne les

 12   membres de sa famille ?

 13   R.  Je ne sais pas, elle n'a pas écrit cela dans son repère. Mais je peux

 14   vous dire ce que je pense. 

 15   S'agissant des cas dont il est question, nous parlons du recensement

 16   et des listes électorales, elle n'est pas obligée d'ajouter les membres de

 17   la famille si elle est sûre du prénom. Mais le Dr Tabeau affirme autre

 18   chose dans sa déposition lors de son interrogatoire principal que j'ai

 19   écouté. Elle dit : "Lorsque je ne suis pas sûre d'un prénom ou d'un nom,

 20   j'utilise la méthode du foyer." Or, cette méthode n'existait pas dans la

 21   statistique. Cependant, dans les combinaisons, vous pouvez avoir des pairs

 22   complexes; au sein d'un foyer, vous pouvez avoir des pairs complexes, des

 23   membres complexes de ce foyer. "Un foyer," c'est une catégorie économique.

 24   Ça peut être une famille ou pas. "Un foyer" peut être constitué de

 25   personnes qui ont des liens de parenté entre eux ou pas. Si vous avez un

 26   foyer, ça ne veut pas dire nécessairement que toutes les personnes, tous

 27   les membres ont le même nom de famille.

 28   Nous savons, chez nous, par exemple, que souvent vous avez plusieurs

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  1   générations qui font partie du même foyer. Par exemple, vous aurez les

  2   parents et la fille qui s'est mariée, avec son mari et ses enfants; et là,

  3   automatiquement, vous avez deux noms de famille. Par exemple, je peux vivre

  4   avec ma belle-sœur et avec mon beau-fils et avec ma sœur. Nous, nous sommes

  5   un foyer, mais ma fille et ma belle-fille n'ont pas le même nom de famille

  6   que moi, elles ne s'appellent pas Radovanovic.

  7   Q.  Or, Mme Tabeau, à défaut de meilleurs éléments, elle a appliqué ce que

  8   vous appelez la "clé," elle a appliqué cette clé sur les données de base

  9   pour dire telle personne est un Croate, telle personne est un Serbe ou un

 10   Musulman sans parler de la question des langages mixtes, et cetera, n'est-

 11   ce pas ?

 12   R.  Non, ce n'est pas cas. Lorsque vous dites "clé," il s'agit de la

 13   manière de trouver les corrélations. La clé, ça peut être le nom de

 14   famille, le prénom, et ainsi de suite, ou la date de naissance. On essaie,

 15   en appliquant cette clé, de trouver les correspondances. A chaque fois

 16   qu'on trouve les corrélations, je peux dire, "Voilà, maintenant, j'ai

 17   Svetlana Radovanovic, j'ai trouvé les correspondances et dans le

 18   recensement, il y en a trois." Si la liste des électeurs, l'expert va

 19   trouver trois Svetlana Radovanovic dans ses listes et elle va dire, "Voilà,

 20   ici, j'ai les correspondances; les deux autres noms, je ne vais pas les

 21   prendre." Ou bien elle peut dire, "Si je peux prendre toutes les trois."

 22   Mais je pense que justement le fait que vous n'êtes pas sûr à 100 % doit

 23   influencer l'augmentation du nombre de corrélations trouvées.

 24   Q.  Bien. Je vais bientôt terminer pour ce qui est de ce sujet-là. Mais je

 25   vous pose la question suivante : supposons qu'on a la municipalité A qui

 26   contient un certain nombre de Croates et un certain nombre de Serbes, mais

 27   plus de Musulmans. Il y en avait avant, mais plus maintenant.

 28   R.  Quand ?

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  1   Q.  En 1997. Je parle du recensement, il y avait les Croates, les

  2   Musulmans, les Serbes dans une certaine proportion. Et peu importe les

  3   raisons, mais les Musulmans sont partis, les Serbes et les Croates y sont

  4   restés. Mais pour une certaine raison, les Serbes et les Croates disent,

  5   "Peu nous importe la politique, peu nous importe les partis politiques,

  6   nous n'allons pas nous inscrire, on s'en fiche," et les Musulmans qui

  7   vivent à l'extérieur, ils s'inscrivent pour voter. Quel sera le résultat

  8   suivant l'approche de Mme Tabeau ?

  9   R.  Ceux qui ne se sont pas inscrits, vous ne trouverez jamais de

 10   corrélation car ils n'existent pas dans l'autre base de données. Si dans

 11   une base de données vous n'avez pas les personnes qui se sont inscrites,

 12   vous ne les trouverez jamais dans l'autre base de données. Or, s'ils

 13   existent dans la première série de données, vous les trouverez dans la

 14   deuxième série.

 15   Q.  J'ai posé une question précise. Donc les Serbes et les Croates ne se

 16   sont pas inscrits pour voter. Est-ce que le résultat, si on applique la

 17   méthode de Mme Tabeau, le résultat sera qu'à cet endroit, il n'y a pas du

 18   tout de Croates car ils ne se sont pas inscrits pour les élections ?

 19   R.  C'est exact.

 20   Q.  C'est ce que je voulais entendre --

 21   R.  Mais s'il vous plaît, excusez-moi, mais je n'ai pas répondu avec

 22   précision.

 23   Ils vont exister en tant qu'existant en 1991, mais non pas en 1997,

 24   pour être tout à fait précise. Donc on pourra voir que d'après le

 25   recensement de la population, il y avait tel et tel nombre de Croates à

 26   l'époque; cependant, s'ils ne se sont pas inscrits pour voter, ils

 27   n'existent pas dans les listes électorales. S'ils n'existent pas dans les

 28   listes électorales, vous ne pouvez pas les trouver dans le recensement pour

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  1   dire, lui, c'est un Croate; donc il n'y a pas de corrélation. En 1997, vous

  2   allez voir, "Je n'ai pas trouvé ou j'en ai trouvé trois, ou cinq." Dans ces

  3   cas-là, ces personnes-là ne peuvent pas apparaître si vous n'avez pas

  4   d'indice selon lequel ils s'étaient inscrits.

  5   Q.  Madame Radovanovic, c'est justement ce que je souhaitais entendre. Il

  6   est possible, ceci est possible, il est possible de créer une série de

  7   données de cette façon-là, alors qu'en réalité, à un endroit, il n'y a que

  8   les Croates et que les Serbes; mais ces personnes-là, disons, décident de

  9   ne pas s'inscrire pour les élections et ils vont disparaître des tableaux

 10   de Mme Tabeau, n'est-ce pas ? Est-ce possible ?

 11   R.  S'agissant de l'année 1997, c'est possible.

 12   Q.  Bien. Maintenant, on peut inverser cela.

 13   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je voudrais poser une question. Je

 14   vous demanderais de ne pas torturer les interprètes. C'est vraiment très

 15   difficile de vous suivre, Madame. Vous êtes extrêmement rapide. Vous

 16   parlez, bien sûr, votre langue maternelle, mais n'oubliez pas, s'il vous

 17   plaît, de ménager des pauses après chaque question et chaque réponse.

 18   Merci. Je vous demande de bien vouloir prendre en compte les interprètes.

 19   Merci beaucoup.

 20   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Juge Prandler, croyez-moi,

 21   nous faisons de notre mieux. Mais malheureusement, chaque fois, c'est ce

 22   qui nous arrive. Je m'excuse auprès de vous et auprès des interprètes.

 23   Q.  C'est ce que je 'ai essayé de conclure, s'agissant de ce sujet-là.

 24   En appliquant cette méthode que nous venons de démontrer, ce que Mme Tabeau

 25   a obtenu, il s'agit d'un monde virtuel et peu fiable qui, par hasard, peut,

 26   mais ne doit pas avoir quoi que ce soit à voir avec la réalité sur le

 27   terrain en 1997 et peu importe le pourcentage des erreurs; est-ce exact ?

 28   R.  C'est exact.

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  1   Q.  Donc lorsque le Président Antonetti, en se penchant sur le tableau

  2   hier, fait le calcul - et M. le Juge Antonetti fait de bons calculs - est-

  3   ce qu'il est exact de dire qu'il fait un calcul à partir des données

  4   mathématiques virtuelles, que ces données-là peuvent être réelles, mais

  5   compte tenu de la méthode appliquée, le plus probablement le taux d'erreurs

  6   est de 60 % par rapport à la situation réelle sur le terrain en 1997; est-

  7   ce exact ?

  8   R.  Je ne pourrais pas dire "oui" car il faut tenir compte de la chose

  9   suivante. Les chiffres du Dr Tabeau, ce sont les chiffres concernant les

 10   personnes dont elle dit, "Moi, j'affirme qu'il s'agit d'effectivement tels

 11   cas," mais nous ne connaissons pas la fiabilité de ces chiffres. Nous

 12   savons qu'ils ne sont pas complets, car il existe tout un nombre de

 13   personnes qui ne se sont pas inscrites. Nous savons aussi qu'il y a eu des

 14   modifications de la méthode de corrélation. Mais nous ne savons pas dans

 15   quelle mesure.

 16   S'agissant des chiffres qu'elle avance, certainement, il existe un certain

 17   nombre de personnes qui existent certainement bel et bien. Mais nous ne

 18   pouvons pas savoir quelle est la proportion des personnes concernant

 19   lesquelles nous ne pouvons pas être sûrs qu'elles existent bel et bien,

 20   mais il existe un haut degré de doute. Ça, vraiment, je ne peux pas dire

 21   quel est le degré de doute. C'est ce dont j'ai parlé hier, si Mme Tabeau

 22   avait donné la statistique de la corrélation en disant, "Cette clé de

 23   corrélation n'est pas fiable, mais m'a servi à trouver 50 % des

 24   correspondances. Il y a un haut degré de fiabilité pour dire qu'il s'agit

 25   de la même personne. Ici, j'ai appliqué cette clé-là et la probabilité

 26   qu'il s'agit là de la même personne est moindre."

 27   Ça, c'est très important, ce serait très important. Mais moi, par

 28   conséquent, je ne peux pas dire ce qui est exact et ce qui n'est pas exact

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  1   dans ces données. Mais ce que je peux affirmer, c'est que les données ne

  2   sont pas fiables.

  3   Q.  Madame Radovanovic, c'est justement ce que je voulais demander. Nous

  4   allons approfondir cela quelque peu et après, nous allons nous arrêter.

  5   Si vous donniez quelque chose comme ça à un de vos étudiants pour qu'il

  6   fasse un exercice, est-ce que vous auriez demandé à votre étudiant,

  7   s'agissant de chaque pas [inaudible] de corrélation, de faire le calcul de

  8   l'erreur; est-ce exact, de l'erreur ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Ou du taux d'erreurs ?

 11   R.  Non. Pas de l'erreur, il ne peut pas calculer l'erreur. Il peut

 12   simplement dire quel est le taux de fiabilité. Il peut dire compte tenu de

 13   la clé, ce taux est élevé ou pas.

 14   Q.  Je me suis mal exprimé. Taux de fiabilité.

 15   Maintenant, je vous pose une autre question -- pardon -- hier, vous nous

 16   avez dit que le taux du manque de fiabilité de ces données était d'environ

 17   30 à 60 %; est-ce exact ?

 18   R.  Compte tenu des sources de données qui contiennent une erreur de 30 à

 19   60 %, je ne veux pas dire que le taux de fiabilité est plus élevé. En

 20   m'appuyant sur les sources, je peux affirmer que c'est le minimum du taux

 21   du manque de fiabilité. Je souligne, du point de vue de la statistique et

 22   de la démographie, l'erreur réside dans le fait de créer un fait qui

 23   n'existe pas, alors que la donnée n'existe pas.

 24   Q.  Vous créez cela d'une manière qui n'est pas acceptable scientifiquement

 25   parlant ?

 26   R.  Absolument.

 27   Q.  Maintenant, s'il vous plaît, conformément à la question de M. Karnavas,

 28   est-ce qu'elle, elle a appliqué à chaque fois la même méthode dans tout le

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  1   reste ?

  2   R.  Dites-moi d'abord ce qu'est "tout le reste" ?

  3   Q.  Lorsqu'elle parle des personnes tuées, des personnes blessées, et ainsi

  4   de suite, dans d'autres municipalités. Est-ce que la création des groupes

  5   ou de séries qu'elle a créés se faisait suivant la même méthode peu fiable,

  6   à savoir qu'on ne sait pas quel est l'espace englobé et qu'elle passe d'une

  7   série pour appliquer les données sur une série beaucoup plus élevée, comme

  8   vous le disiez

  9   hier ?

 10   R.  Nous ne pouvons pas simplifier les choses ainsi. A l'occasion d'une

 11   expertise pour ce qui est des groupes ethniques et des réfugiés, on sait de

 12   façon fiable quel est le territoire étudié par Mme Tabeau. C'est huit

 13   municipalités. Donc le territoire nous est connu. Mais les méthodes

 14   utilisées pour soustraire la structure ethnique et pour en tirer le nombre

 15   des personnes déplacées se trouvent être absolument erronées et de façon

 16   professionnelle et scientifique, c'est inacceptable.

 17   Vous me demandez si c'est la même chose. Dans les deux autres analyses, on

 18   ne connaît pas le territoire. Il n'y a pas de définition du territoire

 19   donné. Il y a Mostar est, mais on ne sait pas ce qu'on entend par Mostar

 20   est, à gauche de la Neretva.

 21   Mais ce qui est intéressant, c'est qu'il n'y a pas de méthodologie

 22   identique pour l'évaluation de la structure ethnique. Donc Mme Tabeau n'a

 23   pas pris le nom, le prénom et la date de naissance dans les registres de

 24   naissance pour mettre cela dans la liste et dire, c'est la structure

 25   ethnique, mais elle a dit ce qui suit, "Je vais prendre le nom et le prénom

 26   et en fonction de la fréquence de l'apparition d'un certain nombre de

 27   noms."

 28   Donc il n'y a pas eu de corrélation. On prend la fréquence de certains noms

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  1   pour déterminer ce qu'est un tel ou un tel comme, enfin, un ressortissant.

  2   Alors on a plus Svetlana, Radanovic [phon] pour dire ceci : "On a pris la

  3   méthode de la fréquence des noms. On prend le cas de figure où il y a des

  4   experts, qui partant du nom et du prénom, nous font déterminer leur

  5   appartenance ethnique.

  6   Donc il y a deux méthodes : la méthodologie donc de la fréquence

  7   d'apparition et l'étude des noms et prénoms. Donc cette méthode est une

  8   nouveauté vis-à-vis de la prise en considération de la déclaration ethnique

  9   des uns et des autres dans le recensement de la population.

 10   Q.  Mais est-ce que cela est admissible sur le plan science où que ce soit

 11   au monde ?

 12   R.  Je n'ai jamais rencontré cela nulle part. Mais ce qui est plus

 13   intéressant à mes yeux, c'est de savoir pourquoi cette même méthode que Dr

 14   Tabeau affirme avoir été bonne, à savoir les correspondances, pourquoi ce

 15   n'est pas utilisé dans les deux rapports; également le nom, prénom dans les

 16   deux endroits, la date de naissance ou la date du décès, et cetera.

 17   Je pense --

 18   Q.  Attendez, Madame Radovanovic.

 19   Lorsqu'il s'agit de Musulmans et de Serbes, et même les Croates, un prénom

 20   très fréquent est celui de Zoran ?

 21   R.  Enfin, je n'ai pas étudié la fréquence des prénoms, mais j'ai connu des

 22   Musulmans, des Croates et des Serbes ayant le même prénom, Zoran. Je ne

 23   sais pas quelle est la fréquence chez les uns ou les autres.

 24   Q.  Ou alors "Jasmin," enfin, peu importe. On peut estimer que cette

 25   méthode est peu fiable dans un grand pourcentage de cas pour pouvoir tirer

 26   des conclusions, n'est-ce pas ?

 27   R.  Mais attendez, ce n'est pas une méthode scientifique, ce n'est pas une

 28   méthode de professionnels; c'est une façon de faire de cabaret ou de

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  1   cafétéria.

  2   Q.  Bon. Ouvrez, s'il vous plaît la pièce 3D 03259.

  3   R.  Je ne sais pas me débrouiller ici, parce que je crois que la

  4   numérotation n'est pas la même chez moi.

  5   Q.  3259, on vous aidera, ne vous inquiétez pas.

  6   R.  C'est celui-là, excusez-moi.

  7   Q.  Je vous demande de vous pencher sur la page 446. Il s'agit d'un

  8   tableau.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Dites-nous, qui est l'auteur de ce document ?

 10   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] L'auteur de ce document est le général

 11   Drekovic. Ça été photocopié, et le général Drekovic, après le général

 12   Pasalic, il est devenu commandant du 4e Corps à Mostar. Dans son livre, il

 13   a fourni des tableaux. Et je voudrais qu'on se penche brièvement sur

 14   quelques-uns de ces tableaux.

 15   Il s'agit donc de données fournies par le général Drekovic, qui est

 16   devenu commandant du 4e Corps. C'est le Corps de l'ABiH qui a défendu

 17   Mostar, et il est devenu commandant en 1993.

 18   Q.  Les Juges le savent, vous ne savez pas, Madame, mais il existe un 6e

 19   Corps. Les Juges savent où il se trouvait.

 20   Je vous demande de vous pencher notamment sur la page 475. L'avez-

 21   vous retrouvée ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Je vous prie de retenir les chiffres qu'on y donne. M. Drekovic dit que

 24   dans ce corps - et j'aurai à l'expliquer ultérieurement cela - jusqu'au 19

 25   janvier 1994, il parle donc de 1993 et de 19 journées dans l'année 1994

 26   pour dire que dans son corps il y a eu 579 soldats de tués et qu'il a eu 1

 27   168 blessés.

 28   On peut constater la chose, c'est tout.

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  1   R.  C'est ce qu'il dit ici.

  2   Q.  Bien. Ce que je vous demanderais, si pour des raisons, peu importe

  3   lesquelles, nous venions à accepter les renseignements fournis par Mme Ewa

  4   Tabeau concernant les 500 personnes tuées à Mostar entre mai 1993 et avril

  5   1994, pourrions-nous dire, "Ce ne sont que des soldats qui ont été tués,"

  6   parce que Drekovic dit qu'il y a 579 morts, 539 -- enfin, non, 579, j'ai

  7   bien dit.

  8   Et il n'y a pas eu de civils de tués, tout est net et précis. Il y a plus

  9   de soldats de tués qu'elle n'en a fait figurer dans le recensement effectué

 10   par l'hôpital militaire ou  au niveau de livres de décès ou les deux

 11   réunis. Alors, pour jouer à son jeu ?

 12   Excusez-moi d'aller très vite. Ralentis, Praljak.

 13   Donc si on voulait jouer à ce jeu de correspondance, on pourrait dire,

 14   "Messieurs les Juges, Ewa Tabeau affirme qu'il y a eu là-bas 500 personnes

 15   de tuées, M. Drekovic, lui, dit : "J'ai eu 579 soldats de tués." Donc tous

 16   les décédés étaient des soldats" ?

 17   R.  Avec tout le respect que j'ai pour M. Praljak, je ne jouerai pas ce

 18   jeu. C'est se perdre en conjecture là.

 19   Q.  Justement, nous n'allons pas faire cela, parce que nous savons pour sûr

 20   qu'il y a eu également des victimes parmi les civils. Mais alors, on ne

 21   calcule pas, comme le fait Mme Tabeau. Vous serez donc d'accord avec moi

 22   pour dire qu'il y a une documentation juridique médico-légale qui doit

 23   servir de fondement pour déterminer la vérité et savoir où a été tué, où

 24   est-ce qu'est décédé un tel ou un tel autre ?

 25   R.  Ça, je suis d'accord avec vous, et je peux contester du point de vue de

 26   professionnels et de scientifiques, ce chiffre de 539 ou je ne sais, ça n'a

 27   rien à voir avec ce document. J'attire votre attention sur un élément qui

 28   est le suivant :

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  1   Le Dr Tabeau, comme vous avez pu le voir dans votre rapport,

  2   mentionne les causes des décès, les causes des décès ne sont pas indiquées

  3   dans les registres de l'état civil, ce n'est pas indiqué à l'état civil. Il

  4   y a autre chose, il y a un certificat de décès. Le certificat de décès est

  5   délivré par le médecin légiste. Ce certificat de décès est porté à l'état

  6   civil et est conservé de façon durable. Mais le renseignement en question

  7   pour ce qui est de la cause de décès n'est pas porté au registre des

  8   personnes décédées.

  9   Le Dr Tabeau ne mentionne pas la source de ces renseignement pour ce qui

 10   est -- elle ne dit pas que c'est le certificat de décès qu'elle a consulté,

 11   elle dit que c'est l'état civil qu'elle a consulté.

 12   Q.  Merci. Alors procédons rapidement. Vous vous êtes déjà prononcé sur la

 13   notion de "siège utilisé" par Mme Tabeau. Avez-vous eu à lire un passage

 14   donné, un descriptif au sujet de ce qu'elle entend par "siège" ?

 15    R.  Non, je l'ai déjà dit, il n'y a pas de définition de "siège."

 16   Q.  Allons de l'avant. Vous a-t-on donné une carte militaire pour indiquer

 17   dans Mostar et dans la vallée de Mostar que l'on avait déployé les unités

 18   du HVO, l'armée de la RS et l'ABiH. Où est-ce que vous l'avez vu ?

 19   R.  J'ai obtenu plusieurs cartes, en effet. Je ne peux pas dire que ce sont

 20   des cartes militaires, j'ai vu que la rivière Neretva partage Mostar en

 21   Mostar est et ouest, mais moi je n'ai pas demandé de carte militaire, on ne

 22   m'en a pas donné. Et il est probable que je n'ai pas pu m'y débrouiller. Si

 23   le Dr Tabeau s'en était servi elle même, je les aurais étudiées de façon

 24   très attentive.

 25   Q.  Je vais vous demander, Madame, de prendre à présent - où est-ce que

 26   j'ai mis cette référence - le P -- enfin, ce sont ces deux rapports à elle.

 27   Je vais juste parcourir le tout premier, P 09837. Il s'agit des rapports de

 28   Mme Tabeau.

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  1   R.  J'ai besoin d'un coup de main. Je ne m'y retrouve pas.

  2   Q.  P 09837.

  3   R.  De quel rapport parlez-vous ?

  4   Q.  Sur les personnes tuées. Dites-nous, cette notion dans la langue serbe,

  5   "tué" et "mort" est-ce que c'est la même chose ? Est-il exact de dire qu'un

  6   soldat vient à être tué mais l'assassinat c'est tout à fait autre chose ?

  7   Q.  Oui, mais attendez, vous pouvez tuer dans un accident de la circulation

  8   aussi. Donc quand on parle de causes de décès, il y a causes violentes, et

  9   on fait la distinction, donc suite à violence, suite à accident, suite à

 10   assassinat, et cetera. Donc il y a une délimitation. Parce que toute mort

 11   violente ne sous-entend pas mort au combat. Vous avez dans les situations

 12   de guerre des gens qui sont morts dans des accidents.

 13   Q.  Dites-nous, est-ce que dans la partie qui parle des décès dans Mostar

 14   est, vous auriez trouvé s'il y a eu suicides, s'il y a eu morts dans un

 15   accident de la circulation, s'il y a eu décès suite à mauvaise manipulation

 16   d'armes ?

 17   R.  Le Dr Tabeau a établi un tableau avec 497 personnes. Je ne sais pas

 18   exactement, si vous le permettez je vais bien consulter le rapport --

 19   Q.  Allez-y, allez-y.

 20   Il s'agit du tableau numéro 16. En B/C/S, c'est la page 26 sur un total de

 21   32, et le tableau est le numéro 16.

 22   R.  Non, je ne parle pas du tableau dans le rapport. Je vous parle de la

 23   liste des personnes qui sont annotées comme étant décédées à l'état civil

 24   et il y a une liste de personnes qui ont été recensées dans le registre de

 25   l'hôpital de guerre. Dans l'hôpital de guerre, il y en a 474 de ces

 26   personnes; et selon l'état civil, je vais vous le dire tout de suite, 472.

 27   Quand vous vous pencher sur cette liste, vous pouvez tomber sur plusieurs

 28   individus tués du fait d'un accident de la circulation ou autre, et il y a

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  1   eu une personne à s'être suicidée. Je vous dis ça de mémoire. Je vais

  2   essayer de retrouver ici l'endroit où c'est écrit et je vais exactement

  3   vous dire de quelles personnes il est question.

  4   Q.  Madame Radovanovic, l'identité de cet individu m'importe peu

  5   maintenant.

  6   R.  Je viens de le retrouver. On dit, "Handzo, Gemmal, il est né en 1959,

  7   et il a péri à côté de Tekija dans un accident de la circulation," et il y

  8   a quelques individus dans ce cas de figure.

  9   Q.  Ouvrez, je vous prie, la page avec le tableau numéro 3, page 10 sur 32

 10   du rapport de Mme Tabeau portant sur les décès dans Mostar est.

 11   R.  J'ai retrouvé le tableau.

 12   Q.  Voilà ce que nous dit Mme Tabeau. On voit le tableau, et on voit pour

 13   Mostar : "Inconnu 135," on voit "389," "524"; puis on dit "Chiffre total…"

 14   --

 15   Ceci est un aperçu des cas par municipalités et en fonction de la

 16   pertinence pour le siège de Mostar est. Mme Tabeau nous dit, C'est

 17   pertinent pour le siège de Mostar est.

 18   Puis, en bas, on dit ce qui suit : "Le chiffre total pour la municipalité

 19   de Mostar se solde à 524 cas, et on voit les tableaux 3 et 4, dont," dit-

 20   elle, "seuls 373 cas répondent à l'exigence stricte de la pertinence vis-à-

 21   vis du siège de Mostar." Entre parenthèses : "C'est-à-dire, les cas de

 22   décès survenus dans Mostar est dans la période allant de mai 1993 à juin

 23   1994."

 24   Madame Radovanovic, quand quelqu'un vous dit de façon scientifique que

 25   c'est là un chiffre qui répond ou qui correspond à un principe scientifique

 26   strict, comment iriez-vous augmenter davantage le chiffre en question ? Et

 27   est-ce que l'augmentation de ce chiffre serait en réalité un jeu où on

 28   additionnerait des pommes, des poires, des souris, et que sais-je encore de

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  1   plus ?

  2   R.  Je n'irais pas augmenter, gonfler ce chiffre. L'explication elle-même

  3   nous dit qu'il y a toutes sortes de combinaisons et de spéculations en jeu.

  4   Parce que le fait que cela corresponde aux exigences strictes de la

  5   pertinence pour Mostar est, pour le siège de Mostar est, mais on ne sait

  6   pas ce que c'est que Mostar est, là j'ai l'impression que ce n'est

  7   déterminé qu'en fonction de la référence années prises en considération.

  8   Q.  Madame, prenez la page d'après, s'il vous plaît. Vous allez voir un

  9   tableau numéro 4 qui répète tout ceci, et Mme Tabeau répète encore : on

 10   voit 373 cas, je cite, notés dans Mostar est pendant l'état de siège, est

 11   considéré comme étant pertinent et valide pour les besoins de l'analyse des

 12   victimes du siège.

 13   Je vous prie de commenter.

 14   R.  Je n'ai pas de commentaire, Monsieur. Comment dirais-je ? C'est une

 15   position prise par Mme Tabeau, qui n'est pas basée sur la fiabilité des

 16   renseignements qu'on a. Si vous ne savez pas quel est le territoire que

 17   vous prenez en considération, si vous ne savez pas, enfin, comment voulez-

 18   vous que je commente ? C'est là aussi une spéculation, une spéculation

 19   statistique.

 20   Q.  Ça c'est un problème. Le deuxième des problèmes c'est celui-ci :

 21   lorsqu'elle a déterminé ce chiffre de 373, sans parler de soldats aux fins

 22   militaires ou quoi que ce soit d'autre, et quand on dit de ce chiffre que

 23   c'est pertinent et valide, comment viendriez-vous à l'idée de le gonfler,

 24   ce chiffre, et qu'advient-il de cette augmentation-là ?

 25   R.  On dit pertinent et valide, mais le Dr Tabeau a deux sources. L'une des

 26   sources c'est les registres de l'état civil, elle se penche dessus. L'autre

 27   source c'est l'hôpital militaire, l'hôpital de guerre. Elle combine les

 28   deux, Elle prend ceci de l'état civil et elle ajoute ceci de l'hôpital de

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  1   guerre. J'ai vu telle chose dans le document intitulé, "ABiH," et dans un

  2   autre document, Armée de Croatie. On additionne le tout et on obtient 529."

  3   Alors, quand vous vous penchez sur tous ces tableaux que vous avez ici, et

  4   quand vous vous penchez sur le tableau qui vous donne la somme totale qui

  5   se rapporte à la totalité des victimes, et où on dit que c'est 539, vous

  6   pouvez voir quelles sont les combinaisons auxquelles on a eu recours.

  7   Laissez-moi un instant que je retrouve le tableau, je vous prie. Il me

  8   semble que c'est le tableau numéro 1 mais je n'en suis pas trop sûre. Je

  9   l'ai annoté justement. Un instant, je vous prie, pour que je puisse vous

 10   montrer quelles sont les sources utilisées et que je vous dise aussi à quel

 11   point ces sources sont contradictoires.

 12   Voilà, c'est le tableau numéro 13. Il s'agit des constatations

 13   qui additionnent la totalité des renseignements. On voit un aperçu des

 14   décès par source, elle s'est penchée sur les registres d'état civil,

 15   l'hôpital de guerre. Sans entrer maintenant dans les considérations comme

 16   elle a fait pour prendre cela en considération. Elle fait la somme et elle

 17   dit 539 cas dont j'ai identifié 370 dans les registres d'état civil, et je

 18   les ai pris en considération. 134 que j'ai ajoutés du registre de l'hôpital

 19   de guerre, parce qu'il y en a 130 qui proviennent de ce registre de

 20   l'hôpital de guerre.

 21   Mais dans l'armée, au sein du document intitulé "Soldats qui ont péri dans

 22   les rangs de l'ABiH," et qui englobe tous les soldats de 1992 à 1995, elle

 23   en a trouvé 39. Elle ne les a pas trouvés dans les autres sources, mais les

 24   a trouvés en fonction des dates de décès, entre avril et mai, et elle les a

 25   additionnés en prenant cette source-là. Elle fait la somme.

 26   S'agissant de tous les tableaux qui sont donnés précédemment, avec tout le

 27   respect que je dois au Dr Tabeau, c'est en réalité une analyse de sources

 28   qu'elle décrit s'il advenait avec des "si", ça nous donne ce résultat qui

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  1   est la somme de toute une série de spéculations statistiques dans les

  2   parties antérieures.

  3   Q.  Merci. Madame Radovanovic, penchez-vous maintenant, je vous prie, sur

  4   le tableau numéro 5. On nous y dit : "Nombre de décès survenus suite à cet

  5   état de siège, recensés au registre de l'hôpital de Mostar." Dans votre

  6   science à vous, et notamment dans la sociologie et ce qu'on appelle la

  7   psychologie sociologique, il y a une catégorie qu'on nomme de corrélation.

  8   On établit une correspondance entre deux éléments. Vous connaissez cela ?

  9   R.  Bien sûr.

 10   Q.  D'après ce que vous en savez, Madame, l'existence d'une corrélation,

 11   est-ce qu'on peut, en parlant de corrélation, établir une relation de cause

 12   à effet entre l'un et l'autre ?

 13   R.  Vous, vous élevez cela à un niveau scientifique. Il n'y a rien de tout

 14   ceci ici. Il n'y a aucune corrélation. On dit : "J'ai additionné ici tant,

 15   ici j'ai trouvé tant, et je vais vous montrer ce que j'ai trouvé dans ces

 16   sources." Mais on n'étudie pas.

 17   Q.  Je vais faire une supposition en plus. Partons d'une hypothèse,

 18   imaginons que nous acceptions ce type de chiffres avancés par Mme Tabeau,

 19   est-il admissible de dire que c'est là la conséquence d'un état de siège ?

 20   C'est une donnée variable. Où se trouve la corrélation, si corrélation il y

 21   a ? Peut-on qualifier cela de cause sans pour autant analyser chacun des

 22   cas de figure à titre

 23   individuel ?

 24   R.  Aucune corrélation, si on ne connaît pas la cause, ne saurait être

 25   qualifiée de cause. Si vous ne le savez pas, je ne sais pas ce que l'on

 26   entend par état de siège. Peut-être le Dr Tabeau le sait-elle, mais elle ne

 27   nous donne pas de définition. Peut-être aurait-elle dû argumenter les

 28   degrés de corrélation qu'il y aurait eu avec cet état de siège.

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  1   Q.  Dans ce cas de figure, on devrait savoir - chose qu'on ne sait pas -

  2   qui est-ce qui a tiré, de quel côté a-t-on tiré, vers quoi a-t-on tiré,

  3   est-ce que ce qu'on avait ciblé était une cible militaire ou civile. Est-ce

  4   qu'on a photographié, documenté, soumis à une procédure pour déterminer la

  5   cause suivant une méthodologie générale de la recherche des causes pour

  6   établir une corrélation possible ?

  7   R.  Je vous ai parlé des trois démarches méthodologiques où le Dr Tabeau a

  8   commis des erreurs. La troisième de ces démarches, c'est le principe de

  9   causalité, de cause à effet. Parce que si l'on cherche à déterminer les

 10   causes, il faut chercher quelles sont les causes et quels sont les effets.

 11   Si vous ne connaissez pas l'un, vous ne pouvez pas connaître l'autre non

 12   plus.

 13   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Juge, combien de temps ai-

 14   je encore à ma disposition ?

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dû utiliser une heure et six minutes, donc

 16   il doit vous rester quatre minutes maximum, puisque hier vous nous avez dit

 17   que vous aviez besoin d'une heure et dix minutes.

 18   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Bien.

 19   Q.  J'aimerais revenir une fois de plus à ce tableau que vous avez examiné

 20   hier, Madame Radovanovic. Il s'agit du tableau - juste un instant. Où l'ai-

 21   je mis ? Tableau 16. C'est celui-là qu'on avait examiné. C'est là encore

 22   que j'aimerais que nous revenions en quelque temps. Pardon ? C'est le même

 23   document, tableau 16, page 26 sur 32 dans votre --

 24   R.  J'ai retrouvé.

 25   Q.  Une fois de plus, au point 4, on dit causes de décès des victimes du

 26   siège, donc il n'y a aucune contestation sur le fait d'affirmer que toutes

 27   ces victimes sont les victimes d'un état de siège. On dit répartition des

 28   victimes par cause de décès, et vous avez constaté vous-même hier, Madame,

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  1   que suite à pilonnage, il y en a eu 76; qu'il y en a 34 de tués, on ne sait

  2   pas comment ils ont été tués; par armes à feu, 18; blessures, 6;

  3   assassinée, une personne.

  4   Parce que "tués" et "assassinés," il y a -- ici, c'est un assassiné et là

  5   où ils ont été tués, enfin --

  6   R.  Je ne sais pas ce que l'on avait voulu dire par cela. Dans notre

  7   langue, tuer, c'est tuer. Je ne sais pas ce qu'on entend par "assassiner"

  8   et "tuer", quelle est la distinction. Mais --

  9   Q.  On a fait la somme hier, et on a vu qu'il y a 135 au total, en lettres

 10   et en chiffres, ensuite, Mme Tabeau nous dit, je cite :

 11   "Il est clair qu'un grand nombre de cas de décès a été enregistré de façon

 12   à ce qu'il n'y ait pas eu d'indiquer quelle est la cause du décès (404)."

 13   J'ajouterais que les médecins n'ont rien mentionné parce que ce sont des

 14   ignorants qui n'ont pas su nous dire qui est mort suite au pilonnage ou à

 15   autre chose.

 16   "Alors cela nous signifie que les causes inconnues n'étaient pas en

 17   corrélation avec l'état de siège."

 18   Mais pour l'amour du ciel, Madame Radovanovic, mon cerveau est allé au

 19   champ, au pâturage avec Mme Tabeau. Est-ce que vous comprenez ce qu'elle

 20   écrit ici et ce qu'elle veut dire ?

 21   R.  Mme Tabeau est en train d'essayer de se perdre en conjectures.

 22   Mme WEST : [interprétation] Il s'agit de spéculations. Cela n'est pas

 23   acceptable.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez terminé ?

 25   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Presque.

 26   Q.  Maintenant, Mme Tabeau dit : "J'ai une somme de 135. Ça ne me suffit

 27   pas." Puis elle dit, probablement, c'est le cas, ça ne veut pas dire que ce

 28   n'est pas le cas. Si ça ne veut pas dire que ce n'est pas le cas, alors

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  1   peut-être c'est le cas. Puis après, elle dit : "Sur la base de la

  2   supposition" selon laquelle les causes inconnues seraient réparties de la

  3   même manière que les causes bien déterminées, l'on a procédé aux

  4   évaluations plus complètes qui sont présentées dans le tableau numéro 6.

  5   Maintenant, Madame Radovanovic, dites-nous, quelles sont les suppositions

  6   qui doivent exister dans la science pour vous permettre de passer d'une

  7   somme moindre à une somme plus élevée, en disant que votre procédé est

  8   approprié sur le plan scientifique ?

  9   R.  Je ne sais pas quelles sont de telles suppositions dans la

 10   science.

 11   Q.  Je vais vous dire, dans la physique, dans cette science-là, nous

 12   pouvons dire que l'univers est amorphe. Ensuite, on peut dire si, dans un

 13   espace, nous avons la matière qui prend un tel espace alors que l'univers

 14   est amorphe, ça veut dire que nos calculs effectués sur un espace plus

 15   restreint, nous pouvons le transférer à l'univers de façon qu'il est

 16   amorphe. Etes-vous d'accord ?

 17   R.  Oui, je suis d'accord, même si je ne m'y connais pas tellement en

 18   physique.

 19   Q.  Mais ici, est-ce qu'on peut parler ainsi ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Merci, Madame Radovanovic.

 22   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] J'ai terminé.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire la pause de 20 minutes, et après

 24   la pause, Me Alaburic aura la parole pour le contre-interrogatoire.

 25   --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.

 26   --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. Je crois que

 28   M. Stringer voulait intervenir.

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  1   M. STRINGER : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

  2   Bonjour, Messieurs les Juges et Maîtres.

  3   Une petite requête, si vous me le permettez. On m'a dit que nous avons

  4   quelque 138 documents, pièces, que les différentes équipes de la Défense

  5   souhaitent verser au dossier par le truchement du précédent témoin, M.

  6   Tomic et dans les listes IC qui ont été déposées, les différentes listes.

  7   Il y a une liste qui a été versée hier après-midi, au début du procès,

  8   comme cela est requis, mais puisqu'il y a un grand volume de documents et

  9   que les choses bougent très vite, nous demandons d'avoir un peu plus de

 10   temps jusqu'à demain matin afin que le Procureur dépose sa réponse aux

 11   documents qui ont été versés par la Défense.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre qui vient de délibérer fait droit à

 14   votre demande dans la mesure où il y aurait 138 documents; ça nécessite un

 15   examen et nous vous accordons donc  jusqu'à demain le délai de réponse.

 16   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, je vous donne la parole.

 18   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame Radovanovic

 19   et toutes les autres personnes présentes, je vous salue. Je vais tout

 20   d'abord me présenter.

 21   Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :

 22   Q.  [interprétation] Je suis Vesna Alaburic, avocate de Zagreb et je

 23   représente dans cette affaire le général Milivoj Petkovic. Je ne vais pas

 24   vous poser de problèmes lors de cet interrogatoire, car comme on le sait

 25   que pour la plupart des juristes en ex-Yougoslavie, on avait toujours du

 26   mal à passer l'examen de la statistique, on a du mal à se retrouver dans

 27   les chiffres, mais j'espère que vous pourrez m'aider à clarifier un certain

 28   nombre de détails.

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  1   Tout d'abord, je souhaite vous poser une question concernant les causes de

  2   décès telles qu'elles ont été présentées dans le registre de l'hôpital de

  3   guerre. Je vais vous rappeler la constatation de Mme Tabeau qui dit que

  4   s'agissant des registres de l'hôpital, s'agissant de 44, 4 % des cas, la

  5   cause du décès n'est pas connue. Il s'agissait au total de 209 sur 472

  6   personnes. Mme Tabeau a conclu que les causes inconnues de l'hôpital de

  7   guerre portent surtout sur des personnes tuées.

  8   Sur la base de cette constatation du rapport d'expert, M. Le Président

  9   Antonetti a demandé au témoin expert sur la base de quoi elle est arrivée à

 10   la conclusion indiquant que les causes de décès inconnues pourraient être

 11   traitées comme morts violentes. Mme Tabeau a répondu en disant que

 12   l'hôpital de guerre n'était pas un hôpital régulier dans lequel les

 13   personnes malades d'autres maladies étaient soignées aussi, qu'il

 14   s'agissait par contre de l'hôpital de guerre où l'on soignait les victimes

 15   des opérations de combat.

 16   Ensuite, le Juge Antonetti a posé une question concernant le traitement des

 17   civils car nous étions déjà au courant d'une femme enceinte qui avait été

 18   amenée à l'hôpital, le 9 mai 1993. Ewa Tabeau a dit que s'agissant de la

 19   plupart des causes de décès, ces causes-là n'ont pas été énoncées, mais

 20   qu'elle avait des raisons justifiées de considérer qu'il s'agissait de

 21   morts violentes et de victimes du siège. Tout ce que j'ai cité se trouve à

 22   la page 21 872 et 21 873 du compte rendu d'audience.

 23   Dites-moi, Madame Radovanovic, en analysant le rapport d'expert de Mme

 24   Tabeau, avez-vous remarqué que s'agissant de toutes les causes de décès

 25   énoncées dans les registres de l'hôpital de guerre à Mostar Est, elle les

 26   traite comme morts violentes ?

 27   R.  Oui. Elle le souligne même en disant qu'il s'agit exclusivement de

 28   morts violentes et que ces morts ont été exclusivement provoquées par les

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  1   opérations de guerre. Même si j'ai essayé de démontrer par le biais d'un

  2   certain nombre d'exemples de tableaux et la liste des personnes présentée

  3   par Mme Tabeau et que j'ai retrouvée moi-même dans le département

  4   démographique, vous pouvez trouver plusieurs décès qui n'ont rien à voir,

  5   accident de voiture, suicide par exemple. J'ai cité certains de ces

  6   exemples dans mon rapport. Donc, je ne vois pas quelle est la raison

  7   justifiée de la part de Mme Tabeau pour qu'elle dise dans son rapport qu'il

  8   s'agit de toutes les causes de décès qui étaient liées au siège, elle ne le

  9   précise pas dans son rapport.

 10   Q.  Je vais maintenant faire référence au Dr Rajko qui a déposé. Et pendant

 11   la guerre il travaillait en tant que médecin à l'hôpital de guerre à Mostar

 12   est. Or, il a dit que dans l'hôpital de guerre, on traitait de tous les cas

 13   chirurgicaux, qu'il s'agisse des inflammations intestinales ou des hernies

 14   ou d'autres problèmes. Ceci figure à la page 12 911 du compte rendu

 15   d'audience.

 16   Une autre déclaration importante porte sur le registre même de

 17   l'hôpital de guerre. Il est dit que jusqu'au 15 juin 1993, il y avait un

 18   registre unique des malades à la fois de guerre et d'autres, et que ce

 19   jour-là un nouveau registre a été créé pour les victimes des opérations de

 20   guerre et que dans les anciens registres, on a continué à enregistrer les

 21   cas dits de temps de paix. Ceci est enregistré à la page 12 934 du compte

 22   rendu d'audience.

 23   Dites-moi, Madame le Professeur Radovanovic, est-ce que sur la base d'une

 24   telle déclaration d'un docteur qui travaille à l'hôpital, un expert tel que

 25   vous aurait pu conclure que les registres de l'hôpital de guerre comportent

 26   des données à la fois sur des cas de temps de guerre et de temps de paix,

 27   pour ainsi dire, ou est-ce que les conclusions seraient différentes ?

 28   R.  Si la personne avait eu accès à cette déclaration, certainement, elle

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  1   aurait conclu qu'il s'agit de deux types de situations différentes.

  2   Q.  Est-ce qu'il serait justifié de conclure que si Mme Tabeau avait

  3   disposé de cette information concernant le contenu du registre de l'hôpital

  4   de guerre, qu'il serait difficile d'imaginer qu'elle aurait négligé ces

  5   données concernant les cas de temps de paix et qu'elle aurait traité tous

  6   les cas comme provoqués par des causes violentes ?

  7   R.  Je ne sais pas quelles sont les autres sources qu'elle a utilisées car

  8   Mme Tabeau ne l'indique pas dans son rapport, mais elle note qu'elle

  9   considère qu'elle a pris en considération seulement les cas de l'hôpital de

 10   guerre qui étaient le résultat du siège. Donc j'assume que peut-être elle a

 11   pu examiner tous ces documents et que si elle avait pu le faire, que son

 12   opinion aurait été différente. Mais c'est simplement mon opinion. Je ne

 13   peux pas savoir exactement ce que Mme Tabeau avait fait.

 14   Q.  Je vais maintenant vous poser une question au sujet de la répartition

 15   des causes de décès inconnues. Vous avez déjà déposé à ce sujet, c'était

 16   tout à fait clair. Mais dans ce contexte, je souhaite attirer votre

 17   attention sur le fait suivant : dans le rapport d'expert de Mme Ewa Tabeau,

 18   il s'agit du document P 9837 - ça fait partie des documents de la Défense

 19   Prlic - au paragraphe 23, il est question des registres de décès et il y

 20   est noté que sur les 1 387 cas de décès, on connaît la cause de décès

 21   s'agissant de 132.

 22   Donc sur les 1 383 cas, 132 cas de décès sont connus dont 89 sont des

 23   décès violents et 37 décès naturels. Si ces chiffres se transforment en

 24   pourcentage, nous pouvons conclure que 28 % de causes de décès connues

 25   étaient les causes naturelles.

 26   Dites-nous, Madame le Professeur Radovanovic, est-ce que le pourcentage de

 27   28 % est une valeur pertinente statistiquement ?

 28   R.  Par rapport à quoi ?

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  1   Q.  Par rapport à 100 %.

  2   R.  Je ne saurais vous répondre avec précision. Il s'agit ici de 1 383 cas

  3   tirés de dix registres de décès concernant certains territoires. Dans ces

  4   registres de l'état civil, il est question aussi de personnes qui ont

  5   trouvé la mort à Vienne, mais elles sont enregistrées dans la région dont

  6   elles étaient issues. Maintenant, quant à la question de savoir si 28 % par

  7   rapport à ces dix registres est un pourcentage pertinent, je ne saurais

  8   vraiment pas le dire car il faut prendre en considération la totalité de

  9   quelque chose.

 10   Q.  Je vais vous reposer cette question. Mais avant, je vais vous poser une

 11   autre question. Nous allons -- enfin, Mme Tabeau continue à analyser les

 12   causes du décès et elle décide de faire en sorte que toutes les causes

 13   naturelles des décès provoqués par des accidents ou des suicides, elle

 14   décide de les exclure du reste de ses données et elle ne s'est plus penchée

 15   là-dessus. Autrement dit, elle a négligé au moins 28 % de causes de décès

 16   connues comme quelque chose qui aurait pu être pertinent pour son analyse.

 17   Or, il s'agissait de causes de décès connues.

 18   Ainsi, en éliminant les causes naturelles du décès, elle a élevé le

 19   pourcentage de causes de décès violents dans les cas dans lesquels les

 20   causes de décès sont connues, n'est-ce pas ?

 21   R.  La position de Mme Tabeau est que pendant le siège de Mostar, il n'y a

 22   pas eu de causes de décès naturelles et elle s'est penchée exclusivement

 23   sur les causes violentes. Bien sûr, il ne s'agit pas d'une approche

 24   compréhensive, ni professionnellement appropriée.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Peut-être vouliez-vous dire la même

 26   chose, Maître Alaburic. Mais je vois, au paragraphe 2.3, à la page 5 de la

 27   version anglaise du rapport de Mme Tabeau, qu'elle parle des causes

 28   naturelles, "(37)," et qui est la deuxième cause. Manifestement, elle avait

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  1   conscience du fait qu'il s'agissait de causes naturelles de décès. Me

  2   Alaburic a présenté sa question en laissant entendre que ces morts-là ont

  3   été mises de côté, mais elle en prend bien note, elle en a conscience. Quel

  4   est l'effet de cela, je pense que c'était le sens de votre question,

  5   Madame, si je vous ai bien interprété.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, avec votre permission, je

  7   vais poser juste une autre question et on comprendra pourquoi il m'importe

  8   de traiter de l'élimination des causes naturelles de décès.

  9   Q.  Il ne fait aucun doute que Mme Tabeau a été au courant des cas de décès

 10   pour causes naturelles. Nous voyons qu'elle a éliminé de tels cas dans la

 11   suite de son analyse et se penchait seulement sur les causes de décès

 12   violentes. Ainsi le pourcentage des causes de décès violentes a été

 13   augmenté puisqu'elle a éliminé les causes naturelles.

 14   Maintenant, voyons ce qui se passe lorsque s'agissant de 404 cas de décès

 15   dont les causes sont inconnues sont répartis de façon proportionnelle aux

 16   causes connues.

 17   Dites-nous, est-ce que parmi les critères de la répartition, nous avons --

 18   si on avait, par exemple, dans cette répartition, pris en compte aussi

 19   environ 30 % de causes connues, est-ce que si on élimine les causes

 20   naturelles de décès, le pourcentage changerait ?

 21   R.  Je dois d'abord écarter une mauvaise conception, une confusion ici.

 22   Le Dr Tabeau dit que sur la base des dix registres de décès, il existe des

 23   causes naturelles et violentes. Elle dit : "Mais je ne vais pas me pencher

 24   sur les causes naturelles, mais seulement sur les causes violentes," et

 25   ainsi les causes violentes commencent à faire 100 %. Or, ce n'est pas une

 26   approche complète. Elle pourrait donner le nombre total des décès en

 27   disant, voilà le nombre de causes naturelles et de causes violentes. Or, un

 28   expert a le droit de le faire. Peut-être ce n'est pas tout à fait

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  1   approprié, mais elle peut le faire.

  2   Justement, dans le tableau 16, elle indique un tableau portant

  3   seulement sur les causes violentes de décès, cependant je ne sais pas quel

  4   est le critère qu'elle applique s'agissant de toutes les causes de décès

  5   inconnues, elle les considère comme causes violentes. Je suppose que c'est

  6   en raison du fait que c'est la guerre et tout ce qui est inconnu, elle

  7   considère que ça doit être violent. Lorsqu'elle extrait de la totalité des

  8   décès seulement les décès violents, elle crée un autre groupe dont la base

  9   numérique est moindre. Bien sûr, sur cette base numérique moindre, vous

 10   allez tirer un certain nombre de pourcentages.

 11   Or, si dans ce groupe elle avait inclus les 137, ou je ne sais pas

 12   exactement combien, 137 des autres, le total n'aurait plus été 539 mais 639

 13   ou plus. Dans ce cas-là, elle aurait dit, sur ces 600 et quelques, 50 %

 14   sont morts de causes inconnues, 10 % de causes naturelles, 3 % de

 15   pilonnage, et cetera. Lorsqu'elle divise ce groupe et lorsqu'elle classifie

 16   les causes inconnues comme morts violentes, nous avons alors une autre

 17   série de suppositions, et un groupe différent que le Dr Tabeau déclare être

 18   le groupe de décès violents.

 19   Pourquoi est-ce qu'elle le dit ? Je ne sais pas, elle ne l'indique pas,

 20   mais je souhaite souligner qu'elle a le droit de créer un groupe séparé si

 21   elle souhaite l'étudier, mais je pense qu'il serait approprié de présenter

 22   les chiffres portant sur la mortalité totale sur la base du registre de

 23   décès et la mortalité attribuée aux causes violentes.

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]

 25   Mme ALABURIC : [interprétation]

 26   Q.  Professeur Radovanovic, je souhaite que l'on corrige une erreur de

 27   compte rendu d'audience. Il s'agit de la page 44, lignes 13 à 14, il est

 28   écrit, Madame Radovanovic, que vous avez dit : "Je ne vais pas me pencher

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  1   sur les décès violents," or je pense que vous avez dit sous forme

  2   affirmative : "Je vais me pencher uniquement sur les décès violents."

  3   N'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Ce que vous venez de nous dire de façon détaillée - et je pense que

  6   tout le monde a compris, et c'est d'ailleurs la réponse à ma question, je

  7   m'attendais à une telle réponse de votre part - mais si maintenant nous

  8   souhaitions dire quelque chose de façon très simple, à savoir si les causes

  9   naturelles faisaient partie du tableau 16, dans ce cas-là, à la catégorie

 10   des causes naturelles, dans ce cas-là, le nombre total des décès aurait été

 11   plus élevé, mais aussi la proportion des causes inconnues aurait diminué ?

 12   R.  Toutes les proportions auraient été différentes.

 13   Q.  [aucune interprétation]

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi.

 15   Madame Radovanovic, vous doutez de l'hypothèse de l'expert, le Pr Tabeau,

 16   du fait que ces morts inconnues signifient nécessairement des morts

 17   violentes. Est-ce que vous prenez en compte le fait qu'au départ elle avait

 18   37 cas qu'elle estimait être des cas de morts naturelles, j'imagine les cas

 19   de maladie, de septicémie, qui s'étaient produites lors d'opérations

 20   chirurgicales, et cetera. Ne pensez-vous pas qu'il est naturel de conclure

 21   que puisque cela a déjà été éliminé, les autres décès sont des morts

 22   violentes ou, pour le moins, des décès non naturels, sans évidemment entrer

 23   dans les causes du décès qui peuvent être imputables à des accidents par

 24   ailleurs, suicides ou autres ?

 25   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, avec votre permission, je

 26   souhaite attirer mon attention sur le chiffre 37. Mme Tabeau dispose d'une

 27   donnée tout à fait précise, indiquant que 89 personnes sont mortes de façon

 28   violente. Donc elle connaît les causes de décès pour 132 personnes. Ceci

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  1   figure au paragraphe 23 de son rapport d'expert. S'agissant de 132 cas,

  2   elle connaît les causes de décès; 89 morts violentes, donc 67 %; et morts

  3   naturelles, 37, autrement dit 28 %.

  4   Nous ne pouvons pas tirer la conclusion qu'entre le chiffre de 37 et le

  5   nombre total de 1330 -- 1383 personnes décédées, nous pouvons dire que dans

  6   tous ces cas-là il s'agit d'une mort violente. Il s'agit du chiffre 1383,

  7   et non pas de 1330. Les données connues sont 37 et 89.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je dois répondre au Juge Trechsel ?

  9   Mme ALABURIC : [interprétation] Si vous avez besoin des explications,

 10   allez-y.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, en effet, je crois.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Cause de décès inconnue, comme le dit son nom,

 13   ça veut dire qu'on ne sait pas quelle est la cause. Si vous ne savez pas

 14   quelle est la cause d'un décès, vous ne savez pas s'il s'agit d'une mort

 15   naturelle ou d'une mort violente. En d'autres termes, il y a deux

 16   possibilités pour ce qui est de parler d'une cause inconnue d'un décès.

 17   D'un, c'est d'abord qu'il n'y ait pas de renseignement, on laisse un blanc,

 18   il n'y a pas de diagnostic, il n'y a rien. Deuxièmement, c'est quand vous

 19   avez dans la statistique ou la démographie statistique quelle est la chose

 20   que l'on pratique. Vous pouvez souffrir d'une maladie, si je puis le dire,

 21   mais que la cause du décès soit une autre maladie, une maladie tout autre.

 22   A Dieu ne plaise, je peux aller à l'hôpital pour le fait d'avoir un

 23   carcinome, et je peux mourir dans le courant de la nuit parce que j'ai eu

 24   un infarctus. Dans les causes du décès, on dira que la cause du décès c'est

 25   "l'infarctus du myocarde," et que ce qui a aidé à la cause, c'est tout à

 26   fait autre chose. Donc pour ce qui est des causes de décès, il y a un

 27   certificat de décès qui est délivré par un médecin légiste qui ne fait que

 28   ça. Il se renseigne pour savoir de quoi il a souffert, le patient, dans

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  1   quelles mesures ça a pu influer sur la cause, et, au final, il inscrit

  2   quelle est la cause véritable du décès.

  3   Mais dans des situations normales, un médecin, et j'imagine qu'en cas de

  4   guerre on n'est pas encore tout à fait certain, on a pu être blessé, on a

  5   pu être opéré, et que l'opération soit réussie ou pas, mais si on n'est pas

  6   sûr de la cause du décès, très souvent on dit "cause inconnue." S'agissant

  7   de la catégorie causes de décès inconnue, on ne peut pas supposer qu'il

  8   s'agit seulement d'une cause de décès morts violentes.

  9   Il peut y avoir des causes très variées. Il peut y avoir conséquence d'une

 10   situation déterminée. Il peut y avoir, par exemple, une blessure qui s'est

 11   infectée parce que les conditions à l'hôpital sont mauvaises. Donc la cause

 12   ce n'est pas la blessure à l'épaule ou à la jambe. Mais s'il y a infection

 13   et qu'il y a infection et septicémie, c'est ça la cause.

 14   Etant donné que nous avons un registre de cet hôpital de guerre, je ne sais

 15   pas qui est-ce qui a, là-bas, inscrit les causes de décès au niveau de cet

 16   hôpital de guerre.

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'en suis parfaitement conscient.

 18   Peut-être que ce qui se pose ici comme problème, c'est un problème de

 19   terminologie. Tout ce que vous venez de dire, vous venez de parler d'arrêt

 20   cardiaque, pour moi, tout ça, ça relève de "causes naturelles," de morts

 21   naturelles, et nous n'avons aucun moyen de déterminer quels étaient les

 22   critères. Etes-vous d'accord pour dire qu'au fond tout ceci est bien vague

 23   ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, notamment pour ce qui est de ce registre

 25   de l'hôpital de guerre.

 26   Mme ALABURIC : [interprétation]

 27   Q.  Professeur Radovanovic, vous avez essayé de nous expliquer de quelle

 28   façon l'expertise d'Ewa Tabeau n'est pas en réalité une expertise, mais la

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  1   présentation de ses propres bases de données et de ses propres conclusions.

  2   Si je vous ai bien comprise, vous estimez qu'il ne s'agit pas là d'une

  3   analyse, parce qu'il n'a pas été donné de comparaison avec autre chose, par

  4   exemple, le renseignement concernant le nombre total de victimes, à savoir

  5   539, ça ne signifie pas grand-chose si on ne sait pas quel est le

  6   pourcentage que cela constitue vis-à-vis de la population sur le territoire

  7   de Mostar est.

  8   Vous ai-je bien comprise, pour ce qui est de l'appréciation générale que

  9   vous avez énoncée au sujet du travail effectué par l'expert du bureau du

 10   Procureur ?

 11   R.  Oui, vous avez bien compris. Je tiens à souligner le fait aussi que le

 12   Dr Tabeau, dans sa deuxième expertise, ça n'est pas qualifié d'analyse

 13   statistique ou démographique de la mortalité suite au siège de Mostar, quoi

 14   que cela veuille bien vouloir nous dire. On dit qu'il s'agit là d'une

 15   analyse des registres de l'état civil des décès et de ce registre de

 16   l'hôpital de guerre.

 17   Q.  Bien. Pour ce qui est de cette deuxième analyse de faite par l'expert

 18   Tabeau, on constate que parmi les victimes de ce siège, on ne va pas parler

 19   de la notion de "siège" maintenant, mais on dit qu'il y a eu 49,5 % de

 20   civils et 50,5 % de militaires.

 21   Nous savons tous comment Ewa Tabeau a déterminé le statut de militaire.

 22   Mais j'attire votre attention sur le fait que pendant l'audition de Mme

 23   Tabeau, le Juge Antonetti a posé une question qui, de l'avis de la Défense

 24   du général Petkovic, se trouve être très importante, à savoir le fait de

 25   savoir s'il a été procédé à une analyse des données disponibles en

 26   application du critère de l'âge de la population masculine, parce que l'on

 27   sait que la réglementation régissant la défense en ex-Yougoslavie et dans

 28   tous les pays de cette ex-Yougoslavie prescrivait ou disait que les hommes

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  1   aptes au combat étaient des hommes de 16 à 60 ans et qui, dans cette zone

  2   d'âge, avaient des obligations déterminées pour ce qui est de savoir s'ils

  3   étaient présents ou s'ils avaient quitté le territoire du pays ou s'ils

  4   étaient actifs sur le plan militaire.

  5   Ce renseignement concernant l'âge des hommes, cet éventail de 16 à 60 ans,

  6   est-ce que c'est une chose dont vous avez connaissance en votre qualité de

  7   citoyen de cette ex-Yougoslavie ?

  8   R.  Le renseignement qui peut être sorti ou tiré du recensement de la

  9   population peut vous indiquer combien d'hommes il y a d'âge untel à âge

 10   untel. On peut parler de cette catégorie d'âge d'hommes aptes à être

 11   emmenés au combat. Mais vous n'avez pas la définition de Mostar est, vous

 12   ne savez pas combien d'habitants cela sous-entend, vous n'avez pas le

 13   nombre d'hommes, vous ne savez pas combien il y en a en âge d'aller au

 14   combat.

 15   Donc ça pose une série de problèmes. Ce n'est pas une analyse.

 16   Q.  Je suis bien d'accord avec vous. Je vous propose, indépendamment de

 17   toutes ces lacunes, lacunes au niveau de l'analyse effectuée par l'expert

 18   Tabeau, pour ce qui est de cette donnée de 539 victimes, acceptons-la,

 19   acceptons ses renseignements concernant les âges et le sexe des victimes,

 20   pour ce qui est indiqué dans ce tableau numéro 18. Je vous demanderais de

 21   procéder ensemble, partant des documents qui sont déjà versés au dossier

 22   dans cette affaire en guise d'éléments de preuve, de procéder à une

 23   simulation pour ce qui est de la part des victimes dans la population,

 24   s'agissant du même sexe, du même âge, pour tenter de voir dans quelle

 25   proportion on se situerait pour ce qui est des victimes.

 26   Mme ALABURIC : [interprétation] Je vais me référer à un document qui figure

 27   dans mon jeu de documents. C'est un document qui est sous pli scellé. Je ne

 28   sais pas, Monsieur le Juge Antonetti, si pour cette raison-là il nous

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  1   faudrait passer à huis clos partiel ou si on ne va pas diffuser la teneur

  2   de ce document à l'extérieur. Bien. On ne va pas le diffuser au niveau de

  3   l'affichage électronique.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Faites vite, parce que vous avez déjà utilisé votre

  5   temps.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous demanderais

  7   de me permettre de procéder à ces petites simulations et tout le temps

  8   excédentaire n'a qu'à être pris sur le décompte du temps de Défense du

  9   général Petkovic dans l'ensemble.

 10   Cette simulation figure dans mon classeur, qui est le tout dernier document

 11   sans annotation aucune, sans numéro aucun, car il ne s'agit pas d'un

 12   élément de preuve, d'une pièce à conviction. Mais je demanderais à ce que

 13   l'huissier place ceci sur le rétroprojecteur afin que tous les autres dans

 14   le prétoire puissent suivre ce que je voudrais dire.

 15   J'ai dit qu'il s'agissait d'un document sous pli scellé --

 16   Mme WEST : [interprétation] Désolée de faire objection.

 17   Je comprends que ce document était sous pli scellé, et je m'interroge, est-

 18   ce qu'il n'est pas préférable de passer à huis clos.

 19   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant que vous ne

 20   décidiez, je tiens à dire que s'agissant de ce document, je ne voudrais

 21   utiliser qu'une seule page, qui se trouve être la

 22   page 7.

 23   Donnez-moi un instant, je vous prie. Page 7 --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic, il suffit de dire qu'à la page 7

 25   d'un document dont vous n'indiquez pas la provenance, il est mentionné tel

 26   et tel chiffre statistique, et à ce moment-là vous posez voter question.

 27   Par ailleurs, ce document, le greffe ne le met pas sur le système vidéo

 28   extérieur, donc on ne le verra pas.

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  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Il s'agit du P 09851. La page que je me

  2   propose d'utiliser en version B/C/S est la page 7; et en version anglaise,

  3   je vous donne le numéro ERN qui se trouve en haut à droite, 137 344. Je

  4   vais me servir uniquement de ce tableau-là.

  5   On y voit un autre document qui porte le 4D 01277, avec des renseignements

  6   sur la structure par sexe et par âge de la population de la Bosnie-

  7   Herzégovine en application de ce recensement de 1991. Nous allons nous

  8   servir de ces données-là, et je répète le numéro du document pour ce qui

  9   est de la version anglaise. Je rectifie le 4D. Il s'agit du 1277, avais-je

 10   dit. Toutes les données pertinentes figurent dans ce document qui nous est

 11   placé sur notre rétroprojecteur.

 12   Pour ce qui est de ce document, page 7, avec le numéro ERN que j'ai

 13   indiqué, il y a certaines agglomérations de la municipalité de Mostar. Pour

 14   les besoins de l'analyse que nous allons effectuer, je vais exclure les

 15   agglomérations 8, 9, 10, 11 et 12 parce qu'il ne s'agit pas de Mostar est

 16   dans le sens restreint du terme, à savoir de la ville de Mostar est.

 17   Et je me propose de me référer aux données qui nous seront données

 18   par la somme des agglomérations 1 à 7. Si nous additionnons la population

 19   autochtone et les personnes déplacées, on verra que dans Mostar est, il y a

 20   eu 10 161 personnes du cru et 17 066 personnes déplacées. Ce qui donne un

 21   total de 27 227 personnes. Le chiffre de 55 000 se rapporte à la

 22   municipalité de Mostar en entier.

 23   Pour ce qui est des personnes déplacées, je me propose d'utiliser des

 24   affirmations figurant dans ce même document, paragraphe 2.10, disant que

 25   dans la plupart des cas, il s'agissait de familles de prisonniers ou de

 26   petits groupes de prisonniers relâchés des tensions, à savoir des personnes

 27   notamment âgées et en état physique ou condition physique plutôt mauvaise.

 28   Partant de cette constatation, je vais prendre 17 066 personnes déplacées

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  1   comme étant une donnée se rapportant aux femmes, enfants et personnes âgées

  2   de plus de 65 ans.

  3   Au document 4D 1277, on peut voir quelle est la structure de la

  4   population BH, et ce, en fonction des âges et des sexes. Et sur la

  5   population totale de 4 377 033, les hommes en âge de combattre sont

  6   4 377 033 au total.

  7   Et les hommes en âge de combattre entre 15 et 64 ans au nombre de 1

  8   500 373, 500 333, disais-je, 1 500 373, ce qui nous donne 34 %. Lorsque

  9   vous prenez ces 34 % et lorsque vous les transposez sur les données et vers

 10   les données de la population de Mostar est, lorsque l'on va chercher 34 %

 11   sur 10 161, il découle le fait qu'à Mostar est, il y avait 3 455 hommes en

 12   âge de combattre et que le reste de la population du cru aux côtés des

 13   personnes déplacées fait 23 772 personnes.

 14   Si ces chiffres absolus on les transpose en pourcentage, ils nous

 15   donnent ce qui suit : hommes en âge de combattre, 12, 69 % et le reste de

 16   la population était au nombre de 87, 31 %.

 17   Si cette structure-là de la population est placée en corrélation avec

 18   les victimes, et les victimes ont été au nombre de 539, d'après les donnée

 19   de l'expert Tabeau, parmi ces victimes, les hommes en âge de combattre

 20   seraient au nombre de 375, alors que les autres seraient au nombre de 164;

 21   375, disais-je, c'était ces hommes en âge de combattre et les autres

 22   étaient au nombre 164.

 23   Si nous essayons de déterminer la part des victimes dans la

 24   population du même type, à savoir la part des victimes hommes en âge de

 25   combattre dans la population totale des hommes en âge de combattre, il

 26   découle que 10, 85 % de cette population se trouvait être des victimes et

 27   que dans le reste de cette population, 0,69 % étaient des victimes.

 28   Si maintenant nous établissons une corrélation entre ces

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  1   pourcentages-là pour ce qui est du ratio relatif, il découle que les hommes

  2   en âge de combattre ont été victimes pendant le siège de Mostar, 15 fois

  3   plus que le reste de la population.

  4   Q.  Professeur Radovanovic, je suppose que pour vous cela était plutôt

  5   simple de suivre. Je me suis efforcé de le présenter de façon correcte et

  6   simple. Partant de ce type de données - et ceci est une illustration de

  7   l'importance de l'analytique et de la détermination des données - partant

  8   donc de ces informations, les calculs seraient-ils bons et est-ce que ce

  9   calcul des ratios dans la population se trouverait être pertinent pour

 10   procéder à une analyse qui était censée être celle du témoin expert Tabeau

 11   et au final de votre analyse à vous ?

 12   R.  Le calcul de tous les ratios et de toutes les parts dans la population

 13   est certainement une chose pertinente. Mais avec tout le respect que je

 14   vous dois, je tiens à dire que vous avez procédé à ces calculs en

 15   application de la méthodologie de Dr Tabeau, parce que vous avez pris la

 16   méthodologie de la répartition parce que vous avez pris telle catégorie,

 17   telle autre catégorie.

 18   Mais on suppose que si dans toute la Bosnie c'est le ratio qui est vigueur,

 19   le même serait à Mostar. Donc la méthodologie que vous avez utilisée n'est

 20   pas fiable. C'est une chose qui est facilement calculable, ça donne un

 21   chiffre qui peut vous donner une idée, mais moi, personnellement, je

 22   n'aurais jamais recours à ce type de méthodologie.

 23   Q.  Justement, j'ai juste au début dit que je voulais vous le montrer en

 24   guise d'illustration. Je suis tout à fait consciente du fait que cela

 25   constituerait la même méthodologie et je suis consciente du fait que ces

 26   distributions ou répartitions de la population masculine de tel âge à

 27   Mostar et en Bosnie-Herzégovine, et cetera.

 28   Mais je vous ai dit que c'était un document qui a déjà été versé au

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  1   dossier dans cette affaire. Et si partant de là nous essayions d'illustrer

  2   la pertinence de ces données, donc c'était à titre d'illustration, non pas

  3   pour illustrer l'exactitude des choses, est-ce que statistiquement cela

  4   serait un indice pertinent ?

  5   R.  En guise d'illustration c'est important, parce que ça peut

  6   montrer quels sont les indices démographiques statistiques qui nous sont

  7   donnés pour ceux qui s'y connaissent en statistiques et ceux qui ne s'y

  8   connaissent pas. Parce que cela nous fournit une appréciation qualitative

  9   de la population à un moment donné et dans une population donnée.

 10   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, c'était justement l'objectif

 11   poursuivi, Professeur Radovanovic.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, parce

 13   que j'ai une question à vous poser.

 14   En haut de ce document à gauche, nous avons P 09851. C'est un numéro qui

 15   semble laisser entendre que ceci fait partie de documents déjà versés au

 16   dossier. Mais en fait, Maître, j'ai l'impression - et dites-moi si j'ai

 17   tord ou pas - j'ai l'impression que l'expert qui a établi ces chiffres,

 18   c'est Me Alaburic; est-ce exact, pour votre équipe de la Défense ?

 19   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, si vous vous penchez sur

 20   la partie supérieure, vous verrez qu'il s'agit de renseignements émanant ou

 21   sortis de ce document qui est le P --

 22   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le numéro --

 23   Mme ALABURIC : [interprétation] -- 9851, page 7 de la version en B/C/S, et

 24   je vous ai déjà donné le numéro ERN.

 25   Si on se penche sur le document qui se trouve sur le rétroprojecteur, il

 26   nous parle des personnes déplacées, expulsées. Pour ce qui est maintenant

 27   de la conclusion relative à l'identité de ces personnes chassées de chez

 28   elles, cela est sorti ou est tiré du 2.10 du même document, à savoir le

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  1   P 9851.

  2   Monsieur le Juge Trechsel, ceci est, bien sûr, une chose que j'ai créée

  3   partant des données qui nous sont connues, parce que j'ai estimé nécessaire

  4   d'illustrer le fait que les conclusions d'Ewa Tabeau étaient celles de dire

  5   que les civils et les soldats ont péri dans des proportions identiques, à

  6   savoir 49,5 % et 50,5 % de militaires. C'est une donnée qui, en réalité,

  7   est substantiellement de peu d'importance, parce que cela déforme la

  8   situation telle qu'elle se présentait à Mostar est.

  9   Je n'ai pas l'intention d'affirmer que cela est précisément exact, mais

 10   j'ai voulu le dire que c'est une façon de bien montrer que c'est dans cette

 11   filière-là qu'il faut s'aventurer ou qu'il faut suivre pour aboutir à la

 12   vérité des victimes dans Mostar est.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est ce que j'avais supposé, mais

 14   je me suis dit qu'il fallait que ce soit dit clairement au procès-verbal,

 15   car vous avez repris des chiffres qui se trouvent dans l'annexe 4 du

 16   document et vous avez procédé à des calculs partant d'une sélection que

 17   vous aviez faite des quartiers de Mostar qui vous intéressaient.

 18   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, pour ce qui est des

 19   agglomérations pertinentes dans Mostar, il n'y a aucun doute à se faire.

 20   Nous savons tous où se trouve Blagaj et que ce n'est pas dans Mostar est.

 21   Q.  Madame Radovanovic, je vous remercie.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Concernant le temps, il y aura 15 minutes qui vous

 23   sera défalqué de votre temps global, puisque vous avez utilisé 15 minutes

 24   en plus du contre-interrogatoire. Ceci est donc au transcript.

 25   Bien. Alors, il y a deux solutions : ou on fait la pause maintenant ou bien

 26   vous commencez. Comme vous voulez.

 27   Mme WEST : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 28   Nous sommes prêts à commencer.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.

  2   Contre-interrogatoire par Mme West :

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Professeur.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  Je m'appelle Kim West. Je fais partie du bureau du Procureur.

  6   C'est bien votre rapport que vous avez sous les yeux ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Est-ce que vous avez aussi le rapport du bureau du Procureur ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Parfait. Nous avons trois classeurs dans lesquels je trouve des

 11   documents que nous allons examiner. Remarquez qu'il y a des petits onglets

 12   rouges qui montrent les pages en B/C/S.

 13   Madame, je pense qu'il est sans doute préférable de garder votre rapport à

 14   portée de main.

 15   Je constate dans votre curriculum vitae qu'en moins de 20 ans, vous avez

 16   publié quelque 20 rapports scientifiques dont celui que vous avez préparé

 17   pour le TPIY. Nous avons une liste d'œuvres choisies. Est-ce que vous avez

 18   publié autre chose que ce qui se trouve dans votre CV ?

 19   R.  La liste n'est pas épuisée. On n'inclut pas du tout les rapports qui

 20   sont liés au tribunal. On a pris un certain nombre de travaux qui ont été

 21   publiés dans des revues scientifiques. Aucune des études qui est citée dans

 22   ma bibliographie n'est pas un rapport quelconque fait pour un tribunal. Il

 23   y a une étude faite pour Srebrenica. Cela a été publié dans un recueil de

 24   travaux de la faculté de géographie qui est considéré comme étant une revue

 25   scientifique d'importance et d'envergure nationale.

 26   Q.  Merci. Vous venez de dire que les publications qu'on trouve dans votre

 27   CV sont des publications dans les revues scientifiques ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Je suppose que vous connaissez le concept de l'examen par des pairs ?

  2   R.  Absolument. Aucune étude publiée dans une revue professionnelle ou

  3   scientifique sur le territoire où je réside ne saurait être publiée sans

  4   pour autant avoir bénéficié d'une supervision positive qui permet sa

  5   publication.

  6   Q.  Merci de cette réponse. Un des éléments importants dans cette idée de

  7   l'examen de la critique par des pairs, c'est l'idée de l'objectivité, de

  8   l'absence de parti pris ?

  9   R.  Mais chaque personne, chaque superviseur qui procède à une supervision

 10   pour ce qui est d'une publication éventuelle dans une revue scientifique,

 11   il est certain que derrière cette supervision il y a une autorité que l'on

 12   met en jeu, que l'intéressé met en jeu pour ne pas autoriser la publication

 13   d'une chose qui ne serait pas scientifiquement et objectivement

 14   justifiable.

 15   Q.  Quand vous dites "exacte et précise," vous conviendrez qu'il faut aussi

 16   que ce soit objectif et que ce soit neutre, sans parti pris ?

 17   R.  Chaque œuvre scientifique devrait être objective et impartiale, car la

 18   science essaie d'arriver à la vérité objective. Bien sûr, je n'affirme pas

 19   que chaque rapport est objectif, mais c'est la tendance, c'est l'idée, et

 20   c'est justement pour cela qu'on a des surveillants objectifs qui

 21   l'évaluent.

 22   Q.  J'assume que vous-même, vous êtes examinateur ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vos travaux ont fait l'objet d'examen par des pairs à

 25   l'échelle internationale ?

 26   R.  Non. Aucun n'a fait l'objet d'un examen international, car tous les

 27   journaux que j'ai énumérés ont été publiés en Serbie et dans des revues

 28   d'importance scientifique nationale. Donc l'examen s'est fait non pas sur

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  1   le plan international, mais de la part des personnes pertinentes qui vivent

  2   dans la région qui est la mienne.

  3   Excusez-moi. Je souhaite aussi dire que l'auteur ne demande jamais lui-même

  4   un examen. Il y a toute une série de revues spécialisées et scientifiques.

  5   Voici la procédure : j'écris un article et je le soumets à une revue, et

  6   c'est la revue qui cherche à avoir un examen.

  7   Q.  Donc vous êtes d'accord avec moi pour dire que vous n'avez jamais

  8   publié dans un journal international et que vous n'avez que publié que dans

  9   des journaux serbes ?

 10   R.  Non, pas seulement serbes, mais veuillez définir le terme

 11   "international." Est-ce que ceci se réfère à l'ex-Yougoslavie aussi ou vous

 12   parlez du monde entier ?

 13   Q.  Globalement, un journal qui est publié à l'extérieur du territoire de

 14   l'ex-Yougoslavie, à l'échelle internationale.

 15   R.  J'ai travaillé pour le Centre européen de paix auprès des Nations

 16   Unies. Il y avait toute une série d'études de publiées. Je ne suis pas

 17   vraiment sûre. Je ne me suis pas renseignée. Mais je pense que ceci a été

 18   publié au niveau international, car le président était, je pense, --

 19   Q.  Je vous remercie. Allons de l'avant. Je pars du principe, Madame le

 20   Professeur, que vous connaissez le concept d'urgences humanitaires

 21   complexes.

 22   R.  Est-ce que vous pourriez me définir ce que vous voulez dire par

 23   l'affirmation que je connais le complexe des urgences

 24   humanitaires ?

 25   Q.  Regardez dans votre classeur numéro 2 que je vous demande de bien

 26   vouloir prendre, c'est à votre gauche. Je vous demande de bien vouloir vous

 27   reporter au P 10729. En B/C/S, c'est l'intercalaire rouge. Est-ce que vous

 28   le voyez ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Je pense que c'est encore une page plus loin. C'est cela.

  3   Je vais vous lire un extrait de cette pièce et vous pourrez me donner une

  4   réponse pour me dire si vous connaissez ou pas ce concept.

  5   Il s'agit de "Migration forcée et de mortalité," qui dit :

  6   "Le terme 'urgence humanitaire complexe' est largement utilisé pour décrire

  7   …" --

  8   L'INTERPRÈTE : Pourrions-nous avoir la page, s'il vous plaît ?

  9   Mme WEST : [interprétation] Merci. Nous reprenons. C'est la page 1 de

 10   l'anglais :

 11   "Le terme 'urgence humanitaire complexe' est utilisé très largement pour

 12   décrire un type de catastrophe : Une situation dans laquelle une grande …"

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'arrive pas à vous suivre en serbe, ce

 14   n'est pas la même chose. Peut-être que je n'ai pas le bon document devant

 15   moi. Est-ce qu'il s'agit --

 16   Mme WEST : [interprétation]

 17   Q.  Professeur Radovanovic, est-ce que vous voulez bien, s'il vous plaît,

 18   écouter l'interprétation, je pense que c'est la solution la plus aisée.

 19   R.  L'interprète m'interprète quelque chose différemment et la

 20   signification du mot est tout à fait différente. Si j'écoute

 21   l'interprétation et si je lis le texte, il s'agit de deux choses tout à

 22   fait différentes.

 23   Si j'examine le bon document, ici, il est dit l'expression -- écoutez, il

 24   faut qu'on se mette d'accord pour que je puisse vous suivre. Est-ce que je

 25   peux vous lire à vous ce qui est écrit et ensuite, vous dire si je suis

 26   d'accord ou pas; ou veuillez me soumettre une traduction qui correspond, au

 27   niveau des concepts.

 28   Q.  Professeur Radovanovic, je vous propose de procéder comme suit : je

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  1   vais le lire en anglais. Ensuite, vous allez écouter l'interprétation. Si

  2   ensuite vous n'êtes pas d'accord avec l'interprétation, vous pourrez

  3   reprendre.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Il ne s'agit pas de ne pas être d'accord. Je

  5   n'ai qu'une page, d'abord. Je n'ai pas l'ensemble du document. Je ne veux

  6   pas être polémique. Mon collègue devrait savoir cela. Je n'ai pas

  7   l'ensemble du document.

  8   Deuxièmement, le temps d'interprétation -- enfin, il faut que le témoin ait

  9   le temps de le lire. Manifestement, elle a deux versions différentes. On

 10   lui demande de donner son avis et on l'oblige à voir une version par

 11   rapport à une autre.

 12   Elle peut choisir; mais à mon sens, le témoin indiquait qu'elle

 13   souhaiterait pouvoir lire la version qui a été traduite pour elle. Elle

 14   peut en prendre connaissance, ensuite entendre la version qui en sera

 15   traduite. Mais je pense qu'il faut être juste avec le témoin.

 16   Mme WEST : [interprétation] Oui, Me Karnavas a raison. Elle devrait

 17   pouvoir lire --

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Le mieux serait qu'elle lise dans sa langue le

 19   texte, à voix haute, les interprètes vont traduire. Comme ça, on va

 20   vérifier la traduction anglaise et s'il y a des divergences, on va s'en

 21   rendre compte tout de suite.

 22   Bien Madame le Témoin, lisez à voix haute le premier paragraphe.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] "Le terme 'urgences humanitaires complexes'

 24   est utilisé souvent afin de décrire certains accidents à grande échelle,

 25   une situation dans laquelle une grande partie de la population est menacée

 26   en raison d'une combinaison de guerre civile ou internationale ou des

 27   efforts visant à réaménager l'Etat ou la société comme, par exemple, le

 28   génocide, ce qui peut provoquer des déplacements massifs de la population

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  1   avec la détérioration des conditions de la vie; par exemple, en matière de

  2   la nourriture, de l'eau qu'on peut apporter avec soi, de l'abri et des

  3   soins médicaux, ce qui crée des conditions qui peuvent augmenter de façon

  4   importante le taux de mortalité pendant une période limité, mais parfois

  5   aussi pendant des périodes plus longues."

  6   En note en bas de page, il est écrit que cette définition est issue de Tool

  7   et Waldman, 1997. Ceci a été modifié dans une certaine mesure afin de

  8   pouvoir englober plusieurs types d'urgences humanitaires complexes.

  9   Ensuite, il est écrit :

 10   "Les gens créent toujours des dangers humanitaires complexes. Un exemple

 11   simple et arbitraire serait l'attaque des Romains sur Carthage, l'attaque

 12   des Goths sur Rome et la conquête du monde islamique contre les forces des

 13   Croisés. Le complexe dans le XXe siècle englobe l'Holocauste dans les

 14   années 30 et 40 en Europe, la famine à Bengale en 1943, les meurtres et

 15   expulsions des Chinois de l'Indonésie dans les années 60. Les exemples de

 16   dangers humanitaires complexes au cours de ces quelques dernières années

 17   englobent les purifications ethniques, les migrations forcées, les

 18   génocides tels qu'en Somalie, Bosnie, Kosovo, Sierra Leone et Timor de

 19   l'Est."

 20   Mme WEST : [interprétation]

 21   Q.  Professeur, est-ce que vous connaissez ce concept ?

 22   R.  Si vous me demandez si je connais ce concept de Tool et Waldman, non.

 23   C'est la première fois que je tombe sur des définitions de ce genre. Mais

 24   si vous me demandez si je suis au courant du contexte de crise humanitaire

 25   ou danger humanitaire, je sais ce que c'est.

 26   Q.  Je voudrais revenir au procès Galic où vous avez déposé en mars 2003.

 27   Je voudrais citer des extraits.

 28   Je voudrais savoir si vous avez connaissance, à la page suivante, vous avez

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  1   dit que vous participez à un projet en Serbie sur les mêmes sujets. Et vous

  2   avez entendu parler de cela, comme vous l'avez dit.

  3   Ma question est de savoir si c'est un concept qui vous est familier  et sur

  4   la base duquel vous avez travaillé.

  5   Q.  Le problème, Madame, c'est justement le fait que je demande de lire

  6   cela, moi-même, sans qu'on me le lise. A vrai dire, peut-être l'Accusation

  7   m'a lu un certain concept en me demandant si j'étais au courant de cela,

  8   mais je ne me souviens pas avoir dit que j'avais travaillé à base de ce

  9   concept. Mais j'ai travaillé dans de nombreuses situations qu'on peut

 10   considérer comme des dangers ou urgences humanitaires. Ce que vous me citez

 11   de l'affaire Galic, quelqu'un m'a lu quelque chose et j'ai dit que j'étais

 12   d'accord.

 13   Ca doit être dans le compte rendu d'audience. Il faut le relire. Je ne sais

 14   pas si quelqu'un a cité le nom de l'auteur; si mes souvenirs sont bons, on

 15   a donné le nom d'un auteur qui n'a rien à voir avec cela --

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, et je

 17   m'excuse auprès de ma collègue mais il faut clarifier un problème

 18   linguistique.

 19   Moi aussi, je ne connais pas le terme "danger humanitaire complexe." Sur

 20   internet, dans nos langues, j'ai essayé de trouver ce terme, et en tant que

 21   tel, il n'existe pas. Nous, nous utilisons le terme de "la crise,"

 22   justement, comme l'a dit Mme le Professeur Radovanovic. Peut-être nous

 23   avons un problème de communication car le terme que nous utilisons, nous,

 24   est différent à celui qui est utilisé dans cette traduction littérale. Donc

 25   peut-être les questions pourraient porter sur des crises humanitaires et

 26   peut-être ainsi on obtiendra de bonnes réponses.

 27   Excusez-moi de cette intervention, mais elle était utile.

 28   Mme WEST : [interprétation]

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  1   Q.  Professeur, est-ce que vous estimez que la guerre dans l'ex-Yougoslavie

  2   est un scénario qui s'intègre dans le champ d'application d'un danger ou

  3   d'une crise humanitaire grave ?

  4   R.  Vous me posez maintenant une question qui ne relève pas du domaine de

  5   la démographie. Mais ce que je pense, c'est que chaque guerre et chaque

  6   événement à grande échelle qui peut influencer la population, à la fois un

  7   tremblement de terre, un tsunami, une guerre, certainement, il est possible

  8   de considérer cela comme une crise ou un danger humanitaire.

  9   Q.  Alors, ma question est tout à fait exacte : est-ce que vous estimez que

 10   la guerre dans l'ex-Yougoslavie peut être considérée comme une crise

 11   humanitaire complexe ?

 12   R.  Vous devez me dire ce qu'est une crise humanitaire complexe. Si vous

 13   considérez que cette définition correspond à la crise humanitaire complexe,

 14   je dirais oui. Mais tout est complexe. Une crise humanitaire complexe, vous

 15   avez des zones, théâtre de guerres où la situation est très complexe et où

 16   elle est bien moins complexe. Si vous voulez généraliser, certainement on

 17   peut parler d'une crise.

 18   Q.  Je voudrais attirer votre attention à nouveau à la déposition de Galic,

 19   page 21 392, où on vous demande, dans ce cas, si vous estimiez que les

 20   circonstances entre 1992 et 1994, à Sarajevo, constituaient une situation

 21   de crise humanitaire complexe et à ce moment-là, vous avez dit : "Oui, on

 22   peut dire cela."

 23   Donc, à la lumière de cela, je voudrais vous reposer la question : est-ce

 24   que vous estimez que la situation en Bosnie occidentale avoir été une

 25   situation de crise humanitaire complexe en Herzégovine ?

 26   R.  Est-ce que vous pourriez me définir l'ensemble de l'Herzégovine de

 27   l'Ouest ? Certainement certaines parties de l'Herzégovine de l'Ouest

 28   avaient une crise complexe, comme Sarajevo. Mais il y avait certainement

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  1   des parties de l'Herzégovine de l'Ouest où la situation n'était pas si

  2   complexe que cela. Mais il y avait une crise. Vous ne pouvez pas

  3   généraliser les choses ainsi; ou plutôt, je n'accepte pas de telles

  4   généralisations car il s'agit de choses très sérieuses et graves.

  5   Alors, si vous me donnez la localité --

  6   Q.  Merci, Professeur. Les huit municipalités qui ont fait l'objet du

  7   rapport du bureau du Procureur, est-ce que vous estimez que ces

  8   municipalités constituent un exemple de crise humanitaire complexe ?

  9   R.  Au cours de quelle période, Madame ?

 10   Q.  Dans la période qui a fait l'objet de l'étude, à savoir

 11   particulièrement à Mostar pour 1993.

 12   R.  Je n'ai pas pu étudier cela, car du point de vue démographique il n'y a

 13   pas de données pertinentes. Je n'ai pas pu le faire du point de vue

 14   démographique et je ne me penchais pas sur le plan politique ou historique,

 15   et cetera. Il n'y a pas de sources qui permettraient de telles études.

 16   Q.  Merci, Professeur. Je voudrais maintenant passer au rapport Popovic --

 17   le rapport Beara, P 1024. Dans le premier dossier, il s'agit de l'autre

 18   classeur. 10724, c'est à la page 10 de la version anglaise, 9 en B/C/S.

 19   R.  Le classeur 10724, vous dites et page 10 ?

 20   Q.  C'est à la page 9 de la version en B/C/S.

 21   R.  Neuf.

 22   Q.  Est-ce que vous avez ce document sous les yeux, Madame ? C'est à

 23   l'intercalaire rouge.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Il s'agit du rapport que vous avez rédigé dans cette affaire, exact,

 26   l'affaire Beara ?

 27   R.  Je le suppose. Je ne vois pas l'ensemble du rapport. Je vois la page 9,

 28   mais je suppose qu'elle est tirée de mon rapport.

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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Je n'ai pas la version anglaise qui n'a pas

  2   été transmise à la Défense. Je ne sais pas si les Juges en disposent. Nous

  3   aimerions pouvoir suivre sur les documents.

  4   Mme WEST : [interprétation] Je vais vous lire le deuxième paragraphe et

  5   vous poser une question. Vous avez écrit :

  6   "Le fait, néanmoins, est que dans des situations anormales comme la guerre,

  7   en règle générale, il n'y a pas de données statistiques officielles

  8   vérifiées pour des périodes ou des situations données; et donc, certaines

  9   organisations internationales recommandent le recours des sources de

 10   données qui ne répondent pas aux normes standards et aux procédures

 11   statistiques de base. Si nous acceptons le recours à ces sources, il faut

 12   souligner la nécessité d'être extrêmement prudent, objectif et très agile

 13   dans le recours à ces sources de données."

 14   Lorsque vous parlez d'une "situation complexe comme la guerre, une

 15   situation anormale," vous parlez d'une situation humanitaire complexe,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  En réalité, je soutiens Mme Tabeau, car vous pouvez voir en note en bas

 18   de page où je dis que dans son rapport, le Dr Tabeau mentionne le fait que

 19   certaines sources ont été créées lors d'une crise humanitaire.

 20   Certainement, si vous lisez l'ensemble du texte, j'indique ce qu'un

 21   démographe doit faire en utilisant de telles sources et je donne l'exemple

 22   de la Croix-Rouge. Je ne conteste pas la Croix-Rouge en tant que source,

 23   mais c'est une organisation humanitaire qui recueillait les données

 24   concernant les personnes disparues.

 25   Q.  Ce n'est pas --

 26   R.  [aucune interprétation] 

 27   Q.  Professeur, je vous posais une question. Vous avez répondu et ce

 28   n'était pas ma question. La question est de maintenant passer au troisième

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 13  pagination anglaise et la pagination française.

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  1   paragraphe. A peu près au milieu, vous écrivez :

  2   "Ceci ne signifie pas que ces sources ne peuvent pas, au moins en partie,

  3   être traitées par des spécialistes de la statistique et traitées de manière

  4   à pouvoir être exploitables de la manière la plus objective qui soit."

  5   Professeur, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il est

  6   possible d'avoir recours à ces sources, les sources auxquelles vous faites

  7   référence au paragraphe 2 et qui ne répondent pas forcément à ce que vous

  8   appelez "les standards ou les normes statistiques et procédure de base ?"

  9   Est-ce que cela est possible ?

 10   R.  Seulement si, en tant que démographe et spécialiste en statistique,

 11   vous le faites de façon professionnelle et de façon vous permettant

 12   d'obtenir une donnée fiable. Mais si vous utilisez toutes sortes de

 13   méthodologies nouvelles, si vous ne les présentez pas pour dire de quelle

 14   manière vous avez abordé cette source, je ne peux pas l'accepter. Il n'y a

 15   pas de source de données qui ne peut pas être utile à un bon expert en

 16   démographie ou statistique. C'est quelque chose de généralement connu.

 17   Q.  Merci. Nous allons parlons de méthodologie, mais mettons pour l'instant

 18   l'accent sur les sources. Je vais vous demander de prendre le P 10730 qui

 19   figure dans le deuxième classeur que vous avez sous les yeux.

 20   Le premier; donc, c'est dans l'autre.

 21   R.  Je souhaite simplement souligner que le premier classeur est en pleine

 22   décomposition. Est-ce que quelqu'un peut m'aider, car on risque de perdre

 23   des feuilles.

 24   Q.  Celui-ci ? Bien. Vous êtes dans le deuxième classeur, il s'agit du P

 25   10730.

 26   Professeur, est-ce que vous connaissez le camp des comptes des cadavres en

 27   Irak ?

 28   R.  Non.

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  1   Q.  La première page nous dit que :

  2   "Ce projet IBC tient un registre des morts violentes civiles qui découlent

  3   de l'intervention militaire en Irak en 2003. Une base de données publique

  4   comprend les morts causées par les forces de la coalition menées par les

  5   Américains.

  6   "Il s'agit d'éléments de documentation qui découle des registres et

  7   des documents qui ont été vérifiés, d'événements aboutissant à la mort

  8   d'individus, de civils, qui découlent d'ONG," et cetera.

  9   Professeur, vous avez dit que vous ne connaissiez pas ce document, mais je

 10   voudrais que vous vous reportiez sur la base de ce qui a été lu, à moins

 11   qu'il y ait des liens entre la manière dont ce décompte est fait, qui est

 12   tout à fait polémique -- si vous demandez à l'administration Bush, c'est

 13   une version qui est différente. Si on se penche sur une autre source, le

 14   nombre de morts est plus important. Mais je parle des Irakiens, pas de

 15   Bush.

 16   Si on voit comment ça a été préparé, compilé, il n'y a pas de lien

 17   entre cette méthodologie et celle qui a été utilisée en Bosnie-Herzégovine

 18   à l'époque, et en particulier à Mostar. Par conséquent, je pense qu'avoir

 19   recours à ce document pour essayer de comparer et transférer une question

 20   qui est un petit peu un piège pour essayer de valider la méthode d'Ewa

 21   Tabeau, cela n'est pas du tout convenable. Il faut qu'il y ait une base, et

 22   cela n'a pas été mené par Mme Tabeau elle-même, et donc pas compatible.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, faites confiance aux Juges qui

 24   apprécieront tous les éléments.

 25   Madame West, continuez.

 26   Mme WEST : [interprétation] Je vous remercie.

 27   Q.  Professeur, comme on l'a dit tout à l'heure, nous allons mettre

 28   l'accent maintenant sur les sources, et pas la méthodologie.

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  1   Si vous voulez bien vous reporter à la partie suivante en B/C/S, en anglais

  2   c'est le numéro 5, titre : "Rapports médiatiques de source et --

  3   R.  Je ne peux pas vous suivre. Bien. J'ai trouvé.

  4   Quelle est votre question ?

  5   Q.  Merci. Je vais vous lire cette petite partie concernant les rapports

  6   des médias :

  7   "Les rapports de la presse et des médias constituent une source trop riche

  8   et trop valable pour ne pas en prendre compte. Les couvertures dans les

  9   médias et les informations sur les morts et les blessées, cette couverture

 10   a été largement améliorée par l'évolution de la technologie. Le projet IBC

 11   exploite cette évolution et souligne la manière dont elles peuvent encore

 12   évoluer, puisque l'on peut intégrer les informations."

 13   Ma question, Professeur, est la suivante : comme vous l'avez indiqué dans

 14   le rapport de l'affaire Popovic, est-ce que vous estimez que les sources de

 15   médias peuvent être "traitées par des spécialistes de la statistique et

 16   triées de manière à pouvoir être exploitées d'une manière qui soit

 17   objective, sans parti pris" ?

 18   R.  Si ça doit être présenté devant un tribunal, et si devant un tribunal

 19   il faut avoir un minimum de fiabilité scientifique et professionnelle dans

 20   le cadre d'une déposition, je dirais dans ce cas-là que les journaux ne

 21   sont pas une source de données. Je ne peux pas dire que ça ne peut pas me

 22   servir d'illustration. Mais si les journaux, ce qui est dit à la télévision

 23   peut être une source de données qui peut être réarrangée par quelqu'un,

 24   vous savez ce sont des situations très délicates. Car vous savez, il ne

 25   s'agit pas ici d'une table ronde et d'un débat concernant ce qui aurait pu

 26   se passer. Ici, concrètement parlant, on essaye d'arriver à la vérité

 27   scientifique afin de clarifier un certain nombre de choses.

 28   Or, les journaux ne sont pas une source scientifique ni les discours

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  1   médiatisés.

  2   Q. Bien. Vous avez dit qu'il ne s'agit pas de sources scientifiques, mais

  3   reportons-nous à la page suivante en anglais, en bas en B/C/S, pour voir

  4   comment cela a été exploité par d'autres.

  5   Le titre, c'est : "Comment l'IBC a pu être utilisé par d'autres."

  6   Vous voyez en bas il y a le B/C/S, et vous voyez un différent nombre de

  7   catégories, gouvernements, agences intergouvernementales, ONG, avocats. En

  8   particulier aux Etats-Unis, le rapport CRS, le Royaume-Uni. On a la liste

  9   de l'Union européenne, de la CPI, l'ONS et l'institution de Brookings.

 10   Professeur, est-ce que vous estimez que dans certaines crises humanitaires

 11   complexes, ce dont nous parlons maintenant, c'est la norme que d'avoir

 12   recours à des sources qui ne sont pas des sources habituelles ?

 13   R.  Tout d'abord, je n'arrive pas à vous suivre. Je ne trouve pas cet

 14   institut Brookings. Je vois les médias, les gouvernements et les ministères

 15   du gouvernement, les organisations intergouvernementales, et ainsi de

 16   suite. Vous savez, j'ai du mal à vous suivre, car vous lisez une chose, je

 17   reçois une autre interprétation, et le texte dit une troisième chose.

 18   Entre-temps, excusez-moi, mais j'ai oublié votre question.

 19   Veuillez la répéter. Excusez-moi.

 20   Q.  Ma question est en référence au rapport Popovic, où vous dites il y a

 21   des cas de figure où on peut utiliser des sources inhabituelles, et ma

 22   question était : Est-ce que vous pensez, maintenant que vous avez regardé

 23   cette information sur l'IBC et voir des organisations qui utilisent ces

 24   informations, que dans la situation de l'Irak, ce peut être exactement ce

 25   dont vous parlez dans le cas de Popovic ?

 26   R.  Je ne suis pas d'accord. Vous me posez une question qui ne correspond

 27   absolument pas à ce que j'ai dit dans l'affaire Popovic; je n'ai pas dit,

 28   mais écrit. Je dis que dans certaines situations il est possible d'utiliser

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  1   les sources de données créées dans des crises humanitaires, et je cite les

  2   sources de données indiquées par le Dr Tabeau en tant que sources créées en

  3   temps de crises humanitaires, et elle fait référence à certains auteurs.

  4   Le Dr Tabeau - et ceci était le cas de Srebrenica - ici je parle

  5   aussi de la Croix-Rouge, et du respect pour cette organisation, et de la

  6   manière dont ces sources doivent être utilisées, et dont un statisticien

  7   peut les adapter. Ceci portait surtout sur l'organisation de la Croix-Rouge

  8   internationale.

  9   S'agissant du rapport dont il est question ici qui porte sur l'Herceg-

 10   Bosna, le Dr Tabeau utilise le recensement qui n'est pas une source de

 11   crise humanitaire.

 12   Je souhaite terminer.

 13   Q.  [aucune interprétation]

 14   R.  Les listes électorales -- vous me posiez des questions comme si j'avais

 15   écrit de quelle façon il faut utiliser les sources de crises humanitaires.

 16   Non.

 17   Je reconnais que Mme Tabeau a raison, que l'on peut les utiliser,

 18   mais en tant que démographe, vous êtes tenu de les adapter. Ici, dans ce

 19   rapport, il n'y a pas de sources créées lors d'une crise humanitaire. Cela

 20   dit, les registres de l'hôpital de guerre pourraient être considérés comme

 21   tels.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame le Témoin, hier, ignorant de ce qu'allait

 23   vous demander le Procureur, je vous avais demandé quelle était la situation

 24   idéale pour que Mme Tabeau puisse donner des chiffres en toute

 25   indépendance, et des chiffres certains. Je vous avais cité quelques

 26   fichiers qu'elle aurait pu consulter et que, manifestement, elle n'a pas

 27   fait. On découvre qu'une organisation fait le compte des morts en Irak

 28   depuis 2003. Pour information, hier il y a eu 30 morts en Iraq, dont 23 à

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  1   Bagdad. Cette organisation fait des vérifications croisées partant des

  2   médias, de l'hôpital, des listes dans les morgues, des ONG et des chiffres

  3   officiels.

  4   Est-ce que la technique de vérification croisée n'est pas une technique

  5   qu'un démographe doit utiliser avant d'aboutir à des conclusions certaines

  6   et irréfutables ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] La technique est celle de vérifier, voir et

  8   comparer tout ce qu'on peut comparer. Ce n'est pas la technologie, c'est

  9   une obligation, c'est un devoir. Quand vous avez un travail de démographe à

 10   faire, vous êtes tenu de voir le rapport, de voir quelles sont ses

 11   carences, vérifier tout ce qu'on peut vérifier, et l'amener dans une

 12   situation qui vous garantirait un minimum de fiabilité des données que vous

 13   allez utiliser partant de cette source.

 14   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Q.  Nous allons poursuivre l'examen de la question des sources. Dans ce

 16   rapport, le bureau du Procureur a utilisé la liste électorale ainsi que le

 17   recensement de 1991. Est-ce que vous déclarez ici que les listes

 18   électorales de l'OSCE n'étaient pas dignes de foi ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Inutile de regarder votre rapport, mais est-ce que vous ne vous

 21   inquiétez pas du fait que dans sa liste il n'y avait pas le nom du père ?

 22   R.  Non, non, ce n'est pas ce qui me préoccupe. Je suis démographe, moi, et

 23   je sais quelles sont les méthodologies utilisées par le Dr Tabeau pour

 24   prendre, dans les listes électorales, les éléments qui prouvent que ces

 25   gens existent dans le recensement de la population. Elle a repris à partir

 26   de là leur structure ethnique. Ce n'est pas moi --

 27   Q.  Je comprends, Professeur. Mais écoutez la question que je vous pose et

 28   répondez-y, ce serait utile. On parle ici, de nouveau, de sources, et pas

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  1   de méthodologie -- les méthodes de travail. Restons-en aux sources.

  2   A maintes reprises dans votre rapport, mais vous l'avez dit encore

  3   clairement hier, souvent d'ailleurs, que nulle part au monde, un expert, un

  4   chercheur, un scientifique ne va utiliser ce genre d'analyse, par exemple,

  5   pour des listes électorales.

  6   R.  Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que je n'avais pas connaissance

  7   de quelqu'endroit au monde dans des recherches scientifiques et techniques

  8   où l'on se serait servi de listes électorales, notamment lorsque vous

  9   établissez la structure ethnique qui n'y figure pas.

 10   Q.  D'accord. Merci. Soyons plus exacts, je prends pour cela votre rapport.

 11   Page 15, 14 en B/C/S. Vous dites :

 12   "Nulle part au monde, un expert en recherche scientifique ne va prendre

 13   cette liste électorale pour point de départ pour calculer le nombre de

 14   réfugiés."

 15   C'est bien ce que vous avez écrit dans votre rapport, n'est-ce pas ?

 16   R.  Si vous le permettez, j'aimerais vérifier ce que j'ai écrit, parce que

 17   c'est sorti du contexte. Quelle page, avez-vous

 18   dit ?

 19   Q.  Quatorze en B/C/S, dans votre rapport.

 20   R.  Le premier ou le deuxième de mes rapports ?

 21   Q.  Le rapport qui s'intitule : "Analyse critique des rapports d'experts du

 22   bureau du Procureur," le préambule s'intitule : "Analyse des rapports de la

 23   composition ethnique, des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur

 24   du pays."

 25   R.  C'est le titre. Vous avez cité quelle page, s'il, vous, plaît ?

 26   Q.  Je vous disais qu'il s'agissait de la page 14 en B/C/S, et c'est la

 27   page 15 en anglais.

 28   R.  En page 14 de cette version B/C/S, je ne le vois pas. Alors veuillez

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  1   m'aider, je vous prie. La page commence par --

  2   Mme WEST : [interprétation] Un exemplaire, Monsieur le Président. Est-ce

  3   que je peux montrer au témoin avec l'aide de M. l'Huissier, parce que le

  4   témoin semble un peu perdu.

  5   Q.  Vous voyez, vers le milieu de la page 14 ?

  6   R.  C'est la page 13 chez moi, et vous m'excuserez.

  7   Q.  Vous avez en caractères gras un passage, là.

  8   Mme WEST : [interprétation] Attendez. Je reprends mon exemplaire.

  9   Q.  Vous avez ce passage que vous avez inscrit en gras. Vous le voyez ? Je

 10   vais vous demander de lire la phrase en B/C/S qui commence par les mots

 11   suivants : "Nulle part dans le monde."

 12   R.  Je n'arrive pas à le retrouver. Ça, cette "confusion du point de vue

 13   des notions et des terminologies…" ? Mais je ne vois pas ce que vous avez

 14   cité, vous-même.

 15   Q.  Professeur --

 16   R.  Donnez-moi votre texte, que je le lise, parce que je n'arrive pas à le

 17   retrouver. Je demande à ce qu'on m'aide, parce que ce qui est surligné en

 18   rouge, c'est ici.

 19   Q.  Je vais vous demander de donner lecture de cette phrase en caractères

 20   gras.

 21   R.  "Ce n'est pas nulle part, mais il est inacceptable que des migrants

 22   économiques soient déclarés comme étant des réfugiés, comme il est

 23   inadmissible que des évaluations au niveau des réfugiés soient effectuées

 24   partant de listes électorales. Les listes électorales, nulle part au monde,

 25   dans les recherches professionnelles et scientifiques, ne constituent un

 26   point de départ pour l'élaboration d'évaluations du nombre de réfugiés."

 27   Q.  Merci. C'est précisément le passage qui m'intéressait.

 28   Mme WEST : [interprétation] Est-ce que le moment se prête bien à la pause,

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  1   Monsieur le Président ?

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Parfaitement. Nous allons faire une pause de 20

  3   minutes.

  4   --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

  5   --- L'audience est reprise à 12 heures 52.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame West, vous avez la parole.

  7   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : M. Scott, qui vient d'arriver. Il y a longtemps

  9   qu'on ne l'avait pas vu. Donc on le salue.

 10   Bien. Madame West.

 11   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  Avant la pause, Professeur, nous parlions des sources, et vous aviez lu

 13   des parties de votre rapport là où vous disiez que : "Nulle part dans le

 14   monde un expert, un chercheur scientifique, ne prend des listes électorales

 15   comme point de départ pour établir le nombre exact du nombre de réfugiés."

 16   Nous parlons encore des sources. Pour ce faire, voyons la pièce P

 17   10731. Deuxième classeur. Je répète le numéro de la pièce. P 10731. Ce sera

 18   pour la version B/C/S à l'intercalaire 3.

 19   C'est un article qui concerne les études de population à propos des

 20   personnes qui ont trouvé la mort au Cambodge sous le régime de Khmer Rouge.

 21   Nous allons voir le résumé, parce que nous parlons de la période de 1975 à

 22   1979.

 23   Résumé :

 24   "Estimation des personnes décédées pendant le régime de Khmer Rouge

 25   au Cambodge de 1971 [phon] à 1975 [phon]. Ça va  entre 20 000 morts,

 26   d'après d'anciennes sources de Khmer Rouge, et cela monte à plus de 3 000

 27   000 de victimes d'après des sources gouvernementales vietnamiennes. Ici

 28   nous utilisons une source inhabituelle, à savoir la liste électorale de

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  1   1992 établie par les Nations Unies pour voir quelle était la taille de la

  2   population après le régime de Khmer Rouge, et combien il y a eu de morts

  3   excessifs dans les années 1970. Ici vous avez aussi la première ventilation

  4   par âge, par année unique, qui permet l'analyse de la structure des

  5   mortalités excessives et pour voir l'importance relative qu'avait la

  6   violence comme cause de décès au cours de cette période. Cette estimation

  7   est plus comparable avec les estimations plus élevées faites dans le passé.

  8   "De plus, l'analyse des causes probables de décès montre qu'il y au

  9   ne contribution plus importante des morts causées de façon directe ou

 10   violente que ce qui avait été reconnue jusqu'à présent."

 11   Je viens uniquement de lire le résumé. Je comprends que vous n'avez pas lu

 12   tout l'article, mais conviendriez-vous avec moi que la source mentionnée

 13   ici, ce sont des listes électorales, et qu'ici ces listes peuvent nous

 14   donner une bonne idée de la structure de la population ?

 15   R.  Tout d'abord, je tiens à dire que je n'ai pas lu l'article entier.

 16   Deuxièmement, je ne sais pas qui a rédigé l'article. Je ne connais pas les

 17   qualifications de la personne qui a rédigé. Est-ce un démographe, est-ce un

 18   journaliste, ou quelque chose d'autre.

 19   Deuxièmement, ici on compare la mortalité vis-à-vis des listes électorales.

 20   Moi, j'ai dit que je n'ai jamais entendu dire que les listes électorales

 21   aient pu servir dans des rapports d'expert et des rapports scientifiques en

 22   guise de point de départ pour l'évaluation du nombre de réfugiés. Je

 23   souligne une fois de plus l'évaluation du nombre de réfugiés.

 24   Peut-être si j'avais pu examiner l'article entier et si je pouvais

 25   voir quelle est la valeur de ces listes électorales, c'est de savoir

 26   quelles sont les données qu'on a pris en comparaison, quelles sont les

 27   bases de la mortalité, peut-être pourrais-je formuler une opinion

 28   définitive. De la sorte, je ne peux ni accepter ni rejeter.

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  1   Le fait est qu'ils l'ont fait. Maintenant, de là à savoir quel est le taux

  2   de fiabilité de ces données telles que présentées, ça je ne peux pas vous

  3   apporter un jugement. Je vous affirme que je ne sais pas que quiconque ait

  4   jamais fait le calcul des réfugiés partant d'un nombre -- ou partant des

  5   listes électorales.

  6   Q.  Cet article a apparu dans une revue scientifique qui parle "d'études de

  7   population," "d'études démographiques." Avez-vous entendu parler de cette

  8   revue scientifique ?

  9   R.  J'ai entendu parler de plusieurs revues portant ce nom, mais j'aimerais

 10   que vous me disiez le nom de l'auteur. Peut-être est-ce quelqu'un que je

 11   connaisse. Ça peut être, par exemple, un sociologue qui explique les

 12   choses, et ça vous donne un aspect. Un historien rédigeant la même chose a

 13   une autre approche. Dans la science, chacun a le droit de choisir sa source

 14   de données, mais dans la démographie qui est une science pure et

 15   disciplinaire, je dois aussi rechercher mes sources. Mais du point de vue

 16   d'un démographe il faut que je sache ce qui est et ce qui ne l'est pas,

 17   pour ce qui est de l'acceptabilité du minimum de fiabilité.

 18   Q.  Merci. L'auteur, c'est Patrick Heuveline. C'était un démographe du

 19   Centre des études démographiques de Pennsylvanie à l'époque. Aujourd'hui,

 20   il travaille à l'Université de Chicago.

 21   Avez-vous entendu parler de lui ?

 22   R.  Non, je n'ai pas entendu parler de ce monsieur.

 23   Q.  Merci. Poursuivons l'examen de la question des listes électorales

 24   utilisées ou de l'OSCE utilisées comme sources.

 25   Ici, vous avez déclaré en ce Tribunal en juin 2004, vous avez été

 26   témoin dans l'affaire Blagojevic. Vous vous en souvenez ?

 27   R.  Oui, je m'en souviens.

 28   Q.  C'était un procès qui concernait les événements de Srebrenica, n'est-ce

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  1   pas ?

  2   R.  Exact.

  3   Q.  Si, par exemple -- prenons ce que vous avez déclaré, compte rendu

  4   d'audience, page 109 990 [comme interprété].

  5   Ce jour-là, Me Karnavas vous avait demandé si, vu la situation de

  6   Srebrenica, quelle serait la source idéale. Vous avez dit qu'idéalement, ce

  7   serait pendant le recensement. Et n vous avait demandé s'il n'y avait pas

  8   possibilité de faire un recensement, qu'est-ce que vous feriez ?

  9   Je reprends la question : "Supposons qu'il n'était pas possible pour une

 10   raison précise d'avoir un recensement; manque d'argent, manque d'intérêt,

 11   manque de volonté politique, quelle que soit la situation, quelle serait, à

 12   votre avis, la deuxième solution après cela ?

 13   Page suivante, page 10 991, vous répondez ceci :

 14   "Tout d'abord, il faut puiser dans toutes les sources d'information qu'on a

 15   à sa disposition. Parmi les sources existantes, on peut tirer un très bon

 16   parti notamment des listes électorales de l'OSCE utilisées ici en 1997 et

 17   1998. Ce sont aussi des listes établies en 2000. On peut également utiliser

 18   comme base ou comme ligne directrice le recensement de 1991."

 19   Vous vous souvenez de vos dires dans ce procès ?

 20   R.  Si vous êtes en train de donner lecture de la chose que j'ai dite, je

 21   l'ai probablement dite. Il se peut que j'aie dit que pouviez l'utiliser,

 22   notamment bien en l'occurrence du cas de Srebrenica. Mais je ne pense pas,

 23   et ne pense pas maintenant non plus, que cette source-là de données est une

 24   bonne source de données. Elle peut être utilisée en cas de crise

 25   humanitaire.

 26   Mais ça était dit dans le sens suivant, à savoir que la détermination

 27   du nombre de survivants, parce que l'expert de l'Accusation avait travaillé

 28   sur une liste des personnes ayant droit de voter en 1997, mais il y avait

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  1   déjà une liste de l'an 2000. L'objectif là-bas avait consisté à chercher à

  2   vérifier si une personne figurant sur une liste de disparus s'était

  3   présentée pour faire partie d'une liste électorale. L'expert a constaté

  4   qu'il y en avait eu neuf de ce genre.

  5   Et j'ai dit là-bas que la méthodologie n'était pas bonne. Mais la

  6   bonne chose à faire [inaudible] excusez-moi. Il serait bon de faire en

  7   sorte qu'en sus de la liste électorale 1997, 1998, il se soit servi aussi

  8   de listes électorales de l'an 2000. C'est de cela qu'il s'agit. Je n'ai pas

  9   dit que la liste électorale dans ce cas de figure était idéale. J'ai dit

 10   qu'il eut été bon de s'être servi en sus de ce qu'on avait eu en 1997, 1998

 11   des listes de l'an 2000, pour vérifier dans l'autre liste aussi.

 12   Q.  Fort bien. Donc ce qui vous inquiète ici, ce qui vous embête, ce

 13   n'est pas qu'on a utilisé des listes électorales de l'OSCE et qu'elles

 14   seraient peu crédibles. Vous dites plutôt qu'il faudra en utiliser

 15   d'autres; c'est cela ?

 16   Q.  Non, Madame. Il s'agit de choses tout à fait différentes. Dans la

 17   situation qui était celle de l'époque, vous êtes en train de vérifier si

 18   quelqu'un est vivant. Ce n'est pas fiable, mais par correspondance, vous

 19   cherchez à savoir s'il y en a qui sont vivants encore. Vous ne faites pas

 20   de calculs partant d'une liste électorale pour savoir s'il a fui, s'il

 21   s'est réfugié, si c'est une personne déplacée. Vous cherchez à savoir si,

 22   dans une liste électorale aussi limitée que celle-là, vous retrouvez un

 23   survivant. Donc c'est une approche tout à fait différente pour des fins

 24   tout à fait différentes qu'on utilise cette liste électorale.

 25   Q.  D'accord --

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que je peux faire un commentaire ?

 27   Il serait bon de ne pas interrompre le témoin. Soit mieux

 28   circonscrire la question -- mais si on essaie de citer un procès précédent

Page 35020

  1   pour en retirer quelque chose, il faudrait permettre au témoin de replacer

  2   ceci dans son contexte parce qu'il se peut que la Chambre ne connaisse pas

  3   les événements de Srebrenica. Je saurais gré à la Chambre de donner une

  4   certaine marge de manœuvre au témoin en lui donnant le contexte ou le temps

  5   de le faire ou alors de mieux circonscrire la question.

  6   Mme WEST : [interprétation]

  7   Q. [aucune interprétation] 

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Par définition, la Chambre n'est pas au courant des

  9   quatre affaires où le témoin a apporté sa contribution à la manifestation

 10   de la vérité. A ce moment-là, rappelez néanmoins dans votre question

 11   introductive le contexte.

 12   Mme WEST : [interprétation]

 13   Q.  Professeur, dans Blagojevic, ceci c'était à propos de Srebrenica et là,

 14   on essayait de partir à la recherche des personnes portées disparues, des

 15   morts. Là, dans ce procès-ci, vous aviez fait comme vous le proposez là,

 16   les listes électorales et les recensements, vous auriez comparé les noms

 17   qu'on a dans le recensement et ceux avec les listes d'inscription et si

 18   quelqu'un ne s'était pas inscrit en 1997 ou vous avez dit mieux encore,

 19   plus tard, soit que ces personnes étaient portées disparues ou mortes. Ça,

 20   c'est le procès Srebrenica.

 21   Mais ici --

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Ce n'est pas ce qu'elle a dit. Ce n'est pas

 23   ce que dit le rapport. On dénature les faits. On peut le faire tant qu'on

 24   veut, mais ce n'est pas ce que le témoin a dit. Ce n'est pas ce qu'elle a

 25   écrit dans le procès Blagojevic, je devrais le savoir parce que c'était

 26   quand même mon témoin et c'est moi qui plaidais. Donc, soit on cite le

 27   rapport directement, soit on cite tout le passage pertinent.

 28   Mais soyons justes envers le témoin.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame West, comme vous avez eu accès au transcript

  2   du procès Blagojevic, il aurait été plus simple de lui dire : "Madame, en

  3   répondant à Me Karnavas à la page untel, vous avez dit cela. Aujourd'hui,

  4   qu'est-ce que vous me dites de plus, de

  5   moins ?" et cetera, pour qu'on ait une référence précise au transcript

  6   Blagojevic.

  7   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais

  8   effectivement, j'ai fait une référence exacte au compte rendu, mais je

  9   pense que nous pouvons passer à notre procès.

 10   Q.  Ici, dans ce procès, Professeur, si vous utilisiez, par exemple, le

 11   recensement 1991 ou les listes électorales, vous allez voir qui a été

 12   inscrit dans le recensement et -- plutôt qui a été repris dans le

 13   recensement et la personne, pour voir si cette personne s'est inscrite en

 14   1997. L'idée, c'est de voir si cette personne se trouve encore, à cette

 15   date-là, en Bosnie-Herzégovine.

 16   Ici, en l'occurrence, nous avons fait un pas de plus. Nous essayons de

 17   trouver leur adresse, non ?

 18   R.  C'est la première fois que j'entends parler de la recherche de

 19   l'adresse. Mais avant que je réponde à votre question qui me semble être du

 20   type "que se passerait-il si et si," je tiens à préciser que dans le

 21   rapport Blagojevic, j'ai tout un chapitre de critiques formulées à l'égard

 22   des sources de données pour ce qui est des listes électorales. En répondant

 23   à la question : "Si vous n'avez rien, que feriez-vous en sus des listes

 24   électorales ? Qu'utiliseriez-vous ?" Moi, si vous me posez la question de

 25   savoir si vous m'aviez confié le travail, si j'étais l'expert de

 26   l'Accusation et si je devais me servir de sources de données en me référant

 27   aux listes électorales et au recensement de la population, comme l'a fait

 28   Mme Tabeau, j'aurais dit "non," si vous me posez la question. Je vais vous

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  1   dire la raison. Si je m'étais servie de cela, mon rapport aurait contenu

  2   avec précision quelle est la donnée acceptable et quelle est la donnée non

  3   acceptable.

  4   Parce que pour ce qui est de procéder à des corrélations ou des

  5   correspondances entre deux sources d'information du point de vue

  6   méthodologique non compatibles, ça ne peut pas vous donner, en guise de

  7   résultats, une garantie pour ce qui est d'affirmer que par ces

  8   correspondances-là, vous avez obtenu des sources d'information fiables.

  9   Mais je répète que le démographe a le droit de vérifier ces sources, de les

 10   aménager, de procéder à toutes les démarches et phases de travail

 11   scientifiquement reconnues comme telles et émettre des réserves et dire,

 12   par exemple, cette source d'information est douteuse. Mais partant de la

 13   source d'information douteuse que j'ai utilisée parce que je n'en avais pas

 14   d'autres, je peux dire avec une fiabilité de tant de pour cent ce que je

 15   dis.

 16   De là à savoir -- excusez-moi, je n'ai pas fini.

 17   Q.  Professeur --

 18   R.  Ici, il est important -- il est très important, il est très important

 19   de mon point de vue --

 20   Q.  Faisons une pause. Ma question était de savoir si nous avons examiné

 21   les adresses et vous n'avez pas répondu à ma question.

 22   Je vais vous demander, une fois de plus, de bien écouter ma question et

 23   essayer d'y répondre.

 24   Parce que maintenant, on parle de méthodes de travail. Voyons ce que

 25   vous dites dans votre rapport sur les méthodes de travail.

 26   Page 22 en anglais, page 20 en B/C/S.

 27   R.  Excusez-moi, je ne vous ai pas bien compris. Quand vous dites -- non,

 28   non -- non, non, il faut que je puisse vous comprendre pour pouvoir vous

Page 35023

  1   répondre. Quand vous dites, est-ce qu'on a cherché l'adresse, vous voulez

  2   dire que pour procéder aux correspondances, le bureau du Procureur est allé

  3   chercher l'adresse ? Est-ce que c'est ce que vous aviez à l'esprit ?

  4   Je n'ai pas compris ce que vous m'avez demandé.

  5   Q.  Nous allons passer à autre chose. Pour ce faire, prenez la page 20 de

  6   votre rapport en B/C/S et je vais vous donner lecture de ce que vous avez

  7   écrit en matière de corrélation. Vous dites :

  8   "La méthode de corrélation cherche à identifier des unités présentant une

  9   correspondance parfaite de plusieurs jeux; ici, nous avons le recensement

 10   et les listes électorales. La comparaison se fait de la façon suivante : il

 11   y a une première identification qui permet de corréler une source à une

 12   autre pour trouver l'équivalent parfait. Cette méthode ne pose pas de

 13   problème si on a une seule clé exacte d'identification qui peut se composer

 14   de plusieurs chiffres, de plusieurs numéros et le niveau d'exactitude de la

 15   concordance et fonction de l'exactitude de chacun de ces éléments.

 16   "Par exemple, si on a un numéro d'identification personnelle, c'est une

 17   bonne clé pour autant que ce numéro soit exact. On y trouve 13 chiffres,

 18   chacun de ces chiffres étant un élément nécessaire pour permettre

 19   l'identification précise d'un individu. Elle a l'avantage, cette méthode,

 20   d'être unique. Ça veut dire qu'il n'est pas possible que deux ou plus de

 21   personnes aient le même numéro d'identification. Il est impossible d'avoir

 22   des doublons. La corrélation avec le bon numéro d'identification personnel

 23   permet d'éliminer toute influence subjective sur les résultats définitifs."

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Allez moins vite parce que les interprètes ont du

 25   mal à vous suivre, comme vous parlez très vite.

 26   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Q.  Professeur, je vais vous demander ceci : d'après vous, en matière de

 28   corrélation ou de concordance, le fait d'avoir une concordance avec le

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  1   numéro d'identification personnelle, est-ce que ce serait la méthode idéale

  2   ?

  3   R.  La meilleure des méthodes, c'est la plus fiable, à condition que le

  4   JMBG, le numéro d'identification personnelle soit unique, donc qu'il ne se

  5   répète pas à deux reprises et il faut qu'il soit consigné de façon exacte.

  6   C'est la façon la plus fiable, la clé la plus fiable pour ce qui est de

  7   procéder à des correspondances. Dans ce cas, comme vous avez, par exemple,

  8   le cas de la carte bancaire, vous avez un code numérique qui est d'un autre

  9   type, certes.

 10   Q.  Si le bureau du Procureur s'était servi de cette clé que constitue le

 11   numéro d'immatriculation et si c'était là, la seule méthode utilisée, est-

 12   ce que vous seriez en désaccord avec les résultats qui auraient été obtenus

 13   uniquement avec cet élément-là ? R.  Cette méthodologie de correspondance,

 14   avec cette utilisation des clés, si vous aviez utilisé le JMBG comme clé de

 15   correspondance et si on avait disposé des JMBG exacts et fiables, les

 16   données auraient certainement été beaucoup plus fiables.

 17   Q.  Merci. Pourtant, vous dites, ceci est plus loin, page 21 en B/C/S, que

 18   la clé d'identification doit être immuable pendant tout le processus

 19   d'identification. Est-ce que d'autres statisticiens sont de votre avis ?

 20   R.  Ce n'est pas une question d'opinion. Il y a des services entiers, des

 21   processus entiers où on procède de la sorte. Le recensement de la

 22   population, la personne recensée, vous la faites correspondre à une

 23   famille, à un foyer; il y a personnes recensées et famille et ça vous

 24   permet de savoir combien, dans une famille, vous avez de membres de cette

 25   famille. La population d'un pays qui dispose d'un registre d'état civil

 26   passe par un numéro d'identification unique pour faire correspondre

 27   différents éléments. Donc ces instances ou ces pays, voire leurs

 28   institutions, disposent d'un système opérationnel pour procéder à ces

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  1   correspondances. Je ne peux pas dire qu'il n'y a pas d'erreur à survenir,

  2   mais c'est la façon la plus fiable de procéder. Il faut que vous disposiez

  3   d'un système opérationnel édifié.

  4   Q.  Merci. Examinons certains de ces états et des ces institutions. Prenons

  5   la pièce P 10734, dans le deuxième classeur.

  6   R.  P 10734 ?

  7   Q.  Correct.

  8   R.  Bien.

  9   Q.  Il s'agit d'un article qui a été publié par le bureau américain du

 10   recensement qui s'intitule "Qualité de bases de données extrêmement

 11   vastes."

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Une objection, l'utilisation de ce document.

 13   Cela n'a rien à voir avec la Bosnie-Herzégovine, n'a rien à voir avec la

 14   ligne de questionnement qui avait trait aux

 15   13 chiffres du numéro d'immatriculation personnelle, quant à savoir

 16   pourquoi ces numéros doivent être immuables et ne pas changer des numéros

 17   qui sont donnés aux individus. Qu'est-ce que ce document a à y voir et

 18   qu'est-ce que le bureau national de la statistique américain a à voir avec

 19   ce qui se passe en Bosnie-Herzégovine ?

 20   Donc, j'ai une objection, à moins qu'il n'y ait une base.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pense que la Chambre la rejette.

 22   C'est prématuré, je crois, que de rejeter cela.

 23   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 24   Q.  Nous parlons de méthodologie; vous avez dit, Professeur, qu'une

 25   méthodologie qui utilise un numéro d'immatriculation qui est immuable

 26   constitue la meilleure solution. Il s'agit d'un article du bureau de

 27   recensement américain, je vais vous lire un extrait et vous poser une

 28   question. L'extrait nous parle :

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  1   "De l'analyse et de l'étude de grandes quantités d'informations qui

  2   figurent dans des fichiers pour des grands registres importants et pour des

  3   fichiers qui sont…" --

  4   Mme WEST : [interprétation] Je pense maintenant que nous l'avons à l'écran,

  5   nous pouvons reprendre peut-être.

  6   Q.  "Analyse et extraction de données de grands fichiers informatiques qui

  7   sont affectés par la qualité de l'information dans ces fichiers. Pour des

  8   grands registres de population, pour des fichiers qui sont créés par la

  9   fusion de deux ou plusieurs fichiers, il faut qu'il y ait l'identification

 10   de l'entrée double. Une identification double peut être faite sur la base

 11   de logiciels de liaison qui peuvent corréler des noms, des adresses, des

 12   dates de naissance et qui peuvent contenir aussi un grand nombre d'erreurs

 13   typographiques.

 14   "Il faut faire une étude quantitative et qualitative pour assurer que les

 15   éléments manquants puissent être traités rapidement. Ce document décrit les

 16   méthodes informatiques et les logiciels existants pour ces groupes de

 17   fichiers là où ces fichiers contiennent un million à quatre milliards de

 18   documents."

 19   Professeur, le recensement de 1991 a dit qu'il y avait quelques 4,4

 20   millions d'habitants en Bosnie-Herzégovine ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et l'OSCE en 1997, 1998 nous indique 2,5 millions de personnes dans les

 23   registres d'électeurs; est-ce exact ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Ce que je viens de lire dans ce résumé, est-ce que vous êtes d'accord

 26   avec moi pour dire que des logiciels qui peuvent calculer et faire des

 27   liens entre des bases de données qui sont énormes que c'est quelque chose,

 28   en tout cas, qui est préconisé par le bureau national de la statistique ou

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  1   du recensement aux

  2   Etats-Unis ?

  3   R.  Tout d'abord, je ne m'y connais pas du tout en logiciels, mais les

  4   Etats-Unis font un registre unique en reliant deux ou plus ou 50 bases de

  5   données. Donc ils prennent les bases de données des états différents et

  6   certainement, il y a des doubles.

  7   Mais je ne peux pas être sûre, c'est ce qui est fait certainement

  8   aussi en Serbie, mais elle essaie de créer une base de données, mais il

  9   n'est pas possible de vérifier le dupliqua [phon] car ça se fait sur un

 10   seul recensement. Elle ne peut pas vérifier; or,

 11   Mme Tabeau peut le vérifier partiellement. Pourquoi ? Car si elle prenait

 12   les JMBG du recensement et des listes d'électeurs --

 13   Q.  Professeur, je suis désolée de vous interrompre, mais je ne vous

 14   demande pas cette réponse-là. Je vous parle de lien existant entre les

 15   logiciels de données et le bureau américain. Vous me parlez du rapport

 16   Tabeau, maintenant. Vous pouvez reprendre la version B/C/S et poursuivre et

 17   nous lire --

 18   R.  S'il vous plaît, je parle du fait de relier. Ici, il est question de

 19   "relier les logiciels…" --

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Madame le Témoin, excusez-moi, vous

 21   êtes dans une situation un petit peu délicate. Nous le savons et vous

 22   n'êtes ni la première, ni la dernière. Mais la règle du jeu, c'est que dans

 23   le cadre du contre-interrogatoire, on peut vous poser des questions qui

 24   demandent une réponse "oui," "non," "je ne me souviens pas" ou "je ne sais

 25   pas."

 26   Il est tout à fait compréhensible que souvent, vous ayez l'envie

 27   d'expliciter les choses. Mais nous savons tous, et tout le monde dans le

 28   prétoire vous le confirmera, que nous avons un temps qui est limité. Par

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  1   conséquent, nous vous demandons de vous en tenir dans la mesure du possible

  2   à la question posée par le Procureur. Vous n'avez pas de liberté de parole

  3   finalement, ici. Peut-être que cela est regrettable. Néanmoins, il s'agit

  4   de la Règle du Règlement des procédures, il faut que nous nous y tenions.

  5   Merci.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, avec votre permission,

  7   puis-je dire quelque chose.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, malheureusement, je

  9   serai impoli, je ne peux pas vous l'autoriser. Il y a beaucoup de témoins

 10   qui nous ont déjà posé la question et la réponse est toujours la même.

 11   Allez-y, Madame West.

 12   Mme WEST : [interprétation]

 13   Q.  Professeur, nous allons avancer dans cet article, il s'agit de la

 14   deuxième page dans la version B/C/S. En anglais, c'est la partie qui est

 15   intitulée "Numéro 4," deux pages avant la fin, "Liaison de données pour des

 16   fichiers qui sont exceptionnellement gros."

 17   "Beaucoup d'individus estiment que le fait d'identifier des doublons

 18   constitue sans doute la question la plus épineuse en matière de qualité des

 19   données. Pour des situations de grandes corrélations, par exemple, les

 20   fichiers de sécurité sociale, il y a plus de sept millions de registres,

 21   300 millions parfois, et ceci peut comprendre des comparaisons extrêmement

 22   détaillées avec plusieurs trilliards [phon] de données. Donc, la

 23   corrélation ou la correspondance doit se faire faire en utilisant le nom,

 24   l'adresse, la date de naissance, si le fichier du recensement ne comprend

 25   pas le numéro de sécurité sociale. Cela se fait par des machines qui sont

 26   sûres avec plusieurs pare-feux, et ils sont faits par des grands

 27   ordinateurs protégés.

 28   "Pour avoir une bonne corrélation, ces fichiers sont corrélés avec un

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  1   certain nombre de blocs, que l'on appelle des "blocking pass." Et seules

  2   les paires qui donnent les mêmes caractéristiques sont prises en compte.

  3   Par exemple, sur un ensemble ou un "blocking pass," on acceptera les paires

  4   qui donnent une corrélation entre le prénom et le nom de famille. Pour

  5   d'autres caractéristiques, on prendra l'adresse. Pour une autre, seules les

  6   paires qui donnent une correspondance sur la date de naissance pourront

  7   être prises en compte."

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Avant même d'entre la question, sauf à

  9   pouvoir établir le fait que c'était la procédure utilisée en Bosnie à

 10   l'époque, -ce qui n'était pas le cas - bien, essayer de comparer ce

 11   processus qui a été utilisé aux Etats-Unis d'une manière extrêmement

 12   sophistiquée pour les numéros de sécurité sociale, et cetera, par rapport à

 13   ce qui a été utilisé en 1991, bien, il s'agit de deux choses complètement

 14   différentes. Comment peut-elle demander une réponse à cette question ?

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais la question n'a pas encore été

 16   posée.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Mais justement, j'ai une objection

 18   précisément sur ce point-là. Ce document n'est pas pertinent pour faire une

 19   comparaison. Nous savons déjà ce qu'elle essaie de faire. Parce qu'on a

 20   déjà entendu la question précédente, et je n'ai pas posé d'objection. Mais

 21   là, c'est très clair. Je n'ai même pas besoin d'entendre la question. Je

 22   pourrais la poser moi-même.

 23   Elle essaie d'établir une comparaison. Et ce que j'essaie de dire,

 24   justement, c'est peut-être une procédure acceptable aux Etats-Unis mais ça

 25   ne veut pas dire que c'est acceptable ici, parce qu'il n'y a pas de base

 26   concernant ce qui se passait en 1991. Voilà ce que je souhaite dire.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est une question concernant la

 28   méthodologie, et nous écoutons la question que le Procureur souhaite poser.

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  1   Mme WEST : [interprétation] Merci.

  2   Q.  Professeur, ma question est la suivante : ce que je viens de lire,

  3   cette méthode, est-ce qu'elle vous est connue, familière ? Est-ce la

  4   méthode qui est utilités par le bureau du Procureur dans son rapport ?

  5   R.  Je ne saurais vous le dire. Il n'est pas question ici de la corrélation

  6   des types différents de sources de données. Il est question de la façon

  7   dont on fusionne des parties d'une seule source, c'est-à-dire le

  8   recensement de la population, et ainsi, on peut aboutir au dupliqua, et il

  9   question aussi de la façon dont on les écarte, ces dupliquas. Mais ceci n'a

 10   rien à voir avec l'utilisation de deux sources totalement différentes.

 11   Ici, il s'agit d'une technique qui permet de nettoyer les documents afin

 12   d'aboutir à la fiabilité des données du recensement accompli aux Etats-

 13   Unis. Or, ce n'est pas la méthode permettant de retrouver Svetlana

 14   Radovanovic dans deux sources différentes. C'est ainsi que je comprends ce

 15   qui a été lu ici.

 16   Q.  J'aimerais vous relire la deuxième phrase, qui nous dit

 17   que :

 18   "Pour une situation de grande corrélation, c'est-à-dire la corrélation des

 19   dossiers de sécurité sociale, les 600 milliards [comme interprété]

 20   d'enregistrements par rapport au recensement décennal de 2000, bien, il

 21   peut y avoir 300 millions d'enregistrements, il faudrait comparer 600

 22   trilliards de données."

 23   Il s'agit, en effet, de comparer des sources qui sont différentes, n'est-ce

 24   pas ? Il ne s'agit pas d'un document visant à faire du nettoyage de

 25   documents --

 26   R.  Non, Madame, ce n'est pas le cas. Si vous revenez au début, où il est

 27   dit "bref aperçu," s'agissant de gros registres de la population, et les

 28   bases de données créées en fusionnant deux ou plusieurs bases de données,

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  1   il est nécessaire d'arriver à un certain nombre de dupliquas. Donc s'il y

  2   en a deux ou plusieurs bases de données du recensement de la population, on

  3   arrive à cela. Et si vous comparez deux ou plusieurs bases de données

  4   concernant la population, bien, vous pouvez identifier les dupliquas.

  5   Q.  Néanmoins, Professeur, ma question, c'est de savoir si vous connaissez

  6   ce processus. Et je vous demanderais de voir P 09836, qui est dans le

  7   dossier numéro 1.

  8   R.  P 09836.

  9   Q.  P 09836. Rapport du bureau du Procureur, il y a un intercalaire rouge,

 10   l'intercalaire rouge. La page 108 du B/C/S, je crois que vous y êtes.

 11   J'aimerais vous lire ce paragraphe et vous poser une question. On parle de

 12   "liaison entre données." La page 98 [comme interprété] de l'anglais,

 13   deuxième paragraphe :

 14   "Pour lier les ensembles de données, nous utilisons une procédure à

 15   multiples étapes. Chaque étape consiste à plusieurs comparaisons entre deux

 16   ensembles de registres de données qui sont liés. Un registre qui décrit

 17   l'individu et qui est le résumé de ses caractéristiques et d'autres

 18   informations, par exemple le prénom, le nom de famille…" --

 19   R.  Vous êtes en train de lire la page 108, premier

 20   paragraphe ?

 21   Q.  Il s'agit du deuxième paragraphe.

 22   R.  Deuxième, d'accord.

 23   Q.  Et vous êtes sur l'annexe C, c'est exact ? Vous voulez bien reprendre ?

 24    "Pour effectuer la liaison des ensembles de données, nous avons une

 25   procédure à plusieurs étapes. Chacune de ces étapes consiste en plusieurs

 26   comparaisons entre deux ensembles de registres d'informations

 27   individuelles. Un registre décrit toujours l'individu et l'ensemble de ses

 28   caractéristiques sur un certain nombre de points, par exemple, son prénom,

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  1   son nom de famille, le nom du père, la date de naissance, et cetera. Toutes

  2   les étapes suivent la même logique (voir plus bas).

  3   "Les différences entre les étapes sont les critères un petit peu différents

  4   qui sont utilisés pour corréler les registres et le fait que la population

  5   disponible pour les corrélations suivantes diminue au fil de chaque étape.

  6   Autrement dit, une fois qu'un nombre de registres ont été corrélés dans

  7   deux ensembles, bien, ces registres sont exclus pour la fois suivante, la

  8   corrélation suivante. Et dans l'étape suivante, le critère de corrélation

  9   appliqué a été modifié par rapport au précédent pour pouvoir obtenir de

 10   nouvelles correspondances ou des nouvelles corrélations."

 11   Professeur, ma question est la suivante : cette méthode qui est décrite par

 12   le rapport du Procureur, n'est-ce pas exactement ce que l'on parle de le

 13   recensement américain, pas dans l'abstract [phon] mais dans la partie qui

 14   s'intitule "Liens entre les différents registres" ?

 15   R.  Ce n'est pas la même chose. Les Etats-Unis établissent le lien au sein

 16   d'une base de données, donc ils font un lien entre les parties différentes

 17   pour créer un registre. Alors qu'ici, il y a des sources différentes, des

 18   bases de données différentes pour établir une corrélation s'agissant d'une

 19   seule personne ou plusieurs personnes individuelles pour ainsi créer un

 20   troisième base de données. Donc dans le recensement des Etats-Unis,

 21   personne ne crée une deuxième, troisième ou septième base de données. Mais

 22   l'on est en train de créer une seule base de données qui constitue

 23   plusieurs éléments et qui est censée être faite de manière à être fiable et

 24   nettoyée de toutes les défaillances.

 25   Ce processus contient deux étapes différentes; et l'on crée la troisième

 26   étape par le biais de la corrélation. Il y a plusieurs pas à faire pour

 27   cette troisième phase. La première c'est, O.K. j'ai bien fait ma

 28   corrélation. Maintenant, je fais la corrélation et j'ajoute au premier

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  1   élément. Ça c'est la statistique de la corrélation.

  2   Si l'expert de l'Accusation avait dit dans le premier pas, j'ai fait la

  3   corrélation de 20 % en appliquant le critère tel que nom, prénom, prénom du

  4   père, date de naissance, lors du deuxième pas ou étape, j'ai fait la

  5   corrélation de 40 %. Or, elle ne l'a pas fait, et c'est justement là le

  6   problème.

  7   Q.  Ceci dit, Professeur, n'êtes-vous pas d'accord pour dire que le bureau

  8   de recensement américain recommande une méthode qui est extrêmement

  9   différente par rapport à l'identification, la méthode de la clé

 10   d'identification personnelle que vous avez préconisée ?

 11   R.  Ici, il y a une confusion terminologique. Ou bien peut-être je n'arrive

 12   pas bien à m'expliquer ou peut-être il y a un problème d'interprétation ou

 13   un troisième problème.

 14   Les Etats-Unis créent une base de données sur la base de plusieurs

 15   éléments. Ils la créent en déterminant les dupliquas, en faisant des

 16   cercles, ils essaient d'établir une base de données avec des données

 17   fiables concernant chaque individu sans duplicités [phon].

 18   Or, votre expert ne le fait pas. Il utilise deux bases de données pour en

 19   créer une troisième. Si votre expert avait dit, "Sur la base du recensement

 20   de la population, je veux créer une base de données fiable dont les numéros

 21   d'immatriculation personnels sont exacts," ça, ça va être mon premier pas,

 22   ma première étape. Deuxième étape, "En utilisant le recensement de la

 23   population, je vais prendre les données concernant ceux pour qui les

 24   numéros d'identification sont partiels." Le troisième, il s'agirait des

 25   numéros d'identification erronés. Puis quatrième étape, ceux qui n'ont pas

 26   du tout de numéro d'identification.

 27   Elle aurait pu trouver un système opérationnel qui réduirait cette base à

 28   une seule clé qui pourrait être utilisée pour des comparaisons. C'est ça

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  1   qui est fait dans les Etats-Unis.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Peut-être ai-je un problème de

  3   compréhension.

  4   Vous soulignez envi [phon] le fait que les Etats-Unis utilisent une

  5   base de données, la même. Moi, ce que je lis dans le rapport où nous nous

  6   trouvions tout à l'heure, c'est que d'un côté il y a les fichiers de la

  7   sécurité sociale d'un côté, et de l'autre côté, les documents du

  8   recensement. Selon vous, s'agit-il de la même chose ou s'agit-il de deux

  9   bases qui sont séparées, différentes et distinctes l'une de l'autre ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Sur la base desquels ils forment une

 11   base de données, et il peut leur arriver une situation où, à la fois au

 12   sein du service de couverture sociale et au sein du recensement, ils

 13   trouveront une même personne. C'est la manière dont je lis cette page.

 14   J'essaye d'établir une seule base de données qui éviterait d'avoir des

 15   duplications.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame l'Expert, je quitte les Etats-Unis pour

 17   revenir dans l'ex-Yougoslavie.

 18   Le système JMBG qui semble, enfin, qui est la résultante d'une loi

 19   qui avait été prise à l'époque en 1976, si je ne me trompe, est un système

 20   à 13 identifiants; la date de naissance, le lieu de naissance, la question

 21   du sexe et une dernière clé qui est la clé "K," qui est établie après un

 22   calcul savant.

 23   Mais quand je regarde ce système yougoslave, il semble, sauf erreur

 24   de ma part, qu'il n'avait absolument pas prévu l'identifiant ethnique dans

 25   ces 13 identifiants. A savoir si on est Serbe, Croate, Musulman, ça n'avait

 26   pas été pris en compte ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà. Alors pour Mostar, par exemple, l'identifiant

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  1   qui est le chiffre 15 - puisque toutes les villes ont eu un chiffre - pour

  2   Mostar, enfin pour ceux que ça intéresse, c'est le chiffre 15 - est-ce

  3   qu'un démographe, voyant que la personne est née à Mostar, chiffre 15

  4   obtenu de la composition ethnique de Mostar, a une chance sur deux de se

  5   tromper en disant il est Musulman ou Croate ?

  6   Donc le système JMBG est imparfait au point de vue ethnique parce qu'il n'y

  7   a aucune référence ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors ce qui explique qu'il faut croiser, si je

 10   comprends bien, avec une autre source qui est, comme le soutient

 11   l'Accusation, les listes électorales où, dans les listes électorales, il

 12   peut y avoir l'appartenance ethnique ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. L'Accusation sait très bien que dans les

 14   listes électorales il n'y a pas d'appartenance ethnique, tout comme elle le

 15   sait que ceci fait partie du recensement. Ils ont besoin de la corrélation

 16   pour reprendre cette donnée portant sur l'appartenance ethnique et

 17   l'installer dans les listes électorales, créer un nouvel ensemble et dire,

 18   voilà l'ensemble qui m'intéresse concernant 1997.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour un scientifique, comme peut l'être un

 20   démographe ou un sociologue qui a fait des études statistiques, la seule

 21   base dans ce domaine où il résulte que du recensement où le citoyen a ou

 22   n'a pas, puisqu'il était libre, indiqué s'il était Serbe, Croate ou

 23   Musulman. C'est le seul instrument ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Cela dit, il faut tenir compte du

 25   fait que cette déclaration ethnique est valable pour le moment en question.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc vous confirmez bien que la seule base

 27   fiable - et encore à prendre avec des pincettes - c'est le recensement,

 28   parce que tout le reste il n'y a aucune référence ethnique ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà. Je pense avoir tout dit.

  3   Mme WEST : [interprétation] Est-ce que vous voulez que je poursuive ou est-

  4   ce que je dois m'arrêter parce que je veux passer à un autre sujet ?

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Il reste deux minutes et 48 secondes, alors il vaut

  6   peut-être mieux arrêter, d'autant plus que moi, dans 30 minutes, j'ai un

  7   autre procès. Bien. Alors on continuera demain, Madame West.

  8   On va calculer le temps que vous avez utilisé et il y a de fortes

  9   chances qu'on termine demain, y compris avec les questions supplémentaires.

 10   Vous avez utilisé une heure et 15 minutes, donc il vous reste une heure et

 11   45 minutes. Voilà.

 12   Madame le Témoin, à nouveau mes consignes : vous n'avez aucun contact

 13   avec Me Karnavas ni avec l'Accusation ni avec les Juges, cela va de soi.

 14   Nous aurons le plaisir de vous retrouver demain à 9 heures ainsi que tout

 15   le monde.

 16   --- L'audience est levée à 13 heures 43 et reprendra le mercredi 26

 17   novembre à 9 heures 00.

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