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1 Le lundi 12 janvier 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
6 l'affaire, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à
8 toutes et à tous dans ce prétoire et autour de celui-ci, bonne année.
9 Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts. Merci.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je vais vous répondre
11 également en souhaitant à tout le monde une bonne année, et
12 particulièrement aux accusés, à leurs avocats et à l'Accusation. Je
13 souhaite que cette année puisse dérouler pour les uns et les autres dans
14 les meilleures conditions possibles ainsi que pour vos familles.
15 Je vais faire une annonce de nature administrative. En raison d'un procès
16 qui va se tenir, procès numéro 7, la présidence de ce Tribunal a demandé à
17 toutes les Chambres d'annuler quelques audiences pour que ce septième
18 procès puisse se terminer. Dans ces conditions, concernant l'affaire Prlic,
19 il a été décidé que le 18 février qui est un mercredi et le 26 février qui
20 est un jeudi, il n'y aura pas d'audience. Alors j'ai regardé le tableau des
21 témoins de la Défense Stojic qui était prévu pour ces dates, pour le 18
22 février a priori, il ne devrait pas y avoir de problème car le témoin qui
23 est prévu sur trois heures était prévu sur quatre jours, et donc on aura
24 trois jours, c'est donc faisable. Pour le 26 février, le témoin qui était
25 prévu est prévu pour deux heures d'interrogatoire principal, donc supprimer
26 le jeudi 26 février ne devrait pas entraîner de problème majeur. Donc je
27 tenais à vous indiquer cela afin que les uns et les autres puissent prendre
28 vos dispositions.
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1 Tout en ayant le calendrier des témoins à venir pour la Défense Stojic et
2 également en tenant compte des heures qui ont été allouées aux autres
3 Défenses, d'après mes calculs qui sont empiriques et qui ne valent qu'à
4 titre simplement de renseignement, nous devrons, sauf problème nouveau,
5 terminer les témoins de la Défense au plus tôt dans la semaine du mois de
6 mai 2010. Voilà tel que peuvent se présenter nos calendriers, en tenant
7 compte des heures qui ont été allouées. Si ça peut vous intéresser, nous
8 devrions pour la Défense Stojic terminer aux environs du 23 avril, après
9 quoi, la Défense de M. Praljak devrait donc commencer et ces derniers
10 témoins devraient arriver fin août 2009. Nous devrions donc reprendre avec
11 les témoins Petkovic à compter de septembre 2009, et nous irions jusqu'en
12 début décembre 2009, après quoi, nous commencerions avec les témoins de M.
13 Coric jusqu'en mars 2010 et nous commencerions la dernière semaine de mars
14 2010 avec les témoins de M. Pusic et nous irions ainsi jusqu'en mai 2010,
15 mais ceci évidemment, si tout se déroule conformément au calendrier qui
16 avait été proposé et au respect des heures allouées par la Chambre. Voilà,
17 donc tablons sur mai 2010, la fin des derniers témoins.
18 Je vais demander à M. le Greffier pendant quelques secondes de passer à
19 huis clos.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
21 partiel, Monsieur le Président.
22 [Audience à huis clos partiel]
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23 [Audience publique]
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, en audience publique, nous avons donc le
25 témoin de M. Prlic, le Sieur Cvikl, qui va venir témoigner. La Chambre a
26 appris que ce témoin voulait être assisté de son ordinateur. La Chambre,
27 qui a délibéré ce matin, a constaté que, depuis que ce Tribunal existe,
28 jamais un témoin n'est venu avec un ordinateur personnel. Donc, de ce fait,
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1 la Chambre ne peut pas donner l'autorisation au témoin d'avoir en sa
2 possession son ordinateur personnel. En revanche, nous avons cru comprendre
3 qu'il voulait son ordinateur pour se référer à son rapport. Mais comme il y
4 a donc un rapport écrit, il suffira à M. Cvikl d'avoir sous la main son
5 rapport écrit, pour s'y référer et se référer aux notes de bas de page.
6 Voilà donc ce que je tenais à dire à titre préliminaire.
7 Pour ce témoin, la Défense de M. Prlic a besoin, je crois, de quatre
8 heures; c'est bien ça, Maître Karnavas ? Que je salue à nouveau.
9 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à
10 toutes et à tous dans ce prétoire et autour de celui-ci, et je vous
11 souhaite une bonne année 2009. Si je comprends bien, il nous faudra au
12 moins quatre heures. On va essayer de ne pas en avoir besoin de quatre
13 heures. Nous avons une présentation par laptop. Il voulait utiliser son
14 ordinateur personnel tout simplement pour faire une recherche rapide de
15 certains documents, mais ce ne posera pas de problème. Quoi qu'il en soit,
16 nous avons une présentation sous forme PowerPoint. Nous avons fourni une
17 copie à tout le monde et vous verrez, nous avons aussi l'ordre de
18 présentation et l'utilisation des documents. Nous allons essayer de le
19 faire en moins de quatre heures, mais il faudra sans doute quatre heures.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas.
21 Je vais demander à M. l'Huissier d'aller chercher le témoin.
22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. J'espère que vous
24 m'attendez. Pouvez-vous me donner votre nom, prénom et date de naissance ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Milan Cvikl. Je suis né le 19 mai
26 1959.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous actuellement une profession ou une qualité
28 ? Si oui, laquelle ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je suis secrétaire généralement et chef
2 d'état-major du gouvernement de Slovénie.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avez-vous, Monsieur, déjà témoigné devant un
4 Tribunal soit international soit national sur les événements qui se sont
5 déroulés dans l'ex-Yougoslavie, ou bien c'est la première fois que vous
6 témoignez ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sera la première fois.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur.
9 Je vous demande de lire le serment.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
11 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
12 LE TÉMOIN : MILAN CVIKL [Assermenté]
13 [Le témoin répond par l'interprète]
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors je vais vous donner quelques éléments
17 d'information, mais je pense que Me Karnavas vous les a déjà indiqués, mais
18 on ne sait jamais. Compte tenu de vos fonctions éminentes que vous avez
19 déjà occupées dans le temps et vos fonctions actuelles, vous allez très
20 vitre comprendre que la procédure qui se déroule devant ce Tribunal est une
21 procédure où les Juges sont en retrait, car c'est d'abord les avocats des
22 accusés qui vont vous poser des questions, et en l'occurrence, c'est Me
23 Karnavas qui va vous poser des questions à partir d'un travail que vous
24 avez effectué, après cette phase les autres avocats des autres accusés vous
25 poseront également des questions, dans le cade dit du contre-
26 interrogatoire. Lorsque ceci ce sera déroulé, le Procureur, qui se trouve à
27 votre droite, mènera lui le contre-interrogatoire, mais les quatre Juges
28 qui sont devant vous - là, nous sommes trois parce qu'il y en a un qui est
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1 malade et j'espère qu'il arrivera très rapidement - vous poseront
2 également, le cas échéant, donc des questions à partir des documents. Nous
3 savons qu'il y a beaucoup de documents, et je ne veux donc pas perdre de
4 temps, en laissant immédiatement la parole à Me Karnavas, étant précisé,
5 Monsieur, que vous êtes maintenant témoin de la justice ce qui implique
6 pour les jours à venir, parce que vous allez devoir rester pour le moins
7 cette semaine ici, vous n'aurez aucun contact avec Me Karnavas, mais ça
8 vous avez dû en être informé par l'avocat lui-même.
9 Voilà ce que je tenais à vous dire, et c'est bien volontiers que je cède la
10 parole à Me Karnavas.
11 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci,
12 Messieurs les Juges.
13 Interrogatoire principal par M. Karnavas :
14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Cvikl.
15 R. Bonjour.
16 Q. Si j'ai bien compris, aujourd'hui vous préférez une présentation par
17 PowerPoint.
18 R. C'est exact. J'ai préféré une présentation par PowerPoint pour faire la
19 synthèse du rapport que j'ai préparé.
20 Q. Vous allez parler en anglais et, moi aussi, je parle l'anglais et nous
21 avons ces merveilleux interprètes mais ils ont besoin de respirer. Je vais
22 donc vous demander de ménager une pause entre mes questions et vos
23 réponses.
24 R. [aucune interprétation]
25 Q. Parlez lentement et prononcez bien clairement, c'est utile.
26 Si j'ai bien compris, vous avez préparé un rapport et c'est la pièce 1D
27 03111, 3111; c'est exact ? Vous l'avez à l'écran ou est-ce que vous l'avez
28 avec vous ?
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1 R. Oui, j'ai ce rapport ici dans un des classeurs; c'est le rapport que
2 j'ai effectivement préparé.
3 Q. Fort bien. Quelques questions en ce qui concerne ce rapport avant
4 d'aborder le sujet. Qui l'a préparé ce rapport ?
5 R. Moi-même partant des documents qui m'ont été fournis, beaucoup d'entre
6 eux m'ont été fournis par vous.
7 Q. Prenons la page 7 (VII), préface, on y trouve une partie qui montre
8 votre parcours scolaire et votre expérience professionnelle ?
9 R. C'est exact. C'est un curriculum vitae bref qui résume mes activités.
10 Q. A la page 8 (VIII), au chapitre : "Sujet" -- ou "Objet de l'analyse,"
11 on voit ce titre puis on voit pratiquement la tâche qui vous avait été
12 conviée, les documents que vous avez examinés et les personnes que vous
13 avez rencontrées pour préparer votre rapport ?
14 R. C'est exact. On voit ce que j'ai fait l'analyse des documents qui m'ont
15 été donnés --
16 L'INTERPRÈTE : [interprétation] Monsieur le Président, pourriez-vous
17 éteindre votre micro ? Merci.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, d'abord sur la Communauté croate puis sur
19 la République croate d'Herceg-Bosna, puis j'ai utilisé les documents
20 fournis; en plus de cela, j'ai aussi trouvé des documents supplémentaires
21 qui expliquent ce qui se passait en économie pendant les [imperceptible] de
22 la Yougoslavie et plus tard dans différentes parties de la Yougoslavie.
23 M. KARNAVAS : [interprétation]
24 Q. Fort bien. On peut voir la table des matières qui se trouvent au
25 chiffre romain I, et je pense que ça se poursuit aux chiffres romains III
26 et IV, mais en quelques mots dites-nous cette présentation au PowerPoint
27 que vous avez préparé en vue de votre audition. Est-ce que vous pourriez
28 nous expliquer ceci ? Est-ce qu'elle suit l'ordre du rapport ? Est-ce
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1 qu'elle correspond bien à la teneur de votre rapport ou est-ce qu'on
2 retrouve dans cette présentation des éléments qu'on ne trouveraient pas
3 dans le rapport ?
4 R. Non. Cette préparation en PowerPoint que j'ai préparée s'inspire du
5 rapport. Elle fait simplement la synthèse de ce qui se trouve dans le
6 rapport; bien sûr, je voulais résumer en 38 clichés les événements les plus
7 saillants, l'intention des Juges et de ceux qui vont comprendre mon
8 rapport.
9 Q. Si je comprends bien en plus de la présentation PowerPoint, il y a une
10 liste des documents, une quarantaine à peu près, peut-être quelques-uns de
11 plus. Est-ce que tous ces documents sont mentionnés et trouvent référence
12 dans votre rapport ?
13 R. Oui, pratiquement tous. Il y en a quelques-uns à peine que j'ai reçus
14 plus tard et que je n'ai pas pu reprendre dans ce rapport; mais la plupart
15 des documents se trouvent dans ce rapport. Quant aux documents
16 supplémentaires, ils se contentent de décrire ce qui s'est passé et ce que
17 moi-même j'ai décrit dans ce rapport.
18 Q. Qui vous a donné ces documents supplémentaires, ceux qu'on ne trouvait
19 pas dans votre rapport ?
20 R. Par vous, c'est vous qui nous les avez donnés.
21 Q. Ça s'est fait quand ?
22 R. Ce dernier week-end, quand je suis arrivé à La Haye.
23 Q. Quand nous arriverons à l'examen de ce document, veuillez le dire aux
24 Juges.
25 R. Oui.
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, ils ont été fournis à
27 tout le monde, je le précise, aux fins du compte rendu.
28 Q. Parfait. Prenons cette présentation PowerPoint, entrons dans le vif du
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1 sujet. Prenez le troisième -- la troisième page. Ici vous donnez une idée
2 de votre expérience professionnelle. Commençons par la fin, on voit ce que
3 vous faites aujourd'hui. Vous avez dit que vous étiez secrétaire général et
4 chef d'état-major du gouvernement de Slovénie. Pourriez-vous nous expliquer
5 en quoi consiste ce poste ?
6 R. Oui. A partir du mois de novembre 2002, c'est à ce moment-là que le
7 nouveau gouvernement slovène s'est rencontré pour la première fois, a eu sa
8 première réunion. Le premier point à l'ordre du jour c'était une
9 proposition du premier ministre et j'avais été élu par le gouvernement
10 secrétaire général ou chef, pas d'état-major mais chef du cabinet du
11 gouvernement. C'est le poste le plus élevé et j'ai eu une équipe qui
12 travaille au sein du secrétariat général qui compte environ 120 personnes
13 qui sont directement sous mes ordres et j'ai aussi quelques centaines de
14 fonctionnaires subordonnés dans d'autres services. Nous assurons la
15 coordination du travail du gouvernement. En fait, le gouvernement se divise
16 en trois grands organes : l'un s'occupe des questions disons économiques et
17 qui est présidé par un des ministres; l'autre organe c'est celui qui
18 s'occupe de l'organisation de l'Etat, des affaires publiques et qui est
19 présidé par le président -- le ministre de l'Intérieur; et le troisième
20 organe gouvernemental c'est celui chargé de l'administration et des
21 questions de personnel que je préside. Le gouvernement a des activités à
22 des réunions dans chacun de ces comités et sous la tutelle du premier
23 ministre pour ces réunions du jeudi matin, j'établis un ordre du jour et je
24 m'assure que tout ceci a été préparé conformément aux règlements
25 intérieurs, une fois que les décisions sont prises, elles sont diffusées au
26 pays, aux différents ministères.
27 Q. Vous parlez du mois de novembre, vous parlez du novembre -- de novembre
28 2008 ?
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1 R. Oui, 22 novembre 2008. Nous avons eu des élections le 21 septembre
2 2008, et donc nous avons gagné ces élections et puis nous avons deux mois
3 plus tard commencé le gouvernement.
4 Q. C'est important comme repère dans le temps pour savoir de quelle
5 période nous parlons.
6 Remontons dans le temps dans votre carrière, je vois qu'avant d'occuper le
7 poste que vous occupez actuellement, vous avez aussi été ministre des
8 Affaires européennes en Slovénie. En quoi ceci consistait-il ?
9 R. Oui. En 2004, juste avant que nous n'adhérions officiellement à l'Union
10 européenne le 1er mai 2004, j'ai été nommé ministre des Affaires européennes
11 en Slovénie où j'ai été un des membres du Conseil des ministres,
12 responsable des Affaires générales, tout en coordonnant les activités des
13 ministres du gouvernement slovène lorsqu'il s'occupe des questions
14 européennes. Je représente le gouvernement slovène au parlement slovène,
15 nous y cernons les questions essentielles qui nécessitent un accord de la
16 part de la Slovénie pour des questions européennes.
17 Q. Si je comprends bien, cette première page, vous avez été banquier;
18 pourriez-vous nous dire en quelques mots ce que vous faisiez aussi quand
19 vous étiez secrétaire d'Etat en finance ?
20 R. De 1998 à 2004, là je suis revenu de Washington; j'avais travaillé avec
21 la Banque mondiale et c'était de retour au pays, j'ai d'abord été chef
22 d'équipe d'une étude d'analyse de la Novi Ljubljanska Banka. En 1998, je
23 suis aussi devenu secrétaire d'Etat ou ministre adjoint des finances pour
24 assigner pour ce qui est du budget public des questions de gestion
25 publique, en d'autres termes, j'avais la responsabilité de la préparation
26 du budget du gouvernement central en Slovénie mais aussi du budget d'autres
27 fonds parafiscaux, par exemple, la retraite, et la santé; et j'ai été aussi
28 chef de l'équipe de négociations qui entre 1998 et 2000 négociait avec
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1 l'Union européenne sur les questions d'approbation de la gestion
2 communautaire en Slovénie, ce qui s'inscrivait dans la démarche d'adhésion
3 du pays.
4 Q. Nous allons ne pas parler de vos activités avec la banque, nous y
5 reviendrons plus tard. Pourriez-vous nous dire quelques mots du premier
6 point que l'on voie ici, à la page 3 de votre présentation, lorsque vous
7 étiez macro économiste ? Je suppose que c'était en Slovénie; pourriez-vous
8 nous dire en quoi consistaient ces activités ?
9 R. J'ai terminé mes études en 1983, par une thèse sur ce qu'on appelait
10 l'approvisionnement monétaire dans une économie de marché, et j'ai commencé
11 à travailler dans une équipe. A l'époque, la Banque nationale de Slovénie
12 faisait partie de du système monétaire fédéral de l'ex République
13 fédérative socialiste de la Yougoslavie. Entre 1983 et 1991, nous nous
14 sommes intéressés à ce qui se passait en Yougoslavie. Nous voulions savoir
15 quelles étaient les réformes qu'il fallait mettre en route si la
16 Yougoslavie voulait demeurer une société durable sur le plan financier.
17 Malheureusement, lorsque arriva la fin de l'année 1989, il y avait hyper
18 inflation, début 1990, il y a eu des réformes lancées par celui qui était
19 alors premier ministre, M. Markovic mais qui ont échoué. En 1990, j'ai été
20 nommé membre d'une équipe restreinte dans la Banque centrale avec d'autres
21 institutions financières à commencer à travailler, à préparer
22 l'indépendance de la Slovénie. A ce titre, j'ai lancé personnellement
23 quelques initiatives législatives pour ce qui est de la loi sur la Banque
24 de Slovénie, sur la nouvelle Banque de Slovénie et sur la masse monétaire à
25 mettre en circulation pour pouvoir avoir la transition monétaire en
26 Slovénie.
27 Q. Tout ceci c'est peut-être avant l'effondrement de la Yougoslavie ?
28 R. Oui. Pratiquement à la veille du référendum qui s'est fait le 23
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1 décembre 1990, en Slovénie, nous avions préparé à la Banque centrale ainsi
2 que dans d'autres institutions gouvernementales la législation qu'il
3 fallait avoir pour que la Slovénie; tout d'abord pour qu'elle puisse
4 procéder à ce référendum, pour savoir si les Slovènes voulaient un pays
5 indépendant, et six mois plus tard, nous avions pris des dispositions qui
6 ont, bien sûr, donné naissance à un pays indépendant, et je fais partie de
7 cette équipe jusqu'au début du mois d'août 1990.
8 Q. Bien. Parlons brièvement de votre expérience au sein de la Banque
9 mondiale. La raison pour laquelle je garde ça en dernier, c'est que si je
10 comprends bien, c'est dans votre rapport, dans votre CV, à un moment avec
11 la Banque mondiale, vous étiez en Bosnie-Herzégovine. Donc pourriez-vous
12 parler brièvement de votre expérience au sein de la Banque mondiale ?
13 R. Bien, à la fin de 1990, début 1991, j'ai participé à un concours à la
14 Banque mondiale de jeunes cadres de la Banque mondiale où j'ai été élu dans
15 un groupe de 30 jeunes cadres qui étaient employés auprès de la Banque
16 mondiale en 1991. J'ai démarré par deux brèves affectations de six mois de
17 septembre 1991 jusqu'en septembre 1992, une en Tanzanie et l'autre dans le
18 secteur industriel et énergie du département européen. Dans la deuxième
19 moitié de 1992 et 1993, j'étais économiste pour l'ex-République yougoslave
20 de Macédoine. J'ai dirigé une équipe. J'étais chef de projet qui avait pour
21 tâche, dans le stage de fin de 1992 début 1993, qui préparait le premier
22 plan de relance économique pour l'ex-République yougoslave de Macédoine où
23 nous avons, bien évidemment, veillé à ce que l'ex-République yougoslave de
24 Macédoine devienne membre de la Banque mondiale.
25 En septembre 1994, le représentant du département européen, M.
26 Kamandervis [phon] m'a demandé de constituer une petite équipe avec le
27 responsable de la Banque mondiale en place à Varsovie pour mettre en place
28 -- nouer des contacts avec des officiels de l'époque de Bosnie-Herzégovine
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1 car il fallait veiller à ce qu'avant que les autres ex-républiques
2 yougoslaves deviennent membres de la Banque mondiale, en souhaitait
3 s'assurer que la Banque mondiale et le FMI mèneraient les travaux
4 économiques nécessaires afin de permettre à la Bosnie-Herzégovine d'assumer
5 la place de Bosnie-Herzégovine auprès de la Banque mondiale. J'ai donc fait
6 partie de l'équipe qui a préparé le terrain économique. En 1995, nous
7 sommes rendus à de nombreuses reprises, nous avons eu de nombreux contacts
8 avec les responsables économiques en Bosnie-Herzégovine. En février 1996,
9 après les accords de Dayton, j'ai organisé la première conférence des
10 bailleurs internationaux à Sarajevo. J'ai continué à travailler en Bosnie-
11 Herzégovine pendant six à neuf mois, et ensuite début 1997, je suis revenu
12 en Slovénie.
13 Q. Je crois que c'était en 1994 que vous vous êtes rendu à
14 Varsovie, premier voyage BiH c'était en 1995, et donc vous avez fait
15 plusieurs voyages jusqu'en 1996. Avez-vous tiré des conclusions de cette
16 expérience ?
17 R. Les principales conclusions que nous avons tirées à l'époque
18 résumaient dans ce rapport. Bosnie-Herzégovine vers une reprise économique.
19 Q. Donc si on se réfère à un rapport, il faut donc s'assurer que
20 l'on se réfère à un document. Je crois savoir qu'il s'agit de 1D 02967;
21 c'est bien ça ? Si vous regardez le dossier, 1D 02967, c'est bien, donc
22 pourriez-vous évoquer brièvement ce rapport ?
23 R. Alors ce rapport est le premier élément d'un travail économique
24 que la Banque mondiale a préparé. Il s'agit d'une étude de la Banque
25 mondiale qui a deux objectifs. Il s'agit d'une part de présenter à
26 l'ensemble de la communauté économique quels étaient les événements
27 économiques intervenus après que la Yougoslavie cesse d'exister, après que
28 la guerre a démarré en Bosnie-Herzégovine. En effet, il fallait s'assurer à
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1 la Banque mondiale que la dette impayée -- ou plutôt, la dette, les encours
2 en matière de dettes qui étaient dus par la Bosnie-Herzégovine à la Banque
3 mondiale seraient couverts. Deuxièmement, nous avons travaillé sur ce
4 rapport avec le Fond monétaire international et les institutions de l'Union
5 européenne car nous voulions analyser quels seraient les besoins de
6 reconstruction, poste à la guerre de la Bosnie-Herzégovine.
7 Q. Bien. Vous avez indiqué donc vous étiez à Varsovie en 1994, et pendant
8 votre -- au cours de votre séjour, y avait-il des personnalités de haut
9 rang qui se rendaient de la Bosnie-Herzégovine pour rencontrer donc les
10 responsables de la Banque mondiale pour la Bosnie-Herzégovine ?
11 R. Oui, à l'époque, nous ne pouvions pas voyager en Bosnie-Herzégovine. Ce
12 qui était donc le mode de travail habituel pour que la banque effectue son
13 travail. Aussi nous avons demandé aux autorités, donc j'ai rencontré en
14 septembre, octobre 1994, pour la première fois, les autorités de la
15 Fédération de Bosnie-Herzégovine. Nous leur avons demandé de venir nous
16 voir à la mission de la Banque mondiale. Il y avait l'équipe de la Banque
17 mondiale, les autorités de la Bosnie-Herzégovine, là, nous avons pu
18 échanger des opinions. Nous avons étudié les documents qu'ils nous ont
19 apportés.
20 Q. Vous souvenez-vous donc des responsables qui sont rendus de la Bosnie-
21 Herzégovine s'ils provenaient de la Fédération ou de l'état ?
22 R. En effet, bon nombre d'entre eux, par exemple, M. Enes Gotovusa, qui
23 était haut responsable du secrétariat fédéral pour l'industrie; M. Shefika
24 Hacizowic [phon], du ministère des Finances; Obrad Piljak et Kasim [phon]
25 Omicevic, de l'époque de la Banque nationale de la Banque Herzégovine. M.
26 Neven Tomic nous a également rendu visite, M. Zlatko Bas [phon], M. Petar
27 Bosnic [phon], de nombreux officiels, et qui sont même citées dans ce
28 rapport.
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1 Q. Bien. Si nous regardons ce document, le 1D 02967, sous le chiffre VII
2 romain, sous les remerciements, là, nous voyons plusieurs noms, M. Tomic,
3 et le Dr Jadranko Prlic. S'agit-il de noms auxquels vous faites allusion,
4 ou qui provenaient -- qui ce sont soit rendus à Varsovie et par la suite
5 ils ont eu contact avec la Banque mondiale dans la préparation de son
6 rapport ?
7 R. Oui, il s'agit bien d'officiels de la Fédération d'Etat, également du
8 gouvernement de la République serbe que nous avons rencontrés pendant toute
9 la phase de préparation de ce rapport. Voilà donc M. Gotovusa, M. Tomic, M.
10 Prlic, M. Piljak, Belanger [phon], Nantja [phon] également dans le cadre
11 de l'équipe de la Banque mondiale. Maintenant figurant également dans
12 l'ordre alphabétique, il s'agit donc des personnes que nous avons
13 rencontrées en 1994, 1995 et 1996.
14 Q. Bien. Je reviens à une de mes questions précédentes. En 1994, 1995,
15 1996, lorsque vous vous êtes rendu en Bosnie-Herzégovine et vous avez
16 participé à l'élaboration de ce rapport avec d'autres, avez-vous
17 personnellement tiré des conclusions pour ce qui est, par exemple, de la
18 Fédération ?
19 M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Là, nous
20 allons lever une objection à tout témoignage qui va en dehors du champ du
21 rapport d'expert qui a été soumis. Je ne sais pas si le témoin va le faire,
22 mais il me semble que le conseil demande d'un témoignage qui ne relève pas
23 du champ du rapport d'expert et je crois qu'il faut effectivement témoigner
24 sur le rapport.
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Je poserais peut-être des questions de
26 contexte, Monsieur le Président, et si le Procureur souhaite objecter, là,
27 je répondrai à son objection.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour le contexte, allez-y.
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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.
2 Q. Vous avez rédigé ce rapport et à un moment donné il vous a été demandé
3 d'établir un certain nombre de comparaisons; c'est bien ça ?
4 R. Oui.
5 Q. Nous voyons également, vers la fin de votre rapport, qu'il y a toute
6 une partie sur les conclusions auxquelles vous êtes arrivé, et dans le
7 cadre, donc il est question que je vous pose concernant les observations
8 que vous avez formulées pendant la période 1994, 1995, 1996, dans la
9 Fédération, celles-ci font-elles partie de votre rapport.
10 R. Dans une certaine mesure, oui, car, bien sûr, j'ai -- en préparant mon
11 rapport, je me suis également basé sur ce rapport, et je me rappelais ce
12 qui se passait pendant la période 1994, 1995, et à l'époque, bien sûr, nous
13 nous sommes déplacés donc en Bosnie-Herzégovine à partir du sud, c'est-à-
14 dire que nous avons atterri à Split, ensuite nous nous sommes rendus par la
15 route vers la Bosnie-Herzégovine dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
16 Les premières réunions n'ont pas pu se dérouler à Sarajevo, elles se sont
17 déroulées dans la région de Mostar, Medjugorje, et j'ai pu identifier
18 l'économie tout à fait dynamique.
19 Q. Je vous interromps, pas avant d'aller trop loin. Le rapport dont vous
20 venez de citer dans l'élaboration du rapport, vous parliez de 1D 02967,
21 Bosnie-Herzégovine vers une reprise économique; c'est bien cela ?
22 R. Oui.
23 Q. Les observations que je vous demandais de formuler sont-elles contenues
24 dans ce rapport qui est cité en référence -- des références de votre
25 rapport ?
26 R. Non. L'analyse que j'établis en préparant cette analyse de mesures
27 économiques, c'est-à-dire que, pendant la période 1994, 1995, 1996, nous
28 nous ne livrions pas à une analyse très circonstancielle de ce qui se
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1 passait dans des différentes parties de la Fédération de Bosnie-Herzégovine
2 car notre objet était de nature différente à l'époque.
3 Bien sûr, il fallait identifier si la Bosnie-Herzégovine en tant que
4 telle était viable, de sorte qu'une fois la Banque mondiale reprenne ses
5 relations financières avec ce pays, on serait assuré à la fois que les
6 dettes, les nouveaux prêts, les nouveaux prêts pourraient être remboursés
7 par ce pays. Donc à l'époque nous ne sommes pas livrés à une analyse très
8 circonstanciée de l'environnement dans différentes parties de la Bosnie-
9 Herzégovine.
10 Q. Bien. Je vous remercie. Mais les questions que je vous pose à présent,
11 savez-vous -- vous vous êtes prononcé sur celle-ci dans votre rapport, à
12 savoir ce que vous avez constaté en Bosnie-Herzégovine lorsque vous y êtes
13 arrivé dans le cadre de la mission de la Banque mondiale ?
14 R. Bien sûr, dans le cadre de la mission de la Banque mondiale, il y avait
15 la mission de la Banque mondiale, et il y avait également la mission du
16 FMI. Le Fonds monétaire international était davantage accès sur les enjeux
17 macroéconomiques, alors que nous nous concentrions davantage sur la
18 capacité du pays à avoir une économie dynamique.
19 Q. Je vous demanderais d'écouter ma question et d'essayer d'être le plus
20 précis possible. Par exemple, si vous regardez les conclusions dans la
21 partie -- conclusion de votre rapport où vous citez, par exemple, si nous
22 regardons a la page 188, remarques définitives sur la situation
23 socioéconomique à la fin de la guerre, 1994, 1996. Donc ensuite à la page
24 suivante, la situation en 1995, à la page 190, un tableau auquel vous
25 faites allusion, vous parlez de la zone à majorité musulmane, donc de
26 Croates. Donc ma question est assez -- est très précise. Lorsque je vous
27 pose des questions sur ce que vous avez constaté et ce que vous avez vu les
28 conclusions auxquelles vous êtes arrivé partant de votre expérience
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1 personnelle en Bosnie-Herzégovine en 1994, figurent-elles dans votre
2 rapport ?
3 R. Elles figurent dans le rapport sur la base des informations qui m'ont
4 été fournies à l'époque, que nous avons recensées dans le rapport de la
5 Banque mondiale et dans le rapport de FMI sur le développement économique
6 récent.
7 Q. [aucune interprétation]
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur Stringer --
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, j'aurais une question de suivi à
10 vous poser. Je regardais le rapport qui figure à la pièce 1D 02967, c'est-
11 à-dire le rapport de la Banque mondiale sur la reprise économique en
12 Bosnie-Herzégovine. Ce rapport, j'ai cru comprendre que vous y aviez
13 participé. Vous étiez de nombreux experts à avoir rédigé ce rapport, ou ce
14 rapport est le fruit de votre travail personnel ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce rapport est le fruit d'une équipe. Il a été
16 préparé par une équipe d'économistes de la Banque mondiale. J'étais membre
17 de l'équipe, et comme c'est le cas pour tous les rapports de la Banque
18 mondiale, ces rapports sont adoptés, sont approuvés par les patrons, et
19 c'est indiqué donc à la page VII. Mais j'ai effectivement -- je faisais
20 partie de l'équipe et j'étais le premier économiste de la Banque mondiale
21 pour la Bosnie-Herzégovine. Donc en 1994 et début 1995, j'étais donc celui
22 qui recueillait le plus d'informations. Une fois que nous avons donc
23 préparé le rapport et nous avons rencontré un groupe de responsables, il y
24 avait également d'autres collègues qui travaillaient à mes côtés.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, ce rapport de la Banque
26 mondiale sur la situation économique en Bosnie-Herzégovine rédigé
27 apparemment a été publié en juin 1996. A votre connaissance, y a-t-il eu
28 d'autres rapports émanant d'autres institutions, par exemple, la communauté
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1 européenne, ou d'autres pays, ou bien, à votre connaissance, c'est le seul
2 rapport exhaustif sur la situation économique en Bosnie-Herzégovine ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Outre l'étude pays de la Banque mondiale, pays
4 publié en juin 1996, et généralement fait après le rapport a été utilisé
5 dans le -- du travail en terme de la Banque mondiale. L'autre document
6 important, très important et de rapport du FMI, développement économique
7 récent qui a également été cité dans le cadre de mon rapport. Dans mon
8 rapport, je cite que sous la note en bas de page une, à la page VII
9 chiffre romain, il s'agit du rapport sur le développement économique récent
10 1D 02959. Il s'agit de l'autre rapport important, rapport du FMI 96104.
11 L'équipe qui préparait le rapport du FMI et l'équipe qui préparait le
12 rapport de la Banque mondiale ont travaillé ensemble de façon très
13 approfondie et nous avons également travaillé étroitement avec les
14 institutions du nord européen, notamment le représentant de la Commission
15 européenne pendant la période de préparation de la première Conférence des
16 Bailleurs en février 1996. Mais je ne sais pas si à l'époque parce que la
17 Bosnie-Herzégovine n'était pas en négociation ou proche de devenir membre
18 s'il y avait d'autres rapports préparés par d'autre.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors si je comprends bien. Le rapport du FMI et le
20 rapport de la Banque mondiale sont des rapports, à l'époque en 1996, que
21 l'on peut qualifier de rapports objectifs car ils ont été rédigés par des
22 institutions mondialement connues et qui font l'objet d'une considération
23 importante dans les milieux économiques internationaux. De ce fait, si je
24 comprends bien, ces deux rapports sont frappés d'objectivité ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je serais d'accord avec vous pour dire
26 qu'il s'agit de rapports objectifs préparés par deux institutions
27 financières internationales à des fins très claires qui suivent une
28 approche de rigueur et de travail d'économistes connus pour ces
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1 institutions.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- il est important de faire préciser
3 cela.
4 Maître Karnavas, continuez.
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie.
6 Q. Monsieur Cvikl, je reviens à ma question de tout à l'heure. Lorsque
7 vous êtes rendu en Bosnie-Herzégovine dans la période 1994-1996, avez-vous
8 tiré des conclusions sur la base de ce que vous avez vu à la suite de votre
9 travail ?
10 R. Je faisais partie de l'équipe. Nous avons présenté ces conclusions dans
11 ce même rapport et nous avons bien entendu vu la façon dont notamment la
12 Fédération de Bosnie-Herzégovine à l'époque était organisée, la façon dont
13 elle était préparée nous permettrait à nous en tant que Banque mondiale
14 d'aller de l'avant à la fois avec l'adhésion et d'offrir des crédits pour
15 accompagner les mesures de reconstruction après la guerre.
16 Q. Bien. Passons donc à la planche suivante qui sera la planche numéro 4,
17 alors très brièvement, vous avez déjà parlé de la méthodologie dans une
18 certaine mesure une des premières questions enfin réponse à une des
19 premières questions, alors je voudrais simplement me concentrer un petit
20 peu sur la structure de ce rapport et sur cette planche. Nous voyons donc,
21 nous commençons par le chapitre contextuel donc sur la décentralisation
22 yougoslave. Pourriez-vous nous dire pourquoi il était nécessaire de
23 commencer par ce point-là.
24 R. Pour préciser donc pour que les économistes et les non économistes
25 comprennent ce qui se passait en Yougoslavie notamment pendant la période
26 des années 1970 et 1980, il est très important de présenter quel était le
27 contexte général, le cadre général dans l'ex-Yougoslavie. Une
28 caractéristique très importante de la Yougoslavie était qu'il s'agissait
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1 d'un pays extrêmement décentralisé et cela est caractérisé par un système
2 budgétaire extrêmement décentralisé ou sur de nombreux petits -- au niveau
3 des collectivités locales des décisions importantes en matière de dépenses
4 nationales et sociales se font sous forme de fonds para budgétaires. Donc,
5 afin d'analyser ce qui se passait par la suite, c'est-à-dire pendant la
6 période 1991-1994 sur le territoire, j'ai donc analysé et présenté par
7 l'analyse de l'époque de la constitution yougoslave et son organisation ce
8 qui se passait sur le plan budgétaire et humanitaire.
9 Q. Procédons par étape. Passons, si vous voulez bien, donc à la planche
10 suivante, la planche numéro 5. La raison pour laquelle je voudrais
11 parcourir cette planche, c'est qu'avant d'entrer dans le détail du rapport
12 à commencer par le système de l'ex-Yougoslavie, pour ce qui est de votre
13 rapport pour ce que vous avez fait dans ce cas précis après avoir étudié
14 les documents, après les avoir analysés, après avoir rencontré les
15 différentes personnes, et cetera, êtes-vous parvenu à des conclusions ou
16 avez-vous tiré des conclusions ? Pouvez-vous, s'il vous plaît, brièvement
17 nous en faire part ?
18 R. Bien. Les principales conclusions présentées dans ma présentation à la
19 page 5. Ce qui se passait en Bosnie-Herzégovine et ce qui s'est passé dans
20 les toutes dernières années de l'ex -- de la Yougoslavie de son existence
21 c'est qu'il y avait une élaboration de politiques économiques très
22 indépendantes dans les différentes républiques, et malheureusement, donc
23 les réformes, qui avaient été engagées dans la deuxième moitié des années
24 80 et qui ont conclu par les réformes Markovic au début 1990, n'ont pas été
25 couronnées de succès. Ces réformes à l'époque étaient liées à une tentative
26 de la part de l'Union européenne à inviter ce qui était encore la
27 Yougoslavie à adhérer à l'Union européenne, et la Yougoslavie avait une
28 sorte d'accord européen en même temps que l'Autriche et la Finlande. Cinq
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1 ans plus tard en 1995, la Finlande et l'Autriche sont devenus membres de
2 l'Union alors que la Yougoslavie cessait d'exister.
3 Ce que nous avons constaté - et j'ai observé cela de mon poste en Slovénie
4 - c'est qu'il y avait une dérogation par rapport à l'ancienne Fédération
5 puisque sur un plan économique, l'ancienne Fédération n'était tout
6 simplement pas viable, et dans l'ancien environnement on ne pouvait pas se
7 mettre d'accord qui allait assumer la charge budgétaire des nécessaires
8 réformes qui devaient être lancées dans le secteur des entreprises et dans
9 le secteur bancaire.
10 Donc la guerre a éclaté une fois que la Slovénie et la Croatie et la
11 République de Croatie sont devenues indépendantes. Alors pourquoi il y a eu
12 cette indépendance, ça c'est de l'histoire ancienne, mais le principal
13 point c'est que nous devions faire partie d'un convoi de six républiques
14 qui progressivement allaient devenir membres de l'Union européenne.
15 Ce que j'ai vu sur la base des documents, qui m'ont été remis et de
16 l'analyse, c'est qu'en Bosnie-Herzégovine, la situation était bien entendu
17 extrêmement difficile. Nous avons vu que la guerre s'est traduite par le
18 fait que 70 % du territoire était occupé par les agresseurs. Les autorités
19 du gouvernement central à Sarajevo n'ont pas mis en place les mesures
20 d'économie indépendance économique que nous avions lancées en Slovénie,
21 l'émission de nouvelles mesures de monnaie, mettre en place les nouvelles
22 mesures budgétaires, on s'est donc aperçu qu'au niveau des collectivités
23 locales, il n'y avait pas de crédits disponibles, de fonds disponibles pour
24 assurer les services sociaux, enfin tout ce qui est électricité, collecte
25 de déchets, financement des écoles et des hôpitaux. Donc dans ces
26 conditions, les collectivités locales ont commencé à agir et, d'après le
27 rapport, j'ai vu quelles ont commencé par agir de façon semblable, qu'il
28 s'agissait de la réunion de Tuzla, de Jablanica ou de la zone de Siroki
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1 Brijeg, ou qu'il s'agisse -- enfin, là aussi, c'était de façon très, très
2 analogue, et ce que j'ai pu constater également à Zenica.
3 Pourquoi les collectivités territoriales ont-elles dû agir ? Dans la
4 constitution yougoslave, il y avait donc un rôle très important dévolu aux
5 collectivités locales, qui devaient absolument agir afin d'améliorer --
6 d'accroître la fourniture de biens et de services pour les citoyens, et par
7 ailleurs, comme nous disons en tant qu'économistes, doivent agir sur la
8 demande. Donc les collectivités locales agissant avaient l'impression qu'il
9 y avait une centaine d'économistes qui apparaissaient. Enfin, en Bosnie-
10 Herzégovine, il y a pratiquement une centaine d'économies locales. Je n'ai
11 pas étudié la situation dans la Republika Srpska, je ne peux pas dire ce
12 qui se passait là, mais je me penchais sur -- dans la région en Bosnie à
13 majorité musulmane ou dans les régions à majorité croate. Il y avait des
14 actions qui se sont traduites par des douzaines, 20, 30, 40, 50 petites
15 économies qui apparaissaient -- qui surgissaient partout.
16 Par la suite, après cela, les autorités, à la fois, les autorités du
17 gouvernement central et les autorités régionales se sont aperçues qu'il
18 fallait coordonner tout cela. Il y avait un besoin de coordination pour
19 veiller à ce que, comme nous disons en termes d'économiques, afin qu'il y
20 ait des économies d'échelle. Les communautés locales étaient dans une
21 situation économique différente. Certaines qui ont pu effectivement capter
22 des recettes budgétaires, puisqu'ils étaient à la frontière ou qu'ils ont
23 pu effectivement obtenir des revenus de leurs travailleurs à l'étranger,
24 étaient dans une meilleure situation. Mais il y avait des autorités locales
25 qui ne pouvaient pas assurer ces services sociaux et ces services
26 nationaux, donc il fallait une coordination régionale.
27 Ce besoin, la présidence l'a compris, le président de ce qui était
28 encore alors la République de Bosnie-Herzégovine et qui a émis un décret
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1 sur les districts. Si quelqu'un disait : je téléphone, je dis, moi, je ne
2 comprends pas ce qui se passe dans les collectivités locales, nous allons
3 procéder à l'organisation, nous allons constituer sept districts qui vont
4 se charger de coordonner l'activité des collectivités locales.
5 En 1990, 1991, 1994, l'évolution économique, le développement sur les
6 territoires dits libres, une fois terminées les activités de guerre, sur
7 ces territoires libres, les collectivités territoriales locales, quelque
8 chose devenu après régional, ont commencé à organiser l'économie pour le
9 bien des citoyens. Dans la dernière de phase de 1993, 1994, on a pu
10 constater qu'on a commencé à utiliser des outils modernes habituels de
11 gouvernement, préparation de budgets, activités du secteur financier, du
12 secteur bancaire, ce qui a permis une normalisation de la vie économique.
13 Conclusion que vous trouvez à cette planche, lorsque nous sommes arrivés
14 début 1995 en Bosnie, dans cette fédération, alors que le système
15 fonctionnait déjà, je vois que ceci partait des initiatives -- des efforts
16 législatifs qui avaient été faits au cours de la période qui avait précédé
17 1994 et 1995.
18 Ma conclusion est donc celle-ci : ce qui s'est passé entre 1991 et 1994,
19 c'était une réaction des collectivités locales qui se trouvaient dans un
20 environnement très décentralisé, qui ont essayé d'assumer des fonctions
21 d'autorité pour s'occuper du bien-être des citoyens pour ce qui est de la
22 fourniture de l'offre, et aussi de la demande après, de façon à assurer un
23 développement économique normal, ce que doit faire toute autorité dans
24 toute économie.
25 Q. [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit beaucoup de choses - et votre réponse
27 est importante - sur toute une série de facteurs. Moi, ce qui m'intéresse,
28 c'est le rôle des collectivités locales, qui est au point 5 de votre
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1 conclusion. Vous nous avez expliqué que la Yougoslavie fonctionnait comme
2 une collectivité décentralisée. De l'importance possible des collectivités
3 locales. En tant qu'économiste, vous savez mieux qui quiconque qu'il y a
4 toujours un couple entre la politique et l'économie. Parfois c'est la
5 politique qui instrumentalise l'économie, ou parfois c'est l'économie qui
6 entraîne la politique dans son action politique.
7 Mais dans le dossier que nous avons, nous, qui doit être appréhendé
8 par rapport au rôle de collectivités locales, est-ce que votre conclusion
9 tendrait à dire qu'en Bosnie-Herzégovine, dans les années 1990, 1991, 1992,
10 1993, voire 1994, le système dépendait uniquement des collectivités locales
11 et que l'"Etat" - et notamment l'Etat à Sarajevo - était quasi inexistant
12 et que finalement la vie économique était uniquement fondée sur les
13 collectivités locales et que ce sont ces collectivités locales, par leur
14 implication économique, qui en quelque sorte faisaient la politique ?
15 R. Ce que je dirais c'est ceci : avec la guerre et en raison du manque
16 d'actions de la part des autorités du gouvernement central, je n'en ai
17 parlé qu'à -- de ces cas, il n'y avait pas suffisamment de nouvelles
18 devises et aussi un manque de reformes claires qui auraient été nécessaires
19 pour bien encadrer l'économie.
20 Les autorités du gouvernement central, elles étaient isolées à Sarajevo.
21 Ces autorités ont émis des décrets. Nous allons peut-être en parler plus
22 tard pour quelques-uns d'entre eux, mais je ne les ai pas vues agir comme
23 nous avons fait en Slovénie. En 1991, lorsque nous sommes devenus
24 indépendants, pour que nous rendions -- pour rendre notre économie slovène
25 viable, nous avons centralisé certaines des fonctions. Mais en Bosnie-
26 Herzégovine, cela n'a pas été possible pour des raisons manifestes, à cause
27 de la guerre. Ce qui veut dire que nous avons tout d'un coup une situation
28 où au niveau des collectivités locales il y a des besoins, des services que
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1 le gouvernement doit assurer aux citoyens, mais il n'y a pas de financement
2 qui vient du gouvernement central. Ce qui veut dire que les autorités
3 locales ont dû agir, prendre des mesures, et elles se sont mises à inventer
4 de nouvelles mesures incitatives fiscales pour avoir des recettes fiscales
5 pour parer aux besoins de la population. C'est ce que j'ai vu à Tuzla,
6 c'est ce que j'ai vu à Siroki Brijeg, à Prozor. Ces autorités locales ont
7 pris beaucoup de nouvelles mesures fiscales pour obtenir des recettes
8 fiscales de façon à répondre aux besoins, à s'occuper des citoyens, et
9 aussi, c'est un droit donné par la constitution, pour fournir un appui
10 logistique à la défense.
11 Ce qui veut dire que les grosses entreprises étatiques, nationalisées de
12 Sarajevo ont cessé de fonctionner. Il n'y avait plus d'énergie. Il n'y
13 avait plus de système bancaire actif. Il n'y avait plus de communication,
14 ce qui veut dire que toutes les grosses entreprises ont fermé les portes.
15 Ce pays, comment a-t-il survécu économiquement ? C'est que le secteur
16 privé, au niveau des collectivités locales, a non seulement fourni de
17 nouveaux emplois, mais aussi a permis par des échanges suffisamment de quoi
18 manger. Il y avait le système des bailleurs, les réfugiés, les personnes
19 déplacées, enfin les personnes qui sont quelquefois restées sur le
20 territoire de cette façon pour avoir de quoi manger. J'ai aussi vu que,
21 surtout dans la deuxième partie de l'année 1992, lorsque normalement
22 l'année scolaire devait commencer, ce sont les collectivités locales, les
23 autorités régionales qui ont fourni les fonds nécessaires à l'ouverture des
24 écoles qui avaient été fermées pendant les vacances d'été.
25 Donc il y a des situations où vous avez des collectivités locales qui
26 ont assumé le rôle que jouait auparavant le gouvernement entre guillemets
27 central ou par les institutions qui officiellement avaient la
28 responsabilité du finance public, de façon à répondre aux besoins des
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1 citoyens.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question pour terminer votre longue
3 réponse.
4 A votre avis, ceux qui étaient à la tête de ces collectivités
5 locales, notamment dans le domaine économique et financier, avaient-elles
6 ces personnes les compétences, ou bien, c'était de la bonne volonté ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] En tant qu'économiste, je dirais que ces
8 responsables ont inventé de nouveaux outils pour savoir comment obtenir des
9 recettes fiscales. Ça ressemblait, ces outils, un peu les mêmes un peu
10 partout. Donc, oui, je dirais qu'ils étaient compétents. Dans les
11 collectivités locales avant l'indépendance, ce sont eux qui avaient la
12 responsabilité, l'organisation des fonctions gouvernementales, ce qui veut
13 dire que ces gens savaient ce qui se passait. J'ai parlé à certains d'entre
14 eux, ce qui m'a donné le sentiment que ces gens savaient ce qu'ils
15 faisaient. Bien entendu, il n'y avait à leur disposition que très peu de
16 ressources.
17 M. KARNAVAS : [interprétation]
18 Q. Une précision, je sais que nous allons y revenir plus tard, mais vous
19 avez dit qu'il n'y avait pas de devise, pas de nouvelles devises qui ont
20 été émises par la Bosnie-Herzégovine.
21 Est-ce que vous voulez dire plus jamais la Bosnie-Herzégovine n'a émis de
22 nouvelles devises, nouvelles monnaies ?
23 R. Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Ce que je veux dire c'est qu'il
24 y a eu un retard, quel est le problème qui a occasionné ce retard. Lorsque
25 la Slovénie, lorsque la Croatie sont devenues indépendantes, en Slovénie,
26 en Croatie, on a émis une nouvelle monnaie qui a remplacé le dinar
27 yougoslave qu'on utilisait comme devise pour toutes les transactions avant
28 en Yougoslavie. Maintenant, le dinar yougoslave, il a été transplanté sur
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1 une économie beaucoup plus petite en taille, parce que là, en Bosnie-
2 Herzégovine, on n'en a pas une nouvelle monnaie, ce qui a eu pour effet
3 qu'il y a eu surplus, il y a eu trop de devises pour trop peu de
4 marchandises. Il y avait une présence exagérée, excessive de devises pour
5 très peu de marchandises, hyper-inflation, ce qui veut dire que personne ne
6 puisse faire confiance à la monnaie yougoslave qui a été remplacée plus
7 tard par le dinar de Bosnie-Herzégovine mais il y a eu [imperceptible], si
8 j'ose dire, on a fait trop marcher la planche à billet et il y avait
9 d'autres devises plus dures, plus solides comme le mark allemand pour
10 veiller à ce qu'il y ait une unité de mesure objective, par exemple,
11 qu'est-ce que valait un kilo de pain, un kilo de sucre.
12 Q. Question de suivi, en 1994 ou 1995, la première fois que vous êtes allé
13 en Bosnie-Herzégovine, je ne sais pas si c'était avant Dayton ou après, à
14 ce moment-là, à ce moment-là, j'insiste est-ce que le dinar bosniaque était
15 considéré comme une devise dure, une solide porte ?
16 R. Oui, lorsque nous sommes allés en Bosnie-Herzégovine, on a dû prendre
17 de l'espèce, on a dû prendre, par exemple, des deutsche marks pour payer
18 l'hôtel. Personne ne croyait que le dinar bosniaque était vraiment une
19 devise convertible à laquelle on peut avoir confiance. C'est seulement plus
20 tard lorsqu'on a décidé de la convertibilité, ceci manifestement a été
21 soutenu par les organisations internationales financières, à ce moment-là,
22 on a commencé à faire confiance à cette monnaie et à l'utiliser dans les
23 échanges. Mais nous, on utilisait le mark allemand; d'autres, le dollar
24 américain, mais nous savons qu'à Washington on avait eu du mal à avoir
25 suffisamment de marks allemands pour aller à Sarajevo.
26 Q. Revenons un peu en arrière. Là, peut-être qu'on prend le devant mais
27 vous avez dit qu'à un moment donné il y a eu un mark convertible et que
28 ceci avait été soutenu par les organisations financières internationales.
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1 Pourriez-vous en quelques mots, partant des observations que vous avez
2 faites et de l'analyse que vous avez réalisée, nous dire dans quelle mesure
3 le dinar bosniaque avait été soutenu, par qui que ce soit ou par quoi que
4 ce soit, que ce soit en 1992, 1993 ou 1994 ?
5 R. Je ne pense pas qu'il était soutenu. Il n'avait pas vraiment, la
6 Bosnie n'avait pas de réserve internationale pas plus que d'autres pays. Ce
7 qui veut dire que l'argent qui avait été émis a produit une inflation très
8 élevée -- ou plutôt, que celle-ci était la résultante d'une utilisation
9 trop libérale de la planche à billet. Et ce qui veut dire qu'elle n'était
10 pas soutenue, cette monnaie.
11 Q. Passons à la planche suivante. Commençons par votre rapport, c'est un
12 des premiers points que vous abordez dans ce rapport, planche numéro six.
13 Vous parlez là des caractéristiques que présente l'ex-Yougoslavie.
14 Pourriez-vous nous en parler? Je sais que vous avez effleuré ce sujet déjà,
15 mais faites-le rapidement s'il vous plaît pour passer à la planche
16 suivante.
17 R. Les caractéristiques de l'ex-Yougoslavie sont expliquées à cette planche
18 six, le rôle que joue l'état fédéral, le rôle que jouent les collectivités
19 locales. En fait, c'est un Etat fédéral qui était là, RSFY, mais très peu
20 rigide. Au niveau de la Fédération, on avait cette monnaie, le dinar
21 yougoslave mais celui-ci n'était émis que, dans les limites définies, dans
22 les quantités définies par le système des Banques nationales des
23 républiques et des provinces moins importantes parce que lorsque la réforme
24 lancée par Markovic a échoué c'est parce qu'il y a une des républiques qui
25 a imprimé, qui a émis trop d'argent.
26 Bien sûr, la fédération avait la responsabilité de la fixation du
27 taux de change, les affaires étrangères et le pouvoir le plus important
28 qu'avait les -- c'est la force militaire yougoslave, l'armée mais aussi la
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1 production militaire, élément qui était très centralisé. Je vous ai dit que
2 je travaillais pour la Banque nationale de Slovénie. Il y avait un service
3 de guerre dans cette banque qui avait la responsabilité de financement de
4 cette force militaire et la production militaire. Les républiques, quant à
5 elles, pendant toute l'évolution, pendant tout le développement de la
6 Yougoslavie dans les années 50, 60, avec aussi la nouvelle constitution de
7 1974, avaient la responsabilité de tous ces dossiers mais de façon très
8 particulière. Au niveau des républiques, nous n'avions pas de gouvernement.
9 Nous n'avions que des ce qu'on appelait des conseils exécutifs avec des
10 secrétariats pour telle ou telle activité. Il y avait le secrétariat de
11 l'Education, par exemple, mais les grands enjeux en matière de question,
12 ils étaient traités au niveau des collectivités locales car celles-ci
13 avaient la responsabilité de l'application au niveau local de ce qui
14 s'était décidé au niveau des républiques et de la fédération. Comment est-
15 ce que ceci se faisait, vous voyez à la planche 7, c'était assez singulier
16 puisqu'il y avait une décentralisation fiscale ou budgétaire. A la tête des
17 collectivités locales dans l'ex-Yougoslavie, vous savez qu'il y avait ces
18 républiques, en moyenne il y avait disons 600 collectivités locales. Dans
19 chacune d'entre elles, vous aviez pour un service du gouvernement
20 particulier, prenons l'éducation comme exemple. Pour une organisation de
21 l'enseignement primaire, on avait créé une communauté d'intérêt
22 autogestionnaire, deux chambres. Il y avait une chambre d'enseignants qui
23 fournissait les services éducatifs, mais il y avait aussi une chambre qui
24 représentait les parents qui eux achetaient pour ainsi dire les services
25 des Enseignants. C'est là que les décisions se prenaient pour ce qui est
26 des fonds que devraient consacrer une collectivité locale donnée à
27 l'enseignement primaire. Lorsqu'on passe à l'enseignement secondaire, on a
28 un groupe de collectivité qui forme une communauté d'intérêt
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1 autogestionnaire pour l'enseignement secondaire et supérieur. Par exemple,
2 en Slovénie, au niveau de l'université, on en a deux, donc on avait une
3 communauté d'intérêt pour l'enseignement supérieur au niveau de la
4 Slovénie.
5 Ce système d'autogestion, ce qu'on a appelé les communautés d'intérêt
6 autogestionnaire, ce n'était pas simplement pour les services sociaux
7 c'était applicable aussi au financement des infrastructures. Pour l'eau, la
8 gestion de l'eau, énergie, les routes, la circulation, il y avait des fonds
9 d'intérêt autogestionnés [comme interprété] qui avaient été établis et qui
10 percevaient des recettes d'entreprises, qui avaient besoin des services en
11 matière d'énergie, C'est ainsi qu'on obtenait des fonds d'investissement et
12 on faisait payer l'énergie à ces entreprises et c'est ainsi que se créait
13 un environnement qui a permis le développement du secteur énergétique.
14 Où est-ce qu'il y a problème ? Quand on a autant de collectivités
15 locales et quand on a autant de communautés d'intérêt autogestionnaire, on
16 parle de 5 000 points d'impact, dans l'ex-Yougoslavie, alors qui va décider
17 de l'utilisation des fonds centralisés. C'est pour ça que l'ex-Yougoslavie
18 n'était pas viable. C'est pour ça que d'année en année, l'inflation a
19 grimpé et a fini par une hyperinflation en 1989. C'est pour ça qu'on dit
20 qu'en dépit du fait que -- comme le dit le haut de la planche 7, la
21 Yougoslavie était différente des autres économies socialistes, nous n'avons
22 eu -- le plan central a été remplacé par l'autogestion début des années 50
23 chez nous, ce n'était pas viable sur le plan économique.
24 Q. Je vous interromps. Avant que nous passions à la planche suivante,
25 d'ailleurs je pense qu'on pourrait s'intéresser au document 1D 02976. C'est
26 la constitution de l'ex-Yougoslavie, et vous vouliez nous demander, de nous
27 intéresser à l'article 51 ?
28 R. C'est exact.
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1 Q. Nous allons le parcourir très rapidement. Dites-nous, pourquoi c'est
2 important dans le cadre de la problématique que nous abordons ?
3 R. Cet article 51 est important pourquoi, il définit, nous parlons ici de
4 la constitution de la Yougoslavie en 1974; ceci définit la façon dont les
5 communautés d'intérêt autogestionnaires sont formées de façon à satisfaire
6 les besoins personnels et collectifs au niveau des collectivités locales.
7 Ces communautés d'intérêt autogestionnaires, comment étaient-elles
8 organisées, c'était une organisation tout à fait spéciale, particulière,
9 qui exprimait -- expliquait comment on avait appliqué la décentralisation
10 budgétaire en ex-Yougoslavie.
11 Mais en créant ces communautés d'intérêt autogestionnaires au niveau des
12 collectivités locales, celles-ci avaient ainsi la possibilité d'assumer,
13 d'exercer beaucoup des fonctions du gouvernement et des services aussi.
14 Q. Vous avez entendu les interprètes de la cabine anglaise nous dire qu'il
15 fallait faire de pause.
16 R. Oui.
17 Q. Pourquoi est-ce important dans le contexte de votre rapport ?
18 R. Pour deux raisons. Pour comprendre tout d'abord pourquoi il y a eu un
19 effondrement du pays. Mais je pense que c'est encore plus important si l'on
20 veut comprendre ceci en Bosnie-Herzégovine lorsque les autorités centrales
21 ne fonctionnaient plus. La connaissance, l'expérience qui avait été
22 engrangé par les collectivités locales et la responsabilité qu'elles
23 avaient de veiller à ce que les besoins individuels et collectifs de la
24 population soient pris en charge c'était une expérience qu'on avait.
25 Q. Merci. Je ne sais pas si vous avez autre chose à dire à propos de la
26 planche 7; sinon, on passe à la suivante.
27 R. C'est exact.
28 Q. [aucune interprétation]
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- j'aurais une question de suivi parce
2 que vous abordez des points essentiels pour la compréhension de beaucoup
3 d'événements qui se sont succédés dans ce dossier, et si j'ai bien compris,
4 parce que les trois Juges qui sont devant vous ont une connaissance certes
5 qui s'est établie au cours des dernières années, mais comme vous abordez
6 des sujets économiques qui sont ardus, il convient d'apporter certaines
7 précisions.
8 Lorsqu'un juge occidental aborde les questions de la Yougoslavie, il peut
9 avoir dans l'idée que la Yougoslavie fonctionnait comme dans un système
10 centralisateur, un système communiste, or vous venez de nous dire qu'en
11 1950, il y a eu au niveau de l'ex-Yougoslavie une réforme qui a tendu à
12 mettre en place une autogestion, et qu'à ce moment-là, la Yougoslavie
13 fonctionnait sous une forme autogestionnaire, et notamment avec un rôle
14 accru des collectivités locales et des acteurs locaux. Est-ce que ça
15 tendrait à dire à ce moment-là que le pouvoir central dans un système
16 d'autogestion économique a moins de force, et moins de puissance qu'un
17 système centralisateur ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je serais d'accord avec vous. Ce qui est
19 certain, c'est qu'en Yougoslavie après disons le moment où se porte à faux
20 avec Stalin en 1948, on décide de remplacer le système de planification
21 central par l'autogestion, les autorités centrales par des réformes
22 politiques économiques ont perdu de leur pouvoir. Moi, en tant que Slovène,
23 je dirais que c'était aussi dû au fait qu'ils existaient des forces en
24 Yougoslavie qui faisaient que les républiques et les collectivités locales
25 avaient besoin de ce pouvoir parce que dans le contexte yougoslave il
26 n'était pas possible d'avoir simplement les autorités qui siégeaient
27 uniquement à Belgrade, qui soient vraiment unitaires. La planification
28 centrale, le remplacement plus exactement la société est une réponse des
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1 dirigeants de Tito, de façon à veiller à ce que la Yougoslavie existe,
2 demeure tout en veillant à ce que ce système lui aussi, survive.
3 Pourquoi était-ce important ? Parce qu'après la Deuxième Guerre mondiale,
4 nous avons abandonné la planification centrale parce qu'on voulait avoir
5 une économie monétaire réelle; par exemple, en 1956, on a établi des
6 banques commerciales. Prenez la Pologne, ça c'est fait 30 ans plus tard.
7 Prenez aussi la Hongrie, c'est seulement en 1986 qu'on a pu avoir des
8 banques commerciales où on pouvait y déposer de l'argent, faire des prêts,
9 des emprunts. Ça on a eu très vite en Yougoslavie, et d'ailleurs, la Banque
10 mondiale et le FMI ont fourni des fonds à la Yougoslavie dès les années 60
11 et les années 70. Ce qui veut dire que le système a permis l'activation des
12 facteurs de productivité, le facteur travail, le facteur capital grâce à ce
13 système de l'autogestion.
14 Alors est-ce que c'est viable à terme ? Non. On le sait dans la théorie de
15 l'économie le concept du conflit qu'il y a intransicquement [comme
16 interprété] entre le travailleur contrôlant par son comité de travail, les
17 directeurs dans une entreprise autogestionnaire, et les directeurs qui
18 doivent quand même épurer les crédits, qui doivent obtenir des profits
19 pour, disons; les propriétaires. Donc un terme, ce système n'étais pas
20 viable, il n'en demeure pas moins. La Yougoslavie est surtout dans les
21 années 60 et 70, c'était une économie en croissance surtout grâce aux
22 prêts, aux emprunts étrangers qui semblent avoir cessé fin 1997. C'est à ce
23 moment-là que la crise a commencé, mais le système centralisé soviétique
24 est différent du système autogestionnaire. Parce qu'on parlait de
25 socialiste du marché. Pourtant une leçon un peut difficile mais il y avait
26 des forces du marché qu'il fallait assister.
27 Autre raison pourquoi est-ce que ça s'est passé en 1948. Dans des systèmes
28 centralisés avec le plan, nous avons aussi la terre qui est la propriété de
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1 l'Etat.
2 On a essayé de faire ça aussi. Le pays était affamé. La famine
3 sévissait. En ex-Yougoslavie, l'agriculture, la réforme agraire qui fait
4 quelle n'avait pas marchée, les petits propriétaires ont pu conserver dix
5 hectares de terre qu'ils ont gérés. Les systèmes de comités de
6 travailleurs, ça a été la base de socle qui a permis l'érection d'un autre
7 socialisme autre que celui qu'il y avait, disons, en Union soviétique ou
8 dans d'autres pays d'Europe de l'est.
9 Les réformes effectuées dans les années 1980 surtout après la chute du mur
10 de Berlin, les réformes lancées à ce moment-là, elles étaient, bien sûr,
11 plus faciles; malheureusement, elles ont entraîné l'effondrement du pays
12 parce que tout le monde n'avait pas le même avis quant à la façon de gérer
13 le pays. Il fallait y aller dans l'option unitaire ou la confédération.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Oh, combien intéressant. C'est l'heure de faire la
15 pause. Malheureusement, il faut qu'on arrête.
16 Nous allons faire une pause de 20 minutes et nous reprendrons dans 20
17 minutes.
18 [Le témoin quitte la barre]
19 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.
20 --- L'audience est reprise à 16 heures 07.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant d'introduire à nouveau le témoin, je vais lire
22 une décision orale qui concerne la venue d'un témoin la semaine prochaine,
23 et donc il faut que je la lise dès maintenant.
24 Décision orale concernant la note d'information déposée par la Défense
25 Petkovic le 15 décembre 2008. Le 15 décembre 2008, la Défense Petkovic a
26 déposé une notice informant la Chambre de son intention d'utiliser quatre
27 heures pour contre-interroger le Témoin expert Davor Marijan, lequel
28 comparaîtra du 19 au 22 janvier prochain. Dans cette notice, la Défense
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1 Petkovic prend bonne note de la décision de la Chambre du 11 décembre 2008
2 par laquelle elle est autorisée à contre-interroger le témoin durant une
3 heure et 30 minutes. La Défense Petkovic expose cependant qu'elle compte
4 néanmoins utiliser deux heures et 30 minutes supplémentaires pour contre-
5 interroger ledit témoin et que ce temps supplémentaire sera déduit du temps
6 global prévu pour la présentation de sa cause.
7 Dès qu'il s'agisse d'une notice de nature informative, la Chambre
8 décide proprio motu de se prononcer sur cette notice en vertu de son
9 pouvoir et dans son devoir de contrôler les modalités de l'interrogatoire
10 des témoins et de la présentation des éléments de preuve.
11 La Chambre rappelle tout d'abord que, par sa décision du 11 décembre
12 2008, elle a, entre autres, rejeté la demande de l'accusé Petkovic de se
13 voir allouer quatre heures pour contre-interroger le témoin expert Davor
14 Marijan au motif que cette demande était excessive.
15 La Chambre a toutefois décidé qu'une durée d'une heure 30 minutes
16 serait adéquate en l'espèce pour permettre à la Défense Petkovic de mener à
17 bien son contre-interrogatoire. La Chambre note enfin que la Défense
18 Petkovic n'a pas interjeté appel de la décision du 11 décembre 2008.
19 La Chambre rappelle ensuite que la décision du 24 avril 2008 portant
20 adoption de lignes directrices pour la présentations des éléments de preuve
21 à décharge énonce, en ses paragraphes 13 à 17, des règles très précises
22 concernant l'attribution du temps disponible pour l'interrogatoire et le
23 contre-interrogatoire des témoins.
24 Selon cette décision, les équipes de la Défense menant le contre-
25 interrogatoire disposent ensemble de 50 % du temps alloué pour
26 l'interrogatoire principal. Or en l'espèce, l'attribution de deux heures et
27 30 minutes supplémentaires à la Défense Petkovic pour contre-interroger le
28 témoin expert reviendrait en réalité à permettre à une seule équipe de la
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1 Défense à bénéficier d'un temps équivalent à celui attribué à la Défense
2 Stojic qui interrogera ledit témoin, soit quatre heures.
3 Non seulement une telle répartition du temps serait en totale
4 contradiction avec les règles énoncées par la décision du 24 avril 2008,
5 mais encore serait de nature à modifier substantiellement le calendrier
6 d'audience de la Défense Stojic, ce qui n'est pas admissible.
7 Pour ces mêmes raisons, la circonstance que la Défense Petkovic informe la
8 Chambre de son intention d'imputer ce temps supplémentaire sur son propre
9 temps de présentation des éléments de preuve n'est pas de nature à fléchir
10 la position de la Chambre sur ce point. En effet permettre automatiquement
11 aux parties de bénéficier d'un temps supplémentaire substantiel aux motifs
12 que celui-ci serait déduit du temps global prévu pour la présentation de
13 leurs propres éléments de preuve reviendrait à permettre que les débats se
14 prolongent indéfiniment dans le prétoire et contreviendrait aux droits des
15 accusés à un procès rapide et efficace.
16 Par conséquent, la Chambre décide proprio motu de ne pas autoriser la
17 Défense Petkovic à utiliser deux heures et demie supplémentaires pour
18 contre-interroger le Témoin Davor Marijan. La Défense Petkovic devra donc
19 conduire le contre-interrogatoire du Témoin Davor Marijan en une heure et
20 30 minutes. Le cas échéant, la Défense Petkovic pourra appeler ce témoin à
21 comparaître dans le cadre de la présentation de sa propre cause si elle
22 demande l'ajout de ce témoin sur la liste 65 ter et si elle accompagne sa
23 demande des informations requises à l'article 65 ter (G) du Règlement.
24 Bien. Donc en un mot, la Défense Petkovic aura une heure 30 mais si la
25 Défense Petkovic tient à utiliser ces deux heures 30 pour poser des
26 questions à ce témoin, elle le fera venir le moment venu en demandant
27 l'ajout de ce témoin à la liste 65 ter.
28 Voilà. Il n'y a pas de problème. Nous allons introduire le témoin.
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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Nous avons présenté une supplémentaire à la
2 déclaration du Dr Prlic en réponse au rapport Tomljanovich, comme il
3 l'avait indiqué dans sa déclaration liminaire qu'il se proposait de faire,
4 c'était assez circonstancié. M. Stojic y fait objection pour différentes
5 raisons et l'Accusation y fait objection quand bien même M. Stojic n'a pas
6 cité d'autre autorité autre que la règle de faire un argument politique,
7 l'Accusation cite une autorité. Nous souhaitons effectivement avoir la
8 possibilité de déposer une seule réplique et nous souhaiterions disposer
9 jusqu'à lundi pour présenter cette réponse qui ne devrait pas dépasser les
10 quatre, cinq pages pour déposer cela.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous voulez être autorisé à faire une réplique
12 de quatre ou cinq pages et pour lundi. Bon. Je vais consulter mes
13 collègues.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Maître Karnavas. La Chambre fait droit à votre
16 requête. Bien.
17 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, continuez l'interrogatoire de votre
19 témoin.
20 [Le témoin vient à la barre]
21 M. KARNAVAS : [interprétation]
22 Q. Bien, Monsieur Cvikl, avant de passer à la planche suivante, il y avait
23 un terme qui a rendu perplexe certains des interprètes et éventuellement la
24 sténotypiste. Vous avez dit qu'il y avait ce conflit entre la direction et
25 les travailleurs. Vous avez utilisé un vocable, une théorie. Je vous
26 demanderais de bien vouloir préciser et repréciser ce dont il s'agit, s'il
27 vous plaît.
28 R. Oui. Alors, dans la théorie économique, il y a une firme, Illiryan.
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1 Q. Pour l'orthographe, on l'obtiendra par la suite.
2 Bien. Nous en étions donc à la planche 7; passons à la planche 8, si vous
3 le voulez bien.
4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre.
5 Si le mot décisif -- enfin, le mot précis ne figure pas dans le compte
6 rendu "Illiryan" -- l'orthographe immédiatement sans quoi ça paraît un
7 petit peu qu'est-ce que.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Bon. Bon. Ce n'est pas un terme qui m'est
9 venu à l'esprit.
10 Q. Mais effectivement, vous nous l'épelez.
11 R. I-L-L-I-R-Y-A-N, Illiryan, la région de ce qui était la partie nord de
12 la Croatie. C'est un concept qui est connu des économistes, secteur
13 d'entreprise, où les travailleurs et les patrons partagent la gestion de
14 l'entreprise et des fruits produits par la société.
15 Q. Bien. Je vous remercie.
16 M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]
17 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie d'apporter donc cette --
18 nous remercions les traducteurs d'avoir apporté cela à notre attention.
19 Q. Donc passons à la planche 8; nous poursuivons donc avec le rôle connu
20 de collectivités locales si vous n'avez pas terminé donc d'en dire un mot,
21 vous souhaitez attirer notre attention sur deux documents spécifiques,
22 n'est-ce pas ?
23 R. Oui. Alors ce à quoi je souhaitais me référer sur cette planche c'est
24 tout d'abord l'idée selon laquelle alors qu'il y avait une propriété
25 sociale en Yougoslavie, il y avait un sentiment général que les ressources
26 matérielles appartenaient à la population collectivement. Il convient de
27 noter que, dans le cas du secteur des entreprises, les travailleurs étaient
28 autorisés à gérer les actifs au sein de leur entreprise pour autant qu'ils
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1 produisaient des résultats positifs. Il y avait une possibilité dans le
2 système yougoslave, et là je me réfère à la constitution la Fédération
3 socialiste de Yougoslavie, 1D 02976, article 130, où il y avait une
4 possibilité que, dans le cas où les travailleurs dans une entreprise ne
5 produisaient pas des résultats positifs qu'ils produisaient des pertes en
6 somme, ils avaient la possibilité -- les collectivités locales avaient le
7 droit de supprimer les droits d'autogestion de ces travailleurs et ainsi
8 préserver le bénéfice de la société et la propriété sociale.
9 Q. Pouvez-vous nous donner un exemple ?
10 R. Oui, je peux vous donner un exemple qui est connu en Slovénie qui est
11 sans doute connu de l'autre partie de la Yougoslavie. En Slovénie, nous
12 avons un producteur de produits électroménagers qui est en quelque sorte le
13 Phillips de Slovénie. En 1985, cette entreprise a rencontré de graves
14 difficultés en raison d'un fort endettement et essayait d'acheter une
15 entreprise en Allemagne, elle a donc commencé à susciter des pertes et
16 l'entreprise ne pouvait plus emprunter auprès des banques, et l'entreprise
17 serait donc acculée à la faillite.
18 Toutefois, la communauté locale donc de Velenje, donc qui est la ville où
19 se situe cette usine, a supprimé -- a aboli les droits d'autogestion des
20 travailleurs et a désigné un directeur général pour assurer la gestion
21 provisoire de cette entreprise, et c'est ce que vise cet article 130 de la
22 constitution. Donc, en deux ans avec les droits d'autogestion abolis des
23 travailleurs, le nouveau directeur général a pu remettre d'aplomb
24 l'entreprise, et la société Gorenje Velenje, qui était au bord de la
25 faillite en 1985, est un des premiers exportateurs slovènes produisant plus
26 d'un milliard d'euros de biens d'électroménagers et exporte ça partout dans
27 le monde.
28 Q. Vous nous attirez notre attention à 1D 02974. Pouvez-vous nous décrire
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1 brièvement le contenu de ce document ? Je constate qu'il a été cité par
2 vous dans votre rapport.
3 R. Il s'agit du document sur lequel j'ai un ouvrage. Il s'agit d'un
4 chapitre qui provient de l'ouvrage publié en 2004, le chapitre rédigé par
5 M. Gligorou, et à page 16 de cet ouvrage, qui est dans le document, il y a
6 une explication indiquant qu'il y avait un concept différent de propriétés
7 en Yougoslavie que la propriété d'Etat. Nous n'avions pas de propriété
8 d'Etat, mais une propriété sociale. Dans ce même article, l'auteur M.
9 Gligorou décrivait ce qui se passait au moment des réformes opérées en
10 Yougoslavie dans la dernière année de son existence et ensuite en Slovénie
11 pour ce qui est de la propriété. La propriété sociale par le biais des
12 réformes est devenue une propriété privée.
13 Q. Merci. Je crois que ça a été publié par la Banque mondiale; c'est bien
14 ça ?
15 R. En effet. "Slovénie : de la Yougoslavie à l'Union européenne,"
16 publié par la Banque mondiale, avec de nombreux auteurs. J'ai également
17 rédigé un rapport sur les questions budgétaires, qui explique pas
18 simplement l'effondrement de la Yougoslavie en termes économiques, mais
19 comment un pays qui a quitté la Yougoslavie avec une série de réformes sur
20 la voie de l'indépendance est devenu un membre à succès de l'Union
21 européenne. Donc voilà, "Slovénie : de la Yougoslavie à l'Union
22 européenne."
23 Q. A moins qu'il y ait autre chose sur la planche 8, poursuivez.
24 R. Oui. La raison pour laquelle j'ai inclus cela et que j'en ai parlé dans
25 le rapport c'est que le rôle des collectivités locales tel que défini dans
26 la constitution yougoslave et également la constitution de la république
27 était très important, de sorte que lorsque la guerre a éclaté en Bosnie-
28 Herzégovine et que les collectivités locales subitement n'avaient plus la
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1 possibilité d'obtenir des crédits du gouvernement central, tous ces
2 pouvoirs se situaient au niveau des collectivités locales et elles ont pu
3 mettre en œuvre des politiques à la fois agissant sur l'offre et la demande
4 de ces collectivités locales. Il y avait donc cette faculté de la part de
5 la collectivité locale qui est donc basée sur la constitution et où les
6 gens comprenaient leur responsabilité. Ils n'attendaient pas tout
7 simplement que le gouvernement central agisse.
8 Q. Dans quelle mesure, le cas échéant, les élections -- nous savons qu'à
9 un moment donné, il y a eu des élections. Dans quelle mesure, le cas
10 échéant, ces élections ont-elles eu un impact sur ce dispositif
11 d'autogestion qui était partie intégrante du système de l'ex-Yougoslavie ?
12 R. J'indique dans le rapport que jusqu'au moment des élections il y avait
13 on va dire trois personnes essentielles dans la collectivité. Il y avait le
14 président de l'assemblée locale, le président du conseil exécutif, et il y
15 avait le président du Parti communiste local. Lorsqu'en Slovénie en avril
16 1990, et en Bosnie-Herzégovine à la fin de 1991, des élections libres ont
17 eu lieu, dans chacune de ces collectivités locales, un parti politique l'a
18 remporté. Donc la personne élue librement président de l'assemblée locale
19 ou président de la municipalité, cette personne avait beaucoup de pouvoir
20 puisqu'il disposait d'instruments et également le soutien politique obtenue
21 lors des élections libres pour agir pour le compte de la société, et ce par
22 les pouvoirs qui lui étaient conférés par les élections, à faire ce qu'il
23 fallait faire, dans le pire des cas, protéger l'environnement après la
24 guerre, prendre les mesures nécessaires pour agir sur l'offre et la demande
25 de l'économie. Donc ces pouvoirs étaient extrêmement puissants, et les
26 élections libres ont permis de renforcer ces pouvoirs.
27 Q. Bien. Donc rien d'autre sur la planche 8. Nous pouvons donc passer à la
28 planche suivante.
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1 R. Alors, sur la planche 9, je crois avoir expliqué ce qui, sur le plan
2 macroéconomique, constitue les deux caractéristiques les plus importantes
3 de la Yougoslavie. Il y avait tout d'abord un système budgétaire
4 extrêmement décentralisé. Il y a eu de nombreuses décisions prises au
5 niveau des collectivités locales ou au niveau régional avec différents
6 impôts. Dans l'ex-Yougoslavie, il y a un impôt fédéral, un impôt
7 républicain, mais le plus important pour ce qui est de la taille et aux
8 bénéfices de la population étaient les cotisations spéciales pour financer
9 les fonds d'intérêt d'autogestion, c'est-à-dire que les gens cotisaient à
10 partir de leur salaire à ces fonds de gestion pour différents -- enfin,
11 pour des services d'éducation, santé, et cetera.
12 Ensuite il y a ce système monétaire décentralisé qui a été mis en
13 place uniquement en 1994 -- en 1974, et ce système -- les Banques
14 nationales dans le cadre du système bancaire créées dans chacune des
15 républiques et des deux provinces autonomes, ces Banques centrales étaient
16 -- dans la Croatie et dans l'ex-République de Macédoine, ont joué un rôle
17 important depuis l'indépendance en Bosnie également, mais avec un certain
18 retard. Deuxième caractéristique, c'est qu'il y avait une sorte de
19 politique monétaire unifiée, mais laquelle politique devait être approuvée
20 par le Conseil des gouverneurs de la Banque nationale.
21 Quel genre de problème a-t-il posé la Banque national de Yougoslavie ?
22 C'est que cette instance se composait de gouverneurs de républiques et de
23 provinces autonomes, ce qui veut dire, par exemple, que vous aviez le
24 gouverneur de la Banque nationale de Macédoine et qui était élu au
25 parlement de Macédoine, mais qui représentait à la Fédération la Macédoine.
26 Cette instance avait une responsabilité envers les républiques, mais ce
27 Conseil des gouverneurs n'a pas bien pu gérer la politique monétaire, ce
28 qui fait qu'on ait créé de l'inflation parce qu'il y a eu impression de
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1 monnaie excessive en passant par le système du gouvernement de la Banque
2 centrale. L'hyperinflation qui a vu le jour en 1989 et les efforts déployés
3 au début des années 90, premier semestre 90, par Markovic pour mener une
4 politique plus raisonnable, et tout ceci a été violé par une décision prise
5 par un des gouverneur de la Banque nationale de république, en l'occurrence
6 la Banque nationale de la République socialiste de Serbie qui a décidé
7 d'imprimer trop de devises, et c'est ainsi qu'il y a eu un combat politique
8 et qui a entraîné la chute de Markovic et de ses réformes.
9 Alors en conclusion, ce système décentralisé a quelque part empêché la
10 viabilité du système monétaire en Yougoslavie.
11 Q. Une précision, car il est possible que ceci soit évoqué plus tard. Vous
12 parlez du système fiscal ou budgétaire décentralisé et vous parlez de
13 "fonds parafiscaux" ou "para budgétaires". Nous avons déjà entendu ce terme
14 dans ce prétoire, mais pourriez-vous nous expliquer ce que ça veut dire, ce
15 terme de parafiscalité ?
16 R. Disons, dans une situation dans une zone normale, lorsque vous avez une
17 économie de marché occidental où tournaient les [imperceptible], vous
18 n'avez qu'un endroit, un lieu où les dépenses gouvernementales devront être
19 définies. C'est défini dans le budget du gouvernement qui en général est
20 proposé au parlement qui va l'approuver. Lorsque vous avez un budget
21 spécial, une enveloppe particulière, celle de l'éducation, de la santé, des
22 infrastructures routières, enveloppe ou portefeuille budgétaire qui ne se
23 trouve pas dans le budget général central, on l'appelle budget parafiscal.
24 Première étape dans la création d'un macro environnement normal, il faut
25 avoir le contrôle des dépenses dans le cadre du budget. Si vous avez des
26 budgets parafiscaux, des fonds para budgétaires, il est, bien sûr,
27 nécessaire d'essayer de les réprimer, de les empêcher.
28 Dans le système yougoslave de l'autogestion de ces communautés
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1 d'intérêt d'autogestion, ces fonds autogestionnés -- auto gérés s'étaient
2 ajoutés en général au budget de la république ou de fédération. Il y en
3 avait plus de 6 000, dix dans chacune des 600 collectivités locales, ce qui
4 fait que le pays, on ne pouvait dépenser, ne pouvait financer, ne pouvait
5 pas en fait savoir exactement ce qui se dépensait. Ce n'est pas ça qui veut
6 dire un problème, ce système du para budget c'est bien connu en économie.
7 C'est la question de la gestion des dépenses publiques surtout dans des
8 pays où vous avez des dépenses qui sont à l'extérieur du budget et qu'il
9 n'est pas possible de contrôler.
10 Q. Je vais vous demander de faire preuve de plus de concision car
11 nous avons beaucoup de documents à voir.
12 Je pense que maintenant nous allons passer à la planche 10 --
13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Une précision. Vous parlez souvent
14 de communautés ou collectivités locales. Un autre témoin nous a dit qu'il
15 faut faire la distinction entre les municipalités et les collectivités
16 locales, lesquelles sont des sous divisions des parties de municipalités.
17 Alors, vous, comment est-ce que vous utilisez ce terme de "collectivité
18 locale" ? Est-ce que vous connaissez cette distinction que je viens
19 d'évoquer ? L'utilisez-vous ou est-ce que vous avez une terminologie
20 différente ?
21 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président --
22 Monsieur le Juge. Si vous me le permettez, ce terme les "communes" plutôt
23 que "collectivités locales."
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, effectivement, il parlait dans
25 cette distinction de communes locales.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous regardez la constitution yougoslave et
27 la façon dont on a traduit ça en anglais, on parle de communauté
28 sociopolitique. Quand je parle de communauté locale, ce sont des unités qui
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1 sont plus petites que celles des républiques. Le terme c'est "obstina,"
2 "obstina." Alors, dans les obstina, il se peut qu'il y ait des sous
3 divisions que ce soit aussi divisé surtout si dans l'obstina vous avez une
4 grosse ville. Vous avez, par exemple, l'obstina de Sarajevo qui a des
5 parties qui la composent, qui sont des parties du tout qui constituent la
6 communauté ou collectivité locale. Mais, moi, je me sers de ce terme pour
7 indiquer des parties inférieures à la république et qu'on décrit dans la
8 constitution comme étant des communautés sociopolitiques. Ça, c'est
9 l'ancien terme qu'on utilisait, plus tard, en tout cas, à la Banque
10 mondiale. Nous avons adopté le terme de "local community" sachant que
11 c'était une entité qui avait une autonomie pour des questions locales.
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Donc si je comprends pour nous,
13 c'est ce que nous avons appelé municipalité. Vous seriez d'accord avec
14 cette idée ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
17 Poursuivez, Maître Karnavas.
18 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais c'était parmi les questions que je
19 voulais poser au témoin pour obtenir des précisions.
20 Q. Prenons la planche numéro 10. Je sais qu'après, nous allons voir les
21 suivants parce qu'il y a un lien entre ces trois pages. Mais ici, il est
22 fait référence au SDK, service de comptabilité public. On en a souvent
23 parlé. Peut-être pouvez-vous apporter un commentaire aussi en examinant
24 certains documents.
25 R. Autres caractéristiques très importantes de l'ex-Yougoslavie, c'est que
26 dans ce pays, l'essentiel des relations économiques entre entreprises ou
27 entités locales se faisaient sans espèce, c'est-à-dire qu'on n'utilisait
28 pas d'espèce, d'argent. Comment était-ce fait, c'est en passant par ce
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1 système ou ce bureau de comptabilité public. Prenez la planche 11, vous
2 allez y trouver un petit diagramme qui vous explique comment était organisé
3 ce SDK. C'était une agence et toutes les entités, les personnalités
4 légales, les entreprises, les municipalités, les collectivités locales,
5 voire les républiques, les fonds para budgétaires, toutes ces entités
6 légales disposaient d'un compte, un compte courant auprès de cette agence,
7 les banques commerciales aussi. Même les Banques centrales avaient un
8 compte dans cette agence, dans ce SDK, toutes les opérations, toutes les
9 transactions se faisaient entre les banques avec ces différentes entités.
10 Ce SDK, par conséquent, il était d'une importance capitale car cette
11 institution veillait à ce que les transferts de fonds se fassent dans
12 l'économie. Qui plus est, étant donné qu'en Yougoslavie le système fiscal
13 était très développé, ce bureau de comptabilité public faisait fonction non
14 seulement d'un mécanisme de paiement mais aussi de perception d'impôts, de
15 recettes fiscales.
16 Le soir, un magasin, un commerce, une entreprise légale amenaient à
17 l'agence SDK la recette du jour. Un calcul était effectué, ça faisait
18 autant de recettes ce jour-là, plus taxe à la vente ou sur la valeur
19 ajoutée, et cet argent était enregistré, c'était vérifié par le SDK mais on
20 -- c'était mis dans le coffre mais on disait dans les comptes que voilà, un
21 paiement avait été fait au budget de la république ou de la collectivité
22 locale avec la taxe appropriée.
23 Pareil pour les salaires bruts. Ils étaient payés mensuellement. Une
24 entreprise a mené la liste des salaires bruts. Là où on disait : voilà, les
25 salaires nets sont versés sur les comptes des personnes concernées dans des
26 banques commerciales, la différence à savoir les différentes contributions
27 aux fonds parafiscaux, para budgétaires, la retraite, l'éducation, la
28 santé, et cetera, tout ceci était aussi versé sur les fonds articulés
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1 parafiscaux.
2 Pourquoi ? Lorsque la guerre a commencé, lorsque les services de
3 télécommunication n'ont plus fonctionné, lorsque ces services SDK ont été
4 détruits, même s'il y avait eu une activité économique, comme le SDK ne
5 fonctionnait plus, il n'était plus possible de percevoir la recette
6 fiscale. C'est pour ça qu'il était important que -- par exemple prenez la
7 Slovénie, à son indépendance, la Slovénie a dû prendre le contrôle de ce
8 bureau parce que sûrement elle voulait que se continue l'activité
9 économique dans un système où on ne passait pas par les [imperceptible]
10 d'espèce.
11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je veux m'assurer que j'ai bien
12 compris. Prenons un exemple simplifié; disons, vous avez une entreprise X,
13 qui a comme employé le travailleur qui perçoit chaque mois 100. 100 c'est
14 la somme versée par l'entreprise sur le compte du SDK. Lequel va remettre
15 au travailleur 72. Cinq seront versés pour le fonds de retraite, le fonds
16 de santé, le fonds de la défense. Est-ce que c'est comme ça que ça marchait
17 ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, c'est exactement comme ça que ça
19 marchait. C'est exactement ce que faisait le SDK. Il l'a fait. Bon pour
20 tous les travailleurs. Mais effectivement tout se faisait sans passer par
21 les transactions en espèce, et ça été fait aussi effectivement, et le
22 travailleur obtenait de l'argent à la banque, 70 %.
23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ça donne beaucoup de pouvoir de
24 contrôle aux autorités.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais il y a deux écoles de penser sur les
26 raisons de la création de ce SDK. C'est que début des années 50, les
27 pouvoirs publics voulaient savoir ce qui se passait dans les entreprises
28 publiques. Mais plus tard dans les années 60 et 70, nous sommes passés à
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1 une économie de marché, et il était vraiment très difficile, très
2 encombrant, si j'ose dire, d'avoir des systèmes, par exemple, avoir un
3 compte chèque. Ce système comme on connaît aux Etats-Unis et aussi en
4 Europe, le SDK c'était très utile, un outil de question économique parce
5 que personne ne veut transporter de l'argent comptant. Autre fonction,
6 c'est la perception de recettes fiscales parce que c'était quelque chose
7 qui se faisait à 100 %. Bon, avec quelquefois des entreprises qui voulaient
8 payer les salaires nets et retarder un peu l'obligation de payer ces taxes.
9 Mais, par exemple, la taxe sur la vente, tout ceci était déjà répertorié et
10 le SDK fonctionnait à l'échelon de toute la Yougoslavie avec des branches,
11 des succursales, et c'était une composante essentielle au système
12 décentralisé et économique qui existait encore au moment où éclate la
13 guerre en Bosnie-Herzégovine. Si on contrôle le SDK important.
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup.
15 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, ce système SDK, est-ce
17 qu'il s'appliquait également aux fonctionnaires et aux militaires ? Est-ce
18 qu'à ce moment-là, l'université provenant de Mostar, qui payait le
19 professeur de la faculté, l'université donc, par un compte au SDK,
20 créditait une certaine somme, ensuite le SDK envoyait à la banque, par
21 exemple, du professeur d'université son salaire; est-ce que ça touchait
22 tous les secteurs d'activité ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] A toutes ce qu'on appelle ces entités légales.
24 Les universités, ou université de Mostar ou de Ljubljana, en principe, on
25 recevait des fonds qu'il fallait, bien sûr, et qui venaient dans le fonds
26 parafiscal pour l'éducation. Cette université avait un compte et s'il
27 fallait payer ce professeur, le net de son salaire lui était versé, la
28 contribution pour la retraite, le fonds de retraite des enseignants passait
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1 par le SDK pour aller au fonds de retraire. Tout se faisait en passant par
2 ce SDK. Toutes les entités légales avaient chacune un compte dans ce SDK.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question d'ordre technique. Mais dans ce
4 système il n'y avait pas d'impôt direct; est-ce que les gens payaient des
5 impôts, ou bien, il y avait des retenus à la source par le SDK ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Les gens payaient des impôts mais il y avait
7 deux types d'impôt. On n'avait pas de TVA, à l'époque; depuis on l'a, mais
8 on avait la taxe à la vente. Donc c'est une taxe qu'on prenait sur la
9 valeur de la marchandise qui est payée le soir. Lorsqu'un commerce qui vend
10 des marchandises amenait sa recette quotidienne au SDK. Donc le net était
11 versé à la banque sur le compte qu'avait ce commerce au SDK et la taxe à la
12 vente elle était versée sur la partie du gouvernement local et central.
13 Quant aux employés, ils percevaient un salaire, ils avaient un salaire
14 brut, mais, en principe, ils ne recevaient -- ils avaient l'impression de
15 ne recevoir qu'un salaire net. La partie d'impôt direct qu'on connaît dans
16 l'économie de marché qui est progressive, cette assiette étant progressive,
17 ça c'est devenu bien plus tard. Seuls les salaires les plus gros, par
18 exemple, là, peuvent subir un impôt direct. Mais c'était les deux
19 instruments principaux et le SDK, dans une certaine mesure à l'époque,
20 s'occupait aussi des droits de douane en fonction de l'endroit de la
21 perception du droit de vente. Une dernière phrase peut-être. Ce SDK pouvait
22 taxer tout à la source. Donc ce n'est pas comme c'est aujourd'hui en
23 Slovénie ou aux Etats-Unis, où en fin d'année, on fait une déclaration
24 fiscale. Non. Mais, non, l'argent il était prélevé mensuellement chaque
25 fois qu'on payait un salaire.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
27 M. KARNAVAS : [interprétation]
28 Q. A titre d'illustration, je pense que nous avons la planche 12.
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1 R. Oui.
2 Q. Là, on voit une démarche un peu différente. Dites-nous, d'abord ceci;
3 quelle est la source de ce qui s'y trouve ?
4 R. Je voudrais ici faire référence au document 1D 02972. A la page 43 de
5 ce document, il y est un rapport du FMI sur la République de Slovénie,
6 évaluation de la stabilité du système financière plusieurs sujets sont
7 abordés dont celui des moyens de paiement. Page 43 du dit rapport, on
8 trouve un résumé de l'évaluation qu'on a fait pour voir comment se faisait
9 la réforme du système de paiement. Prenons, si vous voulez bien maintenant
10 la planche 12 de ma présentation. Vous allez voir comment le système de
11 paiement se présente après l'abolition du SDK. Maintenant vous voyez que
12 vous avez un individu qui a un compte à la Banque A, si cet individu veut
13 payer à un autre individu une somme sur le compte à cet autre individu à la
14 Banque B, il va passer à un système de paiement de Banque centrale. Donc il
15 n'y a plus de SDK.
16 Mais ça c'est passé seulement en 1997, 1998 en Slovénie comme dans d'autres
17 pays, donc ça c'est après l'abolition du SDK. Mais si vous revenez à la
18 planche 11, vous allez voir le système qui existait au moment où s'effondre
19 la Yougoslavie lorsque arrive la guerre en Bosnie-Herzégovine, et là, vous
20 avez que toutes les entités ont un compte au SDK, donc si vous vouliez
21 soutenir l'essor de l'économie, il fallait recréer, réétablir ou avoir un
22 système SDK qui fonctionnait. J'ai simplement fait référence à cette étude
23 du FMI pour vous montrer une comparaison entre les deux systèmes, et
24 veuillez noter qu'au moment où la guerre a éclaté, le système qui prévalait
25 c'est celui que vous avez à la planche 11.
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne sais pas si les Juges ont des
27 questions; s'il n'y en a pas, nous pouvons peut-être passer à un autre
28 sujet.
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1 Q. Que nous allons trouver à la planche 13.
2 R. Là, je vous montre ce qui se passe en matière de liquidité, comment le
3 système -- l'ancien système se procurait des liquidités, et puis c'est
4 important de voir aussi ce qui s'est passé lorsque la guerre éclata. Dans
5 l'ancien système, puisque tout le monde avait un acompte au SDK, tout se
6 faisait sans passer par une monnaie sonnante et trébuchante. Mais pour des
7 petites transactions qu'il fallait faire en monnaie courante, par exemple,
8 un per diem, ou si quelqu'un se déplaçait, il fallait pouvoir retirer de
9 l'argent du compte qu'on avait, et pour ça, il faut vraiment de l'argent et
10 où est-ce que je trouvais les liquidités ? Bien, elles étaient épargnées;
11 elles étaient engrangées dans les coffres du SDK. La Banque nationale de la
12 république, par exemple, celle de Slovénie, elle avait un coffre à
13 Ljubljana, mais si on voulait distribuer de l'argent comptant, il y avait
14 aussi des coffres dans plusieurs villes, dans les lieux dans les bureaux
15 des agences locales du SDK, et en général, elles étaient proches et
16 adjacentes à des banques de marque commerciales.
17 Dans l'ancien temps, les liquidités étaient fournies par transfert
18 d'espèces qui passaient du coffre du SDK au coffre de la Banque commerciale
19 jusqu'au guichet où vous alliez rechercher en tant qu'individu de l'argent.
20 Lorsque nous sommes devenus indépendants en Slovénie, nous avons remplacé
21 les dinars yougoslaves qu'il y avait dans ces coffres du SDK par une
22 nouvelle monnaie slovène. En Bosnie-Herzégovine, ça s'est fait avec un
23 certain retard. C'est pour ça que vous avez la planche 13 où je dis que les
24 nouvelles autorités républicaines lorsqu'un pays devient indépendant
25 devaient fournir ces liquidités. Si ce n'est pas le cas, ça veut dire
26 qu'aussitôt vous allez avoir des difficultés dans un environnement
27 économique ordinaire. Il y a deux choses qui se sont passées en Bosnie-
28 Herzégovine. D'abord, on a accusé un certain retard da l'impression de --
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1 et l'émission de cette nouvelle monnaie et puis une fois que la Banque
2 nationale a émis en Bosnie-Herzégovine un dinar bosniaque, ça s'est fait
3 dans un contexte d'hyper inflation parce qu'on n'a créé tellement d'argent,
4 on a émis tellement d'argent, il y a eu une telle circulation monétaire
5 qu'il y a eu, offre excessive de cette monnaie d'où inflation errée.
6 Dans de telles conditions des devises parallèles, comme les marks
7 allemands sont devenus des monnaies actives, le moyen d'échange en tant
8 qu'unité de valeur.
9 Q. Je pense qu'ici à la planche 13, vous vouliez parler tout
10 particulièrement de deux documents. Le premier c'est le 1D 02974.
11 R. Oui. Il s'agit ici du chapitre 6 du livre intitulé : "De la Yougoslavie
12 à l'Union européenne," et ici l'auteur explique ce qu'il fallait faire pour
13 établir la souveraineté monétaire d'un pays donné. Regardez ces conclusions
14 qui se trouvent à la page 94, dernière phrase, page 94, le système établir
15 par la constitution de 1974 avec sa décentralisation des systèmes bancaires
16 a facilité l'établissement de la souveraineté bancaire et a permis une
17 transition sans heurt ou au moins avec moins d'heurt pour la Slovénie et
18 lui a permis de prendre les mesures qui étaient nécessaires en vue
19 d'accéder à l'indépendance. Mais ça ce qui s'est fait chez nous en Slovénie
20 je ne l'ai pas vu se passer au début de l'indépendance en Bosnie-
21 Herzégovine, il était donc logique qu'une devise parallèle comme le mark
22 allemand ou d'autres pays avec lesquels vous aviez des échanges ont
23 commencé à circuler sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.
24 Q. Vous avez une question ?
25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, mais je ne dois pas
26 nécessairement vous interrompre. Je ne sais pas si vous avez une question
27 de suivi. Je ne voulais pas vous interrompre.
28 M. KARNAVAS : [interprétation] J'allais passer à un document différent.
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1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est un peu une question entre
2 parenthèse, mais vous l'avez suscité quand vous avez parlé de banques
3 privées ? On peut se demander mis à part le SDK ce que faisaient des
4 banques privées, est-ce que c'était des banques qui donnaient des crédits,
5 ou est-ce qu'elle aidait aussi des banques d'épargne ? Pourquoi avoir un
6 compte dans une banque privée plutôt qu'au SDK ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, et nous sommes là avant les
8 réformes qui ont commencé seulement après l'indépendance, ce n'était pas
9 des banques privées. C'était des banques qui ont droit, c'était des
10 entreprises effectivement privées mais qui étaient la propriété de secteurs
11 d'entreprise. La situation était assez singulière. Vous aviez des banques
12 commerciales; elles pouvaient faire des emprunts à l'étranger, mais
13 pourquoi faisaient-elles des emprunts ? C'était surtout pour soutenir les
14 entreprises dans ce qu'ils avaient besoin. La banque privée classique, on
15 ne la verra que plus tard.
16 Ces banques, elles avaient des dépôts. Au cours des dernières années de
17 l'existence du système yougoslave, ces banques avaient aussi des taux
18 d'intérêt tout à fait normaux, mais ces taux d'intérêt résultaient surtout
19 du fait que les gens ne faisaient pas confiance aux banques comme quelqu'un
20 peu faire confiance à une banque privée ordinaire. Il y avait un peu des
21 systèmes ponsey, comme on a vu ça maintenant au Madoff. Pourquoi c'était
22 important ? Parce qu'au moment de l'indépendance, les banques ont rencontré
23 d'énormes difficultés pas seulement pour ce qui est de la liquidité mais de
24 la solvabilité et il fallait pouvoir rendre aux épargnants l'argent qu'ils
25 avaient épargné à la banque.
26 L'institution la plus puissante en ex-Yougoslavie, permettant à un système
27 cohérent sur le plan financier, c'était le SDK. Les banques commerciales,
28 elles étaient utiles pour les transactions internationales, elles étaient
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1 utiles là où on avait établi un règlement de fonctionnement qui permettait
2 de créer et d'engendrer des épargnes dans l'économie. Mais fin les années
3 1980, il y a eu des gros problèmes au niveau des banques - bon, ça c'est
4 vraiment entre parenthèse - si la Yougoslavie s'est effondrée, c'est aussi
5 parce que nous avons été incapable de nous mettre d'accord sur la façon de
6 financer les pertes des banques commerciales. Est-ce que ce serait fait au
7 niveau de la Fédération, de la république, au niveau local, bon, ça c'est
8 un débat plus économique mais c'est une des raisons de l'effondrement du
9 système.
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
11 M. KARNAVAS : [interprétation]
12 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- Maître Karnavas.
13 Monsieur le Témoin, j'ai une question fondamentale à poser. En règle
14 générale, quand je pose des questions, je vais toujours au cœur du sujet
15 parce que j'ai le souci d'économie du temps et qu'on évite d'aller en tout
16 sens.
17 Si je comprends bien, ce que vous avez dit tout à l'heure ce rôle
18 fondamental du SDK car le schéma que vous nous présentez à la page 12 c'est
19 un système qui résulte de la réforme en 1997. Moi, je reste dans les années
20 1991, 1992, 1993, et je plonge en Herzégovine. La thèse de l'Accusation est
21 de dire que dans le cas de l'entreprise criminelle commune les Croates de
22 l'Herceg-Bosna voire les Croates qui étaient à Zagreb ont transformé la
23 monnaie, c'est-à-dire le dinar yougoslave voire le dinar de Sarajevo en
24 dinar croate. D'après l'Accusation, l'unité monétaire qui était légale et
25 qui circulait était le dinar croate alors que nous étions en Herzégovine
26 qui relevait de la Bosnie-Herzégovine. Mais avec le système du SDK, est-ce
27 que le fait de dire demain c'est le dinar croate qui fonctionne, est-ce que
28 ça a changé quelque chose dans le système fondé sur le SDK ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Selon la compréhension qui est la mienne, les
2 autorités de l'Herceg-Bosna n'ont pas procédé au remplacement du dinar
3 bosniaque par le dinar croate. Ils ont permis l'utilisation du dinar croate
4 à côté de celle du dinar bosniaque, qui était la monnaie officielle. Non
5 seulement l'utilisation du dinar croate, mais également du mark allemand,
6 et ultérieurement, le dinar croate est remplacé par la kuna croate.
7 Pourquoi ont-ils fait cela ? Dans une certaine mesure, cela a été tout à
8 fait logique. Il s'agissait d'une situation dans laquelle le dinar
9 bosniaque avait été fourni en excès - et je voudrais ici que nous puissions
10 nous reporter au document 1D 012959 - il s'agit du rapport du FMI.
11 A la page 26, note de bas de page 36, nous voyons la chose suivante. A
12 cette page, donc, on peut voir que dans ce qu'on appelait la zone à
13 majorité bosnienne, l'inflation était de 773 000 en 1992. Dans la zone à
14 majorité croate, elle était de 900 % en 1992. Dans la Republika Srpska,
15 elle était de 73 000 %. Pourquoi est-ce je rappelle cela ? Lorsque vous
16 êtes dans une situation dans laquelle le dinar bosniaque a été émis en
17 excès et dans laquelle l'inflation était très élevé, comme nous avons vu,
18 de nombreux événements ont affecté les taux de change, vous ne pouvez pas
19 compter sur la confiance de la population; les gens n'avaient pas confiance
20 en le dinar bosniaque, et la seule autre possibilité qui s'offre à vous,
21 c'est de permettre l'utilisation d'autres monnaies. Il ne s'agit pas
22 d'abolir le dinar bosniaque, et nulle part j'ai vu dans le document que
23 cela aurait été fait. Mais ce qu'ont fait les autorités, c'est de permettre
24 que les comptes de virement, les comptes auprès du SDK puissent être
25 libellés, comme il se devait officiellement en dinars bosniaques, mais
26 qu'ils puissent avoir des sous-comptes dont l'un serait libellé en dinars
27 croates, et l'autre en marks allemands, tout simplement aux fins des
28 échanges qui avaient lieu d'une part avec la Croatie, d'autre part avec
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1 l'Allemagne, et qui nécessitait l'emploi de ces différentes monnaies.
2 Donc, je ne vois pas ici une façon d'outrepasser la souveraineté monétaire
3 de la Bosnie-Herzégovine, mais je ne vois ici qu'un moyen utilisé qui est
4 utilisé afin de soutenir le développement économique dans une situation
5 d'inflation très élevé.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre réponse est liée au taux d'inflation, et on
7 peut comprendre qu'à ce moment-là on va utiliser la monnaie qui souffre
8 moins que le dinar de Sarajevo, mais ça n'a pas été abordé jusqu'à présent.
9 Le SDK est lié à la Banque centrale; vous confirmez cela ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le SDK est effectivement lié à la Banque
11 centrale de près dans les circonstances normales. Mais selon moi, la Banque
12 nationale de Bosnie-Herzégovine - et c'est quelque chose que j'ai pu
13 discuté avec le gouverneur de la Banque nationale de Bosnie-Herzégovine
14 lorsque je me suis rendu sur le terrain en 1994 et 1995 - n'avait pas le
15 contrôle sur l'ensemble du territoire, car les bureaux du SDK à Tuzla, par
16 exemple, agissaient de façon indépendante des bureaux du SDK et des bureaux
17 de la Banque nationale de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo. J'ai vu la même
18 chose aussi bien à Travnik qu'à Mostar. Si bien que la Banque centrale
19 fournirait, dans des circonstances ordinaires, des liquidités aux bureaux
20 locaux du SDK, aux coffres du SDK, mais cela n'a pas pu être fait. Je ne
21 sais pas quelle était la part des moyens de disposer ces fonds qui avaient
22 été fournis par la Bosnie-Herzégovine, et à partir de la discussion que
23 j'ai eue avec les gouverneurs occidentaux de la Bosnie-Herzégovine, le
24 contrôle réel de la Banque nationale de Bosnie-Herzégovine sur l'ensemble
25 du territoire de la Fédération n'est intervenu qu'en 1994. En 1992 et 1993,
26 les communités locales agissaient de leurs propres chefs, il y a de
27 nombreux documents que j'ai pu examinés qui ont trait à l'établissement des
28 taux de change, et des taux de change qui étaient assez différents selon
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1 les circonstances.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous nous dites sous la foi de serment qu'en
3 1994, vous avez eu une conversation avec le gouverneur de la Banque
4 centrale de Bosnie-Herzégovine, qui vous a dit qu'avant 1994 il n'avait
5 aucun lien ni contrôle des SDK locaux ? C'est bien ce que vous dites ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, et sous serment. J'ai eu cette discussion
7 à l'époque avec le ministre Omicevic et plus tard avec le ministre
8 Backovic, et j'ai demandé ensuite une nouvelle fois à M. Backovic, le 21
9 décembre de l'année dernière lorsque je l'ai rencontré, je lui ai redemandé
10 à quel moment les autorités ont été en mesure de reprendre le contrôle de
11 l'ensemble du territoire, et ce qu'il m'a dit c'était que cela était
12 intervenu en 1994. A l'époque où nous nous sommes rendus en Bosnie-
13 Herzégovine sur le terrain, donc en 1994 et 1995, les étrangers
14 n'utilisaient pas le dinar bosniaque parce que l'inflation était très
15 élevée, et MM. Endor [phon] Backovic et Omicevic, nous ont dit cela, qu'ils
16 n'étaient pas en mesure d'exercer d'un point de vue monétaire un contrôle
17 sur l'ensemble du territoire de la République de Bosnie-Herzégovine ou de
18 la Fédération de Bosnie-Herzégovine car, à mon sens, dans la zone de la
19 Republika Srpska, le dinar yougoslave a été présent jusqu'au remplacement
20 de cette monnaie par le mark convertible en 1995.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si je peux ajouter une petite
22 question. En 1994, nous avons assisté à de très nombreux événements dans la
23 région, est-il possible de savoir si vos interlocuteurs à l'époque avaient
24 en tête un moment précis ? S'agissait-il du début, avant le mois de mai,
25 par exemple, ou alors s'agissait-il plutôt de la fin de 1994 ? Peut-être ne
26 connaissez-vous pas la réponse, et j'en prendrai acte.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons commencé à avoir ces discussions
28 avec les autorités à l'automne 1994. Tout d'abord, à Varsovie lorsqu'ils
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1 nous ont rendu visite. Ensuite en 1995, lorsque nous sommes venus en
2 Bosnie-Herzégovine, à l'époque où les étrangers n'utilisaient pas le dinar
3 bosniaque. Ce que nous avons trouvé, et nous venions de différentes
4 régions, c'est que le mark allemand était la monnaie nécessaire pour se
5 rendre sur place.
6 Après les accords de Dayton, le mark convertible a été instauré, et tout le
7 monde a commencé à utiliser cette monnaie.
8 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
9 M. KARNAVAS : [interprétation]
10 Q. Alors, par rapport à ce document que vous avez évoqué, la pièce 1D
11 02959, il me semble que vous avez attiré notre attention sur une note de
12 bas de page, la note numéro 36 en page 26, mais je crois que vous nous avez
13 également signalé l'importance d'un certain nombre de tableaux, le premier
14 en page 82 et le deuxième en page 102. Est-ce exact ?
15 R. Oui.
16 Q. Si nous pouvions maintenant regarder la page 82 de ce document, et
17 gardons à l'esprit que nous avons des contraintes en termes de temps.
18 R. Alors, la page 82 rend compte de la production industrielle, il s'agit
19 d'indices de la production industrielle, et il y a un chiffre qui est celui
20 de 8,6 dans la troisième colonne, qui est le chiffre total. Ce qui signifie
21 que si nous prenons une base de 100 en 1991, en 1993, cette production est
22 tombée à 8,6, par rapport à cet indice de 100, c'est-à-dire près de 9 %,
23 mais une chute de la production industrielle due aux circonstances de la
24 guerre, cette chute de la production industrielle a été de 91 %.
25 Q. Si nous allons à la page 102 maintenant, il y a un autre tableau, dont
26 je crois que vous souhaitiez que nous l'examinions.
27 R. La page 102 montre la part des dépenses rapportées à l'ensemble des
28 dépenses dans les zones à majorité bosnienne, il s'agit des chiffres pour
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1 l'année 1994, et si nous pouvions voir la ligne relative aux dépenses
2 sociales, nous remarquons qu'il y a une différence très importante entre
3 les 18,2 % des zones à majorité croate, en regard des 8,0 % des zones à
4 majorité bosnienne, par conséquent, dans les zones à majorité croate, il
5 était dépensé beaucoup plus de moyens pour les besoins sociaux, et si nous
6 nous rapportons au sein du même document, à la table numéro 29 en page 100,
7 nous pouvons y voir qu'en 1994, l'ensemble des recettes fiscales dans la
8 zone à majorité croate est de 352 millions de deutsche marks, alors que
9 dans la zone à majorité bosnienne, ce total n'atteint que 47,9 million de
10 deutsche marks.
11 Q. [aucune interprétation]
12 R. La raison pour laquelle j'insiste là-dessus est que je voudrais que
13 nous passions à la planche 14.
14 Q. Mais avant cela, est-ce que nous pourrions revenir à la page 102 ? Vous
15 nous avez indiqué la colonne, dans la colonne de gauche, la mention des
16 dépenses sociales. Si nous regardons, cependant, la rubrique salaires et
17 contributions, nous voyons zéro dans la colonne de la zone à majorité
18 bosnienne, et 11,2 pour la zone à majorité croate, alors que pour la
19 Republika Srpska on voit 7,8. Est-ce que cela est pertinent par rapport à
20 notre débat ?
21 R. Oui. Cela signifie que dans la zone à majorité croate, en plus du
22 paiement des retraites, il avait également des paiements de salaires
23 auxquels il a été procédé, alors que dans la zone à majorité bosnienne, les
24 salaires n'étaient pas payés et les contributions n'étaient pas payées non
25 plus pour les employés du gouvernement. Donc d'un point de vue fiscal il
26 s'agit de deux zones très différentes, et si je peux me permettre, si nous
27 passons à la page 40.
28 Q. [aucune interprétation]
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1 R. Pardon. A la planche numéro 14.
2 Q. [aucune interprétation]
3 R. Lorsque vous êtes en présence d'une situation dans laquelle il n'y a
4 pas de liquidités qui vous sont fournies par la Banque centrale, lorsque
5 vous avez une situation économique particulièrement morose, vous n'avez que
6 deux options à votre disposition pour résoudre les problèmes. La première
7 est d'imprimer, d'émettre la monnaie correspondant aux liquidités
8 nécessaires. La seconde est de rechercher de nouveaux moyens de collecter
9 des recettes fiscales. Ce que j'ai vu, lorsque j'ai examiné le budget de
10 guerre de la République de Bosnie-Herzégovine, dans lequel pratiquement 95
11 % des revenus étaient empruntés auprès de la Banque centrale, ce qui
12 signifie qu'il s'agissait de monnaies émises, imprimées, je pense qu'une
13 façon beaucoup plus pertinente de gérer l'économie aurait été de collecter
14 -- de trouver des moyens différents de collecter des recettes fiscales, ce
15 qui signifie qu'il faut soutenir l'administration fiscale, rétablir les
16 comptes des bureaux du SDK, et cela a été fait dans la zone à majorité
17 croate, aussi bien que dans la zone à majorité bosnienne à l'échelon des
18 collectivités locales.
19 Q. Je voudrais que nous revenions en arrière juste quelques instants parce
20 qu'il me semble que c'est important vous nous avez indiqué que près de 98 %
21 des revenus du budget avaient été empruntés auprès de la Banque centrale,
22 ce qui revenait à imprimer la monnaie. Pourriez-vous nous expliquer, et
23 nous décrire un peu mieux ce que vous entendez par là ? Vous nous avez
24 parlé précédemment des niveaux de confiance qui pouvaient exister, des
25 différentes monnaies qui étaient présentes et qui étaient adossées. Pouvez-
26 vous nous expliquer un peu plus que vous entendez par là ?
27 R. Dans le journal officiel de la République de Bosnie-Herzégovine, un
28 budget de guerre a été publié. Dans ce budget de guerre nous voyons la
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1 structure de revenus suivante, 98 % des revenus provenaient de la Banque
2 centrale, c'est-à-dire avaient été imprimés, émis par la Banque centrale
3 et, bien entendu, dans une telle situation, vous pouvez avoir qu'une
4 inflation très élevée. Alors qu'à l'échelon des collectivités locales, il
5 n'existait aucun moyen d'imprimer la monnaie nécessaire, et c'est pourquoi
6 ces dernières ont commencé à collecter des recettes fiscales de façon
7 différente.
8 Q. Entendu. Cela ressemble à ce que vous nous avez dit de la situation,
9 tout au moins à Sarajevo, et cela ressemble un petit peu à ce qui se passe
10 au Zimbabwe, avec Mugabe qui également a eu recours à une inflation massive
11 pour financer les besoins de sa politique.
12 R. Oui, 730,000 % d'inflation en 1992 c'était le résultat de la politique
13 monétaire des autorités et du fait qu'ils ont imprimé des dinars
14 bosniaques.
15 Q. Entendu. Maintenant, s'il n'y a rien d'autre à ajouter pour la planche
16 14, pouvons-nous passer à la planche 15 ?
17 R. La planche 15 et la planche 16 fournissent des explications quant aux
18 raisons et à la façon dont l'Etat devrait procéder. Lorsque j'ai examiné
19 l'ensemble de ces documents, en tant qu'économiste, bien entendu, j'avais
20 besoin de me placer dans un certain cadre, cadre où vous trouverez la
21 meilleure explication à la planche 16. Il s'agit d'une planche où nous
22 trouvons l'illustration 5.2 en provenance du document 1D 02966.
23 Q. De quel document s'agit-il ?
24 R. Il s'agit d'un ouvrage : "La gestion des dépenses publiques," un
25 ouvrage de référence pour les pays en transition, édité par Richard Allen
26 et Tommasi. En page 153 de ce livre, tout comme à la planche 16, nous
27 trouvons l'explication de ce qui est nécessaire dans un Etat donné afin
28 d'assurer une gestion normale de l'économie. Il est nécessaire
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1 manifestement d'établir des liens entre l'économie locale du pays,
2 l'économie intérieure et l'extérieur. Vous devez vous assurer que dans le
3 secteur de l'économie réelle, et dans le secteur intermédiaire, les
4 relations nécessaires existent entre différents secteurs sur le plan des
5 biens et des services, sur le marché correspondant; et que les ménages
6 fournissent leur travail alors que les propriétaires fournissent leur
7 capital afin d'organiser l'économie en fonction des besoins qui se
8 présentent, que vous pouvez vous assurer également que la collecte des
9 recettes fiscales se fait de façon adéquate et que le secteur bancaire
10 fonctionne correctement.
11 Si tous ces différents secteurs ne sont pas réunis, et ne fonctionnent pas
12 correctement, il est extrêmement difficile d'entreprendre la normalisation
13 de la situation économique. Les autorités centrales de Bosnie-Herzégovine
14 n'ont pas entrepris toutes ces différentes mesures. Elles ont procédé avec
15 un certain retard, et ces mesures ont été entreprises à l'échelon des
16 collectivités locales.
17 M. KARNAVAS : [interprétation] A moins qu'il n'y ait des questions, je
18 voudrais que nous passions à la page suivante.
19 Q. Entendu. Planche numéro 17.
20 R. A la planche numéro 17, nous affirmons que sur la base de l'analyse qui
21 est la nôtre que dans le même temps où la République de Bosnie-Herzégovine
22 et la Slovénie et la Croatie, étaient internationalement reconnues en tant
23 qu'Etat souverain, il ne s'agissait pas d'un Etat opérationnel, et cela
24 bien que la Bosnie-Herzégovine ait été reconnue en même temps, enfin suite
25 à la reconnaissance de la Croatie et la Slovénie, et cela parce que
26 l'économie n'était pas viable, il y avait des raisons évidentes à cela :
27 tout d'abord, les activités militaires sur le terrain; l'incapacité des
28 autorités centrales à exercer un contrôle en dehors de Sarajevo; la
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1 difficulté, l'impossibilité de collecter des recettes fiscales; la part
2 très importante des moyens qui étaient affectés aux besoins de la défense;
3 et le très faible niveau d'activité économique. Mais compte tenu de tout
4 cela, il était nécessaire que quelqu'un agisse. Les autorités centrales
5 ainsi qu'il est présenté au bas de cette planche numéro 17 n'avaient pas
6 mis en place les mesures douanières nécessaires. L'activité de la Banque
7 centrale avait été mise en place avec un retard significatif. Les bureaux
8 du SDK ne fonctionnaient pas, à l'échelle de la Bosnie-Herzégovine tout
9 comme d'ailleurs ne fonctionnaient pas les autorités fiscales.
10 Passons à la planche 18 et à la suivante. Sur cette première planche, nous
11 avons l'explication des résultats de la guerre. Plus de 70 % du territoire
12 avait été occupé, c'est clair. Le gouvernement de la République de Bosnie
13 n'avait pas pu établir ce contrôle douanier. Il n'y avait pas de nouvelles
14 devises, pas de perception fiscale et très peu de contrôle des dépenses
15 publiques, ce qui veut dire qu'il n'y a pas d'expansion des services
16 publics, effondrement en fait du système qui avait existé avant la guerre.
17 J'ai vu des rapports établis par les services économiques et, moi, je
18 voulais vérifier si ce qui était dit était bien juste. J'ai examiné cette
19 législation, je voulais voir si tout ceci avait été fait et bien sûr je
20 n'ai pas trouvé les documents nécessaires et nous nous trouvons face à une
21 situation où avant la guerre il n'y a pas un système décentralisé, normal
22 mais qui ne fonctionnait plus. Nous savons pourquoi parce qu'il n'y a plus
23 des lignes de communication, de liaison routière, ferroviaire, on était
24 paralysé, paralysie des activités au niveau des collectivités locales.
25 Q. Ici, à la planche 18, vous voulez attirer notre attention je pense sur
26 le document P 00274. C'est le premier document.
27 R. Effectivement. Traduction du journal officiel de la République de
28 Bosnie-Herzégovine dans le préambule, à la première page en traduction,
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1 c'est le point cinq ou la cinq lignes, la cinquième ligne qui dit que :
2 l'agresseur refuse d'enrayer son agression et occupe 70 % du territoire. Ce
3 qui veut dire que c'est la preuve qu'il était impossible pour ce
4 gouvernement d'agir, qu'il y avait un effet très lourd, des activités
5 militaires qui expliquaient cette paralysie.
6 Q. Nous voyons qu'à la date du 20 juin 1992, c'est la situation qui
7 prévaut.
8 R. Tout à fait, en juin 1992, lorsque les autorités déclarent ou
9 proclament l'état de guerre.
10 Q. Je pense que vous voulez aussi attirer notre attention sur le document
11 P 00128, je vous mets en garde. N'oubliez quand vous vous écartiez du
12 micro, les interprètes ne vous entendent pas.
13 R. Merci de cette mise en garde c'est pour ça que j'ai mis le document
14 devant moi.
15 Q. P 00128 ?
16 R. Effectivement page 32.
17 Q. D'accord.
18 R. Section E, économie, on y trouve une description de ce qui s'est passé
19 au début de la guerre. On dit au début de la guerre, dans une certaine
20 mesure aussi avant la guerre, il y a eu effondrement total du système
21 antérieur, cessation du taux d'activités, dettes, transactions de
22 paiements, alors que les télécommunications, les routes, les liaisons
23 ferroviaires étaient interrompues.
24 Q. Je vous demande de ralentir parce que quelqu'un essaie de vous
25 interpréter.
26 R. Avec cette cessation des activités économiques, se tarissent également
27 les ressources fiscales, les recettes fiscales et tout se tarie alors que
28 les besoins sont plus grands que jamais en temps de guerre.
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1 Q. Pourquoi est-ce que -- y a-t-il autre chose que nous devrions examiner
2 de plus près ?
3 R. Non.
4 Q. Passons à la planche suivante, je pense que c'est la planche 19.
5 R. Elle vous donne une conclusion sur les résultats de la guerre. Etant
6 donné que les mesures, que devrait effecteur, mettre en œuvre un Etat
7 indépendant, n'ont pas été prises, il y a eu paralysie du système
8 économique. La production économique fut très limitée et puis il n'y avait
9 pas d'administration fiscale puisqu'au niveau du pays, tout entier il n'y
10 avait plus de comptabilité publique. Il n'y avait même pas de perception
11 d'impôt sur le peu d'activité qu'il y avait en économie. Ça eu un effet sur
12 le système bancaire en 1995 et les banques lorsque nous sommes allés en
13 Bosnie-Herzégovine, les banques ne fonctionnaient toujours pas à Sarajevo.
14 Donc effondrement du système de paiement, même s'il y avait un tant soit
15 peu d'activité économique, ce n'était pas soutenu par les activités
16 bancaires. J'ai déjà dit les autorités centrales, au niveau bancaire
17 avaient besoin si elles voulaient un système économique fiable une reprise
18 des activités économiques, elles devaient avoir un nouvel essor qui est
19 arrivé bien plus tard après Dayton avec les marks convertibles.
20 Q. C'est un mark convertible qui a été émis par les autorités bancaires
21 centrales, mais qui étaient ces autorités bancaires centrales en Bosnie-
22 Herzégovine ?
23 R. D'après les accords de Dayton, c'était géré par Pieter Nicholls qui
24 était un étranger un néo zélandais je pense, un Australien.
25 Q. Oui.
26 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs. Permettez-
27 moi de poser une question, assortie d'une remarque. Cette planche numéro 19
28 qui nous dit quels sont les résultats de la guerre, deux résultats sur
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1 deux. On a dit que les mesures que doit prendre un état indépendant n'ont
2 pas été prises en l'occurrence. Monsieur Cvikl pourquoi est-ce que ces
3 mesures n'ont pas été prises ? Ce sera ma première question. Par ailleurs,
4 avez-vous le sentiment qu'il était réaliste de penser qu'il fallait
5 vraiment prendre ces mesures, vu ce que vous avez dit auparavant à propos
6 du système bancaire, des problèmes que vous avez évoqués ? Bien souvent
7 mais surtout en 1992 et 1993, est-ce que le système bancaire ne pouvait pas
8 fonctionner en raison de la situation qui prévalait dans une partie plus
9 importante en matière de taille dans le pays en Bosnie-Herzégovine ? Je
10 pense que le témoin a parlé de Travnik, de Mostar en autres.
11 Monsieur le Témoin, pensez-vous que pratiquement il était possible de
12 prendre des mesures, les mesures que devrait prendre comme vous dites,
13 entre guillemets, un Etat indépendant, ou est-ce que franchement ce n'était
14 qu'un vœu pieux de la part du gouvernement central ou d'autres entités ?
15 C'est la question que je souhaite vous poser, mais, moi, je suis Hongrois
16 et j'écoute vraiment de façon très attentive vos propos parce qu'aussi en
17 Hongrie, nous avons suivi avec le plus vif intérêt l'évolution financière,
18 économique dans l'ex-Yougoslavie à l'époque.
19 Je voulais déjà dire ceci parce que vous avez parlé de la fin de la
20 famine en Hongrie. Je sais que ça se trouvait dans le compte rendu, vous
21 avez dit que Hongrie, la famine régnait.
22 Un instant, Maître Karnavas.
23 Bon, ici ce n'est pas ma fierté nationale qui me force à prendre la
24 parole mais c'est plutôt pour dire qu'à Hongrie en 1948, en 1950, la famine
25 ne sévissait pas. Moi, j'ai vécu cette époque, je la connais par cœur. Je
26 sais qu'en 1945, début 1946, il y a eu la famine parce que l'armée, elle a
27 pris tout ce qu'elle a trouvé, puis après, il y a eu le retour en
28 Allemagne. Puis aussi parce que l'armée a pris ce que les Allemands avaient
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1 laissé sur place. Donc, c'est vrai qu'à ce moment-là, la faim régnait, mais
2 pas à l'époque dont vous avez parlé.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je vous présente mes excuses.
4 Moi, j'ai dit que les gens avaient faim, et on ne parlait pas de la
5 Hongrie, "Hungry and Hungary". Je pense que c'est là que c'est glissé la
6 méprise. Je voulais vous expliquer qu'effectivement en 1948, la faim, la
7 famine en Yougoslavie, c'est parce qu'on avait mis fin à la réforme
8 agraire. On avait effectivement mis fin à ces mesures qui consistaient à
9 priver les exploiteurs agricoles de leurs terres, il y a eu des marchés,
10 bon, la façon dont les travailleurs essaient de trouver à manger. Mes
11 parents m'ont raconté comment ça s'est passé en 1948.
12 Quant à votre question, Monsieur le Juge, je l'ai dit aux planches 17 et 19
13 : je me contente de remarquer que les mesures que devrait prendre un Etat
14 indépendant n'ont pas été prises. Ce que je dis, qu'à ce moment-là la
15 Bosnie-Herzégovine avait été reconnu par la communauté internationale, mais
16 ce n'était pas à un Etat qui fonctionnait, et pourtant les gens devaient
17 bien survivre. Etant donné qu'on avait un système économique décentralisé,
18 il était logique que des autorités ont commencé à agir, à prendre des
19 mesures au niveau des communautés locales parce que Sarajevo était piégée,
20 était isolée. Sarajevo prenait les mesures législatives que personne
21 d'autre ne connaissait, ce qui veut dire que les autorités ont pris des
22 mesures, elles ont agi comme si elles allaient créer des Etats indépendants
23 pour le territoire qui était le leur. Quand je parle d'Etats indépendants,
24 je parle de régions économiques qui sont censées négocier avec d'autres. Je
25 l'ai vu à Tuzla, Zenica, Travnik, Mostar et ailleurs.
26 Je suis un économiste, et je n'ai pas procédé ici à un jugement, je n'ai
27 pas essayé de juger si cela était possible ou non, parce que nous étions
28 dans une situation d'agression militaire. Mais lorsque les activités
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1 militaires se sont apaisés et que le gouvernement central est resté bloqué
2 à Sarajevo, il aurait été logique d'un point de vue économique que ces
3 autorités agissent tout d'abord à l'échelon des communautés locales, et
4 ensuite à l'échelon régional.
5 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Témoin,
6 pour votre réponse, qui me satisfait pleinement.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : La question de mon collègue et votre réponse, qui
8 s'est fondée notamment sur les tableaux 17 et 19, me permettent de poser la
9 question que je brûlais de vous poser, mais j'attendais le bon moment. Au
10 tableau 17, vous indiquez, de manière claire et précise, que la
11 reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine qui avait reconnu
12 cet Etat, en fait, semblait poser un certain nombre de problèmes liés aux
13 raisons économiques, et j'ai été très frappé par un document où on se rend
14 compte que la production industrielle sur une base de 100 est tombée à 8 %,
15 c'est-à-dire qu'il y avait un collapsus important au niveau économique.
16 Alors, ma question est la suivante : dans une situation pareille, est-ce
17 qu'il est logique de reconnaître un Etat qui ne fonctionne pas
18 économiquement, et à l'appui de ma question, je fais un parallèle avec le
19 Kosovo. Je sais que la présidence slovène à l'époque a géré le dossier de
20 la reconnaissance du Kosovo, et est-ce que - mais vous qui êtes un expert -
21 est-ce que, sur le plan économique le Kosovo actuel, présentait la même
22 situation que la Bosnie-Herzégovine à l'époque ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] La réponse la plus courte serait non. Il y a
24 des différences, et les différences sont les suivantes : l'Union européenne
25 et ses membres ont reconnu la Slovénie, la Croatie, et la République de
26 Bosnie-Herzégovine au même moment. Pour ce qui est de la Slovénie et la
27 République de Croatie, ces dernières ont entrepris certaines des mesures
28 dont nous avons parlé. Comme vous le savez, la Slovénie a immédiatement été
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1 l'objet d'une attaque de la JNA lors d'une guerre qui a duré deux semaines
2 et à laquelle nous avons été en mesure de mettre en terme. Alors, la
3 situation au Kosovo n'est pas la même que celle qui prévalait en Bosnie-
4 Herzégovine en 1991. Je me suis rendu au Kosovo à plusieurs reprises en
5 tant que membre du parlement, et il existe là-bas une force qui est en
6 mesure d'empêcher des attaques militaires. Cela n'était pas le cas en
7 Bosnie-Herzégovine en 1991.
8 Toutes les forces qui se sont retirées de Slovénie après le 15 octobre se
9 sont en fait dirigées vers le sud. Et puisque la Bosnie-Herzégovine était
10 le cas géographique de la production militaire yougoslave, ces unités ont
11 fini par se retrouver en Bosnie-Herzégovine. C'est pourquoi 70 % du
12 territoire de la République de Bosnie-Herzégovine s'est retrouvé entre les
13 mains d'autorités qui n'étaient pas celles de la Bosnie-Herzégovine, alors
14 que dans le cas du Kosovo, nous avions une situation tout à fait
15 différente. Nous avons sur place des forces dans une position qui peuvent
16 empêcher ce type d'événements; des forces de police, la mission LX de
17 l'Union européenne, mais d'un point de vue économique, est-ce qu'il
18 s'agissait de la meilleure décision d'un point de vue économique ? Je ne
19 peux faire de commentaires là-dessus, sur le Kosovo, bien entendu.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je regarde la montre, il est l'heure de faire la
21 pause. On reprendra à 18 heures, et il restera à Me Karnavas une heure pour
22 continuer l'interrogatoire principal.
23 --- L'audience est suspendue à 17 heures 41.
24 --- L'audience est reprise à 18 heures 02.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.
26 Maître Karnavas.
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je vous
28 propose de passer donc à la planche numéro 20. C'est là où nous sommes
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1 arrêtés, donc nous pouvons poursuivre assez rapidement.
2 Bon. Il y a peut-être un micro ouvert, Monsieur le Président.
3 Q. [aucune interprétation]
4 R. A la planche numéro 20, nous expliquons le genre de mesures qui doivent
5 être prises afin de renforcer l'économie pour renforcer l'autorité fiscale
6 et de recettes, rétablir les fonctions du SDK et pour ce faire donc
7 rétablir le réseau de télécommunication. Ces mesures n'ont pas été mises en
8 œuvre, c'est-à-dire quelles ont été mises en œuvre au niveau des
9 collectivités locales. J'ai vu certaines de ces mesures à l'échelle
10 régionale mises en œuvre dans la région d'Herceg-Bosna, et dans une
11 certaine mesure, ce que j'ai vu dans la région de Tuzla, Tuzla, par
12 certaines -- par deux, trois cas d'activités locales qui partageaient, je
13 dirais l'approche à l'égard donc des réserves stratégiques en place à ce
14 niveau.
15 A présent, donc la guerre s'est traduit par une situation extrêmement
16 difficile et en l'espèce donc les autorités, qui en vertu de la
17 constitution yougoslave étaient responsables pour les services, donc
18 devaient agir à la fois au niveau de l'offre et de la demande, et d'après
19 les documents que j'ai pu voir, les collectivités locales ont agi de la
20 sorte. Autre chose.
21 Q. Pour que nous passons donc à la planche numéro 21.
22 R. Alors, à la planche 21, nous expliquons pourquoi il y a eu un
23 effondrement complet de l'économie. La raison principale est que le secteur
24 des entreprises a cessé de fonctionner, les hommes ont été appelés sous les
25 drapeaux, pas d'énergie, l'approvisionnement en matières premières
26 extrêmement limité et les commerces tout simplement fermés. La raison pour
27 laquelle la société pour laquelle les gens ont réussi à survivre est
28 d'abord donc les marchés de denrées alimentaires fonctionnaient pour que la
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1 guerre donc les agriculteurs ont pu livrer les denrées donc pendant toute
2 la durée du conflit et le secteur privé a pris la relève. Il y a eu des
3 centaines d'entreprises très, notamment dans le secteur du commerce, qui
4 ont donc assuré la fourniture de biens nécessaires à la population. Et donc
5 ces entreprises et là avec l'aide des bailleurs dans une situation où il y
6 avait une baisse de 91 % de la production industrielle a donc permis
7 d'assurer la survie de la population pendant la guerre jusque donc en 1980
8 -- de 1991 à 1994.
9 Q. Donc sur cette planche, vous souhaitez attirer notre attention à 1D
10 02959.
11 R. Oui. Précisément il s'agit du rapport du FMI où nous montrons à nouveau
12 à la page 11, page 82 ces indices extrêmement faibles montrant donc le
13 champ de la production industrielle montrant combien la situation était
14 désastreuse. Donc à la page 82 de ce rapport.
15 Q. Donc nous l'avons bien vu. Je crois que l'autre document est le 1D
16 02967.
17 R. Oui. Là, je me réfère à la Bosnie-Herzégovine donc vers la reprise
18 économique en rapport de la Banque mondiale et je me réfère à la page en
19 chiffre romain XVII où, au bas du deuxième paragraphe, on trouve une
20 évaluation effectuée par l'équipe de la banque de l'époque montrant que les
21 besoins de financement extérieurs étaient de l'ordre de 1,51 milliards de
22 dollars pour les trois ans. Donc ça c'est une somme colossale car par
23 rapport au chiffre que nous avons déjà vus c'est pratiquement six à sept
24 fois supérieurs à l'ensemble des recettes fiscales donc pour le payer.
25 Alors pour assurer, c'est au deuxième paragraphe de cette page, donc il
26 s'agit de la dernière phrase de ce paragraphe dont le titre est :
27 "Reconstruction, priorités et organisation." Bien.
28 Je pense que nous pouvons même passer à la planche suivante.
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1 En effet, planche 22 à présent. Là, je résume la politique monétaire,
2 la Banque nationale de la République de la Bosnie-Herzégovine n'avait pas
3 mis en œuvre immédiatement les politiques nécessaires puisqu'il y avait
4 absence d'émission aux fins de monnaie nationale unique que les gens --
5 auxquels les gens pourraient faire confiance et que les autres devises, le
6 mark jouait donc une devise parallèle et la convertibilité est intervenue
7 bien plus tard.
8 Dans l'intervalle, les collectivités locales ont mis en œuvre les
9 mesures traditionnelles de l'Etat central. Nous avons vu une situation où
10 les collectivités effectuaient des mesures qui étaient normalement
11 réalisées par les Banques centrales --
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]
13 [chevauchement]
14 50 --
15 [aucune interprétation]
16 [intervenants non-identifiés]
17 L'heure sur le point 2, point 2, la Banque centrale a retardé la mise en
18 œuvre de la nouvelle devise. Cette nouvelle monnaie donc n'était pas très
19 bien acceptée. C'était une devise forte, n'est-ce pas ?
20 It was -- il fallait lui dire qu'il ne s'agissait pas d'une devise forte.
21 Voilà. Il ne s'agissait pas d'une devise forte.
22 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie.
23 M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.
24 Q. Souhaitez-vous donner des exemples ou allons-nous voir des exemples par
25 la suite concernant ce qui a été fait ?
26 R. Nous les verrons par la suite.
27 Q. Bien. Poursuivons. Nous passons donc à la planche suivante. Il s'agit
28 de la planche 23. Alors les planches 23 et 24 expliquent comment la guerre
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1 a pesé sur le système fiscal puisque ce système national de paiements donc
2 ne fonctionnait plus, c'est-à-dire qu'il n'y avait plus la possibilité pour
3 procéder à la collecte de recettes fiscales nationales et donc des fonds
4 parafiscaux. C'est-à-dire les services qui étaient censés dégager des fonds
5 pour les services sociaux n'étaient pas opérationnels et puisque dans la
6 pratique toutes les collectivités locales dont différentes recettes
7 fiscales étaient mises en œuvre et bien entendu les autorités avaient
8 réalisé cela soit en obtenant des ressources fiscales ou dans certains cas
9 -- et c'était -- il y avait un cas très efficace à Tuzla. Ils ont remis des
10 paquets alimentaires comme moyens de paiement. Au lieu de payer les gens un
11 salaire, ils leur remettaient un colis alimentaire pour en guise de salaire
12 donc, par exemple, pour les responsables des services de santé locaux à
13 Tuzla.
14 Q. Donc planche 24. Alors je vous demanderais un tout petit peu plus
15 lentement puisqu'à mesure que nous avançons dans la soirée les uns et les
16 autres fatiguent un peu je vous demanderais de bien vouloir ralentir votre
17 débit. Merci.
18 Bien. Planche 24 et là j'ai résumé ce qui se passe côté dépenses puisqu'il
19 n'y avait pas de salaires bruts, il n'y a pas d'activités économiques, donc
20 pas de salaires bruts, pas de cotisations obligatoires à verser sur les
21 différents fonds parafiscaux donc santé, pension, éducation et autres fonds
22 qui aient été, qui avaient pour vocation de financer ces dépenses. Elle
23 n'avait pas de moyens. Les services donc de santé ne recevaient pas des
24 fonds par ce système d'autorité centrale. Les écoles, les universités
25 étaient privées de crédit et restaient fermer ou plutôt ne fonctionnaient
26 pas sauf intervention de quelqu'un et dans ce contexte je conclus donc la
27 situation par le dernier point système fiscal où les utilisateurs du
28 budget, les différentes entités financées à partir du budget ou de fonds
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1 parafiscaux devenus complètement dépendants de la capacité des autorités ou
2 des collectivités locales à financer ses dépenses. Ça c'est donc les
3 résultat de la guerre et le résultat de l'effondrement du système fiscal
4 décentralisé, l'effondrement de l'activité économique.
5 Q. Bien. Passons si vous voulez bien à la planche 25. Votre synthèse,
6 vous, là, donc votre résumé vous souhaitez effectivement attirer
7 l'attention à 1D 02964.
8 R. Oui. Sur ces planches, je résume en tant qu'économiste quelle était la
9 situation économique d'ensemble. Le meilleur descriptif figure au 1D 02964
10 où la municipalité de Ljubuski avait émis le communiqué suivant, à savoir
11 que l'approvisionnement régulier de l'électricité était interrompu et nous
12 informons la présente la population qu'il n'y aura pas d'électricité avant
13 avis -- jusqu'à nouvel ordre pour s'assurer effectivement qu'il y avait un
14 tableau -- enfin, très -- montrant effectivement que jusqu'en avril 1992,
15 il y avait plus de l'électricité fournie, quand bien même la Bosnie-
16 Herzégovine avait soit en énergie thermique ou énergie d'hydro-élecrique à
17 produire de l'électricité.
18 Q. Donc en avez-vous terminé avec votre synthèse ?
19 R. Nous pouvons poursuivre. Mais sur ce dernier point, puisque le
20 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine à Sarajevo était incapable de mettre
21 en œuvre efficacement les mesures les collectivités locales ont agi de
22 manière indépendante. Comme nous le présentons dans la partie suivante du
23 rapport et dans la planche qui suit, ceci s'est passé de la même façon
24 qu'il s'agisse de zones à majorité musulmanes ou croates.
25 Q. Bien. A moins que sur ce -- à moins que vous n'ayez des questions de la
26 part des Juges, nous pouvons passer à des situations plus concrètes avec la
27 planche suivante qui est donc la planche 26, activités des collectivités
28 locales. Alors les collectivités locales doivent agir pour deux raisons :
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1 tout d'abord, elles doivent agir pour se défendre mais une fois qu'elles se
2 défendent contre les attaques de l'agresseur elles doivent rétablir les
3 conditions économiques fondamentales. Dans ce contexte, puisque les
4 autorités centrales n'étaient pas actives, les autorités locales sont
5 devenues les éléments-clés pour le gouvernement national, la gouvernance
6 nationale dans leurs zones respectives. Elles avaient donc un pouvoir de
7 par la constitution, donc pour agir sur de nombreuses questions. Je me
8 réfère à 1D 02994 qui est donc la constitution de la République socialiste
9 de Bosnie-Herzégovine. A la page 91, on trouve au chapitre 7, article 262,
10 qui expliquait quelles étaient les responsabilités de la municipalité qui
11 était en charge d'assurer les conditions pour le travail et les conditions
12 de vie des citoyens. Dans ce contexte, les autorités locales ont agi comme
13 cela est prévu dans la constitution, mais là je me réfère à un autre
14 document qui est le document 1D 0247 à 2047 [comme interprété]. Il s'agit
15 du document émis le 1er août 1992 par la présidence de la République de
16 Bosnie-Herzégovine adoptant le décret de loi sur l'application de la loi
17 sur le financement des besoins sociaux généraux. Dans ce décret de loi,
18 dans la partie II en chiffre romain, enfin section 2, le financement des
19 fonctions et tâches des communautés sociales lors de menace imminente de
20 guerre et en cas de guerre. A l'article 2, il est expliqué quels besoins
21 sociaux généraux doivent être couverts pendant la guerre et au cours de la
22 guerre. Tout d'abord, donc le financement des forces armées --
23 INTERVENANT NON-IDENTIFIÉ : Je voudrais demanderais de parler plus
24 lentement donc c'est quand même un point important à assimiler.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc article 2, qui commence par définir
26 quelles sont les priorités qui doivent être financées lors d'une menace
27 imminente de guerre et pendant la guerre. Tout d'abord, le financement des
28 forces armées de la République de Bosnie-Herzégovine, deuxièmement, le
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1 travail de la présidence et autres organes administratifs, troisièmement,
2 il s'agit de sécuriser et maintenir les réserves de produits de base,
3 quatre ressources additionnelles des municipalités -- ça poursuit -- cinq,
4 soutien financier aux familles et aux personnes, et cetera.
5 Mais je voudrais également me référer donc à la page suivante à
6 l'article 3, qui définit que tous ces besoins -- les besoins donc cités à
7 l'article 2 seront financés à partir du budget et lequel budget et si après
8 évoqué comme étant donc le budget de guerre. Donc le décret émis par la
9 présidence donc à donner aux communautés politiques sociales la capacité à
10 mettre en place un budget de guerre.
11 Pourquoi est-ce important ? A l'article 3, le budget de
12 Guerre est défini. A l'article 2, quels sont les priorités et les besoins.
13 A l'article 20, je me réfère à l'article 20, qui est donc sous le romain
14 III, donc communautés politiques sociales. Et l'article 20 cela est défini
15 -- il est défini qu'au cours d'une menace imminente de guerre et pendant
16 l'état de guerre, la communauté politique peut déterminer de nouvelles
17 sources de ressources, de revenus, et abolir les ressources existantes.
18 Par conséquent, la présidence donnait autorité aux communautés locales pour
19 passer de nouvelles mesures législatives en quelque sorte en vertu
20 desquelles de nouvelles recettes fiscales pourraient collectées. Ces
21 nouvelles ressources auraient à être versées au budget de guerre afin de
22 financer également ce qui était stipulé dans le décret présidentiel, à
23 savoir les besoins de défense et répondre aux besoins de leur population
24 donc sur leur propre territoire.
25 M. KARNAVAS : [interprétation]
26 Q. Un autre détail. A l'article 30, s'il vous plaît, que vous avez
27 commenté. Il est dit, et vous avez donné quelques exemples, augmenter,
28 diminuer, ou abolir les taux de taxation, diminuer la taxation, exempter de
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1 taxe à certains contribuables, et cetera. Est-ce qu'il s'agit ici
2 d'activités qui étaient normalement à la charge de l'Etat, ou des
3 communautés locales ?
4 R. Il s'agit là d'activités qui étaient normalement du ressort de l'Etat.
5 L'Etat était celui qui au nom de -- en vertu des pouvoirs qui lu conférait
6 la constitution, accorde à certains contribuable de exemptions. La
7 présidence de la République de Bosnie-Herzégovine c'est rendue compte
8 qu'elle n'était plus en mesure de le faire et qu'elle avait par conséquent
9 à transférer, à déléguer cette fonction étatique à l'échelon des
10 municipalités locales ou des communautés sociopolitiques selon la
11 constitution bosniaque qui était donc Ocina [phon] ou des municipalités.
12 Q. Entendu. Nous voyons donc que cela a été fait en août 1992, n'est-ce
13 pas ?
14 R. Oui, c'est exact. Lorsque j'examinais certaines activités particulières
15 je n'étais pas surpris qu'ils aient procédé à tout cela, bien que cela ait
16 été ressort des compétences normales qui reviennent normalement à un Etat.
17 Q. Entendu.
18 M. KARNAVAS : [interprétation] A moins qu'il n'y ait d'autres questions de
19 la part des Juges de la Chambre, je voudrais qu'on passe à la planche
20 suivante.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, il y a un article important qui
22 n'a pas été cité qui va dans votre sens, qui me semble être l'article 8 qui
23 -- voir et manière claire que des ressources complémentaires ou
24 additionnelles peuvent provenir des municipalités. Ce qui tendrait à
25 montrer que lorsque l'état n'arrive pas par son budget national à faire
26 face aux dépenses budgétaires en matière de budget dû à une situation de
27 guerre, à ce moment-là, il y a un recours aux municipalités. Est-ce que
28 vous confirmez que l'article 8 va dans ce sens ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, l'article 8 dit que le budget de guerre
2 doit fournir les ressources additionnelles à partir des municipalités afin
3 de financer leurs besoins. Mais lorsque j'ai regardé le budget de guerre de
4 1992, je n'ai pas vu du côté des dépenses ces ressources additionnelles qui
5 auraient pu être fournies.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] S'il n'y a pas de questions supplémentaires
7 par rapport à cette planche, je voudrais que nous passions à la planche
8 numéro 27, n'est-ce pas ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien ça.
10 M. KARNAVAS : [interprétation]
11 Q. Entendu, alors passons à la planche 27.
12 R. Dans cette planche, j'explique quel type de mesures économiques ont été
13 prises par les collectivités locales. J'ai commencé par les mesures macro
14 économiques, bien entendu, par cas, il s'agissait bien entendu d'équilibrer
15 l'offre et la demande.
16 Deuxièmement, elles ont procédé en vertu de ce décret que nous venons juste
17 de commenter à l'établissement d'un nouveau système fiscal. Elles ont
18 repris à leur compte les services publics qui étaient normalement du
19 ressort du gouvernement central. Ensuite au dernier point, j'ai résumé dans
20 cette planche le type de mesures qui ont été prises. Il y avait en fait
21 quatre groupes de mesures différentes, les mesures visant à assurer la
22 défense, les mesures macro économiques, les mesures de nature micro
23 économiques et les mesures visant à assurer la fourniture des services
24 normalement du ressort des gouvernements. J'ai donc examiné ces différentes
25 mesures et je les ai groupées en fonction des critères qui sont
26 habituellement adoptés par les économistes comme ça est indiqué au dernier
27 élément, dernier point de cette planche.
28 Q. Entendu. Je comprends qu'il y a un certain nombre de documents que
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1 vous souhaiteriez que nous examinions. Je crois que le premier d'entre eux
2 est le 1D 03000 qui est cité dans votre rapport, n'est-ce pas ?
3 R. Oui. Il s'agit d'une décision prise par la municipalité de Ljubuski
4 portant établissement d'une Commission chargée de définir le taux de change
5 du dinar yougoslave par rapport aux autres devises. Cela est une fonction
6 qui revient normalement à la banque centrale.
7 Q. Nous voyons qu'il s'agit d'une mesure du 24 avril 1992, c'est plutôt
8 tôt, n'est-ce pas ?
9 R. En effet.
10 Q. Document suivant alors le 1D 00786.
11 R. Oui. Il s'agit d'une décision de la cellule de Crise de la municipalité
12 de Jablanica. Je voudrais ici préciser qu'il s'agit d'un nouveau document
13 qui n'a pas été cité dans mon rapport. J'ai reçu ce document le week-end
14 dernier en me préparant. Il s'agit d'une décision du 13 mai 1992 visant à
15 former un groupe de travail afin de rédiger tous les documents nécessaires
16 permettant de surmonter les problèmes apparus dans le fonctionnement du
17 système de transaction et du système fiscal et en matière de politique
18 monétaire. Là encore, nous voyons que les mesures prises dans l'une des
19 communautés locales, celle de Jablanica sont des mesures qui suppléent à
20 des fonctions pries normalement en charge par l'Etat.
21 Q. Entendu. Maintenant si nous passons au document suivant dont je crois
22 également qu'il s'agit d'un nouveau document que vous avez vu récemment. Il
23 s'agit du 1D 02337.
24 R. Oui, il s'agit d'un document du 7 juillet émis par la municipalité de
25 Siroki Brijeg, ayant trait au contrôle des mouvements de marchandises sur
26 le territoire de la municipalité. Dans l'article 1, il est dit que le
27 contrôle de l'entrée et la sortie des marchandises, de toutes les
28 marchandises sur la zone de la municipalité de Siroki Brijeg entrent dans
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1 le champ du service d'Inspection compétent avec l'assistance de la police
2 civile et militaire. Cela signifie que la municipalité de Siroki Brijeg
3 établit des points de contrôle afin d'assurer le contrôle de la zone
4 économique qui est la sienne. Il s'agit d'un nouveau document mais c'est
5 l'un de ces nouveaux documents qui m'ont été fournis le week-end dernier et
6 qui confirme que nous avons là affaire à l'une de ces mesures
7 macroéconomiques classiques qu'une entité économique classique aurait à
8 prendre.
9 Q. Entendu. Passons au document suivant, 1D 02523.
10 R. Encore une fois, il s'agit d'un document émanant de la municipalité de
11 Siroki Brijeg daté du 27 octobre 1992. Il y est question des taux de
12 change. Ces taux de change sont définis, et dans l'article 3, il est dit
13 que, pour les paiements effectués en marks allemands, le taux de change
14 doit être fixé au dessus du taux qui était à l'époque celui fixé par la
15 Banque nationale de Croatie pour le taux de change entre le deutsche mark
16 et le dinar croate. Il est recommandé un taux de 5, supérieur. Là encore,
17 il s'agit d'une mesure qui relève normalement de l'Etat et qui est prise à
18 l'échelle de la communication locale.
19 Q. Entendu, document suivant, 1D 02984. Là encore il s'agit d'un nouveau
20 document.
21 R. En effet, c'est un document émanant d'une autre municipalité, lorsque
22 j'ai achevé ce report, j'ai reçu une véritable montagne de documents mais
23 ce document-ci, je l'ai lu le week-end dernier. Il s'agit d'un document
24 dont l'article 2 définit un taux unique de taxation et de prélèvement se
25 montant à 80.6 % des paiements nets en argent liquide et en nature. Donc
26 nous voyons ici qu'il s'agit de définir les ressources fiscales prélevées
27 sur des paiements que ce soit en liquidité ou en nature. Nous voyons à
28 l'article 4 qu'il s'agit ici d'assurer les ressources pour les fonctions
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1 qui normalement échoient à un gouvernement central, un gouvernement central
2 d'un Etat que ce soit en matière d'éducation, de santé ou autres.
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas, j'ai
4 une question d'ordre technique. Est-ce que ces documents sont sur votre
5 liste 65 ter.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, laissons.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, en effet, mais seulement
8 certains d'entre eux ne sont pas --
9 M. KARNAVAS : [interprétation] Ils sont nouveaux pour M. Cvikl.
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais ce n'est pas le cas pour nous.
11 M. KARNAVAS : [interprétation] En effet, je vous remercie d'avoir soulevé
12 ce point.
13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Je comprends.
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
16 M. KARNAVAS : [interprétation]
17 Q. Maintenant à l'article 4 que vous venez juste commenter, nous avons ici
18 un exemple de ce que vous évoquez au sujet des para fonds, des fonds
19 parafiscaux.
20 R. Oui.
21 Q. e document suivant, 1D 03018.
22 R. Oui, il s'agit d'un document daté du 27 octobre 1993, émanant de la
23 municipalité de Travnik. Travnik était dans une situation très difficile à
24 la mi-1993, et avait établi un programme. Je voudrais attirer votre
25 attention sur les points 3 et les points 3 et 6 de ce programme. Donc le
26 point 3 concerne la définition du taux de change du dinar. Cela se trouve à
27 la page 1D 070654, 1D 57-0654, on voit que cette municipalité a décidé quel
28 devrait être le taux de change pour les mener convertible. Ce qui est
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1 intéressant c'est qu'elle définit le taux de change brut entre le deutsche
2 mark et le dollar, mais évidemment définir qu'un deutsche mark devrait
3 valoir 100,000 dinars bosniaques. Deuxièmement, je voudrais aussi
4 mentionner au point 6 qui concerne les affaires courantes.
5 Donc au point 6, la municipalité a entrepris ce que j'appellerais de
6 prendre des mesures économiques mais la conclusion se trouve en page 1D 57-
7 0655 et l'on y voit qu'une certaine requête émanant d'une usine d'allumette
8 a reçu une réponse favorable. Il est dit que cette usine devrait opérer
9 selon telle et telle condition. Il s'agit là encore d'une mesure typique de
10 l'Etat qui est aussi prise dans les circonstances de la guerre par la
11 communauté locale.
12 Q. Vous devez ralentir un tout petit peu, s'il vous plaît. Je
13 voudrais également m'assurer que le compte rendu d'audience est correct.
14 Quels sont les chiffres auxquels vous vous référez ?
15 La dernière partie que vous avez mentionnée au point 8, je crois, les
16 affaires courantes, paragraphe 8 et vous avez évoqué cette section-là,
17 n'est-ce pas ?
18 R. Oui. C'est exact puisque ce document ne comprend pas de pagination,
19 j'ai utilisé les indications qui se trouvent à l'angle intérieur droit.
20 Q. Entendu. Si nous passons au document suivant 1D 0 --
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Le document qu'on vient de voir il a un intérêt
22 parce que ce n'est pas un document qui émane du HVO mais c'est un document
23 qui émane d'une municipalité sous contrôle des Musulmans puisque Travnik
24 est -- fait partie de la Bosnie-Herzégovine sous contrôle donc Musulmans.
25 Quand nous constatons le contenu de ce document, on se rend compte que la
26 municipalité musulmane fait exactement comme la municipalité croate à
27 savoir l'intervention sur le taux de change et également sur l'appareil
28 économique puisqu'on voit, par exemple, des fixations de prix concernant
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1 l'huile, et d'autres produits : le sucre, le café, et cetera.
2 Est-ce que vous vous étiez rendu compte que c'était une municipalité de
3 l'autre camp ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque j'ai examiné l'ensemble de ces
5 documents et notamment ceux relatifs à Tuzla pour lequel je savais bien
6 qu'il s'agissait d'une municipalité sous contrôle musulman, j'ai d'abord
7 été surpris de la similarité entre les mesures prises lorsque j'ai reçu ces
8 documents de Travnik confirmant encore une fois qu'en Bosnie centrale la
9 situation, une situation analogue s'était présentée et que des mesures
10 semblables avaient été prises à Jablanica. Cela n'a fait que confirmer les
11 conclusions qui étaient les miennes après avoir examiné toute la
12 documentation et avoir eu les discussions que j'ai pu avoir. Ce qui
13 mettrait donc qu'indépendamment du fait qu'il s'agissait d'une zone à
14 majorité musulmane ou croate, les mesures prises avaient été similaires.
15 M. KARNAVAS : [interprétation]
16 Q. Si nous passons au document suivant qui est le 1D 02977, émanant encore
17 une fois de Travnik ?
18 R. Oui. Ici je voudrais signaler qu'il y a eu une réunion du conseil
19 exécutif de la municipalité de Travnik. L'ordre du jour indique la date du
20 20 décembre 1993. Et je voudrais revenir sur deux points de cet ordre du
21 jour. Au numéro 5, les débats concernant le programme de mesures portant
22 sur un système de collecte des recettes plus efficaces et le numéro 8, les
23 affaires courantes.
24 Q. Entendu. Procédons page par page.
25 R. Je voudrais que nous passions d'abord à la page 4 puisque ce document
26 est paginé. A la page 4, il y a une section 85 et au milieu, nous trouvons
27 les conclusions suivantes : les programmes de mesures visant à un collecte
28 plus efficace des recettes et par la présente à adopter.
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1 Au point 2, le comité exécutif par la présente charge
2 l'administration municipale des revenus de préparer une liste des
3 obligations en cours et cela a été demandé suite en tant qu'obligation
4 suite au décret qui avait été pris concernant les communautés
5 sociopolitiques. Mais je voudrais aussi passer à la page 5.
6 Q. Auparavant, soyons très prudent. Vous avez fait référence à une loi,
7 celle que nous avons déjà vue ?
8 R. Oui. Décret de loi portant application de la loi de financement des
9 organisations générales sociales. C'était le document 1D 02047.
10 Q. Donc est-ce que nous avons ici un exemple de municipalité qui prend des
11 mesures soit en vertu des nouveaux pouvoirs qui lui ont été conférés; c'est
12 ça ?
13 R. Oui.
14 Q. Partie suivante.
15 La partie suivante, c'est vrai on nous engueule un peu là parce que nous
16 nous sommes chevauchés.
17 R. Oui.
18 Prenons la page 5 de ce document 1D 02977. A la page 5, bas de fin de cette
19 page, nous trouvons les conclusions et qui parlent du traitement des
20 factures. C'est intéressant cette conclusion, très intéressant parce
21 qu'elle résulte d'une situation difficile. La conclusion a été adoptée
22 disant que la recommandation de la succursale du SDK de Travnik accepte par
23 la présente de prendre en charge les factures de Bosnie-Herzégovine dans
24 les dénominations suivantes 10, 25, 50, et 100 dinars de Bosnie-Herzégovine
25 à concurrence de 28,000 unités de 100, 2 millions 800,000. Ce sont donc 2
26 millions 800,000 dinars.
27 On voit en total 45,000 unités qui représentent 3 millions 300,000
28 dinars qui suffiraient pour effectuer les paiements des retraites à
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1 verser."
2 Donc il semblerait qu'on créé de l'argent dans la municipalité de
3 Travnik pour payer les retraites.
4 Q. Un instant parce que nous voulons être sûr que nous avons bien compris.
5 Quand vous dites : créer de l'argent, qu'est-ce que vous voulez dire ?
6 R. A l'évidence, ils avaient des dinars papier mais ils vont leur donner
7 une valeur supérieure pour être sûr que les retraites sont payées.
8 Q. Mais c'est la fonction de qui ?
9 R. Normalement c'est une fonction qu'assume la banque centrale.
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Moi aussi, j'ai trébuché sur ce
11 terme en anglais quand on dit traiter "process bills;" qu'est-ce qu'on veut
12 dire ici par "process" en anglais ? Est-ce que c'est imprimé ? Vous voulez
13 dire qu'on a simplement émis un cachet et qu'on l'a apposé sur des
14 factures. C'est ça ? Et qu'on a dit que ça valait 100 et qu'on en a fait
15 28,000. Est-ce que vous avez une idée de ce qui s'est fait en pratique ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Voici comment je comprends les choses. C'est
17 ce qui se fait en temps général en temps d'inflation. On va en fait donner
18 plus de valeur aux factures, aux --
19 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas sûre s'il s'agit de factures ou de
20 billets de banque. Normalement c'est facture.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Prenez le haut de la page 6. On y trouve une
22 déclaration du comité exécutif qui dit ceci, je cite : "Le comité exécutif
23 a averti une fois de plus que le service des postes, les téléphones, les
24 services publics, la compagnie de l'électricité de Travnik, que ces
25 sociétés doivent accepter ou doivent payer, ou réunir leurs droits en
26 acceptant des factures."
27 Vous voyez, qu'ici on ne faisait pas confiance au niveau des
28 entreprises des collectivités locales aux factures en dinar, ce qui veut
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1 dire que le comité exécutif dit qu'effectivement même la compagnie de
2 l'électricité de Travnik n'accepte pas ces factures dinar. Nous sommes ici
3 en pleine inflation, hyper inflation, au milieu de l'année 1993, et c'est
4 pour ça que je vous parlais de confiance. C'est pour ça qu'on peut dire que
5 la banque centrale ne contrôlait pas cet endroit.
6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Peut-être que la traduction que nous
7 avons ici sur papier n'est pas les meilleures. Pour vous, qu'est-ce que ça
8 veut dire, est-ce que ça veut dire que les services des PTT sont avertis
9 qu'ils ne doivent pas accepter des factures en dinar ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. On leur dit qu'il faut qu'elles
11 acceptent. Avant, ces services n'acceptaient pas les factures en dinar.
12 Donc le comité exécutif leur dit que lorsqu'on va percevoir les droits il
13 faut accepter les factures en dinar.
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
15 M. KARNAVAS : [interprétation]
16 Q. Effectivement, je pense qu'il y a une précision à apporter suite à une
17 des questions posées par le Juge Trechsel. Vous disiez qu'on donnait une
18 valeur supérieure à l'argent en y posant une estampille. Est-ce que vous
19 pourriez utiliser ce nouvel argent dans une autre municipalité, et quelle
20 serait sa valeur à ce moment-là, la valeur que cet argent avait à Travnik,
21 la valeur qu'avait donnée la municipalité de Travnik ?
22 R. Sans doute que non, parce qu'on prend que la valeur nominale. Mais si
23 ce billet porte l'estampille de la municipalité de Travnik pour dire que ce
24 n'est pas 1 000 dinars, mais 10 000, il se peut que Tuzla n'accepte pas.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Un instant, il y a un problème de traduction. Le
26 terme "bill" en anglais, a été traduit par "facture". J'ai un doute. Je me
27 demande si cet article ne fait pas référence à du papier monnaie, parce que
28 si la facture est libellée en dinar BH, à ce moment-là par quelle opération
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1 miraculeuse la facture se trouve transformée au niveau des montants ? Est-
2 ce les billets de banque qui passent à une valeur faciale plus importante,
3 ou les factures émises par les postes ou n'importe quelle compagnie ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je suis quelqu'un d'une banque centrale.
5 En américain, on parle de bill pour le dollar américain. Mais en Europe on
6 parle de la "Bank note".
7 M. KARNAVAS : [interprétation]
8 Q. Il ne faut pas faire la confusion avec "bill" étant facture.
9 R. Oui, c'est pour ça qu'ici quand on dit "bill" il faut lire "bank note."
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voyez bien que j'ai bien fait d'intervenir.
11 Donc ici "bill", il faut le comprendre comme "bank note," comme "argent" ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait. Oui, je vois en croate qui est
13 dit -- enfin, excusez-moi, je lis le croate, je devrais dire le B/C/S, et
14 c'est "novcanica", et "novcanica" c'est bien un billet de banque.
15 M. KARNAVAS : [interprétation]
16 Q. Le document suivant, 1D 02980. J'espère que nous pourrions terminer
17 rapidement l'examen des quatre derniers documents.
18 R. Il s'agit d'une décision de la municipalité de Tuzla qui veut établir
19 des commerces hors taxe de façon à faire venir davantage de marchandises
20 sur le territoire. C'est précisé à l'article 1 et à l'article 2 ainsi que
21 l'article 3 de ce document 1D 02984.
22 Q. Est-ce que normalement c'est une fonction qui est du ressort des
23 municipalités ou de l'Etat ?
24 R. Normalement c'est le ministère des Finances de l'Etat qui s'en charge.
25 Q. 1D 002444 [comme interprété], nous sommes toujours à la municipalité de
26 Tuzla.
27 R. Ordre de décembre 1992 émis par l'assemblée de Tuzla pour dire qu'il
28 faut payer les taxes de guerre en devise étrangère ou tout paiement
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1 obligatoire. La collectivité locale de Tuzla ne faisait pas confiance aux
2 dinars de Bosnie-Herzégovine, qui était déjà sorti à l'époque, je pense.
3 Ici au premier article, on dit que : "Toutes les entités, toutes les
4 personnes légales et juridiques sont obligées de payer une certaine somme
5 d'argent en devise étrangère. Qu'on planifie de taxe de guerre ou impôt de
6 guerre, 20 % de cette taxe est payée. Ici, on devrait payer en devise
7 étrangère ou si on paie en espèce, à ce moment-là la taxe serait de 15 %",
8 comme le dit le troisième paragraphe de ce premier article.
9 Q. On voit à l'article 2, qui prévoie quelques exemptions.
10 R. Oui. Exemptions à l'article 2. Même en cas d'importation de
11 marchandises qui devraient être remises au directoire du rationnement, là,
12 à ce moment-là c'est exempt de taxe.
13 Q. Fort bien. Par rapport au premier article, vous venez de décrire les
14 activités, est-ce que normalement elles sont, disons, du ressort de l'Etat
15 ou est-ce que c'est normal que ce soit une municipalité qui s'en charge ?
16 R. Normalement, c'est quelque chose qui relève du pouvoir de l'Etat. Mais
17 ceci a été fait vu les conditions de guerre, ce sont les autorités locales
18 elles-mêmes qui s'en chargent. Et j'en ai parlé avec la présidence, j'ai
19 demandé pourquoi la présidence l'avait fait, parce qu'on pourrait croire à
20 première vue que ceci peut servir aux profiteurs, ceux qui profitent de la
21 guerre.
22 Q. Vous avez discuté avec qui ?
23 R. Avec le ministre Beslagic quand je suis allé en Bosnie-Herzégovine le
24 20 décembre 2007. Je l'ai rencontré --
25 Q. Et quelles étaient ses fonctions à l'époque ?
26 R. M. Beslagic est celui qui est en fait l'auteur de ce document qu'il a
27 émis en décembre 1992, et pendant ma visite j'ai demandé la raison d'être
28 de cet ordre, il m'a expliqué ceci : pour faire venir des biens, des
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1 marchandises dans le pays, dans la communauté locale de Tuzla, il avait
2 aussi encouragé, stimulé les activités des négociants, il avait prélevé
3 cette taxe spéciale de 20 % pour la communauté.
4 Q. Document suivant, 1D 03021.
5 R. C'est une décision du conseil de la Défense croate de Grude, on dit le
6 23 août 1993, qui définit en son article 2 que les obligations matérielles
7 incombant aux citoyens de Grude qui travaillent à l'étranger seront
8 établies, et il s'agit ici de personnes qui sont titulaires d'un visa
9 permanent, et c'est fixé à 200 marks allemands pour les hommes, et à 100
10 pour les femmes, en d'autres termes, on a imposé une obligation fiscale aux
11 citoyens de façon à financer les besoins du projet et de la municipalité de
12 Grude.
13 Q. Dernier document concernant cette planche, 1D 03019. Je pense qu'ici
14 c'est Zenica qui est concerné.
15 R. Oui, c'était un nouveau document. On a la date du 13 septembre 1993, et
16 ce document concerne la fourniture de moyens permettant d'acquérir des
17 moyens matériels techniques répondant aux besoins des forces armées de la
18 République de Bosnie-Herzégovine. Article 4, il est dit que les obligations
19 des entreprises privées seront définies en fonction du type d'activités
20 économiques officielles pour ces activités qui constituent la majorité des
21 activités, et on dit qu'il faudrait payer 1 000 ou 2 000 ou 4 000 marks
22 d'une taxe spéciale afin de répondre aux besoins de ces municipalités.
23 Q. C'est important pourquoi ?
24 R. Parce qu'en fait ici on a pris des mesures destinées à percevoir des
25 fonds, des crédits demandés aux entreprises privées pour répondre aux
26 besoins de la municipalité de Zenica. Là aussi, normalement c'est une
27 fonction qui revient à l'état et qui est ici entre les mains des
28 entreprises des collectivités locales.
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1 Q. Est-ce que, ici, ce sont des exemples illustratifs, n'est-ce pas, des
2 documents que vous avez examinés pour parvenir ou qui vous font parvenir
3 aux conclusions qu'on trouve à la planche 27 ?
4 R. Tout à fait. C'est là en bas de planche que j'explique quelles sont les
5 mesures prises, puis vous avez à la planche 28 -- Q. On ne va pas examiner
6 la planche 28 parce qu'on n'aura pas le temps. Je voulais simplement
7 terminer la planche 27.
8 R. Cette planche, je vous montre les types de mesures destinées à soutenir
9 l'effort de défense, à lancer des mesures économiques pour mieux contrôler
10 les recettes fiscales, pour prendre le rôle que joue normalement la banque
11 centrale, puis les mesures microéconomiques pour soutenir le secteur
12 économique qui normalement sont autant de prérogatives de l'état. Alors
13 qu'ici, effectivement, c'est le fait des collectivités locales.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Le moment se prête parfaitement à la fin de
15 l'audience. Je pense que nous pourrons aborder un nouveau sujet demain.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous avez utilisé deux heures et 17
17 minutes, donc je vous donne ceci pour votre information.
18 Monsieur le Témoin, vous reviendrez demain pour l'audience à 14 heures 15,
19 puisque nous sommes d'après-midi. D'ici là, bien entendu, aucun contact
20 avec quiconque, y compris la presse pour faire part de vos commentaires sur
21 les questions et réponses. Voilà ce que je tenais à vous dire.
22 Je souhaite à tout le monde une bonne soirée, et j'aurai le plaisir de vous
23 revoir demain à 14 heures 15.
24 --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le mardi 13 janvier
25 2009 à 14 heures 15.
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