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1 Le mardi 3 mars 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Les accusés Coric, Petkovic et Prlic sont absents]
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
8 l'affaire, s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à
10 toutes les personnes présentes dans le prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-
11 04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.
12 Merci, Messieurs les Juges.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
14 En ce mardi 3 mars 2009, je salue M. Stojic, M. Praljak et M. Pusic. Je
15 salue Mmes et MM. les avocats; je salue particulièrement Me Karnavas qui
16 est revenu parmi nous aujourd'hui. Je salue également tous les
17 représentants du bureau du Procureur, et je salue M. le Témoin, qui va
18 répondre dans quelques secondes aux questions du Procureur dans le cadre du
19 contre-interrogatoire.
20 Avant cela, je dois donner d'abord la parole à M. le Greffier, qui a un
21 numéro IC.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges.
23 Liste des objections à des documents versés au dossier par le Procureur par
24 le truchement du Témoin Ante Kvesic. Ce sera le numéro IC 936, et c'est
25 l'équipe de la Défense numéro 6.
26 Merci, Messieurs les Juges.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
28 Monsieur le Témoin, dans la mesure où les Juges contrôlent les modalités
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1 d'un interrogatoire des témoins, et compte tenu du fait que vous nous êtes
2 apparu hier en peu stressé, je dois vous dire, pour que ça se passe le
3 mieux possible, que vous allez maintenant devoir répondre à des questions
4 que va vous poser M. le Procureur dans le cadre de son contre-
5 interrogatoire. En règle générale, c'est un moment très difficile parce que
6 le Procureur, qui fait son travail qui est de rapporter la charge de la
7 preuve, ne ménage pas les témoins, comme ça, il peut poser des question
8 sujettes et il peut attaquer la crédibilité du témoin, donc c'est un moment
9 assez difficile pour le témoin, et je tenais à vous le dire pour que vous
10 ne soyez pas surpris.
11 Par ailleurs, comme vous êtes vous-même dans le corps médical, attendez
12 d'avoir la question, réfléchissez avant de répondre, prenez votre
13 respiration pour évacuer le maximum possible de stress parce que ce sont
14 des mouvements, des moments très, très pénibles et très durs et je peux
15 vous le confirmer.
16 Voilà ce que je voulais vous dire. J'espère que vous êtes bien reposé cette
17 nuit, afin d'aborder dans les meilleures conditions possibles cette
18 audience.
19 Voilà. Alors, Monsieur le Procureur, je vous salue à nouveau, et je vous
20 donne la parole.
21 M. LAWS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, bonjour Monsieur
22 les Juges, bonjour à toutes les personnes dans le prétoire et dans les
23 environs du prétoire.
24 LE TÉMOIN : TÉMOIN 2D-AD [Reprise]
25 [Le témoin répond par l'interprète]
26 Contre-interrogatoire par M. Laws :
27 Q. [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur. Je salue toutes les
28 personnes présentes dans le prétoire. Je souhaite vous demander ce que vous
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1 avez vu dans les camps de détention du HVO que vous avez visité. D'accord ?
2 Hier --
3 R. Excusez-moi, ce que j'ai vu, donc d'accord.
4 Q. Ce que vous avez vu, et ce que vous y avez entendu, et ce qu'y vous
5 avez appris à propos des camps de détention du HVO. D'accord ?
6 R. Je peux vous poser une question ? La guerre fournit d'information, de
7 désinformation, et si vous entendez quelque chose, cela ne veut pas dire
8 que les choses se sont ainsi passées, vous ne pouvez dire quelque chose que
9 si vous l'avez vérifié. C'est seulement dans ce cas que votre témoignage
10 est valable et que votre témoignage peut avoir une quelconque valeur, car
11 si j'avais noté tout ce que j'ai entendu dire, je travaillais ici pendant
12 500 ans au moins.
13 Q. Bien, cela nous n'en voulons pas, donc veuillez vous en tenir à --
14 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- répondez aux questions du Procureur,
15 et ce sont les Juges qui apprécieront la valeur probante à donner à vos
16 réponses aux questions posées.
17 Monsieur le Procureur.
18 M. LAWS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Q. Lorsque vous avez témoigné devant cette Chambre dans l'affaire Tuta-
20 Stela, on vous a posé une question et c'est le conseil qui représentait un
21 des accusés, on vous a demandé si vous pouviez parler aux Juges de la
22 Chambre tout ce que vous saviez à propos de l'Heliodrom, d'accord, et vous
23 avez répondu que l'Heliodrom, et je vais citer vos propres termes :
24 "L'Heliodrom était pour moi, personnellement, une expérience tout à fait
25 désagréable."
26 D'accord.
27 R. Oui.
28 Q. Exact, n'est-ce pas, c'était une expérience tout à fait désagréable
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1 pour vous que d'entrer dans l'Heliodrom ?
2 R. Oui, oui.
3 Q. Hier nous avons vu que vous étiez assez bouleversé lorsqu'on vous a
4 demandé de vous rappeler de ce que vous aviez vu à cet endroit-là ainsi que
5 dans d'autres endroits, n'est-ce pas ?
6 R. Oui. Mais est-ce que moi je peux vous poser une question ?
7 Q. Ce n'est pas comme cela que cela fonctionne ici.
8 Nous allons donc revenir sur ce que je viens d'évoquer, vous étiez
9 bouleversé hier lorsque vous deviez vous rappeler de ce que vous aviez vu,
10 et si je peux, je vais essayer de comprendre pourquoi ceci est le cas.
11 D'accord. Je vais dans la mesure du possible essayer de faire cela sans
12 vous bouleverser de façon inutile, mais j'ai besoin de vous demander ce que
13 vous avez vu et comment les choses se passaient dans ces endroits-là,
14 n'est-ce pas, vous comprenez cela ?
15 R. Absolument.
16 Q. Merci. Est-ce que nous pouvons commencer par la première visite que
17 vous avez faite à l'Heliodrom. Aux Juges de la Chambre, vous avez indiqué
18 que ceci a eu lieu au milieu du mois de mai de l'année 1993 ?
19 R. Oui.
20 Q. En réalité, je crois que j'ai raison de dire que nous pouvons même
21 faire mieux; vous avez dit aux Juges de la Chambre, dans l'affaire Tuta-
22 Stela, que vous étiez entré dans l'Heliodrom les 11 et 12 mai de l'année
23 1993 ?
24 R. Ça c'est bien, la mi-mai.
25 Q. On vous avait demandé de vous y rendre parce qu'on vous avait dit qu'un
26 nombre important de personnes avait été détenu ?
27 R. [aucune interprétation]
28 Q. On vous avait demandé de vous y rendre afin d'aider et d'aider la
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1 situation et vous assurer que ceci ne provoquerait pas des épidémies
2 importantes ?
3 R. Oui.
4 Q. Lorsque vous êtes arrivé sur place, vous avez constaté qu'il y avait
5 effectivement un nombre très important de personnes qui avaient été
6 détenues ?
7 R. Oui.
8 Q. Des gens de Mostar ?
9 R. Il y avait parmi eux des gens que je connaissais, mais il y avait un
10 grand nombre que je ne connaissais pas.
11 Q. Bien sûr, vous ne pouviez en connaître qu'un certain nombre, mais
12 c'était des gens de Mostar qui tout à coup se sont retrouvés dans un centre
13 de détention ?
14 R. Oui, mais je devais compléter. Monsieur le Président, en ma qualité de
15 médecin, je connais les gens qui fréquente l'hôpital, par conséquent, mon
16 cercle de connaissance est beaucoup plus grand et ne concerne pas que
17 Mostar, mais il est logique que je connaisse mieux les habitants de Mostar
18 où je suis né et où j'ai habité que les autres, cela étant je ne
19 souhaiterais pas que l'on pense que je ne connais que les habitants de
20 Mostar. Je connaissais les gens que je soignais et leurs familles, donc mon
21 cercle de connaissance est bien plus étendu.
22 Q. Donc vous avez reconnu plus de personnes que le citoyen ordinaire
23 n'aurait reconnu à l'Heliodrom les 11 et 12 mai, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Leur avez-vous demandé ce qui se passait et pourquoi ils étaient là ?
26 R. Oui.
27 Q. Que vous ont-ils dit ?
28 R. Nombre d'entre eux ne le savait pas. Si, moi, hier j'ai manifesté le
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1 stress que j'éprouvais, vous pouvez imaginer comment se sentaient les gens
2 qui se trouvaient là-bas, alors que, moi-même, j'ai eu un stress encore
3 plus important avant.
4 Q. Vous comparez le stress que vous avez éprouvé hier lors de l'audience,
5 au stress des personnes qui avaient été placées en détention et qu'ils ne
6 savaient pas pourquoi ils étaient ainsi placés en détention les 11 et 12
7 mai; c'est cela que nous devons comprendre, Monsieur ?
8 R. Il vous faut comprendre que, si provoque le stress chez moi, c'est --
9 et je vous donnerai un exemple. Je ne me souviens même pas de lien et quand
10 j'ai demandé à mon conseil quel était le mois concerné, elle m'a répondu :
11 "Février." Moi, je lui ai dit : "Ça ne pouvait pas être février parce qu'il
12 faisait chaud." Donc j'ai essayé d'insister là-dessus en tant que médecin.
13 Mais tout ce que je dis c'est pour vous montrer que le stress n'avait pas
14 la même qualité que le leur. Le leur était beaucoup plus important que le
15 mien, si moi-même qui ait l'âge que j'ai. Si moi-même en tant que personne
16 qui a une très bonne instruction, qui a beaucoup voyagé, si j'ai vécu du
17 stress, je peux imaginer que le stress vécu par ces personnes était bien
18 plus important et qu'il a entraîné des réactions aigues ce qui fait que pas
19 mal de gens ne peuvent pas et ne doivent pas en avoir garder le souvenir.
20 Mais, moi, j'ai un souvenir aigu de tout cela.
21 Q. Merci. Je crois que nous n'allons pas être en désaccord sur ce point;
22 je vais vous demander de vous concentrer sur les questions. Nous savons que
23 vous avez beaucoup voyagé, vous êtes un homme très instruit donc ceci est
24 acquis. Je ne veux pas vous demander des éléments concernant votre vie,
25 votre biographie. Moi, les questions que je vous pose portent sur les
26 conditions dans l'Heliodrom parce que les personnes, que vous avez vus les
27 11 et 12 mai dans l'Heliodrom, ne savaient pas pour la plupart pourquoi ils
28 étaient là et c'est la raison pour laquelle ils étaient vraiment désemparés
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1 ?
2 R. Vous avez, bien sûr, bien compris.
3 M. LAWS : [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, j'ai une question de suivi.
5 J'ai écouté avec attention les questions de M. le Procureur et vous avez
6 répondu à la question. Vous avez dit que les personnes qui étaient là ne
7 savaient pas pourquoi ils avaient été arrêtés et on imagine bien la
8 situation.
9 Quand vous, vous quittez l'Heliodrom, est-ce que vous avez dit à vos
10 supérieurs : "Voilà, je vais à la prison vers l'Heliodrom. Je rencontre des
11 gens que je connais, ces gens-là ne savent pas pourquoi on les a arrêtés."
12 Est-ce que vous l'avez dit à vos supérieurs ? Si vous l'avez dit à vos
13 supérieurs, qu'est-ce qu'ils vous ont dit, eux ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord il est tout à fait normal que je le
15 dise, c'était mon devoir. Quand je suis allé là-bas, et vous l'avez
16 entendu, je ne savais pas grand-chose. Le Dr Bagaric m'attendait, et pour
17 moi en tant que personne qui s'occupait de médecine préventive, tout
18 regroupement de personnes, notamment des groupes importants, des soldats,
19 ou qui que ce soit d'autres appelaient mon arrivée, appelaient ma venue et
20 je devais y aller. Mais quand j'y suis arrivé, j'ai été pris de surprise
21 parce que je me suis rendu compte en tant que médecin que les gens étaient
22 stressés, qu'ils avaient peur et que pas mal de ceux qui me connaissaient -
23 moi, je portais un uniforme ce jour-là - m'ont regardé comme si j'étais une
24 partie adverse et pas un médecin, et je ne leur reproche pas. Plus tard,
25 cela a changé, donc je suis allé à la direction, j'ai tout de suite dit :
26 "Pour moi, ça c'est une prison, il y a trop de monde. Il faut que nous
27 travaillons car, si nous ne le faisons pas, des maladies infectieuses vont
28 se déclarer." Quand j'ai posé la question de savoir pourquoi ces personnes
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1 étaient là, c'est bien ce que vous voulez de me demander, et j'ai reçu une
2 réponse signifiant approximativement que ces personnes étaient là pour des
3 raisons de sécurité.
4 Parce que si vous me permettez de le dire, Monsieur le Président, le
5 9 mai 1992, lorsque cet affrontement désagréable a commencé, j'étais dans
6 mon appartement. Je ne savais pas qu'il y aurait un conflit même si, comme
7 vous le savez, j'étais membre de l'état-major sanitaire principal et je
8 suis allé dans l'hôpital le plus éloigné qui était à plusieurs kilomètres à
9 bord d'une voiture de police parce qu'en face de moi, il y avait la police
10 et on nous tirait dessus de tout côtés et on m'a dit que c'est pour cette
11 raison que la guerre a commencé, que nous avions été attaqués par les
12 forces armées musulmanes et qu'à ce moment-là, toutes les personnes qui
13 étaient regroupées-là étaient là pour ce motif.
14 En tant qu'ancien médecin militaire, je savais qu'il y avait peut-
15 être d'autres raisons, repensons à la 5e Colonne, mais enfin en tant que
16 médecin, cela ne m'intéressait pas particulièrement. La seule chose qui
17 m'intéressait c'était de savoir quoi faire et comment le faire pour éviter
18 que ne se déclarent des maladies infectieuses.
19 Maintenant je tiens à rappeler que je n'étais que chef d'un service
20 chargé de la médecine préventive ce qui m'intéressait c'était comment
21 empêcher, comment rendre impossible que se déclare de telles maladies. Donc
22 si des cas sporadiques survenaient, il fallait éviter qu'ils ne se
23 transforment en épidémie, ça pour moi c'était capital et je considère que
24 c'est cela qui caractérise mon activité qui à l'époque des faits croyez-moi
25 avait un aspect humanitaire.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
27 Monsieur le Procureur.
28 M. LAWS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Q. Pardonnez-moi si je dis cela, c'était une réponse très longue. La
2 question qui vous avait été posée par le Président de cette Chambre était
3 une question qui était comme suit : si vous aviez dit à vos supérieurs
4 hiérarchiques, je crois que vous avez commencé par dire, oui, vous en avez
5 parlé au Dr Bagaric et vous lui avez dit ce qui se passait à l'Heliodrom,
6 oui ?
7 R. Mais, écoutez, il faut que j'explique les conditions de façon à ce que
8 la Chambre de première instance puisse comprendre, je suis entre les mains
9 de la justice.
10 Q. -- est-ce que je peux vous interrompre pendant quelques instants ? Nous
11 allons aborder la question des conditions, mais je souhaite prendre une
12 question à la fois. J'espère qu'il n'y aura pas de confusion.
13 On vous a posé une question et c'est la question que je souhaite
14 répéter. Je souhaite vous donner une troisième occasion pour y répondre. A
15 qui en avez-vous parlé ? Vous en avez parlé au Dr Bagaric - c'est ce que
16 vous nous avez dit - mais vous en avez parlé à qui d'autre sur ce que vous
17 aviez vu à l'Heliodrom ?
18 R. Je faisais partie du secteur sanitaire, je faisais partie des gens qui
19 travaillaient dans le domaine de la santé.
20 Q. Donc les personnes qui travaillaient dans le secteur de la Santé du
21 département de la Défense ?
22 R. Oui.
23 Q. Merci. Lorsque vous êtes rendu à l'Heliodrom par la suite, aviez-vous
24 constaté que la tranche d'âges des détenus était assez importante ?
25 R. Oui, oui.
26 Q. Veuillez regarder, en même temps que moi, un document qui se trouve
27 dans le classeur devant vous P 05328, P 05328.
28 M. LAWS : [interprétation] Peut-être que M. l'Huissier pourrait nous aider
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1 un petit peu, s'il vous plaît.
2 Q. Je crois que vous l'avez ce document. Merci.
3 R. Oui, je l'ai trouvé.
4 Q. Il s'agit là d'un document qui est daté du 23 septembre 1993, et nous
5 constatons qu'il s'agit là d'une liste des détenus qui sont arrivés à
6 l'Heliodrom le 23 septembre de l'année 1993. Voyez-vous cela ?
7 R. Je le vois.
8 Q. Nous savons que vous êtes entré dans l'Heliodrom le 30 septembre, neuf
9 jours après que ces détenus aient été enregistrés à la prison, n'est-ce pas
10 ?
11 R. Mais si vous avez un document qui l'indique, c'est sans doute vrai.
12 Q. Bien, oui, puisqu'il s'agit d'un de vos rapports, et nous allons le
13 regarder en temps utile, ce document est daté du 30 septembre. C'est ce
14 jour-là que vous êtes rendu à l'Heliodrom, n'est-ce pas ?
15 Regardons un petit peu cette liste ensemble. Au point 5, nous avons le nom
16 et une date de naissance qui -- et celle du 2 avril 1980; est-ce que vous
17 voyez cela ?
18 R. Oui, je le vois.
19 Q. Donc cette personne-là aurait eu 13 ans en 1993, n'est-ce pas ?
20 R. Oui. Mais je vous en prie --
21 Q. Un instant, s'il vous plaît, je vais vous donner l'occasion de vous
22 exprimer.
23 Veuillez passer à la page suivante et regarder le dernier nom qui figure
24 sur cette liste, numéro 36, semble-t-il, né le 5 juillet 1922; voyez-vous
25 cela ?
26 R. Oui, je le vois.
27 Q. Cette personne aurait eu 71 ans à l'époque, vous êtes entré à
28 l'Heliodrom le 30 septembre; c'est ça ?
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1 R. Oui.
2 Q. Donc pour essayer d'avoir une idée de la situation de ce que vous avez
3 vu à l'Heliodrom parce qu'il y a des personnes qui s'y trouvaient, sans
4 parler des conditions -- savoir des personnes qui étaient là, il s'agissait
5 de personnes qui avaient aussi, qui étaient jeunes puisque aussi jeunes, et
6 la personne le plus âgée avait 71 ans; est-ce que c'est ce que vous avez vu
7 vous-même ?
8 R. J'aimerais que nous nous comprenions bien. Cette liste a été adressée
9 par M. Stanko Bozic. Moi, je ne la connais pas, mais il est certain que
10 j'ai vu des personnes d'âges très différents. D'abord, au numéro 27, on
11 voit "Omer (Osman) Terzic" et vous constaterez plus tard qu'il a été engagé
12 dans le service sanitaire, qu'il a travaillé en tant que technicien médical
13 au centre médical. Donc j'ai vu des gens d'âge très différent. Quant à ce
14 garçon de 13 ans, je suis totalement dégoûté, c'est affreux, c'est horrible
15 mais je ne l'ai pas. Je n'ai pas vu de garçon de cet âge; si je n'en avais
16 vu, croyez-moi je l'aurais mis par écrit, j'en aurais informé immédiatement
17 les responsables et je n'aurais pas pu le supporter car je suis père moi-
18 même.
19 Q. Je crois que, dans la traduction que j'ai entendue, vous disiez que
20 vous ne connaissiez pas Stanko Bozic. Mais en réalité vous étiez en contact
21 avec lui ?
22 R. Non, non, non, je le connaissais très bien, Monsieur le Procureur. Mais
23 c'est la liste que je n'ai pas reçue. Qui est-ce qui l'a reçue, je ne sais
24 pas à qui elle était adressée, mais, en tout cas, pas à moi, adressé au
25 service de Santé probablement pas. Mais moi, en tout cas, il est certain
26 que je ne l'ai pas reçue.
27 Q. C'est une erreur de traduction, en tout cas. Pour ce qui est de la
28 traduction que nous avons : "Cette liste avait été préparée par Stanko
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1 Bozic, je ne le connais pas."
2 Je souhaitais simplement préciser cela. Vous saviez qui était Stanko
3 Bozic, n'est-ce pas ?
4 R. Monsieur le Procureur, vous avez sans doute, durant la préparation du
5 procès remarqué, et d'ailleurs, j'en ai parlé hier et vous étiez assis ici
6 donc vous avez pu l'entendre que le plan de mon travail était toujours
7 identique, et que ce qu'arrive en première place, c'est qui était présent
8 dans les réunions que j'avais. M. Bozic a toujours été enregistré comme
9 étant président, donc cela serait de ma part un mensonge abominable que de
10 dire que je ne connais pas cet homme. J'ai eu des contacts avec lui chaque
11 fois que j'arrivais là-bas, je m'efforçais de trouver M. Bozic.
12 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
13 M. LAWS : [interprétation]
14 Q. Nous ne sommes pas en désaccord. C'est une erreur qui s'est produite au
15 niveau de la traduction. Vous n'avez aucun souci à vous faire, le compte
16 rendu est clair. Vous connaissiez Stanko Bozic et nous sommes tous les deux
17 d'accord là-dessus. Très bien. Merci.
18 R. D'accord, oui.
19 Q. Bien. Je vais vous demander de passer en même temps que moi à un autre
20 rapport que nous avons, qui n'a pas été rédigé par vous, mais qui traite
21 les deux le même centre de détention.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation] [hors micro] -- document,
23 nous avons compris que vous aviez été officier de la JNA, c'est ce que vous
24 nous avez dit.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Hier, j'ai compris que vous aviez quelque
27 connaissance militaire. Quand on voit ce type de document que vous n'avez
28 pas vu, ça ne fait pas l'ombre d'un doute puisque vous n'étiez pas
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1 destinataire. Mais quand on voit ce type de document où on voit prison
2 centrale militaire, et que l'on voit le nom d'un jeune qui a 13 ans, il y a
3 un problème, en termes militaires.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est terrible, terrible. Un enfant de 13
5 ans ne peut pas être un soldat. "M. Hasan Omer Music, qui avait 71 ans" ne
6 peut pas être soldat; en théorie, il peut travailler quelque part au
7 téléphone, mais il ne peut pas être soldat.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Quoique sur la situation de celui qui a 75 ans, il y
9 en a qui ont 71 ans qui sont en pleine activité. C'est peut-être moins
10 évident quelqu'un de 71 ans, il y en a même qui sont juges, alors c'est
11 vous dire. A 71 ans, on peut avoir l'énergie suffisante. Mais à 13 ans, ce
12 n'est pas la même chose, et là, vous dites ce nom n'aurait pas dû figurer.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Evidemment, bien sûr.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
15 M. LAWS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Q. Le rapport que je souhaite aborder avec vous, Monsieur, se trouve dans
17 votre liasse de documents, c'est le P 06729. Je vous demande -- c'est un
18 peu plus loin, je vous demande de bien vouloir trouver ce document, s'il
19 vous plaît. C'est un peu plus loin, P 06729. Il s'agit d'un rapport --
20 R. P 06 ?
21 Q. P 06729.
22 R. Oui.
23 Q. Nous allons aborder ce document au cours de la matinée. C'est un
24 document qui a été préparé par les services chargés de la Sécurité et de
25 l'Information, faisant partie du secteur de la Police militaire par rapport
26 aux travaux menés à Gabela, à l'Heliodrom et dans ces deux centres de
27 détention; est-ce que vous avez ce rapport ?
28 R. Oui, je le vois, fonctionnement en temps de guerre de Gabela et
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1 l'Heliodrom.
2 Q. Pour vous aider, nous parlons toujours des personnes qui se trouvaient
3 dans l'Heliodrom. Avant d'aborder les conditions et ce qui leur est arrivé,
4 est-ce que vous me suivez bien, vous suivez bien mes questions ?
5 R. Je suis mais comment est-ce que je pourrais suivre quoi que ce soit qui
6 ait rapport avec le SIS ? C'est le SIS qui me surveillait. En tant
7 qu'ancien membre de la JNA, j'étais surveillé par le SIS, donc je ne vois
8 pas quel rapport je pourrais avoir avec ce fameux SIS. Je ne vois vraiment
9 pas parce que j'ai été suivi et surveillé par le SIS, et ce, pendant
10 longtemps. J'étais persona non grata, alors je vous en prie.
11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il serait très utile que nous, les
12 Juges de la Chambre, que vous répondiez aux questions qui vous seront
13 posées. Ne faites pas de commentaire. Le Procureur sait ce qu'il souhaite
14 recueillir de vous, donc c'est cela que les Juges entendront. Vous estimez
15 peut-être vouloir ou parler longuement d'un certain nombre de questions,
16 mais je vous en prie, limitez-vous aux questions simplement.
17 Merci.
18 M. LAWS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Trechsel.
19 Q. Veuillez vous reporter, cela se trouve dans la version anglaise de la
20 page 5, de ce rapport. Il s'agit d'un paragraphe intitulé : "L'hébergement
21 des prisonniers de guerre." En anglais --
22 R. Moi, je n'ai pas page 5.
23 Q. Cela se trouve à la page 5, et en B/C/S à la page 2, le paragraphe qui
24 se trouve en bas de cette page, intitulé : "L'hébergement des prisonniers
25 de guerre;" est-ce que vous avez cette page ?
26 R. Oui, oui, j'y suis.
27 Q. Il s'agit là d'une inspection qui s'est déroulée au mois de novembre,
28 je vais vous lire ce que cette personne a consigné, et ensuite, je vais
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1 vous demander si ceci cadre avec ce que vous avez vécu dans l'Heliodrom;
2 est-ce que vous me suivez ?
3 R. Oui.
4 Q. "Dans ledit centre, il y a 2 600 prisonniers de guerre qui
5 appartiennent à la même catégorie que les prisonniers de guerre dans l'abri
6 précédent" - à savoir Gabela" - de la même catégorie; à savoir, les vrais
7 véritables prisonniers de guerre n'ont pas été séparés des membres de
8 l'ABiH n'ont pas été séparés des civils qui ont été emmenés ici pour
9 différentes arisons."
10 Ceci dans les deux versions est entre guillemets, d'accord. Est-ce
11 que vous voyez cela ?
12 R. Oui, je le vois.
13 Q. Restons sur le sujet des personnes que vous avez rencontrées, que ce
14 soit à l'Heliodrom ou dans d'autres lieux de détention, car ce rapport dit
15 aussi qui se trouvait à Gabela, n'est-ce pas ? Nous allons revenir en
16 arrière, à une partie qui se trouve avant celle-ci dans ce rapport, à la
17 page 3 en anglais, en B/C/S à la première page, en tout cas, la première
18 page où il y a du texte avant la page de garde; vous avez trouvé ? Oui,
19 c'est la bonne page que vous avez là.
20 R. "Alors le contrôle, le commandement et la coopération;" c'est de cela
21 que vous parlez ?
22 Q. Non, c'est la toute première page où il y a quelque chose d'écrit,
23 l'en-tête ou la rubrique étant : "Situation dans laquelle se trouve les
24 prisonniers de guerre."
25 R. Oui, je vois.
26 Q. Merci. Je vais vous lire, et vous lirez en B/C/S, ce qui est dit ici :
27 "Il y a environ 300 prisonniers de guerre dans chacune de ces
28 installations. Pour le moment il y a 1 268 prisonniers de guerre, qui sont
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1 tous des personnes d'appartenance musulmane, des hommes, et s'agissant de
2 certains d'entre eux il y en a qui ont moins de 18 ans et d'autres qui ont
3 plus de 60 ans."
4 Vous voyez ce passage ?
5 R. Oui.
6 Q. Passez à la page suivante, s'il vous plaît. Nous allons lire le
7 paragraphe suivant, et je m'arrêterais et je vais vous demander votre aide
8 :
9 "Au cours de rapports, d'entretiens très brefs avec ces prisonniers de
10 guerre, on a l'impression que bon nombre d'entre eux ont été amenés dans ce
11 lieu de chez eux, ils étaient dans la rue, ou à leurs lieux de travail,
12 d'autres ont été capturés pendant des actions de combat."
13 Est-ce que vous avez trouvé ce qu'observe l'auteur de ce rapport ?
14 R. Oui.
15 Q. Hier vous avez dit aux Juges de la Chambre que vous, personnellement,
16 vous étiez assis avec des détenus à Gabela, que vous aviez eu des
17 entretiens avec eux, et que vous aviez même mangé avec eux. Est-ce que vous
18 avez eu la même impression que l'auteur de ce rapport quant aux
19 circonstances qui les avaient amené dans cet endroit ?
20 R. A peu près, oui.
21 Q. Merci beaucoup de me donner cette réponse. Certains s'étaient trouvés
22 chez eux, s'étaient trouvés dans la rue, s'étaient trouvés dans leurs lieux
23 de travail, et puis ils avaient été mis sous les verrous ?
24 R. Oui. Je vais vous répondre tout de suite. Une partie a été emprisonnée,
25 et s'agissant de ceux-là, je ne sais s'ils ont été emmenés pour des raisons
26 préventives depuis chez eux, ou pour des raisons autres, ça je ne le sais
27 pas.
28 Q. [aucune interprétation]
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1 R. Mais toujours est-il que je condamne la chose.
2 Q. Je pense que l'interprète souhaitait que vous terminiez votre phrase,
3 je vous laisse volontiers la parole.
4 R. Oui. Je m'excuse. Je vous ai déjà dit qu'il y en a eu qui ont été
5 capturés à l'occasion de combat, ça c'est bon, mais on m'a dit que pour des
6 raisons de sécurité, on en avait emmené d'autres là, pour des raisons
7 préventives et pour des raisons de représailles potentiels, et
8 indépendamment de la chose, je condamne le fait que l'on ait emmené des
9 gens de chez eux.
10 Q. Vous pensiez que c'était là quelque chose qu'il ne fallait pas faire à
11 l'époque ?
12 R. Oui --
13 Q. Tout à fait --
14 R. -- et j'ajoute s'il ne s'agit pas de ceux qui m'ont tiré dessus
15 auparavant.
16 Q. Vous, personnellement, vous avez rencontré tout un éventail de
17 personnes dans les différents camps où vous vous êtes rendu, n'est-ce pas,
18 des gens de toutes sortes de contextes sociaux, de toutes sortes de milieux
19 ?
20 R. Oui, je vais vous demander au sujet de ce terme de "prison."
21 Q. "Prison" vous dites, bien sûr. A Dretelj, vous avez rencontré un
22 médecin. Il est venu déposer devant la Chambre de première instance sous le
23 pseudonyme DD, et il a déclaré qu'il vous avait rencontré car il parlait de
24 la peur car il craignait une épidémie de jaunisse. Est-ce que vous vous
25 souvenez avoir rencontré un médecin qui avait des craintes de voir éclater
26 une épidémie de jaunisse à Dretelj ?
27 R. Tout d'abord, je me suis entretenu avec la totalité des médecins. De
28 là, à savoir lequel des médecins est-ce --
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1 Q. Je ne vous pose pas une question générale sur les médecins. Moi, celui
2 qui m'intéresse pour le moment c'est celui de Dretelj qui s'inquiétait de
3 voir éclater une épidémie de jaunisse; vous ne vous souvenez pas de lui ?
4 R. Si je me souviens bien, il y avait là-bas cinq médecins, je me suis
5 entretenu avec chacun d'entre eux. Maintenant ce que je peux vous dire,
6 Monsieur le Procureur, la jaunisse il n'y en a pas eu. Je vous l'ai déjà
7 dit hier, et Dieu merci, sur le territoire dont j'avais la charge, il n'y a
8 pas eu une seule épidémie de maladie contagieuse. Je me félicite de ce que
9 l'on ait pu me le dire éventuellement, ça m'aurait aidé dans mon travail.
10 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que le témoin avale beaucoup de
11 syllabes parce qu'il est stressé.
12 M. LAWS : [interprétation]
13 Q. Nous sommes d'accord pour dire qu'il n'y avait pas de jaunisse. Ce
14 Témoin DD a dit qu'on lui donnait à manger les restes de nourriture et
15 qu'il avait perdu 30 kilos; 30 kilos; un médecin tout comme vous. Est-ce
16 que vous vous souvenez maintenant avoir rencontré quelqu'un qui avait été
17 emprisonné et à qui ont donné une très mauvaise nourriture ce qui fait que
18 les gens ont commencé à perdre du poids ?
19 R. Monsieur le Procureur, je l'ai dit hier partant de récit non pas de la
20 part de ce collègue à moi, mais la perte moyenne de poids était selon le
21 récit de certains [imperceptible] d'une dizaine de kilogrammes, on l'a déjà
22 dit devant ce Tribunal.
23 Q. Ma question était très précise, je vous demandais si vous vous
24 souveniez avoir rencontré ce médecin qui est venu dire ici aux Juges de la
25 Chambre qu'il avait perdu 30 kilos.
26 R. [aucune interprétation]
27 Q. Vous avez rencontré un dentiste à Gabela. Vous dites dans un de vos
28 rapports, on peut le regarder, si vous voulez, et vous avez dit que
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1 vraiment il avait de mauvaises dents ?
2 R. Oui.
3 Q. Qu'il avait des dents en très mauvais états et que les prisonniers
4 avaient de mauvaises dents et qu'il y avait un dentiste à Gabela, et que ce
5 serait peut-être une idée de lui fournir du matériel ce qui lui aurait
6 permis de s'occuper des gens qui avaient des problèmes dentaires ?
7 R. Oui.
8 Q. Les problèmes dentaires de mauvaises dents c'est un signe ou un effet
9 d'une mauvaise nutrition --
10 R. [aucune interprétation]
11 Q. -- quand on est affamé on commence à perdre ces dents ?
12 R. Oui.
13 Q. C'est exact, n'est-ce pas ?
14 R. Monsieur le Procureur, c'est de l'avitaminose, un manque de vitamine C.
15 On peut manger beaucoup, mais que la qualité de la nourriture ne soit pas
16 bonne, donc il y a des insuffisantes et cela implique des maladies. Alors
17 je vais vous dire c'est du scorbut. Alors pourquoi ? Parce qu'il y avait
18 une carence de vitamine C et je vais vous dire qu'il n'y avait aucune
19 caserne à être équipée d'une chaise de dentiste. Aucun soldat du HVO
20 n'avait la possibilité de se faire examiner par un dentiste, et dans la
21 ville de Mostar, de même, il y a eu seulement un stomatologue dans
22 l'établissement de santé, sans moyen de travail.
23 Q. Le Témoin BQ est venu déposer en l'espèce, il a dit à la Chambre qu'il
24 avait perdu toutes ses dents parce qu'il avait reçu de la mauvaise
25 nourriture ou pas du tout à Dretelj; est-ce que vous avez vu des gens --
26 vous avez vu, n'est-ce pas, ces gens qui avaient de très mauvaises dents ?
27 R. [aucune interprétation]
28 Q. Merci. Est-ce que vous n'avez pas aussi vu des femmes en détention à
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1 l'Heliodrom ?
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] -- répondre.
4 M. KARNAVAS : [interprétation] On a eu un "merci," de la part de M. Laws.
5 Je ne sais pas pourquoi il remerciait le témoin, mais il n'y a pas eu de
6 réponse au compte rendu.
7 M. LAWS : [interprétation] Excusez-moi. Maître Karnavas, tout à fait.
8 Q. Parce que vous avez opiné du chef, Monsieur le Témoin, mais il faut
9 vous exprimer si vous êtes d'accord avec la question posée.
10 R. Moi, je dois vous répondre. Je dois vous répondre, ce n'est pas de la
11 pantomime qu'on fait. Vous me posez une question et vous voulez que je
12 hoche de la tête. Moi, je ne me permets pas de faire de la pantomime alors
13 je vais vous répondre. Si vous avez lu - et j'espère que vous avez lu - je
14 ne pense pas que vous ne l'ayez pas fait. Il y a constamment dans les
15 rapports d'écrit, de façon claire et complète, que la nourriture du point
16 de vue de la quantité et de la qualité était insuffisante. Alors il n'y a
17 pas eu suffisamment de quantité et il n'y a pas eu suffisamment de
18 vitamines. Je vous dis, une fois de plus, c'était en zone de guerre. Si
19 vous lisez les rapports, vous verrez que les assistances humanitaires
20 étaient trop petites et que la population et les personnes déplacées et
21 réfugiés étaient dans les mêmes conditions.
22 Q. Vous faites de nouveau un signe de tête. Faites ce que vous voulez mais
23 essayez de répondre par "oui" ou par "non." Parce que, sinon, on va
24 retrouver le même problème et Me Karnavas devra venir à notre rescousse.
25 Moi, je vous ai demandé si vous aviez vu des gens à Gabela qui avaient des
26 mauvaises dents, alors est-ce qu'on peut dire -- est-ce que vous répondez
27 par "oui," pour faire court ?
28 R. Oui, mais je dois préciser que j'ai vu bon nombre de soldats qui sont
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1 venus de la campagne et qui n'avaient pas d'habitude hygiénique. Vous ne
2 pouvez pas prendre un soldat du village de l'Herzégovine et comparer avec
3 je ne sais pas, par exemple, d'où vous êtes originaire mais quelqu'un de La
4 Haye donc vous avez là-bas des gens qui n'ont pas l'habitude de se laver
5 les dents et dont l'alimentation n'est pas adéquate et qui plus est
6 insuffisante.
7 Q. D'accord. En bref, vous avez dit hier que les médecins, qui aidaient
8 les détenus à l'Heliodrom, étaient eux-mêmes des détenus; est-ce exact ?
9 Vous nous avez donné un nom hier, le nom de M. Hadzic -- du Dr Hadzic,
10 devrais-je dire, un des médecins musulmans détenus à l'Heliodrom; est-ce
11 exact ?
12 R. [aucune interprétation]
13 Q. De nouveau, Monsieur, vous faites un signe affirmatif de la tête mais
14 vous devez parler. Vous répondez par l'affirmative ?
15 R. Je vais vous demander de ne pas suivre mes hochements de tête. Moi je
16 vous écoute. Je hoche de la tête parce que je suis en train de me rappeler
17 les événements de l'époque mais j'estime que, personnellement, que c'est
18 une grande chose pour moi que d'avoir retrouvé le Dr Hadzic qui était
19 prisonniers et je l'ai transféré vers le personnel de santé. C'était un ami
20 et un collègue depuis le club de Vales, le club de sport et il n'avait plus
21 le statut de prisonnier. Au contraire, le Dr Hadzic est allé en ville avec
22 un véhicule et il ramenait du matériel de santé enfin du matériel sanitaire
23 dans la prison.
24 Q. D'accord. Dans ces camps, vous avez vu des médecins, au moins un
25 dentiste, des enfants, des personnes âgées, des vieillards et vous savez
26 qu'il y avait aussi des femmes dans ces camps, n'est-ce pas ?
27 R. Permettez-moi de dire pour ce qui est des femmes, je dois revenir à mon
28 tout premier témoignage. Il se peut que je l'ai dit à l'époque parce que
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1 j'étais stressé, je n'ai pas vu, et pour moi, c'est un crime que d'avoir un
2 enfant de moins de 18 ou 20 ans ou quelqu'un de plus de 60 ans. Moi, je
3 n'ai pas vu de femmes et j'estime que tout atteinte à la santé ou tout
4 comportement indécent à l'égard des femmes. J'ai entendu dire et j'ai
5 vérifié vérifier, je suis allé là où on m'a emmené, mais je n'ai pas vu.
6 J'ai dit aussi à mes supérieurs s'il y a -- s'il y en a, faisons tout le
7 nécessaire pour que ces personnes soient éloignées de là.
8 Si vous avez pris lecture de mes rapports et j'espère que vous l'avez fait
9 et j'espère que vous l'avez bien étudié, et j'ai demandé à ce que soient
10 créées des commissions médicales pour que les catégories vulnérables soient
11 mises de côté.
12 Q. D'accord. Mais vous n'aviez pas des doutes qu'il y avait des femmes qui
13 se trouvaient dans une situation d'isolement. Permettez-moi de terminer ce
14 sujet puis je vous donnerai -- la parole.
15 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Je vais -- non, je vais être très
16 brève mon cher confrère, très brève.
17 Je pense que le témoin n'a pas bien compris la question et je crois
18 que le Procureur devrait tirer au clair et poser ces questions de façon
19 plus simple. Nous sommes en train de sauter d'une prison à l'autre, et si
20 j'ai bien compris le témoignage et si j'ai bien étudié les documents, je ne
21 sais pas d'où le Procureur tire une conclusion qui est celle de parler d'un
22 pluriel et de prisons au pluriel pour y avoir vu des femmes. Alors il
23 faudrait peut-être répartir la question par prison et dire : "Mais est-ce
24 que vous avez vu des femmes à l'Heliodrom, à Gabela ? Est-ce que vous en
25 avez vu à Dretelj, et à Ljubuski ?" Mais pas de procéder de la sorte parce
26 que le témoin dans la confusion il ne sait plus de quelle prison on est en
27 train de parler. Je crois que ce serait utile pour tout un chacun dans le
28 prétoire. Merci.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur -- essayez, Monsieur le
2 Procureur, de localiser ces femmes quand vous lui posez la question :
3 "Etait-ce à l'Heliodrom, à Dretelj, à Gabela; pour vous, où sont ces femmes
4 ?"
5 M. LAWS : [interprétation] Volontiers, Monsieur le Président.
6 Examinons la pièce P 06924 et je suis clair ici. Je parle de la question
7 des personnes qu'a vu ce témoin dans les camps. Je le précise avant que
8 nous n'abordions la question des conditions de détention. Je répète le
9 numéro P 06924.
10 Q. Ma question était celle-ci : vous saviez n'est-ce pas qu'il y avait des
11 femmes à cet endroit ?
12 M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer à huis clos parce que le document est
13 signé par le témoin.
14 Monsieur le Greffier, huis clos.
15 M. LAWS : [interprétation] En anglais --
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
17 partiel, Monsieur le Président.
18 [Audience à huis clos partiel]
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20 [Audience publique]
21 M. LAWS : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
22 Je rappelle le numéro 10877. C'est en fin de classeur, c'est un document
23 très long.
24 Q. C'est le compte rendu de l'audition, de votre audition dans le procès
25 Tuta-Stela, Naletilic-Martinovic.
26 R. Je n'ai pas ce document.
27 Q. Maintenant vous l'avez sous les yeux.
28 R. Non, je ne l'ai pas. Je ne l'ai pas en croate.
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1 Q. Vous n'avez pas reçu la traduction, mais je vais vous lire une partie
2 de ce compte rendu, tout le monde pourra suivre. Si je me trompe à un
3 moment donné, je suis sûr qu'on me corrigera. D'accord ?
4 Prenons la page 14 698, le numéro que vous trouvez dans le coin supérieur
5 droit. Vous voyez les pages qui sont numérotées ainsi je rappelle le numéro
6 de la page "14 698."
7 R. Mais j'ai le texte en anglais.
8 Q. Oui, mais si vous regardez le numéro de page, vous pourrez mieux vous y
9 retrouver. Je lis à partir de la ligne 17.
10 Une question, à ce moment-là, vous est posée par un autre substitut
11 du Procureur, dans l'affaire Tuta-Stela, qui concerne une partie de votre
12 rapport que nous avons déjà examiné en fait. Ça faisait partie de votre
13 rapport du 27 novembre, P 06924, je ne veux pas y revenir pour le moment.
14 Mais voilà la question qui vous était alors posée :
15 "Monsieur le Témoin, j'ai quelques questions supplémentaires sur ce
16 dernier paragraphe qui dit ceci : 'On a constaté que les détenus astreints
17 à des travaux forcés étaient ceux qui avaient un poids normal parce qu'ils
18 n'avaient plus de nourriture."
19 Puis on vous pose la question suivante :
20 "Est-ce que vous saviez que ces personnes on les faisait sortir pour
21 faire des travaux physiques, les travaux forcés manuels."
22 Est-ce que vous vous souvenez de la question qui vous était posée ?
23 R. Oui.
24 Q. Merci.
25 Etes-vous en mesure de confirmer, à l'intention des interprètes que vous
26 avez bien compris ma question ?
27 R. Oui, j'entends ce que l'interprète me raconte, et je vous suis.
28 Q. Merci. Je vais maintenant lire votre réponse à la question, ligne 23 :
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1 "Je n'ai jamais vu cela, j'ai entendu dire que certains étaient emmenés.
2 Personnellement, j'ai dit à mon collègue Bozic" - c'est bien Stanko Bozic,
3 n'est-ce pas? - "'Essais d'empêcher cela parce que c'est un crime de
4 guerre'."
5 Vous voyez la réponse que vous avez donnée dans le procès Tuta-Stela ?
6 R. Oui.
7 Q. "J'ai demandé où étaient ces gens, j'en ai rencontrés certains. Etait-
8 ce à cause de la peur ou pour d'autres raisons ? Ils m'ont dit ne pas avoir
9 dû y aller."
10 Puis vous avez ajouté ceci :
11 "Certains ont gardé le silence, ce qui m'a permis de comprendre que ces
12 personnes avaient bien été emmenées pour faire ce genre de travaux, je ne
13 sais pas ce que ces personnes ont fait comme travail, mais après j'ai
14 appris qu'ils avaient notamment creusé des tranchées."
15 Je m'arrête un instant. Est-ce qu'ici vous ne décrivez pas le fait que vous
16 avez entendu dire qu'on se servait de prisonniers qu'on astreignait à des
17 travaux forcés, et que de façon tout à fait justifiée, vous communiquiez
18 vos préoccupations au directeur de la prison, Stanko Bozic ?
19 R. J'ai ouï dire, je n'ai pas vu. Il y a une grande différence. Il est
20 certain que, du fait de savoir, vous pouvez constater que j'y suis allé. Je
21 n'étais pas un docteur d'opérette et de salon, j'étais un docteur qui est
22 allé sur les premières lignes de front et qui est allé voir les
23 prisonniers. Je suis allé interroger, les gens se taisaient. En ma qualité
24 d'être humain et de docteur, j'ai compris qu'ils se taisaient parce qu'à
25 leurs yeux, j'étais la partie adverse. Donc si quelqu'un se tait, ce que je
26 pouvais faire, c'était juste supposer, mais il suffisait de supposer pour
27 lancer ou initier quelque chose, mais avoir vu, non.
28 Q. Vous le dites clairement, vous n'avez jamais vu ce genre de choses,
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1 mais vous étiez à tel point préoccupé par la situation que vous avez parlé
2 au directeur, Stanko Bozic, et que vous lui avez dit que c'était un crime
3 de guerre et qu'il devait tout faire pour empêcher que cela ne se produise.
4 R. Effectivement.
5 Q. Vous connaissiez bien la question des crimes de guerre, n'avez-vous pas
6 dit hier, comme dans le procès Tuta-Stela, que vous aviez fait cours à la
7 police militaire sur les conventions de Genève, n'est-ce pas ?
8 R. Oui, en parlant des aspects de la protection médicale préventive. Nous
9 n'avons pas probablement été sur la même longueur d'ondes vous et moi,
10 Monsieur le Procureur. Je suis pour la protection médicale préventive et je
11 portais des livrets que j'avais pu trouver et je les ai distribués parce
12 qu'à mes yeux tout homme quel qu'il soit ne porte pas de préfixe, c'est
13 d'abord un homme qu'il soit malade ou en bonne santé. Tous les autres
14 préfixes et/ou alors on peut parler d'une distinction de différenciation
15 vous parlez les sexes, mais tout le reste vous pouvez absolument le
16 rejeter.
17 Q. Je comprends. Mais voyons ce que vous avez ensuite dit, dans le procès
18 Tuta-Stela, ligne 4 de cette même page :
19 "A ce moment-là, je n'avais pas de connaissances personnelles mais
20 maintenant je sais que j'ai dit au Dr Bagaric que ces gens si ces personnes
21 existaient et qu'on les forçait à faire des travaux qu'il fallait quelles
22 soient protégées car c'était en fait -- et ces personnes étaient le
23 résultat d'une méprise et ça c'est la pire forme de mauvais traitement et
24 de harcèlement. S'il faut faire quelque chose que vous ne voulez pas faire,
25 vraiment c'est la pire forme de harcèlement."
26 Quand, où avez-vous dit vos peurs à votre collègue, le Dr Bagaric, à savoir
27 qu'il y avait peut-être des cas de travaux forcés à l'Heliodrom ?
28 R. J'ai dit qu'il y en avait peut-être, c'est "could be" donc il y a une
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1 différence entre "il y a" et "il peut," il pourrait y avoir. Dans ma langue
2 c'est du moins le cas et c'est le cas, je pense, en anglais. Alors si vous
3 avez remarqué cela, j'ai inspecté les lignes de front et tout le monde, les
4 réfugiés, a compris. J'étais énormément sur le terrain. Mon premier contact
5 c'était de faire connaissance --
6 Q. Permettez-moi de vous interrompre, Monsieur, ne m'en voulez pas. Ma
7 question porte sur une conversation que vous avez eue avec le Dr Bagaric.
8 Je ne vous pose pas de questions à propos d'autres conversations et j'ai le
9 droit de vous poser cette question et d'espérer de votre part que vous
10 allez faire de votre mieux pour y répondre. Vous me suivez ?
11 R. Bien sûr que je vous suis.
12 Q. Dans ce procès, vous avez dit que vous saviez que vous aviez dit au Dr
13 Bagaric que ces personnes, si elles ont existé et si elles ont été forcées
14 à faire certains travaux, qu'elles devaient être protégées. Veuillez nous
15 dire, si vous le pouvez, quand avez-vous eu cette conversation, où vous
16 trouviez-vous, ou si vous avez d'autres détails, pourriez-vous nous les
17 fournir s'agissant de cette conversation avec le Dr Bagaric ? Vous me
18 suivez ?
19 R. Oui, oui, je vous suis.
20 Q. Dites-nous : ce que vous savez de cette conversation avec le Dr Bagaric
21 ?
22 R. En termes simples, ma première rencontre n'a pu avoir lieu qu'au niveau
23 du secteur chargé de la Santé, à notre poste de travail. J'ai dit et là
24 j'ai eu des suspicions, et si des doutes existent, j'ai dit qu'il fallait
25 que nous réagissions, nous, en passant par les institutions appropriées
26 pour que la chose soit surmontée. C'était ce que je lui ai dit à l'occasion
27 d'une première rencontre.
28 Q. Quand vous lui avez fait part de vos craintes, vous pensez que vous
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1 travaillez dans le secteur de la santé, votre lieu de travail habituel et
2 que vous avez parlé avec lui de la solution éventuelle au problème; est-ce
3 exact ?
4 R. Oui, pour surmonter celui-ci pour trouver une solution potentiellement
5 acceptable.
6 Q. Qu'est-ce qui a été fait par vous, par le Dr Bagaric ou par d'autres
7 personnes du secteur de la Santé dans le département de la Défense, pour
8 vraiment que se manifeste la vérité sur la question des travaux forcés ?
9 R. Vous ne vous en souvenez probablement pas, hier, à plusieurs reprises,
10 il a été dit : on a mis l'accent à plusieurs reprises hier sur le fait que
11 nous étions une instance consultative et de référence au niveau de
12 l'éducation, nous pouvons donc faire des rapports pour essayer de faire en
13 sorte que ce soit -- qu'il soit remédié à la chose. Vous avez -- si vous
14 avez bien suivi hier et aujourd'hui, vous avez pu relever que le nombre des
15 adresses vers lesquelles nous avons envoyées des rapports étaient plutôt
16 grands parce que nous dans notre département -- ou plutôt, le secteur
17 chargé de la Santé, nous ne pouvions pas surmonter le problème. Ça
18 dépassait nos possibilités. Mais ce que nous pouvions faire et c'était là
19 mon devoir et cela n'abolit en rien mes responsabilités c'était d'empêcher
20 l'apparition d'épidémie. J'estimais avoir beaucoup de responsabilité à cet
21 effet parce que, quand tu es surpeuplé, l'épidémie c'est une chose qui
22 arrive très facilement.
23 Q. Je pense que vous avez été très clair en matière d'épidémie, mais, moi,
24 je vous pose une question à propos des travaux forcés. J'aimerais que vous
25 me disiez s'il y a eu un rapport que vous auriez établi sur le sujet et
26 envoyé à quelqu'un ?
27 R. Rapport, alors d'abord je ne l'ai pas vu et je ne peux pas parler ou
28 écrire de ce que je n'ai pas vu. Je ne peux pas me placer en position de
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1 [imperceptible] mais je peux conseiller sur ce qu'il convient de faire. Si
2 vous avez suivi hier le nombre des adresses des destinataires avaient cru
3 et que c'est même allé jusqu'au président de la république. Puisque vous
4 êtes au Tribunal, vous devez probablement savoir qu'une personne qui a eu
5 la formation que j'ai eue n'avait pas le droit de s'adresser ni à M. Stojic
6 et encore moins à M. Boban. Or nous l'avons fait. Il fallait suivre la
7 chaîne de subordination, et moi, j'étais la cinquième ou le cinquième ou le
8 sixième maillon dans cette chaîne. Donc je suis passé outre certaines des
9 attributions qui étaient les miennes dans l'objectif de résoudre le
10 problème.
11 Q. Vous, est-ce que je vous résume bien en disant que vous pensez avoir
12 bien écrit à M. Stojic afin de lui dire que vous avez des craintes en
13 matière de travaux forcés à l'Heliodrom, ou est-ce que vous dites que vous
14 n'avez pas écrit à propos de ces craintes à M. Stojic ?
15 R. On en a -- enfin, on a écrit à tout le monde, on vous dit -- on a écrit
16 : penchez-vous sur ces rapports et vous verrez que ça a été envoyé à M.
17 Stojic, à l'état-major et même au président. Je répète une fois de plus -
18 et je vais le répéter autant de fois qu'il le faudra - les services de
19 Santé dans toutes les forces armées du monde, c'est une instance
20 consultative et professionnelle qui intervient dans les arrières et nous
21 avons pour mission d'assurer la sécurité en matière de santé. Donc il y a
22 la protection médicale préventive, puis les soins médicaux proprement dits
23 et l'approvisionnement en matériel de sang -- enfin, matériel médical. Ça
24 c'est valable pour toutes les armées du monde.
25 Q. Merci. Mais vous alliez dans une institution où il y avait des travaux
26 forcés où des détenus étaient soit blessés, soit tués, parce qu'ils étaient
27 forcés de faire ces travaux sur la ligne de front, n'est-ce pas ?
28 R. J'en ai entendu dire et jamais vu.
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1 Q. Mais vous aviez affaire à Stanko Bozic et vous dites que vous lui avez
2 parlé et qu'au cours de cette conversation, vous lui avez dit qu'il devrait
3 essayer d'empêcher ce genre de chose. Voyons ensemble, si vous le voulez
4 bien, ce que savait Stanko Bozic de la situation juste avant votre visite
5 en septembre, donc ce qu'il savait Stanko Bozic.
6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Laws,
7 j'aimerais poser une question qui revient à ce que le témoin disait il y a
8 quelques instants.
9 Vous avez dit, Monsieur le Témoin, que vous aviez envoyé ce rapport à tout
10 le monde. Nous parlons de quel rapport ici ? C'était à la page 54, du
11 compte rendu d'aujourd'hui, à partir de la ligne 6.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, dans tous les rapports dès
13 lors qu'il est question des prisons, vous pouvez remarquer que le nombre
14 des rapports est relativement important. Ça c'est le premier point.
15 Le deuxième point est le suivant : si vous tenez à le remarquer, vous
16 verrez que la méthodologie était la même dans le travail; en troisième
17 partie, vous voyez ce qui risque d'arriver, et en quatrième partie, vous
18 trouvez ce qu'il faut entreprendre. Si vous suivez de près ces rapports,
19 vous constaterez que le nombre des destinataires a augmenté peu à peu.
20 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Témoin, je
21 crois que vous faites une petite digression.
22 Vous parlez de soupçon, que vous aviez des soupçons qui vous faisaient
23 penser qu'on faisait sorti des détenus de centres de détention pour qu'ils
24 fassent des travaux forcés, on vous a demandé si vous aviez un rapport à ce
25 sujet. Vous dites avoir envoyé un rapport à tout le monde. Mais quel est le
26 rapport dans lequel sont relatés ces soupçons ? Le reste, je peux le --
27 moi-même.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous dis - je ne peux pas me rappeler
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1 exactement étant donné le nombre très important de rapports - mais
2 permettez-moi, Monsieur le Juge, d'ajouter quelques mots, il faut
3 absolument que je précise ce point.
4 La première fois que j'ai témoignage par vidéoconférence, je ne sais
5 absolument pas pourquoi j'ai été témoin. Je n'ai vu qu'une ou deux
6 personnes. Je n'étais absolument pas préparé, et je ne me souvenais pas de
7 grand-chose. Après cela, j'ai souffert d'hypertension et de problème de
8 peau, comme vous le voyez, sur mes mains. J'ai fait tout ce que j'ai pu
9 pour oublier tout cela, donc vraiment je ne me souviens pas. Ma préparation
10 était insuffisante. J'ai été emmené comme un agneau à l'abattoir, et encore
11 aujourd'hui, je ne sais pas pourquoi on m'a emmené là, ça non plus je ne
12 m'en souviens pas. Hier, Me Nozica m'a demandé quand j'ai été dans les
13 prisons; j'ai dit que je ne savais pas. Elle m'a dit que c'était au mois de
14 février; moi, j'ai dit : "Mais il faisait chaud." Donc en tant que médecin,
15 je constate que, comme le dit Freud, j'ai essayé d'oublier tout ça,
16 d'enfoncer tout cela en moi, de réprimer tout cela.
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,
18 mais ce n'était pas vraiment la question que j'avais posée.
19 Aujourd'hui, ici, vous avez déclaré que vous aviez un soupçon. Ce n'était
20 qu'un soupçon; vous n'aviez pas de preuve visuelle. Mais vous soupçonniez
21 qu'on faisait sortir des prisonniers pour qu'ils fassent des travaux
22 forcés.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si ça c'est bien passé, vous le
25 saviez, vous avez dit à M. Bozic que c'était un crime de guerre, et vous
26 avez fait part de ces soucis au Dr Bagaric.
27 Puis la question qui vous a été posée c'est celle-ci : "Qu'est-ce qui
28 s'est passé ? Est-ce que les autorités ont été informées de ces soupçons ?"
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1 Vous avez répondu que : "Vous aviez envoyé ce rapport à tout le
2 monde."
3 Peut-être avez-vous déjà fourni une réponse complète, à savoir que vous ne
4 vous souvenez plus du rapport dans lequel vous avez fait part de cela. Est-
5 ce que vous êtes certain qu'il y a eu un tel rapport dans lequel vous avez
6 dit que vous aviez "ces soupçons" ?
7 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète aux questions de M. le Juge Trechsel,
8 le témoin en cours de route a répondu : "Oui," au sujet des soupçons sans
9 que l'interprète puisse parler car le micro n'était pas libre.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. Vraiment
11 je ne me rappelle pas, mais, personnellement, en tant qu'ancien soldat, ça
12 c'est certain, c'est quelque chose que je sais. Si un supérieur m'adresse
13 la parole, ce qu'il dit, je le considère comme des ordres. Vous pouvez
14 comprendre cela d'une façon ou d'une autre.
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous avez répondu à ma question.
16 Veuillez poursuivre, Monsieur Laws. Désolé de vous avoir interrompu.
17 M. LAWS : [interprétation] De rien, Monsieur le Juge.
18 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais que nous examinions ensemble certains
19 documents qui nous montreront exactement ce que savait précédemment M.
20 Stanko Bozic, qui était votre interlocuteur. Voyons tout d'abord la pièce P
21 05324. Je vous le signale clairement pour vous aider. Je ne veux pas dire
22 que vous avez déjà vu ce document, mais il est de la main de quelqu'un que
23 vous connaissez, alors ce qui m'intéresse c'est de voir ce qu'il savait
24 lorsqu'il avait eu cette conversation avec vous.
25 Est-ce que vous voyez que c'est signé de la main de Stanko Bozic, nous
26 avons le fait que le 21 septembre 1993, la 3e Brigade a pris quatre détenus
27 qui devaient faire du travail, et le 22 septembre : "Nous avons été
28 informés oralement du fait qu'un détenu, Azim (fils d'Ibro) Karadjuz, a été
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1 tué à cause d'activités musulmanes."
2 Vous voyez ce texte ?
3 R. Oui, oui.
4 Q. Ceci c'est neuf jours avant votre visite à cette institution. Deux
5 documents plus loin, vous allez trouver la pièce P 05343, la date est celle
6 du 24 septembre, une fois de plus nous avons la signature de Stanko Bozic,
7 une fois de plus il s'agit du décès d'un détenu qui avait ou deux détenus
8 qui auraient été emmenés pour effectuer des travaux. Ils avaient été remis
9 à un officier de la police militaire chargé de leur sécurité, dont le nom
10 est mentionné. Nous sommes ici le 24 septembre, une semaine avant votre
11 visite effectuée le 30, et on informe du fait que les prisonniers ont
12 appris que ces deux personnes nommément citées avaient été tuées par des
13 actions des forces de défense musulmanes; vous voyez ?
14 R. Oui.
15 Q. Donc la personne avec laquelle vous avez abordé la question des travaux
16 forcés semble avoir été tout à fait au courant du fait qu'il y avait un
17 problème au sein de la prison et que les gens étaient emmenés et tués; est-
18 ce que vous êtes d'accord avec moi sur ce point ?
19 R. Je dois dire avant tout que c'est la première fois que je vois ce
20 rapport, et que je ne vois aucune corrélation entre moi et ce document, je
21 rejette toute corrélation, ça c'est le premier point, et je le fais avec
22 indignation, police militaire et tout le reste.
23 Puis deuxièmement, je n'ai pas entendu dire que des gens avaient été tués,
24 et il a été question du fait que M. Bozic n'avait parlé de travail forcé,
25 mais pas de personnes qui se sont faites tuées. Alors j'ai dit oui, pour
26 les doutes au sujet du travail forcé, mais je n'ai rien dit au sujet de
27 personnes qui se seraient faites tuées, car je n'avais absolument pas dans
28 ma situation la moindre possibilité de le vérifier un tel fait.
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1 Q. Je crois que j'ai été très clair. Lorsque j'ai posé ma question, j'ai
2 dit que vous n'aviez pas vu ce rapport. J'ai parlé du sens de ceci que
3 cette personne qui a évoqué la question des travaux forcés savait
4 exactement quelle était la situation, j'espère que ceci ne vous a pas
5 échappé, Monsieur.
6 La prison de l'Heliodrom fournissait des travailleurs qui faisaient des
7 travaux forcés en grands nombres, y compris le jour où vous étiez là, le 30
8 septembre.
9 Nous n'avons pas le temps de regarder la quantité importante de documents
10 dont nous disposons, mais si en regardant simplement la pièce P 05489, nous
11 voyons que, dans le document qui est daté du 30 septembre, l'un des jours
12 où vous êtes entré dans l'Heliodrom, 15 détenus ont reçu la permission de
13 quitter la prison pour faire des travaux; voyez-vous cela ?
14 R. Je le vois.
15 Q. Nous n'allons pas parcourir tous les documents. Ils figurent tous dans
16 la liasse des documents, je peux donner la cote de ces documents, mais je
17 crois que c'est une perte de temps. Ces documents commencent tous par "05."
18 Nous avons regardé le 489, nous pouvons regarder le 493, le 507, le 508, le
19 510, le 511, le 512 et le 514. Il s'agit là de documents qui traitent tous
20 des prisonniers de guerre ou des détenus qui quittaient l'Heliodrom, pour
21 accomplir des travaux forcés, le 30 septembre.
22 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président,
23 car dans le document, il n'est question nulle part de prisonniers qui
24 feraient du travail forcé. Il est toujours question de "détenus" dans les
25 documents que nous avons vu jusqu'à présent. C'est le mot "détenus" qui est
26 utilisé et pas "travailleurs forcés."
27 M. LAWS : [interprétation] Oui, "détenus," c'est exact.
28 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Il n'est pas question de
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1 prisonniers de guerre ou de prisonniers forcés, faisant du travail forcé.
2 Il est question de "détenus." Merci.
3 M. LAWS : [interprétation] J'accepte avec grâce cette correction.
4 Q. Les documents qui portent la date du 30 septembre, montrent que des
5 dizaines ou des douzaines ou de nombreux détenus ont quitté l'Heliodrom, et
6 c'est le même jour où vous êtes rendu vous-même à l'Heliodrom. Donc la
7 question que je souhaite vous poser, lorsque vous êtes rentré dans cet
8 établissement, étiez-vous au courant du fait que l'on faisait sortir
9 certaines personnes pour qu'elles accomplissent ces travaux forcés ?
10 R. Je dois dire avant tout que je n'ai aucun rapport avec la chaîne de
11 commandement du secteur de Mostar, donc aucun rapport avec les personnes
12 mentionnées ici, et vraiment je ne savais pas. Je ne vois pas vraiment,
13 tout ceci, ça me fait penser à une espèce de nébuleuse de me trouver ici et
14 d'être interrogé sur ces sujets.
15 Moi, je m'occupais d'un travail médical et je peux en parler. On me
16 demande si j'ai vu, je n'ai pas vu. Quand est-ce qu'ils auraient pu sortir
17 à 7 heures, et moi, je pourrai arriver à 9 heures. Ils pouvaient sortir à 5
18 heures, et moi, arrivé je ne sais trop quand. Comment est-ce que vous
19 pouvez établir un lien entre moi et ces personnes ? Excusez-moi, mais
20 vraiment ce sont des pressions exercées sur moi. Comment est-ce que, moi,
21 je peux avoir un lien avec ces personnes ? Je vous en prie. Ce monsieur, le
22 commandant du secteur, je ne le connais absolument pas, pas plus que M.
23 Kozluk, puisqu'on parle de lui. Là encore, on établit une corrélation avec
24 moi, mais je vous en prie.
25 Q. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, je crois dans le cadre de ces
26 débats, moi, je n'ai pas l'obligation de répondre à vos questions. Ce sont
27 les Juges de la Chambre qui en décideront.
28 Vous aviez un soupçon, et il se trouve que ce jour-là des dizaines de
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1 personnes étaient emmenées pour effectuer des travaux forcés, et la semaine
2 précédente, certaines des personnes qui avaient été emmenées pour effectuer
3 les travaux forcés ont été tuées. Donc je crois que la question est juste
4 puisque vous-même, vous vous rendiez dans cet établissement ?
5 L'INTERPRÈTE : Encore une fois le témoin a dit : "Oui," au sujet des
6 soupçons évoqués par le Procureur, et l'interprète n'avait pas le micro.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, absolument, ça je ne le savais pas. Ce
8 que Bozic m'a dit, j'ai dit à ce sujet ce qu'il convenait de faire. Si
9 j'avais vu quoi que ce soit, j'aurais fait des efforts encore plus
10 importants pour que les choses se fassent.
11 M. LAWS : [interprétation]
12 Q. Fort bien. Veuillez regardez avec moi le document P 05503, s'il vous
13 plaît. Votre rapport du 30 septembre, que nous avons déjà vu dans un autre
14 contexte. Voyez-vous en B/C/S, en bas de la première page qui comporte un
15 texte, on voit les chiffres 1, 2 et 3 ?
16 R. Oui.
17 Q. Si vous tournez la page en B/C/S, cela se trouve toujours sur la page 2
18 en anglais, au point 4 : "Transfert des personnes gravement malades et
19 grièvement blessées, à l'hôpital du HVO de Mostar."
20 Est-ce que vous voyez cela ?
21 R. Le numéro 4, oui.
22 L'INTERPRÈTE : L'hôpital de guerre : précision de l'interprète.
23 M. LAWS : [interprétation]
24 Q. Donc vous souhaitiez que les personnes malades et blessées de
25 l'Heliodrom soient transférées à un hôpital où ces personnes pouvaient
26 recevoir des soins appropriés, n'est-ce pas ?
27 R. Non, vous avez mal interprété. Les blessés graves, des blessés graves
28 ou des malades graves, il n'y en avait pas. S'agissant de l'Heliodrom,
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1 voyez au point 3, créer un dispensaire. C'est un centre de soins médicaux
2 généraux qui a une qualité supérieure à ce qui existait. Mais s'agissant
3 des traitements qui doivent être dispensés dans des hôpitaux, donc
4 traitements secondaires et tertiaires, il y avait une commission composée
5 des personnes susmentionnés, la commission sanitaire, que nous n'avons pas
6 rencontré. Moi, en tout cas, je ne l'ai pas rencontré. C'est la raison pour
7 laquelle nous avons défendu l'idée de créer un dispensaire. L'idée c'était
8 que si quelqu'un était gravement malade, il fallait qu'il soit transféré à
9 l'hôpital.
10 Q. D'accord, je vais essayer de vous aider, dans la mesure du possible.
11 Vous évoquez la situation dans laquelle se trouvaient certaines personnes
12 qui devaient recevoir des soins à l'hôpital.
13 R. Oui.
14 Q. Je souhaite maintenant aborder avec vous une lettre qui a été rédigée
15 la veille de votre visite, lettre rédigée par Stanko Bozic que vous avez
16 vue le 30 septembre. Je souhaite voir pourquoi il eut été nécessaire de
17 faire sortir ces personnes, et de les emmener à l'hôpital. Si vous vous
18 reportez à la pièce P 05465 de votre classeur, je peux vous aider en vous
19 disant avant vous, j'espère que ceci n'est pas un document que vous avez
20 déjà vu, c'est un document qui ne vous est pas adressé. Personne ne suggère
21 l'idée que vous en connaissez le contenu. Mais ce document émane de Stanko
22 Bozic, il est envoyé aux brigadiers, le Dr Ivan Bagaric, qui d'après vous
23 est la personne avec laquelle vous avez eu cette conversation sur les
24 travaux forcés, cette lettre se lit comme suit :
25 "Je vous envoie ceci cette lettre pour vous informer des difficultés, des
26 problèmes, que nous avons rencontrés par rapport au traitement des
27 personnes qui sont grièvement blessées, et par rapport aux détenus qui sont
28 malades, qui ne sont pas hébergés comme il faut et qui manquent de matériel
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1 médical et de médicaments. Je souhaite que ces personnes malades puissent
2 être traitées à l'hôpital."
3 La lettre se poursuit :
4 "La Croix-Rouge, le comité international de la Croix-Rouge doit venir
5 rendre visite à l'Heliodrom, c'est une des raisons supplémentaires qui
6 nécessite ce transfert. Il ne serait pas approprié qu'il voit la façon dont
7 sont hébergés les prisonniers et comment les prisonniers sont traités
8 puisque ceci donnerait une impression défavorable à l'Heliodrom. Ceci
9 serait au détriment du HVO et du peuple croate de façon générale."
10 Donc ceci a été rédigé la veille de votre rapport. On voit ici :
11 "Transfert des personnes grièvement malades et des blessés en direction de
12 l'hôpital;" voyez-vous cela ?
13 R. Je le vois.
14 Q. Sans nul doute lorsque vous avez rencontré Stanko Bozic, le 30
15 septembre, il vous a clairement fait comprendre qu'il y avait des personnes
16 qui étaient trop malades pour rester à l'Heliodrom, et donc qu'il fallait
17 les faire sortir avant la visite de la Croix-Rouge, n'est-ce pas ?
18 R. Vous voulez que je vous réponde ?
19 Q. S'il vous plaît.
20 R. Monsieur le Procureur, le 14 août, j'en ai un très bon souvenir. Je
21 pouvais le vérifier : M. Bagaric a envoyé des consignes indiquant
22 clairement qui devait faire quoi, entre autres, la 3e Brigade -- ou plutôt,
23 le service sanitaire de la 3e Brigade et M. [imperceptible], tous les
24 malades graves, donc des malades qui avaient besoin de soins médicaux
25 spécialisés, devaient être transférés à l'hôpital, et ce, à bord de
26 véhicules motorisés et de la brigade, donc des ambulances et si besoin
27 également des ambulances de l'hôpital de guerre. Cette consigne a été
28 donnée, si je ne me trompe, à peu près un mois et demi avant. Donc vous
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1 avez trouvé cette consigne ?
2 Q. Oui, bon, je vais vous interrompre, si vous me le permettez, avant de
3 rentrer dans les détails de la 3e Brigade, entre les détails et les
4 ambulances.
5 Je crois que vous conviendrez avec moi qu'il y avait des personnes
6 qui se trouvaient à l'Heliodrom, qui avaient vraiment besoin de l'aide à
7 l'hôpital et qui n'avaient pas été emmenées à l'hôpital, n'ont pas été
8 emmenées à l'hôpital le 30 septembre mais qu'il fallait agir, qu'il fallait
9 faire quelque chose. Je crois qu'on peut se mettre d'accord là-dessus,
10 n'est-ce pas ?
11 R. Ça oui, ça oui.
12 Q. Si nous regardons simplement votre rapport, nous partons un petit un
13 peu en arrière, nous regardons votre rapport numéro 5503, qui précise qu'il
14 devait y avoir un transfert des personnes grièvement blessées, des
15 personnes malades, à la page 3 de ce document, et à la page 2 en B/C/S,
16 nous voyons que les personnes auxquelles on envoie des copies de ce rapport
17 comprennent Mate Boban; Bruno Stojic, personnellement; cela est indiqué,
18 personnel, Zarko Tole, votre supérieur hiérarchique; le Dr Ivan Bagaric; et
19 la personne en charge de l'échange des prisonniers, M. Brko Pusic; voyez-
20 vous cela ?
21 R. Oui, je le vois, oui.
22 Q. Merci. Au point 7 de ce même rapport, un peu plus haut sur la même page
23 en B/C/S et tout en haut de la page en anglais, on peut lire ceci : vous
24 souhaitez être informé -- vous souhaitez que les services de Santé du
25 département de la Défense soient informés sur les mesures sus mentionnées,
26 prises à midi, le 1er octobre. Vous donnez même un numéro de télécopie pour
27 qu'ils puissent le communiquer et voir s'ils se sont conformés à vos
28 instructions; est-ce que vous me suivez ?
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1 R. Oui, dans l'en-tête, il est écrit : service de Santé, et cetera, enfin.
2 Monsieur le Procureur, moi, le document que j'ai sous les yeux c'est le
3 document P 05503, j'espère que vous avez le même. Au point 5, nous lisons
4 que la commission dit, je cite : "… organiser le nettoyage des environs et
5 de l'intérieur du centre."
6 Alors, je vous en prie, est-ce que M. Bagaric aurait pu réagir en disant ça
7 ou Bruno Stojic --
8 Q. -- vous interrompre, je vais demander de l'aide pour ce faire. Je ne
9 vous ai absolument pas posé de question sur les personnes qui nettoyaient
10 quoi que ce soit. Je n'ai rien dit à propos du périmètre de l'hôpital. Je
11 parle uniquement des personnes malades qui avaient besoin d'aller à
12 l'hôpital, et cela, vous le savez fort bien. Si vous me le permettez, sauf
13 votre respect, je vous demande de bien vouloir vous en tenir à la question
14 posée. Je vais vous demander maintenant de vous reporter à une page de
15 votre rapport, la pièce P 06924.
16 R. 06, combien ?
17 Q. 06924, au moi de septembre, les gens avaient besoin d'aller à
18 l'hôpital. Je souhaite voir quelle était la situation au mois de novembre
19 et si les choses étaient améliorées. Nous avons regardé ce document dans un
20 contexte quelque peu différent, un petit peu différent ce matin, et nous
21 avons précisé que la liste des personnes qui s'y trouvaient en bas de la
22 page lorsque M. le Juge Antonetti vous a posé des questions, qu'il
23 s'agissait là de personnes qui ont tous été détenus, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Il y a une longue liste de personnes qui n'ont pas lieu d'être dans une
26 prison, n'est-ce pas ?
27 R. En effet.
28 Q. 18 personnes souffrant de maladie mentale, des personnes qui ont eu des
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1 arrêts cardiaques, des personnes souffrant d'une insuffisance musculaire.
2 L'ostéomyélite, qui je crois est une maladie des os. 55 personnes qui
3 récupéraient de leurs blessures dans un cadre qui ne correspondait pas,
4 absolument pas au traitement dont ils avaient besoin. Telle était la
5 situation, n'est-ce pas ?
6 R. Monsieur le Procureur, si vous regardez ce qui est écrit plus bas, il
7 est écrit que cette liste a été dressée par des médecins qui travaillaient
8 là, donc très concrètement des Musulmans. Puis regardez la liste où il y a
9 d'autres problèmes médicaux, correction de la vue, qui est-ce qui n'a pas
10 des problèmes de vue ? Donc, non, non, non, on est loin de ce que vous
11 dites. J'ai accepté cette liste, et cette liste a suivi son chemin de façon
12 à ce qu'on puisse apporter de l'aide.
13 Maintenant si vous voulez bien chercher, essayez de trouver la liste
14 correspondant au mois de février 1994, et vous verrez quelle a été la
15 situation, combien elle s'est améliorée. Tout ce que les gens disaient
16 était consigné par écrit. Regardez ce qui est écrit. Même les gens qui
17 disaient souffrir de telle ou telle chose qui n'était pas une vraie
18 maladie, c'était consigné par écrit. La surdité, par exemple, ce n'est pas
19 une maladie ou un problème d'audition. Moi, quand j'entendais quelque
20 chose, j'avais tendance à l'exagérer de façon à amener plus vite à une
21 réaction.
22 Q. Vous avez dit cela déjà, merci. Mais la véritable situation était comme
23 suit, bien que vous ayez bien évalué la situation au mois de septembre,
24 vous avez demandé que des mesures urgentes soient prises quelle que soit la
25 raison au mois de novembre, les personnes qui se trouvaient dans cette
26 condition-là, qui se trouvaient à l'hôpital, étaient toujours à
27 l'Heliodrom; et la situation est aussi simple que cela, n'est-ce pas ?
28 R. Oui.
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1 Q. Je crois qu'encore une fois nous ne sommes pas en désaccord,
2 véritablement sur ce point.
3 Je vais maintenant vous demander de regarder quelque chose en même temps
4 que moi qui figure dans votre rapport, 05503, c'est votre rapport sur
5 l'Heliodrom qui porte sur le mois de septembre, 05503.
6 R. Le rapport de la commission. Ce n'est pas un rapport écrit par moi.
7 Q. Vous êtes membre d'une commission composée de trois personnes, c'est
8 cela que vous voulez nous dire ?
9 R. Oui, oui, oui, oui.
10 Q. Pourriez-vous nous aider, s'il vous plaît, en ceci, en haut du
11 document, nous avons une liste de caractéristiques qui ont été mises en
12 place par l'inspection, donc premièrement : "Lorsqu'on entre dans le
13 centre, personne n'a vérifié nos papiers par des personnes compétentes pour
14 le faire."
15 Voyez-vous cela ?
16 R. Je le vois, je le vois.
17 Q. Au point 2 : "Le nombre d'hommes qui assuraient la sécurité du centre
18 n'est pas approprié."
19 Voyez-vous cela ?
20 R. Je le vois.
21 Q. Les environs du centre sont négligés, mal entretenus, voyez-vous cela ?
22 R. Oui, je le vois, oui, oui.
23 Q. Je vous demandais vous, en tant que médecin et vous nous avez dit hier,
24 que vous ne préoccupiez que du bien-être des détenus. Pourquoi la sécurité
25 est-elle quelque chose maintenant qui surgit dans votre rapport ?
26 R. Normal, c'est en raison de sécurité de ces gens. Moi, je pense que
27 c'était une question de sécurité parce qu'il y avait bon nombre
28 d'extrémistes. Il y avait beaucoup de gens qui pour X ou Y raison, ayant
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1 perdu l'un des siens, ayant été capturé et gardé en prison, et on avait
2 peur. Donc si on pouvait accéder de façon imprudente comme ça, à
3 l'improviste, tout le monde pouvait entrer pour commettre quelque chose de
4 mauvais, même introduire des moyens de combat biologique. Alors dans les
5 prisons, il faut qu'il y ait des mesures de sécurité, et là, de façon
6 évidente, il n'y avait de mesures de sécurité. On ne peut pas comparer, il
7 faut qu'il y ait des mesures de sécurité, et encore plus en condition de
8 guerre. Je crois que c'était une grande erreur parce que si c'était une
9 vraie armée, le commandant de la 3e Brigade aurait dû être sanctionné pour
10 cela.
11 Q. Qu'est-ce qui faisait du tort aux personnes, à la santé et au bien-être
12 des personnes qui se trouvaient à l'Heliodrom, le fait qu'ils étaient
13 derrière les barreaux, c'est cela la vérité, non pas parce qu'ils avaient
14 besoin davantage de gardiens ?
15 R. Non, c'est en partie vrai. Ils ont été détenus pour raison X, Y et les
16 gardiens étaient censés, ce que Lénine a dit un jour, afin que les
17 imbéciles de nos propres rangs ne viennent faire quelque chose de mal.
18 Q. Très bien. Je souhaite vous poser des questions à propos de Dretelj,
19 une prison dans laquelle vous vous êtes rendu au mois d'août de l'année
20 1993 pendant ces trois jours d'après votre rapport. Je souhaite préciser
21 les dates avec vous le 17 août, le 18 août et le 26 août; ces trois jours-
22 là, vous vous êtes rendu à Dretelj, n'est-ce pas ?
23 R. Je ne sais pas si vous l'avez un rapport à me présenter. Ça s'est passé
24 il y a 15 ans, n'est-ce pas ?
25 Q. Bien sûr. La pièce 2D 00278 et vous trouverez là les jours que je viens
26 d'énumérer. Il s'agit des jours au cours desquels vous vous êtes rendu dans
27 la prison de Dretelj, c'est le terme que vous privilégiez.
28 R. Je vous remercie.
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1 Q. Je vous en prie. Je souhaite vous montrer quelques images, quelques
2 photographies qui ont été prises le 18 [comme interprété] août ou aux
3 environs de cette date de 1993. Il s'agit de photographies de personnes qui
4 ont été libérées de Dretelj vers le 28 août 1993. Il s'agit d'une pièce à
5 conviction dans cette affaire, le numéro 04588; je crois que ces
6 photographies ont été téléchargées dans le système électronique du
7 prétoire.
8 Je souhaite que vous les regardiez, s'il vous plaît. Il s'agit là de
9 la première photographie. Veuillez passer à la seconde, s'il vous plaît; la
10 troisième, s'il vous plaît; la quatrième; la cinquième; la sixième; la
11 septième, s'il vous plaît; la huitième; la neuvième; la dixième. Nous
12 n'avons pas le temps d'aborder les 93 photographies.
13 Vous étiez dans ce camp de Dretelj, d'où venaient certains de ces
14 hommes, plusieurs jours avant la prise de ces photographies. Avez-vous vu
15 ces personnes qui souffraient de la sorte ?
16 R. Moi, je n'ai pas vu mais j'ai vu que le 096 c'est mon premier voisin.
17 Moi je ne l'ai certainement pas vu, mais c'est terrible, c'est terrible,
18 c'est atroce. J'ai vu des photos de gens arrivant de la rive gauche, mais
19 ça ne justifie personne. Les autres parties, ça ne m'intéresse pas. C'est
20 moi -- c'est moi qui suis concerné -- c'est ça, c'est notre problème à
21 nous. Le 7097 c'est un voisin à moi que je fréquente de nos jours encore.
22 Alors voyez-vous, Monsieur le Procureur, alors je condamne absolument cela.
23 Je condamne absolument.
24 D'autre part --
25 Q. Je vais vous interrompre et je veux préciser. Ce monsieur que nous
26 avons encore à l'écran se termine au "96" il s'agit d'un de vos voisins ?
27 R. [aucune interprétation]
28 Q. Comment pourriez-vous décrire sa condition physique tout à fait
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1 misérable, n'est-ce pas ?
2 R. [aucune interprétation]
3 Q. Vous, Monsieur, vous avez dit --
4 L'INTERPRÈTE : Kahexija a dit le témoin.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] "Kahexija," qu'est-ce que c'est ?
6 M. LAWS : [interprétation]
7 Q. Dans la traduction, j'entends le même terme que celui que vous
8 prononcez donc il y a peut-être un problème.
9 R. [aucune interprétation]
10 Q. Un être misérable donc ce qui est arrivé à Dretelj et bien c'est
11 quelque chose dont vous aviez honte, n'est-ce pas ?
12 R. Bien sûr. Tout homme normal aurait honte mais alors "kahexija," je vais
13 vous expliquer. C'est un terme médical parce que moi je ne connais pas vos
14 termes juridiques. C'est une maigreur extrême, ça fait penser au Biafra, ce
15 sont des gens qui n'ont pas de protéines qui sont très sujets à des
16 maladies infectieuses et ils sont très sujets aussi à des issues fatales.
17 Je vous le dis, une fois de plus, ces gens-là, moi, je ne les ai pas vus.
18 Q. Oui, je vous comprends maintenant. Vous étiez dans le camp la semaine
19 précédente. Nous allons regarder votre rapport que vient d'être affiché.
20 La pièce 2D 00278.
21 Vous êtes là et vous dites que vous vous assurez que la nourriture est
22 préparée correctement, que tout est propre, qu'il y a suffisamment de
23 chlore dans l'eau, que les ambulances sont suffisamment médicalisées et que
24 les personnes qui ont besoin de soins d'urgence reçoivent ces soins
25 d'urgence. Rien n'est évoqué au sujet du fait que les gens meurent de faim
26 à Dretelj, n'est-ce pas ?
27 R. [aucune interprétation]
28 Q. [aucune interprétation]
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1 R. Je ne les ai pas vus ceux-là. Ce que je n'ai pas vu pour moi ça
2 n'existe pas. Ce que j'ai vu, je le consigne. Je peux penser avoir des
3 doutes mais, Monsieur le Procureur, regarder à qui ceci a été communiqué au
4 bureau du président de la HZ HB. Est-ce que, dans une armée normale - et je
5 dis bien dans une armée normale - quelqu'un qui a 15 maillons en dessous
6 peut-il s'adresser au président ? Non. Il s'agit d'une armée qui n'est pas
7 encore mise sur pied.
8 Q. -- s'il vous plaît, ne parlez pas de cela encore une fois. Ceci a été
9 consigné au compte rendu, nous n'avons plus que quelques minutes et je
10 souhaite encore vous poser quelques questions si vous voulez bien.
11 Les conditions à Dretelj --
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Les photos je les avais en mémoire parce qu'on les a
13 déjà vues avec d'autres témoins. Vous êtes médecin, vous avez vu l'état
14 dans lequel ils étaient. Or le problème est le suivant : le 28 août vous
15 faites un rapport, vous dites qu'après avoir conduit donc une enquête le
16 17, 18, et 26 août, vous proposez toute une série de mesures. Mais l'état
17 de ces personnes était tel que ça aurait dû normalement appeler une
18 référence explicite à leur état de maigreur au danger dans lequel ils y
19 étaient. Or dans ce document, il n'y a rien d'indiquer.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, ces gens-là, moi, je ne les
21 avais pas vus. Je suis allé là-bas où le commandant du site en question et
22 s'il s'agit de Dretelj, Dretelj, et si c'est Gabela, Gabela, ou si encore
23 c'est l'Heliodrom, c'est là qu'on m'emmenait. Moi, ceux-là, je ne les ai
24 pas vus, et je dis de façon terrible que c'est une chose effroyable à voir.
25 C'est effroyable, je le condamne, indépendamment du fait qu'ils se soient
26 trouvés à Dretelj ou ailleurs. C'est une chose à condamner et ces gens-là
27 ont besoin d'une assistance médicale urgente.
28 L'INTERPRÈTE : Hors micro, Monsieur le Président. Hors micro, Monsieur le
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1 Président.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je voudrais qu'on regarde la deuxième photo.
3 Voilà.
4 Docteur, comme vous voyez quelqu'un comme celui-là médicalement, qu'est-ce
5 que vous en tirez comme conclusion ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est effroyable. Ces gens sont à la limite du
7 désespoir physique et psychique qu'on ne voit pas, et je crois que c'est
8 plus marqué encore sur le plan psychique où ils sont dans un état de
9 cataclysme parce que psychiquement c'est encore pire qu'au niveau physique.
10 C'est dégoûtant. Comment voulez-vous que je vous dise autrement ? Ces gens
11 doivent être casés dans un hôpital et tout de suite les exposer à une
12 thérapie intense. Il faut les sauver, ils peuvent succomber à toute chose,
13 toute sorte de chose.
14 Nous avons tous sans cesse dit : "Qu'il fallait améliorer la nourriture et
15 tout le reste," alors si je ne le disais pas moi je serais un criminel.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, lui, par exemple, vous ne l'avez pas vu dans
17 cet état ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, mais jamais. Je suis allé là
19 où on m'a emmené, et là, où on m'a emmené il n'y avait pas de ça, et moi,
20 ce que j'ai vu, je l'ai consigné. Je vous signale une fois de plus que tous
21 mes rapports précisent, où, quand, comment, et on dit comment ça s'est
22 passé, et j'ai dit quels étaient les dangers et j'ai dit que, moi aussi,
23 j'ai estimé qu'il y avait des extrémistes qui étaient un danger. Moi aussi,
24 j'ai fait l'objet d'une surveillance de la part du SIS parce que j'étais
25 ex-militaire. Ça c'est terrible. On ne peut voir cela qu'en Afrique, où des
26 monstres et --
27 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas compris ce que le témoin a dit en
28 dernière phrase.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] En fait, je prends du temps, qui ne
3 vous sera pas retiré.
4 Monsieur le Témoin, j'espère que vous pourrez nous expliquer quelque chose
5 parce que je vois que, pendant trois jours, les 17, 18, et 26 août, vous
6 dites avoir mené une enquête. J'ai du mal à imaginer que vous ayez pu faire
7 cette enquête mais vous avez eu des contacts avec les prévenus, c'est ce
8 que vous nous avez dit à plusieurs reprises, ces mêmes personnes avec
9 lesquelles vous étiez. Alors comment expliquez-vous que vous n'avez pas vu
10 ces nombreuses personnes que nous avons vues sur ces photographies ? Vous
11 dites que vous avez été -- vous êtes allé là où on vous a emmené. Est-ce
12 que cela signifie que ce sont les directeurs de la prison qui décidaient de
13 l'endroit où vous deviez aller et de ce que vous voyez ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Essentiel, oui. Je précise que - et je vous
15 rappelle hier on a parlé de Gabela - je suis entré dans le hangar parmi les
16 gens, j'ai refermé la porte, et je me suis efforcé d'en apprendre le plus
17 possible. Mais je vous dis, Monsieur le Juge, Monsieur Trechsel, que grâce
18 à cette façon persistante d'écrire, j'ai réussi à créer des soins
19 stationnaires et une infirmerie. Ces gens-là, je ne les ai pas vus si on --
20 je n'ai pas pu les voir si on ne l'avait pas montrés.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Nous n'allons pas nous écourter du
22 sujet. Je suis sûr que vous savez que si vous voulez visiter une prison, à
23 proprement parler, vous devez savoir à l'avance ce que vous voulez voir et
24 qui vous voulez rencontrer. Il semblerait que vous n'ayez pas une grande
25 marge de manœuvre, et que vous aviez peur, à ce moment-là. Je vous le dis,
26 de façon un petit peu cru, mais vous aviez peur de découvrir une vérité
27 désagréable parce que vous pensiez avoir le SIS, de service de
28 Renseignements, dans le dos et vous pensiez que ceci pourrait avoir des
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1 conséquences difficiles pour vous, et donc vous ne souhaitiez pas faire le
2 rapport d'une vérité désagréable; est-ce que je vous ai mal compris ?
3 Mme NOZICA : [interprétation] Je dois faire objection, Monsieur le
4 Président, pour ce qui est de cette façon de poser la question parce que
5 ceci constitue une construction qui, à mon avis, est inadmissible. Je fais
6 objection donc à ce type de question parce que j'estime qu'indépendamment
7 de tout ce que le témoin nous a raconté, il a été tout à fait clair et il a
8 tout à fait clairement dit pourquoi il a fait l'objet de surveillance du
9 SIS parce qu'il avait été membre de la JNA. Il n'a pas fait l'objet
10 d'enquête ou de surveillance parce qu'il faisait son travail, et je crois
11 que faire ce type de construction en posant la question de la sorte est, à
12 mon avis, une chose inadmissible.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président --
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Dans l'intervalle, Maître Nozica, je
15 vous demande de vous reporter à la page 72, lignes 19 à 24, ou à 23, car ça
16 c'est le fondement même de ma question. Le témoin a dit : "Je connais tous
17 mes rapports, j'ai été suivi par le SIS parce que j'étais un ancien
18 soldat."
19 Oui, Maître Nozica, Maître Karnavas, quelqu'un d'autre.
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, écoutez, j'ai
21 entendu ce monsieur dire qu'il pensait être suivi par le SIS; néanmoins, la
22 façon dont vous avez présenté les choses d'après votre compréhension de ses
23 propos.
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, j'ai émis une hypothèse. Je
25 n'ai pas dit que je croyais qu'il avait dit quelque chose. J'essaie de
26 comprendre, Maître Karnavas.
27 M. KARNAVAS : [interprétation] En tout cas, dans sa déposition, moi, je
28 n'ai pas compris qu'il souhaitait être aveugle par rapport à ce qui s'était
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1 passé. Ce qui semble être votre hypothèse. Ce monsieur est tout à fait
2 disposé à répondre, et je crois qu'il faut lui permettre de répondre, mais
3 je ne veux pas, en tout cas, si c'est comme que vous avez compris ses
4 propos, je ne suis pas d'accord avec vous, en revanche, s'il s'agit d'une
5 hypothèse, à ce moment-là, vous avez le droit de présenter une hypothèse au
6 témoin.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est exactement cela, c'est une
8 hypothèse et ce n'est rien d'autre. J'essaie simplement de comprendre. Moi,
9 j'ai personnellement visité des prisons et un bon nombre de prisons.
10 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]
11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je sais ce que l'on fait, et le
12 témoin n'a pas fait cela, semble-t-il, et donc je souhaite qu'il nous
13 explique cela.
14 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous ai
16 bouleversé, vous et Me Nozica. Je n'avais pas l'intention de le faire --
17 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- attendez, Maître Nozica. Je ne suis
18 pas d'accord avec ce que vous avez dit tout à l'heure, pour la raison
19 suivante : les Juges ce sont comme des médecins, on essaie de trouver la
20 vérité, et parfois on tâtonne. Comme quand un médecin a quelqu'un qui
21 tousse, il peut penser que c'est une simple grippe, mais il peut peut-être
22 penser que c'est une tuberculose, voire un tumeur du poumon, voire une
23 infection, et cetera. Donc le médecin doit poser des questions pour essayer
24 de déterminer exactement de quoi souffre le malade. Les Juges c'est pareil.
25 Ils procèdent également par des suppositions, par des hypothèses pour
26 savoir quelle est la vérité.
27 Donc on a quelqu'un qui a vu ou qui n'a pas vu des prisonniers, et on
28 essaie de comprendre pourquoi il n'a pas vu de prisonnier. Donc il y a une
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1 hypothèse qui est émise, peut-être n'a-t-il pas vu des prisonniers parce
2 qu'allez trop loin ça aurait pu l'exposer. Donc voilà quelque chose qu'un
3 Juge compétent doit se poser.
4 Donc votre objection pour moi est dénuée d'un fond de réalité parce qu'il
5 est intéressant de savoir pourquoi le témoin n'a pas essayé de visiter des
6 prisonniers, mais il nous dit : "Je les ai visités," donc les Juges se
7 disent : "Mais s'il a visité, comment se fait-il qu'il s'est pas rendu
8 compte qu'il y en a un qui était dans cet état de maigreur ?" Donc on
9 essaie de comprendre, et c'est dans l'intérêt de votre client qu'on essaie
10 de comprendre. Il n'y a rien de plus terrible que des Juges qui ne posent
11 pas de questions.
12 Voilà ce que je voulais vous dire, Maître Nozica.
13 Alors, Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez répondre à
14 l'interrogation de mon collègue ? Puis je partage entièrement à 100 %.
15 Mme NOZICA : [aucune interprétation]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Laissez le répondre et vous direz après. Laissez
17 répondre votre témoin.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge Antonetti,
19 pour l'explication que vous venez d'apporter.
20 Alors je vois d'abord que vous êtes entré profondément dans la
21 problématique et que vous avez lu bien des textes. J'ai tant de fois rédigé
22 des textes déplaisants. Si j'avais eu peur, je n'aurais pas rédigé cela.
23 Tous mes rapports pour l'essentiel ont une connotation négative en soi et
24 ça ne va pas être rédigé par quelqu'un qui aurait peur. Je sais que j'étais
25 surveillé par le SIS, on me l'a dit, mais j'ai écrit de par ma conscience.
26 Je suis un médecin, et alors je faisais mon travail par conviction. D'un.
27 De deux, je savais que si j'avais -- je devais demander telle et telle
28 chose, mais je ne connaissais pas les sites. Je suis allé à bien des
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1 endroits. C'est eux qui m'emmenaient, et moi je voulais d'abord voir
2 physiquement, comme vous le dites. Il est exact que le docteur doit poser
3 des questions, c'est une anamnèse qu'on fait. Moi, ce que j'ai vu et je
4 vous dis j'en ai vu de toutes sortes, mais je vous dis concrètement qu'il y
5 a eu des rapports où je me suis employé où l'on a créé une cuisine à
6 Dretelj où les prisonniers travaillaient, c'est un mérite que je m'attribue
7 à moi, et en fin de compte les détenus m'ont été reconnaissants.
8 Si besoin est, je vais le répéter un million de fois, Monsieur le Juge, moi
9 ces gens-là je ne les ai pas vus, je suis horrifié par ces photos. S'il y a
10 une erreur de ma part, bien, je l'accepte mais, moi, ces gens, je ne les ai
11 pas vus.
12 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, je n'avais eu aucun
13 problème pour ce qui est de la façon dont vous avez posé cette question. Je
14 maintiens mon objection. J'estime que l'on ne peut, et c'est là mon
15 objection. Je ne pense pas que le Juge puisse énoncer des hypothèses de ce
16 type qui incluraient directrices parce que, si vous aviez demandé : "Aviez-
17 vous peur de quelqu'un et avez-vous rédigé tout ce que vous avez vu," là ça
18 aurait été bien. Mais j'estime que la question telle que posée par M. le
19 Juge Trechsel était une question directrice, suggestive avec des
20 constructions de toutes sortes qui laisseraient entendre que le témoin n'a
21 pas fait son travail parce qu'il avait peur de quelqu'un. Ça j'estime que
22 ce n'est pas une question admissible notamment pas pour ce qui est de la
23 façon dont vous avez interprété et la façon dont M. Antonetti a interprété
24 la chose est tout à fait acceptable et je crois que le témoin y a répondu à
25 part entière.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Très bien.
27 Alors, Monsieur le Témoin, vous nous avez expliqué que vous ne les avez pas
28 vus. Bon. Très bien.
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1 Monsieur le Procureur.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
3 M. LAWS : [interprétation] Puis-je terminer, s'il vous plaît ?
4 Q. A la manière dont nous avons commence, Monsieur, vous avez dit que vous
5 avez vécu quelque chose de fort désagréable lorsque vous vous êtes rendu
6 dans l'Heliodrom, et est-ce que la même chose vous pour les visites que
7 vous avez effectuées à Gabela, à Dretelj, et dans les autres camps de
8 détention ou "prisons," que vous préférez qui étaient gérés par le HVO ?
9 R. Alors, pour moi, c'était une expérience traumatisante lorsque j'ai
10 trouvé dans ce camp des gens qui étaient des enfants avec des bébés qui
11 étaient encore allaités, tout ça c'est traumatisant. Alors nous qui sommes
12 des médecins, qui avons connu la guerre et qui avons connu ce syndrome
13 post-traumatique de ce fait-là, donc ces expériences négatives ne sont pas
14 liées seulement à leur existence de prisons ou de camps mais c'est aussi
15 lié aux endroits où arrivaient les réfugiés. C'était terrible. Ils étaient
16 pieds nus, en vêtements déchirés avec des enfants qui portaient les pieds
17 saignant. J'ai connu ça à Kupres.
18 Q. Si quelqu'un vous posait une question à propos de Kupres, libre à cette
19 personne de le faire. Mais moi je vous pose une question à propos des camps
20 et je pense que nous sommes d'accord vous et moi. Ce que vous avez vu dans
21 ces prisons du HVO vous hantent, n'est-ce pas ?
22 R. Oui, mais il faut que l'on élargisse, j'ai été horrifié par d'autre
23 chose. Nous ne pouvons pas être sélectif, nous ne pouvons pas poser des
24 questions sélectives. Je trouve horrifiant de trouver des personnes
25 expulsées, des bébés de trois mois qui pleurent, des femmes qui ont les
26 pieds nus et tout sales.
27 Q. Excusez-moi, Monsieur, mais à certains égards je pense que nous pouvons
28 faire preuve d'une certaine sélectivité puisque nous pouvons aborder un
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1 sujet après l'autre. Jusqu'à présent nous avons parlé des prisons, vous et
2 moi, et je suis -- je pense que vous êtes d'accord avec moi pour dire que
3 ce que vous avez vu dans les prisons du HVO vous a vraiment bouleversé et
4 que jusqu'à présent vous êtes au bord des larmes quand vous vous rappelez
5 tout cela, n'est-ce pas ?
6 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]
7 M. LAWS : [interprétation] Je vais demander que le témoin soit autorisé.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Nous ne sommes pas ici devant un jury.
9 M. LAWS : [aucune interprétation]
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Si on était à Old Bailey, si on essayait de
11 susciter des émotions.
12 M. LAWS : [interprétation] Pas du tout. Je pose simplement une question au
13 témoin à laquelle il peut parfaitement répondre.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] J'ai le droit de --
15 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- il y a quelque chose qui vous
16 manque. Vous n'étiez pas là hier. Hier, on a eu de la part du témoin une
17 grande émotion, et cetera. Donc la question du Procureur s'inscrit par
18 rapport à des événements qui se sont passés hier. Alors vous, vous n'étiez
19 pas là, vous n'avez peut-être pas tous les éléments.
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Je n'ai pas tous les éléments loin de moi de
21 suggérer, mais je sais une chose : il l'a dit au moins 50 fois ce témoin
22 aujourd'hui qu'il était horrifié, dégoûté, alors il faut le dire combien de
23 fois encore, d'autant qu'on me dit sans cesse qu'ici je suis devant des
24 Juges professionnels et non pas devant un jury.
25 M. LAWS : [interprétation] Je résume ce qu'a dit le témoin à propos dans
26 les camps dans lesquels il est allé. Il peut parfaitement répondre à la
27 question et l'objection n'est pas fondée. Je pense qu'il veut répondre
28 d'ailleurs.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous dire la même chose une fois de
2 plus, à savoir que j'ai trouvé cela consternant, dégoûtant de voir des
3 réfugiés tout comme les gens de la prison. Moi, je ne fais pas de
4 différence. Tout ça ce sont des gens dans la misère, des gens qui ont
5 besoin d'un soutien matériel et psychique.
6 Si vous, Monsieur, vous ne prenez pas les réfugiés de la même façon
7 moi je suis très surpris par vous et votre attitude. Excusez-moi mais je
8 suis surpris par votre attitude. Vous êtes juriste vous qui travaillez ici,
9 là vraiment vous me surprenez.
10 M. LAWS : [interprétation] Merci.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Témoin, le Procureur a
12 terminé son contre-interrogatoire.
13 Maître Nozica, vous avez des questions supplémentaires ?
14 Mme NOZICA : [interprétation] Oui. Peu importe mais je vais demander au
15 témoin d'essayer de se calmer, s'il y a besoin d'un peu d'eau, s'il a
16 besoin d'une pause, s'il a besoin de quoi que ce soit. Enfin, je pense que
17 ce serait peut-être bon de faire une petite pause parce que je vois que le
18 témoin est très bouleversé et je pense avoir besoin d'un maximum de 15
19 minutes.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez besoin d'une pause.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, allez-y, allez-y.
22 Mme NOZICA : [interprétation] Alors, Messieurs les Juges, si vous le
23 permettez, moi, je ne me sens pas très à l'aise pour ce qui est de poser
24 des questions suite à cette réaction. Je ne me sens pas très bien dans ma
25 peau parce que, si lorsque je pose des questions cela génère des émotions
26 ou des émotions extrêmes de la sorte, vous allez peut-être le prendre en
27 considération ou pas. J'ai peut-être tort mais j'aimerais que nous fassions
28 une petite pause parce qu'après cette pause --
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire une pause de 20 minutes.
2 --- L'audience est suspendue à 12 heures 19.
3 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
5 Maître Nozica.
6 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Nouvel interrogatoire par Mme Nozica :
8 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je n'ai pas mis de côté les
9 documents que j'ai l'intention de vous soumettre maintenant, je vais vous
10 en montrer quelques-uns, je pense donc qu'il doit être suffisant pour vous
11 de regarder l'écran, et le prétoire électronique. Commençons par la pièce P
12 4186, pièce qui vous a été soumise par le Procureur; vous la verrez donc à
13 l'écran grâce prétoire électronique. Il se trouve dans le classeur des
14 pièces du Procureur.
15 Il s'agit d'une lettre du 14 août, au sujet de laquelle vous avez
16 déclaré ne même pas savoir si M. Stojic l'avait reçue. Il y est question de
17 possibilité ou de difficulté à alimenter 2 100 détenus.
18 Le Procureur vous a suggéré que vous auriez eu la possibilité d'être
19 au courant de cette situation, et j'aimerais maintenant que l'on affiche
20 sur le -- le document 2D 917, 2D 917 sur les écrans, je vous prie. C'est
21 votre rapport du 6 août, donc rapport de huit jours antérieurs à la lettre,
22 qui provient de l'Heliodrom. Je demande l'affichage de la page 2 de ce
23 document, qui est également page 2 dans la version anglaise. Au sommet de
24 la page 2, on voit la date avant tout. Au haut de la page dans la version
25 croate, quatrième paragraphe de la page anglaise, il est question donc du
26 centre d'Isolement pour enquête, et nous lisons, je cite : "Les détenus
27 obtiennent leur nourriture de la cuisine centrale."
28 Donc ma question est la suivante : M. Bozic, vous a-t-il dit quoi que ce
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1 soit qui ait le moindre rapport avec un quelconque problème ? Vous avait-il
2 dit que cette cuisine centrale n'avait pas les moyens suffisants pour
3 alimenter tous les détenus de l'Heliodrom ?
4 R. Si M. Bozic m'avait dit quoi que ce soit, soyez sûr que ça serait mis
5 sur le papier et qu'une tentative au moins aurait été faite pour résoudre
6 le problème.
7 Q. Monsieur le Témoin, je vous ai déjà interrogé à ce sujet au cours de
8 l'interrogatoire principal. Vous en avez parlé aussi pendant le contre-
9 interrogatoire. Je vais parler de la qualité de la nourriture distribuée
10 aux membres du HVO. Répondant aux questions du
11 Procureur aujourd'hui, vous avez déclaré que les membres du HVO, dès lors
12 qu'ils se trouvaient à Heliodrom, se nourrissaient grâce à la nourriture
13 provenant de la cuisine centrale, mais pouvaient également s'alimenter
14 grâce à de la nourriture provenant de chez eux.
15 R. Oui.
16 Q. Je ne vais pas vous interroger au sujet de la qualité de la nourriture
17 dont vous disposiez chez vous, mais j'aimerais vous demander d'expliquer
18 aux Juges de la Chambre dans quelles conditions les membres du HVO vivaient
19 de façon générale, en tout cas ceux qui ont des contacts avec vous. Je veux
20 donc parler des hommes qui étaient encasernés. Où est-ce qu'ils vivaient ?
21 Où est-ce qu'ils résidaient ? Je vous pose la question parce que vous êtes
22 passé sur toutes les lignes de front, donc vous avez une grande expérience.
23 Où est-ce qu'ils auraient pu trouver des vivres complémentaires ?
24 R. Bien, sur le principe, il importe de distinguer entre deux catégories
25 de soldats. Premier catégorie, les soldats qui habitaient dans la région
26 pour lesquels il n'est jamais arrivé qu'ils manquent de nourriture --
27 Q. Excusez-moi, je ne vous ai pas bien compris. Soyez précis, je vous
28 prie. Vous dites qu'ils habitaient dans la région, et vous dites qu'eux
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1 aussi manquaient de nourriture, si je vous ai bien compris.
2 R. Non, non. Excusez-moi. J'ai dit qu'il y avait deux catégories. Première
3 catégorie, les soldats qui habitaient dans la région. Et deuxième
4 catégorie, les soldats qui ont été activés après leur arrivée à Mostar à
5 partir d'autres endroits. Alors ces soldats qui venaient de l'extérieur
6 avaient été expulsés des endroits où ils vivaient précédemment et où ils
7 avaient leurs habitations, et leur situation était très, très défavorable.
8 Ils avaient très peu de nourriture et, malheureusement, parmi eux, on
9 trouvait -- en tout cas, on a trouvé par la suite pas mal d'hommes
10 consommant des quantités d'alcool abusives. D'ailleurs ils n'étaient pas
11 les seuls à avoir des problèmes de nourriture; leurs familles également.
12 Puis cette deuxième catégorie -- l'autre catégorie, qui était la catégorie
13 des hommes qui habitaient dans la région, Citluk, Hamzici ou d'autres
14 localités de la région, et qui vivaient dans de meilleures conditions.
15 Q. Mais ma question portait sur les habitants de Mostar. Est-ce qu'il y
16 avait suffisamment de centres de Logement collectifs à Mostar pour loger
17 les personnes précédemment expulsées de leur lieu d'habitation qui étaient
18 arrivées à Mostar en tant que personnes déplacées ou en tant que réfugiés
19 avec leurs familles ?
20 R. En effet, il y avait des centres de cette nature, et les conditions y
21 étaient véritablement très mauvaises parce qu'il y avait pénurie de vivres,
22 même très peu de denrées alimentaires. Il faut bien comprendre la
23 situation. Avec l'arrivée massive de personnes expulsées à Mostar, la
24 pénurie alimentaire s'est aggravée car pas mal de lieux, où l'on pouvait se
25 réunir, avaient été pillés. J'ai dit qu'il y avait peu d'eau également, et
26 il y avait pas de mal de personnes de tous âges qui se sont trouvées en
27 même temps, tout d'un coup, au même endroit. Il y avait des femmes
28 enceintes. Il y avait pas mal de personnes âgées. Il y avait, de façon
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1 générale, une quantité insuffisante de nourriture. Pas seulement peu de
2 nourriture pour ces personnes, mais également pour les habitants de la
3 ville, si nous parlons de Mostar.
4 Q. D'accord. Comme ce rapport concerne l'Heliodrom, je vais vous parlez
5 maintenant de la population de Mostar.
6 Nonobstant ce que vous avez dit au sujet de Mostar, j'aimerais que vous
7 vous penchiez sur le document suivant, le document 2D 2021, qui va
8 apparaître rapidement sur les écrans grâce au prétoire électronique.
9 Attendez qu'il apparaisse. Je vous rappelle que c'est un rapport qui date
10 du 6 février 1993. C'est un rapport hebdomadaire.
11 Ce qui m'intéresse particulièrement, c'est le dernier paragraphe dans
12 lequel vous dites: Après une visite d'inspection, la situation constatée
13 exige une intervention et une action rapide à tous les niveaux étant donné
14 les insuffisances importantes qui ont été constatées et la nécessité de
15 rétablir la situation du point de vue de la qualité de l'alimentation
16 provenant de la cuisine centrale. Vous parlez de la cuisine centrale de
17 Ljubuski et vous parlez également du Bataillon de Jajce, le Bataillon de
18 Jajce, dites-vous, de Sutka et de Tomislavgrad. Pouvez-vous expliquer aux
19 Juges de la Chambre s'il y avait des localités où était stationné le
20 Bataillon de Jajce en particulier, quelles étaient les conditions
21 d'existence là-bas ?
22 R. Bien, d'un côté, nous avons la cuisine centrale de Ljubuski qui était
23 une cuisine utilisée par les habitants de Ljubuski également. Ils faisaient
24 cuire les aliments, et ensuite les plats cuisinés étaient envoyés aux
25 soldats. Selon les conditions normales, on aurait dû fermer cette cuisine.
26 Mais il n'y avait pas d'autres sources d'où pouvaient provenir les repas,
27 donc elle a continué à fonctionner.
28 S'agissant de la deuxième partie de votre question, l'école de
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1 Tomislavgrad, qui était la ville où était stationné le bataillon, les
2 conditions y étaient tout à fait terribles. Il y avait là-bas de nombreuses
3 familles de réfugiés, il y avait des gens de Jajce en particulier, il y
4 avait les membres de la Brigade de Tomislavgrad qui se trouvaient là avec
5 leurs familles, et ils étaient nombreux. Il n'y avait pas assez de
6 toilettes, et l'une des missions les plus importantes a consisté à
7 organiser la désinfection de l'ensemble de ces locaux, égouts, toilettes,
8 et cetera, pour empêcher la propagation de la typhoïde ou d'autres maladies
9 infectieuses. De façon plus générale, la typhoïde avait fait son apparition
10 dans un quartier de Jajce, et il y a des gens qui ont pris la fuite, des
11 gens qui se trouvaient là parce qu'ils avaient fui l'agression serbe. Donc
12 les conditions de vie étaient terribles. Je ne sais pas si vous comprenez
13 bien ce que je dis, mais elles auraient pu éventuellement être un peu
14 meilleures que celles d'une prison. Mais, en tout cas, il n'y avait aucune
15 sécurité. C'est la seule différence. Il n'y avait pas de gardes pour
16 assurer la sécurité, donc elle était pratiquement désespérée.
17 Q. Vous venez d'expliquer quelle était la situation. Vous avez parlé de
18 l'alimentation des soldats. Vous avez dit ce qui se passait à Jajce. Je
19 vous demanderais simplement de nous dire quelles étaient les conditions de
20 vie dans cette localité et dans les installations qui s'y trouvaient.
21 R. Sur le plan des quantités et des qualités, les conditions étaient
22 absolument nulles. Aujourd'hui, évidemment, pas mal de temps s'est écoulé
23 depuis ces événements, mais quand je suis retourné là où j'étais avant,
24 j'ai vu que pas mal de gens me demandent mon aide, me demandent des soins,
25 car par mal souffrent de maladies chroniques, en particulier des maladies
26 digestives, intestinales chroniques. Et croyez-moi ou pas, mais en 1998, il
27 y a eu réapparition du typhus dans la région.
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Nozica, je pense que vous
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1 dépassez la portée du contre-interrogatoire de l'Accusation, parce qu'il
2 n'a pas parlé de Jajce, si je me souviens bien.
3 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Juge, ce n'est pas Jajce dont on
4 a parlé; il a été question des membres du HVO et de leur alimentation. Les
5 gens de Jajce sont devenus plus tard des membres du HVO, et moi, ce qui
6 m'intéresse ce sont les conditions - je parle de cela en rapport avec
7 l'application des conventions de Genève, s'agissant de l'alimentation des
8 membres du HVO. On constate à la lecture des rapports qu'il est
9 incontestable que les gens de Jajce sont devenus membres du HVO, le 3
10 février, comme on peut le constater. Donc je n'abordais ce sujet qu'à titre
11 d'illustration des propos du témoin.
12 Q. Monsieur le Témoin, je suis donc concentrée sur la question de la
13 nourriture. Avant la pause, vous aviez abordé la question des centres de
14 réfugiés qui hébergeaient un certain nombre de personnes. Je vous prierais,
15 de bien vouloir nous dire si vous étiez et inspectiez régulièrement ces
16 centres d'Hébergement, s'ils existaient sur l'ensemble du territoire de la
17 Communauté croate d'Herceg-Bosna ? Ce qui m'intéresse en particulier ce
18 sont les centres d'Hébergement qui abritaient des Croates. Après quoi, je
19 vous prierais de bien vouloir expliquer quelle était la nourriture qu'eux
20 recevaient, quelles étaient les conditions dans lesquelles eux vivaient
21 dans la période allant disons de mai 1993 au début de l'année 1994. D'après
22 ce que vous savez, quelles étaient leurs conditions d'existence et de
23 nourriture ?
24 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai dit que je suis devenu
25 spécialiste de la médecine préventive un peu de force, parce qu'il n'y en
26 avait pas à l'époque. Parce que, sinon, je suis spécialiste en maladie
27 infectieuse. Mais comme il n'y avait pas un épidémiologiste qui s'occupait
28 de médecine préventive, je me suis occupé de ce travail. S'il y avait eu un
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1 épidémiologiste, il aurait peut-être fait un meilleur travail que le mien
2 mais, moi je me suis occupé de l'épidémiologie parce qu'il n'y avait
3 personne, parce que j'étais obligé de le faire. En tant qu'officier -- ex-
4 officier de la JNA, je connaissais bien ce genre de situation.
5 J'ai dit hier que, dans un lieu déterminé, si on trouve un grand nombre de
6 personnes, quelque soit l'endroit où se trouvent ces personnes, mais en
7 tout cas regroupement important d'êtres humains devient immédiatement une
8 source potentielle d'épidémie. Vous savez bien que l'hiver, lorsqu'il y a
9 la grippe, l'une des mesures préventives première consiste à éviter les
10 regroupements de personnes, pour éviter la propagation, vous savez
11 également que lorsque la grippe intestinale apparaît, c'est aussi une
12 mesure préventive fondamentale.
13 Donc dès lors qu'il y avait des endroits où se trouvaient des réfugiés,
14 pour moi, c'était le signal de mon obligation de me rendre sur place, de
15 mon obligation de voir toutes ces personnes, et de mon obligation
16 d'entreprendre tout ce que je pouvais entreprendre pour éviter que ces
17 personnes ne tombent malades. Pourquoi ? D'abord --
18 Q. Excusez-moi, Monsieur le Témoin. Je me rends bien compte que vous
19 répondez longuement, mais ma question était concentrée sur un point très
20 particulier : est-ce qu'il existait des centres d'Hébergement de cette
21 nature de mai 1993 au début de l'année 1994 dans la région de Mostar,
22 régions élargies ? Nous avons compris pourquoi vous deviez faire le travail
23 que vous faisiez; est-ce que vous avez inspecté ces centres et quelle était
24 la quantité, la qualité de nourritures distribuées à ces personnes qui se
25 trouvaient dans ces centres qui étaient des Croates ? Nous vous avons
26 entendu hier dire que vous aviez également inspecté à la fin de 1992 des
27 centres qui hébergeaient des Musulmans, ça nous nous en souvenons.
28 R. Je répète encore une fois que je les ai inspectés, pas une fois mais à
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1 de nombreuses reprises, il y a des nombreux documents qui le prouvent. La
2 quantité de la nourriture était insuffisante au début de la guerre lorsque
3 les voies de communication ont été coupées, même pour la population locale,
4 la nourriture était insuffisante à ce moment-là. S'agissant des lieux dont
5 vous parlez, il est certain que les gens qui s'y trouvaient avaient faim
6 qu'ils n'avaient pas assez à manger, pas assez de vêtements, pas assez de
7 chaussures, pas assez d'eau chaude, pas assez de couvertures, tout cela
8 c'est certain. Ils couchaient à même le sol sur de misérable petite
9 couverture que nous avions réussi à trouver et à distribuer et à
10 désinfecter à leur intention.
11 Q. Monsieur le Témoin, lorsque vous vous rendiez dans ces centres
12 également, vous émettiez des recommandations destinées à obtenir une
13 amélioration de la situation, que vous adressiez aux autorités compétentes,
14 n'est-ce pas ? Ceci est-il exact ?
15 R. Je vous l'ai déjà dit hier. Je ne fais aucune distinction entre un
16 soldat et un civil. Pour moi, ce sont des êtres humains, je ne fais aucune
17 distinction entre une prison et un centre d'hébergement pour réfugiés.
18 C'est la raison pour laquelle je me suis un peu indigné, suite à certaines
19 questions du Procureur. Je ne fais pas cette distinction, je ne vais pas de
20 différence entre les êtres humains. Je ne distingue entre les êtres humains
21 qu'en fonction de leur état de santé, de leur sexe, et de leur âge. Tout le
22 reste pour moi n'a pas d'importance.
23 Q. Bien. Passons maintenant à la question suivante, qui concerne le sexe,
24 comme vous venez de le dire.
25 Le Procureur vous a demandé si vous aviez vu des femmes à l'Heliodrom. Pour
26 ma part, je vous demande si vous savez si des femmes pouvaient être membres
27 de l'ABiH, si des femmes pouvaient être auteurs de quelques actes criminels
28 que ce soit ? Je tiens à vous dire d'emblée, que je fais référence à votre
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1 réponse à cette même question, réponse que vous avez faite dans l'affaire
2 Naletilic-Martinovic, page 14 708 du compte rendu d'audience, partie de
3 votre déposition où vous avez traité de ce sujet.
4 R. Alors vous me demandez est-ce que les femmes pouvaient ? Moi, la seule
5 chose que je peux vous dire c'est que j'en n'ai pas vu. Mais pourquoi est-
6 ce qu'une femme ne pourrait pas ? D'ailleurs quand j'étais enfant, et que
7 je faisais partie des partisans, on m'a parlé de Marija Bursac, et d'autres
8 qui étaient des femmes partisanes, et on m'a dit qu'il y avait un grand
9 nombre de femmes au sein des unités, la qualité du travail d'une femme dans
10 une unité sanitaire, par exemple, n'est pas d'une qualité inférieure à
11 celle d'un homme notamment sur le front. Donc, pour moi, il ne peut pas y
12 avoir de différence à ce niveau. Cela étant, je pense qu'étant donné la
13 qualité d'une femme, elle n'a pas sa place sur un front de bataille.
14 Q. Je vous demandais si une femme pouvait être, vous avez dit que vous
15 n'aviez pas vu de femme ?
16 R. Oui.
17 Q. Moi, je faisais référence à la réponse que vous avez faite à cette
18 question dans l'affaire Naletilic-Martinovic. Je vous demande précisément
19 si une femme a le droit d'être membre de l'armée et si une femme peut être
20 auteur d'un acte criminel ?
21 R. J'ai dit, oui, s'il y en avait avec moi au HVO, je ne vois pas pourquoi
22 il n'y en aurait pas dans l'armée musulmane ou dans l'armée serbe.
23 Il pouvait y en avoir bien sûr, pourquoi pas.
24 Q. Est-ce qu'elle peut être auteur d'un acte criminel ?
25 R. Ecoutez, tout être humain quel que soit son sexe, son âge, ou son titre
26 ou son grade, d'ailleurs les Juges de la Chambre ont eu devant eux des gens
27 qui portaient des grades importants et qui sont de grands criminels.
28 Q. Je vais maintenant vous soumettre un autre document, la pièce P 5464.
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1 Vous avez dit quelque chose au sujet de cette pièce, et j'aurais moi-même
2 quelques questions de complément à vous poser à ce sujet.
3 Je demande l'affichage grâce au prétoire électronique. Attendons que le
4 texte apparaisse. Donc pièce P 5465. Excusez-moi, je m'étais trompée sur le
5 dernier chiffre. Pièce P 5465.
6 Bon, Monsieur le Témoin, vous ne l'avez pas encore sous les yeux. Ça va
7 venir dans un instant. Voilà. M. l'Huissier vous l'apporte en version
8 papier.
9 Vous l'avez maintenant à l'écran. Monsieur le Témoin, vous avez dit que
10 vous n'aviez jamais vu ce document envoyé par M. Bozic au général de la
11 brigade, le Dr Ivan Bagaric, qui était chef adjoint à la défense, et dans
12 ce document, il est écrit que les blessés et les malades doivent être
13 transférés à l'hôpital. Vous avez dit, vous-même, et ceci figure à la page
14 68, ligne 8 du compte rendu de l'audience d'aujourd'hui, que vous étiez au
15 courant de cela déjà depuis un mois et plus, que M. Bagaric vous avait
16 donné des instructions tout à fait précises au sujet de ce transfert
17 nécessaire des malades qui avaient besoin de soins hospitaliers, n'est-ce
18 pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Très bien. Je vais maintenant vous soumettre un document, qui vous a
21 été soumis hier par Me Alaburic, et il s'agit de la pièce P 4145. Il va
22 apparaître à l'écran dans un instant.
23 Vous avez évoqué la date du 14 août, et pour ma part je vais me
24 contenter de vous demander si le document que vous aviez à l'esprit était
25 bien celui-ci.
26 R. Oui, oui. L'avocate, Me Alaburic, m'a soumis ce document, hier,
27 et il a été question d'un certain nombre de termes utilisés, et cetera.
28 Q. Dites-moi, je vous prie, après avoir jeté un coup d'œil au dernier
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1 paragraphe de ce texte, si on peut y lire les mots suivants, je cite :
2 "Tant que le problème des ambulances destinées à l'Heliodrom n'a pas été
3 utilisé, veuillez utiliser le véhicule OZJIH et l'hôpital de guerre."
4 R. Oui, il s'agit d'une zone d'opération de la 3e Brigade, où se trouvait
5 l'Heliodrom, et c'est cette zone qui a donc été chargée de ce qu'il était
6 convenu d'appeler l'évacuation. C'est donc l'hôpital de guerre qui devait
7 envoyer les véhicules utilisés pour cette évacuation, qui ensuite devait
8 revenir à leur lieu d'origine. Il s'agissait d'une évacuation, ce qui veut
9 dire que les véhicules de la 3e Brigade et de la zone d'opération
10 emmenaient les prisonniers et devaient les amener jusqu'à l'hôpital. Donc
11 l'évacuation dans les deux sens.
12 Q. Dans ce document, nous disons que M. Bozic a reçu des consignes très
13 précises au sujet des conditions dans lesquelles les malades et les blessés
14 devaient être envoyés à l'hôpital, ceux qui avaient besoin des soins
15 hospitaliers ?
16 R. Voyons la date est celle du 12 août, donc un mois et demi de
17 différence. Je crois que cette consigne est très claire. Il était prévu
18 qu'au cas où une situation déplaisante se produisait, il fallait
19 immédiatement dès le début trouver une solution, parce que vous savez en
20 temps de guerre y compris on travaille sur la base d'un certain nombre
21 d'hypothèses, de suppositions dans le temps de guerre. Il ne s'agit pas
22 uniquement d'hypothèses et de suppositions, il faut jouer au jeu de
23 devinette. Il est très, très difficile de faire des recommandations pour
24 éviter que certaines choses ne se produisent. C'est pour cela que,
25 malheureusement, certaines choses se sont effectivement produites.
26 Q. J'en arrive à ma dernière question. Parlant des mesures entreprises et
27 répondant aux questions du Procureur, vous avez dit qu'il était évident que
28 la situation s'était améliorée au fil du temps. Je vais moi-même maintenant
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1 vous demander si ceci est bien exact et si de la même façon, la situation
2 du point de vue de la nourriture s'est améliorée pour les personnes
3 déplacées qui se trouvaient dans les centres d'Hébergement, pour les
4 soldats et pour la population de Mostar; est-ce que ces trois catégories
5 ont eu de plus grande facilité de se nourrir au fil du temps ?
6 R. Oui, je crois qu'il y a un rapport quelque part qui date si je ne
7 m'abuse de février 1994, et qui concerne précisément l'Heliodrom, dans
8 lequel on peut lire que les détenus déclarent dans cet endroit que la
9 nourriture est désormais de bonne qualité, qu'ils disposent de papier de
10 toilette, que leurs conditions de vie sont bonnes et qu'ils ont
11 suffisamment à manger et des aliments de bonne qualité. Pour moi en tant
12 que médecin, ceci est très, très important, car c'est la preuve du
13 résultat, du travail et des échanges de courrier que nous avons pu faire
14 pendant très longtemps; échanges de rapports entre autres. Si l'on fait la
15 comparaison entre ce que l'on peut lire dans les différents rapports au fil
16 du temps, vous verrez qu'il y a une très grande amélioration.
17 Q. La troisième catégorie, c'étaient les membres du HVO; est-ce qu'au fil
18 du temps les conditions de nourriture, d'alimentation des membres du HVO se
19 sont améliorées, d'après ce que vous savez et d'après ce que vous avez pu
20 voir lorsque vous vous rendiez directement sur les unités, sur le front ?
21 R. Oui, il y a eu amélioration. La nourriture a été en quantité plus
22 importante, était de meilleure qualité. Si l'on examine les choses du point
23 de vue de la médecine préventive, il y a encore un autre aspect, parce que
24 à l'Heliodrom comme sur les champs de bataille, les médecins ont commencé à
25 tenir une documentation. Donc c'était un processus complet qui s'est engagé
26 et si la guerre avait duré plus longtemps, je crois que tout le monde
27 aurait fini par être satisfait, enfin, Dieu merci, elle n'a pas duré. Mais
28 tout le monde aurait fini par être satisfait.
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1 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin.
2 Pour mes questions supplémentaires, Monsieur le Président, je vous
3 remercie. J'en ai terminé de mes questions complémentaires.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors la Chambre fait acter au compte rendu
5 que vous avez utilisé 25 minutes, pour les questions supplémentaires, tant
6 qui vous sera déduit de votre crédit global.
7 Monsieur le Témoin, je vous remercie, au nom de mes collègues, d'être venus
8 à la demande de M. Stojic, déposer dans le procès qui est en cours. Je
9 formule mes meilleurs vœux pour votre retour dans votre pays.
10 Je vais demander, avant que vous quittiez la salle, qu'on baisse le rideau
11 afin de vous permettre de partir.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux, moi
13 aussi, dire quelque chose.
14 Avant tout, je tiens à vous remercier pour votre attitude parfaitement
15 correcte. J'ai vécu une situation assez traumatisante ici. Je remercie
16 également les conseils de la Défense et l'Accusation. Je tiens également à
17 remercier de tout cœur les personnes chargées d'apporter de l'aide aux
18 victimes, car elles font sang pour aider ces personnes qui ont vécu des
19 traumatismes de grandes souffrances. Le résultat c'est que leurs
20 souffrances sont grandement diminuées, y compris les miennes. Je vous en
21 prie pardonnez-moi, moi j'ai fini par avoir de l'hypertension et de
22 l'impétigos, je ne sais pas si je vais vivre beaucoup plus longtemps.
23 Mme NOZICA : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, tant que
24 le témoin est encore dans le prétoire, il faut vraiment que je dise ce que
25 j'ai à dire. Si le témoin considère que le stress qu'il a vécu aujourd'hui
26 relève d'une quelconque responsabilité de ma part, je tiens à dire que je
27 ne l'aurais pas cité à la barre si je savais que les résultats seraient ce
28 qu'ils sont. Toutes mes excuses, de tout mon cœur, vraiment.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- baisser les rideaux.
2 Maître Alaburic, je crois que vous voulez intervenir sur une question
3 administrative.
4 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai simplement une
5 requête. La semaine dernière, vous avez autorisé à la Défense du général
6 Petkovic a préparé une réponse écrite aux écritures soumises par
7 l'Accusation et par la Défense de M. Coric, eu égard au droit des accusés
8 dans un procès sus contradictoire. Le même jour, mais après que j'ai soumis
9 ce document, nous avons reçu la réponse de la Défense de M. Stojic. Donc je
10 demande simplement l'autorisation de considérer que notre réponse concerne
11 les trois équipes de Défense, donc aussi la Défense Stojic, si vous voulez
12 bien.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il vous ait donné acte et donc nous
14 considérons que la réponse concernera les trois équipes de la Défense.
15 [Le témoin se retire]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Alors Maître Nozica, demain nous avons
17 donc le témoin, pas de problème. Nous pourrons commencer demain avec lui ?
18 Mme NOZICA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, les préparatifs
19 se font conformément au plan, je crois qu'il n'y aura aucun problème.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, Maître.
21 Il est donc temps de terminer l'audience. Je souhaite à tout le monde une
22 bonne fin d'après-midi, et nous nous retrouverons demain à 9 heures. Je
23 vous remercie.
24 --- L'audience est levée à 13 heures 10 et reprendra le mercredi 4 mars
25 2009, à 9 heures 00.
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