Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 5 mai 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Les accusés Prlic et Coric sont absents]

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

 10   tous dans le prétoire.

 11   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, l'Accusation contre Prlic et

 12   consorts.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 14   En ce mardi, je salue en premier M. Stojic, M. Petkovic, et M. Pusic, je

 15   salue Mmes et MM. les avocats, je salue le témoin,

 16   M. Praljak, et je salue également M. Mundis et toutes ses collaboratrices.

 17   Je ne manque pas également de saluer toutes les personnes qui nous

 18   assistent. C'est M. Stringer donc qui représente le bureau du Procureur, ce

 19   n'est pas M. Mundis mais c'est M. Stringer.

 20   Je vais donner la parole à M. le Greffier pour deux numéros IC.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 22   L'équipe 2D a présenté ses objections aux documents présentés par

 23   l'Accusation par le biais du témoin Juric, cette liste recevra la cote IC

 24   1002. L'Accusation a aussi soumis ses objections portant sur le document

 25   présenté par l'équipe 2D par le biais du témoin Juric, et cette liste

 26   recevra la cote IC 1003.

 27   Je vous remercie.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

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  1   Je vais rendre d'abord une décision orale qui est assez courte, décision

  2   orale portant sur la demande de la Défense Stojic de reconsidération de la

  3   décision orale du 7 avril 2009.

  4   Le 14 avril 2009, la Défense Stojic a déposé une demande de reconsidération

  5   de la décision orale du 7 avril 2009 par laquelle la Chambre a rejeté la

  6   demande de rajout de la pièce 2D 01533 sur la liste 65 ter de la Défense

  7   Stojic.

  8   Dans sa demande, la Défense Stojic soutient que la pièce 2D 01533 est un

  9   document essentiel pour la cause de l'accusé Stojic, et allègue, en outre,

 10   que le report de la comparution du témoin Drago Juric, initialement prévue

 11   du 6 au 7 avril 2009 au 27 et 28 avril 2009, constitue un fait nouveau

 12   militant en faveur d'une reconsidération de la décision orale du 7 avril

 13   2009. La Chambre relève que l'Accusation et les autres équipes de la

 14   Défense n'ont pas déposé de réponses à la demande de la Défense Stojic.

 15   La Chambre rappelle que dans la décision orale du 7 avril 2009, elle

 16   avait, entre autres, motivé le rejet du rajout de la pièce 2D 01533 sur la

 17   liste 65 ter de la Défense Stojic par le fait qu'elle estimait avoir

 18   entendu suffisamment d'éléments de preuve sur le sujet abordé par la pièce

 19   2D 01533.

 20   La Chambre estime que la Défense Stojic n'a pas démontré que le

 21   raisonnement de la décision contestée comportait une erreur manifeste, et

 22   considère qu'il n'y a pas lieu dans le cas d'espèce de reconsidérer la

 23   décision orale du 7 avril 2009. La Chambre décide, par conséquent, de

 24   rejeter la demande de la Défense Stojic.

 25   Monsieur Praljak, je dois vous dire au nom de la Chambre qu'hier nous vous

 26   avons entendu lors de votre déclaration 84 bis, et nous vous avons entendu

 27   répondre aux questions posées par votre avocat. Nous constatons à ce stade

 28   que vous faites parfois des réponses très longues.

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  1   Nous vous invitons à synthétiser vos réponses de manière efficace en

  2   répondant strictement à la question posée, car comme vous le savez ou vous

  3   ne le savez pas, tout ce que vous dites figure au transcript et que les

  4   Juges lorsqu'ils vont délibérer vont se référer au transcript, et dans le

  5   jugement il y aura à tout coup des notes de bas de page faisant référence

  6   donc au transcript. Et que si vous développez une argumentation pendant des

  7   minutes et des minutes, ceci risque pour vous d'être du temps perdu. Donc

  8   essayez d'être extrêmement précis dans vos réponses en ayant bien en tête

  9   que tout ce que vous dites peut avoir une valeur probante puisque vous

 10   témoignez sous serment, donc par définition vous dites la vérité et que

 11   donc tout ce que vous dites est très important, mais à ce moment-là

 12   l'importance évitez de le diluer dans des propos très larges, et qui à ce

 13   moment-là risquent de nous faire perdre l'essentiel. Donc voilà ce que je

 14   tenais à vous dire pour que tout soit efficace, qu'on ne perdre pas de

 15   temps et que votre Défense puisse s'exercer de la manière la meilleure

 16   possible.

 17   J'ai une -- j'ai deux questions à vous poser suite à votre -- vos réponses

 18   que vous avez données aux questions d'hier, qui sont très, très courtes,

 19   mais en règle générale je passe la nuit à réfléchir à ce que dit un témoin

 20   pour le cas échéant revenir sur le sujet, et là, il me semble important de

 21   revenir là-dessus.

 22   LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]

 23   [Le témoin répond par l'interprète]

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous avez dit hier que vous n'aviez pas fait

 25   votre service militaire dans la JNA parce que vous aviez un problème à la

 26   hanche et vous nous avez également dit que vous aviez été blessé à une

 27   jambe en Syrie. Alors, pouvez-vous me dire dans quelles circonstances vous

 28   avez été blessé en Syrie ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, au bout de trois mois passés

  2   à la JNA j'ai été exonéré de la continuation de mon service parce que

  3   j'étais incapable de continuer. Je me suis blessé à mon pied, c'est-à-dire

  4   à la cheville et c'est pour cela qu'on m'avait donné ce surnom. C'est un

  5   attelage qui m'était passé par-dessus à Tomislavgrad quand j'étais enfant,

  6   et ça m'a écrasé une bonne partie de la cheville. En Syrie, je n'y suis

  7   jamais allé. Je n'ai pas passé plus de trois mois à l'armée.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Deuxième question. Hier, avec intérêt, je vous

  9   ai écouté quand vous avez développé l'histoire de votre pays et que vous

 10   avez parlé des partisans et d'Ante Pavelic. C'était intéressant ce que vous

 11   disiez, donc on peut en conclure que pendant cette période agitée de

 12   l'histoire de la Croatie, il y avait au sein de la Croatie des personnes

 13   qui étaient devenues des partisans, ça devait donc être sous l'égide de

 14   l'ex-maréchal Tito. Il y en a d'autres qui avaient rejoint Ante Pavelic et

 15   qui constitueraient ce mouvement dit oustacha, ou oustachi comme on veut.

 16   J'ai écouté ça avec intérêt et j'ai compris, et peut-être que j'ai

 17   fait une erreur, vous la corrigerez, qu'après 1945, ce sont les partisans

 18   qui ont pris les commandes du pouvoir et qui avec le maréchal Tito, au

 19   niveau de la République de Croatie dans la République fédérative,

 20   occupaient des postes de responsabilité. Vous savez, et ce n'est un secret

 21   pour personne, que dans l'acte d'accusation et dans le mémoire préalable,

 22   la notion d'entreprise criminelle commune peut également concerner ce

 23   phénomène oustachi qui aurait pu vouloir à ce moment-là recréer, d'après le

 24   Procureur, cette Grande-Croatie.

 25   Vous avez dit quelque chose, et c'est là où j'en viens à ma question

 26   parce que ça me paraît très important. Vous avez parlé du général Bobetko.

 27   Vous le savez aussi bien que moi, le nom du général Bobetko figure parmi

 28   les membres de l'entreprise criminelle commune. C'est dans l'acte

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  1   d'accusation. Mais vous avez rajouté hier le fait que le général Bobetko

  2   était un ancien partisan, donc sur un plan logique, je peux en tirer la

  3   conclusion que Bobetko, faisant partie des partisans n'avait rien à voir

  4   avec les adhérents aux idées d'Ante Pavelic puisque, a priori, il aurait

  5   combattu contre cela.

  6   Alors vous qui étiez un acteur important à l'époque, est-ce que vous

  7   me confirmez que le général Bobetko a bien été un ancien partisan et que

  8   lui n'adhérait pas aux idées du mouvement d'Ante Pavelic ? Car vous vous

  9   l'avez connu. Moi, Bobetko, je vois son nom mais je ne le connaissais pas.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, tout d'abord je tiens à

 11   rectifier quelque peu. Le nombre des partisans pendant la Deuxième Guerre

 12   était nettement supérieur en leur qualité d'antifasciste qu'au nombre de

 13   communistes en tant que tel, qui se sont placés à la tête du mouvement

 14   après 1943. C'est à toutes les positions, soit politiques, militaires,

 15   économiques, qu'il y a eu des communistes à prendre le pouvoir.

 16   Le général Bobetko n'a pas seulement été partisan, mais il a été le premier

 17   des partisans de l'Europe, le Détachement de Sisak dont il faisait partie a

 18   été la première des unités à avoir été créé sur le territoire européen pour

 19   s'opposer à la coalition hitlérienne. Il était combattant de la première

 20   heure, il a passé toute la guerre en sa qualité de partisan et

 21   d'antifasciste.

 22   Par la suite, il est devenu général au sein de l'armée populaire

 23   yougoslave jusqu'en 1972, date à laquelle il y a eu un mouvement politique

 24   en Croatie que l'on a qualifié de "Printemps croate," il a exprimé des

 25   positions sur des droits à une plus grande autonomie pour la Croatie et il

 26   a été mis à la retraite. Donc il s'est réactivé lorsqu'il y a eu agression

 27   contre la République de Croatie et pendant un certain temps, pendant un bon

 28   moment d'ailleurs, il a exercé le rôle de commandant du théâtre de guerre

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  1   au sud, et ensuite, il était chef de l'état-major principal de l'armée

  2   croate.

  3   Et soit dit en passant, le premier des chefs de cette armée croate,

  4   le général Spegelj, était également un partisan et un général au sein de

  5   l'armée populaire yougoslave qui, auparavant, avait été à la tête du 5e

  6   District militaire, c'est-à-dire le district qui avait pour siège Zagreb.

  7   Le général Tus, lui aussi, venait de la JNA, et avant cela il se trouvait

  8   être chef de l'état-major des forces aériennes, des forces aéroportées, et

  9   il a remplacé le général Spiegel à la tête de l'armée croate, puis ensuite,

 10   il y a eu Bobetko.   

 11   Franjo Tudjman, également, a été à partir de 1941 participant actif

 12   du mouvement des partisans, et il était général dans les rangs de l'armée

 13   populaire yougoslave. Il a longuement travaillé à Belgrade et par la suite,

 14   il s'est consacré à des activités d'historien. Et en s'opposant au nombre

 15   des victimes que les historiens serbes disaient qu'il y avait eu à

 16   Jasenovac, il a été deux fois en prison après 1982. Et je pourrais vous

 17   donner à l'infini des exemples de membres du gouvernement croate ou de

 18   l'administration de l'armée croate qui était composé de gens ayant été

 19   auparavant des partisans.

 20   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous le

 21   permettez, une petite intervention au compte rendu. Il me semble que c'est

 22   indispensable pour une meilleure compréhension. En page 7, première ligne,

 23   il manque un nom. Ce nom, c'est l'endroit où le général Praljak a parlé du

 24   Dr Franjo Tudjman, n'est-ce pas, Général ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Franjo Tudjman, de 1941 à 1945, a été

 26   dans le mouvement des partisans. Il a exercé de hautes fonctions au sein du

 27   mouvement des partisans dans le nord de la Croatie, dans les parages de

 28   Zagreb. Ensuite, il a été général de la JNA au sein de cette JNA.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Ma dernière question qui va être très brève.

  2   Hier, vous nous avez parlé de votre père, et nous savons qu'il

  3   travaillait dans la sécurité de l'Etat, et j'ai cru comprendre, mais il

  4   faut que vous me le précisiez bien, j'ai cru comprendre que votre père

  5   était pour le maintien de l'ex-Yougoslavie et qu'en fait votre père

  6   pourrait être un partisan, lui, du système communiste de l'époque pour le

  7   maintien de l'ex-Yougoslavie. Et j'ai cru comprendre aussi, mais si je me

  8   trompe, dites-le-moi, que sur le plan politique, vous avez divergé avec

  9   votre père dans la mesure où vous-même, vous n'étiez absolument pas

 10   partisan de l'ex-Yougoslavie, et encore moins communiste. Est-ce bien comme

 11   cela qu'on doit comprendre ce que vous nous avez dit hier ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez parfaitement bien compris tout ce

 13   que j'ai dit. Il convient de tenir compte d'un élément encore, Messieurs

 14   les Juges, à savoir le mûrissement des personnalités qui ont fait partie de

 15   ce mouvement communiste pour savoir si la Yougoslavie était indispensable

 16   ou pas ou pour savoir quelle était la substance de son mode de gestion,

 17   c'est venu graduellement. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain,

 18   parce que ces gens, ils étaient d'abord partisans, communistes purs et

 19   durs. Et au fil du temps, et au fur et à mesure que les choses mauvaises

 20   dans un règne faisaient jour, tout doucement, il faut commencer à

 21   comprendre qu'un tel état constituait, en réalité, un instrument

 22   d'oppression du peuple auquel ils appartenaient et ils ont graduellement

 23   évolué vers une organisation démocratique, et la même chose est arrivée à

 24   mon père après 1971 et 1972 et au fil du temps, bien sûr. Quand il s'agit

 25   de gens qui émettaient cette idée, qui étaient prêts à donner leur vie pour

 26   cette idée, ça n'allait pas vite, c'était lent et douloureux, mais chez la

 27   plupart de ces gens, ça s'est produit, peut-être plus au niveau de ceux qui

 28   ont fait partie des rangs des partisans que les jeunes communistes qui ont

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  1   tiré des avantages matériels et une bonne vie du fait d'être communistes.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : -- brève question.

  3   Je vais donc donner la parole maintenant à votre avocat qui va poursuivre

  4   l'interrogatoire principal, étant précisé qu'il a presque utilisé hier une

  5   heure.

  6   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  7   Bonjour à tous et à toutes.

  8   Interrogatoire principal par M. Kovacic :[Suite]

  9   Q.  [interprétation] Je vais donc mettre de côté les autres formalités pour

 10   passer à ce qui suit, Mon Général, vous avez répondu à une question au

 11   sujet des médias, la radio, la presse, la télévision en Bosnie-Herzégovine,

 12   et on s'était arrêté à une question où vous avez dit que Radio Mostar en

 13   1992 fonctionnait bel et bien. Je vais vous demander ce qui suit : une fois

 14   que l'ABiH s'est attaquée au HVO le 9 mai 1993, est-ce qu'il y a eu quelque

 15   chose de changé, ou pour être plus précis, au sujet de cette date et des

 16   événements qui se sont produits autour de cette date, est-ce que vous, en

 17   tant qu'individu, vous aviez su à l'époque que la cible militaire permise

 18   était également les installations de Radio Mostar et autres installations ?

 19   M. STRINGER : [interprétation] Je suis désolé.

 20   Mais pourrions-nous, pour le compte rendu, s'il vous plaît, avoir une

 21   date plus claire de la date à laquelle le conseil fait allusion, peut-être

 22   mai 1993, juin 1993, peut-être un autre moment en 1993 ?

 23   Je m'excuse de l'interruption.

 24   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, j'ai dit "9 mai 1993." C'est au compte

 25   rendu.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Sans vouloir m'immiscer dans les

 27   interprétations du droit de guerre, ce n'est pas mon domaine, et je ne suis

 28   pas venu ici pour le faire, mais l'IPD de l'armée croate à la tête duquel

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  1   je me trouvais à partir de 1992, lorsque nous avions créé à peine cela, a

  2   constamment organisé des séminaires où l'armée croate, à tous les niveaux,

  3   s'est vue interpréter le droit de guerre.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, le Président vous

  5   a rappelé de répondre de façon concise aux questions. Vous êtes là pour

  6   répondre aux questions. Vous n'êtes pas là pour nous faire des discours. On

  7   vous a demandé si quelque chose avait changé après le 9 mai 1993 en ce qui

  8   concerne Radio Mostar. C'était la question, répondez-y.

  9   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Juge, dans ma question, de façon

 10   explicite, j'ai posé la question à M. Praljak de savoir ce qu'il a su, lui,

 11   au sujet des cibles légitimes sur le plan militaire, y compris une cible

 12   telle que "Radio Mostar." Alors quelle est la connaissance qu'il avait eue

 13   à l'époque au sujet de ce droit. Et il avait commencé à répondre au sujet

 14   des circonstances où il avait appris la chose. Alors je pense qu'il peut et

 15   se doit de répondre à la question. C'est une question liée au mens rea.

 16   C'était ce qu'il savait du sujet en sa qualité de commandant et comment se

 17   fait-il qu'il le savait.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien, nous écouterons la

 19   réponse. Monsieur Praljak, veuillez répondre.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, je vais grandement

 21   me forcer d'écourter mes réponses, mais en termes simples, il faut quand

 22   même qu'il y ait une mesure à toute chose. Je dois bien dire ce que je

 23   savais, je connaissais. Je savais qu'il y avait un droit de guerre

 24   international parce qu'il y avait un ministère de la Défense en République

 25   de Croatie, dont je me trouvais être l'un des responsables, et il fallait

 26   organiser une série de conférences et faire des manuels sur le droit

 27   international en compagnie de la Croix Rouge, et je savais que le droit de

 28   guerre permettait de bombarder, voire de neutraliser les

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  1   télécommunications, les postes de communication et les stations radios de

  2   la partie adverse.

  3   Donc il est exact de dire qu'après le 9 mai 1993, Radio Mostar, tel

  4   qu'il s'appelait, du côté est, et de fait c'était la Radio Mostar du 4e

  5   Corps de l'ABiH parce que ça a constamment diffusé et jamais, mais vraiment

  6   jamais, en dépit du fait que nous ayons connu son emplacement, il n'a été

  7   tiré aucun obus d'artillerie dans sa direction. C'est ce que j'ai à

  8   répondre.

  9   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Avec l'autorisation des Juges de la Chambre, je passerais à un sujet

 11   suivant. C'est la question de pillage de Mostar.

 12   Q.  Mon Général, j'aimerais que vous nous exposiez ce que vous estimez être

 13   nécessaire en guise d'introduction pour ce qui est d'entrée en matière, et

 14   ensuite on accèdera aux détails.

 15   R.  Je vais procéder de ma façon [inaudible].

 16   J'affirme que l'armée populaire yougoslave, et par la suite l'armée

 17   de la Republika Srpska en 1992, au mois de mars, avril, mai, juin, et

 18   cetera, a détruit Mostar tel que nous avons pu le voir sur les photos qu'on

 19   nous a montrées ici, et notamment, dans le livre qui est intitulé

 20   "Urbicide" et qui est fourni à la Chambre. J'affirme que vers le mois de

 21   septembre ou octobre 1992, en personne je suis allé inspecter presque la

 22   ville entière de Mostar, et j'ai pu constater par moi-même qu'elles ont été

 23   les destructions dans Mostar. Pendant une grande partie du temps de

 24   destruction de Mostar, j'étais présent, j'étais dans Mostar même.

 25   Ensuite, en automne 1992, j'ai envoyé deux hommes de Croatie, l'un

 26   s'appelait Goran Pavelic et l'autre Goran Mecava. L'un était employé par

 27   l'IPD, et l'autre était un caméraman qui avait déjà tourné des choses pour

 28   moi et il possédait une caméra professionnelle de 16 mm de marque Arrow-

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  1   Flex avec 1 000 mètres de négatif couleur Kodak pour filmer les

  2   destructions dans Mostar, et ils ont fait ce travail. Ce film existe à la

  3   télévision de Zagreb. On en a fait non pas un négatif, mais un positif, et

  4   il y a une vidéo au ministère de la Défense et j'ai une de ces cassettes en

  5   ma possession moi aussi.

  6   Ensuite, malheureusement à l'époque de ces destructions dans Mostar,

  7   il n'y avait pas dans la ville de Mostar, exception faite de quelques

  8   personnes qui ont quitté par la suite la Bosnie-Herzégovine, il n'y avait

  9   pas eu d'observateurs internationaux. Les observateurs internationaux sont

 10   venus en grand nombre une fois que le conflit entre l'ABiH et le HVO a

 11   commencé. Ils ont bien entendu vu qu'on tirait des deux côtés et que la

 12   ville de Mostar était saccagée. Et ils en ont conclu le fait que c'était le

 13   HVO qui devait forcément avoir détruit Mostar.

 14   A l'occasion des combats entre le HVO et l'ABiH, il a été détruit un

 15   peu plus de bâtiments qu'ailleurs à la ligne de démarcation, donc au niveau

 16   de ce qu'on appelle le boulevard, la place des Espagnols, et la rue de

 17   Santiceva. Fort heureusement, en ce qui concerne la position qui est la

 18   mienne et celle du HVO à l'époque des conflits entre l'ABiH et le HVO, du

 19   côté est, il y avait 24 heures sur 24 des membres du Bataillon espagnol, et

 20   ils ont compté les obus qui tombaient sur la rive gauche et sur la rive

 21   droite, vis-à-vis donc de cette ligne de démarcation, donc des deux côtés

 22   de la ligne. Et lorsque nous parlons des rapports qui sont les leurs et qui

 23   sont mis à la disposition des Juges de la Chambre, j'ai calculé avec

 24   précision le nombre des obus qu'on a comptés, obus qui sont tombés sur le

 25   côté est. Ce document est remis aux Juges de la Chambre et cela, pour

 26   autant que je sache, a été versé au dossier. J'espère que le Procureur

 27   essaiera de le contester, sous réserve bien sûr d'avoir des chiffres

 28   différents à sa disposition. Mais j'ai parlé, moi, de 800 obus, 800 et

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  1   quelques.

  2   Alors j'affirme que pendant tous les conflits, et même quand il n'y

  3   avait pas de conflits, en même temps Mostar avait été pilonnée par

  4   l'artillerie de la Republika Srpska en plus ou moins grande mesure. Et

  5   d'après le meilleur des mes connaissances sur le chiffre qui est donné ici

  6   pour ce qui est des obus tirés en cinq ou six mois depuis les positions du

  7   HVO en direction du côté est et non pas seulement Mostar, mais la région de

  8   Mostar, il devait y avoir 25 à 30 % d'obus à être arrivés des positions

  9   serbes afin que le conflit soit constamment attisé et afin qu'il n'y ait

 10   aucune possibilité de voir les choses se tasser. Parce que les uns disaient

 11   : C'est l'ABiH qui nous tire dessus, et les autres disaient : Voilà c'est

 12   le HVO qui nous tire dessus, et c'est ce qui donnait lieu à des échanges de

 13   tirs de l'un et de l'autre côté de la ligne de démarcation.

 14   J'affirme également que ce chiffre d'environ 600 obus en cinq ou six

 15   mois qui ont été tirés vers des cibles militaires du côté est, pour les

 16   préparatifs d'artillerie, préparatifs en vue de l'attaque d'un bataillon,

 17   je dirais que c'est un nombre ridicule, misérable, pour qu'on puisse

 18   véritablement parler du bombardement de Mostar.

 19   Alors ici on a montré aux Juges de la Chambre, entre autres, un

 20   tableau présentant le nombre d'obus d'artillerie qu'il convient de tirer en

 21   application des règles de quelque armée que ce soit, je précise bien, pour

 22   neutraliser 25 % des forces de l'ennemi, par exemple; on parle de 5 000 à 6

 23   000. Donc là il n'en est pas question. Ce que je veux affirmer encore, et

 24   les Juges de la Chambre disposent de la chose, au cas où cela s'averrait

 25   nécessaire, je peux étoffer. Ce que j'affirme --

 26   M. STRINGER : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre,

 27   j'ai peut-être raté la différence, mais je vois que le général consulte un

 28   classeur qu'il a déjà utilisé hier et il fait référence à un tableau. C'est

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  1   peut-être sous un des onglets. Quel serait l'onglet, je le demande à Me

  2   Kovacic sous quel onglet va-t-on trouver ce document.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Pralkjak, le tableau c'est quelle

  4   référence ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'un tableau que j'ai déjà présenté

  6   ici à la Chambre. Je ne l'ai pas ici mais je dis que cela a déjà été

  7   présenté aux Juges de la Chambre, ou du moins dans ce prétoire. Il s'agit

  8   d'un tableau émanant de l'OTAN qui montre combien tel ou tel type d'arme

  9   doit tirer de projectiles par kilomètre carré pour neutraliser 25 % ou 50 %

 10   ou 75 % des forces adverses. C'est à ce tableau-là que je me réfère, alors

 11   bien entendu, je ne l'ai pas ici, mais j'en dispose dans mes propres

 12   classeurs, et pour autant que je me souvienne, elle a été versée comme

 13   pièce à conviction.

 14   M. STRINGER : [interprétation] D'accord, mais je regarde du côté,

 15   Monsieur le Président, je crois que c'est l'onglet numéro 5. Du moins,

 16   c'est le nôtre dans le classeur que nous avons reçu.

 17   Puisque j'ai la parole, permettez-moi de dire ceci, ce fut le cas

 18   également hier, le général fait référence et fait son témoignage   partant

 19   de documents qui se trouvent dans ce classeur. Pendant tout le procès nous

 20   avons eu plusieurs exemples de témoins qui ont utilisé des notes ou des

 21   documents préparés. Ce n'est pas très clair pour nous. J'aimerais connaître

 22   le statut, si vous me le permettez, de ces notes, est-ce qu'on va en

 23   demander le versement au dossier ? Est-ce que ce sont des documents

 24   préparés par le général avec son avocat ? J'ai l'impression que ce n'est

 25   pas vraiment une déposition de viva voce. On ne fait au fond que relire ce

 26   que le témoin a déjà préparé. M. KOVACIC : [interprétation] Je peux vous

 27   aider.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la déclaration au titre de l'article 84 bis, M.

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  1   Praljak s'est appuyé sur des documents qui étaient sous des onglets. Alors

  2   est-ce que vous allez demander l'admission de ces documents ? Voilà la

  3   question que pose à juste titre M. Stringer. Est-ce que vous pouvez nous

  4   renseigner, parce qu'il voit M. Praljak consulter des documents, il pense

  5   que ce sont des documents émanant de cette déclaration, voire d'autres

  6   documents dont vous allez demander tout à l'heure l'admission en les

  7   présentant à M. Praljak. Alors pouvez-vous nous renseigner ?

  8   M. KOVACIC : [interprétation] Messieurs les Juges, c'est un plaisir pour

  9   moi d'apporter un éclaircissement et de contribuer à ce que l'on évite à

 10   l'avenir tout nouveau malentendu.

 11   Pour commencer, ce détail qu'a soulevé mon confrère, les dernières

 12   trois minutes de la réponse du général Praljak où il a fait référence à

 13   deux documents qui ont déjà été présentés dans ce prétoire, il se réfère

 14   ici à deux pièces à conviction dont je vous fournirai ultérieurement les

 15   numéros, et il s'agit de deux documents qui ont été versés comme chacun le

 16   sait dans ce prétoire. Et ce qu'a fait le général Praljak c'est simplement

 17   de faire une synthèse des différents rapports disponibles pour obtenir le

 18   nombre total d'obus.

 19   Ensuite, il y a également eu un document qui nous a montré quels étaient

 20   les chiffres de référence de l'OTAN pour ce qui est du nombre de munitions

 21   utilisées par objectif militaire. Il s'agit de données militaires -- et le

 22   général Petkovic souhaite intervenir.

 23   L'ACCUSÉ PETKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, si vous pouvez

 24   simplement me permettre, il s'agit ici d'une erreur. Il s'agit de chiffres

 25   émanant non pas de l'OTAN mais de la JNA. Il s'agit de prescriptions

 26   émanant non de l'OTAN mais de la JNA.

 27   M. KOVACIC : [interprétation] Je remercie le général Petkovic. En effet, il

 28   y avait quelque part également la mention que les chiffres étaient les

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  1   mêmes à l'OTAN d'où peut-être l'erreur.

  2   Mais pour en revenir à la question qui a été posée par vous, Monsieur

  3   le Juge, en vous fondant sur la question de M. le Procureur, le général

  4   Praljak a préparé sa déclaration liminaire en supposant qu'il pourrait

  5   disposer de trois heures ainsi que nous l'avions demandé. Cette déclaration

  6   a été préparée par lui seul et il s'est fondé sur ses propres documents,

  7   sur les documents dont la Défense dispose dans ses archives, puisque le

  8   général Praljak ne dispose pas de tout au quartier pénitentiaire, et en se

  9   basant également sur tout ce qui a eu lieu dans ce prétoire. Mais puisque

 10   vous nous avez accordé moins de temps, nous avons présenté une partie

 11   seulement des sujets prévus. Et c'est pour des raisons purement pratiques -

 12   -

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Un moment, Maître Kovacic. Je vais vous laisser

 14   continuer, mais une question qui est soulevée immédiatement.

 15   Hier, quand le général Praljak a fait sa déclaration, nous avons

 16   suivi à partir du classeur qu'il nous a donné et dans lequel évidemment on

 17   a constaté que ce qu'il nous dit, il lisait les parties de son document. Et

 18   là vous nous avez expliqué que c'est son propre travail. Mais la question

 19   qu'on se pose : est-ce que ce classeur a été donné hier à l'Accusation ?

 20   Est-ce que l'Accusation l'a bien eu ? Vous nous dites oui ? Dites le oui

 21   pour que ça soit au transcript.

 22   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, cela a été fourni

 23   aussi bien aux Juges de la Chambre qu'à l'Accusation, à tous, à vrai dire,

 24   afin qu'on puisse suivre. Et il s'agit donc de la déclaration du général

 25   Praljak. J'y venais justement.

 26   Puisque le temps qui nous a été accordé a été réduit, nous n'avons

 27   pas souhaité entraîner des difficultés avec la manipulation des documents

 28   qui sont très nombreux dans cette affaire. Et je n'ai pas procédé à la

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  1   séparation d'avec les autres sujets que j'ai décidé de soumettre au général

  2   Praljak en lui posant des questions.

  3   Ma consœur me dit que l'Accusation a reçu ce classeur dès vendredi dernier

  4   déjà. Et je pense que les choses auraient été peut-être moins pratiques si

  5   nous avions séparé ce gros classeur en deux classeurs plus petits. Si vous

  6   le souhaitez, bien entendu, je peux aussi à chaque fois rappeler le numéro

  7   du sujet abordé afin que le suivi en soit plus précis.

  8   Le général Praljak dépose en restant dans le cadre de la structure

  9   prévue pour sa déclaration. Cependant, il s'exprime librement avec ses

 10   propres mots ou il structure différemment sa pensée. Cependant, il suit

 11   toujours la même logique et la même structure, et cela afin d'être aussi

 12   bref et aussi logique que possible.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que la Chambre doit comprendre que vous allez

 14   demander l'admission de tous les documents; ils sont exactement 28 qui

 15   figurent au classeur avec les thèmes : eau, téléphone, électricité,

 16   information, pilonnage de Mostar, vieux pont, encerclement de Mostar,

 17   sniper, et cetera, et cetera. Est-ce que vous allez nous demander par

 18   requête écrite éventuelle l'admission de ces 28 documents, étant précisé

 19   que vous nous avez dit que M. Praljak en a lu au moins la moitié et qu'il

 20   n'a pas eu le temps de lire les autres faute de temps ? Sinon, s'il avait

 21   eu trois heures, il aurait lu le document numéro 1 qui est intitulé "eau",

 22   il aurait lu le document numéro 2 intitulé "téléphone", et cetera ?

 23   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Vous venez

 24   d'anticiper par votre question ce que nous espérions à vrai dire pouvoir

 25   faire. Nous avions prévu, pour une meilleure efficacité et pour venir en

 26   aide aux autres parties et aux Juges de la Chambre et à l'Accusation, de

 27   demander le versement de l'ensemble de ces thèmes numéros 1 à 28, après la

 28   fin des réponses du général Praljak, et ce sera aux Juges de la Chambre

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  1   évidemment d'apprécier la valeur probante.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer.

  3   M. STRINGER : [interprétation] Simplement pour le compte rendu,

  4   l'Accusation va faire objection à ces textes écrits. On n'acceptera pas

  5   qu'ils soient versés au dossier. Le général a fait sa déclaration hier dans

  6   le délai fixé par la Chambre, maintenant il est à la barre des témoins, il

  7   a prononcé en tant que témoin une déclaration solennelle. Les témoins ne

  8   viennent pas lire des documents préparés à l'avance au Tribunal et puis ils

  9   ne demandent pas à verser au dossier ces discours ou ces textes préparés.

 10   Le témoignage, ce sont les mots qu'il prononce, à mon avis. Monsieur le

 11   Président, je ne veux pas consacrer davantage de temps à la chose, mais il

 12   y a une différence entre ce que le général dit et ce qui se trouve dans ces

 13   documents écrits, préparés, dont on va demander le versement. Nous estimons

 14   que les textes écrits ne sont pas recevables, et peut-être pourra-t-on en

 15   discuter un autre jour.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc la Chambre délibérera sur cette question.

 17   On a enregistré votre position. On a enregistré la position de Me Kovacic.

 18   Voilà. Bien.

 19   Alors continuez, Maître Kovacic.

 20   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, j'ai une question.

 22   Tout à l'heure, M. Praljak a abordé un sujet qui concerne la destruction

 23   des immeubles à Mostar par la JNA ou la Republika Srpska. Il nous a dit

 24   qu'il a fait filmer ces destructions et qu'il a donc le film et que la

 25   télévision croate en a également un exemplaire. Alors vous-même, vous aviez

 26   l'intention de nous montrer cette vidéo parce que ça pourrait être la

 27   preuve que ce qui est allégué dans l'acte d'accusation d'avoir été détruit

 28   par le HVO a en réalité été détruit par la JNA ou la Republika Srpska. Est-

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  1   ce que vous allez nous la montrer ou pas ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je dispose de cet

  3   enregistrement qui dure plus d'une heure. J'étais persuadé que l'ouvrage

  4   intitulé "Urbicide," composé conjointement par les Croates et les Musulmans

  5   avec une description extrêmement précise des destructions, constituerait un

  6   moyen de preuve complet bien plus efficace que ce film. Mais si vous

  7   souhaitez en savoir plus, il s'agit de prises de vue qui sont assez

  8   scolaires où on a des travellings qui montrent l'étendue des destructions

  9   et qui prendraient beaucoup de temps à être montrées ici. Je peux vous

 10   présenter l'ensemble de ce document où on pourrait montrer certains

 11   extraits, si vous le souhaitez c'est possible. J'étais pour ma part

 12   persuadé que l'ouvrage "Urbicide" et les quelques expositions qui ont été

 13   présentées à Paris, à Zagreb et ailleurs, constitueraient une preuve

 14   suffisante des destructions qui ont eu lieu à Mostar, et de qui en a été

 15   l'auteur. Si vous le souhaitez, nous présenterons également cet

 16   enregistrement vidéo, bien entendu.

 17   M. KOVACIC : [interprétation] Messieurs les Juges, si je peux ajouter

 18   encore une dernière chose à ce qui vient d'être dit. Avec notre client

 19   conjointement, nous avons suivi le principe du meilleur moyen de preuve et

 20   en nous penchant sur cette question, c'est ce qu'a dit le général Praljak à

 21   l'instant, nous avons estimé que le meilleur élément de preuve serait

 22   constitué par l'ouvrage intitulé "Urbicide," préparé par une commission

 23   mixte et pour ainsi dire indépendante. Il y a eu ici des témoins qui ont

 24   déposé quant à la genèse de cet ouvrage, y compris le directeur de cette

 25   publication. Quant à cet enregistrement vidéo, nous avons estimé, comme l'a

 26   dit le général Praljak, qu'il avait une valeur probante moindre. Si

 27   toutefois vous le demandez, nous pouvons le présenter, malgré le caractère

 28   quelque peu fastidieux de ce document. Nous pouvons préparer l'intégralité

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  1   du document ou simplement quelques extraits.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez affaire à des Juges qui apprécient les

  3   éléments de preuve. Là vous voulez dire quelque chose que je ne partage

  4   pas. Vous dites que vous avez estimé que la valeur probante de ce film est

  5   pour vous inférieure au document. Je suis d'un avis contraire. Parce qu'un

  6   livre ou un document peu avoir été fabriqué de toutes pièces. En revanche,

  7   quelque chose qui a été filmé à l'époque par une partie quelconque, c'est

  8   visuel, à moins qu'il y ait une falsification, ça a une valeur probante

  9   supérieure à ce qui a pu être écrit dans un livre ou avec un cliché que

 10   l'on voit, parce que le poids d'une image a pour moi une valeur probante

 11   supérieure à ce que peut dire quelqu'un, à ce que peut dire un livre, parce

 12   qu'on voit exactement ce qui s'est passé.

 13   Je dis cela en me référant également -- mais comme c'est public, je

 14   peux le dire à l'arrêt qui a été rendu par la Cour internationale de

 15   justice dans l'affaire Serbie et République de Bosnie-Herzégovine, où il y

 16   a toute une partie concernant la destruction à Mostar, et j'ai constaté que

 17   dans cette partie de l'arrêt de la cour internationale de justice, il y a,

 18   semble-t-il, des immeubles qui sont dans l'acte d'accusation du Procureur

 19   ici concernant des faits imputés au HVO; d'où me semble-t-il l'intérêt de

 20   voir le film qui a été tourné à l'époque. D'après ce que j'ai compris de M.

 21   Praljak, avant qu'il y ait eu des tirs par le HVO qui, d'après lui, ont été

 22   consacrés uniquement au boulevard qui séparait les lignes de front et à

 23   l'exclusion de tout autre objectif.

 24   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, par rapport à ce que

 25   vous venez de dire, je n'ai évidemment absolument aucune objection. Je suis

 26   tout à fait d'accord. Ce que je viens d'exposer était simplement

 27   l'estimation qui avait été la nôtre, et nous avions pensé présenter

 28   l'élément de preuve le meilleur, qui s'accompagnait de dépositions viva

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  1   voce, et c'est ce qui m'avait semblé être le plus pratique. Bien entendu,

  2   nous procéderons comme vous l'indiquez si c'est nécessaire, et peut-être

  3   que nous pourrons déjà le faire dès que nous en arriverons à cette partie

  4   qui concerne Mostar en 1992. Peut-être que cet enregistrement ou des

  5   extraits pertinents pourront déjà être clairs à ce moment-là, dans quelques

  6   jours. Mais nous n'avons absolument aucune raison de retenir quelques

  7   documents que ce soit.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que votre temps est limité, vous le savez,

  9   mais vous pouvez peut-être identifier cinq, dix minutes, les plus

 10   pertinentes.

 11   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense que

 12   maintenant nous savons comment procéder.

 13   Q.  Général Praljak, il me semble que vous souhaitiez encore ajouter

 14   quelque chose. Je ne vous interromprai pas.

 15   R.  Je souhaite simplement dire que ce que j'ai écrit est la vérité. Je le

 16   lis sous serment et j'affirme que j'ai été le seul à le rédiger. La

 17   traduction qui a été faite à Zagreb l'a été pour que l'on puisse avancer

 18   plus vite, dans le cadre des trois heures que j'espérais me voir allouer.

 19   J'affirme qu'après l'attaque de l'ABiH visant le HVO, le commandement

 20   du 4e Corps d'armée se trouvait au centre-ville. Le commandement de la 1ère

 21   Brigade motorisée de l'ABiH se trouvait au centre-ville. Le commandement de

 22   la Police militaire lui aussi était au centre-ville. Les cantines de

 23   l'ABiH, les postes radio, la logistique et les entrepôts de munitions

 24   également se trouvaient dans le centre-ville de la partie est de Mostar.

 25   J'affirme que le caractère mixte de la population de la Bosnie-

 26   Herzégovine et des soldats de l'ABiH était une chose tout à fait courante;

 27   c'était quelque chose que l'on pouvait observer quotidiennement. Des armes

 28   étaient amenées en permanence.

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  1   De nombreuses personnes portaient un uniforme alors qu'elles

  2   n'étaient pas censées en porter un. Il y avait des enfants qui portaient

  3   des armes également. Le droit international de la guerre en parle.

  4   Pour ce qui est de l'incapacité du droit d'un commandement militaire

  5   à détruire des cibles de l'adversaire, il faut utiliser des moyens

  6   d'artillerie proportionnés à l'objectif. J'affirme que les commandants du

  7   HVO, moi y compris qui était à leur tête, s'en sont tenus à ces règles afin

  8   que le nombre de projectiles tirés en direction de Mostar est aurait dû

  9   être au moins 1 000 fois plus important que le nombre qui a été compté par

 10   les membres du Bataillon Espagnol, et cela sans même retrancher les obus

 11   qui avaient été tirés par la VRS.

 12   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Désolé de vous interrompre. Je cite

 13   votre réponse, vous avez dit "proportionné," c'est la quantité nécessaire

 14   pour détruire ou neutraliser un pont ennemi, les communications, les

 15   transmissions de l'ennemi, le QG ennemi, et cetera. Je crois que vous avez

 16   mal compris la question de "proportionné."

 17   Je n'ai pas le texte des protocoles et conventions de Genève et La

 18   Haye, mais je suis sûr que quand on parle de l'utilisation proportionnée ou

 19   modérée, on renvoie à l'objectif qui est de détruire un bâtiment ou une

 20   autre cible. On dit que ceci doit se faire en proportion avec le résultat

 21   de l'effort militaire déployé par les parties concernées, des parties au

 22   conflit armé. Ce qui intervient ici ce n'est pas la question des munitions,

 23   c'est plutôt la question de voir si l'effort est proportionné à l'objectif

 24   recherché, qui est de savoir comment on peut accomplir une opération

 25   militaire.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Prandler. Bien

 27   entendu, j'ai essayé de trouver la définition exacte de ce terme de

 28   "proportionné". Il s'agit en fait de neutraliser la cible qui est visée.

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  1   Néanmoins, je pense qu'il faut peut-être en rester à la pratique qui est

  2   celle des nations qui sont considérées comme ayant la meilleure pratique

  3   par rapport au droit international, par exemple les Etats-Unis. Lorsque la

  4   Serbie a été attaquée, il y a une situation de moyens disproportionnés

  5   lorsqu'il y a eu destruction de plus de 60 ponts et du bâtiment de la

  6   télévision. Les avocats affirment qu'il s'agit de neutraliser les objectifs

  7   qui se trouvaient dans la ville, et conformément au tableau de tirs

  8   habituels, j'affirme qu'il aurait fallu tirer 1 000 fois plus de

  9   projectiles pour neutraliser ces cibles.

 10   Tous les témoins que nous avons eus ici nous ont confirmé que les

 11   commandants du HVO, et moi-même à leur tête, nous avons toujours respecté

 12   ces principes. Bien qu'il y ait eu des mortiers à bord d'ambulance qu'on a

 13   utilisés pour tirer sur différentes cibles dans la ville, je m'appuie sur

 14   ces tableaux de tir. C'est vous qui estimerez à la fin de la question de

 15   savoir ce qui est proportionné ou non conformément au droit de la guerre.

 16   Vous verrez que je me réfère aussi à la pratique de certaines grandes

 17   puissances pour ce qui est de savoir exactement ce que veut dire ce terme

 18   de "proportionné." J'estime que c'est la bonne façon de procéder pour

 19   éclaircir cette notion. Merci, je n'ai rien à ajouter à ce sujet.

 20    M. KOVACIC : [interprétation] Je pense qu'on pourrait maintenant passer au

 21   sujet suivant qui est celui du vieux pont.

 22   Je voudrais attirer l'attention des Juges de la Chambre et de toutes

 23   les personnes présentes dans le prétoire sur le fait que nous n'allons ici

 24   que donner quelques éléments fondamentaux concernant ce sujet qui nous a

 25   déjà passablement occupés. Suivant le besoin qui s'en présentera, nous y

 26   reviendrons ultérieurement. Je vous remercie.

 27   Q.  Vous avez la parole, Général Praljak.

 28   R.  J'affirme qu'à l'époque où j'étais à la tête de cette opération de

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  1   franchissement à partir de la rive droite en direction de la rive gauche de

  2   la Neretva, opération des unités du HVO aidée par certaines unités

  3   musulmanes du HVO, qu'à la deuxième nuit de cette opération il n'y avait

  4   qu'une garde réduite autour du vieux pont, peut-être à 150 ou 200 mètres

  5   des lignes serbes. J'ai donné des ordres au HVO, il s'agissait de deux

  6   camions qui transportaient des sacs de sable, j'ai donné ces ordres aux

  7   unités logistiques de la HVO afin qu'elles protègent le vieux pont de

  8   Mostar pour que celui-ci ne soit pas davantage endommagé par les obus de

  9   mortier qui s'abattaient. Il avait déjà été très endommagé. Des planches

 10   fixées sur le vieux pont étaient supposées le protéger, absorber les chocs

 11   dus aux obus de mortier qui s'abattaient alentour. C'est pourquoi j'ai fait

 12   cela. J'ai donné l'ordre que les 30 ou 40 hommes qui participaient à cette

 13   opération prennent un risque considérable pour s'acquitter de cette tâche

 14   car un seul des obus qui tombait, un seul ou deux de ces obus auraient pu

 15   tuer 10, 12, ou même 15 d'entre eux.

 16   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Me

 17   Kovacic ou le témoin peut-il nous donner une date.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, essayez quand vous donnez ce type

 19   de précision de toujours nous donner une date, parce que dans le jugement,

 20   on sera obligé d'intégrer la date pour confirmer ou infirmer ce que vous

 21   dites. Vous avez dit que vous avez donné l'ordre mais quand, quel mois,

 22   quel jour ? Bon, le jour c'était peut-être difficile à nous le dire. Et

 23   puis je m'étonne, Monsieur Praljak, j'ai regardé vos trois classeurs, et en

 24   réalité, je ne découvre pas dans les trois classeurs des ordres militaires

 25   signés par vous-même, et cetera.

 26   Là, par exemple, vous venez de dire, j'ai donné l'ordre. Bon, si

 27   c'est un ordre verbal, évidemment cela a moins de valeur que si c'était un

 28   ordre écrit. Si vous avez donné un ordre écrit ça doit se retrouver, et à

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  1   ce moment-là, il faut le produire.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur les Juges,

  3   pour autant que je le sache, les ordres verbaux ont le même poids dans une

  4   situation de guerre que les ordres écrits. A partir du moment où une

  5   opération de ce type est lancée, il devient impossible de rédiger des

  6   ordres par écrit; à ce moment-là, on donne des ordres verbaux parce que

  7   l'action est en cours et on n'a plus le temps de rédiger. Là c'était un

  8   ordre verbal, et les hommes qui ont exécuté cela, il y en a quatre ou cinq

  9   qui ont signé une déclaration qui sera fournie au Tribunal disant qui leur

 10   a donné l'ordre et comment ils l'ont exécuté. Il s'agit du mois de juin

 11   1992, deux jours après le début de l'attaque qui se situe au 14 juin 1992 à

 12   5 heures du matin, 4 heures et demie, 5 heures. Ce n'est pas la première

 13   nuit, c'est du 14 au 15, mais c'est du 15 au 16, si mes souvenirs sont

 14   bons. C'est à ce moment-là que 30 à 40 hommes sur mon ordre verbal et les

 15   déclarations à cet effet seront fournies, ont protégé le vieux pont grâce à

 16   une construction en fer avec des planches fixées là-dessus.

 17   J'affirme également pour ce qui est de notre attaque, à ce moment-là notre

 18   pont ne constituait pas un objectif militaire, ou n'avait pas de

 19   signification militaire de taille. Je ne vois pas quel commandant dans

 20   quelque armée organisée aurait exposé 30 à 40 hommes au risque pour leurs

 21   vies. Dans une armée on pourrait considérer que le commandant n'a pas agi

 22   de manière responsable, c'était moi en l'occurrence, parce que j'ai exposé

 23   la vie de ces hommes à un danger démesuré.

 24   Cet ordre que j'ai donné c'est uniquement sur le plan symbolique et

 25   culturel que je peux le justifier, vu l'importance de ce pont, parce que

 26   c'était un symbole. Autrement, je n'aurais pas procédé ainsi, je n'aurais

 27   pas protégé un autre pont de cette manière-là. Seul le vieux pont de Mostar

 28   a pu bénéficier de ce traitement parce que par son importance il dépasse

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  1   tous les autres ponts. C'est ce qui m'a incité à donner cet ordre qui, d'un

  2   point de vue purement militaire, ne peut pas être justifié, ou considéré

  3   comme étant un ordre raisonnable.

  4   Par conséquent, j'affirme en outre qu'au moment de l'attaque de l'ABiH,

  5   qu'il s'agisse du mois de mai et en particulier de la fin juin 1993, et

  6   pendant toute la période qui m'intéressera ici où il y a eu la grande

  7   opération Neretva 93 qui commence à Bugojno et qui se termine vers la

  8   deuxième moitié du mois d'octobre 1993, j'affirme que les commandants de la

  9   zone opérationnelle du HVO, les commandants de brigades et ainsi que

 10   l'artillerie ont reçu des instructions claires de ma part, les enjoignant à

 11   ne pas prendre pour cible des civils, pas plus que des objectifs militaires

 12   situés parmi la population civile.

 13   Le vieux pont n'a pas été pris pour cible par le HVO, et j'affirme

 14   que si j'avais émis un tel ordre, depuis le mont Hum avec trois obus, en

 15   l'espace d'une minute j'aurais pu détruire le vieux pont. Il aurait suffi

 16   de se servir d'obus à détonation et explosion retardée, et il aurait cédé.

 17   Mais pendant toute la durée où j'étais aux commandes on n'a jamais pris

 18   pour cible ce pont. Pendant toute cette durée il a été objectif militaire

 19   comme on peut le voir sur les clichés, et puis comme viennent le témoigner

 20   des Musulmans. Ce pont a été utilisé par des militaires pour traverser, on

 21   l'a utilisé pour transporter des armes et des munitions, pour tous ceux du

 22   côté de l'ABiH qui étaient sur la rive droite de la Neretva.

 23   De la manière dont j'interprète et je comprends le droit, j'aurais pu

 24   détruire le pont à ce moment-là. Même si on lit une autre disposition dans

 25   ce texte de loi, à savoir qu'au niveau du commandant de la division qui

 26   équivaut au commandant d'une zone opérationnelle, ça aurait été le rang du

 27   général Lausic [phon], donc lui, moi ou qui que ce soit du même grade

 28   aurions eu le droit discrétionnaire de prendre cette décision de détruire

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  1   ce pont qui constitue un point important pour l'autre partie. Or, nous ne

  2   l'avons pas fait. Rien de tout cela n'a été fait.

  3   Quant à savoir comment on a détruit ce pont, il en a déjà été

  4   question en l'espèce. Hélas, je ne peux pas dire qui l'a détruit et cela

  5   restera un secret même si là il s'agit d'un sale jeu d'après ce que j'en

  6   sais, un Ecossais membre de l'armée anglaise a placé une caméra peu avant

  7   la destruction du pont.

  8   Peu importe, tout ce que j'en sais c'est qu'aucun membre du HVO sur

  9   aucun ordre n'a détruit le vieux pont. Le 8 novembre 1993, qui a

 10   éventuellement pris pour cible le vieux pont avec un char que nous avons pu

 11   voir à l'image ? Je l'ignore, encore aujourd'hui je ne sais pas. Des

 12   enquêtes ont été lancées. On a fait rapport sur certaines personnes et puis

 13   tout a été stoppé, et encore à ce jour on n'a pas poursuivi cette enquête,

 14   tout simplement parce que comme on appelle ça dans l'histoire la propagande

 15   à la Goebbels, on a trouvé un coupable tout désigné, à savoir Slobodan

 16   Praljak. Il n'y rien à faire avec cela. Il a toujours protégé le vieux pont

 17   par tous les moyens quand il a été le commandant et quand il ne l'a pas

 18   été.

 19   C'est le 9 novembre 1993 à 10 heures 30 qu'on a détruit le vieux

 20   pont, et à partir de 7 heures 40, je n'étais plus à la tête du Grand état-

 21   major du HVO. J'étais déjà près de Zagreb au moment où j'ai appris que le

 22   pont avait été détruit. Mais cela suffira.

 23   Des experts sont venus déposer, les Juges ont vu également le livre

 24   rédigé par moi dans le cadre de mon combat cherchant à me défendre devant

 25   une harangue, une avalanche de mensonges et de calomnies dont j'ai été

 26   victime. Tout au contraire j'ai protégé le pont. Je l'ai protégé, et c'est

 27   intéressant de savoir que dès le 8, à partir du moment où officiellement

 28   j'avais le document disant que je n'étais plus aux commandes, que ce char

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  1   s'est mis à tirer. Je ne pouvais pas mener d'enquêtes. Je n'avais plus de

  2   moyens de mener l'enquête, et personne ne cherchait à le savoir.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander à M. le Greffier de passer à huis

  4   clos pendant quelques instants. 

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  6   Messieurs les Juges.

  7   [Audience à huis clos partiel]

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 24   [Audience publique]

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

 26   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Q.  Général Praljak, je pense que nous avons épuisé maintenant le sujet du

 28   vieux pont. Nous avons tenté de synthétiser ce thème encore une fois. Est-

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  1   ce que vous pouvez maintenant parler aux Juges, sur la base de ce que vous

  2   savez du siège, de l'encerclement de Mostar.

  3   R.  Une ville ou un territoire est considéré comme étant assiégé à partir

  4   du moment où il y a une ligne ininterrompue autour de cette localité, il

  5   est encerclé par des soldats de la partie adverse, ennemie ou alliée.

  6   Jusqu'au 9 mai 1993, le HVO et l'ABiH ont tenu les lignes face à la VRS, au

  7   champ de bataille d'Herzégovine, de Konjic jusqu'à Stolac et Neum.

  8   Le 9 mai, l'ABiH a attaqué le HVO à Mostar, et puis la situation

  9   s'est rapidement calmée, un cessez-le-feu a été signé et à partir de ce

 10   moment-là, il reste une ligne de démarcation, de partage dans la ville de

 11   Mostar, comme nous la connaissons, le long du boulevard, et cetera. A

 12   l'extérieur de Mostar, au nord et au sud, les unités du HVO et l'ABiH

 13   gardent leurs positions face à l'armée de la Republika Srpska.

 14   Le 30 juin 1993, l'ABiH, plus précisément les Musulmans dans les

 15   rangs du HVO attaquent et désarment les soldats du HVO qui sont déployés

 16   sur les lignes de front communes, et à partir de cette date-là, la ligne de

 17   confrontation entre le HVO et l'ABiH s'étend du nord au sud, en suivant en

 18   gros le cours de la Neretva jusqu'à Blagaj.

 19   Est-ce que je peux montrer à présent -- Monsieur le Président, Messieurs

 20   les Juges, nous avons tous des cartes sous les yeux. Est-ce que vous voulez

 21   que je les montre ou est-ce que vous les consulterez dans le classeur ?

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, c'est vous qui appréciez comment

 23   vous présentez vos éléments de preuve. C'est dans le cadre du temps qu'on

 24   vous a réparti. Si vous estimez que c'est utile, faites-le. De toute façon,

 25   je suis toujours d'accord à ce que quelqu'un nous montre quelque chose.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'on peut le placer sur le

 27   rétroprojecteur ?

 28   M. KOVACIC : [interprétation] Nous aurions peut-être besoin que l'huissier

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  1   nous aide. IC 549, c'est la cote de ce document qui a déjà été versé au

  2   dossier.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] S'il vous plaît, veuillez regarder cette

  4   carte. Vous avez là, la répartition. Au moment du début du conflit en

  5   rouge, l'armée de la Republika Srpska. En bas, la 3e Brigade du HVO, après

  6   la 2e Brigade du HVO et puis, à Mostar, les problèmes que nous avons déjà

  7   eu l'occasion d'aborder.

  8   M. KOVACIC : [interprétation]

  9   Q.  Un instant. IC 00596, la carte que nous sommes en train de montrer.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Que l'on vient de voir. La position des différentes

 11   armées, c'est quelle date exactement ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le 9 mai 1993, la date sur cette carte.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, le 9 mai 1993.

 14   Je fais un constat personnel que personne n'est obligé de suivre, mais si

 15   je vois cette carte, au centre, on a Mostar et on voit que Mostar est

 16   entourée par la VRS, par la 2e Brigade du HVO en haut, la 3e Brigade du HVO

 17   en bas. C'est bien cela, Monsieur

 18   Praljak ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Sur cette carte, Messieurs les Juges, vous

 22   voyez ce que nous avons déjà entendu ici, des petits conflits commencent,

 23   j'en parlerai plus à l'avenir, dans la ville, du côté du boulevard, et

 24   cetera. Cependant, la 3e Brigade du HVO qui se compose de Croates et de

 25   Musulmans garde des positions face à l'armée de la Republika Srpska, il n'y

 26   a pas d'encerclement. La 2e Brigade du HVO, elle aussi, à son tour, se

 27   compose de Croates et de Musulmans et elle, elle est en position face à

 28   l'armée de la Republika Srpska. L'ABiH, la 1ère Brigade de l'ABiH, et là,

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  1   vous voyez là-haut la 2e Brigade, vous voyez où s'arrêtent ces positions et

  2   où enchaînent la 1ère Brigade de l'ABiH qui garde des positions face à la

  3   VRS. A Mostar même jusqu'au 9 mai, vous n'avez pas encore de positions

  4   prises, il n'y a que des escarmouches, quelques accrochages, et c'est la

  5   situation jusqu'au 9 mai, jusqu'à ce que des lignes de front s'établissent

  6   dans la ville même.

  7   M. KOVACIC : [interprétation]

  8   Q.  Ce que vous vouliez montrer, montrez-le sur le rétroprojecteur puisque

  9   la carte est sur le rétroprojecteur. Et puisque je vous ai interrompu,

 10   permettez-moi de dire autre chose.

 11   R.  La 2e Brigade du HVO, puis, la 1ère Brigade de l'ABiH, puis la 3e

 12   Brigade du HVO. Ici, vous n'avez pas encore les unités avant le 9 mai.

 13   Vous avez juste le fait que d'un point de vue de l'organisation, les

 14   commandements des brigades se trouvaient ici du côté ouest, vous avez le

 15   commandement du 4e Corps, et le fait que le commandement du 4e Corps se

 16   situe en profondeur aussi loin à l'ouest dans un bâtiment de logement, ça

 17   veut dire que le HVO n'a absolument aucune intention d'attaquer qui que ce

 18   soit, parce que comment voulez-vous qu'un commandant normalement constitué

 19   accepte que ce soit aussi loin en profondeur que le commandement du 4e

 20   Corps vienne s'installer chez lui. C'est avant le 9 mai 1993, ce sont des

 21   positions communes de l'ABiH et du HVO face à la VRS.

 22   J'ajoute que dans la 2e et la 3e Brigade du HVO, vous avez un grand

 23   nombre de Musulmans comme nous avons pu déjà le voir grâce à ces tableaux

 24   qui ont été présentés à la Chambre.

 25   La carte suivante, s'il vous plaît. C'est la carte que le Procureur a déjà

 26   montrée. Est-ce que vous pouvez voir ici ce qu'ils ont tracé, les lignes du

 27   HVO - vous avez Blagaj ici - vous voyez sur la gauche de Blagaj les

 28   lignes de la VRS.

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  1   Sur cette carte réalisée par le bureau du Procureur, vous voyez que

  2   Mostar n'est pas encerclée. Nous n'avons rien à voir avec l'armée de la

  3   Republika Srpska. Nous gardons nos lignes nord-sud et toute la partie nord

  4   de Mostar, en passant par Bijelo Polje, en passant par le pont Bjela en

  5   direction de Jablanica, tout est ouvert. C'est la carte qui provient du

  6   bureau du Procureur.

  7   Et vous avez une autre carte qui vient de moi.

  8   M. KOVACIC : [interprétation] Général Praljak, cette carte du bureau du

  9   Procureur, il faudrait lui attribuer un numéro IC maintenant. Est-ce qu'on

 10   peut avoir une cote IC ?

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pour la carte juillet 1993,

 12   bureau du Procureur, un numéro.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette carte recevra la cote IC

 14   1004. Je vous remercie.

 15   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie.

 16   Q.  Veuillez poursuivre.

 17   R.  Voilà, Monsieur le Président, cette carte, nous avons en rouge les

 18   positions de l'armée de la Republika Srpska. L'ABiH a ses positions face à

 19   l'armée de la Republika Srpska. Puis vous avez le HVO exactement comme la

 20   ligne a été tracée le long de la vallée de la Neretva à Mostar la partie

 21   ouest, puis une partie le long de la Neretva. Vous savez que c'est l'ABiH

 22   qui tient ces positions-là.

 23   Et puis une autre carte vient compléter celle-ci. Est-ce que l'on

 24   peut avoir un numéro IC pour celle-ci.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : La carte tirée de Google, ce que vous avez dessiné

 26   c'est quelle date d'après vous ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça c'est la situation après le 30 juin 1993.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Pour la carte Google --

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette carte extraite de Google recevra la

  4   cote IC 1005. Je vous remercie.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà maintenant nous voyons en plus que

  6   l'ABiH tient des positions face au HVO le long de ce tracé que nous avons

  7   réalisé et toute cette portion au nord de Mostar est ouverte. Certes, nous

  8   avons une montagne qui se dresse ici mais il est exact ici de dire que la

  9   route principale passe par Bijelo Polje en direction de Jablanica, et le

 10   contrôle de cette zone dans sa totalité avec le pont Bjela, c'est sous le

 11   contrôle et utilisé par l'ABiH. Il me semble que c'est en octobre 1993 que

 12   l'ABiH a détruit une partie de ce pont pour des raisons que j'ai du mal à

 13   expliquer, à moins qu'ils aient eu peur qu'après l'offensive échouée lancée

 14   par eux de s'emparer des frontières ouest de Bosnie-Herzégovine,

 15   d'atteindre Neum et Ploce, donc à partir du moment où l'offensive Neretva

 16   93 a échoué, ils ont peut-être eu peur d'une contre-offensive du HVO qui

 17   leur aurait fait perdre cette bataille. Et ils avaient peur que du côté est

 18   de Mostar que les citoyens se seraient mis en mouvement vers le nord. Et

 19   d'après les informations que j'avais à l'époque et par la suite, d'après ce

 20   que j'ai appris, ils ont voulu détruire le pont Bjela pour leur envoyer un

 21   message clair, vous n'avez pas où vous enfuir, même si cela constitue un

 22   péril pour vous le fait qu'il y ait une mixité de positions et un groupe

 23   mixte de civils ici.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Reprécisez la date de ces positions.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Après le 30 juin 1993. La même chose, Monsieur

 26   le Juge Antonetti, c'est une même carte, sauf que j'ai indiqué ici les

 27   positions face au HVO tandis que sur la carte précédente c'était des

 28   positions tenues face à la VRS. Et j'ajoute qu'ici nous voyons davantage le

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  1   secteur nord et la précédente le secteur sud.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : La ligne verte, si je comprends bien, c'est la

  3   position de l'ABiH, et si je comprends bien, la position de l'ABiH et du

  4   HVO traverse Mostar en Mostar ouest et Mostar est par le boulevard.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas en passant par Mostar est. Ça passe

  6   par la vallée de la rivière Neretva, à peu près jusqu'au pont des douanes

  7   puis ça tourne à droite, donc vers Mostar ouest, ça prend la rue Santiceva,

  8   le boulevard, la Donja Mahala, jusqu'à ce que nous avons pu voir sur les

  9   cartes précédentes, et ça se poursuit sur le cours de la Neretva.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Si l'ABiH veut entrer dans Mostar est, avec la carte

 11   qu'on a sous les yeux, ils peuvent en passant par le nord, par les

 12   montagnes que l'on voit, et en longeant les forces de la VRS qui sont en

 13   rouge. Donc vous dites que Mostar n'était pas encerclée.

 14   J'essaie de comprendre ce que vous nous dites avec la carte sous les

 15   yeux. Parce que tel que vous dessinez la carte, et vous l'avez dit mais je

 16   vous le fais confirmer, c'est qu'on peut accéder à Mostar est en venant du

 17   secteur tenu par l'ABiH en passant par les montagnes, oui ou non ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Non seulement par les montagnes, Monsieur le

 19   Juge, on pouvait arriver par la route normale allant de Mostar à Jablanica

 20   en passant par le pont Bjela. Donc on pouvait emprunter cette route, et ce

 21   que j'affirme c'est qu'ils emmenaient les journalistes par les montagnes

 22   pour des raisons de propagande, bien qu'ils aient pu passer. Et quand bien

 23   même dans les cas où il n'y avait pas de pont, il y avait une route en

 24   macadam autour du petit bras de rivière par où on pouvait passer. Ça c'est

 25   d'un.

 26   De deux, Monsieur le Juge, nous n'avons rien à voir avec les gens de la

 27   Republika Srpska. Nous avons des positions face à l'ABiH qui s'attaque à

 28   nous, et ce sont ces lignes-là. Donc on dit encerclement, mais il y a une

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  1   ligne fermée autour d'une ville quand on dit encerclement, ou alors une

  2   ligne fermée entre la Republika Srpska et le HVO. Nous, on n'avait rien à

  3   voir avec la VRS. L'ABiH s'est placée elle-même dans une position où elle

  4   avait deux ennemis avec deux fronts ouverts, c'est son choix à l'ABiH. Et

  5   comme je l'ai déjà montré à l'occasion de l'étude de livres qui sont

  6   rédigés, avec la Republika Srpska ils étaient en situation de paix. Ils

  7   achetaient des armes et ils avaient des opérations qu'ils diligentaient

  8   contre nous.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : En terme de technique militaire, parce que c'est

 10   important parce que l'acte d'accusation allègue que Mostar était encerclée.

 11   Bon, alors vous, vous contestez cela ? Donc vous le contestez, mais en

 12   terme strictement militaire, est-ce qu'une unité quelconque de l'ABiH

 13   pouvait rentrer dans Mostar est en passant par la montagne ou par ailleurs

 14   ? Est-ce que c'était possible sans avoir à subir le feu du HVO ou une

 15   impossibilité d'entrer dans Mostar est parce que le HVO tenait le terrain ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, vous avez déjà vu dans les

 17   documents que nous avons présentés ici que depuis Sarajevo, depuis la

 18   Bosnie centrale en allant de Jablanica, on pouvait venir à Mostar et à Zuka

 19   qui est venue, et dans l'opération Neretva ils ont renforcé leurs

 20   effectifs, ils se sont approvisionnés en armes et en munitions. Et en

 21   termes simples, ce type d'opération, d'après les déclarations de Sefer

 22   Halilovic pour ce qui est d'une grande opération de l'ABiH qui a été

 23   déployée par eux, et je vais le démontrer sur 200 kilomètres de front

 24   d'Uskoplje au sud de Mostar, ils ont emmené deux ou trois corps de leur

 25   armée et ils ont amené toute leur artillerie pour déployer les unités. On a

 26   pu voir cela dans tous les documents qu'on a déjà vus et que je vais une

 27   fois de plus montrer pour rendre les choses tout à fait claires et

 28   évidentes.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Cette dernière carte on va donner un numéro,

  2   Monsieur le Greffier.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce IC 1006, Monsieur le

  4   Président. Merci.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause, parce qu'il est 4 heures moins

  6   quart. On fait une pause de 20 minutes.

  7   --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

  8   --- L'audience est reprise à 16 heures 11.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 10   Maître Kovacic.

 11   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   Je pense que M. Praljak avait voulu continuer avec la carte d'après,

 13   le IC 00427. C'est déjà versé au dossier, une pièce à conviction. Merci.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais mettre cela sur le rétroprojecteur,

 15   cela nous facilitera la tâche. Il s'agit d'une carte que j'ai déjà

 16   mentionnée.

 17   Il s'agit des opérations d'attaques de l'ABiH connues sous le sigle

 18   Neretva 93. Comme on a déjà pu le dire à plusieurs reprises, c'est des

 19   opérations qui ont commencé à Konjic, mais ce qu'on peut qualifier comme

 20   début c'est la chute de Bugojno. Donc il y a eu attaque depuis Uskoplje en

 21   direction de Rama, et toute cette ligne a gagné en violence. Il y a eu de

 22   fortes percées dans la partie sud autour de Blagaj vers le 13 août 1993.

 23   Et plus tard, il y a eu des percées d'opérées en direction du mont Hum. Et

 24   on a déjà appris dans le livre du commandant de secteur sud, comment

 25   s'appelait-il déjà ? Peu importe, on le retrouvera tout à l'heure, et ils

 26   sont venus, on ne voit pas cela sur la carte, mais ils sont venus à 12

 27   kilomètres de Siroki Brijeg. Ils ont percés vers là-bas et pendant des

 28   mois, deux mois et demi, pour être plus précis, il y a eu des combats.

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  1   L'ABiH, d'après ces positions clairement définies, et on l'a déjà

  2   versé au dossier, on le revoit dans le livre du chef d'état-major de

  3   l'ABiH, Sefer Halilovic et Rasim Delic ont écrit des textes qui indiquaient

  4   les choses tout à fait clairement. Je n'ai rien à ajouter, si ce n'est de

  5   demander a posteriori au dossier ce qu'ils ont écrit concernant leurs

  6   objectifs, l'opération et les objectifs poursuivis, et la façon dont tout

  7   ceci s'est soldé. Voilà.

  8   M. KOVACIC : [interprétation]

  9   Q.  Merci, Général. Alors s'il n'y a pas de questions, je me proposerais de

 10   poursuivre et de passer au sujet suivant, celui qui fait l'objet du numéro

 11   9 et de l'intitulé "Snipers à Mostar". Non, ce n'est pas le numéro 9, c'est

 12   le numéro 8, excusez-moi. Alors, Mon Général, vous pouvez probablement nous

 13   en dire d'avantage à ce sujet puisque que vous étiez là-bas, vous avez vu

 14   cela.

 15   R.  Il y a des définitions très variées des snippers, mais d'un point de

 16   vue militaire, il est clair que c'est un fusil, n'importe quel fusil qui a

 17   une lunette dessus et on peut rapprocher la cible, mieux la voir, et donc

 18   on fait en sorte que la cible est très visible.

 19   Mais pour des vrais tireurs d'élite dans les armées professionnelles,

 20   entre 1 000, on en prend un. Sur 1 000 il en faut un ou deux parce qu'il

 21   convient de tenir compte de bien des choses : la vitesse du vent,

 22   l'humidité de l'air, pour qu'un bon tireur d'élite, qui d'habitude pendant

 23   des jours attend sa cible, puisse être véritablement efficace à ses tirs.

 24    Malheureusement, là-bas, tous les tirs, n'importe quel tir, et

 25   s'agissant des observateurs variés, ils les qualifiaient de tireurs, de

 26   snipers. C'est devenu une espèce de lieu commun à Mostar. Alors moi

 27   j'affirme que les exemples avancés ici par le bureau de Procureur et que

 28   j'ai contestés, pour dire que de toutes les façons possibles on pouvait

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  1   blesser les 13 cas de blessures comme on les a décrits, de toutes les

  2   façons, sauf les façons qui sont présentées par l'expert. Je ne veux pas

  3   nier le fait que certains soldats avaient des fusils avec des lunettes

  4   dessus. Mais que moi ou quelque commandant passé sous mes ordres, n'a non

  5   seulement pas donné d'ordre à cet effet, mais à chaque fois, à chaque

  6   entretien, nous avons interdit des tirs dirigés vers des civils. Je ne peux

  7   pas non plus nier et exclure toute possibilité qu'il y ait eu dans une

  8   ville départagée par une ligne de démarcation avec des immeubles

  9   d'habitation et tout le reste, que quelqu'un, une personne inconnue, un peu

 10   dérangée dans sa tête, n'ait pas pu tirer à tout va. Mais compte tenu des

 11   photos que j'ai montrées et compte tenu des lignes de démarcation tenues

 12   par le HVO, il y avait très peu de possibilités ou de points à partir

 13   desquels on pouvait faire ce type de choses. Il est certain que les

 14   positions indiquées par l'expert au sud de Mostar, voire les bâtiments au

 15   centre de la ville à partir desquels on affirme qu'il y a eu des tirs, il

 16   n'était pas possible de toucher les cibles tel que décrit dans le rapport.

 17   Alors pour ce qui est des conflits du HVO et de l'ABiH, je dirais que

 18   je n'ai jamais reçu d'information de qui que ce soit concernant l'existence

 19   de nids de tireurs isolés. Alors on dit que des gens qui étaient assis dans

 20   des transports blindés, des transports de troupe, qu'on leur aurait tiré

 21   dessus avec des fusils à lunettes, mais cela est contraire à la logique,

 22   parce que dans un blindé de transport de troupe, compte tenu le bruit que

 23   ça fait, on n'entend pas autre chose, et on peut encore moins définir le

 24   type de calibre avec lequel on lui tire dessus. Et on peut notamment faire

 25   la différence entre le tir avec un fusil à silencieux et un fusil sans

 26   silencieux. Mais de là à savoir que la balle fait le même bruit qu'il y ait

 27   eu sur le fusil un instrument optique ou pas, alors là, il est absolument

 28   impossible de faire la différence.

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  1   Q. Je vous en remercie. Nous pourrions passer au sujet suivant. C'est

  2   le sujet de la langue, de la langue croate en Bosnie-Herzégovine où l'acte

  3   d'accusation comporte une théorie tout à fait particulière. Est-ce que vous

  4   pouvez vous prononcer à ce sujet ?

  5   R.  Je ne sais pas exactement, mais je crois que Heidegger a dit que la

  6   langue c'est le propre de l'homme, et qu'au début de la Bible on dit : "Au

  7   début fut le verbe." La langue c'est une forme d'existence humaine.

  8   Et je voudrais dire à l'intention des Juges que dès l'époque où nous

  9   étions jeunes, nous-mêmes dans nos régions, les personnes sourdes et

 10   muettes étaient muettes parce qu'elles étaient sourdes, mais de ce fait,

 11   très souvent, et à la campagne presque sans exception aucune, c'était des

 12   personnes attardées dans leur évolution mentale, parce que le cerveau

 13   humain ne sait se former, ne peut se former s'il n'y a pas moyen de

 14   communiquer. Donc un enfant qui est né sourd, il faut le découvrir très tôt

 15   et il faut établir une communication suivant des modalités autres pour que

 16   les potentiels du cerveau humain puissent obtenir les formes qui sont

 17   nécessaires pour faire de cet homme-là un être rationnel et un être humain.

 18   Et on sait qu'il y a eu bon nombre d'exemples dans tout manuel de

 19   psychologie, on les retrouve. Alors il y a bon nombre de cas d'écrits. Par

 20   exemple, un enfant qui aurait grandi avec une louve ou avec un chimpanzé,

 21   dans ces conditions l'enfant va survivre, ce sera un enfant attardé, mais

 22   on a pu démontrer que ces gens-là pouvaient vivre jusqu'à 30 ans, et donc

 23   ce cri, la langue des singes ou du loup suffit pour créer un minimum

 24   d'esprit ou de pensée pour rendre la vie possible. Si on laisse un enfant

 25   sans communication aucune, en dépit de tous les soins possibles et

 26   imaginables, cet enfant finirait par mourir. Et c'est ce qui est dit dans

 27   ces manuels, car il n'y aurait pas développement de possibilités de faire

 28   en sorte que le cerveau gère les activités biologiques du corps lorsqu'il

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  1   faut quitter les instincts pour avoir des fonctions autres. Alors cela nous

  2   illustre ce qui suit, à savoir que le cerveau ne se structure que grâce à

  3   la langue, et c'est la raison pour laquelle pour tout peuple la langue

  4   c'est une chose qui constitue les fondements même de son existence.

  5   Et il en découle le fait que bon nombre de descriptions de prisons de

  6   goulags, de prisons françaises en Guyane, et ainsi de suite, on a pu voir

  7   des gens survivre pendant 30 ou 40 ans dans des conditions incroyables.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Sauf le respect que je vous dois, je

  9   suis désolé, Monsieur Praljak, vous parlez comme si vous étiez un expert,

 10   or vous êtes un témoin. Ce n'est pas quelque chose que vous avez observé,

 11   c'est quelque chose que vous avez appris, nous aussi on a appris, nous

 12   aussi nous pourrions dire des choses sur ce sujet. On vous demande de vous

 13   prononcer sur des faits qui ont une certaine pertinence en l'espèce, pas

 14   parler de la langue ou du langage. On n'a jamais dit, on n'a jamais allégué

 15   que quelqu'un aurait été privé de langue.

 16   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je voudrais tout simplement

 17   rappeler une décision de la Chambre datée du 21 avril 2009 dans l'affaire

 18   Perisic. Je ne vais pas trop prendre de votre temps, je ne vais pas entrer

 19   dans tout le détail, je vais juste vous donner l'intitulé, 21 avril,

 20   décision, requête de la Défense …pour le témoignage de l'Accusation,

 21   Miodrag Starcevic".

 22   La décision est publique, donc je vais donner lecture d'une phrase.

 23   Paragraphe 11, dernière phrase où l'on cite les mêmes positions de

 24   l'affaire ou du procès Karemera :

 25   "Les témoins des faits peuvent aussi exprimer des avis, des opinions pour

 26   autant que ces opinions dérivent de leur expérience personnelle."

 27   Je pense que la biographie du général Praljak nous laisse entendre de

 28   façon claire qu'il peut parler de ses expériences personnelles compte tenu

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  1   de la formation qu'il a eue, et je pense qu'il se trouve être qualifié pour

  2   nous en parler. Merci.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé. Je ne suis pas du

  4   tout d'accord ici, nous parlons d'un autre cas de figure ici. Nous voulons

  5   entendre parler de choses qui, quand même, ont un certain rapport avec

  6   l'acte d'accusation. Or, ce que vient de dire M. Praljak jusqu'à présent à

  7   propos de la langue n'a pas le moindre rapport avec l'acte d'accusation.

  8   Par conséquent, bornez-vous à parler, Monsieur Praljak, de ce qui peut

  9   avoir une certaine pertinence en l'espèce.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Kovacic et Monsieur Praljak, je partage

 11   le point de vue de mon collègue. Je viens de lire votre écrit sur la langue

 12   qui figure à l'onglet 9. Bon, c'est vrai que c'est intéressant mais ça ne

 13   répond pas à la problématique de l'acte d'accusation. Dans l'acte

 14   d'accusation, il est dit qu'il y a eu une croatisation en Herzégovine par

 15   l'éducation, l'école, enfin tout ce que l'on veut. Et c'est ça qui est

 16   intéressant, c'est que l'accusé nous dise, mais non, c'est faux. Ça ne

 17   s'est passé comme le dit le Procureur. Et à ce moment-là, vous nous donnez

 18   des exemples. On a eu déjà des témoins là-dessus.

 19   Mais voilà, c'est beaucoup plus intéressant et utile pour vous que

 20   d'entrer dans une théorie du langage que nous connaissons, et comme quoi

 21   évidemment tout humain a une langue, mais dans l'acte d'accusation ce n'est

 22   pas ça qui est le problème. Le problème c'est qu'il vous est reproché à

 23   vous, Monsieur Praljak, et aux autres accusés, d'avoir mis en place dans

 24   l'Herceg-Bosna tout un système où vous avez croatisé la langue. Alors vous

 25   pouvez vous défendre de cela en citant des exemples, parce que la Chambre

 26   aura à statuer là-dessus en disant oui, non, ça ne s'est passé comme le

 27   Procureur l'a dit, ça s'est passé comme vous; mais il faut que vous nous

 28   apportiez des éléments. Alors que là on est sur un plan très général qui ne

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  1   fait pas avancer votre cause. Alors peut-être que ça va venir, maintenant

  2   mais voilà ce que la Chambre tenait à vous dire de manière unanime.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Juge. Bien sûr, je

  4   suis entré dans la matière pour indiquer à quel point pour un peuple la

  5   chose est importante. Et c'est notamment les Français qui sont connus en la

  6   matière et ils tiennent à leur langue d'une façon analogue. Alors ce que je

  7   ne comprends pas à l'acte d'accusation, que veut-on dire par "croatisation

  8   de la langue." Parler la langue croate n'est pas une croatisation. Les

  9   Croates parlent la langue croate. Les Serbes parlent la langue serbe. Les

 10   Français parlent la langue française. Et donc on ne peut pas franciser

 11   quelqu'un. 

 12   A l'époque, la langue officielle en Bosnie-Herzégovine c'était le serbo-

 13   croate. Les Croates ne voulaient pas accepter, et moi personnellement je

 14   n'accepte pas la langue serbo-croate. Je n'ai jamais accepté cette langue

 15   serbo-croate. C'est une unification, c'est l'anéantissement de moi-même, de

 16   mon être national, c'est une langue imposée, imaginée, inventée, pour créer

 17   une institution supranationale au service d'une mauvaise politique pour ne

 18   pas décrire les choses autrement.

 19   Alors au moment où cet agresseur qui parle la langue serbo-croate attaque

 20   et tue, et détruit un Etat ainsi que son peuple et les individus qui y

 21   vivent, s'attend à ce que nous parlions cette langue serbo-croate et

 22   contradictio in subiecto [phon], donc c'est complètement déraisonnable. Je

 23   ne veux pas parler la langue serbo-croate, je veux parler cette langue

 24   croate, j'ai le droit de parler le croate. De ce fait, je ne dis pas que

 25   les Français ne parlent pas le français, que les Serbes ne doivent pas

 26   parler le serbe, et que les Bosniens musulmans ne doivent pas parler la

 27   langue bosniaque, et soit dit en passant, ils n'appelaient pas cette langue

 28   de la sorte, ils ne l'appelaient pas bosniaque.

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  1   Maintenant, le Procureur nous dit qu'ils pouvaient se sentir blessés,

  2   offensés. Que veut dire se sentir offensé ? Si je m'octroie le droit de

  3   parler ma langue et de la nommer en tant que telle, la thèse qu'on avance

  4   est celle de dire que quelqu'un risque d'être offensé, mais c'est dangereux

  5   de dire cela. Parce que ce que je veux dire c'est que les Allemands étaient

  6   offensés par les Juifs et ils ont tué six millions de Juifs. Que veut dire

  7   être offensé ? Donc le droit ne reconnaît pas ce sentiment d'offuscation,

  8   de l'homme offusqué, alors que vous parliez le français et que moi je ne

  9   comprenne pas, je veux bien.

 10   Mais je voulais juste illustrer que la langue c'était important. Donc

 11   c'est avec notre argent à nous dans ces écoles - et quand je dis "nous", je

 12   ne dis pas je, je dis nous - à un moment où il fallait parler -- Imaginez

 13   que par exemple dans les écoles françaises pendant la Deuxième Guerre

 14   mondiale on ait mis une langue allemando-française et qu'on ait mis à

 15   l'écart ceux qui voulaient parler le français en disant que cela offusquait

 16   le sentiment national des Allemands ou d'un tiers qui n'a pas sa langue.

 17   Parce que les Bosniens pouvaient bien parler leur langue. Ils pouvaient

 18   avoir un enseignement dans leur langue en parallèle des matières qui

 19   étaient importantes à leurs yeux, littérature, histoire. Ça c'était une

 20   chose pour laquelle je voulais combattre jusqu'au bout à l'époque et de nos

 21   jours encore. Je ne veux pas que mes droits soient limités, mais les

 22   sentiments d'autrui ne peuvent pas entraver mon droit que j'estime être

 23   naturel, à savoir une partie de mon être qui est national veut qualifier

 24   cette langue de croate, et ça, ça fait partie du problème.

 25   Le bureau du Procureur à l'acte d'accusation a tiré d'un fait, à

 26   savoir que les Croates à Tuzla et à Zenica parlaient le serbo-croate, et en

 27   même temps ils allaient se faire tuer au front en se battant contre des

 28   gens qui parlaient la langue serbe. Il faut avoir des sentiments morbides

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  1   pour constater ce genre de choses. Alors je maintiens mon assertion qui

  2   relève du droit inaliénable d'un peuple de parler sa langue et qu'il est

  3   incontesté la nécessité de ne pas empêcher quelqu'un d'autre de parler sa

  4   propre langue.

  5   Vous allez avoir bon nombre d'exemples, Messieurs les Juges. Par

  6   exemple, au Québec, les Français parlent le français. En Suisse, on parle

  7   trois langues, et M. le Juge Trechsel peut choisir la langue qu'il va

  8   utiliser et personne ne peut lui dire, je suis offusqué parce que tu ne

  9   parles pas cette langue ou cette autre langue.

 10   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, une fois de plus,

 11   vous donnez des leçons. On n'a pas besoin de conférence de votre part. Ce

 12   que nous voulons savoir ce sont les faits. Est-ce que vous avez des faits

 13   vous permettant de réfuter l'acte d'accusation et ce qu'il dit ou non ?

 14   Parce que si vous n'en avez pas de faits, on peut avancer, on peut passer à

 15   autre chose.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais moi j'ai contesté les allégations

 17   figurant à l'acte d'accusation. Les Croates n'ont pas imposé la langue

 18   croate à qui que ce soit d'autre. Ils n'ont pas empêché à Radio Mostar

 19   avant les conflits que le speaker musulman parle la langue qu'il veut. Je

 20   vous ai montré que dans les écoles organisées par la République de Croatie,

 21   l'on avait autorisé l'enseignement en langue bosniaque avant que les

 22   Bosniens eux-mêmes ne qualifient cette langue de bosniaque. Et dans ces

 23   écoles extraterritoriales, il y a eu des cours payés par le budget croate

 24   pour enseigner des œuvres ou des livres écrits dans la langue des Bosniens.

 25   Alors je ne fais pas de cours ici, mais j'affirme qu'il est absurde que

 26   l'on considère qu'un droit qui ne vise pas à limiter les droits d'autrui et

 27   que cela soit qualifié de croatisation et personne ne saurait me convaincre

 28   de ce que cela pouvait bien vouloir dire. Quelle est la langue qu'on était

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  1   censé parler ? Le serbo-croate ?

  2   Voilà, je ne vais pas parler la langue serbo-croate pendant la guerre

  3   alors qu'on me tue, on me massacre, et cetera. Et même avant cette guerre,

  4   je ne voulais pas la parler cette langue et chaque fois que je pouvais

  5   écrire, j'écrivais en langue croate. C'est clair, c'est tout à fait clair,

  6   et je ne vais plus tenir de cours à ce sujet. 

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : On a passé beaucoup d'heures sur cette question.

  8   Malheureusement, je n'ai pas sous les yeux la constitution, mais peut-être

  9   que votre avocat pourra m'aider, mais il me semble que dans la constitution

 10   de la République de Bosnie-Herzégovine - et je dis ça de mémoire - il y

 11   avait une disposition qui reconnaissait à tous les peuples constituants,

 12   c'est-à-dire les Serbes, les Croates et les Musulmans, la possibilité

 13   d'utiliser leur langue. Mais s'il n'y avait pas eu ces événements, comment

 14   à ce moment-là vous auriez réglé le problème linguistique où, étant général

 15   dans la République de Bosnie-Herzégovine vous alliez parler avec votre

 16   langue à vous et puis l'autre général qui serait Musulman, prenons le

 17   général Halilovic, lui, allait vous répondre dans sa langue à lui. Comment

 18   résoudre le problème ? Ou bien pour vous comprendre allez-vous tous les

 19   deux parler en serbo-croate ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, la substance d'une langue ne

 21   réside pas dans la compréhension de la langue. Il y a de petites

 22   différences entre le Suédois et le Norvégien, et il y en a moins qu'entre

 23   le Serbe et le Croate. Il y a, par exemple, un dictionnaire qui dit quels

 24   sont les mots qui sont différents dans ces deux langues. Mais du point de

 25   vue grammatical et de la syntaxe, il y a des différences.

 26   Mais la compréhension c'est un élément de la langue. Moi je lis les

 27   caractères cyrilliques, comme les caractères latins, je connais la

 28   littérature serbe mieux que la plupart des Serbes. Ce n'est pas à

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  1   contester, je comprends la langue serbe. En Bosnie-Herzégovine, il n'était

  2   pas dit que chaque nation parlait sa propre langue, parce qu'il était dit

  3   que la langue s'appellerait serbo-croate ou croato-serbe. Bien entendu, le

  4   général Pasalic écrivait dans la langue qu'il voulait, et moi je

  5   comprenais. Et jamais je ne ferais observer à ce monsieur ou je ne

  6   reprocherais à ce monsieur pourquoi il écrit dans cette langue. Il n'y

  7   avait pas de contestation, donc toutes ces communications, tous les ordres

  8   qui allaient à gauche et à droite et tous les courriers, on les comprenait

  9   parfaitement bien.

 10   Ici il s'agit de l'appellation qu'on lui donne. Donc c'est un droit

 11   élémentaire que de voir quelqu'un qualifier sa propre langue par son propre

 12   nom.

 13   Alors malheureusement à l'époque, les Musulmans, plus tard ils se sont

 14   appelés Bosniens eux-mêmes, mais ils n'avaient pas d'appellation pour leur

 15   propre langue. Et ils voulaient que nous autres, en attendant qu'ils ne

 16   trouvent une appellation pour leur langue, ils voulaient qu'on appelle

 17   cette langue serbo-croate ou croato-serbe.

 18   Et moi j'estimais avant la guerre, pendant la guerre et même

 19   maintenant que c'est inadmissible que de voir quelqu'un demander une telle

 20   chose sans contester pour autant leur droit d'enseigner le serbo-croate ou

 21   croato-serbe. Et une fois maintenant que leur langue s'appelle langue

 22   bosniaque, qu'ils l'appellent bosniaque, nous ce qu'on a demandé, c'est que

 23   lorsque nous écrivons des choses, lorsque nous rédigeons des choses, et

 24   c'est le cas maintenant en Bosnie-Herzégovine, c'est ainsi que ça se fait,

 25   tous les documents doivent être rédigés dans trois langues. Je ne sais pas

 26   si ça se fait en Suisse, ou au Canada aussi, mais enfin je pense que ça se

 27   faisait.

 28   Mais dans la pratique, ce n'est pas tellement appliqué, d'après le

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  1   principe on est plus nombreux, vous comprenez la langue de toute façon,

  2   pour ne pas dépenser beaucoup d'argent et dépenser beaucoup de papiers,

  3   pour ce qui est des modifications en matière de syntaxe ou de grammaire ou

  4   de style, mettons cela de côté. Moi je considère que c'est inacceptable, et

  5   je n'aurais jamais accepté. J'ai déjà difficilement accepté qu'ici la

  6   langue on l'appelle par un triple nom. La langue elle s'appelle comme elle

  7   s'appelle. Et je maintiens mes positions, à savoir qu'il n'y a aucune

  8   possibilité de voir quelqu'un écrire à l'acte d'accusation des choses qui

  9   privent qui que ce soit de son droit le plus élémentaire du droit de

 10   l'homme. Que nous ayons, par exemple, interdit aux gens de publier des

 11   journaux dans leur langue ou qu'à la radio qui était la leur ils parlent

 12   leur langue, là on aurait pu effectivement dire qu'il s'agissait de

 13   croatisation parce qu'on aurait dépossédé quelqu'un de son droit inhérent.

 14   Mais le HVO ni l'élément civil, ni l'élément militaire, ni quelque autre

 15   structure que ce soit n'a pas eu la moindre idée de vouloir le faire.

 16   M. STRINGER : [interprétation] Désolé de vous interrompre.

 17   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous en prie.

 18   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, depuis 12 ou 15

 19   minutes, si vous me permettez de le dire rapidement, le général vient de

 20   parler de la question de la langue en rapport avec l'acte d'accusation. Ce

 21   n'est pas ça qu'il a commencé, et vous, Monsieur le Président, l'avez noté

 22   il y a un certain temps de cela. Le problème, où est-il ? Si on tient

 23   compte du temps, depuis 15 minutes, je suppose que ceci ne va pas être

 24   retiré du temps donné à la Défense. C'est la Chambre qui devra peut-être

 25   dire si ce temps doit lui être décompté, mais depuis que nous avons

 26   commencé, il nous semblerait que M. Praljak donne des réponses très, très

 27   longues et qu'il se livre surtout à des commentaires et à des questions de

 28   la Chambre, et si nous faisons le décompte du temps, jamais nous n'allons

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  1   terminer cet interrogatoire principal. Cela donnerait neuf semaines pour

  2   l'interrogatoire principal, parce qu'on a une heure ou moins de temps.

  3   Alors, je ne sais pas où est la réponse. Peut-être que le temps de réponse

  4   à des questions de la Chambre doit être inclus dans ce temps. Je ne sais

  5   pas. Je suis sûr que Me Kovacic a son avis sur la question, mais la

  6   structure qui semble apparaître ne va pas vraiment marcher si on essaie de

  7   garder un délai le plus raisonnable possible.

  8   M. KOVACIC : [interprétation] Je ne souhaite pas maintenant entrer dans ce

  9   type de discussion, mais juste une phrase, pour ne pas perdre du temps, sur

 10   la suggestion ou plutôt la réflexion de mon confrère, et cela bien

 11   qu'aucune suggestion concrète n'ait été faite; il n'y a eu que des

 12   critiques de faites affirmant que cette façon de faire n'est peut-être pas

 13   la meilleure.

 14   Mais bon, peu importe la façon dont mon confrère a défini cela, dans

 15   cette affaire et dans ce prétoire, il est impossible, Messieurs les Juges,

 16   de prendre en considération ou d'envisager seulement un changement des

 17   règles du jeu que vous avez indiquées avant même que le match ne commence.

 18   Je pense que c'est inconcevable et je pense que je n'ai pas besoin

 19   d'expliquer à quel point ça serait absurde. Une fois que les règles ont été

 20   fixées, les participants au jeu et les joueurs doivent s'y conformer, à

 21   moins que ces règles ne soient modifiées. Cependant, on ne change pas de

 22   règles en plein match, en plein jeu. Je ne souhaite pas m'avancer plus

 23   avant sur ce terrain.

 24   Mais malheureusement, il y a une intervention qui est survenue juste

 25   avant, et je voudrais, Monsieur le Président, y répondre, compte tenu de

 26   votre question. Il est exact qu'il y ait un document 1D 01236 dans le

 27   système e-court. C'est la constitution de la République de Bosnie-

 28   Herzégovine, et vous vous en êtes bien souvenu. C'est l'article 4 de cette

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  1   constitution. Ce que le général Praljak affirme est exact, à savoir qu'il

  2   est prévu la possibilité de parler le serbo-croate ou le croato-serbe comme

  3   langue officielle en Bosnie-Herzégovine, et le choix est fait celui de

  4   l'iklavica [phon] pour la prononciation, puisqu'il y avait deux variantes

  5   pour ces langues. La variante croate, c'est l'iklavica. Donc,

  6   officiellement, c'est le dialecte ékavien qui est choisi dans la

  7   constitution de la Bosnie-Herzégovine. Juste répéter la référence du

  8   document, Messieurs les Juges.

  9   Est-ce que je peux vous redonner la cote.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui.

 11   M. KOVACIC : [interprétation] 1D 01236

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Je pense que la Chambre doit

 13   réagir à l'intervention de M. Stringer.

 14   Je n'envisage pas et je suis sûr que mes collègues seront d'accord,

 15   je n'envisage pas de changer les règles, mais il faut faire une distinction

 16   entre deux choses. Une des choses, ce sont les questions que posent les

 17   Juges. Ça c'est du temps qui n'est pas débité du temps donné à la Défense.

 18   L'autre chose, c'est des situations où les Juges rappellent au témoin qui

 19   était censé intervenir en tant que témoin et pas en tant qu'expert. Alors,

 20   s'il continue sur sa lancée, il ne répond plus à une question posée par un

 21   Juge. Il ne fait que poursuivre sa déposition. Je pense que ça, c'est tout

 22   à fait conforme aux Règles. Je pense que vous êtes d'accord aussi avec

 23   l'interprétation que je fais.

 24   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, je suis tout à fait d'accord, Monsieur

 25   le Juge. Mais j'ai une difficulté et une seule : qui sera l'arbitre de cela

 26   ? Qui prendra ce rôle ? Est-ce que vous êtes disposé en la matière à vous

 27   munir d'un chronomètre et à dire à chaque déclaration de l'accusé :

 28   Arrêtez-vous. Stop. Comptez maintenant ce temps de ce côté-ci ou comptez-le

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  1   de l'autre. Alors, bon, je me livre à une caricature, Monsieur le Juge,

  2   vous le comprenez bien. Les règles du jeu sont telles qu'elles sont, et si

  3   vous estimez que l'accusé va au-delà de ce qui est permis, vous jouissez de

  4   toutes les attributions nécessaires pour réagir dans cette situation et

  5   avertir la personne, voire l'arrêter, comme vous l'avez fait précédemment.

  6   Alors, parfois, c'est peut-être fait de façon un peu prématurée, car

  7   on a besoin d'une introduction pour entrer dans un sujet particulier, et

  8   d'autres fois ce ne l'est pas. Cependant, c'est ainsi que fonctionne le

  9   prétoire et je voudrais juste dire que je m'oppose fermement à toute idée

 10   de modifier, au point où nous en sommes, les Règles qui sont les nôtres.

 11   Vous avez à tout moment la possibilité d'exercer un contrôle sur ce qui est

 12   dit et d'avertir en indiquant qu'il faut, à un moment donné, s'arrêter.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis content de voir que nous

 14   sommes d'accord, Monsieur Kovacic, et je vous confesse qu'il y a parfois

 15   des questions difficiles. Mais en règle générale, je pense que nous pouvons

 16   faire confiance à notre greffier. Il s'occupe très, très bien de ce

 17   problème. Nous allons, bien sûr, contrôler la chose et vous aussi, et en

 18   cas de doute, si tout à coup on pense qu'il y a un problème, nous pourrons

 19   en redébattre, mais je pense qu'il serait prématuré à l'heure actuelle

 20   d'anticiper des problèmes qui n'existent pas encore. Je pense que nous

 21   devrions poursuivre.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Moi, je vais au facteur principal. Mon collègue a eu

 23   raison d'aborder ce sujet, et je partage entièrement son point de vue, mais

 24   en revanche, vous venez de dire quelque chose tout à l'heure. Dans

 25   l'article 4 de la constitution, il est reconnu pour les citoyens de la

 26   République de Bosnie-Herzégovine d'utiliser les deux langues, serbo-croate

 27   ou croato-serbe, et si j'ai bien compris ce que vous avez dit, l'ékavien,

 28   ce qui veut donc dire qu'à Mostar ou dans l'Herzégovine, quelqu'un, d'après

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  1   la constitution de la République de Bosnie-Herzégovine, avait la

  2   possibilité de parler le croate. C'est bien ça que vous nous dites ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Selon la constitution, non. Cette dernière

  4   indique clairement que cela devait être la même langue qui se présente sous

  5   deux formes. Dans les écoles où les Serbes étaient majoritaires, on

  6   écrivait que les cours se déroulaient en serbo-croate, alors qu'à Siroki

  7   Brijeg et Grude, par exemple, les cours étaient dispensés en croato-serbe.

  8   Il n'y avait pas cette possibilité à moins d'encourir le risque d'être

  9   sanctionné. Par exemple, pour un enseignant qui déciderait de déclarer :

 10   Mes enfants, vous allez maintenant apprendre la langue croate. Cela n'était

 11   même pas possible en Croatie, d'ailleurs, où l'expression utilisée était

 12   celle de "langue littéraire croate."

 13   J'essayais de synthétiser l'ensemble de cette question. Des dizaines

 14   de milliers de personnes se sont retrouvées en prison en Croatie à partir

 15   de 1967, lorsqu'il y a eu cette déclaration célèbre d'un intellectuel, un

 16   écrivain croate, qui s'est opposé à cette tentative d'unification. J'ai

 17   vraiment réduit ma déclaration au minimum. Je ne veux pas prétendre ici

 18   être un expert en la matière, mais je prétends savoir une ou deux choses

 19   sur le sujet.

 20   Un peuple agressé ne peut pas continuer à parler la langue de son

 21   agresseur. Lorsqu'on introduit ça dans les écoles, c'est --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une minute, Monsieur Praljak. Je ne veux pas

 23   passer du temps dessus, parce que là vous me répondez à une question, donc

 24   ça ne vous est pas décompté, mais ma question, elle était de nature

 25   juridique. Je voulais savoir si au regard de la constitution de la

 26   République de Bosnie-Herzégovine, un Croate à Mostar pouvait parler une

 27   autre langue que la constitution avait prévue ? C'est tout.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Non. Bon, et voilà vous avez répondu non. Bien.

  2   Maître Kovacic.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Très bien.

  5   Maître Kovacic.

  6   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   Je voudrais simplement revenir à ce document, le 1D 01236, qui est la

  8   constitution, et à son article 4 afin de bien voir que cette constitution a

  9   été adoptée par la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine le 24

 10   février 1993. Même à ce moment-là, on voit qu'on a purement et simplement

 11   repris la norme constitutionnelle qui existait déjà à l'époque de la RSFY.

 12   Alors, peut-être devrais-je poser une seule question au général

 13   Praljak, puisque nous avons déjà tant parlé de la langue.

 14   Q.  Général Praljak, vous avez répété à plusieurs fois qu'à cette époque-là

 15   la langue bosniaque n'existait même pas encore. Est-ce que vous savez peut-

 16   être à quel moment il a été publiquement pour la première fois été fait

 17   mention de cette notion de langue bosniaque ou bosnienne, lors de réunions

 18   de scientifiques peut-être spécialisés ou dans --

 19   R.  C'était il y a longtemps, et je ne voudrais pas rentrer de nouveau dans

 20   --

 21   Q.  Juste une minute, Général. 

 22   R.  La personne qui administrait la Bosnie-Herzégovine à l'époque et qui

 23   est un ressortissant du même pays que le Juge Prandler a essayé de

 24   s'illustrer en la matière en parlant, c'était M. Kalage [phon]. La première

 25   chose qu'il faut aborder ici, c'est la question de savoir si la présidence

 26   a autorité pour adopter la constitution ou non. La langue bosniaque, pour

 27   ce qui est de la guerre, a été introduite pour la première fois dans les

 28   écoles extraterritoriales destinées aux enfants des Musulmans et des

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  1   Bosniens se trouvant dans la République de Croatie, et ce, en 1992 --

  2   Q.  Très bien. Je vous remercie.

  3   R.  -- afin de leur accorder ce droit de parler en tant que peuple la

  4   langue qui était la leur.

  5   Q.  Très bien. Je vous remercie. Je pense que vous avez clairement expliqué

  6   cela. S'il n'y a plus de questions, je voudrais passer au sujet suivant qui

  7   se trouve au numéro 10 dans le classeur. C'est la question des procès-

  8   verbaux présidentiels. Il en a beaucoup été question dans ce prétoire. Nous

  9   en avons examiné souvent.

 10   Vous avez votre position à ce sujet. Je vous prie de bien vouloir

 11   nous dire ce que vous savez à ce sujet.

 12   R.  La lecture intégrale des textes que nous désignons comme étant des

 13   procès-verbaux présidentiels ne révèle rien de mauvais, de malhonnête ou de

 14   politiquement inacceptable, à l'exception de ce que l'on peut mettre sur le

 15   compte d'individus et qui sont des excès individuels. Mais il faut ajouter

 16   que les conversations lors de ces sessions ont été enregistrées de façon

 17   confidentielle, dans leur majorité, et que les participants n'étaient pas

 18   au courant de ces enregistrements. Cela a été confirmé par le témoin

 19   Manolic de l'Accusation.

 20   Deuxièmement, ce qui a été prononcé est généralement abrégé dans la version

 21   consignée.

 22   Troisièmement, la possibilité existe qu'il n'y ait eu une association

 23   erronée entre l'orateur, le nom de l'orateur et le texte qui lui est

 24   attribué dans le compte rendu. Par exemple, dans notre affaire, cela aurait

 25   été une intervention entre ce qu'a dit Me Karnavas et ce qui a été dit par

 26   quelqu'un d'autre. Et cela, parce que les gens parlaient sans se présenter

 27   pour l'essentiel. Je prenais la parole et je ne disais pas : je suis

 28   général Praljak. Donc, ceux qui faisaient le compte rendu d'audience

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  1   devaient deviner s'il s'agissait de Praljak, de Karnavas ou de quelqu'un

  2   d'autre.

  3   Ensuite, ces comptes rendus étaient organisés au palais présidentiel par

  4   Franjo Tudjman, parce qu'il était historien et parce qu'il souhaitait

  5   pouvoir procéder à une synthèse historique de cette période à partir de ces

  6   comptes rendus. Ces derniers sont arrivés, selon moi, dans ce Tribunal

  7   d'une façon juridiquement inacceptable en vertu d'une décision personnelle

  8   du président Mesic, qui les a tout d'abord donnés à des journalistes en

  9   leur permettant de faire ce qu'ils voulaient avec.

 10   Ensuite, les conversations au sein du cercle familial lors de sessions à

 11   huis clos, lors de séminaires d'université libre, dans les rédactions des

 12   journaux, et cetera, sont des discours qui énoncent parfois des

 13   possibilités s'aventurant au-delà et jusqu'à l'opposé même de la position

 14   de la personne qui les prononce. Les discours qui jouent avec les mots, qui

 15   s'aventurent sur le terrain de la provocation, représentent un degré de

 16   liberté telle qu'on peut trouver à l'université et qui ne signifie pas

 17   nécessairement que nous avons là la position de la personne qui parle. Cela

 18   n'a jamais été le cas.

 19   Je vais passer ces théories linguistiques et ce qui concerne Chomsky. Nous

 20   allons faire abstraction de cela. Mais lorsqu'on a affaire à un texte qui

 21   fait l'objet d'une recopie, il ne faut pas oublier que dans le prononcé,

 22   souvent les expressions, l'intonation, l'ironie qui percent, ce sont d'une

 23   importance cruciale. Le sarcasme que l'on peut ressentir, la colère feinte,

 24   par exemple, l'imitation à laquelle on peut recourir, si l'on fait

 25   abstraction de tout cela, on obtient par écrit quelque chose qui peut avoir

 26   une signification complètement différente de ce qui a été prononcé.

 27   Je me souviens d'une session au cours de laquelle Gojko Susak était présent

 28   après être revenu du Canada, et ils avaient souvent un geste des mains pour

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  1   indiquer l'ouverture de guillemets. Il pouvait dire, par exemple : Nika,

  2   hier, s'est montrée excellente cuisinière. Il faisait ce geste, et

  3   d'ouverture de guillemets, en fait cela signifiait que le dîner en question

  4   n'était pas si bon que cela, alors que dans le texte on pouvait lire que le

  5   dîner en question était excellent. C'est pour cela que j'affirme que si

  6   tout cela n'avait pas été consigné de la sorte, c'est-à-dire que si le

  7   texte écrit reflétait fidèlement la quintessence même du discours, c'est le

  8   théâtre même que l'on annihilerait qui disparaîtrait. On ne pouvait pas

  9   jouer l'avare de Molière ou le Roi Lyre ou Hamlet, autrement que d'une

 10   seule façon. C'est bien pour cela que les acteurs et les réalisateurs, à

 11   partir d'un seul et même texte, élaborent des centaines et des centaines de

 12   représentations différentes, en attribuant aux mêmes mots des

 13   significations complètement différentes.

 14   Je ne m'étendrai pas sur ce sujet lorsque nous y reviendrons.

 15   J'apporterai peut-être des explications sur ce sujet, mais on ne peut pas

 16   juger de cette façon de ces procès-verbaux présidentiels notamment si on se

 17   penche sur des détails qu'on regarde de près. En tant que non expert, c'est

 18   ce que je peux dire dans cette affaire.

 19   Q.  Encore juste une ou deux questions sur ces procès-verbaux

 20   présidentiels.

 21   Vous avez passé en revue ce qui nous a été aimablement fourni par M.

 22   le Procureur. Mais je voudrais maintenant que vous nous disiez si dans

 23   quelque procès-verbal présidentiel que ce soit donc procès-verbaux émanant

 24   du bureau de la présidence, vous avez jamais pu voir en début de procès-

 25   verbal, comme cela est de coutume dans nos pays, la clause selon laquelle

 26   le procès-verbal de la session précédente est adoptée. Avez-vous jamais vu

 27   cette mention ?

 28   R.  Non.

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  1   Q.  Je vous remercie. Général, vous avez parlé d'enregistrement. Est-il

  2   exact qu'il y avait des enregistrements audio dans la plupart de ces

  3   situations, mais qu'il n'y avait pas d'enregistrements vidéo du tout ?

  4   R.  Je n'en sais rien. Je n'ai eu connaissance d'aucun enregistrement

  5   vidéo. Je n'ai jamais vu que l'on m'ait directement filmé. Je n'ai jamais

  6   écouté d'enregistrement de moi-même. On ne m'a jamais dit qu'il y avait un

  7   enregistrement, et on ne m'a jamais soumis de texte pour que je l'approuve.

  8   Messieurs les Juges, j'ai plutôt pas mal écrit dans ma vie, et je sais ce

  9   que sait que ce genre d'autorisation lorsque vous donnez une autorisation à

 10   un journaliste en lui faisant un simple signe de la main. Et j'ai des

 11   exemples de malentendu ou d'erreur en la matière. Mais si vous

 12   m'interrogez, je pourrais vous expliquer comment on peut faire des erreurs

 13   lorsque l'on fait état de façon stricte des mots qui ont été prononcés par

 14   quelqu'un.

 15   Q.  Juste une dernière question. Est-ce que vous avez connaissance du fait

 16   qu'il n'existerait plus aucun de ces enregistrements audio originaux

 17   auxquels il a été procédé lors de ces sessions ?

 18   R.  Pour autant que je le sache --

 19   M. STRINGER : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, la

 20   question est directrice.

 21   M. KOVACIC : [interprétation] C'est vrai. C'est directif mais c'est quand

 22   même de notoriété publique en Croatie.

 23   M. STRINGER : [interprétation] C'est encore une raison de plus, c'est-à-

 24   dire que c'est une question directrice dans ce cas-là.

 25   M. KOVACIC : [interprétation] Je ne pense pas devoir reformuler ma

 26   question. Je pense que M. Praljak est bien assez intelligent pour donner --

 27   Q.  Répondez jusqu'à la fin, juste en une phrase, s'il vous plaît.

 28   R.  Je ne me laisserai jamais emmener par quelque question directrice que

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  1   ce soit. Je ne sais pas cela, mais j'ai entendu dire de source fiable, et

  2   en premier lieu du Pr Tudjman, le fils du président Tudjman, que l'on

  3   procéderait à l'effacement de ces enregistrements audio, donc il n'y avait

  4   pas tant de traces que cela, et c'était sans doute les mêmes bandes que

  5   l'on faisait tourner en permanence et sur lesquelles on enregistrait. Je

  6   n'en sais pas plus, le reste serait de la spéculation.

  7   Q.  Merci.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Je peux relever une contradiction dans ce que vous

  9   venez de dire.

 10   Tout à l'heure, quand votre avocat vous a demandé pourquoi tout ceci

 11   est enregistré, vous avez dit deux choses. Vous ne le saviez pas, donc

 12   c'était des enregistrements secrets, mais vous avez rajouté pour justifier

 13   les enregistrements, vous avez dit que M. Tudjman est un historien, et que

 14   donc pour l'histoire il a voulu enregistrer tout ce qui a été dit. Mais à

 15   ce moment-là, et on peut comprendre la démarche de M. Tudjman, s'il veut

 16   garder cela pour l'histoire, donc il va faire en sorte que tout ce qui a

 17   été dit soit bien conservé, et que pour les historiens pour le futur, tout

 18   ceci soit conforme à ce qui a été dit. Or, voilà que vous venez de dire que

 19   d'après le fils de M. Tudjman, qui est professeur, il y a beaucoup de

 20   professeurs dans le monde, mais il y en a un de plus là que je viens de

 21   découvrir, il vous a dit que ça avait été effacé au fur et à mesure. Et

 22   c'est là où je vois une contradiction. Je ne comprends pas très bien

 23   comment Franjo Tudjman fait en sorte de garder ça pour l'histoire et en

 24   même temps on va effacer cela ? Vous avez une explication ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai dit tout cela en me

 26   fondant sur un certain nombre d'hypothèses, sous réserve. Miroslav Tudjman

 27   ne sait pas avec certitude si cela a été ou non effacé. Lui aussi s'est

 28   efforcé d'obtenir des explications après coup. Alors selon ses termes à lui

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  1   on effaçait les enregistrements. Et cela n'est pas contradictoire pour la

  2   raison suivante.

  3   A ce moment-là, nous n'étions pas un pays riche, or ces bandes ne

  4   sont pas des bandes particulièrement chères, mais on n'utilisait pas des

  5   cassettes ordinaires, c'était des enregistrements qui étaient sans doute

  6   faits sur des magnétophones professionnels afin que le son soit de bonne

  7   qualité, et nous avons là affaire à des bandes qui sont chères. C'est

  8   pourquoi il souhaitait probablement - alors je spécule ici, mais il

  9   souhaitait probablement en avoir une trace écrite. Mais vous ne pouvez pas

 10   tout simplement transposer la situation française avec le budget français

 11   pour dire que nous allons procéder de cette façon. C'est un petit pays en

 12   guerre et qui n'a pas d'argent et on manque d'argent pour tout. Je vous

 13   fournirais ultérieurement des données allant dans ce sens.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que vous dites est un peu étonnant, mais bon,

 15   vous avez peut-être raison, on ne peut pas savoir. Mais si je fais une

 16   comparaison avec ce qu'on a pu voir en RDA où les citoyens étaient placés

 17   sous écoute téléphonique et des archives avaient conservé toutes les

 18   écoutes téléphoniques, bon, je présume qu'en Croatie il y avait aussi des

 19   écoutes téléphoniques qui ont été gardées. Je présume qu'en République de

 20   Bosnie-Herzégovine il y a eu aussi des écoutes téléphoniques. Alors si on

 21   conserve des écoutes téléphoniques, pourquoi ne pas conserver des

 22   transcripts présidentiels, des réunions à haut niveau de M. Tudjman, de ses

 23   ministres, de grandes personnalités ? Pourquoi effacer cela ? C'est ça

 24   qu'on n'arrive pas à comprendre. Enfin, ce que moi je ne comprends pas.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai pas affirmé que

 26   je le savais avec certitude. Je sais qu'on procédait à des écoutes en

 27   Yougoslavie et que l'on conservait des enregistrements, j'ignore dans

 28   quelle mesure. Mais je sais une chose avec certitude, à la télévision

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  1   croate qui filmait dans les conditions de la guerre, on effaçait les

  2   cassettes de type Beta, tout à fait ordinaires, et qui parfois étaient

  3   porteuses de contenu important. Mais tout simplement parce qu'il n'y avait

  4   pas d'argent pour en acheter de neuve. Quant à cet appareil Kodak dont je

  5   vous ai parlé et que j'ai reçu et que j'ai envoyé à Mostar, je l'ai reçu

  6   d'Allemagne à titre privé. A l'époque, c'était un appareil qui coûtait en

  7   Allemagne plusieurs milliers de marks. C'était beaucoup d'argent, ce

  8   n'était pas quelque chose qu'on pouvait mettre de côté si simplement que

  9   cela. Pour la télévision d'une part et d'autre part, pour celles que nous

 10   avons évoquées, je peux véritablement l'affirmer. Quant au reste, j'en ai

 11   entendu parler, rien de plus.

 12   M. KOVACIC : [interprétation] Nous n'avions pas envisagé d'introduire ce

 13   type de document dans notre liste 65 ter, mais si vous souhaitez vous

 14   pencher de plus près sur l'affaire Kordic et Cerkez, il y a eu trois

 15   déclarations de témoins qui ont précisé la façon dont les enregistrements

 16   étaient faits, dont les bandes étaient utilisées, et ensuite effacées, tout

 17   comme le compte rendu électronique dans l'ordinateur était lui aussi

 18   ensuite effacé. Alors j'affirme en toute responsabilité devant cette

 19   Chambre, je ne témoigne pas ici, mais j'affirme que vous pouvez vous

 20   référer à ces dépositions, et qu'on a examiné ensuite des photocopies dans

 21   ce Tribunal de ces comptes rendus, sauf que personne ne savait de quelle

 22   énième copie il s'agissait là. Alors si c'est nécessaire nous nous

 23   référerons à ces témoins de l'affaire Kordic et Cerkez.

 24   Q.  Mais je voudrais que nous passions au sujet suivant qui porte le numéro

 25   12 dans le classeur. C'est un thème important qui est celui de l'aide

 26   apportée par la République de Croatie à la Bosnie-Herzégovine. Je vous

 27   remercie.

 28   R.  J'affirme donc que tous les convois humanitaires sont arrivés à

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  1   destination. Tous les convois humanitaires destinés aux Bosniens, aux

  2   Musulmans, aux Croates, tous ceux qui vivaient là où les territoires

  3   n'étaient pas occupés. Donc ils sont passés par le HVO avec autorisation.

  4   C'est dans un des ports croates qu'ils ont été chargés tous, ils ont été

  5   mis sur pied par l'une des 270 organisations humanitaires enregistrées en

  6   République de Croatie.

  7   J'affirme qu'en tant que représentant de ces organisations

  8   humanitaires, et ça je le sais à titre personnel, sont passés par la

  9   République de Croatie et par la HZ HB environ 5 000 combattants venus de

 10   pays islamiques et aussi de pays occidentaux, il s'agit de personnes qui se

 11   sont converties à l'Islam, et toutes ces personnes sont rentrées avec des

 12   pièces d'identité en bonne et due forme d'employés des organisations

 13   humanitaires.

 14   J'affirme que personne ne s'est trouvé dénué de nourriture si ce

 15   n'est à Sarajevo pendant peu de temps. Pour ce qui est de tous ceux qui

 16   sont passés par la Croatie, il y a eu contrebande d'armes, de médicaments

 17   périmés, il y eu du trafic de drogue, d'alcool. Et comme on le sait, cela a

 18   suscité le mécontentement des combattants, et parfois il y a eu des convois

 19   qui se sont fait arrêtés sans autorisation. Mais tous ces problèmes ont été

 20   résolus et tous les convois sont arrivés à destination. Cela vaut également

 21   pour Mostar est pendant les attaques de l'ABiH sur le HVO.

 22   Il y a eu un convoi qui a été arrêté à un moment donné pendant

 23   l'attaque massive du 30 juin, à ce moment là, il y a eu une petite

 24   interruption, pour autant que je le sache, et il y a eu quelques

 25   interruptions pendant la grande attaque lancée par l'ABiH sur Blagaj et le

 26   sud de Mostar. Et c'était le 13 août. Et personnellement, j'ai assisté à

 27   plusieurs reprises, j'ai sanctionné des gens qui cherchaient à arrêter des

 28   convois et je laissais passer des convois, mais dans une situation de

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  1   guerre, cela se comprend.

  2   De même, nous étions parfaitement au courant du fait que des convois

  3   humanitaires se rendaient dans des endroits où la population allait en

  4   bénéficier, mais ils étaient également destinés à l'ABiH. Le droit de la

  5   guerre autorise l'arrêt de convois qui sont destinés à l'armée ennemie. Les

  6   civils, quant à eux, doivent être entièrement séparés de l'armée, ils

  7   doivent recevoir les convois et il faut contrôler les convois. Je ne rentre

  8   pas dans les détails, c'est clair dans le texte. Mais tous les convois ont

  9   pu passer, rarement il y a eu des problèmes et ils ont été résolus et tout

 10   est arrivé en passant par la Croatie, mis à part quelques parachutages à

 11   Sarajevo à un moment donné.

 12   Q.  A l'intention de la Chambre, je précise qu'au sujet de l'aide fournie

 13   par la Croatie à la Bosnie, il y aura quelques questions plus détaillées

 14   qui seront posées pendant le reste de la déposition du témoin Praljak.

 15   R.  Juste une chose que je souhaite ajouter.

 16   Q.  Je vous en prie.

 17   R.  Jamais dans l'histoire des guerres il n'y a eu autant d'aide fournie

 18   par un peuple comme cela a été le cas de l'aide fournie aux Musulmans. Et à

 19   partir du moment où ils ont lancés leur armée contre les Croates de Bosnie-

 20   Herzégovine, j'affirme que cela s'est passé avec l'autorisation de Franjo

 21   Tudjman, que le gouvernement croate était au courant, que le ministre de la

 22   Défense M. Gojko Susak était au courant, que le ministre de l'Intérieur

 23   Jarnjak était au courant et que Praljak était au courant également.

 24   Jamais de par le passé le commandant d'une armée n'a laissé passer des

 25   convois d'armes et, du reste, à l'intention d'une autre armée, voire même

 26   au moment où cette armée-là, en l'occurrence l'ABiH, s'est servie des ces

 27   armes pour lancer des attaques contre ceux qui lui avaient fourni les

 28   armes. Et pour autant que je le sache, Bruno Stojic l'a autorisé et a

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  1   avalisé cela, ainsi comme Milivoj Petkovic, Slobodan Praljak et Valentin

  2   Coric, je sais que pour ce qui est de la HZ HB dirigée par Jadranko Prlic,

  3   disons le gouvernement, ne s'y est jamais opposé. Et j'affirme de plus

  4   qu'une telle activité contre son propre peuple dans n'importe quel pays du

  5   monde serait caractérisée de haute trahison et ces gens seraient pendus.

  6   Je tiens à préciser à l'attention de la Chambre, nous aurons un

  7   témoin, nous aurons des documents à l'appui, et cetera, mais non seulement

  8   avant le 9 mai, avant le 30 juin, mais même après.

  9   Depuis la République de Croatie, les convois ont apporté des

 10   armements à l'ABiH, à Zagreb, à différents endroits, je préciserai

 11   ultérieurement, nous avons fait en sorte que ces armes soient conditionnées

 12   dans des boites de conserve d'où on sortait les aliments et on plaçait des

 13   armes par la suite, et ensuite, ces armes dans ces convois étaient

 14   transportées à l'intention de l'ABiH jusqu'à Visoko central.

 15   Alors de quels efforts il s'agit là ? A titre d'exemple, si vous me

 16   confiez votre fils et si je laisse passer des armes à l'intention de

 17   l'autre partie qui tuera votre fils, mais je ne peux pas faire de geste

 18   pire. On ne peut pas imaginer un geste pire, et c'est ce que nous faisions,

 19   c'est ce que faisais le HVO. Ils transportaient des armes qui allaient être

 20   utilisées contre nous-mêmes, à l'ABiH, à Tuzla, à l'est à Gorazde, et

 21   cetera. Bien entendu, ces armes ne sont sans aucun doute, ces armes ils

 22   s'en sont servi contre nous parce qu'ils n'avaient pas d'autres armes.

 23   Donc vous avez eu un témoin ici qui est venu et qui a dit une fois,

 24   un Anglais, qui a dit, mais nous aussi on fournissait des armes aux deux

 25   parties. Mais là il voulait dire que c'est à Chiang Kai-Shek et à Mao

 26   Zedong qu'ils donnaient des armes pour qu'ils se battent un contre l'autre.

 27   Mais imaginez qu'une partie des forces françaises, par exemple, fournisse

 28   des armes aux Allemands et que l'autre partie des forces françaises le

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  1   fasse, mais c'est inimaginable, c'est uniquement les dirigeants de la

  2   Croatie et de la HZ HB avec moi à sa tête qui a fait cela.

  3   Q.  Je vous remercie. C'était des convois humanitaires qui constituaient

  4   une forme d'aide.

  5   Pour commencer, est-ce que vous voudriez bien nous dire quelque chose

  6   de manière générale sur toutes les formes d'aide fournie par la République

  7   de Croatie à la Bosnie-herzégovine, et puis nous verrons cela plus en

  8   détail dans le reste de votre témoignage. C'est l'intercalaire numéro 12

  9   dans votre classeur. Je précise à l'attention de ceux qui souhaitent

 10   suivre.

 11   R.  Il me semble l'avoir déjà dit à l'attention de la Chambre, mon

 12   équipe de Défense a réussi à rassembler des documents portant sur l'aide

 13   fournie par la République de Croatie à l'ABiH et aux Musulmans. Ces 92

 14   classeurs comportent ces documents qui ont été apportés à La Haye. Je vous

 15   ai montré une photographie des ces classeurs. Comment les apporter ici ?

 16   Ils sont enregistrés sur CD, donc tout à chacun peut en prendre

 17   connaissance. Bien entendu, dans un tel classeur, on ne peut pas reprendre

 18   la totalité de la teneur de ces 92. Donc j'ai repris cela dans un résumé

 19   dans un livre qui sera soumis à la Chambre et on y verra précisément le

 20   nombre de ces documents, thème par thème, qui ont été rassemblés.

 21   Nous avons fourni l'aide sous forme d'armement, donc nous

 22   conditionnions ces armes sous forme de paquets d'aliments et nous envoyions

 23   cela. Des unités de l'ABiH étaient mises sur pied en Croatie puis envoyées

 24   en Bosnie-Herzégovine pour qu'elles combattent là-bas. Nous avions des

 25   centres de formation et d'entraînement à l'attention de l'ABiH. Des pilotes

 26   de l'ABiH étaient formés en Croatie. Des centres de logistique de l'ABiH

 27   ont existé à Split, à Zagreb, à Rijeka. Donc au moment où le HVO, d'après

 28   ce que prétend le Procureur, attaque, et cetera, ensemble avec Franjo

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  1   Tudjman, comme on le lit dans l'acte d'accusation, à ce moment-là, l'ABiH a

  2   des centres de logistique où on met à leur disposition des casernes,

  3   l'équipement, le matériel, et cetera, tout cela en Croatie. Donc c'est la

  4   raison pour laquelle je trouve absurde cet acte d'accusation, jamais nulle

  5   part on a vu ça dans le monde.

  6   Vous aviez des organisations humanitaires en République de Croatie,

  7   270 à peu près. Puis, c'est en passant par le port de Ploce, celui de

  8   Split, de Rijeka, on a vu arriver des avions apportant de l'aide. Comme

  9   vous avez pu voir, nous avons accueilli plus de 500 000 réfugiés arrivés de

 10   Bosnie-Herzégovine. Puis la Croatie a organisé à titre extraterritorial la

 11   scolarité des Musulmans en leur langue. A l'époque, ils ne l'appelaient pas

 12   encore comme ça, cette langue. Et puis vous aviez une coopération sur le

 13   plan des activités sportives.

 14   La Croatie a aidé les sportifs de Bosnie-Herzégovine pour qu'ils se

 15   rendent participer aux jeux méditerranéens. Vous avez des preuves dans le

 16   livre. Comment peut-on affirmer que la Croatie souhaite annexer la Bosnie-

 17   Herzégovine tandis qu'en même temps elle accepte que des sportifs de ce

 18   pays, financés par la République de Croatie, qui ont été entraînés sur des

 19   terrains de sport de la République de Croatie, se rendent participer aux

 20   jeux méditerranéens, où ils sont reconnus en tant que pays méditerranéens.

 21   Ils ne sont méditerranéens sur cette petite portion près de Neum qui,

 22   normalement, devrait faire partie de la Grande-Croatie, n'est-ce pas ? Je

 23   ne vois pas comment est-ce qu'on s'amuserait à envoyer ces sportifs là-bas,

 24   en leur donnant ce statut international, cette reconnaissance

 25   internationale, pour participer à des épreuves de basket, et cetera.

 26   Cela n'aurait pas été possible que Bihac se maintienne sans qu'il y

 27   ait eu tous les efforts consentis des pilotes croates et musulmans. C'est

 28   uniquement par voie aérienne qu'on pouvait y parvenir. Au départ, il y

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  1   avait quelques chemins de tracés et j'y ai pris part pour qu'on aide ces

  2   gars, pour qu'on leur apporte de l'aide.

  3   La République de Croatie, alors qu'un tiers de son territoire est

  4   occupé au moment où elle a d'autres préoccupations sur le plan de la

  5   guerre, où sa vie économique est à genoux, qu'on me dise qu'un petit pays

  6   de cette taille-là s'est vu par le passé fournir une telle aide à quelqu'un

  7   d'autre, bien, ça m'étonnera beaucoup. Voilà, c'est tout.

  8   Q.  Je vous remercie. Bien entendu, il y aurait encore beaucoup de choses à

  9   ajouter à ce sujet, mais comme le général Praljak, les différentes formes

 10   d'assistance et d'aide feront l'objet de présentations détaillées à

 11   l'avenir.

 12   A l'intercalaire 13 dans le classeur, nous avons ce que je peux qualifier,

 13   je pense, de la fameuse réunion Tudjman-Milosevic à Karadjordjevo.

 14   R.  C'est une fable, un mythe qui a été inventé. Nous en reparlerons plus

 15   tard. Mais vous avez ici une carte avec "Les aspirations de la Grande-

 16   Serbie." Je pense qu'on peut le placer sur le rétroprojecteur. D'après tous

 17   les livres que j'aurai l'occasion de présenter, d'après toutes les preuves,

 18   elles se comptent par milliers, il était clair qu'il y avait un souhait de

 19   réaliser une telle Yougoslavie, donc d'arracher cette partie-là.

 20   C'est là que ma réflexion s'arrête. Comment voulez-vous que Franjo

 21   Tudjman partage la Bosnie-Herzégovine, que voulez-vous qu'il partage avec

 22   Milosevic puisque l'Etat de Milosevic ne s'arrête

 23   qu'ici ? On aura l'occasion d'en reparler. Sur 43 réunions que les

 24   différents présidents des républiques de l'ex-Etat ont tenues, il y a eu 43

 25   réunions de Tudjman et Milosevic. Alija Izetbegovic était présent 31 fois.

 26   Maintenant, la lettre que j'avais remise aux Juges, lorsqu'ils m'ont posé

 27   la question d'où venait cette lettre. On peut lire : Franjo, tu verras

 28   Milosevic. J'ai entendu dire que Milosevic allait te proposer de vous

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  1   partager la Bosnie-Herzégovine. D'ores et déjà, les Services secrets

  2   avaient laissé circuler cette information disant Franjo ira partager, et

  3   cetera. C'est par tous les moyens qu'on allait briser toute possibilité

  4   d'accord entre ces deux Etats.

  5   Comment voulez-vous partager la Bosnie-Herzégovine, l'annexer à

  6   quelle partie de la Croatie. Comme le dit M. le Juge, j'ai joué un rôle. Un

  7   rôle peu important, mais important quand même. Jamais je n'ai entendu une

  8   telle chose, pas dans le plus fou de mes rêves.

  9   Mais vous savez, lorsque vous avez des services de Renseignements

 10   puissants, ils font circuler une rumeur qui est répétée et qui prend de

 11   l'ampleur. Par la suite, tous les participants disaient, j'y reviendrai

 12   d'une manière très précise, avec des documents à l'appui, que ça n'avait

 13   rien à voir, que c'était dénué de sens, de fondement, et cetera.

 14   Finalement, dites-moi, quelles sont les conséquences de cet accord ? Tout

 15   ce que nous avons pu voir, cette aide fournie par la Croatie, le souhait de

 16   Franjo Tudjman de signer un accord ?

 17   Mais vous verrez que dès 1991, Franjo Tudjman propose de mettre sur

 18   pied des forces conjointes destinées à la défense des forces armées

 19   conjointes, en passant par Mohammed Filipovic, qu'il écrit dans ce mémoire,

 20   et Alija Izetbegovic ne l'accepte pas. Enfin, ce sont des spéculations sans

 21   aucun fondement, complètement mensongères.

 22   Vous avez Josip Pecaric, un grand mathématicien, l'un des deux

 23   meilleurs mathématiciens qui travaillent sur les équations. Il dit que ce

 24   Milosevic doit être complètement fou. Il a des chars, il a des canons, il a

 25   tout et Tudjman n'a rien. Quelques petits fusils qu'il a achetés à la

 26   Hongrie pour sa police, et vous avez quelques personnes qui se sont

 27   procurés des armes à titre personnel. Milosevic vient avec toute la force

 28   sur laquelle il est assis et il dit : Partageons cela 50/50. Mais enfin,

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  1   c'est stupide, ça n'a aucune logique.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, je voulais aborder ça plus tard,

  3   mais comme vous venez d'évoquer cette question de partage, vous dites que

  4   c'est stupide. J'ai écouté, j'ai regardé la carte. Il me semble, sauf

  5   erreur de ma part, qu'une partie de la Croatie avait des habitants

  6   d'origine serbe. S'il y avait eu partage, tel que le Procureur le souligne,

  7   comment aurait été, d'après vous, réglée la question des Serbes en Croatie

  8   ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Premièrement, on ne sait pas où ils ont

 10   partagé cela, comment ils ont partagé. Mais je vais le montrer ici.

 11   La plupart des Serbes de Bosnie-Herzégovine vivent à Banja Luka, puis à

 12   l'est, toute cette partie-là, c'est la majorité des Serbes. Vous avez cette

 13   enclave musulmane autour de Bihac, là où vous avez des Musulmans. De

 14   l'autre côté, en Croatie, vous avez des secteurs serbes à Zagreb, même s'il

 15   y a un faible pourcentage. C'est une région très peu développée d'un point

 16   de vue territorial, ça s'appelle la Krajina. Tout le reste a été occupé par

 17   les Serbes. Je ne sais pas comment vous le montrer.

 18   M. KOVACIC : [interprétation]

 19   Q.  Mon Général, je pense qu'il faudrait vous lever.

 20   C'est peut-être encore mieux de vous donner ces 3 ou 4 cartes, peut-être

 21   qu'on pourrait faire ça après la pause. On pourra peut-être vous remettre

 22   ces cartes.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, il est bientôt temps de faire la pause. Mais

 24   Monsieur Praljak, vous n'avez pas répondu à ma question.

 25   Je parle de l'hypothèse où il y a ce partage entre Tudjman et Milosevic de

 26   la Bosnie-Herzégovine. Bon, imaginons qu'il y avait ce projet. La question

 27   que je me pose : comment dans le cadre de ce projet allait être réglée la

 28   question des Serbes de la Krajina ? Est-ce qu'à ce moment-là Tudjman devait

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  1   accepter que la Krajina bascule du côté de Belgrade, et que son territoire

  2   soit amputé ? Comment ceci pouvait-il être réalisable ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Justement, c'est ce que je suis en train de

  4   vous dire. Mais je n'ai pas l'ombre d'une idée. Logiquement c'est

  5   impossible. Franjo Tudjman, même trois fois mort, 500 fois mort, sans être

  6   tué, sans qu'il y ait eu une défaite militaire, n'aurait jamais cédé un

  7   seul centimètre de l'Etat croate à qui que ce soit et moi je ne l'aurais

  8   pas fait non plus au péril de ma vie. Ça ne fait aucun doute.

  9   Mais là c'est une autre chose. Imaginons que quelqu'un prétende que Zadar

 10   lui revient. Il occupe tout cela et tout ceci devrait être la Serbie, Jace,

 11   Banja Luka, et cetera, et la Croatie obtient ici un passage jusqu'à Split -

 12   -

 13   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, mais apparemment les

 14   interprètes n'entendent pas le général parce qu'il est trop loin des

 15   micros.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce qu'on ne peut pas déplacer la

 17   carte vers notre droite, elle serait pratiquement derrière M. Praljak, ce

 18   qui nous permettrait de voir les deux. Il y a une autre carte de l'autre

 19   côté et peut-être qu'on devrait faire ceci après la pause. Il faudrait se

 20   préparer.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, si on la prépare --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : -- les problèmes logistiques se régleront en cours.

 23   Bien. Nous reprendrons dans 20 minutes.

 24   --- L'audience est suspendue à 17 heures 32.

 25   --- L'audience est reprise à 17 heures 54.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

 27   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, M. Praljak va répondre

 28   à votre question. Il peut utiliser la grande carte qui se trouve derrière

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  1   lui, ou à défaut, vous avez cette carte de format A3, donc comme vous

  2   voulez ce qui est le plus commode.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est en partant d'une hypothèse que je pars;

  4   M. le Juge Antonetti m'a proposé de partir de cette hypothèse. Je vais

  5   essayer de suivre cette logique d'un éventuel partage. Il faudrait se baser

  6   sur quelques faits historiques, mais passons.

  7   Quelles étaient les histoires qu'on pouvait entendre avant la guerre ? Les

  8   Serbes ont estimé que cette partie-ci de la Croatie leur revenait, était

  9   leur territoire. C'est dans les parages d'Okucani et c'est qu'on a appelé

 10   par la suite la Slavonie occidentale. Cette zone également, la Banija, ils

 11   ont estimé que cela leur appartenait. C'est au sud de Karlovac, voire

 12   également la Lika, ils pensaient que ça leur revenait. Puis l'arrière pays,

 13   donc derrière le mont Velebit, la Zagora, ils pensaient que ça leur

 14   appartenait jusqu'à la mer, voire Zadar également. Et après, ils ont

 15   conquis tout cela.

 16   En Bosnie-Herzégovine, Banja Luka, puis le fameux de Kozara, puis le

 17   Grmic, tout simplement jusqu'au champ de Livno, jusqu'à Bosansko Grahovo,

 18   Bosanski Petrovac, Drvar.

 19   D'une certaine manière, dans leur perception de l'histoire, toutes

 20   ces régions leur revenaient sans conteste possible. Pendant la Seconde

 21   Guerre mondiale, ils ont commis des crimes très importants contre les

 22   Musulmans. Un témoin est venu vous en parler. Je vous le montrerai par la

 23   suite aussi. Il y a eu des massacres de Musulmans le long du cours de la

 24   Drina, parce que leur objectif était d'opérer une interruption du

 25   peuplement musulman. Là, vous avez sur le plateau de Sandzak un peuplement

 26   musulman très important. Donc là Nevesinje,  Trebinje, Gasko, toute cette

 27   partie-là, sans aucune concession, ils leur revendiquaient ça. Puis en

 28   Slovanie orientale, ils ont détruit Vukovar et ils revendiquaient toute

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  1   cette Slavonie orientale. Puis il y a la ligne Karlobag-Virovitica, vers le

  2   nord. Je ne sais pas, à moins qu'ils aient offert à Tudjman : "Voilà,

  3   prends un Etat qui prendrait cette forme-là." Mais qu'en serait-il des

  4   Musulmans ? Ils seraient appelés à partager cela dans un tel Etat, tout ça

  5   avec les Croates.

  6   Ecoutez, je ne connais aucun Croate - sans parler de Franjo Tudjman - qui,

  7   dans le plus fou, derrière le pire des cauchemars, envisagerait cela. Mais

  8   qu'est-ce que ça signifierait ? Nous, on a pu les arrêter. Moi, je les ai

  9   arrêtés au niveau de Sunja au sud de Sisak, donc ils n'ont pas pu aller au-

 10   delà. Donc ils n'ont pas pu mener à bien leur projet. Je ne comprends pas,

 11   je ne sais pas qui comprend quelle partie de la Bosnie-Herzégovine, en plus

 12   de ces parties de la Croatie qu'ils ont revendiquées en estimant que les

 13   Serbes y vivaient et que du coup ça devait être nécessairement, soit une

 14   Serbie soit une Yougoslavie ou Grande-Serbie, je ne vois aucune autre

 15   hypothèse possible. C'est une tâche impossible de partager cela

 16   logiquement. C'est impossible même si on veut s'y employer.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Kovacic.

 18   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Q.  Mon Général, ralentissez un peu. Je sais que vous avez beaucoup de

 20   choses à dire.

 21   Mais cette carte que les Juges de la Chambre peuvent voir, qui porte

 22   le numéro 3D 03545, je pense qu'il y aura d'autres opportunités où il

 23   serait utile d'avoir cette carte à portée de main.

 24   Alors, Général Praljak, nous sommes maintenant à la réunion suivante

 25   qui a été évoquée à l'occasion de nos travaux dans ce prétoire. C'est la

 26   partie 14, il s'agit des rencontres entre Boban et Karadzic à Graz. Pour

 27   les besoins du compte rendu d'audience, pour que tout le monde le sache, il

 28   s'agit d'une pièce P 00187. Il s'agit d'une réunion du 6 mai 1992. Alors,

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  1   que savez-vous nous dire à ce sujet ?

  2   R.  Ici, il y a des gens qui ont témoigné et il y a une personne qui a été

  3   présente à cette réunion; donc tout ça, ça a été déjà dit. Moi, je voudrais

  4   dire ceci.

  5   Si l'on suppose qu'il a été convenu quelque chose entre Boban et

  6   Karadzic, une espèce de cessez-le-feu, voilà ce qui s'est passé après la

  7   réunion. Il y a eu une grande attaque de lancée de l'armée de la Republika

  8   Srpska sur Livno, grande attaque. Après la réunion, le Conseil croate de la

  9   Défense a libéré Stolac.

 10   Et suite à la réunion, le HVO a libéré - une fois que les Serbes

 11   avant cela avaient expulsé la population totale de Mostar le 15 mai 1992,

 12   vers le côté est, il y a eu des gens qui ont sauté dans la Neretva et il y

 13   a eu des morts sur le pont - par la suite, non seulement le côté ouest mais

 14   aussi le côté est. Il s'est attaqué à la VRS et à la JNA. Et avec beaucoup

 15   de succès, on a réussi à créer ces lignes de démarcation qu'on a vues. Puis

 16   il y a eu une attaque de Rama. Par la suite, les forces serbes attaquent

 17   et prennent Jakce.

 18   Après la réunion, il n'y a pas d'interruption dans les combats âpres

 19   et violents dans la Posavina de Bosnie, et je crois que là, je vais mettre

 20   une carte. Les Juges doivent avoir la même. La voici.

 21   Alors, après cette réunion, les Serbes s'attaquent à Livno. Ils ont

 22   chassé de Mostar tous les gens vers la rive droite et nous autres, HVO, on

 23   prend Stolac. On libère toutes les collines sur la rive droite dans les

 24   environs de Mostar et quelques jours après, le HVO traverse la Neretva et

 25   libère Mostar et toute cette partie vers Bijelo Polje, et ainsi de suite.

 26   Les Serbes, ensuite, s'attaquent à Jajce pour le prendre. Il y a eu une

 27   autre attaque à Rama, qui n'a pas été couronnée de succès. Voilà. C'est là.

 28   Pendant tout ce temps-là, après la chute de Jajce, bien entendu, les

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  1   forces serbes s'arrêtent avant Travnik. Et là aussi, j'y ai pris part et je

  2   vais pouvoir en parler. Il y a eu, plusieurs mois après cette réunion, des

  3   combats âpres pour la Posavina en Bosnie-Herzégovine toujours. Et pour

  4   finir, elle a été perdue, et exception faite d'une toute petite partie, ils

  5   sont sortis sur la rivière Sava.

  6   Alors, quelle a été la réunion et qu'est-ce qui a été convenu ? Si,

  7   après cette réunion -- oui, j'ai oublié de dire qu'il y a eu l'opération

  8   Bura, Tempête qui s'est déroulée aux mois d'octobre, novembre 1992 où nous

  9   avons essayé - et avec quelque succès il faut le dire - de montrer aux

 10   Serbes que si on n'a pas pu prendre des territoires, on leur a quand même

 11   montré la force qu'on pouvait mettre en œuvre. Donc ils n'ont plus réalisé

 12   d'attaques importantes. Voilà, c'est ce que je saurais vous dire au sujet

 13   de la réunion.

 14   Q.  Merci.

 15   M. KOVACIC : [interprétation] On va avoir besoin de cette carte tout à

 16   l'heure. J'aimerais que l'on lui attribue un numéro IC.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, cette carte

 19   portera la cote IC 1007. Merci.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, Messieurs les Juges, si vous le

 21   permettez puisque j'y suis, il faudrait noter qu'il y a eu aussi les

 22   positions du HVO et qu'on a indiquées ici à l'extérieur de ce qui est dit à

 23   l'acte d'accusation pour ce qui est d'une Banovina quelconque.

 24   D'abord, les unités du HVO sont créées à quelque endroit que ce soit

 25   dans la Bosnie-Herzégovine où il y avait eu quelques effectifs que ce soit

 26   ou quelques populations croates qui se sont érigées en unités pour défendre

 27   cette Posavina. Ici, on voit ces unités qui se trouvent à l'extérieur de

 28   cette supposée partie tombant sous la Banovina. Alors, vous me demanderez

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  1   pourquoi on placerait des unités là où on ne veut pas défendre les

  2   territoires pour faire un territoire croate. Mais je voudrais dire qu'il

  3   n'y a aucune logique à cela et je ne voudrais pas tirer davantage de

  4   conclusion à ce sujet.

  5   Puisque j'en suis au rétroprojecteur, je reviens à cette opération Bura.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Non, la carte précédente. Vous venez de parler de la

  7   Banovina. Alors, je regarde le déploiement des brigades du HVO, la 107e, la

  8   108e, 115e, 110e, 111e, et cetera. Avec la carte, les traits rouges, si je

  9   comprends bien, c'est le positionnement des forces serbes, les deux traits

 10   rouges en --

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En termes militaires, cette fameuse

 13   "Banovina," en réalité, elle est encerclée par les Serbes.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, dans la Banovina il n'y a

 15   pas de Bihac. Or, nous avons une unité dans d'autres localités et ça n'a

 16   rien à voir avec la Banovina, exception faite de cette unité en partie dans

 17   la Posavina.

 18   Et il y en a eu bien plus et c'était une armée composée de Croates et

 19   de Musulmans. Donc il n'y a aucune corrélation logique par la suite avec

 20   Usora, Gradacac, Tuzla. Ces unités-là n'ont rien à voir avec la Banovina.

 21   On n'a pas assez de cartes ici, mais la Banovina, ça concerne ce

 22   territoire-ci autour de la Neretva, Stolac et une petite partie par ici.

 23   Toutes ces unités se sont vues créées sur des territoires qui n'ont rien à

 24   voir du tout avec ce qu'il est convenu d'appeler la Banovina. Or, ces

 25   unités avaient disposé de plus de soldats que je n'en avais à ma

 26   disposition moi-même. Le HVO qui comptait quelque

 27   40 000 soldats au total, au total je le dis bien, il y en avait moins de 20

 28   000 à ma disposition dans ce qui est la soi-disant Banovina. Et tout le

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  1   reste est sous le commandement de l'ABiH, plus ou moins.

  2   Oui, je vais me calmer.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais poser une question à

  4   propos de cette carte. Peut-être que j'ai raté quelque chose, mais nous

  5   parlons de quelle époque ? A quel moment est-ce que cette situation s'est

  6   présentée ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la situation telle qu'elle prévalait en

  8   1992 à peu près avant que ne tombe la Posavina. Donc c'est la situation

  9   telle qu'elle se présente après les entretiens entre Karadzic et Boban. Et

 10   du début à la fin, la situation est restée telle quelle, mises à part les

 11   parties où on a perdu des positions, ce qui fait que les unités de la

 12   Posavina, exception faite de certaines petites unités qui sont restées à

 13   défendre leur territoire, les autres unités sont allées faire partie du

 14   Corps de Tuzla de l'ABiH.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Et qui plus est, voilà l'opération Bura du 8

 17   novembre 1992. Et une fois de plus, le HVO a repris les forces, avec l'aide

 18   de l'ABiH dans la mesure où cette aide pouvait être apportée, et s'est

 19   attaquée aux unités de la VRS tel que montré ici. On ne peut pas dire que

 20   l'action a été tout à fait couronnée de succès, qu'on a fait déplacer les

 21   lignes de front. Mais il est certain que de leur côté il y a eu beaucoup de

 22   victimes, et nous avons démontré que nous avions suffisamment de forces

 23   pour leur indiquer qu'il n'y avait pas lieu d'essayer de s'attaquer à la

 24   Neretva. De ce point de vue-là, l'opération a été positive parce que cela

 25   était une démonstration claire de l'armée puissante que nous étions

 26   devenue, et qu'il n'était plus question de faire comme au début.

 27   M. KOVACIC : [interprétation]

 28   Q.  Mon Général, après toutes ces explications, si je vous ai bien compris,

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  1   veuillez répondre par oui ou par non seulement, est-ce que tous ces

  2   événements que vous venez de décrire sont là pour donner un démenti de ce

  3   prétendu accord qui aurait été établi entre Boban et Karadzic ?

  4   R.  Il y a une logique --

  5   M. STRINGER : [interprétation] Objection. Une question directrice, Monsieur

  6   le Président.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà comment je vais vous le dire. S'il y a

  8   la logique, ceci est un démenti de tout accord. S'il n'y a pas de logique,

  9   on peut tirer la conclusion qu'on veut.

 10   Une fois de plus, je tiens à le dire. Je demanderais aux Juges de se

 11   pencher sur ce que j'ai placé sous leurs yeux. Il y a une unité d'Olovo que

 12   nous avons oublié d'inscrire sur cette carte. Je l'ai retrouvée

 13   ultérieurement. Je savais bien qu'il y avait une autre unité à Olovo, et on

 14   voit que l'armée et le HVO sont en train de se battre côte à côte. Cette

 15   unité s'appelait Matija Divkovic. Il y a une autre unité du HVO que nous

 16   n'avons pas indiqué sur cette carte. Olovo est à l'extérieur de toute

 17   logique qui serait inhérente.

 18   M. KOVACIC : [interprétation] D'accord.

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Simplement une remarque à propos du

 20   compte rendu. A la page 83, ligne 24, on voit un accord punitif, supposé

 21   "putative" en anglais et non pas "punitive." Merci.

 22   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 23   Q.  Vous venez de nous parler de certaines parties de ce classeur.

 24   Maintenant, je voudrais passer au chapitre 22 que vous avez sauté dans

 25   votre volonté de rendre les choses plus courtes.

 26   Est-ce que vous vouliez dire quelque chose par ce titre "Droit du peuple à

 27   l'autodétermination" ou est-ce que vous pouvez brièvement nous en dire

 28   quelque chose ?

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  1   R.  Je vais être très bref pour ne pas vous faire perdre trop de temps à ce

  2   sujet. Donc, juste ce qui suit.

  3   J'affirme, et je dispose de preuves pour dire que James Baker, dans la

  4   déclaration qui est jointe ici, en apportant son clair soutien au maintien

  5   de la Yougoslavie en tant qu'entité, avait donné le feu vert aux Serbes et

  6   à la JNA pour un départ. Il avait déjà déclaré que les Slovènes étaient des

  7   séparatistes et que la situation telle qu'elle se présentait à ce moment-là

  8   a fait qu'une déclaration d'un CEO représentant des Etats-Unis d'Amérique

  9   laissait entendre "nous sommes contre le séparatisme, mais à vous,

 10   Messieurs, de résoudre les choses comme bon vous semble." C'est ainsi que

 11   la guerre a démarré. Je vais le dire sans m'émouvoir, mais c'est surprenant

 12   d'avoir cette absence de moralité, et de constater que sans armes de la

 13   défense territoriale et avec un très grand courage de nos jeunes gens, nous

 14   avons quand même réussi à résister et à sauver notre Etat.

 15   Le Conseil de sécurité a proclamé un embargo sur l'achat des armes.

 16   Je vais très calmement dire que je n'ai pas vu de décision plus amorale,

 17   plus misérable, plus honteuse. C'est contraire au droit naturel du maintien

 18   ou de la subsistance d'un droit ou de l'individu, et c'est contraire au

 19   droit d'un peuple ou d'un individu à l'autodéfense. Ceci provoque une

 20   nausée véritable, indescriptible, parce qu'il est difficile de rester dans

 21   des tranchées alors que des chars, des avions, des mortiers, une artillerie

 22   est en train de vous anéantir et que vous, vous n'avez pas d'autre solution

 23   que vous mettre sous terre et de ne pas avoir de fusils pour riposter.

 24   Il est venu par la suite l'élément suivant : les citoyens croates,

 25   plus les citoyens que l'armée ont bloqués, les casernes de l'armée

 26   populaire yougoslave en Croatie où il y avait beaucoup d'armes. Certaines

 27   de ces casernes ont été prises.

 28   Celles de Varazdin notamment, où il y avait beaucoup d'armes. Je sais

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  1   pour sûr que la Croatie a été contrainte pour ne pas provoquer au-delà les

  2   Serbes, de laisser passer ces armes ni plus ni moins vers la Bosnie-

  3   Herzégovine. C'est de façon analogue que les armes de Slovénie étaient

  4   parties en Bosnie-Herzégovine, comme si une fois arrivées en Bosnie-

  5   Herzégovine ils allaient planter des fleurs avec. Messieurs les Juges, il

  6   ne pouvait pas y avoir de cécité politique plus grande. C'est

  7   incompréhensible. Ce qui s'est produit, par la suite, en Bosnie-

  8   Herzégovine, vous le savez fort bien.

  9   Or, il y a un autre élément. Un embargo, d'après les normes

 10   juridiques, se devrait d'être respecté. Mais si vous respectez l'embargo,

 11   vous allez vous faire tuer. Alors je comprendrais que s'il y avait eu un

 12   embargo de mis en place et qu'une puissance serait venue dire non, vous

 13   n'avez pas le droit de faire la guerre, nous allons vous protéger, vous

 14   n'avez pas à importer des armes, nous allons vous protéger. Mais si

 15   personne ne vous protège et que vous n'avez pas le droit d'acheter des

 16   armes et que vous allez enfreindre des lois si vous en achetez, ce n'est

 17   pas une formule qui peut fonctionner comme il se doit.

 18   Donc, les armes peuvent être achetées clandestinement, il y a les

 19   instances de l'état, les douaniers, les transporteurs, il y a des centaines

 20   de milliers d'individus, tant Croates que Musulmans et ceux d'Ukraine, de

 21   Slovénie, de Hongrie, d'Allemagne de l'est, de Turquie, d'Iran,

 22   d'Argentine, de France, de Suisse, tous ceux qui voulaient aider et faire

 23   de l'argent. L'embargo a été violé, il a été enfreint par toute personne

 24   susceptible de le faire.

 25   Et tout d'abord, les Américains, en premier lieu, comme l'a dit

 26   l'ambassadeur Galbraith, ils ont fermé les deux yeux quand ils ont vu que

 27   ça ne pouvait être justifié par aucune espèce de morale. Il est arrivé une

 28   chose pire encore. En achetant des armes de la sorte, il s'est produit ce

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  1   qui suit : les instances de l'Etat en Bosnie-Herzégovine et en Croatie

  2   n'avaient plus l'autorité qui devait être la leur. Si vous devez abandonner

  3   l'approvisionnement en armes à des gens qui ne sont pas toujours

  4   honorables, des individus louches, ces gens qui vendaient leurs vaches pour

  5   acheter des armes ne voulaient pas se soumettre à l'autorité en place. Ils

  6   avaient acheté des uniformes tant en Bosnie qu'en Croatie, et ça a

  7   grandement porté atteinte aux instances de l'Etat, tant en Bosnie-

  8   Herzégovine qu'en Croatie, sans parler de l'armée.

  9   Il a fallu beaucoup de temps pour que ces livraisons deviennent plus

 10   légales, sous contrôle, afin que les armes soient distribuées sous

 11   surveillance ou avec des signatures de bordereaux de réception pour qu'il y

 12   ait un peu d'ordre dans tout cela. C'est ce qui a grandement fait au début,

 13   et c'est resté longtemps en vigueur. Une sorte d'ordre difficilement

 14   définissable. Ils disaient : Tu ne m'as pas armé, tu ne me paies pas de

 15   salaire, c'est mon fusil, et je ferai ce que bon me semble.

 16   Ce que je veux dire par là au sujet de ces partages et de ces

 17   divisions, je ne comprends pas pour ce qui est de cette offensive

 18   musulmano-croate qui a été stoppée devant Banja Luka. On nous accuse

 19   d'avoir voulu partager la Bosnie-Herzégovine, et on a fait en sorte que les

 20   Serbes obtiennent 49 % de la Bosnie-Herzégovine alors que les Croates et

 21   les Musulmans 51 % après ce que les Serbes ont fait, et ils ont fait un

 22   Etat qui s'appelle Republika Srpska. La Bosnie-Herzégovine n'est ni une

 23   république ni un royaume. Permettez-moi de terminer.

 24   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, je voulais simplement demander

 25   si le général pouvait nous donner une date pour le moment où l'attaque,

 26   l'offensive lancée par les Croates a été arrêtée pour qu'on se fasse une

 27   idée du temps.

 28   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Juste un instant. Il y a sans doute eu une

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  1   erreur au compte rendu d'audience. Le général Praljak a dit les Croates et

  2   les Musulmans conjointement.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, les Croates et les Musulmans. Cela s'est

  4   produit en 1995 après l'opération Tempête. Après nous avons cette partie

  5   avec le HVO qui libère Kupres et pénètre profondément dans la région de

  6   Kupres, ainsi que dans l'arrière-pays en attaquant les unités des forces

  7   armées de la Krajina serbe.

  8   Ensuite un accord a été signé entre Tudjman et Izetbegovic, on a permis à

  9   l'armée croate de passer légalement sur le territoire de la Bosnie-

 10   Herzégovine. C'est ainsi qu'a été libéré Bihac et qu'on a avancé au-delà

 11   vers Banja Luka. Il en est fait état dans les ouvrages dont nous disposons,

 12   dont celui de Richard Holbrooke. Le débat est ouvert quant à savoir si nous

 13   avons fait une erreur ou pas en nous arrêtant là-bas, mais nous pensons que

 14   c'était la bonne chose à faire. Le général Gotovina s'est vu dire de

 15   s'arrêter devant Banja Luka et de ne pas aller plus loin. Ils ont ensuite

 16   été appelés à Dayton et une carte a été placée devant eux et il n'y avait

 17   pas de discussion possible. Deux cents milles Croates ont été chassés de

 18   cette zone et ils n'y sont jamais revenus. Je suis aujourd'hui assis ici

 19   parce que j'aurais soi-disant voulu partager la Bosnie-Herzégovine.

 20   Après tous les documents que j'ai déjà montrés, j'aimerais que l'on

 21   me dise où il y a ici le moindre gramme de logique.

 22   M. KOVACIC : [interprétation] D'accord.

 23   [Le conseil de la Défense se concerte]

 24   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Juste un instant. Une fois encore, nous

 25   avons une erreur au compte rendu d'audience, en page 88, ligne 23, le

 26   général Praljak a dit que 49 % ont été donnés aux Serbes et 51 % aux

 27   Croates et aux Musulmans ensemble.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

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  1   L'INTERPRÈTE : Maître Kovacic, hors micro.

  2   M. KOVACIC : [interprétation] Dans le chapitre suivant de ce classeur qui

  3   porte le titre "Acte d'accusation."

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : -- le chapitre suivant, Monsieur Praljak, vous avez

  5   parlé de James Baker, donc j'ai écouté, ensuite j'ai tourné et j'ai regardé

  6   les documents qui suivaient et si vous permettez on va revenir sur

  7   l'agrément de Genève du 23 novembre 1991 signé par Tudjman, Milosevic,

  8   Kadijevic, et Cyrus Vance. Vous voyez ce document ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, juste un instant. Je pense que je l'ai

 10   derrière Baker. C'est la résolution.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je l'ai.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai toujours essayé de comprendre qui avait

 14   commencé le premier. C'est la question de l'œuf ou de la poule. Là il y a

 15   une réponse semble-t-il dans ce document. Ce document a quatre points, A,

 16   B, C, D. Qu'est-ce qu'on constate au petit a, il est demandé à la Croatie

 17   de mettre immédiatement fin au blocus des casernes de la JNA en Croatie.

 18   Ensuite point 2, la JNA doit quitter la Croatie, et cetera. Mais il semble

 19   dans le déroulement des faits - vous l'avez dit tout à l'heure d'ailleurs,

 20   que ce sont les Croates qui ont bloqué les casernes de la JNA, et

 21   qu'ensuite il s'est passé tous les événements. Est-ce que vous confirmez ce

 22   qui est dans ce document ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Le 23 novembre

 24   1991, la guerre bat son plein déjà en Croatie, nous avons Vukovar, et le 23

 25   novembre j'ai déjà de nombreuses pertes. Je suis en pleines opérations de

 26   guerre et nous avons procédé à un blocus des casernes afin qu'ils ne nous

 27   détruisent pas de l'intérieur. Bien entendu, nous avons bloqué les casernes

 28   de la JNA. L'armée populaire yougoslave populaire est l'ennemie du peuple,

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  1   du peuple croate aussi. Ils pouvaient retirer leurs hommes mais il

  2   s'agissait là d'armes que nous avions co-financées. Cela s'est fait

  3   évidemment sous une pression qui voulait que la partie la plus faible cède,

  4   mais si cela n'avait tenu qu'à moi je n'aurais jamais levé le blocus des

  5   casernes.

  6   Bien entendu, j'aurais accepté tout à fait pacifiquement que tous les

  7   soldats et tous les officiers repartent et rentrent chez eux, mais la JNA

  8   est à la fois yougoslave et populaire. Elle n'est pas serbe et les Serbes

  9   ne peuvent pas en disposer comme ils le souhaitent. Ils nous ont déjà pris

 10   les armes de la Défense territoriale. Ils avaient beaucoup d'armes en

 11   Serbie et ils pouvaient dans leurs propres casernes faire ce qu'ils

 12   voulaient. Il s'agissait là de casernes se trouvant sur le territoire de la

 13   République de Croatie, et dans le cadre d'une agression de cette armée, il

 14   ne fallait tout simplement pas lever le blocage de ces casernes. S'il n'y

 15   n'avait pas eu une telle pression de la communauté internationale et si le

 16   président Tudjman n'avait pas été l'objet de tant de critiques, cela

 17   entraînait beaucoup de frustration dans la population. Toutes ces zones ici

 18   sont déjà occupées à cette époque-là, Monsieur le Président, et si l'on

 19   vous tuait de cette façon il s'agissait d'une concession extrêmement

 20   difficile à accepter que de leur permettre d'utiliser en plus toutes ces

 21   armes. Cela ressort d'un point de vue pragmatique et non pas de la moindre

 22   considération morale. De plus, toutes ces armes ont ensuite pris le chemin

 23   de la Bosnie-Herzégovine pour que se poursuive cette danse macabre. Ce

 24   n'est pas du tout la question de la poule ou l'œuf, Monsieur le Président,

 25   que nous avons là.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci, pour cette réponse.

 27   M. KOVACIC : [interprétation]

 28   Q.  Général Praljak, aux fins du compte rendu d'audience, s'il vous plaît,

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  1   vous avez parlé hier de cette question de l'acte d'accusation. Or dans le

  2   compte rendu d'audience d'hier, page 32, ligne 14, il a été consigné de

  3   façon erronée qu'il se serait agi du point numéro 23 alors que vous faisiez

  4   état du point numéro 23, l'acte d'accusation.

  5   Je voudrais maintenant vous poser la question suivante : vous avez

  6   également évoqué le point 24, c'est votre déclaration. Je voudrais vous

  7   demander, et je l'indique pour que l'on s'y retrouve plus facilement, cela

  8   concerne le point numéro 25, il s'agit d'une "Simulation se fondant sur le

  9   nombre des victimes", il s'agit d'une "simulation" et on a pris comme

 10   données de base le nombre des victimes et la surface des Etats, Etat comme

 11   la France ou les Etats-Unis par comparaison avec la Croatie. Et veuillez

 12   expliquer de quoi il s'agit ?

 13   R.  Messieurs les Juges, j'avais déjà préparé ces simulations lors de ma

 14   déclaration liminaire lorsque j'avais disposé de cinq heures. Et je me

 15   rappelle que M. le Juge Antonetti avait exprimé son intérêt pour que l'on

 16   essaye d'examiner cela d'un peu plus près, comme d'autres questions

 17   d'ailleurs.

 18   On parle souvent du nombre de victimes de façon absolue, en chiffres

 19   absolus, et non pas par comparaison à la population totale. Et c'est

 20   pourquoi j'ai essayé de donner une image plus juste du caractère horrible

 21   de cette guerre en procédant à cette simulation. Donc la Croatie qui a 4

 22   495 902 habitants, on voit combien de personnes ont été expulsées, combien

 23   sont des réfugiés, combien ont été tués. Alors ces chiffres ont augmenté

 24   entre-temps mais je pense qu'ils sont déjà suffisamment parlant, 26 000

 25   personnes ont été blessées, des personnes décédées et non identifiées sont

 26   au nombre de 782. Et je dois souligner qu'il y a environ 1 500 soldats de

 27   l'armée croate qui sont toujours portés disparus. Jusqu'en 2008, nous avons

 28   assisté aux suicides d'un peu moins de 2 000 soldats de l'armée croate.

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  1   Alors sur la carte suivante nous avons la France, et si l'on

  2   rapportait la population de la Bosnie-Herzégovine à celle de la France,

  3   cela voudrait dire qu'il y aurait 26 millions de Musulmans, 18 millions de

  4   Serbes, et j'ai transformé les Croates en Français, et il y aurait alors 10

  5   millions de Français. Il y aurait 4 800 000 personnes tombant dans la

  6   catégorie autres.

  7   Dans la carte suivante, j'ai mis la France à la place de la Croatie,

  8   alors évidemment compte tenu de la forme de la Croatie ce n'est pas tout à

  9   fait possible, mais je l'ai fait autant que c'était réalisable.

 10   Ensuite, en page 6 suivante, j'ai montré à quoi ressemblerait

 11   l'attaque portée contre la France de façon similaire à celle qui a été

 12   portée contre la Croatie à partir des territoires de la Serbie, du

 13   Monténégro et de la Bosnie-Herzégovine.

 14   En page 7, j'ai montré la part du territoire de la France qui dans

 15   cette simulation se serait retrouvée occupée par les forces armées

 16   étrangères. Et enfin, le plus important en page 8, toujours en proportion

 17   identique, proportionnellement à la population française de 60 millions

 18   d'habitants, quels seraient les chiffres correspondant à ceux que nous

 19   avons vus précédemment, on aurait environ cinq millions de personnes

 20   expulsées, quatre millions et demi de réfugiés, 151 000 morts, 351 000

 21   blessés et des personnes décédées et non identifiées seraient au nombre de

 22   10 000, alors que les soldats français commettant suite à tout cela suicide

 23   seraient au nombre de 26 000, comme c'est indiqué en bas.

 24   Il s'agit là de chiffres, et Monsieur le Président, qui est Français

 25   s'en rend bien compte, il s'agit de chiffres qui nous montrent quelle est

 26   l'importance du nombre des victimes. Parce que quand on dit que 50

 27   personnes ont été tuées à Rama, ce chiffre est tel qu'il est et il ne rend

 28   pas véritablement compte de ce qui s'est  passé. J'ai procédé de la même

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  1   manière en page 10 pour la Bosnie-Herzégovine.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, tout d'abord j'ai

  3   un peu de mal à prendre ceci comme étant des moyens de preuve apportés par

  4   un témoin. Cela me semble être plutôt une espèce d'essai astucieux, ou je

  5   ne sais pas, présenté par un expert, mais c'est surtout extrêmement

  6   polémique.

  7   Regardez à la page 7, vous avez mis la France, mais vous avez

  8   complètement modifié les proportions de la France. Enfin, je trouve tout

  9   cet exercice assez critiquable. La France est beaucoup plus grande. Donc

 10   cela semble indiquer que toute cette présentation n'est pas très sérieuse

 11   et je pense qu'il vaudrait mieux que vous en restiez là.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne suis pas d'accord, Monsieur le Juge

 13   Trechsel --

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne suis pas en train d'argumenter

 15   avec vous. J'ai regardé cela sur la carte sur Google, la France recouvre

 16   pratiquement toute la Yougoslavie dans sa superficie et là vous nous mettez

 17   une France toute petite, donc c'est tout à fait polémique. Je pense que la

 18   Chambre de première instance n'a aucune envie d'écouter cela, elle n'en a

 19   aucune raison de plus de se faire.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, si je puis me

 21   permettre, je voudrais répondre. Je n'ai pas dit ce que représente la

 22   France par rapport à la Yougoslavie. Ce n'est pas du tout ce que j'affirme.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, Monsieur Praljak, je vous

 24   rappelle que vous êtes ici pour témoigner, vous êtes ici en tant que

 25   témoin. Ça fait à peu près trois ans que vous êtes dans ce prétoire, et à

 26   de nombreuses reprises vous avez entendu la Chambre de première instance

 27   dire aux témoins qu'ils ne sont là ni pour faire des commentaires ni pour

 28   expliquer les choses, ils sont ici pour répondre à des questions qu'on leur

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  1   pose, et rien de plus. Vous avez choisi de déposer en tant que témoin et

  2   donc ceci s'applique à vous.

  3   Maître Kovacic, c'est à vous.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais vous m'avez mal compris. Je ne parle ici

  5   de rien d'autre que d'un malentendu. Je pense que le témoin a le droit

  6   d'attirer l'attention sur un malentendu si on lui reproche quelque chose.

  7   Je ne remets pas du tout en question votre autorité dans ce prétoire, mais

  8   vous avez dit que la France est très certainement bien plus grande que

  9   l'ex-Yougoslavie en superficie. C'est tout à fait vrai, mais moi je parle

 10   en proportion. J'ai mis la France à la place de la Croatie

 11   proportionnellement et j'ai travaillé toute proportion gardée car ces

 12   proportions pour moi, Monsieur le Juge Trechsel, sont importantes afin que

 13   l'on voie et qu'on se rende bien compte du nombre de personnes qui sont

 14   mortes là-bas et à quel point le chaos s'est installé. Cela est tout à fait

 15   essentiel dans cette affaire. J'aimerais bien que l'on me montre quelles

 16   sont les possibilités d'administrer et de gérer la situation dans un tel

 17   chaos et avec de telles pertes.

 18   Et il ne s'agit absolument pas ici d'un jeu ou d'une tentative de me

 19   livrer à une expertise plus ou moins spectaculaire, il s'agit d'un travail

 20   avec les faits, quelque chose que j'ai élaboré avec les meilleures

 21   intentions afin de rendre plus accessible à tout un chacun la nature même

 22   de cette guerre. Et j'ai simplement montré combien de territoire français

 23   aurait été perdu et combien il y aurait eu de victimes.

 24   Rien d'autre alors, et bien sûr j'écouterai attentivement chacune de

 25   vos objections, mais il s'agit ici d'un malentendu.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Si je puis me rendre utile.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Allez-y.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Je crois que le général Praljak n'est pas en

Page 39637

  1   train d'essayer de comparer les tailles des différents pays, mais juste de

  2   faire comprendre les proportions. Donc disons si la France est de la taille

  3   de la Croatie, je pense qu'il essaie d'expliquer en fait l'impact

  4   psychologique que tout ceci a eu sur les Croates au vu des circonstances.

  5   M. Praljak a donné ses explications et je pense que nous pouvons passer à

  6   autre chose. Je pense qu'il a montré ce qu'il voulait démontrer et je pense

  7   que la Chambre de première instance a parfaitement compris maintenant.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Kovacic, c'est à vous. 

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, parce qu'il peut y avoir une divergence

 10   entre les Juges sur ce problème.

 11   Tout d'abord, Monsieur Praljak, vous avez abordé lors de votre

 12   déclaration il y a trois ans cette question, donc nous savons cela déjà.

 13   Il y a la page 23 qui est un tableau que vous avez dressé, et

 14   j'invite tout le monde à regarder ce tableau parce que tout le monde va

 15   gagner du temps. Dans ce tableau, vous indiquez qu'en Croatie il y a eu 11

 16   296 tués. Et si vous faites une comparaison avec d'autres pays, vous avez

 17   cité la France et les USA, mais vous auriez pu marquer la Hongrie et la

 18   Suisse, comme ça il n'y aurait pas eu de jaloux ni de problème. On se

 19   serait à ce moment-là rendu compte que rapporté aux Etats-Unis, par

 20   exemple, il y aurait eu 739 00 morts, ce qui est énorme; 1 700 000 blessés,

 21   ce qui est énorme. Voilà. Et au point de vue réfugiés, 46 millions de

 22   réfugiés. Ce qui montre l'impact de ce qui est arrivé au niveau

 23   psychologique sur les uns et des autres.

 24   Tout le monde a compris. Et même si la Croatie était un petit pays,

 25   on voit l'impact sur tout le monde de ces événements. Voilà. Mais vous nous

 26   l'aviez dit déjà.

 27   Maître Kovacic.

 28   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, deux choses que je

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  1   souhaiterais faire à présent. Aux fins du compte rendu d'audience et pour

  2   que tout le monde soit au courant, je tiens à préciser que ces diapositives

  3   et dans son ensemble cette simulation a été versée sous la cote 3D 01077.

  4   Ça été téléchargé dans le prétoire électronique. C'est la partie qui

  5   concerne la simulation par rapport à la France, et puis dans la suite nous

  6   avons la simulation par rapport aux Etats-Unis d'Amérique, 3D 01078, pour

  7   qu'on puisse s'y référer plus facilement.

  8   Et puis si vous m'y autorisez, peut-être que M. Praljak souhaite apporter

  9   une conclusion.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, tout est clair.

 11   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, je pense que c'est parfaitement clair à

 12   tout le monde.

 13   Q.  Monsieur Praljak, à présent nous pourrions aborder le sujet au numéro

 14   26. Il s'agit du comportement, de la conduite des gens dans des situations

 15   complexes, voire aussi dans une situation de guerre. Là nous avons

 16   également une série de diapositives, de clichés qui ont été réalisés

 17   justement afin de simplifier le récit.

 18   M. STRINGER : [interprétation] Désolé. Monsieur le Président, l'Accusation

 19   soulève une objection à propos de ce type de question. Le témoin n'est pas

 20   qualifié pour donner son opinion sur ce point. Et de notre avis, ce n'est

 21   pas non plus pertinent en l'espèce. Il a peut-être l'intention d'appeler un

 22   expert pour parler de tout ça plus tard. Mais nous considérons que ce n'est

 23   pas pertinent et que surtout le témoin n'est absolument pas qualifié pour

 24   en parler. Donc il faudrait passer à quelque chose de beaucoup plus

 25   pertinent.

 26   M. KOVACIC : [interprétation] Si je puis répondre. Premièrement, le général

 27   Praljak précise dans son CV qu'il a entre autres un diplôme de sociologie,

 28   il est sociologue de formation, ensuite il s'est particulièrement penché

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  1   sur cet aspect. Permettez-moi également de me fonder sur une décision que

  2   j'ai déjà citée aujourd'hui, à savoir la décision de la Chambre présidée

  3   par le Juge Moloto qui date du 21 avril 2009.

  4   Elle porte sur le témoignage "…du témoin de l'Accusation Miodrag

  5   Starcevic."

  6   Il est exprimé de manière très claire au paragraphe 11 de cette

  7   décision, je vais citer en anglais pour être fidèle : 

  8   "Les témoins de faits peuvent aussi exprimer leurs opinions dans la mesure

  9   où ces opinions viennent de leur expérience personnelle."

 10   C'est un accusé qui témoigne ici, c'est une situation spécifique, et par

 11   conséquent, j'estime qu'il faut lui accorder la possibilité de dire ce

 12   qu'il sait, et il est en mesure d'expliquer quelle est la source de ses

 13   connaissances. S'il y a des doutes là-dessus, nous pouvons poser des

 14   questions complémentaires. Merci.

 15   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin n'a aucune

 16   expérience personnelle. Il n'était pas à la Nouvelle-Orléans lors de

 17   l'ouragan Katrina. Il n'était pas à New York lorsqu'il y a eu le black-out.

 18   Il n'était pas à Amsterdam non plus lorsque Theo van Gogh a été tué. Il

 19   n'était pas à Paris pendant les émeutes. Il n'était pas, je crois, non plus

 20   au Vietnam lorsqu'il y a eu le massacre à My Lai.

 21   Donc si le général veut parler de problèmes qu'il avait lui en tant

 22   que commandant, l'effet de la guerre, les troupes civiles, l'effet que ça a

 23   eu sur ses troupes, il peut le faire, bien sûr, car il est qualifié pour

 24   cela. Mais il ne peut absolument pas parler de ces autres points, il n'a

 25   aucune expertise pour nous faire des commentaires qui seraient autres que

 26   très généraux. Donc nous pensons que nous devrions passer à autre chose.

 27   M. KOVACIC : [interprétation] Si je peux rajouter une chose, une phrase. Je

 28   pensais que c'était évident, mais il va sans dire, il vaut mieux le dire.

Page 39640

  1   Je vais passer au croate.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Maître Kovacic, sur cette question, de mon

  3   point de vue, et je pense que c'est exactement le même pour mes collègues,

  4   l'ouragan Katrina, le black-out à New York, Theo van Gogh, et ce qui s'est

  5   passé à Paris, le témoin n'était pas témoin de faits et donc là on va

  6   perdre du temps. En revanche, il y a un sujet qui me paraît totalement

  7   approprié, c'est le massacre à My Lai. Bien sûr, il n'était pas à My Lai,

  8   lui, mais cette affaire qui a été jugée d'ailleurs pose le problème du

  9   commandement et du contrôle.

 10   De mémoire, je sais que ce sujet est évoqué dans différents documents

 11   que la Défense Praljak a produits, et que là, peut-être, Maître Kovacic,

 12   vous pouvez lui poser des questions sur la situation d'un commandant par

 13   rapport à des troupes sous contrôle ou hors contrôle, si vous l'estimez

 14   utile, et ce qu'a dit M. Stringer tout à l'heure. Et là-dessus je suis

 15   d'accord avec lui. Mais les autres sujets ça n'a aucun intérêt.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais ajouter une observation.

 17   Je ne contredis absolument pas ce que nous a dit notre Président. Il

 18   est vrai que le massacre de My Lai pourrait avoir un petit peu à voir avec

 19   ce qui nous intéresse ici. Je pense que cela sera d'ailleurs soulevé dans

 20   le cadre d'un témoignage d'expert plus tard. Mais pour ce qui est de ce que

 21   l'on trouve sous l'onglet 26, ce qui m'étonne c'est qu'à la fin, page 30 et

 22   suivantes, de 30 à 36, il y a référence à des sources. C'est un document

 23   extrêmement étoffé où on trouve énormément de sources, et cela ressemble

 24   tout à fait à une opinion d'expert, c'est un format d'expertise. Ce n'est

 25   pas du tout un témoignage d'un témoin des faits. C'est un témoignage

 26   d'expert. C'est en fait une opinion d'expert. Donc ici le témoin qui est

 27   censé être un témoin des faits essaie de se faire passer pour un témoin

 28   expert. Et c'est très évident lorsque l'on regarde les pages que j'ai

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  1   mentionnées dans cet onglet 26.

  2   M. KOVACIC : [interprétation] Le général déposera également comme un témoin

  3   des faits, bien entendu. Mais compte tenu de la méthodologie et de

  4   l'approche, tirer des conclusions sur des faits dans un procès aussi

  5   complexe, dans un dossier aussi complexe, sur une période qui s'étend de

  6   1991 jusqu'en 1995, voire au-delà. D'après le Procureur, en tant qu'accusé,

  7   le général Praljak en est arrivé à la conclusion qu'il convient

  8   d'expliciter un certain nombre de notions afin de faciliter la

  9   compréhension des capacités, des possibilités qui sont celles d'un

 10   commandant dans la guerre dont nous parlons.

 11   Donc il est facile effectivement d'aborder le problème du côté de My

 12   Lai, qui est le plus proche. Mais c'est un phénomène sociologique. S'agira-

 13   t-il de My Lai ou de l'ouragan Katrina ou de la coupure d'électricité à New

 14   York. Ecoutez, nous avons devant nous un sociologue diplômé qui est un

 15   accusé ici, de longue date et, bien entendu, c'est un intellectuel qui

 16   s'est penché sur toutes ces questions, qui a recherché de tous ces côtés-là

 17   pour voir quelles sont les possibilités ou les impossibilités d'un

 18   commandant dans une situation donnée pour commander une armée qui s'est

 19   constituée à la va-vite.

 20   Donc je vais demander au général de commencer par l'exemple de My Lai. Si

 21   vous pensez que l'on peut élargir sur d'autres cas, nous allons le faire,

 22   sinon --

 23   Pour commencer, je demanderais au général de commencer par quelques

 24   éléments d'explications portant sur My Lai pour qu'il nous dise si, d'un

 25   point de vue sociologique, il a pu lui-même s'apercevoir des mêmes règles

 26   dans la réalité de l'époque en Bosnie-Herzégovine pendant la période

 27   pertinente en l'espèce.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Depuis le début, il me semble -- enfin, bref -

Page 39642

  1   - Monsieur le Juge Trechsel, je comprends, vous dites un témoin des faits,

  2   mais l'acte d'accusation comporte des faits, mais aussi --

  3   M. STRINGER : [interprétation] Objection, le général ne répond pas à la

  4   question que lui a posée son conseil. Il est en train de faire un discours

  5   aux Juges de la Chambre. Nous vous demandons de lui rappeler qu'il doit

  6   répondre aux questions qui lui sont posées. Il n'est pas là pour faire des

  7   discours.

  8   M. KOVACIC: [interprétation]

  9   Q. [aucune interprétation]  

 10   R.  Très simplement, je peux répondre à la question. Il n'est pas exact de

 11   dire que sur la base de crimes qui se sont produits à titre isolé dans une

 12   région donnée - et il convient de le prouver encore - que cela permet d'en

 13   conclure à l'existence des entreprises criminelles communes. C'est une

 14   qualification sociologique et politique, et non pas juridique. C'est la

 15   raison pour laquelle je dis que lorsque vous avez Katrina, vous avez une

 16   inondation, c'est le chaos qui s'installe; vous n'avez plus de courant à

 17   New York, vous avez van Gogh où on se met à incendier des mosquées et on ne

 18   retrouve aucun auteur, bien, tous ces exemples montrent et doivent

 19   démontrer quel est le lien entre la mens rea et l'actus reus. Et c'est ça

 20   que cherche à ne pas dire le Procureur qui ne connaît pas la sociologie,

 21   qui ne veut pas l'aborder, et c'est la raison pour laquelle je dois parler

 22   de la manière dont on a rédigé l'acte d'accusation. On ne dit pas, Praljak

 23   a ordonné, a commis, a tué, a étranglé telle ou telle personne, à tel

 24   endroit.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous êtes ici pour vous défendre,

 26   vous n'êtes pas ici pour plaider votre cause. Vous avez choisi de déposer

 27   en tant que témoin. Donc en tant que témoin, vous êtes là pour répondre de

 28   façon fidèle, et surtout, si possible, calmement aux questions qui vous

Page 39643

  1   sont posées. Rien de plus, vous ne devez pas en faire plus et je vous

  2   demande donc de vous en tenir à votre rôle de témoin.

  3   Monsieur Kovacic, vous pourriez peut-être formuler vos questions de

  4   façon extrêmement précise, questions que vous posez à un témoin, ne

  5   l'oubliez pas.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Kovacic, la réponse est très simple,

  7   ce qui a été fait ici n'est pas le résultat du travail d'un expert. Les

  8   recherches ont été faites suite à mes instructions, parce que je cherchais

  9   à trouver une réponse à la question suivante : pourquoi est-ce qu'il s'est

 10   produit ce qui s'est produit, contrairement aux souhaits, aux ordres donnés

 11   ? C'est une tentative qui vient de moi à la recherche de la vérité. Je

 12   cherche à explorer toutes les manifestations du phénomène pour trouver la

 13   vérité.

 14   M. KOVACIC : [interprétation]

 15   Q.  Oui, juste quelques questions pour préciser cela. Ces exemples et ces

 16   citations bibliographiques, est-ce que vous cherchez par là à démontrer

 17   qu'il existe tout un éventail de possibilités ayant permis qu'un certain

 18   nombre d'actes répréhensibles se produisent en Bosnie-Herzégovine entre

 19   1991 et 1993, comme l'affirme l'acte d'accusation ?

 20   M. STRINGER : [interprétation] Je soulève une objection. Question

 21   directrice.

 22   M. KOVACIC : [interprétation] Elle n'est pas directrice.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] J'affirme, voilà, j'affirme comme cela est

 24   écrit là-bas. Vu les troubles sociologiques qui sont même considérablement

 25   moindres qu'une guerre, il se produit, compte de la nature humaine, la

 26   société, il se produit des actes qui ne peuvent pas être attribués à une

 27   intention ou à un actus reus. On ne peut pas dire non plus que les

 28   fabricants de voitures sont coupables, parce qu'il y a 30 000 personnes

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  1   tuées dans des accidents de route aux Etats-Unis par an ou les fabricants

  2   de médicaments ou ceux de cigarettes qui tuent des millions de personnes,

  3   personne ne ferme les usines pourtant.

  4   Donc, en l'espèce, au mieux de mes sentiments, Monsieur le Juge

  5   Trechsel, il n'y a aucun dépit ici, rien du genre. J'essaie --

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, vous dites :

  7   J'affirme ceci, j'affirme cela. Voici ce que j'entends en traduction :

  8   j'affirme ceci. Vous n'êtes pas là pour dire ça. Vous auriez dû dire : J'ai

  9   entendu, j'ai vu, j'ai senti, j'ai ressenti. Il faut que vous nous fassiez

 10   part de votre expérience personnelle. Peut-être vous pourriez dire :

 11   Lorsque j'ai senti cela, j'ai pensé à ceci ou à cela. Vous pourriez dire :

 12   Mon camarade m'a dit telle ou telle chose, mon adversaire m'a dit telle ou

 13   telle chose. Mais non, vous êtes en train de nous faire part de vos

 14   théories. Tout est théorique. Votre théorie est peut-être tout à fait

 15   correcte. Ce n'est absolument pas ce que j'avance, ce dont je parle. Mais

 16   nous sommes ici pour entendre un témoin. Il faut que vous parliez comme un

 17   témoin.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, Monsieur Karnavas.

 19   Je voulais dire quelque chose et vous -- bien.

 20   Le problème qui se pose dans le témoignage de M. Praljak résulte du fait

 21   qu'il est témoin et que donc je poserai la question de savoir s'il doit

 22   témoigner comme les autres témoins qui sont venus, ou bien a-t-il le droit

 23   d'aller au-delà d'un témoignage de fait et de se défendre en abordant des

 24   sujets autre qu'être témoin de fait. Alors, il y a peu d'accusés qui ont

 25   témoigné dans ce Tribunal. Il y en a quelques-uns, ça a chaque fois donné

 26   lieu à des problèmes. Bon, je vois qu'au sein de la Chambre il y a une

 27   divergence. Moi, à titre personnel, je comprends qu'un accusé témoigne sur

 28   les faits, mais se défende également. Voilà, moi, c'est ma position. Mais

Page 39645

  1   je comprends que je suis minoritaire et que donc, à partir de là, l'accusé

  2   doit répondre aux questions strictes que lui pose son avocat. Il ne doit

  3   pas spéculer et il ne doit pas se livrer à des conjectures, des hypothèses.

  4   Il doit répondre strictement aux questions posées. Voilà. C'est ce que

  5   semble dire la majorité de la Chambre. Moi, de mon point de vue, je n'ai

  6   pas cette approche, mais je dois me conformer à la majorité.

  7   Maître Karnavas.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci beaucoup. Donc ici, c'est juste pour

  9   essayer peut-être de me rendre utile. J'ai écouté ce témoignage avec

 10   attention. J'ai écouté les attentions aussi, et cetera, et cetera, donc le

 11   déroulement de tout ce qui s'est passé dans cette Chambre en ce moment.

 12   Mais le général Praljak a une expérience militaire, il peut être vu en

 13   termes d'un expert dans ce cas-là.

 14   Mais je pense qu'à cette étape de la procédure, il y aura peut-être

 15   moins d'objection ni des Juges ni de l'Accusation si le général Praljak se

 16   contente d'être descriptif, et donc de décrire ce qu'il a vu de lui-même.

 17   Ensuite peut-être plus tard, il pourrait peut-être tirer quelques

 18   conclusions à propos de ce qu'il a vécu lui-même et d'autres événements

 19   historiques plus tard.

 20   Mais je pense que pour l'instant il faudrait que le général Praljak

 21   nous donne plus de détails qu'il a obtenus de première main, qu'il nous

 22   explique ce que c'était que d'être dans une situation où des soldats

 23   n'étaient pas bien formés, et cetera, et cetera, des soldats venant

 24   d'autres pays. Après nous avoir établi cette base, il pourrait se lancer

 25   peut-être dans plus de conjectures. Je pense que c'est peut-être tout

 26   simplement un problème du déroulement du --

 27   De toute façon, il est 7 heures, donc je pense qu'il est un peu tard.

 28   Certes, cet interrogatoire principal est très animé, très intéressant, et

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  1   je pense que le général Praljak a écouté toutes ces objections et que dès

  2   demain il changera sa façon de procéder.

  3   Mme ALABURIC : [interprétation] Une seule phrase. Et je pense que je peux

  4   apporter ma contribution pour nous aider dans ce débat.

  5   Monsieur le Président Antonetti, sur le plan des droits qui sont ceux

  6   de M. Praljak, il estime qu'il pourrait aller au-delà de ses connaissances

  7   factuelles, mais nous avons également vu d'autres témoins ici qui se

  8   situent dans le même cas.

  9   Nous avons vu des militaires, membres de différentes forces armées,

 10   par exemple, des commandants de la FORPRONU. A l'époque en Bosnie-

 11   Herzégovine; eux, ils étaient des témoins factuels. En plus de leur poser

 12   ces questions-là, nous leur avons posé un certain nombre de questions qui,

 13   normalement, seraient des questions que l'on pose à des experts militaires.

 14   Il y a eu quelques objections de soulevées et la Chambre a estimé comme

 15   suit : qu'il fallait s'appuyer sur des connaissances que peuvent nous

 16   apporter ces individus qui, compte tenu de leurs connaissances et de leurs

 17   expériences, parfois, peuvent nous apporter des lumières et nous permettre

 18   d'établir la vérité, même si ces témoins ne comparaissaient pas en tant que

 19   témoins experts.

 20   Il me semble que l'accusé Praljak se situe ici dans un cas de figure

 21   identique et je propose qu'on le traite comme nous avons traité des

 22   commandants des forces de la FORPRONU. Je vous remercie.

 23   M. STRINGER : [interprétation] Merci. Je ne serai pas long, étant donné

 24   l'heure qu'il est.

 25   Sauf le respect que je dois à Me Alaburic, je dirais ceci : ce qui

 26   compte c'est qu'en fait on ne pose pas de questions à ce témoin. Au fond,

 27   en vérité, ce témoin ne donne pas de véritables réponses. Il fait des

 28   discours. Il se sent bien. Peut-être que d'autres se sentent bien du fait

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  1   de faire des discours, mais il n'y a pas d'informations, il n'y a pas

  2   d'éléments de preuve, il n'y a pas de témoignages ici. Ce n'est pas un

  3   témoin qui témoigne, ce sont simplement des déclarations, des discours.

  4   C'est une première chose.

  5   Et deuxièmement, sauf tout le respect que je dois, le Règlement ne fait pas

  6   de différence entre un accusé qui devient témoin et d'autres témoins. Un

  7   accusé qui témoigne ne bénéficie pas d'un statut spécial au titre du

  8   Règlement l'autorisant à faire des discours ou à se défendre autrement

  9   qu'en répondant à des questions qui sont pertinentes et qu'en présentant

 10   des éléments de preuve, comme le font tous les autres témoins. Je sais

 11   qu'il y a peut-être un certain désaccord au sein de la Chambre sur ce

 12   point, mais l'avis de l'Accusation, c'est qu'en venant à la barre de

 13   témoin, cet accusé ne bénéficie pas d'un statut spécial qui le

 14   distinguerait de tout autre témoin venu déposer ici dans ce procès. Merci.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est 17 heures 05, donc il faut mettre un

 16   terme à cette audience.

 17   Monsieur Praljak, nous nous retrouverons demain à 14 heures 15, et il faut

 18   arrêter parce que tout le monde va déjà au-delà. Réfléchissez à ce qu'a dit

 19   Me Karnavas qui était très pertinent, de mon point de vue.

 20   Nous reprendrons donc demain.

 21   --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le mercredi 6 mai

 22   2009, à 14 heures 15.

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