Page 40583
1 Le lundi 25 mai 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Les accusés Prlic et Coric ne sont pas présents]
5 [Le témoin vient à la barre]
6 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
8 l'affaire, s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, bonjour à
10 tous dans le prétoire.
11 Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, c'est le Procureur contre Prlic et
12 consorts. Je vous remercie.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce lundi 25 mai, je
14 salue en premier lieu M. Praljak, je salue M. Stojic, M. Petkovic et M.
15 Pusic. Je salue Mmes et MM. les avocats. Je salue M. Stringer et tous ceux
16 qui l'assistent. Je n'oublie pas également de saluer Mme la sténotypiste
17 ainsi que les interprètes, M. le Greffier et M. l'Huissier.
18 Je crois que nous avons donc une courte décision orale à rendre que
19 je vais lire tout de suite.
20 Décision orale concernant les demandes de l'Accusation et de l'accusé
21 Praljak d'une suspension d'audience.
22 Le 8 mai 2009, l'Accusation a demandé une suspension d'audience de
23 trois jours les 9, 10 et 11 juin 2009. Le 21 mai 2009, les conseils de
24 l'accusé Praljak ont également demandé une suspension d'audience pendant
25 ces mêmes dates. Aucune objection n'ayant été formulée par les autres
26 parties, la Chambre considère qu'il convient de faire droit aux demandes et
27 de suspendre l'audience les 9, 10 et 11 juin 2009. Voilà. Donc on n'aura
28 pas d'audience ces trois jours, 9, 10 et 11 juin.
Page 40584
1 Monsieur Stringer.
2 M. STRINGER : [interprétation] Je tiens juste à remercier la Chambre de
3 première instance ainsi que les autres parties pour leur compréhension.
4 Merci.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Stringer. L'audience va donc se
6 poursuivre par la suite de l'interrogatoire de M. Praljak par son avocat et
7 je cède la parole à Me Pinter.
8 LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à tous.
11 Bonjour à Messieurs les Juges.
12 Interrogatoire principal par Mme Pinter : [Suite]
13 Q. [interprétation] Bonjour, Général.
14 R. Bonjour.
15 Mme PINTER : [interprétation] Avant que de poursuivre avec notre entretien,
16 je voudrais, à l'intention des Juges de la Chambre, attirer l'attention de
17 ceci pour ce qui est du 3D 0 -- non, la vidéo 3D 03114; il s'agit d'un clip
18 vidéo qui montre l'événement de Travnik en présence des membres du HVO qui
19 ont quitté les lignes de front. La Défense a vérifié une fois de plus
20 l'enregistrement, a réécouté et vérifié la traduction et nous affirmons que
21 la traduction en anglais est bonne et a repris exactement les mots qu'a
22 proférés le général Praljak. C'est ce que j'avais à dire au sujet de ce
23 document.
24 Q. Allez-y, mon Général.
25 R. Monsieur le Juge Antonetti, je ne sais pas comment on vous a traduit la
26 chose. On leur niqua leur mère -- je n'ai pas dit cela. J'ai dit quelque
27 chose de très neutre, que je leur nique leur mère ou "qu'on leur nique leur
28 mère." Ce qui n'a rien à voir avec ce que vous avez cru comprendre.
Page 40585
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous en est donné acte.
2 Maître Pinter.
3 Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Q. Général, on s'était arrêté jeudi pour ce qui est des événements de
5 Gornji Vakuf. Nous avons parlé du 18 et on est passé au 19 janvier. Il a
6 été question de vos tentatives d'entrer en contact avec le général Petkovic
7 qui se trouvait à ce moment-là à Genève. Est-ce que vous pouvez enchaîner
8 sur ce.
9 R. J'ai dit que je suis arrivé le 16, mais qu'auparavant, l'adjoint du
10 chef d'état-major du HVO, Andric, et le chef de la zone, Siljeg, avaient
11 déjà eu toute une série de contacts avec la partie adverse; et j'ai dit
12 aussi que l'ABiH avait tout simplement pris position dans la ville de Vakuf
13 et autour de la ville de Vakuf. C'est du reste ce qu'on m'a rapporté et je
14 le savais déjà depuis le mois décembre 1992. Puis il était question des
15 lignes serbes qui étaient à plus de dix kilomètres à vol d'oiseau vers
16 Radusa Kamen et, pour des raisons variées, le conflit a commencé le 10
17 janvier 1993.
18 Après la publication de ceci et des propositions du HVO ont été avancées
19 suite à consultation avec moi, j'ai estimé que c'était raisonnable, précis
20 et militairement justifié. Aux fins d'aboutir à un accord concernant la
21 cessation des hostilités -- ou plutôt, le cessez-le-feu, je suis entré en
22 contact avec non pas Genève, parce que je ne pouvais pas aller directement,
23 mais je dois avoir été contacté par le biais de la secrétaire de M. Susak.
24 Je crois que Sefer Halilovic se trouvait là-bas aussi. Je crois qu'il y a
25 eu un envoi de demande de cessez-le-feu.
26 A chaque fois que le HVO s'était arrêté d'après les informations qu'Andric
27 et Siljeg m'ont communiquées, l'ABiH avait poursuivi notamment ces tirs aux
28 snipers en tuant et blessant des gens. Ils n'ont pas fait preuve ou montré
Page 40586
1 d'intention de résoudre la question de façon pacifique.
2 Le HVO a eu des succès, s'est emparé des collines avec beaucoup de blessés
3 et de morts. Un grand nombre donc de victimes et de blessés. Il me semble
4 que le 20 janvier, il est arrivé cet ordre de cessez-le-feu qui, dans ce
5 type de situation, est réalisable seulement lentement, parce que la
6 situation militaire est telle qu'il faut que cela parvienne jusqu'au
7 commandant sur le terrain avec ces transmissions interrompues, mais Andric
8 et Siljeg se sont donné du mal. Il convient aussi de dire que, s'agissant
9 de certains individus, d'après les informations que j'ai obtenues,
10 notamment pour Gornji Vakuf, ça n'a pas véritablement été possible en
11 particulier l'individu appelé Paraga, qui était une espèce de renégat même
12 vis-à-vis de l'ABiH, et d'autres individus encore qui faisaient partie des
13 rangs de l'ABiH et des structures civiles de Gornji Vakuf.
14 Q. Pour qu'il n'y ait pas de confusion, Paraga, c'est le surnom de qui ?
15 R. De Prijic.
16 Q. De Hanefija Prijic. Merci.
17 R. Le 22 janvier 1993.
18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé. Votre question, qui
19 était Paraga, ne se retrouve absolument pas au compte rendu. Je n'ai rien
20 entendu. Peut-être que vous étiez en train de vous chevaucher l'un et
21 l'autre, alors il faut peut-être reposer la question.
22 Mme PINTER : [interprétation]
23 Q. Général, alors qui est ce Paraga ?
24 R. C'est le surnom d'un individu qui s'appelait Hanefija Prijic. C'était
25 une unité qui avait échappé à tout contrôle, qui a abattu trois Italiens
26 d'une équipe humanitaire. Il n'était pas le seul, mais c'était l'un de ceux
27 qui s'étaient comportés de la sorte aux côtés de certains autres membres de
28 l'ABiH.
Page 40587
1 Donc ce que je peux tirer comme conclusion, c'est que le HVO,
2 moyennant des pertes considérables pour ce qui est de tout ce que j'ai eu,
3 à savoir de l'opération militaire en tant que telle, a réussi à débloquer
4 complètement les routes ainsi que les Unités du HVO et les commandements,
5 tout aussi bien. Ce qui fait que, le 22 janvier, ma mission me concernant
6 et concernant l'ordre émanant de M. Petkovic consistait à empêcher la prise
7 de la ville; j'affirme donc que le HVO, à ce moment-là, de par ses
8 positions et la force qui était la sienne, était tout à fait à même de
9 s'emparer de la ville de Uskoplje. J'affirme une fois de plus, que cela n'a
10 pas été l'intention ni le souhait, pas plus que nous n'avons souhaité des
11 conflits avec l'ABiH. Mais nous ne voulions pas non plus leur permettre de
12 bloquer complètement le HVO à Gornji Vakuf, parce que en termes militaires,
13 c'est ce qu'on appelle une agression.
14 En guise de riposte, s'agissant d'une agression, on parle en termes
15 militaires de défense active. A la date du 22, je me suis adressé au
16 commandant pour les raisons pour lesquelles on m'a demandé d'y aller, et
17 en me conformant aux ordres du général Petkovic, je suis allé dire non, la
18 ville restera libre et on commencera à réinstaller la paix. Or, après la
19 guerre, c'est une chose plutôt difficile.
20 Le 23 au matin, je suis rentré à Mostar et cela a été le rôle que
21 j'ai eu à jouer pour ce qui est des événements d'Uskoplje. Ça se termine
22 ainsi.
23 Q. Merci, mon Général. Pour les besoins du compte rendu, une information à
24 l'intention de tous et chacun dans le prétoire, le 3D00476, est une pièce à
25 conviction versée au dossier par la Chambre. Cela parle du nombre de morts
26 et de blessés dans l'opération Gornji Vakuf. Donc pour ne pas perdre notre
27 temps, nous n'allons pas nous pencher dessus et nous n'allons pas
28 l'aborder. Mais pour les besoins du compte rendu, nous le citons.
Page 40588
1 Mon Général, nous avons convenu --
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, j'ai écouté la version que vous
3 avez donnée des événements à compter du 20 janvier. Je dois vous dire que
4 je n'arrive pas à comprendre.
5 Pour quelle raison, le 15 janvier, il y a à Zagreb une réunion
6 importante où il y a tous les principaux acteurs, Tudjman, Izetbegovic,
7 Mate Boban, Cyrus Vance, Lord Owen et manifestement cette réunion a pour
8 but la paix, le calme et la mise en place d'un cessez-le-feu. Voilà que
9 vous nous dites qu'une unité hors contrôle, Paraga, agit sur le terrain et
10 que vous, le HVO, dans le cadre de ce concept de défense active, ce sont
11 vos propres mots, vous avez réussi à débloquer les routes et à prendre le
12 contrôle de collines. Ce sont vos propres mots et je dois dire que je ne
13 comprends pas ce qui s'est passé
14 Car si effectivement M. Paraga, hors contrôle, se met à agir au
15 mépris de ce qui avait été décidé à Zagreb, qu'est-ce qui empêchait le HVO
16 par l'intermédiaire de M. Boban de saisir directement M. Izetbegovic, Cyrus
17 Vance, Lord Owen et Tudjman pour dire : voilà, il y a un problème, il y a
18 une Unité de l'ABiH hors contrôle qui sème la perturbation, et qu'à ce
19 moment-là, il pouvait y avoir une action conjointe.
20 Or, ce n'est pas la voie que vous avez suivie, puisqu'au contraire,
21 vous vous êtes lancé dans la défense active. C'est là où il y a le
22 problème.
23 Alors qu'est-ce que vous pouvez dire ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, le problème de
25 Paraga, c'est un problème qui n'est que très manifeste, dirais-je;
26 cependant, les autorités de Gornji Vakuf et les commandants de l'ABiH à
27 Gornji Vakuf, ainsi que les commandants du 3e Corps de l'ABiH dont faisait
28 partie cette région, ont creusé dans ces collines pendant trois mois avant
Page 40589
1 l'événement en question et ont organisé toute une série de réunions.
2 Sous des pressions de ma part et sous mes ordres, MM. Andric et
3 Siljeg sont allés voir la partie adverse pour les supplier, pour les mettre
4 en garde aussi en disant qu'une armée conjointe qui est censée intervenir
5 de concert ne fait pas ce genre de chose. C'est là des préparatifs pour
6 l'exercice d'un contrôle entier des routes conduisant vers la Bosnie
7 centrale. Cela se résume à placer le HVO de Gornji Vakuf sur contrôle
8 entier aussi.
9 J'ai dit que le commandant de la Brigade du HVO de Vakuf et d'Uskoplje, un
10 dénommé Tokic, ne pouvait pas parvenir jusqu'à son commandement. Depuis
11 Rama, par exemple, il fallait qu'il demande à la FORPRONU pour se faire
12 transporter. Alors comme on l'a vu sur une carte, et c'est un officier
13 anglais qui a témoigné, sur chaque surélévation et à chaque point culminant
14 de la ville, ils ont creusé des tranchées. Pendant des mois entiers, ils se
15 sont fortifiés. Vous avez pu voir ces tranchées sur les photos qui ont été
16 prises il y a un an ou deux. Compte tenu de la qualité du travail, on peut
17 encore les voir, ce n'était donc pas de l'improvisé.
18 Dans ce type de situation-là, il ne s'agissait pas seulement du
19 dénommé Paraga, il s'agissait d'une façon de voir les choses bien plus
20 globale de la part de partie entière de l'ABiH et de leur commandant et de
21 je ne sais qui encore, parce que chose similaire ne saurait être faite sans
22 que ne le sachent et ne l'approuvent les commandants supérieurs de l'armée,
23 supérieurs au grade de celui qui se trouvait à Gornji Vakuf en particulier
24 parce que pendant tout le mois de décembre, on a supplié l'ABiH de combler
25 ces tranchées et les blocages des routes. Il n'y avait pendant tout ce
26 temps-là, aucun problème. C'était paisible à Bugojno.
27 Il n'y a pas que Paraga. Paraga c'est l'exemple du comportement
28 extrémiste, mais il n'y a pas de comportement de la sorte quand il s'agit
Page 40590
1 d'une armée qui est un partenaire. Le 11, ils ont abandonné toutes les
2 lignes face aux Serbes, face à l'ARSK, et que le HVO a dû combler pour
3 qu'il n'y ait pas percée par la VRS vers Gornji Vakuf.
4 Alors est-ce que M. Izetbegovic à Zagreb, à ce moment-là, le savait
5 déjà, je ne saurais vous le dire, mais quand on m'a demandé d'aller là-bas,
6 j'avais dit, puisque j'avais chassé Andric et Siljeg vers leur région pour
7 négocier et essayer de résoudre la chose de façon pacifique. En novembre,
8 c'est de leur bouche à eux que j'ai eu connaissance d'une partie du
9 problème.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre réponse est très longue, mais en termes
11 diplomatiques, elle est incomplète. Vous constatez une situation militaire
12 sur le terrain, vous nous l'avez amplement décrite, à savoir qu'ils ont
13 creusé les tranchées, et cetera.
14 Vous constatez qu'ils n'ont pas l'intention d'entrer dans ce jeu
15 diplomatique qui a été déterminé à Zagreb. Très bien, mais à ce moment-là,
16 pourquoi vous ne faites pas un rapport à Mate Boban en lui disant : voilà
17 la situation, qu'est-ce que je dois faire ? Est-ce que je dois les attaquer
18 dans le cadre de la défense active, ou bien vous, Mate Boban, vous allez
19 tout de suite appeler Izetbegovic, Lord Owen et tutti quanti pour leur dire
20 il y a un gros problème.
21 Alors quand vous agissez militairement, on vous a donné le feu vert
22 ou c'est vous qui avez pris cela sous votre propre bonnet.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, mes réponses sont
24 longues parce que j'ai tout le temps l'impression qu'on ne comprend pas
25 bien le rôle que j'ai joué.
26 Les commandants sur le terrain ont le droit de décider sur bien des
27 questions. L'adjoint du chef de l'état-major et le commandant de la zone de
28 responsabilité exercent des responsabilités vis-à-vis des unités placées
Page 40591
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 40592
1 sous leur commandement. C'est le 11 janvier que déjà, il y a eu des
2 conflits avec l'ABiH.
3 Le 15 janvier, on m'a demandé d'aller là-bas pour calmer les choses
4 et je m'intègre à toute cette histoire le 16 janvier. Les autres sont déjà
5 partis à Genève et je suis sur le terrain. Les transmissions -- enfin, je
6 veux dire que j'ai eu énormément de mal pour contacter Genève depuis Rama,
7 puis Prozor. Tout de suite, le 16, Siljeg et Andric ont été envoyés pour de
8 nouvelles négociations à Vakuf. On a vu la documentation. Je ne vais pas la
9 reparcourir. Ils ont eu des revendications très précises, parce qu'on
10 formule des revendications; on a demandé à ce que l'ABiH se retire de
11 Gornji Vakuf, qu'il n'y ait pas de canons longs, que la police soit
12 conjointe, qu'on ait des postes de contrôle communs, et cetera. S'agissant
13 de tout ce que j'avais suggéré pour ce qui est des revendications à
14 présenter, c'était tout à fait logique, c'était justifié sur le plan
15 militaire. Donc j'ai apporté mon soutien à ces deux commandants du HVO
16 lorsqu'il s'agit des demandes logiquement faites par leur soin.
17 Comme la partie adverse a fait sourde oreille et à chaque fois qu'il
18 y avait des négociations en cours, ils tuaient des nôtres. Donc on leur
19 tirait dessus et il y avait des morts. Donc j'avais une situation où il
20 fallait que j'informe Petkovic de quoi il s'agit, parce que c'est lui le
21 chef d'état-major, mais il a un adjoint lui aussi et il a un commandant de
22 zone qui exerce des responsabilités vis-à-vis de leurs propres unités, à
23 savoir de ne pas les laisser se faire tuer et de ne pas les laisser se
24 faire tomber dans des blocus, parce que quand il y a eu signature d'une
25 trêve, et on a vu des documents à cet effet pour ce qui est, par exemple,
26 de combler les tranchées, ça duré deux mois avec contrôle de la FORPRONU,
27 parce que la FORPRONU s'en est mêlée aussi. C'était là donc mon rôle --
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous arrête parce que j'ai très bien compris ce
Page 40593
1 que vous dites, mais il y a quelque chose qui ne va pas, Général Praljak.
2 Il y a une conférence à Genève, il y a toute une architecture très
3 sophistiquée qui se met en place. Le général Petkovic est à Genève avec
4 Halilovic. Voilà que vous, sur le terrain, vous appréhendez une situation
5 parce que l'ennemi, "l'ABiH," joue son propre jeu et vous vous mettez à
6 déclencher une attaque défense active, comme vous voulez, défense
7 offensive, on ne va pas rentrer dans les termes. Mais il y a un conflit
8 alors même que tout le monde essaie d'arrêter la situation. C'est ça le
9 problème.
10 J'ai l'impression, d'après votre réponse, qu'en appréciant la
11 situation, vous avez décidé sur le plan militaire, sans tenir compte de
12 toutes les négociations diplomatiques, d'œuvrer contre l'ABiH. Est-ce que
13 je me trompe en disant cela ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que vous vous trompez, Monsieur le
15 Juge. Sur un plan militaire, oui. Je vais prendre un peu de latitude. Si
16 vous et moi sommes partenaires dans une chose, vous n'allez quand même pas
17 me laisser pointer une mitrailleuse vers vous et vous contrôler pour savoir
18 où vous allez, comment vous déambulez, pourquoi vous allez là ou là.
19 Alors, sur un plan diplomatique, ce qui se passait, il y avait un
20 préalable, cessez donc de pointer une arme contre moi, parce que
21 militairement c'est inadmissible.
22 Donc la paix telle qu'eux l'ont conçue en application des documents
23 que vous avez vus, ça apportait des dizaines de soldats du HVO tués. Ce qui
24 était mon devoir, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait pas escalade de
25 conflit et qu'à aucun prix on ne s'empare de la ville, parce que ce n'était
26 pas l'intention. Mais si quelqu'un qui contrôle le moindre des pas faits à
27 Vakuf et contrôle sept à huit positions-clés, et je les ai indiquées de
28 façon précise sur la carte, et on entendu le témoignage du militaire
Page 40594
1 anglais, donc c'était précis. En termes simples, il y avait une situation
2 où ils pouvaient tirer et tuer quand ils le voulaient, alors ça créait un
3 incident. Mais ça fait trois morts aujourd'hui, puis quatre morts demain,
4 puis un nouvel incident, le surlendemain encore un incident. Alors les
5 commandants ont un devoir indépendamment de ce qui se passe à Genève.
6 Monsieur le Juge Antonetti, personne de Genève n'a envoyé des ordres
7 pour dire que les armées partenaires se comportent de la sorte. Il fallait
8 que tout le monde se retire vers les positions face à l'ARSK.
9 C'est donc cela la réponse au conflit généré par eux deux mois avant
10 et ça a coûté un grand nombre de personnes kidnappées, beaucoup de
11 combattants tués et beaucoup de combattants blessés dans les rangs du HVO.
12 Pour ce qui est de ces unités, je crains fort que M. Izetbegovic n'avait
13 pas exercé de contrôle à leur égard lorsqu'il était à Genève. Quand je vous
14 montrerai demain des livres, je vous indiquerai quel a été le
15 fonctionnement de l'ABiH.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous remercie pour votre longue réponse.
17 Maître Pinter.
18 Mme PINTER : [interprétation]
19 Q. Merci, Général. Je vous prie de prendre à nouveau le classeur consacré
20 à Gornji Vakuf qui se trouve sur votre côté gauche. Il faut que nous
21 passions en revue un certain nombre de documents pour montrer quelle était
22 la situation.
23 Alors, je vous prie de passer au document P01114. Vous pouvez
24 également voir le document qui s'affiche dans le prétoire électronique.
25 Donc c'est un document émanant de l'état-major du HVO, du 13 janvier --
26 non, ce n'est pas celui-là. P 01114.
27 J'attire seulement l'attention sur la mention de Gornji Vakuf. Vous
28 l'avez à l'écran, n'est-ce pas, Général ?
Page 40595
1 R. Oui.
2 Q. Donc Gornji Vakuf, rapport d'ensemble sur les événements qui se sont
3 produits sur le territoire. Le document porte la date du 13 janvier. Il est
4 question dans ce document de la possibilité qu'éclatent des conflits, l'on
5 parle également des événements du 13 janvier.
6 A ce moment-là, vous n'étiez pas sur place, n'est-ce pas ?
7 R. Non, en effet, mais on m'en a informé. J'étais là-bas au mois de
8 décembre et jusqu'à Noël, j'étais sur place, et je sais très bien ce que
9 signifient des provocations quotidiennes, qui aboutissent à des conflits et
10 cette façon de mettre l'autre dans une position de subordonné. Tout cela
11 n'a fait que s'aggraver jusqu'à une situation où il est devenu manifeste
12 que les commandants ne pouvaient pas autoriser que cela continue, c'était
13 une façon simplement de maltraiter l'autre partie, il y avait également des
14 blessés, des tués.
15 Q. Alors 3D --
16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais poser une question, s'il
17 vous plaît, à M. Praljak.
18 Ici, dans ce rapport, l'un des premiers incidents qui est cité qui aboutit
19 à l'abaissement du drapeau croate, où était ce drapeau croate, pourquoi a-
20 t-il été descendu, et pourquoi avait-il été placé là, quel était le
21 fondement juridique pour ceci ? Si vous le savez, bien sûr.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis au courant de l'événement lui-même,
23 cela a été décrit précédemment. Je suis au courant en partie.
24 Il me semble qu'il s'agissait d'un bâtiment où se trouvait le HVO, et
25 que c'était à l'occasion de Noël que l'ABiH a incendié et détruit ce --
26 arracher ce drapeau. Alors, Monsieur le Juge, nous sommes un peuple
27 constitutif de la Bosnie-Herzégovine, et nous avions le droit de mettre en
28 valeur notre drapeau historique et notre blason historique, c'est pour cela
Page 40596
1 que ce drapeau avait été hissé, tout comme l'ABiH le faisait aussi. Le
2 drapeau qu'eux avaient adopté n'avait pas été reconnu comme drapeau
3 officiel de la République de Bosnie-Herzégovine. Ensuite ce drapeau a été
4 modifié, c'était le drapeau à fleur de lys, mais ils portaient aussi, et
5 ce, à 90 % de leurs unités, ils portaient des drapeaux portant le croissant
6 qui marquait donc l'appartenance à la religion islamique.
7 Donc en temps de guerre, il se trouve qu'on porte des drapeaux, et
8 les Croates ne voulaient imposer à personne leur propre solution. Ils ont
9 tout simplement mis en valeur sur ce bâtiment un drapeau qui a été le leur,
10 historiquement parlant, le drapeau d'un peuple qui réclame son droit d'être
11 sur un pied d'égalité avec les autres peuples constitutifs de Bosnie-
12 Herzégovine.
13 Un tel incident où l'on incendie un drapeau est vraiment très grave.
14 Lorsque ce genre de chose arrive c'est que la situation a vraiment dégénéré
15 et est très mauvaise.
16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ecoutez, Monsieur Praljak, l'autre
17 camp a un autre avis sur la question, et dans certaines circonstances,
18 estime que, lorsque le drapeau est hissé, il s'agit d'une provocation dans
19 une municipalité qui est habitée majoritairement par les Musulmans, par
20 exemple. Est-ce qu'il n'aurait pas pu avoir une autre attitude que l'on
21 peut présenter comme étant un autre avis sur la question par rapport à
22 celle des Croates ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, bien entendu qu'ils avaient
24 un point de vue différente, mais c'est précisément ce point de vue qui
25 démontre qu'ils ne reconnaissaient pas aux Croates en Bosnie-Herzégovine
26 leur statut de peuple constitutif. C'est bien là tout le problème, à savoir
27 qu'une grande partie des hommes politiques et des militaires de l'ABiH
28 pensaient qu'ils allaient dominer la Bosnie-Herzégovine de la même façon
Page 40597
1 que les Serbes avaient dominé la Yougoslavie.
2 Moi, je n'aurais jamais permis cela et je n'ai pas connaissance que
3 le HVO, non plus, l'ait fait, si l'on excepte ces fous qui se sont trouvés
4 à Rama, et que, moi, j'ai affronté pistolet à la main, mais je n'aurais
5 jamais permis que l'on piétine le drapeau d'un autre peuple. Les Musulmans
6 auraient dû, et ils avaient tout à fait le droit, de mettre en valeur leur
7 propre drapeau. Les Serbes on le leur, et c'est leur droit le plus plein et
8 entier jusqu'à ce que l'on détermine à la fin de la guerre quel sera le
9 drapeau officiel de la Bosnie-Herzégovine, bien entendu.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Cette question de drapeau elle est au cœur même des
11 incidents, comme on peut le voir à plusieurs reprises. Mais entre gens
12 intelligents, gens cultivés, il n'y a jamais été envisagé une solution de
13 mettre sur le même bâtiment les deux drapeaux en même temps ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, vous avez eu
15 l'occasion de voir des photographies que j'ai montrées ici. On est parti en
16 guerre, au début avec un drapeau qui combinait le drapeau croate et le
17 drapeau bosnien. Si vous vous en souvenez, j'ai montré ces photographies.
18 Je les ai à ma disposition. C'est ainsi que les choses ont démarré. Mais
19 peu à peu, je vais le montrer en me fondant sur des documents, si ce n'est
20 aujourd'hui ce sera demain, et donc progressivement dans l'esprit de Sefer
21 Halilovic et d'autres est apparu cette notion selon laquelle Petkovic
22 serait un Oustacha et tous les autres sur place seraient des Oustacha. Une
23 grande majorité de ces personnes ont commencé à s'imaginer que la Bosnie-
24 Herzégovine était leur propre Etat, alors que les Croates et les Serbes,
25 eux, pouvaient chacun partir dans leurs Etats respectifs. C'est cette
26 pensée qui s'est trouvée au centre de l'attaque, des attaques lancées par
27 l'ABiH contre le HVO, partout où elles ont été lancées.
28 Leur drapeau pouvait être arboré sans aucun problème jusqu'à l'éclatement
Page 40598
1 du conflit. Une fois que ce dernier a éclaté, ce n'était plus possible. Si
2 vous vous rappelez le cas de ce Luburic, auquel, moi, j'ai apporté des
3 insignes de l'ABiH, c'est un exemple où nous-mêmes, nous avons distribué
4 des insignes pour les membres de l'ABiH, afin qu'ils portent leurs propres
5 insignes sur leurs propres uniformes, comme vous l'avez dit, parce que ce
6 sont des gens civilisés et personne n'a le droit de remettre cela en
7 question. Tout ça, donc s'il s'agit de Luburic ou, plus généralement, nous
8 l'avons fait jusqu'à la fin de 1992. Je ne suis pas au courant de tous les
9 cas mais je suis bien au courant de celui-ci.
10 Cependant, chez Sefer Halilovic et certains de ses commandants, cela était
11 inconcevable; pour lui et Petkovic et toute l'équipe du HVO était en 1992
12 déjà des Oustacha. Mais précédemment déjà lorsqu'il était au KOS, au K-o-s,
13 tous les Croates dans son esprit étaient des Oustacha. C'est là le mens
14 rea, la cause de l'attaque qu'ils ont lancée contre nous, car ils se sont
15 considérés comme étant le peuple fondamental de la Bosnie-Herzégovine.
16 Quand on réfléchit comme ça, ça veut dire que, moi, je me retrouve déjà
17 dans une position de subordonné, d'inférieur.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter.
19 Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Général Praljak, d'où vient Sefer Halilovic ?
21 R. Il n'est pas originaire de Bosnie-Herzégovine. Il y est arrivé du
22 Sandzak, en tant que citoyen serbe et officier de la JNA, qui travaillait
23 pour le compte du Kosovo, du contre-renseignement.
24 Q. Alors je voulais aussi vous demander une autre chose, au compte rendu
25 d'audience, il est mentionné le drapeau croate, mais --
26 R. Non, ce n'est pas le drapeau croate, c'est le drapeau historique du
27 peuple croate. Donc un drapeau tricolore classique, les couleurs sont les
28 mêmes, rouge, blanc et bleu que celles des Pays-Bas, un drapeau tricolore
Page 40599
1 tout à fait classique comme on le retrouve pour un très grand nombre
2 d'états, et au milieu, on trouve les armoiries ou le blason qui depuis huit
3 siècles déjà est celui du peuple croate et symbolise, par l'intermédiaire
4 de ces 25 cas blanches et rouges, l'unification de ce qu'on appelle la
5 Croatie blanche et la Croatie rouge, à savoir les Croatie septentrionale et
6 méridionale.
7 Q. Mais ce n'est pas le drapeau de la République de Croatie, n'est-ce pas
8 ?
9 R. Non, absolument pas.
10 Q. Très bien. Alors, Général, la première phrase que nous avons ici dit :
11 "A partir de Noël et jusqu'à aujourd'hui, on a assisté à une
12 recrudescence des tensions entre le HVO et l'ABiH. Cela a culminé par
13 l'enlèvement des drapeaux croates, les drapeaux du HVO, et la prise de
14 contrôle par l'ABiH à plusieurs points de contrôle en ville."
15 Donc cela nous montre d'un peu plus près ce qui s'est passé. Ce n'est pas
16 le drapeau croate qui a été à l'origine de ces affrontements, n'est-ce pas
17 ?
18 R. Non, l'incident avec le drapeau croate n'est pas la cause. C'est
19 seulement un élément, un chaînon dans toute une série d'opérations qui ont
20 consisté à prendre le contrôle d'un certain nombre de points très
21 importants. Dans son ouvrage : "Guerre civile en Bosnie centrale," ce
22 colonel américain Shrader affirme que l'ABiH avait planifié son attaque sur
23 Gornji Vakuf, que cela avait été planifié antérieurement pour des raisons
24 stratégiques, afin qu'elle puisse ensuite mener sans entrave des opérations
25 en Bosnie centrale, à Travnik et ailleurs, sans qu'aucune aide ne puisse
26 arriver, aucune aide du HVO.
27 Q. Alors ensuite nous avons le 3D 01537. Il va s'afficher à l'écran, vous
28 n'avez pas besoin de le chercher. 3D 01537. C'est un document du 15 janvier
Page 40600
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 40601
1 1993, état de préparation des unités aux fins d'un engagement. C'est signé
2 par le commandant Enver Hadzihasanovic.
3 Je voudrais que vous vous reportiez tout particulièrement au point numéro 4
4 de ce document. Est-ce que vous le voyez, est-ce que c'est lisible pour
5 vous ?
6 Mme PINTER : [interprétation] Peut-on agrandir un peu ce passage ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois.
8 Mme PINTER : [interprétation]
9 Q. Donc prendre le contrôle des territoires à partir desquels --
10 R. Alors au point 4, on revoit encore cette même formulation erronée et
11 mensongère qui reprend cette formulation hypothétique, si le HVO nous
12 attaque. C'est une conception dans laquelle le HVO est placé dans une
13 position tout à fait subalterne et secondaire et on envisage le cas où il
14 attaquerait. Donc, ici, il est dit que la 3e, la 7e Brigades musulmanes
15 seront en état de préparation complète ensemble avec un autre bataillon.
16 Donc on voit que l'ensemble de cette situation a déjà été préparé, à savoir
17 que la position adoptée a été la suivante : je vais te provoquer, et je
18 veux dire par là, tuer des soldats aussi longtemps que tu ne réagiras pas.
19 Lorsque la réaction viendra de ta part, je l'utiliserai comme prétexte pour
20 t'attaquer. C'est tout à fait classique.
21 C'est une tactique militaire tout à fait classique et perfide.
22 Lorsque quelqu'un ne cesse de vous provoquer, de vous pousser, et bien
23 arrive un moment où vous décidez que cela ne peut plus continuer, et eux,
24 précisément on voit ça ici, se préparent pour ce moment-là.
25 Q. Nous avons encore deux documents seulement avant de passer à la suite.
26 C'est le P 01216, pour commencer. Un document du 19 janvier 1993, c'est
27 signé par le colonel Zjelko Siljeg. Il s'agit d'une réponse à l'ultimatum
28 de Senad Dautovic. Qui était ce Senad Dautovic ?
Page 40602
1 R. Senad Dautovic était le commandant des Unités de l'ABiH qui se
2 trouvaient à Bugojno. Ici, nous avons le commandant des zones
3 opérationnelles pour cette même zone, le colonel Siljeg qui répond. Il dit
4 : nous n'avons pas cherché à ce que cette situation se produise, et nous
5 savons très bien qui a œuvré à ce qu'elle se produise. Notre souhait n'est
6 pas de voir le conflit prendre une ampleur plus grande, mais si cela
7 survient, nous sommes bien obligés d'accepter la situation.
8 A chaque fois que, de votre côté, il y a eu des personnes normales,
9 raisonnables, il n'y a jamais eu de problème de notre côté. Alors
10 évidemment, c'est le cas de Bugojno.
11 A Bugojno, il n'y a jamais eu de difficulté, et le HVO a permis -- a
12 autorisé cette situation où il a été battu à plates coutures en un seul
13 jour lorsqu'il a été attaqué par ces unités, parce qu'il n'était pas
14 préparé à cela. Donc c'était à la mi-juillet, début août 1993, mi-juillet
15 1993. En face, ils s'étaient préparés, ils avaient creusé des tranchées.
16 Alors que face à eux, le HVO ne souhaitait en aucune façon aggraver
17 la situation, et c'est pour cela qu'il a été battu une seule journée et que
18 15 000 personnes se sont retrouvées en fuite et en déroute. La Brigade de
19 Bugojno a été battue, et ça a été une déroute complète. Cela n'est pas la
20 façon de procéder qui est la bonne, d'un point de vue militaire. Une armée,
21 ce sont des hommes en armes et il faut faire bien attention à ce que font
22 les uns et les autres, autrement, on aurait eu à Gornji Vakuf la même
23 situation que celle à Bugojno, les personnes qui étaient présentes à Gornji
24 Vakuf auraient connu le même sort. D'ailleurs c'est ce qui s'est passé dans
25 bien d'autres localités. On parlait de paix, de paix, et encore de paix, et
26 cette armé amicale, entre guillemets, nous avons vu à Bugojno, en Bosnie
27 centrale, avec le cas d'Alagic aussi, procède à des préparatifs de son
28 côté. On l'a vu à Konjic, aussi, et cetera.
Page 40603
1 Donc partout où ils jouissaient même de la plus petite des
2 supériorités, c'est précisément en raison de la confiance du HVO et de son
3 impréparation à faire face, qu'ils ont pu nous infliger des pertes et des
4 défaites aussi importantes. Je le répète, le fait est que nous aurions pu
5 prendre Gornji Vakuf, mais cela était interdit. Cela montre, cela démontre
6 que les intentions du HVO n'étaient pas du tout d'aller dans le sens d'une
7 conquête ou d'un élargissement des affrontements, à l'inverse de tout ce
8 qu'a fait l'ABiH à Konjic, Fojnica, Bugojno, Vares, et ainsi de suite.
9 Q. Passons maintenant au P 01238, pour finir. Il s'agit d'une pièce à
10 conviction qui porte la date du 20 janvier 1993. Ce document confirme
11 précisément ce dont vient de parler le général Praljak.
12 Il émane du commandant du 4e Corps d'armée de l'ABiH. C'est un ordre,
13 alors P 01238. Donc état-major du HVO et état-major de l'ABiH. Est-ce que
14 vous l'avez ?
15 R. Oui. Cela intervient après que le général Petkovic ait établi une
16 communication avec Mostar. Mais voyez le point numéro 2 :
17 "A partir du territoire de la municipalité de Gornji Vakuf, retirez
18 toutes les forces des municipalités voisines."
19 Mais ça on l'avait demandé déjà au mois de décembre. Lors de la
20 réunion également avec la FORPRONU le 16 janvier. Ce n'est que le 20,
21 lorsqu'ils avaient déjà été quasiment battus, qu'ils ont accepté tout cela.
22 On les avait priés déjà de le faire, de retirer ces unités qui
23 étaient hors du tout contrôle et qui causaient du désordre. Alors elles
24 n'étaient pas complètement incontrôlées, quelqu'un les contrôlait. Ce ne
25 serait pas exact qu'elles étaient hors contrôle dans leurs activités et
26 leurs opérations. Elles étaient sous le contrôle, j'ignore de qui, mais à
27 partir de ce que j'ai vu lorsque j'étais sur place, lorsque j'étais à Rama,
28 je sais ce qui se passait. On me donnait des informations précises quant
Page 40604
1 aux événements.
2 Q. 3D02212 à présent. Cela devrait nous permettre conclure sur ce sujet.
3 Donc 3D02212. Il s'agit d'un ordre émanant du colonel Zeljko Siljeg en date
4 du 22 janvier 1993. Cet ordre nous montre quel est le comportement du HVO
5 en ce qui concerne le cessez-le-feu dont l'ordre a été donné.
6 J'attire votre attention sur le point numéro 3 ainsi que point numéro
7 5.
8 R. Ce qui gênait particulièrement les commandants, c'était cette
9 propagande de Radio Sarajevo et ainsi de suite, qui faisait constamment
10 état du fait qu'une mosquée avait été prise pour cible et ainsi de suite.
11 C'était de la propagande de guerre, tout simplement une dissémination pure
12 et simple de mensonges. Ils étaient particulièrement sensibles à cela pour
13 la simple raison que le HVO ne disposait d'aucune forme de propagande pour
14 y répondre, bien que la FORPRONU ait été présente et qu'elle ait été en
15 mesure de voir par elle-même tout ce qui se passait. Ensuite on en appelle
16 toujours à la même chose, on dit que les unités doivent exécuter les
17 ordres, se comporter conformément aux règles et aux lois de la guerre. Bien
18 sûr, tout cela passait par écrit, mais il y avait une dimension orale très
19 importante aussi. On ne cessait de répéter que tout cela devait être
20 respecté.
21 Lorsque j'étais sur place jusqu'en 1992, je n'ai pas vu le moindre
22 rapport ni entendu personne qui serait venu me dire que les lois et
23 coutumes de la guerre auraient été enfreintes. Alors cela ne signifiait
24 évidemment pas que cela est absolument exclu, mais c'était la nature des
25 informations dont je disposais.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je crois qu'il s'agit du mois de
27 janvier 1993 et non pas de janvier 1992, comme il est consigné au compte
28 rendu. Je crois que vous avez commis une erreur. Il s'agit de la page 21,
Page 40605
1 ligne 12.
2 Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Effectivement, c'est
3 1993. Je ne suis pas l'évolution du compte rendu et cela m'a échappé.
4 Q. Général, nous en avons terminé avec Vakuf, mais avant de passer à la
5 suite --
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Le dernier document signé par le colonel Siljeg, au
7 paragraphe 1, il semble mettre en cause des éléments renégats de l'ABiH.
8 Est-ce une formule diplomatique pour éviter de faire supporter la
9 responsabilité de ce qui s'est passé sur l'ABiH dans son ensemble, ou bien
10 c'est un constat d'un colonel qui exerce une responsabilité sur le terrain
11 et qui constate qu'une partie de l'ABiH a enfreint tout ce qui était en
12 train d'être préparé à
13 Genève ?
14 Si c'est le cas, à ce moment-là, pourquoi le colonel Siljeg ne
15 demande pas des sanctions ? Surtout comment se fait-il qu'il n'y a pas une
16 copie de cet ordre qui est envoyé au cabinet de Mate Boban pour l'informer
17 ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, tout d'abord, il
19 est absolument certain qu'une copie de cet ordre a été adressée à l'état-
20 major. Quant à Mate Boban, il recevait des rapports de synthèse.
21 Deuxièmement, il ne s'agit pas ici d'une formulation diplomatique lorsqu'on
22 parle de renégats. Aussi bien M. Siljeg que nous tous avons vu et compris
23 que deux courants distincts étaient en train de se développer au sein de
24 l'ABiH, dont l'un se réduit de plus en plus au fil du temps, alors que
25 l'autre devient de plus en plus dominant. Donc à ce moment précis, la
26 situation au sein du HVO, au sein de l'ABiH est calme. A Mostar, la
27 situation est calme. Les choses fonctionnent également à Konjic, à
28 Jablanica, et c'est le cas dans une large mesure. C'était dix jours avant à
Page 40606
1 peine que j'avais quitté la Bosnie centrale où la situation avait été mise
2 en ordre de façon, disons, satisfaisante pour les critères qui prévalaient
3 à l'époque. A Bugojno aussi, la situation, à ce moment-là, est plus que
4 satisfaisante. J'ai passé en revue toutes ces lignes, la coopération était
5 à un niveau satisfaisant. Et Siljeg ne comprend pas ici, il estime que ce
6 qui se passait à Vakuf, c'était une branche à part, ce sont des renégats au
7 sein de l'ABiH, car il n'a pas pu parvenir au moindre accord avec eux
8 depuis déjà un certain temps. Ils l'ont placé dans une situation qui était
9 complètement désastreuse d'un point de vue militaire. C'est pour cela que
10 je pense qu'il parle de ces renégats.
11 Mme PINTER : [interprétation] Je vous remercie.
12 Q. Nous avons évoqué le 15 janvier 1993, jeudi dernier, nous avons parlé
13 d'un ordre signé par Bruno Stojic, Milivoj Petkovic, et également par
14 Jadranko Prlic. Vous avez fourni votre explication. Toutefois, vous avez
15 estimé qu'il était indispensable de replacer cela dans le contexte d'autres
16 documents. Nous avons préparé un jeu de documents additionnels. Il s'agit
17 de documents suivants, 2D01409, 2D00441, ainsi que du document P01343. Tous
18 ces documents concernent les dates du 15, 16, et 20 janvier 1993. Il faut
19 que je répète le premier numéro, il s'agit du document 2D01409. Il s'agit
20 d'un ordre qui émane de Bozo Rajic.
21 R. J'en ai parlé déjà. Ce que j'ai dit c'est que cet ordre a un jour de
22 retard, simplement parce que Bozo Rajic ne s'est pas trouvé à Sarajevo, il
23 était ailleurs tout simplement. Donc il occupait le poste de ministre de
24 l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine, et sur la base de l'accord
25 dont j'ai parlé, il a émis cet ordre qui porte sur trois armées, même si ce
26 n'est pas très réaliste qu'il émette un ordre à l'intention de Mladic et
27 ainsi de suite. Mais les négociations venaient d'être amorcées et en
28 estimant que la Bosnie-Herzégovine est représentée également par la partie
Page 40607
1 occupée par l'ARSK, il a estimé qu'il fallait rédiger cela pour voir au
2 moins qui n'allait pas le respecter, si les négociations étaient déjà en
3 cours portant sur l'organisation interne de la Bosnie-Herzégovine.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document qu'on a sous les yeux, je redonne le
5 numéro parce qu'il me semble très important, le 2D01407 ou non, 09, donc
6 2D01409, qui est le document signé par Bozo Rajic qui, vous nous l'avez
7 dit, est ministre de la Défense de la République de Bosnie-Herzégovine.
8 Ce document me semble aller à l'encontre de ce qu'on avait cru comprendre
9 quand M. Okun avait témoigné. Dans mon souvenir, M. Okun avait semblé
10 laisser penser que le HVO avait anticipé la conférence de Genève. Or, dans
11 ce document, on voit qu'il est écrit noir sur blanc que toutes les
12 formations du HVO dans les provinces 1, 5 et 9 seront sous le commandement
13 de l'ABiH; les formations de l'ABiH dans les provinces 3, 8 et 10 seront
14 sous le commandement du HVO; et très important, les formations de l'armée
15 serbe dans les provinces 2, 4 et 6 seront considérées comme des formations
16 relevant des provinces serbes.
17 Alors, Général Praljak, si de votre côté, vous avez, dès le 15 janvier,
18 demandé à ce que les Unités de l'ABiH vous soient subordonnées dans les
19 provinces 3, 8 et 10, est-ce que ce document n'est pas le pendant de ce que
20 vous avez demandé pour le 3, 8, 10, pour les provinces 1, 5 et 9 ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Premièrement, Monsieur le Président Antonetti,
22 on avait déjà signé à Genève en partie. On a signé un accord, si je me
23 souviens bien, il y en avait un disant que si les entretiens allaient se
24 poursuivre sur la base d'une solution proposée par la communauté
25 internationale, à partir de ce moment-là pendant que ces entretiens étaient
26 en train de se dérouler sur le plan politique, la guerre devait s'arrêter
27 et que les armées devaient arrêter tout engagement. Donc cela apparaît plus
28 que logique contre l'ABiH et le HVO, on signe un accord de ce type-là.
Page 40608
1 Donc dans telle et telle provinces, c'est vous qui allez commander le
2 HVO, puis nous allons commander l'ABiH. Cela reflète les propos --
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Je suis d'accord avec ce que vous dites, à savoir
4 qu'il y avait un accord qui avait été signé. Mais d'après M. Okun, qui
5 était à votre place il y a plusieurs mois, il semblait dire que vous aviez
6 mis en œuvre de manière anticipée l'accord. Or, si vous l'aviez fait, vous
7 n'êtes pas les seuls, parce que la partie musulmane a fait exactement comme
8 vous.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, on s'était mis d'accord
10 avec Alija Izetbegovic à Zagreb sur cela. Dans le cadre des entretiens où
11 j'ai pris part, j'ai pris part à la rédaction de cela. Je ne peux pas vous
12 en dire plus. Nous avons déployé là un effort colossal.
13 Dans les documents que je n'ai pas ici sous les yeux, mais vous les
14 avez, ils ont été versés au dossier, sans porter préjudice à la solution
15 politique, mettez-vous d'accord à Genève comme vous l'entendez. Mais en
16 attendant cet accord, vous êtes d'accord au moins sur un point, mettez fin
17 au conflit, puis négociez calmement, trouvez une solution. Le HVO
18 respectera toutes les solutions politiques qui auront été adoptées à
19 Genève.
20 Donc on a rien anticipé là. C'était une tentative de mettre fin à la
21 guerre et on s'était mis d'accord avec Izetbegovic, Gojko Susak. Je pense
22 qu'il y avait là soit Vance, soit Lord Owen présent à ces entretiens, et ça
23 a été signé par le ministre de la Défense de M. Alija Izetbegovic, c'est-à-
24 dire de la Bosnie-Herzégovine.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Général Praljak, pour vous, dès le 15
26 janvier, tout ceci devait être effectif sur le terrain, à savoir qu'il y
27 avait unité de commandement dans les zones 3, 8 et 10 et 1, 5 et 9; les
28 premiers sous commandement du HVO, les seconds sous commandement de l'ABiH.
Page 40609
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 40610
1 Donc il n'y avait pas attendre encore des semaines, voire des mois. C'était
2 effectif dès le 15 janvier. C'est cela qu'on doit comprendre ou pas ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Exactement, il en est ainsi, Monsieur le
4 Président. En outre, dans ces provinces d'emblée, le HVO s'est trouvé
5 subordonné à l'ABiH. Toutes les provinces qui sont qualifiées de musulmane
6 ici - bien entendu, on a écrit ça pour aller plus vite - le HVO, dans ces
7 provinces, était subordonné à l'ABiH. Vous l'avez entendu ici à Tuzla, à
8 Sarajevo, à Bihac, et cetera. Malheureusement l'ABiH, c'est-à-dire
9 Halilovic, ça ne leur venait pas à l'esprit de faire quelque chose sur ce
10 plan avec le HVO. Leurs projets étaient complètement différents, ils se
11 sont déroulés différemment, hélas.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Je note, parce que ça me paraît important quand les
13 Juges auront à délibérer pour avoir tout ceci en mémoire, il y a deux
14 éléments au point numéro 7. Il est indiqué que l'exécution de cet ordre
15 commencera le 20 janvier à partir, semble-t-il, de minuit. Comme
16 destinataire également, il y a la FORPRONU et la MOCE. Donc la communauté
17 internationale est au courant.
18 La FORPRONU est le destinataire numéro 6 et la MOCE est le destinataire
19 numéro 7.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président Antonetti. Nous
21 espérions, bien entendu, y compris la FORPRONU et la MOCE, que tous
22 allaient essayer de traduire dans les faits un tel ordre, mais sincèrement
23 je veux vous dire qu'il y en avait beaucoup qui ne cherchaient pas à mettre
24 fin à la guerre.
25 Un deuxième point, il faut trois ou quatre jours pour exécuter un tel
26 ordre, c'est la raison pour laquelle Rajic dit que le 20 janvier est la
27 date butoir jusqu'à laquelle il faut se mettre d'accord sur le plan des
28 communications, et cetera.
Page 40611
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'étais pas sur le terrain, mais est-ce que
2 le 21 janvier, dans les provinces 3, 8 et 10, vous avez été voir vos
3 homologues de l'ABiH pour leur dire : maintenant c'est nous qui commandons
4 et vos officiers dans les provinces 1, 5 et 9, est-ce qu'ils ont été voir
5 leurs homologues musulmans pour leur dire : nous nous mettons sous votre
6 commandement ? Est-ce que ça s'est passé comme cela ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Le premier point de votre conclusion, lorsque
8 vous dites que quoi que ce soit qui aurait été déclenché par eux pour
9 arriver à un point commun dans les provinces 3, 8 et 10, non, ça ne leur
10 venait pas à l'esprit.
11 Pour le deuxième point, dans les 1, 6 et 9, oui, le HVO s'est placé
12 sous le commandement de l'ABiH. C'était la situation jusqu'à la fin de la
13 guerre.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez les preuves de cela, pour les 1, 5 et 9 ?
15 Pas 6, il y a une erreur à la ligne 9. Vous avez des preuves comme quoi les
16 officiers du HVO se sont mis aux ordres de l'ABiH ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, vous avez entendu
18 ici le deuxième ou le troisième homme du Corps de Tuzla. Vous avez vu ce
19 qui en a été de Sarajevo, comment le HVO s'est passé sous le commandement,
20 à Bihac également, de même. Bien entendu, je peux rassembler des documents,
21 mais ils ont été portés à la connaissance de cette Chambre par la voie des
22 dépositions et par la voie des documents; c'est certain. Il est certain que
23 vous avez déjà eu l'occasion de voir ces documents, d'entendre ces témoins,
24 à plusieurs reprises déjà, et qui ont dit ce que je suis en train de vous
25 affirmer, à savoir que, dans les provinces où il y avait la soi-disant
26 majorité musulmane, que le HVO s'y est placé sous le commandement de l'ABiH
27 jusqu'à la fin de la guerre.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors dès le 21 janvier, quand vous avez constaté
Page 40612
1 que ça ne marchait pas dans les provinces 3, 8 et 10, est-ce que
2 l'information est remontée tout de suite vers l'autorité politique, M. Mate
3 Boban, M. Prlic, M. Stojic, pour leur dire il y a un gros problème, ils
4 n'exécutent pas les ordres ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Tous, tous les hommes jusqu'au dernier, tous
6 ceux qui ont été énumérés le savaient pertinemment qu'on s'est moqué de
7 nous sur ce plan, et que l'ABiH ne changeait pas pour ce qui est de ces
8 provinces-là, de se placer sous quelle que forme que ce soit sous les
9 ordres du HVO ou de mettre sur pied un commandement conjoint avec le HVO,
10 vous verrez à quel point nous avons pris part. Vous verrez des entretiens
11 avec MM. Petkovic et Sefer, des tentatives; cependant tout a été saboté,
12 miné par eux, et ils se sont joués de nous. Je vous affirme, Monsieur le
13 Président, à tête reposée, tous les jours ils se sont joués de nous. Au
14 quotidien, ils nous ont menés par le bout du nez. L'armée avait du mal à
15 supporter cela, parce qu'il semblait que nous avions une naïveté sans
16 limite.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais faire une comparaison avec ce qui se passe
18 aujourd'hui. Vous ne le savez peut-être pas, mais il semblerait que la
19 Corée du nord veuille faire un lancement d'une fusée, et aussitôt le
20 Conseil de sécurité va se réunir. Ça va se passer là, actuellement. Or,
21 c'est pareil pour vous. A l'époque, ça doit entrer en œuvre, ça n'entre pas
22 en œuvre. A votre connaissance, est-ce qu'à Genève, M. Cyrus Vance et Lord
23 Owen ont été immédiatement saisis du problème ? Alors vous ne le savez
24 peut-être pas, je vous pose la question pour le cas où vous sauriez quelque
25 chose.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne sais pas ce qui a été
27 porté à leur connaissance; cependant, ce que je sais, c'est que toutes les
28 propositions formulées par eux et les propositions qui ont été acceptées
Page 40613
1 par Mate Boban, c'est-à-dire ont été acceptées par la partie croate, et que
2 c'est Franjo Tudjman qui les a signées, et que nous espérions que c'était
3 la fin de la guerre. Mais je vais vous citer un autre exemple, si je peux.
4 Vous vous rappellerez la crise de Cuba. Vous savez que sur le territoire
5 d'un Etat souverain, les Russes ont placé des fusées. Les Américains ne
6 pouvaient pas s'imaginer que ces fusées étaient placées de manière à cibler
7 des oiseaux; donc il fallait soit qu'ils enlèvent les armes soit ils
8 allaient se défendre. C'est ça la situation. Imaginez qu'en plus, ils se
9 soient mis à ouvrir le feu sur les Etats-Unis, à tuer dix, cinq gars, 50
10 personnes et que vous, vous vous comptez d'endurer, de supporter cela, et
11 puis après on vient vous dire que c'est vous qui avez commencé. Non,
12 c'était justifié, c'était logique, c'était une action militaire qui avait
13 été provoquée initialement et qui s'est terminée le 22 par l'interdiction
14 de toucher à Gornji Vakuf ou à la population.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter.
16 Mme PINTER : [interprétation] Merci.
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, j'ai un point
18 technique à vous demander, tout d'abord. Au point 8 de ce document,
19 pourriez-vous nous lire la phrase qui se trouve à la page 8 -- qui se
20 trouve à la deuxième page et qui est au paragraphe 8, qui commence par "Le
21 commandant" ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Rajcic s'adresse, dans ce point au petit
23 (a), au brigadier Milivoj Petkovic.
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, je demande de le lire dans
25 votre langue, s'il vous plaît, c'est tout, pas d'expliquer. Ensuite je vous
26 poserai ma question.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Le point 8 :
28 "Les commandants des unités visées au point 6 de l'ordre me feront
Page 40614
1 parvenir des rapports quotidiens au plus tard à 20 heures."
2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. Donc pour ceux qui
3 ont suivi le texte en anglais, vous avez pu remarquer qu'il y a une erreur.
4 En effet, au lieu de faire référence au paragraphe 6, on fait référence au
5 paragraphe 8. Donc il faudra corriger cette traduction qui est erronée.
6 Maintenant voici ma question : savez-vous quoi que ce soit à propos de ces
7 rapports que Bozo Rajcic demande qu'on lui envoie, des rapports quotidiens
8 qu'il demande qu'on lui envoie au quotidien, est-ce qu'ils étaient vraiment
9 envoyés, oui ou non ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, Monsieur le Juge Trechsel,
11 mais c'est avec une très grande certitude que je peux vous affirmer que mis
12 à part des rapports reçus du HVO, il n'a reçu aucun rapport de l'ABiH, de
13 l'armée de la Republika Srpska, c'est avec 99,9 % de certitude que je peux
14 vous l'affirmer.
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. J'ai une deuxième
16 question, elle porte sur le point 5 de ce document. On y fait référence à
17 la chose suivante, "jusqu'à l'accord définitif". Donc on a l'impression
18 qu'il y a quand même un élément provisoire dans cet ordre. Donc il est
19 écrit : "Jusqu'à la conclusion d'un accord définitif."
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, pour autant que je
21 le sache, on s'était mis d'accord à Genève, on s'était mis d'accord sur un
22 cessez-le-feu. Milivoj Pektovic se trouvait là, il saura mieux que moi. Il
23 est dit ici :
24 "Sur la base de ce qui a été convenu à Genève, voilà ce que nous
25 venons de faire."
26 Mais il est dit également si l'accord final devait intervenir, qui
27 apporterait une modification, la signature d'un nouvel accord portant
28 opérationnalisation de l'accord, donc si cet accord de paix de Genève
Page 40615
1 demandait une nouvelle opérationnalisation, alors c'est cela qui
2 interviendrait.
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, vous avez dit, en répondant à la
5 question de mon collègue, que Halilovic et Mladic n'ont pas fait de
6 rapports, mais à votre connaissance, mais je lui poserai la question quand
7 le général Petkovic témoignera s'il témoigne, mais à votre connaissance,
8 est-ce que le général Petkovic a fait un rapport pour dire à M. Bozo Rajic,
9 ça ne marche pas dans le 3, 8, et 10 ? Est-ce qu'il l'a fait ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas, Monsieur le Juge. Mais ce
11 que je sais, en revanche, je sais, avec certitude parce que j'ai vu Rajic à
12 l'époque, je sais qu'il était parfaitement au courant. Il était
13 parfaitement au courant du fait que son ordre, mis à part du fait que le
14 HVO cherchait à traduire cela dans les faits, que les deux autres parties
15 ne le faisaient pas. Quant à savoir s'ils recevaient des rapports de
16 Petkovic, je ne sais pas.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : S'il apparaît par la suite, mais c'est peut-être la
18 Défense du général Petkovic qui nous le montrera, s'il y a un rapport du
19 général Petkovic adressé à Bozo Rajic, est-ce que de votre point de vue ça
20 témoignerait de la bonne foi du HVO ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que oui, mais je me suis trouvé sur
22 le terrain, et je continue avec ma déposition, mon témoignage, vous verrez
23 des documents. Il n'y a pas que la bonne foi. Il y a une forte volonté
24 agressive auprès du HVO de trouver la paix.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, la bonne foi, ça doit se prouver
26 aussi, pas simplement par les déclarations. Il faut qu'il y ait des --
27 bien, mais ça on verra ça par la suite.
28 Maître Pinter. Oui.
Page 40616
1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, dans une des
2 réponses que vous m'avez donnée, il y a un élément qui m'a un petit peu
3 étonné, et le Président de la Chambre a d'ailleurs abordé le même sujet.
4 Vous êtes à 99 % sûr de ce que n'ont pas fait Halilovic et Mladic, mais
5 vous dites ce que vous ne savez pas, en revanche, ce que votre homologue,
6 M. Petkovic, qui est dans votre camp ne fait pas -- vous savez ce qui se
7 passait de l'autre côté, mais vous n'avez absolument aucune idée de ce qui
8 se passe dans votre propre camp. Ça me paraît un petit peu étrange.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, non. Après cela, le
10 22, le 23, je me suis trouvé à Sarajevo pendant plusieurs journées encore.
11 Donc je sais pertinemment, je sais avec certitude, grâce à Bozo Rajic, que
12 de Mladic et de Sefer Halilovic, il a certainement rien reçu. Mais je sais
13 aussi qu'il était au courant des agissements du HVO. La seule chose que je
14 ne sais pas c'est si Petkovic le lui a envoyé ou fait rapport. Il est
15 possible que oui, mais ça ne se contredit pas, le fait qu'on sache que
16 quelque chose n'a pas été fait. Mladic, Monsieur le Juge Trechsel, mais ça
17 me faisait rire, Mladic, la guerre connaissait une escalade, à ce moment-
18 là, ça le faisait rire. Vous verrez dans les documents que je vais
19 présenter dans une heure, une heure et demie. Sefer, bien entendu vous
20 verrez la manière dont il réfléchi. Lorsqu'on connaît trop la situation,
21 lorsqu'on passe tout son temps sur le terrain, vous savez, on n'a pas
22 besoin d'avoir un document à l'appui de chacune des choses. Il y a des
23 choses que je connais tout simplement. Je sais.
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : On a continué. Maître Pinter, ça m'a échappé tout à
26 l'heure, vous n'avez pas déposé de liste IC aujourd'hui. Il y a une raison
27 ?
28 Mme PINTER : [interprétation] Pour la semaine passée ? Je vois des
Page 40617
1 hochements de tête, on aurait soumis la liste IC pour la semaine passée.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On vérifiera.
3 Mme PINTER : [interprétation] Du moins c'est qu'on vient de me dire. Puis,
4 à l'attention de la Chambre, suite à la question que vous avez posée au
5 général Praljak, Monsieur le Juge Antonetti, demandant si Lord Owen et
6 Vance étaient au courant de l'évolution des événements à Vakuf, je me
7 permets de vous signaler le document P 01240, document du 21 janvier 1993.
8 Il s'agit d'un entretien dans le bureau du président du Dr Franjo Tudjman,
9 et il en est question là. C'est une transcription qui a été versée au
10 dossier, a été versée par la Défense du Dr Prlic dans sa requête portant
11 sur les transcriptions présidentielles.
12 Q. Général, un document à présent qui suit naturellement ce que vous venez
13 de dire au 2D 00441, donc la date est celle du 21 janvier 1993. Bozo Rajic
14 de nouveau est signataire de ce document.
15 R. Il parle une fois de plus des principes relatifs au traité de paix, on
16 a signé les principes, et une fois de plus, il est donné des ordres du même
17 type. On proroge la chose jusqu'à la fin des négociations de paix à Genève,
18 donc mettons en place la paix dans l'attente de ces négociations à Genève.
19 En substance, c'est ce qui a été dit auparavant déjà.
20 Q. Penchez-vous sur le P 01343. Il s'agit du journal officiel de la
21 République de Bosnie-Herzégovine. La date est celle du 19 janvier 1993.
22 Pour ce qui est de la décision, donc c'est daté du 29 janvier 1993, disais-
23 je, une décision du président de la présidence, M. Alija Izetbegovic,
24 portant proclamation de cette décision comme étant nulle et non advenue.
25 Alors, ceci confirme ce que vous nous avez déjà dit pour ce qui est de la
26 façon dont on a invalidé un ordre conjoint relatif à l'établissement de la
27 paix et à la resubordination. Le document c'est déjà une pièce à conviction
28 versée au dossier suite à une décision des Juges de la Chambre.
Page 40618
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 40619
1 R. Ici, M. Izetbegovic nous dit : "Rajic, tu n'as pas le droit de faire
2 chose pareille," bien qu'il y ait concertation pour ce qui est de donner ce
3 type ordre. Mais on a joué là-dessus. Maintenant on se demande; la question
4 qui se pose, c'est de savoir : pourquoi Izetbegovic le fait ? Comme on a pu
5 voir dans les transcriptions, ça a été convenu, et il n'a pas été le seul à
6 signer. Donc c'est ce dont on a déjà entendu parler ici, à savoir
7 qu'Izetbegovic avait, pour des raisons variées, joué à double jeu. Voilà.
8 Nous avons la problématique de ce prétendu ordre qui devait être la cause
9 ayant généré la guerre, à cette date du 19 janvier 1993, c'est invalidé, et
10 on s'est retrouvé tous à la case départ, sans qu'il y ait aucune
11 conséquence pour lui. Ses généraux ont probablement dû lui dire ou
12 quelqu'un a dû lui dire, Silajdzic lui a probablement dit la chose à Zagreb
13 et --
14 M. STRINGER : [interprétation] Je vais commencer à soulever des objections,
15 Monsieur le Président, parce qu'il s'agit en fait de conjectures. Cela fait
16 un certain temps que je laisse passer tout ceci, mais lorsque le témoin
17 part dans une direction en disant qu'il attribue certains éléments à
18 quelque chose, et ceci se fonde sur les conjectures, ce sont des personnes
19 qui sont derrière --
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, votre objection est au
21 transcript, mais vous n'avez pas le droit de vous opposer à la défense de
22 M. Praljak qui développe une thèse qui n'est pas la vôtre. Donc laissez-lui
23 développer sa thèse. Lors du contre-interrogatoire, vous lui démontrerez
24 que tout ce qui dit est faux.
25 Parce que qu'est-ce que nous avons ? On a un ordre du ministre de la
26 défense qui est très précis et qui met en œuvre le plan Vance-Owen en même
27 temps que le HVO. Voilà que M. Izetbegovic, quelques jours après, publie
28 une décision invalidant l'ordre de son ministre de la Défense, en disant
Page 40620
1 qu'il n'avait pas la capacité juridique à prendre cet ordre et que cet
2 ordre est anticonstitutionnel.
3 Ça pose toute une série de problèmes. Alors, Monsieur Praljak, à
4 votre connaissance, est-ce que le ministre de la Défense a démissionné
5 après ce camouflé que lui a fait Izetbegovic ? A-t-il été écarté, a-t-il
6 été emprisonné, ou est-il resté au gouvernement ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne vais pas spéculer. Je ne vais donc
8 pas -- je n'ai pas connaissance de la bonne réponse mais je crois que ça a
9 dû rester au sein du gouvernement.
10 Alors l'ordre signé par Bozo Rajic ainsi que les hommes du HVO Bruno
11 Stojic, Petkovic et autres, ça a été une chose qui a été convenue à Zagreb
12 avec M. Izetbegovic, dans la présence de deux hauts représentants de la
13 communauté internationale qui se trouvaient être à la tête du processus de
14 paix.
15 Or, moi, j'y ai pris part en petit (b).
16 Un petit (c), Izetbegovic lui a annulé l'ordre en question. Alors qu'on
17 maintienne les choses telles quelles sont je ne sais pas pourquoi il l'a
18 fait.
19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je souhaite dire deux choses. C'est
20 une question de principe. Sauf votre respect, je ne suis pas d'accord avec
21 le fait, bon, n'être pas d'accord sur le fait que M. Praljak ait le devoir
22 -- ait le devoir en tant que témoin de se livrer à des conjectures mais je
23 crois qu'il est d'accord avec moi.
24 Le deuxième point de l'ordre de M. Izetbegovic que nous regardons, si vous
25 regardez le point 2, en tout cas, c'est comme ça que je le lis, mais
26 évidemment, je lis une traduction. La raison en est qu'il n'y a que le
27 président de la République de Bosnie-Herzégovine qui a la compétence et qui
28 peut signer un tel ordre. Il ne s'agit pas de savoir si M. Bozic est
Page 40621
1 toujours en poste. Il s'agit de savoir si M. Izetbegovic, le ministre de la
2 Défense, a le pouvoir en toute légitimité pour signer ce type d'ordre. Je
3 ne souhaite pas en fait me lancer dans des conjectures sur cette question,
4 je ne suis pas en train de dire qu'il s'agit d'un argument juridique mais
5 en tout cas c'est à mon sens et c'est ce qui se dégage de ce texte.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Bon.
7 Général Praljak, on reviendra peut-être sûrement d'ailleurs tout à l'heure
8 parce que votre avocat aura certainement des questions de suivi. Il est
9 quatre heures moins 10 et on arrive presqu'en bout de bande. Donc il faut
10 faire la pause de 20 minutes.
11 Nous faisons la pause de 20 minutes.
12 --- L'audience est suspendue à 15 heures 52.
13 --- L'audience est reprise à 16 heures 12.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à Monsieur le Greffier qui
15 a le numéro IC, la fameuse liste.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. La deuxième
17 liste IC versée par la Défense du Témoin Slobodan Praljak aura le numéro IC
18 1018. Je vous remercie, Messieurs les Juges.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
20 Maître Pinter.
21 Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Mon Général, nous avons fait une pause et on a interrompu alors que
23 vous vouliez dire quelque chose.
24 R. Je voulais dire que, dans le document qu'on a vu M. Izetbegovic
25 affirme, que le ministre de la Défense n'a pas compétence de donner et de
26 délivrer le document qu'on a vu. Or, je ne sais pas s'il avait compétence
27 ou pas de le faire. Mais ici au Tribunal, dans ce prétoire, on a ouï-dire
28 et j'en avais pris connaissance de ce document, il s'agit de la
Page 40622
1 constitution de la République de Bosnie-Herzégovine. Sans pour autant
2 vouloir de quelque façon que ce soit m'ingérer ou m'immiscer de façon
3 excessive dans le droit, il me semble toutefois que le président de la
4 présidence Izetbegovic en application de cette même constitution de la RBiH
5 ne pouvait pas, pour la troisième fois, exercer les fonctions de président
6 de la présidence. Il ne pouvait pas avoir un troisième mandat. Donc la
7 présidence, par elle-même de son gré, a modifié le règlement portant
8 élection du président de la présidence afin que M. Izetbegovic puisse avoir
9 un troisième mandat et exercer les fonctions qui de par l'application du
10 règlement antérieur aurait dû être rétrocéder à un Croate. Les Serbes s'en
11 fichaient et les Croates ont laissé faire pour avoir la paix à la maison.
12 Voilà.
13 C'est ce que j'avais à dire, mais il me semble que M. Karnavas en a
14 parlé et il me semble que Mme Nozica aussi.
15 Q. Vous voulez dire leurs témoins.
16 R. Oui, je veux dire les témoins qui ont répondu à leurs questions.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, Général Praljak, le point que vous venez
18 de soulever avait déjà été indiqué lorsqu'un témoin était venu et on nous
19 avait expliqué que la règle du tour de rôle empêchait M. Izetbegovic
20 d'occuper ce mandat. Ça, ça avait déjà été dit. Bon. Nous le savons. On
21 continue.
22 Oui.
23 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Je m'excuse. Il me faut rectifier le
24 compte rendu dans une partie qui me semble être importante. Page 39, lignes
25 1 et 2, le général Praljak a dit que les Serbes s'en fichaient et que c'est
26 les Croates avaient -- et c'est les Croates qui ont été d'accord pour avoir
27 la paix à domicile. Or, le compte rendu dit l'inverse. Merci.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, exactement. Les Serbes s'en fichaient de
Page 40623
1 la République de Bosnie-Herzégovine, et de M. Izetbegovic également en sa
2 qualité de président de la présidence, eux, ils avaient leur autorité en
3 parallèle. Les Croates, eux, faisaient des concessions.
4 Mme PINTER : [interprétation]
5 Q. Merci, Général.
6 Mme PINTER : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous passions au
7 3D 02637. Il s'agit d'un livre dont l'auteur est Shrader : "Guerre civile
8 musulmane ou croate en Bosnie centrale." A l'intention des Juges et de tous
9 les autres, je précise que le livre se trouve dans le classeur intitulé :
10 "Bosnie centrale."
11 Q. Alors, Général, il s'agit d'un livre dont vous avez souhaité parler
12 aujourd'hui, me semble-t-il. Ça se rapporte à la Bosnie centrale mais c'est
13 aussi un livre qui fournit un bon aperçu des évènements, et je vous
14 demanderais d'indiquer aux Juges de la Chambre quelles sont les parties qui
15 sont cruciales pour bien comprendre la situation ?
16 R. Je vous renvoie à la page 25, de l'avant-propos.
17 Q. Alors en version anglaise, c'est le 3D 33-0247; et en version croate,
18 3D 33-0143.
19 R. M. Shrader -- Dr Charles Reginald Shrader, qui en 1964 a diplômé cum
20 laude avec mention aux sciences historiques à l'université de Vanderbilt,
21 et en outre, il a fait l'école de l'armée américaine pour l'infanterie à
22 l'université militaire pour les commandants et membres de l'état-major. Il
23 a été à l'école de l'OTAN pour la défense en 1984, il a fait l'école la
24 plus haute placée de l'OTAN à Rome. C'est lui qui a donc rédigé ce livre,
25 et je me propose de prélever plusieurs extraits.
26 Il est question de Jajce --
27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais un commentaire, s'il vous
28 plaît, de votre part. Vous dites qu'il a obtenu une mention, un doctorat;
Page 40624
1 est-ce que vous pourriez nous donner le barème qui était utilisé ? Cela
2 représente -- qu'est-ce qui a la meilleure note ? Qu'est-ce qui arrive en
3 second, en troisième, en quatrième ? Moi, en tout cas, par rapport aux
4 universités que je connais, il y a quatre niveaux de qualité, le plus bas
5 c'est rite, ensuite il y a cum laude, ensuite magna cum laude, et tout en
6 haut c'est summa cum laude; est-ce que c'est ceci qui a été utilisé ici
7 également, si vous le savez, bien sûr ?
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, à l'université de Columbia, c'est la
9 même chose.
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je cite :
12 "En 1964, diplômé avec mention exceptionnel, donc très bien, entre
13 parenthèses, sciences historiques, à cette université de Vanderbilt, et ça
14 se passe à Columbia. En 1976, il a défendu sa thèse de doctorat en matière
15 d'histoire médiévale."
16 Puis ensuite, il a fait comme je l'ai indiqué ses études dans l'armée
17 américaine. Je n'en sais pas plus long, Monsieur le Juge Trechsel.
18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie, tout à fait,
19 merci.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors il est en train de nous parler de ce qui
21 s'est passé à Jajce. Il parle de 30 000 réfugiés. Le chiffre que j'ai
22 avancé moi-même. On a parlé de cette route vietnamienne qui est une route
23 qui passe par les collines, les montagnes, pour fuir vers Travnik. Il dit
24 qu'il y a eu des accusations mutuelles pour ce qui est de l'abandon de la
25 ville. Le HVO accusant l'ABiH et vice-versa. Des autorités civiles, elles,
26 ont eu à faire face à un problème d'un très grand nombre de réfugiés, chose
27 qui se trouve être, bien sûr, exacte.
28 Il dit plus loin que cela a été à l'origine des conflits qui allaient
Page 40625
1 survenir. S'agissant du sujet qui porte sur le fait que ces réfugiés
2 allaient finir par alimenter les conflits, et je pense en avoir parlé là-
3 bas en [imperceptible], a compris le problème dans toute son étendue.
4 Puis il dit, au sujet du gouvernement de M. Izetbegovic, que pour
5 eux, les réfugiés, c'était un problème, certes, mais aussi une opportunité.
6 Pour ce qui est de l'opportunité, pourquoi ? Parce qu'un très grand nombre
7 d'hommes réfugiés étaient en termes simples motivés pour aller se venger
8 contre les Serbes, mais ils étaient très portés aussi à se battre contre
9 les Croates. Puis il est dit qu'ils n'étaient pas encore prêts pour
10 entreprendre une action digne de ce nom contre les Serbes, mais avec
11 l'arrivée des Moudjahiddines, et compte tenu de l'afflux de taille d'hommes
12 en âge de combattre dans cette région-là, l'armija pouvait commencer à
13 créer des unités susceptibles de conduire des activités offensives.
14 Mme PINTER : [interprétation]
15 Q. Monsieur je vous remercie. Nous allons passer maintenant à --
16 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu le numéro parce que
17 M. Praljak parlait encore lorsque les deux numéros de référence ont été
18 donnés par Me Pinter.
19 Mme PINTER : [interprétation] Je répète.
20 Q. La page anglaise, 3D 3324 [comme interprété] et 3D 330144.
21 R. Oui, Shrader estime donc qu'à l'opposé de l'opinion répondue,
22 communément répondue, pour ce qui est de ces réfugiés, c'est ce qui a été à
23 l'origine du conflit et non pas le plan Vance-Owen. C'est la chute de Jajce
24 qui l'a généré. Il dit que l'argument avancé visait à accuser les Croates
25 parce qu'ils avaient voulu anticiper pour appliquer le plan dans sa partie
26 relative aux provinces. Cela a été source de conflit, et que c'est une
27 façon de penser erronée, le poste.
28 Il a indiqué aussi qu'en Bosnie centrale, le conflit a éclaté le 14
Page 40626
1 janvier 1993, deux jours seulement après qu'à Genève, il y a eu
2 établissement d'une carte cantonale, en application du plan de paix Vance-
3 Owen. Chose qu'il ne pouvait certainement pas savoir aussi vite que cela.
4 Puis il avance une autre thèse qui lui a été présentée par Franjo
5 Nakic, au Tribunal et que je vais montrer sur un document, moi aussi. Alors
6 je ne vais pas dire comme M. Nakic que s'il n'y avait pas eu de réfugiés,
7 il n'y aurait jamais eu de conflit sur ces territoires-là, tout comme à
8 Mostar, non. Mais ce qui est certain c'est que les réfugiés qui n'avaient
9 aucune espèce de garantie pour ce qui était de pouvoir retournaient sur les
10 territoires dont ils ont été chassés, et la plupart d'entre eux ne sont pas
11 retournés dans la Republika Srpska. La grande majorité n'est jamais
12 rentrée, chez soi. C'est --
13 M. STRINGER : [interprétation] Pardonnez-moi, Général, si j'interromps. Je
14 regardais la version anglaise; peut-être que ceci m'a échappé, mais peut-
15 être que le général pourrait nous préciser et nous dire s'il connaît -- ou
16 s'il sait sur quoi il se fonde lorsque M. Shrader tire ses conclusions ou
17 fait ses observations qu'il présente aux Juges de la Chambre, à savoir si
18 c'est quelqu'un qui se trouvait dans la région à l'époque, si c'est
19 quelqu'un qui y participait aux négociations du plan Vance-Owen ? C'était
20 quelqu'un qui se trouvait en Bosnie centrale, ou est-ce qu'il s'agit d'une
21 étude historique qui se fonde sur des documents qui ont été lus après les
22 faits ? Il serait utile de connaître son point de vue et pourquoi par
23 rapport à cet ouvrage si le général le sait.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Shrader, à l'époque, n'a pas séjourné sur
25 ce territoire. Il disposait de certains documents et il a séjourné a
26 posteriori pendant longtemps sur le territoire de la Bosnie centrale, a
27 étudié non seulement les documents mais aussi il a passé son temps à
28 s'entretenir avec les gens, et il a rédigé ce livre contre signé par lui
Page 40627
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 40628
1 donc. Comme vous, Monsieur le Procureur, vous avez rédigé un acte
2 d'accusation partant de documents qui ont été mis à votre disposition, bien
3 que vous n'ayez jamais été vous-même sur le territoire de la Bosnie
4 centrale ni sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine en entier. Alors
5 dans ces notes de bas de page, lui, il indique chaque fois quels sont les
6 documents et quels sont les éléments auxquels il se réfère et les notes de
7 bas de page ont été traduites. Je vais continuer.
8 Mme PINTER : [interprétation]
9 Q. Un instant, Général. Le numéro de la page pour ce qui est de la note de
10 bas de page, à laquelle se réfère le général en dernier, c'est la note de
11 bas de page 5. En anglais, c'est 3D 33-0312; en version anglaise, toutes
12 ces versions -- ces notes de bas de page se trouvent à la fin du livre; et
13 à la fin du livre on l'a aussi à l'affichage électronique. On voit aussi
14 l'explication qui porte sur la source de certaines allégations, et je crois
15 qu'on a remis ce livre il y a plus d'un mois au Procureur, si ce n'est même
16 plus.
17 R. Alors maintenant on passe à la page 74 de la traduction en croate.
18 Q. Un instant, Général. La page en croate est la 3D 33-0145; en anglais,
19 c'est la page 3D 33-0249 jusqu'à la page 0250.
20 R. M. Shrader fait ici mention de ces trois éléments importants qui sont
21 caractéristiques des armées occidentales. Ce sont les trois C, donc le
22 commandement, le contrôle, et les communications. Il souligne de façon tout
23 à fait claire l'existence d'éléments extrémistes et criminels aussi bien au
24 sein du HVO que de l'ABiH. Il se réfère notamment aux problèmes du général
25 Blaskic. Or, manifestement, il a trouvé, dans le document, le fait qu'il
26 était impossible d'exercer en Bosnie centrale un commandement efficace, et
27 encore moins un contrôle efficace. En tant qu'officier qui a suivi les
28 formations de qualité supérieure, il est tout à fait évident pour lui que
Page 40629
1 ce système des trois C est difficile à mettre en œuvre même dans des armées
2 bien entraînées et très disciplinées. C'est d'autant plus impossible
3 lorsqu'on a affaire à des officiers et à des soldats qui sont des
4 volontaires lorsque les structures politiques exercent une influence sur la
5 nomination et la mise à pied des officiers et des commandants -- des
6 commandants qui sont subordonnés, et lorsqu'il y a des unités indépendantes
7 autonomes qui ne répondent devant personne de leurs activités. Tout comme
8 c'est particulièrement difficile, voire impossible, lorsqu'on est dans une
9 situation de chaos généralisé tel que cela l'était dans le cadre de cette
10 guerre défensive, ce qui a entraîné une augmentation de la criminalité tout
11 cela dans une situation où les communications étaient particulièrement
12 mauvaises. Alors vous avez vu à deux reprises que les représentants
13 politiques de la Bosnie centrale ont demandé mon retour en Bosnie centrale.
14 Je sais exactement comment les choses se présentaient parce que j'ai été
15 sur place et je sais donc pertinemment quelle est la force proprement
16 animale qui doit vous animer lorsque vous vous battez. J'y suis parvenu
17 dans une certaine mesure parce que vous vous battez pour mettre un minimum
18 d'ordre et tenir en échec des activités de groupes criminels afin que nous
19 soyons dans une situation où tout n'échappe quand même pas au contrôle.
20 Alors, bien entendu, cela a été beaucoup plus difficile pour Blaskic que
21 pour moi. Il existe tout de même des différences entre lui et moi, aussi
22 bien en terme d'éducation qu'en terme de force pour ce qui est de la force
23 dont chacun de nous dispose, à bien des égards à vrai dire.
24 Alors ensuite il est question des unités de volontaires nouvellement
25 formées, ainsi que des personnes qui sont des amis, qui sont originaires
26 d'un seul et même village, et également il est fait mention du fait que le
27 statut de commandant, la responsabilité de commandant il fallait la gagner
28 en quelque sorte. Nous verrons lorsque nous nous pencherons sur la période
Page 40630
1 où j'ai été à l'état-major à quel point le non-respect des ordres qui aient
2 été émis était une situation extrêmement fréquente. C'est pourquoi les
3 commandants étaient choisis entre les rangs des unités. Alors il dit
4 ensuite qu'il n'y avait pas de caserne, que cela signifiait que les soldats
5 rentraient chez eux en apportant leurs armes et par la suite de l'influence
6 politique. C'est en page 76.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de continuer ce livre, j'ai une question que
8 j'ai à vous poser. L'auteur de cette étude, qui est un Américain, donc a
9 priori neutre dans ce conflit vous ayant opposé à d'autres belligérantes,
10 vous cite une fois dans son livre. C'est à la note de bas de page 51. Vous
11 êtes cité une fois. Il s'appuie sur les procès Blaskic et Kordic. Ça semble
12 être la principale source d'information. Mais j'ai également noté qu'il
13 s'est appuyé également sur des documents du département d'Etat, donc il a
14 eu accès à beaucoup de documents. Comment se fait-il que vous n'ayez pas
15 envisagé de le citer comme expert pour votre Défense ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, la réponse est
17 très simple. C'est par manque de temps. Deuxièmement, il m'a semblé que le
18 simple fait qu'un ouvrage ait été écrit par cet homme il était suffisant
19 versé cet ouvrage et que, par conséquent, il ne sera pas nécessaire de
20 faire comparaître le M. Shrader, nous l'avons envisagé toutefois. Nous nous
21 sommes posé la question de savoir si c'était utile ou non.
22 Mme PINTER : [interprétation] Je voudrais juste ajouter une chose pour ce
23 qui est de votre question, Monsieur le Président, nous avons aussi
24 rencontré les limites qui sont celles des moyens dont dispose notre Défense
25 pour ce qui serait de demander la comparution d'un expert de cette
26 envergure.
27 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation était
28 sur le point de soulever une objection, mais c'est sans doute pour plus
Page 40631
1 tard lorsqu'on demandera le versement au dossier de cet ouvrage. Ce qui est
2 en train de se passer ici, c'est que la Défense tente de faire valoir un
3 témoignage d'expert, quelqu'un qui semble être qualifié. Il fait des
4 observations, il parvient à des conclusions sur des questions qui ont trait
5 au commandement et au contrôle de la HV en Bosnie centrale pendant la
6 période qui nous intéresse.
7 Ils peuvent évidemment verser au dossier ce livre, mais l'Accusation ne va
8 pas pouvoir contre-interroger ce monsieur. Donc il y a deux choses qui sont
9 en train de se passer ici. Nous avons, d'une part, des informations qui
10 émanent d'un expert ou en tout cas des informations qui sont versées au
11 dossier et présentées comme étant un témoignage d'expert et en même temps,
12 il n'y a personne ici dans le prétoire qui pourrait être contre-interrogé
13 sur les conclusions qui sont versées. C'est pour cette raison-là que
14 l'Accusation soulève son objection et s'oppose à ce que certains extraits
15 de cet ouvrage soient versés au dossier.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons bien pris note de cela, mais je dois vous
17 dire, à titre personnel, que si j'avais eu connaissance de ce livre quand
18 votre expert est venu, j'aurais pu lui poser des questions plus
19 pertinentes, car j'ignorais totalement l'existence de cette étude. Je
20 l'ignorais. En quoi votre expert est meilleur que celui-là qui, me semble-
21 t-il, est aussi un ancien colonel de l'armée américaine. Donc vous avez
22 raison en disant que ce qui compte c'est le témoin expert. Très bien. C'est
23 vrai, vous avez tout à fait raison. C'est pour cela que j'ai posé la
24 question à la Défense, mais pourquoi vous n'allez pas fait venir. Ils m'ont
25 dit, on a trouvé cela tardivement, puis on n'avait pas les moyens. Peut-
26 être. Quoi qu'il en soit, on a sous les yeux un document. Si la Défense en
27 demande l'admission, vous ferez vos objections, puis la Chambre décidera.
28 Maître Pinter.
Page 40632
1 Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaiterais
2 juste ajouter que, comme le général l'a dit, cet ouvrage a été élaboré en
3 se fondant sur des documents. Les références sont omniprésentes. Les
4 documents seront présentés comme ils l'ont déjà été jusqu'à présent.
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Puis-je poser une question. Cela ressemble
6 beaucoup à un témoignage par ouï-dire, donc si on dispose des documents et
7 que les documents sont présentés, à ce moment-là, on peut se servir des
8 documents pour tirer des conclusions. Si les conclusions sont analogues à
9 celles du monsieur en question, à ce moment-là, je ne vois pas pourquoi on
10 peut accorder un certain poids aux avis de M. Shrader.
11 Donc je ne pense pas qu'il y ait quelque chose d'inhabituel ici. Par
12 exemple, nous nous sommes servis de l'ouvrage de Lord Owen qui refuse de
13 venir témoigner pour qui que ce soit ici. C'était un candidat de choix pour
14 nous, mais il ne voulait pas venir. Il a écrit un ouvrage sur la base de
15 documents, et cetera, et de réunions. Donc en fait il s'agit d'un système
16 triangulaire, mais je crois qu'il faut tenir compte du fait que nous
17 disposons de ressources insuffisantes, en tout cas du côté de la Défense.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je découvre, je ne le savais pas que Lord Owen
19 a refusé de venir, parce que vous aviez envisagé de le faire venir, mais
20 vous aviez la possibilité de faire une subpoena.
21 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, de toute façon
22 lorsque vous donnez une injonction à comparaître à quelqu'un et le faire
23 venir, c'est deux choses différentes.
24 Ce témoin, à ce moment-là, devient un témoin hostile et il est très
25 difficile de recueillir des éléments positifs de quelqu'un comme ça lorsque
26 cela se passe ainsi. Avec l'expérience que j'ai, je sais que lorsqu'il y a
27 une injonction à comparaître pour un témoin, c'est une chose de leur parler
28 à l'extérieur du prétoire, mais lorsque vous les obligez à venir, c'est une
Page 40633
1 toute autre question. Lord Owen, pour être tout à fait honnête avec vous,
2 est quelqu'un qui est une personnalité politique de premier plan et il ne
3 souhaite témoigner pour personne. Ce n'est pas qu'il prenne partie d'aucun,
4 n'a accepté de témoigner, même M. Holbrooke, comme vous le savez, le faire
5 venir ici, ensuite de négocier avec le gouvernement américain sur ce qu'il
6 peut dire et ne peut pas dire et ce qu'il dira et ne dira pas. Bien
7 évidemment, en présence de certains témoins, nous sommes face à certaines
8 difficultés.
9 Pour les besoins du compte rendu, en réalité, je me suis rendu aux
10 Etats-Unis et j'ai rencontré M. Shrader et c'est quelque chose d'assez
11 difficile de faire venir quelqu'un comme lui ici, compte tenu des
12 ressources dont disposent les équipes de la Défense. Le temps que nous
13 avons, donc il faut faire la part des choses et savoir comment avancer pour
14 présenter nos moyens. Nous essayons en fait de mettre nos ressources
15 ensemble et nous essayons de pouvoir aborder certains thèmes.
16 Pour revenir au point que vous avez soulevé, je ne vois pas pourquoi
17 les Juges de la Chambre, qui ont une poche beaucoup plus profonde, je ne
18 vois pas pourquoi les Juges de la Chambre ne pourraient pas citer à la
19 barre M. Shrader. Si vous estimez que c'est utile, ceci pourrait être
20 étudié. Il habite en Pennsylvanie et il enseigne à West Point. Donc c'est
21 quelqu'un qui est tout à fait qualifié, il connaît la région, il connaît
22 les documents.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On a pris bonne note de l'idée que vous
24 avancez.
25 Maître Pinter.
26 Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Juste aux fins
27 du compte rendu d'audience et de son exactitude, dans le compte rendu, il
28 semblerait que vous ayez compris que la Défense a appris tardivement
Page 40634
1 l'existence de l'ouvrage de M. Shrader, mais ce n'est pas exact. Je pense
2 que c'est juste une question relative à l'interprétation. Il me semble que
3 vous n'avez peut-être même pas dit que la Défense avait appris tardivement
4 l'existence de cet ouvrage, mais que c'était vous peut-être qui aviez
5 appris récemment l'existence de cet ouvrage.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai du mal comprendre, donc je vous donne acte du
7 fait que vous connaissiez l'existence de cet historien.
8 Mme PINTER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
9 Q. Alors, Général, vous avez dit que nous passions à la page 76, qui en
10 version croate est la page 3D 33-0146; en version anglaise, c'est la 3D 33-
11 0252.
12 R. Oui, je souhaiterais simplement vous dire que pour la plupart des
13 sujets qui sont abordés par M. Shrader, les réfugiés, la chute de Jajce et
14 ainsi de suite, j'en ai parlé aussi. Donc on peut me poser des questions à
15 ces sujets.
16 Quant à cette section que nous avons sous les yeux, M. Shrader y aborde ce
17 qui a déjà été débattu à plusieurs occasions dans ce prétoire avec
18 différents témoins, à savoir quelle était l'influences politique des
19 différentes municipalités pour ce qui concernait la nomination et la mise à
20 pied des officiers. Il dit que les Etats-Unis, eux aussi, ont dû mettre en
21 œuvre des efforts considérables pour écarter l'influence qui était celle
22 des autorités politiques locales pour ce qui était des forces armées des
23 différents Etats lorsque les effectifs de ces dernières étaient appelés à
24 servir dans le cadre du service militaire fédéral. C'est la page 77 en
25 fait.
26 Q. Alors aux fins du compte rendu d'audience, les pages anglaises sont la
27 3D 33-0251 et 52. Afin de ne plus interrompre l'exposé.
28 R. Alors ici, M. Shrader fait état d'un événement qui nous est également
Page 40635
1 bien connu, ainsi qu'à M. Petkovic, c'est le suivant : Blaskic met un mois
2 à résoudre le problème d'un officier qui s'appelle Tuka, parce que les
3 hommes politiques de cette zone ne sont pas d'accord.
4 Ensuite M. Shrader parle de l'ABiH et du fait que pendant l'essentiel
5 de cette période il y a eu une situation de conflit entre son commandant
6 suprême, le président Izetbegovic, et le commandant Sefer Halilovic. Au
7 cours des journées suivantes, je le montrerais clairement pour les Juges de
8 la Chambre.
9 Donc un conflit important et ceci autour de questions fondamentales,
10 comme par exemple, la question de savoir si la République de Bosnie-
11 Herzégovine doit seulement se défendre contre les agressions des Serbes de
12 Bosnie. Il est ensuite question de désaccord autour de ceux qui sont
13 passifs ou inaptes. Ensuite il est question également de l'opposition entre
14 les partisans d'Izetbegovic d'une part, et ceux de Halilovic d'autre part.
15 Il est également question de ce que j'ai déjà évoqué, à savoir le
16 courant islamique fondamentaliste qui soutenait M. Izetbegovic, mais qui
17 prenait des décisions contre lui.
18 M. Filipovic en parle dans son propre ouvrage. Ce n'est pas un
19 Croate, mais un académicien musulman. Il dit que l'ensemble de cette
20 situation a miné ce qui pouvait exister d'esprit de coopération entre les
21 Croates et les Musulmans, qui étaient plus ou moins préparés à s'engager
22 dans cette voie. Ensuite il est dit qu'il existe également des conflits
23 entre Izetbegovic et Halilovic en ce qui concernait les membres des forces
24 de police de réserve du ministère de l'Intérieur et de leur présence au
25 sein de l'ABiH et ainsi de suite.
26 Je ne m'attarde pas dessus, Maître Pinter, car nous verrons cela plus
27 en détail dans des documents.
28 Q. Je voudrais juste donner le numéro de page. 3D 33-0148, pour la version
Page 40636
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 40637
1 croate; et 3D 33-0253 jusqu'à 0255 en version anglaise, afin d'éviter les
2 interruptions.
3 R. Ici, il est question de ces accusations selon lesquelles l'armée croate
4 se représente en Bosnie centrale. Il dit que, bien entendu, il s'agit de
5 propagande émanant de différentes sources qui visait à créer une fausse
6 image de ces différentes sources émanant de la communauté internationale.
7 Ensuite il est question de la soi-disant intervention de la part de l'armée
8 croate et il dit qu'il n'existe aucune preuve montrant que l'armée croate
9 aurait été présente en Bosnie centrale ou qu'elle soit intervenue de quelle
10 que façon que ce soit. C'est exact, mais nous l'avons vu à partir de
11 différents documents, à savoir qu'en 1992, à la fin du mois de novembre,
12 l'ABiH avait refusé de laisser passer vers la Bosnie centrale même le petit
13 nombre d'unités qui avaient été envoyées et étaient censées venir en aide à
14 Jajce.
15 Ensuite il parle des affrontements et de leur nature. Il dit que celle-ci
16 variait d'une localité à l'autre et il a raison. Il faudrait connaître
17 l'histoire de chacune de ces localités pour pouvoir percevoir ces nuances.
18 Les tentatives de généralisation ne sont possibles que dans une certaine
19 limite.
20 Il dit ensuite que les observateurs avaient tendance à voir des
21 soldats de l'armée croate partout et il explique comment l'on en venait à
22 ces affirmations, comment elles apparaissaient. Il dit que le HVO était
23 engagé dans un affrontement face à deux ennemis. C'est la page 88. Je ne
24 sais pas si vous en avez donné le numéro.
25 Q. Oui, c'est la page 3D 33-0149 en version croate.
26 R. Ensuite il parle de la façon dont l'information est parvenue jusqu'au
27 secrétaire général des Nations Unies, information indiquant qu'il y avait
28 trois brigades de l'armée croate en Bosnie centrale. Il dit qu'il s'agit de
Page 40638
1 fausses informations de la FORPRONU et que les autorités de la Bosnie-
2 Herzégovine faisaient circuler ces informations qui relevaient de la
3 propagande. Il s'agissait purement et simplement de mensonge. C'est ce que
4 j'affirme, mensonge qui a été réitéré, car non seulement, de leur point de
5 vue, il s'agissait de montrer le HVO, mais également le HV et la République
6 de Croatie d'une façon qui était complètement contraire aux comportements
7 qui étaient réellement les leur comme nous l'avons déjà vu.
8 Ensuite il dit que rien de tel n'a jamais été confirmé et il cite Mate
9 Granic. Le 11 juin 1993, disant que la Croatie ne disposait pas d'unités
10 armées. Il me cite également. Lorsque nous examinerons certains des
11 documents suivants, lorsqu'on en viendra à la période où j'ai exercé des
12 responsabilités de commandement à l'état-major, j'y reviendrai et je
13 montrerai de façon limpide et explicite qu'une telle thèse est absurde.
14 Il cite ensuite M. Bob Stewart, lors d'un procès dans cette même
15 enceinte, lorsqu'il dit que le bataillon britannique, le BritBat, ne
16 croyait pas, d'un point de vue général, en la présence du HV de l'armée
17 croate en Bosnie centrale. Ici c'est M. Shrader qui cite cela, alors vous
18 pourrez le retrouver également dans le compte rendu de l'affaire Blaskic.
19 C'est le célèbre Bob Stewart, comme le dit Shrader, qui dit que le
20 Bataillon britannique ne croyait pas que le HV soit présent en Bosnie
21 centrale. Alors le général Sir Roderick Cordy-Simpson, de la FORPRONU a
22 également déclaré que la FORPRONU ne disposait d'aucune confirmation de
23 rapport de cette nature et que lui, personnellement, n'avait jamais vu de
24 soldat de l'armée croate dans la zone de Kiseljak.
25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne sais pas si c'est
26 vraiment correct que vous faites. Voici une personne des Etats-Unis qui est
27 en train d'évaluer les moyens de preuve qui ont été présentés devant ce
28 Tribunal et qui en tire des conclusions. Je ne crois pas qu'on puisse
Page 40639
1 appeler ça un témoignage, absolument pas, de la part de M. Praljak. Vous
2 êtes en train de transmettre à la Chambre de première instance les opinions
3 de quelqu'un d'autre. C'est à la Chambre de première instance de faire
4 cela. Il y a une règle qui déclare qu'un expert ne peut pas se prononcer
5 sur les conclusions en tant que telles. C'est une règle. M. Karnavas sait
6 très bien à quoi je fais allusion d'ailleurs, et je pense qu'il va pouvoir
7 nous donner la référence exacte de l'article en question, et surtout la
8 dénomination exacte de cette règle. Monsieur Khan, aussi je le vois. Je
9 vois que je suis le seul ici qu'il soit parfaitement au courant de cela.
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Un expert ne peut absolument pas témoigner
11 sur les points définitifs, nommément sur des techniques -- sur la
12 technique, si on lui pose des questions sur les événements, éventuellement
13 il fait référence à un livre. Dans ce cas-là, ça ne doit pas être une façon
14 de montrer quelle est la connaissance qu'avait le général Praljak de
15 première main, en fait, cela coïncide avec ce qui est écrit dans le livre,
16 et dans ce cas-là, cela peut être moyen de preuve.
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, je pense qu'en effet ce serait
18 quand même beaucoup plus correct.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mon collègue a entièrement raison de vous
20 faire cette remarque. Il vous incombe, vous et votre avocate, parce que ce
21 livre se rapporte à deux témoins, le colonel Bob Stewart, et le général
22 Cordy-Simpson qui, apparemment, ont témoigné. Ça devait être d'ailleurs des
23 témoins de l'Accusation, je présume. A ce moment-là, c'est à votre avocate
24 de ressortir leurs témoignages dans le procès Blaskic, et de vous dire : M.
25 Stewart a dit ceci, qu'est-ce que vous en pensez ? Le général Cordy-Simpson
26 a dit ceci, qu'est-ce que vous en pensez ? Puis votre avocate, qui sait
27 normalement faire son travail, devrait également vous montrer la partie du
28 jugement dans l'affaire Blaskic où les Juges, à partir des cartes
Page 40640
1 d'identité, ont tiré la conclusion que la HV était présente. Et puis les
2 Juges, les quatre qui sont devant vous, lorsqu'ils auront à délibérer,
3 bien, ils en tireront les conclusions qui s'imposent.
4 Donc c'est un problème de technique d'introduction d'élément de
5 preuve. Voilà. Alors réfléchissez avec votre avocate comment faire, mais
6 mon collègue vous a bien expliqué le problème.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
8 les avocats s'en occuperont. Ce sont des choses que j'affirme. Je sais que,
9 lorsque l'accusé affirme quelque chose, son affirmation n'ait pas prise
10 pour être certainement vraie, donc on doute de sa véracité. Je me suis donc
11 efforcé de trouver des propos des personnes qui sont impartiales, qui sont
12 auteurs d'ouvrages, de livres, qui sont suffisamment formées dans des
13 questions dont elles traitent dans leurs livres, et cela me permet donc,
14 avec leurs propos à l'appui, d'affirmer devant la Chambre que j'affirme la
15 vérité.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous, vous affirmez, bien sûr, vous affirmez
17 sous serment, donc ça a une certaine valeur probante. Mais entre ce que
18 vous, vous dites sous serment et ce que peut dire un colonel de l'armée
19 britannique, ce que dira le colonel de l'armée britannique qui est beaucoup
20 plus neutre que vous, ça beaucoup plus de poids, vous comprenez, donc vous
21 pouvez affirmer, mais il faut le compléter par d'autres éléments.
22 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
23 une question technique de procédure qui nous préoccupe sans cesse. Dans son
24 témoignage, M. Praljak pourrait sans aucun problème se contenter de citer
25 la référence, par exemple, un livre, le livre de Shrader ou un autre, et
26 dire : vous trouverez les mêmes propos, les mêmes affirmations que je suis
27 en train d'avancer dans ce livre. Mais ce qui pose problème, ce sont les
28 Règles de procédure dans ce prétoire qui ne nous permettraient pas de
Page 40641
1 verser à ce moment-là ce type de livre ou ce livre, de le verser au
2 dossier. Donc ce sont des livres rédigés par des personnes tout à fait
3 qualifiées, comme Mme Thatcher, sur le plan politique, sur des questions
4 politiques, ou l'académicien Filipovic un homme qui a participé au premier
5 chef, aux événements, et ce sont sans aucun doute des preuves tout à fait
6 importantes. Mais d'après les Règles que nous suivons dans ce prétoire, pas
7 une seule page ne serait être versée, une page extraite d'un livre ou d'un
8 document si ça n'a pas été évoqué dans le prétoire. Donc c'est la raison
9 pour laquelle M. Praljak, après avoir témoigné sur la majeure partie de ces
10 sujets déjà, s'efforce de démontrer cela avec des propos de personnes
11 qualifiées à l'appui. J'ajoute --
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Il n'y a aucun problème. La seule difficulté que mon
13 collègue a soulevé à juste titre c'est que votre client lit une page d'un
14 livre. Bon, très bien. Mais il aurait pu, en répondant à la question de Me
15 Pinter en disant : voilà, moi, j'ai toujours affirmé que l'armée croate
16 n'était pas présente en Bosnie-Herzégovine, et j'en ai pour preuve le
17 contenu de ce livre. Puis il s'arrête. A ce moment-là, vous ou votre
18 collègue, vous lui dites : dans ce livre, il y a Bob Stewart qui est cité,
19 et vous mettez sous le nez de votre client la déclaration de Stewart dans
20 l'affaire Blaskic, ainsi de suite. Voilà.
21 Car vous savez que pour admettre, la Chambre, elle, doit vérifier
22 deux choses, la pertinence et une valeur probante possible. C'est au
23 travers de cela que nous pouvons admettre un document présenté à un témoin,
24 mais si le document n'a pas été présenté à un témoin, il y a les lignes
25 directrices qui s'appliquent, c'est beaucoup plus compliqué parce qu'il
26 faut expliquer pourquoi ce document n'a pas été montré, quels sont les
27 paragraphes, et cetera, et cetera.
28 Mais là, vous avez l'occasion idéale de montrer à M. Praljak les
Page 40642
1 témoignages de Bob Stewart et de Cordy-Simpson en disant : voilà au
2 transcript page, et cetera, il a dit ceci. Est-ce que vous êtes d'accord
3 avec lui ou pas ? Puis après, vous demandez l'admission du transcript,
4 qu'il a, lui, approuvé ou contredit.
5 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
6 nous souscrivons entièrement à ce que vous venez de dire, mais là encore,
7 il y a un problème technique qui se pose. Nous avons prévu le volume de
8 témoignages de M. Praljak dans un premier temps en tenant compte du temps
9 qui nous est alloué, parce que nous ne pouvons pas dépasser ce temps-là.
10 Nous nous sommes dit que, sur le plan de l'efficacité, nous gagnerons si
11 nous permettons au général de s'exprimer librement sur les parties qui
12 viennent étayer ses thèses, tout simplement.
13 Parce que, sinon, ma consoeur pourrait poser une centaine de
14 questions détaillées pour parcourir ce livre, mais ça prendra beaucoup plus
15 de temps. Vous le comprenez.
16 Mme PINTER : [interprétation] Juste pour ajouter. Note de bas de
17 page, 3D 33-0316 en version anglaise, M. Shrader, l'auteur du livre. Oui,
18 je répète, 3D 33-0316. Note de bas de page numéro 42, on cite avec
19 exactitude la date de la déposition de Bob Stewart et de M. Roderick Cordy-
20 Simpson, le 4 août 1999. Dans le livre même, il s'agit là de citations qui
21 figurent entre guillemets. Mais si la Chambre souhaite que nous soumettions
22 les transcriptions des dépositions de ces témoins dans l'affaire Blaskic,
23 si le temps nous le permet, nous le ferons. Cela dépend du temps
24 uniquement.
25 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je suis un peu
26 inquiet parce que nous divergeons énormément là. Nous sommes loin de la
27 procédure. Bon, les livres servent, c'est sûr, et nous venons, certes,
28 d'une autre procédure mais nous comprenons bien que les livres peuvent être
Page 40643
1 utiles. Les livres par Margaret Thatcher, par Lord Owen, par M. Alagic, ce
2 sont des livres écrits par des personnes qui ont participé directement aux
3 événements et qui ensuite ont écrit par la suite à propos de ces
4 événements. La Chambre de première instance, dans ses Règles de procédure,
5 se déclarerait prête à accepter des livres ou des passages de livres. Mais,
6 bon, on comprend bien quand même que toute personne qui écrit un livre a
7 tendance parfois à raconter l'histoire, sa propre version des faits. Et la
8 Chambre de première instance le sait bien et le prend en compte, j'en suis
9 sûr, lorsqu'elle décide du poids à donner à des passages de livres.
10 Mais ce livre-ci, il est différent. Ce livre n'a pas été écrit par
11 Lord Owen ou Margaret Thatcher qui étaient participants aux réunions ou qui
12 étaient comme le connaisseur qui était là. Ici, c'était un historien qui a
13 lu des documents, qui s'est peut-être rendu sur place par la suite, qui a
14 parlé à différentes personnes, et qui a rédigé ce qu'on pourrait appeler un
15 rapport d'expert.
16 Donc on a déjà vu des historiens qui sont venus pour témoigner, mais
17 ils viennent ici pour témoigner, et leur rapport et leurs conclusions sont
18 soumis à un contre-interrogatoire, aux questions des Juges, et cetera. Or,
19 ici, ce n'est pas le cas. Donc ce livre est différent. C'est un ouvrage
20 parfaitement différent que d'un livre qui aurait été écrit par Margaret
21 Thatcher, par exemple.
22 Ensuite, et je dis cela pour le compte rendu uniquement, Monsieur le
23 Président, vous avez exprimé la possibilité d'accepter des comptes rendus
24 de témoins qui ont témoigné dans d'autres affaires, comme le colonel
25 Stewart ou comme M. Cordy-Simpson, qui, en effet, ont été témoins dans
26 l'affaire Blaskic. Le colonel Stewart d'ailleurs était témoin de la
27 Chambre, il a été appelé par le Juge Jorda, et la Chambre de première
28 instance à la fin -- il a été appelé par le Juge à la fin de la
Page 40644
1 présentation des moyens à charge.
2 Mais il existe des règles qui permettent à des comptes rendus
3 d'autres affaires d'être présentés, dans une affaire 92 bis, de la 92 ter.
4 Donc si la Chambre de première instance ou si la Défense Praljak veut
5 verser au dossier les comptes rendus du colonel Stewart ou d'autres, ils
6 peuvent le faire, bien sûr, mais il faut quand même le faire au titre des
7 règles qui l'autorisent. Ils ne peuvent pas juste les présenter comme ça au
8 passage avec un livre qui aurait été écrit par un soi-disant expert, une
9 personne qui, certes, semble posséder des qualifications importantes dont
10 des passages du livre sont versés au dossier, mais ne soumets pas de
11 contre-interrogatoire ensuite.
12 Donc on ne peut pas contre-interroger ce M. Shrader. On ne peut pas
13 contre-interroger non plus les comptes rendus auxquels il fait référence
14 dans les passages du livre. Donc on en arrive à différentes couches des
15 milles feuilles si je puis dire, on n'est plus en plus loin en fait en
16 matière d'équité puisque l'Accusation ne peut absolument pas traiter tous
17 ces moyens de preuve, elles sont trop séparées en fait et on est maintenant
18 trop éloigné de la façon dont on traite les témoignages d'expert en
19 l'affaire.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Le Juge Prandler a quelque chose à dire. Mais avant
21 que mon collègue intervienne, je voudrais dire ceci.
22 Je partage aussi le point de vue que M. Stringer vient d'exprimer. La
23 Défense, vous auriez pu également demander à Shrader de faire un témoignage
24 92 ter au terme duquel il aurait dit : Je suis historien, je travaille pour
25 l'armée américaine, ou je ne sais quoi, j'ai fait des études diverses en
26 Corée ou ailleurs. Je me suis intéressé aux événements dans l'ex-
27 Yougoslavie pour telle ou telle raison. Je suis neutre. Voilà les résultats
28 de mes travaux, et cetera, et cetera.
Page 40645
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 40646
1 Puis vous auriez demandé, vous l'auriez mis sur votre liste de
2 témoins et le Procureur, comme il vient de le dire, voyant cela, il aurait
3 dit : Moi, je veux le contre-interroger, et à ce moment-là, vous, vous
4 demandiez l'admission de sa déclaration; ça ne vous prenait pas de temps
5 puisqu'à ce moment-là, vous ne demandez rien, et c'est le Procureur, on lui
6 aurait donné deux heures, trois heures pour le contre-interroger. Ça aurait
7 été un moyen technique de faire entrer ce type d'élément de preuve. Mais je
8 crois que le Juge Prandler à quelque chose à dire.
9 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
10 Président. Je ne voudrais surtout pas prendre votre temps précieux, mais
11 j'aimerais ajouter ma voix à ce qui vient d'être soulevé par mes confrères
12 et exprimer toute ma prudence. Je voudrais peut-être aborder un autre point
13 qui n'a pas encore été discuté en détail en tout cas. Le fait que ce livre
14 se concentre principalement, c'est : "La guerre civile en Bosnie centrale".
15 Donc ça c'est le titre que je cite. Donc on est en Bosnie centrale.
16 Je veux bien l'étudier, le lire, mais sachez quand même qu'une grande
17 partie de ce livre et les passages que nous avons abordés d'ailleurs
18 jusqu'à présent porte principalement sur des points qui ne sont pas
19 soulevés dans l'acte d'accusation. Il faut quand même garder à l'esprit,
20 tout ceci doit être garder à l'esprit. Bon, je ne suis pas contre des
21 déclarations de témoins éventuels, des rapports experts, et cetera. Mais
22 nous devons nous concentrer sur ce qui nous intéresse c'est-à-dire ce qui
23 est allégué dans l'acte d'accusation. J'aimerais donc entendre, M. Praljak
24 et ses conseils à ce propos, s'il vous plaît.
25 Mme PINTER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
26 Messieurs les Juges. Permettez-moi de répondre à cette observation disant
27 que le livre porte sur la Bosnie centrale et que ceci ne fait pas l'objet
28 de l'acte d'accusation en l'espèce. Permettez-moi de signaler les
Page 40647
1 paragraphes 33, 34, l'entreprise criminelle commune, l'affirmation qui
2 figure à l'acte d'accusation comme quoi les forces croates assurent la
3 défense des Croates de Bosnie-Herzégovine, ont commencé le conflit à tous
4 les endroits indiqués, donc comme étant les endroits pertinents en
5 République -- Communauté croate d'Herceg-Bosna.
6 Nous avons, on nous a reconnu le droit de démontrer le contraire,
7 suite donc par votre décision. Je rappelle, je me permets de rappeler que
8 la charge de la preuve repose sur l'Accusation et non pas sur la Défense.
9 Par la présentation de ces livres, nous avons cherché à vous
10 présenter d'autres possibilités, et le général Praljak depuis le tout début
11 de sa défense, c'est-à-dire plutôt depuis le début de son témoignage,
12 depuis le 4 mai jusqu'à aujourd'hui, a réitéré, a rappelé plusieurs fois
13 les documents qui témoignent de la présence, c'est-à-dire de l'absence de
14 la HV en Bosnie-Herzégovine ou plus précisément en Communauté croate
15 d'Herceg-Bosna.
16 En d'autres termes, le général Praljak, à d'innombrables reprises, a évoqué
17 ici les circonstances qui concernent cela et que cela vient étayer.
18 Q. Mon Général.
19 R. Je pense que nous n'avons plus besoin d'évoquer ce livre. Il n'y a pas
20 de points particulièrement intéressants, au plus je voulais parler de la
21 présence de l'armée croate en Bosnie centrale. Je voulais évoquer la
22 possibilité de diriger le HVO vu les problèmes de structure de
23 commandement, de contrôle, de communications au sein du HVO. Je voulais
24 parler de l'ingérence de la politique.
25 Bien entendu, je suis d'avis qu'il serait indispensable de démontrer
26 que cette attaque de l'ABiH au sujet de laquelle Alagic et autres parlent
27 dans leurs livres, comment cela s'est étendu vers le sud et comment ce
28 chaos s'est intensifié. Donc le problème est de savoir qui gère le chaos,
Page 40648
1 qui l'a fabriqué initialement et de quoi suis-je responsable. La substance
2 de cette espèce est la compréhension générale des choses, est-ce que ces
3 six hommes avaient la puissance, laquelle leur permettant de mettre un
4 terme à cela. J'en parle et d'autres personnes en parlent de mes
5 attributions et de la manière dont je m'en suis servi. Car c'est la
6 substance qui est de savoir si un certain nombre de choses qui se sont
7 produites vont être imputées à des personnes qui se sont trouvées sur
8 place.
9 Par exemple, est-ce que cela va m'être imputé à moi ? Est-ce que
10 j'avais le pouvoir me permettant de faire en sorte que des crimes ne se
11 produisent pas pendant cette guerre ? C'est ça l'essentiel. Donc est-ce que
12 j'ai mal agi ? Dans toutes les guerres, il y a des choses qui enfreignent.
13 Donc la question est de savoir si on peut accuser tel ou tel général de ce
14 qui a été fait. Donc la politique de la France, des Etats-Unis d'Amérique,
15 des Serbes, d'Alija, des fondamentalistes, est-ce que cela a produit
16 quelque chose de quoi je ne souhaite pas répondre ? Je suis resté en plein
17 chaos. Je ne suis pas parti en Allemagne parce que je n'ai pas souhaité le
18 faire vu mon âge.
19 Donc si on sort les choses du contexte, on peut démontrer tout et son
20 contraire. Mais nous avons suffisamment parlé de ce livre. Je pense qu'on
21 finirait par se répéter. Donc j'affirme, comme M. Shrader, que l'attaque
22 lancée par l'ABiH en Bosnie centrale était quelque chose de planifié et que
23 c'était une agression et qu'ils ont eu du mal à se maintenir jusqu'au bout.
24 Alagic l'affirme, Shrader l'affirme, Praljak l'affirme. Voilà, je vous en
25 remercie.
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Je souhaitais simplement faire un
27 commentaire qui soit consigné au compte rendu d'audience, compte tenu des
28 observations de M. le Juge Prandler. En fait, j'ai lu ce livre à plusieurs
Page 40649
1 reprises et je peux témoigner du fait que, compte tenu de ce qui figure
2 dans l'acte d'accusation, ceci est très pertinent.
3 Ce que M. Shrader fait c'est ceci, il fournit d'autres explications
4 aux événements qui sont liés à l'acte d'accusation et qui sont liés à
5 l'entreprise criminelle commune. Donc on ne peut pas disséquer quelque
6 chose et le séparer, dire que là, c'est la Bosnie centrale. Ceci n'est pas
7 pertinent. Si je me souviens bien et si je puis rappeler à tous et chacun
8 que l'Accusation a présenté dans ses arguments qu'il s'agissait de
9 nettoyage ethnique inversé.
10 Je comprends bien la frustration du général Praljak. Peut-être que
11 nous pourrions revenir à cet ouvrage. Je souhaite simplement que soit
12 consigné au compte rendu ce qui est évoqué dans ce livre, c'est tout à fait
13 lié à l'entreprise criminelle commune qui a un effet de domino. On ne peut
14 pas séparer l'un de l'autre. Ceci a une incidence sur l'entreprise
15 criminelle commune et c'est très pertinent.
16 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je remercie Me Karnavas pour
17 son explication. Je souhaite tout d'abord dire ceci et je souhaite que ce
18 soit consigné. Je n'ai jamais douté du fait que certains passages du livre,
19 et j'ai regardé ces passages du livre. Ces passages sont tout à fait
20 pertinents. Ce que j'ai dit, c'est que l'ouvrage dans son ensemble. Il
21 parle de la Bosnie centrale et certains passages, je reconnais, ont trait
22 aux questions qui se posent à nous et à l'acte d'accusation. Pour ce qui
23 est de l'ensemble de l'ouvrage, non, mais ce que je constate d'après ceci,
24 ceci serait pertinent pour nous. Encore une fois, je vais vous dire que je
25 vais relire cet ouvrage dans son intégralité au fil des prochains jours.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour terminer le sujet, vous avez dit tout à l'heure
27 : "J'affirme que l'ABiH avait planifié ces attaques en Bosnie centrale."
28 Vous le dites sous la foi du serment, mais sur le plan technique, votre
Page 40650
1 avocate, elle aurait dû vous présenter en disant, voilà il y a un livre qui
2 est écrit par un Américain très connu, et cetera. Vous dites, oui, il y a
3 un livre. Elle vous pose la question : pourquoi voulez-vous parler de ce
4 livre ? Là, vous dites : parce que j'affirme que c'est l'ABiH qui a fait
5 une attaque pendant toute l'année 1993 en Bosnie centrale. A ce moment-là,
6 elle vous dit : mais sur quoi vous vous appuyez pour dire cela ? Vous dites
7 : il suffit de regarder l'annexe B du livre où il y a tous les documents du
8 3e Corps qui l'attestent.
9 A ce moment-là, votre avocate introduit des documents en disant,
10 voilà je vais vous présenter le document de la 7e Brigade de ci, de ça, et
11 cetera. Voilà.
12 C'est comme ça qu'il faut faire. Je ne vais pas faire des cours sur
13 la façon dont on doit présenter des éléments de preuve de la manière la
14 plus efficace.
15 Maître Pinter, continuez.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
17 les avocats ne sont pas des experts sur le plan militaire, mais la page
18 119, posez-moi vos questions comme nous le suggère M. le Président.
19 Mme PINTER : [interprétation]
20 Q. Oui, tout à fait. Général, c'est ce que je vais faire. Pages 119 et
21 120, en particulier 120 du livre, en version anglaise, 3D 33-0264; 3D 33-
22 0161, en version croate. Il est question du mois de janvier 1993 et des
23 premières attaques test de l'ABiH. Nous avons déjà évoqué le mois de
24 janvier, nous avons parlé de la situation qui prévalait à Gornji Vakuf, et
25 pas seulement à Gornji Vakuf. Nous avons parlé de Novi Travnik en Bosnie
26 centrale où il y a eu des problèmes également.
27 S'agissant maintenant des événements en Bosnie centrale, également des
28 événements qui se sont produits à Mostar -- ou plutôt, des événements qui
Page 40651
1 concernent l'Etat-major principal, puis Novi Travnik, Zenica et Busovaca;
2 tous ces événements font l'objet du livre de M. Shrader ?
3 R. Oui, justement. C'est ce que j'affirme et c'est ce que j'ai déjà dit
4 ici et c'est ce dont témoigne M. Shrader. a) Que les attaques test lancées
5 par l'ABiH ont commencé en janvier 1993, que dès la fin de l'année 1992, un
6 certain nombre de brigades de l'ABiH ont été déployées à des endroits clé
7 le long de la vallée de Lasva.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, très bien de dire ça, mais c'est à
9 ce moment-là que votre avocate doit présenter un document comme quoi les
10 brigades ont été déployées dans la Lasva. A ce moment-là, elle vous
11 présente le document et vous expliquez que ce document prouve qu'ils
12 avaient déjà préparé le terrain, et cetera.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, Monsieur le Juge Antonetti, croyez-moi,
14 j'ai eu beaucoup de personnes faisant partie de mon équipe, une centaine de
15 personnes pourraient suivre chacune des unités. M. Shrader cite une carte,
16 une note de bas de page, de la disposition des forces du 3e Corps et il
17 dit, KCD 189, et dit : où sont déployées la 325e, 333e, 309e et des parties
18 de la 7e Brigade motorisée musulmane ? Ce déploiement nous permet de
19 comprendre s'ils sont tournés vers ou contre le HVO. C'est ce que dit
20 également le général dans ce livre très précisément. C'est un général, il
21 dit : "Nous avons déployé des unités derrière le dos du HVO et ils ne s'en
22 sont pas aperçus."
23 Q. Alagic ?
24 R. Alagic, c'est lui qu'il affirme. Donc je pourrais dessiner 200 cartes
25 de plus, mais je ne suis plus en mesure de faire cela. Mais nous avons ici
26 des preuves tout à fait claires. Si Alagic le dit dans son livre, si
27 Shrader vient l'affirmer lui aussi. Alors prenez mes propos exprimés sous
28 serment. Si --
Page 40652
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites, on a des preuves extrêmement claires.
2 Vous savez que les Juge, pour se déterminer, il leur faut des éléments
3 irréfutables. Pour avoir des éléments irréfutables, ils ne vont pas se
4 contenter de votre parole, même si elle est sous serment. Il faut que ce
5 que vous dites soit étayé par des documents irréfutables. Par exemple, le
6 déploiement des unités, des rapports, et cetera. A ce moment-là, ça donne
7 une valeur probante supérieure à ce que vous dites.
8 Parce que le Procureur, lui, il a une autre thèse et vous le savez
9 très bien. L'autre thèse, c'est vous qui avez attaqué. Dans son contre-
10 interrogatoire il va certainement venir avec des documents prouvant que
11 c'est vous qui avez attaqué et pas eux. Vous avez compris ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact, j'ai bien compris. Mais qu'on ne montre
13 un seul document concernant notre attaque. Est-ce qu'on a vu, jusqu'à
14 présent, un seul document pour ce qui est d'une attaque de notre part à
15 Gornji Vakuf, mis à part cet officier anglais qui dit, oui sur une carte
16 que j'ai travée moi-même. C'est moi qui l'ai tracé et je lui ai posé la
17 question à ce monsieur.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous montrez des documents qui étayent votre
19 théorie et que le Procureur est dans l'incapacité de prouver le contraire,
20 la Chambre en conclura que vous avez raison. Voilà. Mais la Chambre ne
21 pourra pas arriver à cette conclusion uniquement sur ce qu'a dit cet
22 historien américain. Il lui faut d'autres éléments.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, j'en ai
24 parfaitement conscience, mais ça fait trois ans qu'on est là, je n'ai vu
25 aucun élément de preuve pour ce qui est d'une attaque du HVO, mis à part
26 des déplacements tactiques pour ce qui est d'une attaque contre l'ABiH. Je
27 n'ai pas vu un seul élément de preuve où nous aurions, de quelque façon que
28 ce soit, déplacé de la population de la Bosnie centrale pour faire en sorte
Page 40653
1 que l'Herzégovine occidentale, qui était déjà archi pleine de Croates soit
2 encore plus remplie de Croates. Donc de quoi se défend-on.
3 J'ai affirmé que ce ballon d'essai d'attaque, pour ce qui est de la prise
4 de Vakuf, c'est, comme je l'ai expliqué, ce que dit Shrader, il voulait
5 exercer un contrôle pour ce qui est de cette route, comme on l'indique ici,
6 et ils se sont comportés de la sorte. C'est chaque militaire qui va tirer
7 ce même type de conclusion. On peut faire venir qui on veut partant des
8 documents qui existent et partant des éléments de preuve déjà présentés.
9 J'ai expliqué combien de fois nous avons essayé de surmonter le problème.
10 Indépendamment de ce qu'il en sera, j'en termine avec ce livre. Il n'est
11 point nécessaire de continuer.
12 Mme PINTER : [interprétation]
13 Q. Pour votre information, nous avons à peine commencé pour ce qui est de
14 la Bosnie centrale. On n'en est pas encore venu aux documents, mais on a
15 commencé avec le livre. Mais il me semble que l'heure est venue de faire la
16 pause.
17 R. On va passer à un domaine autre.
18 M. KARNAVAS : [interprétation] Je voulais faire une observation, compte
19 tenu des remarques du président. Il y a peut-être un problème de
20 traduction. Il y a un déplacement dans la charge de la preuve. L'Accusation
21 a des allégations qu'elle doit prouver, à savoir si la Défense peut
22 démontrer le contraire. Ce n'est pas cela, eux doivent vous le prouver --
23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Karnavas, je ne suis
24 absolument pas d'accord avec vous.
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ceci n'a jamais été mis en cause.
27 Les Juges de la Chambre sont tout à fait conscients du fait que c'est à
28 l'Accusation que revient à la charge de la preuve les faits qu'elle avance.
Page 40654
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 40655
1 Ce n'est pas à la Défense de démontrer le contraire, mais c'est à la
2 Défense de faire peser suffisamment de doute sur les accusations que nous
3 reprochons à l'accusé. Il faut être convaincu au-delà de tout doute
4 raisonnable. C'est tout ce que nous demandons à la Défense. Soyez rassuré,
5 ceci est tout à fait clair aux yeux de chaque Juge de ce Tribunal.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, avant la pause --
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je remercie Monsieur le Juge Trechsel. Voilà
8 le problème de l'armée croate. On sait de la bouche du Procureur que
9 certains ont vu quelque chose. Il y en a un qui a vu que c'est une
10 division, alors qu'il n'a vu que 50 personnes près de Metkovic. Alors il
11 faut qu'on prenne en considération mes ordres disant que le HVO ne devait
12 pas y aller, puis Susak, puis Stipetic, puis tracer les cartes.
13 Monsieur le Juge, je ne sais pas comment d'argument suffira-t-il dans le
14 sens contraire pour être en partie sûr d'avoir expliqué le fait de ce que
15 l'on entendait par armée croate là-bas. C'est la forme que prend le procès
16 ici. Appelons cela peur, entre guillemets, qu'on ne fasse venir Shrader et
17 Bob Stewart à la rescousse, une fois de plus et une fois de plus encore;
18 alors n'était-il pas nécessaire pour le Procureur de nous montrer tel
19 document - et ils ont tous les documents là-bas - de l'état-major principal
20 du HV pour ce qui est de l'envoi de la 5e Brigade sur le territoire de la
21 Bosnie-Herzégovine. S'il avait pu le montrer, je n'aurais rien à dire.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, il n'y a pas non plus de désaccord
23 avec vous. Le seul problème, c'est que la Chambre a fait un constat
24 judiciaire sur le conflit armé international. Ce conflit armé international
25 a été acté dans un jugement Blaskic. Donc le Procureur qui a la charge de
26 la preuve se contente de cela. Il dit, Voilà, il y a un conflit armé
27 international; la preuve l'armée croate était en Bosnie-Herzégovine. Puis
28 il n'a pu rien à dire.Mais si vous voulez démonter cela, il faut que vous
Page 40656
1 attaquiez cela par d'autres témoignages. Donc il n'a pas un renversement de
2 la charge de la preuve, mais il y a déjà le conflit armé international qui
3 est acté déjà.
4 Donc vous, pour le démonter, il faut que vous introduisiez vos
5 propres éléments de preuve. C'est à vous de contre-attaquer; sinon, le
6 constat qui a été fait restera et le Procureur n'aura même pu besoin de se
7 fatiguer pour cela. Donc si vous voulez l'obliger à travailler et à vous
8 contre-interroger, introduisez des éléments qui contredisent le dit
9 constat. C'est ça qu'on essaie de vous faire comprendre.
10 Voilà. Nous allons faire une pause de 20 minutes.
11 --- L'audience est suspendue à 17 heures 38.
12 --- L'audience est reprise à 18 heures 00.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. Il nous reste une
14 heure.
15 Mme PINTER : [interprétation]
16 Q. Général, nous passons à un autre sujet. Avez-vous connaissance ? Si
17 oui, que savez-vous au sujet de ce référendum qui s'est tenu au mois de
18 juillet, à Knin, le 19 juillet, et où il devait y avoir une réunion du
19 gouvernement de la Krajina serbe et de la Republika Srpska ?
20 R. Le référendum ne s'est pas tenu à Knin seulement mais sur le territoire
21 entier de deux états serbes, comme ils les appelaient eux-mêmes, la
22 Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine et l'Etat de la Krajina serbe en
23 Croatie dans les régions qui sont indiquées sur cette carte.
24 Q. Le 31 octobre 1992 déjà, il y a eu une déclaration dite de Prijedor
25 adoptée par les Serbes où ils ont dit que les systèmes juridiques de la
26 Republika Srpska, et dans la Krajina, qui se trouvent, elles, en Croatie
27 sur les territoires occupés et dans la Republika Srpska, allaient être
28 identiques. Donc ils auraient le même emblème, le même drapeau, le même
Page 40657
1 hymne et tout ce qui est nécessaire pour créer un Etat commun.
2 Ensuite le 20 juin 1993, le 27 juin 1993, il s'est tenu un référendum pour
3 les Serbes dans la Republika Srpska, pour ne pas dire ce qu'il est convenu
4 d'appeler la Krajina serbe et la Republika Srpska, donc l'une en Croatie
5 l'autre en Bosnie-Herzégovine, et la question se lisait comme suit, je cite
6 :
7 "Etes-vous favorable à l'indépendance de la République de la Krajina serbe
8 et de la Republika Srpska, et ultérieurement avec les autres régions serbes
9 ?"
10 Il manque le mot d'unification. En faveur à ce référendum, il y a eu
11 498 % des votants à avoir voté pour.
12 Avant cela, les généraux de l'armée de la Republika Srpska et de l'armée de
13 cette République serbe avaient signé un accord d'entraide militaire en cas
14 d'attaque, sur quelle que partie que ce soit de cette Serbie occidentale.
15 On a parlé de cette politique à plusieurs reprises. On a estimé que toutes
16 ces régions de la République de Croatie et de la République de Bosnie-
17 Herzégovine qui étaient contrôlées par les Serbes, c'était la Serbie
18 occidentale.
19 Ensuite le 30 mai 1993, lors d'une session des défections politiques de la
20 République de la Krajina serbe et de la Republika Srpska, Biljana Plavsic a
21 proposé que soit adopté lors des sessions des assemblées respectives des
22 conclusions portant création d'une assemblée conjointe et d'un Etat commun,
23 partant des deux entités ou états dont nous avons parlé jusqu'à présent,
24 donc de la Krajina serbe et la Republika Srpska. Puis elle dit un peu plus
25 loin que cela ne mène à rien que de tenir davantage de propos vides de
26 sens. Radovan Karadzic, lui, a dit : les aspirations des peuples à l'égard
27 de l'unification sont évidentes, et il faut que nous en tenions compte. Ces
28 aspirations seront réalisées soit maintenant soit ultérieurement. Cet Etat
Page 40658
1 unifié se réunifiera avec l'Etat à l'est de la Drina. La Republika Srpska,
2 la Krajina serbe, finiraient par se réunifier avec la Serbie.
3 Q. Qu'est-ce que cela signifierait pour ce qui est de la Croatie et de la
4 Bosnie-Herzégovine ?
5 R. Moi, ce que je souligne constamment pour ce qui est de cette thèse du
6 prétendu conflit international qui est avancé ici, je ne sais pas comment
7 la chose peut-elle démontrer, parce que les Serbes n'ont pas attaqué la
8 Bosnie-Herzégovine et la Croatie de façon distincte. Ils se sont attaqués
9 aux Musulmans et aux Croates, sur le territoire de la République de Croatie
10 et sur le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine.
11 Si elle avait eu la force, d'après ce que j'ai pu lire, en matière de droit
12 international, la Croatie avec ses unités pouvait pour ce qui est de cet
13 Etat qui la dépossédait d'un tiers de son territoire, pouvait l'attaquer
14 n'importe où. La Croatie l'a fait, en 1995, dans l'opération Tempête. Bien
15 sûr, lorsqu'elle a obtenu le feu vert de la part de la communauté
16 internationale. Parce que celle-ci ne pouvait pas résoudre le problème.
17 Le droit c'est le droit mais ce que dit l'Amérique c'est plus le droit que
18 ce que dit le droit international. Moi, je vous le dis, je vous l'affirme.
19 Q. Mon Général, est-ce qu'en République de Croatie, on s'est efforcé de
20 façon juridique à régler la question de cette aspiration à la réunification
21 de ces deux entités ?
22 R. Oui, bien sûr, le parlement a dit que ce n'était pas valide, la
23 question de la cour constitutionnelle.
24 Q. La cour constitutionnelle, mais la guerre n'est pas tranchée par une
25 décision de la cour constitutionnelle, ou ça a été tranché par la victoire
26 de l'armée sur le terrain. Malheureusement il en était ainsi.
27 Q. Ce qui est dit ici c'est ce qui est repris dans le livre de Slavko
28 Degoricija, qui dit : ça n'a pas été pour rien. 3025 -- 2656. Vous l'avez
Page 40659
1 lu ce livre, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous parlez, il faut vous suivre parce que
4 vous dites beaucoup de choses et parfois on peut avoir du mal à vous
5 comprendre. Bon. L'opération Tempête, nous, on n'en est pas saisi, hein, on
6 est bien d'accord. Mais vous dites : quand il y a eu l'opération Tempête,
7 la communauté internationale a donné son accord. En disant cela, vous en
8 avez des preuves ou pas ou c'est une spéculation ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, il ne s'agit pas d'une
10 spéculation là. Il existe des éléments de preuve tout à fait clairs parce
11 que tous les participants à tout ce qui s'est passé se sont prononcés en
12 faveur. Lorsque tous les plans sont tombés à l'eau pour ce qui était de
13 trouver une solution, alors Franjo Tudjman avec l'armée croate a préparé
14 des activités visant à libérer ces territoires. D'après ce que je n'arrête
15 pas de dire et que nous allons encore voir, il s'est efforcé d'harmoniser
16 ses activités à ce moment-là avec les Américains, et littéralement --
17 littéralement pour ce qui est de l'argumentation visant à devoir le faire,
18 les Américains n'ont pas dit : oui, mais en se taisant, ils ont laissé
19 faire. C'est Holbrooke qui le dit dans son livre. C'est d'autres
20 intervenants encore qui l'indiquent. Je pourrais vous avancer plusieurs
21 sources à cet effet. Il nous a même qualifié, Holbrooke, à même il dit
22 qu'il ne pouvait pas trancher la chose et qu'il a donc laissé faire les
23 chiens de la guerre. Donc, à ses yeux, nous, aux yeux de M. Holbrooke,
24 nous, nous sommes des chiens de la guerre.
25 J'affirme encore, parce que je le sais que nous avons été aidés à se faire,
26 du fait de l'arrivée de quatre ou cinq généraux américains de haute
27 renommée, de haute voltige, qui étaient à la retraite et que nous avons
28 payés, ils nous ont mis à disposition des avions sans pilote pour que nous
Page 40660
1 puissions voir ce qui se trouvait sur les territoires occupés. Le début de
2 l'opération, M. Clinton, l'a suivi sur son écran dans son bureau ovale
3 probablement, chose dont il est parlé dans les livres et rédigé par les
4 gens qui ont été participants à tout ceci.
5 Je le dis, Monsieur le Juge Antonetti, parce qu'ils n'ont ni pu ni
6 voulu protéger Srebrenica et par ce qui s'était passé à Srebrenica, et
7 juste après, il y avait un scénario identique pour Bihac, et c'est là
8 qu'ils ont dit à l'armée croate, bien sûr, au HVO et à l'ABiH aussi, mais
9 la frappe principale c'était l'armée de la Croatie qui en était chargée aux
10 fins d'empêcher le massacre en premier lieu de Musulmans et ensuite de
11 Croates aussi, ce qui fait que l'armée croate est arrivée jusqu'aux portes
12 de Banja Luka. Les forces serbes ont été battues. Je le sais de première
13 main. A l'époque, je l'ai su. De nos jours encore, M. Galbraith en parle
14 dans ses livres. M. Holbrooke aussi, et il se pose la question de savoir
15 s'ils avaient fait les choses de façon correcte parce que sous menace de
16 sanctions, ils ont dit à la Croatie d'arrêter -- de s'arrêter parce
17 qu'avant cela, Messieurs les Juges, Milosevic avait réussi à se concerter
18 et à convenir avec la communauté internationale l'obtention de 49 % de la
19 Bosnie-Herzégovine, chose qui n'a pas été négociée à Dayton. A Dayton, on
20 est arrivé Croates et Musulmans, 51 % et Serbes 49 %. Ce sont les faits et
21 c'est la vérité que je puis documenter comme vous le voudrez.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter.
23 Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Q. Général, je vous ai interrogé concernant cet ouvrage de Slavko
25 Degoricija et ce n'était pas en vain, c'est son titre. Est-ce que lorsque
26 nous avons abordé cette unification entre la Republika Srpska et --
27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous nous avez donné la référence.
28 Je crois que c'est le 3D 02-656. Mais pourriez-vous nous aider, s'il vous
Page 40661
1 plaît, en nous disant dans lequel de ces 20 dossiers -- de ces 20 classeurs
2 qui nous entourent, on peut espérer trouver ce document ?
3 Mme PINTER : [interprétation] Monsieur le Juge, vous l'avez présenté sous
4 forme à part comme ceci. C'est un fascicule à part. Car ce document ne
5 pouvait plus entrer dans le classeur et nous avons été obligés de le relier
6 à part. Quant aux pages que nous avons en vue, qui contiennent les sujets
7 que le général Praljak a abordés, elles se trouvent en page 3D 33-2167 en
8 version croate; et 3D 41-0420 pour la version anglaise, également en page
9 0421 ainsi que 3D 41-0422.
10 Q. Alors Général, vous avez dit que le référendum s'était tenu sur
11 l'ensemble du territoire. Quels en étaient les résultats à la fin ? Est-ce
12 qu'ils ont procédé à cette unification ? Sinon, est-ce que cela a été
13 empêché et comment ?
14 R. Au terme du référendum, ils étaient prêts à le faire mais cela a été
15 empêché par des opérations militaires. Ça ne pouvait pas être empêché par
16 une décision de la cour constitutionnelle.
17 Q. Merci.
18 R. Je voudrais juste ajouter, Messieurs les Juges, la chose suivante :
19 lorsque les généraux américains sont arrivés, deux d'entre eux étaient
20 d'anciens commandants du quartier général du commandement intégré qui
21 étaient à la retraite. J'ai participé personnellement à la formation de
22 cette entité au sein de laquelle ils se trouvaient parce qu'à l'époque
23 j'étais conseiller militaire du président Tudjman.
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Qui a écrit ce livre, s'il vous
25 plaît, Monsieur Praljak, Slavko Degoricija; c'est bien cela ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Juge. C'était
27 l'un des collaborateurs le plus important de Franjo Tudjman. Il était haut
28 placé dans la structure de l'Etat croate, et alors je ne suis pas
Page 40662
1 maintenant tout à fait certain de la question de savoir s'il était au
2 gouvernement.
3 Mme PINTER : [interprétation]
4 Q. Il était ministre adjoint6
5 R. Oui, en effet, ministre adjoint. Je sais avec certitude qu'il était
6 négociateur en chef. Je le sais parce que je le connais et puis c'est écrit
7 dans le livre aussi que c'est à 150 reprises au moins et sur ordre du
8 président Tudjman qu'il est allé s'entretenir avec les Serbes insurgés, qui
9 se trouvaient en République de Croatie en la matière, et pour ce qui est la
10 Slavonie occidentale, la zone qui entoure Pozega, il a eu du succès et ces
11 interlocuteurs ont changé de positions, abandonné l'extrémiste qui avait
12 été le leur. Ensuite après la guerre, ils sont devenus membres du Sabor du
13 parlement croate pour y représenter les Serbes.
14 C'est cette même personne qui, pendant plus d'un mois, encore une
15 fois sur ordre du président Tudjman, s'était rendu en Bosnie-Herzégovine
16 pour essayer de convaincre les autorités de la nécessité qu'il y avait à
17 tenir un référendum qui se serait fondé sur les recommandations de la
18 Commission Badinter établissant les préconditions pour la reconnaissance
19 internationale de la Bosnie-Herzégovine. C'est M. Slavko Degoricija.
20 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
21 Mme PINTER : [interprétation]
22 Q. Il a été question de lui le 12 mai 2009, c'est consigné en ligne 4 de
23 la page 40 008 du compte rendu d'audience. On a également cité son nom le
24 19 mai en page 40 353, ligne 16 du compte rendu.
25 Général, nous allons maintenant passer à la section intitulée : "Le général
26 Praljak apaise les tensions." Ce n'est pas dans le classeur, mais c'est
27 relié à part. C'est un fascicule qui se présente ainsi.
28 Général, ouvrez, s'il vous plaît, le document 3D00542. Avant cela, je vais
Page 40663
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 40664
1 vous demander une chose. Nous avons déjà mentionné Jasmin Jaganjac jusqu'à
2 présent. C'est quelqu'un que vous connaissez personnellement.
3 R. Oui, je le connais.
4 Q. Que pouvez-vous dire à son sujet ?
5 R. Pour ne pas me répéter, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, M.
6 Jasmin Jaganjac, nous avons parlé de ses activités à Mostar.
7 Q. Très bien.
8 R. A l'époque où ce document est rédigé, il est le conseiller militaire du
9 président de la présidence M. Izetbegovic.
10 Q. Ce document, vous le connaissez ?
11 R. Oui.
12 M. STRINGER : [interprétation] Je suis désolé. Pourrions-nous avoir le
13 numéro de ce document dont parle le général. Je n'ai pas la cote.
14 Mme PINTER : [interprétation] Ce n'est pas entré au compte rendu, c'est le
15 3D00542.
16 Q. Vous avez eu des entretiens avec M. Jaganjac, n'est-ce
17 pas ?
18 R. Oui, j'ai eu des entrevues avec lui en Bosnie centrale et nous avons vu
19 les documents qui s'y rapportent.
20 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé de vous interrompre, mais je
21 n'ai absolument pas trouvé ce document dans cette montagne, ils se
22 ressemblent tous. On en a un très grand nombre qui se ressemble tous.
23 Pouvez-vous nous donner le titre au moins, le titre exact. Ils ont tous le
24 nom de Praljak dans le titre, c'est parfaitement normal. Mais cette annexe,
25 Général, pouvez-vous nous donner le titre exact ?
26 Mme PINTER : [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous ne semblez même pas être
28 d'accord entre vous quant à savoir quel est le document qui est employé. Je
Page 40665
1 suis désolé.
2 Mme PINTER : [interprétation] Le général Praljak calme les tensions entre
3 l'ABiH et le HVO, novembre 1992 à mars 1993.
4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé. Je n'avais
5 absolument aucune mauvaise intention, sachez-le.
6 Mme PINTER : [interprétation] Bien entendu, Monsieur le Juge.
7 Q. Alors, Monsieur Praljak, je voudrais d'abord que vous vous reportiez à
8 la date qui figure ici. Il est indiqué 12 février 1992.
9 R. Non. Il n'est pas indiqué 12 février 1992, mais 12 février 1993.
10 Q. [aucune interprétation]
11 R. Si c'était 1992, ce serait absurde. Il n'y a pas de guerre en Bosnie-
12 Herzégovine à ce moment-là. On voit que c'est un 3, mais ce chiffre 3 est
13 un peu écrasé. Quand on y regarde de près on voit que c'est un 3, et quant
14 au contenu du document, c'est absolument évident.
15 Alors au point 1, M. Jaganjac --
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document, il vient d'où ? C'est un document
17 manuscrit ? Comment vous l'avez obtenu ? Vous l'avez obtenu dans les
18 archives de la République de Bosnie-Herzégovine ? Comment il vous est
19 arrivé ce document ?
20 Mme PINTER : [interprétation] C'est l'auteur qui nous l'a fourni.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Messieurs les Juges, l'Accusation a
22 procédé à un entretien avec M. Jaganjac.
23 Mme PINTER : [interprétation]
24 Q. [aucune interprétation]
25 R. M. Jaganjac a alors dressé la liste des documents de
26 l'Accusation. Alors je ne sais pas s'il a fait figurer aussi ce document,
27 je n'en suis pas sûr. Mais je pense que ce document a été inclus aussi dans
28 ce que M. Jaganjac a fourni à l'Accusation en provenance de ses propres
Page 40666
1 archives. Malheureusement, l'Accusation n'a pas cité à comparaître M.
2 Jaganjac.
3 Q. [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter, je vous pose cette question parce que
5 j'essaie de vérifier l'authenticité du document. Si, à 18 heures 45, le 12
6 février 1993, M. Jaganjac envoie cette lettre à M. Izetbegovic, alors on ne
7 sait pas comment il l'envoie, par pigeon voyageur, par hélicoptère, on ne
8 sait pas. L'original a dû arriver à M. Izetbegovic, puisqu'il écrit à un
9 président de la république. Donc l'original, c'est M. Izetbegovic qui l'a.
10 Si M. Jaganjac vous a communiqué ce document, ça veut dire que lui, à
11 l'époque, quand il faisait des lettres, il en faisait systématiquement des
12 copies. Comment vous expliquez cela ?
13 Mme PINTER : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas
14 maintenant dire quelque chose qui ne serait pas vérifié. Je vais procéder
15 aux vérifications, mais les documents que nous avons reçus émanant de
16 l'Accusation sont liés à la déclaration de M. Jaganjac et nous avons
17 également collecté des documents en nous rendant nous-mêmes sur le terrain.
18 Je ne peux pas vous dire en cet instant précis exactement quelle est
19 la réponse. Je pourrais vous le dire demain. Mais --
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que, Messieurs les Juges, nous
21 pourrions passer brièvement à huis clos partiel, s'il vous
22 plaît ?
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Huis clos.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
25 partiel.
26 [Audience à huis clos partiel]
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 40667
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 [
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc au point numéro 1, il dit qu'il s'est mis
13 d'accord avec moi-même et avec le général Cermak pour ce qui est de l'envoi
14 de MTS à destination de Pazaric, qui est en Bosnie orientale.
15 Je souhaite encore une fois souligner la chose suivante : si quelqu'un
16 appartenant à l'ABiH, ici c'est M. Jaganjac, demandait des MTS, il disait
17 généralement que cela allait à Foca, Pazaric, à Tuzla. Mais, Messieurs les
18 Juges, une fois que ces MTS avaient passé le dernier point de contrôle du
19 HVO, l'ABiH se retrouvait en position d'emmener le matériel en question là
20 où bon lui semblait. Nous ne pouvions pas vérifier si c'est cela allait
21 véritablement à Foca, à Pazaric et Tuzla, parce que les MTS en question
22 passaient, par exemple, le point de contrôle de Rama, l'ABiH pouvait
23 envoyer ces MTS là où elle le souhaitait.
24 Il est important de dire que c'est deux camions, dont chacun
25 transporte de 20 à 25 tonnes, sont désignés par M. Jaganjac de façon tout à
26 fait logique comme représentant un volume symbolique.
27 Messieurs les Juges, il est visible que la Croatie envoyait des quantités
28 de matériel pour lesquelles Jasmin Jaganjac peut déclarer qu'elles sont
Page 40668
1 symboliques. Deux camions, c'est symbolique. Ensuite il est dit que
2 d'autres convois sont envoyés lorsque celui-ci sera arrivé.
3 Ensuite il se réfère à une déclaration d'Izetbegovic sur laquelle on ne
4 s'est pas encore assez penchée. Il demande la chose suivante, il me demande
5 si nous, Boban et les autres, nous avons renoncé à la Herceg-Bosna. Je lui
6 ai répondu, conformément à ce qui a était la politique de la HZ HB, à
7 savoir que la HZ HB n'existait plus. Alors il s'agit du plan Vance-Owen et
8 qu'il était nécessaire de passer par une période de transition.
9 Donc c'est ce que vous avez vu, Messieurs les Juges, c'est ce que
10 faisait Jadranko Prlic et les autres, tous ces efforts visant à établir des
11 autorités conformément au plan Vance-Owen. Il ressort de ce que nous avons
12 sous les yeux, et je l'affirme également, que la HZ HB était une
13 organisation temporaire vouée à la défense d'une certaine partie du
14 territoire de la Bosnie-Herzégovine, parce que nous étions mieux préparés à
15 cette guerre, rien de plus.
16 Ensuite il est dit que l'on attend le retour de Boban d'Allemagne et que si
17 c'est possible, on exercera des pressions sur lui pour qu'il signe cela.
18 Bien entendu, M. Boban a signé. La Défense Prlic a présenté toute une série
19 de ces documents.
20 Il ne reste qu'un léger problème, comme on voit ici, à savoir que
21 parallèlement à celui de l'état de Bosnie-Herzégovine, se trouve également
22 les drapeaux des provinces et le drapeau du peuple croate. Précisément
23 selon ce même point de vue que vous avez énoncé, Monsieur le Président, qui
24 se réfère aux valeurs civilisationnelles [phon].
25 Donc le but de ce drapeau, c'était de dire, voilà, nous sommes ici,
26 nous existons, dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine et de son propre
27 drapeau.
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi, une question
Page 40669
1 technique. Peut-être que cela n'est pas si important que cela, mais au
2 point 2, la deuxième phrase se lit comme suit : "Cela est assez
3 approximatif," ceci me paraît quelque peu surprenant.
4 Est-ce que la traduction est exacte ? Je pense qu'il "convient"
5 qu'"approximatif," me semblerait plus juste au niveau de la deuxième
6 phrase, on lit : "Il n'y ait pas eu suffisamment d'enquêtes." Est-ce que
7 c'est vraiment approximatif ou pas ?
8 Je regarde Me Tomanovic, qui est notre expert linguistique en général
9 en la matière.
10 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, vous avez
11 parfaitement raison. J'essaie cependant de n'apporter des corrections au
12 compte rendu d'audience que lorsque cela est véritablement important et je
13 vais le faire, puisque 84, ligne 17, il manque un mot. "En République de
14 Bosnie-Herzégovine." Parce que le général Praljak a dit que les Croates,
15 avec leur drapeau, souhaitaient dire, voilà, nous existons ici en
16 République de Bosnie-Herzégovine.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Exactement. Dans les provinces qui étaient
18 déterminées comme étant croates - elles ne sont pas croates bien entendu -
19 elles sont communes. Mais les Croates sont majoritaires en tant que
20 population dans ces provinces. Dans ces provinces, on hissera le drapeau de
21 la République de Bosnie-Herzégovine. Mais à côté de celui-là, nous
22 demandons qu'il y ait également un autre drapeau en plus qui sera
23 spécifique à cette province.
24 Mme NOZICA : [interprétation] Excusez-moi, Général. Est-ce que je peux
25 intervenir ? Je ne voudrais pas qu'on aille trop loin. Page 83, ligne 2.
26 Pazaric est mentionné dans ce document et que cette localité est située en
27 Bosnie orientale. Ligne 2, on lit, que c'est en Posavina orientale.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Bosnie.
Page 40670
1 Mme NOZICA : [interprétation] Puis-je préciser qu'il s'agit d'une localité
2 à côté de Sarajevo ? C'est une information géographique, pour qu'on
3 interprète pas mal ou de manière erronée cette information.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, à l'est. Pazaric se situe
5 juste à deux pas de Sarajevo.
6 Mme PINTER : [interprétation] La traduction du document est exacte comme
7 vous en avez donné lecture.
8 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, je suppose que
10 c'est le même jour, le jour où cette proposition de la déclaration du
11 président Izetbegovic, qu'il est venu s'entretenir avec moi. J'ajoute que
12 Susak et moi l'avons parcourue rapidement. Il y avait ces quelques détails
13 qui étaient problématiques, puis en fin de compte, on attendait que M.
14 Boban revienne, car on peut exercer des pressions sur lui, et cetera, comme
15 on le dit ici. Mais c'était l'homme qui devait prendre une décision là-
16 dessus.
17 J'affirme que c'était une politique menée par M. Boban, de Prlic et
18 des autres. La Communauté croate d'Herceg-Bosna d'ailleurs a écrit sur ces
19 papiers à en-tête "République de Bosnie-Herzégovine." Elle était
20 provisoire. Elle ne cherchait pas du tout à devenir un état et encore moins
21 de se réunifier à la Croatie.
22 Après prenons au point 3, ce qui concerne le drapeau, c'est clair.
23 Puis il est dit que dès le lendemain, M. Izetbegovic en serait informé s'il
24 y avait quelque chose qui posait problème. Mais rien n'a posé problème, du
25 moins de notre côté.
26 J'ai dit à M. Jaganjac, sur la base de ce que je savais et je n'arrête pas
27 d'en parler, parce que je savais que la situation en Bosnie centrale était
28 tendue et que, d'après les informations que nous avions tous en main, que
Page 40671
1 l'ABiH, en particulier le 3e Corps de l'ABiH, était en train de préparer
2 une attaque contre le HVO.
3 Je m'adresse à M. Izetbegovic en lui demandant de se rendre en
4 Herzégovine et de désigner deux hommes politiques musulmans qui
5 m'accompagneraient pour nous rendre dans les différentes localités de
6 Bosnie centrale pour calmer le jeu. Je lui ai dit en plus que je serai à
7 Mostar et que Zijad ou Safet, Safet Orucevic, pourraient être des hommes
8 contacts. Orucevic, c'était le numéro un du côté Mostar Est; et Zijad, je
9 pense était, d'ores et déjà, le président du SDA pour la Bosnie-
10 Herzégovine. Zijo Demirovic.
11 Puis aux points 4, 5 et dans la suite, il informe M. Izetbegovic ce que je
12 ne cesse répéter, à savoir qu'Adil Zulfikarpasic mène une politique. Je
13 vous ai déjà dit, c'était un citoyen suisse, un homme aisé. Il était le
14 fondateur d'un institut bosnien. Je ne sais pas à Genève ou ailleurs. Il
15 dit que M. Adil Zulfikarpasic prend contact avec Sefer Halilovic, mais en
16 contournant les structures de commandement et il dit que les déclarations
17 du numéro 1 au sein de l'armée s'opposent au plan Vance et qu'en
18 particulier Sefer Halilovic estime que c'est lui le numéro 1 en Bosnie-
19 Herzégovine. Vous verrez quels sont les propos qu'il emploie pour désigner
20 Alija Izetbegovic. Puis il dit dans la suite --
21 M. STRINGER : [interprétation] Pardonnez-moi si j'interromps. A moins que
22 quelque chose ne m'ait échappé, nous n'avons pas une traduction complète
23 dans le système électronique. Nous avons une page qui est traduite et qui
24 comporte les points 1, 2 et 3. Les autres points n'ont pas été traduits.
25 Mme PINTER : [interprétation] La traduction figure au numéro 3D 28-0801.
26 C'est pour ce qui est des pages numéros 3D00-542 ET.
27 M. STRINGER : [interprétation] En réalité, le conseil de la Défense a
28 raison. Il y a trois documents dans le système électronique et les
Page 40672
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 40673
1 traductions qui viennent de m'être citées par le conseil de la Défense, en
2 tout cas, dans le système, on a dit qu'il s'agit d'originaux. Donc ceci
3 n'est pas exact. Peut-être que l'on peut indiquer que le document 3D 28-
4 0800 est une traduction et non pas l'original.
5 Mme PINTER : [interprétation] Oui, tout à fait, la traduction.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc pour terminer, j'ai eu des conversations
7 portant sur tout ces éléments, puisque d'une certaine manière, il y a eu
8 des relations d'amitié qui se sont créées entre moi et M. Jaganjac, puisque
9 nous avons déployé des efforts de manière conjointe pendant longtemps. Donc
10 j'ai su que M. Zulfikarpasic s'est mis, à un moment donné, à exercer une
11 influence sur certains généraux de l'ABiH, qu'il ne cherchait pas à assurer
12 une vie commune des peuples bosnien et croate et je n'ai rien à ajouter à
13 ce document. Je pense qu'il se suffit dans tous les détails.
14 Mme PINTER : [interprétation]
15 Q. Je vous remercie. Prenons maintenant le document 3D03510. C'est un
16 livret militaire. Vous l'aviez sur vous. Est-ce que l'avez aujourd'hui
17 éventuellement et pourriez-vous préciser à la Chambre dans quelle
18 circonstance vous avez obtenu ce livret ?
19 R. Madame Pinter, j'en ai déjà parlé, j'ai déjà dit à quel moment je l'ai
20 reçu. Nous ne pouvons pas répéter à ce point nos propos. La signature de M.
21 Pasalic, cependant, s'est effacée avec le temps, mais je vous invite à
22 examiner le tracé qui s'est gravé dans la feuille. Donc vous connaissez sa
23 signature. C'est ainsi que je suis devenu membre de l'ABiH, d'une entité
24 militaire de plus. J'ai une loupe, donc on peut voir.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur l'Huissier, allez chercher la carte, je
26 veux la voir, puis mes collègues la verront aussi, puis on la montra à M.
27 Stringer.
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pendant que nous l'examinons,
Page 40674
1 Monsieur Praljak, ceci est quelque peu surprenant. On se demande comment il
2 se fait que vous obteniez quelque chose comme ça. Etait-ce un geste de
3 camaraderie, de bonne volonté, quelque chose qui revêt un caractère plus
4 social que juridique ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais ce n'était pas des allocations sociales
6 qu'ils cherchaient à distribuer quand ils m'ont remis cette carte. Lorsque
7 vous prenez en compte le nombre de Croates dans l'armée de Bosnie, puis
8 inversement, c'est la date où nos pensions que nous constituions une seule
9 et même armée.
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'entendais le terme social dans un
11 sens tout à fait différent, dans le sens d'être en contact et de faire des
12 modalités et d'avoir des rapports sociaux avec d'autres personnes. Y avait-
13 il une procédure ou quelque chose d'officiel derrière tout cela pour
14 obtenir ce document, ou est-ce simplement un geste d'amitié ? Est-ce que
15 c'était symbolique ? Est-ce que ceci ne revêtait pas un caractère purement
16 administratif ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, vous vous en
18 souviendrez peut-être, M. Arif Pasalic, qui est membre de l'ABiH, au début
19 s'est trouvé pendant longtemps membre du HVO. Au début, personne ne
20 cherchait à savoir ce qu'on était, mais avec l'évolution de l'ABiH, ce
21 développement, on ne cherchait pas à s'y opposer. Il suffisait qu'on
22 partage les mêmes objectifs politiques. Or, ces objectifs politiques
23 communs n'ont pas existé. C'est ça la cause de ce que nous allons devoir
24 analyser encore pendant au moins une année.
25 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, si cela n'a pas
26 encore été fait aujourd'hui, peut-être qu'il l'a fait l'autre jour
27 lorsqu'il a parlé de ceci. Est-ce que le Général pourrait nous dire
28 précisément quand il a obtenu ceci et où il s'est trouvé lorsqu'il a reçu
Page 40675
1 ceci, pour autant que cela lui soit possible ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux le dire à peu près. Avant que M. Arif
3 Pasalic et moi-même ne partions pour Prozor pour calmer la situation là-
4 bas, à ce moment-là, d'un commun accord, on s'est rendu compte que j'avais
5 pu facilement passer par les postes de contrôle de l'ABiH si j'avais ce
6 document. Donc on allait travailler ensemble à Jablanica, on avait la même
7 mission, et cetera. Konjic et à Jablanica, donc il m'a dit : "Donne-moi une
8 photo et je te ferai faire une carte," donc c'était en octobre 1992. C'est
9 quand il y a eu le conflit.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, la carte que tout le monde a bien
11 regardée, elle peut avoir deux aspects; soit on considère que vous êtes un
12 général de la République de Bosnie-Herzégovine, et à ce moment-là M.
13 Izetbegovic doit vous nommer dans un acte officiel, ou la deuxième
14 possibilité, c'est que le général Pasalic vous donne cela pour passer les
15 contrôles, pour qu'il n'y ait pas de problème au niveau des "checks-
16 points."
17 Alors c'est la première théorie ou deuxième théorie ? Ou troisième,
18 j'en sais rien ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la deuxième option, Monsieur le
20 Président Antonetti, comme je l'ai déjà dit. Je n'étais pas général du HVO,
21 je ne l'ai jamais été officiellement. Mate Boban, ou qui que ce soit
22 d'autre, ne m'a jamais nommé. Donc je signais en disant général, parce que
23 j'étais général de l'armée croate. Malheureusement elle était comme ça,
24 cette guerre. Même si c'est avec beaucoup de persévérance qu'on essayait de
25 mettre de l'ordre comme on le connaît en Occident.
26 Tout simplement, on n'y est pas parvenu pendant longtemps. Par
27 exemple, il n'y avait pas de grade dans le HVO. Ce n'est qu'en 1993 que le
28 commandant d'un secteur est devenu un gradé de M. Stojic le saurait,
Page 40676
1 c'était en juillet, août qu'on a connu les premiers grades au sein du HVO.
2 Jusqu'à ce moment-là il n'y en a absolument pas eu.
3 Vous aviez, par exemple, un commandant de brigade ou chef du Grand
4 état-major. C'était ça les appellations.
5 Puis moi, tout simplement pour me donner de l'importance, pour que
6 les gens me fassent confiance davantage, je disais "général" et ils
7 disaient, Voilà, Général est arrivé de Croatie. Ca me permettait de mener à
8 bien plus de choses, mais je n'ai jamais été général du HVO.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Pinter.
10 Mme PINTER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
11 Q. Document P01739 à présent, s'il vous plaît. Ce sont les instructions
12 présidentielles ?
13 R. Pourquoi est-ce qu'on ne parcoure pas 3D 01228 ?
14 Q. D'accord.
15 R. Voilà, un document du 17 janvier 1993, signé par Enver Hadzihasanovic
16 et par Merdan Dzemal. Il porte sur la commission chargée des négociations
17 et la recherche de solution du conflit de Gornji Vakuf.
18 Q. Vous avez déjà --
19 R. Oui, c'est ça le document. Le 17, ils se sont rendus à cette réunion,
20 Andric Miro et Zeljko Siljeg, ils y sont allés. Et comme cela est dit ici,
21 ils déclarent avoir eu des consultations avec moi. Enver Hadzihasanovic le
22 sait également, ils lui ont dit, Pourquoi je suis venu là-bas. Probablement
23 ils ne lui ont pas dit qui m'avait envoyé, parce que je ne me suis pas trop
24 vanté. Il y est dit ce qui est proposé à ce moment-là, la décision du HVO
25 portant structure des provinces est une décision provisoire. Elle se fonde
26 sur la réciprocité, donc elle ne peut pas être unilatérale. On voit ici
27 qu'il est dit que si, dans le cadre d'un accord final à Genève, il y a des
28 modifications, les Croates les respecteront. Donc quelle que soit la
Page 40677
1 décision prise par les directions respectives à Genève, le HVO respectera
2 ces décisions.
3 Dans la suite, repliez les unités en direction des villages. Ramenez
4 les unités dans les localités d'origine. Cela concerne les unités de Jajce,
5 puisqu'à Gornji Vakuf il n'y avait pas de menace qui aurait pesé par
6 l'ARSK. Donc des secteurs menacés par les Serbes, Tuzla, Zenica, de ces
7 secteurs-là, on emmenait des unités à Gornji Vakuf alors qu'il y en avait
8 déjà une qui ne faisait rien, parce que le secteur qui couvrait Raduski
9 Kamen, c'était un secteur très restreint.
10 Donc vous avez des hommes en armes qui circulent dans la ville et à
11 tout moment, il se peut qu'il y ait des débordements, parce que quand vous
12 avez des militaires qui ne sont pas dans les casernes, qui sont armés, qui
13 passent du temps dans des cafés, des bistros, c'est une question de jour.
14 Ce n'est même pas une question de savoir s'il va y avoir un jour des
15 problèmes. La question est uniquement de savoir à quel moment ça va
16 éclater.
17 Puis le HVO a garanti qu'il n'entreprendra rien contre les Musulmans
18 qui ne sont pas coupables de crimes de guerre. Donc vous avez Paraga et les
19 autres. Puis, dans tous les domaines, un principal d'égalité sera admis,
20 donc le numéro 1 doit être du HVO, le numéro 2 de l'ABiH, et vice versa.
21 Ensuite il faut quitter les tranchées, en particulier le relais, il faut
22 combler cela. Je vous ai montré ces tranchées. Donc c'est un contrôle
23 absolu dans la ville de Vakuf et dans tout le secteur. Puis les tranchées
24 là-bas, c'était quasiment comme des tranchées de la Première Guerre
25 mondiale.
26 Ensuite le commandement et l'influence qu'on exerce sur l'armée ne
27 seraient passés par Copcic [phon], Agic ou Prijic. Ces hommes, c'étaient
28 des extrémistes musulmans. Ils ne faisaient pas partie de l'armée.
Page 40678
1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je souhaite attirer votre attention
2 sur un problème au niveau du compte rendu. Ceci vient de disparaître. La
3 page 92, ligne 21, M. Praljak a dit que le HVO avait demandé que l'armée se
4 retire des villages. J'ai lu l'armée devait être déployée en direction des
5 villages. Ce serait l'inverse. Lequel des deux était-ce ? Vous en souvenez-
6 vous.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, vous avez des unités de
8 l'ABiH qui se composaient de la population de Gornji Vakuf. Donc ces gens
9 qui constituent de l'ABiH de Gornji Vakuf, ils vont revenir dans les
10 villages dont ils sont originaires. Ils ne vont pas rester sur les collines
11 dont je viens de parler. Puis la Brigade de Jajce, qu'on appelait la 307e,
12 je pense, je ne sais plus quel était son numéro --
13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi, mais nous n'allons
14 pas entrer dans les chiffres. Ce qu'on peut lire ici, c'est que vous avez
15 dit à la ligne 21, page 92, de surcroît, on dit que les forces du HVO ont
16 très clairement demandé à ce que les forces armées soient retirées des
17 villages. Dans le texte, je lis les forces du HVO ont très clairement
18 demandé à ce que les forces du HVO retirent les forces armées en direction
19 des villages. En direction d'eux et à partir d'eux, c'est tout à fait
20 l'inverse. Lequel des deux est-ce ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Vers les villages, donc de se rendre dans les
22 villages d'où sont venus ces homes, donc quand ils ne sont pas déployés sur
23 la ligne de front qu'ils ne circulent pas en ville.
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup. L'erreur a été
25 corrigée.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- parce que c'est quasiment 19 heures.
27 Nous aurons certainement l'occasion de revenir demain sur ce document.
28 Comme vous le savez, nous sommes donc cette semaine également du matin donc
Page 40679
1 nous nous retrouverons tous demain à 9 heures. Je vous souhaite une bonne
2 fin de soirée.
3 --- L'audience est levée à 18 heures 57 et reprendra le mardi 26 mai 2009,
4 à 9 heures 00.
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28