Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 4 juin 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Les accusés Prlic et Coric sont absents]

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. Bonjour, Messieurs les Juges,

 10   bonjour à toutes les personnes présentes dans le prétoire.Il s'agit de

 11   l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts. Merci,

 12   Messieurs les Juges.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 14   En ce jeudi, 4 juin 2009, je salue M. Praljak, je salue M. Stojic, M.

 15   Petkovic et M. Pusic. Je salue également -- Bien.

 16   Je reprends. Je disais que je saluais MM. les Accusés, et

 17   principalement M. Praljak, qui témoigne. Je salue également Mmes et MM. les

 18   avocats. Je salue Me Khan, particulièrement, qui a pris la place de Me

 19   Karnavas. Je salue également M. Stringer et tous ses collaborateurs et

 20   collaboratrices, ainsi que toutes les personnes qui nous assistent.

 21   Je vais maintenant donner la parole à Me Pinter, qui va continuer

 22   l'interrogatoire principal de M. Praljak.

 23   LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]

 24   [Le témoin répond par l'interprète]

 25   Mme PINTER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 26   Juges. Bonjour à toutes et à tous.

 27   Interrogatoire principal par Mme Pinter : [Suite]

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Général.

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  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  Prenons le classeur qui s'intitule "Le contrôle effectif". Prenez le

  3   document 3D01193, s'il vous plaît. 1193. Je précise, aux fins du compte

  4   rendu d'audience, 3D01193.

  5   Général, pourriez-vous nous dire dans quelles circonstances a été rédigé ce

  6   document, s'il vous plaît ?

  7   R.  Comme le document le dit, dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1992, à 1

  8   heure après minuit, un policier m'a arrêté à Ljubuski. C'était en 1992. Il

  9   était sous l'emprise de l'alcool, et j'ai porté plainte. Tout simplement,

 10   je tiens à le dire. C'est ce qu'on peut lire dans ce document, et c'est ce

 11   que j'affirme, que j'ai toujours porté à la connaissance de qui de droit ce

 12   qui était contraire aux règles et ce qui n'était pas permissible.

 13   Q.  C'était contraire à la loi ?

 14    R.  Un policier ne doit pas travailler sous l'emprise de l'alcool.

 15   Mme PINTER : [interprétation] Prenons le premier extrait vidéo, s'il vous

 16   plaît, 3D03114.

 17   Q.  Général, nous aurons tout d'abord l'occasion de visionner cet extrait,

 18   et par la suite, vous nous direz de quoi il s'agit. A quel moment est-ce

 19   que cela a été filmé, si vos souvenirs vous permettent de nous le dire, et

 20   dans quelles circonstances s'est tenue cette manifestation ? Merci.

 21   Je précise aux fins du compte rendu d'audience, je me suis trompée sur le

 22   numéro, 3D03563. Je vous présente mes excuses.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "Messieurs les Soldats, Messieurs les Sous-officiers, Messieurs les

 26   Officiers, je vous félicite d'avoir prêté serment à votre peuple. On nous

 27   dit beaucoup de bien de vous, Messieurs les Soldats, Messieurs les Sous-

 28   officiers, Messieurs les Officiers, mais lorsqu'on est en revue, lorsqu'on

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  1   prête serment, on ne fume pas. Jetez vos cigarettes, Messieurs. L'idée du

  2   peuple est une grande et noble idée, et il ne fait pas tellement froid au

  3   point que l'on ne puisse pas supporter ce froid. Cela fait 20 minutes que

  4   cela dure, et nous pouvons faire un tel sacrifice à cette idée que de nous

  5   tenir en garde à vue et de ne pas fumer pendant ce temps-là.

  6   Tenez compte du fait qu'il y a des peuples qui sont plus anciens que

  7   nous, plus grands que nous, mais pas plus nobles que nous et qu'ils n'ont

  8   pas leur Etat. Un Etat, on ne s'en dote pas très facilement. L'idée de se

  9   doter d'un Etat, c'est quelque chose à quoi on doit se consacrer tous les

 10   jours. L'idée d'avoir un Etat, ce n'est pas une mère, c'est un enfant sur

 11   lequel tout un chacun doit se pencher tous les jours. Tenez compte de cela

 12   quand vous gardez vos armes, quand vous vous comportez dans les rues, et

 13   cetera, dans tous les autres moments.

 14   Je vous souhaite un joyeux Noël, bonne année. Que vous soit bénie

 15   cette année. Rappelez-vous vos amis qui ne sont plus là, et quand vous avez

 16   des moments difficiles. Et que Dieu vous bénisse."

 17   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 18   Mme PINTER : [interprétation]

 19   Q.  Général, pourriez-vous nous dire dans quelles circonstances a été filmé

 20   cet extrait ? Pourriez-vous nous en parler.

 21   R.  C'est en 1992, à Zenica, avant Noël. La Brigade Jure Francetic est en

 22   train d'être mise sur pied, une brigade du HVO, et je pense que mon

 23   discours est bref et clair. Tout d'abord, nous avons là des volontaires qui

 24   sont venus se présenter pour être en relais dans les unités du HVO. Il faut

 25   un certain temps avant d'en faire des militaires au sens où ce terme est

 26   entendu normalement dans les pays occidentaux.

 27   D'emblée, je leur dis que -- premièrement, je tiens à préciser que je

 28   n'apporterais aucune correction à ce discours. Aujourd'hui, je maintiens ce

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  1   que j'y ai dit. Tout d'abord, je leur dis d'arrêter de fumer pendant --

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la première fois que je vois cette vidéo. J'en

  3   ai vu beaucoup, mais celle-là, je ne la connaissais pas. La vidéo a été

  4   très vite, mais il me semble que j'ai vu au premier rang des soldats, un

  5   petit garçon qui tient un drapeau. Est-ce qu'il y avait des enfants de

  6   troupe dans le HVO ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Ils auraient peut-

  8   être placé un jeune homme pour qu'il tienne le drapeau. Je connais beaucoup

  9   de militaires du HVO, mais non, je ne pense pas qu'il y en ait eu qui

 10   étaient plus jeunes que 18 ans.

 11   Mme PINTER : [interprétation] On pourrait rembobiner, peut-être, pour voir

 12   le début.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est un détail.

 14   Mme PINTER : [interprétation] Très bien.

 15   Q.  Général, il faut que je vous pose cette question. Vous dites il n'est

 16   pas si facile que cela de se doter d'un Etat ?

 17   R.  Mais c'est exact. Je leur dis cette phrase que l'on entend souvent, que

 18   l'Etat est une mère, une mère c'est quelque chose qui vous donne quelque

 19   chose et qui demande quelque chose de vous. Mais moi je leur dis non, c'est

 20   plutôt comme un enfant, c'est à l'inverse. Tout un chacun doit s'en

 21   occuper. Quand vous êtes à l'extérieur, vous vous déplacez, quand vous

 22   creusez, labourez la terre, quand vous faites telle out telle chose, à tout

 23   moment, vous devez garder cela à l'esprit. Ça montre à quel point cette

 24   idée de l'Etat croate ou du peuple croate leur est chère. Le niveau de leur

 25   discipline leur permettra de réaliser cette idée pour le peuple croate en

 26   Bosnie-Herzégovine dans cette guerre qui est en cours. Donc, je maintiens

 27   mon discours, mes propos. J'insiste sur la nécessité de respecter les

 28   règles et que tout un chacun qui est au sein du HVO doit se comporter de

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  1   cette manière.

  2   Q.  Donc, en fait, vous créiez un Etat croate dans ce secteur ?

  3   R.  Non, non. Il n'est pas fait mention d'un Etat. Il est fait mention de

  4   l'idée du peuple croate en Bosnie-Herzégovine, dans cette contrée-là, et de

  5   son maintien, de sa survie là-bas. Cela dépend du sacrifice de ces hommes.

  6   Dans la mesure où ils sont prêts à se sacrifier, cette idée se maintiendra,

  7   puisque les Serbes sont là, ils les attaquent.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Puis-je demander, avec l'aide des

  9   interprètes, quels termes sont utilisés pour le mot "Etat," parce que M.

 10   Praljak vient de dire qu'on ne fait pas mention d'un état; et à la ligne

 11   15, il parle d'un Etat. Donc, y avait-il différents termes utilisés ou y a-

 12   t-il eu différents termes utilisés en B/C/S ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite que l'on réécoute encore une fois

 14   l'extrait.

 15   Mme PINTER : [interprétation] Oui. Ce serait la meilleure chose.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Messieurs les Sous-officiers, Messieurs les Officiers, je vous

 19   félicite d'avoir prêté serment à votre peuple. On dit beaucoup de bien de

 20   vous, Messieurs les Soldats, les Officiers, les Sous-officiers. Mais quand

 21   on est en revue, on ne fume pas. Jetez vos cigarettes, Messieurs. L'idée du

 22   peuple est une noble idée."

 23   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Là, je parle de l'idée du peuple.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "Il ne fait pas si froid que ça, et cela ne dure pas depuis trop

 28   longtemps. Ça fait 20 minutes que cela dure, et ça vaut notre sacrifice, de

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  1   nous tenir comme il faut et de ne pas fumer."

  2   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dis qu'ils sont bien capables de

  4   supporter ce froid pendant 25 minutes et de ne pas fumer pendant 25

  5   minutes.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  8   "Il y a des peuples qui sont plus grands en taille que nous et qui n'ont,

  9   cependant, pas leur Etat."

 10   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Là, je parle, bien entendu, de leur Etat, de

 12   la Bosnie-Herzégovine. Je dis qu'il y a des peuples qui sont plus anciens

 13   que le nôtre. Je pense aux Kurdes, par exemple, qui sont en bien plus grand

 14   nombre que nous et qui ont une civilisation vieille de plusieurs milliers

 15   d'années et qui n'ont toujours pas d'Etat. Et après, je dis que je ne fais

 16   pas la distinction entre les grands peuples et les petits peuples, mais en

 17   ceux qui ont peu de membres et beaucoup de membres. Mais je dis qu'il n'y a

 18   pas de peuple qui soit plus noble que d'autre. Je dis simplement qu'ils

 19   peuvent avoir une population plus ou moins grande.

 20   Continuez.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "Vous devez vous consacrer à cette idée étatique de son peuple tous les

 24   jours. L'idée de l'Etat n'est pas une mère, c'est plutôt un enfant, et tout

 25   parent doit y songer tous les jours, doit assister à la survie de cette

 26   idée."

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   L'INTERPRÈTE : Monsieur Praljak, les voix se chevauchent avec la vidéo.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dis qu'il faut s'investir tous les jours,

  2   qu'il faut contribuer à cette idée et il ne faut pas chercher à tirer

  3   profit de cette idée.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   "Lorsque vous labourez la terre --"

  7   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  8   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Faites attention. Si la vidéo

  9   tourne, vous ne pouvez pas parler en même temps. Merci. Les interprètes ne

 10   peuvent pas suivre.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 13   "Que vous soyez à l'extérieur ou que vous faisiez autre chose, l'idée

 14   du peuple croate dans ces contrées survivra dans la mesure où nous sommes

 15   prêts à y contribuer."

 16   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dis dans la mesure où vous allez vous y

 18   consacrer à cette idée, elle survivra dans ces contrées.

 19   Je pense que je suis tout à fait clair. Je pense que sur le plan de

 20   la discipline ou de l'idée de la survie, il n'y a pas d'ambiguïté.

 21   Et lorsque j'ai mentionné l'Etat, je pensais à l'Etat où ils se

 22   trouvaient à ce moment-là, et c'est Zenica en 1992.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "Je vous souhaite joyeux Noël, bonne et heureuse année. Que Dieu vous

 26   bénisse."

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je leur dis à la fin, lorsque vous aurez des

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  1   moments difficiles, rappelez-vous vos amis qui ne sont plus parmi nous,

  2   parce qu'il y a eu déjà nombre de morts en 1992. Ça fait longtemps que la

  3   guerre est engagée. Il s'agit, bien entendu, de la guerre en Bosnie-

  4   Herzégovine.

  5   Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter à ça, à moins qu'il y ait

  6   des questions.

  7   Mme PINTER : [interprétation] Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Etant donné que vous nous demandez

  9   de poser des questions, il y a plusieurs personnes habillées en blanc

 10   derrière. Est-ce qu'il s'agit du personnel médical ou pas, de troupes

 11   sanitaires ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, là, je n'arrive pas

 13   à savoir qui c'est. Si je me souviens bien -- permettez-moi d'ajouter, je

 14   ne suis pas tout à fait sûr, mais il me semble qu'il y avait des membres de

 15   l'ABiH qui ont été invités à cette manifestation. On s'attendait, en fait,

 16   à ce que la neige tombe bientôt. Donc, ce ne sont pas des membres du corps

 17   médical, mais ce sont des uniformes blancs qui permettent de ne pas les

 18   repérer dans la neige.

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ceci m'a peut-être échappé.

 20   Pourriez-vous me dire quand ceci a été filmé, à quelle date ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est à la veille de Noël 1992.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Mme PINTER : [interprétation]

 24   Q.  Mon Général, 3D01168 à présent, s'il vous plaît. 1168.

 25   Est-ce que vous pourriez nous dire quelques mots au sujet de ce document ?

 26   R.  Oui. C'est pendant que j'étais en Bosnie centrale. Darko Kraljevic de

 27   Vitez commandait une unité qui s'y trouvait, et il y a eu des problèmes

 28   avec cette unité, des problèmes sur le plan de la discipline militaire. Un

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  1   certain nombre d'ordres n'ont pas été exécutés. Je m'adresse à M. Stojic,

  2   ici. Je lui demande, s'agissant de cette unité spéciale que M. Blaskic

  3   avait du mal à subordonner, qu'on arrête de leur verser leurs émoluments

  4   tant qu'on n'aura pas pu les discipliner comme cela se doit.

  5   Q.  Merci.

  6   Lorsqu'il y avait des militaires qui avaient commis une infraction ou un

  7   crime ou qui étaient coupables d'un manquement à la discipline, comment

  8   agissiez-vous ?

  9   R.  Mme Nika, je sanctionnais des actes d'indiscipline, mais je n'étais pas

 10   en contact moi-même avec des militaires qui avaient commis une infraction

 11   ou un crime. S'il y avait des plaintes qui étaient déposées contre eux, une

 12   procédure était engagée, c'étaient des poursuites engagées devant les

 13   tribunaux, s'il y avait des meurtres ou des vols à main armée. Dans la

 14   mesure du possible, on sanctionnait des manquements à la discipline. Je

 15   dois dire que je le faisais davantage verbalement par la voie d'entretiens,

 16   de conversations.

 17   Mais vous ne pouvez pas sanctionner tout le monde. Vous ne pouvez pas

 18   sanctionner immédiatement les hommes qui sont sur le point de devenir des

 19   militaires dans une unité, au moment où vous les passez en revue.

 20   Pratiquement tous ces soldats fumaient.

 21   Q.  Le 3D01073 à présent, s'il vous plaît. La date est celle du 6 avril

 22   1993. C'est le colonel Miro Andric qui signe ce document. Nous avons déjà

 23   eu l'occasion de mentionner cet homme dans ce prétoire.

 24   R.  Oui, à l'époque, au mois d'avril, comme je l'ai déjà dit, je me suis

 25   rendu pour séjourner brièvement dans ce secteur. Il fait un rapport qu'il

 26   est tenu de faire d'office, et il me l'adresse parce qu'à ce moment-là

 27   j'étais l'un des participants à des entretiens qui portaient sur des

 28   problèmes politiques et militaires, à savoir que des hommes ne s'étaient

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  1   pas rendus au front. C'était à cause d'une politique d'emploi qui n'était

  2   pas correctement menée à leur sens dans cette municipalité.

  3    Il y avait Miro Andric, M. Stojic et moi-même, nous nous sommes réunis,

  4   mais M. Andric n'a pas réussi à résoudre ce problème dans un premier temps;

  5   j'ai organisé une réunion. M. Stojic aussi a obtenu une réunion assez

  6   longue avec eux pour essayer de résoudre cela. Après il fallait savoir

  7   comment se présentait la situation au front. De là ce rapport.

  8   Q.  Il est question d'une réunion que vous avez eue à Ljubuski avec les

  9   autorités locales ?

 10   R.  Oui, c'est ce que je viens de dire.

 11   Q.  Et c'est ce document, au sujet de ce document au sujet de la réunion

 12   que vous aviez déjà mentionné dans votre déposition ?

 13   R.  Oui. Au point 2, vous voyez les gens, ils sont aigris parce qu'il y a

 14   sans arrêt ce problème de semi volontariat, comme on l'appelait, tout un

 15   chacun peut partir en Croatie à tout moment. Ils disaient mais de quelle

 16   autorité, quels sont ces pouvoirs locaux, ces autorités pour qui nous nous

 17   battons ? Il y a toutes sortes de choses qui se sont passées. Il y a eu

 18   toutes sortes d'idées qui ont circulé de confisquer des biens, les gens

 19   avaient beaucoup de ressentiment tout simplement. A un moment donné ils ont

 20   dit : Très bien, nous n'iront plus nous battre, on ne va plus au front.

 21   Bien entendu, ce ne sont pas les problèmes que l'on compte dans les

 22   armées qui sont constituées en bonne et due forme, mais ce que nous avions

 23   est en même temps une gestation de l'armée et des autorités locales. Il

 24   suffisait qu'il y ait un petit mécontentement qui connaisse une escalade et

 25   que ça devienne une rébellion. Là encore, ce n'est pas en agissant par des

 26   moyens purement militaires, des ordres purement militaires qu'on pouvait

 27   mettre fin à cela.

 28   Q.  A ce moment-là la guerre est en cours avec l'armée de la Republika

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  1   Srpska ?

  2   R.  Oui, bien entendu.

  3   Q.  A présent, 3D02616, s'il vous plaît. La date est celle du 26 juillet

  4   1993. Officiellement à ce moment-là, vous êtes à la tête du grand état-

  5   major du HVO ?

  6   R.  Oui. Voilà c'est le commandant Andjelko Djerek, le colonel de

  7   Posusje qui dit que des conscrits du Bataillon indépendant de Novi Travnik

  8   ont déserté. Il est dit ici qu'un grand nombre d'entre eux ont pris la

  9   fuite dans une direction inconnue, probablement sont-ils partis en Croatie,

 10   il dit que 380 civils sont en campement, que là il n'y a pas de conscrits

 11   et que la nuit en question ils ont quitté l'école élémentaire et ont pris

 12   la fuite tout simplement.

 13   Là encore, nous avons ce même problème, M. le Juge Antonetti m'a posé

 14   des questions là-dessus, est-ce que ce sont des volontaires au sens

 15   classique du terme, comme pendant la Seconde Guerre mondiale, les

 16   Américains ont eu des volontaires qui se sont présentés de leur propre

 17   chef, et puis ils avaient des conscrits réguliers. Par ailleurs, je dis

 18   tout simplement que si un homme peut s'enfuir sans qu'il soit passible de

 19   sanction, alors les autres sont des volontaires. On peut demander, bien

 20   entendu, que la police militaire les interpelle, mais si elle n'y parvient

 21   pas, ils vont franchir la frontière. Il y a 1 000 endroits où il était

 22   possible tout simplement de traverser la frontière.

 23   Q.  Je vous remercie. Prenez maintenant le document P 03734. La date

 24   de ce document est le 27 juillet 1993. C'est Zlatko Senkic qui signe le

 25   document, il est du commandement de la brigade Stjepan Tomasevic, et il est

 26   question de la Bosnie centrale ici ?

 27   R.  Oui. Je n'ai pas vu trop de documents de ce type-là, mais là vous

 28   avez un rapport faisant état de mesures disciplinaires qui ont été

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  1   prononcées contre Brdar, qui aurait menacé d'une arme le commandant du 1er

  2   Bataillon, et qui a été placé en détention pour une période de dix jours.

  3   Q.  Ce rapport, il est adressé à qui ?

  4   R.  Au commandant de la zone opérationnelle de Bosnie.

  5   Q.  Mais ce n'est pas adressé au Grand état-major ?

  6   R.  Non, ce type de document n'était pas porté à la connaissance du Grand

  7   état-major, ça aurait créé trop de documents. Vous avez les documents qui

  8   sont archivés au commandement de la brigade. Vous ne les envoyez pas au-

  9   delà, ça ne va pas au Grand état-major.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, comme vous êtes un intellectuel,

 11   vous allez comprendre.

 12   Sans conteste, au travers de la multitude de documents que vous nous avez

 13   montrés, un juge raisonnable peut constater qu'au sein du HVO il y avait un

 14   problème concernant les conscrits ou les volontaires, car beaucoup

 15   manifestement ne voulaient pas se battre. C'est un problème réel qui

 16   apparaît d'ailleurs. J'évoquerai dans 15 jours un document d'un entretien à

 17   Zagreb avec Tudjman, Bobetko et Susak, où la question est évoquée. Il y a

 18   un véritable problème. Un juge raisonnable essaie d'analyser les causes de

 19   ce problème, et une des causes, mais c'est une hypothèse que je vous livre,

 20   ne tiendrait-elle pas au fait que ces soldats n'avaient pas le sentiment de

 21   participer à une guerre patriotique au sens où une guerre patriotique c'est

 22   le symbole des valeurs républicaines, laïques ou autres, mais plutôt à une

 23   guerre nationaliste où comme l'a dit le célèbre général de Gaulle, qui

 24   était général comme vous, le nationalisme c'est la haine des autres ? Est-

 25   ce que tous ces soldats qui vous font défaut ne se considéraient pas comme

 26   des patriotes qui devaient se battre et que ce combat dans lequel on

 27   voulait les impliquer, ce n'était pas le leur ? Qu'est-ce que vous en

 28   pensez ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge

  2   Antonetti, ce problème n'est pas vraiment simple, je vais essayer de

  3   l'exposer.

  4   Dans la guerre, on trouve une très grande quantité de facteurs qui se

  5   condensent. Tout d'abord, on peut attribuer différents qualificatifs au

  6   nationalisme et on a cette nuance qui est celle du chauvinisme, lorsqu'il

  7   s'agit de haine envers l'autre. Il y a des ouvrages de sciences politiques

  8   qui envisagent le nationalisme comme une forme d'amour prononcée envers son

  9   propre pays et non comme une forme de haine. Autrement, j'ignore quel terme

 10   nous pourrions employer à la place du nationalisme ou de l'adjectif

 11   "national" pour quelque chose qui relève de l'amour pour sa patrie.

 12   Monsieur le Juge Antonetti, vous n'êtes pas sans savoir que c'est par amour

 13   pour leur propre pays que les Français, après la Seconde Guerre mondiale,

 14   dans le cadre de la Résistance, ont exécuté sommairement plus de 10 000

 15   collaborateurs. C'était aussi par amour pour leur propre patrie. Il s'agit

 16   de faits extrêmement graves. Ici, nous avons affaire à la chose suivante :

 17   il n'est pas exact de dire que ces gens ne ressentaient pas le désir de se

 18   battre pour leur pays, et je parle ici de la Bosnie-Herzégovine. Le

 19   problème est à placer dans un cadre plus large.

 20   Tout d'abord, cet Etat s'était effondré. Il n'y avait pas un but

 21   précisément défini pour ce qui était de savoir quel était ce pays pour

 22   lequel on se battait. Au début, l'objectif était clair : c'était la Bosnie-

 23   Herzégovine. Mais lorsque les choses ont commencé, et vous verrez dans les

 24   textes de Franjo Tudjman et dans d'autres, lorsque la guerre a commencé à

 25   durer, que l'embargo n'a pas été levé, lorsqu'on a autorisé au sein de la

 26   communauté internationale certaines choses pour les Serbes, les gens ont

 27   commencé à se poser des questions, si toutes ces choses ont déjà fait

 28   l'objet d'une décision quelque part, quelle est cette chose pour laquelle

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  1   je vais me battre ? C'est de cela que nous discutions, Franjo Tudjman et

  2   nous. Si quelqu'un laisse les Serbes vous massacrer et vous battre comme

  3   c'était le cas avec les armes qui leur parvenaient, alors la question se

  4   posait de savoir si le combat mené par ces gens n'était pas vain, car les

  5   cartes avaient déjà été tracées d'avance. Vous savez très bien comment les

  6   cartes étaient tracées d'avance. Aussi bien à Versailles qu'à Yalta, au

  7   Kosovo également. Lorsque les grandes puissances décident qu'il en sera

  8   d'une certaine façon et que les gens sentent bien qu'il se passe ici

  9   quelque chose d'inhabituel, c'était là le premier problème auquel nous

 10   étions confrontés.

 11   Deuxième problème, il y avait M. Alija Izetbegovic qui ne voulait pas

 12   avancer de proposition portant organisation interne de la Bosnie-

 13   Herzégovine. Les gens voulaient savoir cela. Vous savez, Monsieur le

 14   Président, la vie est quelque chose de très précieux pour des jeunes hommes

 15   de 20 ans. Pourquoi vont-ils donner leurs vies ? Pour quelle idée ? L'idée

 16   que 70 % du territoire tombera sous la coupe de la République serbe, qui

 17   est tolérée par la communauté internationale dans son extension jusqu'à

 18   Srebrenica, ou l'idée d'Alija Izetbegovic, que tous avaient lue, comme quoi

 19   il aurait dû s'agir d'un Etat unitaire où il aurait joui d'une majorité

 20   avec 51 % de la population, dans ce cas-là, le raisonnement que ces jeunes

 21   gens tiennent est pourquoi vais-je donner ma vie ? Ne vais-je pas plutôt

 22   partir en Croatie pour sauver ma peau, et où vais-je trouver un espace où

 23   je vais pouvoir vivre ? Ça, c'est le deuxième point.

 24   Le troisième problème c'est que ces différentes petites enclaves étaient

 25   extrêmement fragmentées, il était extrêmement difficile de relier ces

 26   territoires. Autrement dit, les habitants de Livno voulaient défendre

 27   Livno. Les habitants de Tomislavgrad souhaitaient défendre Tomislavgrad.

 28   Ceux de Jajce se battaient bien quand ils se battaient à Jajce, mais une

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  1   fois qu'ils ont perdu Jajce et que tout a été incendié et qu'ils en ont été

  2   expulsés, ces hommes, en tant qu'unité armée qui avait été brisée,

  3   n'avaient plus ce sentiment qu'ils auraient le devoir de défendre, par

  4   exemple, Tomislavgrad pour ensuite revenir un jour à Jajce. C'est quelque

  5   chose qui est bien plus difficile à accomplir dans toutes les armées, et

  6   c'était bien plus difficile ici également.

  7   C'est tout ce spectre de souffrance, de désespoir humain auquel nous

  8   avions affaire, lorsque 30 000 personnes sont chasées de Jajce et qu'on a

  9   autant de morts qu'il y en a eu, les hommes n'ont plus la force nécessaire.

 10   L'idée pour laquelle ils doivent se battre n'est plus claire du tout, à la

 11   différence de ce qui se passait en Croatie. Là-bas, chaque soldat savait

 12   que les frontières de la Croatie existaient et que nous allions percer ces

 13   frontières. Il s'agira de cet Etat démocratique bénéficiant d'un système

 14   parlementaire et organisé. En revanche, en Bosnie-Herzégovine, la guerre

 15   durait, tous observaient tranquillement ce qui se passait, ne donnaient pas

 16   d'armes, et toute personne normalement constituée ne pouvait que se

 17   demander, pourquoi vais-je donner ma vie ? Est-ce que tout cela a déjà été

 18   décidé ? C'est pour cela que l'on parlait de trahison, d'accords

 19   préalables, de territoires qui avaient été vendus, on imagine beaucoup de

 20   choses, dans ces cas-là. Pourquoi est-ce que personne ne nous a rien dit ?

 21   Pourquoi les Serbes ont-ils pris le contrôle de tout cela ?

 22   Il faut ajouter à tout cela la notion même de patriotisme. Alors,

 23   Monsieur le Président, vous n'êtes pas sans savoir le petit nombre de

 24   Français qui ont participé à la Résistance. Les autres attendaient. Celui

 25   qui était vigneron continuait à fabriquer son vin, on continuait à boire,

 26   heureusement, qu'un petit nombre s'est opposé à l'occupation. Il y avait

 27   des généraux français qui disposaient d'une flotte importante mais qui

 28   appréciaient davantage Hitler que de Gaulle ou Churchill, et c'est alors

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  1   qu'il a fallu les bombarder.

  2   Malheureusement, on ne peut pas procéder à des simplifications. D'un

  3   point de vue sociologique, le problème est extrêmement complexe.

  4   Quant au désordre, lorsque viendra l'expert que j'ai prévu, on le

  5   verra. Lorsqu'on a un groupe de personnes aussi neutre que l'assemblée qui

  6   nous réunit aujourd'hui, lorsqu'on produit une enquête d'envergure modeste

  7   concernant les événements, on aboutit à un certain résultat. Mais si --

  8   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, objection, parce que ceci est

  9   vraiment très loin du sujet de l'interrogatoire principal. C'est sans

 10   pertinence, me semble-t-il.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : -- du fait que vous avez énormément développé. Moi,

 12   ma question était simple, c'était de savoir pourquoi ces soldats refusaient

 13   de combattre. Vous avez expliqué, et j'en ai tiré la conclusion que c'était

 14   lié à la situation elle-même dans la Bosnie-Herzégovine. Ça peut nous

 15   permettre de mieux comprendre, mais nous aurons certainement l'occasion de

 16   revenir là-dessus, parce que cet événement a été discuté au plus haut

 17   niveau en Croatie entre M. Tudjman, Susak et Bobetko, car pour eux, ça

 18   semblait être un véritable problème.

 19   Maître Pinter.

 20   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Q.  Général, revenons alors à ce document.

 22   R.  Nous en avons terminé.

 23   Q.  Alors, dans ce cas-là, passez, s'il vous plaît, à la pièce numéro

 24   3D00967. Ce document émane de vous. Il n'est pas signé, cependant.

 25   R.  Oui, il émane de moi. Je pense que nous l'avons présenté, et je n'ai

 26   rien à y ajouter. Ce document est tout à fait clair. Les membres du HVO

 27   n'ont pas le droit d'arrêter les véhicules de la FORPRONU pour procéder à

 28   des fouilles et à des contrôles, et voilà. Au point 3, lorsqu'on parle des

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  1   convois, on pense aux tâches qui doivent être accomplies lors du chargement

  2   dans les véhicules constituant le convoi, mais j'ai écrit cela en

  3   m'adressant à l'armée, et les convois devraient être contrôlés au point de

  4   départ pour vérifier s'ils ne transportent pas des biens qu'ils ne sont pas

  5   censés transporter et qui ensuite empruntaient l'itinéraire qui a été

  6   déterminé et au cours duquel il doit aussi faire l'objet de contrôles.

  7   Q.  Passez maintenant, s'il vous plaît, au 3D01145.

  8   R.  C'est un document émanant du général Petkovic en date du 9 août 1993.

  9   C'est tout à fait clair. Il n'y a rien à ajouter ici. Il est dit qu'il faut

 10   avoir des listes à jour des soldats, des sous-officiers, qu'il faut tenir

 11   également des listes de ceux qui ont déserté, qu'il faut rédiger des

 12   rapports, alors il fallait les punir. Tout cela est très clair.

 13   Q.  Est-ce que vous étiez d'accord avec ce document rédigé par le général

 14   Petkovic et son contenu à l'époque, pas aujourd'hui ?

 15   R.  Moi, je l'aurais volontiers cosigné. Mais le général Petkovic était le

 16   numéro 2 de l'état-major. Il avait le droit d'émettre des ordres, et moi

 17   seul étais en position de lui donner des ordres. Il avait comme moi la

 18   possibilité d'émettre des ordres à l'intention des échelons inférieurs,

 19   mais il n'aurait pas pu me donner des ordres à moi, mais il aurait pu

 20   commander à toute autre personne au sein de l'armée. Je ne remets pas en

 21   question ce document.  

 22   Q.  Passez maintenant au 3D01189. Ce document émane d'Emil Harah. Il

 23   ressemble à une pièce que nous avons déjà présentée, mais ce n'est pas le

 24   même. C'est pourquoi je vais vous demander d'en dire quelque chose. Cela

 25   remonte à l'époque où vous étiez chef du Grand état-major. Est-ce que ce

 26   document est parvenu jusqu'à l'état-major et jusqu'à vous ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Vous est-il parvenu ?

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  1   R.  Moi, j'en ai reçu des documents comme celui-ci. Alors est-ce que ce

  2   document précis nous est parvenu, je ne peux pas vous le dire. A l'état-

  3   major, nous recevions des documents de ce type, j'ai eu l'occasion d'en

  4   parcourir certains. Ils avaient trait à la contrebande, au désordre. Je ne

  5   peux pas vous dire que j'ai vu ce document précis, mais j'en ai vu qui

  6   était de la même eau et qui faisait état de l'existence de la contrebande,

  7   d'actes criminels, et ainsi de suite. J'ai vu des documents semblables à

  8   celui-ci.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, je vous présenterai dans quelques

 10   jours un document qui est paru dans la gazette officielle de l'Herceg-Bosna

 11   concernant le procureur militaire. Et vous verrez qu'à l'article 27 du

 12   document - je ne l'ai pas amené, j'aurais pu l'amener, mais je ne l'ai pas

 13   amené. A l'article 27, il est dit que le commandant d'une unité, au niveau

 14   où il est, vous en l'espèce, lorsqu'il a connaissance d'un crime, il doit

 15   en saisir le procureur militaire. C'est écrit noir sur blanc. Alors je vous

 16   montrerai le document et puis vous nous direz votre position, car jusqu'à

 17   présent vous avez dit que ce n'était pas de votre compétence, et ce texte

 18   infirme totalement vos propos. D'ici là, vous aurez l'occasion à l'aide de

 19   votre avocat de regarder ce document. On y reviendra plus tard.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette notion de compétence, Monsieur le Juge

 21   Antonetti, je pense que nous nous sommes mal compris. Il avait une

 22   obligation de rédiger un rapport. Et si moi, par exemple, je rédige un

 23   rapport concernant un policier qui m'a arrêté alors qu'il était en état

 24   d'ivresse, c'est la meilleure preuve possible et imaginable que je puisse

 25   fournir, que je dénonçais ce policier. Et je ne peux pas dire qu'il ne

 26   tombait pas sous la compétence qui était la mienne. Alors ce qui échappe à

 27   ma compétence, c'est ce qui se passe ensuite, cela, je l'ignore.

 28   Si moi, je dénonce des membres des forces armées qui fument lors de

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  1   leur prestation de serment, alors je le fais immédiatement et sur place. Je

  2   le fais en disant que cela est interdit. Et j'ai dénoncé tout un chacun qui

  3   avait commis des infractions dans le domaine de compétence qui était le

  4   mien. Si vous avez connaissance qu'une maison a été incendiée, par exemple,

  5   et que vous dénoncez cela, entre le fait que la maison a brûlé parce

  6   qu'elle a été incendiée et la question de savoir qui a incendié cette

  7   maison, se trouve un espace considérable pour ce qui est de savoir

  8   précisément qui est l'auteur de cela. Et c'est l'espace qui fait l'objet de

  9   l'enquête, comme c'est le cas à Paris, où on n'arrête que 15 % des auteurs

 10   d'infractions au pénal.

 11   Nous savons tous que quelqu'un a incendié cette maison, et ce que l'on

 12   fait, c'est que l'on dénonce, on porte une plainte contre X,  contre un

 13   auteur inconnu. Alors ici ce qu'on demanderait c'est qu'on montre du doigt

 14   quelqu'un et qu'on l'accuse : C'est toi qui a fait ça. On ne peut pas faire

 15   cela. Et je le répète, moi, je dénonçais même un simple policier qui était

 16   en état d'ivresse, à plus forte raison, l'incendie d'une maison, si j'en

 17   avais connaissance. C'est la position qui est la mienne. 

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Pinter.

 19   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Général, passez, s'il vous plaît, au document numéro 3D01152, s'il vous

 21   plaît. C'est un ordre émanant de Zarko Tole, mais c'est signé par Matic, à

 22   la date du 13 août 1993.

 23   R.  Oui, nous avons là encore une tentative, au cours d'une guerre

 24   particulièrement difficile le 13 août 1993, c'est une date où nous avions

 25   des incendies sur plus de 200 kilomètres. Il y avait des frappes

 26   particulièrement dures contre la partie sud de Mostar. On essaie

 27   d'apprendre aux gens comment s'occuper correctement des tâches

 28   administratives. Je n'ai rien à ajouter à cela. Donc on donne un délai de

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  1   cinq ou six jours pour que les gens apprennent à tenir les registres pour

  2   que les ordres soient rédigés correctement. Par là encore, il s'agit d'une

  3   forme de savoir-faire qui, dans une armée normale, fait l'objet d'une

  4   formation, d'une instruction. Les personnes employées à cela ne savaient

  5   simplement pas comment bien le faire, et on essaie d'y mettre de l'ordre.

  6   Q.  Il est indiqué 3D02584. C'est le document suivant, 3D02584.

  7   R.  Oui.

  8   Q.  La date est celle du 14 août 1993.

  9   R.  Oui. Un jour auparavant, déjà cette attaque contre le secteur sud avait

 10   commencée, et nous voyons donc M. Petkovic et moi-même, nous cosignons.

 11   Et là encore, le fait du 15 août est un facteur à ne pas oublier dans

 12   une armée comme celle-là. Tous les officieux et les officiers essaient de

 13   jouer des pieds et des mains pour avoir une permission pour pouvoir être

 14   auprès des leurs en ce jour-là. C'est là l'une des habitudes, des

 15   traditions qui malgré leur présence au sein de l'armée, malgré la situation

 16   de guerre, persiste auprès de ces hommes. C'est une tradition plus que

 17   séculaire, et ils s'en tiraient extrêmement frustrés et bridés s'ils

 18   n'étaient pas autorisés à rejoindre les leurs en ce jour-là. Donc on dit

 19   qu'il ne faut pas sortir car l'attaque a déjà commencé, qu'il ne faut pas

 20   abandonner les positions dont ils avaient la charge, que la police

 21   militaire est déjà en train de bloquer toutes les routes --

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, vous n'avez pas

 23   cosigné aujourd'hui. Comment se fait-il que vous disiez que l'avez cosigné

 24   ? Où se trouve cette signature ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, je n'ai pas dit cela, j'ai dit

 26   qu'aujourd'hui je cosignerais cet ordre. Je l'estime tout à fait normal. Je

 27   l'estime bon. Je n'ai pas dit que je l'ai cosigné, mais aujourd'hui je le

 28   cosignerais.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, Monsieur Praljak, je lis au

  2   compte rendu que vous dites, "Je l'ai cosigné," ligne 20 de la page 21.

  3   J'invite nos avocats de la Défense qui connaissent les deux langues de

  4   veiller au grain et d'intervenir dès qu'ils relèvent une discordance.

  5   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, avec votre permission,

  6   je souhaiterais dire que nos interprètes ont traduit avec exactitude mot

  7   pour mot ce que le général Praljak a déclaré. Mais le sens d'une phrase

  8   comme celle-ci, "Moi, aujourd'hui, je cosigne cela," cela signifie, moi, je

  9   suis d'accord avec cela. Si bien que c'est une formulation qu'il faut

 10   comprendre correctement.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

 12   Mme PINTER : [interprétation] Dans des documents précédents, j'ai déjà

 13   demandé au général s'il était en accord avec les documents signés par le

 14   général Petkovic, et en utilisant cette même formulation, le général vient

 15   de dire qu'il accepte ce document comme s'il était le sien, en disant, je

 16   le cosigne. Cela ne signifie pas qu'il l'a effectivement cosigné.

 17   Q.  Général, pour cette date du 21 août, nous avons le document 3D01202.

 18   C'est un ordre émanant de vous, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui. L'alcool représentait un problème considérable. C'est un problème

 20   général dans toutes les guerres et pour toutes les armées. Une tradition de

 21   longue date qui remonte jusqu'à la Première Guerre mondiale, notamment au

 22   sein des unités russes. Au cours de la Seconde Guerre mondiale aussi, on

 23   donnait de l'alcool aux hommes avant les combats afin qu'ils soient plus

 24   courageux.

 25   La guerre est une situation complètement anormale en termes de stress

 26   et de tension, et naturellement, on va boire et essayer de résoudre toutes

 27   ses frustrations par l'alcool.

 28   Alors franchement, je ne sais pas si j'ai rédigé cet ordre en me fondant

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  1   sur une compétence qui aurait été légalement la mienne. Je l'ignore parce

  2   que cela incombe plutôt aux autorités civiles, mais pour tout le reste, j'y

  3   souscris. Donc la situation avec ces différentes installations et ces

  4   débits de boisson ne représente pas une pression ou un problème pour les

  5   autorités civiles, mais pour moi, lorsque je vois la façon dont mes hommes

  6   s'y rendent pour y aller boire, dans la situation de la guerre, et c'est

  7   pour cela que je prends cette décision demandant la fermeture de ces débits

  8   de boisson sur tout ce territoire, car c'est un grand mal qui échappe à

  9   tout contrôle. Les hommes sont tellement épuisés à la limite de

 10   l'épuisement de leurs forces, à tout point de vue, aussi bien physique que

 11   psychique, lorsqu'en plus de cela ils boivent.

 12   Je maintiens cet ordre, bien que je sache ne pas avoir agi en me

 13   fondant sur une compétence légale avérée.

 14   Q.  Vous avez choisi entre deux maux, vous avez choisi le moindre, n'est-ce

 15   pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Passons maintenant au document 3D01206.

 18   R.  C'est un document de l'IPD. Il est à remettre à Veso Vegar, et il fait

 19   état de la situation après la chute de Bugojno et des événements qui se

 20   sont produits. Et on parle de moi en termes positifs, pour ce qui est du

 21   commandement. On dit que l'intervention du général Praljak a empêché que

 22   Gornji Vakuf ne tombe également. Bien entendu, on ne peut pas aboutir à

 23   cela tout seul. J'ai initié évidemment le mouvement, j'ai amené ces hommes

 24   pour y parvenir. Il constate ici également que la situation s'est

 25   améliorée, que le moral s'améliore peu à peu ainsi que la confiance en nos

 26   propres forces. Il constate que j'y ai contribué.

 27   Compte tenu du fait que je suis au Tribunal où je fais l'objet d'un

 28   acte d'accusation de la part du Procureur, j'affirme que cela est exact.

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  1   Autrement, je ne dirais jamais cela ainsi en dehors d'un tribunal et je ne

  2   m'en venterais jamais. Mais je confirme ici que la situation s'est

  3   améliorée ici comme ailleurs.

  4   Q.  Pourquoi ?

  5   R.  Parce que je travaillais 20 heures par jour et que je travaillais bien,

  6   parce que je ne suis pas bête. Comme dit M. le Président, je suis une

  7   personne éduquée, pleine de volonté, et je me suis échiné véritablement à

  8   travailler comme un forcené. J'ai beaucoup de force également, et c'est

  9   pour cela que la situation en Bosnie centrale s'est améliorée dans la

 10   limite qui était possible dans ce type de situation, évidemment.

 11   Q.  Général, je contrôle simplement le compte rendu d'audience. Pour

 12   résoudre cette question malencontreuse de la dénomination HV Hrvatinic.

 13   Dans ce document, on fait mention de Nikola Pedjo [phon] de la Brigade

 14   Hrvoje Vucic Hrvatinic.

 15   R.  Madame Nika, Hrvoje Vucic Hrvatinic, pour résoudre cela une fois pour

 16   toute.

 17   Q.  Oui, c'est une brigade de la HV, des forces armées croates, n'est-ce

 18   pas ?

 19   R.  Oui, c'est une brigade du HVO de Jajce.

 20   Q.  Pouvez-vous nous expliquer alors les circonstances en raisons

 21   desquelles --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le document, il est fait état à un moment donné

 23   - vous devez trouver ça en page 2 de la version B/C/S, dans la version

 24   anglaise, c'est en page 3 - du comportement d'individus ou de groupes

 25   spécialement dans les villages autour de Prozor, la municipalité de Prozor.

 26   Vous vous rappelez, Général Praljak, on a eu beaucoup de victimes qui sont

 27   venues nous raconter qu'elles avaient été l'objet de mauvais traitements de

 28   la part du fameux Kinder Platoon. A votre niveau, qu'est-ce que vous avez

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  1   fait ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, dans la municipalité de

  3   Prozor et ses environs, il y a environ une soixantaine de villages. Tout ce

  4   qui s'y produit, cela se produit de nuit, et on recevait toujours une

  5   information comme quoi quelque chose s'est passée. Moi, j'étais loin

  6   d'avoir reçu des informations comme quoi quelque chose se serait passée,

  7   parce que j'étais en train de faire la guerre. Mais lorsque j'arrivais sur

  8   place, on me donnait des informations, et vous vous retrouvez alors,

  9   Messieurs les Juges, dans une situation où vous êtes pris de désespoir

 10   parce que vous ne disposez absolument d'aucune forme de réponse possible

 11   qui vous permettrait d'empêcher cela dans cette zone.

 12   Toute personne capable de porter un fusil se trouve déjà sur les

 13   lignes de front pour assurer la défense, premièrement. Alors vous pouvez

 14   vous rendre parmi ces gens et poser la question idiote de savoir qui a fait

 15   cela et, bien entendu, ils vont vous répondre : Personne d'entre nous ne

 16   l'a fait.

 17   En dehors de l'enquête diligentée par le SIS s'efforçant de

 18   déterminer les noms des personnes qui avaient commis cela pour ensuite

 19   engager les procédures nécessaires comme dans tout autre Etat; à mon

 20   niveau, les meilleurs efforts et les meilleurs résultats possibles étaient

 21   ceux que l'on obtenait par le dialogue avec toutes les structures

 22   existantes, avec les commandants, avec les anciens, c'était de la

 23   prévention.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai pas lu l'intégralité du paragraphe pour

 25   gagner du temps, mais je dois vous indiquer que l'auteur de ce rapport, M.

 26   Kalinic Petar, ajoute quelque chose de très important. Il dit : La police

 27   n'a pas été capable de prévenir cela. Mais il rajoute que d'après les

 28   indications, ils auraient eux-mêmes commis les actes en question. Alors

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  1   comment se fait-il que l'autorité militaire qui sait que la police peut

  2   être à l'origine de ces comportements criminels ne fait rien, ne les arrête

  3   pas, tous les policiers en question ?

  4   Rappelez-vous, Monsieur Praljak, je ne cite pas de noms, mais nous

  5   avions un témoin qui nous a dit qu'on est venu le ou la chercher en prison

  6   - je n'entre pas dans les détails - alors, l'auteur de ce rapport y fait

  7   référence à ce type de comportement et l'autorité militaire dont vous

  8   étiez, le numéro 1, n'est pas capable de faire régner l'ordre au niveau de

  9   cette région. Si vous n'en n'étiez pas capable, dites-le-nous.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Première correction : je n'étais  pas le

 11   numéro 1 de la police militaire. J'aimerais que ce soit établi une bonne

 12   fois pour toutes.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai pas dit le numéro 1 de la police militaire.

 14   J'ai dit que vous étiez le numéro 1 de l'autorité militaire.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais à la tête des effectifs, responsable

 16   des effectifs. Ça, c'est la première chose. Mais regardez ce que dit le

 17   texte, parce que ce qui se passe ici, ce sont l'existence d'indices.

 18   Monsieur le Président, qu'est-ce que je pourrais faire avec des

 19   indices ? Ils ont des renseignements et des indices indiquant que quelqu'un

 20   fait quelque chose. D'abord, ce n'est pas toute la police militaire qui

 21   fait cela. Il y a une possibilité, il y a des indices montrant que peut-

 22   être, un policier militaire ici ou là ferait ça. Les services d'information

 23   ne sont pas suffisamment équipés. La police militaire n'est pas

 24   suffisamment équipée. Normalement, s'ils apprennent le nom de la personne,

 25   il faut qu'ils l'arrêtent; mais ce n'est pas le cas, ils supposent que

 26   c'est moi qui connais le nom. Dans ce cas-là, si j'avais connu le nom, je

 27   l'aurais arrêté. Mais sur la base de quoi ? Sur la base d'indices ? On

 28   parle toujours d'indices, et ils sont présents parce que quelqu'un a

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  1   entendu dire quelque chose quelque part, et cetera.

  2   Alors, j'affirme qu'en dépit de tous les efforts qu'on déployait, il était

  3   impossible d'empêcher ce qui s'est passé dans ce territoire à ce moment-là.

  4   Par quelque moyen que ce soit, c'était impossible. J'ai fait des efforts

  5   énormes pour empêcher cela, mais je ne peux tout de même pas arrêter le

  6   premier homme qui se présente sur la route pour l'arrêter ou le passer à

  7   tabac et l'emmener en prison en raison de l'existence d'indices.

  8   Personne ne cite le moindre nom. Il faut qu'il y ait un nom qui soit

  9   prononcé.

 10   Cet événement s'est passé. Alors, il peut se passer à Paris et vous

 11   rencontrez, Monsieur le Président, un citoyen dans les rues de Paris et

 12   vous l'arrêtez, vous le foutez en prison ?

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il n'est pas utile de parler de

 14   Paris dans ce contexte-ci. Pourquoi n'avez-vous pas répondu en nous parlant

 15   de ce que vous avez fait ? Vous dites avoir déployé énormément d'efforts.

 16   Qu'avez-vous fait à Prozor ?

 17   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me permettez

 18   une brève intervention.

 19   J'ai l'impression qu'il y a un malentendu. Hier, j'ai eu le même

 20   sentiment. Excusez-moi pour cette intervention qui est due à cela, mais je

 21   pense que ce qui importe au premier chef, c'est de répondre à la question

 22   de savoir si quelqu'un avait le devoir de faire quelque chose ou si

 23   quelqu'un, en rapport avec cette question, a des compétences particulières.

 24   Dans ce cas concret, dans la situation dont nous parlons, la question qui

 25   se pose consiste à savoir si un commandant du HVO peut faire quelque chose,

 26   dès lors que c'est la police militaire qui est en cause parce que est-ce

 27   que cela relève de sa responsabilité hiérarchique si cet homme est

 28   responsable des actes de la police militaire. Dès lors que l'on confirme

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  1   que ce commandant est effectivement responsable et a le devoir d'agir,

  2   alors je pense qu'il importe d'interroger le témoin au sujet de ce qu'il

  3   pouvait faire et de ce qu'il a effectivement fait, parce que si nous

  4   continuons comme nous le faisons maintenant, je pense que nous abordons

  5   toujours des sujets qui sont en dehors du champ de sa capacité à répondre.

  6   Je pense qu'il fallait que ceci soit précisé.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi, mais je dois faire un

  8   commentaire. Non, ceci n'est pas convenable. Vous avez plaidé dans

  9   l'intervalle, et vous avez donné des leçons à la Chambre sur la

 10   responsabilité de commandement. Vous n'auriez pas dû faire cela. Mais ceci

 11   n'a pas de conséquence, bien sûr.

 12   M. Praljak nous a dit pour ce qui était d'empêcher l'abus d'alcool, ceci ne

 13   relevait pas de sa compétence. Il s'agissait de cas graves de personnes qui

 14   étaient violées, que l'on volait, qui étaient maltraitées, en fait. S'il

 15   dit que c'est la police militaire, cela ne le concerne pas. C'est ce que

 16   vous dites ?

 17   Maître Pinter, la question s'adressait au témoin, et je crois qu'il est

 18   inconvenant que vous hochiez la tête de cette façon qui semble indiquer ce

 19   qu'il devrait répondre.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous pouvez -- Attendez. Monsieur

 21   Praljak, vous pouvez répondre. Est-ce que d'après vous, ça relevait de

 22   votre compétence ou celle de la police

 23   militaire ? Vous nous le dites ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais répondre à deux questions.

 25   Premier point, cela ne relevait pas de ma compétence, ça, c'est le premier

 26   point.

 27   Mais en dehors de cela, je prierais M. le Juge Trechsel de ne pas me mettre

 28   dans la bouche des mots que je n'ai pas prononcés. Je n'ai pas dit que je

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  1   ne serais pas intervenu, et cetera. Je n'ai pas parlé des personnes tuées,

  2   et cetera. Vous m'avez demandé ce que j'ai fait.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Exact.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dis que j'ai tout fait. J'ai énuméré ce que

  5   j'entendais par ce tout.

  6   Je vous en prie, laissez-moi finir ma réponse.

  7   Tout ce qu'un être humain peut faire dans une situation comme celle-là pour

  8   protéger 60 villages, mais que peut-on faire ? Monsieur Trechsel, puisque

  9   nous en sommes là, j'aimerais que vous me disiez éventuellement ce que vous

 10   auriez fait dans une telle situation ou n'importe qui d'autre, et que ce

 11   soit efficace pour que j'écrive encore des tonnes de documents impliquant

 12   d'agir. Je vous ai dit ce que j'avais fait. On ne peut pas faire plus que

 13   ce que j'ai fait. Je défie quiconque au monde d'avoir fait plus que je n'ai

 14   fait dans ce territoire et dans cette période, au moment où tout était en

 15   décomposition.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, en termes techniques, n'était-il

 17   pas possible à votre niveau d'instaurer le couvre-feu premièrement ?

 18   Deuxièmement, de demander aux "check points" que vous avez déployés sur le

 19   terrain d'arrêter tous ceux qui circulaient dans les heures du couvre-feu ?

 20   N'était-ce pas une possibilité technique qu'a un commandant militaire dans

 21   sa zone de responsabilité ?

 22   Voilà. C'est technique. Qu'est-ce que vous me dites ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Ça, ça n'était pas

 24   possible pour toutes sortes de raisons. D'abord, j'ai introduit un couvre-

 25   feu. Deuxième point, 60 villages liés à une route, bloqué tout cet

 26   ensemble, bloqués tous ces villages. Pour le faire, il faut un millier

 27   d'hommes en deux équipes, jour et nuit. Cette police militaire doit aussi

 28   être sur le terrain parce que l'offensive est énorme et nous étions cinq

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  1   fois inférieurs en nombre à l'adversaire. C'est le deuxième point.

  2   Vous vous rappellerez ce document de 1992, dans lequel je dis qu'il

  3   faut créer des effectifs mixtes dans les villages, le présupposé pour que

  4   cela ne se produise pas, c'était l'accord entre les Croates et les

  5   Musulmans, qui accepteraient ensemble d'armer les gens et de leur donner

  6   des fusils, parce que pour tout être humain normalement constitué, il était

  7   clair que des assassins et des criminels allaient arriver pour essayer

  8   d'agir. Etant donné les forces des effectifs à la disposition de Slobodan

  9   Praljak ou de Valentin Coric, leur nombre était insuffisant.

 10   J'avais prévu ce qui s'est passé. Cela ne m'a pas surpris.

 11   Je vais vous dire sincèrement que moi, je m'attendais même à ce que des

 12   événements pires que cela ne se produisent. C'était impossible, tout

 13   simplement impossible. Vous n'avez pas les effectifs suffisants. Vous avez

 14   un nombre de villages à protéger qui est trop important, beaucoup trop de

 15   voies de communication, la situation dure depuis trop longtemps pour que

 16   les choses se passent sans dégâts. Je vous ai parlé de centaines

 17   d'entretiens, de centaines de conversations. Je restais longtemps aux

 18   réunions, j'essayais de ranimer le courage des gens. Ça, on ne peut pas le

 19   faire par voie d'ordres écrits.

 20   Est-ce que vous pensez que je suis illettré et que je n'aurais pas

 21   trouvé la solution si cela avait suffi d'écrire cinq ordres écrits et de

 22   régler le problème, comme si on tenait un revolver sur la tempe de

 23   quelqu'un ? Non. Je ne pouvais pas, et personne n'aurait pu faire plus que

 24   je n'ai fait, malheureusement.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, nous allons changer de sujet.

 26   Mais doit-on comprendre de vos propos, en guise de conclusion, que vous

 27   étiez conscient d'un problème lié à l'ordre public, mais que vous n'aviez

 28   pas les effectifs pour faire face à ce problème ? Est-ce que c'est votre

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  1   conclusion ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Un an avant, je savais que ce genre

  3   d'événement allait se produire. Au mois de novembre 1992, je leur disais

  4   que ces événements allaient se produire si les choses n'étaient pas réglées

  5   selon les propositions que je faisais. Je leur ai dit que nous serions

  6   impuissants, comme les gens ont été impuissants après l'ouragan Katrina, et

  7   cetera. Mon pouvoir n'a pas atteint la possibilité d'obtenir une solution.

  8   Mon pouvoir n'a cessé de s'appliquer, mais il n'a pas pu être supérieur à

  9   ce qu'il a été, et malheureusement c'est une réalité, mais j'affirme que

 10   personne n'aurait pu faire mieux que moi.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter.

 12   Mme PINTER : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, j'indique

 13   qu'après la remarque de M. le Juge Trechsel indiquant que j'agitais la

 14   tête, je tiens à dire que je n'agitais pas la tête par rapport à ce qui

 15   était dit mais au sujet du contenu du document 3D01206, où pas un mot n'est

 16   dit d'incendies volontaires ou de viols, et la réponse du général Praljak

 17   portait sur ce document. Monsieur le Juge, ma gestuelle n'avait rien à voir

 18   avec une quelconque intention de réagir négativement à votre question.

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci, Maître Pinter. J'accepte vos

 20   explications. Bien sûr, ce que nous avions en tête, c'était les témoins que

 21   nous avons entendus il y a deux ou trois ans, qui ont parlé de cette

 22   région, et ils ont évoqué quelque chose de la sorte. Je ne sais pas

 23   exactement où cela se situe dans le document, mais veuillez poursuivre.

 24   J'accepte votre explication.

 25   Mme PINTER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

 26   Q.  Mon Général, quand vous étiez sur le terrain, prenons un cas concret, à

 27   Prozor, par exemple, avez-vous à quelque moment que ce soit ordonné une

 28   attaque contre des civils ?

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  1   R.  Voyons, Madame Nika, ne me posez pas ce genre de question. Ce procès

  2   n'est pas au niveau d'une telle question.

  3   Q.  Bon, mais c'est mon devoir de vous poser cette question. Certaines

  4   questions doivent être posées. Je vous demande maintenant le document

  5   3D01192. C'est un document dont vous êtes l'auteur, qui date du 31 août

  6   1993.

  7   R.  Oui, j'en suis l'auteur, je l'ai signé. Dans ce document, je demande,

  8   parce que encore une fois je ne peux pas émettre un ordre, mais je demande

  9   à M. Valentin Coric, chef du département de la Défense, de remplacer

 10   l'homme qui est mentionné ici à son poste pour une raison très simple, à

 11   savoir qu'à plusieurs reprises il a abandonné le champ de bataille sans

 12   aucune autorisation, de son propre chef.

 13   Q.  Est-ce que ce texte concerne Gornji Vakuf, peut-être ?

 14   R.  Oui.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maintenant, Monsieur Praljak,

 16   j'aimerais néanmoins revenir à la question où vous avez dit que vous ne

 17   souhaitiez pas qu'on vous pose la question. Avez-vous jamais attaqué un

 18   village, avez-vous jamais donné l'ordre qu'on attaque un village ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, jamais, au grand

 20   jamais je n'ai donné l'ordre d'attaquer des civils ou de faire quoi que ce

 21   soit de négatif à l'encontre des civils. Nous avons vu beaucoup de

 22   documents déjà. Bien entendu, je me défendais --

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne vous ai pas posé cette

 24   question-là. Je vous ai demandé si vous avez jamais donné l'ordre

 25   d'attaquer un village. Je n'ai pas parlé de civils.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais vous parlez de positions de l'ABiH --

 27   comment on peut attaquer un village ? Je ne comprends pas. On n'attaque pas

 28   un village, on attaque les positions de l'ABiH. Pourquoi est-ce que

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  1   j'aurais attaqué un village s'il n'y avait pas de soldats là-bas ? Dans ce

  2   cas-là, on n'a pas besoin d'attaquer, on n'a qu'à entrer. Je ne vois pas

  3   vraiment --

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ceci n'est pas une dichotomie, nous

  5   le savons tous fort bien. Parfois, dans certains villages, il y a des

  6   positions, et si vous attaquez les positions, comment pouvez-vous vous

  7   assurer qu'il n'y a pas de civils dans ce village également ? Je ne laisse

  8   pas entendre que ceci soit automatiquement une violation des droits de la

  9   guerre. Cela peut même ne pas constituer un crime. Je posais simplement la

 10   question sur le fait.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai attaqué les positions de l'ABiH. Quand

 12   nous étions en guerre les uns contre les autres, j'ai attaqué les positions

 13   de l'ABiH à l'entrée de certains villages, à l'intérieur de certains

 14   villages, en dehors de certains villages, où que se trouvent ces positions.

 15   C'était mon droit en temps de guerre.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous avez dû tenir compte -- en tout

 17   cas envisager la possibilité qu'il y avait peut-être également des civils ?

 18   Vous n'avez pas envoyé quelqu'un d'abord dans le village pour évacuer les

 19   personnes qui étaient des civils là où il y avait des positions ennemies ?

 20    Je souhaite être bien clair. On vous a demandé si vous aviez jamais

 21   attaqué des villages dans lesquels il y avait des civils. Il y a deux

 22   possibilités. La première, c'est que vous faites ceci exprès afin de tuer

 23   les civils, point. La deuxième, c'est que vous attaquez un village où il y

 24   a des positions ennemies, mais peut-être et éventuellement des civils. A ce

 25   moment-là, vous attaquez un village dans lequel se trouvent des civils,

 26   mais peut-être que ce n'est pas contraire à la loi. Si vous répondez à la

 27   deuxième éventualité, vous répondriez par l'affirmative, et dans ce cas,

 28   cela a pu peut-être se produire ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela a été le cas parfois. Je n'ai même pas

  2   besoin d'employer le mot "malheureusement". Les positions se trouvaient

  3   juste à côté des premières maisons d'un village. C'est là qu'il y avait des

  4   tranchées, et quand on tirait sur ces tranchées, il existait une

  5   possibilité que la balle ou l'obus tape une maison ou tape à l'arrière de

  6   la tranchée. Je n'exclus pas cette possibilité. Mais comment est-ce que moi

  7   j'aurais pu faire évaluer un village ? N'importe quelle personne qui

  8   participe à la guerre sait qu'on n'a pas le droit de nuire à des civils et

  9   qu'il faut les évacuer des zones de guerre.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ma question ne portait plus là-

 11   dessus, mais je crois que nous nous sommes rapprochés un petit peu

 12   davantage de ce qui s'est passé. Merci.

 13   Pardonnez-moi, Maître Pinter.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : La question de mon collègue, elle est fondamentale,

 15   parce qu'elle appréhende plusieurs situations dans l'acte d'accusation. Il

 16   est bon que vous répondiez complètement sur ce type de question, qui est

 17   importante pour qu'on comprenne ce qui a pu se passer. Je ne vais pas citer

 18   des noms de villages. Je prends un cas théorique. Je préfère raisonner de

 19   cette façon, parce que ça permet de mieux comprendre.

 20   Imaginons que vous décidez d'attaquer un village parce qu'il y a

 21   l'ABiH dans ce village. Car vous savez qu'ils sont là, et que pour des

 22   raisons de stratégies militaires, il faut que vous preniez ce village. Moi

 23   ce que je veux savoir, est-ce qu'avant d'attaquer ce village vous avez une

 24   réunion avec les officiers et avec ceux qui vont mener l'attaque, où vous

 25   leur donnez des consignes de bien cibler le site militaire et pas les

 26   objectifs civils, en leur donnant des consignes très précises sur l'emploi

 27   et l'usage du tir. Et une fois que le village est pris, est-ce qu'au

 28   préalable vous leur donnez des consignes sur le fait que lorsque le village

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  1   est pris et que des prisonniers sont faits, il faut, bien entendu, dans le

  2   cadre des conventions de Genève, bien traiter les prisonniers de guerre et

  3   mettre de côté les civils, femmes, enfants, vieillards qui, eux, ne sont

  4   pas des combattants ? Est-ce que tout ça se fait avant l'attaque afin que

  5   tous ceux qui participent à l'attaque aient bien vos ordres, vos consignes,

  6   aient bien dans la tête ce qui est permis et ce qui est interdit ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président Antonetti, depuis la fin

  8   du mois de mars et depuis le mois d'avril 1992, autrement dit, depuis la

  9   première fois que j'ai eu un contact avec les conventions de Genève et avec

 10   la Croix-Rouge dans l'armée croate, depuis ce moment-là, j'ai insisté tous

 11   les jours; pas seulement avant les attaques ou après une attaque, mais tous

 12   les jours. C'était un thème permanent de ce que je disais aux hommes. Dans

 13   tous mes séminaires, dans tous mes discours, vous verrez les documents que

 14   j'ai écris aux soldats en leur disant ce qu'ils risquaient comme peine de

 15   prison, et cetera. Donc pas seulement avant une attaque. Je n'ai pas arrêté

 16   de répéter ce comportement. Comme vous l'avez vu tout à l'heure sur les

 17   images de Zenica. Je n'ai pas cessé de dire aux hommes comment ils devaient

 18   se comporter, pas seulement dans les villages, mais en ville, dans les

 19   rues, partout. Et quand je dénonce un soldat ivre, je démontre comment les

 20   choses doivent se passer du début à la fin. Un policier n'a pas le droit

 21   d'être ivre, et ces hommes n'avaient pas le droit, bien entendu, de tirer

 22   sur des femmes et des enfants ou autres.

 23   Bon, d'accord, enfin, au moment de quelque action que ce soit,

 24   c'était quelque chose qu'on serinait aux gens, qu'on leur enfonçait dans la

 25   tête. On ne cessait de leur dire. Parce que là, dans ce texte, on parle

 26   d'un commandement et on parle d'hommes qui sont dans une ville. Je pense

 27   que tous les documents qui ont été évoqués montrent qu'il y a eu des cas où

 28   des gens ont été touchés. Mais nous, nous ne l'avons pas fait nulle part.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Vous nous dites, et c'est au transcript,

  2   que vous avez sans cesse rappelé aux soldats ses obligations. Bien. On vous

  3   donnera acte, vous l'avez dit. C'est au transcript.

  4   Maintenant, je vais affiner ma question. Nous savons -- je ne cite pas de

  5   nom de villages, mais je peux vous en citer si vous le voulez. Nous savons

  6   que la défense de ces villages était une défense assez complexe, car il y

  7   avait soit à l'intérieur des villages des maisons qui étaient transformées

  8   en blockhaus, soit ils avaient creusé à l'extérieur du village des

  9   tranchées dans lesquelles se trouvaient les "combattants." Je dis les

 10   combattants entre guillemets.

 11   Le problème posé c'est le fait que ces combattants se trouvaient

 12   parfois à être aussi des civils, et nous avons eu un certain nombre de

 13   témoins qui sont venus nous raconter cela. Ils allaient faire leur tour de

 14   garde dans la tranchée, alors même qu'ils n'étaient pas eux-mêmes

 15   directement dans l'ABiH. Mais il y avait aussi des soldats de l'ABiH qui

 16   étaient là. Donc la situation était complexe. Dans ce type de situation ô

 17   combien complexe, je tiens à le souligner, faisiez-vous, auprès des

 18   officiers, des sous-officiers et auprès des sergents, car vous nous avez

 19   dit ce sont eux en réalité les hommes importants sur le terrain, et je suis

 20   d'accord avec vous, est-ce que vous leur donniez bien les consignes de

 21   faire très attention au mélange des civils et des soldats dans ces moments

 22   cruciaux ? Est-ce que ça c'était une notion qui était dispatchée auprès des

 23   soldats du HVO ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous dire deux choses, Monsieur le

 25   Président Antonetti.

 26   Les civils sont des civils. Ça c'est une idée qu'on enfonçait dans

 27   leur tête. Un homme qui porte un fusil est un objectif valable, et ça, je

 28   le disais aussi, parce que je tiens à protéger la vie des soldats. Aucune

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  1   hésitation sur ce point. Un soldat à moi n'avait pas le droit d'hésiter

  2   lorsqu'il était en présence de quelqu'un qui portait une arme en se

  3   demandant si c'était un membre ou pas un membre de l'ABiH. C'était un

  4   soldat, un soldat ennemi, parce qu'il portait un fusil. Dès lors qu'il

  5   portait un fusil et qu'il tire, c'est un ennemi, c'est un soldat ennemi, et

  6   c'est donc une cible militaire justifiée, régulière. J'établissais cette

  7   différence très clairement quand je leur parlais. Je ne leur disais pas :

  8   Arrêtez-vous pour réfléchir, puis finalement c'est lui qui va se faire

  9   tuer. Non. Là, pour moi, il y avait une différence très nette : L'autre

 10   porte un fusil, c'est un soldat ennemi et c'est une cible.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : J'affine encore ma question.

 12   Ce que vous dites, tout le monde le comprend. Je présume qu'avant une

 13   attaque, vos officiers, sergents et autres surveillaient le village avec

 14   des jumelles, observations visuelles, rapprochées, et cetera. Quand vous

 15   constatiez que dans les tranchées il y avait le chef de famille qui,

 16   manifestement, était membre de l'ABiH parce qu'il avait une tenue de

 17   camouflage, et vous aviez des renseignements qui vous laissaient penser que

 18   là il y avait l'ABiH, mais qu'en même temps, sa femme et ses enfants

 19   venaient le ravitailler, lui apporter du lait à boire, à manger, et cetera,

 20   et que c'était incessant, alors à ce moment-là, quelles consignes donniez-

 21   vous au mortier 82 millimètres ou au canon ou au tank qui était situé sur

 22   la colline au moment du déclenchement du tir ? Est-ce que vous leur disiez

 23   : Attention, ne tirez que quand vous êtes sûrs qu'il n'y a que des

 24   combattants, pas la femme qui vient apporter le pain et le lait ou l'enfant

 25   qui vient amener un bonbon au papa ? Est-ce que vous leur donniez ces

 26   consignes, ou vous faisiez totalement confiance aux gens du terrain ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président Antonetti, à l'époque où

 28   j'étais commandant, on se défendait et ce type de situation ne s'est pas

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  1   présenté. On n'était pas en train de conquérir quoi que ce soit. Si on

  2   perdait des positions, on essayait de les reprendre. Généralement, on y

  3   parvenait, mais on ne rentrait pas dans les villages comme ça.

  4   Mais permettez-moi de dire autre chose. Il est certain que je

  5   n'aurais pas permis que l'on se serve d'un mortier à partir du moment où

  6   une femme ou un enfant apporte à manger à quelqu'un et si l'action n'a pas

  7   été lancée. Mais à partir du moment où une action est lancée, que ce soit

  8   eux qui attaquent ou nous qui cherchons à reprendre des positions, donc les

  9   mortiers sont en train d'ouvrir le feu, l'infanterie fait ce qu'elle fait,

 10   si une femme apportait à manger à quelqu'un, je n'aurais pas arrêté une

 11   attaque, ça c'est certain. A partir de ce moment-là, elle est membre des

 12   forces armées. Elle le devient. Même si elle apporte de la nourriture, elle

 13   est membre des forces armées. Je n'aurais pas exposé davantage mes soldats,

 14   et je ne voudrais pas qu'ils se lancent dans une guerre contre les femmes

 15   et que l'autre partie s'arrête de tirer et que je perde mes propres

 16   soldats.

 17   Donc, je n'aurais pas pris pour cible une femme ou un enfant, ça,

 18   c'est clair. On n'avait pas le droit de les prendre pour cible. Mais si une

 19   action était lancée, prenant un cas hypothétique, et je n'ai pas connu

 20   cette situation, mais prenant une situation hypothétique, je n'aurais pas

 21   arrêté une action s'il y avait des femmes qui étaient venues apporter à

 22   manger ou des munitions. A partir de ce moment-là, elles deviennent partie

 23   intégrante de cette armée.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous nous dites que pour vous, du moment

 25   qu'une action est en cours, si un civil ravitaille un combattant, vous,

 26   vous considérez que ce civil, il est intégré dans les forces armées

 27   ennemies. C'est ce que vous dites, et c'est au transcript.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact, exact. Oui, c'est tout à fait cela. Et

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  1   je pense que c'est ainsi que c'est défini. Non seulement les soldats, mais

  2   tous ceux qui prennent part à une action et qui apportent de l'aide, à

  3   partir de ce moment-là, ils deviennent forces adverses.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de faire la pause à 4 heures, Maître Pinter,

  5   il nous reste dix minutes encore avant de terminer, avant la pause de 20

  6   minutes.

  7   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

  8   Juges.

  9   Q.  Général, 3D --

 10   R.  C'est un document dont nous avons parlé --

 11   Q.  -- 0112, et cetera --

 12   R.  Nous en avons déjà parlé.

 13   Q.  Prenons le document qui suit, 3D01169. Oui, c'est une question que je

 14   vous ai déjà posée. Dites-nous, s'il vous plaît, pourquoi Zarko Tole a-t-il

 15   dû rédiger cette déclaration, qu'est-ce qui a fait qu'il soit nécessaire de

 16   rédiger ce document ?

 17   R.  Il y a eu une sorte d'attaque à Mostar lancée par le HVO, une attaque

 18   de petite envergure à un endroit. J'en ai été informé. Ce qui m'a incité à

 19   m'adresser au chef du Grand état-major, qui était chargé du sud, et moi

 20   c'était plutôt Vakuf et Rama que j'avais sous ma responsabilité. Petkovic

 21   avait la responsabilité pour le secteur nord et les négociations, et

 22   cetera.

 23   On s'était un petit peu réparti les compétences. Et voilà, il a

 24   rédigé cela. Je n'étais pas au courant avec l'attaque, et je ne l'ai pas

 25   autorisée non plus. Donc, ce n'est pas le commandant du Grand état-major ou

 26   son adjoint qui donnent leur aval pour toute attaque. Tout commandant dans

 27   une situation de guerre sait ce qu'il lui appartient de faire. Les grandes

 28   actions dépendent de l'aval du commandant du Grand état-major, mais quand

Page 41208

  1   vous avez perdu une position tactique -- mais enfin, ça ne nous mènerait

  2   pas loin si une seule personne était appelée à décider de tout. Donc, ce

  3   n'est pas possible dans une armée. Le général Lausic était en droit

  4   d'améliorer, récupérer ses positions dans une rue ou ailleurs. Simplement,

  5   j'ai demandé si Tole avait quelque chose à voir avec cela. Tout simplement,

  6   c'était parce que plusieurs personnes ont perdu la vie dans le cadre de

  7   cette action, qui était de petite envergure, et c'était inutile, idiot.

  8   Q.  Nous avons là un document dont il a été beaucoup question hier. On voit

  9   ici qui a reçu votre ordre disant que les auteurs de sanctions

 10   disciplinaires seront envoyés purger leur peine à la prison de Dretelj, et

 11   l'on voit qui a été sur la liste des destinataires de cet ordre.

 12   Mme PINTER : [interprétation] Document 3D01213. Merci.

 13   Q.  Pourquoi est-ce qu'il s'agit uniquement de cette partie-là du

 14   territoire ?

 15   R.  Parce qu'Ante Govorucic, qui est le commandant adjoint, il transmet mon

 16   ordre où je dis où il convient de purger les peines, donc c'est P 05283.

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Simplement pour aider

 18   tout le monde à trouver le document, au lieu du 3D05283 [comme interprété],

 19   est-ce que ce n'est pas D01213 ?

 20   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Puisque mon ordre a été communiqué à toutes

 22   les zones de responsabilité et aux représentants des instances

 23   disciplinaires, parce que c'est à eux de savoir qui a été sanctionné et où

 24   il doit purger sa peine, c'est mon devoir d'en informer la zone

 25   opérationnelle. Donc moi, je m'adresse à l'Herzégovine du nord-est,

 26   uniquement à cette zone opérationnelle. Les autres ont dû le faire aussi.

 27   Moi, j'ai ce document-ci.

 28   Mme PINTER : [interprétation]

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  1   Q.  Oui, tout à fait. A présent, prenons le document 3D01184. Nous avons là

  2   le centre du SIS à Rama. C'est un rapport.

  3   R.  Mais nous l'avons déjà vu, me semble-t-il. Non, non.

  4   Q.  Oui. C'est la date du 4 octobre 1993. Qui est le destinataire ? C'est

  5   le département de la Défense, ce n'est pas le Grand état-major. Que

  6   pourriez-vous nous dire de la teneur de ce document ?

  7   R.  Il en informe le SIS, parce que M. Markesic, il fait partie du SIS, et

  8   il s'adresse à son supérieur. Là, il fait état de ce qu'il sait en tant

  9   qu'agent opérationnel du SIS. Il voit qu'il y a un no man's land entre les

 10   lignes, comme s'il était le seul à le savoir, qu'il y a des unités qui

 11   quittent leurs positions avant que la relève ne soit arrivée.

 12   Puis, nous avons des phrases idiotes disant, par exemple, qu'ils ne

 13   rendent compte à personne, ou on ne leur demande pas de rendre compte à qui

 14   que ce soit. Premièrement, ce n'est pas exact. Deuxièmement, lorsque vous

 15   avez une unité qui quitte sa position, lui demander de rendre compte comme

 16   il se l'imagine, ça signifierait que vous avez de quoi à les remplacer.

 17   Vous les mettez en prison pour dix ans. Mais quand vous voyez ces gens, de

 18   qui il s'agit, pendant 40 jours ils se retrouvent dans des tranchées, quand

 19   ils sont exténués, quand ils ne peuvent plus combattre, alors vous pouvez

 20   dire qu'ils font partie de l'armée ou pas. Mais avant tout, ce sont des

 21   êtres humains dont le regard est complètement vitré, quel que soit

 22   l'impératif qu'on cherche à leur imposer ou le principe qu'on cherche à

 23   leur faire respecter, que ce sont des hommes d'acier, que ce sont des

 24   militaires, qu'ils font partie d'une structure mécanique qu'il convient de

 25   faire fonctionner, et que si ça ne fonctionne pas bien, c'est alors celui

 26   qui dirige tout ça qui est incompétent, mais là, là, on est loin de la

 27   vérité. Les choses ne sont pas ainsi.

 28   Quand vous avez quelqu'un qui a passé 30 jours dans une tranchée,

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  1   vous pouvez lui dire tout ce que vous voulez, vous pouvez émettre des

  2   ordres que vous voulez, mais il ne réagit plus. Qu'il s'agisse de la

  3   Seconde Guerre mondiale, de la Première Guerre mondiale, c'est toujours le

  4   même cas de figure. Vous avez des hommes, des gens qui ne sont plus

  5   capables de réagir au bout d'un certain temps. Vous pouvez leur tirer

  6   dessus, c'est tout, mais vous n'allez pas leur tirer dessus.

  7   Puis, il dit qu'il y a cette possibilité d'offensive. L'offensive

  8   dure sans arrêt. Donc, il s'intéresse à l'armée. Ça n'a aucun sens. Il dit

  9   qu'il y a des pertes considérables dans les rangs, pour ce qui est, donc,

 10   de nos hommes, et il dit si on n'entreprend pas quelque chose d'important

 11   rapidement -- vous savez, il est bien cet homme, mais il s'exprime depuis

 12   son fauteuil et il dit, si à l'avenir on ne prend pas de mesures

 13   importantes, c'est comme si on disait, pendant les 50 années, on aura la

 14   guerre entre Israël et les Palestiniens, mais quant à savoir ce qu'il

 15   convient d'entreprendre, ça, personne ne peut le détailler. C'est de la

 16   pure théorie, vide de sens.

 17   Des millions d'enfants continueront de mourir de faim s'il

 18   n'entreprend pas quelque chose, alors que pour trois milliards de livres

 19   sterling par an on jette à la poubelle de la nourriture en Grande-Bretagne

 20   tous les ans.

 21   Donc effectivement, il convient d'entreprendre quelque chose, mais

 22   concrètement, qu'est-ce qu'il faut faire ? Mettre sur pied une nouvelle

 23   armée ? On n'en a pas. Il nous faut des hommes nouveaux, disciplinés, alors

 24   qu'en n'en a pas. Tout ça, c'est des paroles creuses.

 25   Dans la suite, il dit : Les soldats de Gornji Vakuf et de Rama, il sera

 26   difficile de les convaincre que l'Herceg-Bosna doit être défendu. Bien

 27   entendu, à partir du moment où ils auront perdu leurs localités, ils

 28   partiront en Croatie. Peut-être que 10 % resteront pour défendre une autre

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  1   localité, un autre secteur, mais 90 --

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, on continuera certainement sur ce

  3   document après la pause. Il est 4 heures et on arrive en bout de bande.

  4   Comme vous le savez, aujourd'hui nous n'aurons qu'une pause de 20 minutes,

  5   et après nous reprendrons et nous irons jusqu'à 18 heures.

  6   --- L'audience est suspendue à 16 heures 00.

  7   --- L'audience est reprise à 16 heures 22.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Deux choses avant de donner la parole à Me Pinter.

  9   Le document que j'évoquais en début d'audience, je vais vous donner

 10   la cote, puisque j'ai pris le document. C'est P 00592. Vous lirez l'article

 11   27.

 12   Deuxièmement, pour le temps, vous avez donc utilisé déjà en plus une heure

 13   et 41 minutes, puisqu'on en est à 37 heures et 41 minutes.

 14   Bien. Maître Pinter.

 15   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Q.  Général, le document 3D01184, c'est toujours le même. Souhaitiez-vous

 17   ajouter quelque chose au sujet de ce document ?

 18   R.  Il est d'avis que la police militaire ne s'acquitte pas de ses

 19   missions, que la police civile est désorientée, qu'un certain nombre

 20   d'individus membres de la police apportent leur soutien à ce comportement

 21   contraire à la loi, que l'ordre public est en danger. Il dit que des

 22   établissements d'hôtellerie qui ne sont pas ouverts légalement sont en

 23   train de se créer, qu'il y a eu un couvre-feu déclaré par le HVO, mais

 24   qu'on ne le respecte pas.

 25   Donc c'est un employé du SIS qui le dit, Madame Pinter. Il est

 26   l'instance officielle à qui il incombe de dire qui sont les auteurs de ces

 27   actes, quel est leur nom, leur prénom, qui sont ces gens. Donc là vous avez

 28   une langue de bois qui est typique de la société où nous vivions. Il dit

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  1   "un certain nombre d'individus faisant partie de la police militaire." Mais

  2   qui sont ces individus ? Cela lui revient à lui, cela fait partie de ses

  3   attributions à lui, de ses responsabilités d'identifier ces auteurs. Il

  4   dit, un certain nombre de personnes, et il s'adresse à ses supérieurs en

  5   disant : Je ne m'acquitte pas correctement de ma tâche. C'était quelqu'un

  6   de bien, d'intègre, je ne dis pas. Mais là, vous n'avez que du bla bla. Il

  7   dit qu'une police militaire devrait être mise sur pied et qui exécuterait

  8   tous les ordres, qui serait capable de les exécuter. Mais qu'on mette sur

  9   pied, qu'est-ce qu'on est censé faire, en engendrer de nouveaux ? Comment ?

 10   D'où est-ce qu'on va les amener, des Etats-Unis d'Amérique, de Suisse, que

 11   sais-je ? Donc c'est quelque chose que l'on voit souvent, cela se reproduit

 12   souvent, on va constater qu'un certain nombre de choses ne semblent pas

 13   correctes, on porte ça à la connaissance de quelqu'un, et puis un je ne

 14   sais qui résoudra ces problèmes. Il dit : Engagez des poursuites contre

 15   ceux qui ont contribué à ce qu'il y ait ces manquements, et cetera, mais

 16   qui sont les "ceux" ?

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous contestez la teneur de ce document. Nous ne

 18   connaissons pas M. Markesic. Il n'est pas venu comme témoin, donc on ne

 19   sait pas qui c'est. Mais quand on lit ce document comme vous l'avez fait -

 20   avec attention, et les Juges également - on constate que l'auteur de ce

 21   document s'adresse à ses autorités et il dit qu'il y a une situation réelle

 22   qui doit être évoquée au niveau politique et militaire. Là-dessus, il

 23   ajoute qu'il faut qu'il y ait des procédures criminelles, et il aborde la

 24   question des déserteurs et - c'est ça qui est très intéressant - il dit

 25   également qu'il doit y avoir une coopération avec la République de Croatie.

 26   Donc il soulève toute une série de pistes, qui manifestement dépassent son

 27   niveau de responsabilité, et il demande à ses supérieurs de donner une

 28   suite à cela. Etant précisé, vous vous en êtes rendu compte mais vous ne

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  1   l'avez pas évoqué, qu'il y a une première partie qui concerne les crimes

  2   commis à Uzdol, où il y a eu des déclarations qui ont été recueillies

  3   telles que ça apparaît dans la première partie. Mais en plus d'Uzdol, il

  4   aborde d'autres situations.

  5   Vous contestez cela. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir qui a reçu ce

  6   document. Qui ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président Antonetti, je ne

  8   conteste pas cela du tout. Je suis au courant de cela en partie. Cependant,

  9   ce que je suis en train d'évoquer, c'est sur le plan général, la teneur.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce n'est pas ça qui m'intéresse. Je veux que vous me

 11   disiez ce document était destiné à qui ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Il adresse cela à sa direction du SIS, à ses

 13   supérieurs, le long de sa filière hiérarchique.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Qui est son chef ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Ivo Lucic.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Et au-dessus d'Ivo Lucic, qui est au-dessus d'Ivo

 17   Lucic ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Ivo Lucic, c'est une partie du département de

 19   la Défense de la HZ HB ou HZ. C'est une section au sein du département de

 20   la Défense de la HZ ou HR HB.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Qui est le responsable du département de la Défense

 22   ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] A la tête de ce département de la Défense, il

 24   y avait M. Stojic.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Maître Pinter.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Regardons aussi le dernier

 27   paragraphe de la dernière page. On parle des "activités prévues du SIS." Il

 28   semblerait que M. Markesic fournisse la même réponse que vous, à savoir

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  1   qu'il dit : Nous sommes en train de former, d'édifier, nous n'avons que peu

  2   de personnel, qu'un seul véhicule. Avez-vous un commentaire à faire là-

  3   dessus ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je connais M. Markesic. Je sais que c'est une

  5   personne dotée d'un grand sens moral qui ne dissimulait rien. Il envoyait

  6   des rapports précis quant à la situation dans la zone où il se trouvait.

  7   J'ai eu l'occasion de discuter avec lui de tout cela et qu'il m'a dit la

  8   même chose, je dois dire que j'ai posé ma question de façon assez

  9   désespérée.

 10   Au nom de Dieu, Markesic, mais de qui s'agit-il ? Donne-moi un nom à

 11   la fin. Ou alors, lorsqu'il parle de travailler, d'œuvrer à l'amélioration

 12   de l'hébergement des soldats, où pouvait-on les héberger ? Nous le

 13   souhaitions, mais où étaient les moyens financiers pour cela ? Où étaient

 14   les casernes ? Alors œuvrer à l'amélioration de la prise en charge de

 15   l'hébergement, tout cela ça sonne très bien et tous étaient là à énoncer

 16   leurs souhaits. Mais c'étaient des souhaits. Chacun est capable d'énumérer

 17   les problèmes du Pakistan à l'autre bout du monde. Mais moi aussi, à

 18   l'époque, j'étais au courant des problèmes. Quant à savoir comment les

 19   résoudre, c'est une autre chose.

 20   Lui-même disait : Je n'ai pas d'hommes. Je n'ai pas ceci, je n'ai pas

 21   cela, je ne peux pas le faire. Et donc, je ne peux pas le faire. Qui est

 22   coupable de ne pas pouvoir faire cela ? Est-ce que comme moi, je suis

 23   coupable de ne pas pouvoir faire plus que ce que je peux faire avec les

 24   moyens dont je dispose ? Je travaille 20 heures par jour. Si quelqu'un

 25   ouvre un débit de boisson à un endroit, qui doit s'en occuper ? Est-ce que

 26   c'est le commandant de l'état-major qui doit se déplacer à travers tout le

 27   territoire pour régler ce genre de choses.

 28   Continuons. 

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Mme PINTER : [interprétation]

  3   Q.  Lorsque vous avez ordonné cette interdiction d'éviter de l'alcool, de

  4   vendre des boissons alcoolisées, qui devait mettre en œuvre cela ?

  5   R.  C'étaient des civils qui devaient appliquer cela. Mais personne ne

  6   disposait de forces suffisantes pour l'appliquer seul. Ni la police

  7   militaire qui était sur le front, ni la police civile, qui avait à peine

  8   été formée et qui existait à peine. Dans une telle situation, on

  9   s'attendait à un effort collectif, aussi bien du président de la

 10   municipalité que de chaque citoyen. Personne ne devait rester à l'écart de

 11   ces efforts. C'était quelque chose qui ne pouvait pas être mis en œuvre en

 12   suivant simplement une ligne hiérarchique, car nous n'étions pas dans une

 13   société bien organisée.

 14   Ce à quoi je m'attendais, c'est que chaque individu normalement constitué

 15   et raisonnable s'en charge. Or, dans la pratique, chacun s'en lavait les

 16   mains et chacun disait que la police militaire le fasse, que Praljak le

 17   fasse ou alors, que Markesic le fasse. Mais il ne pouvait pas le faire. Car

 18   pour cela, il aurait fallu 15 hommes ou qu'il ait des conditions minimales

 19   nécessaires à cela dont il ne disposait pas.

 20   Q.  Très bien. Alors, passez maintenant, s'il vous plaît, au document

 21   3D01173.C'est la date du 8 octobre 1993, et c'est le commandant Ante

 22   Pavlovic.

 23   R.  C'est moi qui ai réussi par l'intermédiaire d'autres personnes à

 24  convaincre M. Pavlovic de prendre en charge la Brigade de Rama. La situation

 25   s'est considérablement améliorée de par sa venue. Il vivait en Croatie,

 26   mais il était originaire de Rama. Il avait été membre dès le début de la

 27   guerre d'une brigade de la Garde nationale. C'était un excellent

 28   combattant. Mais en dépit de tout cela, on a réussi à le convaincre de

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  1   prolonger son séjour, de prolonger l'effet de sa démission.

  2   On voit à partir de ce document que là-bas, chacun veut participer à

  3   cette brigade de différents villages; d'Uzdol, de Glib, et d'autres. Chacun

  4   s'en mêle. On lui reproche de nommer de façon injuste et inéquitable des

  5   commandants.

  6   Il y a eu un conflit entre la police et puis la Brigade de Rama, car

  7   ceux de la Brigade de Rama affirmaient que les membres de la police

  8   militaire étaient des criminels et des voleurs. Et lui, il sait comme moi

  9   je le sais, il y a des personnes coupables d'infractions mais on ne peut

 10   pas dire cela de l'ensemble de la police, qui sont dans l'ensemble des

 11   combattants excellents, il dit ici qu'il en a assez et qu'il voudrait

 12   revenir. Il dit qu'il va fournir ce rapport concernant la Brigade au SIS,

 13   car il y a en permanence des gens qui sabotent son système, sa ligne de

 14   commandement, alors que c'était un homme exemplaire. Ils sont des centaines

 15   à miner son travail sur le terrain. Il se plaint ici de ce dont nous nous

 16   plaignons tous, à savoir que lorsqu'on a affaire à une situation comme

 17   celle-là, toutes les ressources et tous les efforts qui étaient les nôtres

 18   n'étaient pas suffisants afin que nous arrivions au niveau que l'on

 19   attendait. Bien entendu, moi aussi je m'attendais à ce qu'on en arrive à ce

 20   niveau-là, mais il y avait tout simplement trop de facteurs qui poussaient

 21   en sens inverse, et c'est bien expliqué ici.

 22   Q.  Ce document n'a pas été fourni à l'état-major ?

 23   R.  Non. Cela n'était pas nécessaire, car cela allait directement à la zone

 24   opérationnelle. L'état-major ne recevait pas l'ensemble des documents. La

 25   zone opérationnelle avait son propre commandant, qui envoie ces

 26   informations à la présidence du HVO, à ceux auprès desquels il demande de

 27   l'aide. C'est à ces personnes-là qu'il demandait de l'aide, et il y avait

 28   des jeux politiques mesquins qui se déroulaient, des querelles entre

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  1   villages, et il avait besoin de l'aide d'hommes politiques afin de le

  2   soulager par rapport à toutes ces querelles.

  3   Q.  Pour ce qui est de ce rapport concernant tous ceux qui essaient de

  4   saper le travail de la brigade, était-ce bien quelque chose qui devait être

  5   envoyé au SIS ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Merci. Alors, passez maintenant au 3D0079.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce rapport montre qu'à Rama, disons Prozor, il y a

  9   une situation qui appelle des mesures, parce qu'il dit qu'il y a des

 10   individus qui ont des véhicules Mercedes tout récents, il y a beaucoup

 11   d'essence, et cetera, alors qu'il y des soldats eux, qui n'ont rien. Ceux

 12   qui songent à s'enrichir, c'est la police militaire. Bon, ça mérite une

 13   enquête, et ma question est très simple, est-ce que les policiers

 14   militaires de Rama et Prozor ont été arrêtés ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] En 1994, je me suis trouvé sur place en une

 16   occasion où ils ont été arrêtés. J'ai même participé à une action, on a

 17   demandé à ce que certaines personnes se rendent volontairement et soient

 18   mises en prison pour être jugées. Pour ce qui est de ceci, je l'ignore

 19   sincèrement. Pour ce que j'en sais, on a fait suivre la chose à la police

 20   militaire, mais lui non plus il ne dit pas ce qu'il en est.

 21   Ça ne concernait pas seulement la police militaire, Monsieur le

 22   Président. Pour ce qui est de la contrebande, il y en avait de plus en plus

 23   à mesure que la guerre se prolongeait. Il suffisait de faire passer deux

 24   camions de cigarettes dans ce territoire et vous étiez riche, 1 million de

 25   marks. Ça serait encore une histoire à part entière que d'aborder ce sujet.

 26   Il s'agissait d'articles onéreux, et la contrebande a commencé

 27   véritablement à fleurir. Un soldat avait une solde de peut-être de l'ordre

 28   de 100 ou 120 marks, et ce qu'il voyait c'est que certaines autres

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  1   personnes devenaient extrêmement riches du jour au lendemain. C'est alors

  2   qu'il y avait des conflits extrêmement difficiles à apaiser.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, à ma question précise la réponse est qu'en

  4   1994 il y a eu des arrestations. Bien.

  5   Maître Pinter.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] En 1994, je le sais, car j'étais présent. Mais

  7   pour le cas que nous avons sous les yeux, je l'ignore pour cette période-

  8   là.

  9   Mme PINTER : [interprétation]

 10   Q.  Général, passez maintenant, s'il vous plaît, au document 3D00793. Il

 11   porte la date du 7 novembre 1993, et c'est déjà une pièce à conviction.

 12   Cependant, je vous prierais de bien vouloir m'expliquer pourquoi cette

 13   correspondance, cette lettre a été rédigée et de me dire aussi dans quelle

 14   circonstance ce document a été rédigé, si vous en avez connaissance.

 15   R.  Il a été rédigé suite à une réunion que j'ai moi-même convoquée. J'ai

 16   demandé qu'on tienne cette réunion, et c'était le dernier jour de ma

 17   présence dans cette zone. La réunion s'est tenue -- c'est l'avant-dernier

 18   jour de ma présence, je me suis trompé. C'était de 18 à 19 heures. Lors de

 19   cette réunion tous les commandants d'unités, tous les commandants

 20   concernés, que ce soit des commandants d'unités, de brigades, de zones

 21   opérationnelles étaient présents. Nous avons ici les noms également. Cette

 22   réunion a été tenue sur la base de tout ce que nous avons évoqué

 23   précédemment, à savoir les désordres, la contrebande et ainsi de suite.

 24   Tous les commandants étaient bien conscients de la situation dans son

 25   ensemble sur un plan tant militaire que social, psychologique,

 26   organisationnel.

 27   Dans les municipalités, cette situation telle quelle était générait

 28   un désordre que les commandants n'étaient plus en mesure de contrôler.

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  1   Parce qu'ils étaient conscients du volume et de l'importance des problèmes

  2   causés par l'alcool, par le manque d'organisation, par la contrebande et

  3   ainsi de suite, ils écrivent ce courrier au président Mate Boban au

  4   parlement de la République de Croatie, au gouvernement et à l'état-major.

  5   Ceux d'entre nous qui avaient rédigé cette lettre savaient exactement de

  6   quoi il s'agissait; il est dit ici que pour que nous puissions gagner, mais

  7   moi je dis que c'est pour que nous ne perdions pas.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Allons à l'essentiel. Il y a un point capital dans

  9   ce document qui est le point numéro 6. C'est l'élément fondamental, je le

 10   lis lentement :

 11   "Etablir une et seule ligne de commandement."

 12    Pourquoi il y a indiqué cela ? Est-ce qu'il y avait plusieurs lignes

 13   de commandement ? Vous voyez dans un document, il faut tout de suite voir

 14   le côté essentiel, ça c'est essentiel. Dans votre intérêt, dans l'intérêt

 15   de l'Accusation, dans l'intérêt de tout le monde; qu'est-ce que cela veut

 16   dire ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela signifie, Messieurs les Juges, qu'il n'y

 18   avait pas que ma chaîne de commandement, mais comme vous l'avez vu, dans

 19   certaines structures municipales, les ordres n'étaient tout simplement pas

 20   respectés. Les commandants qui ne respectaient pas cette ligne de

 21   commandement avaient leur propre soutien dans leur propre municipalité, on

 22   en pouvait rien contre eux.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne suis pas satisfait de votre réponse, parce que

 24   vous réunissez tous les commandants des unités. C'est une réunion de haut

 25   niveau militaire, la conclusion de la réunion c'est qu'il y a un problème

 26   au niveau de la ligne de commandement. Est-ce que les officiers sous vos

 27   ordres ont remis en cause votre commandement personnel ou bien ont-ils

 28   indiqué qu'ils obéissaient à une autre chaîne de commandement que la vôtre,

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  1   ou bien y avait-il une chaîne de commandement qui relevait des

  2   municipalités ? Vous êtes sous serment, dites exactement pourquoi ça été la

  3   conclusion de la réunion. Une des conclusions, mais pour moi c'est la

  4   conclusion essentielle. Pourquoi ça a été marqué ? Quel a été le problème

  5   évoqué ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ça a été dit dans

  7   l'exécution de certains ordres, différentes autres structures se mêlaient

  8   aux activités qui étaient celles de l'armée comme vous avez pu le voir

  9   précédemment dans le cas de Rama avec Pavlovic. Tout simplement, certains

 10   villages et certaines querelles qui se déroulent là-bas lui dictent la

 11   structure militaire qui devra être celle de sa brigade, et il n'y peut

 12   rien.

 13   Entre autres ici, ce qu'on demande c'est une intervention beaucoup plus

 14   forte des autorités civiles afin que tout cela soit chapeauté par les

 15   autorités de la république et non d'assister à une situation où ce sont les

 16   municipalités qui dictent leur volonté. J'ai eu des exemples lors de cette

 17   réunion où des commandants, des personnes me demandaient comment ils

 18   allaient bien pouvoir s'opposer à -- il s'agissait de pressions du type

 19   n'allez pas dans telle ou telle municipalité nous ne couvrons pas cette

 20   zone, vous allez vous faire tuer et dans ces cas-là vous aviez un refus

 21   d'exécuter les ordres, comme avec l'exemple de cette personne dont j'ai

 22   demandé la mise à pied et le relèvement; parce que vous avez vu, il s'est

 23   simplement levé et il a quitté le territoire, et je ne sais pas qui avait

 24   la charge de cette personne; bien qu'à ce moment précis, il ait été

 25   subordonné à moi, d'un point de vue opérationnel. Il devait être dans les

 26   lignes de défense. Donc ma réponse est très claire.

 27   Mais il y a toute une série de jeux cachés souterrains qui étaient

 28   extrêmement nombreux --

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais affiner ma question. Vous donnez un ordre à

  2   un des commandants qui participent à la réunion - je ne cite pas quelqu'un

  3   de précis - pour, par exemple, attaquer tel village tenu par l'ABiH. Donc,

  4   ça, votre ordre, il est très précis. Il y a une chaîne de commandement

  5   unique.

  6   Est-ce qu'à ce moment-là, le commandant à qui vous donnez l'ordre va

  7   aller voir le président de la municipalité pour lui dire : Voilà, le

  8   général Praljak m'a donné l'ordre. Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce

  9   que je dois aller attaquer, je ne vais pas attaque ? Qu'est-ce que je dois

 10   faire ? Est-ce que vous avez eu à avoir une remontée de votre commandant

 11   d'unité qui vous dit : Finalement, vous m'avez donné l'ordre, mais moi, je

 12   ne peux pas parce que le président de la municipalité ne veut pas me donner

 13   les moyens, il m'a dit ceci, il m'a dit cela, et que finalement, votre

 14   ordre disparaît dans le sable. Est-ce que vous avez été confronté sur le

 15   terrain à ce type de situation ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, non, pas de la façon

 17   dont vous venez de le décrire. Mais d'une autre façon, par exemple, nous

 18   avons parlé de Livno - et j'ai répété à trois reprises de quoi il

 19   s'agissait - et la personne n'écrirait pas : Je ne vais pas te donner cela,

 20   ou, j'ai reçu d'autres avertissements. Les commandants de brigade

 21   écoutaient cela, mais pour ce qui est des commandants de bataillons, eux,

 22   ils n'écoutaient pas, ils n'obéissaient pas. Tout cela se faisait en sous-

 23   main. Personne ne dirait ouvertement : N'obéissez pas aux ordres de

 24   Praljak, ne tenez pas compte de ce qu'il dit. Mais tout cela se faisait par

 25   des voies détournées.

 26   Par exemple, quelqu'un pouvait venir à Vakuf, dire que Filipovic et

 27   moi, nous disions des bêtises et qu'ils nous envoyaient à la mort, et il

 28   rentrait chez lui et rapportait ainsi à son bataillon. Cela revenait à

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  1   refuser d'exécuter les ordres. Cela ne se faisait pas par un papier

  2   officiel où on écrivait : N'obéissez  pas à Praljak. C'était un jeu en

  3   sous-main. Les téléphones ne s'arrêtaient jamais de fonctionner, et

  4   personne ne pouvait rien contre un homme qui procédait de cette manière-là.

  5   C'étaient des gens qui ne voulaient pas combattre, et il n'y avait pas une

  6   seule ligne, une seule chaîne de commandement.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] En regardant ce document et en

  8   tenant compte de vos commentaires que vous avez faits à propos de documents

  9   analogues, je me demande s'il ne s'agit pas simplement d'un autre exemple

 10   de blablabla : avec de bonnes intentions qui ont été consignées sur le

 11   papier. Quelles en ont été les conséquences ? Qu'est-il arrivé ? Quels en

 12   ont été les effets ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, nous avons ici dit très

 14   précisément ce qu'il fallait faire. Le gouvernement se réunissait en

 15   permanence. Ils avaient des réunions tout le temps; le vendredi, le samedi

 16   et le dimanche. Le gouvernement travaillait huit heures par jour, et je

 17   n'ai rien à redire à cela. Mais d'autres personnes allaient plutôt à la

 18   mer, pour aller se baigner, tout simplement.

 19   Ici, il est dit très clairement qu'il faut mettre fin à ces états-

 20   majors municipaux au sein desquels s'étaient rassemblées nombre de

 21   personnes qui avaient leurs propres intérêts politiques et autres. De très

 22   nombreuses personnes de cette nature s'étaient réunies dans ces QG

 23   municipaux. Et c'était ma proposition que Boban devrait abolir tout cela et

 24   mettre en place un commissaire du gouvernement dans chaque municipalité en

 25   disant : Cette personne va être responsable. Je mets un terme à toutes ces

 26   menées en sous-main.

 27   C'est le point numéro 2 qui est absolument essentiel, ici, Messieurs

 28   les Juges.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, vous faites un

  2   commentaire sur ce texte. Ma question est tout autre. Qu'est-il arrivé, en

  3   réalité ? Est-ce que ceci a été fait ? Est-ce que les commissaires ont été

  4   mis en place ? Est-ce que les lignes de commandement ont été sécurisées en

  5   tant qu'une seule et même, et cetera ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, comme je vous l'ai

  7   dit, ce matin du 7, je suis parti le 7 septembre, et je ne peux pas

  8   répondre à cette question. Je ne peux pas commenter ce texte, parce

  9   qu'après cette réunion, après la discussion que nous avons eue, nous avons

 10   rédigé ce texte avec ma participation, qui a été essentielle, notamment au

 11   point 2.

 12   Mme PINTER : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi. Merci. En

 14   réalité, ceci confirme, en ce qui nous concerne, ce que nous voyons. Il

 15   s'agit d'un papier qui présente de jolis plans et intentions, point.

 16   En réalité, il s'agissait du 7 novembre, et non pas du mois de

 17   septembre, comme il est dit à la page 11 du compte rendu.

 18   Pardonnez-moi, Maître Pinter. Je souhaitais en terminer.

 19   L'INTERPRÈTE : Commentaire précédent de Juge Trechsel : Cela ne

 20   coûtait pas cher de le mettre sur le papier.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon collègue a également tiré mon attention sur le

 22   point numéro 2. Pour moi, un des points principaux, c'était le numéro 6,

 23   mais le numéro 2 peut avoir un intérêt par rapport à d'autres sujets.

 24   Manifestement, vous demandez à ce qu'il y ait, comme vous l'avez dit, un

 25   commissaire du gouvernement qui soit nommé au niveau des municipalités, et

 26   en quelque sorte, supprimer les staffs municipaux. Disons, les cellules de

 27   Crise, les cellules de Guerre au niveau des municipalités.

 28   Pendant ces trois ans passés, j'ai eu le sentiment - c'est un

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  1   sentiment, pas une conviction mais un sentiment - que les potentats locaux

  2   ont joué un rôle considérable. Par exemple, je prends le cas de M. Topic à

  3   Mostar. Si votre proposition numéro 2 était appliquée à Mostar, est-ce à

  4   dire que M. Topic ne pouvait plus jouer aucun rôle ? Car à ce moment-là, le

  5   rôle est transféré au niveau du commissaire du gouvernement.

  6   Alors, ma question est la suivante : dans l'exercice du commandement

  7   que vous avez eu, avez-vous eu l'impression que les élus locaux, tous ceux

  8   qui étaient à Grude quand il y a eu la création de la communauté croate de

  9   l'Herceg-Bosna, est-ce qu'ils avaient un pouvoir très important ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, ils disposaient de moyens

 11   financiers. Certaines municipalités en avaient plus que d'autres, des

 12   moyens financiers en provenance de l'étranger, et par ce biais, en

 13   utilisant les soldes, ils exerçaient leur influence sur les forces armées.

 14   Ils étaient puissants, et c'était une situation dans laquelle on ne pouvait

 15   pas continuer à bien travailler. Ici, ce ne sont pas des intentions,

 16   Monsieur le Juge Trechsel, qui sont exprimées, mais des exigences, des

 17   demandes très précises adressées au gouvernement, aux fins de lui indiquer

 18   comment il faut travailler et comment il faudrait réorganiser les choses en

 19   rejoignant précisément ce que j'ai répété à de nombreuses reprises, à

 20   savoir que sans un changement de la structure politique et sociale, il

 21   n'était  plus possible d'améliorer l'organisation de l'armée. Cette

 22   dernière ne cessait d'empirer. Vous avez des fondations sur lesquelles la

 23   tour de Babel que vous essayez de construire est condamnée à s'écrouler à

 24   nouveau. Ce sont les fondations qui posent problème et qu'il faut

 25   reconstruire.

 26   Là, nous avons les points 1 et 2 qui sont absolument essentiels. Alors,

 27   Monsieur le Président, le problème était que vous ne saviez pas qui était à

 28   l'origine de ce désordre. La seule chose que vous perceviez, c'était qu'il

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  1   y avait quelqu'un ou plusieurs personnes qui minaient tout cela. Si les

  2   choses n'allaient pas, et qu'on savait que c'était une personne qui était à

  3   l'origine de tout cela, une seule, alors Mate Boban aurait pu mettre à pied

  4   cette personne. Mais si c'étaient une vingtaine de personnes qui étaient à

  5   l'origine de cela, et chacun d'entre eux employait ses parents, son cousin,

  6   son frère, lui trouvait un emploi aux douanes ou ailleurs, afin de lui

  7   éviter d'aller sur la ligne de front, rien que ça déjà, cela entraînait une

  8   révolte dans les forces armées.

  9   Vous aviez vos hommes qui vous disaient : Mais regarde, pourquoi est-ce

 10   qu'on ferait la guerre pour ces gens-là, pour lui qui a casé son fils ou

 11   son cousin ? Moi, pour 100 ou 150 marks, il faut que j'aille défendre tout

 12   ça tout seul, je ne le ferai pas.

 13   Voilà à quoi vous étiez confronté, et le problème était bien plus important

 14   que cela, et nous avons ici énuméré les raisons et ce qu'il fallait faire.

 15   Mme PINTER : [interprétation] Merci.

 16   Monsieur le Président, juste aux fins du compte rendu d'audience,

 17   pour ce qui concerne la période qui s'étend après cette réunion du 7

 18   novembre en 1993, nous avons le témoin Biskic qui a déposé le 7 mars 2007,

 19   et c'est par l'intermédiaire de sa déposition qu'on a pu voir s'il y avait

 20   des résultats d'obtenus après cette réunion. Nous pourrions, en tout cas,

 21   le voir sur la base de sa déposition.

 22   Q.  Général, passez maintenant au 3D01175, s'il vous plaît, portant la date

 23   du 8 novembre 1993, à Uskoplje, et maintenant, de Pero Pilic. C'est un

 24   rapport adressé à l'état-major principal, à un secteur pour je ne sais

 25   quoi. Cela concerne Tomislavgrad.

 26   R.  Madame Pinter, tous ces documents sont de la même eau. Il dit qu'à

 27   Zrinski, le manque d'effectifs est devenu critique. Les hommes quittent les

 28   lignes de front comme ils le veulent et qu'ils n'ont plus aucun courage.

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  1   Madame Pinter, la fatigue abrutit complètement les hommes. Il dit que la

  2   raison en est qu'au cours des deux derniers mois, ces hommes ont été hors

  3   des tranchées pendant seulement quatre ou six jours. Or, moi, j'aimerais

  4   bien voir comment nous réagirions si nous étions ne serait-ce que deux

  5   nuits par la température qui régnait là-bas, en plein hiver, ne serait-ce

  6   que deux nuits. Passer 30 jours dans une tranchée peut briser les hommes

  7   même les plus forts. Cela leur devient indifférent de savoir s'ils sont

  8   simplement en vie ou morts, où ils vont, qu'est-ce qui se passe. Les

  9   soldats ne sont que des êtres humains qui n'ont pas été entraînés à devenir

 10   des soldats. C'étaient des paysans, des éleveurs, des artisans, des

 11   serruriers et ainsi de suite.

 12   Q.  Général, nous en avons fini avec ce classeur. Nous avions convenu que

 13   vous souhaitiez peut-être que nous abordions un document en particulier ?

 14   R.  Mais où est ce rapport dont nous avions parlé ? Dans un autre --

 15   Q.  Dans le classeur suivant.

 16   Il s'agit des documents nécessitant une explication. Intitulé : "Documents

 17   to explain."

 18   Avant de démarrer avec ce classeur, hier, vous aviez demandé qu'on

 19   montre un enregistrement vidéo de Prozor, hier, lorsque vous avez parlé de

 20   cet homme qui est venu exiger de l'argent auprès du président de la

 21   municipalité. Le numéro est le 3D03114. Nous avons donné des transcriptions

 22   à tous.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "L'argent. Donne-moi l'argent. L'argent.

 26   "Attends. Attends, attends. Dis-moi, quel argent ?

 27   "L'argent. Donne-moi l'argent.

 28   "Attends. Dis-moi, pourquoi ? Qui a incendié ta maison ?

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  1   "Toi, tu sais qui a incendié ma maison.

  2   "Praljak : Nous allons doucement. On va se mettre d'accord. Calme-toi. On

  3   va se mettre d'accord. Qui a incendié ta maison ?

  4   "L'homme : Tu sais très bien qui a incendié ma maison.

  5   "Praljak : Et bien, je ne te donne pas l'argent. Je ne te le donne pas. Je

  6   ne te donne pas l'argent. Emmène-le."

  7   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  8   Mme PINTER : [interprétation]

  9   Q.  Général, est-ce que cela s'est véritablement passé ?

 10   R.  Oui, et pas une seule fois. C'est à cela que cela ressemble. Ici, on

 11   parle de beaucoup de choses avec une hauteur de vue qui ne correspond pas

 12   du tout à la situation réelle.

 13   Q.  Aux fins du compte rendu d'audience, l'homme est venu en pointant son

 14   pistolet vers vous et a exigé de l'argent parce que sa maison avait été

 15   incendiée ?

 16   R.  Il a emmené aussi le commandant de la police militaire qu'il menaçait

 17   avec ce pistolet avant cela. Jozic, après, a craqué, après cela, car pour

 18   lui, c'était le cinquième ou le sixième cas de même nature. Il est parti en

 19   Allemagne et on peut tout à fait comprendre cela. Il a craqué et il n'est

 20   plus revenu.

 21   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Pardonnez-moi, Maître Pinter, mais

 22   je souhaite poser une question à M. Praljak. Comment se fait-il que lorsque

 23   cette personne est entrée, vous aviez déjà une équipe de télévision, parce

 24   que ceci n'a pu être filmé que par une équipe de télévision ou par d'autres

 25   personnes ? Il fallait, en tout cas, être préparé à l'avance pour filmer

 26   cela. Merci.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Prandler, ce n'est pas la

 28   télévision qui a filmé cela. La télévision n'était pas présente. Mais sur

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  1   la base d'un document qui est présent parmi les éléments présentés par mon

  2   conseil, il y a un rapport au sujet de cet événement qui va être soumis aux

  3   Juges de la Chambre, j'ai filmé cet événement à Zagreb. J'ai filmé les

  4   images réelles. Le film a été tourné a posteriori, mais comme un

  5   documentaire sur la base de ce qui figure dans les documents.

  6   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vois. Merci.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président,

  8   Messieurs les Juges.

  9   Le compte rendu précise -- est-ce que nous pourrions, s'il vous

 10   plaît, avoir le numéro de la pièce pour cette dernière séquence vidéo,

 11   parce que je crois que ce qui a été consigné au compte rendu n'est pas

 12   exact. Nous souhaitons nous opposer à la pièce appropriée le moment venu.

 13   Mme PINTER : [interprétation] 3D03114. Le texte concerne Rama en 1993. Il

 14   est écrit "Transcription numéro 1."

 15   Q.  Mon Général, nous sommes en train d'examiner une série de documents que

 16   nous avons définie comme étant tous les "Documents à expliquer", on y

 17   trouve trois procès verbaux de réunions dans le bureau du président. Donc

 18   j'aimerais que vous vous penchiez d'abord sur la pièce P 00147, qui est

 19   déjà une pièce à conviction, et plus précisément sur la page dont le numéro

 20   ERN est 01863800. J'indique aux Juges de la Chambre ainsi qu'au Procureur

 21   que cela se trouve en page 23 d'un total de pages égal à 37 dans la

 22   traduction. 

 23   R.  Dans ce texte, il est surtout question de l'armée croate en avril 1993,

 24   une grande partie du texte qui précède concerne une attaque à Baranja et la

 25   façon dont se sont exercées les responsabilités du commandant qui ensuite a

 26   été démis de ses fonctions, et cetera. Dans la page que j'ai maintenant

 27   sous les yeux, on voit que lorsque le président me donne la parole, je me

 28   contente simplement d'exprimer mon point de vue, à savoir que l'erreur de

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  1   ce commandant était importante, car jusqu'à ce moment-là, toutes les

  2   personnes qui sont allées voir le président Tudjman dans son bureau

  3   s'étaient vu interdire la moindre action offensive. J'ajoute qu'il ne

  4   s'agit pas d'une action décidée pour des raisons tactiques, comme cela peut

  5   arriver en cas de guerre, puisque c'était tout simplement une action qu'il

  6   ne fallait pas engager.

  7   Et je poursuis en disant que ceci implique un problème de

  8   responsabilité, et que toute armée qui fonctionne bien est tenue de

  9   démettre des commandants de leurs fonctions s'ils ne font pas bien leur

 10   travail. Et pour vérifier si leur travail est fait convenablement, j'ajoute

 11   qu'il importe d'analyser les actions qui ont été engagées, car pas mal de

 12   temps s'est déjà passé depuis les faits, et une analyse est nécessaire pour

 13   comprendre les raisons de l'échec d'une action qui a fait de nombreuses

 14   victimes, pour voir si l'action aurait dû ne pas être menée comme elle l'a

 15   été, même en cas de guerre. Il faut attendre le cessez-le-feu de janvier

 16   1993 pour entamer cette analyse, mais une fois que ce moment-là est arrivé,

 17   l'analyse doit se faire.

 18   Je sais que cette action a été engagée par la 102e Brigade qui a

 19   franchi la Kupa, donc pas loin de là où je me trouvais. Pas mal de gens ont

 20   été tués parce que les commandants de bataillons et de compagnies au niveau

 21   inférieur de la hiérarchie sont restés sur une rive de ce cours d'eau et on

 22   envoyé leurs hommes qui sont passés de l'autre côté, qui sont passés sur la

 23   rive d'en face, et ça c'était inacceptable. Je dis que je ne demande pas

 24   que des têtes soient coupées ou quoi que ce soit de ce genre, mais que

 25   c'est quelque chose qui ne doit pas être poussé sous le tapis. Les gens qui

 26   ne font pas bien leur travail ne vont pas nécessairement perdre leurs

 27   postes, il n'est pas bon de nuire à l'aptitude au combat de l'armée croate

 28   en raison du fait que des hommes ont vu leurs commandants rester à leurs

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  1   postes après avoir subi un tel échec dans l'action. Car dans ce cas les

  2   hommes ne suivront plus leurs commandants dans des actions à venir parce

  3   qu'ils connaîtront trop bien la mauvaise qualité de leurs commandants. Et

  4   si un commandant reste derrière les lignes à 10 kilomètres à l'arrière, et

  5   j'avais déjà vu en Herzégovine M. Nikolic qui était commandant à l'époque

  6   des événements dont je parle, qui était totalement inapte et qui ne savait

  7   rien faire, comme je l'ai dit, on ne peut pas tout apprendre en écoutant la

  8   radio, on ne peut pas être informé des combats à l'écoute des médias, or,

  9   c'est bien ce qui avait l'air d'être le cas de cet homme. Il ne savait

 10   rien. Malheureusement, il a été démis de ses fonctions et après, pendant un

 11   moment, le général Petkovic l'a remplacé à son poste. Donc voilà ce qui se

 12   passait.

 13   Q.  Mon Général, une suggestion de mon confrère. L'action se déroulait en

 14   Bosnie-Herzégovine ou en République de Croatie ?

 15   R.  En République de Croatie, nous parlons de l'armée croate.

 16   Q.  Bien. Dans le texte on n'a pas cette précision.

 17   R.  Il est question ici de la création d'une commission, le général Bobetko

 18   était membre de cette commission, tout comme le général Spegelj et moi-

 19   même, et nous avons fait ce travail. Le général Gorinsek a été démis de ses

 20   fonctions parce qu'il n'avait pas bien fait le sien. Voilà comment les

 21   choses se sont passées.

 22   La page que j'ai sous les yeux a le numéro ERN 01363810 et, Maître

 23   Pinter, vous pourriez peut-être nous donner la référence numérique de la

 24   page en anglais --

 25   Q.  Je ne sais pas si j'y parviendrai, mais je vais essayer. 3237 -- Mon

 26   Général, j'ai omis de préparer à l'avance les références des traductions

 27   anglaises, j'en suis désolée.

 28   Mais poursuivez, je vais trouver la référence en question entre-temps.

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  1   R.  Je reviens sur ce que j'ai déjà dit. Cette histoire a délié pas mal de

  2   langues, tout le monde parlait du grand nombre de victimes. C'est à ma

  3   demande qu'un article de presse a été publié au sujet des événements pour

  4   indiquer qui était à l'origine de la faute et qui avait été démis de ses

  5   fonctions. Dans le texte on trouve les mots :

  6   "Annonce publique qui doit être claire et nette," je cite, "une telle

  7   annonce empêchera que ne courent toutes sortes de rumeurs à ce sujet", et

  8   cetera, l'objectif étant que les commandants se rendent bien compte qu'ils

  9   n'ont pas le droit d'agir de cette façon.

 10   Q.  Agir comment --

 11   R.  Agir comme l'a fait cet homme. C'était le résultat poursuivi par la

 12   publication de cet article dans la presse.

 13   Mme PINTER : [interprétation] Donc la référence de la traduction anglaise

 14   c'est page 32 sur un total de 37, numéro ERN cela va de la page 0186-3779 -

 15   là je donne le numéro ERN - jusqu'à la page dont le numéro ERN est 0186-

 16   3815.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] On trouve aussi dans ce texte une mention du

 18   fait que le président Tudjman indique clairement que sa décision a été

 19   prise s'agissant de démettre cet homme de ses fonctions, et que la

 20   commission n'a comme capacité que celle de recommander une peine, une

 21   sanction. Ensuite, une discussion s'engage quant au fait de savoir si cet

 22   homme doit occuper un poste public ou pas, il s'était déjà exprimé dans les

 23   médias. Il a été décidé de lui interdire le droit de s'exprimer dans les

 24   médias à partir du jour de la réunion. Moi j'ai dit qu'il n'aurait pas dû

 25   parler à la presse comme il l'avait fait. En tant que général de l'armée

 26   croate, il aurait dû demander l'agrément de son chef d'état-major avant de

 27   le faire, à savoir le général Tus, avant toute apparition publique. Les

 28   gens pensaient qu'ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient, qu'ils pouvaient

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  1   présenter leurs points de vue politiques, que les Serbes devaient être

  2   attaqués de toutes les façons possibles. Et c'est l'une des raisons pour

  3   lesquelles j'ai demandé que M. Gorinsek soit démis de ses fonctions.

  4   Q.  Document suivant, c'est la pièce P 0046, qui est déjà une pièce à

  5   conviction. C'est le procès-verbal d'une réunion qui s'est tenue le 11

  6   novembre, ou plutôt, le 11 septembre 1992. Donc c'est un des procès-verbaux

  7   mentionnés dans l'acte d'accusation. Il s'agit d'une réunion du Conseil de

  8   Défense national. Je répète le numéro de la pièce P 00466, et je vous

  9   demande d'ouvrir la page dont le numéro ERN est 01862960. Dans la version

 10   anglaise, il s'agit de la page 50 sur un total de 64. Le numéro ERN n'est

 11   donc pas nécessaire.

 12   Dans cette page et la page qui suit, on voit qu'il est question d'un débat

 13   qui est en train de se dérouler. Je vous prierais d'abord de nous parler de

 14   ce qui s'est passé pendant cette réunion.

 15   R.  Madame Pinter, je ne suis vraiment pas d'accord pour qu'on sorte de son

 16   contexte tel ou tel passage, parce que la réunion dont nous parlons ici est

 17   une réunion très importante où tout ce qui a été dit était important. Donc

 18   vous-même en tant que professionnelle de la dramaturgie, vous savez bien

 19   que je peux, comme n'importe qui, faire ce que je veux et donner quelque

 20   sens que je veux à un passage extrait de son contexte. Donc cette réunion

 21   était très importante. Elle a donné lieu à un débat portant sur des

 22   questions très importantes. Je ne vais pas citer les pages, mais je vais

 23   vous répondre en tant que participant à cette réunion pour vous dire quels

 24   ont été les sujets abordés.

 25   Donc le président de l'Etat s'exprime sur la nécessité de mettre en place

 26   des dispositions régissant le déploiement des hommes en temps de paix.

 27   Ensuite, il dit qu'il y aura sans doute une certaine résistance opposée à

 28   l'application du mandat de la FORPRONU, bien entendu, de la part des Serbes

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  1   de la région, qu'il y aura également une certaine résistance opposée à la

  2   mise en place de l'ordre constitutionnel en Croatie. Il évoque le ministre

  3   de l'Intérieur en rapport avec les problèmes qui se posaient au HOS à

  4   Zagreb, et il se dit furieux que ce problème n'ait pas été résolu

  5   entièrement. Il indique que les hommes du HOS circulent en Croatie en

  6   portant leurs armes.

  7   Le président Tudjman, ensuite, se demande comment il est possible que

  8   dans un Etat de droit, un membre du HOS en poste signe certains documents

  9   dans lesquels on voit un membre de parti politique prétendre qu'il est

 10   commandant en chef des forces armées, alors qu'il est également député au

 11   Parlement. Donc il indique qu'il faut s'occuper de cette question d'une

 12   façon plus vigoureuse que cela n'a été le cas jusqu'à présent, et

 13   finalement c'est ce qui s'est passé.

 14   Le président Tudjman déclare qu'il ne faut pas nous leurrer, parce

 15   que les services de Renseignements étrangers continueront à travailler

 16   contre l'Etat croate, et qu'il ne faut faire preuve d'aucune naïveté à ce

 17   sujet. Il dit que la situation de la République de Croatie s'est toutefois

 18   beaucoup améliorée. Il évoque à ce moment-là des changements dans la

 19   politique gouvernementale française à ce sujet, et ajoute que l'armée sera

 20   sans aucun doute au centre de l'intérêt des services de Renseignements

 21   étrangers quoi qu'il en soit. Il poursuit en évoquant le conseil militaire.

 22   Le ministre, M. Susak, déclare que la moitié des membres de ce conseil

 23   militaire sont sur le terrain.

 24   Moi, je prends la parole pour parler de l'industrie militaire qui

 25   existe en Bosnie-Herzégovine -- en tout cas, en Herzégovine. Je dis qu'il

 26   faudrait nommer un coordinateur pour s'occuper des rapports entre la

 27   Croatie et la Bosnie-Herzégovine s'agissant de cette industrie.

 28   Je dis qu'au moment de la démobilisation de l'armée croate, qui

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  1   devait être faite de façon à ce qu'il reste à peu près 50 000 hommes dans

  2   les rangs de l'armée - ça, c'était ce qu'avait décidé le président de

  3   l'Etat - et un grand nombre des hommes démobilisés étaient en possession

  4   d'une arme, et étant donné leur état de pauvreté économique, ils étaient

  5   tentés de vendre ces armes à ces hommes de l'ABiH. C'est ainsi qu'à ce

  6   moment-là pas mal de Musulmans ont acquis une arme, et tout cela finalement

  7   a débouché sur un marché noir qu'il était impossible de contrôler.

  8   Ensuite, autre sujet abordé, le problème grave que constitue

  9   l'approvisionnement en armes, et est-ce que cet approvisionnement doit se

 10   faire par le biais du ministère de la Défense. M. le ministre Susak dit

 11   qu'il faut créer une institution spécialisée à cette fin, comme il en

 12   existe dans tous les autres pays occidentaux.

 13   Le général Imra Agotic indique qu'à Mostar existe l'usine de Sokol,

 14   qui est une usine de maintenance pour les avions. Il indique que la Libye

 15   souhaiterait faire entretenir certains de ses avions dans ces ateliers et

 16   ajoute que la Libye avait recours également au chantier naval de la

 17   Yougoslavie de Tito pour ce genre de travail.

 18   Autre sujet abordé, c'est le problème grave que représentent les gens

 19   expulsés des zones sous le contrôle de l'UNPA qui exercent des pressions

 20   importantes sur le président et sur le gouvernement. La paix règne depuis

 21   déjà quelque temps, mais ces gens souhaitent rentrer chez eux, à leur

 22   domicile, et sont prêts à recourir à la force pour y parvenir, le cas

 23   échéant. Ce problème concerne des dizaines de milliers de personnes qui

 24   voulaient rentrer chez eux. C'était un problème très important sur le plan

 25   politique, et le débat porte donc sur les dispositions à prendre pour

 26   avancer dans le règlement de ce problème. Je dis que toutes ces personnes

 27   sont déjà arrivées en Posavina, et que l'armée de Krajina risque de leur

 28   tirer dessus.

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  1   Et à un certain moment, je dis que malheureusement la situation n'est

  2   pas favorable au sein de l'armée croate pour un certain nombre de raisons

  3   diverses, et que ce plan de retour concernant ces personnes, s'il n'est pas

  4   bien préparé, ne peut aboutir qu'en un gigantesque bain de sang.

  5   M. Franjo Tudjman ne cesse de s'exprimer en disant espérer que la

  6   situation s'améliorera, que les Serbes éviteront la guerre. Il déclare

  7   qu'il faut apaiser la situation pour éviter une escalade. Il mentionne

  8   également le plan Vance-Owen en disant en espérer beaucoup, et il poursuit

  9   en ajoutant : Nous n'avons jamais rien fait d'insensé, et nous n'allons pas

 10   commencer maintenant. Nous n'allons pas laisser toutes ces personnes

 11   prendre la route en l'absence de toute organisation.

 12   Puis le président nous dit que la Croatie est très importante pour

 13   ces forces armées. Il déclare qu'au moment de la signature d'un accord

 14   prochain avec la FORPRONU, il exigera que la route qui traverse Okucani

 15   soit rouverte, la route qui mène vers la Croatie, et que le pont tenu par

 16   les Musulmans soit dégagé à cet endroit parce que c'est en territoire

 17   croate. Il est important, dit-il, de régler la situation en Bosnie, et il

 18   dit espérer que les Serbes ne verront pas d'autre solution que d'éviter le

 19   conflit. Il dispose de renseignements qui indiquent cela et déclare que le

 20   climat est en train de changer là où se mènent les pourparlers.

 21    M. Jure Radic, chef d'état-major, prend la parole et parle d'une décision

 22   du groupe de travail de Genève. Il indique que la Conférence de Londres est

 23   en train de se pencher sur la situation, sur la crise dans l'ex-

 24   Yougoslavie, et il dit très clairement que les pays limitrophes risquent

 25   d'y être plongés, à savoir la Bosnie-Herzégovine. Il ajoute qu'un groupe de

 26   travail en Bosnie-Herzégovine a été chargé de travailler en vue de mettre

 27   un terme aux hostilités et de trouver une solution constitutionnelle pour

 28   la Bosnie-Herzégovine.

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  1   Dans la suite de la réunion, lui continue à dire que la Croatie demande à

  2   ce qu'une aide directe ou indirecte soit apportée aux pays limitrophes. M.

  3   Radic déclare que les Nations Unies, en vertu d'une décision prise à la

  4   Conférence de Londres, devraient installer et déployer des observateurs en

  5   Bosnie-Herzégovine et à la frontière entre la Bosnie et la Serbie; d'une

  6   part entre la Bosnie et le Montenegro, d'autre part, de façon à garantir un

  7   contrôle international des frontières, de façon à ce que les armes lourdes

  8   déployées dans ces zones soient également placées sous un contrôle

  9   international. C'était le dernier moment pour mettre un terme à la guerre

 10   sous le contrôle des Nations Unies.

 11   M. Tudjman parle de la situation à laquelle la Croatie risque d'être

 12   confrontée en la décrivant comme très délicate, car si l'on s'en tient à la

 13   lettre des textes de lois et de ces résolutions des Nations Unies, la

 14   Croatie devait retirer toute son aide à la Bosnie-Herzégovine. Il emploie

 15   l'expression "par intervention," mais lorsqu'il prononce le mot

 16   "intervention", il pense à une aide, aux armes lourdes, à des volontaires

 17   dans le but d'empêcher le risque qu'il a défini. Il dit que la situation

 18   est délicate, que la coopération entre la Bosnie-Herzégovine et le HVO sur

 19   les frontières croates doit exister. Il dit que la situation est délicate

 20   également du point de vue de la direction de la Croatie et de la direction

 21   de la Bosnie, parce que M. Izetbegovic, après la rencontre de Londres,

 22   s'est rendu à Zagreb pour le rencontrer, et lui a dit qu'il avait

 23   l'intention d'aller dans le sens de la guerre. Par conséquent, Izetbegovic

 24   et Silajdzic n'envisageaient pas de mettre un terme à la guerre du tout,

 25   même qu'ils s'attendaient à recevoir de nouveaux approvisionnements de la

 26   Croatie.

 27   Dans la suite de la réunion, il évoque le fait qu'un avion provenant d'Iran

 28   a atterri, chargé de médicaments mais également de pas mal d'armes. Je suis

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  1   au courant, j'y ai participé personnellement. Le président ajoute qu'il a

  2   été informé de cela par les Nations Unies, ainsi que par la FORPRONU et le

  3   gouvernement américain. Il dit être également conscient du fait que les

  4   services de renseignements étrangers sont au courant.

  5   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais le

  6   compte rendu de cette réunion présidentielle est déjà une pièce à

  7   conviction, et je pense que nous sommes en train de perdre notre temps car

  8   nous entendons une paraphrase de ce qu'ont dit les divers participants. M.

  9   Praljak n'ajoute rien. Nous perdons du temps.

 10   Mme PINTER : [interprétation] Je ne suis pas d'accord. Je ne pense pas que

 11   ce soit une perte de temps, simplement parce que ce procès-verbal

 12   présidentiel a été versé au dossier.

 13   Il fait partie des éléments incriminatoires qui figurent dans l'acte

 14   d'accusation à l'encontre du général Praljak. Le général Praljak a

 15   participé à cette réunion, et dans l'acte d'accusation, on allègue que les

 16   propos prononcés par lui durant cette réunion doivent être mis en

 17   accusation.

 18   C'est une réunion à laquelle il a assisté. Le fait que ce soit une

 19   pièce à conviction ne signifie pas que nous perdons du temps.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Il fait partie intégrante du mémoire préalable

 21   puisqu'il est cité, et j'avais l'intention de l'utiliser lorsque je poserai

 22   mes questions.

 23   D'un autre côté, M. Stringer a raison de dire que ce document a déjà été

 24   admis. Il vaudrait mieux, plutôt que M. Praljak nous lise le document, que

 25   vous lui posiez des questions sur les points essentiels que vous voulez

 26   nous démontrer.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Si le document a été versé au dossier, il n'y

 28   a là rien d'essentiel pour ce qui me concerne. J'ai parlé du problème des

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  1   réfugiés chassés par les Serbes, des Musulmans qui sont venus s'installer

  2   dans des secteurs où, avant la guerre, les Croates et les Musulmans étaient

  3   aussi nombreux les uns que les autres.Je savais que ce n'était pas

  4   réaliste, mais j'ai tenu à ce que tout le monde l'entende, que les Croates,

  5   les Musulmans et les réfugiés de Croatie, parce que de la manière dont

  6   j'entends le droit international, la Croatie était partie belligérante.

  7   Elle ne pouvait pas recevoir de réfugiés, elle pouvait pas les prendre en

  8   charge. Ce sont des pays tiers, où il n'y avait pas de conflit, qui étaient

  9   censés les recevoir.

 10   Je voulais que tous ces réfugiés soient dirigés vers l'Europe

 11   occidentale. Je l'affirmais à l'époque, je l'affirme toujours, que

 12   lorsqu'on cherche à résoudre un problème, lorsqu'on peine à le résoudre,

 13   personne ne vous comprend. Si les réfugiés étaient partis vers la France,

 14   l'Allemagne ou autre, et si leur nombre avait été important, j'affirme

 15   qu'on aurait fourni une aide beaucoup plus importante à la Croatie et à la

 16   Bosnie-Herzégovine.

 17    C'était une présentation théorique de ma part. Si j'avais pu

 18   traduire cela dans les faits, je l'aurais fait à l'époque comme aujourd'hui

 19   parce que ça aurait permis aux gens à l'extérieur de comprendre de quoi il

 20   en retournait. Ils auraient vu le coût de cela et ils se seraient inquiétés

 21   pour leur propre argent. Dans ce cas-là, la situation ne se serait pas

 22   prolongée jusqu'en 1995. Sinon, les réfugiés se résument à des chiffres.

 23   Que l'on évoque le nombre de morts ou de blessés, ce ne sont que des

 24   chiffres.

 25   Vous avez des cas de figure très spectaculaires comme Markale ou la

 26   petite Irma qui parle à l'autre, et cetera.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : M. Stringer a raison en disant qu'il faut pas qu'on

 28   perde notre temps.

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  1   Dans ce document, mais j'y reviendrai plus tard --

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] J'en ai terminé.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Terminez, puis je vous dirai quelque chose. 

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] J'en ai terminé. Je n'ai plus besoin de ce

  5   document. J'attends que des questions me soient posées par le Procureur et

  6   par vous.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai juste une question mais je reviendrai

  8   ultérieurement.

  9   Dans la version anglaise, page 56 et suivantes, à un moment donné, il est

 10   question de la Banovina, et il est question de la Croatie et de la Bosnie-

 11   Herzégovine. Il y a un dialogue entre vous, Tudjman et Susak. Et Tudjman

 12   fait comprendre qu'il faut rien faire, il ne faut pas bouger. Vous dites à

 13   la page 57 de la version

 14   anglaise :

 15    "Non, Monsieur le Président, croyez-moi, les attaques ont été stoppées."

 16   C'est ce que vous dites. Susak suit en disant : "Rien sur la Banovina, même

 17   pas un mètre."

 18   Manifestement, il n'est pas question de faire quoi que ce soit pour

 19   la Banovina. Alors, ça peut être intéressant dans le cadre du sujet de

 20   l'entreprise criminelle commune.

 21   Est-ce que vous vous souvenez avoir discuté de cela lors de ce conseil de

 22   défense où il y avait de grandes personnalités, qu'il convient peut-être de

 23   rappeler ? Il y avait M. Mesic en personne qui était présent en qualité de

 24   président du Parlement; il y avait tous ceux que nous avons dans

 25   l'entreprise criminelle dans l'acte d'accusation. Il y en a d'autres qui

 26   n'y sont pas mais dont les noms sont célèbres, comme le général Cermak et

 27   vous-même, vous jouez un rôle important puisque vous intervenez de

 28   nombreuses fois.

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  1    Sur ce point très particulier de la Banovina, pouvez-vous nous dire

  2   quelle était la position de Tudjman ce jour-là, quelle était la position de

  3   Susak, et quelle était votre position ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, la situation est tout à

  5   fait claire.

  6   La Banovina ne représente rien ici. C'est juste une notion

  7   géographique qui ne recouvre que la Herzégovine orientale, car il faut

  8   savoir que la Banovina dans cette partie-là, et laissons de côté la

  9   Croatie, la Banovina s'étendait à la Croatie également. Elle est conçue

 10   pour constituer un contrepoids face au roi yougoslave au sein du royaume

 11   yougoslave, là où il y avait une majorité de la population croate.

 12   Tudjman dit ici : Défendez en Bosnie-Herzégovine cette région-là, là

 13   où les Croates, il y a des Musulmans aussi là, mais là où les Croates

 14   constituent une majorité. Praljak, n'allez pas vers Neveci et Trebinje, il

 15   y a les Serbes. Par conséquent, le général Bobetko dit : Mais si nous ne

 16   rentrons pas un petit peu sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, on ne

 17   parviendra pas à libérer le sud de la Croatie et la Prevlaka. Tudjman dit :

 18   Non, c'est par des moyens pacifiques qu'on l'aura, ne rentrez pas là-

 19   dedans.

 20    La Banovina n'a aucune espèce de poids politique, administratif ou

 21   juridique. Tudjman dit : N'attaquez rien, tout sera réglé par des moyens

 22   pacifiques. Là il y a une plaisanterie qui nous manque là dans la

 23   transcription.

 24   Nous nous sommes arrêtés là où nous sommes arrivés à Stolac. Tudjman

 25   nous dit pas d'offensive, vous vous êtes défendus face à la JNA et l'armée

 26   de la Republika Srpska, vous avez défendu les contrées où vous constituez

 27   la majorité avec les Musulmans donc c'est tout, il faut s'arrêter là.

 28   C'est clair, c'est limpide.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, sur cette question, quand vous

  2   dites, ce sont vos propres mots, "Non, Monsieur le Président, croyez-moi,

  3   les attaques ont été stoppées."

  4   Quand vous dites cela, vous le dites pour rassurer M. Tudjman qui juste

  5   avant semble dire dans le texte que j'ai en anglais que lui ne veut pas

  6   être concerné par une conquête de la Bosnie. Il semble que lui c'est très

  7   clair. Mais qu'à ce moment-là, pour lever son doute vous dites croyez-moi,

  8   les attaques ont été stoppées. Mais quand vous dites que les attaques ont

  9   été stoppées, vous faites allusion à quoi, à quelles attaques ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je fais référence au HVO près de Stolac,

 11   Monsieur le Président. Je m'y suis trouvé sur place déjà à ce moment-là,

 12   j'en ai parlé. Là on dit que la Dalmatie ne peut pas être défendue, c'est

 13   le général Tus qui le dit, si vous n'êtes pas de l'autre côté de la

 14   frontière. Et là encore, --

 15   Mme PINTER : [interprétation]

 16   Q.  Mais défendre contre qui ?

 17   R.  L'armée de la Republika Srpska.

 18   Donc Franjo Tudjman dit : On ne va pas conquérir des territoires, vous

 19   n'allez pas traverser la frontière avec l'armée croate. Mais là, la

 20   question est que fera le HVO. Est-ce qu'il va au-delà de Stolac, en

 21   direction de Nevesinje et de Trebinje, est-ce qu'il pénètre sur le

 22   territoire de la Bosnie-Herzégovine ? Lui il dit : Plus de guerre. Prevlaka

 23   c'est quelque chose que nous obtiendrons par des moyens pacifiques et c'est

 24   écrit ici. Je prends la parole et je dis : Voilà, je dis si c'est

 25   militairement que nous allons prendre Prevlaka sans Nevesinje et Trebinje

 26   ce n'est pas faisable. Le président réplique, mais ça je le comprends,

 27   c'est clair. Puis il poursuit et il dit qu'il obtient la Prevlaka par des

 28   moyens pacifiques, je sais que c'est écrit. Voilà, il dit : Ecoutez, soyons

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  1   réaliste. Le gouvernement islamique et les pays étrangers allaient nous

  2   imposer des sanctions, un embargo, comme si nous avions été, comme si nous

  3   étions des agresseurs qui cherchent à conquérir des territoires bosniens.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, ce passage est important, une

  5   question qui se pose pour un juge raisonnable. Est-ce que ce jour-là entre

  6   vous, il y avait un double jeu, on disait les choses mais on n'en croyait

  7   pas un mot, ou bien c'est la vérité pure de l'époque où il n'était pas

  8   question une seconde d'envahir la Bosnie-Herzégovine ?

  9    Si M. Mesic était venu étant témoin neutre, on lui aurait demandé.

 10   Mais je vous pose la question, néanmoins, puisque vous avez prêté serment.

 11   Ce que l'on voit dans ce texte qui est une conversation entre

 12   plusieurs personnes toutes de haut rang, tout ce que les uns et autres

 13   disent, c'est bien la réalité ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Entièrement, Monsieur le Président. Nous, qui

 15   jouons des rôles importants dans cette entité, comment voulez-vous qu'on ne

 16   soit pas francs dans le cadre d'une telle réunion, les uns face aux autres

 17   ? Ce document, il faut savoir que dans aucun autre pays il n'aurait été

 18   diffusé à l'extérieur de cette réunion. Aucun état n'aurait jamais divulgué

 19   cela.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a un autre transcript présidentiel dont je ne

 21   peux pas malheureusement vous donner le numéro parce que je ne pensais pas

 22   vous poser la question. Mais pour confronter les éléments, je suis amené à

 23   vous le dire :

 24   A un moment donné, Tudjman va expliquer à ceux qui sont présents à

 25   cette réunion qu'il y a des accords publics et secrets avec Izetbegovic et

 26   il dit, je cite de mémoire : Mais faite moi confiance, qu'il y aura une

 27   union des républiques sous forme de confédération. Il le dit, et puis il

 28   rajoute que Radic, le fameux Fikret Radic, fera en sorte de faire une

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  1   sécession pour que le territoire qu'il a soit intégré à la Croatie. Voilà

  2   ce que dit Tudjman. Qu'est-ce que vous en pensez ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais le territoire contrôlé par Radic, il

  4   était prévu qu'il revienne aux Serbes. Tudjman espérait que ça allait être

  5   un accès à la Croatie, j'ai beaucoup de mal à croire que ça été consigné

  6   ainsi. Vous verrez, ça ressort du document --

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous présenterai le document, je vous le garantis

  8   à 100 %, Tudjman l'a dit.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est écrit comme quoi il aurait dit, je

 10   n'arrête pas de souligner, vous savez il y a des interjections, des

 11   réactions où on dit non, on ne continue pas et cetera. Parfois il y a de

 12   l'humour, de l'ironie, des erreurs sont possibles ici.

 13   Monsieur le Président, jamais au grand jamais M. Franjo Tudjman -- je

 14   le connais d'avant les élections, j'étais un candidat opposé dans le cadre

 15   des élections au candidat adverse, mais ça ne lui aurait jamais venu à

 16   l'esprit que l'on remette un bout de territoire à la Croatie qui se situe

 17   au-delà de ses frontières, à moins que les Américains et les autres

 18   puissances n'en aient décidé ainsi.

 19   Vous verrez dans le paragraphe suivant, il dit, il ne comprend pas

 20   Eagleburger --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, je vous arrête, parce qu'il nous

 22   reste peu de temps, mais vous avez dit quelque chose, qui est important et

 23   qui m'avait un peu échappé.

 24   Le territoire contrôlé par Abdic, par Fikret Abdic, d'après ce que vous

 25   dites, c'était occupé par les Serbes. Est-ce que c'est un territoire qui,

 26   aujourd'hui, fait partie de la Republika Srpska ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] En bonne partie, c'est vrai. Une partie non,

 28   mais une bonne partie, c'est ça.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce qu'il y a un petit bout du territoire qui

  2   fait actuellement partie de la fédération, mais à l'époque de la République

  3   de Bosnie-Herzégovine ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, une partie. Une partie, et une partie

  5   non.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Et vous ignoriez totalement qu'il avait été

  7   envisagé, à un moment donné, que M. Abdic, faisait sécession, se raccroche,

  8   se rattache à la Croatie ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, je ne savais pas, Monsieur le

 10   Président. Même si cela est couché sur papier quelque part, vous avez vu

 11   500 déclarations de M. Tudjman, des textes. Il se peut qu'il y ait eu une

 12   erreur dans l'expression qui -- il n'a jamais pensé, il ne disait jamais

 13   que cela était une option.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Si ce n'était pas une erreur, si c'est la vérité,

 15   qu'est-ce que vous diriez ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais ce qui a été constamment répété dans

 17   le cadre international. Si les frontières peuvent être changées, elles ne

 18   peuvent l'être que par un accord des deux parties intéressées, pour ce qui

 19   est des frontières reconnues internationalement et par les Nations Unies.

 20   Si Abdic s'était vu reconnaître la capacité à créer un Etat sur ce

 21   territoire, si son peuple avait consenti et les autorités croates avaient

 22   également consenti à cela en suivant la procédure législative appropriée,

 23   j'y aurais souscrit aussi.

 24   Mais je répète toujours la même chose, ce n'est que par un accord des

 25   parties concernées que l'on peut modifier à une modification des

 26   frontières, conformément au principe de l'OSCE et à la législation en

 27   vigueur. Mais comment aurions-nous pu envisager que cela aurait été partie

 28   de notre territoire alors que nous n'avions même pas libéré une bonne

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  1   partie de la Croatie ?

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Pinter, vous avez huit minutes.

  3   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Q.  Juste aux fins du compte rendu d'audience, Général, je suis obligée de

  5   vous poser cette question afin d'écarter tout doute, à cause de la rapidité

  6   de vos réponses. Lorsque que l'on parlait de Bihac, une partie de Bihac, je

  7   ne parle pas de la ville, mais du territoire de Bihac, est entrée dans le

  8   cadre de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et une autre partie de Bihac est entrée au sein de la fédération,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci. Alors, nous avons encore un tout petit peu de temps, et je

 14   pourrais donc commencer avec quelque chose d'autre. Mais alors, peut-être

 15   que l'on peut en terminer avec un autre document, car les transcripts

 16   présidentiels, cela risque de durer plus longtemps, alors on va passer à un

 17   document dont nous allons pouvoir faire le tour plus rapidement.

 18   Mon confrère me suggère de vous interroger concernant l'idée de cette

 19   confédération, de qui émanait-elle, cette idée d'une confédération entre la

 20   République de Croatie et la Bosnie-Herzégovine ?

 21   R.  Il me semble que c'était une idée américaine. Je ne le pense pas, je le

 22   sais. Pour autant que je le sache et avec certitude, cela venait des

 23   Américains, c'était une de leurs exigences, à savoir que l'on constitue une

 24   fédération et qu'ensuite, cette dernière rejoigne la Croatie au sein d'une

 25   confédération.

 26   Pour moi, c'était, de mon point de vue, complètement incompréhensible, car

 27   dans ce cas-là, la Republika Srpska serait entrée en confédération avec la

 28   Serbie et, de la sorte, la Serbie se serait retrouvée en confédération avec

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  1   la Croatie. Et si l'on ne souhaitait pas permettre que la Republika Srpska

  2   devienne partie de la Serbie, alors quiconque envisageait cette

  3   confédération entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie devait bien

  4   comprendre que cela n'était possible qu'en partageant la Bosnie. Alors,

  5   dans ce cas, la Republika Srpska n'aurait pu exister que comme partie de la

  6   Serbie, parce que personne n'aurait pu l'empêcher d'entrer en confédération

  7   avec la Serbie, et ensuite, à l'intérieur de l'Etat de la Bosnie-

  8   Herzégovine, la fédération qui aurait été en confédération avec la Croatie,

  9   c'était tout à fait inimaginable et cela n'aurait jamais pu exister. Vous

 10   êtes juriste, si vous pensez que cela aurait pu exister, pour moi c'est

 11   incompréhensible. Je pense que derrière cela se cachaient d'autres choses.

 12   Q.  Alors, je propose que l'on passe à un document qui aurait pu aussi

 13   figurer dans ce classeur, "Contrôle effectif", mais que nous avons

 14   maintenant parce que c'est aussi une pièce à conviction. C'est le P 05530,

 15   daté du 1er octobre 1993, rapport de l'assistant du commandant de la 1ère

 16   Brigade motorisée, rapport faisant état de la situation sur le terrain.

 17   Alors, vous allez m'expliquer que signifie l'abréviation, donc c'est de

 18   Mato Prce ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Alors, dites-nous, dites aux Juges de la Chambre pourquoi il est

 21   important que vous nous expliquiez ce dont il est question dans ce

 22   document.

 23   R.  Alors, nous avons cinq minutes encore. Dans ce document, vous pourrez

 24   continuer à m'interroger par la suite, mais il y est dit la façon dont se

 25   sont passées les choses. Il s'agissait de volontaires de la 5e Brigade de

 26   la Garde nationale. Il est dit ce qu'ils faisaient et combien d'entre eux

 27   ont péri.

 28   Et pour moi, ce qui est important à souligner, ce que je vais faire pendant

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  1   le temps qu'il nous reste, c'est la chose suivante, à la fin de la page 2

  2   du texte en croate, je ne sais pas où cela se situe en version anglaise, il

  3   est dit, je cite : "La colonne, à son retour vers la Croatie, a été arrêtée

  4   à Karlovac, au péage, sur ordre d'un général du HVO, commandant du HVO, car

  5   on les a accusés d'avoir procédé à des pillages de maisons à Uskoplje, sur

  6   le front d'Uskoplje, selon les ordres du général Slobodan Praljak. La

  7   police a procédé à un contrôle, a retrouvé un congélateur, un poste de

  8   télévision, un réfrigérateur, un four--"

  9   Q.  Excusez-moi, la page, c'est la cinquième et la sixième.

 10   R.  Alors, très bien. Ces personnes qui ont été impliquées dans les combats

 11   dès le début de la guerre, d'agressions contre la Croatie, c'était des

 12   gens, des hommes qui avaient survécu aux combats à Vukovar. Ils ont

 13   traversé cette épreuve alors que leurs familles, leurs proches étaient soit

 14   décédés, soit vivants, mais ailleurs ils avaient été expulsés, déplacés. Et

 15   ils sont donc venus comme volontaires, en nombre inférieur à ce qui est

 16   indiqué par écrit, car un certain nombre d'entre eux finissaient toujours

 17   par se disperser.

 18   Et à une reprise, j'avais eu affaire avec le groupe de M. Leko, et ses

 19   hommes avaient passé 43 jours sans interruption dans des tranchées. Je

 20   voudrais dire que si j'avais dénoncé ces hommes - je voudrais dire ça à

 21   Messieurs les Juges et Monsieur le Procureur - si j'avais dénoncé ces

 22   hommes, c'aurait été la même chose que de dénoncer mon propre père ou mon

 23   propre frère. Rien n'aurait été plus difficile pour moi. Ces hommes, qui

 24   avaient peut-être acheté ces objets ou alors peut-être avaient-ils pris un

 25   réfrigérateur.

 26   Il est exact que ce sont des choses que l'on ne doit pas faire, que cela

 27   est interdit, mais après de tels combats, après Vukovar, dénoncer ces

 28   hommes et jeter l'opprobre sur eux, cela me faisait mal au cœur, cela me

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  1   faisait mal à l'estomac, à la tête. Et aujourd'hui encore, cela me fait

  2   mal, mais je l'ai fait, malgré tout, je les ai dénoncés, et j'aurais

  3   dénoncé n'importe qui pour tout ce dont j'aurais eu connaissance au moment

  4   où j'en avais connaissance. Et j'aurais préféré dénoncer mon propre frère

  5   plutôt que ces hommes-là.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : On va arrêter. On a pris bonne note de ce que vous

  7   venez de dire.

  8   Nous continuerons donc la semaine prochaine avec ce classeur puisqu'il

  9   reste encore des documents. Et en principe, lundi, vous terminerez la

 10   présentation de vos éléments après quoi, mardi, mercredi, jeudi, on fera le

 11   break à votre demande. Et la semaine d'après, nous aurons le plaisir de

 12   retrouver M. Stringer et à ce moment-là, je commencerai, moi, à vous poser

 13   des questions.

 14   Voilà quel est le programme des prochains jours.

 15   Je vous remercie, et je vous dis donc à lundi prochain.

 16   --- L'audience est levée à 18 heures 00 et reprendra le lundi 8 juin 2009,

 17   à 14 heures 15.

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