Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 16 juin 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Les accusés Prlic et Coric sont absents]

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

 10   toutes les personnes présentes dans le prétoire.

 11   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et

 12   consorts. Merci, Messieurs les Juges.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce mardi 16 juin

 14   2009, je salue en premier M. Praljak. Je salue MM. Pusic, Petkovic et

 15   Stojic. Je salue également les accusés qui ne sont pas présents. Je salue

 16   Mmes et MM. les Avocats. Je salue M. Stringer et ses collaborateurs, ainsi

 17   que toutes les personnes qui nous assistent.

 18   Monsieur le Greffier, nous allons passer pendant quelques instants à huis

 19   clos.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes

 21   actuellement en audience à huis clos partiel.

 22   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Page 41454 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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  1   [Audience publique]

  2   LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]

  3   [Le témoin répond par l'interprète]

  4   Questions de la Cour : [Suite]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, je vais continuer mes questions,

  6   mais avant cela, par rapport à hier, j'ai juste une petite précision à vous

  7   demander. Vous nous avez parlé du fils de M. Tudjman, Miroslav Tudjman. En

  8   lisant ce matin aux aurores l'arrêt dans l'affaire Blaskic, je me suis

  9   rendu compte au paragraphe 419 de cet arrêt, il était mentionné un Miroslav

 10   Tudjman, chef des Services secrets; est-ce le même ?

 11   R.  Je suppose que oui. Il n'y a pas d'autre Miroslav Tudjman, du moins je

 12   n'en connais pas d'autre. Il était à la tête des Services secrets pendant

 13   quelque temps.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc il était à la tête des Services secrets.

 15   Vous, en tant que ministre adjoint de la Défense, vous aviez des relations

 16   professionnelles avec lui ?

 17   R.  Monsieur le Président, pas pendant cette période-là. Pour commencer, il

 18   était au sein de l'IPD avant moi, et c'est plus tard qu'il est devenu chef

 19   et non pas du Service secret de l'armée. Il n'a jamais été à la tête du

 20   SIS. Plus tard, il est devenu, me semble-t-il, en 1993 uniquement, qu'on a

 21   créé le HIS, le service d'Information croate, je pense en 1993. C'est là

 22   qu'il est devenu le chef du service de Renseignements croate. C'était un de

 23   ces services qu'on peut qualifier de secret. Donc il y avait d'une part, le

 24   service militaire, puis le service de la Police, par définition, elle en a

 25   un. Puis là, vous aviez un service analytique vers lequel convergeaient les

 26   informations venues de différentes parts. A l'époque, je n'avais pas

 27   vraiment de contact avec lui, parce que le HIS n'était pas en place pendant

 28   que j'étais à l'IPD. Il ne faisait pas partie du ministère de la Défense

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  1   non plus.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors je vais passer maintenant au général

  3   Bobetko qui se trouve, comme vous, cité dans la liste des membres de

  4   l'entreprise criminelle commune. A l'inverse, il est décédé entre-temps.

  5   Vous, vous êtes bien vivant, et heureusement pour vous.

  6   Mais ce que j'aimerais savoir c'est : quel est le point de vue que

  7   vous avez sur le général Bobetko ? Quelles étaient les relations que vous

  8   aviez avec le général Bobetko ?

  9   R.  Pour le moment, je suis en vie, nous sommes tous pour le moment en vie.

 10   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il est difficile de parler des

 11   personnes qui ne sont plus parmi nous. Si l'on venait à dire quelque chose

 12   qui ne serait pas tout à fait positif, alors ces individus ne pourraient

 13   pas réagir. Je vais essayer d'avancer avec la plus grande précaution et

 14   précision. Donc le général Bobetko, il a été le premier partisan de Croatie

 15   et de Yougoslavie. Donc il a fait partie de ce petit détachement de 1941

 16   créé près de Sisak. Il était jeune, bien entendu, donc c'était une première

 17   forme de résistance, de soulèvement dans toute l'Europe. Après la guerre,

 18   il est resté au sein de la JNA et il a atteint le grade de général.

 19   En 1971, lui aussi, il a connu une déviation sur le plan de la ligne du

 20   parti. Il a été membre du Printemps croate, mouvement où on a demandé à peu

 21   près les mêmes choses que ce que l'on a revendiqué en 1990, sauf qu'à ce

 22   moment-là c'étaient des Communistes croates et des étudiants croates, ceux

 23   qui se sont joints. Donc il a été mis à la retraite à ce moment-là. Ça n'a

 24   pas été aussi grave comme pour le général Cervenko, qui a été condamné à un

 25   an et demi de prison, par exemple. Donc c'était un retraité au moment de

 26   ces événements, début des années 90, c'était un homme un peu âgé. Donc il a

 27   un petit peu attendu, disons. Ensuite, il est venu se présenter au

 28   ministère de la Défense, il a eu un poste, des fonctions. Je pense qu'il

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  1   avait la charge de l'éducation au début dans un premier temps. Le Dr

  2   Tudjman l'a nommé par la suite commandant du secteur sud du champ de

  3   bataille, donc le secteur de Dubrovnik et dans les parages. Il devait jouer

  4   le rôle de contact face au HVO pour que le HVO puisse se défendre contre

  5   l'armée de la République serbe et la JNA, enfin, les projets d'avancée

  6   qu'ils avaient vers Split.

  7   Le général Bobetko s'en est chargé, a mené à bien sa mission,

  8   libération jusqu'à Prevlaka, Dubrovnik et la par la suite, on l'a nommé à

  9   la tête du Grand état-major de l'armée croate. Il est venu remplacer le

 10   général Tus. Il est resté à ce poste jusqu'en 1995, au printemps, été, là

 11   où il est tombé malade et il a été hospitalisé.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous-même, vous l'avez rencontré à quelle

 13   période précise, vous ?

 14   R.  Monsieur le Président, c'est des -- à Sisak. Lorsque j'étais à Sunja,

 15   je l'ai rencontré. Il n'avait pas de poste, pas de fonction, mais il s'est

 16   rendu une fois à Sunja. C'était un monsieur âgé. Je lui ai présenté et

 17   montré tout ce qu'il voulait voir. Voilà.

 18   Ce que je voulais dire, c'était un homme âgé et, sur ce plan, face à ces

 19   choses, je me souviens que M. Scott m'a posé cette question pendant que

 20   j'étais témoin dans Naletilic. C'est comme Starosa, chez les Russes, on le

 21   respecte vu son âge avancé. Mais je peux dire ici que j'ai eu un certain

 22   nombre de reproches face à la manière qui était la sienne. Il a voulu

 23   occuper un poste un peu plus important que celui qui lui serait revenu

 24   naturellement dans le cadre militaire.

 25   Je vais donner un exemple sur la base des consultations d'une décision

 26   prise par le gouvernement et du président Tudjman : il était interdit de

 27   prendre la parole publiquement, donc en uniforme de général ou autre de

 28   l'armée croate, et le général Bobetko n'a pas respecté cette consigne. Donc

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  1   la question était de savoir comment faire appliquer cela à des échelons

  2   inférieurs si on ne pouvait pas demander au général Bobetko de s'y

  3   conformer lui-même ? Donc j'avais connu ce problème.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Le général Bobetko est né en 1919. En 1993, il a

  5   donc 74 ans. A votre connaissance, dans l'armée croate, on est à la

  6   retraite à quel âge ?

  7   R.  Il me semble que c'est 60 ou 65 ans le plus tard, me semble-t-il.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand il rejoint l'entourage de M. Tudjman, il est

  9   déjà retraité. Donc il n'a pas à porter l'uniforme. C'est ça que vous

 10   voulez nous dire ?

 11   R.  Non. A l'époque, il était nécessaire en tant que nom, en tant qu'un

 12   antifasciste, surtout parce que pendant 45 ans, la propagande serbe a

 13   présenté les Croates comme des Oustacha. Donc savoir son nom et son âge,

 14   tout cela c'était important pour qu'il rejoigne les rangs de l'armée

 15   croate. On ne pouvait pas faire attention à l'âge à cette époque-là.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez de dire quelque chose qui va me permettre

 17   de faire le pont avec une question que j'avais l'intention de vous poser,

 18   J'ai lu, puisque c'est de notoriété publique, que ses frères et son père

 19   avaient été tués pendant la Seconde Guerre mondiale par les Oustacha, et

 20   que lui avait rejoint les Partisans. Est-ce bien l'information que vous

 21   avez vous ?

 22   R.  Oui, je sais pour ce qui est de sa famille. Non, ce ne sont pas ses

 23   frères. Je connais un de ses frères, mais je sais qu'en partie, il y a eu

 24   des membres de sa famille qui ont péri, de la main des Oustacha, oui.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous nous l'avez déjà dit, mais je pense que

 26   c'est important et il faut que ça soit dans l'esprit de tout le monde.

 27   De l'extérieur, nous avons l'impression que les Croates s'étaient divisés

 28   en deux branches : les "fascistes" - entre guillemets - qu'on pouvait

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  1   qualifier d'Oustacha; puis les Partisans qui, eux, étaient dans l'autre

  2   bord; et que finalement, l'entourage de M. Tudjman, lui-même, Bobetko et

  3   d'autres venaient du courant antifasciste. Est-ce bien cela la situation

  4   historique ?

  5   R.  A 90 %, vous aviez des individus issus de ce courant : Manolic,

  6   Tudjman, Bobetko, tous venaient de la JNA, Petkovic, Stipetic, Mesic, et

  7   cetera, et n'empêche qu'on les accusait sans cesse d'être des Oustacha, moi

  8   aussi, on était tous vus comme des Oustacha dans la propagande.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Si quelqu'un dit que Tudjman, Bobetko, Susak et

 10   vous-même étiez des Oustacha, ça serait une erreur capitale.

 11   R.  Ce ne serait pas une erreur. Ce serait une manière de décevoir. Ce

 12   serait de la propagande éhontée.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. C'est au transcript et c'est bien présent

 14   maintenant dans mon esprit.

 15   Ce que je voulais vous demander également. Quand vous avez discuté avec le

 16   général Bobetko, est-ce qu'il a fait part de ses vues politiques sur la

 17   République de Croatie, sur la République de Bosnie-Herzégovine, sur les

 18   Croates qui vivaient en Herzégovine ? Est-ce qu'il a manifesté auprès de

 19   vous des idées, des points de vue ?

 20   R.  Oui.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Que vous disait-il ?

 22   R.  Bien, je dois dire que là j'avais un léger différend avec M. Bobetko,

 23   sur un nombre de points, M. Bobetko était resté communiste. Seulement, il

 24   ne comprenait pas tout à fait la démocratie. Il préférait ce qu'il avait

 25   appris au sein de la JNA. Mais pour ce qui est de la Croatie, pour ce qui

 26   est de la Bosnie-Herzégovine et du peuple croate ainsi que de la question

 27   des Serbes en Croatie, tout simplement, il était toujours ce qu'il avait

 28   été toute sa vie, à savoir un antifasciste, autrement dit, ça ne lui serait

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  1   pas venu à l'esprit de percevoir une autre nation autrement que comme sur

  2   un pied d'égalité en tout point au peuple dont il était membre.

  3   Donc comme nous tous, la Bosnie-Herzégovine était un Etat à ses yeux, la

  4   Croatie était un Etat. Il fallait développer ce qu'on développe

  5   aujourd'hui, à savoir des normes démocratiques, l'Etat de droits, tout ce

  6   qui est dans une société, à partir du moment où il y a eu un changement de

  7   système, doit réaliser, mais en l'espace des décennies. On ne peut pas du

  8   jour au lendemain avoir le système suisse ou français.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question : nous savons qu'il a participé à

 10   de nombreuses réunions avec M. Tudjman et Susak, et vous-même d'ailleurs

 11   vous étiez présent à certaines réunions, donc vous avez pu entendre les

 12   interventions de M. Bobetko.

 13   Vis-à-vis de M. Susak, y avait-il des conflits entre eux deux, car

 14   lui était plutôt dans un rôle de conseiller militaire avant de devenir

 15   responsable principal. Est-ce que M. Susak admettait que M. Bobetko vienne

 16   peut-être s'occuper du fonctionnement du ministère de la Défense ? Est-ce

 17   que cela posait des problèmes ou ça n'en posait pas ?

 18   R.  Des problèmes mineurs, oui. Voilà comment je présenterais les choses :

 19   Il n'y avait pas que M. Bobetko. Cela concerne également, plus ou moins,

 20   tous les officiers issus de la JNA. Non pas parce qu'ils auraient été de

 21   meilleure qualité ou moins bons. Ils acceptaient la politique dans son

 22   ensemble, mais ce qui est important de savoir, c'est qu'ils avaient

 23   certaines manières de procéder, et à leurs yeux, le ministère devait être

 24   subordonné au Grand état-major, et ce n'est pas comme ça que Tudjman voyait

 25   les choses. Il n'autorisait pas cela. Donc ils étaient habitués à ce que

 26   l'armée soit le numéro 1. La JNA, c'était une corporation. Les officiers

 27   bénéficiaient d'un statut spécifique et le ministère de la Défense n'a pas

 28   véritablement existé au sein de l'ex-Yougoslavie. Donc il y a eu quelques

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  1   petits problèmes parce qu'il a fallu qu'ils s'adaptent, et pour cela, il

  2   leur a fallu du temps.

  3   C'est comme lorsque vous avez des basketteurs qui ont l'habitude de

  4   faire du basket, si vous leur donnez de l'argent, ils vont faire un terrain

  5   de basket et pas de water-polo. Donc, là, il a fallu aménager un certain

  6   nombre de choses. Ils ont voulu un petit peu reprendre le modèle auquel ils

  7   avaient été habitués de par le passé. Nous nous opposions un petit peu à

  8   cela, moi aussi.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette précision. Maintenant je vais

 10   aborder avec vous les autres participants qui sont, en même temps que vous,

 11   accusés. Tout d'abord, vous savez que le règlement vous permet aussi de ne

 12   pas vous incriminer. Si vous ne voulez pas répondre à une question, vous ne

 13   répondez pas. Je n'insisterai pas dans la mesure où ça peut concerner vos

 14   amis. Malheureusement, dans l'acte d'accusation vos amis, dont trois sont

 15   présents, sont concernés, donc je suis obligé, pour essayer de comprendre

 16   les interactions entre les uns et les autres, d'aborder cela.

 17   Alors on va commencer par M. Prlic.

 18   Pouviez-vous me dire à quel moment vous avez fait la connaissance de

 19   M. Prlic ?

 20   R.  C'est en 1992 que je l'ai croisé quand je suis venu là-bas et nos

 21   rencontres n'étaient pas très fréquentes. Je ne pourrais pas dire cela. Il

 22   est arrivé que l'on se voit par ci par là. Quand je venais sur place, il me

 23   semble que je l'ai vu peut-être une ou deux fois, et quand je suis devenu

 24   commandant du Grand état-major, lui était le président de ce qu'on pourrait

 25   éventuellement qualifier de gouvernement, mais ce n'était pas véritablement

 26   un gouvernement puisqu'il n'y avait pas d'Etat, à partir de ce moment-là,

 27   je l'ai croisé plusieurs fois, mais pas plus que ça. Il me semble que j'ai

 28   été présent lors de deux réunions du gouvernement. Je me souviens de l'une

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  1   de ces réunions très bien. La question était de savoir si les étudiants

  2   devaient aller combattre. J'ai même suscité un incident à la réunion du

  3   gouvernement, parce que je ne comprenais pas qu'on puisse exempter les

  4   étudiants de la défense du pays.

  5   Une autre fois aussi, il me semble que le général Petkovic était avec moi,

  6   lorsqu'ils nous ont demandé de leur faire un topo sur la situation de

  7   terrain.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : On va rentrer dans le détail. Vous nous dites en

  9   1992. Quel mois plus précisément ?

 10    R.  Ça pouvait être le mois de mai 1992.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Au mois de mai 1992. Quand vous l'avez rencontré la

 12   première fois, est-ce que vous avez eu l'impression de rencontrer un

 13   technocrate, un technicien de l'économie ? Avez-vous rencontré un homme

 14   politique d'envergure ? Avez-vous rencontré quelqu'un dont vous pensiez

 15   qu'il allait avoir un destin politique ? Quelle première impression il vous

 16   a donnée ?

 17   R.  Pour être tout à fait franc, je n'arrive pas à me rappeler exactement à

 18   quel moment je me suis fait une opinion sur lui, mais premièrement, je me

 19   souviens que je me suis dit qu'il était très intelligent, un esprit vif, un

 20   homme tout à fait normal qui comprenait la situation, qu'il était du cru.

 21   Aussi, je savais qu'il a rencontré un certain nombre de problèmes dans les

 22   différentes municipalités auprès de certains individus, parce qu'avant de

 23   rejoindre le HVO, il avait été communiste, donc il y a eu quelques

 24   animosité qui l'ont suivi dans le cadre de ses activités. Mais en si peu de

 25   temps, je me garde de former des conclusions précipitées sur la base d'une

 26   conversation, vous savez, arriver à des conclusions -- je fais très

 27   attention à ne pas arriver à des conclusions précipitées.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Néanmoins, vous l'avez rencontré. Est-ce que vous

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  1   avez échangé des points de vue sur la situation politique ? Est-ce qu'il

  2   vous a indiqué quelle était sa conception à lui de l'évolution

  3   institutionnelle par rapport à la République de Bosnie-Herzégovine ou est-

  4   ce qu'il a eu des débats avec vous ou bien il ne vous a strictement rien

  5   dit ou peu de choses ?

  6   R.  Non, Monsieur le Président. Lorsque nous nous sommes vus les premières

  7   fois, c'était à Mostar lorsque l'armée de la République serbe et la JNA

  8   pilonnaient la ville de manière très importante, et la conversation portait

  9   uniquement sur la question qui était de savoir à partir de quand est-ce que

 10   je pensais pouvoir agir. C'était le seul sujet, le sujet militaire. Pas des

 11   questions politiques ou sur la Yougoslavie.

 12   Plus tard, c'était déjà en 1993, nous avons évoqué les sujets que vous

 13   mentionnez.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : On va quitter un peu le champ politique pour aborder

 15   maintenant les relations professionnelles que vous avez eues avec lui. Je

 16   vais distinguer deux périodes : la période avant juillet 1993, puis la

 17   période de juillet 1993. Alors dans la période avant juillet 1993, où de

 18   temps en temps vous étiez sur le terrain, nous vous avons vu à Prozor. Nous

 19   savons que de temps en temps vous étiez sur le terrain.

 20   Est-ce qu'à ce moment-là, avec M. Prlic, vous avez eu des discussions de

 21   nature militaire ?

 22   R.  Il me semble que je l'ai rencontré une ou deux fois lors de cette

 23   période s'étendant jusqu'en juillet 1993. Il est très probable que nous

 24   ayons abordé tous les sujets. Il m'est difficile maintenant de m'en

 25   souvenir.

 26   Mais nous avons certainement abordé des questions politiques, vers où

 27   nous nous dirigions, pourquoi, comment. Il en a sûrement été question. Nous

 28   avons certainement aussi abordé tel ou tel sujet militaire, même si, de

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  1   cela, je n'en discutais pas avec lui. Lui était déjà dans la structure et

  2   il a davantage été question de la façon dont tout cela allait se terminer,

  3   et cette question aussi de savoir ce qu'il allait en être de ces

  4   propositions avancées par la communauté internationale, pourquoi cela

  5   n'est-il pas mis en œuvre.

  6   Pourquoi le signons-nous, ensuite les autres le rejettent-ils, puis

  7   on entre de nouveau dans la même spirale. C'était comme ça plutôt.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites qu'il était dans les structures, ce

  9   qui me permet d'aller maintenant au nœud du problème.

 10   En tant que militaire, est-ce qu'il vous donnait des ordres de nature

 11   opérationnelle, ou bien vous étiez vis-à-vis de lui totalement indépendant

 12   ?

 13   R.  J'étais complètement indépendant de lui. Il ne m'a jamais donné quelque

 14   ordre de nature militaire que ce soit.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Maintenant je passe à la deuxième période, juillet

 16   1993, 8 novembre 1993. Vous voyez il faut être très précis. Pendant cette

 17   période où vous étiez commandant militaire du HVO, donc le numéro un sur le

 18   plan militaire. Lui, il a été président du HVO, puis premier ministre, mais

 19   la fonction pouvait recouvrir quasiment la même totalité du champ de

 20   compétence. Mais pendant cette période de juillet à novembre, est-ce qu'à

 21   un moment donné M. Prlic vous a dit : "Général Praljak, vous allez faire

 22   ceci, vous allez faire cela" ?

 23   R.  Jamais.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous êtes affirmatif. Il n'est jamais intervenu

 25   en matière militaire.

 26    M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, ceci, nous n'avons

 27   pas entendu la traduction de cela.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez raison. Sur le transcript, à la ligne 13,

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  1   il n'y a pas votre réponse. Il est marqué. Alors, je vous repose la

  2   question parce qu'il faut que ça soit au transcript, parce que c'est

  3   important.

  4   Général Praljak, est-ce qu'à un moment donné pendant la période de juillet

  5   à novembre 1993, M. Prlic vous a donné des ordres en matière militaire en

  6   vous disant il faut faire ceci ou faire cela ?

  7   R.  Jamais.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est marqué donc "never;" ça vous convient,

  9   Maître Karnavas ? C'est bien enregistré.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Ce n'est pas à moi de dire si ça va ou non,

 11   mais de savoir si la réponse du témoin est bien enregistrée, Monsieur le

 12   Président.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La réponse est enregistrée.

 14   Alors donc M. Prlic n'intervenait pas en matière militaire. Il n'en demeure

 15   pas moins, Général Praljak, que nous avons vu, et il y a des comptes

 16   rendus. Vous-même, vous avez fait allusion d'ailleurs, vous avez dit que

 17   vous aviez participé à deux réunions du gouvernement et lors de ces

 18   réunions avait été abordée la question des étudiants, à savoir s'ils

 19   devaient être conscrits ou pas.

 20   Alors est-ce que vous vous souvenez de ces réunions, et à ce moment-

 21   là, vous étiez à ce type de réunion; à quel titre pour informer la

 22   structure civile du HVO de problème logistique lié au problème de conscrit,

 23   au problème des effectifs, ou bien c'étaient des réunions pour faire le

 24   point d'une situation militaire, dans votre mémoire ?

 25   R.  Oui, je m'en souviens, Messieurs les Juges. Lorsque j'ai dit qu'il

 26   n'est jamais intervenu dans des questions militaires, vous parliez d'ordre.

 27   Vous disiez -- vous m'avez demandé s'il ne m'avait ordonné de faire telle

 28   ou telle chose. Cela, bien sûr, il ne l'a jamais fait.

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  1   En revanche, bien entendu, que le département de la Défense dépendait

  2   du gouvernement au sens où cela leur incombait, par exemple, que de

  3   s'assurer que suffisamment de bottes ou de carburant avait été fourni, que

  4   la mobilisation se déroulait correctement. Il s'agissait de questions qui

  5   incombaient principalement à l'état-major. Evidemment il y avait une

  6   coordination en la matière. Alors en l'espèce, il y a eu une réunion chez

  7   M. Stojic. Il me semble d'ailleurs que je n'y avais pas été présent.

  8   C'était soit moi, soit Matic. Certaines personnes avançaient l'idée

  9   suivante qui était mise en œuvre, à savoir qu'il fallait libérer - entre

 10   guillemets - les étudiants pour qu'ils puissent aller défendre le pays.

 11   Cela entraînait à mon sens des conséquences tout à fait

 12   incalculables, le fait d'exempter les étudiants donc de ne pas leur imposer

 13   cette obligation d'assurer la défense du pays. On a vu des gens s'inscrire

 14   dans toute sorte de cursus, tout d'abord. Ensuite, pour moi, il était

 15   inimaginable que quelqu'un ait le pouvoir de décider par exemple, voilà,

 16   ton fils qui est ouvrier, qui est mécanicien, que lui allait mourir au

 17   combat, alors que le mien qui s'est inscrit à la fac, que lui soit exempté.

 18   C'est une véritable ségrégation qu'on aurait là.

 19   Donc je me suis rendu à cette réunion face au gouvernement avec

 20   l'intention de leur dire ce que je viens de vous dire.

 21   Le gouvernement a fini par l'accepter mais un des ministres qui n'est

 22   plus des nôtres aujourd'hui, malheureusement, lui non plus a continué à

 23   donner des explications nébuleuses pour justifier sa position selon

 24   laquelle il fallait continuer à exempter les étudiants. Lorsqu'il a dépassé

 25   les bornes, moi, je l'ai attrapé par l'épaule, par le cou, j'ai crié un

 26   incident, car j'estimais que c'était du fascisme, que d'imposer aux uns d'y

 27   aller et aux autres, de permettre de ne pas y aller. Je jouais une espèce

 28   de petit dieu dans cette enceinte. Le gouvernement a décidé que tous

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  1   devaient répondre à l'appel à la mobilisation. Excusez-moi.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Oui.

  3   Mme PINTER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, aux fins

  4   du compte rendu d'audience, page 15, ligne 9, dans la réponse du général

  5   Praljak, il manque la négation le "non." Lorsque le général parlait du

  6   ministère de la Défense et qu'il listait les tâches incombant au ministère

  7   de la Défense, il a été versé au compte rendu d'audience que le général

  8   aurait affirmé la chose suivante, à savoir que la fourniture de carburant,

  9   la fourniture de bottes et la mise en œuvre de la mobilisation sont

 10   effectuées par l'intermédiaire de l'état-major principal. Mais ce n'était

 11   pas la réponse du général Praljak, et j'aimerais que cela soit consigné

 12   car, d'après le compte rendu d'audience, il apparaît que tous ces éléments

 13   se faisaient par l'intermédiaire de l'état-major principal.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact. Ces tâches n'incombaient pas à l'état-

 15   major. Ce dernier avait sous sa responsabilité l'utilisation qui était

 16   faite des unités sur un plan opérationnel. Il y a eu une deuxième session

 17   du gouvernement où il me semble que nous avons été invités. Je crois que M.

 18   Petkovic et moi-même, nous y étions et nous avions été invités afin

 19   d'informer le gouvernement de la situation militaire sur le terrain. Cela

 20   est tout à fait normal et légal. Il me semble qu'après cela, nous nous

 21   sommes mis d'accord et qu'ils recevaient régulièrement une synthèse de la

 22   situation militaire sur le terrain afin qu'ils puissent adapter toutes

 23   leurs activités, non pas uniquement politiques mais également tout ce qui

 24   avait trait aux ressources y compris financières et ainsi de suite à la

 25   situation militaire.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais que vous me renseigniez sur ce que je ne

 27   comprends pas. Nous savons que M. Mate Boban a été élu par les différents

 28   élus venant des municipalités qui ont créé la Communauté croate d'Herceg-

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  1   Bosna. Donc parmi eux, il y a Kostroman, Kordic, Topic, et cetera. Je me

  2   suis dit comment se fait-il que le chef du gouvernement, président du HVO

  3   ou premier ministre, n'ait pas été un élu, un élu municipal et qu'on est

  4   allé chercher M. Prlic.

  5   Vous avez une explication ?

  6   R.  J'ai ma propre explication personnelle, à savoir qu'il était plus

  7   compétent en la matière. D'un point de vue technique, technologique,

  8   organisationnel pour ce qui était d'assurer ce poste qui consistait quand

  9   même à diriger, il était plus compétent que ces espèces tribuns populaires

 10   qui étaient les autres, pour la plupart, lorsque les gens ont commencé à

 11   s'opposer, à déclarer leur opposition communiste.

 12   Dans ce genre de situation, le peuple se réunit autour d'un noyau, vous

 13   savez, si, à l'époque, vous aviez présenté la candidature d'une vache, au

 14   nom du HDZ, si vous aviez écrit HDZ dessus, elle aurait été élue.

 15   Malheureusement, c'est une sélection qui n'est pas toujours positive,

 16   compte tenu des principes dont a besoin la société. Il s'avère que la

 17   société après a besoin. C'était la nature des gens qui ont été les premiers

 18   orateurs, les premiers tribuns dans cette opposition au communisme. Cela ne

 19   signifie pas pour autant qu'ils sont les plus aptes à faire partie de

 20   l'organisation et de la structure de l'Etat.

 21   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Juste

 22   pour éclaircir un point du compte rendu. J'ai perdu l'endroit, excusez-moi.

 23   J'étais en train de regarder la dernière -- en fait, c'était votre

 24   question, Monsieur le Président à la page 17, ligne 9. Il est indiqué que

 25   vous vous référez à M. Mate Bobetko et je crois qu'en fait, Mate Boban, je

 26   pense.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement. Merci, Monsieur Stringer.

 28   Oui, c'était Mate Boban et pas Bobetko. Alors ça me permet de revenir à M.

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  1   Mate Boban.

  2   J'ai envoyé directement sur M. Prlic mais j'aurais pu passer avant

  3   cela par M. Mate Boban.

  4   Alors on va revenir à M. Mate Boban. Pouvez-vous me dire, vous, 

  5   Général Praljak, à quel moment vous avez rencontré Mate Boban, la première

  6   fois ?

  7   R.  En 1992 également, vers le mois d'avril, au mois d'avril.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors même question : quelle impression vous

  9   a-t-il donné ? Etait-ce un homme politique, un technicien, un élu qui avait

 10   des idées sur la gestion municipale voire de la région ? Etait-ce un

 11   illuminé ? Quelle impression avez-vous eu ?

 12   R.  M. Mate Boban était un homme politique. C'était vraiment un homme

 13   politique. Il était capable de coopérer avec les gens, de ne pas toujours

 14   dire tout ce qu'il pensait et ainsi de suite. A mon sens, en 1993 lorsque

 15   les plans avancés par la communauté internationale ont échoué, aussi bien

 16   le plan Cutileiro, où Mate Boban avait été trompé, que lorsqu'il a été

 17   également trompé à propos de la formulation exacte de cette question du

 18   fameux référendum portant sur l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Ou

 19   encore lorsqu'il a été trompé après la Conférence de Londres et le plan

 20   Stoltenberg et ainsi de suite, alors même que lui espérait qu'avec l'une de

 21   ces solutions, on allait pouvoir résoudre l'ensemble du problème.

 22   A mon sens, il a commencé à perdre le contrôle au sens non pas

 23   politique mais au sens de l'organisation. Il est resté le même qu'au début

 24   mais on ne savait plus quel serait le point de vue de la communauté

 25   internationale et jusqu'où elle allait continuer à céder au plus fort. En

 26   raison de tous ces événements et tous les entretiens qui ont été organisés,

 27   l'organisation de la HZ HB fonctionnait de plus en plus mal. Ce n'est pas

 28   quelle ne fonctionnait plus, mais elle fonctionnait de plus en plus mal car

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  1   diverses structures apparaissaient au sein d'elle sur toutes sortes de

  2   base. Sur des bases économiques, parfois il s'agissait de divergences

  3   d'opinions ou de personnes qui étaient de simples profiteurs qui agissaient

  4   dans leur coin.

  5   A cet égard aussi, lors de cette réunion à Split, j'ai déclaré et

  6   j'ai dit que le problème fondamental de la HZ HB était quelle ne disposait

  7   pas d'une organisation interne plus solide et je dis ça du point de vue

  8   d'un commandant militaire mais également d'une personne qui s'y connaît

  9   quelque peu en la matière. Il y avait là des objections lors de cette

 10   réunion qui s'adressaient également à M. Boban qui ne comprenait pas

 11   vraiment pleinement la situation et la réalité.

 12   Il se contentait de dire bien les faits sont là et le monde va peut-

 13   être finir de les comprendre. Je l'ai dit à Paris. Je l'ai dit aux

 14   officiels à Berlin et je l'ai dit à Londres.  Je l'ai dit donc à Berlin et

 15   puis mes interlocuteurs m'ont compris. Ensuite dix jours plus tard, ils se

 16   montraient ahuris et très surpris de voir que personne n'avait compris et

 17   que les choses se déroulaient d'une façon complètement différente. Chez lui

 18   cela a commencé à nourrir un profond sentiment d'amertume mais également

 19   une forme de passivité, notamment lorsqu'on a commencé à l'accuser d'avoir

 20   été celui qui était à l'origine d'une forme de radicalisation et que

 21   manifestement on allait plus facilement parvenir à un accord sans lui. 

 22   Alors évidemment on ne serait parvenu plus facilement à un accord

 23   sans lui, sans moi également et il suffisait de rayer de la carte ce peuple

 24   et puis tout aurait été sans doute comme il faut. Mais, cependant, moi, je

 25   n'ai aucune objection aux positions par rapport à ses positions politiques.

 26   La façon dont la Bosnie-Herzégovine était organisée d'un point de vue

 27   interne, ses frontières et ainsi de suite; cependant, lors de cette

 28   réunion, j'ai mis ma propre démission sur la table et j'ai demandé que lui

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  1   aussi quitte ses fonctions et j'ai prononcé cette phrase à cette occasion

  2   concernant ces bureaux : quand vous voulez parvenir à un résultat, vous

  3   savez bien ce qu'il faut faire, moi, je lui ai dit que Grude ça ne

  4   signifiait rien, qu'il fallait qu'il soit à Mostar.

  5   Il ne comprenait pas l'importance des informations qui venaient

  6   toutes de Sarajevo et qui étaient biaisées. Après on a écrit des dizaines

  7   d'ouvrage de plus en plus d'ouvrages, montrant à quel point il y avait une

  8   quantité infinie de mensonges qui étaient propagées au quotidien. En 1992,

  9   1993, avec mes amis, j'ai monté un projet de télévision à Mostar afin que

 10   nous-mêmes nous puissions tourner des images et montrer la vérité de notre

 11   point de vue. Mais Mate Boban, lui, ne comprenait pas cela. Il pensait que

 12   tous étaient présents et qu'ils allaient probablement dire la vérité.

 13   C'était là quelque chose qui lui manquait alors que les Serbes avaient

 14   trois chaînes de télévision. Les Musulmans étaient couverts par la

 15   télévision de Sarajevo et seul Sarajevo comptait avec ses informations.

 16   Quant à nous, on propageait une quantité invraisemblable de mensonges sur

 17   notre compte, et lui se contentait de s'asseoir autour d'une table avec des

 18   journalistes. Il répétait son propre point de vue mais le résultat était

 19   nul.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que vous dites est intéressant et peut permettre

 21   de comprendre plusieurs des événements qui se sont déroulés. Mais je

 22   voudrais aborder les rapports entre lui et Tudjman, car vous avez assisté à

 23   des réunions où il était présent à Zagreb. Alors était-ce le petit garçon

 24   qui allait à Zagreb rencontrer Franjo Tudjman et il allait recevoir des

 25   ordres, ou bien il représentait une autorité qui rencontrait M. Tudjman

 26   mais en tout indépendance ? Comment avez-vous perçu ce type de rapport

 27   quand des délégations de Croates de la République de Bosnie-Herzégovine se

 28   rendaient à Zagreb ? Etait-ce une délégation qui venait prendre des ordres,

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  1   ou bien qui venait discuter d'égal à égal ?

  2   R.  Je vais vous répondre très précisément. A l'époque, une grande majorité

  3   des gens en Bosnie-Herzégovine aurait préféré pouvoir s'en remettre à

  4   quelqu'un à un dirigeant qui les aurait mené. Voilà. "Voilà ce que nous

  5   souhaitons. Nous pensons que c'est juste." Il souhaitait beaucoup plus que

  6   ce soit Franjo Tudjman qui en soit chargé, mais c'était lui qui refusait,

  7   c'est lui qui les rejetait et il ne voulait pas détruire leur propre

  8   indépendance. Il les accueillait, il les écoutait et il ne cessait

  9   d'insister et de répéter :

 10   "C'est votre problème, ce sont vos positions. Je vous soutiendrai

 11   pour ce qui est de ces positions de nos positions communes, telles que nous

 12   les avons formulées mais vous devez prendre vous-même vos propres

 13   décisions."

 14   Bon. Ne serait-ce qu'entre autre chose, parce que Franjo Tudjman

 15   connaissait d'importantes limitations dans les actions qu'il pouvait

 16   entreprendre, tout d'abord, la communauté internationale, à chaque fois

 17   qu'il y avait le moindre problème, qu'il s'agisse des ambassadeurs ou

 18   d'autres lui demandait d'intervenir ? Puis le lendemain, il disait :

 19   "Voilà, vous intervenez dans les problèmes qu'on constate en Bosnie."

 20   C'était une situation très pénible. Donc on vous demandait à la fois

 21   d'intervenir, on vous disait mais vous pouvez aider à ce que l'on essaie de

 22   faire quelque chose et puis ensuite vous -- il s'agissait -- vous essayez

 23   de faire quelque chose puis le lendemain un autre venant d'un autre pays

 24   débarquait pour vous demander des comptes et réclamer des explications :

 25   "Pourquoi vous mêlez-vous des affaires des autres ?" Voilà de quoi il

 26   s'agissait.

 27   Mate Boban était autonome. Il prenait ses décisions de façon indépendante,

 28   et moi personnellement, je pense que pour ce qui est de certains détails ou

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  1   de certains événements d'importance moindre il n'en a pas toujours fait

  2   état de façon exacte devant Franjo Tudjman. C'était un homme politique qui

  3   savait tourner les choses parfois.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : On pourrait laisser longtemps sur Mate Boban, mais

  5   il faut avancer, mais je crois que mon collègue a une question à poser.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, vous avez dit

  7   Cutileiro a triché avec Boban, il a trompé Boban; c'est cela ?

  8   R.  Oui. Non pas Cutileiro. Excusez-moi.

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est ça que vous avez dit.

 10   R.  Je parlais du plan. M. Cutileiro est venu au nom de la Communauté

 11   européenne, et il a proposé, il a avancé avec précision un plan, portant

 12   aménagement intérieur de la Bosnie-Herzégovine. Bien entendu, M.

 13   Izetbegovic a accepté cela, et ensuite il a dit publiquement qu'il n'avait

 14   accepté cela que pour obtenir un Etat mais qu'il ne souhaitait rien du

 15   contenu de ce plan.

 16   Autrement dit, ceux qui ont signé ou co-signé ce plan, avant tout M.

 17   Izetbegovic ont trompé Mate Boban, et pourquoi je parle de Cutileiro ? Mate

 18   Boban avait la conviction que lorsque la communauté internationale

 19   affirmait une chose, et que lorsque quelqu'un signait un accord qui avait

 20   été avancé par elle, il était convaincu qu'en cas de violation de cet

 21   accord il y aurait sanction, donc il était convaincu que dès qu'il y avait

 22   signature il y aurait aussi mise en œuvre. Malheureusement, il n'y en a pas

 23   été ainsi, et la première chose qui s'est présentée ça a été ce plan

 24   Cutileiro.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que vous savez quel type

 26   d'éducation ou d'institution a reçu M. Boban ?

 27   R.  Il avait un très haut niveau d'éducation. Maintenant je ne sais plus

 28   s'il avait fait des études d'économie ou autre chose. Excusez-moi, mais je

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  1   ne peux pas répondre avec précision à cette question.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, Mate Boban, était-il le commandant

  3   en chef puisque s'il était chef d'Etat - entre guillemets ? Est-ce que

  4   c'était lui le commandant des armées, le chef des armées ?

  5   R.  Oui.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors avec cette casquette de chef des armées

  7   même si vous, vous étiez le commandant du HVO, branche militaire, les

  8   opérations militaires, est-ce qu'il vous donnait des instructions précises,

  9   ou bien c'était vous qui sur le terrain organisiez tout cela, vous lui en

 10   rendiez compte bien entendu ? Mais ce que je veux savoir est-ce qu'il

 11   mettait son emprunte direct sur l'armée, sur le HVO, ou bien il vous

 12   laissait faire ?

 13   R.  Dans la période s'étendant du 24 juillet jusqu'au 8 novembre 1993,

 14   Messieurs les Juges, il ne s'est pas mêlé des questions de commandement car

 15   il n'y avait pas à qui commander. Il n'y avait pas de quoi à commander.

 16   C'était uniquement la question de la défense qui se posait et rien d'autre.

 17   Mais alors si, moi, par exemple, je souhaitais entreprendre une action

 18   militaire, une action tactique ou autre, c'était moi qui en prenais la

 19   décision. Alors, bien entendu, je décidais après m'en être entretenu avec

 20   mes homologues. Mais la décision finale m'appartenait; cependant, si

 21   j'avais élaboré des plans pour reprendre Mostar, pour occuper Mostar, ou

 22   comme les Musulmans l'auraient peut-être appelé la libération de Mostar,

 23   j'aurais planifié l'action sur le terrain, avec les officiers de l'état-

 24   major; cependant, une telle action je ne l'aurais pas mise en œuvre sans un

 25   ordre de Mate Boban.

 26   Il y a des opérations militaires sur le terrain pour lesquelles c'est moi

 27   qui suis responsable, ce sont les opérations militaires ayant trait à des

 28   questions tactiques, mais les opérations de plus grande envergure notamment

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  1   celles qui comprennent une notion d'attaques sont à mettre en balance aussi

  2   avec la situation politique et des décisions politiques, et ce n'est pas le

  3   chef d'état-major principal qui prend cette décision mais le commandant

  4   suprême des forces armées.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Votre réponse vous --

  6   R.  [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : -- transcrit. A la ligne 16 de la page 23, on devrait

  8   lire jusqu'au 8 novembre, je pense, parce que le mois n'est pas indiqué.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

 10   R.  Exact, jusqu'au 8 novembre 1993. Donc jusqu'à cette date, cela a

 11   fonctionné comme j'ai dit --

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : Il s'agissait seulement d'insérer le nom du mois,

 13   c'est tout. Merci.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Général Praljak, dans votre réponse,

 15   vous avez mis l'accent sur quelque chose qui peut être important. Vous

 16   dites de juillet à novembre M. Mate Boban ne m'a pas donné d'ordre

 17   d'entreprendre des actions militaires d'envergure, d'attaque, et cetera,

 18   parce que, si j'ai bien compris, nous étions dans une phase de défense

 19   défensive, et que là dans ce canevas militaire c'était vous qui en assumiez

 20   la responsabilité.

 21   Alors est-ce bien ça que vous avez dit ?

 22   R.  Un peu différent, Monsieur le Président. C'était moi qui prenais les

 23   responsabilités pour ce qui est de la défense, par exemple. A partir du 24

 24   juillet au moment de mon arrivée donc je suis arrivé. Puis Tole est arrivé

 25   un peu plus tard sur requête de ma part. Alors pour revenir un peu en

 26   arrière. En fait, c'est suite à une trahison qu'il a été fait prisonnier

 27   par les Serbes à Bugojno en 1992. Il devait se rendre à une réunion et puis

 28   il y avait des agents du KOS et des espions qui étaient très nombreux là-

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  1   bas, qui l'ont emmené jusqu'à un endroit où il a été fait prisonnier par

  2   les Serbes, et il a été dans un camp chez les Serbes jusqu'au mois de

  3   juillet 1993 au moment où il a fait l'objet d'un échange.

  4   Lorsqu'il est arrivé, nous nous sommes réunis lui Petkovic et, moi, nous

  5   avons fait le point sur la situation. Nous avons dit ensuite que Petkovic

  6   reste ici pour prendre en charge Kiseljak pour essayer de percer la ligne

  7   vers Busovaca, pour s'occuper de Vares, et pour s'occuper également des

  8   pourparlers avec la FORPRONU, car il s'en occupait déjà précédemment, ainsi

  9   que pour s'occuper des cessez-le-feu futurs.

 10   La situation, étant complètement morcelée Tole, avait été chargé du sud de

 11   Mostar et du reste, et selon ma propre évaluation, la situation était la

 12   pire dans la direction de Vakuf. C'est là-bas que je me suis rendu car dans

 13   ces circonstances de système complètement désorganisé et effondré, il

 14   n'était pas possible de diriger les choses à partir d'un bureau.

 15   Pendant toute cette période, il ne s'agissait que de défense. Je n'avais

 16   pas besoin de consulter Mate Boban, il n'y avait qu'un seul et unique ordre

 17   se défendre, mais -- et j'insiste, si j'avais élaboré des plans, et dans ma

 18   tête j'avais de tels plans, par exemple, comment reprendre et occuper

 19   Mostar et infliger une défaite à l'ABiH, un tel plan et un tel ordre pour

 20   une action de cette nature, je ne les aurais pas pris seul; une telle

 21   action devait recevoir la probation de Mate Boban, et on en est jamais

 22   arrivé là. Mais, là, je m'aventure, je parle de façon hypothétique.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Si nous comprenons ce que vous dites, sur le

 24   terrain, tous les trois, vous, Petkovic, et Tole, vous étiez répartis sur

 25   le plan géographique. Petkovic, lui, c'était Kiseljak et toute cette zone;

 26   Tole, le sud de Mostar; et vous, le reste, Gornji Vakuf -- Gornji Vakuf, et

 27   cetera. Donc, vous étiez tous les trois sur le terrain et Mate Boban était,

 28   lui, dans son bureau, Alors, à cette époque, le HVO ne mène pas des

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  1   offensives d'envergure. C'est ça qu'on doit comprendre ?

  2   R.  Il n'y a aucune action offensive.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, un autre mystère. Depuis trois ans, on a

  4   bien, tous les Juges, écouté tous les témoins, les questions posées par

  5   tout le monde. Moi, un des mystères sur le plan militaire, c'est Mostar

  6   Est. Je me suis toujours demandé, mais comment se fait-il que le HVO n'a

  7   pas pu prendre, malgré le boulevard, malgré la défense faite par l'ABiH ?

  8   Comment se fait-il que Mostar Est n'a pas été pris par le HVO ? Alors,

  9   c'était impossible, ou bien c'était pour des raisons stratégiques et

 10   politiques ?

 11   R.  Avec assez de certitude, je peux dire, Monsieur le Président, que c'a

 12   été possible, du moins au moment où il y a eu échec de l'offensive

 13   musulmane. C'était un moment propice. L'ennemi n'a pas réussi à mener à

 14   bien ses projets, il a épuisé ses réserves en munitions, le moral est bas.

 15   C'était en octobre 1993, je pense, je suis convaincu, en fait, qu'on aurait

 16   pu, par une action militaire, nous emparer de Mostar Est.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi ça n'a pas été fait ?

 18   R.  Parce que, d'un point de vue politique, vu comment on écrivait sur nous

 19   à ce moment-là, ça aurait été une catastrophe. On aurait été pire que les

 20   plus grands fascistes car, pendant qu'on se défendait, on n'arrêtait pas de

 21   nous accuser d'attaquer.

 22   Par conséquent, il n'y a pas de journal international, pas de rapport parmi

 23   ce que vous avez vu disant que, pendant deux mois et demi ou trois mois, il

 24   y avait une offensive musulmane. Vous ne verrez pas ce rapport, de temps à

 25   autres, une petite bribe chez les Espagnols. Mais l'ABiH, qui a signé un

 26   accord militaire avec les Serbes, pendant trois mois, sur 200 kilomètres,

 27   attaquent. Si vous posiez cette question à Paris, à Berne, à ceux qui ont

 28   suivi les choses, dans les rapports, il était dit que c'était nous qui

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  1   attaquions. Donc, figurez-vous, dans ce type de rapport de force, quel

  2   aurait été l'impact si le HVO s'était emparé de Mostar Est. Il y aurait eu

  3   des déplacements de population. Il se serait passé des choses qui, sans

  4   aucun doute, auraient été contraires au droit de la guerre, et c'aurait été

  5   une catastrophe.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : On va arriver à M. Stojic, chef du département à la

  7   Défense, mais mon collègue a une question.

  8   M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin Praljak, je voudrais revenir un peu

  9   à la période qui va de juillet à novembre 1993. Si j'ai bien compris, vous

 10   avez dit que vous étiez dans la phase défensive -- dans la défense

 11   défensive : M. le Général Petkovic, à Kiseljak; Tole, au sud de Mostar; et

 12   vous-même, à Gornji Vakuf, et cetera. Alors, hier, nous avons suivi ici que

 13   le ministre de la Défense ne s'occupait pas des opérations; il s'occupait

 14   de la logistique et du matériel. Là, cet après-midi, vous dites que Mate

 15   Boban, en tant que commandant suprême des armées, s'occupait plutôt des

 16   attaques de la stratégie et de la tactique sur le terrain, c'était votre

 17   fait. Alors, ma question : pendant cette période de la défense défensive,

 18   est-ce qu'il vous arrivait d'envoyer des rapports au commandement Suprême

 19   de l'armée ou des forces armées, ou bien il était tenu tout à fait en

 20   dehors du jeu, de sorte que le commandement militaire, en fait, revenait à

 21   chacun des généraux, qu'ils étaient totalement indépendants et que les

 22   forces armées du HVO n'étaient pas coordonnées au sommet ?

 23   R.  Quelques petites corrections à apporter. Le général Tole avait la

 24   charge de Mostar et le secteur sud par rapport à Mostar -- au sud de

 25   Mostar. Le général Petkovic et moi-même, on avait -- enfin, il n'était pas

 26   tout le temps à Kiseljak. Il avait Kiseljak, mais je vous dis en gros, il

 27   n'y avait pas que ça. Ça ne veut pas dire que j'ai arrêté d'être le chef du

 28   Grand état-major. Je ne veux pas me débiner. Mais Monsieur le Juge, Mate

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  1   Boban était le commandement Suprême. Au moment où on planifiait une

  2   opération de plus grande envergure, qui pouvait avoir un plus grand impact,

  3   c'était lui qui devait donner son aval. Nous, nous établissions des plans

  4   militaires, mais c'était à lui de donner le feu vert. Pendant tout ce

  5   temps, tout d'abord, il faut savoir qu'il recevait des rapports réguliers

  6   sur la situation. Je lui écrivais, moi, et même parfois, je me suis mis un

  7   petit peu en colère parce que, dans sa ville, je ne pouvais pas obtenir des

  8   unités, par exemple, dont j'avais besoin pour les déployer aux positions.

  9   Mais si j'avais perdu des positions ou si les Musulmans attaquaient le sud

 10   de Mostar, le 13 août, et s'ils prenaient deux ou trois positions, il n'y a

 11   pas lieu que je demande à Mate Boban s'il est autorisé que j'essaie de

 12   récupérer cela. Bien sûr, que je dois récupérer cela. Lui, il a reçu le

 13   rapport comme quoi c'était tombé, et je sais qu'il m'appartient de

 14   reprendre ces positions. Donc, je n'ai pas besoin expressément de recevoir

 15   une autorisation. Puis, à Rama ou à Gornji Vakuf, il m'est arrivé de perdre

 16   par dix fois des positions et de les reprendre. Sur le terrain, ce sont des

 17   décisions qu'on prend. Il y a des rapports qui arrivent au Grand état-major

 18   et à Mate Boban également, mais je ne lui demande pas ce que je dois faire,

 19   puisque je sais comment je dois agir.

 20   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Je voulais aborder le cas de M. Stojic, mais, Maître

 22   Khan, je n'ai aucune difficulté à l'aborder quand Me Nozica sera de retour,

 23   donc c'est comme vous voulez. Si vous souhaitez qu'elle soit présente, je

 24   lui poserai la question sur M. Stojic en sa présence, et à ce moment-là, je

 25   vais passer tout de suite à M. Petkovic. Je n'ai pas de problème. Qu'est-ce

 26   que vous en pensez, Maître Khan ?

 27   M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, tout d'abord, à titre

 28   tout à fait exceptionnel, je vous remercie de bien vouloir me permettre de

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  1   présenter des arguments. Si vous m'offrez cette possibilité -- si cela est

  2   à votre convenance, je souhaite effectivement que les questions soient

  3   posées lorsque le conseil principal revient. Néanmoins, si cela intervient

  4   avec vos différentes questions, bien sûr, non. Je m'en remets à vous.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ecoutez, attendons que Me Nozica soit là parce

  6   que, comme elle a conduit l'interrogatoire des principaux témoins pour M.

  7   Stojic, il vaudrait mieux qu'elle soit là. Donc, quand elle sera là, je

  8   redemanderai à M. Praljak de nous parler de M. Stojic.

  9   Alors, de ce fait, je vais passer à M. Petkovic. Alors, Général Praljak,

 10   c'est à peu près toujours les mêmes questions. A quel moment avez-vous

 11   rencontré pour la première fois M. Petkovic ?

 12   R.  C'était vers la fin du mois d'avril ou au début du mois de mai 1992, à

 13   peu près.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avril, mai 1992. Alors, là aussi, quand vous

 15   le rencontrez la première fois, quelle impression il vous fait ? Qu'est-ce

 16   que vous pensez de lui ? Quelles sont vos impressions ?

 17   R.  M. Petkovic, à ce moment-là - et s'il vous plaît, je ne peux pas être

 18   très précis sur les dates - à 15 jours près, je ne suis pas sûr, et je

 19   pense que ça n'a pas d'importance. A partir de ce moment-là, même s'il

 20   avait énormément de travail, une tâche énorme pour organiser tout ce

 21   secteur parce qu'il était à la tête du Grand état-major du HVO, et moi,

 22   j'étais commandant du secteur Capljina, Mostar, Konjic. Donc on n'a pas eu

 23   l'occasion de se voir souvent parce que l'un comme l'autre, on avait une

 24   telle quantité de travail à abattre, à commencer par des détails, des

 25   tâches menues, vous le savez. Mais je dois dire que, pendant toute cette

 26   période, du premier au dernier jour, jusqu'à mon départ, je n'ai eu aucun

 27   différend avec M. Petkovic sans parler de conflit ou je ne sais pas trop

 28   quoi, rien, aucun pas le moindre divergence sur ce que nous devions faire.

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  1   Quand il a été mon commandant, ou quand j'ai été devenu son

  2   commandant, ni de susceptibilité ni d'envie, de jalousie. Il y avait tant

  3   de choses à faire que pour les différentes questions, pour ce qui est des

  4   rapports entre les généraux. C'est quelqu'un de tout à fait normal,

  5   normalement constitué. Je pense que je le suis, moi aussi. Il se disait, il

  6   faut faire tout ce qu'on est en mesure de faire compte tenu des

  7   circonstances. Ça a été ainsi du début à la fin.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Parmi tous les officiers que vous avez

  9   rencontrés, le général Petkovic avait, lui, été formé comme officier de

 10   l'ex-JNA; est-ce que vous aviez l'impression que c'était un excellent

 11   officier, peut-être même le meilleur de tout le HVO ? A part vous, bien

 12   entendu, mais en ce qui le concerne lui, est-ce que vous avez estimé que

 13   c'était un des meilleurs officiers ?

 14   R.  Oui. Entre autres, on était complémentaire, on se complétait très bien.

 15   Lui, il avait mieux en tête toutes ces questions de structure, et cetera.

 16   Moi, j'étais peut-être meilleur sur le terrain, vous savez, au front. M.

 17   Petkovic est un homme plus calme, il vient de l'artillerie, et moi, je suis

 18   un homme passionné sur le terrain, et on fonctionnait bien, bien en se

 19   complétant.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc vous étiez complémentaires. Alors je me

 21   dois d'aborder évidemment la question de l'entreprise criminelle commune

 22   comme vous en doutez.

 23   Dans les propos que vous avez pu tenir avec lui, lors des rencontres,

 24   est-ce qu'il vous faisait part de sa conception de la situation politique,

 25   des évolutions, ou bien c'était un militaire plastique qui n'avait pas

 26   d'approche politique et qui exécutait les ordres ?

 27   R.  Il était bien plus un militaire. Mais la question qu'on ne pouvait pas

 28   éviter de savoir, quel est le sens, quelle est la substance de ce combat ?

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  1   Donc on ne pouvait pas éviter complètement des questions politiques. Il

  2   n'avait pas une armée recrutée en France, qui existe en tant qu'état depuis

  3   des siècles et des siècles. On a signé un contrat, on est envoyé en

  4   mission, et puis on fait ça ou ça. Vu les hommes qu'il avait à sa

  5   disposition, il fallait aussi qu'il se penche sur la question de leur

  6   sacrifice. C'est au prix de leur vie qu'ils ont combattu. Ils avaient à

  7   peine 100 marks de solde. Donc il fallait qu'ils sachent pourquoi ils vont

  8   aller se faire geler comme des chiens mal nourris, mal habillés, avec peu

  9   de munition à une position, quel en est le sens. C'est ce que vous appelez

 10   la politique, même si plus que la politique et même si c'est cette

 11   différence qu'on entend généralement lorsqu'on parle de politique. Mais

 12   c'était en quantité minimale.

 13   Nous nous sommes vus souvent, je dois dire. Monsieur le Président,

 14   Messieurs les Juges, je ne peux pas imaginer que M. Petkovic fasse quelque

 15   chose qui soit contraire. Je ne sais même pas s'il est capable de mal garer

 16   sa voiture. Moi, j'en suis capable mais, lui, je pense que non.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons vu beaucoup de documents où le général

 18   Petkovic a participé de façon assez étroite aux discussions à Genève, et on

 19   a vu un document où il y a sa signature ainsi que celle du général

 20   Halilovic. Comment vous expliquez que le général Petkovic s'est retrouvés

 21   dans les arcanes diplomatiques -- militoro [phon] diplomatiques et que

 22   finalement il pouvait quitter le terrain pendant quelque temps pour côtoyer

 23   toutes ces instances qui réfléchissaient à Genève ? Ça vous a surpris ou

 24   pas surpris ?

 25   R.  M. Petkovic avait quelqu'un qui le suppléait, Monsieur le Président, un

 26   suppléant. Pour autant que je le sache, il s'est absenté très peu, en

 27   janvier 1993, me semble-t-il. A ce moment-là, ils étaient tous venus là-

 28   bas. Tous les commandants des trois armées, je pense que Mladic s'est

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  1   trouvé là. Je n'en suis pas certain, mais il me semble.

  2   Donc ces entretiens politiques, ils touchaient aussi un certain nombre de

  3   questions, de problèmes militaires. Si on signait un cessez-le-feu, la

  4   question est de savoir de combien on allait retirer les canons qui allaient

  5   assumer le contrôle ? Comment on allait surveiller le respect du cessez-le-

  6   feu. Donc à ce moment-là, ils avaient besoin de la présence des commandants

  7   militaires pour préciser des points qui ne sont pas de la compétence des

  8   hommes politiques. Cet accord s'annonçait, on pensait effectivement que

  9   c'était la fin de la guerre.

 10   C'est très probable qu'il soit signé, que c'était une bonne

 11   proposition. Au sein du peuple croate, dans l'armée également. D'une

 12   certaine manière, il y avait une joie très largement répandue que ce soit

 13   la fin et quand il y a eu l'échec de cela, M. Boban, en fait avait procédé

 14   à une démobilisation des hommes. Donc ils étaient partis, on n'arrivait

 15   plus à les récupérer, à les faire revenir. Quand il y a eu l'échec de cela,

 16   les remobiliser, ça a été très difficile et de les motiver, très difficile.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous, vous êtes nommé au mois de

 18   juillet, commandant du HVO, alors que M. Petkovic occupait cette fonction.

 19   L'a-t-il mal ressenti, parce que quand on est numéro un, et qu'on se

 20   retrouve numéro deux, psychologiquement, c'est une situation très difficile

 21   à vivre. D'abord, pourquoi ? Pourquoi il y a eu ce changement ? Ça aurait

 22   pu continuer comme ça. Pourquoi on a décidé de vous nommer, vous, et de

 23   vous faire apparaître le numéro un, et lui, à ce moment-là, il devenait

 24   numéro deux en retrait ? L'a-t-il bien vécu, mal vécu ?

 25   R.  Voyez-vous, Monsieur le Président, vous avez un ordre où M.

 26   Petkovic me nomme commandant pour libérer un mont, le mont de Boksevica.

 27   Sur ces choses sur lesquelles vous m'interrogez, on ne s'interrogeait pas

 28   nous, on y prêtait aucune attention. C'était complètement égal. Je ne me

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  1   sentais pas inférieur parce que Pektovic était mon commandant. Etre numéro

  2   un, être numéro deux, c'était tout à fait égal, pareil. J'ai demandé d'être

  3   numéro un, si la situation avait été meilleure, si les brigades avaient été

  4   mieux organisées, structurées s'il n'y avait pas eu ce que vous avez vu à

  5   Prozor, près de Vakuf, 20 petites unités toutes petites.

  6   Sur ce plan - et là, sur le terrain parmi ces hommes parce que je

  7   suis un metteur en scène - à ce moment-là, peut-être étais-je meilleur pour

  8   m'acquitter de cette tâche ? S'il y avait eu une guerre classique, peut-

  9   être que Petkovic aurait été meilleur que moi, mais là, on avait besoin de

 10   trois hommes, et c'est la raison pour laquelle j'ai fait quelque chose qui

 11   est un petit peu bizarre. Il y a le chef de l'état-major, le commandant de

 12   l'état-major, le commandant adjoint Petkovic et l'adjoint du chef.

 13   Qu'est-ce qui aurait pu se passer, par exemple, qu'on suive un schéma d'une

 14   armée, en bonne et due forme, et qu'on ne respecte pas les réalités sur le

 15   terrain ? Donc c'est ça qui aurait pu se produire, qu'on amène n'importe

 16   quel général français, et nous avions un colonel brillant de la légion

 17   étrangère qui a travaillé pendant 30 ans.

 18   Il est très peu utile face à ce type d'unités parce que, lui, il

 19   s'est brillamment dirigé des hommes dans une autre situation de guerre, et

 20   quand vous avez cette situation, vous pouvez être dans une pièce avec des

 21   cartes sur la base desquelles vous allez donner des ordres qui certainement

 22   ne seront pas exécutées. C'est la raison pour laquelle il faut se dépasser,

 23   se rendre sur le terrain, aller voir les unités, les unes par les autres,

 24   perdre des positions, les reprendre, encourager les hommes, tirer avec ces

 25   mêmes hommes, risquer sa vie pour qu'ils vous acceptent parce que, sinon,

 26   pourquoi est-ce qu'un jeune âgé de 20 ans devrait-il perdre sa vie, et moi,

 27   je ne risquerais pas la mienne ?

 28   Donc vu la situation, il y avait une telle organisation qu'ils

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  1   imposaient où en fait trois hommes étaient -- non, je ne dis pas que je

  2   n'étais pas le commandant et je ne cherche pas à me débiner par rapport à

  3   la culpabilité qui en découle éventuellement. Nous étions pratiquement

  4   égaux mais là, donc je précise que je ne tiens pas à éviter ma

  5   responsabilité.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour terminer sur le général Petkovic, comment vous

  7   expliquez qu'à Kiseljak, il y avait un individu, Ivica Rajic, qui circulait

  8   dans la ville à bord d'un véhicule, et sur le véhicule, il y avait une tête

  9   de mort tel qu'on nous l'a raconté et décrit, et cetera, et que

 10   manifestement, il y avait des comportements peu conformes à l'étique

 11   militaire ? Comment se fait-il que le général Petkovic ait pu ne rien faire

 12   face à Ivica Rajic ? Vous avez une explication ?

 13   R.  Monsieur le Président Antonetti, Messieurs les Juges, le problème

 14   suivant se pose : c'est aujourd'hui ici nous savons un certain nombre de

 15   choses que je ne savais pas à l'époque. Vous avez donc un problème

 16   d'information et de connaissance donc que faisait Ivica Rajic à Kiseljak,

 17   que s'est-il passé dans les centres de détention ? Comme si on l'avait su à

 18   l'époque. Je ne l'avais pas la moindre idée de ces têtes qu'aurait arboré

 19   Ivica Rajic à Kiseljak. Je n'avais --

 20   Mme ALABURIC : [interprétation] Juste simplement pour éviter tous

 21   malentendus, nous n'avons aucune preuve que ce que vous venez de décrire

 22   avec les crânes que cela concerne Ivica Rajic. Cela concerne un autre

 23   membre du HVO qui était placé sous le commandement d'Ivica Rajic. C'est

 24   effectivement quelque chose qui s'était produit à Kiseljak à en juger

 25   d'après les documents, et pas Ivica Rajic.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Quoi qu'il en soit, on sait qu'il y avait un

 27   véhicule qui circulait dans la zone de responsabilité d'Ivica Rajic.

 28   Que vous, vous venez de nous dire : "Moi, je ne le savais pas et que ceci

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  1   ça a été découvert longtemps après."

  2   R.  Oui, Monsieur le Président Antonetti. Cet homme, il me semble qu'il a

  3   été condamné récemment devant un Tribunal de Bosnie-Herzégovine, lorsque ce

  4   procès a commencé j'ai lu des choses là-dessus. Il a été condamné à une

  5   peine assez lourde.

  6   Donc j'ai, un petit peu, peur que ce que nous avons appris soit dans le

  7   prétoire, soit ce que nous avons entendu, et bien qu'on n'ait pas la

  8   sensation qu'on le savait à l'époque au moment des faits. Ce n'est pas

  9   exact. 

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc vous dites : moi je ne savais pas -- vous-

 11   même ?

 12   R.  Je ne savais pas.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Pendant l'exercice de vos commandements, est-ce que

 14   vous avez été à Kiseljak à un moment donné ?

 15   R.  Pendant cette période-là, quand j'étais commandant, non, jamais.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc vous n'avez pas été dans la ville. Vous

 17   n'avez pas vu ce type de comportement, donc ça ce n'était pas connu de vous

 18   ?

 19   R.  Ça je l'ignorais complètement, Monsieur le Président. En 1992, quand je

 20   suis allé organiser et calmer la situation, mettre de l'ordre, je me suis

 21   trouvé une fois à Kiseljak mais c'était une ville paisible, à ce moment-là.

 22   J'ai été très étonné de voir 12 parfums de glace dans un commerce.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors il est moins quart; on va faire donc la

 24   pause de 20 minutes.

 25   --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.

 26   --- L'audience est reprise à 16 heures 07.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, je reviens -- M. Stringer a quelque

 28   chose à dire.

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  1   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je peux dire

  2   ceci en audience publique. Au début de cette audience, Me Karnavas a

  3   demandé une réponse à l'Accusation et j'ai regardé la question de cette

  4   réponse qui va être déposée demain.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Demain. Bon. Merci.

  6   Général Praljak, je reviens à Kiseljak et à M. Petkovic, puisque j'étais

  7   axé sur M. Petkovic. Nous avons entendu des témoins - je ne dis pas leurs

  8   noms - qui nous ont relaté donc ce qui s'était passé dans cette localité de

  9   Stupni Do avec donc l'attaque au mois d'octobre 1993. Nous savons que M.

 10   Ivica Rajic avait donc des unités sous ses ordres. Nous savons qu'il a eu

 11   d'énormes problèmes, car il y a même eu une tentative d'assassinat sur lui

 12   au mois d'août, et nous savons qu'il a fallu même aller le libérer parce

 13   qu'il avait été pris en otage, donc il y avait un certain nombre de

 14   problèmes.

 15   Sous la foi du serment, est-ce que vous me dites aujourd'hui, moi,

 16   ces problèmes je n'en avais jamais entendu parler ?

 17   R.  Ces problèmes que vous venez d'évoquer, Monsieur le Président, je n'en

 18   ai jamais entendu parler. J'ai eu vent des difficultés et des problèmes à

 19   Vares car cela se présentait de façon continue. J'ai été au fait de la

 20   contrebande, de l'impossibilité de s'organiser du fait que la ligne de

 21   front n'était pas assez forte, que les commandants de brigade n'arrivaient

 22   pas à tenir ses hommes, qu'on se mêlait -- que quelqu'un se mêlait de ses

 23   affaires. Des rapports me parvenaient en ce sens. Alors ça n'est pas

 24   pendant la période où le général Petkovic a été en permanence à Kiseljak.

 25   Il était absent en ce moment-là. Je ne me rappelle pas exactement la date.

 26   Mais, à ce moment-là, j'ai envoyé non pas un ordre mais une information à

 27   l'attention de Petkovic en lui demandant de mettre en ordre de cette

 28   situation à Vares sans avoir la moindre pitié, sans avoir la moindre pitié

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  1   envers les Croates. Evidemment, leur devoir était de se défendre. Alors

  2   qu'en fait, sur place, c'était un véritable chaos qui régnait pendant

  3   qu'une offensive musulmane avait été lancée.

  4   Il pensait que le 2e Corps armée allait les défendre, et ainsi de

  5   suite. Je maintiens cette correspondance que j'ai envoyée à Petkovic.

  6   Malheureusement, après ce sont produits les événements à Stupni Do et

  7   ensuite on a interprété la lettre que j'ai envoyée comme si cela se

  8   rapportait à ces mêmes événements. Alors que tout était déjà terminé. Moi,

  9   je rejette tout cela. Quant à ce dont vous faites état, non, je n'étais pas

 10   au courant.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Sur le plan militaire, d'après la chronologie des

 12   événements, nous avons eu l'impression -- enfin, j'ai eu l'impression que

 13   c'est la Brigade de Bobovac qui a besoin du renfort parce qu'ils savent que

 14   l'ABiH a envoyé 200 hommes environ dans la région. A ce moment-là, on va

 15   demander à Ivica Rajic de venir pour appuyer la Brigade de Bobovac, brigade

 16   dirigée par Emil Harah, comme vous le savez.

 17   Cette opération militaire, d'envoie de renforts, vous n'avez pas à aucun

 18   moment été associé à cela ?

 19   R.  Non. A aucun moment je n'ai pas le moindre lien avec cela, Monsieur le

 20   Juge.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Etait-ce une affaire mineure qui faisait que le

 22   commandant du HVO n'avait pas à être informé ?

 23   R.  C'est exactement cela. C'était une tâche qui incombait à d'autre -- ou

 24   plutôt, moi, je commandais aux commandants de zone opérationnelle, eux-

 25   mêmes commandaient les commandants de brigades. Ça allait d'échelon en

 26   échelon au sein de l'armée. Je ne le savais pas. Je n'avais pas vraiment à

 27   le savoir, et ça faisait partie des tâches du commandant sur le terrain.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. A quel moment vous avez été informé de ce

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  1   qui s'était passé ? A quel moment, dans votre souvenir ?

  2   R.  J'ai été informé au sujet des événements s'étant produits à Stupni Do

  3   ou plutôt qui s'étaient produits là-bas quelque chose. J'en ai été informé

  4   tout de suite on pouvait l'entendre à la radio, puis ensuite des documents

  5   papier ont commencé à arriver, et je pense qu'ensuite il a été fait tout ce

  6   qui devait être fait à mon sens, à savoir que le général Petkovic était sur

  7   place --

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Moi, ce qui m'intéresserait c'est que vous

  9   m'indiquiez une date approximative; mais, moi, ce qui m'intéresse c'est la

 10   date.

 11   R.  Même si vous me menacez de mort, Messieurs les Juges, je ne pourrais

 12   pas vous dire. En fait, le 23, le 24, le 25, je ne sais pas.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez été informé de cela, est-ce que tout

 14   de suite vous avez appelé le général Petkovic pour lui demander mais

 15   qu'est-ce qui s'est passé ?

 16   R.  Nous ne pouvions pas avoir de conversation téléphonique, Messieurs les

 17   Juges. Je n'ai pas souvenir que nous ayons eu cette possibilité. Mais nous

 18   avons ce document où l'on voit que j'ai demandé à Tole d'exiger

 19   immédiatement un rapport à l'attention de l'état-major principal pour qu'on

 20   voie ce qui s'était passé. Il me semble que le document porte le date du

 21   25, et j'ai tout de suite demandé qu'on dresse un rapport concernant ce qui

 22   s'était passé là-bas.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : A quel moment vous en avez parlé directement au

 24   général Petkovic ? Ça vous est arrivé ou pas ? Ce que je peux comprendre.

 25   Est-ce que vous lui en avez parlé en disant : bon, qu'est-ce qui s'est

 26   passé ?

 27   R.  Nous en avons parlé, Monsieur le Président, parce qu'il est revenu

 28   après. Tout d'abord, il a eu des informations qui sont arrivées par liaison

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  1   par paquet, et ensuite lorsque le général Petkovic est revenu, nous en

  2   avons parlé précisément.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Qu'est-ce que vous lui avez dit ? Quelle a été sa

  4   vision, lui, des événements ? Qu'est-ce qui vous a dit ?

  5   R.  Cela a été un véritable choc, une catastrophe, quelle que soit la façon

  6   dont les événements étaient présentés dans les médias, que ce soit les

  7   médias papier ou autres. Il avait fait tout ce qu'un commandant devait

  8   entreprendre, à savoir que la FORPRONU était venue sur place, il a été

  9   demandé une enquête conjointe avec la FORPRONU. On a impliqué le procureur

 10   militaire afin qu'il procède à une enquête. Il a fait en sorte que l'on

 11   exige une enquête auprès des commandants militaires, et notamment auprès de

 12   Rajic, pour savoir ce qui s'était passé exactement. C'était là ce qu'on

 13   pouvait faire, tout ce qu'on pouvait faire à cet instant-là.

 14   Avant tout, il était nécessaire, il est toujours nécessaire dans ces cas-là

 15   d'impliquer le procureur militaire. Il faut se procurer tous les rapports

 16   nécessaires et les fournir à ce procureur militaire, qui ensuite,

 17   conjointement avec les services du SIS et les autres services, procède à

 18   l'enquête nécessaire afin de déterminer qui a commis quel acte à quel

 19   moment. J'ai signé --

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est exact que le procureur au plan

 21   militaire a été saisi donc de ce côté-là, il n'y a pas de problème, le

 22   nécessaire a été fait. Mais indépendamment de cela, est-ce que le général

 23   Petkovic vous a donné une explication sur le déroulement ? Est-ce qu'il a

 24   analysé, disséqué à son niveau l'opération, ou bien il a dit : "Je n'ai pas

 25   assez d'éléments. Il faut attendre les résultats de l'enquête pour y voir

 26   clair parce que Rajic me dit ça. L'autre me dit ça, attendons de voir ?" Il

 27   était dans quel état d'esprit ?

 28   R.  Il n'était pas dans un bon état d'esprit au sens où il ne se sentait

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  1   pas bien; après que nous ayons rédigé tout cela, il a dit qu'il ne se

  2   sentait pas bien, et il m'a demandé de lui accorder sept jours de repos

  3   chez lui. Cela à quoi j'ai répondu que ce n'était pas possible, et je lui

  4   accordé, il me semble, trois ou quatre jours. Je ne peux pas vous dire

  5   exactement à un jour près. Voilà comment dans quel était il était.

  6   Alors je lui ai demandé si nos organes chargés de procéder à des enquêtes

  7   et notre procureur avait la possibilité si on les avait autorisé à se

  8   rendre sur place pour mener les enquêtes. Plus tard il y a eu plus de 100

  9   soldats et membres de la communauté internationale, qui sont venus sur

 10   place et puis on a reçu une information comme quoi on avait trouvé 15 ou 16

 11   corps, et nous avons vu également les photographies correspondantes. Mais -

 12   -

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne veux pas entrer dans tous les faits que nous

 14   connaissons déjà parce qu'on en a beaucoup parlé. Mais, moi, j'aimerais

 15   avoir votre point de vue.

 16   Comment se fait-il que le SIS a fabriqué un document dont je donne le

 17   numéro, le P 06519, 6519, pour donner une version des événements ? Comment

 18   vous expliquez cela ?

 19   R.  J'ignore, Monsieur le Président, de quel document il s'agit. Mais même

 20   si je voyais ce document, je ne saurais vous dire sur quelle base cela a

 21   été fait puisque le SIS procède de sa propre ligne pour ce qui est de la

 22   collecte d'informations, et sur cette base qu'il a procédé, alors on voit

 23   que c'est le 9 novembre --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Alors il se trouve que vous, vous n'étiez pas

 25   là. On sait qu'il y a beaucoup de personnes qui sont intervenus mais vous

 26   n'apparaissez à aucun moment. Bon. Où étiez-vous ?

 27   R.  Pour ce qui est de cette période après le 23 et le 24, il me semble

 28   que, non, je sais que j'étais à Gornji Vakuf. Alors quand suis-je arrivé

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  1   exactement sur place ? C'était peut-être un ou deux jours avant que

  2   Petkovic ne m'ait demandé de rentrer chez moi parce que je sais que,

  3   quelques jours auparavant à Vakuf, nous avions réussi à reprendre quelques

  4   positions à renforcer nos lignes. A Mostar aussi, nous avions réussi à

  5   reprendre les positions, donc j'en ai informé tout le monde afin de montrer

  6   que l'offensive musulmane avait été brisée et que notre position n'était

  7   plus si mauvaise que cela. Je voulais remonter aux gens, je voulais leur

  8   remonter leur moral. Alors quant à savoir quand est-ce que je suis revenu

  9   exactement à Grude, je ne pourrais pas le dire avec certitude.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Avec le recul, toutes ces années passées, comment

 11   vous expliquez que certains ont pu mettre en œuvre la procédure pour

 12   transformer Ivica Rajic en colonel Andric ? Qu'est-ce que vous en avez

 13   pensé quand vous avez appris cela ?

 14   R.  Monsieur le Juge Antonetti, Messieurs les Juges, j'ai appris cela bien

 15   plus tard lorsque cela a commencé bien plus tard après mon départ. D'après

 16   les informations dont je dispose et je vous prie de bien vouloir les

 17   prendre avec réserve, c'est M. Mate Boban qui en aurait fait la demande.

 18   Mais je demande à ce que cela soit considéré avec, soit pris avec des

 19   pincettes.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le système - oui, alors attendez, parce que je

 21   regarde sur le transcript en anglais - vous me dites que c'est Mate Boban

 22   qui aurait demandé cela, qui aurait enfin sous réserve vous dites cela qui

 23   ---

 24   R.  Avec de grandes réserves, Monsieur le Président. C'est ce que je

 25   souhaiterais, oui, parce que je suis à Zagreb, à ce moment-là, et

 26   j'apprends cela, et donc, si je vous dis cela, c'est avec la plus grande

 27   réserve. Puisque vous me le demandez, j'ai appris des choses mais je ne

 28   puis l'affirmer qu'avec de grandes réserves car je n'étais plus impliqué de

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  1   quelque façon que ce soit dans tout cela.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : En tant qu'ancien commandant, quand vous avez appris

  3   cela, vous vous êtes dit : c'est une bonne chose, c'est une mauvaise chose,

  4   on aurait pu faire autrement ? Quel a été votre réaction ?

  5   R.  Messieurs les Juges, je n'aurais certainement pas procédé de cette

  6   façon-là si cela avait dépendu de moi. J'aurais très certainement relevé,

  7   de ses fonctions, cet homme, et non seulement je l'aurais relevé de sa

  8   fonction de commandant, mais encore compte tenu du fait qu'il faisait

  9   l'objet d'une enquête, j'aurais exigé qu'aucune fonction ne lui soit

 10   confiée jusqu'à ce que son rôle dans les événements de Stupni Do ne soit

 11   déterminé avec précision.

 12   J'estime qu'au minimum, il aurait fallu faire cela et j'estime que ce qui a

 13   été fait était complètement erroné, absurde et illogique et inadmissible du

 14   point de vue légal.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais passer maintenant à M. Coric. Alors je

 16   vais demander à son avocate : est-ce qu'elle préfère que je pose les

 17   questions à M. Praljak sur M. Coric quand M. Coric sera là ? Pour moi, je

 18   n'ai aucun problème. Maître ?

 19   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je

 20   ne suis pas sûre du moment où M. Coric pourra être dans le prétoire, par

 21   conséquent, et je pense qu'il n'y a pas d'obstacle ici. M. Coric a pleine

 22   confiance en son conseil de la Défense et vous pouvez poser les questions

 23   en son absence.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Praljak, même question concernant M.

 25   Coric; à quel moment avez-vous fait sa connaissance ?

 26   R.  J'ai fait la connaissance de M. Coric au mois d'avril ou au mois de mai

 27   1992 également, et au cours de cette première période s'étendant jusqu'au

 28   24 juillet 1993, j'avais eu l'occasion de rencontrer M. Coric. Je l'ai

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  1   certainement rencontré lorsque nous étions en train de rédiger cet ordre

  2   portant sur la façon dont il convenait d'organiser les points de -- les

  3   postes de contrôle de la police militaire. Juste avant cela - c'était fin

  4   1992 - je voyageais beaucoup à Konjic, à Jablanica, en Bosnie centrale, à

  5   Vakuf et ainsi de suite, et ces aspects-là n'étaient pas bien -- dans ces

  6   zones-là, les choses n'étaient pas bien organisées. 

  7   Je me souviens qu'en 1993, lorsqu'au mois de mars, nous sommes allés en

  8   Bosnie centrale, je me suis entretenu avec lui.

  9   J'ai été à une réunion. J'ai été présent à une réunion de la police

 10   militaire ultérieurement aux événements à Vakuf en janvier 1993. J'y ai été

 11   invité à cette réunion par eux, alors je n'ai pas été présent pendant toute

 12   la durée de la réunion. Je n'ai fait qu'une présentation introductive

 13   expliquant pourquoi nous ne voulions pas de guerre avec les Musulmans.

 14   Pourquoi et comment il convenait d'économiser à la fois les munitions et le

 15   carburant, le coût de ces différents éléments et ainsi de suite ? Voilà de

 16   quoi il s'agissait. Alors je ne saurais dire que nous avons eu encore une

 17   autre occasion de nous rencontrer mais, en tout cas, il n'y a rien qui

 18   mérite d'être cité.

 19   Alors pour la deuxième période, quand j'ai été commandant, je ne peux en

 20   toute sincérité dire ni qu'il y avait des réunions ni que nous ne

 21   rencontrions pas; cependant, je ne me souviens d'aucune réunion qui aurait

 22   eu lieu avec M. Coric, au cours de laquelle nous aurions débattu de quelque

 23   chose. Par conséquent, je pense qu'il n'y avait rien d'important, puisque

 24   je ne me souviens d'aucune réunion, mais il n'est pas exclu que nous nous

 25   soyons rencontrés.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc il semble que vous l'ayez vu assez rarement,

 27   mais dans le peu de temps vous l'avez vu, quelle impression il vous a

 28   donnée ? Etait-ce un technicien, un homme politique, quelqu'un qui avait

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  1   des compétences particulières dans la police militaire ? Quelle impression

  2   avez-vous eue ?

  3   R.  Je savais qu'il oeuvrait aux préparatifs nécessaires pour la police

  4   militaire et le HVO. Pour ce qui était de leur instruction, leur formation,

  5   je parle ici de l'année 1992 et de ces camps de formation qui existaient en

  6   Croatie. Je savais également qu'il était un sportif, il avait une forte

  7   carrure. Mon impression n'était pas du tout mauvaise, et j'avais un âge

  8   suffisant, Messieurs les Juges, pour savoir qu'avant de porter des

  9   conclusions, il était nécessaire de fréquenter la personne, de travailler

 10   avec elle. Donc je n'ai eu aucune impression négative. Nous avons eu des

 11   relations tout à fait normales. Nous n'avons jamais rencontré de

 12   difficultés ou de problème important. S'il y avait des choses dont il

 13   fallait discuter, je disais à Coric ce qu'il convenait de faire. Je disais

 14   qu'il fallait l'envoyer à Bruno Stojic, pour qu'il le signe. Je leur

 15   expliquais qu'il fallait qu'ils saluent, comment il convenait de se

 16   comporter. Je faisais le nécessaire pour que tout cela soit élevé au niveau

 17   qu'il convenait. Il acceptait, et il coopérait. De tout ce dont je suis

 18   capable de me souvenir, il n'y a absolument rien qui soit négatif.

 19   Cependant, je vous prie de bien vouloir tenir compte du fait que nos

 20   rencontres étaient trop rares pour que je puisse --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : J'en viens à l'entreprise criminelle commune. Est-ce

 22   que vous avez eu avec lui des entretiens sur la situation politique ? Est-

 23   ce qu'il vous a fait part de ses conceptions, ou bien vous n'avez jamais

 24   abordé la question des Croates de l'Herzégovine, le plan Vance-Owen,

 25   l'intervention de la République de Croatie par les armes données à l'ABiH.

 26   Est-ce que vous avez eu des discussions politiques avec M. Coric ?

 27   R.  Je m'en souviendrai probablement mais, pour autant que je m'en

 28   souvienne, jamais, Messieurs les Juges. Je ne peux me souvenir d'aucune

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  1   discussion significative à ce sujet.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question sur M. Coric, sur la double chaîne

  3   de commandement. Vous nous avez dit que la police militaire parfois pouvait

  4   être subordonnée à des unités combattantes parce qu'on avait besoin d'eux.

  5   Alors pendant le temps où vous avez exercé votre commandement, est-ce qu'il

  6   est arrivé à un moment donné de dire à M. Coric : j'ai besoin de X

  7   policiers militaires pour telle opération militaire ? Est-ce que vous lui

  8   avez fait une demande verbale ou par écrit, est-ce que vous êtes intervenu

  9   auprès de lui ? Si oui, quelle était son attitude ?

 10   R.  J'étais pleinement conscient de la situation au moment où je suis

 11   arrivé en poste, en tant que commandant. Je demandais à ce que les Unités

 12   de la Police militaire, en tant que structures organisées, soient

 13   resubordonnées pour ce qui était de leur composante opérationnelle, soient

 14   resubordonnées à moi-même, compte tenu de la situation telle qu'elle se

 15   présentait mais cela ne concernait pas directement M. Coric. Alors, bien

 16   entendu, il en était informé, mais cela concernait avant tout, cette

 17   requête d'adressait à Mate Boban et à Bruno Stojic. La question de savoir

 18   si on procéderait ou non à cette resubordination, c'était Mate Boban qui en

 19   décidait et Bruno Stojic devait probablement cosigner cela. On m'a donné

 20   l'approbation nécessaire pour cela.

 21   Donc si l'on s'aventure de façon plus hypothétique sur la façon de

 22   procéder, si vous aviez besoin de quelque chose, vous deviez vous y prendre

 23   à l'avance en indiquant le lieu, la durée nécessaire et puis les ressources

 24   dont vous aviez besoin. Alors, moi, en l'espèce je n'ai pas précisé le

 25   temps parce que je ne savais pas pour combien de temps j'aurais besoin de

 26   cela. Alors j'étais tout à fait conscient évidemment qu'on allait affaiblir

 27   notre position d'autre part, en ayant recours ainsi à la police militaire.

 28   Mais pour nous, aussi bien la police militaire que le département de la

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  1   Défense, que le gouvernement ne signifiait plus rien si nous perdions la

  2   guerre. Si l'offensive musulmane devait être couronnée de succès, nous

  3   aurions été condamnés à fuir en Croatie, ou alors nous devions nous

  4   attendre à atterrir.

  5   Par conséquent, cette guerre c'était la défense et rien d'autre que

  6   la défense. Ma requête, il y a été fait droit. Très franchement, Messieurs

  7   les Juges, s'il n'avait pas été fait droit à cette requête, j'aurais

  8   immédiatement donné ma démission de ce poste de chef de l'état-major

  9   principal. C'était quelque chose d'absolument certain. Si la situation

 10   avait été pire encore, j'aurais exigé que le gouvernement fasse l'objet

 11   d'une mobilisation ainsi que Bruno Stojic, ainsi que Prlic et tous les

 12   autres. Ensuite ils auraient pu continuer à vaquer à leurs différentes

 13   tâches. Mais, heureusement, on n'est pas arrivé là.

 14   Je sais qu'à un moment donné, M. Coric a demandé -- pardon, a demandé

 15   qu'on lui rende ses hommes. Il me semble que les choses sont restées encore

 16   en l'état pendant un certain temps jusqu'à ce qu'il devienne tout à fait

 17   clair que l'offensive avait été brisée; ce n'est qu'ensuite ultérieurement

 18   qu'il a été mis fin à la resubordination.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, j'avais déjà fait part de mon

 20   étonnement en regardant le document sous le nom de victimes concernant les

 21   effectifs de la police militaire. Ils ont eu beaucoup de tués et évidement

 22   un nombre élevé de blessés. J'avais essayé de comprendre pourquoi. A ce

 23   moment-là, une des réponses c'était qu'ils étaient dans des unités

 24   combattantes, et je crois même me souvenir qu'il nous avait été indiqué par

 25   un témoin dont je n'ai pas le nom, que la police militaire était bien

 26   équipée, bien formée et que donc ils étaient très opérationnels au niveau

 27   des combats, ce qui expliquait que beaucoup d'entre eux ont été tués.

 28   Alors, vous, en tant que commandant du HVO à un moment donné, de

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  1   juillet à novembre, est-ce que vous avez ressenti que ce corps de policiers

  2   militaires était un corps particulièrement vulnérable au point de vue des

  3   pertes dans les combats ?

  4   R.  La police militaire était bien équipée. C'était d'excellents

  5   combattants. Les policiers militaires, c'était des gens qui étaient triés

  6   sur le volet, on pourrait dire, et comme ils étaient bien organisés,

  7   souvent ils se sont chargés de la plus difficile des missions. Donc sur le

  8   plan militaire, on pourrait dire que c'était des tâches les plus difficiles

  9   de défense. Nous avons eu beaucoup de victimes.

 10   Il y a eu des pertes partout, et parmi ceux qui ont combattu le

 11   mieux, il y a eu le plus de pertes. Là, il y a quelques Bataillons de

 12   Police militaire parmi ces unités-là.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Comme vous le savez, M. Coric a été nommé

 14   ministre de l'intérieur, le 20 novembre 1993, alors que, vous, vous n'étiez

 15   plus en fonction. Ça vous a paru une promotion, ou une nomination normale ?

 16   R.  Ce grade c'est deux ou trois mois plus tard que j'ai été mis au

 17   courant, Monsieur le Président. Là encore, j'étais absent, j'étais à

 18   Zagreb, j'étais très pris, je ne vais pas préciser de quoi je me suis

 19   occupé, donc je n'étais pas au courant. J'ai su qu'une nouvelle équipe

 20   était arrivée. Je savais qu'on continuait à traiter les informations qui

 21   concernaient les gestes qui sont contraires à la loi. J'ai su qu'au début

 22   de 1994, il y a eu des fruits, 27 en ont été arrêtés à Rama, à Prozor.

 23   J'étais revenu à ce moment-là, mais sur demande adressée par quelques-uns

 24   de mes gars, ils m'ont demandé de venir en aide.

 25   Mais je dois vous dire que, pour ce qui est du poste du ministre de

 26   l'intérieur pendant longtemps, je n'ai pas su que c'était Valentin Coric.

 27   Si je l'avais appris, ça m'aurait semblé comme étant une nomination normale

 28   à ce moment-là.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors on va passer maintenant à M. Pusic, Berislav;

  2   à quel moment avez-vous rencontré M. Pusic ?

  3   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Pusic, pour ce qui est

  4   de la période de la guerre ou à l'issue de la guerre, je ne saurais rien

  5   vous dire à son sujet, parce que je n'ai jamais eu l'occasion de le

  6   rencontrer. Il y a eu au moins sept ou huit Pusic là-bas dont j'ai entendu

  7   parler. J'ai même entendu parler de Berislav Pusic, mais je ne l'ai

  8   rencontré qu'en 2004, me semble-t-il, et ce, peu avant que l'on ne prenne

  9   la route pour La Haye. En fait, pendant des années, pratiquement deux fois

 10   par ans, on disait il y a un acte d'accusation secret, il va partir pour La

 11   Haye. C'était deux fois par an, au moins pendant six ou sept ans avant

 12   2004.

 13   Puis un jour, en 2004, les actes d'accusation sont arrivés pour cinq

 14   personnes; je ne savais pas qui était la sixième personne. Pour cinq, j'ai

 15   cru savoir et puis j'ai téléphoné à Mme la Ministre de la Justice, je

 16   savais que c'était la vérité, ex-collaboratrice de M. Tudjman - je la

 17   connaissais bien - et je lui ai demandé qui était la sixième personne. Elle

 18   m'a dit Berislav Pusic. Je lui ai demandé le numéro de téléphone, je me

 19   suis adressé à plusieurs personnes, et ça m'a été donné. Je l'ai appelé

 20   pour l'en informer en disant qu'il allait être étonné, surpris, même si on

 21   a tous été surpris.

 22   Donc il était hospitalité -- il était hospitalisé à Ljubljana, après

 23   une intervention chirurgicale. Je lui ai dit :

 24   "Ecoute, pour qu'on ne vienne pas t'arrêter, si t'es capable, si ce

 25   n'est que dans un fauteuil roulant, viens à Zagreb pour te présenter toi-

 26   même, comme nous allons tous le faire."

 27   C'est tout ce que je peux vous dire au sujet de Berislav Pusic, si ce

 28   n'est de la période passée en détention.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce qu'à l'époque, vous saviez qu'il y

  2   avait donc un office chargé de l'échange des prisonniers et d'autres

  3   personnes; vous le saviez ou vous ne le saviez pas ?

  4   R.  J'étais au courant. Je savais qu'il y avait un service chargé de

  5   l'échange des prisonniers.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous ne saviez pas que M. Pusic en était un

  7   des responsables ?

  8   R.  Il y avait un autre nom qui circulait, mais vraiment je ne savais pas

  9   très bien qui s'en occupait. Je savais qu'il y avait un service, mais pas

 10   plus. 

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. On va passer maintenant à un autre qui figure

 12   dans l'acte d'accusation. C'est M. Blaskic, qui est cité comme membre de

 13   cette entreprise dans laquelle, vous, vous êtes ainsi que vos camarades qui

 14   sont ici présents et les -- ou responsables croates qui sont décédés.

 15   Alors, tout d'abord, le Blaskic; à quel moment l'avez-vous connu lui ?

 16   Quelle a été la date où vous avez rencontré Tihomir Blaskic ?

 17   R.  J'ai fait sa connaissance en 1992, c'était quelques jours après la

 18   chute de Jajce. Jajce est tombée le 28 ou le 29 octobre 1993.

 19   Deux jours après la chute de Jajce, ou trois jours après la chute de Jajce,

 20   dans tous les cas, c'était quelques jours après la chute de Jajce, j'ai

 21   réussi à percer --

 22   M. STRINGER : [interprétation] Pardonnez-moi si j'interromps. Le compte

 23   rendu indique que le témoin a dit que la chute de Jajce a eu lieu en

 24   octobre 1993, je ne sais pas ce qu'il avait l'intention de dire ou s'il y a

 25   une erreur au niveau de la traduction. Peut-être qu'il pourrait préciser.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Praljak. Quelle est la date de la

 27   chute de Jajce ?

 28   R.  C'était en 1992. Donc c'est l'année qui est erronée. En 1992, et deux

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  1   ou trois jours après la chute de Jajce, je ne pourrais pas préciser. J'ai

  2   pu passer, je me suis rendu auprès de Tihomir Blaskic, je l'ai trouvé dans

  3   une pièce dans un immeuble. Il avait M. Filipovic là-bas également, et

  4   c'était dans une situation de guerre. Il y avait un terrible pilonnage à

  5   Travnik par les Serbes. Il y avait des coups de feu, donc j'ai demandé :

  6   quelle était la situation ? Où étaient les lignes de front ? "Quand est-ce

  7   que tu t'entends à ce que les Serbes attaquent Travnik ?" Puis, je pourrais

  8   vous en parler pendant un petit moment quelle était la situation là-bas, et

  9   combien de temps je suis resté et ce que j'ai fait. C'est une toute

 10   période.

 11   J'ai rencontré un jeune homme. J'ai eu des entretiens avec lui. Après je

 12   suis venu à mieux le connaître. C'était quelqu'un qui était venu de l'armée

 13   populaire yougoslave. Il avait été commandant d'un Bataillon d'Infanterie,

 14   je pense, en Slovénie, puis au début de la guerre en Slovénie, il s'est

 15   enfui. Il a pris la fuite en Autriche parce que je pense que son épouse

 16   avait de la famille là-bas. Il n'a pas pris part à la guerre en Croatie, et

 17   il est arrivé, je suppose, je ne sais pas exactement à quel moment, mais il

 18   est venu dans sa région natale parce qu'il est né là-bas, et il s'est mis à

 19   la disposition du HVO, et lui -- pour ce qui est donc des gens qui avaient

 20   commencé à organiser la résistance avant, eux, ils doutaient un petit peu

 21   de lui quelque suspicion à son égard, pourquoi il est venu si tard, qu'est-

 22   ce qu'il a fait en Autriche, et cetera. Il a fallut que j'essaie arrêter ce

 23   genre de rumeurs. C'était un officier. Il connaissait bien son travail et

 24   ce qu'il savait faire en sa qualité d'officier de la JNA mais ce n'était

 25   pas suffisant pour organiser la défense de Travnik parce qu'en fait, il

 26   n'avait pas d'armée. Ceux qui arrivaient sur place, ils prenaient la fuite

 27   comme je vous l'ai montré dans mon film. Donc quand on voit que personne

 28   n'est là --

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interromps,

  2   Monsieur Praljak, mais vous ne cessez, pendant 18 lignes, de parler d'un

  3   jeune homme. Est-ce que vous pourriez nous dire qui c'est, s'il vous plaît

  4   ? A  la page 51, ligne 25, vous dites : "Je connaissais un jeune homme à

  5   cet endroit-là." Ensuite il semblerait que vous parliez toujours de ce

  6   jeune homme; qui est-ce ? Est-ce M. Tihomir Blaskic ou --

  7   R.  Oui, Monsieur le Juge, je ne sais pas comment on traduit cela en

  8   anglais; un adolescent c'est une chose, un jeune homme c'est autre chose.

  9   Donc, là, je parle plutôt de quelqu'un qui n'est plus tout à fait jeune, il

 10   a quelques années de plus qu'un adolescent, mais je parle de Blaskic tout

 11   le temps.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous parlez de lui parce qu'il est né, il est né le

 14   2 décembre 1960. Vous, vous êtes né en 1945, donc pour vous c'est un jeune

 15   homme à l'époque.

 16   R.  Oui, c'est ça un jeune homme. En 1992, il a 32 ans.

 17   R.  Bien, à mes yeux, c'était un jeune homme. Il avait 32 ans, je ne savais

 18   pas exactement sa date de naissance. Je me disais qu'il était plus jeune,

 19   oui 16 ans, c'est une différence.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Fin 1992, il va se retrouver dans quelle

 21   fonction militaire, à votre connaissance ?

 22   R.  Il était commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pour les besoins du transcript, pouvez-vous me

 24   donner les noms des autres commandants des autres zones opérationnelles,

 25   celles de Vitez, par exemple, de Rasa [phon]. Vous pouvez nous donner les

 26   noms ?

 27   R.  Blaskic, il était le commandant de la zone opérationnelle dont faisait

 28   partie Travnik, Novi Travnik, Vitez, Busovaca, Kiseljak, Vares. Donc

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  1   c'était lui le commandant de cette zone opérationnelle.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quels étaient les autres commandants des

  3   autres zones opérationnelles ?

  4   R.  A l'époque ?

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

  6   R.  Le commandant de la zone opérationnelle nord-est d'Herzégovine, c'était

  7   Siljeg, pour autant que je m'en souvienne. Le secteur de Mostar, donc sud-

  8   ouest d'Herzégovine, à l'époque, c'était Mico Lasic. Pardon. Si Petkovic ne

  9   me dérange pas --

 10   Mme ALABURIC : [interprétation] On corrigera un petit peu les noms des

 11   zones. Nord-ouest Herzégovine avec Siljeg et sud-est --

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. J'ai eu une petite

 13   confusion dans mon esprit. Donc sud-est d'Herzégovine, Lasic; nord-ouest,

 14   Siljeg; Bosnie centrale, Blaskic; la Posavina, Matuzovic, Djuro Matuzovic.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous savez que le colonel Blaskic a été

 16   jugé dans les faits qui lui étaient reprochés. Il n'y avait pas été retenu

 17   comme participant à une entreprise criminelle. Ce n'est venu que dans votre

 18   acte d'accusation. Il fallait que cela soit précisé. Alors ce jeune homme,

 19   le colonel Blaskic, aviez-vous eu des conversations politiques avec lui, ou

 20   bien vous n'aviez que eu que des relations purement militaires sans

 21   connaître ce qu'il pensait sur le plan politique ?

 22   R.  J'ai abordé beaucoup de sujets avec cet homme dans le cadre de nos

 23   conversations, parce que d'une certaine manière il fallait aussi que je

 24   rehausse son autorité sur place. On a parlé des sujets militaires, de

 25   l'organisation, la discipline, beaucoup de choses; il y avait des unités

 26   pour lesquelles il y avait des problèmes de discipline qui se posaient, la

 27   question était : comment rétablir l'ordre ? Mais j'ai également évoqué les

 28   questions politiques.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : A ce sujet, quelle était sa vision qu'il avait de la

  2   situation ?

  3   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, sa vision ne divergeait pas

  4   de la mienne. Cet homme, au sujet des Musulmans, à l'époque, n'a jamais dit

  5   -- rien ne serait-ce que le moindre mal. Il n'a jamais dit rien de mauvais

  6   au sujet des Serbes ou qui que ce soit d'autres, ou quelque autre peuple

  7   que ce soit. C'était un militaire. J'ai passé beaucoup de temps avec M.

  8   Jaganjac, avec d'autres pour essayer de mettre sur pied avec l'ABiH un

  9   commandement conjoint. Je me suis régulièrement rendu dans les

 10   commandements et les QG de l'ABiH dans ce secteur, Blaskic m'accompagnait,

 11   nous avons eu des dizaines d'entretiens à ce sujet avec des commandants de

 12   l'ABiH, j'ai reçu des cachets aussi, des sceaux des uns comme des autres.

 13   Les uns comme les autres me reconnaissaient d'une certaine manière, surtout

 14   après cette défense réussie de Travnik, dont ils reconnaissaient le fait

 15   que j'avais un certain nombre de droits, mais je dois dire, encore une

 16   fois, que je suis complètement autoproclamé en tant que figure là-bas.

 17   D'une certaine manière, je me suis placé à un poste. J'ai été nommé dans

 18   cette commission entre Alija Izetbegovic et Franjo Tudjman, c'est-à-dire

 19   une espèce de comité conjoint.

 20   Mais tout simplement à Travnik après la chute de Jajce, il n'y avait

 21   personne. La ville était complètement désorganisée, vous aviez deux armées.

 22   Le HVO était un petit peu organisé mais l'ABiH il n'y avait que M. Leka à

 23   Turbe mais l'armée n'existait quasiment pas. Donc il fallait bien que

 24   quelqu'un s'en charge. Maintenant vous -- on se dit soit on met le moteur

 25   en marche et on rentre à la maison, soit les Serbes entreront dans Sarajevo

 26   et on prend sur soi et on se met à émettre des ordres. Alors puis on vous

 27   écoute, puis donnez d'autres ordres et c'est comme ça de fil en aiguille,

 28   c'est comme ça que ça se passe. C'est la manière la plus exacte et la plus

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  1   franche; devrais-je dire.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne vais pas autant insister sur le colonel

  3   Blaskic, mais une petite question : est-ce que vous avez lu les jugements

  4   rendus dans l'affaire du colonel Blaskic ? Vous les avez lus ou pas ?

  5   R.  J'ai lu le jugement de première instance, l'arrêt en appel. J'ai juste

  6   appris des détails, mais le jugement, oui.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Alors vous avez lu le jugement et puis des

  8   détails dans l'arrêt en première -- en appel.

  9   Ahmici, où étiez-vous à l'époque ? 

 10   R.  A Zagreb.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc à Ahmici, vous n'étiez pas partie

 12   prenante. Vous savez ce qui était reproché au colonel Blaskic, ça a été

 13   aussi dans ce qui s'était passé notamment à Ahmici.

 14   Dans le mémoire préalable de l'Accusation, que vous n'avez pas lu, il

 15   est dit au paragraphe 65, je vais vous lire mais c'est très court, il est

 16   dit ceci :

 17   "Le 19 janvier, à 0 heure 30, le HVO a lancé des offensives contre

 18   l'armée de Bosnie-Herzégovine et a brûlé plusieurs villages musulmans de la

 19   région." Jugement Blaskic, paragraphe 379.

 20   Puis il apparaîtra également d'après l'Accusation qu'Ahmici fait

 21   partie de cette offensive du HVO.

 22   La Chambre d'appel est venue un peu même pas un peu, disons est venue

 23   corriger le point de vue de la Chambre Blaskic sur le fait que, de son

 24   point de vue, la Chambre d'appel à Ahmici, ça pouvait être une cible, un

 25   village où il y avait des troupes de l'ABiH, et que donc la Chambre d'appel

 26   semble dire que les combats qui ont eu lieu au mois d'avril étaient des

 27   combats qui ont opposé les deux parties sans que la Chambre d'appel prenne

 28   position très nette pour savoir qui était l'attaquant, qui était le

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  1   défenseur.

  2   Quand, vous, vous avez appris ce qui s'était passé à Ahmici, quelle a

  3   été votre réaction ?

  4   R.  A double titre ou de deux manières. Premièrement, j'ai été choqué

  5   et puis, deuxièmement, j'ai eu une certaine méfiance. Je me suis dit que

  6   les médias musulmans et étrangers ne l'ont pas correctement relayé. Je me

  7   suis rendu compte que ce soit pendant la guerre ou après la guerre, qu'il y

  8   a énormément de mensonges qui ont circulé pendant cette guerre. Nous avons

  9   entendu pleine chose sur Stupni Do. Simplement personne ne peut me

 10   convaincre qu'on peut, dans ce petit village, trouver 15 victimes; eux, ils

 11   disent, dans le document, que dix militaires y ont perdu la vie et que,

 12   pendant quatre mois plus tard, quelqu'un sans aucune enquête apprend qu'il

 13   y a eu des membres de l'ABiH qui auraient été tués, à Stupni Do. Il n'y

 14   jamais eu d'enquête digne de ce nom, là-bas. Comment comprendre -- comment

 15   arriver à comprendre que ces gens qui ont volé dans ces maisons, qu'ils ont

 16   vraiment brûlé là-bas ? Mais qui a fait cela ? Quel a été son objectif ? Le

 17   HVO a fait son action dans la matinée, à 4 heures, ils ne sont plus là.

 18   Donc on n'a pas enquêté pour savoir la vérité. C'est une guerre de

 19   propagande qui prend des proportions inouïes.

 20   Aujourd'hui, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, on voit

 21   sortir des livres dans les cercles internationaux, américains, des ex

 22   agents des Services secrets, qui, eux, citent maintenant où, combien et

 23   comment la propagande a fait des choses qui n'ont rien à voir avec la

 24   vérité. Donc, premièrement, j'ai été choqué, petit (a) et petit (b), je

 25   n'arrivais pas à prendre cela au pied de la lettre.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, êtes-vous allé à

 27   Stupni Do ?

 28   R.  Non, Monsieur le Juge.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Donc sur quoi fondez-vous votre

  2   affirmation. Vous dites que c'était un endroit qui était tout petit.

  3   R.  Parce que nous avons vu ici les photographies de toutes les maisons de

  4   Stupni Do. Je pense qu'on a vu au moins 15 et prises sur tous les angles,

  5   chacune de ces maisons; vous vous en souvenez, Monsieur le Juge Trechsel.

  6   On a vu tout, millimètre par millimètre. On parle de ruine, on ne voit pas

  7   de ruine. On parle de caves qui n'existent pas. On dit qu'ils n'étaient pas

  8   armés, eux-mêmes disent qu'ils ont eu dix militaires de tués, et cetera.

  9   Puis vous avez 100 personnes représentant les organisations internationales

 10   qui rentrent dedans --

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien. J'ai posé une question

 12   très courte, et vous y avez répondu.

 13   Une deuxième question courte. Combien de maisons y a-t-il à Stupni Do ?

 14   Donnez-nous simplement le nombre de maisons, si vous l'avez regardé aussi

 15   attentivement, vous devez le savoir environ, bien sûr. Cinq, dix, 15, 20 ?

 16   R.  Il y a 40 maisons.

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Dans ce cas, je me demande pourquoi

 18   vous vous posez la question. Si on trouve 15 corps et qu'il y a 40 

 19   maisons, il y avait peut-être quatre à dix personnes par maison. Pourquoi

 20   dites-vous que c'est incroyablement élevé comme chiffre de trouver 15 corps

 21   ou cadavres dans un village ? Je ne comprends pas très bien la logique de

 22   votre raisonnement.

 23   R.  Non, Monsieur le Juge Trechsel, vous ne m'avez pas bien compris.

 24   Prenons un village, si trois groupes de représentants de la communauté

 25   internationale avec un enquêteur se rende là-bas, rentrent dedans, passent

 26   une journée entière et repèrent 15 corps; et si quatre mois plus tard nous

 27   avons 38 corps, qu'est-ce qu'ils ont fait ces gens-là ? On peut dire qu'il

 28   y avait trois, dix, personnes par maison. Donc l'enquête a été bâclée. Donc

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  1   on pourrait dire qu'il y a eu 300 corps en tout. Ils ont en trouvé 15 et

  2   l'enquête est terminée.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous avez répondu à ma question.

  4   Merci.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, je vais maintenant aborder le cas

  6   de Dario Kordic, qui était peut-être aussi un jeune homme puisqu'il est né

  7   le 14 décembre 1960, à Sarajevo.

  8   Alors dans quelle condition avez-vous rencontré Dario Kordic ?

  9   R.  Quand je fais la connaissance de Blaskic, j'ai fait la connaissance de

 10   Kordic également, pendant la même période, mais c'était de manière plus

 11   superficielle. Nous avons eu peut-être deux petites réunions ou rencontres

 12   brèves. Je l'ai vu également dans ce film lorsqu'il y a création de cette

 13   brigade à Zenica. Là, il a tenu une sorte de discours. J'ai du mal à me

 14   souvenir, et moi, je leur disais de ne pas fumer pendant le passage en

 15   revue. Je ne me souviens pas quand je l'ai revue après cela, Dario Kordic.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc vous l'avez vu peu de fois, alors.

 17   R.  Au plus, trois fois disons.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous eu des discussions politiques avec lui ?

 19   R.  Une brève conversation politique, oui, je l'ai eue. Après je me

 20   souviens d'une remarque que j'ai donnée, ses discours politiques n'étaient

 21   rien que je lui aurais reproché. Mais je lui ai dit d'atténuer un petit peu

 22   sa rhétorique. En d'autres termes, je lui ai dit : "Dario, réduisez un

 23   petit peu cette rhétorique." Comment faudrait-il traduire cela ? "Ne sois

 24   pas passionné à ce point dans tes discours." Je me souviens lui avoir dit

 25   cela, donc à l'occasion de ce discours de Zenica. Il ne faudrait pas dire

 26   discours au pluriel. Donc ce discours de Zenica.

 27   C'était évident, il cherchait à encourager les hommes, c'est une question

 28   de moral des hommes et tout un chacun doit se montrer passionner quand il

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  1   cherche à faire cela. Parce qu'il faut savoir, Monsieur le Président,

  2   Messieurs les Juges, c'est ce que je tiens a vous dire, après Jajce, les

  3   Serbes, ils avancent directement sur Travnik et Sarajevo et au-delà. Quand

  4   j'ai envoyé Blaskic pour qu'il ramasse des planches et des pelles et qu'il

  5   trouve des volontaires pour qu'ils se rendent à des points de rassemblement

  6   pour aller creuser des tranchées où il le fallait. Ces gens, ils lui

  7   demandaient des certificats pour, je ne sais pas, un demi mètre cube de

  8   planche, et le directeur de l'usine, il disait : "Mais pourquoi est-ce que

  9   vous m'appelez à 2 heures du matin ? Est-ce que vous savez quelle heure il

 10   est ?"

 11   C'est difficile de comprendre les choses si on ne tient pas compte de

 12   la psychologie de la mentalité des gens dans cette contrée. Ils étaient

 13   complètement endormis. La guerre battait son plein. Mais ce n'était pas

 14   chez eux, c'était ailleurs -- pardon, puisque ce n'est pas à leur porte,

 15   eux, ils ont le comportement d'autruche et ils se disent que ça va passer,

 16   et littéralement, vous êtes obligé de leur donner un coup de pied dans le

 17   derrière. Les plus importants leur fait faire déclencher ce mécanisme

 18   d'éveil psychologique pour qu'il soit capable de combattre.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Qu'en connaissant la personnalité de M. Kordic, même

 20   si vous l'avez rencontré peu de fois, quand il s'est retrouvé vice-

 21   président du HDZ de la Bosnie-Herzégovine, est-ce que ça a été un

 22   étonnement pour vous, ou pas ?

 23   R.  Monsieur le Juge, je ne savais même pas qu'il avait atteint cette

 24   fonction. J'avais fait la connaissance d'un homme portant des lunettes,

 25   assez maladroit, plutôt religieux, assez religieux et pour moi, c'était sur

 26   la base de cette impression qui avait été la mienne. Initialement c'était

 27   une complète surprise d'après ce que j'avais eue c'était un croyant tout à

 28   fait sincère, et jusqu'au jour d'aujourd'hui c'est un mystère pour moi,

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  1   qu'il y ait un tel décalage entre ce que, moi, j'ai pu voir de lui sur

  2   place et la possibilité qu'une telle personne n'ait pu commettre un crime.

  3   Je n'émettrai aucun jugement à ce sujet mais, pour moi, c'est un mystère

  4   véritablement, c'est ce que j'en pense intimement. Mais je n'entrerais pas

  5   dans les détails, le temps et la guerre peuvent transformer n'importe qui.

  6   Je parle seulement de cette impression qui avait été la mienne, impression

  7   d'avoir eu affaire à un chrétien très pratique qui croyait en les dix

  8   commandements.

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Une observation concernant le compte

 10   rendu.

 11   Je crois que c'était aux lignes 23, 24 de la page 60.

 12   "Lorsque j'ai entendu dire qu'il avait été accusé de crimes, ceci ne

 13   m'a pas surpris compte tenu de l'impression que j'avais de lui."

 14   Je me demande si c'est vraiment ce que vous voulez dire ou si c'est

 15   l'inverse que vous souhaitiez dire.

 16   R.  C'était précisément le contraire que je voulais dire. En me fondant sur

 17   l'impression qui avait été la mienne à l'occasion de ces quelques

 18   rencontres que nous avons eues, j'avais vu que c'était un chrétien

 19   pratiquant, qu'il croyait en les dix commandements, pour moi, c'était une

 20   très grande surprise.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. A ce moment-là,

 22   effectivement, cette phrase est conforme au reste. Bien, allez-y.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne vais pas insister sur Dario Kordic parce qu'il

 24   y a un cas qui me paraît beaucoup plus intéressant, c'est Naletilic, Tuta.

 25   Pouvez-vous me dire quand vous l'avez rencontré ?

 26   R.  Dans mon enfance, il vient de Siroki Brijeg. Il est plus jeune que moi

 27   de deux années, et comme il s'agit d'une petite localité, nous n'étions

 28   bien nombreux et nous nous connaissions tous. Tous les enfants se

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  1   connaissaient, et c'est alors que j'ai fait la connaissance de Mladen

  2   Naletilic.

  3   Après cela, en 1961 donc, j'ai quitté Siroki Brijeg, et la fois suivante où

  4   j'ai vu Naletilic, Tuta, c'était en 1992. Il se rendait à Sarajevo, puis

  5   ensuite je ne sais plus où il est allé à l'étranger, il a immigré et ainsi

  6   de suite.

  7   Donc il y avait 1960, puis 1992, une trentaine d'années.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors sur le plan de ces idées politiques,

  9   avait-il des idées, n'en avait-il pas ? Quelle impression vous donnait-il ?

 10   R.  Dans les années 90, en 1992, lorsque je l'ai rencontré sur place, il

 11   avait déjà rassemblé des gars à lui, quelques unités à Siroki Brijeg, il

 12   avait fait précédemment, et parmi eux se trouvait des gars extraordinaires;

 13   cependant, il est tout à fait certain et exact, que M. Naletilic n'était

 14   pas un homme de l'ordre. S'il pouvait se montrer avocat d'une forme

 15   d'ordre, c'était un ordre dans ses termes à lui, c'est-à-dire un ordre dans

 16   lequel ses propres unités auraient été à part et au-dessus des autres.

 17   D'autre part, il appartenait très certainement à ces cercles

 18   politiques qui considéraient les Musulmans comme étant absolument des

 19   frères et même plus que cela, donc ces courants émanant de l'Etat

 20   indépendant de Croatie, de la Seconde Guerre mondiale, le MDH, où l'on

 21   considérait les Musulmans comme des Croates de confession musulmane, et on

 22   les considérait même comme le fleuron de la nation croate. Au sens où ils

 23   étaient considérés comme la partie la meilleure et la plus saine en quelque

 24   sorte, de la nation croate. C'était cette façon-là de voir les Musulmans.

 25   Il est tout à fait certain qu'en 1992, et pendant une partie de 1993,

 26   Mladen Naletilic Tuta avance et défend ce type d'idées.

 27   Ensuite, et jusqu'à l'un de ces événements dont nous avons déjà

 28   parlé, je n'ai plus eu de contact avec lui. Du moins, je ne m'en souviens

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  1   pas. Au-delà de cet événement, nous n'avons plus eu de contact jusqu'à la

  2   mise en détention. Après, il me semble que nous nous sommes encore

  3   rencontrés une fois. A cette occasion, il a proféré des excuses, ce à quoi

  4   j'ai rétorqué : "Bon, bon, tu aurais pu le faire," mais, moi, je ne veux

  5   pas en reparler.

  6   Je ne souhaitais pas, je n'ai pas eu et je ne souhaitais pas avoir de

  7   contact avec lui. Je ne considérais pas comme quelqu'un s'étant trouvé sous

  8   mon commandement, il n'était pas sous mon commandement.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Justement. On va venir au sujet. Vous dites

 10   qu'à Siroki Brijeg il a constitué une unité. Est-ce ce fameux Bataillon des

 11   Condamnés --

 12   R.  Il y en avait deux, il me semble. Il y avait le Bataillon des Condamnés

 13   et le Bataillon antiterroriste, ou quelque chose comme ça. Il y en avait

 14   deux.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

 16   R.  L'un de ces bataillons était un bataillon régulier qui était tout

 17   d'abord commandé par M. Andabak, et ensuite il a été mené par M. Lija

 18   Mandic, et c'était une bonne unité tout à fait régulière. Quant au reste et

 19   tout ce qui tournait autour, très sincèrement, je ne saurais quoi vous en

 20   dire. Je confondais d'ailleurs toujours les noms de l'une et de l'autre,

 21   donc je n'arrive pas à me rappeler laquelle, et s'appelait comment. Donc je

 22   parle ici d'une unité qui était bonne dont le commandant était Andabak,

 23   l'un des Andabak, et ensuite c'est M. Mandic qui en a été le commandant.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous dites, il n'était pas sous mon autorité.

 25   Comment est-ce possible ?

 26   R.  C'est tout à fait possible.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, expliquez.

 28   R.  Mais, Monsieur le Président, non seulement je ne souhaitais pas lui

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  1   donner d'ordre mais il n'appartenait, il n'était pas en dessous de moi dans

  2   la hiérarchie. Il ne représentait rien de mon point de vue et je ne pouvais

  3   rien contre lui. Il n'était tout simplement pas passé sous ma

  4   responsabilité du point de vue hiérarchique.

  5   La seule chose que je puisse faire éventuellement c'est de mobiliser

  6   une brigade et en dehors de toutes les compétences qui sont les miennes,

  7   aller sur place pour prendre militairement la zone concernée ce que je ne

  8   suis pas censé faire. Ce n'était pas un problème dont j'étais censé

  9   traiter. J'ai dit ça très clairement à Mate Boban et tout le monde le

 10   savait.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : On va maintenant aller au cœur le plus sensible.

 12   Le 5 mai, dans la thèse du Procureur, qui est développée dans l'acte

 13   d'accusation et dans le mémoire préalable, le 5 mai, donc les Musulmans

 14   sont arrêtés et c'est Naletilic qui va procéder à ces arrestations. Les

 15   gens vont être conduits d'abord dans un premier temps au stade et puis

 16   après, à l'Heliodrom.

 17   Bien. Dans le jugement Naletilic, tout ceci est décrit en long et en large.

 18   Alors, le 5 mai, où êtes-vous ? Oui, enfin le 9 mai, où êtes-vous ?

 19   Excusez-moi, le 9 mai, où êtes-vous ?

 20   R.  Il est absolument certain que je n'étais pas à Mostar. Alors est-ce que

 21   j'étais à Zagreb ou est-ce que j'étais en voyage, je ne le sais pas mais je

 22   suis absolument sûr que je n'étais pas à Mostar. C'est sûr à 100 % et

 23   exact. Mais quant à savoir si j'étais à Zagreb ou en voyage, je ne pourrais

 24   le dire avec certitude. 

 25   Je suis absolument sûr d'être venu le 11 au matin à Mostar et j'ai relaté

 26   l'événement avec exactitude.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans vos écritures, vous avez indiqué que, dans les

 28   événements du 9 mai, vous n'étiez impliqué en rien.

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  1   R.  En rien, Messieurs les Juges.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors prenons le cas où ce que vous dites c'est la

  3   réalité vous n'êtes impliqué en rien dans ce qui se passe le 9 mai. Le 9

  4   mai, nous avons eu et vous avez entendu les victimes nous dire quelles ont

  5   été arrêtées, transférées au stade, et puis après, l'Heliodrom. Ça vous

  6   l'avez entendu comme moi. Comment vous expliquez cela ?

  7   R.  Messieurs les Juges, c'est après que cela s'est passé donc le 11; le 11

  8   ce qui s'est passé, c'est passé. Je me suis arrêté dans ce virage et puis

  9   je suis parti. Mais les gars, avec qui j'ai parlé après cette messe de ce

 10   même jour, et puis à partir de la conversation aussi avec Mico Lasic que je

 11   connaissais d'avant, j'ai posé la question à ces gens de savoir qui avait

 12   attaqué en premier. Personne n'a essayé de me raconter des histoires. Ce

 13   n'est pas le HVO qui a attaqué en premier. Mais on a vu ensuite à Vranica,

 14   on a retrouvé ces plans qui ont été saisis. On a vu que l'ABiH préparait

 15   une attaque et que cette attaque a débuté le 9 mai; c'est ce que je sais.

 16   Deuxièmement, il y a deux éléments à prendre en considération. Lorsque des

 17   combats commencent en ville, alors supposons à titre d'hypothèse que je

 18   sois présent sur place, si des combats commencent en ville, et si vous

 19   n'êtes pas en mesure de déterminer où se trouve la ligne d'attaque, la

 20   ligne de front où se déroule l'attaque, dans ce cas, vous n'êtes pas en

 21   mesure non plus de savoir qui est votre ennemi parmi les bâtiments

 22   environnants car on tire à partir des fenêtres, à partir des toits, et

 23   ainsi de suite.

 24   Personnellement, j'estime qu'à ce moment-là, dans ces circonstances-là, il

 25   est possible et on peut autoriser qu'un certain nombre de personnes

 26   originaires de cette zone - et certainement pas sur des bases ethniques -

 27   mais qu'il est possible d'écarter un certain nombre de personnes de cette

 28   zone tant que la situation n'est pas résolue; cependant, la façon de

Page 41521

  1   procéder à l'égard de ces personnes doit être en accord avec les

  2   conventions applicables. C'est mon opinion.

  3   Donc je pense que cela peut être autorisé. J'ai fait cela à Vakuf parce

  4   qu'on a des civils qui se retrouvent en zone de guerre, bien, c'est moi qui

  5   ai la responsabilité de leurs vies. Je dis : "Vous allez emmener ces

  6   personnes qui se trouvent ici avec leur bétail jusqu'à tel et tel endroit,

  7   et toi, tu vas être responsable de…" Voilà.

  8   Pour moi, c'est quelque chose dans mon esprit et dans mon cœur qui

  9   est tout à fait possible et autorisé. Je ne sais pas si c'est légal. Mais,

 10   pour moi, c'est autorisé, c'est possible. Alors après ce qui est très

 11   important, évidemment, c'est la façon dont on procède ultérieurement avec

 12   ces personnes. Voilà ce que je peux vous dire à titre hypothétique. Je ne

 13   sais pas ce qui s'est passé.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : En entrant dans ce que vous venez de dire,

 15   qu'on a capturé des personnes qui étaient dans une zone où il y a eu des

 16   tirs. Bon. Vous le savez aussi bien que, moi et vous-même, vous avez dit,

 17   il y a plusieurs jours - et ça m'avait d'ailleurs frappé - vous m'avez dit

 18   -- enfin, vous nous avez dit aux Juges -- vous avez dit ceci et je vous

 19   cite verbatim : "Pour moi, la meilleure défense c'est de dire la vérité."

 20   Voilà ce que vous nous avez dit. Alors j'embraye sur cela --

 21   R.  Oui.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc maintenant vous nous dites la vérité. Alors

 23   nous savons que des centaines de personnes ont été arrêtés. Nous savons

 24   qu'il a fallu plusieurs bus pour les amener, donc il y a eu une opération.

 25   D'après vous, si M. Naletilic a mené cette opération, à ce moment-là, le 9

 26   mai, il était sous les ordres de qui ?

 27   R.  Je ne peux pas répondre à cette question, Monsieur le Président. Ce que

 28   j'ai dit, j'ai dit à titre d'hypothèse. Seul le commandant de la zone

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  1   opérationnelle, Mico Lasic, aurait pu commander de cette façon-là et non

  2   pas Naletilic.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne veux pas vous mettre en difficulté mais, là,

  4   maintenant on est sur un problème typiquement militaire. Nous avons des

  5   soldats du HVO qui arrêtent des gens. Bon. Il faudra déterminer si les

  6   arrestations étaient légales, illégales, et cetera, ça c'est un autre

  7   problème. Moi, je n'entre pas dans cet aspect. Je veux simplement savoir,

  8   dans le cadre de l'opération militaire, les soldats de Naletilic, qui sont

  9   sous l'autorité de Naletilic; ça il y a pas de problème. Mais maintenant,

 10   M. Naletilic il est sous l'autorité de qui ?

 11   R.  Je l'ignore, Messieurs les Juges. A ce moment-là, sur place, je

 12   n'accomplis aucune fonction de cette nature-là. Je sais qui est le chef de

 13   l'état-major principal. C'est Petkovic qui n'est pas sur place. Je sais que

 14   je suis arrivé, le 11, que j'ai relaté ce qui était arrivé, et cela je

 15   l'ignore.

 16   Il est exact que la vérité, pour moi, est la meilleure des défenses

 17   et je vous l'a dit exactement tel quelle est. Je ne peux pas vous dire ce

 18   que j'ignore précisément parce que je l'ignore. Mais je peux vous dire

 19   également si, moi, j'avais conduit cette opération, peut-être que pour des

 20   raisons de sécurité, j'aurais procédé de façon similaire à ce que j'ai fait

 21   à Vakuf. Cela dépend d'évaluation qu'on fait au moment donné concernant le

 22   sort des civils. Est-ce que les civils risquent de périr ? Mais les

 23   circonstances étaient différentes. Je ne parle pas ici de chiffre et c'est

 24   tout à fait hypothétique, ce que j'ai dit.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne veux pas être directif dans ma question, donc

 26   je colle le plus possible aux aspects de technique militaire.

 27   Est-ce une opération qui consiste à prendre des gens d'un point A pour les

 28   mettre à un point B, et puis après, à un point C : le point B étant le

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  1   stade; le point C, l'Heliodrom. Une opération où il y a plusieurs personnes

  2   qui font l'objet de cette opération.

  3   Est-ce que, sur le plan militaire, ça doit être avant; avant, je dis

  4   bien avant pensé, réfléchi, planifié, organisé ? Juste un tout petit

  5   détail, les bus, ce n'est pas en claquant des mains qu'on a, dans la

  6   seconde, huit bus parce que les bus, il faut mettre de l'essence, il faut

  7   avoir les chauffeurs, il faut leur donner l'heure de rassemblement, et

  8   cetera.

  9   Donc est-ce qu'en termes militaires, d'après vous qui êtes un

 10   spécialiste militaire puisque vous avez exercé une autre fonction

 11   militaire, est-ce que ceci n'impliquait pas un minimum de planification,

 12   d'organisation de logistique ?

 13   R.  C'est comme vous l'avez formulé, Monsieur le Président. C'est ainsi

 14   mais j'ignore quand, à quelle heure cela a commencé quand les gens ont été

 15   emmenés, quand les autocars sont arrivés. Il y avait des bus à Mostar qui

 16   emmenaient les enfants et les civils. Il faudrait déterminer avec précision

 17   quand l'opération a commencé, quand les coups de feu ont commencé à

 18   retentir, où se trouvaient les autobus et ainsi de suite.

 19   Je ne peux donc pas répondre avec précision. Mais --

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : On a deux hypothèses de travail. Je dis bien des

 21   hypothèses de travail parce que les Juges, on n'a pas discuté entre nous.

 22   Donc on ne sait pas quelles sont les conclusions. Les deux hypothèses, et

 23   vous les connaissez comme moi. Première hypothèse, c'est celle du

 24   Procureur, attaque du HVO et conséquences, on arrête les Musulmans, et

 25   cetera.

 26   Deuxième hypothèse de travail, offensive de l'ABiH, défense du HVO et dans

 27   le cadre de la Défense, à ce moment-là, on estime, on ne sait pas qu'il

 28   convient d'arrêter des Musulmans. Ça, c'est la deuxième hypothèse. Mais à

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  1   ce moment-là, si dans cette deuxième hypothèse, on décide d'arrêter des

  2   Musulmans, qui peut donner l'ordre ? M. Naletilic ? Le commandant de la

  3   zone opérationnelle ? M. Petkovic qui n'est pas là ? Les autorités civiles

  4   du HVO ? M. Prlic, mais M. Prlic, nous savons qu'il était à Makarska, ce

  5   jour-là. M. Boban en personne, qui aurait le lien direct avec Naletilic

  6   sans passer par Petkovic et Lasic ? Comment vous analysez cela, vous ?

  7   R.  Je vais énoncer l'opinion qui est la mienne. A partir des éléments dont

  8   j'ai eu connaissance ultérieurement me fondant sur mes entretiens avec les

  9   commandants, donc avec les commandants de la Brigade de Ljubuski, Tomic et

 10   le commandant Lasic également, le commandant de la zone opérationnelle,

 11   également avec le commandant de la 2e Brigade et d'autres; alors j'ai

 12   demandé à Tomic, par exemple : "Est-ce que, toi, tu es responsable de

 13   l'opération à Mostar ?" Il m'a dit : "Non, moi, j'ai été appelé après,

 14   ultérieurement."

 15   En d'autres termes, sur la base de toutes les informations dont je dispose

 16   et que je maintiens, il n'y a eu d'attaque planifiée par le HVO.

 17   Car pour attaquer une ville comme Mostar, Messieurs les Juges, cela

 18   ne peut pas se faire sans Boban, sans Petkovic, sans Lasic, c'est

 19   impossible.

 20   Même jusqu'à la dernière soirée, il y avait sur place encore, je ne sais

 21   combien de personnes de la communauté internationale. Il y avait des

 22   réunions, je l'ai appris ici, mais pour moi, après l'attaque de l'ABiH, et

 23   vous l'avez vu également dans l'ouvrage de Hadziosmanovic, que les

 24   Musulmans passaient de notre côté. J'affirme c'est une hypothèse qu'il y a

 25   très probablement eu une réaction de panique et que dans cette situation-

 26   là, je continue à avancer une hypothèse, Naletilic aurait procédé ainsi.

 27   Mais je ne peux parler que de façon hypothétique. Ce n'est pas un

 28   témoignage que je peux faire comme quelqu'un qui aurait été présent. Car

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  1   dans ce type de situation, on assiste le plus souvent à dans réponses de

  2   type hystérique. On arrête des gens, on tire, on affirme qu'il y a des tirs

  3   dans le dos.

  4   Cette variante est très probable car, Messieurs les Juges, pour ce qui

  5   concerne Vranica, ils ont placé leur poste de commandement au centre de la

  6   partie ouest de Mostar. Peu à peu, je sais qu'il y avait des objections à

  7   cela, ils prenaient du territoire. Ils occupaient du territoire alors

  8   qu'ils ne se battaient pas vraiment contre les Chetniks, donc il y avait

  9   déjà une animosité non négligeable. Lorsque survient une attaque, il y a

 10   des gens qui deviennent hystériques, qui profèrent des insultes, qui

 11   affirment des choses comme ces enculés qui nous ont enfoncé un poignard

 12   dans le dos et ainsi de suite. Une telle situation peut durer pendant un

 13   certain temps, avant que quelqu'un qui ne mène ses propres actions, sa

 14   propre politique ou même sa propre guerre, ne la prenne en main.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc aux questions extrêmement précises que je pose,

 16   vous n'avez pas de réponse parce que vous ne savez pas s'il y a eu une

 17   planification d'ordre. Mais en admettant ce que vous dites, est-il possible

 18   qu'un commandant militaire du niveau de Naletilic puisse dans le dos, dans

 19   le dos de sa hiérarchie, dans le dos des autorités civiles, arrêter femmes,

 20   enfants, vieillards, hommes adultes et en faire incarcérés, placés

 21   provisoirement dans un lieu, bon, on peut prendre plusieurs maux pour

 22   caractériser ce qui s'est passé.

 23   Est-ce que c'est possible qu'un individu puisse de lui-même comme ça tout

 24   décider ? C'est ça que j'essaie de comprendre.

 25   R.  C'est possible. Je dis très clairement c'est tout à fait possible.

 26   Naletilic aurait pu le faire. Il était en dehors du système de contrôle.

 27   Vous avez vu ce qui s'était passé le 11. Valentin Coric était présent à

 28   cette réunion ainsi que le chef du SIS.

Page 41526

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Je dois vous dire --

  2   R.  Il ne pouvait rien contre lui.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : -- Général Praljak, mais je l'ai déjà dit. Mais

  4   autant vous le redire pour vous le remettre en mémoire, qu'il y avait un

  5   document, malheureusement, je ne l'ai pas pris où il y a un rapport d'un

  6   policier militaire qui écrit noir sur blanc que les hommes de Tuta font de

  7   l'épuration ethnique. Voilà. Donc ce rapport est envoyé dans la hiérarchie

  8   de la police militaire. Donc, manifestement, si ce document dit bien ce que

  9   le scripteur avait estimé de la situation, ça montre pour le moins qu'il y

 10   a des policiers militaires qui n'ont pas participé à l'opération, et c'est

 11   ça qui est assez troublant. Mais, par contre, on a eu des victimes, vous le

 12   savez qui nous ont expliqué qu'il y a des policiers militaires qui sont

 13   venus dans leur appartement, qu'ils les ont chassés de l'appartement, et

 14   cetera. Donc nous avons aussi cela.

 15   Donc c'est une mosaïque de témoignages très divers. Vous savez que les

 16   Espagnols ont filmé les colonnes et on eu la vidéo. Ensuite ces gens ont

 17   été placés à l'Heliodrom où là, il y avait des problèmes pour les nourrir,

 18   les loger, et cetera, et cetera. Alors vous me dites : moi, j'ai appris ça

 19   le 11 novembre. Mais, le 11 mai, quand vous avez appris ça le 11 mai, est-

 20   ce que vous êtes intervenu pour dire : mais il y a des gens qui sont à

 21   l'Heliodrom, ils n'ont rien à faire là ? Qu'est-ce que vous avez fait à

 22   votre niveau ?

 23   R.  Monsieur le Président, j'ai appris une partie des éléments, le 11,

 24   quand je suis arrivé à cette réunion qui s'est terminée comme on le sait à

 25   Mostar. Dans cette pièce, il y avait un certain nombre de personnes. Il y

 26   avait Valentin Coric et le responsable du SIS chargé de la sécurité, et

 27   moi, il m'arrive ce que l'on sait.

 28   Je vous dis tout à fait sincèrement en toute vérité que ces personnes

Page 41527

  1   présentes là-bas à ce moment-là ni Valentin Coric, ni Lucic n'étaient en

  2   mesure de remettre de l'ordre dans cette situation et de faire tomber

  3   Mladen Naletilic Tuta sous le coup des dispositions légales qui

  4   s'appliquent. Il est tout simplement trop fort. Il dispose de ses propres

  5   hommes, des ses propres unités, et la seule solution, ça aurait été de

  6   prendre 300 hommes et de l'affronter, de tirer les uns sur les autres.

  7   Cela, très franchement, n'a rien de si inhabituel que cela. Même dans

  8   la guerre du Vietnam, on l'a observé. Il y a des hommes qui sont tout

  9   simplement hors de tout contrôle et la seule chose à faire c'est d'attendre

 10   que vos propres forces puissent monter en puissance jusqu'au niveau qui

 11   vous permettra d'affronter les hommes en question et de surpasser leur

 12   propre pouvoir.

 13   Deuxièmement, Messieurs les Juges, donc les 11 et 12 mai, avec M.

 14   Sefko Omerbasic, le président de la communauté musulmane de Zagreb, je me

 15   suis rendu pour mener des entretiens au sein du Bataillon espagnol de la

 16   FORPRONU. M. Petkovic, lui aussi, est revenu et on a commencé à éclaircir

 17   ces questions. Alors, moi, je n'ai pas participé directement mais

 18   uniquement au travers de ces discussions de haut niveau et ce problème a

 19   été résolu assez rapidement.

 20   A partir des documents que j'ai vus ici, je vous le dis, il y a un

 21   accord de cessez-le-feu, qui a été signé lorsque Halilovic est venu puis

 22   Petkovic est arrivé, et c'est ainsi que tout cela s'est arrêté. Moi, j'ai

 23   de nouveau essayé d'apaiser la situation avec mes entretiens avec

 24   Omerbasic, avec Petkovic, avec la FORPRONU afin que l'on voie ce qu'on

 25   pouvait faire. Jusqu'au 30 juin de nouveau, nous avons vu un cessez-le-feu

 26   s'installer de la manière dont cela a été organisé à l'époque. Voilà la

 27   réponse exacte et précise.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelques chiffres avant la pause.

Page 41528

  1   Dans le jugement Naletilic, au paragraphe 45, il semblerait que, ce jour-

  2   là, il y a eu 1 500 à 2 000 civils musulmans qui ont été arrêtés et

  3   conduits à l'Heliodrom. Entre 1 500 et 2 000, dont vous voyez le chiffre.

  4   L'Accusation, dans ses écrits, indique également qu'il y a eu une liste qui

  5   a été faite des personnes arrêtées en trois catégories : femmes, enfants,

  6   personnes âgées. Alors écoutez les chiffres : 216 femmes, 216; 104 enfants,

  7   104 enfants; 31 personnes âgées. Le chiffre aveuglant c'est les 104

  8   enfants.

  9   Comment vous expliquez ça ?

 10   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous en prie, je vais

 11   répondre en avançant l'hypothèse car vous me demandez d'expliquer quelque

 12   chose, je ne sais pas comment procéder autrement.

 13   Supposons que, moi, je prépare une attaque à Mostar et que je m'attende à

 14   des salves d'artillerie très puissantes, frappant les bâtiments et les rues

 15   qui se trouvent derrière moi, qui se trouveront derrière moi. Moi, je

 16   procéderais à l'évacuation aussi bien des femmes, des enfants que des

 17   personnes âgées de ces bâtiments. Comment pourriez-vous y laisser des

 18   enfants, s'il s'agit toutefois de cela ? Je parle en avançant une

 19   hypothèse, hein, bien sûr.

 20   Lorsqu'à Capljina, j'ai demandé en raison des tirs de snipers à partir de

 21   certains appartements que l'on fasse baisser les stores et fermer des

 22   volets et que l'on emmène les habitants des appartements qui faisaient face

 23   aux positions de l'artillerie serbe pour les emmener vers des appartements

 24   plus éloignés, que les projectiles pouvaient atteindre plus difficilement,

 25   j'ai indiqué qu'il fallait inclure aussi bien les femmes que les personnes

 26   âgées et les enfants. Comment aurais-je pu laisser les enfants ?

 27   Alors j'ignore ici quelle est la raison, quel est le motif qui a

 28   précisé à cela, et je ne peux entrer dans ces détails-là. Mais je peux vous

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  1   parler de ce que j'ai fait à Vakuf, à Gornji Vakuf, lorsque j'ai demandé

  2   que l'on emmène toutes ces personnes avec leurs bétails. Je n'allais quand

  3   même pas laisser les enfants. J'ai ordonné que l'on emmène ces personnes

  4   pour qu'on les accueille, qu'on les héberge et qu'on s'occupe d'elles car

  5   j'estimais que c'était nécessaire.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Sous la foi du serment, vous me dites vous ignoriez

  7   qu'il y avait au moins une centaine d'enfants qui étaient à l'Heliodrom, ça

  8   vous ne le savez pas ? 

  9   R.  Je vous dis sous serment que j'ignorais, que je n'avais connaissance

 10   d'aucun de ces détails, aucune de ces données. Je ne le savais pas le 11

 11   non plus. Je ne l'ai appris que plus tard. Le 11 mai, c'est complètement

 12   désorienté et blessé que j'ai quitté cette réunion et que j'ai continué et

 13   poursuivi avec mes activités car je n'avais rien d'autre à faire sur place.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Bon, après la pause, j'arrêterai de poser des

 15   questions. Bon. J'en aurai une complémentaire sur Sovici, Doljani, puis

 16   j'arrêterai et je commencerai à regarder les documents.

 17   Alors nous allons faire 20 minutes de pause.

 18   --- L'audience est suspendue à 17 heures 46.

 19   --- L'audience est reprise à 18 heures 07.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise.

 21   Je crois que M. Stringer voulait intervenir.

 22   M. STRINGER : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président,

 23   simplement une question aussi courte. Aujourd'hui, c'est la date à laquelle

 24   l'Accusation doit répondre à une requête déposée par la Défense de Prlic

 25   pour rouvrir la présentation de leurs moyens. Aujourd'hui, c'est la date

 26   d'expiration de la présentation du dépôt de notre réponse. La réponse est

 27   prête mais au moment de déposer notre réponse nous avons constaté que cette

 28   requête dépasse de 500 mots le montant mot autorisé. Donc ces 500 mots de

Page 41531

  1   plus et nous vous demandons afin de nous permettre de déposer ceci

  2   maintenant, j'ai consulté la Défense Prlic à cet égard, nous demandons en

  3   fait à pouvoir déposer cette réponse qui excède de 500 mots la limite

  4   autorisée.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, la Chambre que j'ai consultée vous donne son

  7   accord pour --

  8   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Je crois que mon collègue a quelques questions à

 10   poser.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Monsieur Praljak, oui, effectivement, pour parler encore du 9 mai et

 13   ensuite du 11 mai.

 14   Savez-vous ce qui était responsable de l'Heliodrom ?

 15   R.  Non, Monsieur le Juge Trechsel.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Se peut-il que Naletilic était le

 17   commandant de l'Heliodrom ?

 18   R.  Monsieur le Juge Trechsel, je ne peux vous fournir aucun élément

 19   d'information là-dessus. Vous savez, le 30 avril, au Sabor de la République

 20   de Croatie, j'ai pu obtenir une délégation pour se rendre sur place pour

 21   aller calmer la situation. Après, je m'étais mis d'accord avec M. Sefko

 22   Omerbasic pour qu'on s'y rende ensemble, pour qu'ils s'entretiennent avec

 23   la partie et qu'on essaie de calmer le conflit.

 24   Je n'avais aucun pouvoir, aucune attribution, je vous ai raconté heure par

 25   heure quelles ont été mes activités, je n'en ai pas la moindre idée.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Le 11, au cours de cette réunion,

 27   est-ce que vous ou quelqu'un d'autre avait suggéré que ce sujet soit mis

 28   sur la table, à savoir que les personnes qui avaient été arrêtées et qui

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  1   étaient encore à l'Heliodrom soient relâchées immédiatement ?

  2   R.  Monsieur le Juge Trechsel, cet entretien pour ce qui me concerne n'a

  3   duré que dix minutes. Il n'y a eu aucun discours sur aucun élément

  4   d'information mentionné ici. Ça n'a pas été mentionné.

  5   Je prônais la paix. Le monsieur dont nous avons parlé a réagi comme il a

  6   réagi et j'ai quitté la réunion. Je me suis arrêté au virage, j'ai demandé

  7   aux gars de laisser passer la FORPRONU --

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Depuis -- bon, vous n'êtes pas -- on

  9   ne vous demande pas de parler de ce qui s'est passé lorsque vous aviez

 10   quitté la réunion.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, je vais terminer sur Naletilic en

 12   parlant des événements qui se sont déroulés à Sovici et Doljani le 17 avril

 13   1993. Alors première question : le 17 avril 1993, où étiez-vous ?

 14   R.  Je ne sais pas exactement, Monsieur le Président. Je ne sais pas pour

 15   le 17 avril, étais-je à Zagreb ou à Mostar ? Donc exactement quel est le

 16   jour où, avec Arif Pasalic, je m'étais trouvé du côté est au sujet de

 17   l'événement mentionné; là, je ne saurais pas vous le dire, mais j'affirme

 18   que je n'avais aucun élément d'information sur Doljani ni Sovici, à

 19   l'époque, je n'en avais pas. Je n'avais pas rien entendu à ce sujet, et je

 20   ne saurais rien vous dire à ce sujet, je vous l'affirme sous serment.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc si je comprends bien, vous n'avez

 22   participé en rien à l'opération militaire qui s'est déroulée à Sovici et

 23   Doljani.

 24   R.  D'aucune manière. Je n'avais aucun moyen. Je vous ai dit exactement

 25   dans quelles situations je jouais quel rôle.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors je l'avais noté dans vos écritures. Vous

 27   l'aviez déjà dit, mais je voulais en avoir la confirmation.

 28   Au mois d'avril, le commandant militaire du HVO, est-ce bien le général

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  1   Petkovic ?

  2   R.  C'est exact.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je ne sais pas si mes collègues ont des

  4   questions sur Sovici et Doljani. Non. Bon.

  5   Alors, Général Praljak, on va maintenant regarder les documents. Je vais

  6   d'abord regarder les documents avec vous que vous avez contestés. En disant

  7   que c'était des faux, il est vrai que, dans ce Tribunal dans plusieurs

  8   procès, il y a toujours la question des faux documents, ce qui est

  9   incroyable, mais voilà, ceci apparaît. Alors on va essayer de déterminer la

 10   réalité de ces faux documents.

 11   Alors je vais demander à M. le Greffier de mettre à l'écran le premier.

 12   C'est le P 06937. Je redis. Voilà. Donc il faut voir le document en B/C/S,

 13   et la traduction en anglais.

 14   M. KOVACIC : [interprétation] Je demande à M. l'Huissier de bien vouloir

 15   aider --

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai le document.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Non, Monsieur le Greffier. La traduction anglaise ce

 18   n'est pas la bonne. Le document en B/C/S c'est bon, mais la traduction

 19   anglaise ce n'est pas bon. Voilà.

 20   Bien, alors, Monsieur Praljak, on a donc un document qui est daté du 8

 21   novembre, qui est le jour de la cessation de vos fonctions. Nous voyons

 22   qu'il y a un numéro d'enregistrement, 02-717/93. Ce document est un

 23   document où il y a déjà des mentions qui sont déjà écrites et après on va

 24   les compléter. Donc ce document a dû servir déjà à plusieurs reprises pour

 25   d'autres détenus qui ont été utilisés à des travaux à l'extérieur de

 26   l'Heliodrom.

 27   Alors, Monsieur Praljak, pour vous, en quoi ce document est faux ?

 28   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le 8 novembre, je suis

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  1   arrivé au Grand état-major à 10 heures du soir. Au plus tôt car, après la

  2   réunion de Tomislavgrad la veille, j'étais resté pour y passer la nuit, et

  3   le 8 novembre, après j'ai vu le général Roso à midi et toute la soirée pour

  4   lui présenter la situation, quand je suis arrivé, j'ai signé deux documents

  5   portant sur les blessés, petit A.

  6   Et B, au nom de M. Petkovic, j'ai demandé qu'on abrège l'enquête -- ou

  7   plutôt, qu'on accélère l'enquête sur Stupni Do. Ça c'est une première

  8   chose. Deuxième chose, je n'aurais jamais signé après Mijo Jelic, petit A.

  9   Petit B, jamais sur aucun document de ce type-là, je n'ai apposé ma

 10   signature, jamais. Il y a des documents, il y a un grand nombre de

 11   documents, j'en ai vus beaucoup ici, et c'est uniquement sur ce document du

 12   8, quand je suis absent qu'il y a un faux. Il est écrit "le général

 13   Slobodan Praljak." Normalement on devrait voir ici : "Sur autorisation du

 14   commandant du Grand état-major du HVO, le général de division, Slobodan

 15   Praljak," et moi, j'aurais signé simplement.

 16   Donc, là, nous avons un faux. Je n'étais pas à Grude à ce moment-là.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- Praljak, avant d'arriver dans ce

 18   Tribunal, à Paris j'étais spécialisé dans les faux pendant un an et j'ai eu

 19   à juger des centaines affaires de faux. Donc c'est une matière que je

 20   connais un petit peu.

 21   Le document que vous avez, il peut être faux soit totalement, c'est-à-dire

 22   que tout le document est faux, ou bien il y a une partie du document qui

 23   est vrai, c'est tout le document qui concerne les 40 détenus, la signature

 24   de M. Jelic ou de son adjoint parce qu'on voit qu'il y a une petite barre,

 25   donc si ça se trouve ce n'est pas lui a signé. Le faux serait à ce moment-

 26   là votre signature avec le tampon. Donc le document serait vrai pour le

 27   fait qu'il ait demandé 40 détenus mais on a rajouté votre nom.

 28   Alors qu'est-ce que vous en pensez, vous ?

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  1   R.  Monsieur le Président, je ne sais pas quoi vous dire, ce qui ne va pas

  2   avec ce document, est-ce que c'est 40 ou pas ? Est-ce que c'est la

  3   signature de Mijo Jelic ou pas ? Ce type de document, je n'en n'ai jamais

  4   signé. Il y a eu une photocopie qu'on a fait et on a fait apposer ma

  5   signature par voie de photocopie comme on le fait.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous l'avez dit déjà.

  7   Général Praljak, est-ce que vos avocats, les gens qui les assistent, est-ce

  8   que vous avez pensé à envoyer une lettre, alors peut-être qu'il est mort ou

  9   il est vivant, je ne sais pas à M. Mijo Jelic, en disant que, dans le cadre

 10   des éléments de preuve, vous avez constaté qu'il y a un faux document et

 11   vous lui demandez ses explications en disant : mais qui a mis le tampon

 12   supplémentaire et le nom Slobodan Praljak ? Est-ce que vous l'avez fait ou

 13   vous ne l'avez pas fait ? Si vous ne l'avez pas fait, pourquoi ?

 14   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne l'ai pas fait et je

 15   ne m'emploierai pas à le faire. Je ne vais pas me justifier puisque, le 8,

 16   je n'étais pas là. M. Petkovic le sait. Vous avez la déclaration de M. Roso

 17   pour savoir jusqu'à quel moment j'ai été en sa compagnie. Je ne peux pas

 18   signer après Mijo Jelic. Il y a aucune mention : "approuver pas." Quelqu'un

 19   s'est contenté de copier et c'est tout. Je ne veux pas me justifier. J'ai

 20   beaucoup de documents. Quelqu'un cherche à m'imputer cela pour le 8 mais ça

 21   ne m'appartient pas. Je ne veux pas me défendre au-delà de ma déclaration.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez une petite idée sur ceux qui

 23   ont eu cette idée de vous faire endosser ce document, ou bien vous n'en

 24   n'avez aucune ?

 25   R.  Ils sont nombreux. On a falsifié pas mal de documents pour ce qui est

 26   de l'affaire Blaskic. Il y a eu beaucoup de services qui se sont mêlés de

 27   ça. Je ne pouvais pas rentrer dans les raisons ou dans les détails, enfin

 28   les raisons pour me faire traduire devant ce Tribunal pour m'accuser ici.

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  1   C'est ça la raison. Du côté des Musulmans, il y avait nombre de ceux qui se

  2   réjouissent infiniment. Bien sûr les Croates, ils se réjouissent quand il y

  3   a des Musulmans qui sont accusés et les Serbes. Puis les Serbes, ils se

  4   réjouissent quand c'est nous. Là, il y a eu pas mal de chose qui ont

  5   entouré tout ça, et là je n'ai pas fait ça.

  6   Mais au nom de Dieu, le dernier jour comme nous l'avons vu, ça a duré

  7   pendant des mois et jamais, quand j'ai assuré ce soi-disant contrôle quand

  8   j'étais au front, je n'ai jamais vu des prisonniers en train de crever. Qui

  9   que ce soit qui l'a fait me l'a caché, il connaissait bien ma position,

 10   elle n'était pas d'hier.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : On va examiner maintenant le deuxième document, le P

 12   04131.

 13   Mme PINTER : [interprétation] C'est le classeur numéro 1. C'est  la liste

 14   numéro 1 dans ce classeur qui en porte l'étiquette numéro 1.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Ce n'est pas le bon document en B/C/S qu'on a à

 16   l'écran.

 17   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons peut-être

 18   créé ce malentendu. Ce document nous l'avons retiré de la notification que

 19   vous avez demandée quand vous avez demandé quelle est la liste des

 20   documents.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, pourquoi vous l'avez retiré,

 22   maintenant le document il est vrai ce n'est plus un faux document ?

 23   L'INTERPRÈTE : Quel document demande M. Praljak ?

 24   R.  Quel document ?

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Celui que --

 26   M. KOVACIC : [interprétation] Pour des raisons techniques, c'était une

 27   erreur technique, un problème de communication au sein de notre équipe.

 28   Tout simplement il y avait une erreur de numéro. On n'aurait pas dû mettre

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  1   -- inscrire ce numéro sur cette liste. Nous l'avons corrigé dès que nous

  2   nous en sommes aperçus.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.  Passons au document suivant, P 02823.

  4   Voilà. C'est un document qui est très court, qui est censé émaner de vous,

  5   mais il n'y a pas votre signature, donc on peut penser que ça a été envoyé

  6   par paquet à M. Stojic.

  7   Alors, Monsieur Praljak, pourquoi ce document du 17 juin 1993 serait un

  8   faux ?

  9   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, mais je n'aurais jamais

 10   écrit "urgent, urgent," je ne suis pas quelqu'un qui panique. Vous avez un

 11   document qui se situe à une date proche de mon départ et j'ai dit à Blaskic

 12   et aux autres, ne m'écrivez pas urgent, "urgent", "panique," "calmez le

 13   jeu," car la situation n'est pas aussi mauvaise que ça. Jamais je n'aurais

 14   écrit "urgent, urgent," c'est impossible. J'aurais écrit quand est-ce qu'on

 15   verra arriver ce char ou envoyez-le rapidement. Mais "urgent, urgent," ce

 16   n'est pas quelque chose que, moi, je ne jamais écrite; je suis certain de

 17   cela. Vous pouvez voir cela dans tous mes ordres.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous remarquez que ce document a été enregistré

 19   puisqu'il y a le tampon; il a été enregistré le 17 juin, à 8 heures 40, au

 20   quartier général.

 21   R.  Monsieur le Président, il est possible, je ne vais pas me lancer dans

 22   des conjectures : qu'est-ce qui se serait passé s'il y avait eu ceci ou

 23   cela ? Si j'avais dit à Siljeg si j'étais là, je ne sais pas exactement non

 24   plus ce qui se passe à telle ou telle date exactement. Est-ce que j'ai

 25   demandé à Siljeg que se passe-t-il, qu'en est-il de ce char et que lui a

 26   rédige après. Mais ce n'est pas mon style, je ne suis pas l'auteur de ce

 27   texte. Ces changements, au niveau des mots, c'est ce qu'on trouve ailleurs

 28   aussi. Ce n'est pas la seule fois qu'on comprenne mal et qu'après on adapte

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  1   à son propre style, à sa manière de communiquer, mais là, ce n'est pas ma

  2   manière de communiquer. Ça, j'en suis certain. Quant à savoir, je ne peux

  3   pas vous en dire beaucoup plus. Je n'ai pas l'idée de ce que c'était, quel

  4   char.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Quel aurait été l'intérêt de faire ce faux document,

  6   pour aider qui, pour faciliter qui, pour masquer quoi ? Parce que bon que

  7   le char soit à Prozor ou à Rama, on ne voit pas de grand intérêt; vous ne

  8   voyez pas ?

  9   R.  Aucune raison, Monsieur le Président; tout simplement les chars doivent

 10   arriver. Si j'avais écrit cela, j'aurais dit : "Bruno, qu'en est-il de ces

 11   chars ?" Parce que de toute évidence, on a dû recevoir une communication

 12   disant qu'ils étaient en train de les préparer parce qu'il y avait tout le

 13   temps des pannes. Donc on demande - non pas à Petkovic mais à Stojic -

 14   parce que c'est lui qui a la charge de cet atelier, ce garage où on répare.

 15   Je ne suis pas hostile à la teneur de ce document. Je vous dis simplement

 16   que ce n'est pas mon style. Il n'y a aucune raison, enfin à la différence

 17   du document précédent. C'est un faux qui a été créé avec une intention. Là,

 18   c'était quelque chose de bénin, et je ne suis pas hostile à ce qu'on

 19   demande de char. Tout simplement, je dis que je ne l'aurais pas formulé

 20   ainsi.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Regardez ainsi le troisième et dernier document, le

 22   P 02280.

 23   Ce document n'a pas été admis. Mais indépendamment du fait qu'il n'a pas

 24   été admis, essayons de voir pourquoi il y aurait eu un faux. Alors c'est un

 25   document qui vient de vous, qui est adressé à Siljeg. Il y a un numéro

 26   d'enregistrement et qui détaille quelques données militaires.

 27   Alors qu'est-ce que vous dites ?

 28   R. Ce document n'a rien à voir avec moi, rien à voir. Ce n'est pas mon

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  1   style, ce n'est pas mon écriture. Ce n'est pas ma signature. Je ne sais pas

  2   de quoi il s'agit. Ce sont aussi deux écritures différentes. En haut, on a

  3   une première écriture, puis une écriture différente en bas. Vous avez vu

  4   mon écriture, nous n'avons pas besoin d'expertise graphologique pour ça. Ça

  5   n'a aucun lien.

  6   Je ne sais pas qui a signé en bas, non plus. Je ne peux rien vous

  7   dire de ce document, si ce n'est que ce n'est pas mon style, pas mon

  8   écriture et pas ma signature.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous n'avons pas de date sur le document.

 10   R.  Monsieur le Président Antonetti, Messieurs les Juges, vraiment je ne

 11   saurais rien vous dire en plus de ce que je vous ai déjà dit.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Là aussi, quelle est la manœuvre qu'on a voulu faire

 13   contre vous ?

 14   R.  Là, je ne sais pas comment vous répondre. Je ne sais pas qu'est-ce que

 15   cela signifie. Il faut détruire tout ce qu'on voit devant soi. Pourquoi il

 16   n'y a pas de date ? Je ne peux pas essayer de deviner.

 17   Avec l'autre document, je sais ce qu'on cherchait à obtenir, le document du

 18   8. On cherchait à démontrer que j'aurais fait soi-disant, fait un certain

 19   nombre de choses que je n'ai pas faites. Mais là, je ne vois ni la finalité

 20   ni le moment, rien.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, quelques questions de suivi.

 22   D'après ce que nous, les Juges, nous avons compris, c'est que les archives

 23   du HVO ont été transférées à Zagreb.

 24   Donc quand il y a des faux, les faux ont pu être faits avant le transfert

 25   ou après le transfert. Si ça a été fait avant le transfert, ça veut dire

 26   qu'il y a des participants proches des unités qui ont fait des faux

 27   documents. Mais si ça a été fait après le transfert, ça veut dire qu'il y a

 28   une opération d'une plus grande envergure, parce qu'il faut rentrer le

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  1   document dans les archives de l'Etat de la République de Croatie, donc là,

  2   c'est beaucoup plus compliqué.

  3   Je sais qu'à un moment donné vous avez travaillé, vous vous êtes occupé des

  4   archives. Est-ce que vous pouvez nous dire si d'après vous ça s'est fait

  5   avant le transfert ou après le transfert ?

  6   R.  Monsieur le Président, ce dont dispose la République de Croatie ce

  7   n'est pas une archive. Vous appelez cela archive mais malheureusement ce

  8   n'est pas une archive.

  9   Les documents du HVO ont été laissés en souffrance pendant de longues

 10   années, après la guerre, quelque part en Herzégovine, à Grude, à Ljubuski,

 11   hors de tout contrôle, premièrement. Ensuite ces documents ont été emmenés

 12   me semble-t-il à Split. Là encore, personne n'exerçait de contrôle.

 13   Quelqu'un les a chargés à bord d'un camion et les a remis aux archives

 14   nationales croates, qui les a réceptionnés et s'est contenté de donner un

 15   coup de tampon sur ces documents pour indiquer qu'ils avaient été

 16   réceptionnés.

 17   Deuxièmement, tout un chacun mais véritablement tout un chacun et vous

 18   pouvez le vérifier même, Messieurs les Juges, aujourd'hui, vous pouvez

 19   demander à quelqu'un qui appartient au bureau du Procureur de trouver

 20   quelqu'un se trouvant à Zagreb de créer un jeu de documents qu'il va

 21   confectionner à son gré et qu'il va ensuite emmener aux archives nationales

 22   croates, en disant : "Voilà, ce sont des documents que j'avais chez moi."

 23   Ces documents vont être réceptionnés recevoir ce coup de tampon, et le

 24   lendemain même, vous pouvez vous rendre à ces mêmes archives nationales

 25   prendre ces documents et déclarer que vous les avez reçus de la part des

 26   archives croates. C'est ainsi que les documents sont apparus là-bas, ont

 27   été créés.

 28   Ce sont des faits. Les gens se rendaient là-bas à titre privé pour déposer

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  1   des documents. C'est pourquoi nous avons sollicité l'avis du directeur

  2   d'alors des archives nationales croates afin qu'il nous écrive noir sur

  3   blanc exactement comment il s'est procuré ces documents. Il ne s'agit pas

  4   de documents d'archives, mais de documents qui ont été réceptionnés par les

  5   archives de la part de sujets,alors même qu'entre-temps tout un chacun

  6   avait la possibilité d'introduire dans ses archives d'en retirer ce qu'ils

  7   voulaient, d'insérer ou de modifier ce qu'ils souhaitaient. C'est un fait

  8   notoire.

  9   Tous les autres co-accusés dans ce procès le savent, et je crois que

 10   c'est M. Kolanovic. C'est son nom, nous avons sa déclaration qui nous dit,

 11   la façon dont il réceptionnait des documents pour lesquels on affirme ici

 12   qu'ils émanent d'archives et que ce sont des documents des archives de la

 13   République de Croatie.

 14   Ce sont des papiers, des documents qui se trouvent dans le bâtiment

 15   des archives mais ce n'est pas du matériau d'archives.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, vous nous avez indiqué pour quelles

 17   raisons il y avait des faux documents. Mais on n'a aucun élément nous

 18   permettant d'identifier les auteurs des falsifications.

 19   Alors, Général Praljak, maintenant nous allons aborder les problèmes

 20   constitutionnels. Mon plan de travail est le suivant : on va d'abord

 21   regarder la constitution de l'ex-Yougoslavie, après quoi nous regarderons

 22   la constitution de la République de Croatie puis la constitution de la

 23   République de Bosnie-Herzégovine, et on terminera par la constitution de la

 24   Communauté croate.

 25   Alors la constitution de l'ex-Yougoslavie c'est 1D 02976, mais je

 26   n'aurais besoin que de la page 1D 60-0579.

 27   Voilà. C'est donc les principes de base. Alors, si on pouvait l'avoir

 28   en B/C/S.

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  1   R.  Nous attendons cela, Messieurs les Juges, je vous prie, que l'on confie

  2   le document précédent à n'importe lequel graphologue accompagné d'un

  3   échantillon de ma propre écriture, afin que l'on établisse ce que l'on voit

  4   que cela n'a aucun lien avec -- que je n'ai aucun lien avec ce document.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Général Praljak, dans l'introduction

  6   dans cette constitution, il est indiqué qu'il y a un droit pour chaque

  7   nation à la "self-détermination," incluant le droit à une sécession. Donc

  8   il semblerait que, dans la constitution qui régissait à l'époque toutes les

  9   républiques, il était reconnu qu'il pouvait y avoir une autodétermination

 10   qui pouvait débouter également sur une séparation, une sécession.

 11   Alors ce principe constitutionnel yougoslave, était-il bien compris,

 12   accepté par tout le monde ?

 13   R.  Non, Monsieur le Président, Monsieur les Juges, ce n'était pas accepté

 14   par tous. Ce principe est un principe fondamental du Leninisme, à savoir

 15   que les peuples -- c'est la doctrine même de Lenin, tous les peuples ont le

 16   droit à l'autodétermination, et ce, jusqu'au droit à la sécession à l'égard

 17   des autres peuples. Etant donné que ce principe Leninist [phon] était

 18   équivalent à un dogme pour les communistes. Il a été inclus dans la

 19   constitution de la RSFY et il a été confirmé lors de la session de l'AVNOJ.

 20   Il faut bien avoir à l'esprit qu'on est dans les conditions de la

 21   Seconde Guerre mondiale et même les partisans étaient divisés. Il y avait

 22   l'état-major des partisans de Croatie, des partisans de Serbie, l'état-

 23   major des partisans du Kosovo-Metohija. Parallèlement, les communistes

 24   étaient persuadés qu'ils avaient résolu la question nationale en adoptant

 25   une nouvelle forme d'organisation de la société et que la réalisation de ce

 26   droit n'interviendrait jamais, ils ne l'ont pas supprimé. Mais ils

 27   pensaient que jamais personne ne chercheraient à le réaliser, à part ce qui

 28   concerne la doctrine Brezhnev et la question de la souveraineté limitée,

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  1   qui a été introduite après que l'Union soviétique a attaqué la

  2   Tchécoslovaquie, mais cela ne concernait pas la Yougoslavie.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Ouvraient-ils de votre point de vue

  4   l'indépendance de la République de Croatie vis-à-vis de l'Etat fédéral

  5   l'indépendance de la République de Bosnie-Herzégovine vis-à-vis de l'Etat

  6   fédéral; est-ce qu'il y avait là un chemin permettant l'accession à

  7   l'indépendance et à la reconnaissance de républiques même si le principal

  8   était un principal Leninist ?

  9   R.  Absolument, c'était un droit qui existait. Plus loin - non seulement

 10   dans ces premières phrase mais également plus loin dans cette même sous

 11   section, ce même point numéro 1 - on parle de cela, on parle des droits

 12   souverains, je cite, vers la fin :

 13   "Le peuple des travailleurs, et les peuples et nationalités, réalisent et

 14   jouissent de leurs droits souverains au sein des républiques socialistes et

 15   au sein des régions socialistes autonomes en accord avec leurs droits

 16   constitutionnels."

 17   Je continue plus loin :

 18   "Au sein de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, également

 19   lorsque cela se trouve être dans l'intérêt commun établit par la présente

 20   constitution."

 21   En d'autres termes, la Fédération est l'incarnation d'un intérêt commun qui

 22   peut exister mais qui peut aussi ne pas exister. Moi, j'ai encore entouré

 23   un certain nombre de points, mais --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ceci est intéressant mais on va progresser

 25   comme dit Me Karnavas, "step-by-step."

 26   On va passer à l'article 57 dont la page est 1D 60-0639.

 27   Voilà dans la version anglaise, ça commence par : "Self-managing."

 28   R.  Oui, je l'ai trouvé, Monsieur le Juge.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la constitution de l'ex-Yougoslavie, on a

  2   l'impression qu'étaient prévus des communautés d'intérêt où des gens

  3   pouvaient en quelque sorte s'associer. Alors qu'est-ce que vous en pensez ?

  4   Etait-ce cet article, qui pouvait un jour préfigurer une association

  5   d'intérêts croates en République de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que, là, il

  6   n'y avait pas au travers de cet article l'invitation aux gens a s'autogérer

  7   eux-mêmes ?

  8   R.  C'est exact. La communauté autogérée de l'échelon le plus bas,

  9   territorialement parlant, était la communauté locale. Par exemple, à

 10   Zagreb, moi, j'étais dans une telle communauté locale qui ne représentait

 11   que deux rues et nous étions une communauté locale organisée. Nous avions

 12   des droits et des devoirs à la fois, nous pouvions nous associer avec une

 13   communauté autogestionnaire d'intérêt d'une rue voisine par exemple. C'est

 14   ce que nous avons fait à une occasion pour résoudre la question d'un

 15   ruisseau qui nous départageait.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre

 17   permission et dans la mesure où cet article précis vous intéresse si nous

 18   pouvons peut-être juste abréger cet article a trait au SIZ dans l'original,

 19   qui est l'abrégé de Samuprovna interesna zaenica [phon], donc Communauté

 20   autogestionnaire d'intérêt, et je pense que le général va pouvoir nous dire

 21   de quoi il s'agit.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, c'est quelque chose

 23   d'extrêmement complexe et je crains que malgré -- c'est une théorie du

 24   socialisme autogestionnaire qui a été formulée par Kardelj et Suvar qu'on

 25   pourrait résumer ainsi. Vous voyez, par exemple, le costume que je porte,

 26   il se compose celui qui fabrique le tissu, il se compose du fil, des

 27   boutons, de la doublure, et cetera, et tout cela est fabriqué par

 28   différentes personnes. A la fin ce que l'on vend c'est un costume, et tous

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  1   ces différents fabricants et producteurs vont s'associer au sein d'une

  2   communauté autogestionnaire d'intérêt, qui a tous l'intérêt, que soit

  3   produit ce costume. Alors maintenant à qui revient, combien d'argent,

  4   combien va recevoir d'argent celui qui a produit les boutons --

  5   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. En dépit de

  6   l'invitation faite par le conseil pour que le général en fait examine cette

  7   voie, je pense que ceci ne répond pas à la question posée par le Président,

  8   et ceci est déduit de pertinence.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, ce qui m'intéressait dans cet

 10   article 57, c'est l'état d'esprit de cet article qui semble dans l'ex-

 11   Yougoslavie inciter les gens à s'associer quand ils ont des communautés

 12   d'intérêts, et donc ça peut être des associations diverses. Vous nous avez

 13   parlé du fait que dans votre rue, il y avait des associations avec une

 14   autre rue. Là, vous donnez un exemple assez compliqué concernant un costume

 15   qui peut être fait de plusieurs parties.

 16   Moi, l'intérêt que je vois et j'aimerais que vous me donniez votre point de

 17   vue, c'est que dans les gènes, dans la mentalité des habitants de l'ex-

 18   Yougoslavie, quel qu'ils soient, Croates, Serbes, ou Musulmans, il y avait

 19   des gens filigrane le fait qu'ils avaient dans le mens rea dans leur état

 20   d'esprit la possibilité qu'un jour ils pourraient s'associer non pas au

 21   sein d'un Etat global mais dans des communautés d'intérêts spécifiques

 22   comme l'ont fait les Croates. C'est cette espèce de filiation que j'essaie

 23   de vérifier et donc je voulais vous demander, Général Praljak : est-ce que

 24   cet article ne pouvait pas préfigurer ce que les Croates entre eux allaient

 25   faire plus tard à Mostar, Livno, Ravno, et cetera ?

 26   R.  Non seulement c'était possible mais cela était encouragé, Messieurs les

 27   Juges. C'était encouragé sur différentes bases et ce n'est pas pour rien

 28   que l'on parvient par exemple à un produit comme ce costume. On voulait

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  1   éviter l'économie de marché et on disait aux gens et bien associez-vous

  2   même sur des bases territoriales. Par exemple, les SIZ, les S-I-Z, dans le

  3   domaine de la culture, du cinéma, et cetera. Je suis très bien au courant

  4   de tout cela. Je connais parfaitement.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : On va regarder l'article 59 qui est à la page 1D 60-

  6   0640. Tout ça m'a pris énormément de temps mais alors je redis. Oui,

  7   attendez mon collègue va vous poser une question.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Aussi longtemps que nous l'avons

  9   encore à l'écran, ce qui serait intéressé au dernière alinéa du paragraphe

 10   56 qui en fait parle de communautés qui s'autogérent, de communautés de

 11   nature territoriale, et si on lit le fait que de telles communautés peuvent

 12   être constituées pour une région plus vaste que le territoire d'une

 13   commune, ces communautés pourraient être constituées des territoires de

 14   plusieurs communes faisant partie de cette communauté d'intérêt qui

 15   s'autogére, on pourrait parvenir à la conclusion que c'est exactement ce

 16   qu'était l'Herceg-Bosna, la HB, c'est-à-dire qu'Herceg-Bosna était

 17   constitutive de la République socialiste fédérale de la Yougoslavie ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exactement tel que vous l'avez formulé,

 19   Monsieur le Juge Trechsel. Non seulement on pouvait faire cela mais on

 20   demandait qu'il y ait association sur différentes bases afin que

 21   l'administration soit plus efficace, que l'on résolve plus efficacement les

 22   problèmes qui se présentent, que l'on produise plus efficacement des

 23   costumes par exemple. Toutes ces entités, les communautés locales, les

 24   municipalités et ainsi de suite, on pouvait -- les municipalités pouvaient

 25   s'associer sur toutes questions par exemple la production du tabac, du vin,

 26   les compétitions sportives et ainsi de suite.

 27   C'était  permis. L'association, sur toutes les bases possibles, était

 28   permise, associations de communautés locales, de municipalités --

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le même écho, on va regarder l'article 59.

  2   C'est 1D 60-0640.

  3   Alors, Monsieur Praljak, on a l'impression, en regardant cet article 59,

  4   que donc ces communautés d'intérêt peuvent se constituer mais ça dépend

  5   d'une assemblée politico sociale qui doit sous certaines conditions de

  6   procédure mettre en place des règles, trouver des solutions, et cetera.

  7   Est-ce donc quelqu'un ne pouvait pas du jour au lendemain décider : je vais

  8   créer une communauté ? Il fallait que ça obéisse à une règle, une

  9   procédure; est-ce exact ou pas ?

 10   R.  C'est exact. Ils enverraient des délégués qui formeraient une

 11   assemblée, assemblée qui devait adopter un statut régissant ces activités

 12   et précisant le but recherché puis enregistré cela auprès de la Ligue

 13   socialiste.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : On va, on va arrêter parce que j'ai un autre article

 15   et ça risque de prendre du temps. On verra demain l'article 114 et je vais

 16   donner déjà à Monsieur le Greffier le numéro de la page comme ça il nous

 17   mettra la page dès demain. C'est la 1D 60-0673. Voilà comme ça on

 18   commencera demain après-midi. Donc j'aurai encore quelques articles de la

 19   constitution et puis le reste ira assez vite. Mais la constitution

 20   yougoslave qui est un véritable monument. J'en ai extrait que quelques

 21   articles significatifs. On aurait pu y passer des heures mais j'essaie de

 22   prendre ce qui est intéressant par rapport à l'objet de nos préoccupations.

 23   Voilà. Donc il est quasiment 19 heures. Je souhaite à tout le monde une

 24   bonne fin de soirée. Je vous invite à faire des lectures constitutionnelles

 25   cette nuit et nous aurons l'occasion donc d'évoquer cela demain.

 26   Merci.

 27   --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le mercredi 17 juin

 28   2009, à 14 heures 15.