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1 Le jeudi 16 juillet 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [L'accusé Coric est absent]
5 [Le témoin vient à la barre]
6 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
8 l'affaire, s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, et toutes
10 les personnes présentes dans le prétoire.
11 Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.
12 Merci, Messieurs les Juges.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
14 En ce jeudi 16 juillet 2009, je salue en premier M. Praljak, je salue M.
15 Pusic, M. Petkovic, M. Stojic et M. Prlic, et bien entendu, j'associe
16 également, dans mes salutations, M. Coric. Je salue Mmes et MM. les
17 avocats, et je salue principalement Me Stewart. Je salue M. Stringer ainsi
18 que sa collaboratrice et toutes les personnes qui nous assistent.
19 Comme vous le savez, c'est le dernier jour de nos audiences avant la
20 reprise qu'interviendra le 17 août. J'en profite pour souhaiter à tout le
21 monde donc un repos bien mérité car à la rentrée, nous aurons énormément de
22 travail comme d'habitude.
23 Mais nous commençons à voir le bout du tunnel dans la mesure où nous
24 sommes maintenant dans la ligne droite puisque après l'audition de M.
25 Praljak et de ses témoins, il y aura donc les témoins de M. Petkovic, de M.
26 Coric et de M. Pusic. Donc nous entrons donc maintenant dans la partie
27 finale des audiences.
28 Pendant ces quelques temps, ça va permettre, comme je l'ai dit aux
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1 uns et aux autres, de se reposer et de bien se préparer pour la reprise.
2 J'ai, bien entendu, une pensée pour les accusés également dont une majorité
3 iront profiter de quelque repos auprès de leurs familles pour d'autres
4 raisons particulières. Je regrette que certains ne pourront également
5 bénéficier de cela. Comme vous le savez, la Chambre, sous le fondement de
6 l'article 65 du Règlement, a accordé des mises en liberté et la Chambre
7 d'appel a eu une appréciation différente pour certains cas. Donc je n'ai
8 pas à commenter les décisions qui ont été rendues, mais en ce qui concerne
9 les quatre Juges qui sont devant vous, ils étaient, eux, tous favorables à
10 ce que les accusés puissent avoir quelques contacts avec leurs familles
11 pendant ces brèves semaines qui nous séparent de la reprise de nos travaux.
12 Je souhaite donc à tout le monde comme je viens de le dire un repos bien
13 mérité afin que nous reprenions au mieux les audiences dans un bon état
14 d'esprit bien reposé car, comme vous le savez, c'est extrêmement fatiguant
15 et il y a des nécessités de faire des breaks de temps à autre -- ou temps.
16 J'ai cru comprendre que Me Stewart voulait avoir la parole. Je lui donne la
17 parole s'il veut la prendre.
18 M. STEWART : [interprétation] Oui, très brièvement, Messieurs les Juges. Je
19 ne sais pas très bien ce que j'ai fait pour mériter un accueil particulier
20 que j'apprécie, bien sûr.
21 Je parle en mon nom et au nom de Me Khan. Nous avons vu vos
22 ordonnances, Messieurs les Juges, hier sur les questions du conseil
23 disciplinaire, du conseil de la Défense, de l'association de la Défense; Me
24 Khan et moi-même nous sommes membres de cette association. Je souhaite vous
25 rassurer parce que, quelques jours avant l'ordonnance, nous avions déjà vu
26 que nous ne devions pas y prendre part, donc nous n'avons absolument pas
27 pris part à des échanges sur le bien-fondé de cette question. Donc je pense
28 que ce n'est pas une mauvaise chose donc nous nous sommes conformés à votre
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1 ordonnance qui n'est jamais une mauvaise chose.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Stewart.
3 Voilà. Tout ayant été dit, je vais redonner maintenant la parole à M.
4 Stringer qui va poursuivre le contre-interrogatoire à partir du classeur
5 numéro 3.
6 M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à
7 tous, Messieurs les Juges, toutes les personnes présentes dans le prétoire
8 --
9 LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 Contre-interrogatoire par M. Stringer : [Suite]
12 Q. [interprétation] -- et vous, Général.
13 R. Bonjour, Monsieur.
14 Q. Je suppose, Général, que vous avez toujours le compte rendu
15 présidentiel que nous avons abordé hier à la fin, le P00089. Lorsque nous
16 avons terminé l'audience d'hier, nous étions à la page 17. Si je puis
17 m'exprimer ainsi, nous étions en train d'évoquer le sens de certaines
18 phrases et certains termes qui figuraient dans ce document. Moi, je me
19 posais la question hier soir comment traiter ce problème sans ouvrir la
20 boîte de pandore, à savoir le "territoire" contre --
21 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
22 M. STRINGER : [interprétation] On m'a demandé de répéter la phrase.
23 Q. Hier soir, je pensais à la façon dont nous pouvions aborder ce problème
24 sans encore une fois ouvrir la boîte de pandore. Cette question de
25 "podrucje" contre "territoire." Général, vous avez entendu beaucoup de
26 déclarations et de témoignages sur cette question. Zoran Buntic est un des
27 témoins que nous avons évoqués beaucoup ici. Je vais essayer maintenant
28 d'aborder cette question-ci sous un angle différent afin d'éviter des
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1 arguments ou des débats sur ce que signifie "podrucje" ou ce que signifie
2 "territoire." Donc je vais voir si nous pouvons aborder ceci sous un autre
3 angle.
4 En réalité, je vais commencer par utiliser un terme sur lequel nous pouvons
5 travailler tous les deux. Si nous admettons que nous ne sommes pas d'accord
6 sur les objectifs à terme.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous me permettez un commentaire,
8 le terme dans l'original n'est pas "podrucje," mais c'est "prostorno," donc
9 simplement pour les besoins du compte rendu de façon à ce que ceci ne
10 soulève pas un problème plus tard.
11 M. STEWART : [interprétation] Il est vrai et il me semblait que nous étions
12 en train de nous dire que j'ai versé ce bol là hier, de toute façon, mais
13 il me semblait que quelque chose qui est peut-être un peu plus neutre avec
14 lequel nous pourrions travailler tout en étant pas d'accord. C'est le terme
15 anglais "espace" qui est en réalité un terme que nous retrouvons dans la
16 traduction et que nous avons entendu dans la traduction française sous la
17 forme du mot "espace."
18 Q. Donc je vais vous suggérer cette idée-la, c'est un terme que je vais
19 utiliser, me semble-t-il, pour éviter un débat difficile sur le terme de
20 territoire.
21 Hier, lorsque nous avons terminé l'audience, nous avons donc regardé ce
22 paragraphe qui, à la déclaration de Mate Boban où il évoque certains
23 événements ou conditions si elles devaient être réalisées, pouvait aboutir
24 à la programmation de l'indépendance du territoire croate. La première
25 question que j'ai à vous poser, Général, c'est celle-ci et sans pour autant
26 entrer dans les débats de ce qui aurait pu être à l'origine d'une telle
27 proclamation, quelles sont les conditions qui prévalaient avant que cela
28 n'arrive. Donc quelles étaient ces conditions, si ces conditions avaient
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1 été réalisées, s'il y avait eu proclamation de territoire croate
2 indépendant comme le dit Boban, quel territoire ou espace ceci aurait-il
3 représenté ? Est-ce que ceci aurait été le territoire ou l'espace de la
4 Communauté croate d'Herceg-Bosna ?
5 R. On ne peut pas parler de cette espace de cette Communauté croate
6 d'Herceg-Bosna parce qu'il y a une raison simple à cela. Cette espace
7 d'Herceg-Bosna croate était composée de toute une série mais et je peux me
8 servir de mots croates pour vous expliquer le contexte mais à chaque fois
9 qu'il y avait un peu de Croates en Bosnie centrale autour d'Uscura et
10 ailleurs, ils sont devenus l'être politique même de l'Herceg-Bosna et ils
11 se sont voués à la défense, donc on ne peut faire de la sorte.
12 Q. Il me semble, Général, que ce concept d'acceptation ne concorde pas
13 avec les termes utilisés par Boban. Si vous voulez parler de poche de
14 Croates éparpillés en Bosnie-Herzégovine en réalité de telle poche ne
15 pouvait pas faire partie de l'Unité croate, n'est-ce pas ?
16 R. Si vous parlez dans des cas hypothétiques, comme vous l'avez indiqué,
17 et toute cette hypothèse des poches de ce genre, dans le cadre de votre
18 hypothèse, et je ne voudrais pas que l'on parle de réalité d'annexion à la
19 Croatie, et quand bien même il y aurait eu cela, ces poches n'auraient pas
20 pu être annexées à la Croatie. Si, je répète bien, "si," mais sans la
21 communauté internationale, une fois de plus, je ne pense pas que cela ait
22 pu être possible.
23 Q. Mate Boban poursuit dans ce document, en disant :
24 "C'est il y a où s'il devient membre, ceci ne se passerait qu'au
25 moment où les dirigeants croates dans lequel notre peuple jusqu'à présent a
26 placé toute sa confiance décidera du moment opportun."
27 Vous avez évoqué le fait qu'au niveau de la constitution croate -- au terme
28 de la constitution croate le président Tudjman était, en réalité, président
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1 de tous les Croates, quel que soit leur lieu de résidence, ce qui se passe
2 ici, en fait, il fait une déclaration, et c'est Boban qui reconnaît, qu'en
3 réalité, c'est le président Tudjman et la politique du président Tudjman et
4 les décisions du président Tudjman qui seront ceux qui permettront
5 d'orienter et de régir Boban et les Croates en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce
6 pas ?
7 R. Non, Monsieur Stringer. Dans la constitution croate, il n'est dit nulle
8 part que le président Tudjman est le président de tous les Croates. Cela
9 n'est d'ailleurs pas possible. Le parti du HDZ, qui a été créé dans
10 différentes parties du monde, disait que le président Tudjman était leur
11 président pour ce qui est de la création de l'Etat croate, et en terme
12 simple la problématique ne serait être comprise sans connaître la situation
13 dans laquelle se trouvait l'Etat croate, ou plutôt, la Yougoslavie toute
14 entière vis-à-vis de la communauté internationale qui a modifié sa
15 politique à l'égard de la Yougoslavie d'un mois à l'autre, pour ne pas dire
16 d'un jour à l'autre.
17 Q. Merci. Je souhaite passer maintenant à la page 19 de ce document. Là,
18 Ignjac Kostroman prend la parole, et je vais sauter quelque page, je ne
19 vais pas tout lire, mais ce qu'il fait, et bien, il lit le procès-verbal
20 d'une réunion qui s'est tenue le 23 décembre 1991, à savoir quatre jours
21 avant cette réunion-ci, et il lit le procès-verbal de la réunion de la
22 présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, il s'agissait d'une
23 réunion élargie qui comprenait les membres du Parti HDZ de Bosnie-
24 Herzégovine.
25 Tout d'abord, Général Praljak, vous savez qu'Ignjac Kostroman agissait
26 comme -- ou jouait le rôle de secrétaire, je crois, secrétaire dans la
27 Communauté croate d'Herceg-Bosna, secrétaire administrative de l'Union
28 démocratique croate. Vous connaissiez Ignjac Kostroman, je crois, et un an
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1 environ après, vous étiez avec lui à ce rassemblement politique à Zenica,
2 lorsque vous nous avez montré la séquence vidéo et que vous étiez avec ces
3 soldats qui étaient en train de fumer ?
4 R. J'ai fait sa connaissance, mais ce n'est pas quelqu'un que j'ai
5 véritablement connu. On s'est rencontre brièvement, deux ou plus trois
6 fois, je ne pense quand même pas qu'il ait eu trois fois pendant toute la
7 période en question. Donc j'ai fait sa connaissance, mais ce n'est pas
8 quelqu'un que je connaissais.
9 Q. Au point 2 à la page 21, Kostroman lit un extrait de procès-verbal de
10 la présidence du HZ HB, et ils informent le président Tudjman de ces
11 conclusions. Au point 2, il dit que :
12 "La Communauté croate d'Herceg-Bosna a encore une fois confirmé le désir de
13 l'ensemble du peuple croate d'Herceg-Bosna exprimé le 18 novembre 1991 à
14 Grude, en prenant la décision historique d'établir la Communauté croate
15 d'Herceg-Bosna, qui sert de fondement juridique pour l'entrée de ces
16 territoires à la République de Croatie."
17 Encore une fois, sans aborder le débat sur le terme de "territoire" et
18 "l'espace," c'est le sens qu'il a dans ce texte. Le fait est, Général,
19 n'est-ce pas, ce que voulaient les gens du HZ HB, c'est ceux qui ont été
20 signataires de ce procès-verbal, la définition de l'espace croate en
21 Bosnie-Herzégovine qui servirait alors de fondement juridique à l'accession
22 de la République de Croatie -- délimitation de l'espace croate; c'est bien
23 ce texte, n'est-ce pas ?
24 R. Ici il est question de ceci. Il nous dit qu'il présente un fondement
25 juridique, fondement juridique, une possibilité. C'est au conditionnel,
26 étant donné que les Serbes ont déjà démantelé la Bosnie-Herzégovine et que
27 personne n'ignore ce qu'il va advenir. Donc c'est une période où l'on se
28 penche sur des options et à chaque fois on dit si ceci alors cela, et si
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1 autre chose alors ce sera tout à fait autre chose. Bon, ce sont des
2 conversations politiques sur le sujet de la destiné du peuple, qu'on ignore
3 parce que tous les éléments-clés, tous les fils sont tirés par les Serbes
4 du fait de leur agression éhontées, et d'autre part la communauté
5 internationale qui s'adapte à la chose.
6 Q. Alors il n'a pas encore pris la parole, je crois, mais Stjepan Kljujic,
7 qui à l'époque était président du HDZ en Bosnie-Herzégovine, il assiste à
8 cette réunion. Au point 8 à la page 23, c'est une référence directe à lui.
9 Encore une fois, au point 8 c'est Kostroman qui lit le procès-verbal, il
10 exprime la désapprobation ou critique de Stjepan Kljujic. Il dit :
11 "Kljujic, le président du HDZ, ne dispose pas de la légitimité eu égard aux
12 organes du HDZ pour agir indépendamment tant que représentant d'un Etat ou
13 des négociations entre les parties qui sont essentielles dans l'intérêt des
14 Croates, encore une fois il n'a pas ce droit."
15 Nous allons évoquer ceci encore, mais ce que l'on évoque à cette réunion
16 c'est le début et la fin de Stjepan Kljujic et le début en fait et de
17 quelque chose qui commence pour Mate Boban et les personnes qui
18 partageaient ce point de vue. Est-ce que vous conviendrez avec moi que
19 Kljujic en fait allait quitter la scène politique étant donné qu'il n'avait
20 pas l'appui de ceux qui étaient membres de la présidence d'Herceg-Bosna ?
21 R. Stjepan Kljujic est membre, non, ce n'est pas ce qu'on pourrait dire.
22 On ne limite pas les activités de Stjepan Kljujic. On dit qu'il ne peut pas
23 le faire de façon autonome, et d'après ce que j'ai pu apprendre Stjepan
24 Kljujic avait commencé à conduire une politique qui était la sienne et la
25 promulguer en politique du parti, et des gens s'étaient plaints pour ce qui
26 est de ces discours publics et de ses opinions. Ils ont estimé qu'il
27 fallait débattre de la chose avec les gens dont leur destinée est en jeu.
28 Stjepan Kljujic ne l'a pas fait. Donc ils l'ont privé d'une présentation ou
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1 d'une comparution autonome.
2 Q. Pardonnez-moi. Bien, nous allons y revenir. Donc ce qui s'est passé
3 après cette réunion, dans les semaines qui ont suivi, c'est que Kljujic a
4 donné sa démission ou est parti. Il a été suivi pendant un court laps de
5 temps par Brkic, et ensuite à terme, il a été remplacé par Mate Boban, qui
6 non seulement était le président pour l'Herceg-Bosna, mais il était
7 également président du Parti HDZ en Bosnie-Herzégovine; est-ce que vous
8 êtes d'accord avec moi, en tout cas, sur la chronologie des événements ?
9 R. Je suis d'accord en bonne partie, mais Mate Boban n'est pas venu à la
10 place de Kljujic est venue remplacer le président du HDZ précédent, c'était
11 tout à fait correct sur le plan politique. C'est le parti qui élit son
12 président de façon démocratique. C'est de façon démocratique que les
13 candidatures se font, et je ne vois pas en quoi il faudrait qu'il y ait une
14 contestation et notamment sur le plan juridique. Kljujic a lui aussi
15 remplacé un président du parti qui était là avant lui, et rien n'est arrivé
16 de particulier.
17 Q. Bien. A la page 29 de ce procès-verbal, nous voyons que le président
18 Tudjman prend la parole. En réalité, c'est à la page 27, il commence en
19 disant :
20 "Bien, Messieurs, je n'étais pas au courant de ces conclusions, mais je
21 savais qu'il y avait des différends entre vous, également, eu égard à la
22 stratégie et la politique croate en Bosnie-Herzégovine."
23 Conviendrez-vous avec moi, Général, que ce à quoi il fait référence ici ce
24 sont des différends entre les gens de Boban d'un côté et les gens de
25 Kljujic d'un autre côté ?
26 R. Non, la divergence était nettement plus grande.
27 Q. Bien. A la page 29, le président Tudjman prend la parole et il dit :
28 "De surcroît si la Bosnie-Herzégovine devait rester entière, quelles sont
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1 les perspectives pour la Croatie alors ? Messieurs, lorsque la Croatie est
2 devenue membre de l'état yougoslave conjoint, les Croates représentaient 24
3 % de la population, maintenant ils représentent un simple 17 %. Il est
4 clair que maintenant qu'un état souverain et indépendant a été créé. Tout
5 Croate continuera à émigrer comme il l'a fait par le passé, quittera la
6 Bosnie-Herzégovine. Ils vont maintenant se précipiter en Croatie en plus
7 grand nombre encore, de sorte que ces zones croates resteront une
8 population qui diminuera de jour en jour, et les caractéristiques croates
9 disparaîtront petit à petit de cette région."
10 Je vais poursuivre.
11 Ce qu'il évoque ici, cela étant dit au tout début du texte, et que se
12 passera-t-il si la Bosnie-Herzégovine devait rester entière ? Il poursuit à
13 la page 30, je cite :
14 "Dans les circonstances actuelles, Messieurs, du point de vue croate, en
15 général, une délimitation des frontières nous arrange mieux d'un point de
16 vue purement croate et du point de vue de la population croate en Bosnie-
17 Herzégovine. Ce n'est pas la première fois que nous avons abordé ce thème
18 en ce sens-là, avec les personnes présentes. Pour des raisons tactiques,
19 nous n'avons pas abordé cette question parce que nous ne souhaitions pas
20 être ceux qui soulevaient le problème. La question des frontières lors de
21 la Conférence de rédaction à La Haye sur la Yougoslavie et dans le monde en
22 général, ceci nous convient, et la position a été répétée, réitérée par les
23 Etats-Unis même dans la lettre que j'ai reçue aujourd'hui par le
24 département américain. Ils s'opposent à tout changement des frontières par
25 la force. Quoi qu'il en soit, il me semble que les conditions sont bientôt
26 réalisées pour un accord politique sur la délimitation en Bosnie-
27 Herzégovine, car le monde entier s'oppose à la guerre. Ceci pourrait
28 commencer soit parce que l'armée est en Bosnie où les Serbes
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1 commenceraient. Nous n'allons certainement pas démarrer la guerre comme
2 nous ne l'avons pas démarrée en Croatie."
3 Donc à ce stade, le fait est que -- je vais poursuivre et ensuite nous
4 allons y revenir.
5 Nous allons donc passer à la page 31 :
6 "En d'autres termes, la survie, la souveraineté de la Bosnie dans les
7 circonstances actuelles, du point de vue croate, est telle que non
8 seulement nous n'avons pas besoin de le prôner, nous ne devons même pas
9 soulever la question ouvertement. Quoi qu'il en soit, pourquoi ne pas
10 accepter cette proposition de délimitation alors que c'est dans l'intérêt
11 du peuple croate, les Croates ici dans cette République et les Croates en
12 Bosnie-Herzégovine ? Parce que, moi, je ne vois pas une seule raison
13 sérieuse contre cette proposition. De surcroît, avec les pourparlers que
14 j'ai menés moi-même, Izetbegovic et Milosevic, en plus nous avons une
15 personne qui est de chez nous en Bosnie, a rédigé une proposition de
16 délimitation en vertu de laquelle les zones croates et celles que vous avez
17 comprises dans cette Communauté croate d'Herceg-Bosna, et la Communauté
18 croate de Posavina dans le cas où il y aurait une telle délimitation, la
19 Croatie n'obtiendrait non seulement ces deux communautés mais pour des
20 raisons géopolitiques, la poche de Bihac, la Krajina et Cazinska, ce qui
21 répond aux intérêts nationaux de la Croatie; non seulement pour le présent
22 mais pour l'avenir, et les régions qui restent…"
23 Il poursuit sa déclaration.
24 Général, lorsque le président Tudjman évoque ici la délimitation des
25 frontières, comme quelque chose qui "nous convient mieux du point de vue
26 croate;" est-ce que nous pouvons nous mettre d'accord et nous dire que nous
27 sommes d'accord là-dessus ? Nous savons que la Croatie ou la forme de la
28 Croatie en fait, le président Tudjman considérait que la forme du pays
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1 n'était pas normale. Il considérait que les frontières étaient absurdes.
2 Donc le terme qui est utilisé ici et dans les autres documents, si nous
3 regardons ce document. En fait il a raison lorsqu'il parle de la
4 délimitation des frontières, et bien que ceci serait en faveur de la
5 Croatie ou dans l'intérêt de la Croatie de faire en sorte qu'il y ait des
6 changements au niveau des frontières et que même si ceci est réalisé par le
7 biais d'un accord politique ?
8 R. Ce que vous venez de dire, Monsieur le Procureur, c'est la sagesse d'un
9 homme politique qui s'exprime. Il parle de ce que les Etats-Unis et le
10 reste du monde vont offrir. Il parle d'une offre de délimitation des
11 frontières. Il dit si une telle offre venait de se prononcer, et ce qu'il
12 dit c'est que la Croatie ne va pas mener de guerre, ne va pas entrer en
13 guerre, que le monde est contre une guerre et qu'en raison de cela, on peut
14 arriver à une délimitation.
15 Si jamais on en vient là, et que cela fait l'objet d'une proposition, et
16 bien, il n'y a aucune raison pour que la Croatie ne l'accepte pas, cette
17 délimitation des frontières.
18 Cependant, la majorité de la population et c'est la population qui donne
19 naissance à l'état et non pas l'inverse. Les Français ne sont pas apparus
20 parce que la France existait, mais c'est l'inverse, les Français ont mis
21 sur pied leur propre état, même chose pour les Américains qui sont révoltés
22 contre les Anglais et qui ont mis sur pied leur état pour pouvoir vaquer à
23 leurs affaires comme ils l'entendaient.
24 Q. Dans un Etat de ce type avec des frontières différentes, des frontières
25 qui comprendraient ces régions de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et de
26 Posavina, qui sont mentionnées à la page 31, ces frontières auraient été à
27 l'avantage de la Croatie, si elles avaient pu être déterminées dans cette
28 manière, n'est-ce pas exact ?
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1 R. Là-bas, avant que la Croatie n'intègre la première, puis la seconde
2 Yougoslavie, vivait une part considérable de la population croate en
3 majorité absolue. S'il devait en être ainsi, il n'y aurait eu aucune raison
4 pour empêcher les Croates de vivre au sein d'un seul et même Etat, à
5 supposer, bien sûr, que cela soit proposé comme une solution pacifique dans
6 le cadre de la crise yougoslave, et notamment de la crise en Bosnie-
7 Herzégovine qui, comme vous le savez, s'est achevée avec les événements de
8 Srebrenica. Alors le président dit : probablement; on aurait probablement
9 ceci ou dans l'autre éventualité probablement cela. On a ici la discussion
10 interne d'un parti politique à un moment où personne n'a la moindre idée de
11 ce qui se prépare dans l'esprit des négociateurs internationaux de la
12 communauté internationale alors qu'à l'inverse, on sait ce qui se prépare
13 et ce qui est dans la tête des Serbes.
14 Q. Passons à la page 34, Monsieur le Général, et je vais revenir à un
15 passage qui a fait l'objet d'une question du Juge Antonetti. Il s'agit du
16 15 juin, il vous a posé une question en ce qui concerne le mémoire
17 préalable au procès, le paragraphe 24, et il a indiqué qu'il serait utile
18 de savoir quel était l'emplacement exact de cette citation qu'on trouvait
19 dans le mémoire préalable au procès.
20 C'est à la page 34, en haut de la page, c'est Tudjman qui parle :
21 "Il me semble qu'au moment où nous avons saisi un moment historique pour
22 établir une Croatie reconnue au niveau international et indépendante, je
23 pense que c'est le moment de saisir cette occasion pour rassembler le
24 peuple croate à l'intérieur de ses frontières les plus larges possible.
25 "Que ce soit 30 municipalités ou 28, même de ce point de vue-là, c'est
26 moins important."
27 Ce qui se passe ici, Général, c'est que le président Tudjman parle au
28 contingent du HDZ d'Herceg-Bosna ou de la Bosnie-Herzégovine. Il dit aux
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1 représentants de l'Herceg-Bosna quelle devrait être la politique, à savoir
2 d'élargir les frontières de la Croatie le plus possible afin d'inclure
3 autant de Croates que possible à l'intérieur de ces frontières ? Quand on
4 parle d'élargir ces frontières, c'est, bien sûr, à l'intérieur du
5 territoire de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que ce n'est pas la politique
6 croate qui commençait à prendre forme lors de cette réunion ?
7 R. Non. On envisage ici les différentes possibilités. Si l'occasion d'un
8 point de vue historique se présente, tout comme après 800 ans il est advenu
9 qu'on a pu mettre sur pied un Etat croate puisque jusque là c'étaient
10 toujours des puissances impériales et autres qui avaient été dominantes,
11 donc si, en accord avec les règles internationales et une proposition qui
12 serait fait on pouvait accepter cela, il n'y avait aucune raison de ne pas
13 le faire. Ici il parle de ces municipalités qui sont partie intégrante de
14 la HZ HB, et il dit que la question de savoir combien cela représentera
15 exactement de municipalités est plutôt secondaire. Ce qui importe c'est que
16 nous avons là l'une des options qui sont mises sur la table après que l'on
17 se soit retrouvés dans cette situation-là, c'est-à-dire que la Croatie a
18 été reconnue par une dizaine d'Etats, les Serbes sont en train de contrôler
19 un tiers du territoire croate. Ce que l'on attend en fait c'est de voir
20 quel sera le point de vue de la communauté internationale alors qu'il y a
21 des négociations à Split. Il y avait déjà eu près d'une quarantaine de
22 réunions entre les présidents, c'est une question cruciale dont l'examen
23 incombe à tout homme d'Etat.
24 Q. Il utilise un terme qui je pense est moins sujet à controverse que
25 "territoire" ou "podrucje" ou un autre mot. Il utilise le terme "opcina,"
26 qui en anglais est traduit par "municipalité." En fait, ce qu'il considère
27 comme étant avantageux pour les intérêts de la Croatie c'est que si les
28 frontières étaient élargies pour inclure des municipalités, pas une partie
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1 des municipalités, ou des espaces, ou des poches où habitent les Croates,
2 en fait, il parle d'un groupe de 30 ou 28 ou un nombre déterminé de
3 municipalité en Bosnie-Herzégovine. Général, est-ce que ce n'est pas la
4 seule manière d'avoir un changement qui pourrait fonctionner ou qui soit
5 réaliste, à savoir que la totalité des municipalités ou des frontières bien
6 déterminées qui constitueraient la seule manière d'avoir un changement au
7 profit des instances intéressées si cette option s'avérait disponible ?
8 R. Cela n'est écrit nulle part. Nous avons ici un discours qui aborde le
9 sujet des municipalités. Il ne s'aventure pas sur le terrain des détails.
10 Je suis en désaccord complet avec la thèse que vous avancez, car vous vous
11 appuyez sur un petit discours figurant dans un procès-verbal à partir
12 duquel vous tirez des conclusions exagérées qui ne sont pas logiques ni
13 fondées.
14 Q. Boban déclare que :
15 "Les municipalités fondatrices de la HZ HB ont une population qui, d'après
16 le recensement, est composée à 55 % de Croates, à 27 % de Musulmans, et à
17 29 % de Serbes, avec le reste donc appartenant à d'autres ethnicités.
18 "Cependant, étant donné que les municipalités de Bosnie-Herzégovine ont été
19 créées de manière similaire à celles de la Croatie, en composant des
20 populations serbes et musulmanes sur le territoire de la Croatie ou vice
21 versa, en nettoyant les zones frontalières, c'est-à-dire en pratique les
22 zones frontalières de la Herceg-Bosna, cela crée environ 65 % de la
23 population croate en Herceg-Bosna."
24 Il dit :
25 "D'après les informations que je possède, les données les plus récentes de
26 Serbie montrent qu'on est à 63 %."
27 Donc Boban déclare qu'afin d'arriver à cet espace croate il pourrait
28 élargir cet espace en faisant partir des Musulmans et des non Croates de
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1 certaines zones frontalières au sein de la HZ HB et ainsi pour s'assurer
2 qu'il y avait une majorité claire sur le territoire de la HZ HB; est-ce que
3 ce n'est pas ce qu'il dit ici ? Est-ce que ça ne deviendrait pas nécessaire
4 de déplacer certaines populations ?
5 R. Non, c'est inexact pour ce qui est de ce que nous avons là. Voilà de
6 quoi il s'agit : C'est précisément en raison de ce désir d'être dominant
7 avant cette guerre dans les années 80 que l'on a procédé à une
8 restructuration des municipalités. Il me semble que c'est Hamdija Pozderac
9 qui a été à la tête de ce processus. Ce n'est pas de nettoyage qu'il s'agit
10 là, ce n'est pas du tout cela, c'est complètement autre chose. Il parle ici
11 de la façon dont les municipalités ont été constituées pour qu'il y ait
12 partout une majorité soit serbe, soit musulmane, et en redessinant les
13 frontières des municipalités dans les zones frontalières, on peut arriver à
14 un tel résultat. Cela figure également dans d'autres textes, il n'y avait
15 absolument pas question de nettoyage de la population ou de nettoyage
16 ethnique. Pourquoi, dans ce cas-là, ne ferait-on pas cela sur l'ensemble de
17 la zone, et pour obtenir 27 % de Musulmans ? C'est inexact.
18 Q. Quoi qu'il en soit, il parle en fait d'une méthode visant à augmenter
19 la population croate pour passer de 55 à 65 % sur le territoire de la
20 Communauté croate d'Herceg-Bosna, n'est-ce pas ?
21 R. Non. On parle de restructuration des municipalités, et c'est par cette
22 restructuration de certaines parties, certains éléments particuliers des
23 municipalités qui ont été intégrés a posteriori avec des visées politiques
24 précises dans le cadre de l'ex-Yougoslavie, c'est ainsi donc que l'on
25 pourrait avoir le même nombre de Croates mais qui représenterait un
26 pourcentage pus important; et rien de plus que cela.
27 Q. Le président Tudjman poursuite en disant :
28 "Il me semble, par conséquent, qu'une politique prudente, une délimitation
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1 intelligente en accord avec les Serbes de Bosnie, pourrait être réalisée en
2 évitant la guerre, la guerre qui menace en raison de cette question qui n'a
3 pas été résolue et de l'escalade des mesures visant à constituer l'armée --
4 "
5 Ceci donc nous ramène, n'est-ce pas, Général, à la question de
6 Karadjordjevo et la déposition qui a été lue par le président Mesic,
7 lorsqu'il parlait de ce point-là, un article écrit par Muhamed Filipovic, à
8 savoir qu'un accord avec les Serbes pourraient être conclus avec une
9 délimitation qui correspondrait aux intérêts de la Croatie et qui pourrait
10 donc avoir lieu ? Tudjman pensait que ceci était possible, c'est
11 évidemment, n'est-ce pas ?
12 R. Cela nous dit précisément l'inverse de ce que vous avancez. Si sept ou
13 huit mois auparavant il était parvenu à un accord avec Milosevic concernant
14 un partage, il ne mènerait pas cette discussion. Car il demande la
15 souveraineté de la Bosnie, il insiste dessus, lisez la suite, il dit, "Nous
16 avons la partie serbe qui ne reconnaît pas cela." Il y a cette phrase
17 fondamentale :
18 "Il faut aller participer à des négociations actives aussi bien avec
19 Karadzic qu'avec Izetbegovic."
20 Le président Tudjman s'efforce de comprendre les politiques que ce soit la
21 politique serbe ou la politique internationale qui sont en présence, et de
22 trouver des solutions pour qu'il n'y ait pas de guerre, ni de mort, tout en
23 faisant valoir les droits des Croates en Bosnie-Herzégovine et les droits
24 des Croates en général. Or il a déjà mis en place un Etat qui est occupé
25 pour le tiers de son territoire. Or s'il y a un tel accord avait été conclu
26 on n'aurait pas procédé ainsi.
27 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi. Mais en page 18, ligne 12, le
28 général Praljak a dit : "Négociez de façon active avec Karadzic et
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1 Izetbegovic." Ce n'est pas ce qui est entré au compte rendu d'audience.
2 Pouvez-vous confirmer, Général ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ce qui est écrit au dernier paragraphe de
4 la page 35, c'est pourquoi il est impossible de prendre des phrases
5 isolément hors d'un discours portant sur des questions aussi complexes.
6 Bien, excusez-moi, allez-y.
7 M. STRINGER : [interprétation] Je crois que les interprètes avaient du mal
8 à vous suivre.
9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui. Je pensais que rien n'en
10 ressortirait, mais je crois que ça a fonctionné finalement. Monsieur
11 Praljak, je voudrais revenir au discours de M. Boban. Dans la traduction en
12 anglais, il parle du nettoyage "cleansing" en anglais, des zones
13 frontalières. Je ne sais pas si vous pouvez identifier le passage dans le
14 texte original. Si vous pouvez, j'aimerais que vous le lisiez à autre voix
15 de façon à savoir si le terme "cleansing," donc "nettoyage," est une
16 traduction appropriée de l'original. Ça doit être à la page 35, dans le
17 paragraphe qui est tout en haut de la page. Est-ce que c'est "ciscenje" qui
18 est utilisé en version originale ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge Trechsel, mais avec
20 votre permission je souhaiterais pouvoir donner lecture de la phrase
21 intégrale.
22 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : le document ne s'affiche pas dans son
23 intégralité.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je cite :
25 "Cependant, étant donné que les municipalités en Bosnie-Herzégovine se
26 présentent de façon quelque peu similaire à ce qu'elles sont en Croatie, à
27 savoir qu'elles ont été instituée de telle façon qu'on a procédé à une
28 recomposition de la population serbe ou musulmane dans l'espace de -- sur
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1 le territoire de la Croatie, et vice versa, le nettoyage des zones
2 frontalières, et il s'agirait de fait des zones frontalières de l'Herceg-
3 Bosna, permettrait de parvenir à une proportion de 65 % de population
4 croate dans cette même Herceg-Bosna."
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Je voulais simplement obtenir
6 une précision pour m'assurer que la traduction est exacte, et nous avons
7 maintenant déterminé cela. Merci.
8 Vous pouvez continuer, Monsieur Stringer.
9 M. STRINGER : [interprétation] Merci.
10 Pour le compte rendu d'audience, à la page 19, ligne 18, il est mentionné
11 "Bosnie-Herzégovine," et je crois que ça devrait en fait être "Herceg-
12 Bosna," et non pas "Bosnie-Herzégovine".
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc les municipalités ont été ainsi
14 constituée, bien, enfin sans le début de la phrase, on ne comprend pas que
15 ces municipalités ont été ainsi constituée pour que l'on obtienne une
16 majorité de Serbes en Serbie et une majorité soit de Serbes soit de
17 Musulmans en Bosnie-Herzégovine, c'est nécessaire pour comprendre ce que
18 Mate Boban a voulu dire.
19 L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] Je voudrais aider à la résolution de
20 cette question posée par le Juge Trechsel, il y a des propos tenus par M.
21 Kljujic, qui ont déjà été mentionnés, à la page 111. Je cite :
22 "C'est la raison pour laquelle nous avons dit que nous aurions dû avoir une
23 commission pour la cantonisation. De plus, à l'intérieur de la Bosnie-
24 Herzégovine, nous devrions retirer plusieurs municipalités que les
25 partisans avaient créé à nos dépends. Nous devrions transférer deux
26 municipalités --
27 L'INTERPRÈTE : Que l'interprète n'a pas compris.
28 L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] -- ainsi que Jajce, qui et d'autres zones
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1 telle que Ravno, est-ce exact --
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que c'est une question ou une rectification,
3 une précision, ou est-ce un argument ?
4 L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] J'avais compris que le Juge Trechsel
5 avait demandé la signification de "ciscenje," et ça c'est l'explication
6 donc, du moins c'est ce que j'ai compris.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, Monsieur Prlic, je crois que ce
8 n'est pas une intervention appropriée. On vous a donné la possibilité de
9 poser des questions, mais maintenant vous présentez des arguments, comme un
10 avocat, et même les avocats à ce moment donné ne doivent pas présenter
11 d'argument. J'ai posé une question concernant un point de traduction, un
12 point linguistique, et ceci a obtenu une réponse. Rien d'autre n'a été
13 soulevé.
14 L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] Excusez-moi, j'avais mal compris.
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Bien sûr, je vous excuse. Vous
16 n'êtes pas avocat, et vous apprenez ainsi un peu sur le tas.
17 M. STRINGER : [interprétation]
18 Q. Est-ce que vous pouvez passe à la page 39. Je voudrais revenir à des
19 passages sur lesquels nous ne sommes peut-être pas concentrés précédemment.
20 Il y a à la page 39 un homme répondant au nom de Barac. Est-ce que vous
21 connaissez un dénommé Barac, Neven Barac ?
22 R. Non.
23 Q. Si vous regardez la page 38, vous verrez qu'il se présente en disant :
24 "Je vais dire quelques mots en ce qui concerne les activités des
25 députés de l'Union démocratique croate au parlement de Bosnie-Herzégovine.
26 Je suis le président du caucus."
27 Vous verrez en bas de la page 38, il dit que :
28 "Nous avançons ceci pour les raisons suivantes. Nous pensons qu'une Bosnie
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1 de ce type, si elle restait partie intégrante serait au profit de la
2 Croatie du peuple croate et en Bosnie-Herzégovine."
3 A la page 39, il dit :
4 "Je voulais en fait dire cela simplement pour que l'on puisse entendre la
5 position concernant les mesures à prendre à l'avenir.
6 "Nous avons cette position jusqu'à présent pour ces raisons; et
7 deuxièmement, parce que les Musulmans n'acceptent pas l'idée d'une division
8 de la Bosnie il y a 60 ans.
9 "Comment nous allons gagner ces 38 municipalités, c'est-à-dire les
10 municipalités avec une population musulmane, ça je ne le sais pas.
11 "En fait il ne s'agit pas d'avoir une Herzégovine occidentale où les
12 Croates représentent 98,8 % de la population à Grude. Ce n'est pas du tout
13 la question. Il s'agit en fait des autres parties où la population est
14 mélangée, et c'est la raison pour laquelle j'ai décrit comment nous avons
15 travaillé jusqu'à présent dans ce domaine."
16 Nous passons à la page 41, où Boban intervient, il prend la parole en
17 disant :
18 "Je pense que le peuple musulman enfin je ne les défend pas en ce qui
19 concerne mes opinions personnelles. J'aimerais également une Croatie telle
20 qu'elle existait dans ses frontières d'il y a 50 ou 60 ans, mais je pense
21 que c'est difficile de les diviser. Ce sont des personnes qui ont des
22 positions très tranchées et je pense que ce sera très difficile. Dès que
23 l'Herceg-Bosna a vu le jour, il y a eu des objections de Jablanica, par
24 exemple, et d'autres localités qui n'ont pas accepté ce type de
25 conceptions.
26 "Nous devrons nous confronter les uns aux autres d'une certaine manière et
27 je pense qu'a terme les choses se tasseront."
28 Ce qui se passe ici c'est que vous avez quelqu'un dénommé Barac qui prend
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1 la parole et qui dit que ce concept d'Herceg-Bosna ou le concept de type
2 banovina d'il y a 60 ans ne fonctionnerait plus ou ne fonctionnerait pas.
3 Ce concept ne pourrait pas fonctionner mis à part dans les zones à forte
4 concentration croate en Herzégovine occidentale. Le problème qu'il soulève
5 c'est que la plupart de ces territoires sont composés de population très
6 mélangé dans tous ces territoires, n'est-ce pas exact ? Il y aura toujours
7 des difficultés compte tenu en fait de la mixité des populations croates et
8 musulmanes dans de nombreuses régions de l'Herceg-Bosna ?
9 R. M. Barac comme je vois ici est le vice président du cercle des députés
10 croates qui défendent l'idée d'une Bosnie-Herzégovine dans les frontières
11 qui sont les siennes. Tout ce texte à vrai dire nous parle de ce qui est un
12 débat démocratique qui se tient entre les membres d'un parti et ce comme le
13 dit le président Tudjman dans une situation extrêmement délicate. Mate
14 Boban, quant à lui, ne dit rien d'autre que ce qu'il dit, à savoir que les
15 Musulmans représentent un ensemble doté de positions qui ont été exprimées
16 avec fermeté, une prise de position forte. Mais on ne parle ici que de
17 différentes options, donc par exemple que faut-il envisager de faire si les
18 Musulmans se mettent d'accord avec les Serbes pour intégrer une Yougoslavie
19 ? Il faut faire attention à ne pas mélanger les concepts. Lorsqu'on parle
20 d'une Bosnie-Herzégovine dont l'intégrité est respectée, on parle de
21 l'intégrité des frontières; et quand on parle d'une Bosnie-Herzégovine
22 unitaire, en revanche, c'est la conception de l'Etat de Bosnie-Herzégovine
23 qui est celle des Musulmans, la conception de l'Etat à laquelle les Croates
24 ne peuvent que très difficilement souscrire en raison de l'expression
25 problématique des droits qui seraient les leurs dans le cadre d'une telle
26 conception.
27 Q. Je suis sûr que nous y reviendrons mais ce sera peut-être après les
28 vacances judiciaires.
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1 Général, Boban dit ici que ce qu'il souhaite, je cite :
2 "En fait je voudrais retrouver la Croatie telle qu'elle existait dans ses
3 frontières d'il y a 50 ou 60 ans."
4 Alors on pourrait parler des conditions dans lesquelles ceci pourrait se
5 produire mais en fait il me semble quasiment évident que Boban et également
6 que Tudjman aurait aimé avoir une Croatie qui allait jusqu'à la zone de la
7 banovina de 1939, c'est ce qu'il mentionne lorsqu'il souhaite avoir des
8 frontières telles qu'elles étaient "il y a 50 ou 60 ans;" n'est-ce pas ce
9 qu'ils souhaitaient ?
10 R. Monsieur Stringer, s'il avait été possible d'éviter la guerre en accord
11 avec les deux autres peuples, mais je peux vous dire qu'au niveau de même
12 aujourd'hui dans ce Tribunal je souhaite par exemple appartenir à l'Etat
13 croate plutôt qu'à l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Pourquoi devrais-je être
14 considéré comme coupable pour cela ? Franjo Tudjman dit : nous ne
15 souhaitons pas mener de guerre. Mais si un accord, si on parvient à un
16 accord avec tous de façon pacifique et qu'il devient légalement possible à
17 vrai dire de procéder ainsi, pourquoi pas ?
18 Q. Je vous comprends bien, Général, mais il me semble ce que Boban a
19 déclaré ici c'est qu'il prévoie le contraire. Il prévoie qu'on arriverait à
20 une situation qui ne sera pas réalisable par des voies pacifiques. Il
21 prévoie qu'il y aura ou qu'il pourrait y avoir une confrontation avec les
22 Musulmans. Il dit, je cite : "Nous allons peut-être devoir nous affronter."
23 En fait, il semble qu'il ait prévu la possibilité d'un conflit sur cette
24 question et il dit :
25 "Il semble que ceci va se tasser."
26 Ainsi en décembre 1991, Général, je vais vous présenter de cette manière :
27 Boban identifie ce qu'il souhaiterait voir se produire. Il prévoie qu'il va
28 avoir une confrontation avec les Musulmans suite à ces objectifs et en fait
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1 il sous-estime la manière dont les Musulmans vont s'accorder sur une vision
2 de la Herceg-Bosna qu'il avance personnellement; est-ce cela exact ? N'est-
3 ce pas exact, c'est-à-dire que vous avez tous sous-estimé la manière avec
4 laquelle les Musulmans et l'armija de Bosnie-Herzégovine allaient résister
5 aux politiques d'aspirations qui allaient voir le jour, ces aspirations qui
6 sont exprimées par le biais de ces conversations entre Boban et Tudjman ?
7 R. C'est tout à fait inexact, Monsieur Stringer. Boban dit : il se peut
8 qu'il y ait des conflits mais ça s'apaisera. Ça c'est d'un.
9 De deux, Alija Izetbegovic a déjà écrit - et j'ai publié - sa
10 Déclaration islamiste, Monsieur Stringer.
11 Troisièmement, deux ou trois mois après ceci, les Croates se
12 présentent à un référendum et permettent à la Commission de Badinter;
13 voilà, nous pouvons déterminer ou établir cet Etat sur le plan juridique à
14 un niveau international. Donc deux ou trois mois plus tard, ces mêmes
15 Croates vont au référendum et confirment le statut juridique international
16 de l'Etat de Bosnie-Herzégovine dans son intégralité.
17 Alors si tout ce que vous venez de nous dire était exact, on ne serait pas
18 sortis au référendum. On se serait mis d'accord avec les Serbes, et tout se
19 serait présenté autrement. Non, donc vos thèses ne sont pas exactes et ne
20 se basent sur aucune réalité. Les conflits avec l'ABiH ne surviendront que
21 bien plus tard parce qu'ils n'étaient pas disposés à accepter le fait que
22 les Serbes aient pris 70 % du territoire. C'est là qu'ils auraient dû
23 réagir et empêcher les attaques lancées contre la Croatie et tout ce que
24 vous nous dites. Quand ils n'ont pas réussi à le faire, ils se sont tournés
25 contre les Croates pour compenser le territoire perdu de l'autre côté.
26 Voilà.
27 Q. En réalité, nous allons beaucoup parler de ceci un peu plus tard, mais
28 le conflit entre l'ABiH et le HVO, en réalité, c'est un conflit au sujet de
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1 leur résistance à cette mise en œuvre ou création de l'Herceg-Bosna qui
2 allait avoir lieu dans les mois qui ont suivi cette conversation. N'est-ce
3 pas pour l'essentiel ce qui faisait l'objet de ce conflit, à savoir des
4 points de vue contradictoires sur ce à quoi devait ressembler l'Herceg-
5 Bosna à l'intérieur du territoire de la Bosnie-Herzégovine ?
6 R. Cela non plus n'est pas exact. Ecoutez, il s'agit de l'année 1991, et
7 il n'y a pas eu de conflit entre la HVO de l'ABiH, mais il y a eu une
8 agression de la part de l'ABiH contre les Croates à Konjic, Travnik et au-
9 delà, c'est une agression, Monsieur Stringer, et ce, en dépit des accords
10 internationaux signés pour ce qui est de la façon dont devait avoir l'air
11 la Bosnie-Herzégovine.
12 Mais permettez-moi de finir ma phrase. Vous ne pouvez pas à chaque phrase
13 m'interrompre. J'ai au moins le droit de terminer ne serait-ce qu'une
14 phrase.
15 Q. Cela je le comprends. Mais je vais continuer à vous soumettre la thèse
16 de l'Accusation, si vous ne l'acceptez pas, vous pouvez le dire, et c'est
17 ce que vous faites. Mais en même temps, vous savez comment cela marche avec
18 le temps, chaque fois que je vous présente la thèse de l'Accusation ceci ne
19 doit pas vous inciter à faire une déclaration fort longue. Vous avez déjà
20 témoigné longuement, vous avez déjà eu l'occasion de vous exprimer. Donc je
21 crois qu'il faut trouver un équilibre entre essayer -- vous permettre de
22 répondre aux questions d'une part, mais d'autre part sans que cela ne
23 prenne trop de temps.
24 Général, est-ce que vous pouvez passer à la page 74 de ce procès-verbal,
25 s'il vous plaît, c'est la suite de la conversation, ou du débat, qui a lieu
26 entre le président Tudjman à Zagreb et, à ce stade, à la page 74, Dario
27 Kordic. Il se présente en disant qu'il est le président du Conseil
28 municipal de Busovaca du HDZ, il est le président de la Communauté
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1 régionale de Travnik, le vice-président de la Communauté croate d'Herceg-
2 Bosna. Ensuite à la page 75, il dit :
3 "Je pense que l'esprit croate sur le territoire de la communauté croate
4 d'Herceg-Bosna en Posavina, et en particulier en Bosnie, s'est accru au fil
5 des 40 derniers jours depuis que la communauté croate a été proclamée à
6 Grude, ensuite il y a eu toute l'année après les élections en Bosnie-
7 Herzégovine.
8 "Le peuple croate dans la région, et la sous-région de Travnik, vivent avec
9 l'idée de l'accession à l'Etat croate, et ils sont prêts à devenir membres
10 à tout prix. Les jeunes hommes sont imprégnés de cet esprit.
11 "Je le dis parce que je viens du terrain. Nous nous sommes rendus dans tous
12 les villages sur le territoire de cette sous-région de la Communauté
13 d'Herceg-Bosna."
14 Au paragraphe suivant, on évoque les nombreux drapeaux croates et maisons
15 dans les municipalités dans la partie bosniaque. Ensuite nous allons passer
16 à la page suivante où il dit :
17 "Je pense que toute autre option serait considérée comme une trahison, une
18 délimitation très claire du territoire croate sur le territoire de
19 l'Herceg-Bosna et la conservation contre la destruction du corps politique
20 croate par l'intermédiaire d'un Etat bien défini, ce mécanisme est une
21 garantie pour l'Etat croate et les Croates d'Herceg-Bosna, même si cela ne
22 dure que trois mois ou un an. Quoi qu'il en soit, nous devons y croire."
23 Général, nous pouvons aborder la question des différents, et nous allons
24 poursuivre sur ce thème, et ici nous avons le vice-président de la
25 communauté croate d'Herceg-Bosna qui parle en termes non voilés et très
26 clairs, en tout cas, il avance son point de vue personnel, et il précise
27 que l'accession à l'Etat croate constitue l'objectif; ceci n'est-il pas
28 vrai ? N'est-il pas exact de dire que c'est l'objectif en tout cas d'un
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1 certain nombre de personnes qui avaient le rôle de dirigeants au niveau de
2 l'HDZ en Bosnie-Herzégovine et la communauté croate d'Herceg-Bosna ?
3 R. C'est exact de dire qu'il y a des gens qui avaient cet objectif-là avec
4 des paroles politiques plus prononcées, dirais-je, pour ce qui est de
5 l'intervention politique. Mais en page 76, à sa fin, vous avez les raisons
6 pour lesquelles il prend la parole en élevant le ton.
7 Parce que Dario Kordic a lu la déclaration islamiste. Il parle des 51 % de
8 Musulmans qui sont évoqués là-bas. Il parle de ces Musulmans qui veulent
9 d'une république civile, or moi je vous ai dit que ce serait soit un Etat
10 civil, soit une guerre civile d'après Izetbegovic et Cengic qui disaient
11 que leur domicile était en Turquie, et il y a des ovations d'entendues à
12 l'intention de ces ambassadeurs de Libye et autres ambassadeurs islamiques.
13 On voit que ce monde se dirige de plus en plus vers une unification
14 islamiste et non pas vers la création d'un Etat moderne de peuples sur pied
15 d'égalité.
16 C'est ce qui trouble Dario Kordic, et il prononce ces propos. Mais c'est
17 son droit que de dire cela sur le plan politique. Par la suite, il est mis
18 en minorité et est organisé un référendum pour ce qui est de la Bosnie-
19 Herzégovine.
20 Q. Bien, si vous pouvez passer maintenant à la page 84, il s'agit là d'une
21 autre voix qui s'élève du camp adverse, ou en tout cas en concurrence, si
22 je puis m'exprimer ainsi. Il s'agit d'Ivan Markesic, qui se présente comme
23 étant le secrétaire général du HDZ de Bosnie-Herzégovine. A la page 85, il
24 dit :
25 "Lorsque j'ai appris la création de la Communauté d'Herceg-Bosna et de la
26 Posavina croate, j'ai essayé de comprendre comment ceci pouvait s'intégrer
27 aux positions du HDZ, étant donné que ceci représentait une forme
28 particulière ou expression de la volonté politique de certaines personnes
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1 dans certaines régions. Néanmoins Duvno, j'étais convaincu d'une
2 organisation territoriale, alors que tout au niveau de la décision sur la
3 fondation de ceci est une tout autre question. Je souhaite dire que les
4 positions exprimées ici montrent une claire division au sein du HDZ, au
5 sein du parti dont je suis le secrétaire général, HDZ de Bosnie-
6 Herzégovine. Encore une fois, je n'arrive pas à me faire à l'idée que des
7 communautés soient créées de la sorte pour la bonne et simple raison que :
8 comment puis-je, moi -- avec quel fondement moral puis-je recevoir des
9 Croates de Banja Luka, les 29 000 de Zenica, alors qu'il n'y avait plus de
10 20 000 de Tuzla, 34 000 de Sarajevo ?"
11 Il pose la question :
12 "Qu'en est-il d'une solution intégrale pour la question croate en
13 Bosnie-Herzégovine ? J'estime que dans certaines régions, il y a des
14 entités croates, il y a une aspiration de ce côté encore une fois qui
15 n'aimerait pas vivre dans l'état croate ? Je saisis cette occasion pour
16 accueillir cette reconnaissance. Néanmoins les circonstances réelles dans
17 lesquelles nous nous trouvons ne permettront pas cela. Les conditions dans
18 lesquelles les Croates vivent en Bosnie-Herzégovine, les personnes qu'ils
19 rencontrent, les options politiques, rien de tout ceci ne le permettra. Je
20 ne sais pas comment il serait possible à Bugojno, à Gornji Vakuf ou à
21 Travnik pour en citer quelques-uns, de nous rendre en Herceg-Bosna et nous
22 allons être rattachés à la République de Croatie.
23 "C'est quelque chose que nous pouvons souhaiter, mais je dois vous
24 dire ouvertement, vous, vous vivez à Zagreb, et je peux vous dire tout à
25 fait honnêtement que vous pouvez avoir une vision tout à fait différente de
26 notre région, là-bas. Nous qui vivons là-bas, nous rencontrons sans cesse
27 ces personnes qui sont rattachées à ce morceau de terrain, et bien, là,
28 nous sommes une partie constitutive de la Bosnie-Herzégovine. Et, vous
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1 voyez ces choses différemment parce que vous pensez que c'est simple et
2 qu'il est appropriée de rattacher tout ceci ensemble en disant que c'est au
3 nom du peuple croate que vous rattacheriez tout ceci à la Croatie."
4 Il poursuit en disant, et il met le doigt sur un autre problème eu
5 égard à cette politique ou ce plan où ses aspirations qui sont évoquées par
6 d'aucuns au cours de cette réunion. Il dit, je cite, à la page 89 :
7 "Pardonnez-moi, mais nous commençons, commençons par les faits, pardonnez-
8 moi si je dis cela, mais de cette façon avec cette division, vous êtes en
9 train de faire en sorte que pour la première fois, la Serbie pourra
10 s'étendre dans la région de Bosnie-Herzégovine, où elle n'a jamais été
11 auparavant."
12 Donc il s'agit là d'une voix dissidente, il s'agit d'une opinion
13 différente, Général, et c'est l'opinion de quelqu'un qui n'est pas
14 d'Herzégovine. Il s'agit d'un Croate qui est secrétaire général du Parti
15 HDZ, qui vient d'une région où les Croates sont mélangés, où ils vivent
16 avec des Musulmans et d'autres personnes et il est manifestement de l'avis
17 que la division qui d'après lui est évoquée, est quelque chose qui n'est
18 pas tout simplement pas réalisable, n'est-ce pas exact ?
19 R. En partie. Alors vous voyez quelles sont ses fonctions, il présente une
20 position quelque peu différente. Il est question aussi des positions
21 adoptées par Franjo Tudjman, en 1989 déjà, pour ce qui est d'une Bosnie-
22 Herzégovine entière, souveraine, mais il parle aussi d'une solution
23 apportée à la question croate en Bosnie-Herzégovine. Cette solution de la
24 question croate en Bosnie-Herzégovine se trouve à ce moment-là entre
25 l'option avancée par les Serbes donc prise des territoires, 70 % du
26 territoire et la déclaration musulmane islamiste, et, M. Markesic dit à la
27 fin : le HDZ devrait persister dans ses exigences visant au maintien de la
28 Bosnie-Herzégovine dans son intégralité tant qu'il y a possibilité de le
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1 réaliser. Mais au final, si cela s'avère impossible, nous allons nous
2 diriger vers des solutions autres.
3 Donc ce qu'il dit ici, Monsieur Stringer, c'est tout à fait ouvert,
4 c'est un entretien à porte largement ouverte où dans une procédure
5 démocratique les gens recherchent une solution. Là, il n'y a pas de
6 solution avancée, on ne fait qu'avancer des possibilités. La réunion
7 évoquée de Tomislavgrad n'a pas adopté pour autant que je le sache des
8 conclusions, ça n'a jamais été publié dans des documents du HDZ ou
9 ailleurs. Par conséquent, les gens sont au désespoir. Enfin, je ne sais
10 comment, enfin les gens ne savent pas ce qui va se produire et on s'apprête
11 à aller abattre ou aller tuer comme à Vukovar, Dubrovnik, et vous avez en
12 plus un embargo qui vous pèse dessus et à vous de vous débrouiller. On
13 s'attend donc à ce que vous soyez abattu comme du bétail sous l'embargo et
14 personne n'est censé se débrouiller.
15 Q. Général, merci. A la page 90, Ignjac Kostroman prend la parole;
16 nous pouvons sauter cela, il dit :
17 "Que des mots très durs viennent d'être prononcés contre l'Herceg-Bosna,
18 comme il s'agissait d'une conspiration classique contre la souveraineté de
19 la Bosnie-Herzégovine."
20 Ensuite il poursuit. Il critique Stjepan Kljujic, je souhaite passer
21 maintenant à la page 98, le président Tudjman prend la parole.
22 R. Vous avez dit quelle page, 98 ?
23 Q. Page 98.
24 R. Mais il faudrait lire aussi le fait que Kostroman dit que ce n'est pas
25 un complot contre la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, c'est un débat,
26 mais bon.
27 Q. Personne ne nie, que c'est une discussion, Général, qui permet
28 d'éclairer, vous conviendrez avec moi sur des opinions différentes et des
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1 visions à propos du territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna,
2 n'est-ce pas bien ce dont il s'agit ici ?
3 R. Non, non, le sujet de ceci comment se sortir tous sains et saufs, sans
4 guerre, comment adopter, s'adapter la communauté internationale, comment
5 arriver à un accord, comment sauver des vies, comment savoir ce que la
6 communauté internationale voulait aboutir pour ne pas tout perdre, comme on
7 a perdu tout ce qu'on avait pendant huit siècles parce qu'on n'avait pas su
8 s'adapter aux politiques des grands pouvoirs. C'est vous, votre pays qui
9 avait le pouvoir, et nous, nous devons nous battre pour que nous ne
10 disparaissions pas.
11 Q. Une des menaces à la survie du peuple croate en Herceg-Bosna, je crois
12 que ceci n'est pas contesté, le fait est le président Tudjman l'évoque un
13 peu plus tôt lors de la discussion, c'est que le nombre de Croates qui
14 vivent en Bosnie-Herzégovine, ce nombre diminue et cela fait un certain
15 nombre d'années déjà, surtout après la création de l'état croate. C'était
16 un fait communément reconnu qu'un pourcentage de la population croate en
17 Bosnie-Herzégovine avait diminué; ceci n'est pas exact ?
18 R. Le président Tudjman dit et parle d'une chose qu'on appelle la loi
19 sociologique. Si vous faites un mauvais état à l'intention d'un peuple,
20 alors ce peuple disparaîtra de cet Etat. La Yougoslavie était mauvaise pour
21 le peuple croate --
22 Q. Général, vous ne répondez pas à ma question.
23 R. Je ne comprends pas votre question. Répétez-la, je vous prie.
24 Q. Alors au niveau du compte rendu ou du présidentiel nous avons vu que le
25 président Tudjman indiquait que le pourcentage de la population croate en
26 Bosnie-Herzégovine était passé de 25 à 17 %, me semble-t-il; vous en
27 souvenez vous ? C'est la vérité, n'est-ce pas ? C'était un sujet de
28 préoccupation ?
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1 R. Oui. Le pourcentage de 24 % était plus grand encore il y a des siècles.
2 Donc les conquêtes impériales de cette Yougoslavie royaliste de
3 Karadjordjevic n'a rien apporté de bien. Cela a réduit considérablement le
4 nombre de Croates en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, ce qui fait que nous
5 sommes plus de 3 500 000 de par le monde.
6 Q. A la page 98 du procès-verbal, le président Tudjman parle, et il dit,
7 je cite :
8 "L'histoire a montré que la Bosnie-Herzégovine n'est pas une solution pour
9 le peuple croate."
10 Il poursuit en parlant de la création de la Bosnie comme faisant partie
11 d'une conquête impériale d'un pouvoir asiatique aux dépens du peuple croate
12 et des territoires croates entre les XVe et XVIIIe siècles. Il s'agit donc
13 ici d'une référence faite à l'empire Ottoman ? Ensuite il poursuit et
14 évoque le communisme -- veuillez passer à la page 99. Après avoir fait ce
15 rappel historique, il dit :
16 "Par conséquent, la Bosnie-Herzégovine ne devrait pas être considérée comme
17 quelque chose qui a été donné par Dieu, ceci doit être protégé, et il faut
18 nous souvenir combien ceci peut nous faire du tort.
19 "A cause de la création de la Bosnie-Herzégovine, la Croatie se trouve dans
20 une situation tout à fait impossible. Par rapport à son territoire, son
21 administration, sans parler de sa défense, nous ne pouvons pas créer une
22 Croatie indépendante telle qu'elle existe aujourd'hui."
23 Général, le fait est que si Tudjman n'est pas convaincu d'une Croatie
24 indépendante telle qu'elle existait le 27 décembre 1991, ce qu'il recherche
25 à faire c'est étendre les frontières de la Croatie, de redessiner les
26 frontières, et de les étendre vers l'est en direction de la Bosnie-
27 Herzégovine, avec à terme la restauration de la Banovina comme étant
28 l'objectif ultime ou l'objectif le plus souhaitable, n'est-ce pas exact ?
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1 R. Non. Le président Tudjman parle de circonstances historiques, et ces
2 circonstances historiques, Monsieur Stringer, sont telles que nous avons
3 servi là-bas de base pour qu'on nous prenne nos enfants et pour en faire
4 des soldats turcs pendant des siècles. Il n'y a aucune raison. Non, ce
5 n'est pas exact, votre thèse n'est pas exacte.
6 Le président Tudjman c'est un homme politique rationnel. Il a le droit de
7 réfléchir de façon historique, et dans un livre extraordinaire qu'il a
8 rédigé qui porte sur : "Les grandes idées et les petits peuples." Dans les
9 grandes idées, les petits peuples disparaissent.
10 Q. Général, vous ne répondez pas à ma question.
11 R. Oui, j'y ai répondu. Votre thèse n'est pas exacte. Je ne suis pas
12 d'accord avec elle. Il se penche sur des possibilités, des éventualités --
13 et vous omettez le fait que les Serbes ont déjà démantelé la Bosnie-
14 Herzégovine. Il ne sait pas ce qu'il adviendra des relations musulmanes-
15 serbes, et au cas où cela se produirait, il n'aurait aucune chance de
16 défendre Dubrovnik.
17 Q. Je vais reformuler ma question. Le président Tudjman dit ici dans ce
18 texte :
19 "La Bosnie-Herzégovine ne devrait pas être considérée comme quelque
20 chose qui a été donné par Dieu qui doit être conservé, et surtout il ne
21 faut pas oublier combien cela peut faire du mal."
22 Est-ce que vous dites, en réalité, qu'il nous dit ici que la
23 souveraineté, l'intégrité territoriale de la Bosnie est quelque chose qui
24 doit être protégé et conservé ? C'est tout à fait l'inverse, me semble-t-il
25 ?
26 R. Les réflexions historiques de Franjo Tudjman sont bonnes, et
27 indubitablement exactes, absolument exactes. Il les formule de façon
28 claire; mais son pragmatisme politique, son esprit réaliste sur le plan
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1 politique à l'égard de ce monde tel qu'il est, lui fait dit, Ça ce n'est
2 pas juste, ce n'est pas équitable. Vous nous avez battus, vous nous avez
3 expulsés, vous nous avez conquis un peu de façon impérialiste, vous nous
4 avez pillés, et cetera; alors si on peut empêcher la chose, tant mieux;
5 sinon, on va se soumettre à des options politiques réalistes.
6 Excusez-moi.
7 Nous allons nous soumettre à des options politiques réalistes et nous nous
8 comporterons conformément à cette injustice, pas conformément à la justice.
9 Q. Je crois que vous venez de voir juste lorsque vous évoquez le
10 pragmatisme politique du président Tudjman. En réalité, ce qui s'est passé
11 -- personne ne remet en doute sa compréhension et sa connaissance de
12 l'histoire. En tant qu'homme politique, il considère que la désintégration,
13 le démantèlement de la Yougoslavie est une occasion pour la Croatie de
14 remédier au tort fait au peuple croate au fil des siècles et les
15 territoires croates. Comme il le dit, en réalité, le démantèlement de la
16 Yougoslavie permet sur un plan politique de remédier au tort fait par le
17 passé, donc cela signifiera repousser les frontières de la Croatie du côté
18 est pour y inclure la Banovina pour que ceci fasse partie de l'Etat Croatie
19 et qu'il soit créé. Est-ce que les choses ne se sont pas passées ainsi ?
20 R. Non, Monsieur Stringer. En page 100, le président dit exactement ce que
21 dit la communauté internationale. Elle est contre le changement des
22 frontières. Il dit qu'il n'est pas question, Lasic dit aussi qu'il ne
23 serait pas envisageable de modifier les frontières internationales parce
24 que ça ouvrirait la boîte à Pandore. Donc ils s'opposent au changement des
25 frontières par la force. Le président Tudjman dit qu'il s'est entretenu à
26 Split avec Izetbegovic en tête-à-tête, et Milosevic en tête-à-tête, et avec
27 les deux en tête-à-tête ensemble, et ils ont recherché des solutions. Je
28 cite. Qui satisferaient tant la population croate, que la population serbe,
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1 que les Musulmans. Donc on cherche une solution politique visant à
2 satisfaire les trois peuples constitutifs et autonomes. Une solution
3 pacifique. Il n'y a pas de changement de frontière par la force. C'est la
4 position adoptée par la Croatie tant sur le plan public que sur le plan
5 secret. Mais si l'on trouvait --
6 Q. Merci, Général.
7 R. -- la pause.
8 M. STRINGER : [interprétation] J'ai une dernière question et nous aurons
9 terminé ce compte rendu, Monsieur le Président.
10 Q. Je vous demande de passer à la page 113. Il me reste une dernière
11 question pour conclure sur ce thème, donc sur cette réunion.
12 Après tout cela, après 113 pages de compte rendu de cette réunion, le
13 président du HDZ prend la parole, il s'agit de Stjepan Kljujic, et il dit :
14 "Après tout cela, je ne peux plus officier à ce poste là-bas. Nous devons
15 être sincères. Tout d'abord, j'ai des opinions très personnelles. Je n'ai
16 pas pu être 'cassé' durant la période communiste, lorsque que Branko
17 Mikulic m'a persécuté…"
18 Le paragraphe suivant, continue comme suit :
19 "Et bien, je vais vous dire en ce qui concerne la politique ce n'est pas
20 possible de faire du bruit et de se démener comme un beau diable, j'ai fait
21 tout ce que je vous ai dit. Nous ne pouvons pas continuer. Vous voulez
22 l'Herceg-Bosna, vous voulez Boban. Et bien, vous êtes les bienvenus,
23 Messieurs, je démissionne. Je suis toujours prêt à démissionner, Monsieur
24 le Président."
25 Ensuite, malgré ces propos Kljujic a continué à occuper le poste de
26 président du HDZ pendant quelque temps après cette réunion, ensuite il a
27 été remplacé par Miljenko Brkic et ensuite par Mate Boban, mais j'ai une
28 dernière question concernant sur ce compte rendu, Général, ceci résume bien
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1 le résultat de cette réunion très importante du 27 décembre 1991. C'était
2 Boban, Kordic, et Kostroman, et la politique de la Herceg-Bosna qui ont
3 finalement prévalu, et même Kljujic, Barac, et Markesic qui avaient des
4 positions plus conciliatrices ou des positions plus modérées concernant la
5 Bosnie-Herzégovine et la politique à son égard qui ont perdu la bataille.
6 Boban a vraiment est ressorti gagnant, il s'est fait la voix de la
7 politique de Tudjman sur l'Herceg-Bosna et c'est vraiment cette politique
8 qui a été de montre à partir de ce jour-là, n'est-ce pas ?
9 R. Ce sont des constructions qui sont les vôtres, Monsieur Stringer. Ceci
10 est un Parti démocratique élu de façon démocratique, et M. Kljujic, c'était
11 un journaliste en matière de sport. Il portait le nœud papillon, quelqu'un
12 d'apparence décente et il avait tant et si bien cédé aux positions
13 d'Izetbegovic que Tudjman, lui, a dit que les Croates ne voulaient pas
14 suivre en direction d'une Serboslavie [phon], et que la guerre était
15 éminente. Or Stjepan Kljujic là-bas a des entretiens spéculatifs, les
16 Serbes s'emparent de 70 % de la Bosnie-Herzégovine. L'Etat de fait n'existe
17 plus en tant qu'Etat si ce n'est que sur papier.
18 Q. Nous savons quelle est la situation en Bosnie-Herzégovine; il n'est
19 donc pas nécessaire de développer.
20 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus d'autres
21 questions concernant ce document.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va prendre la pause de 20 minutes.
23 L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : en page 23, fin de la réponse
24 de l'accusé, ajouter : pourquoi tourner autour du pot. Page 17 du compte
25 rendu anglais fin de la réponse du témoin, remplacer la fin de la réponse
26 par : pourquoi ne pas dans ce cas-là nettoyer l'ensemble des territoires,
27 pourquoi aurait-on même 27 % de Musulmans.
28 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.
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1 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise. J'ai quelques
3 questions à vous poser, Monsieur Praljak, à la suite de l'examen en
4 profondeur de ce document qui fait 125 pages par M. Stringer.
5 Tout d'abord, Monsieur Praljak, je vous demande de regarder la dernière
6 mention du document. Vous voyez qu'à la dernière page, il est indiqué que
7 cette réunion se termine à 21 heures 55 et qu'ils vont dîner, donc je
8 présume que la conversation a dû continuer pendant le dîner, qu'en pensez-
9 vous ? Compte tenu des habitudes croates, est-ce qu'on discute pendant le
10 dîner des sujets professionnels, ou bien on parle de la pluie et du beau
11 temps ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Au dîner, selon toute l'expérience qui est la
13 mienne, c'est le véritable débat qui commence encore plus difficile, encore
14 plus animé.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc vous pensez qu'il y a une forte
16 probabilité que les discussions de nature politique que l'on voit dans ce
17 document se sont poursuivies pendant le dîner, et qu'on a une partie de la
18 discussion par ce document ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est très probable que -- il est
20 pratiquement certain à vrai dire que les conversations politiques ont
21 continué également à table. Bien sûr, c'est un groupe auquel on a affaire
22 et chacun essaie de prouver encore la force de ses propres arguments dans
23 ces conditions-là. C'est pratiquement certain. Les Croates ne peuvent pas
24 tout simplement basculer dans une conversation calme et normale à table,
25 comme le font, par exemple, les Français, comme je le sais. Car je sais à
26 quel point cela est parfois fait avec légèreté, j'ai passé un certain temps
27 près de la frontière française. Et nous d'un point de vue psychologique ou
28 physique nous étions loin d'être dans cette disposition d'esprit, et encore
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1 moins à l'époque.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : A l'examen de ce document, est-ce qu'une conclusion
3 peut être tirée par tout le monde, y compris par vous-même, à savoir qu'au
4 sein des Croates habitant la République de Bosnie-Herzégovine, il y avait
5 un groupe qui était contre la, peut-être les idées de Tudjman, et puis un
6 autre groupe qui semblait peut-être se rallier aux idées de Tudjman ? Est-
7 ce qu'il peut y avoir la conclusion qu'il y avait deux groupes, dont l'un
8 pouvait être dans la figure de prou, peut-être M. Kljujic, et puis dans
9 l'autre groupe, on a peut-être M. Kordic ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne serais pas d'accord avec vous, Monsieur
11 le Juge Antonetti. Il n'y avait pas là-bas de groupe. Chaque zone où vivait
12 des Croates rencontraient des problèmes spécifiques, la Posavina, la Bosnie
13 centrale, des gens de Sarajevo, l'Herzégovine. Il y avait plusieurs
14 courants, plusieurs groupes, plusieurs options politiques à chaque fois.
15 Les uns, par exemple, étaient les prêtres, et cetera.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : On ne va pas rentrer dans ce débat. Mais si vous ne
17 voulez pas le terme de "groupe," peut-on considérer qu'il y a au moins deux
18 options politiques, dont l'une peut être caractérisée par M. Kljujic et
19 l'autre par M. Kordic ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas. On peut dire qu'il y a une
21 opinion politique de Kljujic qui était distinguée de la position de M.
22 Boban, mais à ce moment-là, Kordic n'avait un poids qu'on aurait pu
23 considérer comme important ni quelqu'un qui aurait pu être à la tête d'un
24 groupe politique parlant, enfin pour ce que j'en sais. Je pense que je suis
25 assez bien informé de cela, je parle sous réserve.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, nous avons vu tout à l'heure que
27 M. Kljujic remet sa démission, c'est clair et net. Si tout le monde est
28 d'accord dans une réunion, il n'y a pas de problème. Mais quand dans une
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1 réunion il y en a un qui remet sa démission, c'est qu'il y a un problème,
2 oui ou non ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact, il y avait un problème.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le problème, M. Kljujic l'a exposé, oui ou non
5 ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il ne l'a pas fait de la façon que j'aurais pu
7 considérer comme correct ou véridique. M. Kljujic a continué à jouer un
8 rôle de nature intellectuelle et je pense qu'il n'était pas à la hauteur de
9 ce rôle. Il essayait d'obtenir l'assentiment des uns et des autres dans
10 différents bureaux, mais il n'avait pas compris les fondements mêmes du
11 problème, à savoir l'occupation serbe, l'occupation totale par les Serbes
12 de la Bosnie-Herzégovine, l'effondrement du pays. Lui, il voulait jouer en
13 solo, il voulait être celui qui décide et auquel les autres obéissent. Il
14 n'avait pas compris non plus la situation dans l'encerclement de Sarajevo
15 ni la politique menée par Alija Izetbegovic.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Une dernière question, de ma part.
17 Au stade de mes réflexions - et j'appuie ce mot "réflexion" et non
18 pas "constat" - donc au stade de mes réflexions, quand je vois ce document
19 où, d'une part, M. Tudjman expose sa conception sur le rôle que pourrait
20 avoir les Croates de la République de Bosnie-Herzégovine au sein de la
21 République de Croatie, soit dans le cadre confédéral, soit dans le cadre
22 d'une association dont je rappelle, Monsieur Praljak, que la constitution
23 croate, la constitution de l'ex-Yougoslavie et la constitution de la
24 République de Bosnie-Herzégovine prévoient des mécanismes juridiques
25 permettant ce type de solution. Quand on voit M. Tudjman expliquer
26 longuement par référence à l'histoire la Banovina, et cetera, mais que je
27 vois également M. Tudjman dire de manière claire que les Etats-Unis
28 d'Amérique ne veulent pas un changement de frontière, je me pose, au stade
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1 de la réflexion la compatibilité d'une position de M. Tudjman peut-être
2 partagée par d'autres comme Kordic, Kostroman ou d'autres avec la position
3 de la communauté internationale, comment M. Tudjman pouvait résoudre ?
4 Puisque, là, on le voit au début de la réunion, il parle de la position des
5 Américains, mais ça ne l'empêche pas d'aborder la question éventuellement
6 des frontières, et c'est ça que je n'arrive pas à comprendre; est-ce que
7 vous avez une explication qui pourrait nous éclairer ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le puis, Monsieur le Juge Antonetti.
9 Il a trouvé une solution très claire à l'ensemble de cette situation en
10 appelant dans son statut de leader très puissant, en appelant la population
11 croate de se présenter au referendum sur l'indépendance de la Bosnie-
12 Herzégovine et de voter. C'était après cette réunion, mais ici, il ne fait
13 qu'énoncer une possibilité. Si, avec l'accord des Etats-Unis, des
14 Musulmans, des Serbes et par voix pacifique, cela venait à survenir, dans
15 ce cas-là, dans cette éventualité, nous avons une solution. Tous les
16 accords ultérieurs et les négociations ultérieures nous disent que nous
17 avons affaire ici à une façon d'examiner toutes les options qui sont sur la
18 table, de façon tout à fait ouverte et démocratique. Un cadre dans lequel
19 on peut même énoncer des points de vue avec lesquels, on n'est pas d'accord
20 juste pour les éprouver, pour voir s'il s'agit de positions qui tiennent la
21 route ou non. C'est ainsi que le monde entier fonctionne, au sein des
22 gouvernements, on énonce les points de vue qu'ils soient radicaux ou non,
23 qu'ils soient à moitié seulement radicaux, on expose les choses, on les
24 examine et ensuite lorsqu'il faut agir, c'est là que l'on voie à partir des
25 actes ce qu'il en est réellement. Après, on peut voir les conséquences et
26 comment les choses ont été mises en œuvre réellement.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Stringer vous a longuement interrogé sur la page
28 34, où M. Boban parle du nettoyage des frontières et avance le concept de
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1 60 % de la population croate en Herceg-Bosna. Ça, c'est à la page 34,
2 version anglaise et 35. Ce passage, tout le monde l'a compris important.
3 Mais, moi, je m'adresse au scientifique qui est en face de moi, puisque
4 vous avez fait des études pour être ingénieur électricien, donc les
5 mathématiques vous savez ce que cela signifie. Nous savons que les Croates
6 représentaient en Bosnie-Herzégovine 17 % de la population, 17 à 18, mais
7 disons prenons le chiffre 17 %. Vous avez dit d'ailleurs tout à l'heure,
8 qu'avant ils étaient plus nombreux, puis ils ont diminué au fil du temps.
9 Vous n'avez pas expliqué pourquoi il y a une diminution, les diminutions
10 peuvent être diverses mais liées aux migrations, liées à la situation
11 économique ou des Croates allaient chercher du travail à l'étranger.
12 D'ailleurs vous-même, vous avez été travaillé à l'étranger, notamment en
13 Allemagne. Ce qui pourrait expliquer ce pourcentage de 17 %.
14 Mais, moi, ce que j'aimerais savoir comment, avec une population de 17 %,
15 M. Boban peut dire que, dans certaines régions, on passait à 65 %, par quel
16 artifice il peut arriver à ce calcul ? Alors, évidemment, vous avez entendu
17 M. Stringer, pour lui, ça pourrait être la conséquence d'une épuration
18 ethnique qui fait qu'en déplaçant les Musulmans, on aurait ce chiffre,
19 bien. Mais est-ce que c'est aussi simple que cela ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est absolument pas conforme à ce qui est
21 exposé ici. Nous avons affaire à quelque chose de complètement différent.
22 En effet, M. Boban dit tout d'abord la chose suivante : ces
23 municipalités qui ont fondé la HZ HB, ces municipalités si nous les
24 prenions, nous dit M. Boban, selon le recensement tel que nous en disposons
25 dans cette zone, il reste 55 % de Croates, 27% de Musulmans, 9 % des
26 Serbes, et le reste ce sont d'autres peuples et nationalités qui vivent là-
27 bas.
28 Nous en venons alors à la chose suivante : l'un des aspects pervers du
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1 système dans lequel nous vivions c'était pour ainsi dire le redécoupage
2 administratif des municipalités auquel il a été procédé comme suit : par
3 exemple, si on avait une municipalité dans laquelle un redécoupage
4 administratif normal aurait donné 52 % de Croates, on n'y adjoignait une
5 partie du territoire d'une autre municipalité où se trouvait par exemple,
6 deux, trois ou cinq villages qui étaient à 100 % peupler de Musulmans.
7 C'était une façon de diminuer la part des Croates au sein de cette première
8 municipalité pour la faire descendre, par exemple jusqu'à 30 %. C'est ainsi
9 qu'on a re-découper des municipalités en Croatie afin d'obtenir dans un
10 grand nombre d'entre elles une majorité absolue ou relative des Serbes.
11 C'est ainsi qu'ont été formées des municipalités en Bosnie-Herzégovine
12 aussi afin d'obtenir une majorité soit Musulmane, soit Serbe, dans
13 certaines municipalités individuelles.
14 Ce que dit Mate Boban ici c'est que, si jamais ces zones frontalières au
15 sens des municipalités, donc ces territoires municipaux frontaliers qui ont
16 été adjoints à certaines municipalités, et nous savons très bien par qui
17 cela a été fait, si nous nettoyons ces zones-là au sens où nous les
18 rendions aux municipalités auxquelles ils appartenaient à l'origine, dans
19 ce cas-là, nous aurions une HZ HB où la proportion de Croates ne seraient
20 pas de 55 % mais la proportion des Croates qui en nombre absolu resteraient
21 le même, leur proportion passerait à 65 %, encore en nombre absolu les
22 Croates seraient toujours aussi nombreux. Il n'y en aurait pas plus.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- je le découvre parce que jusqu'à
24 présent, je n'avais pas perçu le fait qu'il y avait eu un redécoupage
25 municipal en Bosnie-Herzégovine et que par ce redécoupage des
26 municipalités, il y a eu des transferts de population. Alors, si ce que
27 vous dites est vrai, à quel moment est intervenu ce redécoupage ?
28 L'INTERPRÈTE : note de la cabine française : réponse précédente de
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1 l'accusé, accusé on sait très bien qui a fait cela, c'est Rankovic et
2 Pozderac.
3 Reprise des débats.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] En Croatie, cela a été fait immédiatement
5 après la Seconde Guerre mondiale, quant à la Bosnie-Herzégovine, pour ce
6 qui concerne notamment la partie serbe, cela a également été fait après la
7 Seconde Guerre mondiale. Enfin pour ce qui est des années 1980, fin des
8 années 70, début des années 80, à l'époque où Hamdija Pozderac était au
9 pouvoir, donc un leader musulman communiste qui était particulièrement en
10 pointe. On a eu également ce type de redécoupage, par exemple, dans le cas
11 de Mostar.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand il y a le recensement en 1991, c'est à partir
13 des tableaux de recensement que les questions ont toujours été posées
14 jusqu'à présent tant par le Procureur que par tous les avocats de la
15 Défense. Ce recensement en 1991 fixant les compositions serbes, musulmanes,
16 croates, à partir des municipalités, c'est là-dessus que tout le monde
17 travaille. Il n'y a pas eu de redécoupage municipal avant ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, les municipalités ont fait l'objet d'un
19 redécoupage antérieurement à cela. C'est, par exemple, la municipalité de
20 Travnik qui a ainsi fait l'objet d'un redécoupage, Mostar également pour
21 une large part. De plus, Monsieur le Président, le recensement de 1991 --
22 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- d'aller vite parce que je veux
23 redonner très vite la parole à M. Stringer. Alors si je comprends bien,
24 parce que tout cela est très compliqué et il faut éviter d'aborder de
25 manière primaire les sujets évoqués.
26 Quand M. Boban parle de 65 % de la population croate en Herceg-Bosna,
27 d'après vous il a dans l'idée la question du redécoupage municipal qui est
28 intervenu après la Seconde Guerre mondiale, qui a fait qu'il y avait eu des
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1 changements ethniques ? Donc, lui, en quelque sorte, il veut revenir à la
2 situation qui prévalait à la fin de la Seconde Guerre mondiale; est-ce que
3 c'est cela que vous voulez nous faire comprendre ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Il souhaite que l'on procède à un
5 redécoupage au niveau des municipalités afin de revenir à la situation
6 d'avant le redécoupage par M. Pozderac, et cela permettrait de faire passer
7 la proportion des Croates de 55 à 65 %, et sans le moindre nettoyage, sans
8 exclure ces personnes. Dans une partie du procès-verbal, il y a quelqu'un
9 qui parle qui donne l'exemple exact d'une municipalité où cela a été fait.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour tout vous dire, dans l'intervention de M.
11 Boban, il y a le terme qui est très gênant, en anglais "cleansing"
12 nettoyage. Dans le texte B/C/S que vous avez, qu'est-ce qu'il emploie comme
13 mot ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact le terme de "nettoyage" a une
15 connotation, une signification plus qu'ennuyeuse, mais c'est ce terme qui
16 est utilisé. Toutefois la phrase précédente explique exactement de quoi il
17 s'agit, à savoir d'un redécoupage administratif des municipalités car ce
18 redécoupage a été ainsi fait qu'il s'est agi d'une recomposition de la
19 population musulmane et serbe. C'est ce terme qu'il utilise, donc
20 "recomposition" donc je pourrais moi faire la même chose et obtenir une
21 population où il y aurait plus de femmes, plus ou moins de Français --
22 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- ce qui a été dit tout à l'heure, le
23 terme c'est dans votre langue et vous me pardonnerez la prononciation
24 "ciscenje." C'est ce que l'on voie à la ligne 23. Mais vous semblez dire
25 que ça voulait dire pour lui redécoupage municipal. Mais ce terme tel qu'on
26 le voie au transcript dans votre langue, est-ce que c'est un terme de
27 nature générale ou bien il y a la connotation de nettoyage c'est-à-dire
28 qu'on nettoie, on enlève. Or un redécoupage municipal ça ne veut pas dire
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1 qu'on enlève, ça veut dire qu'on redessine des limites municipales, on
2 remodèle une carte des fois pour des raisons politiques ou autres mais sans
3 pour autant qu'il y ait enlèvement ou nettoyage. Alors le terme qui a été
4 employé et qui a une connotation qu'on ne peut nier, parce que quand on dit
5 "nettoyage," aussitôt l'esprit pense à nettoyage ethnique. Alors ce terme,
6 est-ce qu'il a vocation à être employé généralement dans votre langue, ou
7 bien il est très précis ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] En croate, comme dans tout autre langue, le
9 sens d'un mot est désigné par son contexte. Il est exact de dire, Monsieur
10 le Juge Antonetti, qu'en langue croate, on dit nettoyer ses vêtements,
11 nettoyer des fenêtres, et donc c'est une signification essentiellement
12 technique, nettoyer une pièce, nettoyer l'air aussi, le purifier. Par les
13 événements en Bosnie-Herzégovine, qui se sont produits à posteriori, il y a
14 eu une connotation qui est apparue et qui n'existait pas en langue croate
15 avant. Maintenant, oui, et maintenant, comme tout autre mot, il y a une
16 signification qui lui est attribuée en fonction de ce que l'on a inséré
17 dans la notion, et il y a bien entendu nettoyage ethnique. Quand on parle
18 de "nettoyage ethnique" survenu avant, ça n'a rien à voir. Ici il s'agit
19 d'un remodelage des frontières -- remodelage les frontières ou redécoupage
20 des frontières de municipalités, parce que si vous ajoutez à Mostar,
21 Citluk, et Siroki Brijeg, il y aura 65 ou 70 % de Croates, si vous ne le
22 faites pas, ça sera tout le contraire. Donc c'est ainsi qu'on avait
23 procédé.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, attendez, il y a une autre question.
25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je voudrais vous poser en fait deux
26 questions négatives, tout d'abord, j'aimerais savoir : si vous avez lu la
27 totalité du compte rendu de cette réunion ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
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1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, vous
2 pouvez m'aider. Dans les discussions que nous avons vues sur le compte
3 rendu, je n'ai pas vu de référence à une attaque de l'ABiH, qui est arrivé
4 plus tard, n'est-ce pas ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, il s'agit de
6 l'année 1991 ici, et l'attaque de l'ABiH commence en printemps 1993 --
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Exactement c'est ça. Merci. La
8 deuxième référence qui n'a pas été apportée ici est la suivante, en fait il
9 n'est pas mentionné que le gouvernement de Sarajevo ne fonctionne pas, que
10 ce n'est pas un gouvernement qui fonctionne. Ceci n'est pas utilisé comme
11 argument pour la création de l'Herceg-Bosna dans le compte rendu de cette
12 réunion, de cette discussion ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge Trechsel.
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup. Ce sera tout, merci.
15 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Q. Je voudrais poser quelques questions de suivi aux questions posées par
17 les Juges. Général, nous parlons du thème de "cleanse" utilisé en croate.
18 Lorsque l'on parle du "nettoyage des frontières," est-ce que Boban parlait
19 d'une idée de nettoyage ? Mais on a également la connotation de quelque
20 chose qui est indésirable, quand on nettoie, ou on lave un vêtements, une
21 fenêtre, c'est qu'il y a une tache, c'est que cela est sale, et par
22 conséquent, il faut que ceci soit nettoyé, que ce soit lavé; de façon à ce
23 que les parties indésirables, qu'on se débarrasse des parties indésirables.
24 Est-ce que ce n'est pas quand même l'idée qui est mentionnée ici, c'est-à-
25 dire les éléments indésirables, dans ce cas-là, et dans les Musulmans ou
26 les populations non-croates de cette partie de l'Herceg-Bosna ?
27 R. Non, Monsieur Stringer. Il parle de certaines zones précises. S'il
28 avait voulu parler de nettoyage musulman, il aurait parlé -- il aurait dit
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1 : "Il faut nettoyer les Musulmans." Alors pourquoi ce serait-il limité aux
2 zones frontalières ? Il y aurait été question de nettoyage partout. Il
3 parle de zones frontalières qui ont été adjointes d'une façon politiquement
4 perverse afin qu'un peuple particulier se retrouve dans une situation
5 dominante dans beaucoup pus de municipalités qu'il lui en serait revenu en
6 temps normal. C'était un problème politique dont je suis parfaitement au
7 courant. Je suis particulièrement au courant de la façon serait le
8 découpage administratif des frontières municipales, a permis de donner la
9 majorité à certains peuples. Il dit simplement : ces zones frontalières,
10 débarrassons-nous-en, mettons-les de côté; et non pas : expulsons les
11 Musulmans. C'est ce même Mate Boban qui plus tard a 10 000 Musulmans au
12 sein du HVO, puis ensuite il y avait les réfugiés, et ainsi de suite, Donc,
13 je vous en prie.
14 Q. Est-ce que vous suggérez, Général, l'idée -- bien, ce que Boban propose
15 ici, si j'ai bien compris, c'est qu'ils vont entrer en Herceg-Bosna les
16 gens ont redessiné les frontières des différentes municipalités en Herceg-
17 Bosna, et pour le faire de façon à garantir que les Croates soient
18 majoritaire dans chacune de ces municipalités, tout ceci sera fait, et les
19 Musulmans n'auront pas de problème avec cela même dans une municipalité
20 comme Jablanica, où ils représentent quelque 70 % de la population, ils
21 vont simplement accepter cela sans rien dire alors que Boban et ses hommes
22 modifient les frontières des municipalités pour mettre en place une
23 majorité de Croates qui n'existaient pas auparavant; c'est bien ce que vous
24 dites et que tout ceci allait se passer de façon pacifique, et redessiner
25 la carte des municipalités pour "gerrymandering" ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas cela. Vous ne pouvez pas
27 changer le nombre d'habitants se trouvant à Jablanica. Mais par
28 l'adjonction de villages musulmans à Prozor et à Rama de façon tout sauf
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1 naturelle, il a été possible d'augmenter d'une façon très significative le
2 nombre de Musulmans à Rama, en donnant ces mêmes villages à la municipalité
3 de Jablanica, on pouvait augmenter le nombre de Musulmans à Jablanica. Il
4 s'agit d'un territoire compact où on a adjoint des villages musulmans à
5 Rama pour diminuer la proportion de la population croate. Boban dit qu'il
6 faut revenir en arrière là-dessus avec toutes les réserves et les
7 conditions qui sont mentionnées, si on arrive dans cette situation-là. Si
8 nous voulons nous pencher là-dessus plus en détail, il faudrait -- et je
9 peux vous le dire, je peux vous l'apporter, il faudrait se pencher sur le
10 découpage -- redécoupage détaillé des municipalités en Bosnie-Herzégovine.
11 Vous pouvez voir à partir de ce compte rendu de quoi il s'agit --
12 Q. Vous avez évoqué les réfugiés, nous allons y revenir un peu plus tard,
13 parce que pour l'instant nous ne parlons que du mois de décembre 1991,
14 avant que la guerre n'arrive en Bosnie, avant le référendum sur
15 l'indépendance, avant l'encerclement de Sarajevo que vous invoquiez un peu
16 plus tôt dans votre témoignage lorsque vous avez répondu à une question
17 posée par M. le Juge Antonetti. Vous disiez que l'occupation serbe de la
18 Bosnie-Herzégovine, l'encerclement, le siège de Sarajevo, rien de tout cela
19 ne se passait en décembre 1991, n'est-ce pas ? Ceci est arrivé quelques
20 mois plus tard ?
21 R. Sarajevo a été assiégée quelques mois plus tard, mais l'occasion par la
22 JNA de la Bosnie-Herzégovine, et la distribution d'armes à la population
23 serbe de Bosnie-Herzégovine, représentait deux choses qui avaient déjà été
24 faites pour une large part. Comme vous le savez, les forces serbes avaient
25 encerclé toutes les zones entourant Mostar. Des gens avaient été tués, il y
26 avait tir à partir des collines, et on en est arrivé à ce que la communauté
27 internationale quitte la Slovénie et la Croatie, et tout cela s'est
28 retrouvé en Bosnie-Herzégovine, le Corps de Rijeka, et ainsi de suite.
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1 Q. Egalement en réponse à une question qui a été posée par le Président de
2 la Chambre, il s'agissait des déclaration Stjepan Kljujic au niveau des
3 procès-verbaux présidentiels, et le Président de la Chambre a suggéré ou
4 indiqué que le problème qui se posait à la ligne 8 de la page 41, je cite :
5 "Le problème a été expliqué par M. Kljujic, n'est-ce pas ?"
6 Et vous avez répondu en disant :
7 "Non, pas de façon véridique d'après moi."
8 Donc, Général, cela fait presque une semaine que je vous contre-interroge,
9 il y a quatre personnes déjà qui d'après vous ne disent pas la vérité ou
10 qu'ils sont des menteurs parce que ceci ne correspond pas à votre vision du
11 monde; l'ancien président Mesic, le commandant Boricic, qui s'occupait de
12 la section d'entraînement de l'armée croate. Il a rédigé un rapport sur le
13 déploiement de la 5e Brigade de la Garde en Herceg-Bosna que nous avons
14 évoqué un peu plus tôt. Vous dites qu'il a rédigé un rapport fallacieux ou
15 que ses chiffres n'étaient pas exacts ou véridiques. Vous avez dit la même
16 chose du général de brigade Kapular, le commandant de la 5e Brigade des
17 Gardes. Vous avez dit qu'il a remis un rapport falsifié au ministre de la
18 Défense croate, Susak. Maintenant vous dites que Kljujic ne dit pas la
19 vérité, parce que dans sa conversation, il qualifie les événements qu'il
20 évoque au cours de sa conversation.
21 Donc chaque fois que quelqu'un dit quelque chose, même si cela est
22 arrivé un certain nombre d'années, même avant la création de ce Tribunal,
23 chaque fois que quelqu'un disait quelque chose qui ne correspond pas à
24 votre témoignage, vous affirmez que cette personne est un menteur.
25 R. Ce n'est pas exact, Monsieur Stringer. Je n'ai pas dit que le brigadier
26 Kapular mentait. Je sais exactement pourquoi il a embelli le rapport à
27 l'intention de Gojko Susak, parce qu'il voulait obtenir plus de bottes, et
28 cetera. L'armée était pauvrement équipée et il gonflait les chiffres.
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1 Stipe Mesic, permettez-moi de le dire, Stipe Mesic, en pages 41 et
2 42, dans toute cette transcription de 115 pages, il dit --
3 Q. Général, vous nous avez expliqué tout ceci déjà --
4 R. Mais non, je ne vous ai pas dit au sujet de Mesic. Parce que si M.
5 Mesic a ici, par exemple, une conversation au sujet d'un partage et s'il
6 sait --
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez.
8 C'est M. Stringer qui conduit, puisque c'est lui qui pose les questions.
9 Donc répondez exactement à la question qu'il pose.
10 M. STRINGER : [interprétation]
11 Q. Général, le témoignage de Mesic vous a été présenté. J'ai demandé à ce
12 que vous nous donniez vos commentaires ainsi que Kapular et les autres. Ce
13 que je souhaite signaler, c'est que vous avez tendance à dire que les
14 autres sont des menteurs lorsque ceci ne correspond pas à ce que vous
15 dites. Nous n'avons pas besoin d'analyser à nouveau le témoignage de Mesic
16 sur le fond à Karadjordjevo.
17 Un dernier point, encore une fois, la question du Président de la Chambre -
18 -
19 R. Quelle est votre question ? Vous voulez que je vous dise qu'il ment ou
20 quoi ? Enfin, quelle est la question ?
21 Q. Vous avez clarifié ceci. Vous dites que le rapport qu'il a fourni est
22 un rapport falsifié, qui a été remis au ministre de la Défense. Ceci est
23 consigné au compte rendu d'audience et je suis prêt à passer à autre chose.
24 R. Ok, mais ne répétez pas alors vos thèses. Allez de l'avant.
25 Q. Vous avez dit, lorsque vous avez répondu à une question posée par M. le
26 Juge Antonetti à propos de Kljujic, vous dites qu'il souhaitait jouer un
27 rôle à part. Il souhaitait être un acteur autonome, il souhaitait que les
28 autres lui obéissent. A ce moment-là, ce n'était pas possible et ça a été
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1 retenu contre lui. Vous avez dit ceci il y a quelques instants, page 41 du
2 compte rendu d'audience -- et la réalité pour laquelle il souhaitait être
3 autonome, c'est parce qu'il voulait être le président du HDZ en Bosnie-
4 Herzégovine et c'est ce qui l'a conduit à sa perte, parce que, en réalité,
5 c'était le président Tudjman qui allait mener la barque pour ce qui est de
6 la politique du HDZ en Bosnie-Herzégovine. Le fait est que Kljujic
7 souhaitait être autonome. Ceci ne concordait pas avec le point de vue de
8 Tudjman et c'est la raison pour laquelle son fantoche, Boban, a finalement
9 été mis en place. Il était tout sauf autonome, cet homme-là, parce que son
10 seul but était de faire tout le contraire. Son but était de mettre en œuvre
11 la politique de suivre les instructions du président Tudjman. Ceci est
12 exact, n'est-ce pas ?
13 R. Non, c'est tout à fait faux. C'est sans fondement, absurde, inventé de
14 toute pièce.
15 Q. Passons à la pièce suivante, Général. Nous allons sauter un petit peu
16 dans le temps et avancer. Nous avons évoqué cette conversation au palais
17 présidentiel qui s'est déroulée le 27 décembre 1991. Nous allons avancer de
18 quelque 18 mois.
19 Pièce P 02719, un autre procès-verbal présidentiel. Il s'agit d'une
20 conversation qui s'est déroulée le 11 juin 1993, entre le président Tudjman
21 et le président Izetbegovic de Bosnie-Herzégovine. Je souhaitais simplement
22 vous demander de vous reporter à un passage. Nous allons y revenir plus
23 tard sur ce procès-verbal. Mais la question que je souhaite aborder avec
24 vous maintenant, c'est celle-ci. Ceci se trouve à la page 14, commence à la
25 page 14. Izetbegovic se plaint auprès du président Tudjman à propos du
26 comportement et des activités de Boban et d'autres personnes en Bosnie-
27 Herzégovine. A la page 14, Izetbegovic dit, la deuxième moitié de la
28 feuille :
Page 43246
1 "La déclaration officielle de la FORPRONU était que les conditions
2 météorologiques étaient mauvaises et qu'ils ne pouvaient pas partir…"
3 Je crois qu'il parlait d'une réunion avec Boban qui ne pouvait pas y aller.
4 Je poursuis la citation :
5 "… c'est ce que nous avons entendu dire ce jour-là et plus tard également.
6 Ensuite nous avons entendu dire que Boban a prétendu qu'on lui avait tiré
7 dessus. Pour ce qui est des déclarations de Boban, vous pouvez me croire.
8 J'ai le droit de ne pas le croire. J'ai cent raisons de ne pas le croire.
9 Boban est sans cesse en train de susciter des querelles là-bas. Vous devez
10 le savoir. Je dois vous le dire. Vous pouvez me croire ou vous pouvez ne
11 pas me croire. C'est à vous de faire ce que vous souhaitez. Vous devez
12 savoir que c'est lui et d'autres personnes qui sont derrière ces conflits
13 là-bas."
14 Et le président Tudjman pose la question, je cite :
15 "Et qui d'autre à votre avis ?"
16 Izetbegovic, à la page suivante, dit :
17 "Kordic, Kostroman, Busovaca et ces trois personnes étaient ces gens."
18 Tudjman dit :
19 "Donc les gens qui défendaient Busovaca sont dans votre --"
20 Izetbegovic lui coupe la parole et il dit :
21 "Vous savez il y a des centaines de personnes et ici il y en a deux. Si
22 deux devaient vous dire que cet homme, Kordic, est intelligent, ne le
23 défendez pas. Vous ne pouvez défendre personne."
24 Ensuite Tudjman dit :
25 "Je ne le défends pas du tout."
26 Ensuite Izetbegovic poursuit en parlant de Kordic. Et je vais passer à la
27 page 16. Tudjman dit :
28 "Vous avez évoqué Kostroman. Où est-il et qui est-il ?"
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1 Izetbegovic dit :
2 "Je crois qu'il est à Kiseljak ou à Busovaca, dans ces régions-là, en tout
3 cas."
4 Izetbegovic dit, je cite -- pardonnez-moi, le président Tudjman dit, je
5 cite :
6 "M. Izetbegovic, je ne connaissais ni les nommés Boban, Kordic ou
7 Kostroman. Ces personnes sont arrivées sur la scène pendant l'offensive
8 contre l'agression serbe. Le seul message qu'ils ont reçu de nous à Zagreb,
9 c'est de coopérer avec vous. C'est ce que je vous ai conseillé également, à
10 savoir d'établir une coopération."
11 Nous avons maintenant regardé ce procès-verbal présidentiel du 27 décembre
12 1991 - Tudjman, Kordic, Kostroman et Boban - et les autres. Lorsque Tudjman
13 parle longuement de la Bosnie-Herzégovine, lorsqu'il dit que ceci n'a pas
14 été donné par Dieu, que ce n'est pas dans l'intérêt de la Croatie que de la
15 conserver, il fait ces déclarations directement en tant que président de la
16 République de Croatie à ces hommes Boban, Kordic et Kostroman. Maintenant
17 Tudjman ne dit pas la vérité à Izetbegovic. Il lui dit quelque chose de
18 tout à fait différent. Il dit à Izetbegovic qu'en réalité son message à ces
19 hommes consiste à coopérer avec Izetbegovic.
20 Donc il induisait Izetbegovic en erreur. Il cachait la véritable nature des
21 instructions qu'il donnait et des rapports qu'il avait avec Tudjman, Boban,
22 Kordic et Kostroman, n'est-ce pas ?
23 R. Ce que vous affirmez est complètement dénué de sens, parce qu'en cette
24 période-là et l'autre, il s'est passé plus d'un an et demi. Entre-temps, la
25 Bosnie-Herzégovine a été reconnue par la Croatie suite à un référendum.
26 Enfin je ne sais pas comment vous cherchez à comprendre la politique pour
27 ce qui est de ces temps si mouvementés où personne ne sait ce qu'on aura
28 dans un délai d'un an et demi. Ce n'était pas des positions prises, c'était
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1 un débat. Il n'y a pas une seule position. Il n'y a pas une seule
2 conclusion.
3 Or ici, M. Izetbegovic, une fois qu'il a pris Travnik et qu'il a placé là-
4 bas ses généraux et qu'il a saccagé Konjic et tué pas mal de gens. Suite à
5 la prise de Kakanj, suite au nettoyage de Zenica en plein Zagreb, il vient
6 dire en plein Zagreb à Tudjman des mensonges immenses comme il l'a
7 d'ailleurs fait tout le temps.
8 Q. En réalité, ce que nous voyons ici, Général, étant donné que vous avez
9 utilisé le terme Tudjman a menti à Izetbegovic, lorsqu'il a dit à
10 Izetbegovic que le message qu'il avait donné à Kordic, Kostroman et Boban
11 était de coopérer alors que son message, en réalité, était tout le
12 contraire. Et la politique en Herceg-Bosna était tout le contraire aussi,
13 n'est-ce pas ?
14 R. Bien sûr que non. Comment voulez-vous sinon que les Croates aillent
15 voter au référendum ? Mais vous voulez vraiment faire de moi un homme qui a
16 coefficient intellectuel de 80, 82 à tout casser, Monsieur Stringer.
17 Q. Avançons --
18 R. Enfin j'en sais quand même un peu plus. J'ai l'impression que vous avez
19 l'impression -- enfin, Monsieur Trechsel, vous pensez que j'en ai moins ?
20 Que j'ai un coefficient --
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je n'ai pas d'avis sur votre QI et
22 peut-être que je n'ai pas le même point de vue, mais ceci n'a pas lieu
23 d'être ici. Je trouve que votre réponse à la question de M. Stringer -- je
24 ne peux pas suivre. M. Stringer vous demande, à un moment donné, nous avons
25 vu dans un document que Tudjman avait dit une chose, ensuite à un autre
26 moment et à d'autres interlocuteurs, il dit autre chose. Il vous demande si
27 vous y voyez une contradiction, et au lieu de cela, vous prétendez que l'on
28 vous prend pour quelqu'un qui n'est pas intelligent. Je ne vois pas du tout
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1 le lien. Je ne vous suis pas du tout. Je ne comprends pas ce que vous
2 voulez dire, hormis le fait que vous ne répondez pas à la question, d'après
3 moi.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai répondu à la question pour dire qu'à
5 cette réunion, il n'y a pas eu de conclusions d'adopter. On a parlé au
6 conditionnel. Des politiques et des positions d'envisagées et, jusque-là,
7 il y a eu ce au sujet de quoi on a présenté devant ce Tribunal des
8 centaines et centaines de documents. Il y a eu les réfugiés, la
9 reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine, et cetera. Alors établir une
10 corrélation, je ne comprends pas, mais je veux bien répondre à la question.
11 Monsieur Stringer, je suis tout à fait en désaccord avec vos conclusions.
12 Voilà, c'est tout.
13 M. STRINGER : [interprétation] Très bien. Donc la pièce suivante est le 1D
14 00 --
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, on vient de voir ce document qui
16 est une conversation entre M. Izetbegovic et M. Tudjman, le 11 juin. Dans
17 le document, on ne sait pas où ça s'est déroulé. Je présume que c'est à
18 Zagreb.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, à Zagreb. C'est une transcription.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est à Zagreb. Je remarque que la conversation
21 débute à presque une heure du matin. C'est minuit passé de 25 minutes.
22 Fallait-il que le sujet soit important. Mais passez minuit en Croatie, il y
23 avait, dans les administrations, toujours un fonctionnaire présent pour
24 enregistrer la conversation ? Puisque vous avez fréquenté le bureau ou la
25 salle de réunion où se tenaient les rencontres, alors était-ce dans le
26 bureau de M. Tudjman, était-ce dans la salle de réunion dont nous avons vu
27 une photo ? Mais que ça soit dans son bureau ou dans la salle de réunion,
28 faire un enregistrement audio, il est à voir ici d'ailleurs comment ça se
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1 passe, c'est toute une logistique. A votre connaissance, ils étaient
2 capables, à minuit, d'enregistrer une conversation ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Juge Antonetti. Ce
4 n'était pas chose rare que de se faire convoquer par le président Tudjman à
5 une heure ou 2 heures du matin. On était en état de guerre. Nous étions en
6 train de créer un Etat. Tous étaient prêts 24 heures sur 24 sans horaire de
7 travail et sans droit à réclamer quoi que ce soit à ce sujet. Du moins, moi
8 et les autres, on n'avait pas à compter sur les horaires de travail fixe.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
10 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Q. Général, la pièce suivante c'est le 1D 00401. Il s'agit d'un extrait
12 d'un livre écrit de la main du Prof Tudjman en 1991 intitulé : "Le
13 nationalisme dans l'Europe d'aujourd'hui." Si nous regardons la page --
14 R. Je ne reçois pas d'interprétation, Monsieur le Juge Antonetti.
15 Mme PINTER : [interprétation] Nous n'avons pas d'interprétation en langue
16 croate, alors je demanderais à M. le Procureur de nous donner lecture assez
17 lentement afin que cela puisse être traduit.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux avoir une traduction. C'est un livre
19 scientifique, je dois avoir une traduction en langue croate pour pouvoir
20 comparer exactement. Je demanderais à M. le Juge Antonetti de m'autoriser à
21 faire ainsi.
22 [Le témoin quitte la barre]
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Stringer, M. Praljak s'absence
24 quelques secondes, parce qu'il a une obligation impérieuse.
25 On a un document qui est certainement important, puisqu'il émane de M.
26 Tudjman. Ce document est en anglais. L'accusé a le droit d'avoir dans sa
27 propre langue tout document qui est utilisé dans le cadre de son procès.
28 Alors si vous n'avez pas la traduction en B/C/S, mais peut-être que vous
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1 l'avez, j'en sais strictement rien, vous pourriez revenir utilement sur ce
2 document à la reprise, soit tout à l'heure, soit au mois d'août.
3 M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est un
4 document 1D. Il a été versé au dossier et pour l'instant, je ne peux pas
5 vous dire si -- il doit certainement y avoir quelque part une traduction en
6 B/C/S, parce que cela m'étonnerait que le président Tudjman ait écrit ceci
7 en anglais. Donc nous allons vérifier. Je peux ne pas aborder cette
8 question-ci maintenant, et peut-être que le conseil de M. Prlic peut nous
9 dire quelque chose.
10 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Pour ce qui est de ce livre, il est
11 certain qu'il y a une version en langue croate, mais nous le livre on l'a
12 reçu en version anglaise. Nous n'avons pas de version anglaise, étant donné
13 que nous avons travaillé avec l'ambassadeur Sancevic sur ce livre, pour
14 lui, ça n'a pas causé de problème. Voilà. Merci.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc ce livre a dû paraître dans la langue
16 croate. Manifestement la Défense de M. Prlic n'a utilisé que le livre en
17 anglais. Voilà, donc il y a peut-être un problème.
18 Alors, en plus, Monsieur Stringer, j'appelle votre attention sur le
19 même -- le titre du livre : "Nationalisme dans l'Europe contemporaine."
20 Donc vous allez certainement utiliser ceci pour votre thèse, donc il serait
21 équitable que M. Praljak puisse avoir connaissance de l'intégralité de ce
22 livre avant qu'il puisse répondre utilement à vos questions.
23 Qu'en pensez-vous ?
24 M. STRINGER : [interprétation] C'est très bien, Monsieur le Président.
25 Cette pièce a été utilisée par l'équipe de Défense Prlic pendant
26 l'interrogatoire principal de l'ambassadeur Sancevic, leur témoin. Ceci n'a
27 pas posé problème à l'époque, comme l'a indiqué le conseil de la Défense.
28 Je suis revenu sur le témoignage de l'ambassadeur Sancevic pendant mon
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1 contre-interrogatoire. Si le général souhaite regarder la version dans la
2 langue d'origine, il peut tout à fait le faire, et je peux laisser de côté
3 ce document pour l'instant et passer à autre chose, et nous allons voir si
4 nous pouvons remettre la main sur ces pages dans la langue d'origine, et je
5 reviendrai après dessus.
6 [Le témoin vient à la barre]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Passez à un autre document.
8 M. STRINGER : [interprétation]
9 Q. Général, nous avons parlé beaucoup de réunions avec M. Tudjman, avec M.
10 Boban, avec d'autres, des réunions qui se sont tenues à Zagreb, des
11 événements qui ont eu lieu là-bas. Je voudrais maintenant revenir à des
12 événements qui se sont produits en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire venir
13 plus sur le terrain et non dans les bureaux présidentiels de Zagreb. Pour
14 ce faire, j'aimerais revenir à un témoignage de M. Vulliamy, qui est
15 journaliste au "Guardian," qui a témoigné dans cette affaire.
16 M. STRINGER : [interprétation] Nous avons un extrait de sa déposition,
17 Monsieur le Président, que nous pouvons mettre à l'écran de façon à ce que
18 tout le monde puisse suivre. C'est la page 1 499 du compte rendu
19 d'audience.
20 Q. A la page 16, on pose la question à M. Vulliamy :
21 "S'il se souvient des événements qui se sont produits lorsqu'il avait
22 rencontré M. Mate Boban ?"
23 Nous allons passer en revue les éléments de cette réunion qui s'est
24 produite en août 1992. Il dit à la ligne 18 :
25 "Oui. Je me souviens très bien de cette réunion."
26 C'est-à-dire donc M. Vuiliamy rencontrant M. Boban en août 1992 :
27 "C'était dans ses bureaux dans une ville appelée Grude, une petite ville
28 dans une localité qui semblait assez peu sûre, même s'il n'y avait pas de
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1 combat qui avait lieu."
2 Il dit à la ligne 24 :
3 "Mate Boban était en fait celui qu'on a associé au sommet du pouvoir au
4 sein des Croates de Bosnie."
5 Ensuite à la page 1 500 du compte rendu d'audience, je vais passer à la
6 ligne 10. On lui demande s'il se souvient de la date à laquelle cette
7 réunion s'est tenue avec M. Boban. A la ligne 10, M. Vulliamy dit :
8 "Et bien, ce sera approximatif, je suis arrivé le 10. C'était donc soit le
9 12 soit le 13 soit le 14 août, des zones-là.
10 Quand on lui a demandé :
11 "Quelle année ?"
12 Il a répondu :
13 "1992."
14 Puis on a posé la question suivante à M. Vulliamy :
15 "Est-ce qu'il se souvenait de ce qui avait été abordé durant la réunion et
16 notamment les plans pour la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?"
17 M. Vulliamy, à la ligne 19, dit, je cite :
18 "Il a été clair et il était disposé à avoir cette conversation. Il a été
19 clair en disant qu'il ne pouvait pas reconnaître la constitution -- qu'il
20 ne reconnaîtrait pas la constitution de Bosnie-Herzégovine, et il ne
21 reconnaîtrait pas Sarajevo comme capitale. La raison qu'il a donné c'est
22 que la constitution garantit les droits des personnes, mais non des
23 peuples, et le terme utilisé pour les peuples est le terme 'narod' cela
24 signifie les peuples dans leur ethnicité, et cela ne signifie pas des
25 personnes qui vont faire des courses, il s'agit, par exemple, 'Harvatski
26 Narod,' c'est-à-dire le peuple croate."
27 C'est la page 1 501, la ligne 3, il dit que :
28 "Il voulait donc que les différents 'narod,' les différents peuples
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1 devaient être divisés par un système de cantons ou de provinces, donc
2 répartir les Serbes, les Musulmans et les Croates. C'est un système qui
3 apprécié parce qu'en fait il l'avait comparé à ce qui se passait en Suisse
4 pour des raisons de relations publiques, en Suisse ou en Union européenne.
5 Il a montré comment un groupe de ces cantons, de ces provinces seraient
6 précisément croates, il a parlé également de la manière dont l'Herceg-Bosna
7 serait liée à la Croatie d'un point de vue culturel, spirituel et
8 économique, et il disait que l'Herceg-Bosna avait été séparée par la
9 Croatie pour 'des raisons historiques malheureuses.' C'est ce qu'il avait
10 dit. Il a également parlé du HVO, il n'a pas parlé du HV et de ses
11 relations avec le HDZ, son parti, mais il a parlé du HVO comme force
12 militaire légitime sur ce qu'il appelait un territoire libre, ensuite il a
13 fait quelques remarques consistant à dire que le peuple croate serait
14 disposé à prendre les armes pour défendre cette liberté, comme il a dit
15 donc dans sa langue ce qui selon moi m'a permis de comprendre qu'il était
16 déjà sur la défensive."
17 J'ai donc deux questions à vous poser concernant cela, Monsieur le Général.
18 Tout d'abord, les opinions de Boban, exprimées à l'attention de M. Vulliamy
19 dans la conversation qu'il a eue en août 1992, sont en fait une copie
20 conforme des opinions du président Tudjman, n'est-ce pas, il s'agit donc
21 des liens culturels et spirituels entre l'Herceg-Bosna et la Croatie, et
22 les circonstances malheureuses qui ont mené à la séparation de ces deux
23 régions ? Il semble donc que sur la base de ce qui a déjà été vu ici, les
24 opinions de Boban étaient essentiellement les mêmes que celles du président
25 Tudjman sur cette question ?
26 R. Je suis dans une situation délicate ici. Je ne vois pas très bien
27 comment je pourrais répondre à une telle question. Ici ce sont les points
28 de vue de Mate Boban qui sont énoncés lors d'une réunion apparemment avec
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1 M. Vulliamy. Alors tout d'abord, j'ignore la teneur de leurs entretiens.
2 Là, nous avons ce que Vulliamy avance comme étant le contenu de leur
3 discussion, et ce dont ils ont parlé, selon Vulliamy, chose que ça ne pose
4 pas de problème. Bon, alors il y a aussi cette formulation de Vulliamy qui
5 dit que Grude c'est un endroit terrifiant, c'est très anglais, comme façon
6 de voir les choses.
7 Cela et de façon dont il parle de la notion de "narod," le "peuple," est
8 exact donc c'est conforme à ce qui figure à la constitution de Bosnie-
9 Herzégovine, où les peuples sont souverains. Ensuite il parle des cantons
10 qui ont été une idée constamment avancée. Pourquoi ne mettrait-on pas en
11 place des cantons, comme cela, il a été le cas en Suisse, ou si j'ai bonne
12 mémoire, il y a aussi eu une guerre lorsque sept cantons ont voulu se
13 séparer par ces questions. Mais bon c'est l'aménagement auquel il a été
14 procédé là-bas. Alors ensuite Boban parle de liens culturels avec la
15 Croatie, entre les Croates qui vivent dans les deux Etats, mais c'est ce
16 que toute l'Europe fait d'ailleurs, pourquoi ne faudrait-il pas encouragé
17 les liens économiques et culturels. A l'époque, le HVO a déjà assuré la
18 défense de la Bosnie-Herzégovine pour que celle-ci ne soit pas écrasée par
19 les forces serbes. Je ne sais pas quelle est l'expérience de Vulliamy mais
20 tout cela est exact et moi je signerais tout cela aujourd'hui. J'aurais
21 souhaité une cantonisation de la Bosnie-Herzégovine, que le HVO puisse être
22 en position de défendre. Alors après quant à savoir quelles étaient les
23 expériences de Vulliamy et quelle était son interprétation de telle ou
24 telle chose, c'est son droit de journaliste. Moi, ce que je sais, c'est
25 qu'elles étaient nos positions à nous.
26 Q. Merci. Donc, Général, d'après ce que vous dites les opinions exprimées
27 par M. Boban n'étaient pas uniquement les opinions présentées par le
28 président Tudjman, telles que nous l'avons vu dans les comptes rendus
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1 précédents, mais il semble également que ses opinions soient similaires à
2 votre propre proposition, c'est-à-dire la constitution d'un canon ou d'une
3 zone qui serait plus particulièrement croate au sein de la Bosnie-
4 Herzégovine ?
5 R. Non, ils ne sont pas spécifiquement Croates mais ils sont tels que cela
6 a été prévu précisément. Or il est exact, Monsieur Stringer qu'aujourd'hui
7 encore je défends l'idée selon laquelle l'aménagement cantonal de la
8 Bosnie-Herzégovine était la meilleure solution possible. Aujourd'hui
9 encore, j'affirme que le HVO représentait une force de défense tout à fait
10 régulière et légale qui a sauvé la Bosnie-Herzégovine, et je pense que si
11 la Communauté européenne avait accepté et imposé le modèle helvétique, cela
12 aurait été le meilleur modèle. Les Croates ne souhaitaient en la matière
13 rien de plus qu'être sur un pied d'égalité, au même niveau que les autres
14 peuples et la protection de leurs intérêts vitaux.
15 Aujourd'hui, j'estime que la coopération et les liens culturels doivent
16 être développés au maximum. Mais --
17 Q. Alors voyons ce que vous avez dit sur le même sujet il y a quelques
18 années. Je vais vous présenter un clip vidéo qui porte la cote P 09447,
19 c'est un documentaire : "La mort de la Yougoslavie." Est-ce que vous vous
20 souvenez d'avoir accordé cet entretien à des journalistes sur cette
21 émission concernant la mort de la Yougoslavie, Monsieur le Général ?
22 R. Je m'en souviens. Mais dites-moi quelle année exactement. Ce n'était
23 pas il y a quelques années. Mais je vous prie de donner la date exacte à
24 laquelle cela a été fait. Soyons précis dans ce prétoire.
25 Q. En fait j'allais vous demander si vous pourriez me donner l'année de
26 cet enregistrement vidéo. Alors visionnons cette vidéo et peut-être que
27 vous vous souviendrez de l'année.
28 On peut peut-être lancer la vidéo.
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1 R. C'est votre pièce à conviction, alors dites quand cela a été
2 enregistré. Informez-nous.
3 Q. C'était votre déposition, donc dites-moi quand ceci a été fait.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 M. STRINGER : [interprétation] Apparemment on n'entend pas le son.
6 Mme PINTER : [interprétation] Messieurs les Juges, pendant que nous
7 attendons, je pense que le général a parfaitement le droit d'être informé
8 du moment de la date à laquelle cela a été enregistré tout simplement parce
9 que nous avons déjà entendu de sa bouche qu'il n'est pas tout à fait sûr du
10 cadre temporel, lui-même, il ne peut pas le dire lui-même premièrement.
11 Deuxièmement, il a le droit de le savoir en quelle année et à quel
12 moment cela a été enregistré.
13 Nous à chaque fois que nous avons fourni des documents ou des
14 enregistrements vidéo nous devions préciser quand cela avait été
15 enregistré.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, vous avez la date, ou vous la
17 donnerez plus tard.
18 M. STRINGER : [interprétation] Non, je n'ai pas la date disponible. Je peux
19 vous la fournir après la pause. Je voulais en fait demander au général s'il
20 reconnaissait cette vidéo et il est clair qu'il s'agit de lui qui apparaît
21 à l'écran. La procédure normale est de lui demander de visionner cette
22 vidéo et de lui demander s'il se souvient de la date à laquelle il a tenu
23 ou accordé cet entretien. Mais je peux vous fournir la date également,
24 Monsieur le Président, je le ferai.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a une certaine ressemblance entre
27 cette personne ici avec moi et moi-même.
28 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, il n'y a pas de son,
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1 donc peut-être qu'on pourrait faire la pause maintenant de façon à régler
2 ce problème technique.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause et puis vous allez régler ce
4 problème technique.
5 --- L'audience est suspendue à 12 heures 08.
6 --- L'audience est reprise à 12 heures 30.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. J'espère que la vidéo
8 fonctionne.
9 M. STRINGER : [interprétation] Oui, la vidéo fonctionne et je peux fournir
10 aux Juges et à tous les participants les détails de cet entretien accordé
11 par le général Praljak. Ceci s'est passé en avril 1995. Les entretiens font
12 partie d'une émission de la BBC très connue, intitulée en français : "Vie
13 et mort de la Yougoslavie," qui a été également accompagnée d'un livre du
14 même nom, par Laura Silver, documentaire de la BBC a été diffusé pour la
15 première fois en septembre 1995 et je crois savoir que la vidéo que nous
16 allons voir des entretiens avec le général Praljak ont été reçus par le
17 bureau du Procureur le 14 avril 1998. Apparemment, le nom sur la
18 documentation interne est le mien. Je suis donc en fait le destinataire de
19 cette vidéo que j'avais demandée.
20 Voilà donc, Monsieur le général, les entretiens ont été tenus en avril
21 1995, la diffusion s'est faite en septembre 1995, et ce que vous allez voir
22 a été reçu par le bureau du Procureur le 14 avril 1998. Monsieur le
23 Général, nous allons donc vous faire visionner cette vidéo et nous pourrons
24 en reparler après l'avoir visionnée.
25 [Diffusion de la cassette vidéo]
26 L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : il n'y a pas de bande son.
27 Mme PINTER : [interprétation] Messieurs les Juges, il y a un texte qui
28 défile sous l'image mais nous ne recevons aucune interprétation et il n'y a
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1 pas de bande-son qui nous parvient non plus.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
3 Juges, j'ai appelé le technicien qui sera là en quelques secondes.
4 M. STRINGER : [interprétation] Nous allons passer à la pièce portant la
5 cote P00466. Je pense que tout le monde sera ravi que nous passions à un
6 autre compte rendu présidentiel en attendant que le problème soit réglé.
7 Q. Monsieur le général, est-ce que vous pouvez passer à la pièce P00466
8 dans votre jeu de documents, dans votre classeur ?
9 R. Oui.
10 Q. Très bien. Nous passons du compte rendu présidentiel de décembre 1991.
11 Nous sommes maintenant le 11 septembre 1992. Il s'agit de la première
12 séance ou session du Conseil de la Défense nationale de la République de
13 Croatie. Vous étiez présent à cette réunion, Monsieur le général, avec
14 Gojko Susak et d'autres participants, comme cela figure sur la page de
15 couverture. A un moment, durant les questions posées par le Juge Antonetti
16 ce matin, on vous a posé une question qui est à la page 54. Je voudrais
17 donc obtenir des précisions de votre part. Il s'agit donc de la page 54 de
18 ce document, et nous irons jusqu'à la page 57.
19 Monsieur le Général, veuillez m'excuser. Je voudrais en fait qu'on commence
20 par la page 51. Etant donné que nous avons quelques problèmes techniques,
21 nous allons consacrer un peu plus de temps à ce compte rendu.
22 Il s'agit de la page 51, et là, nous sommes donc en septembre 1992, peu de
23 temps avant les événements de Prozor que nous connaissons, ainsi que la
24 chute de Jajce. Au milieu de la page, vous dites :
25 "…et la guerre avec les Musulmans peut être prévue."
26 Susak a dit :
27 "Cela fait plus d'une semaine que nous sommes conscients des
28 préparatifs que nous devons réaliser."
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1 Le général, et ensuite, Monsieur le Général, vous avez déclaré :
2 "Nous avons six morts au poste. La situation empire. Les routes sont
3 maintenant barrées là-bas. Ce soir, ils vont laisser passer certains
4 véhicules mais ils ne nous laissent pas passer. Les gens se sont calmé et
5 ne vont pas vouloir partir immédiatement. Un autre problème, c'est que les
6 Serbes, avec leur manière de résoudre la question musulmane, nous ont placé
7 dans une position où nous allons tout perdre. Nous nous défendons parce que
8 les Musulmans vont s'installer ici. Nous avons quitté une minorité
9 ailleurs, de partout mis à part dans la partie de l'Herzégovine
10 occidentale, et ça, je pense, n'est pas un sujet spécial à aborder."
11 Il y a un passage où il est mentionné :
12 "Personne ne fait pas toujours preuve de malice."
13 Mais lorsque vous avez mentionné tout cela dans votre déposition,
14 Monsieur le Général, vous avez donc le problème du nombre important de
15 réfugiés musulmans qui arrivent vers l'Herceg-Bosna et qui ont été donc
16 repoussés ou qui ont été chassés par les Serbes. Donc, je poursuis ce que
17 l'on abordait plus tôt. En plus de la tendance à la baisse de la population
18 croate en Herceg-Bosna, à la fin de l'année 1992, la situation a empiré
19 parce que vous aviez des réfugiés musulmans qui sont arrivés d'autres
20 parties de Bosnie-Herzégovine; est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?
21 R. La situation ne s'est pas aggravée, elle est catastrophique. De la
22 réduction de notre pourcentage à ce qui s'est produit avec les Serbes qui
23 ont occupé 70 % du territoire d'où ils ont chassé aussi bien les Musulmans
24 que les Croates, les Croates, étant partis vers la Croatie et les Musulmans
25 aussi, d'ailleurs, sont partis vers la Croatie, mais un nombre considérable
26 s'est installé non seulement en Herceg-Bosna mais de façon générale, dans
27 le territoire libre qui n'avait pas été occupé par les Serbes. Cela a
28 entraîné une situation proprement catastrophique, une catastrophe totale.
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1 Cela a constitué l'une des forces motrices particulièrement puissantes qui
2 permettait un changement de position, un changement psychologique de la
3 part des Musulmans.
4 Q. Merci, Monsieur le général. C'était un désastre ou une catastrophe à
5 différents niveaux. C'était une catastrophe humanitaire qui a créé une
6 charge énorme, pas uniquement pour les réfugiés qui arrivaient mais
7 également pour les personnes qui avaient habité dans ces régions toute leur
8 vie. Donc, je pense que vous serez d'accord pour convenir avec moi que
9 c'était en fait une catastrophe humanitaire qui se produisait.
10 R. Aussi bien humanitaire que sociale, psychologique et à tous les égards.
11 Une situation particulièrement chaotique, c'est de cela qu'il s'agissait.
12 Q. En ce qui concerne la politique croate par rapport à la Herceg-Bosna,
13 c'était une catastrophe politique également ou un désastre politique parce
14 qu'il y avait ce souhait ou cet objectif de créer un espace ou un canton ou
15 une zone croate, et cela compliquait cette tâche étant donné que les choses
16 allaient dans la mauvaise direction d'un point de vue de la répartition
17 démographique, étant donné que le nombre de Musulmans était en
18 augmentation; n'est-ce pas également exact de dire cela ?
19 R. Non. C'était avant tout une catastrophe humaine pour le peuple. Il est
20 exact aussi de dire que, dans une telle catastrophe, il y a une catastrophe
21 pour le people croate aussi, car il se voit effacé de ces espaces. Comme à
22 Sarajevo, les Musulmans représentent aujourd'hui 96 % de la population,
23 c'est une catastrophe absolue et ce n'est pas un désastre politique, parce
24 que personne ici n'a voulu procéder à la cessation ou à la séparation de
25 quoi que ce soit. C'est une catastrophe pure et simple.
26 Q. Mais étant donné que le nombre de Musulmans vivants dans ces parties de
27 la Herceg-Bosna a augmenté, il y a, par voie de conséquence, une baisse de
28 la population croate, et par conséquent, une possibilité moindre d'avoir
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1 une solution politique, c'est-à-dire une création d'un espace croate au
2 sein duquel les Croates seraient en majorité. C'est des mathématiques,
3 n'est-ce pas ?
4 R. Oui, c'est une simple question de calcul. Si vous amenez 500 000 000 de
5 personnes aux Etats-Unis, évidemment que la question se posera de savoir :
6 à qui appartiennent ces Etats-Unis ? Si quelqu'un chasse des personnes des
7 territoires où elles ont vécu pendant des siècles et que personne ne
8 réagit, de quoi parle-t-on aujourd'hui, mais à l'époque tout le monde
9 considérait cela dans la plus grande indifférence face à cette catastrophe
10 qui était avant tout humanitaire et humaine avant d'être également une
11 catastrophe sur d'autres plans.
12 Q. Monsieur le Général, je voudrais qu'on passe à la page 54, vous avez
13 dit :
14 "Ecoutez, on a perdu. Tout d'abord, il va avoir un bain de sang. Je ne sais
15 pas exactement ce qui va se passer, mais nous allons être dans la même
16 position que les Serbes. Tout devra être laissé. Il y aura des cas de
17 dysenterie et il y aura les camps de réfugiés et il y aura l'occident. Si
18 l'occident arrive à obtenir les territoires à partir desquels les Serbes
19 ont été expulsés, j'y reviendrai."
20 Puis il y a un mot qui manque :
21 "Il y a une chance théorique en Bosnie que nous perdions. Nous
22 n'avons pas en fait beaucoup de chances de pouvoir nous défendre."
23 En fait ce que vous dites ici, Monsieur le Général, c'est que l'afflux de
24 Musulmans vers la Herceg-Bosna, les terres croates d'Herceg-Bosna, en fait
25 vous n'aurez aucun moyen d'atteindre cet objectif de la création d'un
26 espace ou d'un territoire croate dont vous vous étiez fait les chantres
27 parmi d'autres, du moins tant qu'il y aura des réfugiés musulmans qui
28 continueront à vivre dans ces zones ?
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1 R. Non, Monsieur Stringer. Ici c'est en tant que professeur de sociologie
2 ayant tout lu d'August Comte à Durkheim Weber, et jusqu'au contemporain,
3 c'est à ce titre que je parle et que je dis que je sais ce qui va se
4 produire dans une telle situation. C'est une analyse scientifique tout à
5 fait classique qui consiste à dire que --
6 Q. Général, je ne vous pose pas de questions sur que d'aucun ont écrit sur
7 les questions sociologiques. Moi, je vous pose une question bien précise
8 sur l'Herceg-Bosna et ce territoire.
9 Pour réaliser cet espace, ce canton, quel que soit le terme que vous
10 souhaitez utiliser, le problème auquel vous êtes confronté à ce stade et
11 qui est indiqué ici et mis en exergue c'est qu'il y a trop de réfugiés
12 musulmans, trop de Musulmans dans la région, et que vous n'alliez pas
13 pouvoir réaliser ce canton croate à cause de l'arrivée massive de ces pers
14 ? C'est le nombre qui compromet vos objectifs, à savoir la création de cet
15 espace croate ?
16 R. Ce n'est pas exact. Nous ne sommes pas en train de mettre en place un
17 espace croate. Nous essayons de maintenir la situation telle qu'elle était
18 avant la guerre, et moi je dis que la guerre a modifié la structure
19 ethnique de ce territoire, sa composition ethnique, mais vous allez trop
20 loin lorsque vous dites que nous souhaitons un espace purement croate. Ce
21 que nous disons c'est simplement que les puissances internationales et le
22 droit international doivent faire ce qui est nécessaire pour que les
23 réfugiés puissent revenir sur les territoires d'où ils ont été expulsés.
24 C'est un devoir qui n'a pas été accompli jusqu'au jour d'aujourd'hui, comme
25 chacun sait.
26 Q. Merci. Donc le président Tudjman se met à parler, et il dit :
27 "Nous avons la possibilité, c'est-à-dire que nous allons dire ce que nous
28 avons dit au début. Nous devons le faire, et nous allons insister sur la
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1 demande, à savoir les régions qui faisaient partie de l'ancienne Banovina
2 croate aux plans démographique et géopolitique faisait partie de la
3 Croatie.
4 "En réalité, tous ces changements sont dus à la guerre."
5 Je vais revenir sur le texte qu'a évoqué M. le Juge Antonetti, ceci se
6 trouve à la page 56.
7 Le président Tudjman dit :
8 "Messieurs, Messieurs, nous n'avons rien à conquérir. Défendons --"
9 Au milieu de la page :
10 "Messieurs, Messieurs, ne nous orientons pas. Nous n'avons rien à conquérir
11 --"
12 R. Excusez-moi, mais de quelle page s'agit-il ?
13 Q. Cinquante-six. Est-ce que vous y êtes, Général ?
14 "Ne nous orientons pas. Nous n'avons rien à conquérir. Défendez ces Croates
15 --"
16 Vous intervenez, Général, et vous dites :
17 "Il est impossible d'aller plus loin, Monsieur le Président."
18 Le président Tudjman dit :
19 "Alors préparons-nous à les nettoyer, qu'ils quittent la Croatie."
20 Vous dites :
21 "Il ne faut pas que nous prenions part à cette conquête de la Bosnie."
22 En haut de la page 57 :
23 "Non, Monsieur le Président, croyez-moi, les attaques ont cessé."
24 Ensuite Susak dit :
25 "Rien à propos de la Banovina, nous ne sommes pas allés, même 1 mètre, de
26 façon illégale sur ce terrain-là."
27 Donc cet échange, Général, ce qui se produit ici c'est que le président
28 Tudjman définit une nouvelle fois le territoire croate -- il définit
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1 l'espace croate et il a dit que ceci englobe le territoire de la Banovina
2 en Bosnie-Herzégovine, mais ce qui vous dit à vous et ce qu'il dit au
3 ministre Susak c'est qu'il s'agit là de la limite extérieure de la zone que
4 vous allez défendre, si je puis m'exprimer ainsi. Donc, en réalité, ce qui
5 se passe ici c'est que vous êtes tous d'accord pour vous battre pour la
6 Banovina, malgré les attaques et offensives intenses menées par les Serbes
7 à ce stade sur l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine.
8 Les instructions du président à votre égard et acceptées par vous et Susak
9 c'est que vous êtes disposé à défendre la Croatie, et pour vous, la Croatie
10 signifie la Banovina :
11 "Vous n'allez pas mettre un pied à l'extérieur, vous allez défendre
12 la Banovina par opposition à la défense de la République de Bosnie-
13 Herzégovine."
14 N'est-ce pas là l'interprétation exacte de ce qui est évoqué ici ?
15 R. C'est en partie juste, mais vous sautez des parties pertinentes de
16 cette transcription, parce qu'avant cela, nous avons eu une grande
17 opération contre les Serbes dans la vallée de la Neretva, donc il a été une
18 question ici, et il n'y a pas de bonne raison de s'attaquer aux Serbes à
19 Trebinje, Nevesinje, là où ils sont en majorité absolue. Nous n'avons pas
20 voulu la guerre, nous avons cherché à nous défendre. Nous n'étions pas une
21 armée offensive.
22 Franjo Tudjman s'attendait à ce que la communauté internationale
23 finisse par contraindre les Serbes à stopper les opérations, les uns et les
24 autres. D'ailleurs, il le dit en bas de la page 54. Ce qui l'intéresse,
25 c'est que nous n'occupions rien du tout. La banovina ici, c'est un
26 synonyme. Ce n'est pas parce que la Croatie voulait s'élargir, mais parce
27 que c'était habité par une population majoritairement croate. Mais il y
28 avait des Musulmans et d'autres et nous avons défendu cela. Donc notre
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1 intérêt n'était pas de nous emparer de Banja Luka. Mais lorsque nous nous
2 sommes défendus nous avons proposé aussi des solutions pacifiques, c'est
3 donc une politique tout à fait correcte et tout à fait pacifique.
4 Q. Bien, Général. Donc ce que vous allez défendre, c'est le territoire
5 croate qui est défini au niveau de la banovina. Vous n'allez rien faire
6 pour faire sortir les Serbes de Nevesinje, Trebinje, par exemple, qui est
7 l'endroit d'où tous ces Musulmans ont été chassés. Ce qui vous intéresse
8 uniquement, c'est l'espace croate. Vous n'êtes pas intéressé par la
9 restauration d'un territoire libre pour la République de Bosnie-
10 Herzégovine, n'est-ce pas ?
11 R. Ce n'est pas exact. D'abord, ne dites pas Croatie, puisque ce n'est pas
12 de la Croatie. A Mostar, il n'y a pas que des Croates que nous ayons
13 défendus. Et à Stolac, ce n'est pas que des Croates qu'on a défendus.
14 Q. Je vais vous couper la parole là --
15 R. Bien le contraire.
16 Q. Parce que vous nous dites que ceci n'a rien à voir avec la Croatie,
17 mais nous parlons d'une conversation qui s'est déroulée dans le bureau du
18 président de la République de Croatie. C'est une conversation au cours de
19 laquelle assistent le président de la Croatie, le ministre de la défense de
20 l'armée croate et vous qui êtes sur le point d'être placé à la tête des
21 forces du HVO, en tant que commandant en Bosnie-Herzégovine, en même temps
22 vous êtes le ministre adjoint ou l'assistant du ministre de la défense de
23 la République de Croatie, vous êtes membre du Conseil de défense nationale
24 qui est convoqué ici. Donc ceci n'est pas tout à fait vrai lorsque vous
25 dites que ceci n'a rien à voir avec la Croatie. Tout au contraire, il
26 s'agit uniquement de la Croatie, la politique croate par rapport à la
27 Bosnie-Herzégovine.
28 R. Monsieur Stringer, je ne sais pas ce qu'on vous a traduit, je n'ai pas
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1 voulu dire que ça ne concernait pas la Croatie. Je ne sais pas comment on
2 vous a rapporté la chose.
3 Entre le 18 septembre de la tenue de cette réunion en 1992 et le 24
4 juillet 1993 quand je suis devenu commandant, et vous dites que c'est un
5 processus de nomination de moi-même au poste de commandement, c'est
6 complètement dénué de sens, parce que ça s'est fait bien plus tard. Il y a
7 bien des choses qui ont changé entre-temps.
8 Ce que je conteste ici, c'est votre assertion, à savoir
9 qu'il s'agit là d'un territoire croate. C'est un territoire appartenant à
10 la Bosnie-Herzégovine qui est majoritairement habité par des Croates, mais
11 qui comporte aussi beaucoup de Musulmans qui font partie du HVO ou de
12 "l'armija" et beaucoup d'autres populations aussi. Alors ce que nous ne
13 voulons pas, c'est d'abord chasser les Serbes de Nevesinje et deuxièmement,
14 nous n'avons pas la force de le faire, Monsieur Stringer, parce qu'avec
15 l'ABiH qui n'a pas frappé les Serbes à quelque endroit que ce soit, nous,
16 seuls, on n'avait pas la force. On a défendu notre espace. Et à ce moment-
17 là, nous avons essayé de lancer une grande offensive contre les Serbes avec
18 des succès partiels. L'armée de la Republika Srpska était une armée forte.
19 Q. Général, peut-être que nous ne nous comprenons pas bien. Nous ne
20 comprenons pas ce qu'est la Bosnie-Herzégovine et ce qu'est la Croatie. Si
21 vous regardez le bas de la page 56 lorsque le président Tudjman dit :
22 Préparons-nous à les évacuer de la Croatie, ne soyez pas impliqués dans la
23 conquête de la Bosnie. Le président Tudjman, le président de la Croatie,
24 dit qu'il ne s'agit pas seulement de la République de Croatie, mais il
25 parle également de la région de la banovina qui faisait partie de la
26 République de Bosnie-Herzégovine. Pour vous, c'est ce que cela signifie la
27 Croatie. Pour vous tous, c'est la Croatie plus la banovina; c'est bien ce
28 qu'il dit ici, n'est-ce pas ?
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1 R. Non, non et non.
2 Q. Lorsque Susak dit à la page 57 : "Rien au niveau de la banovina," il ne
3 parle pas de défendre seulement le territoire croate qui, à vos yeux,
4 représentait la Croatie, autrement dit la banovina en Bosnie-Herzégovine.
5 C'est assez évident, n'est-ce pas, Général, lorsqu'ils parlent de la
6 Croatie, ils parlent -- ou en tout cas, ils incluent la région de la
7 banovina en Bosnie-Herzégovine ?
8 R. Monsieur Stringer, il peut vous sembler tout ce que vous voulez. Votre
9 acte d'accusation est complètement dénué de sens jusqu'aux limites extrêmes
10 de la chose. Il n'en est pas question du tout. Pour ce qui est de la
11 Croatie ici, le président Franjo Tudjman dit que la Croatie est simplement
12 devenue un pays où chacun vient faire ce que bon lui semble. On peut voir
13 cela dans une autre transcription, à savoir qu'on était devenu une maison
14 sans maître de maison. Tout le monde déambule avec des armes au poing, les
15 Musulmans viennent, achètent des armes, vont et viennent. Ça n'a rien à
16 voir. Ma réponse à votre question : dans tout ce que vous affirmez, il n'y
17 a aucune espèce de signification.
18 Q. Donc je vous ai présenté le point de vue de l'Accusation ou
19 l'interprétation des termes employés ici. Vous ne les acceptez pas, donc
20 nous allons passer à autre chose.
21 M. STRINGER : [interprétation] A moins qu'il n'y ait une question des Juges
22 de la Chambre, je vais passer à la pièce suivante.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Regardez à la page 57 où Franjo dit : Pour
24 qu'on ne nous déclare pas, de la part des pays islamiques, que nous sommes
25 des agresseurs qui s'attaquent à la Bosnie, c'est la raison pour laquelle
26 il ne faut pas attaquer. Parce que le reste du monde nous accuse à tort et
27 à travers d'attaquer. Alors, Monsieur Stringer, en arrachant des phrases.
28 O.K.
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1 M. STRINGER : [interprétation] Est-ce que le dernier mot peut-être être
2 interprété ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes mes excuses.
4 M. STRINGER : [interprétation] Merci.
5 Q. Bien. Je vais revenir maintenant au livre du président Tudjman, 1D
6 00401. Nous avons la version en langue d'origine --
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, je vous demanderais si
8 possible que M. Stringer laisse ceci pour après la pause. Pour ce qui est
9 des théories de M. Tudjman, je ne voudrais pas en parler de façon à
10 recevoir un texte comme cela, c'est un livre tout à fait scientifique et je
11 pense avoir ce livre dans mon armoire. Parce que comme ceci, on perd le
12 sérieux de la chose. Si c'est possible. Sinon, je vais me débrouiller.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, qu'est-ce que vous en pensez ?
14 Comme je présume que dans votre thèse, c'est un élément important ce
15 document, est-ce que vous voyez un inconvénient à revenir quand on se
16 reverra au mois d'août sur ce texte ou, pris par des questions de
17 calendrier, vous tenez absolument à poser les questions à partir de ce
18 document ?
19 M. STRINGER : [interprétation] Je peux y revenir, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Il serait utile que vous y reveniez. On va garder
21 tout cela en mémoire. Entre-temps, M. Praljak aura le temps de relire le
22 livre, s'il ne l'a pas lu, de M. Tudjman. Donc il sera à même de répondre
23 aux questions et ce sera dans l'intérêt général.
24 M. STRINGER : [interprétation] Nous allons essayer, Monsieur le Président,
25 pour la troisième fois, de voir si nous pouvons visionner la séquence
26 vidéo. Si cela marche, nous allons ensuite pouvoir aborder la suite.
27 Q. Général, pour revenir à ce sujet, nous avons évoqué plus tôt la
28 conversation que Vulliamy a eue avec Mate Boban. Boban a donné son point de
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1 vue sur l'Herceg-Bosna, si vous voulez, et vous avez indiqué que vous étiez
2 d'accord avec le plus clair de ce qu'a dit Boban au cours de cette
3 conversation. Je souhaite maintenant réduire un petit peu la question et je
4 souhaite avoir votre point de vue et votre vision à propos de l'Herceg-
5 Bosna, parce que vous êtes originaire de cette région. Je souhaite vous
6 présenter quelques-unes des choses que vous avez dites en 1994, au moment
7 où ces séquences vidéo ont été filmées.
8 Nous allons d'abord les voir, ensuite je vais vous poser des
9 questions dessus.
10 [Diffusion de la cassette vidéo]
11 M. STRINGER : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président. Je ne
12 pense pas que ceci marche. Je ne vais y perdre davantage de temps
13 aujourd'hui.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] est-ce que, Messieurs les Juges, puisqu'on
16 vient de s'arrêter là, vous voudrez bien répondre positivement à ma demande
17 pour en finir maintenant pour aujourd'hui ? Ça fait 40 jours déjà. Pour ce
18 qui est des 40 minutes qui nous restent, si c'est possible; sinon, je vais
19 continuer à être interrogé.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que là vous n'en pouvez plus et vous
21 préférez qu'on arrête maintenant ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que je vous demanderais. Enfin je
23 puis continuer, mais comme ça ne marche pas, alors autant --
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, comme il y a des problèmes
25 techniques et M. Praljak nous dit qu'il préfèrerait qu'on arrête, parce
26 qu'il n'en peu plus, c'est à vous de voir. Parce que nous on a prévu --
27 enfin, il nous reste 40 minutes encore.
28 M. STRINGER : [interprétation] C'est une des rares occasions où je peux
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1 être d'accord avec le général. Si les vidéos ne peuvent pas être
2 visionnées, je serais, à ce moment-là, obligé de distribuer les autres
3 classeurs avant même de pouvoir poursuivre. Donc je pense que compte tenu
4 du fait qu'il est impossible de visionner ces vidéos, je pense que ce
5 serait une conclusion logique.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour deux raisons techniques, à savoir le livre de
7 M. Tudjman qui mérite un examen par M. Praljak; deuxièmement, la vidéo on
8 n'arrive pas à passer la bande son; puis troisièmement, l'accusé formule le
9 souhait qu'on arrête, parce qu'il est fatigué et n'en peut plus, donc il
10 convient d'arrêter l'audience d'aujourd'hui. Ce qui fait que nous
11 reprendrons au mois d'août, le lundi tel que c'est prévu.
12 A ce moment-là, Monsieur Stringer, vous reviendrez sur le dernier classeur
13 avec le texte de M. Tudjman, plus la vidéo, puis on embrayera sur les
14 autres classeurs.
15 Très bien. Donc voilà ce que je voulais vous dire. Nous allons lever
16 l'audience et nous nous retrouverons, comme je l'ai indiqué, au mois
17 d'août.
18 Je vous remercie.
19 [Le témoin quitte la barre]
20 --- L'audience est levée à 13 heures 07 et reprendra le lundi 17 août 2009,
21 à 14 heures 15.
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