Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 43192

  1   Le jeudi 16 juillet 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Coric est absent]

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, et toutes

 10   les personnes présentes dans le prétoire.

 11   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

 12   Merci, Messieurs les Juges.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 14   En ce jeudi 16 juillet 2009, je salue en premier M. Praljak, je salue M.

 15   Pusic, M. Petkovic, M. Stojic et M. Prlic, et bien entendu, j'associe

 16   également, dans mes salutations, M. Coric. Je salue Mmes et MM. les

 17   avocats, et je salue principalement Me Stewart. Je salue M. Stringer ainsi

 18   que sa collaboratrice et toutes les personnes qui nous assistent.

 19   Comme vous le savez, c'est le dernier jour de nos audiences avant la

 20   reprise qu'interviendra le 17 août. J'en profite pour souhaiter à tout le

 21   monde donc un repos bien mérité car à la rentrée, nous aurons énormément de

 22   travail comme d'habitude.

 23   Mais nous commençons à voir le bout du tunnel dans la mesure où nous

 24   sommes maintenant dans la ligne droite puisque après l'audition de M.

 25   Praljak et de ses témoins, il y aura donc les témoins de M. Petkovic, de M.

 26   Coric et de M. Pusic. Donc nous entrons donc maintenant dans la partie

 27   finale des audiences.

 28   Pendant ces quelques temps, ça va permettre, comme je l'ai dit aux


Page 43193

  1   uns et aux autres, de se reposer et de bien se préparer pour la reprise.

  2   J'ai, bien entendu, une pensée pour les accusés également dont une majorité

  3   iront profiter de quelque repos auprès de leurs familles pour d'autres

  4   raisons particulières. Je regrette que certains ne pourront également

  5   bénéficier de cela. Comme vous le savez, la Chambre, sous le fondement de

  6   l'article 65 du Règlement, a accordé des mises en liberté et la Chambre

  7   d'appel a eu une appréciation différente pour certains cas. Donc je n'ai

  8   pas à commenter les décisions qui ont été rendues, mais en ce qui concerne

  9   les quatre Juges qui sont devant vous, ils étaient, eux, tous favorables à

 10   ce que les accusés puissent avoir quelques contacts avec leurs familles

 11   pendant ces brèves semaines qui nous séparent de la reprise de nos travaux.

 12   Je souhaite donc à tout le monde comme je viens de le dire un repos bien

 13   mérité afin que nous reprenions au mieux les audiences dans un bon état

 14   d'esprit bien reposé car, comme vous le savez, c'est extrêmement fatiguant

 15   et il y a des nécessités de faire des breaks de temps à autre -- ou temps.

 16   J'ai cru comprendre que Me Stewart voulait avoir la parole. Je lui donne la

 17   parole s'il veut la prendre.

 18   M. STEWART : [interprétation] Oui, très brièvement, Messieurs les Juges. Je

 19   ne sais pas très bien ce que j'ai fait pour mériter un accueil particulier

 20   que j'apprécie, bien sûr.

 21   Je parle en mon nom et au nom de Me Khan. Nous avons vu vos

 22   ordonnances, Messieurs les Juges, hier sur les questions du conseil

 23   disciplinaire, du conseil de la Défense, de l'association de la Défense; Me

 24   Khan et moi-même nous sommes membres de cette association. Je souhaite vous

 25   rassurer parce que, quelques jours avant l'ordonnance, nous avions déjà vu

 26   que nous ne devions pas y prendre part, donc nous n'avons absolument pas

 27   pris part à des échanges sur le bien-fondé de cette question. Donc je pense

 28   que ce n'est pas une mauvaise chose donc nous nous sommes conformés à votre


Page 43194

  1   ordonnance qui n'est jamais une mauvaise chose.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Stewart.

  3   Voilà. Tout ayant été dit, je vais redonner maintenant la parole à M.

  4   Stringer qui va poursuivre le contre-interrogatoire à partir du classeur

  5   numéro 3.

  6   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

  7   tous, Messieurs les Juges, toutes les personnes présentes dans le prétoire

  8   --

  9   LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   Contre-interrogatoire par M. Stringer : [Suite]

 12   Q.  [interprétation] -- et vous, Général.

 13   R.  Bonjour, Monsieur.

 14   Q.  Je suppose, Général, que vous avez toujours le compte rendu

 15   présidentiel que nous avons abordé hier à la fin, le P00089. Lorsque nous

 16   avons terminé l'audience d'hier, nous étions à la page 17. Si je puis

 17   m'exprimer ainsi, nous étions en train d'évoquer le sens de certaines

 18   phrases et certains termes qui figuraient dans ce document. Moi, je me

 19   posais la question hier soir comment traiter ce problème sans ouvrir la

 20   boîte de pandore, à savoir le "territoire" contre --

 21   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

 22   M. STRINGER : [interprétation] On m'a demandé de répéter la phrase.

 23   Q.  Hier soir, je pensais à la façon dont nous pouvions aborder ce problème

 24   sans encore une fois ouvrir la boîte de pandore. Cette question de

 25   "podrucje" contre "territoire." Général, vous avez entendu beaucoup de

 26   déclarations et de témoignages sur cette question. Zoran Buntic est un des

 27   témoins que nous avons évoqués beaucoup ici. Je vais essayer maintenant

 28   d'aborder cette question-ci sous un angle différent afin d'éviter des


Page 43195

  1   arguments ou des débats sur ce que signifie "podrucje" ou ce que signifie

  2   "territoire." Donc je vais voir si nous pouvons aborder ceci sous un autre

  3   angle.

  4   En réalité, je vais commencer par utiliser un terme sur lequel nous pouvons

  5   travailler tous les deux. Si nous admettons que nous ne sommes pas d'accord

  6   sur les objectifs à terme.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous me permettez un commentaire,

  8   le terme dans l'original n'est pas "podrucje," mais c'est "prostorno," donc

  9   simplement pour les besoins du compte rendu de façon à ce que ceci ne

 10   soulève pas un problème plus tard.

 11   M. STEWART : [interprétation] Il est vrai et il me semblait que nous étions

 12   en train de nous dire que j'ai versé ce bol là hier, de toute façon, mais

 13   il me semblait que quelque chose qui est peut-être un peu plus neutre avec

 14   lequel nous pourrions travailler tout en étant pas d'accord. C'est le terme

 15   anglais "espace" qui est en réalité un terme que nous retrouvons dans la

 16   traduction et que nous avons entendu dans la traduction française sous la

 17   forme du mot "espace."

 18   Q.  Donc je vais vous suggérer cette idée-la, c'est un terme que je vais

 19   utiliser, me semble-t-il, pour éviter un débat difficile sur le terme de

 20   territoire.

 21   Hier, lorsque nous avons terminé l'audience, nous avons donc regardé ce

 22   paragraphe qui, à la déclaration de Mate Boban où il évoque certains

 23   événements ou conditions si elles devaient être réalisées, pouvait aboutir

 24   à la programmation de l'indépendance du territoire croate. La première

 25   question que j'ai à vous poser, Général, c'est celle-ci et sans pour autant

 26   entrer dans les débats de ce qui aurait pu être à l'origine d'une telle

 27   proclamation, quelles sont les conditions qui prévalaient avant que cela

 28   n'arrive. Donc quelles étaient ces conditions, si ces conditions avaient


Page 43196

  1   été réalisées, s'il y avait eu proclamation de territoire croate

  2   indépendant comme le dit Boban, quel territoire ou espace ceci aurait-il

  3   représenté ? Est-ce que ceci aurait été le territoire ou l'espace de la

  4   Communauté croate d'Herceg-Bosna ?

  5   R.  On ne peut pas parler de cette espace de cette Communauté croate

  6   d'Herceg-Bosna parce qu'il y a une raison simple à cela. Cette espace

  7   d'Herceg-Bosna croate était composée de toute une série mais et je peux me

  8   servir de mots croates pour vous expliquer le contexte mais à chaque fois

  9   qu'il y avait un peu de Croates en Bosnie centrale autour d'Uscura et

 10   ailleurs, ils sont devenus l'être politique même de l'Herceg-Bosna et ils

 11   se sont voués à la défense, donc on ne peut faire de la sorte. 

 12   Q.  Il me semble, Général, que ce concept d'acceptation ne concorde pas

 13   avec les termes utilisés par Boban. Si vous voulez parler de poche de

 14   Croates éparpillés en Bosnie-Herzégovine en réalité de telle poche ne

 15   pouvait pas faire partie de l'Unité croate, n'est-ce pas ?

 16   R.  Si vous parlez dans des cas hypothétiques, comme vous l'avez indiqué,

 17   et toute cette hypothèse des poches de ce genre, dans le cadre de votre

 18   hypothèse, et je ne voudrais pas que l'on parle de réalité d'annexion à la

 19   Croatie, et quand bien même il y aurait eu cela, ces poches n'auraient pas

 20   pu être annexées à la Croatie. Si, je répète bien, "si," mais sans la

 21   communauté internationale, une fois de plus, je ne pense pas que cela ait

 22   pu être possible.

 23   Q.  Mate Boban poursuit dans ce document, en disant :

 24   "C'est il y a où s'il devient membre, ceci ne se passerait qu'au

 25   moment où les dirigeants croates dans lequel notre peuple jusqu'à présent a

 26   placé toute sa confiance décidera du moment opportun."

 27   Vous avez évoqué le fait qu'au niveau de la constitution croate -- au terme

 28   de la constitution croate le président Tudjman était, en réalité, président


Page 43197

  1   de tous les Croates, quel que soit leur lieu de résidence, ce qui se passe

  2   ici, en fait, il fait une déclaration, et c'est Boban qui reconnaît, qu'en

  3   réalité, c'est le président Tudjman et la politique du président Tudjman et

  4   les décisions du président Tudjman qui seront ceux qui permettront

  5   d'orienter et de régir Boban et les Croates en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce

  6   pas ?

  7   R.  Non, Monsieur Stringer. Dans la constitution croate, il n'est dit nulle

  8   part que le président Tudjman est le président de tous les Croates. Cela

  9   n'est d'ailleurs pas possible. Le parti du HDZ, qui a été créé dans

 10   différentes parties du monde, disait que le président Tudjman était leur

 11   président pour ce qui est de la création de l'Etat croate, et en terme

 12   simple la problématique ne serait être comprise sans connaître la situation

 13   dans laquelle se trouvait l'Etat croate, ou plutôt, la Yougoslavie toute

 14   entière vis-à-vis de la communauté internationale qui a modifié sa

 15   politique à l'égard de la Yougoslavie d'un mois à l'autre, pour ne pas dire

 16   d'un jour à l'autre.

 17   Q.  Merci. Je souhaite passer maintenant à la page 19 de ce document. Là,

 18   Ignjac Kostroman prend la parole, et je vais sauter quelque page, je ne

 19   vais pas tout lire, mais ce qu'il fait, et bien, il lit le procès-verbal

 20   d'une réunion qui s'est tenue le 23 décembre 1991, à savoir quatre jours

 21   avant cette réunion-ci, et il lit le procès-verbal de la réunion de la

 22   présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, il s'agissait d'une

 23   réunion élargie qui comprenait les membres du Parti HDZ de Bosnie-

 24   Herzégovine.

 25   Tout d'abord, Général Praljak, vous savez qu'Ignjac Kostroman agissait

 26   comme -- ou jouait le rôle de secrétaire, je crois, secrétaire dans la

 27   Communauté croate d'Herceg-Bosna, secrétaire administrative de l'Union

 28   démocratique croate. Vous connaissiez Ignjac Kostroman, je crois, et un an


Page 43198

  1   environ après, vous étiez avec lui à ce rassemblement politique à Zenica,

  2   lorsque vous nous avez montré la séquence vidéo et que vous étiez avec ces

  3   soldats qui étaient en train de fumer ?

  4   R.  J'ai fait sa connaissance, mais ce n'est pas quelqu'un que j'ai

  5   véritablement connu. On s'est rencontre brièvement, deux ou plus trois

  6   fois, je ne pense quand même pas qu'il ait eu trois fois pendant toute la

  7   période en question. Donc j'ai fait sa connaissance, mais ce n'est pas

  8   quelqu'un que je connaissais.

  9   Q.  Au point 2 à la page 21, Kostroman lit un extrait de procès-verbal de

 10   la présidence du HZ HB, et ils informent le président Tudjman de ces

 11   conclusions. Au point 2, il dit que :

 12   "La Communauté croate d'Herceg-Bosna a encore une fois confirmé le désir de

 13   l'ensemble du peuple croate d'Herceg-Bosna exprimé le 18 novembre 1991 à

 14   Grude, en prenant la décision historique d'établir la Communauté croate

 15   d'Herceg-Bosna, qui sert de fondement juridique pour l'entrée de ces

 16   territoires à la République de Croatie."

 17   Encore une fois, sans aborder le débat sur le terme de "territoire" et

 18   "l'espace," c'est le sens qu'il a dans ce texte. Le fait est, Général,

 19   n'est-ce pas, ce que voulaient les gens du HZ HB, c'est ceux qui ont été

 20   signataires de ce procès-verbal, la définition de l'espace croate en

 21   Bosnie-Herzégovine qui servirait alors de fondement juridique à l'accession

 22   de la République de Croatie -- délimitation de l'espace croate; c'est bien

 23   ce texte, n'est-ce pas ?

 24   R.  Ici il est question de ceci. Il nous dit qu'il présente un fondement

 25   juridique, fondement juridique, une possibilité. C'est au conditionnel,

 26   étant donné que les Serbes ont déjà démantelé la Bosnie-Herzégovine et que

 27   personne n'ignore ce qu'il va advenir. Donc c'est une période où l'on se

 28   penche sur des options et à chaque fois on dit si ceci alors cela, et si


Page 43199

  1   autre chose alors ce sera tout à fait autre chose. Bon, ce sont des

  2   conversations politiques sur le sujet de la destiné du peuple, qu'on ignore

  3   parce que tous les éléments-clés, tous les fils sont tirés par les Serbes

  4   du fait de leur agression éhontées, et d'autre part la communauté

  5   internationale qui s'adapte à la chose.

  6   Q.  Alors il n'a pas encore pris la parole, je crois, mais Stjepan Kljujic,

  7   qui à l'époque était président du HDZ en Bosnie-Herzégovine, il assiste à

  8   cette réunion. Au point 8 à la page 23, c'est une référence directe à lui.

  9   Encore une fois, au point 8 c'est Kostroman qui lit le procès-verbal, il

 10   exprime la désapprobation ou critique de Stjepan Kljujic. Il dit :

 11   "Kljujic, le président du HDZ, ne dispose pas de la légitimité eu égard aux

 12   organes du HDZ pour agir indépendamment tant que représentant d'un Etat ou

 13   des négociations entre les parties qui sont essentielles dans l'intérêt des

 14   Croates, encore une fois il n'a pas ce droit."

 15   Nous allons évoquer ceci encore, mais ce que l'on évoque à cette réunion

 16   c'est le début et la fin de Stjepan Kljujic et le début en fait et de

 17   quelque chose qui commence pour Mate Boban et les personnes qui

 18   partageaient ce point de vue. Est-ce que vous conviendrez avec moi que

 19   Kljujic en fait allait quitter la scène politique étant donné qu'il n'avait

 20   pas l'appui de ceux qui étaient membres de la présidence d'Herceg-Bosna ?

 21   R.  Stjepan Kljujic est membre, non, ce n'est pas ce qu'on pourrait dire.

 22   On ne limite pas les activités de Stjepan Kljujic. On dit qu'il ne peut pas

 23   le faire de façon autonome, et d'après ce que j'ai pu apprendre Stjepan

 24   Kljujic avait commencé à conduire une politique qui était la sienne et la

 25   promulguer en politique du parti, et des gens s'étaient plaints pour ce qui

 26   est de ces discours publics et de ses opinions. Ils ont estimé qu'il

 27   fallait débattre de la chose avec les gens dont leur destinée est en jeu.

 28   Stjepan Kljujic ne l'a pas fait. Donc ils l'ont privé d'une présentation ou


Page 43200

  1   d'une comparution autonome.

  2   Q.  Pardonnez-moi. Bien, nous allons y revenir. Donc ce qui s'est passé

  3   après cette réunion, dans les semaines qui ont suivi, c'est que Kljujic a

  4   donné sa démission ou est parti. Il a été suivi pendant un court laps de

  5   temps par Brkic, et ensuite à terme, il a été remplacé par Mate Boban, qui

  6   non seulement était le président pour l'Herceg-Bosna, mais il était

  7   également président du Parti HDZ en Bosnie-Herzégovine; est-ce que vous

  8   êtes d'accord avec moi, en tout cas, sur la chronologie des événements ?

  9   R.  Je suis d'accord en bonne partie, mais Mate Boban n'est pas venu à la

 10   place de Kljujic est venue remplacer le président du HDZ précédent, c'était

 11   tout à fait correct sur le plan politique. C'est le parti qui élit son

 12   président de façon démocratique. C'est de façon démocratique que les

 13   candidatures se font, et je ne vois pas en quoi il faudrait qu'il y ait une

 14   contestation et notamment sur le plan juridique. Kljujic a lui aussi

 15   remplacé un président du parti qui était là avant lui, et rien n'est arrivé

 16   de particulier.

 17   Q.  Bien. A la page 29 de ce procès-verbal, nous voyons que le président

 18   Tudjman prend la parole. En réalité, c'est à la page 27, il commence en

 19   disant :

 20   "Bien, Messieurs, je n'étais pas au courant de ces conclusions, mais je

 21   savais qu'il y avait des différends entre vous, également, eu égard à la

 22   stratégie et la politique croate en Bosnie-Herzégovine."

 23   Conviendrez-vous avec moi, Général, que ce à quoi il fait référence ici ce

 24   sont des différends entre les gens de Boban d'un côté et les gens de

 25   Kljujic d'un autre côté ?

 26   R.  Non, la divergence était nettement plus grande.

 27   Q.  Bien. A la page 29, le président Tudjman prend la parole et il dit :

 28   "De surcroît si la Bosnie-Herzégovine devait rester entière, quelles sont


Page 43201

  1   les perspectives pour la Croatie alors ? Messieurs, lorsque la Croatie est

  2   devenue membre de l'état yougoslave conjoint, les Croates représentaient 24

  3   % de la population, maintenant ils représentent un simple 17 %. Il est

  4   clair que maintenant qu'un état souverain et indépendant a été créé. Tout

  5   Croate continuera à émigrer comme il l'a fait par le passé, quittera la

  6   Bosnie-Herzégovine. Ils vont maintenant se précipiter en Croatie en plus

  7   grand nombre encore, de sorte que ces zones croates resteront une

  8   population qui diminuera de jour en jour, et les caractéristiques croates

  9   disparaîtront petit à petit de cette région."

 10   Je vais poursuivre.

 11   Ce qu'il évoque ici, cela étant dit au tout début du texte, et que se

 12   passera-t-il si la Bosnie-Herzégovine devait rester entière ? Il poursuit à

 13   la page 30, je cite :

 14   "Dans les circonstances actuelles, Messieurs, du point de vue croate, en

 15   général, une délimitation des frontières nous arrange mieux d'un point de

 16   vue purement croate et du point de vue de la population croate en Bosnie-

 17   Herzégovine. Ce n'est pas la première fois que nous avons abordé ce thème

 18   en ce sens-là, avec les personnes présentes. Pour des raisons tactiques,

 19   nous n'avons pas abordé cette question parce que nous ne souhaitions pas

 20   être ceux qui soulevaient le problème. La question des frontières lors de

 21   la Conférence de rédaction à La Haye sur la Yougoslavie et dans le monde en

 22   général, ceci nous convient, et la position a été répétée, réitérée par les

 23   Etats-Unis même dans la lettre que j'ai reçue aujourd'hui par le

 24   département américain. Ils s'opposent à tout changement des frontières par

 25   la force. Quoi qu'il en soit, il me semble que les conditions sont bientôt

 26   réalisées pour un accord politique sur la délimitation en Bosnie-

 27   Herzégovine, car le monde entier s'oppose à la guerre. Ceci pourrait

 28   commencer soit parce que l'armée est en Bosnie où les Serbes


Page 43202

  1   commenceraient. Nous n'allons certainement pas démarrer la guerre comme

  2   nous ne l'avons pas démarrée en Croatie."

  3   Donc à ce stade, le fait est que -- je vais poursuivre et ensuite nous

  4   allons y revenir.

  5   Nous allons donc passer à la page 31 :

  6   "En d'autres termes, la survie, la souveraineté de la Bosnie dans les

  7   circonstances actuelles, du point de vue croate, est telle que non

  8   seulement nous n'avons pas besoin de le prôner, nous ne devons même pas

  9   soulever la question ouvertement. Quoi qu'il en soit, pourquoi ne pas

 10   accepter cette proposition de délimitation alors que c'est dans l'intérêt

 11   du peuple croate, les Croates ici dans cette République et les Croates en

 12   Bosnie-Herzégovine ? Parce que, moi, je ne vois pas une seule raison

 13   sérieuse contre cette proposition. De surcroît, avec les pourparlers que

 14   j'ai menés moi-même, Izetbegovic et Milosevic, en plus nous avons une

 15   personne qui est de chez nous en Bosnie, a rédigé une proposition de

 16   délimitation en vertu de laquelle les zones croates et celles que vous avez

 17   comprises dans cette Communauté croate d'Herceg-Bosna, et la Communauté

 18   croate de Posavina dans le cas où il y aurait une telle délimitation, la

 19   Croatie n'obtiendrait non seulement ces deux communautés mais pour des

 20   raisons géopolitiques, la poche de Bihac, la  Krajina et Cazinska, ce qui

 21   répond aux intérêts nationaux de la Croatie; non seulement pour le présent

 22   mais pour l'avenir, et les régions qui restent…"

 23   Il poursuit sa déclaration.

 24   Général, lorsque le président Tudjman évoque ici la délimitation des

 25   frontières, comme quelque chose qui "nous convient mieux du point de vue

 26   croate;" est-ce que nous pouvons nous mettre d'accord et nous dire que nous

 27   sommes d'accord là-dessus ? Nous savons que la Croatie ou la forme de la

 28   Croatie en fait, le président Tudjman considérait que la forme du pays


Page 43203

  1   n'était pas normale. Il considérait que les frontières étaient absurdes.

  2   Donc le terme qui est utilisé ici et dans les autres documents, si nous

  3   regardons ce document. En fait il a raison lorsqu'il parle de la

  4   délimitation des frontières, et bien que ceci serait en faveur de la

  5   Croatie ou dans l'intérêt de la Croatie de faire en sorte qu'il y ait des

  6   changements au niveau des frontières et que même si ceci est réalisé par le

  7   biais d'un accord politique ?

  8   R.  Ce que vous venez de dire, Monsieur le Procureur, c'est la sagesse d'un

  9   homme politique qui s'exprime. Il parle de ce que les Etats-Unis et le

 10   reste du monde vont offrir. Il parle d'une offre de délimitation des

 11   frontières. Il dit si une telle offre venait de se prononcer, et ce qu'il

 12   dit c'est que la Croatie ne va pas mener de guerre, ne va pas entrer en

 13   guerre, que le monde est contre une guerre et qu'en raison de cela, on peut

 14   arriver à une délimitation.

 15   Si jamais on en vient là, et que cela fait l'objet d'une proposition, et

 16   bien, il n'y a aucune raison pour que la Croatie ne l'accepte pas, cette

 17   délimitation des frontières.    

 18   Cependant, la majorité de la population et c'est la population qui donne

 19   naissance à l'état et non pas l'inverse. Les Français ne sont pas apparus

 20   parce que la France existait, mais c'est l'inverse, les Français ont mis

 21   sur pied leur propre état, même chose pour les Américains qui sont révoltés

 22   contre les Anglais et qui ont mis sur pied leur état pour pouvoir vaquer à

 23   leurs affaires comme ils l'entendaient.

 24   Q.  Dans un Etat de ce type avec des frontières différentes, des frontières

 25   qui comprendraient ces régions de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et de

 26   Posavina, qui sont mentionnées à la page 31, ces frontières auraient été à

 27   l'avantage de la Croatie, si elles avaient pu être déterminées dans cette

 28   manière, n'est-ce pas exact ?


Page 43204

  1   R.  Là-bas, avant que la Croatie n'intègre la première, puis la seconde

  2   Yougoslavie, vivait une part considérable de la population croate en

  3   majorité absolue. S'il devait en être ainsi, il n'y aurait eu aucune raison

  4   pour empêcher les Croates de vivre au sein d'un seul et même Etat, à

  5   supposer, bien sûr, que cela soit proposé comme une solution pacifique dans

  6   le cadre de la crise yougoslave, et notamment de la crise en Bosnie-

  7   Herzégovine qui, comme vous le savez, s'est achevée avec les événements de

  8   Srebrenica. Alors le président dit : probablement; on aurait probablement

  9   ceci ou dans l'autre éventualité probablement cela. On a ici la discussion

 10   interne d'un parti politique à un moment où personne n'a la moindre idée de

 11   ce qui se prépare dans l'esprit des négociateurs internationaux de la

 12   communauté internationale alors qu'à l'inverse, on sait ce qui se prépare

 13   et ce qui est dans la tête des Serbes.

 14   Q.  Passons à la page 34, Monsieur le Général, et je vais revenir à un

 15   passage qui a fait l'objet d'une question du Juge Antonetti. Il s'agit du

 16   15 juin, il vous a posé une question en ce qui concerne le mémoire

 17   préalable au procès, le paragraphe 24, et il a indiqué qu'il serait utile

 18   de savoir quel était l'emplacement exact de cette citation qu'on trouvait

 19   dans le mémoire préalable au procès.

 20   C'est à la page 34, en haut de la page, c'est Tudjman qui parle :

 21   "Il me semble qu'au moment où nous avons saisi un moment historique pour

 22   établir une Croatie reconnue au niveau international et indépendante, je

 23   pense que c'est le moment de saisir cette occasion pour rassembler le

 24   peuple croate à l'intérieur de ses frontières les plus larges possible.

 25   "Que ce soit 30 municipalités ou 28, même de ce point de vue-là, c'est

 26   moins important."

 27   Ce qui se passe ici, Général, c'est que le président Tudjman parle au

 28   contingent du HDZ d'Herceg-Bosna ou de la Bosnie-Herzégovine. Il dit aux


Page 43205

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 43206

  1   représentants de l'Herceg-Bosna quelle devrait être la politique, à savoir

  2   d'élargir les frontières de la Croatie le plus possible afin d'inclure

  3   autant de Croates que possible à l'intérieur de ces frontières ? Quand on

  4   parle d'élargir ces frontières, c'est, bien sûr, à l'intérieur du

  5   territoire de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que ce n'est pas la politique

  6   croate qui commençait à prendre forme lors de cette réunion ?

  7   R.  Non. On envisage ici les différentes possibilités. Si l'occasion d'un

  8   point de vue historique se présente, tout comme après 800 ans il est advenu

  9   qu'on a pu mettre sur pied un Etat croate puisque jusque là c'étaient

 10   toujours des puissances impériales et autres qui avaient été dominantes,

 11   donc si, en accord avec les règles internationales et une proposition qui

 12   serait fait on pouvait accepter cela, il n'y avait aucune raison de ne pas

 13   le faire. Ici il parle de ces municipalités qui sont partie intégrante de

 14   la HZ HB, et il dit que la question de savoir combien cela représentera

 15   exactement de municipalités est plutôt secondaire. Ce qui importe c'est que

 16   nous avons là l'une des options qui sont mises sur la table après que l'on

 17   se soit retrouvés dans cette situation-là, c'est-à-dire que la Croatie a

 18   été reconnue par une dizaine d'Etats, les Serbes sont en train de contrôler

 19   un tiers du territoire croate. Ce que l'on attend en fait c'est de voir

 20   quel sera le point de vue de la communauté internationale alors qu'il y a

 21   des négociations à Split. Il y avait déjà eu près d'une quarantaine de

 22   réunions entre les présidents, c'est une question cruciale dont l'examen

 23   incombe à tout homme d'Etat.

 24   Q.  Il utilise un terme qui je pense est moins sujet à controverse que

 25   "territoire" ou "podrucje" ou un autre mot. Il utilise le terme "opcina,"

 26   qui en anglais est traduit par "municipalité." En fait, ce qu'il considère

 27   comme étant avantageux pour les intérêts de la Croatie c'est que si les

 28   frontières étaient élargies pour inclure des municipalités, pas une partie


Page 43207

  1   des municipalités, ou des espaces, ou des poches où habitent les Croates,

  2   en fait, il parle d'un groupe de 30 ou 28 ou un nombre déterminé de

  3   municipalité en Bosnie-Herzégovine. Général, est-ce que ce n'est pas la

  4   seule manière d'avoir un changement qui pourrait fonctionner ou qui soit

  5   réaliste, à savoir que la totalité des municipalités ou des frontières bien

  6   déterminées qui constitueraient la seule manière d'avoir un changement au

  7   profit des instances intéressées si cette option s'avérait disponible ?

  8   R.  Cela n'est écrit nulle part. Nous avons ici un discours qui aborde le

  9   sujet des municipalités. Il ne s'aventure pas sur le terrain des détails.

 10   Je suis en désaccord complet avec la thèse que vous avancez, car vous vous

 11   appuyez sur un petit discours figurant dans un procès-verbal à partir

 12   duquel vous tirez des conclusions exagérées qui ne sont pas logiques ni

 13   fondées.

 14   Q.  Boban déclare que :

 15   "Les municipalités fondatrices de la HZ HB ont une population qui, d'après

 16  le recensement, est composée à 55 % de Croates, à 27 % de Musulmans, et à

 17   29 % de Serbes, avec le reste donc appartenant à d'autres ethnicités.

 18   "Cependant, étant donné que les municipalités de Bosnie-Herzégovine ont été

 19   créées de manière similaire à celles de la Croatie, en composant des

 20   populations serbes et musulmanes sur le territoire de la Croatie ou vice

 21   versa, en nettoyant les zones frontalières, c'est-à-dire en pratique les

 22   zones frontalières de la Herceg-Bosna, cela crée environ 65 % de la

 23   population croate en Herceg-Bosna."

 24   Il dit :

 25   "D'après les informations que je possède, les données les plus récentes de

 26   Serbie montrent qu'on est à 63 %."

 27   Donc Boban déclare qu'afin d'arriver à cet espace croate il pourrait

 28   élargir cet espace en faisant partir des Musulmans et des non Croates de


Page 43208

  1   certaines zones frontalières au sein de la HZ HB et ainsi pour s'assurer

  2   qu'il y avait une majorité claire sur le territoire de la HZ HB; est-ce que

  3   ce n'est pas ce qu'il dit ici ? Est-ce que ça ne deviendrait pas nécessaire

  4   de déplacer certaines populations ?

  5   R.  Non, c'est inexact pour ce qui est de ce que nous avons là. Voilà de

  6   quoi il s'agit : C'est précisément en raison de ce désir d'être dominant

  7   avant cette guerre dans les années 80 que l'on a procédé à une

  8   restructuration des municipalités. Il me semble que c'est Hamdija Pozderac

  9   qui a été à la tête de ce processus. Ce n'est pas de nettoyage qu'il s'agit

 10   là, ce n'est pas du tout cela, c'est complètement autre chose. Il parle ici

 11   de la façon dont les municipalités ont été constituées pour qu'il y ait

 12   partout une majorité soit serbe, soit musulmane, et en redessinant les

 13   frontières des municipalités dans les zones frontalières, on peut arriver à

 14   un tel résultat. Cela figure également dans d'autres textes, il n'y avait

 15   absolument pas question de nettoyage de la population ou de nettoyage

 16   ethnique. Pourquoi, dans ce cas-là, ne ferait-on pas cela sur l'ensemble de

 17   la zone, et pour obtenir 27 % de Musulmans ? C'est inexact.

 18   Q.  Quoi qu'il en soit, il parle en fait d'une méthode visant à augmenter

 19   la population croate pour passer de 55 à 65 % sur le territoire de la

 20   Communauté croate d'Herceg-Bosna, n'est-ce pas ? 

 21   R.  Non. On parle de restructuration des municipalités, et c'est par cette

 22   restructuration de certaines parties, certains éléments particuliers des

 23   municipalités qui ont été intégrés a posteriori avec des visées politiques

 24   précises dans le cadre de l'ex-Yougoslavie, c'est ainsi donc que l'on

 25   pourrait avoir le même nombre de Croates mais qui représenterait un

 26   pourcentage pus important; et rien de plus que cela.

 27   Q.  Le président Tudjman poursuite en disant :

 28   "Il me semble, par conséquent, qu'une politique prudente, une délimitation


Page 43209

  1   intelligente en accord avec les Serbes de Bosnie, pourrait être réalisée en

  2   évitant la guerre, la guerre qui menace en raison de cette question qui n'a

  3   pas été résolue et de l'escalade des mesures visant à constituer l'armée --

  4   "

  5   Ceci donc nous ramène, n'est-ce pas, Général, à la question de

  6   Karadjordjevo et la déposition qui a été lue par le président Mesic,

  7   lorsqu'il parlait de ce point-là, un article écrit par Muhamed Filipovic, à

  8   savoir qu'un accord avec les Serbes pourraient être conclus avec une

  9   délimitation qui correspondrait aux intérêts de la Croatie et qui pourrait

 10   donc avoir lieu ? Tudjman pensait que ceci était possible, c'est

 11   évidemment, n'est-ce pas ?

 12   R.  Cela nous dit précisément l'inverse de ce que vous avancez. Si sept ou

 13   huit mois auparavant il était parvenu à un accord avec Milosevic concernant

 14   un partage, il ne mènerait pas cette discussion. Car il demande la

 15   souveraineté de la Bosnie, il insiste dessus, lisez la suite, il dit, "Nous

 16   avons la partie serbe qui ne reconnaît pas cela." Il y a cette phrase

 17   fondamentale :

 18   "Il faut aller participer à des négociations actives aussi bien avec

 19   Karadzic qu'avec Izetbegovic."

 20   Le président Tudjman s'efforce de comprendre les politiques que ce soit la

 21   politique serbe ou la politique internationale qui sont en présence, et de

 22   trouver des solutions pour qu'il n'y ait pas de guerre, ni de mort, tout en

 23   faisant valoir les droits des Croates en Bosnie-Herzégovine et les droits

 24   des Croates en général. Or il a déjà mis en place un Etat qui est occupé

 25   pour le tiers de son territoire. Or s'il y a un tel accord avait été conclu

 26   on n'aurait pas procédé ainsi.

 27   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi. Mais en page 18, ligne 12, le

 28   général Praljak a dit : "Négociez de façon active avec Karadzic et


Page 43210

  1   Izetbegovic." Ce n'est pas ce qui est entré au compte rendu d'audience.

  2   Pouvez-vous confirmer, Général ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ce qui est écrit au dernier paragraphe de

  4   la page 35, c'est pourquoi il est impossible de prendre des phrases

  5   isolément hors d'un discours portant sur des questions aussi complexes.

  6   Bien, excusez-moi, allez-y.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Je crois que les interprètes avaient du mal

  8   à vous suivre.

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui. Je pensais que rien n'en

 10   ressortirait, mais je crois que ça a fonctionné finalement. Monsieur

 11   Praljak, je voudrais revenir au discours de M. Boban. Dans la traduction en

 12   anglais, il parle du nettoyage "cleansing" en anglais, des zones

 13   frontalières. Je ne sais pas si vous pouvez identifier le passage dans le

 14   texte original. Si vous pouvez, j'aimerais que vous le lisiez à autre voix

 15   de façon à savoir si le terme "cleansing," donc "nettoyage," est une

 16   traduction appropriée de l'original. Ça doit être à la page 35, dans le

 17   paragraphe qui est tout en haut de la page. Est-ce que c'est "ciscenje" qui

 18   est utilisé en version originale ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge Trechsel, mais avec

 20   votre permission je souhaiterais pouvoir donner lecture de la phrase

 21   intégrale.

 22   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : le document ne s'affiche pas dans son

 23   intégralité.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je cite :

 25   "Cependant, étant donné que les municipalités en Bosnie-Herzégovine se

 26   présentent de façon quelque peu similaire à ce qu'elles sont en Croatie, à

 27   savoir qu'elles ont été instituée de telle façon qu'on a procédé à une

 28   recomposition de la population serbe ou musulmane dans l'espace de -- sur


Page 43211

  1   le territoire de la Croatie, et vice versa, le nettoyage des zones

  2   frontalières, et il s'agirait de fait des zones frontalières de l'Herceg-

  3   Bosna, permettrait de parvenir à une proportion de 65 % de population

  4   croate dans cette même Herceg-Bosna."

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Je voulais simplement obtenir

  6   une précision pour m'assurer que la traduction est exacte, et nous avons

  7   maintenant déterminé cela. Merci.

  8   Vous pouvez continuer, Monsieur Stringer.

  9   M. STRINGER : [interprétation] Merci.

 10   Pour le compte rendu d'audience, à la page 19, ligne 18, il est mentionné

 11   "Bosnie-Herzégovine," et je crois que ça devrait en fait être "Herceg-

 12   Bosna," et non pas "Bosnie-Herzégovine".

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc les municipalités ont été ainsi

 14   constituée, bien, enfin sans le début de la phrase, on ne comprend pas que

 15   ces municipalités ont été ainsi constituée pour que l'on obtienne une

 16   majorité de Serbes en Serbie et une majorité soit de Serbes soit de

 17   Musulmans en Bosnie-Herzégovine, c'est nécessaire pour comprendre ce que

 18   Mate Boban a voulu dire.

 19   L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] Je voudrais aider à la résolution de

 20   cette question posée par le Juge Trechsel, il y a des propos tenus par M.

 21   Kljujic, qui ont déjà été mentionnés, à la page 111. Je cite :

 22   "C'est la raison pour laquelle nous avons dit que nous aurions dû avoir une

 23   commission pour la cantonisation. De plus, à l'intérieur de la Bosnie-

 24   Herzégovine, nous devrions retirer plusieurs municipalités que les

 25   partisans avaient créé à nos dépends. Nous devrions transférer deux

 26   municipalités --

 27   L'INTERPRÈTE : Que l'interprète n'a pas compris.

 28   L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] -- ainsi que Jajce, qui et d'autres zones


Page 43212

  1   telle que Ravno, est-ce exact --

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que c'est une question ou une rectification,

  3   une précision, ou est-ce un argument ?

  4   L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] J'avais compris que le Juge Trechsel

  5   avait demandé la signification de "ciscenje," et ça c'est l'explication

  6   donc, du moins c'est ce que j'ai compris.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, Monsieur Prlic, je crois que ce

  8   n'est pas une intervention appropriée. On vous a donné la possibilité de

  9   poser des questions, mais maintenant vous présentez des arguments, comme un

 10   avocat, et même les avocats à ce moment donné ne doivent pas présenter

 11   d'argument. J'ai posé une question concernant un point de traduction, un

 12   point linguistique, et ceci a obtenu une réponse. Rien d'autre n'a été

 13   soulevé.

 14   L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] Excusez-moi, j'avais mal compris.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Bien sûr, je vous excuse. Vous

 16   n'êtes pas avocat, et vous apprenez ainsi un peu sur le tas.

 17   M. STRINGER : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que vous pouvez passe à la page 39. Je voudrais revenir à des

 19   passages sur lesquels nous ne sommes peut-être pas concentrés précédemment.

 20   Il y a à la page 39 un homme répondant au nom de Barac. Est-ce que vous

 21   connaissez un dénommé Barac, Neven Barac ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Si vous regardez la page 38, vous verrez qu'il se présente en disant :

 24   "Je vais dire quelques mots en ce qui concerne les activités des

 25   députés de l'Union démocratique croate au parlement de Bosnie-Herzégovine.

 26   Je suis le président du caucus."

 27   Vous verrez en bas de la page 38, il dit que :

 28   "Nous avançons ceci pour les raisons suivantes. Nous pensons qu'une Bosnie


Page 43213

  1   de ce type, si elle restait partie intégrante serait au profit de la

  2   Croatie du peuple croate et en Bosnie-Herzégovine."

  3   A la page 39, il dit :

  4   "Je voulais en fait dire cela simplement pour que l'on puisse entendre la

  5   position concernant les mesures à prendre à l'avenir.

  6   "Nous avons cette position jusqu'à présent pour ces raisons; et

  7   deuxièmement, parce que les Musulmans n'acceptent pas l'idée d'une division

  8   de la Bosnie il y a 60 ans.

  9   "Comment nous allons gagner ces 38 municipalités, c'est-à-dire les

 10   municipalités avec une population musulmane, ça je ne le sais pas.

 11   "En fait il ne s'agit pas d'avoir une Herzégovine occidentale où les

 12   Croates représentent 98,8 % de la population à Grude. Ce n'est pas du tout

 13   la question. Il s'agit en fait des autres parties où la population est

 14   mélangée, et c'est la raison pour laquelle j'ai décrit comment nous avons

 15   travaillé jusqu'à présent dans ce domaine."

 16   Nous passons à la page 41, où Boban intervient, il prend la parole en

 17   disant :

 18   "Je pense que le peuple musulman enfin je ne les défend pas en ce qui

 19   concerne mes opinions personnelles. J'aimerais également une Croatie telle

 20   qu'elle existait dans ses frontières d'il y a 50 ou 60 ans, mais je pense

 21   que c'est difficile de les diviser. Ce sont des personnes qui ont des

 22   positions très tranchées et je pense que ce sera très difficile. Dès que

 23   l'Herceg-Bosna a vu le jour, il y a eu des objections de Jablanica, par

 24   exemple, et d'autres localités qui n'ont pas accepté ce type de

 25   conceptions.

 26   "Nous devrons nous confronter les uns aux autres d'une certaine manière et

 27   je pense qu'a terme les choses se tasseront."

 28   Ce qui se passe ici c'est que vous avez quelqu'un dénommé Barac qui prend


Page 43214

  1   la parole et qui dit que ce concept d'Herceg-Bosna ou le concept de type

  2   banovina d'il y a 60 ans ne fonctionnerait plus ou ne fonctionnerait pas.

  3   Ce concept ne pourrait pas fonctionner mis à part dans les zones à forte

  4   concentration croate en Herzégovine occidentale. Le problème qu'il soulève

  5   c'est que la plupart de ces territoires sont composés de population très

  6   mélangé dans tous ces territoires, n'est-ce pas exact ? Il y aura toujours

  7   des difficultés compte tenu en fait de la mixité des populations croates et

  8   musulmanes dans de nombreuses régions  de l'Herceg-Bosna ?

  9   R.  M. Barac comme je vois ici est le vice président du cercle des députés

 10   croates qui défendent l'idée d'une Bosnie-Herzégovine dans les frontières

 11   qui sont les siennes. Tout ce texte à vrai dire nous parle de ce qui est un

 12   débat démocratique qui se tient entre les membres d'un parti et ce comme le

 13   dit le président Tudjman dans une situation extrêmement délicate. Mate

 14   Boban, quant à lui, ne dit rien d'autre que ce qu'il dit, à savoir que les

 15   Musulmans représentent un ensemble doté de positions qui ont été exprimées

 16   avec fermeté, une prise de position forte. Mais on ne parle ici que de

 17   différentes options, donc par exemple que faut-il envisager de faire si les

 18   Musulmans se mettent d'accord avec les Serbes pour intégrer une Yougoslavie

 19   ? Il faut faire attention à ne pas mélanger les concepts. Lorsqu'on parle

 20   d'une Bosnie-Herzégovine dont l'intégrité est respectée, on parle de

 21   l'intégrité des frontières; et quand on parle d'une Bosnie-Herzégovine

 22   unitaire, en revanche, c'est la conception de l'Etat de Bosnie-Herzégovine

 23   qui est celle des Musulmans, la conception de l'Etat à laquelle les Croates

 24   ne peuvent que très difficilement souscrire en raison de l'expression

 25   problématique des droits qui seraient les leurs dans le cadre d'une telle

 26   conception.

 27   Q.  Je suis sûr que nous y reviendrons mais ce sera peut-être après les

 28   vacances judiciaires.


Page 43215

  1   Général, Boban dit ici que ce qu'il souhaite, je cite :

  2   "En fait je voudrais retrouver la Croatie telle qu'elle existait dans ses

  3   frontières d'il y a 50 ou 60 ans."

  4   Alors on pourrait parler des conditions dans lesquelles ceci pourrait se

  5   produire mais en fait il me semble quasiment évident que Boban et également

  6   que Tudjman aurait aimé avoir une Croatie qui allait jusqu'à la zone de la

  7   banovina de 1939, c'est ce qu'il mentionne lorsqu'il souhaite avoir des

  8   frontières telles qu'elles étaient "il y a 50 ou 60 ans;" n'est-ce pas ce

  9   qu'ils souhaitaient ?

 10   R.  Monsieur Stringer, s'il avait été possible d'éviter la guerre en accord

 11   avec les deux autres peuples, mais je peux vous dire qu'au niveau de même

 12   aujourd'hui dans ce Tribunal je souhaite par exemple appartenir à l'Etat

 13   croate plutôt qu'à l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Pourquoi devrais-je être

 14   considéré comme coupable pour cela ? Franjo Tudjman dit : nous ne

 15   souhaitons pas mener de guerre. Mais si un accord, si on parvient à un

 16   accord avec tous de façon pacifique et qu'il devient légalement possible à

 17   vrai dire de procéder ainsi, pourquoi pas ?

 18   Q.  Je vous comprends bien, Général, mais il me semble ce que Boban a

 19   déclaré ici c'est qu'il prévoie le contraire. Il prévoie qu'on arriverait à

 20   une situation qui ne sera pas réalisable par des voies pacifiques. Il

 21   prévoie qu'il y aura ou qu'il pourrait y avoir une confrontation avec les

 22   Musulmans. Il dit, je cite : "Nous allons peut-être devoir nous affronter."

 23   En fait, il semble qu'il ait prévu la possibilité d'un conflit sur cette

 24   question et il dit :

 25   "Il semble que ceci va se tasser."

 26   Ainsi en décembre 1991, Général, je vais vous présenter de cette manière :

 27   Boban identifie ce qu'il souhaiterait voir se produire. Il prévoie qu'il va

 28   avoir une confrontation avec les Musulmans suite à ces objectifs et en fait


Page 43216

  1   il sous-estime la manière dont les Musulmans vont s'accorder sur une vision

  2   de la Herceg-Bosna qu'il avance personnellement; est-ce cela exact ? N'est-

  3   ce pas exact, c'est-à-dire que vous avez tous sous-estimé la manière avec

  4   laquelle les Musulmans et l'armija de Bosnie-Herzégovine allaient résister

  5   aux politiques d'aspirations qui allaient voir le jour, ces aspirations qui

  6   sont exprimées par le biais de ces conversations entre Boban et Tudjman ?

  7   R.  C'est tout à fait inexact, Monsieur Stringer. Boban dit : il se peut

  8   qu'il y ait des conflits mais ça s'apaisera. Ça c'est d'un.

  9   De deux, Alija Izetbegovic a déjà écrit - et j'ai publié - sa

 10   Déclaration islamiste, Monsieur Stringer.

 11   Troisièmement, deux ou trois mois après ceci, les Croates se

 12   présentent à un référendum et permettent à la Commission de Badinter;

 13   voilà, nous pouvons déterminer ou établir cet Etat sur le plan juridique à

 14   un niveau international. Donc deux ou trois mois plus tard, ces mêmes

 15   Croates vont au référendum et confirment le statut juridique international

 16   de l'Etat de Bosnie-Herzégovine dans son intégralité.

 17   Alors si tout ce que vous venez de nous dire était exact, on ne serait pas

 18   sortis au référendum. On se serait mis d'accord avec les Serbes, et tout se

 19   serait présenté autrement. Non, donc vos thèses ne sont pas exactes et ne

 20   se basent sur aucune réalité. Les conflits avec l'ABiH ne surviendront que

 21   bien plus tard parce qu'ils n'étaient pas disposés à accepter le fait que

 22   les Serbes aient pris 70 % du territoire. C'est là qu'ils auraient dû

 23   réagir et empêcher les attaques lancées contre la Croatie et tout ce que

 24   vous nous dites. Quand ils n'ont pas réussi à le faire, ils se sont tournés

 25   contre les Croates pour compenser le territoire perdu de l'autre côté.

 26   Voilà.

 27   Q.  En réalité, nous allons beaucoup parler de ceci un peu plus tard, mais

 28   le conflit entre l'ABiH et le HVO, en réalité, c'est un conflit au sujet de


Page 43217

  1   leur résistance à cette mise en œuvre ou création de l'Herceg-Bosna qui

  2   allait avoir lieu dans les mois qui ont suivi cette conversation. N'est-ce

  3   pas pour l'essentiel ce qui faisait l'objet de ce conflit, à savoir des

  4   points de vue contradictoires sur ce à quoi devait ressembler l'Herceg-

  5   Bosna à l'intérieur du territoire de la Bosnie-Herzégovine ?

  6   R.  Cela non plus n'est pas exact. Ecoutez, il s'agit de l'année 1991, et

  7   il n'y a pas eu de conflit entre la HVO de l'ABiH, mais il y a eu une

  8   agression de la part de l'ABiH contre les Croates à Konjic, Travnik et au-

  9   delà, c'est une agression, Monsieur Stringer, et ce, en dépit des accords

 10   internationaux signés pour ce qui est de la façon dont devait avoir l'air

 11   la Bosnie-Herzégovine.

 12   Mais permettez-moi de finir ma phrase. Vous ne pouvez pas à chaque phrase

 13   m'interrompre. J'ai au moins le droit de terminer ne serait-ce qu'une

 14   phrase.

 15   Q.  Cela je le comprends. Mais je vais continuer à vous soumettre la thèse

 16   de l'Accusation, si vous ne l'acceptez pas, vous pouvez le dire, et c'est

 17   ce que vous faites. Mais en même temps, vous savez comment cela marche avec

 18   le temps, chaque fois que je vous présente la thèse de l'Accusation ceci ne

 19   doit pas vous inciter à faire une déclaration fort longue. Vous avez déjà

 20   témoigné longuement, vous avez déjà eu l'occasion de vous exprimer. Donc je

 21   crois qu'il faut trouver un équilibre entre essayer -- vous permettre de

 22   répondre aux questions d'une part, mais d'autre part sans que cela ne

 23   prenne trop de temps.

 24   Général, est-ce que vous pouvez passer à la page 74 de ce procès-verbal,

 25   s'il vous plaît, c'est la suite de la conversation, ou du débat, qui a lieu

 26   entre le président Tudjman à Zagreb et, à ce stade, à la page 74, Dario

 27   Kordic. Il se présente en disant qu'il est le président du Conseil

 28   municipal de Busovaca du HDZ, il est le président de la Communauté


Page 43218

  1   régionale de Travnik, le vice-président de la Communauté croate d'Herceg-

  2   Bosna. Ensuite à la page 75, il dit :

  3   "Je pense que l'esprit croate sur le territoire de la communauté croate

  4   d'Herceg-Bosna en Posavina, et en particulier en Bosnie, s'est accru au fil

  5   des 40 derniers jours depuis que la communauté croate a été proclamée à

  6   Grude, ensuite il y a eu toute l'année après les élections en Bosnie-

  7   Herzégovine.

  8   "Le peuple croate dans la région, et la sous-région de Travnik, vivent avec

  9   l'idée de l'accession à l'Etat croate, et ils sont prêts à devenir membres

 10   à tout prix. Les jeunes hommes sont imprégnés de cet esprit.

 11   "Je le dis parce que je viens du terrain. Nous nous sommes rendus dans tous

 12   les villages sur le territoire de cette sous-région de la Communauté

 13   d'Herceg-Bosna."

 14   Au paragraphe suivant, on évoque les nombreux drapeaux croates et maisons

 15   dans les municipalités dans la partie bosniaque. Ensuite nous allons passer

 16   à la page suivante où il dit :

 17   "Je pense que toute autre option serait considérée comme une trahison, une

 18   délimitation très claire du territoire croate sur le territoire de

 19   l'Herceg-Bosna et la conservation contre la destruction du corps politique

 20   croate par l'intermédiaire d'un Etat bien défini, ce mécanisme est une

 21   garantie pour l'Etat croate et les Croates d'Herceg-Bosna, même si cela ne

 22   dure que trois mois ou un an. Quoi qu'il en soit, nous devons y croire."

 23   Général, nous pouvons aborder la question des différents, et nous allons

 24   poursuivre sur ce thème, et ici nous avons le vice-président de la

 25   communauté croate d'Herceg-Bosna qui parle en termes non voilés et très

 26   clairs, en tout cas, il avance son point de vue personnel, et il précise

 27   que l'accession à l'Etat croate constitue l'objectif; ceci n'est-il pas

 28   vrai ? N'est-il pas exact de dire que c'est l'objectif en tout cas d'un


Page 43219

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 43220

  1   certain nombre de personnes qui avaient le rôle de dirigeants au niveau de

  2   l'HDZ en Bosnie-Herzégovine et la communauté croate d'Herceg-Bosna ?

  3   R.  C'est exact de dire qu'il y a des gens qui avaient cet objectif-là avec

  4   des paroles politiques plus prononcées, dirais-je, pour ce qui est de

  5   l'intervention politique. Mais en page 76, à sa fin, vous avez les raisons

  6   pour lesquelles il prend la parole en élevant le ton.

  7   Parce que Dario Kordic a lu la déclaration islamiste. Il parle des 51 % de

  8   Musulmans qui sont évoqués là-bas. Il parle de ces Musulmans qui veulent

  9   d'une république civile, or moi je vous ai dit que ce serait soit un Etat

 10   civil, soit une guerre civile d'après Izetbegovic et Cengic qui disaient

 11   que leur domicile était en Turquie, et il y a des ovations d'entendues à

 12   l'intention de ces ambassadeurs de Libye et autres ambassadeurs islamiques.

 13   On voit que ce monde se dirige de plus en plus vers une unification

 14   islamiste et non pas vers la création d'un Etat moderne de peuples sur pied

 15   d'égalité.

 16   C'est ce qui trouble Dario Kordic, et il prononce ces propos. Mais c'est

 17   son droit que de dire cela sur le plan politique. Par la suite, il est mis

 18   en minorité et est organisé un référendum pour ce qui est de la Bosnie-

 19   Herzégovine.

 20   Q.  Bien, si vous pouvez passer maintenant à la page 84, il s'agit là d'une

 21   autre voix qui s'élève du camp adverse, ou en tout cas en concurrence, si

 22   je puis m'exprimer ainsi. Il s'agit d'Ivan Markesic, qui se présente comme

 23   étant le secrétaire général du HDZ de Bosnie-Herzégovine. A la page 85, il

 24   dit :

 25   "Lorsque j'ai appris la création de la Communauté d'Herceg-Bosna et de la

 26   Posavina croate, j'ai essayé de comprendre comment ceci pouvait s'intégrer

 27   aux positions du HDZ, étant donné que ceci représentait une forme

 28   particulière ou expression de la volonté politique de certaines personnes


Page 43221

  1   dans certaines régions. Néanmoins Duvno, j'étais convaincu d'une

  2   organisation territoriale, alors que tout au niveau de la décision sur la

  3   fondation de ceci est une tout autre question. Je souhaite dire que les

  4   positions exprimées ici montrent une claire division au sein du HDZ, au

  5   sein du parti dont je suis le secrétaire général, HDZ de Bosnie-

  6   Herzégovine. Encore une fois, je n'arrive pas à me faire à l'idée que des

  7   communautés soient créées de la sorte pour la bonne et simple raison que :

  8   comment puis-je, moi -- avec quel fondement moral puis-je recevoir des

  9   Croates de Banja Luka, les 29 000 de Zenica, alors qu'il n'y avait plus de

 10   20 000 de Tuzla, 34 000 de Sarajevo ?"

 11   Il pose la question :

 12   "Qu'en est-il d'une solution intégrale pour la question croate en

 13   Bosnie-Herzégovine ? J'estime que dans certaines régions, il y a des

 14   entités croates, il y a une aspiration de ce côté encore une fois qui

 15   n'aimerait pas vivre dans l'état croate ? Je saisis cette occasion pour

 16   accueillir cette reconnaissance. Néanmoins les circonstances réelles dans

 17   lesquelles nous nous trouvons ne permettront pas cela. Les conditions dans

 18   lesquelles les Croates vivent en Bosnie-Herzégovine, les personnes qu'ils

 19   rencontrent, les options politiques, rien de tout ceci ne le permettra. Je

 20   ne sais pas comment il serait possible à Bugojno, à Gornji Vakuf ou à

 21   Travnik pour en citer quelques-uns, de nous rendre en Herceg-Bosna et nous

 22   allons être rattachés à la République de Croatie.

 23   "C'est quelque chose que nous pouvons souhaiter, mais je dois vous

 24   dire ouvertement, vous, vous vivez à Zagreb, et je peux vous dire tout à

 25   fait honnêtement que vous pouvez avoir une vision tout à fait différente de

 26   notre région, là-bas. Nous qui vivons là-bas, nous rencontrons sans cesse

 27   ces personnes qui sont rattachées à ce morceau de terrain, et bien, là,

 28   nous sommes une partie constitutive de la Bosnie-Herzégovine. Et, vous


Page 43222

  1   voyez ces choses différemment parce que vous pensez que c'est simple et

  2   qu'il est appropriée de rattacher tout ceci ensemble en disant que c'est au

  3   nom du peuple croate que vous rattacheriez tout ceci à la Croatie."

  4   Il poursuit en disant, et il met le doigt sur un autre problème eu

  5   égard à cette politique ou ce plan où ses aspirations qui sont évoquées par

  6   d'aucuns au cours de cette réunion. Il dit, je cite, à la page 89 :

  7   "Pardonnez-moi, mais nous commençons, commençons par les faits, pardonnez-

  8   moi si je dis cela, mais de cette façon avec cette division, vous êtes en

  9   train de faire en sorte que pour la première fois, la Serbie pourra

 10   s'étendre dans la région de Bosnie-Herzégovine, où elle n'a jamais été

 11   auparavant."

 12   Donc il s'agit là d'une voix dissidente, il s'agit d'une opinion

 13   différente, Général, et c'est l'opinion de quelqu'un qui n'est pas

 14   d'Herzégovine. Il s'agit d'un Croate qui est secrétaire général du Parti

 15   HDZ, qui vient d'une région où les Croates sont mélangés, où ils vivent

 16   avec des Musulmans et d'autres personnes et il est manifestement de l'avis

 17   que la division qui d'après lui est évoquée, est quelque chose qui n'est

 18   pas tout simplement pas réalisable, n'est-ce pas exact ?

 19   R.  En partie. Alors vous voyez quelles sont ses fonctions, il présente une

 20   position quelque peu différente. Il est question aussi des positions

 21   adoptées par Franjo Tudjman, en 1989 déjà, pour ce qui est d'une Bosnie-

 22   Herzégovine entière, souveraine, mais il parle aussi d'une solution

 23   apportée à la question croate en Bosnie-Herzégovine. Cette solution de la

 24   question croate en Bosnie-Herzégovine se trouve à ce moment-là entre

 25   l'option avancée par les Serbes donc prise des territoires, 70 % du

 26   territoire et la déclaration musulmane islamiste, et, M. Markesic dit à la

 27   fin : le HDZ devrait persister dans ses exigences visant au maintien de la

 28   Bosnie-Herzégovine dans son intégralité tant qu'il y a possibilité de le


Page 43223

  1   réaliser. Mais au final, si cela s'avère impossible, nous allons nous

  2   diriger vers des solutions autres.

  3   Donc ce qu'il dit ici, Monsieur Stringer, c'est tout à fait ouvert,

  4   c'est un entretien à porte largement ouverte où dans une procédure

  5   démocratique les gens recherchent une solution. Là, il n'y a pas de

  6   solution avancée, on ne fait qu'avancer des possibilités. La réunion

  7   évoquée de Tomislavgrad n'a pas adopté pour autant que je le sache des

  8   conclusions, ça n'a jamais été publié dans des documents du HDZ ou

  9   ailleurs. Par conséquent, les gens sont au désespoir. Enfin, je ne sais

 10   comment, enfin les gens ne savent pas ce qui va se produire et on s'apprête

 11   à aller abattre ou aller tuer comme à Vukovar, Dubrovnik, et vous avez en

 12   plus un embargo qui vous pèse dessus et à vous de vous débrouiller. On

 13   s'attend donc à ce que vous soyez abattu comme du bétail sous l'embargo et

 14   personne n'est censé se débrouiller.

 15   Q.  Général, merci. A la page 90, Ignjac Kostroman prend la parole;

 16   nous pouvons sauter cela, il dit :

 17   "Que des mots très durs viennent d'être prononcés contre l'Herceg-Bosna,

 18   comme il s'agissait d'une conspiration classique contre la souveraineté de

 19   la Bosnie-Herzégovine."

 20   Ensuite il poursuit. Il critique Stjepan Kljujic, je souhaite passer

 21   maintenant à la page 98, le président Tudjman prend la parole.

 22   R.  Vous avez dit quelle page, 98 ?

 23   Q.  Page 98.

 24   R.  Mais il faudrait lire aussi le fait que Kostroman dit que ce n'est pas

 25   un complot contre la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, c'est un débat,

 26   mais bon.

 27   Q.  Personne ne nie, que c'est une discussion, Général, qui permet

 28   d'éclairer, vous conviendrez avec moi sur des opinions différentes et des


Page 43224

  1   visions à propos du territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna,

  2   n'est-ce pas bien ce dont il s'agit ici ?

  3   R.  Non, non, le sujet de ceci comment se sortir tous sains et saufs, sans

  4   guerre, comment adopter, s'adapter la communauté internationale, comment

  5   arriver à un accord, comment sauver des vies, comment savoir ce que la

  6   communauté internationale voulait aboutir pour ne pas tout perdre, comme on

  7   a perdu tout ce qu'on avait pendant huit siècles parce qu'on n'avait pas su

  8   s'adapter aux politiques des grands pouvoirs. C'est vous, votre pays qui

  9   avait le pouvoir, et nous, nous devons nous battre pour que nous ne

 10   disparaissions pas.

 11   Q.  Une des menaces à la survie du peuple croate en Herceg-Bosna, je crois

 12   que ceci n'est pas contesté, le fait est le président Tudjman l'évoque un

 13   peu plus tôt lors de la discussion, c'est que le nombre de Croates qui

 14   vivent en Bosnie-Herzégovine, ce nombre diminue et cela fait un certain

 15   nombre d'années déjà, surtout après la création de l'état croate. C'était

 16   un fait communément reconnu qu'un pourcentage de la population croate en

 17   Bosnie-Herzégovine avait diminué; ceci n'est pas exact ?

 18   R.  Le président Tudjman dit et parle d'une chose qu'on appelle la loi

 19   sociologique. Si vous faites un mauvais état à l'intention d'un peuple,

 20   alors ce peuple disparaîtra de cet Etat. La Yougoslavie était mauvaise pour

 21   le peuple croate -- 

 22   Q.  Général, vous ne répondez pas à ma question.

 23   R.  Je ne comprends pas votre question. Répétez-la, je vous prie.

 24   Q.  Alors au niveau du compte rendu ou du présidentiel nous avons vu que le

 25   président Tudjman indiquait que le pourcentage de la population croate en

 26   Bosnie-Herzégovine était passé de 25 à 17 %, me semble-t-il; vous en

 27   souvenez vous ? C'est la vérité, n'est-ce pas ? C'était un sujet de

 28   préoccupation ?


Page 43225

  1   R.  Oui. Le pourcentage de 24 % était plus grand encore il y a des siècles.

  2   Donc les conquêtes impériales de cette Yougoslavie royaliste de

  3   Karadjordjevic n'a rien apporté de bien. Cela a réduit considérablement le

  4   nombre de Croates en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, ce qui fait que nous

  5   sommes plus de 3 500 000 de par le monde.

  6   Q.  A la page 98 du procès-verbal, le président Tudjman parle, et il dit,

  7   je cite :

  8   "L'histoire a montré que la Bosnie-Herzégovine n'est pas une solution pour

  9   le peuple croate."

 10   Il poursuit en parlant de la création de la Bosnie comme faisant partie

 11   d'une conquête impériale d'un pouvoir asiatique aux dépens du peuple croate

 12   et des territoires croates entre les XVe et XVIIIe siècles. Il s'agit donc

 13   ici d'une référence faite à l'empire Ottoman ? Ensuite il poursuit et

 14   évoque le communisme -- veuillez passer à la page 99. Après avoir fait ce

 15   rappel historique, il dit :

 16   "Par conséquent, la Bosnie-Herzégovine ne devrait pas être considérée comme

 17   quelque chose qui a été donné par Dieu, ceci doit être protégé, et il faut

 18   nous souvenir combien ceci peut nous faire du tort.

 19   "A cause de la création de la Bosnie-Herzégovine, la Croatie se trouve dans

 20   une situation tout à fait impossible. Par rapport à son territoire, son

 21   administration, sans parler de sa défense, nous ne pouvons pas créer une

 22   Croatie indépendante telle qu'elle existe aujourd'hui."

 23   Général, le fait est que si Tudjman n'est pas convaincu d'une Croatie

 24   indépendante telle qu'elle existait le 27 décembre 1991, ce qu'il recherche

 25   à faire c'est étendre les frontières de la Croatie, de redessiner les

 26   frontières, et de les étendre vers l'est en direction de la Bosnie-

 27   Herzégovine, avec à terme la restauration de la Banovina comme étant

 28   l'objectif ultime ou l'objectif le plus souhaitable, n'est-ce pas exact ?


Page 43226

  1   R.  Non. Le président Tudjman parle de circonstances historiques, et ces

  2   circonstances historiques, Monsieur Stringer, sont telles que nous avons

  3   servi là-bas de base pour qu'on nous prenne nos enfants et pour en faire

  4   des soldats turcs pendant des siècles. Il n'y a aucune raison. Non, ce

  5   n'est pas exact, votre thèse n'est pas exacte.

  6   Le président Tudjman c'est un homme politique rationnel. Il a le droit de

  7   réfléchir de façon historique, et dans un livre extraordinaire qu'il a

  8   rédigé qui porte sur : "Les grandes idées et les petits peuples." Dans les

  9   grandes idées, les petits peuples disparaissent.

 10   Q.  Général, vous ne répondez pas à ma question.

 11   R.  Oui, j'y ai répondu. Votre thèse n'est pas exacte. Je ne suis pas

 12   d'accord avec elle. Il se penche sur des possibilités, des éventualités --

 13   et vous omettez le fait que les Serbes ont déjà démantelé la Bosnie-

 14   Herzégovine. Il ne sait pas ce qu'il adviendra des relations musulmanes-

 15   serbes, et au cas où cela se produirait, il n'aurait aucune chance de

 16   défendre Dubrovnik.

 17   Q.  Je vais reformuler ma question. Le président Tudjman dit ici dans ce

 18   texte :

 19   "La Bosnie-Herzégovine ne devrait pas être considérée comme quelque

 20   chose qui a été donné par Dieu qui doit être conservé, et surtout il ne

 21   faut pas oublier combien cela peut faire du mal."

 22   Est-ce que vous dites, en réalité, qu'il nous dit ici que la

 23   souveraineté, l'intégrité territoriale de la Bosnie est quelque chose qui

 24   doit être protégé et conservé ? C'est tout à fait l'inverse, me semble-t-il

 25   ?

 26   R.  Les réflexions historiques de Franjo Tudjman sont bonnes, et

 27   indubitablement exactes, absolument exactes. Il les formule de façon

 28   claire; mais son pragmatisme politique, son esprit réaliste sur le plan


Page 43227

  1   politique à l'égard de ce monde tel qu'il est, lui fait dit, Ça ce n'est

  2   pas juste, ce n'est pas équitable. Vous nous avez battus, vous nous avez

  3   expulsés, vous nous avez conquis un peu de façon impérialiste, vous nous

  4   avez pillés, et cetera; alors si on peut empêcher la chose, tant mieux;

  5   sinon, on va se soumettre à des options politiques réalistes.

  6   Excusez-moi.

  7   Nous allons nous soumettre à des options politiques réalistes et nous nous

  8   comporterons conformément à cette injustice, pas conformément à la justice.

  9   Q.  Je crois que vous venez de voir juste lorsque vous évoquez le

 10   pragmatisme politique du président Tudjman. En réalité, ce qui s'est passé

 11   -- personne ne remet en doute sa compréhension et sa connaissance de

 12   l'histoire. En tant qu'homme politique, il considère que la désintégration,

 13   le démantèlement de la Yougoslavie est une occasion pour la Croatie de

 14   remédier au tort fait au peuple croate au fil des siècles et les

 15   territoires croates. Comme il le dit, en réalité, le démantèlement de la

 16   Yougoslavie permet sur un plan politique de remédier au tort fait par le

 17   passé, donc cela signifiera repousser les frontières de la Croatie du côté

 18   est pour y inclure la Banovina pour que ceci fasse partie de l'Etat Croatie

 19   et qu'il soit créé. Est-ce que les choses ne se sont pas passées ainsi ?

 20   R.  Non, Monsieur Stringer. En page 100, le président dit exactement ce que

 21   dit la communauté internationale. Elle est contre le changement des

 22   frontières. Il dit qu'il n'est pas question, Lasic dit aussi qu'il ne

 23   serait pas envisageable de modifier les frontières internationales parce

 24   que ça ouvrirait la boîte à Pandore. Donc ils s'opposent au changement des

 25   frontières par la force. Le président Tudjman dit qu'il s'est entretenu à

 26   Split avec Izetbegovic en tête-à-tête, et Milosevic en tête-à-tête, et avec

 27   les deux en tête-à-tête ensemble, et ils ont recherché des solutions. Je

 28   cite. Qui satisferaient tant la population croate, que la population serbe,


Page 43228

  1   que les Musulmans. Donc on cherche une solution politique visant à

  2   satisfaire les trois peuples constitutifs et autonomes. Une solution

  3   pacifique. Il n'y a pas de changement de frontière par la force. C'est la

  4   position adoptée par la Croatie tant sur le plan public que sur le plan

  5   secret. Mais si l'on trouvait --

  6   Q.  Merci, Général.

  7   R.  -- la pause.

  8   M. STRINGER : [interprétation] J'ai une dernière question et nous aurons

  9   terminé ce compte rendu, Monsieur le Président.

 10   Q.  Je vous demande de passer à la page 113. Il me reste une dernière

 11   question pour conclure sur ce thème, donc sur cette réunion.

 12   Après tout cela, après 113 pages de compte rendu de cette réunion, le

 13   président du HDZ prend la parole, il s'agit de Stjepan Kljujic, et il dit :

 14   "Après tout cela, je ne peux plus officier à ce poste là-bas. Nous devons

 15   être sincères. Tout d'abord, j'ai des opinions très personnelles. Je n'ai

 16   pas pu être 'cassé' durant la période communiste, lorsque que Branko

 17   Mikulic m'a persécuté…"

 18   Le paragraphe suivant, continue comme suit :

 19   "Et bien, je vais vous dire en ce qui concerne la politique ce n'est pas

 20   possible de faire du bruit et de se démener comme un beau diable, j'ai fait

 21   tout ce que je vous ai dit. Nous ne pouvons pas continuer. Vous voulez

 22   l'Herceg-Bosna, vous voulez Boban. Et bien, vous êtes les bienvenus,

 23   Messieurs, je démissionne. Je suis toujours prêt à démissionner, Monsieur

 24   le Président."

 25   Ensuite, malgré ces propos Kljujic a continué à occuper le poste de

 26   président du HDZ pendant quelque temps après cette réunion, ensuite il a

 27   été remplacé par Miljenko Brkic et ensuite par Mate Boban, mais j'ai une

 28   dernière question concernant sur ce compte rendu, Général, ceci résume bien


Page 43229

  1   le résultat de cette réunion très importante du 27 décembre 1991. C'était

  2   Boban, Kordic, et Kostroman, et la politique de la Herceg-Bosna qui ont

  3   finalement prévalu, et même Kljujic, Barac, et Markesic qui avaient des

  4   positions plus conciliatrices ou des positions plus modérées concernant la

  5   Bosnie-Herzégovine et la politique à son égard qui ont perdu la bataille.

  6   Boban a vraiment est ressorti gagnant, il s'est fait la voix de la

  7   politique de Tudjman sur l'Herceg-Bosna et c'est vraiment cette politique

  8   qui a été de montre à partir de ce jour-là, n'est-ce pas ?

  9   R.  Ce sont des constructions qui sont les vôtres, Monsieur Stringer. Ceci

 10   est un Parti démocratique élu de façon démocratique, et M. Kljujic, c'était

 11   un journaliste en matière de sport. Il portait le nœud papillon, quelqu'un

 12   d'apparence décente et il avait tant et si bien cédé aux positions

 13   d'Izetbegovic que Tudjman, lui, a dit que les Croates ne voulaient pas

 14   suivre en direction d'une Serboslavie [phon], et que la guerre était

 15   éminente. Or Stjepan Kljujic là-bas a des entretiens spéculatifs, les

 16   Serbes s'emparent de 70 % de la Bosnie-Herzégovine. L'Etat de fait n'existe

 17   plus en tant qu'Etat si ce n'est que sur papier.

 18   Q.  Nous savons quelle est la situation en Bosnie-Herzégovine; il n'est

 19   donc pas nécessaire de développer.

 20   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus d'autres

 21   questions concernant ce document.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va prendre la pause de 20 minutes.

 23   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : en page 23, fin de la réponse

 24   de l'accusé, ajouter : pourquoi tourner autour du pot. Page 17 du compte

 25   rendu anglais fin de la réponse du témoin, remplacer la fin de la réponse

 26   par : pourquoi ne pas dans ce cas-là nettoyer l'ensemble des territoires,

 27   pourquoi aurait-on même 27 % de Musulmans.

 28   --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.


Page 43230

  1   --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise. J'ai quelques

  3   questions à vous poser, Monsieur Praljak, à la suite de l'examen en

  4   profondeur de ce document qui fait 125 pages par M. Stringer.

  5   Tout d'abord, Monsieur Praljak, je vous demande de regarder la dernière

  6   mention du document. Vous voyez qu'à la dernière page, il est indiqué que

  7   cette réunion se termine à 21 heures 55 et qu'ils vont dîner, donc je

  8   présume que la conversation a dû continuer pendant le dîner, qu'en pensez-

  9   vous ? Compte tenu des habitudes croates, est-ce qu'on discute pendant le

 10   dîner des sujets professionnels, ou bien on parle de la pluie et du beau

 11   temps ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Au dîner, selon toute l'expérience qui est la

 13   mienne, c'est le véritable débat qui commence encore plus difficile, encore

 14   plus animé.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc vous pensez qu'il y a une forte

 16   probabilité que les discussions de nature politique que l'on voit dans ce

 17   document se sont poursuivies pendant le dîner, et qu'on a une partie de la

 18   discussion par ce document ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est très probable que -- il est

 20   pratiquement certain à vrai dire que les conversations politiques ont

 21   continué également à table. Bien sûr, c'est un groupe auquel on a affaire

 22   et chacun essaie de prouver encore la force de ses propres arguments dans

 23   ces conditions-là. C'est pratiquement certain. Les Croates ne peuvent pas

 24   tout simplement basculer dans une conversation calme et normale à table,

 25   comme le font, par exemple, les Français, comme je le sais. Car je sais à

 26   quel point cela est parfois fait avec légèreté, j'ai passé un certain temps

 27   près de la frontière française. Et nous d'un point de vue psychologique ou

 28   physique nous étions loin d'être dans cette disposition d'esprit, et encore


Page 43231

  1   moins à l'époque.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : A l'examen de ce document, est-ce qu'une conclusion

  3   peut être tirée par tout le monde, y compris par vous-même, à savoir qu'au

  4   sein des Croates habitant la République de Bosnie-Herzégovine, il y avait

  5   un groupe qui était contre la, peut-être les idées de Tudjman, et puis un

  6   autre groupe qui semblait peut-être se rallier aux idées de Tudjman ? Est-

  7   ce qu'il peut y avoir la conclusion qu'il y avait deux groupes, dont l'un

  8   pouvait être dans la figure de prou, peut-être M. Kljujic, et puis dans

  9   l'autre groupe, on a peut-être M. Kordic ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne serais pas d'accord avec vous, Monsieur

 11   le Juge Antonetti. Il n'y avait pas là-bas de groupe. Chaque zone où vivait

 12   des Croates rencontraient des problèmes spécifiques, la Posavina, la Bosnie

 13   centrale, des gens de Sarajevo, l'Herzégovine. Il y avait plusieurs

 14   courants, plusieurs groupes, plusieurs options politiques à chaque fois.

 15   Les uns, par exemple, étaient les prêtres, et cetera.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : On ne va pas rentrer dans ce débat. Mais si vous ne

 17   voulez pas le terme de "groupe," peut-on considérer qu'il y a au moins deux

 18   options politiques, dont l'une peut être caractérisée par M. Kljujic et

 19   l'autre par M. Kordic ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas. On peut dire qu'il y a une

 21   opinion politique de Kljujic qui était distinguée de la position de M.

 22   Boban, mais à ce moment-là, Kordic n'avait un poids qu'on aurait pu

 23   considérer comme important ni quelqu'un qui aurait pu être à la tête d'un

 24   groupe politique parlant, enfin pour ce que j'en sais. Je pense que je suis

 25   assez bien informé de cela, je parle sous réserve.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, nous avons vu tout à l'heure que

 27   M. Kljujic remet sa démission, c'est clair et net. Si tout le monde est

 28   d'accord dans une réunion, il n'y a pas de problème. Mais quand dans une


Page 43232

  1   réunion il y en a un qui remet sa démission, c'est qu'il y a un problème,

  2   oui ou non ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact, il y avait un problème.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le problème, M. Kljujic l'a exposé, oui ou non

  5   ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Il ne l'a pas fait de la façon que j'aurais pu

  7   considérer comme correct ou véridique. M. Kljujic a continué à jouer un

  8   rôle de nature intellectuelle et je pense qu'il n'était pas à la hauteur de

  9   ce rôle. Il essayait d'obtenir l'assentiment des uns et des autres dans

 10   différents bureaux, mais il n'avait pas compris les fondements mêmes du

 11   problème, à savoir l'occupation serbe, l'occupation totale par les Serbes

 12   de la Bosnie-Herzégovine, l'effondrement du pays. Lui, il voulait jouer en

 13   solo, il voulait être celui qui décide et auquel les autres obéissent. Il

 14   n'avait pas compris non plus la situation dans l'encerclement de Sarajevo

 15   ni la politique menée par Alija Izetbegovic.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Une dernière question, de ma part.

 17   Au stade de mes réflexions - et j'appuie ce mot "réflexion" et non

 18   pas "constat" - donc au stade de mes réflexions, quand je vois ce document

 19   où, d'une part, M. Tudjman expose sa conception sur le rôle que pourrait

 20   avoir les Croates de la République de Bosnie-Herzégovine au sein de la

 21   République de Croatie, soit dans le cadre confédéral, soit dans le cadre

 22   d'une association dont je rappelle, Monsieur Praljak, que la constitution

 23   croate, la constitution de l'ex-Yougoslavie et la constitution de la

 24   République de Bosnie-Herzégovine prévoient des mécanismes juridiques

 25   permettant ce type de solution. Quand on voit M. Tudjman expliquer

 26   longuement par référence à l'histoire la Banovina, et cetera, mais que je

 27   vois également M. Tudjman dire de manière claire que les Etats-Unis

 28   d'Amérique ne veulent pas un changement de frontière, je me pose, au stade


Page 43233

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20   

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 43234

  1   de la réflexion la compatibilité d'une position de M. Tudjman peut-être

  2   partagée par d'autres comme Kordic, Kostroman ou d'autres avec la position

  3   de la communauté internationale, comment M. Tudjman pouvait résoudre ?

  4   Puisque, là, on le voit au début de la réunion, il parle de la position des

  5   Américains, mais ça ne l'empêche pas d'aborder la question éventuellement

  6   des frontières, et c'est ça que je n'arrive pas à comprendre; est-ce que

  7   vous avez une explication qui pourrait nous éclairer ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je le puis, Monsieur le Juge Antonetti.

  9   Il a trouvé une solution très claire à l'ensemble de cette situation en

 10   appelant dans son statut de leader très puissant, en appelant la population

 11   croate de se présenter au referendum sur l'indépendance de la Bosnie-

 12   Herzégovine et de voter. C'était après cette réunion, mais ici, il ne fait

 13   qu'énoncer une possibilité. Si, avec l'accord des Etats-Unis, des

 14   Musulmans, des Serbes et par voix pacifique, cela venait à survenir, dans

 15   ce cas-là, dans cette éventualité, nous avons une solution. Tous les

 16   accords ultérieurs et les négociations ultérieures nous disent que nous

 17   avons affaire ici à une façon d'examiner toutes les options qui sont sur la

 18   table, de façon tout à fait ouverte et démocratique. Un cadre dans lequel

 19   on peut même énoncer des points de vue avec lesquels, on n'est pas d'accord

 20   juste pour les éprouver, pour voir s'il s'agit de positions qui tiennent la

 21   route ou non. C'est ainsi que le monde entier fonctionne, au sein des

 22   gouvernements, on énonce les points de vue qu'ils soient radicaux ou non,

 23   qu'ils soient à moitié seulement radicaux, on expose les choses, on les

 24   examine et ensuite lorsqu'il faut agir, c'est là que l'on voie à partir des

 25   actes ce qu'il en est réellement. Après, on peut voir les conséquences et

 26   comment les choses ont été mises en œuvre réellement.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : M. Stringer vous a longuement interrogé sur la page

 28   34, où M. Boban parle du nettoyage des frontières et avance le concept de


Page 43235

  1   60 % de la population croate en Herceg-Bosna. Ça, c'est à la page 34,

  2   version anglaise et 35. Ce passage, tout le monde l'a compris important.

  3   Mais, moi, je m'adresse au scientifique qui est en face de moi, puisque

  4   vous avez fait des études pour être ingénieur électricien, donc les

  5   mathématiques vous savez ce que cela signifie. Nous savons que les Croates

  6   représentaient en Bosnie-Herzégovine 17 % de la population, 17 à 18, mais

  7   disons prenons le chiffre 17 %. Vous avez dit d'ailleurs tout à l'heure,

  8   qu'avant ils étaient plus nombreux, puis ils ont diminué au fil du temps.

  9   Vous n'avez pas expliqué pourquoi il y a une diminution, les diminutions

 10   peuvent être diverses mais liées aux migrations, liées à la situation

 11   économique ou des Croates allaient chercher du travail à l'étranger.

 12   D'ailleurs vous-même, vous avez été travaillé à l'étranger, notamment en

 13   Allemagne. Ce qui pourrait expliquer ce pourcentage de 17 %.

 14   Mais, moi, ce que j'aimerais savoir comment, avec une population de 17 %,

 15   M. Boban peut dire que, dans certaines régions, on passait à 65 %, par quel

 16   artifice il peut arriver à ce calcul ? Alors, évidemment, vous avez entendu

 17   M. Stringer, pour lui, ça pourrait être la conséquence d'une épuration

 18   ethnique qui fait qu'en déplaçant les Musulmans, on aurait ce chiffre,

 19   bien. Mais est-ce que c'est aussi simple que cela ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est absolument pas conforme à ce qui est

 21   exposé ici. Nous avons affaire à quelque chose de complètement différent.

 22   En effet, M. Boban dit tout d'abord la chose suivante : ces

 23   municipalités qui ont fondé la HZ HB, ces municipalités si nous les

 24   prenions, nous dit M. Boban, selon le recensement tel que nous en disposons

 25   dans cette zone, il reste 55 % de Croates, 27% de Musulmans, 9 % des

 26   Serbes, et le reste ce sont d'autres peuples et nationalités qui vivent là-

 27   bas.

 28   Nous en venons alors à la chose suivante : l'un des aspects pervers du


Page 43236

  1   système dans lequel nous vivions c'était pour ainsi dire le redécoupage

  2   administratif des municipalités auquel il a été procédé comme suit : par

  3   exemple, si on avait une municipalité dans laquelle un redécoupage

  4   administratif normal aurait donné 52 % de Croates, on n'y adjoignait une

  5   partie du territoire d'une autre municipalité où se trouvait par exemple,

  6   deux, trois ou cinq villages qui étaient à 100 % peupler de Musulmans.

  7   C'était une façon de diminuer la part des Croates au sein de cette première

  8   municipalité pour la faire descendre, par exemple jusqu'à 30 %. C'est ainsi

  9   qu'on a re-découper des municipalités en Croatie afin d'obtenir dans un

 10   grand nombre d'entre elles une majorité absolue ou relative des Serbes.

 11   C'est ainsi qu'ont été formées des municipalités en Bosnie-Herzégovine

 12   aussi afin d'obtenir une majorité soit Musulmane, soit Serbe, dans

 13   certaines municipalités individuelles.

 14   Ce que dit Mate Boban ici c'est que, si jamais ces zones frontalières au

 15   sens des municipalités, donc ces territoires municipaux frontaliers qui ont

 16   été adjoints à certaines municipalités, et nous savons très bien par qui

 17   cela a été fait, si nous nettoyons ces zones-là au sens où nous les

 18   rendions aux municipalités auxquelles ils appartenaient à l'origine, dans

 19   ce cas-là, nous aurions une HZ HB où la proportion de Croates ne seraient

 20   pas de 55 % mais la proportion des Croates qui en nombre absolu resteraient

 21   le même, leur proportion passerait à 65 %, encore en nombre absolu les

 22   Croates seraient toujours aussi nombreux. Il n'y en aurait pas plus.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- je le découvre parce que jusqu'à

 24   présent, je n'avais pas perçu le fait qu'il y avait eu un redécoupage

 25   municipal en Bosnie-Herzégovine et que par ce redécoupage des

 26   municipalités, il y a eu des transferts de population. Alors, si ce que

 27   vous dites est vrai, à quel moment est intervenu ce redécoupage ?

 28   L'INTERPRÈTE : note de la cabine française : réponse précédente de


Page 43237

  1   l'accusé, accusé on sait très bien qui a fait cela, c'est Rankovic et

  2   Pozderac.

  3   Reprise des débats.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] En Croatie, cela a été fait immédiatement

  5   après la Seconde Guerre mondiale, quant à la Bosnie-Herzégovine, pour ce

  6   qui concerne notamment la partie serbe, cela a également été fait après la

  7   Seconde Guerre mondiale. Enfin pour ce qui est des années 1980, fin des

  8   années 70, début des années 80, à l'époque où Hamdija Pozderac était au

  9   pouvoir, donc un leader musulman communiste qui était particulièrement en

 10   pointe. On a eu également ce type de redécoupage, par exemple, dans le cas

 11   de Mostar.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand il y a le recensement en 1991, c'est à partir

 13   des tableaux de recensement que les questions ont toujours été posées

 14   jusqu'à présent tant par le Procureur que par tous les avocats de la

 15   Défense. Ce recensement en 1991 fixant les compositions serbes, musulmanes,

 16   croates, à partir des municipalités, c'est là-dessus que tout le monde

 17   travaille. Il n'y a pas eu de redécoupage municipal avant ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, les municipalités ont fait l'objet d'un

 19   redécoupage antérieurement à cela. C'est, par exemple, la municipalité de

 20   Travnik qui a ainsi fait l'objet d'un redécoupage, Mostar également pour

 21   une large part. De plus, Monsieur le Président, le recensement de 1991 --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- d'aller vite parce que je veux

 23   redonner très vite la parole à M. Stringer. Alors si je comprends bien,

 24   parce que tout cela est très compliqué et il faut éviter d'aborder de

 25   manière primaire les sujets évoqués.

 26   Quand M. Boban parle de 65 % de la population croate en Herceg-Bosna,

 27   d'après vous il  a dans l'idée la question du redécoupage municipal qui est

 28   intervenu après la Seconde Guerre mondiale, qui a fait qu'il y avait eu des


Page 43238

  1   changements ethniques ? Donc, lui, en quelque sorte, il veut revenir à la

  2   situation qui prévalait à la fin de la Seconde Guerre mondiale; est-ce que

  3   c'est cela que vous voulez nous faire comprendre ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Il souhaite que l'on procède à un

  5   redécoupage au niveau des municipalités afin de revenir à la situation

  6   d'avant le redécoupage par M. Pozderac, et cela permettrait de faire passer

  7   la proportion des Croates de 55 à 65 %, et sans le moindre nettoyage, sans

  8   exclure ces personnes. Dans une partie du procès-verbal, il y a quelqu'un

  9   qui parle qui donne l'exemple exact d'une municipalité où cela a été fait.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour tout vous dire, dans l'intervention de M.

 11   Boban, il y a le terme qui est très gênant, en anglais "cleansing"

 12   nettoyage. Dans le texte B/C/S que vous avez, qu'est-ce qu'il emploie comme

 13   mot ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact le terme de "nettoyage" a une

 15   connotation, une signification plus qu'ennuyeuse, mais c'est ce terme qui

 16   est utilisé. Toutefois la phrase précédente explique exactement de quoi il

 17   s'agit, à savoir d'un redécoupage administratif des municipalités car ce

 18   redécoupage a été ainsi fait qu'il s'est agi d'une recomposition de la

 19   population  musulmane et serbe. C'est ce terme qu'il utilise, donc

 20   "recomposition" donc je pourrais moi faire la même chose et obtenir une

 21   population où il y aurait plus de femmes, plus ou moins de Français --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- ce qui a été dit tout à l'heure, le

 23   terme c'est dans votre langue et vous me pardonnerez la prononciation

 24   "ciscenje." C'est ce que l'on voie à la ligne 23. Mais vous semblez dire

 25   que ça voulait dire pour lui redécoupage municipal. Mais ce terme tel qu'on

 26   le voie au transcript dans votre langue, est-ce que c'est un terme de

 27   nature générale ou bien il y a la connotation de nettoyage c'est-à-dire

 28   qu'on nettoie, on enlève. Or un redécoupage municipal ça ne veut pas dire


Page 43239

  1   qu'on enlève, ça veut dire qu'on redessine des limites municipales, on

  2   remodèle une carte des fois pour des raisons politiques ou autres mais sans

  3   pour autant qu'il y ait enlèvement ou nettoyage. Alors le terme qui a été

  4   employé et qui a une connotation qu'on ne peut nier, parce que quand on dit

  5   "nettoyage," aussitôt l'esprit pense à nettoyage ethnique. Alors ce terme,

  6   est-ce qu'il a vocation à être employé généralement dans votre langue, ou

  7   bien il est très précis ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] En croate, comme dans tout autre langue, le

  9   sens d'un mot est désigné par son contexte. Il est exact de dire, Monsieur

 10   le Juge Antonetti, qu'en langue croate, on dit nettoyer ses vêtements,

 11   nettoyer des fenêtres, et donc c'est une signification essentiellement

 12   technique, nettoyer une pièce, nettoyer l'air aussi, le purifier. Par les

 13   événements en Bosnie-Herzégovine, qui se sont produits à posteriori, il y a

 14   eu une connotation qui est apparue et qui n'existait pas en langue croate

 15   avant. Maintenant, oui, et maintenant, comme tout autre mot, il y a une

 16   signification qui lui est attribuée en fonction de ce que l'on a inséré

 17   dans la notion, et il y a bien entendu nettoyage ethnique. Quand on parle

 18   de "nettoyage ethnique" survenu avant, ça n'a rien à voir. Ici il s'agit

 19   d'un remodelage des frontières -- remodelage les frontières ou redécoupage

 20   des frontières de municipalités, parce que si vous ajoutez à Mostar,

 21   Citluk, et Siroki Brijeg, il y aura 65 ou 70 % de Croates, si vous ne le

 22   faites pas, ça sera tout le contraire. Donc c'est ainsi qu'on avait

 23   procédé.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, attendez, il y a une autre question.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je voudrais vous poser en fait deux

 26   questions négatives, tout d'abord, j'aimerais savoir : si vous avez lu la

 27   totalité du compte rendu de cette réunion ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.


Page 43240

  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, vous

  2   pouvez m'aider. Dans les discussions que nous avons vues sur le compte

  3   rendu, je n'ai pas vu de référence à une attaque de l'ABiH, qui est arrivé

  4   plus tard, n'est-ce pas ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, il s'agit de

  6   l'année 1991 ici, et l'attaque de l'ABiH commence en printemps 1993 --

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Exactement c'est ça. Merci. La

  8   deuxième référence qui n'a pas été apportée ici est la suivante, en fait il

  9   n'est pas mentionné que le gouvernement de Sarajevo ne fonctionne pas, que

 10   ce n'est pas un gouvernement qui fonctionne. Ceci n'est pas utilisé comme

 11   argument pour la création de l'Herceg-Bosna dans le compte rendu de cette

 12   réunion, de cette discussion ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge Trechsel.

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup. Ce sera tout, merci.

 15   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Q.  Je voudrais poser quelques questions de suivi aux questions posées par

 17   les Juges. Général, nous parlons du thème de "cleanse" utilisé en croate.

 18   Lorsque l'on parle du "nettoyage des frontières," est-ce que Boban parlait

 19   d'une idée de nettoyage ? Mais on a également la connotation de quelque

 20   chose qui est indésirable, quand on nettoie, ou on lave un vêtements, une

 21   fenêtre, c'est qu'il y a une tache, c'est que cela est sale, et par

 22   conséquent, il faut que ceci soit nettoyé, que ce soit lavé; de façon à ce

 23   que les parties indésirables, qu'on se débarrasse des parties indésirables.

 24   Est-ce que ce n'est pas quand même l'idée qui est mentionnée ici, c'est-à-

 25   dire les éléments indésirables, dans ce cas-là, et dans les Musulmans ou

 26   les populations non-croates de cette partie de l'Herceg-Bosna ?

 27   R.  Non, Monsieur Stringer. Il parle de certaines zones précises. S'il

 28   avait voulu parler de nettoyage musulman, il aurait parlé -- il aurait dit


Page 43241

  1   : "Il faut nettoyer les Musulmans." Alors pourquoi ce serait-il limité aux

  2   zones frontalières ? Il y aurait été question de nettoyage partout. Il

  3   parle de zones frontalières qui ont été adjointes d'une façon politiquement

  4   perverse afin qu'un peuple particulier se retrouve dans une situation

  5   dominante dans beaucoup pus de municipalités qu'il lui en serait revenu en

  6   temps normal. C'était un problème politique dont je suis parfaitement au

  7   courant. Je suis particulièrement au courant de la façon serait le

  8   découpage administratif des frontières municipales, a permis de donner la

  9   majorité à certains peuples. Il dit simplement : ces zones frontalières,

 10   débarrassons-nous-en, mettons-les de côté; et non pas : expulsons les

 11   Musulmans. C'est ce même Mate Boban qui plus tard a 10 000 Musulmans au

 12   sein du HVO, puis ensuite il y avait les réfugiés, et ainsi de suite, Donc,

 13   je vous en prie.

 14   Q.  Est-ce que vous suggérez, Général, l'idée -- bien, ce que Boban propose

 15   ici, si j'ai bien compris, c'est qu'ils vont entrer en Herceg-Bosna les

 16   gens ont redessiné les frontières des différentes municipalités en Herceg-

 17   Bosna, et pour le faire de façon à garantir que les Croates soient

 18   majoritaire dans chacune de ces municipalités, tout ceci sera fait, et les

 19   Musulmans n'auront pas de problème avec cela même dans une municipalité

 20   comme Jablanica, où ils représentent quelque 70 % de la population, ils

 21   vont simplement accepter cela sans rien dire alors que Boban et ses hommes

 22   modifient les frontières des municipalités pour mettre en place une

 23   majorité de Croates qui n'existaient pas auparavant; c'est bien ce que vous

 24   dites et que tout ceci allait se passer de façon pacifique, et redessiner

 25   la carte des municipalités pour "gerrymandering" ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas cela. Vous ne pouvez pas

 27   changer le nombre d'habitants se trouvant à Jablanica. Mais par

 28   l'adjonction de villages musulmans à Prozor et à Rama de façon tout sauf


Page 43242

  1   naturelle, il a été possible d'augmenter d'une façon très significative le

  2   nombre de Musulmans à Rama, en donnant ces mêmes villages à la municipalité

  3   de Jablanica, on pouvait augmenter le nombre de Musulmans à Jablanica. Il

  4   s'agit d'un territoire compact où on a adjoint des villages musulmans à

  5   Rama pour diminuer la proportion de la population croate. Boban dit qu'il

  6   faut revenir en arrière là-dessus avec toutes les réserves et les

  7   conditions qui sont mentionnées, si on arrive dans cette situation-là. Si

  8   nous voulons nous pencher là-dessus plus en détail, il faudrait -- et je

  9   peux vous le dire, je peux vous l'apporter, il faudrait se pencher sur le

 10   découpage -- redécoupage détaillé des municipalités en Bosnie-Herzégovine.

 11   Vous pouvez voir à partir de ce compte rendu de quoi il s'agit --

 12   Q.  Vous avez évoqué les réfugiés, nous allons y revenir un peu plus tard,

 13   parce que pour l'instant nous ne parlons que du mois de décembre 1991,

 14   avant que la guerre n'arrive en Bosnie, avant le référendum sur

 15   l'indépendance, avant l'encerclement de Sarajevo que vous invoquiez un peu

 16   plus tôt dans votre témoignage lorsque vous avez répondu à une question

 17   posée par M. le Juge Antonetti. Vous disiez que l'occupation serbe de la

 18   Bosnie-Herzégovine, l'encerclement, le siège de Sarajevo, rien de tout cela

 19   ne se passait en décembre 1991, n'est-ce pas ? Ceci est arrivé quelques

 20   mois plus tard ?

 21   R.  Sarajevo a été assiégée quelques mois plus tard, mais l'occasion par la

 22   JNA de la Bosnie-Herzégovine, et la distribution d'armes à la population

 23   serbe de Bosnie-Herzégovine, représentait deux choses qui avaient déjà été

 24   faites pour une large part. Comme vous le savez, les forces serbes avaient

 25   encerclé toutes les zones entourant Mostar. Des gens avaient été tués, il y

 26   avait tir à partir des collines, et on en est arrivé à ce que la communauté

 27   internationale quitte la Slovénie et la Croatie, et tout cela s'est

 28   retrouvé en Bosnie-Herzégovine, le Corps de Rijeka, et ainsi de suite.


Page 43243

  1   Q.  Egalement en réponse à une question qui a été posée par le Président de

  2   la Chambre, il s'agissait des déclaration Stjepan Kljujic au niveau des

  3   procès-verbaux présidentiels, et le Président de la Chambre a suggéré ou

  4   indiqué que le problème qui se posait à la ligne 8 de la page 41, je cite :

  5   "Le problème a été expliqué par M. Kljujic, n'est-ce pas ?"

  6   Et vous avez répondu en disant :

  7   "Non, pas de façon véridique d'après moi."

  8   Donc, Général, cela fait presque une semaine que je vous contre-interroge,

  9   il y a quatre personnes déjà qui d'après vous ne disent pas la vérité ou

 10   qu'ils sont des menteurs parce que ceci ne correspond pas à votre vision du

 11   monde; l'ancien président Mesic, le commandant Boricic, qui s'occupait de

 12   la section d'entraînement de l'armée croate. Il a rédigé un rapport sur le

 13   déploiement de la 5e Brigade de la Garde en Herceg-Bosna que nous avons

 14   évoqué un peu plus tôt. Vous dites qu'il a rédigé un rapport fallacieux ou

 15   que ses chiffres n'étaient pas exacts ou véridiques. Vous avez dit la même

 16   chose du général de brigade Kapular, le commandant de la 5e Brigade des

 17   Gardes. Vous avez dit qu'il a remis un rapport falsifié au ministre de la

 18   Défense croate, Susak. Maintenant vous dites que Kljujic ne dit pas la

 19   vérité, parce que dans sa conversation, il qualifie les événements qu'il

 20   évoque au cours de sa conversation.

 21   Donc chaque fois que quelqu'un dit quelque chose, même si cela est

 22   arrivé un certain nombre d'années, même avant la création de ce Tribunal,

 23   chaque fois que quelqu'un disait quelque chose qui ne correspond pas à

 24   votre témoignage, vous affirmez que cette personne est un menteur.

 25   R.  Ce n'est pas exact, Monsieur Stringer. Je n'ai pas dit que le brigadier

 26   Kapular mentait. Je sais exactement pourquoi il a embelli le rapport à

 27   l'intention de Gojko Susak, parce qu'il voulait obtenir plus de bottes, et

 28   cetera. L'armée était pauvrement équipée et il gonflait les chiffres.


Page 43244

  1   Stipe Mesic, permettez-moi de le dire, Stipe Mesic, en pages 41 et

  2   42, dans toute cette transcription de 115 pages, il dit --

  3   Q.  Général, vous nous avez expliqué tout ceci déjà --

  4   R.  Mais non, je ne vous ai pas dit au sujet de Mesic. Parce que si M.

  5   Mesic a ici, par exemple, une conversation au sujet d'un partage et s'il

  6   sait --

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez.

  8   C'est M. Stringer qui conduit, puisque c'est lui qui pose les questions.

  9   Donc répondez exactement à la question qu'il pose.

 10   M. STRINGER : [interprétation]

 11   Q.  Général, le témoignage de Mesic vous a été présenté. J'ai demandé à ce

 12   que vous nous donniez vos commentaires ainsi que Kapular et les autres. Ce

 13   que je souhaite signaler, c'est que vous avez tendance à dire que les

 14   autres sont des menteurs lorsque ceci ne correspond pas à ce que vous

 15   dites. Nous n'avons pas besoin d'analyser à nouveau le témoignage de Mesic

 16   sur le fond à Karadjordjevo.

 17   Un dernier point, encore une fois, la question du Président de la Chambre -

 18   -

 19   R.  Quelle est votre question ? Vous voulez que je vous dise qu'il ment ou

 20   quoi ? Enfin, quelle est la question ?

 21   Q.  Vous avez clarifié ceci. Vous dites que le rapport qu'il a fourni est

 22   un rapport falsifié, qui a été remis au ministre de la Défense. Ceci est

 23   consigné au compte rendu d'audience et je suis prêt à passer à autre chose.

 24   R.  Ok, mais ne répétez pas alors vos thèses. Allez de l'avant.

 25   Q.  Vous avez dit, lorsque vous avez répondu à une question posée par M. le

 26   Juge Antonetti à propos de Kljujic, vous dites qu'il souhaitait jouer un

 27   rôle à part. Il souhaitait être un acteur autonome, il souhaitait que les

 28   autres lui obéissent. A ce moment-là, ce n'était pas possible et ça a été


Page 43245

  1   retenu contre lui. Vous avez dit ceci il y a quelques instants, page 41 du

  2   compte rendu d'audience -- et la réalité pour laquelle il souhaitait être

  3   autonome, c'est parce qu'il voulait être le président du HDZ en Bosnie-

  4   Herzégovine et c'est ce qui l'a conduit à sa perte, parce que, en réalité,

  5   c'était le président Tudjman qui allait mener la barque pour ce qui est de

  6   la politique du HDZ en Bosnie-Herzégovine. Le fait est que Kljujic

  7   souhaitait être autonome. Ceci ne concordait pas avec le point de vue de

  8   Tudjman et c'est la raison pour laquelle son fantoche, Boban, a finalement

  9   été mis en place. Il était tout sauf autonome, cet homme-là, parce que son

 10   seul but était de faire tout le contraire. Son but était de mettre en œuvre

 11   la politique de suivre les instructions du président Tudjman. Ceci est

 12   exact, n'est-ce pas ?

 13   R.  Non, c'est tout à fait faux. C'est sans fondement, absurde, inventé de

 14   toute pièce.

 15   Q.  Passons à la pièce suivante, Général. Nous allons sauter un petit peu

 16   dans le temps et avancer. Nous avons évoqué cette conversation au palais

 17   présidentiel qui s'est déroulée le 27 décembre 1991. Nous allons avancer de

 18   quelque 18 mois.

 19   Pièce P 02719, un autre procès-verbal présidentiel. Il s'agit d'une

 20   conversation qui s'est déroulée le 11 juin 1993, entre le président Tudjman

 21   et le président Izetbegovic de Bosnie-Herzégovine. Je souhaitais simplement

 22   vous demander de vous reporter à un passage. Nous allons y revenir plus

 23   tard sur ce procès-verbal. Mais la question que je souhaite aborder avec

 24   vous maintenant, c'est celle-ci. Ceci se trouve à la page 14, commence à la

 25   page 14. Izetbegovic se plaint auprès du président Tudjman à propos du

 26   comportement et des activités de Boban et d'autres personnes en Bosnie-

 27   Herzégovine. A la page 14, Izetbegovic dit, la deuxième moitié de la

 28   feuille :


Page 43246

  1   "La déclaration officielle de la FORPRONU était que les conditions

  2   météorologiques étaient mauvaises et qu'ils ne pouvaient pas partir…"

  3   Je crois qu'il parlait d'une réunion avec Boban qui ne pouvait pas y aller.

  4   Je poursuis la citation :

  5   "… c'est ce que nous avons entendu dire ce jour-là et plus tard également.

  6   Ensuite nous avons entendu dire que Boban a prétendu qu'on lui avait tiré

  7   dessus. Pour ce qui est des déclarations de Boban, vous pouvez me croire.

  8   J'ai le droit de ne pas le croire. J'ai cent raisons de ne pas le croire.

  9   Boban est sans cesse en train de susciter des querelles là-bas. Vous devez

 10   le savoir. Je dois vous le dire. Vous pouvez me croire ou vous pouvez ne

 11   pas me croire. C'est à vous de faire ce que vous souhaitez. Vous devez

 12   savoir que c'est lui et d'autres personnes qui sont derrière ces conflits

 13   là-bas."

 14   Et le président Tudjman pose la question, je cite :

 15   "Et qui d'autre à votre avis ?"

 16   Izetbegovic, à la page suivante, dit :

 17   "Kordic, Kostroman, Busovaca et ces trois personnes étaient ces gens."

 18   Tudjman dit :

 19   "Donc les gens qui défendaient Busovaca sont dans votre --"

 20   Izetbegovic lui coupe la parole et il dit :

 21   "Vous savez il y a des centaines de personnes et ici il y en a deux. Si

 22   deux devaient vous dire que cet homme, Kordic, est intelligent, ne le

 23   défendez pas. Vous ne pouvez défendre personne."

 24   Ensuite Tudjman dit :

 25   "Je ne le défends pas du tout."

 26   Ensuite Izetbegovic poursuit en parlant de Kordic. Et je vais passer à la

 27   page 16. Tudjman dit :

 28   "Vous avez évoqué Kostroman. Où est-il et qui est-il ?"


Page 43247

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19   

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 43248

  1   Izetbegovic dit :

  2   "Je crois qu'il est à Kiseljak ou à Busovaca, dans ces régions-là, en tout

  3   cas."

  4   Izetbegovic dit, je cite -- pardonnez-moi, le président Tudjman dit, je

  5   cite :

  6   "M. Izetbegovic, je ne connaissais ni les nommés Boban, Kordic ou

  7   Kostroman. Ces personnes sont arrivées sur la scène pendant l'offensive

  8   contre l'agression serbe. Le seul message qu'ils ont reçu de nous à Zagreb,

  9   c'est de coopérer avec vous. C'est ce que je vous ai conseillé également, à

 10   savoir d'établir une coopération."

 11   Nous avons maintenant regardé ce procès-verbal présidentiel du 27 décembre

 12   1991 - Tudjman, Kordic, Kostroman et Boban - et les autres. Lorsque Tudjman

 13   parle longuement de la Bosnie-Herzégovine, lorsqu'il dit que ceci n'a pas

 14   été donné par Dieu, que ce n'est pas dans l'intérêt de la Croatie que de la

 15   conserver, il fait ces déclarations directement en tant que président de la

 16   République de Croatie à ces hommes Boban, Kordic et Kostroman. Maintenant

 17   Tudjman ne dit pas la vérité à Izetbegovic. Il lui dit quelque chose de

 18   tout à fait différent. Il dit à Izetbegovic qu'en réalité son message à ces

 19   hommes consiste à coopérer avec Izetbegovic.

 20   Donc il induisait Izetbegovic en erreur. Il cachait la véritable nature des

 21   instructions qu'il donnait et des rapports qu'il avait avec Tudjman, Boban,

 22   Kordic et Kostroman, n'est-ce pas ?

 23   R.  Ce que vous affirmez est complètement dénué de sens, parce qu'en cette

 24   période-là et l'autre, il s'est passé plus d'un an et demi. Entre-temps, la

 25   Bosnie-Herzégovine a été reconnue par la Croatie suite à un référendum.

 26   Enfin je ne sais pas comment vous cherchez à comprendre la politique pour

 27   ce qui est de ces temps si mouvementés où personne ne sait ce qu'on aura

 28   dans un délai d'un an et demi. Ce n'était pas des positions prises, c'était


Page 43249

  1   un débat. Il n'y a pas une seule position. Il n'y a pas une seule

  2   conclusion.

  3   Or ici, M. Izetbegovic, une fois qu'il a pris Travnik et qu'il a placé là-

  4   bas ses généraux et qu'il a saccagé Konjic et tué pas mal de gens. Suite à

  5   la prise de Kakanj, suite au nettoyage de Zenica en plein Zagreb, il vient

  6   dire en plein Zagreb à Tudjman des mensonges immenses comme il l'a

  7   d'ailleurs fait tout le temps.

  8   Q.  En réalité, ce que nous voyons ici, Général, étant donné que vous avez

  9   utilisé le terme Tudjman a menti à Izetbegovic, lorsqu'il a dit à

 10   Izetbegovic que le message qu'il avait donné à Kordic, Kostroman et Boban

 11   était de coopérer alors que son message, en réalité, était tout le

 12   contraire. Et la politique en Herceg-Bosna était tout le contraire aussi,

 13   n'est-ce pas ? 

 14   R.  Bien sûr que non. Comment voulez-vous sinon que les Croates aillent

 15   voter au référendum ? Mais vous voulez vraiment faire de moi un homme qui a

 16   coefficient intellectuel de 80, 82 à tout casser, Monsieur Stringer.

 17   Q.  Avançons --

 18   R.  Enfin j'en sais quand même un peu plus. J'ai l'impression que vous avez

 19   l'impression -- enfin, Monsieur Trechsel, vous pensez que j'en ai moins ?

 20   Que j'ai un coefficient --

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je n'ai pas d'avis sur votre QI et

 22   peut-être que je n'ai pas le même point de vue, mais ceci n'a pas lieu

 23   d'être ici. Je trouve que votre réponse à la question de M. Stringer -- je

 24   ne peux pas suivre. M. Stringer vous demande, à un moment donné, nous avons

 25   vu dans un document que Tudjman avait dit une chose, ensuite à un autre

 26   moment et à d'autres interlocuteurs, il dit autre chose. Il vous demande si

 27   vous y voyez une contradiction, et au lieu de cela, vous prétendez que l'on

 28   vous prend pour quelqu'un qui n'est pas intelligent. Je ne vois pas du tout


Page 43250

  1   le lien. Je ne vous suis pas du tout. Je ne comprends pas ce que vous

  2   voulez dire, hormis le fait que vous ne répondez pas à la question, d'après

  3   moi.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai répondu à la question pour dire qu'à

  5   cette réunion, il n'y a pas eu de conclusions d'adopter. On a parlé au

  6   conditionnel. Des politiques et des positions d'envisagées et, jusque-là,

  7   il y a eu ce au sujet de quoi on a présenté devant ce Tribunal des

  8   centaines et centaines de documents. Il y a eu les réfugiés, la

  9   reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine, et cetera. Alors établir une

 10   corrélation, je ne comprends pas, mais je veux bien répondre à la question.

 11   Monsieur Stringer, je suis tout à fait en désaccord avec vos conclusions.

 12   Voilà, c'est tout.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Très bien. Donc la pièce  suivante est le 1D

 14   00 --

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, on vient de voir ce document qui

 16   est une conversation entre M. Izetbegovic et M. Tudjman, le 11 juin. Dans

 17   le document, on ne sait pas où ça s'est déroulé. Je présume que c'est à

 18   Zagreb.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, à Zagreb. C'est une transcription.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est à Zagreb. Je remarque que la conversation

 21   débute à presque une heure du matin. C'est minuit passé de 25 minutes.

 22   Fallait-il que le sujet soit important. Mais passez minuit en Croatie, il y

 23   avait, dans les administrations, toujours un fonctionnaire présent pour

 24   enregistrer la conversation ? Puisque vous avez fréquenté le bureau ou la

 25   salle de réunion où se tenaient les rencontres, alors était-ce dans le

 26   bureau de M. Tudjman, était-ce dans la salle de réunion dont nous avons vu

 27   une photo ? Mais que ça soit dans son bureau ou dans la salle de réunion,

 28   faire un enregistrement audio, il est à voir ici d'ailleurs comment ça se


Page 43251

  1   passe, c'est toute une logistique. A votre connaissance, ils étaient

  2   capables, à minuit, d'enregistrer une conversation ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Juge Antonetti. Ce

  4   n'était pas chose rare que de se faire convoquer par le président Tudjman à

  5   une heure ou 2 heures du matin. On était en état de guerre. Nous étions en

  6   train de créer un Etat. Tous étaient prêts 24 heures sur 24 sans horaire de

  7   travail et sans droit à réclamer quoi que ce soit à ce sujet. Du moins, moi

  8   et les autres, on n'avait pas à compter sur les horaires de travail fixe.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 10   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Général, la pièce suivante c'est le 1D 00401. Il s'agit d'un extrait

 12   d'un livre écrit de la main du Prof Tudjman en 1991 intitulé : "Le

 13   nationalisme dans l'Europe d'aujourd'hui." Si nous regardons la page --

 14   R.  Je ne reçois pas d'interprétation, Monsieur le Juge Antonetti.

 15   Mme PINTER : [interprétation] Nous n'avons pas d'interprétation en langue

 16   croate, alors je demanderais à M. le Procureur de nous donner lecture assez

 17   lentement afin que cela puisse être traduit.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux avoir une traduction. C'est un livre

 19   scientifique, je dois avoir une traduction en langue croate pour pouvoir

 20   comparer exactement. Je demanderais à M. le Juge Antonetti de m'autoriser à

 21   faire ainsi.

 22   [Le témoin quitte la barre] 

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Stringer, M. Praljak s'absence

 24   quelques secondes, parce qu'il a une obligation impérieuse.

 25   On a un document qui est certainement important, puisqu'il émane de M.

 26   Tudjman. Ce document est en anglais. L'accusé a le droit d'avoir dans sa

 27   propre langue tout document qui est utilisé dans le cadre de son procès.

 28   Alors si vous n'avez pas la traduction en B/C/S, mais peut-être que vous


Page 43252

  1   l'avez, j'en sais strictement rien, vous pourriez revenir utilement sur ce

  2   document à la reprise, soit tout à l'heure, soit au mois d'août.

  3   M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est un

  4   document 1D. Il a été versé au dossier et pour l'instant, je ne peux pas

  5   vous dire si -- il doit certainement y avoir quelque part une traduction en

  6   B/C/S, parce que cela m'étonnerait que le président Tudjman ait écrit ceci

  7   en anglais. Donc nous allons vérifier. Je peux ne pas aborder cette

  8   question-ci maintenant, et peut-être que le conseil de M. Prlic peut nous

  9   dire quelque chose.

 10   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Pour ce qui est de ce livre, il est

 11   certain qu'il y a une version en langue croate, mais nous le livre on l'a

 12   reçu en version anglaise. Nous n'avons pas de version anglaise, étant donné

 13   que nous avons travaillé avec l'ambassadeur Sancevic sur ce livre, pour

 14   lui, ça n'a pas causé de problème. Voilà. Merci.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc ce livre a dû paraître dans la langue

 16   croate. Manifestement la Défense de M. Prlic n'a utilisé que le livre en

 17   anglais. Voilà, donc il y a peut-être un problème.

 18   Alors, en plus, Monsieur Stringer, j'appelle votre attention sur le

 19   même -- le titre du livre : "Nationalisme dans l'Europe contemporaine."

 20   Donc vous allez certainement utiliser ceci pour votre thèse, donc il serait

 21   équitable que M. Praljak puisse avoir connaissance de l'intégralité de ce

 22   livre avant qu'il puisse répondre utilement à vos questions.

 23   Qu'en pensez-vous ?

 24   M. STRINGER : [interprétation] C'est très bien, Monsieur le Président.

 25   Cette pièce a été utilisée par l'équipe de Défense Prlic pendant

 26   l'interrogatoire principal de l'ambassadeur Sancevic, leur témoin. Ceci n'a

 27   pas posé problème à l'époque, comme l'a indiqué le conseil de la Défense.

 28   Je suis revenu sur le témoignage de l'ambassadeur Sancevic pendant mon


Page 43253

  1   contre-interrogatoire. Si le général souhaite regarder la version dans la

  2   langue d'origine, il peut tout à fait le faire, et je peux laisser de côté

  3   ce document pour l'instant et passer à autre chose, et nous allons voir si

  4   nous pouvons remettre la main sur ces pages dans la langue d'origine, et je

  5   reviendrai après dessus.

  6   [Le témoin vient à la barre]

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Passez à un autre document.

  8   M. STRINGER : [interprétation]

  9   Q.  Général, nous avons parlé beaucoup de réunions avec M. Tudjman, avec M.

 10   Boban, avec d'autres, des réunions qui se sont tenues à Zagreb, des

 11   événements qui ont eu lieu là-bas. Je voudrais maintenant revenir à des

 12   événements qui se sont produits en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire venir

 13   plus sur le terrain et non dans les bureaux présidentiels de Zagreb. Pour

 14   ce faire, j'aimerais revenir à un témoignage de M. Vulliamy, qui est

 15   journaliste au "Guardian," qui a témoigné dans cette affaire.

 16   M. STRINGER : [interprétation] Nous avons un extrait de sa déposition,

 17   Monsieur le Président, que nous pouvons mettre à l'écran de façon à ce que

 18   tout le monde puisse suivre. C'est la page 1 499 du compte rendu

 19   d'audience.

 20   Q.  A la page 16, on pose la question à M. Vulliamy :

 21   "S'il se souvient des événements qui se sont produits lorsqu'il avait

 22   rencontré M. Mate Boban ?"

 23   Nous allons passer en revue les éléments de cette réunion qui s'est

 24   produite en août 1992. Il dit à la ligne 18 :

 25   "Oui. Je me souviens très bien de cette réunion."

 26   C'est-à-dire donc M. Vuiliamy rencontrant M. Boban en août 1992 :

 27   "C'était dans ses bureaux dans une ville appelée Grude, une petite ville

 28   dans une localité qui semblait assez peu sûre, même s'il n'y avait pas de


Page 43254

  1   combat qui avait lieu."

  2   Il dit à la ligne 24 :

  3   "Mate Boban était en fait celui qu'on a associé au sommet du pouvoir au

  4   sein des Croates de Bosnie."

  5   Ensuite à la page 1 500 du compte rendu d'audience, je vais passer à la

  6   ligne 10. On lui demande s'il se souvient de la date à laquelle cette

  7   réunion s'est tenue avec M. Boban. A la ligne 10, M. Vulliamy dit :

  8   "Et bien, ce sera approximatif, je suis arrivé le 10. C'était donc soit le

  9   12 soit le 13 soit le 14 août, des zones-là.

 10   Quand on lui a demandé :

 11   "Quelle année ?"

 12   Il a répondu :

 13   "1992."

 14   Puis on a posé la question suivante à M. Vulliamy :

 15   "Est-ce qu'il se souvenait de ce qui avait été abordé durant la réunion et

 16   notamment les plans pour la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?"

 17   M. Vulliamy, à la ligne 19, dit, je cite :

 18   "Il a été clair et il était disposé à avoir cette conversation. Il a été

 19   clair en disant qu'il ne pouvait pas reconnaître la constitution -- qu'il

 20   ne reconnaîtrait pas la constitution de Bosnie-Herzégovine, et il ne

 21   reconnaîtrait pas Sarajevo comme capitale. La raison qu'il a donné c'est

 22   que la constitution garantit les droits des personnes, mais non des

 23   peuples, et le terme utilisé pour les peuples est le terme 'narod' cela

 24   signifie les peuples dans leur ethnicité, et cela ne signifie pas des

 25   personnes qui vont faire des courses, il s'agit, par exemple, 'Harvatski

 26   Narod,' c'est-à-dire le peuple croate."

 27   C'est la page 1 501, la ligne 3, il dit que :

 28   "Il voulait donc que les différents 'narod,' les différents peuples


Page 43255

  1   devaient être divisés par un système de cantons ou de provinces, donc

  2   répartir les Serbes, les Musulmans et les Croates. C'est un système qui

  3   apprécié parce qu'en fait il l'avait comparé à ce qui se passait en Suisse

  4   pour des raisons de relations publiques, en Suisse ou en Union européenne.

  5   Il a montré comment un groupe de ces cantons, de ces provinces seraient

  6   précisément croates, il a parlé également de la manière dont l'Herceg-Bosna

  7   serait liée à la Croatie d'un point de vue culturel, spirituel et

  8   économique, et il disait que l'Herceg-Bosna avait été séparée par la

  9   Croatie pour 'des raisons historiques malheureuses.' C'est ce qu'il avait

 10   dit. Il a également parlé du HVO, il n'a pas parlé du HV et de ses

 11   relations avec le HDZ, son parti, mais il a parlé du HVO comme force

 12   militaire légitime sur ce qu'il appelait un territoire libre, ensuite il a

 13   fait quelques remarques consistant à dire que le peuple croate serait

 14   disposé à prendre les armes pour défendre cette liberté, comme il a dit

 15   donc dans sa langue ce qui selon moi m'a permis de comprendre qu'il était

 16   déjà sur la défensive."

 17   J'ai donc deux questions à vous poser concernant cela, Monsieur le Général.

 18   Tout d'abord, les opinions de Boban, exprimées à l'attention de M. Vulliamy

 19   dans la conversation qu'il a eue en août 1992, sont en fait une copie

 20   conforme des opinions du président Tudjman, n'est-ce pas, il s'agit donc

 21   des liens culturels et spirituels entre l'Herceg-Bosna et la Croatie, et

 22   les circonstances malheureuses qui ont mené à la séparation de ces deux

 23   régions ? Il semble donc que sur la base de ce qui a déjà été vu ici, les

 24   opinions de Boban étaient essentiellement les mêmes que celles du président

 25   Tudjman sur cette question ?

 26   R.  Je suis dans une situation délicate ici. Je ne vois pas très bien

 27   comment je pourrais répondre à une telle question. Ici ce sont les points

 28   de vue de Mate Boban qui sont énoncés lors d'une réunion apparemment avec


Page 43256

  1   M. Vulliamy. Alors tout d'abord, j'ignore la teneur de leurs entretiens.

  2   Là, nous avons ce que Vulliamy avance comme étant le contenu de leur

  3   discussion, et ce dont ils ont parlé, selon Vulliamy, chose que ça ne pose

  4   pas de problème. Bon, alors il y a aussi cette formulation de Vulliamy qui

  5   dit que Grude c'est un endroit terrifiant, c'est très anglais, comme façon

  6   de voir les choses.

  7   Cela et de façon dont il parle de la notion de "narod," le "peuple," est

  8   exact donc c'est conforme à ce qui figure à la constitution de Bosnie-

  9   Herzégovine, où les peuples sont souverains. Ensuite il parle des cantons

 10   qui ont été une idée constamment avancée. Pourquoi ne mettrait-on pas en

 11   place des cantons, comme cela, il a été le cas en Suisse, ou si j'ai bonne

 12   mémoire, il y a aussi eu une guerre lorsque sept cantons ont voulu se

 13   séparer par ces questions. Mais bon c'est l'aménagement auquel il a été

 14   procédé là-bas. Alors ensuite Boban parle de liens culturels avec la

 15   Croatie, entre les Croates qui vivent dans les deux Etats, mais c'est ce

 16   que toute l'Europe fait d'ailleurs, pourquoi ne faudrait-il pas encouragé

 17   les liens économiques et culturels. A l'époque, le HVO a déjà assuré la

 18   défense de la Bosnie-Herzégovine pour que celle-ci ne soit pas écrasée par

 19   les forces serbes. Je ne sais pas quelle est l'expérience de Vulliamy mais

 20   tout cela est exact et moi je signerais tout cela aujourd'hui. J'aurais

 21   souhaité une cantonisation de la Bosnie-Herzégovine, que le HVO puisse être

 22   en position de défendre. Alors après quant à savoir quelles étaient les

 23   expériences de Vulliamy et quelle était son interprétation de telle ou

 24   telle chose, c'est son droit de journaliste. Moi, ce que je sais, c'est

 25   qu'elles étaient nos positions à nous.

 26   Q.  Merci. Donc, Général, d'après ce que vous dites les opinions exprimées

 27   par M. Boban n'étaient pas uniquement les opinions présentées par le

 28   président Tudjman, telles que nous l'avons vu dans les comptes rendus


Page 43257

  1   précédents, mais il semble également que ses opinions soient similaires à

  2   votre propre proposition, c'est-à-dire la constitution d'un canon ou d'une

  3   zone qui serait plus particulièrement croate au sein de la Bosnie-

  4   Herzégovine ?

  5   R.  Non, ils ne sont pas spécifiquement Croates mais ils sont tels que cela

  6   a été prévu précisément. Or il est exact, Monsieur Stringer qu'aujourd'hui

  7   encore je défends l'idée selon laquelle l'aménagement cantonal de la

  8   Bosnie-Herzégovine était la meilleure solution possible. Aujourd'hui

  9   encore, j'affirme que le HVO représentait une force de défense tout à fait

 10   régulière et légale qui a sauvé la Bosnie-Herzégovine, et je pense que si

 11   la Communauté européenne avait accepté et imposé le modèle helvétique, cela

 12   aurait été le meilleur modèle. Les Croates ne souhaitaient en la matière

 13   rien de plus qu'être sur un pied d'égalité, au même niveau que les autres

 14   peuples et la protection de leurs intérêts vitaux.

 15   Aujourd'hui, j'estime que la coopération et les liens culturels doivent

 16   être développés au maximum. Mais --

 17   Q.  Alors voyons ce que vous avez dit sur le même sujet il y a quelques

 18   années. Je vais vous présenter un clip vidéo qui porte la cote P 09447,

 19   c'est un documentaire : "La mort de la Yougoslavie." Est-ce que vous vous

 20   souvenez d'avoir accordé cet entretien à des journalistes sur cette

 21   émission concernant la mort de la Yougoslavie, Monsieur le Général ?

 22   R.  Je m'en souviens. Mais dites-moi quelle année exactement. Ce n'était

 23   pas il y a quelques années. Mais je vous prie de donner la date exacte à

 24   laquelle cela a été fait. Soyons précis dans ce prétoire.

 25   Q.  En fait j'allais vous demander si vous pourriez me donner l'année de

 26   cet enregistrement vidéo. Alors visionnons cette vidéo et peut-être que

 27   vous vous souviendrez de l'année.

 28   On peut peut-être lancer la vidéo.


Page 43258

  1   R.  C'est votre pièce à conviction, alors dites quand cela a été

  2   enregistré. Informez-nous.

  3   Q.  C'était votre déposition, donc dites-moi quand ceci a été fait.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. STRINGER : [interprétation] Apparemment on n'entend pas le son.

  6   Mme PINTER : [interprétation] Messieurs les Juges, pendant que nous

  7   attendons, je pense que le général a parfaitement le droit d'être informé

  8   du moment de la date à laquelle cela a été enregistré tout simplement parce

  9   que nous avons déjà entendu de sa bouche qu'il n'est pas tout à fait sûr du

 10   cadre temporel, lui-même, il ne peut pas le dire lui-même premièrement.

 11   Deuxièmement, il a le droit de le savoir en quelle année et à quel

 12   moment cela a été enregistré.

 13   Nous à chaque fois que nous avons fourni des documents ou des

 14   enregistrements vidéo nous devions préciser quand cela avait été

 15   enregistré.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, vous avez la date, ou vous la

 17   donnerez plus tard.

 18   M. STRINGER : [interprétation] Non, je n'ai pas la date disponible. Je peux

 19   vous la fournir après la pause. Je voulais en fait demander au général s'il

 20   reconnaissait cette vidéo et il est clair qu'il s'agit de lui qui apparaît

 21   à l'écran. La procédure normale est de lui demander de visionner cette

 22   vidéo et de lui demander s'il se souvient de la date à laquelle il a tenu

 23   ou accordé cet entretien. Mais je peux vous fournir la date également,

 24   Monsieur le Président, je le ferai.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a une certaine ressemblance entre

 27   cette personne ici avec moi et moi-même.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, il n'y a pas de son,


Page 43259

  1   donc peut-être qu'on pourrait faire la pause maintenant de façon à régler

  2   ce problème technique.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause et puis vous allez régler ce

  4   problème technique.

  5   --- L'audience est suspendue à 12 heures 08.

  6   --- L'audience est reprise à 12 heures 30.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. J'espère que la vidéo

  8   fonctionne.

  9   M. STRINGER : [interprétation] Oui, la vidéo fonctionne et je peux fournir

 10   aux Juges et à tous les participants les détails de cet entretien accordé

 11   par le général Praljak. Ceci s'est passé en avril 1995. Les entretiens font

 12   partie d'une émission de la BBC très connue, intitulée en français : "Vie

 13   et mort de la Yougoslavie," qui a été également accompagnée d'un livre du

 14   même nom, par Laura Silver, documentaire de la BBC a été diffusé pour la

 15   première fois en septembre 1995 et je crois savoir que la vidéo que nous

 16   allons voir des entretiens avec le général Praljak ont été reçus par le

 17   bureau du Procureur le 14 avril 1998. Apparemment, le nom sur la

 18   documentation interne est le mien. Je suis donc en fait le destinataire de

 19   cette vidéo que j'avais demandée.

 20   Voilà donc, Monsieur le général, les entretiens ont été tenus en avril

 21   1995, la diffusion s'est faite en septembre 1995, et ce que vous allez voir

 22   a été reçu par le bureau du Procureur le 14 avril 1998. Monsieur le

 23   Général, nous allons donc vous faire visionner cette vidéo et nous pourrons

 24   en reparler après l'avoir visionnée.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : il n'y a pas de bande son.

 27   Mme PINTER : [interprétation] Messieurs les Juges, il y a un texte qui

 28   défile sous l'image mais nous ne recevons aucune interprétation et il n'y a


Page 43260

  1   pas de bande-son qui nous parvient non plus.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

  3   Juges, j'ai appelé le technicien qui sera là en quelques secondes.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Nous allons passer à la pièce portant la

  5   cote P00466. Je pense que tout le monde sera ravi que nous passions à un

  6   autre compte rendu présidentiel en attendant que le problème soit réglé.

  7   Q.  Monsieur le général, est-ce que vous pouvez passer à la pièce P00466

  8   dans votre jeu de documents, dans votre classeur ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Très bien. Nous passons du compte rendu présidentiel de décembre 1991.

 11   Nous sommes maintenant le 11 septembre 1992. Il s'agit de la première

 12   séance ou session du Conseil de la Défense nationale de la République de

 13   Croatie. Vous étiez présent à cette réunion, Monsieur le général, avec

 14   Gojko Susak et d'autres participants, comme cela figure sur la page de

 15   couverture. A un moment, durant les questions posées par le Juge Antonetti

 16   ce matin, on vous a posé une question qui est à la page 54. Je voudrais

 17   donc obtenir des précisions de votre part. Il s'agit donc de la page 54 de

 18   ce document, et nous irons jusqu'à la page 57.

 19   Monsieur le Général, veuillez m'excuser. Je voudrais en fait qu'on commence

 20   par la page 51. Etant donné que nous avons quelques problèmes techniques,

 21   nous allons consacrer un peu plus de temps à ce compte rendu.

 22   Il s'agit de la page 51, et là, nous sommes donc en septembre 1992, peu de

 23   temps avant les événements de Prozor que nous connaissons, ainsi que la

 24   chute de Jajce. Au milieu de la page, vous dites :

 25   "…et la guerre avec les Musulmans peut être prévue."

 26   Susak a dit :

 27   "Cela fait plus d'une semaine que nous sommes conscients des

 28   préparatifs que nous devons réaliser."


Page 43261

 1   

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 43262

  1   Le général, et ensuite, Monsieur le Général, vous avez déclaré :

  2   "Nous avons six morts au poste. La situation empire. Les routes sont

  3   maintenant barrées là-bas. Ce soir, ils vont laisser passer certains

  4   véhicules mais ils ne nous laissent pas passer. Les gens se sont calmé et

  5   ne vont pas vouloir partir immédiatement. Un autre problème, c'est que les

  6   Serbes, avec leur manière de résoudre la question musulmane, nous ont placé

  7   dans une position où nous allons tout perdre. Nous nous défendons parce que

  8   les Musulmans vont s'installer ici. Nous avons quitté une minorité

  9   ailleurs, de partout mis à part dans la partie de l'Herzégovine

 10   occidentale, et ça, je pense, n'est pas un sujet spécial à aborder."

 11   Il y a un passage où il est mentionné :

 12   "Personne ne fait pas toujours preuve de malice."

 13   Mais lorsque vous avez mentionné tout cela dans votre déposition,

 14   Monsieur le Général, vous avez donc le problème du nombre important de

 15   réfugiés musulmans qui arrivent vers l'Herceg-Bosna et qui ont été donc

 16   repoussés ou qui ont été chassés par les Serbes. Donc, je poursuis ce que

 17   l'on abordait plus tôt. En plus de la tendance à la baisse de la population

 18   croate en Herceg-Bosna, à la fin de l'année 1992, la situation a empiré

 19   parce que vous aviez des réfugiés musulmans qui sont arrivés d'autres

 20   parties de Bosnie-Herzégovine; est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

 21   R.  La situation ne s'est pas aggravée, elle est catastrophique. De la

 22   réduction de notre pourcentage à ce qui s'est produit avec les Serbes qui

 23   ont occupé 70 % du territoire d'où ils ont chassé aussi bien les Musulmans

 24   que les Croates, les Croates, étant partis vers la Croatie et les Musulmans

 25   aussi, d'ailleurs, sont partis vers la Croatie, mais un nombre considérable

 26   s'est installé non seulement en Herceg-Bosna mais de façon générale, dans

 27   le territoire libre qui n'avait pas été occupé par les Serbes. Cela a

 28   entraîné une situation proprement catastrophique, une catastrophe totale.


Page 43263

  1   Cela a constitué l'une des forces motrices particulièrement puissantes qui

  2   permettait un changement de position, un changement psychologique de la

  3   part des Musulmans.

  4   Q.  Merci, Monsieur le général. C'était un désastre ou une catastrophe à

  5   différents niveaux. C'était une catastrophe humanitaire qui a créé une

  6   charge énorme, pas uniquement pour les réfugiés qui arrivaient mais

  7   également pour les personnes qui avaient habité dans ces régions toute leur

  8   vie. Donc, je pense que vous serez d'accord pour convenir avec moi que

  9   c'était en fait une catastrophe humanitaire qui se produisait.

 10   R.  Aussi bien humanitaire que sociale, psychologique et à tous les égards.

 11   Une situation particulièrement chaotique, c'est de cela qu'il s'agissait.

 12   Q.  En ce qui concerne la politique croate par rapport à la Herceg-Bosna,

 13   c'était une catastrophe politique également ou un désastre politique parce

 14   qu'il y avait ce souhait ou cet objectif de créer un espace ou un canton ou

 15   une zone croate, et cela compliquait cette tâche étant donné que les choses

 16   allaient dans la mauvaise direction d'un point de vue de la répartition

 17   démographique, étant donné que le nombre de Musulmans était en

 18   augmentation; n'est-ce pas également exact de dire cela ?

 19   R.  Non. C'était avant tout une catastrophe humaine pour le peuple. Il est

 20   exact aussi de dire que, dans une telle catastrophe, il y a une catastrophe

 21   pour le people croate aussi, car il se voit effacé de ces espaces. Comme à

 22   Sarajevo, les Musulmans représentent aujourd'hui 96 % de la population,

 23   c'est une catastrophe absolue et ce n'est pas un désastre politique, parce

 24   que personne ici n'a voulu procéder à la cessation ou à la séparation de

 25   quoi que ce soit. C'est une catastrophe pure et simple.

 26   Q.  Mais étant donné que le nombre de Musulmans vivants dans ces parties de

 27   la Herceg-Bosna a augmenté, il y a, par voie de conséquence, une baisse de

 28   la population croate, et par conséquent, une possibilité moindre d'avoir


Page 43264

  1   une solution politique, c'est-à-dire une création d'un espace croate au

  2   sein duquel les Croates seraient en majorité. C'est des mathématiques,

  3   n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui, c'est une simple question de calcul. Si vous amenez 500 000 000 de

  5   personnes aux Etats-Unis, évidemment que la question se posera de savoir :

  6   à qui appartiennent ces Etats-Unis ? Si quelqu'un chasse des personnes des

  7   territoires où elles ont vécu pendant des siècles et que personne ne

  8   réagit, de quoi parle-t-on aujourd'hui, mais à l'époque tout le monde

  9   considérait cela dans la plus grande indifférence face à cette catastrophe

 10   qui était avant tout humanitaire et humaine avant d'être également une

 11   catastrophe sur d'autres plans.

 12   Q.  Monsieur le Général, je voudrais qu'on passe à la page 54, vous avez

 13   dit :

 14   "Ecoutez, on a perdu. Tout d'abord, il va avoir un bain de sang. Je ne sais

 15   pas exactement ce qui va se passer, mais nous allons être dans la même

 16   position que les Serbes. Tout devra être laissé. Il y aura des cas de

 17   dysenterie et il y aura les camps de réfugiés et il y aura l'occident. Si

 18   l'occident arrive à obtenir les territoires à partir desquels les Serbes

 19   ont été expulsés, j'y reviendrai."

 20   Puis il y a un mot qui manque :

 21   "Il y a une chance théorique en Bosnie que nous perdions. Nous

 22   n'avons pas en fait beaucoup de chances de pouvoir nous défendre."

 23   En fait ce que vous dites ici, Monsieur le Général, c'est que l'afflux de

 24   Musulmans vers la Herceg-Bosna, les terres croates d'Herceg-Bosna, en fait

 25   vous n'aurez aucun moyen d'atteindre cet objectif de la création d'un

 26   espace ou d'un territoire croate dont vous vous étiez fait les chantres

 27   parmi d'autres, du moins tant qu'il y aura des réfugiés musulmans qui

 28   continueront à vivre dans ces zones ?


Page 43265

  1   R.  Non, Monsieur Stringer. Ici c'est en tant que professeur de sociologie

  2   ayant tout lu d'August Comte à Durkheim Weber, et jusqu'au contemporain,

  3   c'est à ce titre que je parle et que je dis que je sais ce qui va se

  4   produire dans une telle situation. C'est une analyse scientifique tout à

  5   fait classique qui consiste à dire que --

  6   Q.  Général, je ne vous pose pas de questions sur que d'aucun ont écrit sur

  7   les questions sociologiques. Moi, je vous pose une question bien précise

  8   sur l'Herceg-Bosna et ce territoire.

  9   Pour réaliser cet espace, ce canton, quel que soit le terme que vous

 10   souhaitez utiliser, le problème auquel vous êtes confronté à ce stade et

 11   qui est indiqué ici et mis en exergue c'est qu'il y a trop de réfugiés

 12   musulmans, trop de Musulmans dans la région, et que vous n'alliez pas

 13   pouvoir réaliser ce canton croate à cause de l'arrivée massive de ces pers

 14   ? C'est le nombre qui compromet vos objectifs, à savoir la création de cet

 15   espace croate ?

 16   R.  Ce n'est pas exact. Nous ne sommes pas en train de mettre en place un

 17   espace croate. Nous essayons de maintenir la situation telle qu'elle était

 18   avant la guerre, et moi je dis que la guerre a modifié la structure

 19   ethnique de ce territoire, sa composition ethnique, mais vous allez trop

 20   loin lorsque vous dites que nous souhaitons un espace purement croate. Ce

 21   que nous disons c'est simplement que les puissances internationales et le

 22   droit international doivent faire ce qui est nécessaire pour que les

 23   réfugiés puissent revenir sur les territoires d'où ils ont été expulsés.

 24   C'est un devoir qui n'a pas été accompli jusqu'au jour d'aujourd'hui, comme

 25   chacun sait.

 26   Q.  Merci. Donc le président Tudjman se met à parler, et il dit :

 27   "Nous avons la possibilité, c'est-à-dire que nous allons dire ce que nous

 28   avons dit au début. Nous devons le faire, et nous allons insister sur la


Page 43266

  1   demande, à savoir les régions qui faisaient partie de l'ancienne Banovina

  2   croate aux plans démographique et géopolitique faisait partie de la

  3   Croatie.

  4   "En réalité, tous ces changements sont dus à la guerre."

  5   Je vais revenir sur le texte qu'a évoqué M. le Juge Antonetti, ceci se

  6   trouve à la page 56.

  7   Le président Tudjman dit :

  8   "Messieurs, Messieurs, nous n'avons rien à conquérir. Défendons --"

  9   Au milieu de la page :

 10   "Messieurs, Messieurs, ne nous orientons pas. Nous n'avons rien à conquérir

 11   --"

 12   R.  Excusez-moi, mais de quelle page s'agit-il ?

 13   Q.  Cinquante-six. Est-ce que vous y êtes, Général ?

 14   "Ne nous orientons pas. Nous n'avons rien à conquérir. Défendez ces Croates

 15   --"

 16   Vous intervenez, Général, et vous dites :

 17   "Il est impossible d'aller plus loin, Monsieur le Président."

 18   Le président Tudjman dit :

 19   "Alors préparons-nous à les nettoyer, qu'ils quittent la Croatie."

 20   Vous dites :

 21   "Il ne faut pas que nous prenions part à cette conquête de la Bosnie."

 22   En haut de la page 57 :

 23   "Non, Monsieur le Président, croyez-moi, les attaques ont cessé."

 24   Ensuite Susak dit :

 25   "Rien à propos de la Banovina, nous ne sommes pas allés, même 1 mètre, de

 26   façon illégale sur ce terrain-là."

 27   Donc cet échange, Général, ce qui se produit ici c'est que le président

 28   Tudjman définit une nouvelle fois le territoire croate -- il définit


Page 43267

  1   l'espace croate et il a dit que ceci englobe le territoire de la Banovina

  2   en Bosnie-Herzégovine, mais ce qui vous dit à vous et ce qu'il dit au

  3   ministre Susak c'est qu'il s'agit là de la limite extérieure de la zone que

  4   vous allez défendre, si je puis m'exprimer ainsi. Donc, en réalité, ce qui

  5   se passe ici c'est que vous êtes tous d'accord pour vous battre pour la

  6   Banovina, malgré les attaques et offensives intenses menées par les Serbes

  7   à ce stade sur l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine.

  8   Les instructions du président à votre égard et acceptées par vous et Susak

  9   c'est que vous êtes disposé à défendre la Croatie, et pour vous, la Croatie

 10   signifie la Banovina :

 11   "Vous n'allez pas mettre un pied à l'extérieur, vous allez défendre

 12   la Banovina par opposition à la défense de la République de Bosnie-

 13   Herzégovine."

 14   N'est-ce pas là l'interprétation exacte de ce qui est évoqué ici ?

 15   R.  C'est en partie juste, mais vous sautez des parties pertinentes de

 16   cette transcription, parce qu'avant cela, nous avons eu une grande

 17   opération contre les Serbes dans la vallée de la Neretva, donc il a été une

 18   question ici, et il n'y a pas de bonne raison de s'attaquer aux Serbes à

 19   Trebinje, Nevesinje, là où ils sont en majorité absolue. Nous n'avons pas

 20   voulu la guerre, nous avons cherché à nous défendre. Nous n'étions pas une

 21   armée offensive.

 22   Franjo Tudjman s'attendait à ce que la communauté internationale

 23   finisse par contraindre les Serbes à stopper les opérations, les uns et les

 24   autres. D'ailleurs, il le dit en bas de la page 54. Ce qui l'intéresse,

 25   c'est que nous n'occupions rien du tout. La banovina ici, c'est un

 26   synonyme. Ce n'est pas parce que la Croatie voulait s'élargir, mais parce

 27   que c'était habité par une population majoritairement croate. Mais il y

 28   avait des Musulmans et d'autres et nous avons défendu cela. Donc notre


Page 43268

  1   intérêt n'était pas de nous emparer de Banja Luka. Mais lorsque nous nous

  2   sommes défendus nous avons proposé aussi des solutions pacifiques, c'est

  3   donc une politique tout à fait correcte et tout à fait pacifique.

  4   Q.  Bien, Général. Donc ce que vous allez défendre, c'est le territoire

  5   croate qui est défini au niveau de la banovina. Vous n'allez rien faire

  6   pour faire sortir les Serbes de Nevesinje, Trebinje, par exemple, qui est

  7   l'endroit d'où tous ces Musulmans ont été chassés. Ce qui vous intéresse

  8   uniquement, c'est l'espace croate. Vous n'êtes pas intéressé par la

  9   restauration d'un territoire libre pour la République de Bosnie-

 10   Herzégovine, n'est-ce pas ?

 11   R.  Ce n'est pas exact. D'abord, ne dites pas Croatie, puisque ce n'est pas

 12   de la Croatie. A Mostar, il n'y a pas que des Croates que nous ayons

 13   défendus. Et à Stolac, ce n'est pas que des Croates qu'on a défendus.

 14   Q.  Je vais vous couper la parole là --

 15   R.  Bien le contraire.

 16   Q.  Parce que vous nous dites que ceci n'a rien à voir avec la Croatie,

 17   mais nous parlons d'une conversation qui s'est déroulée dans le bureau du

 18   président de la République de Croatie. C'est une conversation au cours de

 19   laquelle assistent le président de la Croatie, le ministre de la défense de

 20   l'armée croate et vous qui êtes sur le point d'être placé à la tête des

 21   forces du HVO, en tant que commandant en Bosnie-Herzégovine, en même temps

 22   vous êtes le ministre adjoint ou l'assistant du ministre de la défense de

 23   la République de Croatie, vous êtes membre du Conseil de défense nationale

 24   qui est convoqué ici. Donc ceci n'est pas tout à fait vrai lorsque vous

 25   dites que ceci n'a rien à voir avec la Croatie. Tout au contraire, il

 26   s'agit uniquement de la Croatie, la politique croate par rapport à la

 27   Bosnie-Herzégovine.

 28   R.  Monsieur Stringer, je ne sais pas ce qu'on vous a traduit, je n'ai pas


Page 43269

  1   voulu dire que ça ne concernait pas la Croatie. Je ne sais pas comment on

  2   vous a rapporté la chose.

  3   Entre le 18 septembre de la tenue de cette réunion en 1992 et le 24

  4   juillet 1993 quand je suis devenu commandant, et vous dites que c'est un

  5   processus de nomination de moi-même au poste de commandement, c'est

  6   complètement dénué de sens, parce que ça s'est fait bien plus tard. Il y a

  7   bien des choses qui ont changé entre-temps.

  8   Ce que je conteste ici, c'est votre assertion, à savoir

  9   qu'il s'agit là d'un territoire croate. C'est un territoire appartenant à

 10   la Bosnie-Herzégovine qui est majoritairement habité par des Croates, mais

 11   qui comporte aussi beaucoup de Musulmans qui font partie du HVO ou de

 12   "l'armija" et beaucoup d'autres populations aussi. Alors ce que nous ne

 13   voulons pas, c'est d'abord chasser les Serbes de Nevesinje et deuxièmement,

 14   nous n'avons pas la force de le faire, Monsieur Stringer, parce qu'avec

 15   l'ABiH qui n'a pas frappé les Serbes à quelque endroit que ce soit, nous,

 16   seuls, on n'avait pas la force. On a défendu notre espace. Et à ce moment-

 17   là, nous avons essayé de lancer une grande offensive contre les Serbes avec

 18   des succès partiels. L'armée de la Republika Srpska était une armée forte.

 19   Q.  Général, peut-être que nous ne nous comprenons pas bien. Nous ne

 20   comprenons pas ce qu'est la Bosnie-Herzégovine et ce qu'est la Croatie. Si

 21   vous regardez le bas de la page 56 lorsque le président Tudjman dit :

 22   Préparons-nous à les évacuer de la Croatie, ne soyez pas impliqués dans la

 23   conquête de la Bosnie. Le président Tudjman, le président de la Croatie,

 24   dit qu'il ne s'agit pas seulement de la République de Croatie, mais il

 25   parle également de la région de la banovina qui faisait partie de la

 26   République de Bosnie-Herzégovine. Pour vous, c'est ce que cela signifie la

 27   Croatie. Pour vous tous, c'est la Croatie plus la banovina; c'est bien ce

 28   qu'il dit ici, n'est-ce pas ?


Page 43270

  1   R.  Non, non et non.

  2   Q.  Lorsque Susak dit à la page 57 : "Rien au niveau de la banovina," il ne

  3   parle pas de défendre seulement le territoire croate qui, à vos yeux,

  4   représentait la Croatie, autrement dit la banovina en Bosnie-Herzégovine.

  5   C'est assez évident, n'est-ce pas, Général, lorsqu'ils parlent de la

  6   Croatie, ils parlent -- ou en tout cas, ils incluent la région de la

  7   banovina en Bosnie-Herzégovine ?

  8   R.  Monsieur Stringer, il peut vous sembler tout ce que vous voulez. Votre

  9   acte d'accusation est complètement dénué de sens jusqu'aux limites extrêmes

 10   de la chose. Il n'en est pas question du tout. Pour ce qui est de la

 11   Croatie ici, le président Franjo Tudjman dit que la Croatie est simplement

 12   devenue un pays où chacun vient faire ce que bon lui semble. On peut voir

 13   cela dans une autre transcription, à savoir qu'on était devenu une maison

 14   sans maître de maison. Tout le monde déambule avec des armes au poing, les

 15   Musulmans viennent, achètent des armes, vont et viennent. Ça n'a rien à

 16   voir. Ma réponse à votre question : dans tout ce que vous affirmez, il n'y

 17   a aucune espèce de signification.

 18   Q.  Donc je vous ai présenté le point de vue de l'Accusation ou

 19   l'interprétation des termes employés ici. Vous ne les acceptez pas, donc

 20   nous allons passer à autre chose.

 21   M. STRINGER : [interprétation] A moins qu'il n'y ait une question des Juges

 22   de la Chambre, je vais passer à la pièce suivante.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Regardez à la page 57 où Franjo dit : Pour

 24   qu'on ne nous déclare pas, de la part des pays islamiques, que nous sommes

 25   des agresseurs qui s'attaquent à la Bosnie, c'est la raison pour laquelle

 26   il ne faut pas attaquer. Parce que le reste du monde nous accuse à tort et

 27   à travers d'attaquer. Alors, Monsieur Stringer, en arrachant des phrases.

 28   O.K.


Page 43271

  1   M. STRINGER : [interprétation] Est-ce que le dernier mot peut-être être

  2   interprété ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes mes excuses.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Merci.

  5   Q.  Bien. Je vais revenir maintenant au livre du président Tudjman, 1D

  6   00401. Nous avons la version en langue d'origine --

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, je vous demanderais si

  8   possible que M. Stringer laisse ceci pour après la pause. Pour ce qui est

  9   des théories de M. Tudjman, je ne voudrais pas en parler de façon à

 10   recevoir un texte comme cela, c'est un livre tout à fait scientifique et je

 11   pense avoir ce livre dans mon armoire. Parce que comme ceci, on perd le

 12   sérieux de la chose. Si c'est possible. Sinon, je vais me débrouiller.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, qu'est-ce que vous en pensez ?

 14   Comme je présume que dans votre thèse, c'est un élément important ce

 15   document, est-ce que vous voyez un inconvénient à revenir quand on se

 16   reverra au mois d'août sur ce texte ou, pris par des questions de

 17   calendrier, vous tenez absolument à poser les questions à partir de ce

 18   document ?

 19   M. STRINGER : [interprétation] Je peux y revenir, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Il serait utile que vous y reveniez. On va garder

 21   tout cela en mémoire. Entre-temps, M. Praljak aura le temps de relire le

 22   livre, s'il ne l'a pas lu, de M. Tudjman. Donc il sera à même de répondre

 23   aux questions et ce sera dans l'intérêt général.

 24   M. STRINGER : [interprétation] Nous allons essayer, Monsieur le Président,

 25   pour la troisième fois, de voir si nous pouvons visionner la séquence

 26   vidéo. Si cela marche, nous allons ensuite pouvoir aborder la suite.

 27   Q.  Général, pour revenir à ce sujet, nous avons évoqué plus tôt la

 28   conversation que Vulliamy a eue avec Mate Boban. Boban a donné son point de


Page 43272

  1   vue sur l'Herceg-Bosna, si vous voulez, et vous avez indiqué que vous étiez

  2   d'accord avec le plus clair de ce qu'a dit Boban au cours de cette

  3   conversation. Je souhaite maintenant réduire un petit peu la question et je

  4   souhaite avoir votre point de vue et votre vision à propos de l'Herceg-

  5   Bosna, parce que vous êtes originaire de cette région. Je souhaite vous

  6   présenter quelques-unes des choses que vous avez dites en 1994, au moment

  7   où ces séquences vidéo ont été filmées.

  8   Nous allons d'abord les voir, ensuite je vais vous poser des

  9   questions dessus.

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11   M. STRINGER : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président. Je ne

 12   pense pas que ceci marche. Je ne vais y perdre davantage de temps

 13   aujourd'hui.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] est-ce que, Messieurs les Juges, puisqu'on

 16   vient de s'arrêter là, vous voudrez bien répondre positivement à ma demande

 17   pour en finir maintenant pour aujourd'hui ? Ça fait 40 jours déjà. Pour ce

 18   qui est des 40 minutes qui nous restent, si c'est possible; sinon, je vais

 19   continuer à être interrogé.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que là vous n'en pouvez plus et vous

 21   préférez qu'on arrête maintenant ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que je vous demanderais. Enfin je

 23   puis continuer, mais comme ça ne marche pas, alors autant --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, comme il y a des problèmes

 25   techniques et M. Praljak nous dit qu'il préfèrerait qu'on arrête, parce

 26   qu'il n'en peu plus, c'est à vous de voir. Parce que nous on a prévu --

 27   enfin, il nous reste 40 minutes encore.

 28   M. STRINGER : [interprétation] C'est une des rares occasions où je peux


Page 43273

  1   être d'accord avec le général. Si les vidéos ne peuvent pas être

  2   visionnées, je serais, à ce moment-là, obligé de distribuer les autres

  3   classeurs avant même de pouvoir poursuivre. Donc je pense que compte tenu

  4   du fait qu'il est impossible de visionner ces vidéos, je pense que ce

  5   serait une conclusion logique.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour deux raisons techniques, à savoir le livre de

  7   M. Tudjman qui mérite un examen par M. Praljak; deuxièmement, la vidéo on

  8   n'arrive pas à passer la bande son; puis troisièmement, l'accusé formule le

  9   souhait qu'on arrête, parce qu'il est fatigué et n'en peut plus, donc il

 10   convient d'arrêter l'audience d'aujourd'hui. Ce qui fait que nous

 11   reprendrons au mois d'août, le lundi tel que c'est prévu.

 12   A ce moment-là, Monsieur Stringer, vous reviendrez sur le dernier classeur

 13   avec le texte de M. Tudjman, plus la vidéo, puis on embrayera sur les

 14   autres classeurs.

 15   Très bien. Donc voilà ce que je voulais vous dire. Nous allons lever

 16   l'audience et nous nous retrouverons, comme je l'ai indiqué, au mois

 17   d'août.

 18   Je vous remercie.

 19   [Le témoin quitte la barre]

 20   --- L'audience est levée à 13 heures 07 et reprendra le lundi 17 août 2009,

 21   à 14 heures 15.

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28