Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 25 août 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Coric est absent]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

  9   toutes et à tous. Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et

 10   consorts.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce jour, je salue en

 12   premier M. Praljak, je salue MM. les accusés, je salue Mmes et MM. les

 13   avocats, M. Stringer et sa collaboratrice, ainsi que toutes les personnes

 14   qui nous assistent. Nous allons continuer le contre-interrogatoire mené par

 15   M. Stringer, et je lui laisse la parole.

 16   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je vous

 17   remercie. Bonjour, Messieurs les Juges, conseils de la Défense. Bonjour à

 18   toutes et à tous.

 19   LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   Contre-interrogatoire par M. Stringer : [Suite]

 22   Q.  [interprétation] Général, Bonjour.

 23   R.  Bonjour, Monsieur Stringer.

 24   Q.  Général, vous pouvez voir s'afficher cette pièce à l'écran devant vous.

 25   Je ne sais pas si c'est dans vos classeurs. Nous étions en train de parler

 26   d'un article extrait de la publication Soldat croate, Hrvatski Vonja. Il

 27   s'agit de la pièce 3D 01281. Nous n'allons plus aborder cette pièce. Nous

 28   allons voir à présent les quelques documents qui nous restent dans ce

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  1   classeur avant de terminer cette série de questions.

  2   Document suivant, P 00191. Normalement, c'est ce document que vous

  3   devriez avoir. L'avez-vous ? Le 7 juillet 1992, c'est la date qui figure

  4   sur ce document. L'avez-vous ?

  5   R.  J'ai ce document du 7 mai. Du moins, c'est la date que j'ai sur le

  6   document qui est devant moi, le 7 mai.

  7   Q.  Oui, tout à fait, c'est exact. Je m'excuse si j'ai fait un lapsus. Donc

  8   il s'agit du 7 mai 1992. Reconnaissez-vous ce document, Général ? Il

  9   semblerait que c'est Janko Bobetko qui est le signataire du document et il

 10   est question de la passation du commandement. C'est vous qui êtes relevé et

 11   c'est Zdravko Andabak qui reprend sur le front sud. Le voyez-vous ?

 12   R.  Oui, je vois le document.

 13   Q.  Très bien. Au paragraphe 2 de ce document, le général Bobetko émet un

 14   ordre, à savoir il vous appartient à vous d'informer le général de brigade

 15   Andabak de la situation qui prévaut dans ce secteur que vous avez commandé

 16   jusqu'à ce moment-là. Puis au paragraphe suivant, le texte se poursuit :

 17   "La passation de fonction se passera à 17 [comme interprété] heures le 8

 18   mai 1992, en ma présence, conformément à la Loi sur les forces armées de la

 19   République de Croatie."

 20   Et le texte se lit comme suit :

 21   "Le général Praljak remettra un rapport exhaustif sur la situation et sur

 22   les problèmes qui se posent dans le secteur."

 23   Général, la question que je vous pose est la suivante : cette procédure de

 24   passation de commandement entre vous et le général de brigade Andabak, est-

 25   ce qu'on s'attendait normalement de votre part à ce que vous informiez

 26   celui qui venait prendre votre place de la situation qui prévalait dans

 27   votre zone de responsabilité ? Est-ce que c'était la procédure normale ?

 28   R.  Oui, c'est exact, et c'est ce que j'ai fait. En réalité, c'est moi qui

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  1   ai trouvé mon successeur. Je lui ai demandé de bien vouloir accepter de

  2   venir prendre ce poste, et il a un petit peu hésité. Il était un petit peu

  3   réticent parce qu'il a estimé qu'il n'était pas suffisamment compétent pour

  4   se placer à la tête d'un secteur, parce qu'avant cela, il n'a pas occupé un

  5   poste aussi important, mais il est originaire de cette région, je pense

  6   qu'il est né là, mais ce document, je ne l'ai vu que lorsque j'ai commencé

  7   à prendre connaissance des documents parvenus au Tribunal. Donc je ne

  8   l'avais pas fait à Grude, et il fallait que je reprenne mon travail, c'est

  9   ça.

 10   Q.  Est-ce que vous avez informé pleinement le général de brigade Andabak

 11   de la situation qui prévalait dans votre zone de responsabilité avant qu'il

 12   ne prenne le commandement ?

 13   R.  Au mieux de mes connaissances, oui, je lui ai tout expliqué.

 14   Q.  Et c'est d'une importance tout à fait substantielle, n'est-ce pas,

 15   parce qu'à partir du moment où quelqu'un prend le commandement en main, il

 16   faut qu'il connaisse parfaitement la situation qui prévaut sur le terrain

 17   pour pouvoir commander véritablement ?

 18   R.  Oui. Il faut avoir tous les éléments en main, enfin, tous les éléments

 19   qui sont disponibles à ce moment-là, parce qu'il n'y avait pas là quelque

 20   chose de particulier. Ces informations étaient en fait des choses très

 21   simples.

 22   Q.  Très bien. Je vais passer à présent à la date du 8 ou du 9 novembre

 23   1993, et vous passez de nouveau vos fonctions à votre successeur le 9

 24   novembre 1993. C'est Ante Roso qui vient prendre votre place à la tête du

 25   commandement de l'état-major principal du HVO. Général, je dirais qu'à ce

 26   moment-là la situation était bien plus complexe qu'elle l'a été

 27   probablement en mai 1992, lorsque vous avez cédé votre poste au général de

 28   brigade Andabak; est-ce vrai ?

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  1   R.  Non. Non, la situation en mai 1992 c'était une situation très complexe

  2   car il faut savoir que l'armée de la Republika Srpska, c'est-à-dire à

  3   l'époque en bonne partie la JNA -- en fait, le 10 avril ils se sont emparés

  4   de Kupres, ils avaient une brigade de blindés, de chars, et après ils ont

  5   attaqué Livno, ils étaient en route pour Split, Makarska Ploce et cela

  6   faisait partie de leur plan stratégique plus large. Pour ce qui est de la

  7   Bosnie-Herzégovine, elle était dans une situation très, très difficile. Et

  8   la Croatie elle aussi, bien entendu.

  9   Q.  Au 6 mai de cette année, à savoir juste quelques jours après avoir

 10   commencé votre témoignage, voici ce que vous nous avez dit au sujet de

 11   cette passation de fonction au général Roso. Le Juge Antonetti vous a posé

 12   une question de cette passation de fonction en novembre 1993. C'est le

 13   document suivant P 06556, le document suivant dans votre classeur. Le Juge

 14   Antonetti vous pose la question, 39 665, le numéro de la page du compte

 15   rendu d'audience. Le Juge Antonetti dit :

 16   "Pour autant que vous vous en souvenez, êtes-vous certain de lui

 17   avoir tout dit ? Est-ce que vous lui avez présenté entièrement la

 18   situation, les événements sur le terrain ? Est-ce que vous lui avez donné

 19   un aperçu détaillé des positions du HVO sur le terrain, et cetera ?"

 20   Puis le Juge Antonetti dit :

 21   "Quand il y a eu cette passation de fonction, est-ce que vous l'avez

 22   fait conformément aux règles du jeu, en bonne et due forme ?"

 23   Et vous dites :

 24   "Monsieur le Président, toutes les informations, tous les éléments,

 25   j'ai tout donné au général Roso, et ce n'était pas difficile parce qu'il

 26   avait été dans le HVO avant. Il a commandé Livno."

 27   Et là je passe une phrase et vous dites :

 28   "C'est quelqu'un qui connaissait la situation relativement bien. Les

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  1   événements ne lui étaient pas étrangers."

  2   Donc, Général, juste pour ce qui est de cette passation de fonction très

  3   concrète entre vous et le général Roso, je suppose que vous accepterez que

  4   c'était très important à l'époque qu'il connaisse complètement la situation

  5   sur le terrain, le général Roso, j'entends, au moment où il se place à la

  6   tête du HVO le 9 novembre 1993 ?

  7   R.  Vous me posez une question là ?

  8   Q.  Oui. J'aimerais savoir si vous pourriez accepter ce que j'affirme, à

  9   savoir qu'il était d'une importance capitale, qu'il est absolument

 10   nécessaire qu'il connaisse très bien la situation dans sa zone de

 11   responsabilité ?

 12   R.  Je ne sais pas comment on peut graduer ici les degrés d'importance. Il

 13   y a un certain nombre d'éléments d'information militaires, des cartes

 14   doivent être portées à la connaissance d'un nouveau commandant. Puis il y a

 15   les hommes de l'état-major, donc c'est l'essentiel qu'on lui communique. On

 16   ne peut pas rentrer dans les détails les plus menus. Les informations les

 17   plus importantes, les positions, l'état des unités, les combats qu'ils

 18   avaient menés précédemment, enfin toutes les choses les plus importantes.

 19   Q.  Très bien. Si on avançait un petit peu à la pièce P 02902, et il me

 20   semble que nous avons là un des rapports que nous avons déjà examinés,

 21   rapports du Bataillon Espagnol.

 22   M. STRINGER : [interprétation] Un rapport de la FORPRONU, je ne voudrais

 23   pas ce soit diffusé à l'extérieur du prétoire, Monsieur le Président.

 24   Q.  Je vous ai déjà montré cela, Général. Je ne pense pas que ce soit

 25   contesté. Page 4 de la version anglaise, il y a un paragraphe dans ce

 26   rapport du Bataillon Espagnol qui porte sur Jablanica et Konjic. Est-ce que

 27   vous voyez bien cette partie du texte ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Et il y a là trois ou quatre paragraphes, puis nous avons une phrase

  2   qui commence par le numéro 1 qui la précède, et on voit :

  3   "Les combats intenses dans la zone de Boksevica se poursuivent. Les forces

  4   du HVO sont placées sous le commandement du général Praljak et du colonel

  5   Miro Andric."

  6   Je vous ai déjà posé cette question, Général. Pendant cette période-là, et

  7   c'est le 22 juin 1993, en réalité, à ce moment-là vous étiez sur place dans

  8   le secteur de Jablanica, de Boksevica, et vous avez pris part aux combats

  9   en tant que commandant des forces du HVO; est-ce vrai ?

 10   R.  Non. Je ne me suis pas trouvé à proximité de Jablanica, ni à proximité

 11   de Boksevica. J'étais au mont de Boksevica, très précisément et pendant un

 12   nombre de jours aussi très précis. C'est une petite portion, la toute

 13   dernière portion de cette colline ou de cette montagne que nous avons pu

 14   préserver pour que la population civile et une partie des hommes du HVO

 15   puissent s'évacuer de Kostenica [phon], et finalement on y est parvenu.

 16   Mais c'est tout, rien d'autre que cela.

 17   Q.  Donc vous étiez au mont Boksevica vers le 22 juin 1993. Et la pièce

 18   suivante, si vous voulez bien --

 19   R.  Non, non. C'est ce qui est écrit ici. Leurs informations sont souvent

 20   des généralités et très souvent, bien sûr --

 21   Q.  Excusez-moi, Général --

 22   R.  Que le HVO possède les armes les plus modernes, surtout des armes

 23   américaines, et tout ça --

 24   Q.  Non, non. Ce n'est pas ce que je vous demande. Je ne vous demande pas

 25   si vous êtes d'accord avec le rapport. Vous m'avez répondu en disant que

 26   vous êtes resté au mont Boksevica pendant un nombre précis de jours; est-ce

 27   que cela est exact ?

 28   R.  Oui, c'est exact, mais ce n'était pas le 22, c'était un peu plus tard.

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  1   Q.  Donnez-nous la date.

  2   R.  Je pense que nous nous sommes repliés le 8 ou le 9 juillet, et j'y suis

  3   resté peut-être pendant 12 jours, à peu près. Un jour de plus ou de moins,

  4   vraiment, sur cette montagne. Vu le temps qui s'est écoulé depuis, je ne

  5   peux pas --

  6   Q.  Très bien. Alors je passe à un document et maintenant      P 03516,

  7   s'il vous plaît. La date est celle du 17 juillet 1993.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, avant de continuer, je vais

  9   revenir au premier document pour une question annexe, mais qui m'apparaît

 10   importante. C'est le P 191.

 11   Général Praljak, vous avez le document dans votre langue sous les yeux. Tel

 12   que je lis ce document, le général Bobetko, qui commande le front du sud de

 13   la Croatie au mois de mai 1992, la date est importante, il est à Ploce, qui

 14   est un petit port ravissant, pas loin du Dubrovnik, et c'est là où se

 15   trouve le poste de commandement avancé. Et il décide suite à une suggestion

 16   et une requête de Susak de faire un changement et de nommer Andabak à votre

 17   place pour le poste de commandant du secteur Mostar, Siroki Brijeg, Citluk,

 18   Capljina.

 19   Alors, le mois de mai, c'est important puisque la République de Bosnie-

 20   Herzégovine est déjà dans les tuyaux, c'est un Etat. Voilà qu'un Etat

 21   autre, la Croatie, nomme un commandant, Andabak, à votre place dans un

 22   secteur qui juridiquement n'appartient pas à la République de Croatie. En

 23   regardant ce document, je me disais qu'un Juge raisonnable pourrait en

 24   tirer la conclusion que ce document établit la preuve de l'implication de

 25   la République de Croatie dans le déroulement des événements en Bosnie-

 26   Herzégovine, puisque là Andabak vous remplace dans une zone territoriale

 27   qui, en droit international, est sous la compétence d'une autorité légitime

 28   qui est celle de la République de Bosnie-Herzégovine. Donc ça c'est une

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  1   approche.

  2   Mais en réfléchissant, je me suis demandé s'il n'y a pas une seconde

  3   approche qu'il convient que vous précisiez. Nous sommes au mois de mai, il

  4   y a la question des Serbes. Il y a l'agression des Serbes vis-à-vis de la

  5   Croatie, et la République de Croatie essaie tant bien que mal de se

  6   protéger et décide dans un plan de défense général de nommer des

  7   commandants qui auront des vocations géographiques pour le cas où il y

  8   aurait une nécessité. Ça, dans le monde contemporain, on le voit puisque

  9   certains Etats comme les Etats-Unis nomment des généraux à l'extérieur des

 10   Etats-Unis qui ont des compétences territoriales sur certaines zones sans

 11   pour autant empiéter sur la souveraineté des Etats.

 12   Alors comment vous expliquez que vous, vous exerciez un commandement

 13   avant le mois de mai et puis Andabak vous remplace, alors même il y a un

 14   Etat souverain ? Est-ce que c'est la première hypothèse ou la seconde

 15   hypothèse ?

 16   J'espère que vous avez compris, parce que ma question était très

 17   longue, mais le sujet est très compliqué, donc il fallait que je développe

 18   ma question pour que vous me répondiez, parce que ce document est un

 19   élément sur l'implication de la République de Croatie, si on le lit tel

 20   quel. Mais il y a peut-être une autre explication. Alors c'est

 21   l'explication que je vous demande.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président Antonetti, Messieurs les

 23   Juges, votre première hypothèse est exacte sur le plan juridique. Donc

 24   lorsqu'il n'y a pas de guerre et lorsque l'autorité centrale fonctionne,

 25   est préparée et prête à la guerre et lorsqu'il y a une agression menée de

 26   l'extérieur, tout ce que comporte votre première hypothèse se défend. Mais

 27   le pouvoir central se trouve encerclé à Sarajevo, isolé. Deuxièmement, le

 28   pouvoir central n'a rien prévu, n'est absolument pas prêt, n'a aucun

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  1   représentant sur la totalité de ce territoire, dans toute cette zone de

  2   Livno, passant par Kupres jusqu'à Bugojno; donc par aucun moyen, par rien

  3   ils ne sont prêts à organiser quoi que ce soit. Nous n'avons que la JNA et

  4   l'armée de la Republika Srpska.

  5   Et à ce moment-là, la population se dresse pour se défendre de son propre

  6   chef. Tout un chacun se met à creuser autour de sa municipalité, on se

  7   débrouille comme on peut. Et à ce moment-là, tout simplement, ce qui se

  8   passe premièrement il y a un acte de haute trahison du commandant de

  9   Mostar. Il donne l'ordre de quitter Mostar. Celui qui est en train

 10   d'exercer ce poste par intérim, il n'était absolument pas capable, ce

 11   Mikulic, absolument pas capable de commander le HVO, il ne s'y connaissait

 12   pas du tout. Et à la fin du mois de mars, Monsieur le Président, je me suis

 13   trouvé dans le secteur, et à mon retour à Zagreb je me suis adressé au

 14   ministre Susak et au président Tudjman et je leur ai demandé ce qui se

 15   passe précisément, ce qu'on voit écrit dans ce texte, car sinon cette zone

 16   allait être complètement occupée, cette partie-là de Bosnie-Herzégovine et

 17   il allait y avoir une partie de la Croatie au sud de Split qui serait

 18   complètement coupée, parce qu'ils ont eu cette brigade de chars qui leur a

 19   permis de battre le HVO de Kupres puis ils ont attaqué Livno. Ante Gotovina

 20   commandait Livno à ce moment-là. Et ils ont lancé des attaques, ils ont

 21   pris Stolac et puis Mostar. Vous connaissez tout sur cela. Et puis si la

 22   Croatie n'allait pas aider sur le plan des effectifs et sur le plan de

 23   l'organisation, c'était chose faite. Donc le général Bobetko, qui avait

 24   travaillé dans l'éducation avant à l'état-major principal, c'est lui qui a

 25   été nommé à ce poste et il s'est chargé d'apporter une aide pour organiser

 26   l'état-major principal du HVO, et c'est le général Petkovic qui est venu à

 27   la tête de l'état-major principal, mais il l'a commandé jusqu'à ce que le

 28   HVO ne soit apte à le faire tout seul.

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  1   Et moi, c'est de mon propre chef, bien sûr, que je suis allé là-bas, je me

  2   suis occupé du commandement de la zone opérationnelle. Et puis à partir du

  3   moment où j'ai stabilisé la situation, il a fallu que je retrouve mon poste

  4   à Zagreb, mon travail. Mais sans arrêt je me suis rendu sur place pour

  5   mener des opérations.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc si je comprends bien, en un mot, vous

  7   dites du fait que le gouvernement central à Sarajevo ne pouvait faire face

  8   à la situation, la République de Croatie estimait qu'il était nécessaire,

  9   compte tenu de l'offensive des Serbes, de couvrir ce territoire parce qu'il

 10   y avait un danger pour la République de Croatie. Est-ce comme ça qu'il faut

 11   comprendre ?

 12   Et pour bien enfoncer le clou, imaginons, par exemple, c'est une hypothèse

 13   d'école, qu'il a un ennemi X qui attaque les Etats-Unis, et qu'au Canada,

 14   il n'y a plus de gouvernement au Canada, et qu'à ce moment-là les Etats-

 15   Unis mettraient un général quelconque à Montréal pour occuper l'espace

 16   compte tenu du fait qu'il n'y aurait plus de gouvernement. Ça se passait

 17   comme ça ?

 18   Est-ce que mon exemple Canada/Amérique --

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Car sinon ce sont eux qui vont

 20   attaquer jusqu'à l'Amérique. Dubrovnik est tout à fait encerclée, le sud de

 21   la Croatie est coupé. Tout cela est occupé. Donc s'ils continuent jusqu'à

 22   Split, ils se retrouvent à Split, vous savez, le fait qu'on ait reconnu

 23   l'Etat, Monsieur le Président, c'est très important, mais c'est

 24   insignifiant. Chypre, regardez, ça fait 50 ans qu'il est divisé en dépit de

 25   la reconnaissance. Il y a des statu quo qu'on reconnaît et après vous avez

 26   des années pour rechercher la justice.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors on continue avec l'autre document.

 28   M. STRINGER : [interprétation]

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  1   Q.  Général, P 02516, c'est la cote du document, 3516, c'est le document

  2   que je vous invitais à examiner. Est-ce que vous l'avez ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Très bien. C'est un rapport, rapport de Siljeg du 17 juillet 1993. Il y

  5   a là beaucoup d'informations mais la seule chose qui m'intéresse à ce stade

  6   se trouve à la page 5 de la version anglaise, vers la fin du document.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,

  8   Monsieur Stringer. Peut-être que je devrais m'abstenir de faire cela, mais

  9   il est mon devoir d'essayer de voir clair. Le témoin a cité Chypre, page

 10   11, ligne 5, et je ne comprends vraiment pas quel lien il a établi. Est-ce

 11   que vous pouvez expliquer ce que vous aviez à l'esprit ou peut-être que

 12   vous n'aviez pas parlé de Chypre ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parlais bien de Chypre. Il n'y a pas de

 14   malentendu. 

 15   En dépit du fait que Chypre en tant qu'Etat était reconnu en tant que part

 16   entière de la communauté internationale, Chypre est resté divisé en deux

 17   dans les faits, et c'est ce qui aurait pu arriver à la Croatie. La JNA

 18   aurait pu s'emparer de la partie sud de la Croatie, la Croatie aurait pu

 19   demeurer un Etat centralisé, mais une grande partie de cet Etat aurait pu

 20   être entre les mains de quelqu'un d'autre et nous aurions pu passer plus de

 21   50 ans à chercher des appuis un peu partout dans le monde pour réunir les

 22   différentes parties de cet Etat.

 23   Nous n'avions pas de garantie, Monsieur le Juge Trechsel. En dépit du

 24   fait que nous avons été reconnus, personne n'a apporté des garanties à cet

 25   état en disant, Maintenant vous êtes protégés, vos frontières seront

 26   défendues, il n'y aura pas d'agression, et cetera. Jusqu'en 1995, les

 27   choses sont restées en l'état jusqu'au moment où une nouvelle action

 28   militaire a eu lieu pour libérer la République de Croatie. Malheureusement,

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  1   c'est comme ça que les choses se sont passées, j'aurais été beaucoup plus

  2   heureux si les choses avaient pu se passer autrement.

  3   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je ne tiens pas à poursuivre

  4   le débat sur Chypre, mais je me dois de dire très clairement que le cas de

  5   Chypre n'a rien à voir avec la situation de la Croatie et avec ce qui s'est

  6   passé en Croatie entre 1990 et aujourd'hui. Chypre a été reconnu par tous

  7   les Etats concernés. Et les Nations Unies, disons-le au passage, n'ont

  8   jamais reconnu un Etat. Les Nations Unies admettent un Etat en leur sein.

  9   Mais il ne s'agit pas de reconnaissance en tant que telle. Ça, c'est le

 10   premier point.

 11   Et puis le deuxième point, c'est que Chypre ne s'est divisé que plus

 12   tard, pas dans les premiers jours qui ont suivi l'indépendance, mais dans

 13   une période ultérieure sous l'effet d'un certain nombre d'événements dans

 14   lesquels je ne souhaite pas rentrer dans l'immédiat. L'Etat turc a

 15   contribué à la sécession des habitants turcs résidant à Chypre. Donc le

 16   problème est tout à fait différent et je crois que cette comparaison est

 17   vraiment exagérée. Mais bien entendu, vous avez le droit de citer quelque

 18   exemple que vous jugez approprié. Cela étant, eu égard à cet exemple de

 19   Chypre, je pense qu'il est un peu exagéré.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous me permettez,

 21   j'ajouterais qu'à mon avis, vous n'avez sans doute pas tiré un parallèle

 22   direct entre les deux situations, mais vous avez extrapolé une hypothèse en

 23   partant d'une évolution historique et en extrapolant pour déterminer ce

 24   qu'elle aurait pu devenir s'il n'y avait pas eu intervention militaire. Je

 25   crois que c'est ce qui s'est passé, je crois que vous en conviendrez;

 26   n'est-ce pas ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact. Mon parallèle résidait dans la

 28   chose suivante : Chypre est un Etat, un autre Etat est l'agresseur. Nous,

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  1   personne ne nous a garanti que l'armée populaire yougoslave n'allait pas

  2   demeurer 40 ans sur les terres dont elle s'était emparée. Personne ne nous

  3   a garanti cela.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous avez bien précisé la situation.

  5   Excusez-moi, Monsieur Stringer, je ne suis pas très content de moi de vous

  6   avoir interrompu aussi brutalement. Mais j'espère que vous ne ressentirez

  7   pas cela comme une division aussi violente que celle qu'a subi Chypre.

  8   M. STRINGER : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, je n'ai ressenti

  9   aucune violence, peut-être une légère occupation verbale.

 10   Q.  La pièce P 03516, Mon Général, est le document que vous êtes en train

 11   d'examiner. J'aimerais appeler votre attention sur le paragraphe 10 qui se

 12   trouve vers la fin de ce document, qui est un rapport du général Siljeg.

 13   Dans ce rapport, Siljeg déclare que "Brada" ou "Beardie" a visité le

 14   secteur pendant plus longtemps et qu'il connaît bien la situation de façon

 15   détaillée : "Nous connaissons tous également très bien la situation. Peut-

 16   être certains individus se mettent-ils la tête dans le sable et ne

 17   souhaitent-ils pas savoir ce qu'il en est afin d'échapper à leur

 18   responsabilité tout en sachant que cette façon d'ignorer les choses ne les

 19   exonérera pas de cette responsabilité."

 20   Alors nous parlerons de ce document plus en détail lorsque nous aborderons

 21   la situation de Prozor, Mon Général, mais dans l'immédiat ce qui

 22   m'intéresse c'est que même si vous étiez commandant de l'état-major

 23   principal du HVO à l'époque, vous aviez une très bonne maîtrise, une très

 24   bonne connaissance de la situation telle qu'elle s'est développée dans

 25   toute la zone opérationnelle du nord-ouest de l'Herzégovine, s'agissant du

 26   HVO; n'est-ce pas ? Ma déclaration est-elle acceptable ?

 27   R.  En partie, oui. Je connaissais bien sûr cette situation puisque

 28   j'allais sur place, je suis allé dans les environs de Prozor, de Vakuf. Je

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  1   suis allé également en Bosnie centrale pendant ces deux mois ou plutôt

  2   pendant le mois et demi où je m'y suis trouvé pour être plus précis. Et le

  3   17, j'étais déjà parti lorsque Siljeg a rédigé ce rapport. Donc il est

  4   permis de dire que je connaissais plutôt bien la situation. Sur le plan

  5   militaire, je connaissais également les interventions de l'armée de la

  6   Republika Srpska et je connaissais les évolutions de la situation pour

  7   l'armée de Bosnie-Herzégovine. Peut-être ne connaissais-je pas tout cela

  8   dans le plus parfait détail, mais d'une façon générale, je connaissais les

  9   problèmes.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Stringer, je crois avoir

 11   compris que Beardie était le surnom du général et je pense qu'il est utile

 12   de le dire et qu'il est utile que ce soit consigné au compte rendu

 13   d'audience, car c'est la première fois que ce nom est prononcé.

 14   M. STRINGER : [interprétation]

 15   Q.  Oui, Mon Général, pouvons-nous nous mettre d'accord sur le fait que les

 16   surnoms de Brada ou de Beardie évoqués dans ce rapport ont un rapport avec

 17   vous ?

 18   R.  Dans ce rapport, c'est probable. Ce surnom me concerne très

 19   probablement, mais je n'étais pas le seul qui était désigné par ce surnom.

 20   Il y avait d'autres personnes qui portaient des barbes et que l'on évoquait

 21   sous le surnom de Brada, mais dans ce document précis, en tout cas, il est

 22   certain que ce surnom me concerne.

 23   Q.  Très bien. Je vous remercie. Maintenant, Mon Général, j'aimerais que

 24   nous consacrions une ou deux minutes à discuter de la transition qui a eu

 25   lieu entre Petkovic et vous-même aux environs du 24 juillet 1993, parce que

 26   je n'ai vu aucun document officiel relatif à cette passation de pouvoir,

 27   contrairement au document que nous avons examiné il y a quelques minutes.

 28   Alors, à l'époque -- mais je sais qu'il existe des documents officiels qui

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  1   émanent de Mate Boban, mais voici ma question précise : avez-vous été

  2   informé officiellement par le général Petkovic, le 24 ou aux environs du 24

  3   juillet, quant à la situation au moment où vous avez accepté le

  4   commandement officiel de l'état-major principal du HVO ?

  5   R.  Il n'était pas nécessaire qu'il se produise une passation de pouvoir

  6   parce que le général Petkovic est resté dans ses fonctions, à la différence

  7   de ce qui m'est arrivé moi, puisque lorsque la passation de fonction me

  8   concernant a eu lieu, j'ai quitté mes fonctions. Le général Petkovic est

  9   demeuré à son poste, il était mon premier adjoint. Bien entendu, nous avons

 10   discuté de tous les événements, de la situation, mais le débat n'avait pas

 11   besoin d'être très long, car pour dire les choses clairement. J'étais bien

 12   informé de pratiquement tous les éléments de la situation. Nous savions

 13   pratiquement quels étaient tous les problèmes. Quand je dis problèmes, je

 14   parle de problèmes militaires évidemment. Et étant donné que Bugojno --

 15   pardon ?

 16   Mme PINTER : [interprétation] Intervention pour le compte rendu d'audience

 17   afin que tout soit compréhensible. Le général n'a pas dit qu'il n'y avait

 18   pas eu de réunion d'information officielle, mais qu'il n'y avait pas eu de

 19   passation de pouvoir officielle.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il n'y a pas eu de passation de pouvoir.

 21   Mme PINTER : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas une réunion

 22   d'information dont vous parliez, mais une passation de pouvoir. Une réunion

 23   d'information c'est une réunion où on apporte des éléments d'information.

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Je crois qu'en ce

 25   moment c'est M. Stringer qui est censé poser les questions.

 26   M. STRINGER : [interprétation] J'allais faire préciser, parce que peut-être

 27   y a-t-il un problème d'interprétation.

 28   Q.  Il existait un document qui évoque la passation de commandement

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  1   officiel de votre part à destination du général Petkovic, n'est-ce pas, Mon

  2   Général ?

  3   R.  Non. M. Mate Boban m'a nommé au poste de commandant. Le général

  4   Petkovic, pour sa part, est resté commandant de la zone opérationnelle, et

  5   il a donc informé de cela les unités, à savoir qu'à cette date-là, le

  6   commandant de l'état-major principal du Conseil croate de Défense devenait

  7   Slobodan Praljak. Nous n'avons signé aucun document officiel parce que le

  8   général Petkovic est resté dans le secteur.

  9   Deuxième point, il n'y avait pas beaucoup de temps à consacrer à des

 10   discussions parce que Bugojno était déjà tombée et il fallait que nous

 11   commencions à sauver ce qui pouvait être sauvé.

 12   Q.  Je vous remercie, mais ma question portait sur le fait de savoir si

 13   vous avez été informé dans le cadre d'une rencontre informative entre vous

 14   et le général Petkovic, et votre réponse est non, n'est-ce pas ?

 15   R.  Mais qu'est-ce que vous entendez par "rencontre informative officielle"

 16   ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Parce que d'un côté il y a officielle, d'un

 17   côté il y a briefing, information. Qu'est-ce qui se passe ? Il y a deux

 18   généraux qui s'assoient l'un face à l'autre pour discuter, parce que l'un

 19   d'entre eux vient d'être nommé à des fonctions qui sont nouvelles pour lui,

 20   et il parle donc à celui qui est son adjoint. Si vous pensez à cette

 21   situation comme étant une situation officielle, d'accord, mais je ne vois

 22   pas ce qu'il y a d'officiel à cela. Il n'y a pas de troupes ou d'unités qui

 23   suivent.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : -- des questions que vous pose M. Stringer, voire

 25   les Juges, voire moi-même qui vais vous poser des questions.

 26   Avant le 24 juillet, c'est M. Petkovic ici présent qui était le

 27   commandant du HVO. M. Petkovic, nous l'avons vu dans d'autres documents,

 28   participait également à des réunions avec la communauté internationale et

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  1   avec Halilovic sur la question de la mise en œuvre du plan Vance-Owen. Les

  2   médias qui suivaient cela n'avaient peut-être pas bien dans l'esprit de

  3   savoir qui commandait quoi. Les documents que nous avons des bataillons,

  4   Bataillon espagnol ou autres, parfois, ils ne savent pas qui fait quoi au

  5   juste. Mais voilà que vous prenez la dimension de ce poste le 24 juillet,

  6   et à ce moment-là, il est tout à fait naturel que les personnes soient au

  7   courant que c'est vous maintenant le commandant militaire et que la

  8   communauté internationale sache que le HVO a à sa tête un nouveau

  9   responsable, Slobodan Praljak, en l'occurrence. Et que pour cette

 10   passation, il faut qu'il y ait au moins des actes, s'il n'y a que des

 11   paroles, ça peut ne pas être suffisant. Alors M. Stringer a dit, Moi, j'ai

 12   cherché des documents, je n'en ai pas vu. Alors même qu'il y en a d'autres

 13   pour Andabak, qui vous succède. On essaie de comprendre comment cela a pu

 14   se faire, parce qu'il y a derrière tout ça un autre enjeu, mais comme vous

 15   êtes un être cultivé et intelligent, vous l'avez certainement perçu. Il y a

 16   dans la théorie du Procureur le fait que vous pouviez exercer aussi un

 17   commandement de facto. Donc, avant le 24 juillet, en réalité, c'était peut-

 18   être vous le numéro un, et que Petkovic pouvait être une marionnette, et

 19   que le 24 juillet, la marionnette, on la remplace officiellement par vous.

 20   Donc ça peut être ça aussi l'explication, ce qui pourrait expliquer qu'il

 21   n'y a pas de document.

 22   Donc les questions ne sont pas si innocentes que cela, parce que

 23   derrière cela il y a la question du commandement de facto. Donc essayez de

 24   nous éclairer, essayez de nous faire comprendre pourquoi il n'y avait pas

 25   un passage officiel, car comme vous le savez, mais vous le savez mieux que

 26   quiconque, en tant que commandant on exerce la responsabilité suprême du

 27   supérieur hiérarchique. Donc le fait même que Petkovic vous laisse la

 28   place, lui, au niveau de l'article 7 (3), c'est vous maintenant le

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  1   responsable numéro un, pas lui. Donc c'est pour ça que -- enfin, tout le

  2   monde -- M. Stringer vous pose des questions, mais que les Juges aussi

  3   aimeraient savoir pourquoi il n'y a pas eu de passage officiel concrétisé

  4   par un document, par un acte, comme quoi il y a eu passation des pouvoirs.

  5   Est-ce que vous comprenez mieux pourquoi on vous pose ces questions ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends, je comprends. Vous savez,

  7   Messieurs les Juges, là-bas dans cette région se jouaient des pièces de

  8   théâtre. Le Bataillon espagnol avait sa propre pièce de théâtre, la

  9   FORPRONU avait la sienne. Il y avait pas mal de monde qui jouait sa propre

 10   pièce de théâtre et qui écrivait toutes sortes de choses, organisait des

 11   réunions, il y avait des accords qui étaient conclus, on organisait des

 12   pourparlers, il y avait Genève. A côté de tout cela, il y avait pas mal

 13   d'équipement et de matériel qui circulait. Il y en avait qui faisaient de

 14   la contrebande, et cetera.

 15   Mais le seul fait indubitable c'est que l'ABiH attaquait, c'était un

 16   fait. Et que le général Petkovic et d'autres commandants passaient leurs

 17   journées à passer d'une réunion à l'autre, signaient des trêves et des

 18   cessez-le-feu, chacun jouant des cils les uns face aux autres pour se

 19   charmer en ne disant pas la vérité et en ne voyant pas le fond du problème.

 20   Donc c'était toutes sortes de mots qui étaient utilisés pour dépeindre sous

 21   un jour autre que la réalité une situation de guerre. Pendant ce temps-là,

 22   la situation était très dure.

 23   Moi, je suis ami avec Petkovic, c'est aussi mon collègue. Donc sans

 24   le moindre heurt entre nous, sans le moindre différend intellectuel, nous

 25   avons réglé la situation, lui et moi, en dix minutes. Je devais aller à

 26   Vakuf parce qu'après la chute de Bugojno, on risquait la défaite complète.

 27   Alors moi je vais là-bas, toi tu restes ici, on va demander à Tole de venir

 28   lui aussi, essayez de voir ce que vous pouvez faire, parce que commander à

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  1   partir de plusieurs endroits, c'est impossible. En dehors de tous ces

  2   aspects théâtraux, et moi je suis metteur en scène de théâtre, mais en

  3   dehors des grands gestes de manche de la FORPRONU, je n'avais pas la

  4   nécessité et je n'avais pas le temps non plus pour me mettre à informer à

  5   l'avance en disant, Je vais aller participer à une réunion au Bataillon

  6   espagnol, ensuite il y a la réception, le déjeuner, les "drinks", et on

  7   passe à autre chose.

  8   On était face à une agression violente, Messieurs les Juges. Il y a

  9   eu un moment, lorsque la situation s'est un peu calmée, où j'ai organisé

 10   une réunion à Tomislavgrad et j'ai invité à cette réunion tous les

 11   représentants de la communauté internationale. Et à cette réunion --

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc votre réponse doit se comprendre comme le fait

 13   que la situation était telle qu'en dix minutes, avec le général Petkovic,

 14   vous avez fait la passation et chacun a continué à occuper ses fonctions,

 15   vous Gornji Vakuf, Petkovic ailleurs, Tole ailleurs. Donc c'est ce que vous

 16   nous dites. Tout le monde comprend. 

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Quant à cette question des marionnettes,

 18   imaginez un général qui passe 12 jours sur le mont Boksevica à la tête d'un

 19   groupe de 50 hommes pour conserver la maîtrise d'un petit endroit et qui

 20   reçoit des ordres de Petkovic. Petkovic devrait être un pantin et moi je

 21   devrais être son commandant. Non, jusqu'à ce moment-là, de ma propre

 22   initiative, je me suis mis sur le mont Boksevica à la disposition des

 23   hommes parce que la situation était critique et qu'elle l'exigeait. Je suis

 24   resté sur le terrain le fusil à la main et je me suis battu tant que notre

 25   objectif n'a pas été atteint. Je l'ai fait comme un simple membre de

 26   l'infanterie.

 27   Le dernier jour, nous avons quitté le mont Boksevica parce que

 28   Petkovic m'avait nommé au poste de commandant, mais il était déjà trop

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  1   tard.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Pièce suivante, pièce P 04699. Nous avons déjà vu ce document. C'est un

  4   document qui fait partie d'un rapport plus vaste qui concerne le

  5   département de la Défense du HVO. Et je vous invite à vous rendre en page

  6   25 de la version du texte dans votre langue qui correspond à la page 16 de

  7   la version en langue anglaise. Je m'apprête à vous interroger au sujet de

  8   ce que vous saviez d'une situation bien particulière, à savoir celle qui

  9   prévalait au moment où vous avez pris le commandement de l'état-major

 10   principal du HVO. Page 25 en B/C/S, page 16 en anglais.

 11   Ce rapport concerne la période allant du mois de janvier au mois de juin

 12   1993. Nous lisons :

 13   "Dans la période en question, 6 000 prisonniers de guerre étaient

 14   stationnés dans différents centres sur le territoire de l'Herceg-Bosna. En

 15   ce moment, il y a plus de 4 00 détenus."

 16   R.  Non, non. Vous pourriez me répéter le numéro de la page. Je ne trouve

 17   pas cela en croate à la page 25. Pourriez-vous me donner le numéro ERN, je

 18   vous prie.

 19   Q.  Je vous ai donné le numéro de la page, c'est la page 25. Je n'ai pas le

 20   numéro ERN.

 21   R.  Monsieur Stringer, dans ma page 25 que j'ai sous les yeux en ce moment,

 22   rien de ce que vous avez cité n'est écrit.

 23   Q.  Laissons le document de côté, je me contenterai de vous poser une

 24   question.

 25   R.  Ah oui, excusez-moi, excusez-moi. Vous avez raison, deuxième

 26   paragraphe.

 27   Q.  Merci.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Merci au conseil.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Stringer, il serait bon que

  2   nous sachions qui est l'auteur de ce rapport.

  3   M. STRINGER : [interprétation] Je croyais l'avoir fait, Monsieur le Juge.

  4   C'est un rapport qui émane du département de la Défense du HVO et qui

  5   concerne un certain nombre d'activités de différents secteurs du

  6   département de la Défense du HVO dans la période de janvier à juin 1993.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

  8   M. STRINGER : [interprétation]

  9   Q.  Mon Général, il est fait référence ici à plusieurs milliers de

 10   personnes qui sont détenues en tant que captifs ou prisonniers sur le

 11   territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna au moment de la rédaction

 12   de ce rapport, à savoir le 7 août 1993.

 13   Nous lisons :

 14   "En ce moment, il y a plus de 4 000 captifs dont plusieurs centaines font

 15   partie de l'armée serbe, alors qu'une énorme majorité d'entre eux font

 16   partie de ce qu'il est convenu d'appeler l'ABiH."

 17   Mon Général, je voulais m'appuyer sur ce passage pour vous poser la

 18   question suivante : au moment où vous avez pris le commandement de l'état-

 19   major principal du HVO le 24 juillet 1993, vous saviez que des centaines,

 20   sinon des milliers d'individus musulmans étaient détenus dans des centres

 21   du HVO en Herceg-Bosna. Vous le saviez ?

 22   R.  Non. Non. Après Boksevica, j'ai quitté la Bosnie-Herzégovine, puis je

 23   suis revenu et le reste vous savez exactement au jour le jour quelle a été

 24   ma vie. Je n'avais pas le temps d'obtenir des renseignements sur ce sujet.

 25   D'ailleurs, c'est écrit ici.

 26   Q.  Mon Général, vous savez que dans les premiers jours qui ont suivi le 30

 27   juin 1993, un ordre a été rédigé qui ordonnait l'arrestation et la mise en

 28   détention de tous les hommes musulmans en âge de porter les armes dans tous

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  1   les secteurs situés au sud-est et au nord-ouest de l'Herzégovine, donc dans

  2   ces deux zones opérationnelles. Vous êtes au courant de cela, n'est-ce pas

  3   ?

  4   R.  J'ai vu cela dans un document que je n'avais pas vu avant de le voir

  5   ici au Tribunal.

  6   Q.  Mais ma question concerne la période où vous étiez sur le territoire de

  7   l'Herceg-Bosna, donc les mois de juillet, août 1993. Est-ce que pendant ces

  8   deux mois vous saviez ce qui se passait, à savoir que tous les hommes

  9   musulmans en âge de porter les armes ont été arrêtés et placés en détention

 10   ?

 11   R.  Non, Monsieur. A partir du 24 et jusqu'à une date ultérieure, j'ai

 12   séjourné à l'endroit où je séjournais et j'ai travaillé dans le plein

 13   respect des procédures comme je vous l'ai expliqué au jour le jour. On peut

 14   vérifier ce que j'ai fait et on sait qu'elles étaient les informations à ma

 15   disposition. Je n'avais pas le temps et je n'avais pas non plus le moindre

 16   renseignement au sujet de l'endroit où se trouvait telle et telle personne.

 17   Q.  Mon Général.

 18   R.  Bon, posez votre question.

 19   Q.  Je crois que ma question mérite une réponse par oui ou par non. Est-ce

 20   que vous étiez au courant ? Est-ce que vous saviez ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Vous ne saviez pas ?

 23   R.  Non. Je savais qu'il existait des prisons. Donc je savais qu'il

 24   existait des prisons, mais moi, bien entendu, comme vous avez pu le lire

 25   dans le document, j'ai envoyé en prison des auteurs d'infractions, et ça

 26   s'arrête là.

 27   Q.  Etiez-vous au courant de l'existence d'un ordre visant à désarmer et

 28   déplacer des Musulmans membres du HVO, ultérieurement à l'attaque du 30

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  1   juin 1993 ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Et au moment où vous avez pris le commandement de l'état-major

  4   principal du HVO, le 24 juillet 1993, le général Petkovic ne vous a rien

  5   dit de tout cela ?

  6   R.  Non. Nous n'avons pas eu le temps de discuter de cela, car avec la

  7   chute de Bugojno et avec les déplacements --

  8   Q.  Non, excusez-moi, Mon Général. Mais je vais contester votre propos sur

  9   ce point. Vous êtes ici dans ce prétoire depuis longtemps et vous savez que

 10   le jour où vous avez pris le commandement de l'état-major principal du HVO,

 11   vous-même et votre HVO avait des milliers d'hommes musulmans qui étaient

 12   maintenus prisonniers dans divers centres de détention du HVO. Vous aviez à

 13   vous en occuper. Ceci n'est-il pas vrai ? En tout cas, vous savez

 14   maintenant au moins que tel était le cas.

 15   R.  Vous me demandez ce que je savais à l'époque, et je vous dits qu'à

 16   l'époque je ne le savais pas. Si vous me demandez ce que j'ai appris par la

 17   suite au sujet de l'existence de prisons dans lesquelles se trouvait un

 18   certain nombre de prisonniers, alors je peux vous dire que j'en ai

 19   connaissance après la publication du texte dans Globus. Donc après ce

 20   moment où je me suis entretenu avec trois journalistes, nous avons déjà

 21   parlé de cela. Le 1er septembre je leur ai accordé --

 22   Q.  Donc vous avez entendu parler de l'existence de ces prisonniers de la

 23   bouche d'un journaliste. Vous n'aviez pas entendu parler de ces prisonniers

 24   de la bouche du général Petkovic à l'époque où il vous a remis le

 25   commandement. C'est bien ce que vous nous dites ?

 26   R.  Je n'ai pas entendu parler de cela et je ne sais vraiment pas pourquoi

 27   le général Petkovic aurait dû m'en parler, qu'est-ce qu'il pouvait avoir à

 28   faire avec les prisons. Les prisons n'avaient rien à voir avec l'état-major

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  1   principal du Conseil croate de Défense.

  2   Q.  Même si les membres de diverses zones opérationnelles ont participé à

  3   l'arrestation et au placement en détention de toutes ces personnes ? Vous

  4   continuez à dire que le HVO n'avait aucune responsabilité par rapport à ces

  5   hommes ?

  6   R.  On ne peut pas répondre à cette question, parce que différents

  7   commandants de différentes zones opérationnelles, pour moi ça n'a aucun

  8   sens, quel commandant, de quelle zone opérationnelle, à quel moment, dans

  9   quelle période. Quant au fait que moi j'ai été commandant et que j'ai

 10   participé à ce dont vous êtes en train de parler, si c'était le cas, je

 11   pourrais vous répondre en vous disant si j'étais au courant, si j'étais

 12   informé, pourquoi je n'ai pas été informé, et cetera.

 13   Mais parler de choses présentées comme diverses et multiples ne me

 14   permettent pas d'apporter à votre thèse une réponse précise.

 15   Q.  Vous avez indiqué que le temps manquait pour parler des prisonniers à

 16   l'époque où vous avez pris en main le commandement du HVO. Vous avez évoqué

 17   Bugojno.

 18   Donc est-il vrai, Mon Général, que les événements qui survenaient sur

 19   le terrain, autrement dit les opérations militaires, étaient la seule chose

 20   qui vous préoccupait, et que le fait que vous aviez sur les bras tous ces

 21   prisonniers à ce moment-là n'a jamais été quelque chose qui vous a

 22   préoccupé au moment où vous exerciez vos fonctions de commandant de l'état-

 23   major principal du HVO ?

 24   R.  Ce n'est pas seulement que le temps manquait pour cela, mais c'est que

 25   la discussion relative à la passation des fonctions ne doit en aucun cas

 26   porter sur la situation des prisonniers, car les prisonniers n'ont aucun

 27   rapport avec l'état-major principal. Je ne sais pas comment répondre à

 28   votre question, parce que vous semblez impliquer que les prisonniers

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  1   étaient sous la responsabilité de l'état-major principal, ce qui est

  2  inexact. Donc ma réponse est oui, jusqu'à la date du 1er septembre, tant que

  3   Mme Ivanisevic ne m'a pas appelé pour me dire que quelque chose existait

  4   dans ce genre de chose. D'ailleurs, à ce moment-là, j'ai même signé --

  5   Q.  Mon Général Praljak, je vous en prie. Nous allons revenir à ces aspects

  6   plus tard. Juste pour finir avec ce que vous avez commencé à dire, je

  7   voudrais poser une question de suivi. Vous avez dit que les prisonniers

  8   n'étaient pas sous l'autorité de l'état-major principal. Est-ce que vous

  9   êtes en train de nous dire que les prisonniers dans ce cas-là étaient sous

 10   l'autorité du département de la Défense ?

 11   R.  Ce que je vous dis c'est que dans tout cas où il y avait eu des

 12   prisonniers de faits, le devoir qui se présentait était de remettre les

 13   prisonniers en question à la police militaire. Vous avez pu entendre des

 14   témoins ici concernant la question de savoir qui en avait la responsabilité

 15   et je n'ai pas à me mêler de cela ni ne suis bien informé de tout cela.

 16   Tout ça est parfaitement clair. A l'époque où j'étais sur place, je

 17   n'avais aucun rapport avec tout cela et je n'avais pas à avoir le moindre

 18   lien avec tout cela. Ça ne figure pas dans la liste des tâches qui

 19   m'incombaient à l'époque. Pas du tout.

 20   Q.  Très bien. Nous y reviendrons plus tard. Général, la pièce suivante est

 21   la pièce P 04719.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Général, je voudrais terminer sur ce document. Il y

 23   a une passation de pouvoir et vous nous dites que le général Petkovic ne

 24   vous a pas dit qu'il y avait des prisonniers, et cetera. Bon. Pourquoi pas

 25   ? Mais vous reconnaîtrez avec moi que ça peut paraître surprenant pour

 26   quelqu'un de l'extérieur. Imaginons qu'à Bagdad le général américain est

 27   remplacé par un autre général, je suppose que le général américain dira à

 28   celui qui le succède : Nous avons tant de détenus dans nos prisons, puis il

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  1   lui fera le point de la situation militaire. Mais vous nous dites non, on

  2   n'a pas évoqué ce problème.

  3   En vous écoutant, je me suis dit pour quelle raison. Etait-ce la

  4   situation, était-ce le fait qu'il combattait et à ce moment-là il y a eu

  5   une passation très rapide, chacun pensant que l'autre était parfaitement

  6   informé ? C'est peut-être vrai. Je n'ai pas d'éléments me permettant à tout

  7   coup de dire que vous ne dites pas la vérité. Je ne sais pas. J'essaie

  8   d'analyser sereinement la situation.

  9   Et ce qui peut être surprenant aussi, vous dites : Je ne savais pas

 10   que les Musulmans avaient été désarmés et incarcérés. Ça peut être

 11   surprenant aussi, mais ça peut être vrai parce que vous étiez peut-être

 12   dans une zone où vous n'aviez pas ce type de problème et qu'à ce moment-là

 13   vous n'avez pas été informé.

 14   Alors cette passation avec Petkovic, matériellement elle a eu lieu où

 15   ? Par téléphone ? Physiquement ? A quel endroit ? Elle a duré combien de

 16   temps, à votre connaissance ?

 17   Parce qu'il peut y avoir une autre explication que vous ne voulez peut-être

 18   pas dire. Tous ceux qui ont été dans l'administration dans l'armée savent

 19   que parfois il y a des successions très difficiles parce que celui qui s'en

 20   va n'est pas content, et finalement il n'a aucun contact avec celui qui le

 21   remplace, ou bien il y a une poignée de mains et on s'en va. Il y a peut-

 22   être aussi cette explication. C'est pour ça qu'il faut nous dire exactement

 23   ce qui s'est passé.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a beaucoup de questions, donc je vais

 25   commencer par la toute dernière.

 26   Tout d'abord, il est exact de dire que les fonctions qui rapportent un

 27   certain prestige et un certain confort, de bonnes conditions de vie, les

 28   gens se battent pour les obtenir, ces fonctions-là. 90 % de ceux qui

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  1   étaient en poste au sein du HVO se seraient estimés heureux d'avoir pu

  2   passer la main à quelqu'un d'autre, car qu'est-ce que cela signifiait être

  3   commandant du HVO au moment non seulement où Bugojno était tombé et où

  4   toute cette avalanche se poursuivait sans qu'on puisse voir où cela

  5   s'arrêterait, et au moment où c'était 20 heures par jour qu'avec plus de 2

  6   000 hommes je menais les combats quotidiennement. Vous verrez sur la base

  7   de rapports que je prenais le risque plusieurs fois par jour de perdre la

  8   vie. Il était plus probable pour moi de mourir que de survivre.

  9   Messieurs les Juges, nous nous référons sans arrêt à des généraux

 10   américains, mais cela n'a rien à voir. Il n'y a pas de relèves. Il n'y a

 11   pas de soldes. Les unités sont toutes petites, dispersées. Les hommes sont

 12   si épuisés que cette fatigue, parfois, en vient à inhiber complètement leur

 13   capacité aussi bien physique que psychologique. Vous êtes à la fois père et

 14   commandant pour eux et vous les priez, vous les punissez 20 heures par jour

 15   d'une colline ou d'un mont à l'autre, et tout cela avec 15 000 réfugiés,

 16   avec plusieurs milliers de soldats. Une partie de ces hommes perd la tête.

 17   Ça, c'est un élément.

 18   Deuxièmement, je ne suis pas sûr qu'un général américain ferait état du

 19   nombre de prisonniers ou si cette compétence incombait à une autre partie

 20   de l'armée. C'est ainsi qu'on a, par exemple, à Guantanamo, un centre où

 21   des prisonniers sont détenus, mais ce centre est sous la responsabilité de

 22   la CIA et non pas de l'état-major. Donc c'est une question d'organisation

 23   que de savoir qui a la charge de ces aspects-là. Cela était le cas

 24   également à Mostar. Je ne sais pas ce que je peux dire d'autre. Cela a duré

 25   pendant 85 à 90 jours, sans interruption. Ma conversation avec le général

 26   Petkovic à Grude n'a pas duré plus de 30 à 45 minutes tout au plus. S'il y

 27   avait eu qui que ce soit d'autre pour accomplir ces fonctions, nous aurions

 28   tous les deux été très heureux d'aller faire trempette à Makarska, mais la

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  1   réponse était invariablement : Non, moi, je ne suis pas capable de faire

  2   cela. Donne ce poste à quelqu'un d'autre. Ceux qui sont restés étaient ceux

  3   qui voulaient combattre. Quant à accomplir ces tâches, c'était difficile au

  4   mois de juin car ce que vous avez vu dans le rapport de Siljeg est tout à

  5   fait clair. Je me serais estimé heureux de pouvoir être assis dans un

  6   bureau, dans mon état-major, de pouvoir émettre des ordres, d'envoyer des

  7   appareils. Mais malheureusement, ce n'était pas le cas. Nous ne pouvons pas

  8   transposer maintenant la situation en envisageant ce que nous aurions aimé

  9   que cette situation soit.

 10   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, il me semble que

 11   vous persistez à vous lancer dans des déclarations qui, à mon avis, ne sont

 12   pas constructives et ne permettent pas d'aller dans le sens que vous

 13   semblez vouloir poursuivre. Donc essayez de répondre brièvement aux

 14   questions de M. Stringer afin que ce dernier puisse continuer avec ses

 15   questions.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Juge Prandler a parfaitement raison.

 17   Vous avez donné des explications, puis vous allez sur d'autres points. Donc

 18   pour résumer ce que vous dites, pour bien comprendre ce que vous venez de

 19   me dire, et je ne veux pas faire d'erreur parce que tout ça est très

 20   important, vous rencontrez Petkovic à Grude. L'entretien, d'après votre

 21   souvenir, a lieu pendant 30 à 45 minutes. La situation était sur le plan

 22   militaire très compliquée et vous n'avez pas parlé des prisonniers.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non, c'était à Citluk, Citluk.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est à Citluk. Vous aviez dit Grude, donc vous vous

 25   corrigez. C'est Citluk. Très bien. Je vous en remercie.

 26   M. le général Petkovic ne vous parlait pas des prisonniers parce que ces

 27   prisonniers ne relèvent pas de l'état-major principal du HVO, et de ce

 28   fait, il n'y avait pas lieu à parler de cela. Voilà. Ai-je bien résumé les

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  1   raisons qui ont fait que cette passation était rapide et que la question

  2   des prisonniers n'a pas été abordée ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Essayez d'être aussi synthétique que je

  5   peux l'être, et on gagnera du temps.

  6   Monsieur Stringer.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Q.  Général, juste pour être extrêmement précis encore une fois sur ce

  9   point, et nous y reviendrons ultérieurement, nous passerons un certain

 10   temps sur la question des camps, le 24 juillet 1993, vous nous dites que

 11   vous n'étiez pas au courant du fait que le HVO détenait des hommes dans la

 12   prison militaire de l'Heliodrom au sud de Mostar ?

 13   R.  Je savais que l'Heliodrom était une prison, mais qui s'y trouvait,

 14   cela, je l'ignorais.

 15   Q.  Très bien. Alors même question concernant la prison militaire de

 16   Ljubuski. Saviez-vous que le HVO détenait des centaines de prisonniers dans

 17   cette prison à l'époque où vous avez pris le commandement le 24 juillet

 18   1993 ?

 19   R.  Je l'ignorais.

 20   Q.  Le général Petkovic ne vous en a jamais parlé ?

 21   R.  Non, jamais.

 22   Q.  Connaissiez-vous l'existence de prisonniers musulmans détenus à

 23   Dretelj, dans la municipalité de Capljina ?

 24   R.  Je connaissais l'existence de Dretelj ou de Gabela, mais je ne l'ai

 25   appris que suite à mon entretien téléphonique avec Mme Ivanisevic, le 1er

 26   septembre, Mme Ivanisevic qui a abordé la question du ZDF. J'avais entendu

 27   parler de l'existence de quelque chose là-bas. Mais quoi que j'aie pu

 28   faire, quoi qu'il en soit, je l'ai autorisée à se rendre sur les lieux,

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  1   bien que d'un point de vue strictement formel, je n'avais pas autorité pour

  2   le faire. Je l'ai aidée à se rendre sur place et à filmer la situation. Je

  3   lui ai donné l'autorisation.

  4   Q.  Donc le 24 juillet 1993, lorsque vous prenez en charge le commandement

  5   de l'état-major principal, le général Petkovic ne vous parle pas de

  6   Dretelj, ne vous dit rien concernant le camp de Dretelj ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Il ne vous a pas parlé non plus de la prison de Gabela ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Très bien. Général, comme je l'ai dit, nous reviendrons à la question

 11   des camps de détention. La pièce suivante dans votre classeur devrait

 12   porter le numéro P 04719. Nous atteignons la fin de cette partie du contre-

 13   interrogatoire.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, sans spéculer, mais un juge pénal,

 15   il aime bien positionner les situations en fonction d'hypothèses. Je vais

 16   vous formuler une hypothèse.

 17   Imaginons que le général Petkovic vous dise : Le HVO détient X

 18   détenus. Qu'est-ce que vous auriez fait ou qu'est-ce que vous auriez dit,

 19   parce que là, sous la foi du serment, vous dites, Le général Petkovic ne

 20   m'a jamais rien dit. Donc vous dites ça, vous avez prêté serment, donc ça a

 21   du poids ce que vous dites. Alors je pars du fait que ce que vous dites est

 22   vrai, et si le général Petkovic vous avait dit : Voilà, nous avons des

 23   prisonniers, qu'est-ce que vous auriez dit et qu'est-ce que vous auriez

 24   fait ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Rien. Je serais allé me battre, car c'était la

 26   raison de ma venue et je n'aurais assumé aucune responsabilité ni ne me

 27   serais livré à aucune ingérence dans la question des prisons. Je n'avais

 28   aucune compétence en la matière. Mon devoir était d'envoyer en prison ceux

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  1   des membres du HVO qui avaient commis une infraction disciplinaire -- ou

  2   plutôt, au titre de mesures disciplinaires. Ce qui relevait du pénal, en

  3   revanche, était fait conformément à une procédure dont vous avez entendu de

  4   témoins bien plus qualifiés que moi la nature qui était la sienne.

  5   Donc dans la situation telle qu'elle se présentait, même si j'avais

  6   appris l'existence de ces prisonniers, je n'aurais rien fait. Je me serais

  7   rendu à Rama et je me serais battu, car je n'avais rien à voir avec les

  8   prisons. Quel lien devrais-je avoir avec elles ?

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, tout au début du procès, et ça

 10   remonte déjà à plusieurs années, le temps passe très vite, nous avons

 11   appris, et j'ai appris à cette occasion que vous aviez donné des

 12   autorisations pour visiter des prisons. Comme moi, dans mes fonctions

 13   antérieures, je m'étais occupé de plus de 50 000 prisonniers et que j'avais

 14   donné aussi des autorisations, je me suis dit s'il donne des autorisations,

 15   est-ce qu'il connaît vraiment la situation ou il ne la connaît pas ? S'il

 16   ne connaît pas la situation à ce moment-là, il peut donner une autorisation

 17   sans voir les conséquences. Donc ça m'avait vraiment posé un véritable

 18   problème de voir que vous aviez donné des autorisations et que quelqu'un

 19   qui fait un reportage, le reportage ensuite est diffusé dans les médias, et

 20   cetera, et que lorsqu'on a caché quelque chose, évidemment, on ne donne pas

 21   l'autorisation, cela va de soi. Voilà. Donc le fait même que vous aviez

 22   donné cette autorisation, je la mets en corrélation, à l'époque, il y a

 23   plusieurs années, au début du procès, avec le fait que vous aviez ou pas

 24   une connaissance de la situation. C'est comme si vous reprochez des

 25   exemples américains, mais moi, je prends cet exemple parce qu'il y a des

 26   événements actuels et que tout le monde comprend. C'est pour ça que

 27   j'essaie de prendre des exemples où tout le monde peut percevoir. C'est

 28   comme si un général américain qui avait sous son contrôle cette fameuse

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  1   prison où s'étaient déroulés des mauvais traitements donne une autorisation

  2   à la CNN, qui va sur place, qui fait un reportage, qui interviewe les

  3   prisonniers qui racontent : Bien, voilà, on nous mettait des sacs sur la

  4   tête. On nous battait, et cetera. Et immédiatement la CNN fait sortir le

  5   reportage. Donc dans cette situation, le général américain qui aurait donné

  6   l'autorisation, manifestement, il ne savait pas ce qui se passait. Donc

  7   voilà.

  8   Apparemment, le général Petkovic témoignera, c'est ce qu'on a cru

  9   comprendre. Il sera à votre place. Il prêtera serment et il confirmera ou

 10   il infirmera ce que vous dites. Donc au jour d'aujourd'hui, vous nous dites

 11   : "Moi j'ignorais qu'il y avait des prisonniers. Je savais qu'il y avait

 12   des prisons militaires dans lesquelles on envoyait des soldats, et j'ai

 13   donné des autorisations, parce que c'était vous-même tout à l'heure qui

 14   l'avez dit, pour faire des reportages." Et j'ai cru comprendre sans savoir

 15   si vous aviez le pouvoir ou pas d'ordonner l'autorisation. Ceci est

 16   important. Une fois de plus, vous nous dites : "Moi, j'ignorais l'existence

 17   de ces centaines, voire milliers de prisonniers."

 18   Et je complète. Et si vous saviez qu'il y avait eu des prisonniers,

 19   est-ce que vous auriez donné l'autorisation ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, il est précisé ici

 21   qu'il y avait 6 000 hommes prisonniers, et cetera. Mais s'il y a des

 22   prisons, s'il est question de ces prisons, j'ai sans doute présumé qu'il y

 23   avait des prisonniers qui s'y trouvaient. Cependant, ma position en Croatie

 24   là où je me trouvais, au poste où je me trouvais, tous les journalistes qui

 25   se sont présentés, et pas seulement les journalistes, mais également les

 26   attachés militaires et tous les autres, je leur ai permis à tous et donné

 27   les approbations nécessaires pour qu'ils puissent se rendre sur place et

 28   collecter toutes les informations qu'ils souhaitaient.

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  1   Donc lorsque Vulliamy est venu me voir après que quelqu'un d'autre

  2   lui ait refusé l'accès, il est venu me voir en me demandant si je voulais

  3   lui accorder un laissez-passer. Je lui ai dit : Vas-y et va voir par toi-

  4   même. Vous allez avoir la déclaration d'un journaliste de Zagreb à qui j'ai

  5   donné un laissez-passer et qu'ils ont renvoyé. Ils ne l'ont pas laissé

  6   entrer car ils ont dit : Praljak n'a rien à voir avec cela, rebroussez

  7   chemin. La télévision allemande et le ZDF également avec son équipe se sont

  8   vus accorder l'autorisation de venir. Ma position était qu'il ne fallait

  9   rien cacher et qu'il n'y avait rien à cacher.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous savons, car vous nous l'aviez dit, vous aviez

 11   un contact à haut niveau avec un attaché militaire de l'ambassade des

 12   Etats-Unis à Zagreb que vous voyiez souvent qui faisait le point avec vous.

 13   Sous la foi du serment, à aucun moment cet attaché militaire vous aurait

 14   dit ceci: "Nous savons par nos services de renseignements que vous détenez

 15   des milliers de prisonniers musulmans. Nous savons que certains sont

 16   maltraités et il faut arrêter cela." Jamais il ne vous a dit cela ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] J'affirme sous serment qu'à aucun  moment ni

 18   lui-même ni personne d'autre ne m'a rien dit de cette nature. Par ailleurs,

 19   vous pouvez l'inviter à déposer. Vous disposez de sa déclaration et il

 20   pouvait se rendre sur place. Et d'ailleurs, il est allé à Rama et il s'est

 21   rendu partout où il souhaitait se rendre. Dès le début, au moment où il est

 22   arrivé, au moment où le représentant du CICR est venu, et nous savions très

 23   bien que c'était un jeu de masque auquel nous avions affaire là. Et

 24   ultérieurement aussi, il est resté jusqu'à l'opération Tempête. Et pour

 25   autant que je le sache, il avait accès à tout, et non seulement lui avait

 26   accès à tout, mais également les Allemands, les Espagnols, du moins là où

 27   moi je pouvais prendre la décision de leur donner accès.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Il nous reste quelques minutes avant la pause,

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  1   Monsieur Stringer.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Général, je vais essayer de remettre en question quelque chose que vous

  4   venez de dire il y a quelques minutes. M. le Président vous a demandé ce

  5   que vous auriez fait si vous aviez connu l'existence de prisonniers. Et

  6   vous avez dit : "Je n'aurais rien fait. J'aurais continué à me battre.

  7   C'était la raison de ma présence sur place." Et vous avez dit : "Je n'avais

  8   aucune responsabilité concernant les prisons."

  9   Mais, Général, je souhaite avancer que c'est là une position absurde que

 10   vous prenez car lorsque vous étiez commandant de l'état-major principal du

 11   HVO, soutiendriez-vous que vous n'aviez dans cette position-là aucune

 12   responsabilité concernant les prisonniers de guerre ?

 13   R.  Oui. Les prisonniers de guerre existent, il n'y a aucune raison qu'il

 14   n'en n'existe pas. La question c'est de savoir comment on procède à leur

 15   égard. Evidemment, un prisonnier de guerre c'est un phénomène qui existe

 16   dans toute guerre. Et un prisonnier de guerre --

 17   Q.  Merci. Vous avez répondu à ma question.

 18   Je voudrais essayer d'en terminer avec cette section, Monsieur le

 19   Président, avant la pause.

 20   La pièce suivante est celle qui porte la cote P 04719, Général.

 21   Reconnaissez-vous ce document comme étant un ordre que vous avez émis

 22   en date du 1er septembre 1993 ou autour de cette date ?

 23   R.  Oui, c'est moi qui ai signé cela.

 24   Q.  Et ce que vous faites ici c'est d'exposer l'organisation de la

 25   structure de commandement et des opérations offensives et défensives dans

 26   la zone opérationnelle d'Herzégovine du sud-est; n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, je connais ce document. J'ai émis l'ordre à la zone opérationnelle

 28   de se préparer, et pas uniquement aux fins de la défense. Je voulais les

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  1   secouer un petit peu. C'est un document qui n'est jamais parvenu jusqu'à

  2   l'échelon de la zone opérationnelle. Mais ce que je voulais c'était les

  3   secouer un peu pour qu'ils ne soient pas uniquement sur la défensive. Je

  4   voulais voir s'ils seraient prêts également à prendre part à des actions

  5   offensives. Cependant, nous avons là un document en papier qui est plutôt -

  6   -

  7   Q.  Très bien, Général. Alors, je voudrais attirer votre attention sur le

  8   paragraphe numéro 1, et certaines des unités sur lesquelles vous affirmez

  9   votre autorité tel que cela figure ici. Il y a des références à un certain

 10   nombre d'unités et la plupart d'entre elles sont désignées par des

 11   acronymes. Mais je voudrais juste clarifier qu'il n'y a pas de malentendus

 12   sur la signification de ces acronymes.

 13   Par exemple, vous commencez par la zone opérationnelle d'Herzégovine du

 14   sud-est, et vous parlez de la 1ère KD. Est-ce que c'est la Brigade Knez

 15   Domagoj ?

 16   R.  Probablement, oui.

 17   Q.  Très bien. Ensuite je passe à la ligne suivante. MHC, est-ce que c'est

 18   la Brigade Mario Hrkac Cikota ?

 19   R.  Probablement, oui.

 20   Q.  Alors ensuite nous avons KB. Est-ce que c'est le Bataillon des

 21   Condamnés ?

 22   R.  Je l'ignore. Veuillez me croire, je l'ignore.

 23   Q.  En fait, c'est bien le Bataillon des Condamnés, n'est-ce pas, Général ?

 24   Je pense que vous le savez. Vous refusez juste de le reconnaître.

 25   R.  Monsieur Stringer, si je le savais, je vous le dirais, mais je

 26   l'ignore. Cette liste d'unités, unités de ce niveau particulier, vous

 27   pouvez voir également dans la partie manuscrite que cette liste a été

 28   dressée par quelqu'un de la zone opérationnelle. Moi, évidemment j'ai

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  1   signé, j'ai apposé par principe ma signature, mais cela ne signifie pas que

  2   je connais en détail la composition de chacune des unités.

  3   Q.  Avant d'en finir avec cette partie, je voudrais essayer de clarifier le

  4   statut qui était celui du Bataillon des Condamnés au sein du HVO. Je sais

  5   que je vous ai déjà posé au début un certain nombre de questions sur ce

  6   sujet, mais je ne crois pas que cela ait été suffisamment clair à ce jour,

  7   du moins dans le compte rendu d'audience.

  8   Alors, Général, pouvons-nous convenir que le Bataillon des Condamnés

  9   faisait partie du HVO ?

 10   R.  Monsieur Stringer, quelles que soient les dénominations qui ont circulé

 11   et dont j'ignorais une bonne part, je vous répète qu'à l'époque où j'étais

 12   sur place, je n'avais rien à voir avec M. Naletilic et avec l'unité qui

 13   était sous son autorité. Moi, je n'exerçais aucune autorité sur les parties

 14   sur lesquelles s'exerçait son autorité à lui. Et ça, je vous le répèterai

 15   cent fois sous serment. Donc je ne commandais pas.

 16   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, la question

 17   n'était pas de savoir si vous étiez à la tête, si vous aviez l'autorité sur

 18   le Bataillon des Condamnés, mais elle était la suivante, et je cite :

 19   "Général, pouvons-nous convenir que le Bataillon des Condamnés faisait

 20   partie du HVO ?"

 21   Alors, s'il vous plaît, répondez à cette question. Pensez-vous que le

 22   Bataillon des Condamnés faisait partie du HVO ou êtes-vous en désaccord

 23   avec cette affirmation ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Le Bataillon des Condamnés, selon tous les

 25   éléments dont je dispose, ne faisait pas partie du HVO, au niveau où je me

 26   trouvais, avec les informations dont je disposais. Je l'ai dit à plusieurs

 27   reprises. Donc les unités auxquelles commandait Mladen Naletilic Tuta, je

 28   n'avais pas d'autorité sur elles. Ce qu'il en était exactement, je

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  1   l'ignore.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que

  3   j'aurais besoin de revenir sur cette question après la pause.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement, il est l'heure de faire la pause.

  5   Nous allons faire 20 minutes de pause.

  6   --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

  7   --- L'audience est reprise à 16 heures 07.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, l'audience étant reprise.

  9   Oui, Monsieur Praljak.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 11   Monsieur Stringer, ce KB, malheureusement on n'a pas assez de temps. Vous

 12   ne m'accordez pas suffisamment de temps. C'est écrit Brigade KB, puis si

 13   vous tournez la page, au point 2.1, il est écrit Brigade Knez Branimir,

 14   Citluk. Donc ce n'est pas le Bataillon des Condamnés, c'est la Brigade

 15   Branimir de Citluk. P 04719, c'est ça la cote du document qu'on est en

 16   train d'examiner. Vous avez demandé si c'était le Bataillon des Condamnés.

 17   Non, c'est la Brigade KB, et puis au point 2.1 c'est écrit Knez Branimir

 18   Citluk.

 19   M. STRINGER : [interprétation]

 20   Q.  Je vous remercie pour avoir apporté cet éclaircissement. Je voudrais

 21   qu'on reprenne votre déposition de la fin de l'audience avant la pause. Le

 22   Juge Prandler vous a posé une question en page 37, ligne 17, alors que le

 23   Bataillon des Condamnés, à en juger d'après tous les éléments d'information

 24   que j'avais à ma disposition, ne faisait pas partie du HVO, et vous avez

 25   dit : "Je n'ai pas commandé l'unité qui était placée sous le commandement

 26   de Mladen Naletilic."

 27   Général, prenons un petit peu de temps pour parler du Bataillon des

 28   Condamnés, s'il vous plaît, et je voudrais que l'on parle de cette unité.

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  1   Je ne vais pas vous interrompre. Je sais qu'il y a des questions qui se

  2   posent sur le plan du commandement, à savoir qui avait le commandement de

  3   cette unité, mais je voudrais reprendre cette question, la question qui

  4   porte sur le Bataillon des Condamnés. En fait, ce n'était pas le Bataillon

  5   des Condamnés dont nous avons parlé à ce moment-là. Au début du contre-

  6   interrogatoire, je vous ai montré un tableau, P 09324, et c'était un témoin

  7   de Défense dans l'affaire de Naletilic qui a annoté ce document.

  8   M. STRINGER : [interprétation] Je pense que nous allons prendre juste

  9   la partie où il y a des annotations.

 10   Q.  Général, je voudrais vous référer à votre témoignage dans

 11   l'affaire Naletilic.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, nous pouvons afficher

 13   cela.

 14   Q.  Je vais vous donner lecture d'une partie des questions qui se situent

 15   pendant le contre-interrogatoire. C'est M. Scott qui posait des questions à

 16   ce moment-là, mon confrère, qui est assis derrière moi. Page 9 690 du

 17   compte rendu d'audience dans l'affaire Naletilic. La question que l'on vous

 18   pose est la suivante :

 19   "Question : Monsieur, vous nous avez dit à plusieurs reprises, me

 20   semble-t-il, depuis quelques jours, que le Bataillon des Condamnés faisait

 21   partie du HVO. Est-ce que vous êtes en train de changer votre réponse ?"

 22   Puis vous répondez, Général, et je vous cite :

 23   "Réponse : Non, Monsieur. Mais le Bataillon des Condamnés, sous la

 24   forme sous laquelle je l'ai connu, si ce n'est pour le premier cas que j'ai

 25   mentionné puis le site d'Orlovac, c'est M. Mario Hrkac et M. Andabak qui

 26   étaient ses commandants, et c'est quelque chose que j'ai répété à plusieurs

 27   reprises. M. Mladen Naletilic ne faisait pas partie de la structure

 28   militaire et je ne l'ai pas non plus connu en tant que commandant de cette

Page 43800

  1   unité dans la partie militaire.

  2   "Question : Très bien, Monsieur. Mais juste pour que le compte rendu

  3   d'audience soit clair - et je ne voudrais pas que l'on ait terminé avant

  4   que ce soit clair - vous n'êtes pas en désaccord, vous n'avez pas modifié

  5   votre réponse que le Bataillon des Condamnés était commandé par qui que ce

  6   soit, mais vous confirmez encore une fois que le Bataillon des Condamnés

  7   faisait partie du HVO dans son volet militaire ?

  8   "Réponse : Exact, pour ce qui est de la structure du HVO que vous m'avez

  9   montrée et j'ai indiqué où était le Bataillon des Condamnés, et je

 10   maintiens ce que j'y ai fait."

 11   Donc, Général, dans cette déposition, vers la fin lorsque vous vous référez

 12   à la structure où vous avez apporté des annotations, vous vous référez à

 13   cet organigramme que nous sommes en train de regarder, 9234; c'est cela ?

 14   C'est une question à laquelle vous pourrez répondre par un oui ou un non,

 15   Général. Lorsque vous vous référez aux annotations, ce sont les annotations

 16   sur cet organigramme-ci ?

 17   R.  C'est vous qui affirmez que l'on peut répondre par un oui ou un non,

 18   mais moi, je vous dis que ce n'est pas possible. Vous avez omis la partie

 19   la plus importante. Je parlais de l'année 1992 et je parlais d'Orlovac, et

 20   à ce moment-là j'ai dit que le Bataillon des Condamnés, c'est-à-dire le

 21   commandant Andabak s'est trouvé à Orlovac faisant partie de la structure du

 22   HVO. De 1992, c'est le mois de mai, début juin, et 1993, il y a une grande

 23   différence, et on ne peut pas répondre par un oui ou un non, et je

 24   maintiens ce que j'ai dit à l'époque dans ma réponse et ce que je vous dis

 25   maintenant. Je ne sais pas la réponse exacte, Monsieur Stringer, et la

 26   suivante, je ne le sais pas. Je sais --

 27   Q.  Général --

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais vous n'êtes pas en train de

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  1   répondre à la question du tout. Vous n'avez même pas remarqué de quoi il

  2   s'agit dans la question. Je vais vous en donner lecture : Est-ce que vous

  3   vous référiez à cet organigramme lorsque vous vous référiez à vos mentions,

  4   à vos annotations ? C'était ça la question et non pas de savoir si vous

  5   confirmez que le Bataillon des Condamnés faisait partie du HVO ou autre

  6   chose. La question était de savoir si à ce moment-là vous vous êtes référé

  7   à cet organigramme avec les annotations ? Je pense qu'on peut répondre par

  8   un oui ou un non.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, à ce moment-là,

 10   j'ai répondu au mieux de ce que je savais. Toutes les dépositions, si elles

 11   ne sont pas à 100 % vraies, ne signifie pas nécessairement qu'elles sont

 12   mensongères. Je suis venu en tant que témoin de la Défense, totalement sans

 13   aucune préparation. Le temps s'est écoulé. Je vous dis, je ne sais pas. Je

 14   vous dis en ce moment-ci je ne sais pas qui commandait Mladen Naletilic

 15   Tuta.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Peut-être que j'ai mal repris les

 17   propos de M. Stringer. Il vaut mieux qu'il vous pose sa question. J'ai la

 18   sensation que vous ne m'avez pas compris. Peut-être que je ne m'exprime pas

 19   bien.

 20   Monsieur Stringer, je vous en prie, vous avez la parole.

 21   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

 22   Q.  Général, la question est la suivante : le HVO -- je reprends. Le

 23   Bataillon des Condamnés faisait-il partie du HVO ? La question est simple.

 24   R.  A quel moment ?

 25   Q.  Lorsque vous étiez commandant de l'état-major principal du HVO, le 27

 26   ou le 24 juillet 1993, la date que vous avez écrit sur l'organigramme. Le

 27   Bataillon des Condamnés faisait-il partie du HVO à ce moment-là ?

 28   R.  Non.

Page 43802

  1   Q.  Alors, je vous soumets, Général, que vous ne nous dites pas la vérité

  2   puisque le fait est que vous étiez assis là à la place des témoins devant

  3   ce Tribunal, vous vous êtes exprimé sous serment dans l'affaire Naletilic,

  4   vous avez écrit cette date, vous avez fait ces annotations sur cet

  5   organigramme, vous avez écrit KB à côté de cette case avec les unités

  6   professionnelles. Est-ce que cela n'est pas vrai ?

  7   R.  Il est vrai.

  8   Q.  Alors je vous soumets, Général, que vous ne nous dites pas la vérité

  9   aujourd'hui. Le KB faisait partie de la structure du HVO, précisément comme

 10   vous l'avez indiqué sur cet organigramme qui est versé au dossier dans

 11   l'affaire Naletilic. Est-ce que cela n'est pas vrai ?

 12   R.  Monsieur Stringer, nous parlons de deux choses différentes pour ce qui

 13   est du HVO. Moi, je parle des unités qui relèvent du commandement de

 14   l'état-major principal, et vous, à votre tour, vous me dites que le HVO,

 15   bien entendu, c'est aussi la police militaire. Mais je --

 16   Q.  Mais vous n'arrêtez pas de modifier ma question de la manière où cela

 17   vous arrange. Arrêtez de faire cela et répondez à ma question.

 18   Nous avons ici un organigramme qui nous représente le HVO. Nous avons

 19   l'état-major principal, le département de la Défense. Donc je vous pose ma

 20   question au sujet du HVO. Général, sous serment dans l'affaire Naletilic,

 21   je vous ai donné lecture de votre déposition, vous avez témoigné tout à

 22   fait clairement, sans ambiguïté, en disant que le Bataillon des Condamnés

 23   faisait partie du volet militaire du HVO, et c'est exactement comme cela

 24   que les choses étaient, n'est-ce pas vrai ? Le Bataillon des Condamnés

 25   faisait partie de la partie militaire du HVO ?

 26   R.  Si vous voulez que quelque chose rentre dans le compte rendu

 27   d'audience, vous pouvez le déclarer vous-même et qui que ce soit d'autre

 28   peut le faire. Mais je me souviens très clairement que, et je sais, je n'ai

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  1   pas commandé le Bataillon des Condamnés. Quant à savoir est-ce qu'il a fait

  2   partie de --

  3   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander à la

  4   Chambre d'instruire le témoin à répondre aux questions. Il modifie la

  5   question et ainsi il évite de répondre.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, la question de M. Stringer est très

  7   claire, d'autant qu'il vous la pose, avec M. Scott qui est derrière lui,

  8   puisque c'était M. Scott qui, à l'époque, vous avait posé la question.

  9   On a sur l'écran, vous voyez, le document de votre blanche main à

 10   l'époque. Vous indiquez Gospodin Mate Boban, c'est le commandant des

 11   armées. Vous écrivez Bruno Stojic, lui, à la tête du département de la

 12   Défense. Vous encadrez l'état-major principal, vous faites un carré et vous

 13   marquez 27 juillet 1993 où là on comprend que c'est vous qui êtes le

 14   commandant du HVO à compter du 27 juillet.

 15   Plus délicat c'est ce qui est à droite. Vous marquez ATG et vous

 16   entourez avec une flèche, donc on peut en tirer la conclusion que l'ATG

 17   dépend de l'état-major au titre des unités professionnelles, puisque

 18   c'était tout le débat. Et sur la droite vous marquez KB, Bataillon des

 19   Condamnés.

 20   M. Scott, à l'époque quand il vous interroge, il vous demande de bien

 21   confirmer si le Bataillon des Condamnés fait partie du HVO, et à l'époque,

 22   vous répondez oui, mais là vous venez de donner une explication en disant

 23   qu'à l'époque à Orlovac, mais ça c'est 1992, ce n'est pas 1993, celui qui

 24   commandait le Bataillon des Condamnés ce n'est pas Naletilic, et qu'à votre

 25   connaissance, Naletilic était dans une structure autre. Donc moi je peux en

 26   tirer la conclusion qu'en 1992, effectivement, le Bataillon des Condamnés

 27   participe à une opération militaire sous commandement du HVO, mais en 1993

 28   quid.

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  1   Tout à l'heure, juste avant la pause, grâce à l'intervention, et j'en

  2   remercie mon collègue le Juge Prandler, il essaie de faire préciser tout

  3   cela, et là, sous la foi du serment, vous dites que le Bataillon des

  4   Condamnés ne relevait pas du HVO, étant précisé que vous, vous étiez le

  5   commandant du HVO.

  6   Donc voilà la situation. M. Stringer en tire la conclusion que vous

  7   mentez. C'est ce qu'il vous dit en disant que vous ne dites pas la vérité.

  8   Vous, vous dites que le Bataillon des Condamnés n'appartenait pas au HVO.

  9   Il appartenait en 1992, et c'est ce que vous avez déclaré dans

 10   l'affaire Naletilic. Alors il faut que vous nous expliquiez pourquoi vous

 11   avez marqué de votre main KB comme vous l'avez fait en présence de M. Scott

 12   et devant M. Naletilic. Qu'est-ce que ça voulait dire exactement ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie, peut-on définir le terme, le

 14   HVO, de quoi parle-t-on ? Donc toute la confusion provient de là. Le HVO,

 15   est-ce le SIS ? Le HVO est-ce l'IPD ? Ou le HVO est-ce -- je ne sais pas,

 16   les médecins ? Tout cela, la police militaire, tout ça c'est le HVO.

 17   Mais, Monsieur Trechsel, s'il vous plaît.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, je dois dire quelque chose.

 19   Monsieur Praljak, c'est une réaction, ce n'est pas une réponse, et ça

 20   manque de sérieux, je dois dire. Nous n'avons pas eu de problèmes sur la

 21   définition du HVO jusqu'à présent. Vous cherchez à fuir, à éviter de

 22   répondre. S'il vous plaît, répondez aux questions que M. Stringer vous

 23   pose. Cela semble vous être très difficile et à de nombreuses reprises on a

 24   dû vous le préciser et cela vous semble très difficile de vous conformer à

 25   cette règle. Donc c'est ça la règle du jeu ici. Vous dites toujours que

 26   vous voulez un procès juste. C'est le rôle que vous avez à jouer dans le

 27   cadre d'un procès juste en tant que témoin. Répondez aux questions qu'on

 28   vous pose.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, s'il vous plaît,

  2   évitez de caractériser sur le plan psychologique du genre sérieux ou manque

  3   de sérieux. Moi, j'ai une approche très sérieuse et je vous prie de ne pas

  4   qualifier mes réponses sur le plan psychologique. Je terminerais ma réponse

  5   en disant le Bataillon des Condamnés ne faisait pas partie de la structure

  6   du commandement de l'état-major principal. Nous n'avons pas défini le

  7   terme, le HVO, peut-être que vous, vous l'avez fait. Mais au sein du HVO,

  8   qui est une notion plus large, vous avez le Bataillon des Condamnés avec

  9   ses unités. Mais dans le cadre du HVO que j'ai commandé, il n'y avait pas

 10   de Bataillon des Condamnés. Vous pouvez me l'imputer autant que vous

 11   voulez, mais je n'accepterai pas que cela se fasse, sur le plan

 12   psychologique par des caractérisations ou autres.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, je crois comprendre que quand le

 14   Procureur dit le HVO, le Procureur dit dans le sens large, et dans le sens

 15   large, Naletilic fait partie du HVO. Mais quand vous dites le HVO, je crois

 16   comprendre à ce moment-là que dans votre esprit, c'est le HVO composante

 17   militaire dont vous étiez le commandant. Et dans cette composante

 18   militaire, le Bataillon des Condamnés n'entre pas dans la chaîne de

 19   commandement. Le Bataillon des Condamnés peut être ailleurs au sein du HVO

 20   général, mais pas dans la structure militaire dont vous assuriez, à partir

 21   du 27 juillet, le commandement.

 22   C'est ça qu'il faut comprendre ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, entièrement exact. Dans la

 24   totalité, donc ce que j'en sais c'est que cela ne fait pas partie de la

 25   structure de mon commandement. Je ne sais pas exactement dans quelle

 26   structure cela se trouve, mais je suppose qu'il se trouve dans le HVO.

 27   C'est la réponse précise par rapport à mes connaissances.

 28   Et, Monsieur le Juge Trechsel, s'il vous plaît, ne me demandez pas de

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  1   témoigner, moi, il y a des domaines où je connais totalement des choses. Je

  2   vous dis là où je sors de ce domaine. Donc il ne faisait pas partie de mon

  3   état-major.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Laissez le Juge Trechsel de côté, parce que ce n'est

  5   pas un débat. Le Juge, comme moi, nous, on essaie de comprendre ce que vous

  6   dites. Donc on essaie de comprendre.

  7   Et je crois comprendre maintenant que quand vous avez dit dans

  8   l'affaire Naletilic que le Bataillon des Condamnés faisait partie du HVO,

  9   il faut en tirer la conclusion que c'était au sens large, mais

 10   qu'aujourd'hui vous dites en termes de structure militaire dont vous

 11   assuriez le commandement, il n'était pas dans cette structure.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact, exact.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors à partir de là, Monsieur Stringer, reprenez

 14   les commandes et développez votre argumentation, mais vous pouvez ne pas

 15   être d'accord avec ce qu'il dit, ce qui est parfaitement possible aussi.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je tiens à ajouter, Monsieur

 17   Praljak, il ne vous appartient pas de me donner de leçon sur la manière

 18   dont je dois poser des questions. Donc le terme "sérieux" n'a pas été

 19   utilisé dans un sens psychologique, mais c'était une appréciation objective

 20   plutôt de votre réponse.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, Monsieur le Juge Trechsel, qu'entendez-

 22   vous par objective ? Vous représentez l'objectivité générale, sur le plan

 23   psychologique, non. Je vous respecte mais --

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, nous n'allons pas rentrer dans

 25   mon usage des mots.

 26   Monsieur Stringer.

 27   M. STRINGER : [interprétation]

 28   Q.  Général, reprenons cet organigramme, P 9324, et en haut à droite on a

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  1   l'année 1993; le voyez-vous ?

  2   R.  Oui, je le vois, Monsieur Stringer.

  3   Q.  Le 27 juillet 1993, c'est la date qui est écrite. C'est vous qui avez

  4   écrit cela ?

  5   R.  Oui, c'est exact, mais si ça ne m'était pas venu à l'esprit que ce

  6   n'est pas le Bataillon des Condamnés, pour le document précédent, ce serait

  7   resté dans le compte rendu d'audience. En l'espace de quelques secondes, on

  8   me met sur le nez un document, il faut que je me rappelle qu'il s'agit de

  9   la Brigade de Branimir. Mais il est possible de manquer de précision, à ce

 10   moment-là, dans ces conditions. Et on manque de préparatif, je n'avais pas

 11   le document pour le parcourir et pour me préparer par avance.

 12   Q.  Général, --

 13   R.  [inaudible]

 14   Q.  Non, ce n'est pas à vous de mener le débat ici. Le fait est qu'en l'an

 15   2000, au moment où vous avez déposé, ou 2002, vos souvenirs étaient

 16   meilleurs, vous vous souveniez mieux. Et c'est de manière véridique que

 17   vous avez répondu à la question posée par M. Scott, et vous avez dit que le

 18   Bataillon des Condamnés faisait partie du HVO, de son volet militaire. Est-

 19   ce que nous pouvons nous mettre d'accord sur le fait que c'est ce que vous

 20   avez dit sous serment pendant l'affaire Tuta en 2002 ?

 21   R.  Je ne pourrai plus être d'accord avec vous sur rien. Je suis venu ici

 22   sans aucune préparation à ce moment-là, pendant ce procès-là, alors que je

 23   me suis rafraîchi la mémoire sur un nombre de choses que j'avais

 24   complètement oubliées entre-temps pour préparer mon procès.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, je n'ai pas sous les yeux la

 26   déclaration de la réponse de M. Praljak à M. Scott, mais je n'ai pas le

 27   souvenir qu'il avait dit HVO, structure militaire. Dans le texte, c'est

 28   HVO, il n'y avait pas structure militaire. Vous pouvez le vérifier.

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  1   M. STRINGER : [interprétation] Sur le bon bouton, vous trouverez le compte

  2   rendu d'audience de l'affaire Naletilic, sous Sanction, on parle de la

  3   structure militaire.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Ligne 14, c'est très important du document, en

  5   anglais il est dit : "M. Mladen Naletilic n'était pas une partie de la

  6   structure militaire." Là, c'est écrit.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Je lui pose ma question au sujet du

  8   Bataillon des Condamnés. Donc par rapport au débat que nous avons

  9   maintenant, je ne tiens pas compte du commandant, peu importe. Je lui pose

 10   la question sur l'unité dont le nom apparaît dans de nombreux documents et

 11   il s'agit du Bataillon des Condamnés. Donc je demande tout simplement au

 12   général de confirmer ce qu'il a dit à l'époque sous serment, en 2002, à

 13   savoir que le Bataillon des Condamnés faisait partie de la structure

 14   militaire du HVO.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] En 1992, à Orlovac.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai le texte sous les yeux. Effectivement, M. Scott

 17   lui demande - c'est à la ligne 20, et je parle sous le contrôle de tous les

 18   anglophones - il lui demande s'il peut confirmer à nouveau que le Bataillon

 19   des Condamnés était une partie du HVO militaire. Et il rajoute "Correct."

 20   Praljak répond :

 21   "Correct," mais il rajoute "comme structure du HVO…" Il ne dit pas

 22   structure militaire. Voilà. Je n'ai pas la version française pour comparer,

 23   mais dans la version anglaise, il y a M. Scott qui lui dit "structure

 24   militaire," et lui il répond "structure du HVO" à la ligne 22.

 25   M. STRINGER : [interprétation] Je vais donner lecture en anglais du reste

 26   de la réponse pour que l'on puisse interpréter cela dans les autres

 27   langues.

 28   Ligne 22, le Général dit :

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  1   "Correct, pour ce qui est de la structure du HVO que vous m'avez montrée et

  2   j'ai tracé avec un surligneur où était situé le Bataillon des Condamnés et

  3   je le maintiens."

  4   Et là encore nous avons un organigramme de la structure du HVO en 1993.

  5   Donc je soumets au général --

  6   Q.  Une dernière fois, Général, parce que je pense que nous avons épuisé le

  7   sujet. Donc pendant que vous commandiez l'état-major du HVO, le Bataillon

  8   des Condamnés faisait partie de la structure militaire du HVO; exact ?

  9   R.  Je ne le sais pas. Il n'était pas placé sous le commandement de l'état-

 10   major principal. Où il était placé ? Je ne le sais pas.

 11   Q.  Très bien.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas qu'il

 13   convient de continuer sur ce sujet. Je vais passer à autre chose.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci.

 15   M. STRINGER : [interprétation]

 16   Q.  Général, vous avez ce classeur, le classeur suivant, je pense. Parlons

 17   des événements qui ont précédé octobre 1992 et ce qui a suivi, et ce qui

 18   s'est passé à Prozor.

 19   M. STRINGER : [interprétation] Je précise c'est la liste numéro 6, je

 20   précise à l'attention des conseils de la Défense. 

 21   Q.  Général, pour commencer, remontons un petit peu dans le temps, le 21

 22   juillet 1992, donc pour situer cela dans le contexte.

 23   Il s'agit d'une transcription présidentielle. Nous nous y sommes

 24   référés à de nombreuses reprises pendant ce procès. Il s'agit d'une

 25   conversation qui se déroule sur une durée de temps de 12 heures au palais

 26   présidentiel et c'est le jour où la République de Croatie et la République

 27   de Bosnie-Herzégovine signent un accord portant sur l'amitié et la

 28   coopération.

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  1   Et je vais citer juste un petit extrait de cette transcription. Le

  2   président Izetbegovic s'exprime, ça commence page 35 en bas. Le président

  3   Izetbegovic prend la parole -- Excusez-moi, P 00336. 336 pour le compte

  4   rendu d'audience.

  5   Le président Izetbegovic commence à s'exprimer en bas de la page 35

  6   et dit que la guerre a commencé au moment où ils n'avaient pas une armée.

  7   Il parle de l'évolution de la situation. Puis la page suivante, au milieu

  8   de la page, il dit :

  9   "Donc il y a une résistance spontanée à l'agresseur et les gens se

 10   sont débrouillés comme ils ont pu, comme ils ont su. Donc cela a donné lieu

 11   à la création de deux structures différentes, le HVO a été créé surtout

 12   dans les zones peuplées par les Croates, et la Défense territoriale a

 13   continué de fonctionner."

 14   Et puis il dit : "Nous allons --

 15   Et donc un peu plus bas, nous lisons :

 16   "Dans les secteurs purement croates, le HVO a une coloration

 17   politique différente de celle qu'il a dans les zones plus diversifiées.

 18   "Dans certains secteurs, nous avons par exemple une coopération

 19   excellente entre le HVO et la Défense territoriale jusqu'à présent, à

 20   savoir que nous avons des commandements conjoints d'une sorte ou d'une

 21   autre. Et dans d'autres secteurs, nous avons des problèmes même sur ce plan

 22   car certains objectifs politiques apparaissent liés à la puissance du HVO,

 23   objectifs consistant à obtenir la création d'un canon ou selon ce que

 24   pensent certaines personnes, quelque chose qui ressemblerait à un Etat dans

 25   l'Etat de Bosnie-Herzégovine."

 26   Là je saute un paragraphe et puis nous lisons :

 27   "C'est très simple, nous avons au sein du HVO des tendances

 28   différentes dont certaines, pouvons-nous dire, sont plus loyales à la

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  1   Bosnie-Herzégovine et cela va jusqu'aux tendances radicales qui sont à la

  2   limite de la loyauté, et il est permis de se demander si dans cette

  3   tendance il y a la moindre loyauté à l'égard de la Bosnie-Herzégovine."

  4   Et puis il poursuit, il continue de parler. Il parle de la police

  5   croate par rapport à la Bosnie-Herzégovine. Et en page suivante, c'est la

  6   partie qui m'intéresse le plus, page 38, en haut de page, nous lisons :

  7   "Nous avons des cas où les autorités civiles qui ont été légalement

  8   élues à l'issue d'élections démocratiques sont rejetées par le HVO et de

  9   nouveaux départements militaires sont créés que, bien sûr, nous ne pouvons

 10   pas accepter."

 11   Est-ce que vous pouvez suivre ?

 12   R.  Partiellement. Il serait bon que vous me donniez le numéro ERN

 13   des pages. Je ne cesse de vous le demander et vous ne cessez de parler et

 14   de parler et de parler et à la fin vous allez me poser une question, mais

 15   je n'ai pas trouvé de quelle page vous avez tiré le passage que vous avez

 16   cité. Pas encore.

 17   Q.  Page 38. Dans ces transcriptions, les versions en croate et en anglais

 18   sont présentées de façon identique. Donc je vais relire la dernière partie.

 19   C'est Izetbegovic qui parle et qui dit :

 20   "Nous avons des cas où les autorités civiles qui ont été légalement élues à

 21   l'issue d'élections démocratiques…"

 22   Vous avez trouvé ce passage ?

 23   R.  Oui, oui.

 24   Q.  "…ces autorités sont rejetées par le HVO et de nouveaux départements

 25   militaires sont créés que nous ne pouvons, bien sûr, pas admettre."

 26   Et puis il continue de parler. Il évoque Doboj où le HVO et la Défense

 27   territoriale se sont unis et travaillent dans le cadre d'un commandement

 28   conjoint. Et puis dans le dernier paragraphe, il dit :

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  1   "Il y a également des cas contraires, par exemple, à Busovaca ou récemment

  2   à Kiseljak où des personnes exerçant un certain pouvoir localement ont eu

  3   l'idée de créer un bureau de douanes comme s'il s'agissait d'un pays

  4   étranger, et cetera, et un peu plus loin nous lisons, et ceci crée

  5   d'énormes problèmes politiques."

  6   Alors, Mon Général, vous n'étiez pas présent à cette réunion du 21 juillet

  7   1992 et votre participation aux événements en Bosnie-Herzégovine jusqu'à ce

  8   moment-là, si je vous ai bien compris, s'est fait en rapport avec la

  9   libération de Mostar dans le courant du mois de juin 1992, c'est bien ça ?

 10   R.  Exact.

 11   Q.  Donc à ce moment dont je suis en train de parler, Mon Général, est-il

 12   permis de dire que vous ne connaissiez pas ou, en tout cas, que vous

 13   n'étiez pas impliqué dans les actions ou les évolutions de la situation qui

 14   faisaient que des HVO municipaux étaient en train de prendre le contrôle

 15   politique de certaines municipalités de la Communauté croate d'Herceg-Bosna

 16   ?

 17   R.  Vous considérez cela comme un fait. Moi, je ne vois nulle part que vous

 18   ayez présenté ce fait. M. Izetbegovic s'exprime en disant : Nous sommes en

 19   présence de certains cas, et cetera. Mais la seule phrase importante

 20   prononcée par Izetbegovic ici consiste à dire que la guerre a commencé et

 21   qu'il n'avait aucune armée à sa disposition. Donc cela impliquait sans

 22   arrêt des pourparlers avec les Serbes.

 23   Q.  Bien, bien. Passons à la pièce suivante, P 00382. Ce document porte la

 24   date du 12 août 1992. C'est une décision qui porte sur la nomination des

 25   membres du HVO municipal de Prozor, et dans ce document, nous voyons que

 26   Dario Kordic signe au nom de Mate Boban, au bas d'une décision dont le but

 27   est de nommer les membres d'un HVO municipal composé des individus dont les

 28   noms figurent dans la décision. Donc, Mon Général, voici ma question :

Page 43814

  1   étiez-vous au courant du fait que dans cette période, donc disons durant

  2   l'été 1992, le HVO était en train de prendre le contrôle politique de

  3   certaines municipalités en créant ces HVO municipaux ?

  4   R.  J'étais un peu au courant. Mais pour autant que je le sache, à Prozor,

  5   le pouvoir était divisé entre le SDA et le HDZ, pas sur la base de la

  6   victoire électorale, mais sur la base de la réciprocité des voix octroyées

  7   pendant les élections. Donc personne n'était censé prendre le pouvoir pour

  8   s'opposer à l'armée de la Republika Srpska, pour autant que je le sache.

  9   Q.  Mon Général, je vous en prie, je vous demande simplement si vous étiez

 10   au courant de cela, et vous dites que vous étiez un peu au courant. Etiez-

 11   vous au courant du fait que ces HVO municipaux n'étaient pas loyaux, ne

 12   respectaient pas la constitution de la République de Bosnie-Herzégovine

 13   dans la mesure où ils remplaçaient les présidences de guerre ?

 14   R.  Pour autant que je le sache, ceci s'est fait dans le respect de la

 15   constitution de Bosnie-Herzégovine; le principe fondamental étant qu'un

 16   individu, une municipalité et une communauté locale doivent s'organiser

 17   pour participer à la défense. Le gouvernement central n'avait rien fait. Il

 18   n'était pas prêt à la guerre. Il a abandonné le pays. Mais je n'ai pas

 19   besoin de répéter, vous avez déjà entendu cela une centaine de fois.

 20   Q.  Effectivement, j'ai entendu cela une centaine de fois. Vous n'êtes pas

 21   en train d'affirmer, n'est-ce pas, Mon Général, que Dario Kordic et Mate

 22   Boban avaient un pouvoir légitime en vertu de la constitution pour nommer

 23   des individus à différents postes au sein de HVO municipaux; ce n'est pas

 24   ça que vous dites ?

 25   R.  Je ne sais pas cela avec certitude, mais je pense qu'ils avaient

 26   compétence pour agir ainsi. Je crois que Mate Boban avait compétence pour

 27   organiser la défense là où personne d'autre n'aurait pu l'organiser à sa

 28   place.

Page 43815

  1   Q.  Et vous dites que son pouvoir découlait de la constitution de la

  2   République de Bosnie-Herzégovine ?

  3   R.  Monsieur Stringer, c'est ce que je pense, mais je ne l'affirme pas.

  4   Q.  Très bien. Passons à la pièce suivante, P 00385. Ce document porte la

  5   même date que la pièce précédente, à savoir la date du 12 août 1992. Donc

  6   le jour où Dario Kordic, au nom de Mate Boban, nommait les membres du HVO

  7   municipal de Prozor, nous voyons que Valentin Coric, qui était le chef de

  8   la direction de la police militaire, émet l'ordre que vous avez sous les

  9   yeux conformément au besoin, comme il l'appelle, de contrôler les

 10   déplacements des formations paramilitaires en Herzégovine menés à bien par

 11   le Conseil de Défense croate, et il ordonne que les commandants des postes

 12   de polices militaires des diverses municipalités d'Herzégovine, sous le

 13   contrôle du HVO, à quelques exceptions près, accordent des permis de

 14   déplacement à l'intention de certains véhicules, comme par exemple les

 15   véhicules des membres de la Défense territoriale sur le territoire de la

 16   Communauté croate d'Herceg-Bosna en s'appuyant sur leurs propres

 17   justifications de l'utilité ou non de tel déplacement. Les membres de la

 18   Défense territoriale à bord de ces véhicules sont empêchés de poursuivre

 19   leur trajet s'ils ne possèdent pas le permis en question, et on leur donne

 20   consigne de se procurer un tel permis.

 21   Alors, Mon Général, étiez-vous au courant du fait qu'à partir du mois

 22   d'août 1992, certains éléments au sein du HVO prétendaient ou affirmaient

 23   que la Défense territoriale de la Bosnie-Herzégovine était une formation

 24   paramilitaire lorsque cette Défense territoriale se trouvait sur le

 25   territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?

 26   R.  Ce que vous venez de dire n'est pas écrit dans le texte que j'ai sous

 27   les yeux. Ça, c'est une interprétation personnelle de votre part. Ce qui

 28   est écrit ici, et cela vaut également pour le HVO, comme vous le savez,

Page 43816

  1   c'est que les membres de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine

  2   doivent, à partir de leur municipalité, car il existait des polices

  3   militaires de leur municipalité, donc ils doivent s'adresser à la police

  4   militaire de leur municipalité pour obtenir ce document qui leur permet de

  5   se déplacer. Il n'est pas écrit ici que c'est le HVO qui doit leur délivrer

  6   ce document, mais qu'ils doivent se le procurer auprès de la municipalité

  7   d'où ils proviennent. Donc c'est l'organe de la municipalité responsable de

  8   la délivrance de tels documents, ce qui est tout à fait logique en temps de

  9   guerre, qui doit le leur délivrer. Et ceci s'applique également aux membres

 10   du Conseil croate de Défense, le HVO, qui devait l'obtenir également, ce

 11   document.

 12   Q.  Mais en fait, ce qu'exige cet ordre, c'est que la police militaire du

 13   HVO délivre des permis et que les véhicules de la Défense territoriale

 14   soient dans l'obligation de se procurer un tel permis auprès de la police

 15   militaire du HVO. Est-ce que ce n'est pas ça qui est exigé ?

 16   R.  Où est-ce que vous voyez les mots "police militaire du HVO" ? Moi, je

 17   ne le vois pas dans le document. Il faut que vous me citiez la ligne où ces

 18   mots figurent.

 19   Q.  D'accord. Je vais vous lire le texte. Coric ordonne :

 20   "Que les commandants de la police militaire des municipalités de

 21   l'Herzégovine qui sont sous le contrôle du HVO, à l'exception de Mostar et

 22   de Konjic, de Jablanica, de Gornji Vakuf, émettent des permis pour tout

 23   véhicule qui se déplace, à savoir aux membres de la Défense territoriale de

 24   Bosnie-Herzégovine sur le territoire de la Communauté croate d'Herceg-

 25   Bosna."

 26   Je saute quelques lignes et je poursuis la lecture :

 27   "Les véhicules de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine, c'est-à-

 28   dire les membres de la Défense territoriale doivent être stoppés dans leurs

Page 43817

  1   déplacements s'ils ne sont pas en possession du permis requis."

  2   Donc Coric, en fait, donne l'ordre que le personnel de la Défense

  3   territoriale présent dans différents secteurs de la Communauté croate

  4   d'Herceg-Bosna soit en possession d'un permis délivré par la police

  5   militaire du HVO; est-ce que ce n'est pas ceci qui est écrit dans ce texte

  6   ?

  7   R.  La police militaire de certaines municipalités, mais ceci ne concerne

  8   ni Mostar, ni Konjic, ni Jablanica, ni Gornji Vakuf, parce que les

  9   compositions sont mixtes. Ce qui est en cause ici c'est le désir de

 10   prévenir les trafics en tous genres et autres types d'actions criminelles

 11   qui avaient commencé à faire leur apparition à cette époque-là. Et la même

 12   remarque concerne tous les membres du HVO qui souhaitaient se déplacer,

 13   pour autant que je le sache.

 14   Q.  Mais il ne s'agit pas uniquement des trafics. Nous savons ce qui est en

 15   cause ici. C'est écrit tout en haut du document. Ce qui est en cause c'est

 16   la nécessité de contrôler le déplacement des formations paramilitaires en

 17   Herzégovine.

 18   R.  Mais où est-ce qu'on voit le mot paramilitaire, Monsieur ?Mme

 19   TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Excusez-moi, il y a un problème de

 20   l'interprétation anglaise, et c'est là que le problème commence, Monsieur

 21   Stringer. Parce que dans l'interprétation anglaise, il est écrit formations

 22   paramilitaires dans le titre du document, alors que dans l'original il

 23   s'agit de formations militaires et non de formations paramilitaires. M.

 24   Praljak peut lire la phrase dans sa langue, je parle du titre, je crois que

 25   c'est de là que découlent tout le problème et le malentendu.

 26   L'interprétation anglaise est erronée. Je pense que c'est une erreur

 27   importante et je pense qu'il importe au plus haut point de corriger cette

 28   erreur. M. Praljak peut permettre de corriger cette erreur en lisant

Page 43818

  1   l'intitulé qui sera interprété par les interprètes, et tout ceci figure sur

  2   les écrans.

  3   M. STRINGER : [interprétation]

  4   Q.  Je ne veux pas contester ce que vient de dire le conseil de la Défense,

  5   mais je lis les deux premières lignes du document du corps du texte qui

  6   commence par les mots anglais "In keeping with," "conformément à."

  7   R.  Je lis :

  8   "Conformément à la nécessité de contrôler les déplacements des formations

  9   militaires, "Vojni formatia", [phon] sur les territoires de l'Herzégovine

 10   qui sont contrôlés par le Conseil croate de Défense, j'ordonne."

 11   Donc il est question de toutes les formations militaires et de la nécessité

 12   de rétablir l'ordre. Il n'est question nulle part dans ce document de

 13   paramilitaires. Et d'ailleurs, si je me souviens bien, un ordre identique à

 14   celui-ci a été émis à l'intention du HVO et de ses membres.

 15   Q.  Donc, Monsieur, au sein de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, c'est

 16   la police militaire du HVO. Sauf pour les quatre municipalités déjà citées,

 17   donc c'est la police militaire du HVO qui va octroyer les permis de

 18   déplacement et qui se faisant va assurer le contrôle des endroits où se

 19   rendent les membres de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine,

 20   n'est-ce pas ?

 21   R.  Monsieur, vous ne cessez d'ajouter des choses. Ici, il n'est question

 22   que des territoires de l'Herzégovine dans le texte, et ce, uniquement dans

 23   les municipalités contrôlées par le HVO. Car les municipalités où il y a

 24   des Croates et des Musulmans sont exclues du texte, comme par exemple,

 25   Konjic, Jablanica. Dans ces municipalités, les permis en question étaient

 26   émis soit par la Défense territoriale soit par l'ABiH. Il y a eu plus de 10

 27   000 personnes qui ont utilisé de tel permis de se déplacer sur plusieurs

 28   millions de personnes.

Page 43819

  1   Q.  J'aimerais maintenant vous ramener au document précédent, à savoir la

  2   pièce P 00382, en date du 12 août 1992, car nous savons, Mon Général, qu'à

  3   partir du mois d'octobre 1992 et pendant tout le reste de la période, vous

  4   étiez associé au HVO, jusqu'au mois de novembre 1993. En effet, vous avez

  5   passé beaucoup de temps dans la région de Prozor. Les individus qui sont

  6   nommés à divers postes par M. Boban grâce à ce document, donc nommés par

  7   Boban ou par Kordic qui agit au nom de Boban, est-ce que vous avez su à

  8   quelque moment que ce soit qu'ils avaient affaire à Ilija Petrovic au début

  9   du mois d'octobre 1992 ? Et je vous poserai la même question pour Ilija

 10   Franic, commandant de l'état-major municipal du HVO.

 11   R.  D'abord, Monsieur Stringer, je rejette l'intégralité de vos

 12   affirmations et de votre constatation pour défaut de pertinence, car il n'y

 13   a rien dans toutes vos affirmations, ma réponse à votre question n'est

 14   fondée sur rien, savoir si je connaissais Ilija Petrovic ou si je

 15   connaissais Ilija Franic.

 16   Q.  Vous le connaissiez en octobre 1992 ?

 17   R.  J'ai fait sa connaissance au moment où je suis arrivé à Rama ou Prozor

 18   après les affrontements qui ont éclaté dans cette localité. J'ai rencontré

 19   ces deux hommes après ces affrontements.

 20   Q.  Ces deux individus ont-ils conservé leurs fonctions au sein du HVO,

 21   d'après ce que vous savez, jusqu'au 9 novembre 1993 ?

 22   R.  Je ne sais pas.

 23   Q.  D'accord. Point suivant, Mon Général, que j'aimerais vous soumettre,

 24   c'est une déposition que nous avons entendue en l'espèce il y a déjà pas

 25   mal de temps, je veux parler du témoignage de M. Omer Hujdur, qui a déposé

 26   le 20 juin 2006. Sa photo va apparaître sur les écrans grâce au système

 27   Sanction. Et si tout va bien, vous la verrez apparaître sur l'écran que

 28   vous avez devant vous, ce qui vous aidera peut-être à le reconnaître.

Page 43820

  1   Encore une fois, tout ceci est en rapport à certaines actions politiques du

  2   HVO dans la région de Prozor avant et après les affrontements qui ont

  3   éclaté.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, je regarde la photo et je vois

  5   qu'il y a les rideaux baissés derrière lui. Alors je n'ai pas -- je ne sais

  6   pas s'il y avait des mesures de protection ou pas. Est-ce que vous pouvez

  7   me vérifier cela ?

  8   M. STRINGER : [interprétation] J'ai vérifié, Monsieur le Président, il a

  9   témoigné en public. Sa déposition n'est pas protégée. Je ne sais pas

 10   pourquoi les stores sont baissés dans son dos.

 11   En fait, il a demandé des mesures de protection mais elles n'ont pas été

 12   accordées.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Très bien. On a l'explication.

 14   M. STRINGER : [interprétation]

 15   Q.  Mon Général, le 6 juin, et je m'apprête à vous lire un passage de sa

 16   déposition qui porte sur les programmes d'enseignement à Prozor. Vous avez

 17   passé pas mal de temps dans cette région durant votre jeunesse, et

 18   j'aimerais savoir si vous avez des renseignements dans ce domaine

 19   s'agissant de Prozor. Donc c'est une page du compte rendu d'audience qui

 20   peut être affichée sur les écrans pour que chacun puisse suivre.

 21   Page 12, ligne 12, je cite :

 22   "Question : Quand est-ce que la nouvelle année scolaire a commencé ou

 23   était censée commencer ?

 24   "Réponse : Si je me souviens bien, elle était censée commencer le 7

 25   septembre, mais l'année scolaire n'a pas repris avant l'attaque de Prozor,

 26   et elle s'est poursuivie en l'absence des Musulmans de Bosnie mais beaucoup

 27   plus tard. Donc l'année scolaire a été tout simplement interrompue.

 28   "Question : Pour continuer sur le sujet des programmes scolaires,

Page 43821

  1   lorsque les cours ont repris après l'attaque de Prozor, est-ce qu'à ce

  2   moment-là les cours ont repris sur la base de programmes d'enseignement

  3   croate ?

  4   "Réponse : Oui.

  5   "Question : A ce moment-là, et nous parlons de novembre ou décembre 1992,

  6   l'un ou l'autre de vos enfants a-t-il été soumis à ce nouveau programme

  7   scolaire ?

  8   "Réponse : Oui."

  9   Et puis je saute quelques lignes où il est question de ce qui s'est passé à

 10   Prozor. Je passe à la page suivante.

 11   Il déclare en ligne 5 de la page suivante :

 12   "Des actions importantes ont été menées pour que les gens qui avaient

 13   quitté Prozor puissent revenir. Malheureusement, des gens sont revenus,

 14   mais lorsque ces personnes sont revenues, j'espère que nous aurons

 15   suffisamment de temps pour discuter également de cela, les cours étaient

 16   organisés."

 17   Un peu plus loin, il dit :

 18   "Mon épouse est revenue également. Elle était enceinte à ce moment-là de

 19   quatre mois et nous avions déjà deux enfants, ou plutôt elle est rentrée

 20   accompagnée de deux enfants dont l'un était censé entrer en première année

 21   de primaire. Et le jour de la rentrée scolaire, après la présentation des

 22   uns et des autres, on lui a dit, une fois qu'il a prononcé son prénom et

 23   son nom de famille, qu'il aurait dû rester dans sa patrie qui est l'Herceg-

 24   Bosna et que la capitale de sa patrie était Mostar. Bien entendu, cet

 25   enfant n'a pas pu admettre cela. Et sa réponse a consisté à dire que sa

 26   patrie était la Bosnie-Herzégovine et que la capitale de sa partie était

 27   Sarajevo. Lorsqu'il a prononcé ces mots et qu'il a un peu insisté, il y a

 28   eu une réaction négative dont je préfère ne pas parler."

Page 43822

  1   Alors, Mon Général, est-ce que vous étiez au courant de

  2   l'introduction de programmes scolaires exclusivement croates dans les

  3   écoles à Prozor après les événements survenus à Prozor en octobre 1992 ?

  4   R.  Je ne sais rien de cela. Mais je sais qu'un énorme nombre de personnes

  5   est rentré grâce à mes actions, Monsieur Stringer --

  6   Q.  Merci, Général.

  7   R.  -- à ce que j'ai fait.

  8   Q.  Merci. Pièce suivante pour situer les choses dans le temps, P 00570.

  9   Comme nous le verrons dans ce document, la date du 10 octobre 1992 est

 10   citée, c'est-à-dire une date qui précède de peu votre arrivée à Prozor.

 11   Donc comme nous nous en souvenons tous, Mon Général, c'est à peu près à ce

 12   moment-là que vous avez été nommé par le président Tudjman au poste

 13   d'assistant du ministre de la Défense de la République de Croatie, n'est-ce

 14   pas ?

 15   R.  Cela s'était passé beaucoup plus tôt, Monsieur. Sur la base d'un autre

 16   document ou peut-être que quelque chose s'est passée entre-temps et qu'il a

 17   fallu rédiger ce nouveau document, mais enfin, moi je suis devenu assistant

 18   du ministre de la Défense au mois de mars 1992. Là, je ne sais pas

 19   exactement pour quelle raison le document que j'ai maintenant sous les yeux

 20   a dû être rédigé. Y a-t-il eu une modification quelconque, je ne sais pas.

 21   Q.  Etes-vous arrivé à Prozor en octobre 1992 et à ce moment-là occupiez-

 22   vous le poste d'assistant du ministre de la Défense; c'est bien ça ?

 23   R.  Exact.

 24   Q.  Pièce suivante, P 00608. C'est un rapport du SIS, le service

 25   d'information et de sécurité du HVO de Tomislavgrad. C'est Luka Markesic,

 26   chef des services de Sécurité qui est l'auteur de ce rapport. Nous avons

 27   déjà eu pas mal de rapports émanant de lui sous les yeux, Mon Général, et

 28   ici il évoque la situation qui prévaut dans la ville.

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  1   Nous parlons bien de Prozor à la date du 20 octobre. Il dit :

  2   "La situation se dégrade en ville depuis que le drapeau croate a été

  3   hissé sur le poste de police, ce qui a créé la possibilité que des

  4   affrontements à grande échelle éclatent en ville."

  5   Donc, Mon Général, ma première question sera la suivante de façon à ce que

  6   nous nous souvenions bien des faits. A quel moment exactement êtes-vous

  7   arrivé à Prozor ?

  8   R.  Dans un document il était écrit qu'il est arrivé le 26, 27, 28. Je ne

  9   parviens pas à me rappeler, Monsieur Stringer, peut-être le 27.

 10   Q.  Nous reviendrons sur ce point. Vous avez été envoyé par le président

 11   Tudjman à Prozor, si j'ai bien compris, avec le mandat de prévenir la

 12   guerre ou d'empêcher que n'éclate un conflit à Prozor. Est-ce que c'était

 13   cela votre mandat de façon générale ?

 14   R.  Non, Monsieur Stringer. Le conflit avait déjà éclaté. Franjo Tudjman et

 15   Alija Izetbegovic s'étaient entendus sur mon arrivée et j'ai été envoyé, on

 16   m'a demandé d'aller là-bas pour résoudre la situation dans la mesure du

 17   possible et rétablir une situation supportable. Et c'est ce que j'ai fait.

 18   Q.  Mais saviez-vous ou avez-vous appris qu'avant votre arrivée, un HVO

 19   municipal avait été mis en place par Dario Kordic au nom de Mate Boban, que

 20   le drapeau croate avait été hissé sur le poste de police et que la

 21   situation à Prozor était très tendue suite à ces deux actions ?

 22   R.  Non. A mon arrivée là-bas, je ne disposais pas, bien sûr, de ces

 23   éléments d'information, mais plus tard évidemment, je me suis efforcé de

 24   savoir quelles étaient les causes des affrontements. Quant à vous, bien

 25   sûr, selon votre habitude, vous n'avez cité que deux documents et pas la

 26   vingtaine de documents environ dont Luka Markesic est l'auteur et qui

 27   traitent de la question de savoir qui était à l'origine des affrontements,

 28   comment ils ont évolué, comment ils se sont développés et qui a allumé la

Page 43824

  1   mèche.

  2   Q.  Mon Général, lorsqu'on écoute votre version des événements dès lors que

  3   l'on parle de tensions dans les secteurs de Prozor, Gornji Vakuf ou

  4   ailleurs, si l'on vous écoute sur ce point, c'est simplement d'après vous

  5   parce que l'ABiH, dans ces localités, a créé des tensions et que le HVO,

  6   lui, n'avait rien fait pour que se développent ces tensions. C'est ce que

  7   vous dites. Or, le fait est que par sa prise de contrôle politique, le HVO,

  8   comme nous le voyons ici à Prozor, puisqu'il a hissé le drapeau croate sur

  9   le poste de police et qu'il a mis en œuvre un certain nombre d'autres

 10   actions, c'est pour cette raison que les tensions étaient si fortes dans

 11   des secteurs tels que Prozor en octobre 1992. Ceci n'est-il pas vrai ?

 12   R.  Non. 

 13   Q.  Je prends acte de votre réponse. Et je vais poursuivre. Il y avait un

 14   objectif politique, n'est-ce pas, de la part du HVO visant à prendre le

 15   contrôle de ces municipalités au sein de la HZ HB. Et bien entendu, vous-

 16   même, Tudjman et tous ceux qui étaient du côté du HVO souhaitaient éviter

 17   une guerre avec les Musulmans. Mais il n'en demeure pas moins que la guerre

 18   a résulté de cela et qu'on a recouru à la guerre du côté du HVO parce qu'on

 19   a compris qu'il était impossible d'atteindre ces objectifs sans recourir à

 20   la guerre. N'est-ce pas ce qui s'est réellement passé à Prozor au début ?

 21   R.  Non. Rien de tout cela n'est exact. Tout cela ne représente que votre

 22   propre désir de dépeindre les choses ainsi. Or cela n'apparaît ainsi dans

 23   aucun des documents. Le HVO, le HDZ n'avaient rien à conquérir à Rama. Nous

 24   avons remporté les élections, Monsieur Stringer. Là-bas, les gens

 25   appartenaient à un peuple qui était un peuple constitutif. Mais Izetbegovic

 26   dit : Pas même les cantons, nous n'accepterons d'en avoir. Si vous acceptez

 27   d'avoir des cantons au sein d'un Etat unitaire, vous êtes un traître, vous

 28   êtes un perdant. Alors, je vous en prie, Monsieur Stringer.

Page 43825

  1   Q.  Vous affirmez que parce qu'ils avaient remporté les élections à Prozor,

  2   ils avaient le droit de rejeter la constitution, d'en faire fi et de mettre

  3   sur pied un quartier général municipal du HVO en tant que présidence de

  4   guerre au terme de la constitution ?

  5   R.  C'est inexact, Monsieur Stringer. Tout cela a fait l'objet

  6   d'éclaircissements à plusieurs reprises. Nous avons donné lecture de la

  7   constitution. Nous avons essayé de continuer à accomplir les tâches qui

  8   étaient les nôtres. M. Tudjman accomplissait ses devoirs d'une façon non-

  9   conforme à la constitution, à l'exception de ce qui était son impréparation

 10   à la guerre. Mais tout cela ne vous intéresse pas, Monsieur Stringer. Moi,

 11   j'ai fait le travail qui était le mien suite aux tueries qui se sont

 12   produites et au conflit qui a éclaté. J'ai fait ma part du travail au mieux

 13   que je pouvais, et je pense que j'ai eu un certain succès.

 14   Q.  Je crois qu'il y a une correction que l'on doit faire au compte rendu

 15   d'audience, Monsieur le Président, bien que je ne sois pas sûr d'où vienne

 16   l'erreur, est-ce qu'elle provient du témoin ou des interprètes. En

 17   commençant à la page 18 de la page précédente, le général dit: "Cela a été

 18   expliqué à plusieurs reprises, et mis à part le fait de ne pas se préparer

 19   à la guerre, M. Tudjman accomplissait les tâches qui étaient les siennes

 20   d'une façon non-conforme à la constitution." Donc il a élaboré une

 21   constitution d'une façon qui n'était pas conforme à la constitution. Mais

 22   je pense que le général ne se référait pas ici au président Tudjman, n'est-

 23   ce pas ?

 24   R.  En effet, c'était de M. Izetbegovic que je parlais.

 25   Q.  Passons à la pièce suivante, Général. C'est la pièce       P 00602.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a une question qui était très importante et qui

 27   mérite une explication complémentaire. 

 28   M. Stringer vous dit que l'objectif politique était de prendre le

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  1   contrôle des municipalités. Et pour y arriver, il fallait recourir à la

  2   guerre. Donc c'est ce qu'il pense, c'est sa thèse. Alors arrive l'événement

  3   de Prozor et nous savons que vous avez été là-bas. Alors j'essaie de

  4   comprendre votre venue avec la théorie du Procureur. Si le Procureur a

  5   raison, c'est qu'il y a quelqu'un qui a décidé du contrôle politique, soit

  6   Mate Boban, soit d'autres, soit à Zagreb. Le contrôle politique tel que le

  7   Procureur vous l'a montré par ce fameux document où il y a des nominations,

  8   on peut considérer que ce document va dans le sens de cette thèse. Et puis,

  9   on vient de voir un document intéressant qui montre que la question du

 10   drapeau a entraîné des problèmes. Donc le scénario d'après le Procureur,

 11   moi, c'est le scénario du Procureur : décision de prise de contrôle

 12   politique, mise en œuvre par le document qu'on a vu des nominations, puis

 13   action par ce drapeau et événement. Et à ce moment-là, vous, vous allez

 14   arriver après où vous nous l'avez expliqué pour calmer le jeu, libérer les

 15   gens, et cetera. Partant de là, un juge raisonnable peut se dire : dans

 16   quel contexte M. Praljak vient, s'il y a ce projet politique, et quelle est

 17   la logique de sa venue dans le cadre de ce projet ? Voilà. Sur la thèse de

 18   M. Stringer que vous avez contestée, mais il y a des documents et il faut

 19   expliquer les documents, parce que les documents vont dans le sens où M.

 20   Stringer vous explique : voilà ce qui s'est passé.

 21   Alors, comment, à votre niveau, vous expliquez qu'on a décidé de

 22   nommer des individus dans les municipalités alors que théoriquement, la

 23   voie naturelle c'est l'élection ? Comment vous expliquez cela ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, cette affaire est très

 25   volumineuse et je comprends cela. Mais nous avons versé 40 documents

 26   pertinents sur cet aspect précis quant à la question de savoir qui fuit les

 27   lignes, comment ils s'arment clandestinement, comment ils refusent de

 28   reconnaître les autorités. Ici, nous avons, si vous voulez, une nomination

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  1   à caractère militaire.

  2   Pour autant que j'en aie été mis au courant et que je l'aie su, il y

  3   avait là-bas une autorité qui ne respectait même pas les règles

  4   fondamentales de la démocratie telles qu'elles prévalent en Occident. En

  5   Occident, lorsqu'un parti remporte les élections, il procède à la formation

  6   des autorités au pouvoir, mais cela ne valait pas là-bas. Par exemple, on

  7   avait le parti croate du HDZ et le parti musulman du SDA qui se

  8   partageaient le pouvoir proportionnellement au nombre de voix remportées au

  9   cours des élections, et c'est ainsi qu'ils procédaient. Il y avait deux

 10   options politiques, Messieurs les Juges : soit la politique unitaire, la

 11   politique d'une Bosnie-Herzégovine unitaire d'une part, soit d'autre part

 12   la politique visant à la défense des droits du peuple croate qui consistait

 13   à donner une voix à ce dernier, au peuple croate, pour ce qui était des

 14   décisions prises concernant l'aménagement intérieur de la Bosnie-

 15   Herzégovine.

 16   Alija Izetbegovic, lui, avait obtenu des frontières pour cet Etat,

 17   mais un peuple souverain constitutif devait participer aux discussions pour

 18   ce qui était de l'aménagement intérieur, premièrement. Deuxièmement --

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Je dois vous interrompre parce que vous commencez à

 20   répondre, et puis vous allez dans une autre dimension. Vous venez de donner

 21   une réponse qui peut être satisfaisante. Sur le document, vous dites, on a

 22   nommé des individus pour des raisons militaires, parce que la municipalité

 23   de Prozor, si je comprends bien, ne jouait pas le jeu, et donc vous

 24   intervenez. C'est suffisant comme réponse. Pourquoi aller après à déborder

 25   sur les frontières ? Essayez de vous limiter à des réponses très précises,

 26   parce que sinon, la réponse que vous apportez, qui peut avoir une valeur

 27   probante, elle est totalement noyée par d'autres arguments qui sont

 28   beaucoup plus éloignés. Donc moi je vous pose une question : pourquoi ce

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  1   document qui semble correspondre à la thèse du Procureur sur la prise de

  2   contrôle politique; vous, vous répondez : Non, c'est des nominations

  3   militaires, et vous expliquez pourquoi. Voilà. Et puis vous arrêtez là

  4   parce que sinon vous allez noyer votre réponse dans des considérations où

  5   tout le monde va se dire : c'est difficile à comprendre, ce qu'il dit.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] J'accepte cela tout à fait, je le comprends.

  7   Je comprends que parfois je m'aventure un peu trop loin, et je fais cela

  8   car j'ai beaucoup de mal à accepter cette approche partielle, comme j'ai

  9   déjà dit. Et pour répondre à cette deuxième partie de votre question, on

 10   m'a prié de me rendre sur place, comme vous préférerez, de cette façon que

 11   j'ai décrite. Tudjman tapait du poing sur la table après son entretien avec

 12   Izetbegovic. Il m'a dit : Va là-bas, rends-toi sur place, nous ne voulons

 13   pas de guerre avec les Musulmans. Alors essayons de prendre en compte un

 14   petit peu les choses de façon pragmatique. En un mois et demi j'ai réussi à

 15   obtenir ce dont nous avons parlé là-bas sur place.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, en quatre lignes, vous pouvez

 17   répondre à mes questions. Un, c'est Tudjman qui m'envoie en disant : Nous

 18   ne voulons pas la guerre avec les Musulmans. Ça, ça fait une ligne. Et

 19   deux, ce document, c'était des nominations à caractère militaire parce que

 20   les autres ne voulaient pas jouer le jeu. Terminé. Voilà.

 21   Oui, Maître Alaburic.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre

 23   permission, je pense qu'il serait important, pour éviter d'éventuels

 24   malentendus, de préciser une chose : le général Praljak n'a pas dit que ce

 25   document, signé par M. Kordic au nom de Mate Boban, représentait une

 26   nomination de commandant militaire. Je voudrais juste qu'on évite des

 27   malentendus à l'avenir. Si on observe ce document avec précision, qui est

 28   la pièce P 382, on verra qu'il s'agit d'une nomination de membres de la

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  1   branche civile du HVO à Prozor, et que l'avant-dernière personne qui est

  2   ici citée est le commandant du HVO municipal dans son aile militaire. Donc

  3   je voudrais juste qu'on évite des malentendus ultérieurs en clarifiant

  4   cela.

  5   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Q.  Alors nous venons d'examiner la pièce P 00608, qui est le rapport de

  7   Luka Markesic concernant les conséquences qui ont suivi le moment où le

  8   drapeau croate a été hissé. Et en cette même journée, un autre événement a

  9   eu lieu à Prozor qui pourrait avoir eu des conséquences du point de vue des

 10   tensions. C'est notre pièce suivante, la pièce P 00602. Ce que vous voyez,

 11   Général, c'est qu'en cette date, le général de brigade Milivoj Petkovic a

 12   émis un ordre demandant de bloquer immédiatement toutes les routes, cela

 13   est adressé au HVO de Prozor, de Gornji Vakuf, ainsi que des autres

 14   municipalités qui sont ici précisées. Il est dit :

 15   "Utiliser tous les effectifs disponibles afin d'arrêter les unités de la

 16   Défense territoriale dans leur mouvement en direction de Travnik."

 17   Et rédiger un rapport concernant la situation sur votre territoire.

 18   Nous connaissons qu'il y a eu des conflits, un certain nombre d'événements

 19   entre le HVO et la Défense territoriale ou l'ABiH en Bosnie centrale, à ce

 20   moment-là ou à peu près à ce moment-là. Alors Général, à Prozor, encore une

 21   fois avant votre venue, nous avons vu que le HVO prend le contrôle

 22   politique de la municipalité du point de vue civil. Nous avons vu ces

 23   tentatives de hisser le drapeau croate à Prozor, et nous voyons maintenant

 24   que le HVO s'efforce de bloquer les mouvements des unités de la Défense

 25   territoriale dans ces municipalités, qui incluent Prozor, afin de les

 26   empêcher d'avancer vers Travnik.

 27   Mais encore une fois, nous avons une nouvelle situation dans laquelle

 28   le HVO s'efforce d'établir son contrôle sur la municipalité de Prozor; est-

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  1   ce exact ?

  2   R.  Monsieur Stringer, vous faites encore une fois état d'un très grand

  3   nombre d'affirmations et je vais essayer de vous répondre en vous disant ce

  4   qu'il en est de ces différentes thèses que vous avancez, que je remets en

  5   question à 100 %. J'estime que c'est un interrogatoire qui n'est pas

  6   convenable.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, excusez-moi de vous couper la

  8   parole. La réponse peut être très simple. On a un document du général

  9   Petkovic qui dit : Bloquer toutes les forces qui font mouvement vers

 10   Travnik. C'est un document militaire qui émane de l'autorité militaire qui

 11   ici se trouve n'a rien à voir avec la question d'objectif politique et qui,

 12   a priori, appelle une réponse militaire. Et voilà qu'au lieu de répondre en

 13   termes militaires, vous vous avancez à nouveau dans d'autres terrains.

 14   Parfois je me demande est-ce que vous comprenez la question que le

 15   Procureur pose, parce que là la question est ultra simple.

 16   Dans sa thèse, il vous dit : Voilà, il y a ce document qui montre que

 17   beaucoup de documents ont été pris pour le contrôle politique, alors même

 18   que c'est un document de nature militaire. Vous, vous pouviez dire : Non,

 19   vous vous trompez, parce qu'à Travnik, il y a déjà les forces de l'AbiH.

 20   Nous, nous ne voulions pas qu'il y ait à ce moment-là la consistance d'une

 21   unité plus importante, donc on gèle les uns et les autres sur place, d'où

 22   l'ordre. Moi, je pensais que vous alliez dire ça. Et voilà que vous partez

 23   sur d'autres voies. Alors avant de répondre à une question, essayez de

 24   comprendre la question qui est posée, et puis après vous répondez. Je sais

 25   bien que vous êtes accusé, vous vous dites la question, elle est pour me

 26   coincer. Parfois peut-être, mais peut-être parfois non. C'est pour

 27   expliquer un document.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je répondrai très

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  1   clairement à une question comme celle-là en disant que j'ignore tout ce

  2   dont il est question dans ce document, et je n'avais aucun autre rôle à ce

  3   moment-là, en dehors de l'apaisement de la situation. Ceci dit, reportez-

  4   vous à l'exposé auquel s'est livré M. Stringer. Vous avez hissé le drapeau

  5   croate. Autrement dit, vous êtes coupable si vous hissez le drapeau croate.

  6   Il faut vous tuer, vous avez commis un crime. Mais ce n'est pas un crime

  7   que de hisser le drapeau croate, donc revenez à cette introduction de M.

  8   Stringer où il introduit trois éléments. Et puis ensuite dans la quatrième

  9   thèse qu'il avance, il ne me pose pas en fait une question sur le document

 10   à proprement parler. Quant à ce document, ma réponse est tout à fait claire

 11   : j'ignore tout de ce dont il est question ici et le drapeau croate peut

 12   être hissé là où il est un peuple constitutif.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ignore tout de ce document et puis c'était ce

 14   qu'il fallait dire.

 15   Monsieur Stringer.

 16   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Q.  Alors en fait, à ce stade, Général, une bonne partie des événements qui

 18   ont eu lieu à Prozor avant votre arrivée vous étaient inconnus, semble-t-

 19   il. Vous ne saviez pas, vous ne connaissiez pas cet incident du drapeau,

 20   n'est-ce pas, vous ne connaissez pas cette tentative de blocage des routes

 21   ?

 22   R.  Non.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Stringer, mais

 24   vous posez deux questions, l'une sur le drapeau, l'autre sur le blocage des

 25   routes. La réponse était non, mais nous ne savons pas si la réponse était

 26   non aux deux questions ou à l'une des deux seulement. Donc je vous prierais

 27   de bien vouloir séparer ces deux éléments.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Entendu.

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  1   Q.  Etiez-vous au courant de cet incident avec le drapeau dont Luka

  2   Markesic fait état ?

  3   R.  Non, je n'étais pas au courant et je ne suis pas d'accord avec cette

  4   qualification "d'incident."

  5   Q.  Donc s'il y a un niveau de tension élevé à Prozor, à un niveau

  6   tellement élevé qu'il en résulte un conflit, comme vous l'avez dit, et

  7   quelle que soit la raison sous-jacente de ces conflits, vous ne savez pas

  8   dans quelle mesure c'est le comportement du HVO qui a pu y contribuer,

  9   parce que vous n'étiez pas sur place à ce moment-là, n'est-ce pas ?

 10   R.  A l'époque où je suis arrivé, au moment où je suis arrivé, je ne le

 11   savais pas. Ensuite, j'ai appris à peu près tout ce qu'il y avait à savoir

 12   sur ce sujet.

 13   Q.  La pièce suivante est la pièce P 00628.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, sur la question du drapeau, vous

 15   avez pris position tout à l'heure. Je vous ai écouté et je suis obligé de

 16   vous poser la question suivante : vous connaissez l'importance des drapeaux

 17   sur les mortalités. Vous savez que parfois quand X met un drapeau qui ne

 18   plait pas à Y, ça entraîne tout un enchaînement.

 19   Rappelez-vous Borovo Selo. Alors ce qui serait intéressant de savoir, est-

 20   ce qu'au niveau du HVO, mais composante militaire, il y a eu des ordres

 21   très précis dans un sens ou dans l'autre sur la question de ce fameux

 22   drapeau ? Est-ce qu'il avait été encouragé aux Croates de mettre le drapeau

 23   sur les bâtiments municipaux, aux fenêtres de leurs maisons, je ne sais

 24   pas, ou bien il n'y a eu aucun ordre en ce sens, et ce sont les individus

 25   locaux qui ont décidé de se dire : Tiens, on va mettre le drapeau parce que

 26   ça nous caractérise. Alors qu'est-ce que vous pouvez nous dire en la

 27   matière. Parce que le drapeau est parfois l'élément qui va déclencher toute

 28   une série d'événements.

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  1   Alors y a-t-il eu des ordres ou bien ce sont des individus qui ont décidé

  2   de mettre le drapeau ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a eu aucun ordre, pour autant que je

  4   sache. Moi, en tout cas, je n'ai donné aucun ordre à cet effet. Pour autant

  5   que je sache, il n'y a eu aucun ordre à cet effet. Je pense simplement

  6   qu'il ne fallait empêcher personne de le faire si cette personne le

  7   souhaitait. Il faut respecter cela.

  8   En 1992, aussi, personnellement, j'ai fait cela, et Luburic l'a fait

  9   également, vous avez pu le voir dans le document pertinent. Nous avons

 10   distribué l'emblème de la fleur de lys aux membres de l'ABiH afin qu'ils

 11   puissent les porter, afin qu'ils puissent se sentir sur un pied d'égalité,

 12   et cela a été respecté pendant toute l'année 1992. Le principe était de

 13   respecter l'autre autant que l'on s'aimait soi-même. Mais ici, l'autre

 14   partie n'avait pas ce type de respect.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, vous avez répondu en disant qu'il n'y a pas eu

 16   d'ordre en la matière. Très bien. C'est au transcript.

 17   Il est l'heure de faire la pause et M. Stringer continuera bien entendu

 18   après.

 19   --- L'audience est suspendue à 17 heures 35.

 20   --- L'audience est reprise à 17 heures 56.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. Monsieur Stringer.

 22   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Q.  Général, le document suivant que je souhaiterais vous présenter est la

 24   pièce P 00628. Je vois que vous l'avez, très bien. Ce document est daté du

 25   23 octobre 1992. Ce document émane de la présidence du HVO de Prozor. Le

 26   document porte un certain nombre de signatures. Je ne peux pas identifier

 27   chacune d'entre elles. En tout cas, cela s'adresse aux représentants civils

 28   et militaires des Musulmans dans la municipalité de Prozor, et l'objet est

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  1   "Nos propositions pour venir à bout de la situation politique et

  2   sécuritaire telle qu'elle a été nouvellement créée."

  3   Et il y a ici cinq points au terme desquels la présidence du HVO

  4   municipal et le commandement du HVO formulent les exigences qui sont les

  5   leurs, ou leurs demandes, si je puis présenter les choses ainsi, adressées

  6   aux représentants militaires et civils des Musulmans. Cela comprend un

  7   arrêt urgent et sans condition de toutes les activités de combat,

  8   l'insistance également pour ce qui est de voir des soldats du HVO déployés

  9   sur la ligne de front afin qu'ils puissent se battre contre les Serbes. Au

 10   numéro 3 --

 11   R.  Non, non, non. Il est écrit "Déploiement de vos soldats," donc de

 12   soldats de l'ABiH.

 13   Q.  Oui, vous avez raison. Donc le HVO demande que l'ABiH envoie des

 14   soldats, ses propres soldats sur la ligne de front.

 15   Ensuite, au point 3, il s'agit de retirer toutes les unités armées de

 16   l'ABiH de la ville. Au point 4 : "Qu'il soit octroyé libre passage aux

 17   unités de la police militaire qui ne sont pas de notre municipalité afin

 18   qu'elles puissent se rendre à leur destination finale conformément à leur

 19   ordre de mission."

 20   Et enfin, au point 5 : "Insistance pour voir acceptée de façon

 21   urgente et sans délai l'organisation civile et militaire du HVO de la HZ HB

 22   au sein de laquelle participeront également et de façon proportionnelle les

 23   représentants du peuple musulman.

 24   Alors, Général --

 25   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je dois dire qu'il y

 26   a beaucoup de bavardage dans le prétoire et je dois dire que cela est

 27   quelque peu perturbant pour moi, et je pense que notre tâche est déjà assez

 28   difficile sans que nous ne soyons distraits de surcroît.

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  1   Q.  Première question, Général, est-ce que vous étiez familier avec ce

  2   document à l'époque ?

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il me semble que M. Petkovic voulait

  4   prendre la parole.

  5   Mme ALABURIC : [interprétation] Excusez-moi. Je voudrais juste dire que le

  6   général Petkovic a essayé d'attirer mon attention sur une erreur qui s'est

  7   glissée, me semble-t-il, dans l'interprétation qui a été faite des propos

  8   de M. Stringer en page 75, ligne 8. Il s'agit du point 3 du présent

  9   document. Dans ce point 3, il ne s'agit pas des unités de l'ABiH, ni dans

 10   l'original en croate, ni dans la traduction anglaise. Il y est question, en

 11   revanche, de la nécessité de retirer de la ville toutes les unités armées.

 12   Donc la traduction anglaise de ce document est correcte, mais en ligne 8 de

 13   la page précédente du compte rendu d'audience, M. Stringer mentionne le

 14   retrait des unités de l'ABiH, ce qui n'est pas une interprétation correcte

 15   du document que nous avons sous les yeux. C'est ce sur quoi mon client

 16   essaie d'attirer mon attention, et je voudrais m'excuser pour

 17   l'interruption que cela occasionne dans le contre-interrogatoire.

 18   M. STRINGER : [interprétation] C'est exact, en effet, et je vous prie de

 19   bien vouloir m'en excuser. Il est simplement indiqué ici : "Retirer toutes

 20   les unités armées de la ville." Il n'est pas indiqué la moindre

 21   appartenance de ces unités armées.

 22   Q.  Général, ma première question consistait à vous demander si vous aviez

 23   connaissance de ce document, si vous en avez pris connaissance au moment où

 24   vous êtes arrivé à Prozor ?

 25   R.  J'en ai pris connaissance a posteriori. Donc j'ai pris connaissance de

 26   toutes les propositions qui avaient été les leurs ainsi que des événements

 27   qui s'étaient produits et des faits. Pour autant que je m'en souvienne, il

 28   me semble que j'étais au courant de ceci également que nous avons sous les

Page 43837

  1   yeux, mais cela s'est produit plus tard, lorsque la situation s'est

  2   apaisée.

  3   Q.  Conviendrez-vous avec moi pour dire qu'en réalité il y a eu une

  4   recrudescence du conflit ultérieurement à la date où ce document a été

  5   émis, à savoir le 23 octobre 1992, le conflit s'est intensifié, n'est-ce

  6   pas ?

  7   R.  Non, non. On demande déjà ici un arrêt des activités de combat, donc le

  8   conflit a déjà commencé. Cette date ne correspond pas à une date antérieure

  9   au conflit, mais c'est probablement en soirée du 23 octobre, à un moment où

 10   le conflit a déjà commencé. Je ne peux pas le dire avec exactitude, mais

 11   ici on dit que le conflit est déjà commencé, et ils envoient un appel aux

 12   représentants civils et militaires des Musulmans de la municipalité de

 13   Prozor, bien entendu, parce qu'ils avaient aussi bien une organisation

 14   civile que militaire, tout comme le HVO avait une organisation civile et

 15   militaire.

 16   Q.  Dans ce document ils insistent pour que la structure civile et la

 17   structure militaire du HVO soient reconnues, acceptées par les

 18   représentants militaires et civils des Musulmans, n'est-ce pas ?

 19   R.  C'est ce qui est écrit ici, mais il est important de dire aussi que les

 20   Musulmans sont censés participer de façon importante à la structure, ce qui

 21   montre que l'on essayait de mettre en place un Etat multiethnique où les

 22   différents représentants étaient censés participer de façon

 23   proportionnelle.

 24   Q.  Mais participer à la structure du HVO, n'est-ce pas ?

 25   R.  C'est ce qui est écrit ici. C'est ainsi que le HVO a procédé. Il y

 26   avait des unités également à Mostar, et c'est de la même façon de façon

 27   symétrique que le HVO acceptait la situation qui prévalait à Tuzla, à Brcko

 28   et ailleurs. C'est ainsi que l'on procédait en temps de guerre, et c'est

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  1   ainsi qu'il était possible de mettre sur pied une bonne organisation.

  2   Q.  A votre connaissance, Général, est-ce que les représentants civils et

  3   militaires des Musulmans à Prozor ont accepté ces conditions, ces

  4   exigences, ou les ont-ils rejetées ?

  5   R.  Pour autant que je m'en souvienne, nombre de ces propositions ont

  6   ultérieurement été acceptées, et ce, jusqu'en 1993. Il a existé deux

  7   structures séparées qui ont coopéré. On a de nouveau été sur la ligne de

  8   front ensemble.

  9   Q.  Nous reviendrons sur ce qui s'est passé lors des mois ultérieurs.

 10   La pièce suivante est le document P 00642. Nous avons ici la date du

 11   24 octobre 1992, C'est un ordre émanant du colonel Siljeg concernant le

 12   contrôle exercé sur le territoire. Je soutiens ici, Général, qu'il s'agit

 13   d'un ordre d'attaque adressé au HVO, demandant que la Brigade de Rama

 14   engage toutes ses forces présentes dans la municipalité de Prozor et à

 15   Prozor même sous le commandement de la Brigade de Rama, de cette partie des

 16   forces du HVO. Il s'agit de mettre un terme à toutes les activités de

 17   combat dirigées contre les forces du HVO. Ensuite, le document poursuit.

 18   Nous pouvons tous en prendre connaissance.

 19   Général, en réalité, cela nous montre que les représentants civils et

 20   militaires des Musulmans n'ont pas accepté les exigences ou les demandes du

 21   HVO municipal telles qu'elles étaient exprimées dans le document précédent

 22   que nous avons examiné, la pièce P 00628, n'est-ce pas ?

 23   R.  Je l'ignore. Ici, selon moi, il s'agit déjà d'une question complètement

 24   différente, à savoir que le conflit existait. A partir des documents dont

 25   j'ai disposé qui ont été présentés dans ce prétoire, on a vu que l'"armija"

 26   avait déjà un plan qui avait été élaboré pour attaquer Prozor. Ces

 27   documents ont déjà été présentés et les Juges prendront leur décision à cet

 28   égard.

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  1   Q.  Général, vous dites donc que vous ne savez pas si ceci est un résultat,

  2   une conséquence de l'acceptation ou du refus par les autorités musulmanes

  3   de ces conditions qui avaient été avancées précédemment ?

  4   R.  Je ne vois pas de lien entre ces deux documents. Personnellement, je ne

  5   vois pas ce lien.

  6   Q.  Très bien. Le document suivant porte la cote P 00647. Il s'agit d'un

  7   rapport adressé au colonel Siljeg concernant la situation sur le terrain à

  8   la date et l'heure indiquée, 18 heures 10, 24 octobre 1992. Cela émane du

  9   commandant Jure Smidt, et il est dit, je cite :

 10   "Les activités de combat incessantes sur les villes de Prozor et du

 11   lac de Rama sont sous le contrôle du HVO de Prozor" --

 12   R.  Le HVO.

 13   Q.  -- oui. Nous avons ici dans la traduction la mention de HV, qui est

 14   incorrecte. C'est le HVO. Je continue, je cite : Ces deux zones sont

 15   éthiquement pures. La population musulmane a été emprisonnée ou s'est

 16   enfuie.

 17   Alors, Général, cela suggère, pour le moins clairement, que des activités

 18   de combat se déroulaient à Prozor et dans les zones du lac de Rama pendant

 19   cette journée du 24 octobre 1992 et au moins jusqu'à 18 heures 10 ce jour-

 20   là, n'est-ce pas ?

 21   R.  Je ne sais pas, Monsieur Stringer. Il est écrit ici ce qui est écrit.

 22   Je ne comprends pas de quoi il s'agit.

 23   Q.  Vous n'avez aucune raison de remettre en question ce qui figure ici,

 24   n'est-ce pas ?

 25   R.  Si j'ignore tout de quelque chose, évidemment je n'ai aucune raison de

 26   le remettre en question. Si je l'ignore, je l'ignore.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites : j'ignore tout du document. Très bien.

 28   Mais quand on ignore un document, ce n'est pas pour autant que vous ne

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  1   pouvez pas apporter votre point de vue sur le document. Vous, vous refusez

  2   à cela. Très bien, mais vous êtes là pour la manifestation de la vérité.

  3   C'est ce que vous nous avez dit. Raison de plus de dire, raison de plus. Il

  4   y a une phrase terrible dans le document.

  5   Comprenez-moi. Je reste les bras croisés. J'écoute le Procureur vous

  6   poser la question. Vous dites : je ne connais pas le document, et le

  7   Procureur, il passe à autre chose. Puis quand les Juges vont délibérer,

  8   qu'est-ce qu'ils vont dire ? "Tiens, à la ligne 3, voilà ce qu'il y a écrit

  9   : il y a deux zones qui sont éthiquement pures. La population musulmane a

 10   fui ou est détenue." Donc, un Juge raisonnable, qui ne va pas au bout des

 11   choses, qui se contente de ce qu'il a sous les yeux, il peut arriver à une

 12   conclusion.

 13   Essayez d'expliquer pourquoi il y a cette phrase qui est dedans,

 14   pourquoi l'auteur de ce document fait référence à des zones qui sont pures,

 15   parce qu'on est au cœur de l'entreprise criminelle. Or vous, vous dites :

 16   "Je ne connais pas ce document," et ne dis rien. Très bien, mais voyez que

 17   ça peut avoir un effet boomerang. Moi, en tant que Juge, je suis obligé

 18   d'appeler votre attention en disant : attention, je fais un warning. Je

 19   vous dis, voilà, il y a une phrase incriminante. Il vaudrait peut-être

 20   mieux que vous donniez une réponse, alors. C'est à vous de nous répondre.

 21   D'abord, qui est l'auteur de ce document ? Vous ne le savez peut-être

 22   pas, et cetera. Vous avez peut-être quelque chose à dire, puisque vous êtes

 23   là pour la manifestation de la vérité.   

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Si on

 25   m'avait posé la question ainsi, j'aurais fourni une explication. Lorsque de

 26   ma propre initiative j'essaie d'expliquer les choses, on m'interrompt.

 27   Jure Smidt est un Allemand. Il a la citoyenneté allemande et il

 28   parlait à peine la langue. Il est décédé ultérieurement, mais lorsque j'ai

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  1   fait brièvement sa connaissance, il parlait à peine le croate. Comment il a

  2   réussi à rédiger cela, je l'ignore. Mais moi, ce que j'affirme, c'est qu'il

  3   n'a absolument pas la moindre idée de ce que c'est que le nettoyage

  4   ethnique. Il a probablement voulu dire ici ce qui est écrit, à savoir que

  5   cette population qui s'est retrouvée coincer lors de ces combats soit a été

  6   emprisonnée, soit s'est enfuie. Moi ensuite, j'ai libéré tous ces

  7   prisonniers. En plus, il ne parle pas ici de prisons, mais de garde à vue,

  8   et les autres se sont enfuis. On voit ici d'où les personnes se sont

  9   enfuies et qui attaque qui. Quatre-vingt-dix pour cent de ceux qui ont fui

 10   à l'époque devant les combats, évidemment, sont ensuite revenus. Tous ceux

 11   qui étaient emprisonnés ont été libérés de prison.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, vous voyez le document, comme moi

 13   je le vois. Vous constatez qu'il adresse, ce document, au colonel Siljeg.

 14   C'est rajouté en personne. Donc, on peut, peut-être, penser qu'il y a un

 15   lien entre ce Smidt et le colonel Siljeg. Il lui fait un rapport sur la

 16   situation à 18 heures 10, et il rajoute une appréciation sur la question

 17   ethnique. Peut-être c'est une hypothèse, qu'avant il y a eu un contact

 18   entre Siljeg et celui-là pour régler ce problème, et lui, il en rend compte

 19   fidèlement, un soldat qui exécute les ordres. C'est peut-être faux, mais

 20   quelqu'un peut se dire : Tiens, il répond peut-être à une demande de son

 21   supérieur hiérarchique, puisqu'il lui envoie en personne un compte rendu,

 22   et à l'origine il avait peut-être reçu l'ordre, et là il faut apporter une

 23   réponse.

 24   Vous dites il était allemand. Il ne maniait pas la langue. Il a peut-

 25   être fait une erreur. Peut-être. Simplement, vous remarquerez que le

 26   document, j'ai l'impression que c'est une transmission par paquets, et que

 27   si ça se trouve, c'est un autre soldat croate, peut-être, qui a fait le

 28   texte, lui ayant donné les ordres. Mais c'est peut-être le soldat qui en a

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  1   rajouté. Tout est possible, parce qu'en face de combat les chefs, ils sont

  2   en première ligne. Ils ne sont pas derrière le téléscripteur pour vérifier

  3   tout ce qui est écrit. Si ça se trouve, c'est peut-être un soldat qui en a

  4   rajouté. Je ne sais pas. Je n'étais pas là. Mais si vous vous contentez,

  5   Général Praljak, de dire à M. Stringer, ce document, je ne le connais pas

  6   sans aborder les questions de fond, je dis attention.

  7   Donc, votre réponse est de dire c'est un Allemand qui ne connaît pas

  8   la langue, d'où cette mention. Mais là aussi, si le colonel Siljeg était

  9   devant moi, j'aurais pu lui dire : Colonel, vous recevez cela d'un

 10   subordonné. Il parle dépuration ethnique. Il répondait à une demande de

 11   vous ou pas ? Si le colonel Siljeg dit : "Mais moi, je ne lui ai jamais dit

 12   quoi que ce soit," alors je lui dirais : "Mais comment se fait-il que vous

 13   n'avez pas ensuite convoqué l'intéressé pour lui demander des explications

 14   ?"

 15   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Avant que l'on ne réponde, j'aurais

 16   une question technique, mais puisque le Président Antonetti a mentionné

 17   quelque chose, il a dit que Smidt ne savait pas parler croate, et je

 18   souhaite attirer votre attention sur l'écriture manuscrite, apparemment

 19   l'original en croate. Il me semble que c'est Jure Smidt qui a écrit cela,

 20   et ce n'est pas tout à fait bien écrit en croate. Il y a des erreurs, mais

 21   je laisse l'appréciation à ceux qui parlent croate. Mais de toute évidence,

 22   il me semble que c'est quelqu'un qui est revenu d'Allemagne et qui est venu

 23   combattre dans les rangs du HVO.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai bien dit qu'il

 25   maîtrisait le croate. Une fois j'ai parlé avec lui, il dit ethniquement

 26   pur. Il ne dit pas nous avons ethniquement quelque chose, donc. Il dit que

 27   dans ces zones que c'est quelque chose qui est arrivé aux Musulmans. Mais

 28   regardez ce qu'il dit en bas : "Toute conversation avec des représentants

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  1   de la TO est impossible," dit-il "vu la situation nouvellement créée."

  2   Puis il dit :

  3   "Nous allons tenter pendant la nuit opérer une percée ou atteindre

  4   Bugojno à cause de la conversation, c'est-à-dire établir un contact

  5   physique avec des représentants de la TO."

  6   Donc, pendant ce conflit il y a eu un contact interrompu brièvement.

  7   Ce qu'il veut c'est se rendre à Bugojno pour s'entretenir avec la TO, parce

  8   qu'à Bugojno la situation entre le HVO et la TO est excellente en ce

  9   moment-là. C'est la raison pour laquelle j'ai dit qu'il faut bien prendre

 10   connaissance de la totalité du document. Je pense qu'il ne sait pas ce qui

 11   signifie cette notion de "nettoyage ethnique." C'est pour ça qu'il le dit

 12   dans ce texte, parce qu'il ne connaît pas bien. C'est mon interprétation de

 13   ce document. Quant à savoir s'il est exact ou pas, bien sûr je ne peux pas

 14   le savoir. Mais il est décédé, Jure Smidt. Il a perdu la vie.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. On va arrêter là.

 16   Monsieur Stringer.

 17   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 18  Q.  Général, le 1er novembre 2006, vous avez contre-interrogé Fahrudin Agic,

 19   un témoin, et pendant ce contre-interrogatoire que vous avez mené, page 9

 20   396 du compte rendu d'audience, vous lui soumettez comme suit, je cite :

 21   "Savez-vous que tout de suite après le conflit à Prozor je me suis rendu

 22   là-bas sur ce territoire ?"

 23   Et il dit :

 24   "Non."

 25   Puis vous continuez :

 26   "Savez-vous qu'après cet événement je suis resté jusqu'au 24 décembre 1992

 27   dans le secteur de Rama et de Gornji Vakuf, Bugojno, Novi Travnik et

 28   Travnik ?"

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  1   Puis il dit :

  2   "Oui, puisque le 4 décembre vous avez assisté à une réunion à Gornji Vakuf

  3   avec Bozo Rajic."

  4   Donc, il en ressort de vos propres mots, Général, que vous êtes arrivé à

  5   Prozor immédiatement -- que vous êtes allé à Prozor immédiatement après le

  6   conflit là-bas, puis vous êtes resté dans le secteur que je viens de vous

  7   préciser, jusqu'au 24 décembre. Vous vous en souvenez ? Vous vous souvenez

  8   d'avoir déclaré cela ?

  9   R.  C'est exact. Mais que signifie "tout de suite après le conflit" ? Tout

 10   d'abord, je suis allé à Mostar --

 11   Q.  Je vous remercie, Général.

 12   R.  Mais, je vous en prie. Que signifie "tout de suite après" ? Non, mais

 13   c'est -- qu'est-ce que c'est ? C'est combien de jours à votre -- vous

 14   affirmez que je suis arrivé combien de jours après le conflit ?

 15   Q.  Mais je ne veux pas engager ici un duel.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis étonné de vous entendre

 17   poser cette question, Monsieur Praljak, parce que c'est vous qui avez

 18   employé ce terme "tout de suite après." Vous devez savoir ce que vous aviez

 19   à l'esprit au moment où vous l'avez dit. Je sais qu'habituellement vous

 20   n'aimez pas que d'autres interprètent vos pensées. Donc est-ce que vous

 21   savez ce que vous aviez à l'esprit au moment où vous l'avez dit ?

 22   M. STRINGER : [interprétation]

 23   Q.  Général, nous avons ces documents du 24 octobre 1992, ces deux derniers

 24   documents, l'ordre de Siljeg sur le contrôle du territoire, puis le rapport

 25   de Smidt, qui est émis le 24 à 18 heures 10.

 26   Général, le 24 octobre, c'est le jour où le HVO entreprend des

 27   opérations militaires très importantes, et le résultat en est que les

 28   Musulmans, comme cela est indiqué, à Prozor, Rama --

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que vous

  2   pourriez, s'il vous plaît, laisser le témoin répondre à la question que

  3   j'avais posée. J'ai demandé au témoin s'il sait ce qu'il avait à l'esprit

  4   au moment où il a dit qu'il est parti immédiatement pour Prozor. Et donc je

  5   vous prie de laisser le témoin répondre à ma question.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Le 27 ou le 28 ou le 29 octobre 1993 --

  7   pardon, 1992, je n'arrive pas à me rappeler exactement, mais nous avons un

  8   document ici. Nous avons vu un document où il est dit, Praljak est arrivé

  9   et je me suis trouvé avec les Musulmans là-bas. Nous avons plusieurs

 10   documents. Et en fait, si on m'annonçait ces questions, il me serait

 11   possible de trouver la date exacte dans ce document pour qu'on ne tourne

 12   pas autour du pot.

 13   Etait-ce telle date ou telle autre date ? Le 25, ce n'est pas exact.

 14   Le 24, ce n'est pas exact. J'aimerais qu'on soit précis dans toute la

 15   mesure du possible, mais apparemment nous n'y parviendrons pas.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Je vous en prie, excusez-moi, Monsieur Stringer. Je vous ai

 18   interrompu.

 19   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

 20   Q.  La pièce suivante, P 00653. 653. La date sur le document est celle du

 21   26 octobre 1992. C'est un rapport du service de Renseignements militaire,

 22   Zarko Keza, et c'est adressé au département de la Défense, directement à

 23   Bruno Stojic et au général Bobetko en personne, au général de brigade

 24   Petkovic et à Beralic [phon] en personne, ainsi qu'à Rajic. Et c'est un

 25   rapport sur le secteur de Prozor, et il est dit que nous parlons désormais

 26   du lendemain, donc de la date du 25 octobre.

 27   "Pendant la journée, il y a eu des combats avec les forces

 28   extrémistes musulmanes dans le secteur de Prozor. Et vers 15 heures, le HVO

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  1   a pris le contrôle de la tour près de la ville, donc toute la ville est

  2   placée sous le contrôle du HVO. Les pertes de notre côté comprennent deux

  3   morts, sept blessés. Il n'y a pas eu de prisonniers de capturés. Et du côté

  4   musulman, on n'a pas encore évalué les pertes, mais elles sont estimées à

  5   100.

  6   "Le HVO contrôle tout le secteur autour du lac Rama, la ville de

  7   Prozor, le barrage et le lac, la centrale hydroélectrique et la route pour

  8   Jablanica jusqu'à la localité de Jasen."

  9   Alors, est-ce que vous seriez d'accord avec moi, j'essaie juste de

 10   replacer les choses dans leur contexte, donc votre arrivée dans le

 11   contexte. Nous voyons qu'il y a eu des combats le 24 octobre. Est-ce que

 12   vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'effectivement, dans ce rapport,

 13   nous voyons qu'il y a eu des combats qui se sont poursuivis le 25 octobre

 14   et que le résultat en a été que le HVO s'empare de toute la ville et des

 15   endroits qui sont indiqués, donc il exerce le contrôle sur ces endroits ?

 16   Est-ce que nous pouvons convenir qu'il s'agit de la situation après la date

 17   du 25 octobre 1992 ?

 18   Est-ce que vous le savez ou vous ne le savez pas ?

 19   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas ça. Je ne sais pas quelle a été la

 20   situation le 25, Monsieur, car je n'étais pas là-bas. Je ne pourrais ni

 21   vous le confirmer, ni vous l'infirmer. Je ne peux dire que pour ce qui est

 22   du nombre de Musulmans qui ont péri, que c'est deux fois plus que de

 23   Croates, mais vous avez un document qui a été signé par les deux parties et

 24   qui vous donne ce chiffre.

 25   Q.  A votre arrivée à Prozor, le HVO contrôlait-il toute la ville de

 26   Prozor, comme on le dit dans ce document, le 26 ou le 25 ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et quand vous y êtes arrivé, le HVO contrôlait-il également tout ce

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  1   secteur autour du lac Rama également, comme on le lit dans ce rapport du 25

  2   ?

  3   R.  Oui, il y a également ce secteur, mais d'après les informations que

  4   j'ai reçues par la suite, c'est surtout une région peuplée à 90 % de

  5   Croates. Je crois qu'il n'y a que deux villages de moindre envergure où il

  6   y a des Musulmans.

  7   Q.  Et quand vous êtes arrivé, est-ce que le HVO contrôlait le secteur du

  8   barrage et de la centrale électrique de Marina Pecina ?

  9   R.  Le barrage, oui, absolument, parce qu'il y avait un chemin qui passait

 10   par là, donc on pouvait l'emprunter. Et puis, pour ce qui est de la

 11   centrale, je ne sais pas. Je ne pourrais pas vous le dire exactement.

 12   Q.  Et quand vous êtes arrivé, est-ce que vous avez pu constater que le HVO

 13   contrôlait la route qui mène à Jablanica jusqu'à la localité de Jasen ?

 14   R.  Je ne sais pas jusqu'à quelle localité, mais la première fois que j'ai

 15   tenté de rentrer dans Prozor, je l'ai fait depuis Jablanica. C'est là que

 16   j'ai eu ma première rencontre ou première réunion avec une partie des

 17   représentants des dirigeants musulmans qui ont pris la fuite de Prozor avec

 18   Arif Pasalic. Et c'est là que j'ai tenté de prendre la route pour Rama.

 19   Malheureusement, il y a eu des tirs, je ne sais pas d'où ça venait, pour ne

 20   pas dire ils m'ont pris pour cible, et il a fallu que je contourne, il a

 21   fallu qu'on rebrousse chemin, Pasalic et moi-même, même s'il ne voulait pas

 22   aller à Prozor. Donc j'ai dit : J'y vais seul. On est revenus à Mostar et

 23   c'est la raison pour laquelle plus tard, il a fallu qu'on passe par

 24   Tomislavgrad, finalement par la voie du Salut.

 25   Q.  Ce document vient des services de Renseignements militaires et rend

 26   compte aux personnes dont les noms figurent au dos du document.

 27   Mon Général, en octobre 1992, lorsque vous êtes allé à Prozor et avez

 28   été impliqué ou, pour le moins, avez observé ce qui s'y passait, saviez-

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  1   vous que les services de Renseignements militaires du HVO rendaient compte

  2   directement au général Bobetko, en tout cas, au sujet de cet incident ?

  3   R.  Monsieur Stringer, je ne suis pas allé observer ce qui se passait là-

  4   bas, mais j'ai remis de l'ordre dans la situation.

  5   Et puis, deuxième point, à la lecture de ce document, il ne ressort

  6   absolument pas que le service de Renseignements militaire est responsable

  7   devant Bobetko. Il est simplement indiqué que des informations sont

  8   fournies à cette personne dans le cadre de la collaboration entre des

  9   armées participant à un conflit, ce qui, je crois, est logique. Il était

 10   logique pour le commandant du front sud, c'est-à-dire de la région

 11   s'étendant dans la direction de Dubrovnik, d'éviter les affrontements entre

 12   l'ABiH et le HVO qui pourraient avoir une incidence négative à l'avenir.

 13   Q.  Ces services de Renseignements militaires, savez-vous si en octobre

 14   1992 ils dépendaient de l'état-major principal du HVO ou du département au

 15   ministère de la Défense, voire s'ils faisaient partie, s'ils étaient situés

 16   ailleurs dans l'organigramme ?

 17   R.  Le service de Renseignements militaire figure dans la structure de

 18   l'état-major principal du HVO, c'était le cas en tout cas au moment où j'y

 19   exerçais les fonctions qui étaient les miennes. Ici, en tout cas, nous

 20   voyons le mot "état-major principal", et nous lisons "service de

 21   Renseignements militaire." Je ne peux pas faire plus que lire la même chose

 22   que ce que vous lisez. Les services de Renseignements militaires sont

 23   indiqués ici comme faisant partie de la structure de l'état-major principal

 24   du HVO, en tout cas, pendant la période où j'étais là-bas.

 25   Q.  D'accord.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, j'ai une question de suivi. Ce

 27   document pour moi est un document important, comme ceux que nous avons vus

 28   tout à l'heure, et vous avez compris depuis très longtemps, moi, j'essaie

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  1   de déterminer qui a commencé, parce qu'en fonction de celui qui a commencé,

  2   on peut avoir une explication ou pas sur l'entreprise criminelle. Donc pour

  3   être clair, je vais reprendre votre expression favorite, pour être clair

  4   comme l'eau de roche, s'il y a la mise en œuvre de cette entreprise

  5   criminelle par une épuration ethnique, on peut comprendre qu'en octobre

  6   1992, le HVO lance une opération, capture les Musulmans, et cetera.

  7   Ça, c'est une vision que l'on peut avoir par les documents. Et puis, il

  8   peut y avoir une autre vision, nous avons des documents qui émanent des

  9   services de Renseignements militaires. Je ne connais pas la valeur des

 10   services de Renseignements militaires du HVO, mais je présume, comme tout

 11   service de Renseignements, qu'ils essayaient de faire bien leur travail et

 12   de porter à la connaissance des autorités des renseignements précis. Donc

 13   les auteurs de ce document, s'il y a une opération militaire programmée,

 14   j'imagine mal dans le cas d'une opération militaire programmée qu'on mette

 15   à l'écart les services de Renseignements, car après il va falloir qu'ils

 16   donnent des données d'exploitation de ce qui a pu se passer.

 17   Quand on regarde ce document de manière attentive, comme je l'ai fait

 18   pendant ces dix dernières minutes, qu'est-ce que je constate ? Je constate

 19   qu'on fait un rapport sur les événements, et on dit, c'est dans le texte,

 20   que les Musulmans avaient en réalité planifié une attaque.

 21   "Nous avons été informés que les forces musulmanes avaient planifié de

 22   lancer une attaque sur Prozor dans l'après-midi du 24 octobre."

 23   Donc c'est ce qu'ils écrivent. Et puis, le meurtre d'un soldat du HVO

 24   entraînait donc toute une série de conséquences. Le document détaille

 25   géographiquement la situation. L'auteur du document fait une distinction

 26   entre des villages où il y a des extrémistes musulmans et des villages sous

 27   contrôle musulman, mais où il ne se passe rien.

 28   Les villages extrémistes, vous les avez listés, Voljavica, Here, Scipe, et

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  1   ils disent que ces forces ont attaqué en direction de Borova Ravan,

  2   Pridvorci. Donc ce document émanant des services de Renseignements

  3   militaires, sauf s'ils disent des mensonges, peut accréditer l'idée que

  4   l'attaque en fait à Prozor, ce sont des Musulmans et que le HVO a répliqué

  5   après.

  6   Alors moi, ce que je veux savoir : vous, en tant que commandant du HVO, pas

  7   à ce moment-là parce que vous êtes arrivé ultérieurement, vous n'étiez

  8   rien, mais quand vous avez été commandant du HVO, est-ce que vous aviez des

  9   informations de la part des services de Renseignements, et faisaient-ils

 10   leur travail de manière classique, ou bien répondaient-ils à des commandes

 11   très précises ? Quel est votre souvenir de ces services de Renseignements ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Le service de Renseignements militaire avait

 13   l'obligation de fournir des informations précises, neutres, exactes. Car

 14   des informations inexactes ne pouvaient que nous entraîner dans un combat

 15   perdu à l'avance. Je recevais des informations dont eux disposaient. Ces

 16   informations étaient collectées de différentes façons, et donc j'en prenais

 17   connaissance, je m'informais. Il me semble qu'en me fondant sur tous les

 18   éléments dont je disposais, M. Zarko Keso faisait ce travail correctement.

 19   C'est mon premier élément de réponse.

 20   Deuxièmement, après mon arrivée sur place, j'ai pris connaissance avec

 21   précision de ce dont il s'agissait. Il existait un plan - et vous disposiez

 22   ici de documents allant dans ce sens - où il était dit : Prendre le centre

 23   de Prozor, le reprendre à l'ABiH en provenance de Konjic. Il y avait un

 24   plan qui concernait les Chetniks, Messieurs les Juges, et les choses se

 25   sont mises en place peu à peu. Tout d'abord, ils ont pris des soldes du

 26   HVO, ils n'ont pas combattu les Chetniks. Puis il y avait des protestations

 27   en ce sens. Ensuite ils ont exigé des armes qui, à l'époque, se trouvaient

 28   entreposer dans certains dépôts. Je le sais avec précision.

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  1   Il y a eu un entretien entre des représentants de l'ABiH et du HVO qui

  2   aurait dû résoudre les questions pendantes, mais il y a eu des tireurs

  3   embusqués de l'ABiH qui ont été disposés, visant les membres prenant part à

  4   cette réunion. Il y a eu un meurtre, et tout a été éclaté le 23. Ensuite,

  5   il y a eu le meurtre de ce jeune homme du HVO, puis la situation qui

  6   couvait déjà pendant des mois avec des dizaines de problèmes a éclaté, et

  7   cela s'est terminé comme on le sait.

  8   Ces localités de Here, Kute, et ainsi de suite, vous voyez qu'en provenance

  9   de ces localités, un an après, il y a eu une attaque lancée contre Uzdol et

 10   qu'il y a eu une quarantaine de morts. C'est une opération qui a été

 11   motivée par une volonté de revanche. J'ai essayé de m'y opposer. Mais vous

 12   voyez qu'il est impossible de simplifier à outrance.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour le cas où il y aurait eu un plan du HVO, je dis

 14   pour le cas où, sur le plan technique, c'est une question technique qui

 15   n'appelle pas de votre part un engagement personnel, mais c'est technique.

 16   Pour le cas où le HVO aurait organisé une attaque, est-ce qu'à votre

 17   connaissance le service de Renseignements dans son rapport doit faire une

 18   référence explicite au plan qui a été préparé ? Est-ce qu'ils doivent

 19   commencer un rapport en disant : En exécution du plan, et cetera, tel

 20   numéro, nous vous adressons les informations recueillies. Ou bien, car vous

 21   avez dit tout à l'heure, d'après vous les renseignements doivent être

 22   neutres, à ce moment-là ils ne font référence à rien et ils donnent le fait

 23   brut aux autorités. Alors, comment ça se passe ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] La réponse est la suivante : s'il y avait eu

 25   le moindre plan d'attaque venant du HVO, exempt l'ABiH, il y aurait eu un

 26   rapport préliminaire concernant les forces en présence, leur localisation,

 27   il y aurait eu une carte militaire précisant le déploiement des unités, le

 28   début de l'attaque et son développement. Et moi, personnellement, je n'ai

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  1   jamais rien vu allant dans ce sens.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Le soldat qui a été tué, là, dont c'est peut-être en

  3   réalité le meurtre qui va tout déclencher, il a été tué par un sniper, il

  4   est mort comment, ce soldat qui est mentionné dans le document ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il a été tué à un poste de contrôle à

  6   Makljen, sur le mont Makljen, tout simplement sans la moindre raison. 

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : La mort de ce soldat a eu un effet sur

  8   l'enchaînement des actions militaires après ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était l'étincelle et a tout déclenché sur un

 10   terrain qui était déjà plutôt miné.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites Iskra. Donc on doit comprendre c'est

 12   l'étincelle.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait déjà une défiance certaine entre

 14   les parties en présence. Ni l'une ni l'autre partie n'a plus confiance en

 15   l'autre et croit que l'autre partie se prépare à l'attaquer. Il y a donc de

 16   moins en moins de confiance. On propose des pourparlers, mais lorsqu'un tel

 17   meurtre survient, voilà, il n'y avait aucun plan préalable du HVO, pour

 18   autant que je le sache, qui aurait consisté en une attaque.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dernière question, enfin je pourrais y passer

 20   pendant des heures sur ce document, mais je vois qu'il y a une phrase sur

 21   l'usage des armes par les forces musulmanes qui consistait en deux

 22   mortiers. Quand ils écrivent ça, c'est qu'ils ont le renseignement fiable

 23   comme quoi les forces musulmanes ont utilisé des mortiers ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ils disposaient d'une information fiable.

 25   J'en ai pris lecture et j'ai eu des entretiens. Ils utilisaient des

 26   mortiers, également des Maljutka. Ils étaient très bien armés, comme on le

 27   dit ici, des armes tout à fait significatives, et cela dans les maisons

 28   avec une action, un plan très précis quant à savoir qui tirerait sur qui et

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  1   quand.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a un petit détail qui apparaît aussi dans le

  3   document. Ils auraient utilisé un missile antitank Sagger. Bon, je ne sais

  4   pas ce que c'est. Si c'est mentionné dans le rapport, c'est que ça a été

  5   utilisé.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ignore, mais je sais qu'ils avaient des

  7   Maljutka. C'est une arme russe, une arme antichar. Et je sais que le HVO a

  8   utilisé un char lors de ces combats. J'ignore si ce char a été touché,

  9   j'ignore ce qui s'est passé, mais il n'y a pas de raison de supposer que --

 10   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Mon Général, j'aimerais vous ramener un peu en arrière dans le temps

 12   puisque apparemment vous semblez plus enclin à présent à parler de

 13   certaines des questions liées à ce qui se passait sur place avant votre

 14   arrivée.

 15   Vous dites qu'il n'y avait aucun plan d'attaque de Prozor de la part du

 16   HVO. Vous ajoutez également que le meurtre du soldat du HVO a servi de

 17   détonateur, mais aujourd'hui nous avons eu sous les yeux l'ordre de Boban

 18   ou de Kordic qui nommait les membres du HVO municipal de Prozor. Nous nous

 19   sommes penchés sur le rapport de Markesic au sujet des tensions dues au

 20   fait que le drapeau croate avait été hissé dans la ville. Nous avons eu

 21   sous les yeux l'ordre du général Petkovic qui ordonnait de bloquer les

 22   forces de la Défense territoriale le 20 octobre 1992, et puis nous avons eu

 23   sous les yeux cette demande du HVO adressée aux Musulmans les invitant à

 24   accepter les structures civiles et militaires du HVO à Prozor.

 25   Alors, nous pouvons discuter pour savoir si l'ABiH avait peut-être un plan

 26   d'attaque du HVO, mais ce qui est un fait, c'est qu'à la date du 23 ou du

 27   24 octobre 1992, le HVO s'apprêtait à asseoir son autorité, tant civile que

 28   militaire, sur la ville de Prozor, et n'est-il pas vrai que finalement le

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  1   HVO s'apprêtait à prendre le contrôle de cette municipalité par des moyens

  2   civils et militaires, et que le conflit qui a éclaté a été le résultat de

  3   cette volonté finale du HVO ?

  4   R.  Monsieur Stringer, je ne suis pas d'accord avec vous. J'ai lu des

  5   centaines de documents qui ont été versés en tant que pièces à conviction

  6   dans ce procès, et il y a aussi tout ce que je suis parvenu à savoir dans

  7   le cadre de mes fonctions, il y a également tout ce qui a été écrit dans

  8   les documents relatifs à la proportionnalité numérique de la population et

  9   à la nécessité d'organiser le pouvoir militaire et civil.

 10   J'ai eu sous les yeux des plans qui abordent la question des personnes

 11   capturées dans le conflit, des plans de l'ABiH, le plan A des Chetniks, le

 12   plan B pour le HVO. Je parle de documents que je connais bien.

 13   Q.  Vous parlez de ce plan d'attaque de Prozor de la part de l'ABiH. Le

 14   fait est que si l'ABiH, autrement dit les Musulmans, ne faisait rien, alors

 15   ils n'avaient pas d'autres solutions que d'admettre, une bonne fois pour

 16   toute, le contrôle militaire et civil du HVO sur la municipalité de Prozor.

 17   N'est-ce pas ainsi que la situation se présentait ? N'est-ce pas encore une

 18   fois la raison pour laquelle le conflit a éclaté ?

 19   R.  Pour ma part, je n'ai pas la même définition du mot "proportionnalité"

 20   que la vôtre. Pour moi, proportionnalité, cela signifie répartition,

 21   partage des tâches militaires et civiles, et à mon avis, c'est la meilleure

 22   façon d'aboutir à un accord, le fait qu'il y ait proportionnalité.

 23   Q.  Voyez-vous, un certain nombre de fois dans votre déposition, Mon

 24   Général, vous avez dit : "Ils ne peuvent pas nous faire cadeau de ce qui

 25   nous appartient", parlant des droits du peuple croate en Bosnie-

 26   Herzégovine. "Ils ne peuvent pas nous donner ce qui est nôtre, donc nous le

 27   possédons déjà. Il ne leur appartient pas de nous le donner." Mais en

 28   réalité, vous proposez la même chose exactement, n'est-ce pas ? Ce que vous

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  1   dites aux Musulmans, c'est que s'ils disent aux Musulmans dans Prozor

  2   plutôt c'est : "Nous avons créé ici un pouvoir différent, distinct. Il

  3   s'appelle HVO municipal et nous allons vous accorder une représentation

  4   proportionnelle au sein de notre structure, mais nous insistons pour que

  5   vous acceptiez notre structure." Les Musulmans n'ont pas accepté cette

  6   structure à Prozor et c'est la raison pour laquelle le conflit a éclaté,

  7   n'est-ce pas; ce n'est pas la vérité ?

  8   R.  Je vous ai dit pourquoi le conflit a éclaté, mais, Monsieur, je ne

  9   pense pas que lorsque nous avons proposé un commandement conjoint, il y

 10   avait proportionnalité, je le répète. Et puisqu'il y avait davantage de

 11   Musulmans, ils allaient obtenir davantage de sièges.

 12   La proportionnalité que nous proposions ne consistait pas d'offrir quelque

 13   chose de particulier à quelqu'un de particulier. Nous voulions qu'il y ait

 14   proportionnalité au sein de toutes les structures existantes en Bosnie-

 15   Herzégovine. Malheureusement, ce que nous avons proposé n'a jamais été

 16   accordé, octroyé. Les unités du HVO, qui étaient sous le commandant de

 17   l'AbiH, n'ont pas vu leurs représentants siéger dans les instances de

 18   commandement de l'ABiH à de très rares exceptions près, et s'agissant des

 19   autorités, ça a été encore moins le cas. 

 20   Q.  Mon Général, je vais maintenant aborder la dernière pièce que je

 21   voulais vous soumettre, et nous en terminerons sans doute pour la journée

 22   d'aujourd'hui. Il s'agit de la pièce P 00640.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de regarder la pièce P 00640, M. Stringer vous

 24   a posé une question qui était très intéressante et qui permet peut-être de

 25   résoudre la question de savoir s'il y avait eu un plan ou pas. Il est parti

 26   de l'idée que le HVO a voulu prendre le contrôle de la municipalité de

 27   Prozor et que face à cela, l'ABiH aurait pu - j'emploie toujours le

 28   conditionnel - aurait pu réagir en planifiant une attaque du HVO. Ce qui

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  1   pourrait peut-être expliquer beaucoup de choses. Mais dans l'hypothèse que

  2   M. Stringer souligne c'est que lui part de l'hypothèse que le HVO voulait

  3   prendre le contrôle politique de Prozor, et ça, là-dessus, ça mérite de

  4   votre part quand même des explications.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, le HVO a mis

  6   Prozor sous son contrôle après le conflit, mais dans ces affrontements, une

  7   fois que ce contrôle a été établi, le HVO a dit : "Nous ne voulons pas de

  8   conflit. Nous allons appliquer la proportionnalité." Et Jure Smidt déclare

  9   : "Nous ne pouvons pas parvenir à un accord avec les gens de Rama. Allons à

 10   Bugojno et nous obtiendrons un accord auprès des structures de haut

 11   niveau." Voilà à mon avis ce qui ne peut pas être interprété autrement que

 12   comme étant le reflet d'une réflexion du désir constant d'organiser des

 13   pourparlers et un fondement commun sur la base du principe d'égalité pour

 14   l'application des droits, donc la proportionnalité.

 15   Je vous dis que telle n'était pas l'idée d'Alija Izetbegovic, pas plus que

 16   de la grande majorité des Musulmans de Bosnie-Herzégovine, à l'exclusion

 17   peut-être de ceux de Tuzla et de quelques autres. Ils croyaient que la

 18   Bosnie-Herzégovine leur appartenait et que s'ils ne pouvaient pas la

 19   prendre aux Serbes, ils voulaient l'avoir de nous, l'obtenir de nous.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous nous dites que le HVO a pris le contrôle

 21   de Prozor, mais vous dites après le conflit, ce qui veut dire qu'avant les

 22   événements du 24 octobre, il n'y avait pas de contrôle politique du HVO.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ils faisaient partie du pouvoir en

 24   proportionnalité et ils discutaient les uns avec les autres. Et quand le

 25   conflit a éclaté et quand ils ont pris le contrôle de Rama, encore une

 26   fois, ils disent : Et d'ailleurs, qu'est-ce que j'ai fait d'autre là-bas

 27   que de refaire ce qui avait déjà été tenté, c'est-à-dire d'essayer de

 28   recréer un pouvoir commun qui avait fonctionné pendant au moins un an

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  1   avant.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Je redonne la parole à M. Stringer pour qu'il

  3   termine.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, il est sans doute

  5   préférable de laisser l'examen du document suivant à la journée de demain

  6   plutôt que de commencer aujourd'hui et d'arrêter tout de suite.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez parfaitement raison. Bien. Donc nous nous

  8   retrouverons, comme vous le savez, demain à 14 heures 15. D'ici là, je

  9   souhaite comme d'habitude à tout le monde une bonne fin de journée.

 10   --- L'audience est levée à 18 heures 57 et reprendra le mercredi 26 août

 11   2009, à 14 heures 15.

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