Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 22 septembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Coric est absent]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appeler le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  9   tous dans le prétoire.

 10   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et

 11   consorts. Je vous remercie.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce mardi, 22 septembre 2009, je salue en premier M. Prlic, M. Stojic, M.

 14   Praljak, M. Petkovic et M. Pusic. Je salue également Mmes et MM. les

 15   avocats, je salue tous les membres du bureau du Procureur qui sont

 16   aujourd'hui nombreux, je salue également toutes les personnes qui nous

 17   assistent dans nos travaux.

 18   Je vais d'abord donner la parole à M. le Greffier qui a des numéros IC à

 19   nous donner.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Tout à fait. Je vous remercie.

 21   Certaines parties ont présenté la liste des documents à verser par le biais

 22   du témoin Josip Jurcevic. La liste présentée par 3D recevra la cote IC

 23   1042. La liste présentée par 1D recevra la cote IC 1043. La liste présentée

 24   par 4D recevra la cote IC 1044, et la liste présentée par l'Accusation

 25   recevra la cote IC 1045.

 26   L'Accusation a aussi soumis ses objections concernant la liste des

 27   documents versés par l'équipe 3D et 4D par le biais du témoin Slobodan

 28   Praljak. Ces listes recevront les cotes IC 1046 et 1047 respectivement.

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  1   Je vous remercie.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

  3   La Chambre va rendre une décision orale, que je vais lire lentement.

  4   Décision orale relative au délai de réponse des parties à la demande

  5   présentée par la Défense Praljak en vertu de l'article 92 bis du Règlement.

  6   Le 22 septembre 2009, l'Accusation a déposé à titre confidentiel une

  7   réponse à la demande d'admission de déclarations écrites en vertu de

  8   l'article 92 bis du Règlement déposée par la Défense Praljak le 14

  9   septembre 2009. L'Accusation demande à titre principal le rejet de la

 10   demande de la Défense Praljak. A titre subsidiaire, l'Accusation demande

 11   une prorogation du délai de réponse à ladite demande jusqu'au 23 novembre

 12   2009.

 13   La Chambre estime qu'il est dans l'intérêt de la justice d'analyser la

 14   demande de la Défense Praljak à la lumière des réponses de toutes les

 15   parties qui souhaitent répondre avant de se prononcer sur son admission.

 16   Cependant, la Chambre estime que la prorogation de délai demandée par

 17   l'Accusation entraînerait un retard excessif dans la procédure. Par

 18   conséquent, la Chambre octroie une prorogation de délai jusqu'au 28 octobre

 19   2009 pour toutes les parties souhaitant répondre à la demande de la Défense

 20   Praljak.

 21   Bien. En un mot, les parties ont jusqu'au 28 octobre, c'est-à-dire dans un

 22   mois, pour nous adresser leurs écritures en réponse à la requête de la

 23   Défense Praljak. Voilà. Tout le monde a bien compris cette décision orale.

 24   Concernant le calendrier, nous avons été informé par un courrier de Me

 25   Kovacic que le témoin Skender ne pourrait venir que jeudi. C'est bien ça,

 26   Maître Kovacic ?

 27   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est précisément

 28   cela.

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  1   M. Skender va venir comme il a été prévu. Comme je l'ai dit dans

  2   notre note, nous avons essayé d'accélérer un peu les choses, mais il n'y a

  3   pas pu prendre l'avion, et il n'arrive de Corse que ce soir, et nous ne

  4   pourrons pas procéder au récolement avant demain matin. Je vous remercie.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

  6   On va introduire le premier témoin, Arbutina Alojz.

  7   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Pouvez-vous, si vous m'entendez,

  9   me donner votre nom, prénom et date de naissance, s'il vous plaît.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Alojz Arbutina, né le 24 novembre 1931, en

 11   France.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous êtes né en France. Où ça exactement ? 

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Haltbont [phon]. 

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vu votre âge, vous devez être retraité. Quelle

 15   a été votre dernière profession ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais électricien au sein de l'entreprise

 17   Elektra, et je suis à la retraite depuis 1988.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Monsieur, déjà témoigné dans un procès ou

 19   bien c'est la première fois que vous témoignez ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois ici.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous demande de lire le serment.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 23   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 24   LE TÉMOIN : ALOJZ ARBUTINA [Assermenté]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

 27   Alors, Monsieur, quelques éléments d'information de ma part afin que cette

 28   audience se déroule le mieux possible pour vous-même et pour tout le monde.

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  1   Dans un premier temps, vous allez répondre à des questions qui vont vous

  2   être posé par la Défense du général Praljak, voire le cas échéant par le

  3   général Praljak lui-même, si les questions entrent dans son domaine de

  4   compétence. A l'issue de cette phase dont l'avocat nous a dit que ça

  5   devrait prendre une heure environ, les autres avocats des autres accusés

  6   qui sont nombreux devant vous pourront eux aussi vous poser des questions,

  7   et pour cela la Chambre a prévu 30 minutes de questions pour les autres

  8   accusés. Le Procureur qui avait droit à une heure pour ses questions nous a

  9   fait savoir la semaine dernière qu'il n'avait pas l'intention de poser de

 10   questions. Les quatre Juges qui sont devant vous vous poseront peut-être,

 11   voire certainement, des questions à partir des éléments que vous allez nous

 12   apporter en répondant aux questions des uns et des autres.

 13   Essayez d'être précis et synthétique dans vos réponses. Si vous ne

 14   comprenez pas une question n'hésitez pas à demander à celui qui vous pose

 15   la question de la reformuler.

 16   Si à un moment donné vous vous ne sentez pas bien, on ne sait jamais,

 17   parce qu'une audience c'est très stressant et ça peut parfois provoquer des

 18   malaises, n'hésitez pas à lever la main pour qu'on puisse interrompre

 19   l'audience immédiatement.

 20   Voilà ce que je voulais vous dire, mais pour vous ça ne doit pas être une

 21   surprise parce que les avocats de M. Praljak ont dû vous dire cela. Par

 22   ailleurs, comme vous parlez la même langue que les avocats de M. Praljak,

 23   attendez qu'ils aient fini de parler avant de répondre pour éviter le

 24   chevauchement des propos des uns et des autres.

 25   Voilà, Monsieur.

 26   Maître, vous avez la parole.

 27   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à vous

 28   et à toutes les personnes dans le prétoire.

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  1   Interrogatoire principal par Mme Pinter :

  2   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Arbutina. Je suis ici, vous pouvez

  3   regarder dans ma direction.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  Oui, vous pouvez regarder bien sûr où vous voulez, mais je vous signale

  6   que je suis dans cette partie du prétoire.

  7   Alors, je vois que du côté de l'Accusation on a noté la présence d'une

  8   liasse de papier que vous avez devant vous. De quoi s'agit-il ?

  9   R.  C'est la déclaration que j'ai donnée préalablement déjà en Croatie

 10   concernant Sunja, et j'ai cela devant moi maintenant.

 11   Q.  Vous avez dit avoir donné une déclaration, l'avez-vous donnée

 12   volontairement et au meilleur de la connaissance que vous avez des

 13   événements et du souvenir que vous en avez, vous avez fait une déclaration

 14   véridique ?

 15   R.  Oui, j'ai dit la vérité dans ces déclarations, et je n'ai subi aucune

 16   influence ni contrainte, et c'est un plaisir pour moi que d'être un témoin

 17   de la Défense du général Praljak.

 18   Q.  Merci. On a fait état de votre naissance en France, mais où résidez-

 19   vous ?

 20   R.  Je réside à Sunja, en Croatie.

 21   Q.  Alors, nous allons compléter ainsi votre déclaration car votre date de

 22   naissance n'y figure pas, nous venons de la consigner au compte rendu et

 23   votre adresse n'y figurait pas non plus. C'est la raison pour laquelle je

 24   vous pose cette question. Depuis quand résidez-vous à Sunja ?

 25   R.  Depuis 1936, l'année dans laquelle mes parents et moi-même avons

 26   emménagé dans ce qui était encore la Yougoslavie à l'époque.

 27   Q.  Pouvez-vous décrire à l'attention des Juges de la Chambre la situation

 28   ce qui prévalait à Sunja jusqu'au début de la guerre en République de

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  1   Croatie, ou plutôt, jusqu'au début de la guerre à Sunja, et pouvez-vous

  2   préciser quand cette guerre a commencé à Sunja ?

  3   R.  La population était mixte à Sunja. Il avait davantage de Croates que de

  4   Serbes. Quant à la guerre, elle a commencé à Sunja le 27 juillet 1991, dans

  5   la matinée, entre 7 heures et 8 heures, par des attaques au mortier. Cela a

  6   été un choc considérable, et une surprise énorme pour nous. Par exemple, le

  7   26 juillet, un de mes amis appartenant au groupe ethnique serbe que j'avais

  8   vu le jour précédant l'attaque n'était plus présent, lui et les siens

  9   n'étaient plus à Sunja le jour de l'attaque.

 10   Q.  Avez-vous été informé qu'il y aurait une attaque, est-ce qu'eux en

 11   étaient informés ?

 12   R.  Non, ils ne nous ont pas du tout informés, et je pense qu'il y a même

 13   eu des cas dans lesquels les personnes étaient liées par des liens de

 14   parrainage, des gens qui étaient collègues, qui travaillaient ensemble,

 15   mais personne n'a informé ces connaissances, ils ont simplement disparu.

 16   Cela correspond à une période de quelques jours avant l'attaque, et au jour

 17   de l'attaque lui-même, c'est-à-dire du 26 au 27 juillet.

 18   Q.  Dans votre déclaration, en douzième page du texte en croate, il est dit

 19   qu'ils sont partis, c'est ce que vous dites, en traversant la voie ferrée.

 20   Qu'est-ce que cela signifie, les habitants appartenant au groupe ethnique

 21   serbe seraient partis en traversant la voie ferrée ?

 22   R.  Bien, c'est ce que nous avons désigné comme étant la voie ferrée.

 23   C'était la frontière.

 24   Q.  La frontière entre quoi et quoi ?

 25   R.  La frontière nous séparant de ces forces paramilitaires, les Chetniks

 26   de Martic, ainsi que des habitants qui étaient ceux des villages serbes se

 27   trouvant de l'autre côté également de cette voie ferrée.

 28   Q.  Cela se trouvait, par ailleurs, sur le territoire de la République de

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  1   Croatie, n'est-ce pas ? Il ne s'agit pas de la frontière étatique avec la

  2   Bosnie-Herzégovine ? C'était la frontière séparant pour ainsi dire deux

  3   parties; est-ce exact ?

  4   R.  Non, c'était bien le territoire de la Croatie. C'était notre frontière,

  5   nous savions qu'il ne fallait plus traverser la voie ferrée, parce qu'au

  6   moment même de l'attaque lorsque cette dernière a commencé le matin,

  7   lorsque nous avons essayé de nous organiser immédiatement, puis au cours de

  8   la journée et de la nuit nous avons procédé à l'évacuation de la population

  9   civile, aussi bien des Croates que de ceux des Serbes qui étaient restés

 10   sur place, ou bien de ceux également qui se trouvaient à proximité de la

 11   gare, parce qu'ils étaient menacés par les attaques intenses qu'ils avaient

 12   commencé à lancer contre nous.

 13   Q.  Merci. Alors, dites-nous comment était organisée cette ligne ? A quoi

 14   ressemblait-elle ?

 15   R.  Je crois que je devrais être en mesure d'expliquer cela à l'attention

 16   de la Chambre. Par exemple, cette frontière s'étendait le long de la voie

 17   de chemin de fer en direction du poste, où la route traversait la voie

 18   ferrée en direction de Sisak --

 19   Q.  Excusez-moi, mais ce qui m'intéresse, c'est de savoir comment se

 20   présentait cette ligne les premiers jours, le premier jour, le second jour.

 21   Est-ce que cela a fait l'objet de renforcement, est-ce qu'il y a eu une

 22   organisation, des problèmes qui sont présentés ? Je ne vous demande pas où

 23   cela se trouvait, mais comment la situation se présentait.

 24   R.  Je ne sais pas comment je pourrais le décrire. A ce tout début, nous

 25   avons exercé une surveillance par mesure de prudence, nous nous sommes

 26   retrouvés comme sur une forme de presqu'île. La Save était une sorte de

 27   porte de sortie pour nous si jamais les lignes devaient tomber, parce que

 28   nous ne pouvions aller nulle part ailleurs, ni à gauche ni à droite. La

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  1   ligne allait de la rivière Sava en direction de la gare, en partie

  2   également de Zema [phon] vers Bobovci [phon], à travers les champs, après

  3   avoir passé par la rue Vladimir Masal.

  4   Q.  Est-ce qu'il y avait des bunkers, est-ce qu'il y avait des tranchées ?

  5   Les soldats étaient-ils bien protégés ?

  6   R.  Au début, nous n'avions rien de tout cela, car nous ne nous attendions

  7   absolument pas à ces événements. Le seul véritable obstacle se trouvait à

  8   la gare même, car l'entrepôt de la gare se trouvait à proximité, et cette

  9   défense qui a été assurée au tout début le long de cette ligne et de cette

 10   voie ferrée l'a été alors que la "milicija" s'y trouvait au début, alors

 11   que nous n'étions que quelques volontaires, nous nous étions organisés au

 12   cours des tout premiers jours jusqu'à l'arrivée de la 2e Compagnie des

 13   Gardes nationaux, il me semble qu'ils sont arrivés au troisième jour, et

 14   ce, depuis Zagreb.

 15   Q.  Alors, est-ce que la situation sur la ligne de front reste telle que

 16   vous l'avez décrite ou bien change-t-elle ultérieurement ?

 17   R.  Le premier commandant était Zarko Pesa. C'est ensuite au mois de

 18   septembre qu'il y a un changement avec l'arrivée du général Praljak.

 19   Lorsque le général Praljak a pris le commandement à sa charge à Sunja, la

 20   situation a complètement changé. Cependant, les choses étaient difficiles

 21   avec tous ces volontaires. D'ailleurs, ils ne comprenaient pas

 22   véritablement eux-mêmes à ce moment-là qu'il s'agissait de la guerre, que

 23   c'était une guerre. Lorsque le général Praljak est arrivé, on a commencé à

 24   organiser de façon plus systématique la défense. De notre côté, on a

 25   construit des bunkers, on a mis en place une ligne de défense plus solide

 26   et on a introduit des mesures de discipline également plus strictes. Tout

 27   est devenu mieux organisé.

 28   Comment vous décrire cela ? La situation est difficile lorsque vous

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  1   avez des gens du cru qui exercent le commandement. Personnellement, j'étais

  2   officier de la JNA, j'avais fait l'école d'officier, et j'étais lieutenant,

  3   mais j'expliquais aux hommes comment on faisait pour construire des

  4   bunkers, des tranchées, ainsi de suite, mais ils ne m'écoutaient pas

  5   vraiment. Tout cela fonctionnait de façon très sporadique, alors que

  6   lorsque le général Praljak est venu, les choses ont changé du tout au tout.

  7   Il a été respecté, c'était un homme venu d'ailleurs, et on l'écoutait. Il

  8   n'y avait pas de discussion quand il disait quelque chose.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que le général Praljak est arrivé.

 10   Vous êtes né en 1931, donc en 1992, vous aviez plus de 60 ans. Quand vous

 11   voyez arriver le général Praljak, qu'est-ce que vous vous dites ? Il est

 12   envoyé par Zagreb ou il arrive tout seul comme Zorro qui arrive quelque

 13   part ? Qu'est-ce que vous vous dites ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, à vrai dire, comment je

 15   pourrais vous répondre. Il est venu comme volontaire, de sa propre

 16   initiative. Zarko Pesa l'a fait venir, c'était le commandant précédent.

 17   C'est à titre volontaire qu'il est venu chez nous à Sunja pour nous aider à

 18   nous défendre contre notre ennemi qui se trouvait de l'autre côté de la

 19   voie ferrée.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous nous dites que Zarko Pesa l'a fait venir,

 21   et lui est venu comme volontaire. Alors, comment se fait-il que quelqu'un

 22   qui vient de l'extérieur va se trouver à commander les troupes, alors même

 23   que sur place il y a des gens comme vous qui avaient été lieutenant dans la

 24   JNA ? Comment se fait-il que quelqu'un qui vient de l'extérieur se retrouve

 25   commandant ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble que ce n'est pas vraiment de

 27   l'extérieur que c'est venu, mais que cela émanait de l'état-major de

 28   l'armée croate et que c'était aux fins de la défense de l'état croate. Lui,

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  1   cependant, est venu en tant que volontaire pour nous aider et afin que nous

  2   soyons plus actifs dans cette défense, dans l'ensemble. Comme je vous l'ai

  3   dit, les choses sont plus simples si quelqu'un d'autre vient assurer le

  4   commandement plutôt que quelqu'un du cru, car je ne sais pas, mais

  5   j'aimerais que vous compreniez qu'il y a quand même une forme de respect

  6   dans ce cas-là. Moi, lorsque j'essayais d'expliquer quelque chose ou de

  7   dire quoi que ce soit, je pouvais le faire, je pouvais dire qu'il fallait

  8   faire telle ou telle chose. Au début, je l'ai fait, d'ailleurs. Mais on me

  9   rétorquait : Qu'est-ce que tu vas aller nous donner comme leçon, toi. Nous

 10   savons comment il faut se défendre et nous savons ce qu'il convient de

 11   faire.

 12   Alors je peux expliciter la chose davantage, mais il y a eu des cas

 13   concrets où je m'adressais à des hommes qui ont érigé des bunkers dans des

 14   étables chez eux, ou juste à côté. Donc le fumier était juste à côté de

 15   l'étable et le bunker juste à côté. Ensuite on trouvait leur champ de maïs,

 16   et si quelqu'un souhaitait avancer en direction de ce bunker, on pouvait le

 17   voir au moment où il aurait traversé ce champ de maïs. Il aurait été

 18   visible à une distance de 30 mètres. Mais une fois que la personne aurait

 19   réussi à s'approcher de plus près, on n'aurait pas pu déceler sa présence,

 20   car il n'aurait plus été dans un champ de vision clairement accessible.

 21   Donc il aurait pu se rapprocher et lancer des grenades ou des bombes.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 23   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Q.  Alors savez-vous comment l'armée croate était organisée au mois de

 25   juillet 1991 ? Aviez-vous quelque élément de connaissance à ce sujet à

 26   l'époque ? S'agissait-il d'une armée bien organisée, sous forme de brigade

 27   et ainsi de suite, en 1991 bien sûr, ou a-t-elle fait l'objet d'une

 28   organisation qui n'a été que progressive ?

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  1   R.  Cela a commencé en Croatie. Il y a eu une formation de l'armée. Je

  2   parle de la zone que je connais. Donc nous avons commencé à nous organiser.

  3   Au début, il y avait des volontaires, et il me semble qu'au 1er septembre,

  4   les appels à la mobilisation sont arrivés. Depuis le mois de juillet,

  5   depuis le 20 juillet, nous avions tous été des volontaires et nous formions

  6   une compagnie indépendante à Sunja dans le cadre d'une unité de Sisak. Avec

  7   le temps, notre unité a vu ses effectifs augmentés, des hommes nous ont

  8   rejoint, et c'est ainsi que nous sommes devenus une brigade. Nous étions

  9   une brigade de réserve, mais il y avait aussi des brigades d'active.

 10   A Sunja, nous avons reçu l'aide d'autres brigades, de brigades de la Garde

 11   nationale, la Seconde Brigade, la 101e, mais pour ne pas me répéter, cela a

 12   été le cas pendant toute cette période. Tout ça a beaucoup changé jusqu'en

 13   1995.

 14   Q.  Très bien. Alors, lorsque nous parlions de l'arrivée du général Praljak

 15   pour la première fois à Sunja, en quelle année est-il arrivé et à quel

 16   moment ?

 17   R.  En 1991, en septembre.

 18   Q.  Merci. Vous avez été en contact avec le général Praljak lorsqu'il est

 19   arrivé à Sunja ?

 20   R.  Oui. Dès le début, l'état-major de la cellule de Crise m'a nommé

 21   commandant chargé de la logistique sur place.

 22   Q.  Merci. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre quel était le rapport

 23   qu'entretenait le général Praljak avec les civils, si vous en avez

 24   connaissance ? Je parle des civils qui étaient restés à Sunja.

 25   R.  Ce que je peux vous dire, c'est que le général Praljak ne faisait pas

 26   de grande distinction entre les civils et les militaires. Il prenait tout

 27   en charge. J'ai alors été nommé assistant du commandant chargé de la

 28   logistique, j'ai alors coopéré au sens strict avec le général Praljak, et

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  1   nous convenions ensemble de tout ce qui relevait de ma fonction d'assistant

  2   chargé de la logistique.

  3   Tous les soirs, je devais me présenter devant lui pour que nous convenions

  4   de ce qu'il convenait de faire, nous recevions des vivres, tous nos vivres,

  5   à vrai dire, de Sisak, et je devais me rendre à Sisak tous les jours pour

  6   récupérer cela. Et à une occasion j'ai demandé au général Praljak ce qu'il

  7   en était. Je lui ai dit : Général, je pense que je ne devrais peut-être pas

  8   venir tous les soirs vous voir et vous présentez cette liste juste pour que

  9   vous sachiez que le lendemain je vais aller chercher, je ne sais pas, 300

 10   kilogrammes de pommes de terre ou 100 kilogrammes d'oignons. Et il a

 11   répondu : Je ne vois pas de problème. Cela fera un souci de moins pour moi.

 12   Cependant, nous avons eu une très bonne coopération. A chaque fois

 13   que j'avais un problème ou que je ne parvenais pas à obtenir quelque chose,

 14   je m'adressais au général. C'était une très bonne coopération.

 15   Q.  Est-ce que les civils ont souffert de la faim à Sunja ?

 16   R.  Non, car nous avions pris soin de cela. Le général Praljak m'a donné un

 17   ordre à titre personnel. Il m'a dit : Ne t'occupes pas uniquement des

 18   militaires mais également des civils, parce qu'à vrai dire il y a pas mal

 19   de civils croates qui étaient restés sur place également, des civils

 20   appartenant au groupe ethnique serbe. Plus tard, ils ont rejoint l'armée

 21   croate. Il y avait aussi quelques Musulmans qui se trouvaient à Sunja. Mais

 22   à chaque fois, il me disait de faire bien attention à ce que personne parmi

 23   les civils n'ait faim. Nous avions même des civils appartenant au groupe

 24   ethnique serbe dont nous avons pris soin aussi et qui ont toujours reçu de

 25   façon régulière des vivres, tout comme les militaires.

 26   Aucun magasin ne fonctionnait. Les magasins existaient toujours, mais

 27   ils étaient fermés.

 28   Q.  Les civils serbes étaient-ils restés volontairement ? Etaient-ils en

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  1   détention ? Vivaient-ils dans des conditions

  2   normales ? Qu'en était-il d'eux ?

  3   R.  Ils vivaient normalement. Il n'y avait aucune différence entre le sort

  4   qui était le leur et celui de la population croate. Nous procédions de la

  5   même façon vis-à-vis des uns et des autres, à ceci près des remarques qui

  6   pouvaient être le fait de certains à certains moments, mais c'était très

  7   sporadique. Personne parmi eux n'a subi de contraintes. Pour que les Juges

  8   de la Chambre le voit clairement, à partir de la gare et jusqu'au centre de

  9   Sunja, sur une zone couvrant peut-être 500 ou 600 mètres, nous avons évacué

 10   tous les civils qui étaient présents, qu'il s'agisse de civils croates ou

 11   de civils serbes, et il y a eu des Serbes qui sont restés à Sunja, tout

 12   comme d'autres qui étaient un peu plus loin de cette même zone, d'autres

 13   encore sont allés rejoindre leurs familles à Sisak, à Zagreb ou ailleurs

 14   encore.

 15   Q.  Les avez-vous chassés ou sont-ils partis de leur propre

 16   gré ? Je pense aux Serbes.

 17   R.  Oui, je sais, j'ai compris à qui vous vous référiez. Personne ne les a

 18   chassés. Ceux qui souhaitaient partir ont pu le faire, car il y a eu un

 19   certain ordre mis en place au sein de la compagnie. Au début lorsque

 20   c'était Pasa qui exerçait le commandement, cela fonctionnait normalement

 21   jusqu'à l'arrivée du général Praljak. Mais ceux qui voulaient partir se

 22   voyaient remettre par nous des laissez-passer pour pouvoir prendre le bac

 23   et rejoindre leurs familles de l'autre côté de la rivière dans d'autres

 24   parties de la Croatie.

 25   Q.  J'ai encore deux questions à vous poser. Tout d'abord : quel était le

 26   rapport envers les soldats; et deuxièmement, comment se présentait la

 27   situation en termes de discipline, dans les rangs des hommes des forces

 28   armées ?

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  1   R.  Je peux vous dire simplement que la discipline a été bien mieux

  2   respectée après l'arrivée du général Praljak, car il a dit : Nous sommes

  3   une armée, nous défendons cette Croatie qui est la nôtre, et nous devons

  4   respecter de la façon la plus stricte les règlements de l'armée et les

  5   devoirs militaires qui sont les nôtres.

  6   Donc les hommes étaient tenus de respecter les obligations qui étaient les

  7   leurs. Je veux dire qu'il était difficile d'introduire le respect de cette

  8   discipline auprès de certains, mais ce n'était pas une sévérité extrême qui

  9   émanait du général Praljak. Il exigeait simplement que l'on respecte

 10   l'ordre et la discipline. Et ce qui m'a beaucoup surpris, c'était la façon

 11   dont il tenait nos briefings. Le matin, le général Praljak organisait la

 12   levée du drapeau, on remettait des rapports au général Praljak, et on

 13   jouait également l'hymne croate. Il y avait également un trompettiste qui

 14   tous les matins jouait cet hymne. Les briefings que nous avions étaient

 15 très courts. M. Praljak demandait : Que se passe-t-il avec la 1ère Compagnie,

 16  a-t-il eu des problèmes ou non; la 2e, la 3e, qu'en est-il de la logistique.

 17   Ça prenait tout au plus une demi-heure, et ensuite il disait : Eh bien, on

 18   continue, les enfants, faites attention à ce que vous faites, faites

 19   attention à vous. On continue à fortifier la ligne.

 20   Q.  Merci. Quand est-ce que le général Praljak a quitté Sunja, si vous

 21   connaissez la date de son départ ou à peu près ?

 22   R.  Je ne connais pas la date exacte, mais je crois que c'était en avril

 23   1992.

 24   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges, nous en avons

 25   fini de nos questions. Je demanderais simplement que ce document dont la

 26   cote est 3D3699, c'est-à-dire la déclaration préalable de M. Arbutina, soit

 27   versé au dossier.

 28   Je ne sais pas si le général Praljak aurait quelque chose à ajouter.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, regardez-moi.

  2   J'ai toute une série de questions de suivi à vous poser. J'en reviens

  3   aux civils.

  4   Sunja fait partie d'une municipalité et, si j'ai bien compris, cette

  5   petite localité avait grosso modo 1 300 et quelques habitants au

  6   recensement de 2001. On peut penser qu'en 1991 et 1992, il y avait au

  7   minimum 1 000 habitants. Le recensement de 2001 fait ressortir grosso modo

  8   17 % de Serbes. Dix ans avant, si on prend comme base une population de 1

  9   000 habitants, il y avait au moins 100 Serbes, c'est-à-dire peut-être 40 à

 10   45 familles, voilà, quelques chiffres pour s'y repérer.

 11   Vous nous avez dit qu'il y avait une rue face à la gare, et là, vous avez

 12   décidé de faire partir les Croates et les Serbes, peut-être pour des

 13   raisons liées au conflit, mais vous êtes resté très discret sur le sort des

 14   Serbes. Alors, les Serbes qui habitaient dans cette rue, pourquoi vous les

 15   avez fait partir ? Quand je dis vous, ce n'est pas vous spécialement, mais

 16   disons les Croates sur un plan général, pourquoi les avoir fait quitter

 17   leurs maisons ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, personne ne les a

 19   convaincus ni contraints à partir. Vous venez de dire que cet endroit était

 20   un petit bourg. Sunja, avant la guerre, faisait partie de la municipalité

 21   de Sisak. Nous étions une communauté locale. Je vais essayer de vous faire

 22   comprendre les choses plus clairement. Cette partie de Sunja qui part de la

 23   voie ferrée et qui va jusqu'à la Sava, cette partie était habitée à 90 %

 24   par des Croates; Sunja, Bobovac, Gornja, Donja, Letina, Krivaj, c'était les

 25   lieux-dits jusqu'à la Sava. De l'autre côté de la voie ferrée, la majorité

 26   de la population était serbe. C'est comme ça qu'on parlait. Il y avait

 27   Citvertkovac [phon], Drljaca, Donji Leskovac [phon], Paukova [phon], Mala,

 28   Velika Gradusa, toutes ces localités faisaient partie de la communauté

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  1   locale de Sunja, mais tous ces lieux-dits étaient habités par des Serbes.

  2   Dans ma déclaration préliminaire, j'ai dit que c'était seulement cette

  3   partie de Sunja qui part de la voie ferrée et qui s'arrête à la Sava, où se

  4   trouvait la rue, à l'époque existait l'Alliance socialiste, et le siège de

  5   l'Alliance socialiste était dans des rues qui se trouvaient dans cette

  6   partie de Sunja, dans la région qui va de Sunja à Dubica sur la route. Mais

  7   quand on prend la route qui va vers Novska, ça, c'était une partie de la

  8   route où nous ne pouvions plus nous engager. Nous étions à la limite entre

  9   la rue Milos Podric et la rue de Vladimir Nazer, qui mène à la voie ferrée

 10   menant à Sisak. Nous étions dans une zone où se trouvait le siège de la

 11   société Vajda, tout près de la voie ferrée, donc à 50 à 60 mètres à peine

 12   de la gare ferroviaire, mais nous ne pouvions pas entrer dans cette société

 13   Vajda, à cause d'eux. C'est dans ce quartier que se trouvait ce qu'on

 14   appelait la première ligne.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous arrête parce que vous ne répondez pas à ma

 16   question. Je veux savoir ce que les Serbes civils sont devenus, est-ce

 17   qu'ils sont partis d'eux-mêmes ou bien vous les avez forcés à partir ? Quel

 18   a été leur sort ? C'est ça qui m'importe.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, personne ne les a

 20   forcés. Si vous me permettez de finir, ils sont partis de leur propre

 21   initiative. Nous n'avons même pas su à quel moment ils sont partis.

 22   Simplement le 27, ils n'étaient plus là, et ceux qui sont restés sont

 23   restés.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, le 27 de quel mois ? Vous dites le 27, ils

 25   n'étaient plus là. De quel mois ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Le 27 juillet 1991. Si vous me permettez,

 27   quelques mots encore.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : -- parce que mon temps est précieux.

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  1   Le 27 juillet 1991, ils étaient partis tous ou bien il y en a

  2   quelques-uns qui sont restés là ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ma déclaration préliminaire, j'ai dit

  4   qu'il en était resté. Ceux qui sont restés n'ont pas subi de représailles.

  5   Ceux qui sont partis sont partis de leur propre chef, dans les parties de

  6   Croatie où ils avaient de la famille, et les jeunes sont entrés dans

  7   l'armée.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Combien de Serbes sont restés à Sunja, combien ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurai pas vous dire quel était leur

 10   nombre, mais dans l'armée croate, il y en avait plus de dix, et nous avions

 11   trois Musulmans aussi dans l'armée croate, qui étaient des habitants de

 12   Sunja.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous nous dites qu'il y a des Serbes qui sont

 14   entrés dans l'armée croate ainsi que des Musulmans, mais moi, ce que je

 15   veux savoir, c'est combien de civils serbes sont restés dans leurs maisons

 16   à Sunja, un, 10, 50, combien ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Il en est resté une dizaine seulement.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous avez dit que le général Praljak vous avait

 19   demandé de vous occuper de la logistique. Est-ce que ces Serbes qui étaient

 20   là ont eu à manger, ont eu de l'alimentation comme les autres ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont tous eu la même chose à manger que les

 22   Croates, pas seulement les habitants serbes au début, mais aussi les

 23   Croates.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai cru comprendre qu'à Sunja, il a dû y avoir des

 25   combats, oui ou non ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il y a eu d'importants

 27   combats tout à fait au début, ils n'ont jamais réussi à enfoncer nos

 28   premières lignes, mais ils nous ont pilonnés horriblement.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que dans la population de Sunja, à cause du

  2   pilonnage, il y a eu des tués et des blessés ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, deux femmes -- trois femmes ont été

  4   tuées suite au pilonnage ainsi qu'un homme, mais je parle uniquement des

  5   civils.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Les forces de Sunja dirigées par le général Praljak,

  7   est-ce que vous avez capturé des ennemis, oui ou

  8   non ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Tant que c'est le général Praljak qui exerçait

 10   le commandement, nous n'avons pas capturé de prisonniers, mais tout à fait

 11   au début nous en avons capturés deux, au moment où M. Praljak n'était pas

 12   encore au commandement, c'était Zarko Pesa qui commandait, et

 13   personnellement j'ai discuté avec lui d'un échange entre l'un des nôtres

 14   qui avait été fait prisonnier et un des leurs qui avait été arrêté sur la

 15   route.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Une des dernières questions. A votre souvenir, le

 17   général Praljak a exercé le commandement pendant combien de temps, et quand

 18   a-t-il quitté son commandement à Sunja ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai dit dans ma déclaration préalable, en

 20   septembre 1991. Je ne sais pas exactement quel jour il a pris le

 21   commandement. Et au mois d'avril, il a quitté Sunja, c'est dans cette

 22   période qu'il a exercé le commandement pour la défense.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question. Vous nous avez dit tout à l'heure

 24   que tous les matins le général Praljak faisait lever le drapeau et

 25   quelqu'un jouait de la trompette. Je présume que c'était l'hymne national

 26   croate qui était joué. Le général Praljak tenait un briefing d'une durée de

 27   30 minutes, vous nous avez dit, et il interrogeait tout le monde pour

 28   savoir ce qui se passait. Ce tableau que vous nous avez fait, est-ce que

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  1   pendant les six mois où le général Praljak est resté, tous les jours il

  2   faisait comme cela, c'est-à-dire lever le drapeau, briefing ? Est-ce que ça

  3   se passait comme ça tous les jours ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Tous les jours pendant qu'il a exercé le

  5   commandement. D'ailleurs, quand il a cessé d'être le commandant à Sunja la

  6   même chose s'est poursuivie, enfin je n'appellerais pas ça une "tradition,"

  7   mais tout de même c'était sur le plan militaire --

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : -- hommes, les forces à Sunja, vous étiez combien,

  9   100, 200, ou 300, combien étiez-vous ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire que durant les quelques

 11   premiers mois, les effectifs présents à Sunja, en tout cas pas seulement à

 12   Sunja mais enfin ceux d'entre nous qui étions restés à Sunja, étaient,

 13   selon le moment exact, le nombre de 1 500 à 2 000 soldats, quelquefois 2

 14   500. Et il y en avait aussi d'autres régiments dans des unités spéciales,

 15   et cetera.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : De 1 500 à 2 000, ce qui est un chiffre important.

 17   Dans toute armée il y a toujours des brebis galeuses. Il y a des soldats

 18   qui se mettent à boire, à se battre, qui volent, est-ce qu'il y a eu à

 19   votre connaissance des poursuites disciplinaires contre ces soldats, et

 20   est-ce qu'à votre connaissance le général Praljak s'était montré inflexible

 21   à l'égard des soldats qui manquaient à la règle de la discipline, ou bien

 22   c'était le chaos général ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous venez d'évoquer un

 24   certain nombre de choses -- oui, il est arrivé de temps à autre qu'il se

 25   trouve un homme qui boive un peu plus que normal, mais ce que je veux dire

 26   c'est que la discipline était à un niveau très élevé. De façon générale, il

 27   n'y a absolument pas eu de chaos, car vraiment nous étions à ce moment-là

 28   tous ensemble. On ne faisait pas attention à l'appartenance ethnique, on

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  1   était tous ensemble pour conserver nos foyers.

  2   Et si vous me le permettez, je vais vous dire, Monsieur le Président,

  3   car je tiens à le signaler, qu'à Sunja nous parlions de petit déjeuner,

  4   déjeuner et dîner, chaque fois que nous apportions à manger aux soldats, il

  5   y avait des pilonnages, de façon permanente, jusqu'à l'arrivée de la

  6   FORPRONU au mois d'avril, et les pilonnages ont un peu baissé. Mais sinon,

  7   dans la période antérieure il y avait au quotidien 100, 200 et même 300

  8   obus qui tombaient sur Sunja. Juste avant l'arrivée de la FORPRONU, 40 000

  9   obus au total étaient tombés sur Sunja.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez participé en présence du

 11   général Praljak à des briefings pour la mise en œuvre de la défense de la

 12   localité, et est-ce que vous vous rappelez de ce que le général Praljak

 13   avait pu donner comme instruction aux soldats ? Vous avez été lieutenant à

 14   la JNA. Donc, ce que je veux vous

 15   demander : est-ce que les forces de Sunja étaient commandées par quelqu'un

 16   qui s'y connaissait ou bien le général Praljak donnait-il l'impression

 17   d'être un amateur ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] A chaque briefing quotidien pendant la période

 19   où le général Praljak a exercé le commandement, mais aussi sous les autres

 20   commandants, j'étais présent et j'avais le rang de commandant de l'armée

 21   croate, dont la mission était d'assister le commandant dans les questions

 22   de logistique. Tous les jours, j'avais des contacts et je collaborais avec

 23   le général Praljak car les briefings se déroulaient le matin. Après quoi,

 24   mon obligation était après d'avoir assisté à ces réunions, de me rendre sur

 25   la première base de logistique qui se trouvait à Sisak, après quoi elle

 26   s'est étendue jusqu'à Zagreb. Je devais circuler pas mal pour assurer

 27   l'approvisionnement en biens, en armes, et en toutes sortes d'articles.

 28   Et j'ajouterais qu'au début nous n'étions absolument pas armés, en

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  1   tout cas pas beaucoup, quelques rares armes avaient été achetées mais c'est

  2   tout. Tout à fait au début il y avait là des chasseurs armés de leur fusil

  3   de chasse, j'en ai parlé d'ailleurs. J'ai dit qu'au début c'était comme

  4   cela quand j'ai répondu aux questions de Mme l'avocate, jusqu'au moment où

  5   sont arrivés les réservistes de la police de Zagreb et les membres de la 2e

  6   Compagnie des Gardes qui nous ont beaucoup aidés car ils étaient bien

  7   armés. Cela a réduit assez rapidement, dès le début la peur que chacun

  8   ressentait parce que tout à fait au début, nous avons sécurisé tous les

  9   chemins, tous les sentiers contre l'arrivée impromptue de chars que nous

 10   craignions.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question. Mais vous imaginez, je peux

 12   continuer pendant des heures à vous poser des questions. Mais juste ma

 13   dernière question.

 14   Vous nous avez dit que vous étiez adjoint du commandant chargé de la

 15   logistique. Dans votre souvenir, est-ce que le général Praljak signait des

 16   ordres militaires ou bien il ne signait pas grand-chose et il avait délégué

 17   la signature à ses assistants ? Ou bien il voulait tout regarder, tout lire

 18   et tout signer ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, si j'ai bien compris

 20   votre question, j'y répondrai en disant qu'il n'y avait pas d'ordres

 21   écrits, car nous nous entendions sur tout aux réunions d'information du

 22   matin. Et tout à fait au début, comme je l'ai déjà dit, là, je parle de moi

 23   personnellement, en tant que responsable de la logistique j'avais besoin

 24   parfois de signatures de sa part, mais j'ai dit que j'avais discuté avec

 25   lui et qu'il a interrompu cette pratique, qu'il ma chargé de cette

 26   responsabilité et que c'est moi qui m'en occupais. La seule chose c'est que

 27   chaque fois, je lui disais oralement ce que j'avais fait, je lui parlais

 28   des problèmes éventuels que j'avais pu avoir. Parfois, je lui demandais son

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  1   aide, si j'avais un problème particulier, mais rien d'autre.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je croyais que le général Praljak voulait vous

  3   poser des questions.

  4   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Interrogatoire principal par M. Praljak :

  6   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Arbutina.

  7   R.  Bonjour, Monsieur le Général.

  8   Q.  Je vous appelais, n'est-ce pas, Monsieur en français Arbutina ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Puisque vous êtes né en France. Alors, dites-moi, y avait-il une

 11   vieille famille serbe musulmane ou croate à Sunja qui serait restée sans

 12   vivres, qui aurait eu faim et que vous n'auriez pas aidée à quelque moment

 13   que ce soit ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  C'était l'hiver. Qu'est-ce qui se passait du point de vue du carburant

 16   ? Est-il exact que toutes les familles avec des personnes âgées recevaient

 17   du carburant sans problème ? Est-ce que vous avez reçu l'ordre d'agir ainsi

 18   dans ce sens ?

 19   R.  Oui. Et d'ailleurs, je me suis particulièrement occupé de cela, en

 20   particulier lorsqu'il y avait des personnes âgées ou des personnes sans

 21   ressources. Nous assurions leur approvisionnement en carburant et autres.

 22   Q.  Est-ce qu'une seule maison a été incendiée à Sunja durant ma présence à

 23   Sunja ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Y a-t-il eu une seule maison dans laquelle on serait entrée par

 26   infraction et qui aurait été cambriolée ou pillée pendant la durée de mon

 27   séjour à Sunja ?

 28   R.  Non.

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  1   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci bien, Monsieur Arbutina d'être

  2   venu ici. Je n'ai plus de questions à vous poser.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais interroger les avocats des autres Défenses.

  4   Maître Nozica, Maître Khan, des questions à poser ?

  5   Mme NOZICA : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, bonjour

  6   Messieurs les Juges. Merci. Nous n'avons pas de questions à poser à ce

  7   témoin.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : J'avais oublié Maître Karnavas qui n'est pas là,

  9   mais la Défense de M. Prlic, vous avez des questions, Maître ?

 10   Mme TOMANOVIC : [interprétation] La Défense de M. Prlic n'a pas de

 11   questions à poser à ce témoin. Je vous remercie.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense du

 13   général Petkovic n'a pas de questions non plus pour ce témoin.

 14   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] La Défense de M. Coric n'a pas de

 15   questions à poser à ce témoin.

 16   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Pas de questions non plus, Monsieur le

 17   Président. Je vous remercie.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, vous n'aviez pas de questions

 19   ou vous en aviez ? 

 20   M. LONGONE : [interprétation] Pas de questions à poser, Monsieur le

 21   Juge.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Arbutina, votre audition vient de se

 23   terminer, puisque l'essentiel des questions vous ont été posées par la

 24   Défense, et puis je vous ai posé quelques questions ainsi que le Général

 25   Praljak. Les autres parties et le Procureur ont estimé qu'il n'y avait lieu

 26   à vous poser des questions.

 27   Donc je vous remercie d'être venu à la demande de la Défense du Général

 28   Praljak apporter votre concours. Et je vous souhaite un bon retour dans

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  1   votre pays, et je vais demander à M. l'Huissier de bien vouloir vous

  2   raccompagner.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci bien.

  4   Mme PINTER : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin est déjà

  5   présent dans le bâtiment, pour que vous le sachiez simplement. 

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ce que nous allons faire, on va faire la

  7   pause; comme ça, on reprendra avec le nouveau témoin après cette pause.

  8   Donc on fait une pause de 20 minutes.

  9   [Le témoin se retire]

 10    --- L'audience est suspendue à 15 heures 18.

 11   --- L'audience est reprise à 15 heures 42.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pour le témoin Miroslav Crnkovic, j'ai

 13   cru comprendre, Maître Kovacic, que vous allez utiliser une heure. C'est

 14   bien cela ?

 15   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, puisque nous avons

 16   gagné un peu de temps sur l'audition du premier témoin, c'est ma consoeur,

 17   Me Pinter, qui va interroger M. Crnkovic. Il est possible que cela dure un

 18   peu plus d'une heure. Nous verrons, nous ne savons pas exactement, mais

 19   selon le plan, nous nous efforcerons d'en terminer dans les délais.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va introduire le témoin.

 21   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur.

 23   J'espère que la traduction fonctionne.

 24   Pouvez-vous me donner votre nom, prénom et date de naissance ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Miroslav Crnkovic, et je suis né le 24

 26   novembre 1969, à Hrvatska Kostajnica.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuelle, Monsieur ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis à la retraite. J'étais officier de

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  1   l'armée de Croatie.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes bien jeune pour être à la retraite, mais

  3   c'est toujours possible. Vous avez terminé avec quel grade dans l'armée

  4   croate ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais commandant.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Est-ce que, Monsieur, vous avez déjà témoigné

  7   devant un tribunal sur les faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie

  8   ou bien c'est la première fois que vous témoigné ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 12   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13   LE TÉMOIN : MIROSLAV CRNKOVIC [Assermenté]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je vais vous donner quelques explications sur

 18   la façon dont va se dérouler cette audience.

 19   C'est Me Pinter qui va vous poser des questions. Elle a dû vous expliquer

 20   qu'elle va vous poser des questions. Vous allez donc devoir répondre à ses

 21   questions. A l'issue de cette phase, il se peut que les autres avocats des

 22   autres accusés vous posent également des questions. Il se peut également

 23   que le Procureur qui se trouve à votre droite, dans le cadre du contre-

 24   interrogatoire, vous pose également des questions. Et il se peut, mais

 25   quasiment sûr, que les Juges vous poseront également des questions.

 26   Alors, essayez d'être très précis dans les réponses, parce que le temps de

 27   tout le monde est compté, et en tant qu'ancien officier de l'armée croate,

 28   vous savez ce que cela veut dire. Soyez précis dans vos réponses. Répondez

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  1   exactement à la question.

  2   Si vous ne comprenez pas une question, et ça peut arriver, n'hésitez pas à

  3   dire à celui qui vous pose la question de la reformuler.

  4   Nous faisons des pauses toutes les heures et demie, donc la prochaine pause

  5   interviendra dans une heure et 25 minutes. Mais si jamais pour une raison

  6   ou pour une autre, vous ne vous sentez pas bien, levez la main et dites

  7   qu'il faut qu'on arrête pour vous permettre de vous reposer ou faire venir

  8   le médecin en cas de nécessité. On ne sait jamais.

  9   Voilà ce que je voulais vous dire pour que votre témoignage se déroule pour

 10   vous le mieux possible, parce que dans une existence, c'est une épreuve,

 11   dont vous vous souviendrez toute votre vie, certainement. Donc, autant que

 12   ça se passe dans les meilleures conditions.

 13   Sur ce, je vais donner la parole à Me Pinter qui va vous poser des

 14   questions.

 15   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Interrogatoire principal par Mme Pinter :

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Crnkovic.

 18   R.  Bonjour.

 19   Q.  Vous avez reçu des consignes du Président de la Chambre. Et pour ma

 20   part, la seule chose que je vais vous dire, pour peu que cela ne vous ait

 21   pas été dit avant le début de votre audition, c'est qu'il importe que vous

 22   ne parliez pas trop vite et que vous attendiez que j'aie terminé de poser

 23   ma question avant de commencer à répondre. Je dois, pour ma part, respecter

 24   la même règle, car il est préférable que nos voix ne se chevauchent pas.

 25   Normalement vous devriez avoir devant vous les documents 3D03758, qui ont

 26   normalement été remis également aux Juges de la Chambre ainsi qu'à nos

 27   collègues de l'Accusation. J'aimerais savoir si vous avez lu ce dossier ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Y a-t-il quelque chose dans cette déclaration préalable de votre part

  2   qui ne correspond pas à ce que vous auriez dit ou qui aurait été consigné

  3   de façon erronée par écrit ou mal enregistré ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Merci. Eu égard aux commentaires formulés par M. le Juge Antonetti, qui

  6   a semblé surpris de votre jeune âge et de votre retraite à un âge aussi

  7   jeune, pourriez-vous dire à la Chambre pourquoi vous êtes déjà à la

  8   retraite ?

  9   R.  En raison des circonstances. J'ai été grièvement blessé pendant la

 10   guerre.

 11   Q.  Donc vous êtes à la retraite en raison d'une invalidité ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci. Vous avez également communiqué à M. le Juge Antonetti, Président

 14   de la Chambre, des éléments personnels vous concernant, et pour que l'on

 15   comprenne bien pourquoi nous conversons comme nous le faisons, j'aimerais

 16   que vous nous parliez de votre carrière militaire ou plus précisément que

 17   vous nous disiez où vous vous êtes trouvé pendant la guerre, et au sein de

 18   quelle unité. Je parle de la guerre qui a duré entre 1991 et 1993.

 19   R.  Au mois de mars 1991 et jusqu'au mois de juin 1991, j'étais membre de

 20   la police spéciale de l'armée croate. Entre le mois de juin 1991 et le

 21   moment où j'ai été blessé et mis à la retraite, j'étais membre de la 2e

 22   Brigade des Gardes.

 23   Q.  Quand avez-vous été blessé ?

 24   R.  J'ai été blessé le 7 juillet 1992.

 25   Q.  Nous en parlerons un peu plus tard de cette blessure. Mais pourriez-

 26   vous nous dire dans quel secteur vous vous êtes trouvé en tant que membre

 27   de l'armée croate ?

 28   R.  Je me suis trouvé principalement dans des lieux qui entouraient mon

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  1   lieu de résidence, qui est Banovina. Donc je me suis trouvé plus

  2   précisément dans les villes de Glina, de Kozibrod, pas Kosovo, Kozibrod, de

  3   Sunja, de Komarevo, puis j'ai passé une dizaine de jours à Mostar, et

  4   quatre à cinq jours dans la Posavina, juste avant d'être blessé.

  5   Q.  Je vous remercie. Commençons par Sunja. Cela dit, vous venez d'indiquer

  6   que vous avez fait la guerre dans la Banovina. Qu'est-ce que c'est la

  7   Banovina ?

  8   R.  La Banovina est un secteur qui se trouve autour de Sisak, Hrvatska

  9   Kostajnica, Glina, Sunja, donc dans ce secteur-là.

 10   Q.  Quand êtes-vous arrivé à Sunja ?

 11   R.  Je suis arrivé à Sunja, le 31 août 1991.

 12   Q.  Pourriez-vous nous dire comment était organisé le front quand vous êtes

 13   arrivé à Sunja ?

 14   R.  Le front n'existait pas en tant que tel, c'est très simple.

 15   Q.  Qu'avez-vous trouvé sur place ?

 16   R.  Nous avons trouvé des maisons, dont certaines fenêtres étaient

 17   protégées par des sacs de sable, c'était censé constituer une espèce de

 18   ligne de front. Mais dans la réalité, les choses ne fonctionnaient pas

 19   ainsi.

 20    Q.  Vous dites "quand nous sommes arrivés sur place", de qui s'agit-il, de

 21   quelle unité, était-ce une brigade ou quoi ?

 22   R.  C'était ma compagnie, de la Brigade des Gardes.

 23   Q.  Qui comptait combien d'hommes ?

 24   R.  Quarante-sept.

 25   Q.  Merci. Ce front, comme vous dites que vous avez trouvé sur place, est-

 26   il resté identique pendant tout le temps que vous avez passé à Sunja ?

 27   R.  Non, bien sûr que non. Après il y a eu élargissement avec création

 28   d'une première, deuxième, troisième ligne de front et beaucoup de choses

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  1   ont changé.

  2   Q.  Quand ?

  3   R.  Tout a changé après l'arrivée du général Praljak.

  4   Q.  Pouvez-vous nous décrire la situation exacte et les modifications

  5   concrètes du front ? Est-ce qu'il y a eu renforcement de certaines

  6   positions, des tranchées qui ont été creusées, la construction de bunkers ?

  7   Ne parlez pas trop vite, je vous prie.

  8   R.  Quand le général Praljak est arrivé là-bas, il a vu quelle était la

  9   situation, et il a immédiatement pris les mesures nécessaires pour

 10   renforcer les lignes. Il s'est occupé de la défense civile, et il a fait

 11   appel aux membres de la défense civile et aux gens qui à ce moment-là

 12   n'avaient pas encore d'armes, qu'il a transformés en auxiliaires de la

 13   défense dans des sections responsables d'approvisionner la ligne de front

 14   avec des sacs de sable, des bûches de bois utilisées pour construire des

 15   bunkers et ce genre de choses. Tout le monde était engagé dans la

 16   résistance. Je faisais partie de ceux qui n'ont pas beaucoup apprécié tout

 17   cela parce que nous étions très fatigués à ce moment-là. Pour sa part, il a

 18   commencé tout seul, c'était tout simple, quand il a vu que nous n'étions

 19   pas prêts à l'accompagner dans ses efforts.

 20   Quelques jours après la création du premier bunker un peu à l'arrière

 21   de la gare ferroviaire où nous étions installés, il y a eu une attaque qui

 22   a provoqué l'incendie de toute la gare ferroviaire et sa destruction. Nous

 23   pouvons dire tout simplement qu'à ce moment-là le bunker qui avait été

 24   construit nous a sauvé la vie. C'est dans ces conditions qu'a été créée la

 25   deuxième, la troisième, la quatrième ligne de front, et tous les soldats

 26   qui se trouvaient dans les villages dont j'ai parlé étaient organisés au

 27   plus haut niveau. On savait exactement qui devait faire quoi, qui était

 28   chargé de quoi, et à ce moment-là les choses fonctionnaient très bien.

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  1   Q.  Aujourd'hui, malgré le temps passé, pouvez-vous vous rappeler le nombre

  2   de bunkers qui ont été construits, à peu près en tout cas ?

  3   R.  Je crois qu'il y en a eu plus de 200, des tranchées, des bunkers.

  4   Q.  Je vous remercie. Vous avez parlé des sections de travail. Est-ce que

  5   vous pouvez nous dire si ces sections de travail allaient  creuser des

  6   tranchées et construire des bunkers, et lorsqu'elles le faisaient, est-ce

  7   qu'elles étaient en sécurité d'une façon ou d'une autre ? Est-ce qu'il y

  8   avait des gens qui accompagnaient ces personnes et qui s'occupait d'elles ?

  9   R.  C'était nous qui nous occupions de ces personnes et qui assurions leur

 10   sécurité, autrement dit, quand je dis "nous," ce sont les hommes qui

 11   étaient en première ligne de front. Nous veillions à les informer chaque

 12   fois qu'il y avait un risque d'attaque contre eux en particulier. Nous

 13   avons assuré leur sécurité dans la mesure du possible durant une guerre. En

 14   tout cas, je n'ai pas le souvenir d'un seul civil qui aurait trouvé la mort

 15   alors qu'il creusait une tranchée ou construisait un bunker.

 16   Q.  Quand vous parlez de "civils," vous parlez de jeunes gens, d'hommes

 17   d'âge moyen ou d'hommes âgés ?

 18   R.  Des hommes d'âge moyen qui à ce moment-là étaient répartis dans des

 19   unités militaires parce que les effectifs étaient insuffisants et qu'il n'y

 20   avait pas d'armes en nombre suffisant.

 21   Q.  Vous avez parcouru pas mal de champs de bataille. J'aimerais que vous

 22   nous disiez aussi quel était l'état de la discipline à Sunja ? Quel était

 23   le sens du mot discipline à Sunja dans cette période ? Je vous prierais de

 24   nous donner quelques exemples de la discipline appliquée aux soldats, de la

 25   discipline dont faisaient preuve les soldats par rapport aux civils

 26   également ?

 27   R.  Il n'y avait pas de discipline avant l'arrivée du général Praljak. Il

 28   s'est opposé à toute tentative d'écart. Il n'autorisait personne à

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  1   s'écarter de la ligne la plus stricte de ce qu'exigeait l'armée. Il ne

  2   tolérait en aucun cas que quiconque mette le feu à une maison ou s'empare

  3   de la propriété d'autrui, notamment dans les maisons abandonnées.

  4   Malheureusement, il y avait pas mal de maisons abandonnées, et il importait

  5   pour lui que chacun sache exactement qui était le chef. Il intervenait

  6   lorsqu'il y avait des rixes entre des hommes car cela est arrivé, pour les

  7   interrompre. Je peux vous donner quelques exemples. Je pourrais parler de

  8   mes hommes qui ont enlevé trois couteaux, cinq cuillères et quelques

  9   assiettes d'une maison dans laquelle ils étaient entrés, ainsi qu'un petit

 10   téléviseur noir et blanc. Et l'un des membres de mon unité --

 11   Q.  Ne prononcez pas de nom, sinon il faudrait passer à huis clos partiel. 

 12   R.  Un des membres de mon unité avait perdu son domicile parce que sa

 13   maison avait été incendiée par l'ennemi. Son épouse l'avait appelé et lui

 14   avait dit qu'il n'y avait plus rien dans l'appartement où elle avait

 15   emménagée à Sisak et trois ou quatre soldats ont été pris en faute sur un

 16   bateau alors qu'ils traversaient la rivière pour aller à Sisak, et on les a

 17   renvoyés à Sunja.

 18   Q.  Qui les a attrapés ?

 19   R.  Un membre de la police.

 20   Q.  Est-ce que c'était des policiers civils ?

 21   R.  Oui, parce que la police militaire n'existait pas à l'époque.

 22   Q.  Bien. Veuillez poursuivre.

 23   R.  A ce moment-là, l'un de mes amis qui revenait du QG m'a dit que puisque

 24   j'étais en première ligne sur le front, le général Praljak les avait

 25   désarmés, leur avait enlevé leurs insignes et leurs emblèmes et les avait

 26   fait se mettre en rang devant la caserne des pompiers de Sunja. C'était un

 27   endroit qui servait de QG à la Garde patriotique d'une certaine façon, et à

 28   ce moment-là je suis monté dans ma voiture, je suis allé sur place, je lui

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  1   ai demandé ce qui était en train de se passer. Il m'a dit que c'était très

  2   simple, que je devais emmener ces hommes à Sisak à la prison et les y

  3   enfermer, parce qu'en fait il n'y avait pas de vraies prisons à Sunja, donc

  4   il fallait que je trouve une maison. C'était une petite maison qui avait

  5   été transformée en prison sur la première ligne de front, mais personne

  6   n'assurait sa sécurité. J'ai appliqué cet ordre et j'ai conduit ces hommes

  7   au centre de détention en question et ils ont été pris en charge par la

  8   police sur place. Trois ans plus tard, le tribunal militaire de Zagreb a

  9   jugé cette affaire et j'ai été témoin à ce procès.

 10   Q.  Ces trois soldats faisant partie de votre unité, est-ce qu'ils ont eu

 11   une aide juridique ?

 12   R.  Oui, et moi je suis allé parler au commandant. Il s'est occupé de toute

 13   l'affaire puisqu'il est allé voir un de ses amis à Zagreb qui est allé à

 14   Sisak au centre de détention pour résoudre le problème.

 15   Q.  Qui est ce "il ?"

 16   R.  Le "il" c'est le général Praljak.

 17   Q.  Je vous remercie. J'ai un renseignement à vous donner. J'aimerais vous

 18   demander si vous avez des informations à ce sujet. Est-ce qu'il y a eu des

 19   exécutions, des semblants d'exécution qui ont été organisés à un certain

 20   moment ?

 21   R.  Il a dit qu'il les ferait exécuter, mais à ce moment-là quand s'est

 22   passé ce que j'ai déjà décrit devant la caserne des pompiers, un grand

 23   nombre de personnes du coin se sont rassemblées. C'était des gens qui

 24   faisaient partie des unités de Sunja et qui étaient, entre autres, membres

 25   des forces de police, et tout le monde a entendu dire que si des situations

 26   du même genre devaient se renouveler à Sunja, la même chose se passerait.

 27   En fait, il n'y a plus eu de situations de ce genre.

 28   Q.  Vous avez dit que c'était la police civile qui avait arrêté les soldats

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  1   sur les bateaux alors qu'ils traversaient la rivière et avaient découvert

  2   sur eux un certain nombre d'objets volés. Est-ce que vous savez quand la

  3   police militaire est arrivée ?

  4   R.  La police militaire est arrivée à la fin du mois d'octobre ou au début

  5   du mois de novembre. C'est M. Praljak qui l'a fait venir. C'était des gens

  6   qui venaient de l'extérieur, des gens que nous ne connaissions pas parce

  7   que lui savait bien, en tout cas il pensait que si c'était des gens de la

  8   région qui constituait la police militaire, autrement dit des voisins, il

  9   serait plus difficile de régler des situations de ce genre qu'à l'aide de

 10   gens venus de l'extérieur.

 11   Q.  Vous avez été vous-même témoin de réaction de la part du général

 12   Praljak en cas de vols, pillages de maisons, ou chose de ce genre en dehors

 13   du cas que vous venez de citer ?

 14   R.  J'ai été témoin d'une situation dans laquelle deux des hommes qui

 15   transportaient à bord d'un ferry les gens d'un côté à l'autre de la

 16   rivière, de Sisak et de Zagreb vers Sunja, avaient sur eux des armes, et

 17   ils ont refusé d'appliquer un ordre très important.

 18   Q.  Pouvez-vous nous dire de quel ordre il s'agissait, et nous décrire

 19   exactement la situation ?

 20   R.  Dans cette période, on discutait de la possibilité de lancer une action

 21   importante pour rejoindre les unités de Komarevo-Kozibrod -- Sunja et

 22   Dubica, entre autres. Et l'ordre relatif à cette opération ne pouvait venir

 23   que de Zagreb et par écrit, il fallait qu'ils soient transportés à bord du

 24   ferry qui traversait la rivière. Puisque le général Praljak insistait pour

 25   que le ferry reste pendant la nuit sur la rive du côté de Sunja pour éviter

 26   que qui que ce soit soit blessé, ils n'ont pas écouté les gens qui

 27   appelaient de l'autre côté de la rivière. Mais comme la personne qui avait

 28   sur elle l'ordre écrit a téléphoné au commandement de Sunja pour dire que

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  1   les responsables du ferry refusaient le passage, le général a donné l'ordre

  2   --

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, pour apprécier la portée de vos

  4   réponses, il y a quelque chose qui manque, parce que vous me donnez

  5   l'impression de quelqu'un de cultivé et d'instruit, et je ne sais

  6   absolument pas avant d'être dans l'armée croate est-ce que vous aviez fait

  7   des études ou pas. Vous pouvez me dire si vous aviez fait des études, et si

  8   oui, lesquelles ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai terminé mon éducation secondaire.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et vous avez indiqué qu'avant d'arriver dans

 11   la 2e Brigade des Gardes vous étiez dans la police spéciale de l'armée

 12   croate. C'est quoi la police spéciale ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une appellation spéciale, mais c'est une

 14   police qui à ce moment accomplissait des tâches tout à fait normales,

 15   gardait les locaux du Tribunal de Sisak. Certains points de passage

 16   importants, il n'y avait aucune opération de nature militaire dans cette

 17   zone.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Je comprends mieux.

 19   Madame Pinter.

 20   Mme PINTER : [interprétation]

 21   Q.  Vous vous êtes arrêté à ce moment où les deux employés sont emmenés au

 22   commandement, pouvez-vous continuer ?

 23   R.  Oui. Alors, bien entendu, dans tout ce désordre ils se sont disputés

 24   tous les deux.

 25   Q.  Qui sont ces deux hommes ?

 26   R.  Excusez-moi. Le général Praljak est l'un de ces deux hommes qui a

 27   commencé à crier, à se disputer avec le général Praljak, ils en sont

 28   quasiment venus aux mains. Et --

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  1   Q.  Pouvez-vous décrire de quoi il s'est agi ?

  2   R.  Dans la terminologie qu'on utilise, le vocabulaire qu'on emploie il

  3   s'agit tout simplement de mettre des coups de pied au derrière de

  4   quelqu'un.

  5   Q.  Avez-vous discuté de la raison pour laquelle le général a réagi de

  6   cette manière ?

  7   R.  Bien sûr que je le savais. Si une action devait démarrer et que nous

  8   n'avions pas reçu nos ordres, vous pouvez imaginer ce qui se serait passé.

  9   Les deux unités qui se seraient mises en route ce seraient retrouvées

 10   prises en embuscade et il y aurait eu un véritable massacre.

 11   Mme PINTER : [interprétation] Je voudrais qu'on apporte une correction au

 12   compte rendu à la page 36, ligne 24. Je ne vais pas parler à votre place,

 13   je vais simplement vous donner lecture de la façon dont cela a été consigné

 14   au compte rendu.

 15   Q.  Il a été indiqué qu'au compte rendu que beaucoup de coups au derrière

 16   ont été assénés. Alors est-ce qu'il y a eu beaucoup de coups ou y en a-t-il

 17   eu plusieurs autrement dit ?

 18   R.  Oui, on peut dire qu'il en a eu plusieurs.

 19   Q.  Alors vous avez parlé de la police militaire. Est-ce que vous avez

 20   quelques éléments que ce soit en ce qui concerne le rapport du général

 21   Praljak avec les membres de la police militaire dans les situations où ces

 22   dernières auraient pu se comporter de façon non conforme au règlement en

 23   vigueur ?

 24   R.  Oui, les membres de la police militaire, après un certain temps, ont

 25   commencé à prendre à leur charge de plus en plus de prérogatives à régler

 26   leur compte avec des soldats, et des situations dangereuses se sont

 27   présentées où il y avait un risque d'assister à des tirs. Cependant, le

 28   général Praljak a renvoyé ce groupe de polices militaires à Zagreb ou à

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  1   Sisak, je ne sais plus d'où ils étaient, il a mis en place une nouvelle

  2   section de la police militaire formée de gens du cru.

  3   Q.  Et dans ce cas-là il n'y a pas eu de problème particulier du fait qu'il

  4   s'agissait de locaux ?

  5   R.  Non, il n'y a plus eu aucun problème qu'il s'agisse de refus d'exécuter

  6   les ordres ni d'aucune autre sorte de problème.

  7   Q.  Très bien. Nous y reviendrons. Je voudrais encore vous demander de dire

  8   ou d'énumérer plutôt tout ce qui vous avait été interdit par le général

  9   Praljak quand vous étiez à Sunja, ou bien l'avez-vous déjà dit ?

 10   R.  Il était interdit de porter atteinte aux biens de qui que ce soit où

 11   que les maisons étaient vides, en effet. Il était interdit d'ouvrir le feu

 12   si on n'avait pas été visé préalablement et si on n'avait pas essuyé des

 13   tirs. Il était strictement interdit de procéder à quelque incendie

 14   volontaire que ce soit, et il n'y a pas eu en effet d'incendie volontaire.

 15   Toutes les mesures de prudence et de précaution ont été prises.

 16   Q.  Mais alors quelle était la sanction prévue si un homme se livrait à des

 17   tirs et de façon non autorisée ?

 18   R.  Les sanctions dépendaient des unités et des personnes concernées. Il

 19   pouvait s'agir de travaux.

 20   Q.  Qu'est-ce que cela signifiait d'être sanctionné par des travaux ?

 21   R.  On pouvait être envoyé pour participer à des travaux de renforcement de

 22   la ligne de front pour construire un bunker.

 23   Q.  Est-ce qu'il fallait parcourir à pied une certaine distance pour cela ?

 24   R.  Oui, malheureusement, il fallait s'y rendre à pied.

 25   Q.  Pouvez-vous décrire cela ?

 26   R.  Il s'agissait juste d'une forme d'exercice pour que les hommes ne se

 27   relâchent pas. A l'époque déjà, ces soi-disant cessez-le-feu qui étaient en

 28   place, mais c'est lors de ces périodes de cessez-le-feu qu'il y avait le

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  1   plus de victimes et de blessés, parce que les hommes s'ennuyaient. Donc,

  2   pour empêcher cela, il s'agissait de parcourir à pied, dans la boue, ces 2

  3   kilomètres ou 2 kilomètres et demi jusqu'à la ligne de front, et lorsque

  4   nous sommes arrivés, nous avons vu un groupe de soldats qui ne nous ont

  5   même pas remarqués. Alors on nous a ordonné de mettre des masques sur nos

  6   têtes et de simuler une attaque à leur encontre comme si nous avions été

  7   des soldats ennemis, parce qu'ils n'avaient pas du tout remarqué notre

  8   arrivée.

  9   Q.  Il s'agissait de membres de la HV, n'est-ce pas, non pas des civils,

 10   mais des soldats ?

 11   R.  Oui, ils montaient la garde autour de ces bunkers.

 12   Q.  Très bien. Alors continuez, s'il vous plaît.

 13   R.  Ils étaient tellement pris par leurs activités, ils étaient en train de

 14   faire la cuisine, ou je ne sais plus exactement quoi, que nous avons réussi

 15   à les surprendre et à faire prisonniers certains d'entre eux. Nous avons

 16   réussi à les faire prisonniers. C'était une simulation, bien sûr, de notre

 17   part, nous nous sommes comportés comme si nous avions été des soldats

 18   ennemis qui les auraient pris par surprise. Donc vous pouvez imaginer la

 19   façon qu'ils ont vécu cela et comment ils les ont ensuite punis.

 20   Q.  Alors vous parlez ici d'hommes qui faisaient la cuisine, avez-vous

 21   d'autres exemples de comportements inconsidérés ou un peu légers ? Est-ce

 22   que certains hommes quittaient la ligne de front ?

 23   R.  Non, ils ne quittaient pas les lignes de front.

 24   Q.  Qu'en était-il de la Garde patriotique ?

 25   R.  Pendant la journée, on pouvait voir certains hommes quitter leurs

 26   bunkers, mais devant eux, ils avaient un champ de quelque 3 kilomètres. Ils

 27   pensaient que rien ne pouvait leur arriver. C'étaient des hommes

 28   originaires du village le plus proche. A une occasion, dans le village de

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  1   Zemen, il y a eu tout un village qui a abandonné les postes de garde aux

  2   bunkers.

  3   Q.  Nous n'allons plus mentionner le nom des villages, mais est-ce que vous

  4   pourriez nous dire s'il y a eu une situation analogue avec une personne qui

  5   a abandonné un bunker et qui se trouvait chez elle ? Est-ce que cela vous

  6   rappelle quelque chose ?

  7   R.  Oui. Cet homme qui a abandonné son bunker, nous l'avons retrouvé chez

  8   lui, dans la cour de sa maison. Il a reçu l'ordre du général Praljak de

  9   revenir occuper son poste, mais il a refusé d'exécuter cet ordre en arguant

 10   qu'il devait travailler, qu'il était un paysan. A ce moment-là, le général

 11   Praljak m'a dit de tuer une de ses vaches. Je savais, moi aussi, qu'il ne

 12   serait pas nécessaire d'en arriver là. J'ai fait semblant, et cela a suffi.

 13   Le paysan en question a abandonné toutes ses activités séance tenante, a

 14   pris son fusil et est reparti occuper son poste. Il n'a plus jamais

 15   abandonné ce poste.

 16   Q.  Avez-vous ensuite discuté avec le général Praljak quant à la raison qui

 17   l'avait poussé à vous demander de tuer cette vache ?

 18   R.  C'est précisément ce dont je parlais précédemment. Avec certaines

 19   personnes, il est nécessaire de se battre; avec d'autres, il faut procéder

 20   ainsi, comme je viens de l'expliquer. Il m'a dit : C'est tout simplement la

 21   mentalité des paysans. Met le feu à son village et met le feu à sa maison,

 22   il ne se plaindra pas, mais dès que tu touches à son bétail, c'est une

 23   autre histoire.

 24   Q.  Alors vous venez de dire que tout cela était adapté à la situation;

 25   qu'avec certains, il fallait se comporter ainsi; qu'avec d'autres, il

 26   fallait se battre. Mais selon vous et d'après ce que vous avez vu, lorsque

 27   le général Praljak procédait à une sanction physique d'un homme en raison

 28   de son comportement, est-ce que cela ne pouvait pas constituer un signe, un

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  1   message envoyé à ses hommes leur indiquant qu'il pouvait se comporter

  2   également de cette façon-là envers les gens ?

  3   R.  Non, absolument pas.

  4   Q.  Pourquoi ? Pouvez-vous expliquer ?

  5   R.  [aucune interprétation]

  6   Q.  Si le général Praljak frappe cet employé qui était chargé de faire

  7   traverser le ferry ou s'il le menace de tuer une vache, est-ce que cela

  8   n'envoie pas un message à votre adresse, à l'adresse des soldats, vous

  9   indiquant que vous pourriez procéder de la même manière, que vous pourriez

 10   battre quelqu'un, par exemple ?

 11   R.  Non, bien sûr que non, parce que nous connaissons très bien la

 12   hiérarchie. Nous savions ce que nous pouvions ou ne pouvions pas faire à

 13   chaque moment. Donc nous ne pouvions pas nous promener le long de la route

 14   et régler nos comptes avec tout un chacun, comme cela nous passait par la

 15   tête.

 16   Q.  Avez-vous eu des prisonniers de guerre ?

 17   R.  Oui.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Lorsque vous avez confirmé que

 19   Praljak punissait les gens physiquement, qu'est-ce que vous aviez en tête

 20   exactement ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Prenez cet employé du ferry, c'est une

 22   question d'interprétation. Cet homme n'a pas été battu au point de devoir

 23   passer plus de cinq jours à l'hôpital. Le jour suivant, il est retourné à

 24   son travail. D'ailleurs, ce jour suivant où il est revenu travailler, il y

 25   a eu un soldat qui est tombé à l'eau et il l'a sauvé en sautant à l'eau

 26   pour le repêcher. Mais c'était suffisant que d'agir ainsi à son égard pour

 27   le rappeler à l'ordre. Donc lorsqu'il était suffisant -- il ne s'agissait

 28   pas de régler ses comptes physiquement avec les gens ni de les battre de

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  1   façon aussi grave qu'ils auraient fini à l'hôpital.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai bien entendu cela. Je ne

  3   laissais pas entendre du tout que Praljak a agi de façon excessive. Ce que

  4   vous décrivez me semble très impulsif. Lorsque je pense à une punition, je

  5   pense plutôt à quelqu'un qui a fait quelque chose qui n'est pas bien. On

  6   lui a dit que ceci doit être puni, et si c'est à caractère physique, ceci

  7   peut être formalisé sous la forme d'un certain nombre de coups de bâton ou

  8   peut rester informel, par exemple, une gifle. Pourriez-vous nous parler de

  9   cela un petit peu de cela, s'il vous plaît, ou est-ce que vos observations

 10   n'étaient pas, disons, aussi techniques que vous nous l'avez indiqué ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai participé à certaines situations où

 12   l'ordre donné à un homme se trouvant sur la ligne de front n'était pas

 13   exécuté, car ce dernier ne le voulait pas. Il se levait et voulait partir,

 14   et ce n'était qu'en le menaçant d'en venir aux mains qu'il revenait à son

 15   poste. Donc le général Praljak ne venait pas régler ses comptes avec les

 16   hommes, mais uniquement, procédait comme il convenait avec ceux pour

 17   lesquels il n'y avait pas d'autre solution que de recourir à la force et

 18   pour réagir à tous les actes qui pouvaient être commis et qui étaient

 19   contraires aux règles et aux coutumes de la guerre. Il y a eu des

 20   situations de cette nature sur le front. Il n'y avait pas de police

 21   militaire ni de police. Il fallait bien que quelqu'un s'occupe de ces

 22   tâches.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Si j'ai bien compris, vous avez dit que parfois le

 25   général Praljak, pour faire respecter la discipline, pouvait faire usage de

 26   la force. Et j'ai cru comprendre, mais j'ai peut-être fait une erreur et

 27   n'hésitez pas à me corriger parce que si je commets une erreur, je vous

 28   saurai gré de me la corriger, mais j'ai cru comprendre, à titre d'exemple,

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  1   qu'il pouvait arriver au général Praljak de donner un coup de pied au

  2   derrière d'un soldat qui s'était mal comporté. Vous l'avez vu de vos

  3   propres yeux cela ou c'était une rumeur ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai vu de mes yeux ce cas que j'ai décrit

  5   avec l'employé du ferry.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors on peut comprendre, par exemple, qu'un père

  7   gifle son enfant qui aurait pris des bonbons sans l'autorisation des

  8   parents. Bien. Mais quand il s'agit d'un commandant militaire qui peut

  9   faire preuve d'acte de violence sur un subordonné, de votre point de vue,

 10   est-ce que ça ne peut pas avoir un effet ultérieur après sur ces soldats,

 11   qui feront prisonnier quelqu'un et lui donneront un ordre : Mets-toi dans

 12   le rang, le prisonnier ne s'exécute pas, et à ce moment-là, pourraient le

 13   frapper. Est-ce que, pour vous, ça peut, le cas échéant, avoir un effet

 14   incitateur ou pas ?

 15   J'en reconnais que ma question est très délicate, mais c'est la thèse

 16   du bureau du Procureur, qui a posé cette question déjà. Voilà. Comme vous

 17   êtes un témoin visuel, ce que j'aimerais savoir, c'est quelle était votre

 18   impression ? Est-ce que vous étiez d'accord avec cela ou pas d'accord ?

 19   Parce que vous êtes le premier témoin qui nous parle de cela, donc autant

 20   en profiter.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] On pourrait dire que c'était un message qui

 22   était envoyé également à notre adresse, mais c'est le contraire de ce que

 23   vous venez de dire, Monsieur le Président. Nous savions que nous n'avions

 24   pas le droit de nous comporter de cette manière vis-à-vis de quelque

 25   prisonnier que ce soit. Il nous l'a fait savoir très clairement. Il nous a

 26   fait savoir très clairement que si tel était le cas, le même sort pourrait

 27   nous être réservé. Mais celui qui s'est vu mettre plusieurs coups de pied

 28   au derrière, dans le meilleur des cas si on avait porté plainte contre lui

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  1   en cour martiale, il aurait été envoyé en prison. Je pense qu'en l'espèce,

  2   il s'en est tiré bien mieux.

  3   Je crois qu'il faut se reporter au contexte d'alors qui était

  4   particulièrement difficile. Je crois qu'il est particulièrement difficile à

  5   des personnes qui n'ont pas été présentes là-bas à ce moment-là de

  6   comprendre ce que cela représentait.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

  8   M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, j'ai juste une petite question.

  9   Les législateurs de tous les pays prescrivent ce qu'ils veulent dans

 10   leurs différents codes, en général. Et, les règlements militaires, comme

 11   les codes de justice militaire dans certains pays, prescrivent parfois des

 12   châtiments physiques. La question que je voudrais vous poser, c'est de

 13   savoir, parce que vous êtes un ancien major de l'armée croate, comme le

 14   général Praljak lui-même est un ancien général aussi de l'armée croate, je

 15   voudrais savoir si dans le règlement militaire ou dans les pratiques de

 16   l'armée croate, est-ce qu'il était admis parfois des corrections physiques

 17   ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela n'existe pas, n'est pas prévu par les

 19   règlements dans l'armée croate. Mais en 1991, 47 hommes et plus d'une

 20   centaine de civils se trouvant sur la ligne de front, cela n'est pas

 21   l'armée croate. Cela ne constituait que les débuts d'un processus de

 22   création de ce qui finirait par être l'armée croate.

 23   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

 24   Mme PINTER : [interprétation]

 25   Q.  Je vais vous reposer encore une fois la question pour que nous ayons

 26   une vue complète. Vous l'avez dit, mais je vais demander de répéter une

 27   nouvelle fois.Pourquoi cela était-il important ? Pourquoi vous avez dit

 28   qu'ils auraient pu se retrouver en cour martiale, être punis de longues

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  1   peines de prison ? Alors dites-nous pourquoi était-il important que ce

  2   message parvienne au

  3   commandement ? Y a-t-il quelque opération militaire que ce soit qui s'est

  4   trouvée menacée ? Est-ce que la vie des soldats ou des civils était menacée

  5   ?

  6   R.  Parce que les vies des soldats et des civils étaient menacées, les vies

  7   des soldats de deux unités avec lesquelles nous étions supposés nous

  8   engager conjointement dans une opération, mais simultanément. Et vous

  9   imaginez bien ce qui aurait pu se passer si ces deux unités s'étaient mises

 10   en route et que nous, à cause de cette omission stupide, n'ayons reçu aucun

 11   ordre. Vous pouvez imaginer les conséquences que cela aurait pu avoir.

 12   Q.  Nous parlons toujours de cette même --

 13   R.  Oui, c'est toujours cette même opération.

 14   Q.  Très bien. Les interprètes demandent que je répète le nom de

 15   l'opération, car il y a eu chevauchement de nos voix. Je vous ai demandé si

 16   nous sommes toujours en train de parler de cet incident avec l'employé du

 17   ferry. Maintenant, attendez avant de répondre, s'il vous plaît.

 18   R.  Oui, nous parlons de cette opération Jour J.

 19   Q.  Et cela comprend également cet incident avec l'employé du Ferry, n'est-

 20   ce pas, cette opération Jour J ?

 21   R.  En effet.

 22   Q.  Nous disposons également d'un certain nombre d'autres informations.

 23   J'aimerais que vous décriviez ce qui s'est passé lorsque la station de

 24   radio 101 est arrivée à Sunja et lorsqu'il y a eu des soldats quelque peu

 25   éméchés. Est-ce que vous pourriez décrire dans vos propres mots ce qui

 26   s'est alors passé et quel type de sanction a été appliqué, si cela a bien

 27   été le cas ?

 28   R.  Au mois de septembre et d'octobre 1991, un groupe de jeunes de Zagreb

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  1   sont arrivés et ont mis sur pied une station de radio pour que les hommes

  2   se trouvant sur le front puissent recevoir les messages de leurs proches.

  3   Il s'est trouvé sur place une jeune fille dans ces conditions, elle a amené

  4   son chat avec elle, de Zagreb. Quatre membres de l'armée croate qui

  5   revenaient de Zagreb sont allés à la station de radio et ils voulaient que

  6   l'on passe un certain nombre de titres à la radio. Après la réaction qui a

  7   été la sienne et qui a consisté à dire qu'ils devraient attendre un peu,

  8   l'un de ces hommes a pris son chat, l'a jeté contre le radiateur et l'a

  9   ainsi tué. La jeune fille a commencé évidemment à pleurer, à crier, est

 10   venue me voir, et tout cela s'est terminé chez le général qui est venu, a

 11   désarmé les quatre hommes, leur a retiré leur insigne et leurs uniformes et

 12   les a renvoyés à Zagreb. Ces hommes n'ont plus jamais été membres de

 13   l'armée croate à Sunja.

 14   Q.  Alors comment expliquez-vous pour vous-même ce comportement du général

 15   Praljak ?

 16   R.  C'était un message très clair : Si tu peux être renvoyé de l'armée

 17   croate à cause d'un chat, tu peux imaginer ce qui t'attends pour quelque

 18   chose de plus grave lorsqu'il s'agit d'un être humain, par exemple.

 19   Q.  Alors nous avons parlé du cas de tirs inutiles et de la sanction qui

 20   était prévue dans ce cas-là. Mais pourriez-vous nous dire pourquoi la date

 21   du 15 janvier 1992 est importante pour la République de Croatie ?

 22   R.  C'est l'une des dates les plus importantes de notre histoire, c'est la

 23   date de la reconnaissance internationale de la République de Croatie.

 24   Q.  Où vous trouviez-vous à ce moment-là lorsque la Croatie a été

 25   internationalement reconnue ?

 26   R.  J'étais sur les lignes de front à Sunja.

 27   Q.  Est-ce que cette reconnaissance internationale a fait l'objet de

 28   célébrations ? Et si oui, pouvez-vous décrire comment ?

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  1   R.  Non, il n'y a pas eu de célébrations. Il était interdit de tirer la

  2   moindre balle. Il n'y a que l'ennemi qui nous a gratifié de ses propres

  3   tirs d'obus de mortier.

  4   Q.  Quels uniformes portiez-vous ? Quel type d'uniformes l'armée avait-elle

  5   ?

  6   R.  Des uniformes de camouflage.

  7   Q.  Très bien. Y avait-il des uniformes noirs ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Etait-il permis de porter des insignes comme la lettre U ou écrire sur

 10   les antichars ou sur le mur du bâtiment du commandement quelque chose ?

 11   R.  Non, pas à Sunja.

 12   Q.  Pourquoi ?

 13   R.  C'était interdit. Certains hommes, je ne sais pas d'où ils venaient car

 14   il venait des hommes de différentes contrées et ils étaient fréquemment

 15   remplacés, ils avaient dessiné quelque chose sur le mur d'une maison et ils

 16   ont été contraints de nettoyer cela ou de le recouvrir de peinture.

 17   Q.  Alors, M. Arbutina qui a déposé avant vous, nous a informé que tous les

 18   matins il y avait un briefing, il y a une levée du drapeau. Est-ce que cela

 19   a été le cas pendant toute la durée de votre séjour à Sunja ?

 20   R.  Oui, après la venue du général, mais pas avant, tous les commandants

 21   qui se trouvaient sur les lignes de front avaient l'obligation de se rendre

 22   devant la caserne des pompiers, d'assister à la levée du drapeau et

 23   d'entendre l'hymne et d'informer le général des événements de la nuit, s'il

 24   y avait eu des incursions, des tirs, des attaques et combien d'obus de

 25   mortier étaient tombés, et ainsi de suite.

 26   Q.  Comment les communications et l'envoi des rapports étaient-ils

 27   organisés ? Vous venez de dire qu'il fallait remettre des rapports au

 28   général Praljak. Mais quelle était l'organisation de cela ? Est-ce qu'il y

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  1   avait des problèmes dans la façon dont vous receviez des informations ?

  2   R.  Non, il n'y avait pas de problèmes. Toutes les positions étaient

  3   reliées par des téléphones de campagne, et tous les commandants qui se

  4   trouvaient sur la ligne dans notre compagnie et les autres avaient la

  5   possibilité de communiquer aux moyens des appareils Motorola pendant toute

  6   la journée.

  7   Q.  Avez-vous eu ou reçu parfois des informations fausses selon lesquelles

  8   vous deviez participer à une opération alors que cette dernière n'existait

  9   pas ?

 10   R.  Oui, cela arrivait assez souvent. On parlait d'opérations ou d'attaques

 11   héliportées et, à chaque fois, nous nous rendions sur place pour vérifier

 12   ce qu'il en était. Je sais que deux fois le général est venu avec nous mais

 13   nous n'avons, à chaque fois, rien trouvé de tel.

 14   Q.  Mais dites-moi, quand vous étiez sur le front sur les lignes, est-ce

 15   que vous aviez toujours suffisamment d'armes ou est-ce qu'il était

 16   nécessaire - et quand je dis les lignes, je pense toujours à la première

 17   ligne de front - est-ce qu'il arrivait que vous ayez besoin qu'on vous

 18   apporte des armes ?

 19   R.  Bien entendu, cela dépendait de l'intensité des attaques. Il est arrivé

 20   fréquemment que nous nous retrouvions sans armes ou plutôt sans munitions.

 21   Mais un certain nombre de fois, je dirais une dizaine de fois, M. le

 22   général a lui-même apporté des munitions sur la première ligne de front,

 23   qu'il apportait avec le responsable de la logistique et, tout cela, sous le

 24   feu de l'ennemi.

 25   Q.  Très bien. Est-ce que le général a participé à des opérations

 26   militaires ou est-ce qu'il était assis au commandement en train d'attendre

 27   des rapports de votre part ?

 28   R.  Le général communiquait beaucoup avec les hommes en général, et il

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  1   circulait pas mal sur le front, c'est-à-dire en première ligne. C'était

  2   quelqu'un qu'on avait l'habitude de voir en première ligne. Il a participé

  3   d'ailleurs à mes côtés à une opération en tant que fantassin, pas en tant

  4   que commandant mais il a agi exactement comme un fantassin. L'opération

  5   était destinée à sauver un civil dans un village ennemi.

  6   Q.  Vous étiez son commandant ce jour-là ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pourriez-vous nous dire, je vous prie, davantage en détail quelle a été

  9   la nature de cette opération, quel a été ce civil, quelle était

 10   l'appartenance ethnique de ce civil et où il se trouvait ?

 11   R.  Cela se passait non loin du front. Un membre de notre unité ou plus

 12   précisément son père était resté dans le village. C'était un Serbe. Il

 13   avait refusé donc de quitter le village et son fils avait peur pour sa vie,

 14   son fils qui était dans notre unité. Il craignait que son père ne soit tué,

 15   et il nous a demandé de l'accompagner la nuit pour faire sortir son père du

 16   village. Il ne pouvait pas le faire tout seul. Il avait peur d'être fait

 17   prisonnier. Donc nous avons réussi cela sans qu'une seule balle ne soit

 18   tirée. Nous sommes rentrés et cet homme est resté avec son fils sur notre

 19   territoire.

 20   Q.  Donc cela s'est fait à la demande du fils, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, le fils est venu nous soumettre cette demande. Il l'a soumise au

 22   général Praljak et le général Praljak nous a demandé de nous en occuper.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Je viens de découvrir, en vous écoutant, mais on le

 24   savait déjà par le témoin précédent, que dans votre unité il y avait des

 25   Serbes. Vous confirmez cela ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, est-ce que vous pouvez nous dire dans quelle

 28   situation psychologique était vos camarades serbes qui étaient sur la ligne

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  1   de front et face à eux, il y avait des Serbes, comment ils arrivaient à

  2   surmonter ce problème ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous étions tous des volontaires de l'armée

  4   croate à ce moment-là. Nous étions des hommes qui étions entrés dans

  5   l'armée de notre plein gré, de notre initiative personnelle, sans avoir été

  6   mobilisés. Chacun de nous s'est fait connaître de son propre chef et a été

  7   versé dans l'armée sur sa propre initiative. Nous étions des jeunes gens.

  8   Nous avions 22, 23 ans, et nous n'avons jamais posé la moindre question à

  9   qui que ce soit pour connaître son appartenance ethnique.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne répondez pas exactement à ma question. Je

 11   reconnais qu'elle est difficile.

 12   Vous êtes dans une unité où il y a des camarades serbes avec vous.

 13   L'ennemi, ce sont les Serbes. Et moi, j'essaie de comprendre votre camarade

 14   serbe, comment il fait alors qu'en face de lui, il y a des Serbes comme lui

 15   ? Comment il arrive à résoudre cette difficulté ? C'est ça que j'essaie de

 16   comprendre.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est simple. Si une attaque démarrait du fait

 18   de l'ennemi serbe, les hommes se défendaient. Bien sûr, ils tiraient. Moi,

 19   j'avais dans mon unité un soldat qui était donc Serbe et son frère était à

 20   100 mètres de l'autre côté. Il faisait partie de l'armée ennemie. Donc

 21   voilà, c'était simplement comme ça. Je ne sais pas comment je peux vous

 22   expliquer davantage cette situation. Les gens, les hommes se battaient pour

 23   leur vie d'un côté comme de l'autre.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la première fois que j'entends ça, mais on

 25   découvre à tous les jours.

 26   Vous avez dans votre unité un soldat croate qui était serbe et à 100

 27   mètres de l'autre côté, il y avait son frère, qui était dans le camp

 28   adverse. Et là, vous dites s'il y a une attaque, on se défend. C'est-à-dire

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  1   qu'à ce moment-là, les valeurs de l'individu sont supérieures à tout projet

  2   politique ou autre. C'est ça que vous voulez dire ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, si vous parlez précisément de cette

  4   situation de cet homme qui était de notre côté et de son frère, bien sûr,

  5   cet homme se sentait assez mal. Je suppose qu'il se sentait assez mal. Mais

  6   pas à un seul moment, il n'a donné le moindre signe d'une quelconque

  7   volonté de passer de l'autre côté ou d'entreprendre quoi que ce soit ou

  8   qu'il ne se sentait pas écrasé par le mal-être. Je ne sais pas très bien

  9   comment vous expliquez. Il était là, il est resté là. On ne demandait

 10   jamais à personne à quelque moment est-ce que tu es Serbe, est-ce que tu

 11   n'es pas Serbe. Lui, c'est lui qui nous l'a raconté. C'est lui qui nous a

 12   rejoint un jour, à un moment où il y avait des pourparlers, des pourparlers

 13   de paix entre notre partie et la leur. Son frère était chef d'un groupe du

 14   côté serbe; lui, il était chef d'un groupe de notre côté. Et ils se sont

 15   retrouvés sur le front où les deux commandants avaient décidé une trêve, ou

 16   je ne sais pas exactement comment les choses se sont passées. Le mieux

 17   serait que vous lui demandiez à lui.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez parfaitement raison, il vaudrait mieux lui

 19   demander à lui. Mais on n'a pas le temps, malheureusement.

 20   Pouvez-vous me dire, est-ce que le général Praljak faisait des speechs aux

 21   soldats. Si c'est le cas, ces speechs portaient-ils sur l'idée, il faut se

 22   défendre, il y a une ligne de front, ou bien il vantait les valeurs de la

 23   République croate, sur quel terrain il mobilisait les énergies des soldats

 24   ? Qu'est-ce qu'il disait ? Enfin, s'il en tenait. S'il n'en tenait pas.

 25   Vous dites que vous ne pouvez pas répondre à mes questions. Mais si vous

 26   avez le souvenir de discours du général Praljak devant les soldats, qu'est-

 27   ce qu'il leur disait ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je me rappelle seulement un discours de

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  1   ce genre, un discours au moment où nous renouvelions notre serment. Donc

  2   rien, rien de particulier. Nous n'avions pas de temps. Tout cela, ça a duré

  3   très peu de temps. Les gars, tenez-vous bien, défendez-vous, faites

  4   attention à vous. Ne vous compromettez en rien. Tout simplement faites

  5   attention à vous. Ce n'était pas une époque qui donnait envie de prononcer

  6   de long discours.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, est-ce qu'il ne disait pas aux

  8   soldats, il faut se défendre, parce qu'il y a des agresseurs, la République

  9   est en danger, ou bien, il ne donnait aucune explication sur les raisons de

 10   se défendre ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais nous savions très bien pourquoi il

 12   fallait se défendre. Personne n'avait besoin de nous le dire. Nous n'étions

 13   pas des enfants de la maternelle. Nous savions qui nous avait attaqué, et

 14   contre qui nous nous battions.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors dites-moi, il fallait se défendre pourquoi ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Il fallait se défendre parce qu'à ce moment-

 17   là, il y avait quelqu'un qui nous attaquait, moi, en particulier. Moi, à

 18   qui on avait incendié ma maison à moi, avant. Bien sûr que je devais me

 19   défendre. Tout homme se défend quand il est attaqué.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter.

 21   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Q.  Suite aux questions que vient de vous poser M. le Juge Antonetti,

 23   j'aimerais vous demander la chose suivante : à ce moment-là, quand vous

 24   étiez à Sunja, et plus tard aussi d'ailleurs, vous est-il arrivé à quelque

 25   moment que ce soit de vérifier l'appartenance ethnique de quelqu'un ?

 26   R.  Non. En 1991 -- enfin pendant que moi je me suis trouvé dans l'armée,

 27   on ne parlait pas d'appartenance ethnique. Par la suite, je ne sais pas. 

 28   Q.  Avez-vous entendu le général Praljak à quelque moment que ce soit

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  1   vérifier auprès d'un homme quelle était son appartenance ethnique, et de

  2   cette façon, vérifier si un homme pouvait ou ne pouvait pas faire partie de

  3   l'unité ?

  4   R.  Non, je n'ai jamais vu ça. Mais simplement un jour, un jour de Noël

  5   orthodoxe, il allait d'un bunker à un autre pour demander aux soldats qui

  6   fêtaient, qui ne fêtaient pas Noël. Ça, ça montrait simplement qu'il

  7   n'était pas au courant. Et lorsque un homme lui disait, moi, je fête Noël

  8   aujourd'hui, il lui tendait la main, il lui disait : Nous ne sommes pas de

  9   la même religion, mais je vous souhaite un joyeux Noël, comme on le fait

 10   normalement. Il le faisait aussi avec les Musulmans. Dans mon unité, il y

 11   avait un grand nombre de soldats et d'officiers musulmans.

 12   Q.  Et des Catholiques, est-ce qu'il souhaitait le Noël catholique aux

 13   soldats catholiques ?

 14   R.  Oui, comme il le faisait pour les deux autres groupes.

 15   Q.  Y avait-il des fêtes particulières au moment des fêtes religieuses ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Est-ce que vous aviez des moments de repos, des moments où vous pouviez

 18   vous asseoir, bavarder les uns avec les autres ? Est-ce que vous aviez à

 19   Sunja un mess ou un restaurant ou un café où vous pouviez vous réunir ?

 20   R.  Les cafés ont été fermés par M. le Général, mais il a créé une cantine

 21   militaire où un certain nombre d'hommes, donc 20 % de la première ligne, de

 22   la deuxième ligne, de la troisième ligne de front pouvaient venir boire un

 23   nombre déterminé de verres. Chaque homme était autorisé à un nombre

 24   déterminé de verres.

 25   Q.  D'accord. Maintenant, je vais vous poser encore deux ou trois questions

 26   qui me restent, si je ne me trompe. Vous avez évoqué à plusieurs reprises

 27   la gare ferroviaire. Vous avez dit qu'elle constituait une espèce de ligne

 28   de démarcation et qu'il y avait des wagons sur les rails. Que contenaient

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  1   ces wagons ?

  2   R.  Du blé, et depuis le mois de juillet 1991, ces wagons étaient alignés

  3   devant la gare.

  4   Q.  Est-ce que quelqu'un s'est emparé de ce blé ?

  5   R.  Les membres de l'armée ennemie ont pris ce blé.

  6   Q.  Pourriez-vous expliquer cela ?

  7   R.  Il y a eu une situation à laquelle j'ai assisté. J'ai vu un certain

  8   nombre d'hommes, mais simplement à partir de la ceinture, je ne voyais pas

  9   leur visage. Je les voyais donc de l'autre côté et je les ai vus ouvrir les

 10   wagons et sortir du blé de ces wagons. J'en ai informé M. Praljak, parce

 11   que certains de mes hommes s'apprêtaient déjà à tirer. Cela se passait en

 12   pleine journée. Le général est arrivé sur place et il a interdit à tout le

 13   monde de tirer. Nous avons appris par la suite que les gens que nous avons

 14   vus étaient des civils, autrement dit, des gens qui ont été amenés sur

 15   place par l'armée ennemie, et contraints de sortir le blé de ces wagons de

 16   manière coercitive, sans penser au risque auquel on soumettait ces

 17   personnes.

 18   Q.  Il n'y a donc eu qu'une seule occasion où cela s'est passé, où des

 19   choses ont été enlevées d'un wagon ?

 20   R.  C'est arrivé à plusieurs reprises, mais personne n'a jamais tiré sur

 21   les gens qui faisaient cela.

 22   Q.  [aucune interprétation]

 23   R.  De jour, en plein jour.

 24   Q.  Mais même de nuit éventuellement ?

 25   R.  Je ne sais pas.

 26   Q.  Donc quelle était la nature de l'ordre; de ne pas tirer ?

 27   R.  C'est exact, de ne pas tirer. Il n'y a pas eu de tir.

 28   Q.  Vous avez dit à un certain moment que les opérations militaires ont été

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  1   d'une intensité moindre au moment où la FORPRONU est arrivée, qu'il y a eu

  2   une sorte d'accalmie. Disons les choses comme cela. Est-ce que vous

  3   pourriez nous dire comment les choses étaient organisées à ce moment-là ?

  4   Qu'est-ce que vous avez fait pendant cette accalmie ? Est-ce que vous étiez

  5   dans cette cantine militaire ? Est-ce que des hommes sont rentrés chez eux

  6   à Sisak ou est-ce que tout le monde est resté sur le front ?

  7   R.  Tout le monde est resté sur le front. Nous pouvions rentrer chez nous

  8   dans les mêmes conditions que précédemment. Il y avait aussi des

  9   entraînements, des exercices d'attaques de défense, des marches, comme dans

 10   le cas d'une mobilisation. Donc nous n'avions pas de loisirs. Nous n'avions

 11   pas de temps libre pour faire ce que nous voulions.

 12   Q.  Mais qui dirigeait ces manœuvres, ces exercices ?

 13   R.  Le général.

 14   Q.  Est-ce qu'il dirigeait les manœuvres ou est-ce qu'il participait à ces

 15   exercices ? Est-ce qu'il se contentait de dire : Toi, tu vas là, ou là, et

 16   tu fais ça ou ça ?

 17   R.  Non, il participait pratiquement à tous les exercices lui-même.

 18   Q.  Pouvez-vous nous dire quelle était la nature de ces exercices, si vous

 19   vous en souvenez ? Si vous ne vous en souvenez pas, tant pis.

 20   R.  Je l'ai déjà dit, des exercices, des simulations d'attaques et de

 21   défense, et cetera.

 22   Q.  Mais des simulations à quel endroit, à l'air libre, à l'intérieur des

 23   maisons ?

 24   R.  A l'air libre mais aussi à l'intérieur d'un lieu fermé sur des

 25   positions.

 26   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous avez dirigé vous-même des exercices

 27   pour vos hommes à Sunja ?

 28   R.  Oui, j'ai entraîné un certain nombre de jeunes gens qui sont arrivés un

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  1   peu plus tard et qui n'avaient aucune formation militaire. Donc tout

  2   simplement, on les préparait à la possibilité de devoir se trouver en

  3   première ligne.

  4   Q.  Je suppose qu'il y a eu des moments pendant la période de forte

  5   intensité de pilonnage et pendant les accalmies où vous avez pu avoir des

  6   contacts avec le général Praljak en pleine opération militaire. Voilà, ce

  7   sera ma question : est-ce qu'il y a eu des moments où vous avez discuté

  8   avec le général Praljak sans être dans une situation où vous étiez en train

  9   de lui faire rapport de ce qui s'était passé sur le front ou de la blessure

 10   d'un homme, et cetera ?

 11   R.  Oui, c'est arrivé. Il nous arrivait de nous rendre auprès de lui à son

 12   poste de commandement et il nous lisait un livre. Voilà.

 13   Q.  Dites-nous, sans vous gêner, de quel livre s'agissait-il ?

 14   R.  Tolstoï.

 15   Q.  Pourquoi tenait-il à Tolstoï ?

 16   R.  Parce qu'il nous disait que d'après Tolstoï, il n'était pas suffisant

 17   d'être un bon combattant, il fallait aussi avoir de l'éducation. Bien

 18   entendu, nous trouvions cela assez ennuyeux mais nous devions rester assis

 19   et écouter.

 20   Q.  Peut-être finalement que cela a eu une certaine utilité ?

 21   R.  Oui.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur certains d'entre nous sont

 23   intéressés à d'autre chose que le droit. Quel livre il a lu : c'était

 24   "Guerre et Paix" ou c'était "Anna Karenina" ou autre chose ? 

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ça, je l'ai lu tout seul plus tard.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Alors c'était "Guerre et Paix" ou

 27   une des autres histoires ? Vous ne vous souvenez pas ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, j'ai dit que le général nous a lu Tolstoï

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  1   mais moi par la suite, c'est tout seul que j'ai lu "Guerre et Paix" et

  2   "Anna Karenina." Il n'y avait pas suffisamment de temps pour lire tout

  3   Guerre et Paix".

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, tout à l'heure, vous avez évoqué

  6   un fait et je voudrais y revenir. J'ai cru comprendre que le général

  7   Praljak avait donné des instructions pour ne pas tirer sur des civils si

  8   ceux-ci se mettaient à piller les entrepôts. C'est ça que vous nous avez

  9   dit ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais bien sûr. C'était des civils

 11   serbes.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez dit ça parce que vous avez su qu'au

 13   Canada, il y avait eu un procès contre des officiers qui avaient donné des

 14   ordres de tirer - je crois que c'était en Somali - contre des civils qui

 15   pilleraient des entrepôts. Vous le saviez ou vous avez répondu ignorant ce

 16   cas particulier canadien dont, d'ailleurs de mémoire, un des officiers

 17   avait été défendu par un avocat qui plaide assez souvent ici même ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, je ne suis pas au courant de cette

 19   affaire. Mais l'affaire dont je vous parle, je suis au courant parce que

 20   j'étais personnellement présent sur place. Donc je vous parle de ce que

 21   j'ai vu moi-même.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, si je comprends bien, un civil serbe pouvait

 23   venir piller tranquillement et puis il repartait et les ordres étaient de

 24   ne rien faire ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Eux, ils étaient devant la ligne tenue par

 26   nous, parce que finalement c'était un no man's land, voyez-vous, et il y

 27   avait cet alignement de wagons qui étaient là depuis je ne sais combien de

 28   mois. D'ailleurs vous savez, ce blé, je ne crois pas qu'il leur a servi à

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  1   grand-chose parce que cela faisait plus de six mois que le blé était

  2   entreposé dans ces wagons. Et finalement, je ne sais pas si c'était

  3   vraiment du pillage.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc pendant ce conflit, des Serbes qui étaient de

  5   l'autre côté venaient en toute tranquillité prendre du blé et les ordres

  6   étaient surtout de ne pas tirer sur eux. C'est ça. C'est ce qu'on doit

  7   comprendre de votre témoignage ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était l'ordre qu'a donné le général Praljak

  9   dans cette situation précise.

 10   Mme PINTER : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Crnkovic, reprenons cette histoire du blé. Est-ce qu'à ce

 12   moment-là il était difficile de régler les problèmes d'alimentation, ou

 13   est-ce que c'est à un moment où il est permis de penser qu'il y avait des

 14   gens qui mourraient de faim ?

 15   R.  Ecoutez, quand on voit des gens en plein jour qui sont en train de

 16   risquer leur vie pour mettre la main sur du blé, il est assez facile de

 17   penser que leur faim n'était pas assouvie.

 18   Q.  Bien. Je vais maintenant vous poser de nouvelles questions. Jusqu'à

 19   quand le général Praljak est-il resté à Sunja ou plus précisément pouvez-

 20   vous nous dire de quand à quand il était présent à Sunja ?

 21   R.  Il est arrivé, ça je le sais, au mois de septembre, et je crois qu'il

 22   est reparti à la fin février, début mars 1992.

 23   Q.  Autrement dit, il est arrivé en septembre 1991 ?

 24   R.  Oui, c'est son arrivée.

 25   Q.  Quand je vous ai parlé de votre carrière militaire au début de votre

 26   audition, vous avez dit que vous étiez combattant dans l'armée croate. Vous

 27   avez indiqué dans quel lieu vous vous étiez battu et vous avez mentionné

 28   Mostar et la Posavina. J'aimerais maintenant que vous nous expliquiez

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  1   comment il est advenu que vous vous trouviez à Mostar et à quel moment,

  2   bien sûr, vous vous êtes trouvé à Mostar ainsi que de nous dire quelle

  3   était la situation à Mostar quand vous vous y êtes trouvé.

  4   R.  Cela s'est passé au mois d'avril 1992, et le commandant de Sunja de

  5   l'époque est arrivé et nous a dit - nous on l'appelait Stari, le vieux à

  6   l'époque - et il nous a dit : Il faudrait que vous alliez à Mostar et que

  7   vous aidiez le vieux, autrement dit le général Praljak, à former les hommes

  8   et à créer des lignes de front dans l'éventualité d'une attaque de la JNA.

  9   Tous les commandants, bien sûr, ont le devoir de rendre compte à leurs

 10   supérieurs. Et je peux vous dire avec certitude, s'agissant de rendre

 11   compte du nombre de volontaires qui se sont proposés, qu'il y a eu au moins

 12   500 hommes. Tout le monde voulait y aller. Et c'est moi qui étais chargé de

 13   choisir les neuf hommes qui allaient m'accompagner après avoir été choisi

 14   et sélectionné moi-même. Donc j'ai effectué cette sélection et nous avons

 15   pris la route. Nous sommes partis vers la fin du mois d'avril 1992.

 16   Q.  Est-ce que la guerre battait déjà son plein à Mostar ou est-ce qu'une

 17   véritable guerre avait déjà commencé à Mostar ? Quelle était la situation ?

 18   R.  Non, une vraie guerre n'avait pas encore éclaté à Mostar. Mais étant

 19   donné les situations, on se rendait bien compte qu'une guerre était en

 20   préparation.

 21   Q.  Ces jeunes gens qui vous ont accompagné, vous avez dit que 500 d'entre

 22   eux voulaient vous accompagner et vous n'en n'avez choisi que neuf. Pouvez-

 23   vous me dire qui étaient ces jeunes gens ? Est-ce que c'étaient des jeunes

 24   gens qui étaient déjà dans les rangs de l'armée croate précédemment ? Est-

 25   ce qu'ils avaient une certaine expérience, une certaine connaissance de

 26   l'armée ? Est-ce que c'étaient des jeunes gens qui faisaient partie de la

 27   même unité que vous ? Ce que vous savez, est-ce que vous pourriez le dire

 28   parce que tous les renseignements sont utiles aux Juges de la Chambre qui

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  1   doivent en tenir compte.

  2   R.  Un seul d'entre eux venait de mon unité. Les huit autres, non. Les huit

  3   autres étaient membres du Régiment des Domobrani, donc de la Garde

  4   patriotique, et ils venaient de la région de Kostajnica. Puisque vous me

  5   parlez d'appartenance ethnique, je vous dirais qu'il y avait cinq Croates,

  6   trois Serbes et deux Musulmans. C'est moi qui les ai choisis. Pendant toute

  7   la durée des combats auxquels j'ai participé, pour moi, l'appartenance

  8   ethnique n'avait aucun sens particulier. D'ailleurs, le général ne m'avait

  9   jamais demandé non plus d'emmener neuf Croates avec moi, mais neuf jeunes

 10   gens.

 11   Q.  Merci. Combien de temps êtes-vous resté à Mostar ?

 12   R.  Pas plus de dix jours.

 13   Q.  Qu'y avez-vous fait ?

 14   R.  C'était très simple, deux hommes sont restés sur place pour essayer

 15   d'entraîner les hommes à la guerre antiaérienne, deux d'entre nous ont

 16   essayé de former les membres des unités de police militaire de façon à ce

 17   qu'en ville la police puisse agir, deux d'entre nous sont partis pour la

 18   partie orientale de la ville de Mostar, donc la partie musulmane, et moi et

 19   un autre sommes restés dans la partie occidentale.

 20   Q.  Pourriez-vous en très peu de mots décrire comment les Croates et les

 21   Musulmans ont abordé cette formation ?

 22   R.  Il n'y avait là que des unités de défense civile qui n'avaient

 23   pratiquement aucune arme à leur disposition. Les Croates ont collaboré. Si

 24   nous leur disions, C'est là qu'il faut creuser une tranchée ou ici, ils le

 25   faisaient. En tout cas, ils ont à peu près bien coopéré dans ces efforts de

 26   défense. Mais dans la partie orientale de Mostar, là où se trouvaient les

 27   Musulmans, nous n'avons obtenu aucun résultat. Les gens là-bas refusaient

 28   de faire quoi que ce soit, tout simplement. Ils disaient que personne ne

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  1   s'apprêtait à les attaquer et qu'ils n'avaient aucune raison de se défendre

  2   contre qui que ce soit, donc ils ont refusé toute idée de nécessiter de

  3   défense.

  4   Q.  Merci. J'ai maintenant deux questions à vous poser au sujet de la

  5   Posavina. Il me semble que le général Praljak, si la Chambre l'y autorise,

  6   aura quelques questions à poser.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant d'arriver à la Posavina, c'est très

  8   intéressant ce que vous nous dites, parce que vous êtes un des rares

  9   témoins qui s'est porté volontaire et qui vient nous raconter cela.

 10   Vous allez à Mostar avec les neuf autres que vous avez sélectionnés.

 11   Je constate qu'il y a cinq Croates, trois Serbes et deux Musulmans. Mais

 12   quand vous allez à Mostar, vous allez défendre quoi ? Parce que Mostar,

 13   c'est la République de Bosnie-Herzégovine, ce n'est pas la République de

 14   Croatie. Alors pourquoi vous allez là-bas, vous ? Qu'est-ce qui vous anime

 15   pour aller là-bas ? Parce que c'est le général Praljak qui vous a dit :

 16   J'ai besoin de vous, et il vous aurait dit de vous jeter à l'eau, vous vous

 17   serez jeté à l'eau ou bien vous avez été là-bas pour défendre quelque

 18   chose, mais à ce moment-là, défendre quoi exactement ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'avais pas de raison pour aller défendre

 20   quoi que ce soit là-bas. On ne m'a pas non plus dit d'aller là-bas faire la

 21   guerre. Ce qu'on m'a dit, c'est d'aller organiser les choses pour montrer

 22   aux hommes comment s'organiser, comment mettre sur pied des unités, comment

 23   entraîner et former leurs commandants. C'était tout. Nous avons été engagés

 24   sur place dans aucune action militaire.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je suis d'accord avec ce que vous venez de

 26   dire. Mais vous étiez dans un Etat étranger ou bien cette notion n'avait

 27   pas cours ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas très bien où vous voulez

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  1   en venir. Dans l'armée croate, il y avait des gars originaires de Bosnie-

  2   Herzégovine aussi, et nous pensions tous à l'époque que nous nous battions

  3   contre le même ennemi, contre la JNA. Ce n'est qu'après ces affrontements

  4   croato-musulmans qu'on a commencé à se poser ces questions. Mais

  5   jusqu'alors personne ne raisonnait de cette façon-là. On allait tout

  6   simplement aider les hommes sur place pour qu'ils ne leur arrivent pas la

  7   même chose que ce qui nous était arrivé à nous, pour qu'ils parviennent au

  8   moins à se défendre d'une façon ou d'une autre. Nous nous rendions sur

  9   place simplement pour leur transmettre l'expérience et les connaissances

 10   qui étaient les nôtres, le vécu qui avait été le nôtre, uniquement dans le

 11   but qu'ils ne connaissent pas le même sort que le nôtre.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous me dites que, pour vous, l'ennemi était la

 13   JNA, et vous ne vous êtes pas posé d'autres problèmes, et c'est pour ça que

 14   vous avez été à Mostar. C'est ça que nous devons comprendre ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien entendu, car c'est selon ces mêmes

 16   modalités que ces deux membres du groupe ethnique musulman m'ont accompagné

 17   sur place pour venir en aide à leurs amis, pour les aider à se défendre

 18   contre la JNA. C'était pour cette raison et aucune autre.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand le général Praljak vous demande cela, est-ce

 20   qu'il vous dit : A Mostar il y a la JNA, ça nous fait courir un péril, donc

 21   il faut y aller, ou bien il vous dit : Il faut aller à Mostar, parce qu'à

 22   Mostar il y a des Croates qui peuvent être en danger ? Quel discours il

 23   vous tient ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] M. Praljak nous a simplement envoyé un message

 25   nous demandant si possible d'aller et venir aider les gens à s'organiser.

 26   Nous savions très bien à ce moment-là qui attaquait les Croates et les

 27   Musulmans. Et le message de Praljak ne mentionnait ni les Croates ni les

 28   Musulmans. Il n'avait pas besoin d'expliquer ce qu'il en était de la JNA

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  1   sur place parce qu'ils étaient plus que prêts à attaquer Mostar.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai cru comprendre, mais si je fais une erreur,

  3   corrigez-moi, n'hésitez pas, c'est un service que vous me rendrez. Mais

  4   j'ai cru comprendre qu'en arrivant là-bas, vous avez accompli votre

  5   mission, mais que vous avez trouvé les Musulmans, en quelque sorte, peu

  6   coopératifs, alors même qu'ils auraient dû, la main dans la main avec vous,

  7   travailler dans un but commun, et que donc les Musulmans, vous les avez

  8   perçus comme non adhérents à cette défense commune. C'est ça que vous avez

  9   dit ou je me trompe ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien ce que j'ai dit. Je suis un

 11   soldat, pas un homme politique. Je ne peux pas entrer dans les raisons pour

 12   lesquelles ils ont refusé cela. J'ai essayé de leur expliquer la façon dont

 13   on renforce les lignes, la façon dont on les organise. Ils ont rejeté cela.

 14   Je suis revenu, j'en ai informé le général qui a dit : Très bien, il n'est

 15   plus nécessaire que vous alliez là-bas.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous aviez sélectionné deux Musulmans, il y en

 17   avait deux, vous avez discuté avec vos deux camarades musulmans pour leur

 18   demander pourquoi les Musulmans ne veulent pas coopérer ? Vous leur avez

 19   posé la question à vos deux camarades musulmans que vous aviez sélectionnés

 20   ou bien vous n'avez rien dit ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne leur ai rien demandé.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Et sur le moment, vous avez essayé de comprendre

 23   pourquoi ils ne voulaient pas ou bien ça vous dépassait  totalement ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai compris que je ne pouvais absolument pas

 25   influencer leur comportement, et je n'ai pas spécialement réfléchi à la

 26   raison pour laquelle cela s'est produit ainsi.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors la Pasovina, Maître Pinter.

 28   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense

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  1   qu'avec cela j'aurai utilisé complètement l'heure que j'avais à ma

  2   disposition, en posant ces questions sur la Posavina.

  3   Q.  Nous savons, Monsieur, que vous vous êtes rendu en Posavina, mais quand

  4   et dans quelles circonstances ?

  5   R.  J'y suis allé le 3 juillet 1992. C'est ainsi que cela fonctionnait dans

  6   les casernes à l'époque. On disait aux soldats : Montez dans ce car et

  7   rendez-vous sur place. On nous a informé de cela deux jours à l'avance,

  8   seulement. Ensuite, au deuxième village où nous nous sommes trouvés, on

  9   nous a dit que nous nous rendrions en Slavonie, plus précisément à

 10   Slavonski Brod. Là-bas, le général Praljak nous attendait, et il m'a dit de

 11   monter dans le car et d'informer les hommes que cela dépendait de leur

 12   bonne volonté que de savoir s'ils allaient traverser ou non. Je l'ai fait

 13   et il y a eu la moitié des soldats qui sont passés, la moitié qui ne l'ont

 14   pas fait.

 15   Q.  Avez-vous connaissance, concernant ces 50 % de soldats qui n'ont pas

 16   traversé, de toute sanction ou procédure disciplinaire qui aurait pu être

 17   engagée contre eux ?

 18   R.  Non, personne n'a été puni. Ces hommes ont continué leur travail.

 19   Certains d'entre eux travaillent au jour d'aujourd'hui, certains autres

 20   sont à la retraite, et d'autres sont décédés. De façon générale, en raison

 21   de ce qui s'est produit alors, personne n'a eu la moindre difficulté ou le

 22   moindre problème. On leur a laissé le choix. On leur a dit qu'ils pouvaient

 23   traverser ou non.

 24   Q.  Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez décidé de traverser ?

 25   R.  Le commandant de la compagnie d'alors nous a dit qu'il avait vu

 26   Slavonski Brod détruite, qu'ils étaient la cible de tirs d'obus et qu'en

 27   vertu de la loi applicable, nous pouvions entrer sur une profondeur de 30

 28   kilomètres dans le territoire de l'autre Etat si, à partir de ce

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  1   territoire, on tirait sur nos villes. Et c'était là la raison principale,

  2   parce qu'à partir de ce territoire, on visait le territoire croate. C'était

  3   la raison la plus impérieuse, c'est ce que nous a dit le commandant en

  4   question.

  5   Q.  Vous venez de dire que c'était le général, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Est-ce que lorsque vous êtes arrivé en Posavina, vous avez rencontré le

  8   général ? Est-ce que vous pourriez nous décrire comment cela s'est passé ?

  9   Est-ce que vous vous êtes rendu personnellement sur le front, est-ce qu'on

 10   vous a montré où passait cette ligne de front et comment cela s'est-il

 11   passé ?

 12   R.  Bien sûr que nous ne savions pas où se trouvait la ligne de front. Nous

 13   sommes arrivés sous le couvert de la nuit, et le général nous a emmenés en

 14   personne pour nous montrer, en tout cas dans la mesure où cela a été

 15   possible cette même nuit, où se trouvait la ligne de front.

 16   Q.  Comment cela se présentait lorsque vous étiez en train d'essayer de

 17   retrouver cette ligne de front ? Si vous ne vous en souvenez pas, ce n'est

 18   pas grave.

 19   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Madame Pinter, je suis désolé de

 20   vous interrompre, mais j'aimerais vérifier un point.

 21   Lorsque vous avez demandé au témoin ce qu'il avait fait lorsqu'il est allé

 22   à Slavonski Brod, et le témoin a répondu en disant que le problème, c'était

 23   qu'ils auraient pu traverser pour rentrer en territoire serbe, non pas à

 24   Slavonski Brod mais en territoire serbe. Je cite :

 25   "Les obus tombaient sur nous alors que nous approchions, mais il nous a dit

 26   qu'au titre du droit militaire, nous pouvions rentrer dans le territoire de

 27   l'ennemi sur une profondeur de 30 kilomètres si quelqu'un pilonnait nos

 28   villes et nos villages depuis ce territoire. C'est la raison la plus

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  1   importante, le fait que les territoires croates étaient pilonnés depuis ce

  2   territoire."

  3   Donc, j'aimerais savoir quel est ce territoire ? Si j'ai bien compris, des

  4   actions ont été entreprises contre les Serbes ou contre la JNA à partir du

  5   territoire détenu par les Serbes. C'est ce que j'ai cru comprendre, mais si

  6   je me suis trompé, veuillez, s'il vous plaît, me le faire savoir.

  7   Mme PINTER : [interprétation] Peut-être serait-il préférable que le témoin

  8   apporte une correction pour que je ne me livre pas à un témoignage. Il me

  9   semble qu'il s'agit là d'un malentendu, M. le Juge Prandler.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc, cette zone que nous avons traversée se

 11   trouve en Posavina. Ce sont des villages croates, des populations croates.

 12   Mme PINTER : [interprétation]

 13   Q.  Dans quel état se trouve la Posavina ?

 14   R.  En Bosnie-Herzégovine.

 15   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie. Mais j'ai bien

 16   compris que Sunja était en territoire croate. Vous avez traversé la

 17   Posavina, qui est une partie du territoire de Bosnie-Herzégovine. C'est ce

 18   que je voulais vérifier.

 19   Mme PINTER : [interprétation]

 20   Q.  S'agissait-il d'un territoire de l'Etat serbe ou de l'Etat de Bosnie-

 21   Herzégovine ?

 22   R.  De la Bosnie-Herzégovine, et non pas de la Serbie.

 23   Q.  Qui vivait dans cette partie de la Posavina ?

 24   R.  En majorité, des populations croates et musulmanes.

 25   Q.  Merci.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter, le Greffe me dit il ne reste que cinq

 27   minutes de bande. Est-ce que vous préférez qu'on arrête maintenant, qu'on

 28   fasse la pause et vous continuerez après ? Oui. Parce qu'on arrive en bout

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  1   de bande, et il va falloir faire la pause maintenant.

  2   Mme PINTER : [interprétation] Dans ce cas-là, faisons la pause, Monsieur le

  3   Président. Nous suivons vos indications, bien entendu. J'ai terminé pour ma

  4   part, et c'est le général Praljak qui poursuivra.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Le mieux, c'est de faire la pause et on

  6   continuera après. Donc on fait 20 minutes de pause.  

  7   --- L'audience est suspendue à 17 heures 19.

  8   --- L'audience est reprise à 17 heures 46.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, Maître Kovacic.

 10   La Chambre va rendre deux décisions orales qui sont importantes, donc

 11   je demande à tout le monde d'écouter.

 12   Première décision, décision orale portant sur l'attribution du temps pour

 13   la comparution du témoin Zvonimir Skender des 24 et 28 septembre 2009. La

 14   Chambre va rendre une décision relative à l'attribution du temps pour le

 15   témoignage de Zvonimir Skender, qui comparaîtra en vertu de l'article 92

 16   ter du Règlement.

 17   La Chambre décide d'accorder une heure à la Défense Praljak pour

 18   l'interrogatoire principal et l'éventuel interrogatoire supplémentaire du

 19   témoin. En l'absence de demandes spécifiques de la part des parties et au

 20   vu des sujets abordés par le témoin, la Chambre décide d'accorder 45

 21   minutes à l'ensemble des autres Défenses pour leur contre-interrogatoire et

 22   une heure et 30 minutes à l'Accusation.

 23   Donc je me résume. Pour la Défense Praljak, une heure; pour les

 24   autres avocats, 45 minutes; et pour le Procureur, une heure 30.

 25   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, pour autant que le

 26   sache, Me Alaburic, elle vous le dira plus précisément, souhaitait procéder

 27   à un contre-interrogatoire. Nous attendions votre décision pour nous mettre

 28   d'accord. Nous avons donc 45 minutes, l'ensemble des Défenses, et si les

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  1   autres équipes de la Défense n'ont pas l'intention de poser des questions,

  2   peut-être que ma consoeur et moi-même pourrions procéder à un contre-

  3   interrogatoire dans le cadre de ces 45 minutes. Je voudrais toutefois

  4   signaler à la Chambre que j'aurais besoin de 20 à 30 minutes pour mon

  5   propre contre-interrogatoire, et je voudrais d'ores et déjà informer les

  6   Juges de la Chambre que je suis tout à fait disposée à voir ce temps

  7   retranché du temps global dont dispose la Défense Stojic. Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Maintenant, la deuxième décision est longue. Je vous

  9   demande de l'écouter, parce qu'elle est importante.

 10   Décision orale relative au calendrier des audiences.

 11   Lors de l'audience du 16 septembre 2009, et après avoir pris connaissance

 12   des calendriers amendés des témoins communiqués respectivement par les

 13   Défenses Praljak et Petkovic, la Chambre a constaté que la Défense Praljak

 14   envisageait de terminer la présentation de sa cause le lundi 19 octobre

 15   2009, et que la Défense Petkovic souhaitait, quant à elle, commencer la

 16   présentation de sa cause le lundi 2 novembre 2009.

 17   La Chambre note également que la Défense Praljak a informé les parties,

 18   lors de l'audience du 16 septembre 2009, de l'éventuelle annulation de la

 19   comparution de son dernier témoin, le Témoin 3DA, initialement cité à

 20   comparaître du mercredi 14 octobre 2009 au lundi 19 octobre 2009. Dans ce

 21   cas, la présentation de sa cause se terminerait le mardi 13 octobre 2009.

 22   La Chambre relève, par ailleurs, que la Défense Petkovic a exprimé

 23   son souhait, lors de l'audience du 16 septembre 2009, de débuter la

 24   présentation de sa cause par la déposition du témoin expert, Milan Gorjanc,

 25   le 2 novembre 2009. La Chambre rappelle, à cet égard, sa décision rendue à

 26   titre confidentiel le 5 novembre 2008, qui prévoit un délai de deux mois

 27   entre le dépôt d'un rapport d'expert en vertu de l'article 94 bis du

 28   Règlement et la comparution dudit témoin expert, et constate que la date du

Page 45150

  1   début de l'audition du témoin expert en l'espèce est conforme aux délais

  2   requis par la Chambre. La Chambre note ainsi que, dans le cas d'espèce,

  3   l'audition du témoin expert, Milan Gorjanc, ne peut débuter avant

  4   l'expiration de ce délai, soit le 2 novembre 2009.

  5   Soucieuse de veiller au déroulement efficace du procès, la Chambre

  6   estime qu'il relève de son pouvoir discrétionnaire et de l'intérêt de la

  7   justice de clarifier le calendrier d'audience afin d'éviter une suspension

  8   des audiences pour une durée non raisonnable entre la fin de la

  9   présentation de la cause de la Défense Praljak et le début de la

 10   présentation de la cause de la Défense Petkovic. En conséquence, la Chambre

 11   enjoint la Défense Praljak à clarifier le statut de la comparution du

 12   Témoin 3DA pour le vendredi 29 septembre 2009.

 13   La Chambre demande, par ailleurs, à la Défense Petkovic de se tenir

 14   prête à commencer la présentation de sa cause le lundi 19 octobre 2009,

 15   dans l'hypothèse où la comparution du Témoin 3DA serait annulée, ou cinq

 16   jours après la fin de l'audition du Témoin 3DA, soit le lundi 26 octobre

 17   2009.

 18   La Chambre invite également la Défense Petkovic à modifier l'ordre de

 19   comparution des témoins qu'elle entend citer à comparaître afin d'être en

 20   mesure de procéder à l'audition d'un ou deux témoins aux dates

 21   susmentionnées fixées par la Chambre, et ce, avant la comparution du témoin

 22   expert, Milan Gorjanc, prévue pour le 2 novembre 2009.

 23   En résumé, la Chambre demande, avant le 29 septembre 2009, à la

 24   Défense Praljak de nous faire savoir si le Témoin 3DA vient ou ne vient

 25   pas. Si le Témoin 3DA ne vient pas, la Défense Petkovic doit commencer le

 26   19 octobre. Si le Témoin 3DA vient, la Défense Petkovic commencera le 26

 27   octobre. La Chambre confirme, concernant le témoin expert, que celui-ci ne

 28   pourra déposer qu'à compter du 2 novembre 2009, et donc demande à la

Page 45151

  1   Défense Petkovic de faire venir un ou deux témoins qu'elle avait déjà

  2   prévus après et de les mettre avant le témoin expert, Gorjanc.

  3   Voilà ce que nous avons décidé pour éviter qu'on perde du temps. Tout

  4   ça est très clair.

  5   Maître Alaburic.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite vous

  7   remercier de m'avoir donné la parole. Je voudrais juste prononcer quelques

  8   phrases à ce sujet, et j'ose espérer que cela n'entravera pas la poursuite

  9   de l'audition de ce témoin.

 10   Je vous remercie pour cette décision. Cependant, au nom de la Défense

 11   du général Petkovic, je souhaiterais vous dire qu'il est absolument

 12   impossible de prévoir le début de la présentation de la thèse de notre

 13   Défense selon d'autres options, alors même qu'aucune de ces options ne

 14   dépend ni des souhaits ni de la volonté de la Défense du général Patkovic.

 15   Nous estimons que nous ne pouvons pas constituer une forme d'otage de la

 16   Défense du général Praljak, en ce sens qu'en fonction de ce qui se passera

 17   ou non avec la Défense du général Praljak, nous devrions nous tenir prêts à

 18   occuper le temps qui pourrait éventuellement être dégagé pour les

 19   audiences.

 20   Je voudrais, à cet effet, rappeler à la Chambre la décision qui a été

 21   rendue avant le début de la présentation de la thèse de Défense de M.

 22   Stojic. Nous avons terminé fin novembre 2008 nos débats, parce que la

 23   Défense Stojic, à mon sens, de façon légitime, a refusé de commencer la

 24   présentation de ses moyens à décharge avant que la Défense de M. Prlic n'en

 25   ait terminé avec la présentation de ses propres éléments. La Défense Stojic

 26   a également alors informé les Juges de la Chambre qu'elle avait envisagé la

 27   présentation de sa thèse avec l'audition d'un témoin expert et que,

 28   consécutivement à l'audition de ce témoin expert, d'autres témoins seraient

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  1   cités à comparaître et appelés à fournir des explications concernant

  2   différents éléments abordés par le premier témoin expert. A l'époque,

  3   j'avais considéré qu'une telle position de la Défense de M. Stojic était

  4   tout à fait légitime, et j'avais trouvé particulièrement équitable et juste

  5   la décision de la Chambre de respecter cette décision prise par la Défense

  6   Stojic.

  7   En cet instant précis, la Défense du général Petkovic se trouve dans

  8   une situation assez analogue. Je souhaiterais rappeler que nous avons eu

  9   plusieurs jours d'audience - il me semble que c'était deux ou trois jours

 10   d'audience - qui se sont écoulés entre la fin de la présentation de la

 11   thèse de la Défense Stojic et le début de la présentation de la thèse de la

 12   Défense Praljak. Et ça n'a posé de problème à personne.

 13   Maintenant, la Défense du général Petkovic se trouve être la première

 14   Défense placée dans cette situation de devoir être prête à occuper un temps

 15   d'audience qui pourrait se libérer sans se voir accorder la moindre marge

 16   de manœuvre pour ce qui est des jours d'audience qui pourraient ne pas être

 17   tenus et utilisés pour la préparation de notre présentation des éléments à

 18   décharge. Dans ce contexte, je voudrais rappeler à la Chambre que nous

 19   avons un temps supplémentaire qui a été reconnu, non seulement à

 20   l'Accusation mais à toutes les autres Défenses à cet effet, et je voudrais

 21   signaler que la Défense Petkovic est également intéressée pour préparer un

 22   contre-interrogatoire de l'un ou plusieurs des 150 témoins pour lesquels la

 23   Défense Praljak a soumis ses écritures qui sont toujours pendantes. Dans la

 24   mesure où la Défense Petkovic ne se verrait pas garantir les mêmes

 25   conditions pour ce qui est de la préparation du contre-interrogatoire des

 26   témoins de la Défense Praljak, nous considérons que cela reviendrait à nous

 27   placer dans une situation inéquitable par comparaison aux autres Défenses.

 28   De plus, notre premier témoin est un général de la HV dont le temps n'est

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  1   véritablement pas à notre disposition. Nous l'avons déjà informé que nous

  2   nous attendions à ce qu'il dépose au cours de la première moitié du mois de

  3   novembre. Nous lui avons demandé de se mettre à notre disposition aux fins

  4   de sa déposition. Et dans la mesure où les Juges de la Chambre en

  5   resteraient à la décision qu'ils viennent de rendre, nous ferons tout ce

  6   qui est dans notre pouvoir pour faire venir le témoin au moment qui sera

  7   déterminé par la Chambre, mais je dois dire maintenant que nous sommes

  8   véritablement tout sauf en mesure de décider comment il sera disposé du

  9   temps d'autrui, et cela représenterait un cas de force majeure pour

 10   quiconque de devoir réorganiser leur emploi du temps afin de venir déposer

 11   devant ce Tribunal.

 12   C'est pourquoi je souhaite respectueusement demander à la Chambre de bien

 13   vouloir reconsidérer la question, à savoir de permettre à la Défense

 14   Petkovic de commencer la présentation de ses moyens au 2 novembre de cette

 15   année. Je vous prie de bien vouloir réexaminer notre requête visant à

 16   commencer au 2 novembre, et je vous prie de bien vouloir croire qu'il

 17   existe des raisons justes et légitimes pour nous de vouloir commencer avec

 18   la déposition du témoin expert, car tous les autres témoignages de nos

 19   témoins des faits se relieront à ce premier témoignage du témoin expert.

 20   Tout cela est conçu comme un ensemble. La Défense du général Praljak --

 21   pardon, la Défense du général Petkovic serait particulièrement

 22   reconnaissante si les Juges de la Chambre pouvaient lui accorder la

 23   possibilité de commencer le 2 novembre de cette année.

 24   Je vous remercie.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Votre demande de reconsidération fera l'objet de la

 26   part de la Chambre d'une décision dans les délais les plus brefs. C'est

 27   tout ce que je peux vous dire.

 28   Monsieur le Procureur.

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  1   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie de bien vouloir me donner

  2   la parole, Monsieur le Président.

  3   Bonjour à vous. Bonjour, Messieurs les Juges.

  4   Je souhaite m'excuser auprès de Me Pinter ainsi qu'auprès du témoin. Je

  5   sais qu'ils tentent de terminer, mais étant donné que nous abordons des

  6   questions de procédure maintenant, j'ai une observation à faire et je dis

  7   que ceci est conditionnel, car c'est quelque chose que je dois évoquer avec

  8   d'autres membres de l'Accusation, à savoir la personne qui va contre-

  9   interroger le témoin expert Gorjanc, alors il se peut que dans un cas comme

 10   celui-ci, l'Accusation soit disposée à les contre-interroger une semaine

 11   avant cette période de deux mois qui a été fixée. Nous pourrions être prêts

 12   plus tôt et peut-être commencer avec ce témoin-là le 26 octobre. Je dis

 13   ceci au conditionnel. Je vous demande de ne pas me demander de respecter ce

 14   que je dis maintenant, parce que la personne qui est en charge de cela

 15   n'est pas quelqu'un que je viens de consulter à l'instant, donc je veux

 16   simplement m'assurer que ceci soit exact. Mais il se peut que nous

 17   puissions commencer l'expert le 26. Ça, c'est le premier point. Nous

 18   remercions les Juges de la Chambre pour la décision qu'ils ont rendue,

 19   parce que je crois qu'éliminer cette éventualité, à savoir qu'il y ait des

 20   blancs entre la présentation des moyens de la Défense, je pense que ceci,

 21   effectivement, est inquiétant.

 22   Ma deuxième requête, puisque je suis debout, Monsieur le Président :

 23   aujourd'hui, la Défense Praljak a déposé une requête en vertu du 92 quater

 24   afin de faire admettre quatre déclarations de témoin en vertu de cet

 25   article, et nous demandons, Monsieur le Président, que l'Accusation dépose

 26   sa réponse à cette requête-là le 28 octobre en même temps que le dépôt de

 27   sa réponse à toutes les requêtes 92 bis. Comme cela, vous pourrez passer en

 28   revue toutes les déclarations, et ceci fera partie d'un seul et même lot.

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  1   Donc nous demandons une prorogation jusqu'au 28 octobre pour nous permettre

  2   de répondre au 92 quater de cette requête de Praljak.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre qui vient de délibérer vous donne donc

  6   jusqu'au 28 octobre pour répondre à la requête 92 quater concernant quatre

  7   témoins. Pas de problème.

  8   La Chambre invite aussi le Procureur très vite à nous dire s'il peut

  9   réduire son délai concernant le témoin expert, ce qui permettrait à ce

 10   moment-là de commencer, comme vous l'avez indiqué, dès le lundi 26 octobre,

 11   si jamais 3DA venait. Par contre, si 3DA ne vient pas, à ce moment-là, on

 12   aura une semaine de battement.

 13   Mais il faudrait que Me Kovacic nous informe le plus tôt possible si 3DA

 14   vient ou ne vient pas. Mais si 3DA venait et si le Procureur raccourcit son

 15   délai, à ce moment-là, il y a aucun problème, on enchaîne dès le 26

 16   octobre.

 17   Alors on va continuer maintenant avec le témoin. Excusez-nous, Monsieur,

 18   mais il fallait régler procéduralement quelques problèmes.

 19   Oui, Général Praljak, vous aviez des questions à poser au témoin.

 20   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous

 21   remercie.

 22   Interrogatoire principal par M. Praljak :

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Crnkovic. Quelques brèves questions

 24   s'agissant des aspects militaires.

 25   Dites-moi, est-ce que vous aviez un grade à Sunja ? Quand j'exerçais le

 26   commandement à Sunja, j'avais moi-même un grade ? Comment m'appeliez-vous à

 27   Sunja ?

 28   R.  Hemingway.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais je dois vous rappeler le

  2   règlement. Il faut marquer des pauses entre les questions et les réponses.

  3   Le témoin a peut-être répondu, mais aucune réponse n'a été consignée, donc

  4   je pense qu'il serait préférable de reposer votre première question.

  5   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

  6   Q.  A Sunja, vous-même ou un autre membre de ce que j'appellerais l'armée

  7   croate avant le Nouvel An de l'année 1991, est-ce que l'un ou l'autre

  8   d'entre vous avait un grade ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Mais moi, quand j'étais à Sunja jusqu'au Nouvel An 1991, est-ce que

 11   j'avais un grade ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Comment m'appeliez-vous lorsque nous étions à Sunja ?

 14   R.  Hemingway.

 15   Q.  Est-ce que j'ai imposé des punitions comme, par exemple, des marches de

 16   7 à 8 kilomètres ? Est-ce que j'ai imposé de telles sanctions à vous-même

 17   ou aux autres hommes sur le front ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Dites-moi, Monsieur Crnkovic, est-ce que l'un ou l'autre des hommes qui

 20   ont été punis par moi est resté sur le front et est resté en bonne relation

 21   d'amitié avec moi ?

 22   R.  Ils sont restés sur le front et ils sont restés en bonne relation

 23   d'amitié avec vous.

 24   Q.  Quand j'ai demandé dix hommes pour Mostar, combien d'hommes se sont

 25   fait connaître pour aller à mes côtés faire la guerre contre l'armée

 26   populaire yougoslave ?

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] On a déjà répondu à cette question,

 28   500 fois. Nous l'avons entendu. 

Page 45157

  1   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Bon. Pardon.

  2   Q.  Où avez-vous été blessé, Monsieur Crnkovic ?

  3   R.  A Bosanska Posavina.

  4   Q.  Quelle est la partie du corps qui vous a été enlevée ?

  5   R.  Ma rate, mon mollet, une partie de mes intestins. Pas mal d'organes.

  6   Q.  Combien y avait-il de soldats à Sunja à mon arrivée, à côté des 47

  7   hommes de la police de réserve et des quelques hommes qui étaient, en fait,

  8   d'anciens paysans des villages environnants ?

  9   R.  Je ne saurais pas vous le dire exactement, mais quelques centaines.

 10   Q.  Quelle était la longueur de la ligne de défense à Sunja depuis Desnos

 11   [phon] jusqu'à Bobovac ?

 12   R.  Je crois que le front faisait plus de 10 kilomètres.

 13   Q.  Réfléchissez un peu, Monsieur Crnkovic. Dix kilomètres ou combien ? Le

 14   front.

 15   R.  Je ne saurais pas vous le dire exactement, je veux dire --

 16   Q.  Combien avions-nous de mortiers à Sunja à mon arrivée ?

 17   R.  Je crois que nous en avions au maximum deux.

 18   Q.  Vous rappelez-vous combien nous avions d'obus pour ces mortiers ?

 19   R.  Enfin, moins de dix.

 20   Q.  Merci. Dites-moi, est-ce qu'à un moment nous avons reçu deux canons de

 21   203 millimètres sur le territoire de Sunja, si vous vous en souvenez ?

 22   R.  Je m'en souviens. Nous en avons reçu.

 23   Q.  Vous rappelez-vous que ces canons n'ont pas pu tirer un seul obus parce

 24   que nous n'avons pas de tables de tir ?

 25   R.  Oui, je m'en souviens. Vous les avez tous renvoyés à l'expéditeur en

 26   leur faisant retraverser la Sava.

 27   Q.  Dans la Posavina, quelle était la situation du point de vue des champs

 28   de bataille ? Organisée comme à Sunja ou en plein chaos, par rapport à ce

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  1   qui se passait à Sunja ?

  2   R.  C'était à l'opposé de ce qui se passait à Sunja; c'était le chaos le

  3   plus complet.

  4   Q.  Vous avez encore eu des relations par la suite avec l'armée, donc vous

  5   avez entendu ce qui se passait. Est-ce que vous auriez entendu qu'un autre

  6   champ de bataille aurait été mieux organisé ou organisé aussi bien que

  7   Sunja, d'après ce qu'on vous a dit ?

  8   R.  D'après ce qu'on m'a dit, non.

  9   Q.  Monsieur Crnkovic, je vous remercie d'être venu. Je vous remercie

 10   d'avoir répondu à mes questions.

 11   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je remercie les Juges de la Chambre.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous aussi.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 14   Monsieur le Témoin, une question de suivi.

 15   Le général Praljak vous a demandé s'il y avait des grades. Vous avez

 16   dit : "Non." Et il vous avait demandé comment vous l'appeliez, et vous avez

 17   dit : Je vous appelais Hemingway. Alors vous l'appeliez Hemingway parce

 18   qu'il avait une barbe ou bien parce que la personnalité de M. Praljak

 19   correspondait un peu à l'œuvre d'Hemingway, à savoir le dépassement de lui-

 20   même et le goût de l'aventure ? Pourquoi l'avez-vous appelé Hemingway ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas moi qui lui ai donné ce surnom,

 22   c'est un de mes amis qui l'a fait. Maintenant, pourquoi il l'a fait, je

 23   n'en suis pas sûr.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci. Oui.

 25   M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, juste une courte question.

 26   Vous avez fait la comparaison entre la situation à Posavina et à

 27   Sunja. Alors qu'à Sunja, il y avait de l'ordre; à Posavina, c'était le

 28   chaos complet. Comment justifiez-vous cette différence ? Pourquoi il y

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  1   avait de l'ordre à Sunja, et le chaos complet à Posavina ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] A Sunja, il y avait des lignes de défense

  3   renforcées et il y avait des commandants qui dirigeaient les hommes sur ces

  4   fronts. Il y avait une distribution régulière de vivres et de munitions. Il

  5   y avait des unités de la police civile et de la police militaire qui

  6   maintenaient l'ordre au sein de l'armée ainsi que parmi les habitants,

  7   autrement dit, les civils. Donc la vie se déroulait aussi normalement que

  8   c'était possible dans de telles circonstances. Il y avait aussi

  9   suffisamment d'eau, alors que dans la Posavina, rien de tout cela

 10   n'existait.

 11   M. LE JUGE MINDUA : Il n'y avait pas de commandants militaires à Posavina ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait des commandants militaires, mais il

 13   n'y avait pas de fronts avec des commandants commandant de façon déterminée

 14   certaines parties du front. Les unités ne correspondaient pas à des parties

 15   du front.

 16   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors maintenant les Défenses.

 18   Pour M. Prlic.

 19   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   La Défense de M. Prlic n'a pas de questions à poser à ce témoin. Je

 21   vous remercie.

 22   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense de M.

 23   Stojic n'a pas non plus de questions à poser à ce témoin.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation] Pas plus que la Défense du général

 25   Petkovic, Monsieur le Président.

 26   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] La Défense de M. Coric n'a pas de

 27   questions pour ce témoin. Je vous remercie.

 28   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

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  1   Je vous remercie.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur.

  3   M. STRUGGLES : [interprétation] Bon après-midi, Monsieur le Président. Nous

  4   n'avons pas de questions à poser.

  5   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas de

  6   questions à poser à ce témoin, mais je vous prierais de m'autoriser à

  7   consacrer deux minutes à vos décisions du début de la reprise des débats.

  8   Mais nous pourrions laisser partir le témoin avant cela, bien sûr.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 10   Monsieur le Témoin, au nom de mes collègues, je vous remercie d'être

 11   venu apporter votre concours à la demande de la Défense Praljak. Je formule

 12   mes meilleurs vœux pour votre retour dans votre pays, et je vais demander à

 13   M. l'Huissier de bien vouloir vous raccompagner. 

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 15   vous remercie également.

 16   [Le témoin se retire]

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

 18   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, merci du temps que

 19   vous m'avez accordé. Je serai très bref.

 20   Il vaut peut-être mieux que je parle anglais pour être mieux compris.

 21   Cela porte sur la décision que vous avez rendue au début de cette audience.

 22   Je tiens juste à vérifier certains points dans cette décision.

 23   Cette décision était en réponse à la réponse de l'Accusation qui avait été

 24   déposée hier, si je ne m'abuse, et l'Accusation avait principalement

 25   demandé, en principal, que la requête Praljak soit rejetée ou, de façon

 26   alternative, à ce que l'on augmente le délai. La décision orale du début de

 27   cette journée a rallongé le délai de réponse.

 28   Mais voici pourquoi je demande une clarification : je comprends bien

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  1   que la décision orale, implicitement, a rejeté la réponse où l'on

  2   demandait, en fait, de rejeter la requête Praljak. J'aimerais savoir si

  3   j'ai bien compris les choses. La demande a-t-elle été rejetée une bonne

  4   fois pour toute ?

  5   Voici ce que je voulais comprendre. Je n'ai pas très bien compris la

  6   décision.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez pas bien compris parce que vous n'avez

  8   pas bien écouté. Je relis le deuxième paragraphe de notre décision qui

  9   était très claire.

 10   La Chambre estime qu'il est dans l'intérêt de la justice d'analyser la

 11   demande de la Défense Praljak à la lumière des réponses de toutes les

 12   parties qui souhaitent répondre avant de se prononcer sur son admission.

 13   Voilà. Donc la Chambre, elle dit : avant de se prononcer sur la requête du

 14   Procureur, nous voulons connaître ce que pense les parties, après quoi on

 15   va analyser tout cela et nous nous prononcerons, le cas échéant, sur

 16   l'admission que vous avez formée dans votre requête demandant l'admission

 17   de 155 témoins 92 bis. Avant de rejeter ou d'admettre, on a besoin de

 18   savoir la position du Procureur et des autres. Est-ce que vous avez compris

 19   ?

 20   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vous remercie.

 21   C'est exactement ce que j'avais compris, mais je n'étais pas absolument

 22   sûr.

 23   En cet instant même, vous n'avez pas rendu de décision, si je puis

 24   utiliser le mot, sur le mérite de la demande de la requête Praljak. Et

 25   c'est seulement lorsque tout le monde aura déposé sa réponse, l'Accusation

 26   l'a déjà fait, mais lorsque les autres parties auront déposé leur réponse,

 27   à ce moment-là, bien entendu, vous rendrez votre décision.J'étais obligé de

 28   vous poser la question que je viens de vous poser pour une raison simple,

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  1   c'est que si votre réponse n'avait pas été ce qu'elle a été, j'aurais dû

  2   demander de reconsidérer la réponse de l'Accusation, car la réponse de

  3   l'Accusation est dénommée "Réponse préliminaire," or, il n'existe pas de

  4   réponse préliminaire selon le Règlement. Donc je tenais à être tout à fait

  5   au clair.

  6   Je vous remercie de votre réponse qui a fait la clarté dans mon

  7   esprit.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, puisque nous avons

  9   un peu de temps, je prendrais la liberté de vous demander l'autorisation de

 10   déposer une réponse à la réponse que nous avons reçue du Procureur

 11   aujourd'hui. Cette réponse concerne la requête conjointe de la Défense de

 12   M. Bruno Stojic, de M. Praljak et de M. Petkovic. Dans cette requête, il

 13   est demandé à la Chambre d'ordonner à l'Accusation la communication de tous

 14   les documents émanant des procès jugés par ce Tribunal contre les officiers

 15   de l'ABiH et émanant de toutes les autres procédures, donc ces documents

 16   qui sont en la possession du bureau du Procureur et qui ont un rapport avec

 17   la direction de l'ABiH ainsi que les dirigeants politiques musulmans et

 18   leurs dirigeants militaires. Je ne vais pas rentrer dans les détails.

 19   Dans la réponse du Procureur, certaines questions sont évoquées, y compris

 20   la différence entre l'obligation de communication qui s'applique à certains

 21   documents et pas à d'autres; je veux parler du fait que certains documents

 22   peuvent être transmis à la Défense par ADS ou d'autres moyens techniques.

 23   Nous considérons que les questions que l'Accusation évoque dans sa réponse

 24   méritent une réplique. C'est la raison pour laquelle je vous prie de nous

 25   autoriser à répliquer à la réponse de l'Accusation.

 26   Merci bien.

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, la Chambre vous autorise donc à

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  1   répliquer et vous donne 15 jours pour faire vos écritures.

  2   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. De

  3   toute façon, nous étions prêts à soumettre notre réplique vendredi, mais

  4   nous sommes très satisfaits de cette prorogation du délai. Je vous

  5   remercie.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Je crois qu'il vaut mieux pas allonger les débats,

  7   parce que c'est un sujet que je connais particulièrement bien. Mais si vous

  8   continuez, vous allez m'obliger à intervenir.

  9   Monsieur Stringer, vous êtes debout.

 10   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Je tiens juste à répondre rapidement aux remarques de Me Kovacic.

 12   J'ai un peu l'impression qu'il essaie de -- enfin je n'ai pas très bien

 13   compris ce qu'il disait, mais je pense qu'il est en train de déformer notre

 14   position.

 15   L'Accusation a déposé une première réponse, tout d'abord parce que

 16   cela n'aborde pas la teneur des 150 déclarations qu'il a présentées en

 17   masse, si je puis dire, et que nous devons maintenant étudier. Au vu de la

 18   décision prise par la Chambre, nous comprenons bien que nous avons jusqu'au

 19   28 octobre pour déposer une véritable réponse étoffée et substantielle, en

 20   comprenant les 150 déclarations qui ont été proposées. Et après cette

 21   réponse, la Chambre de première instance étudiera quel type de décisions

 22   elle peut prendre. Donc je veux être très clair. Je tiens à vous dire que

 23   le 28 octobre, l'Accusation déposera une réponse étoffée concernant chacune

 24   de ces 150 déclarations. Et nous sommes très reconnaissants que d'avoir

 25   obtenu un délai supplémentaire.

 26   Nous vous remercions.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je vous remercie, Monsieur

 28   Stringer. C'est effectivement ce que la Chambre attend de vous, donc vous

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  1   avez également bien compris la décision.

  2   De ce fait, demain nous n'avons pas d'audience, puisque le témoin ne

  3   viendra que jeudi. Donc ça vous permettra de préparer son audition de

  4   jeudi. Jeudi, nous n'aurons qu'une pause, on terminera à 18 heures, et on

  5   reprendra avec ce témoin lundi puisqu'il est prévu sur deux jours.

  6   Donc voilà ce que je voulais vous dire. Je vous souhaite à tous une

  7   bonne fin de journée et à jeudi, 14 heures 15.

  8   --- L'audience est levée à 18 heures 27 et reprendra le jeudi 24

  9   septembre 2009, à 14 heures 15.

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