Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 15 février 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Petkovic vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, bonjour à

  9   tous dans ce prétoire.

 10   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et

 11   consorts. Merci, Monsieur le Juge.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- le Greffier.

 13   En ce lundi 15 janvier 2010, je salue en premier notre témoin, le général

 14   Petkovic, je salue MM. les accusés, je salue Mmes et

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- avocats, je salue tous les membres

 17   éminents du bureau du Procureur, et ainsi que toutes les personnes qui nous

 18   assistent.

 19   Avant de rendre une décision orale, je donne la parole à M. le Greffier qui

 20   a deux numéros IC.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   4D et 2D ont soumis des objections à la liste de l'Accusation qui ont été

 23   versées par le Témoin 4D-AA. Les numéros seront donc IC 0176 et 177

 24   respectivement.

 25   Merci, Messieurs les Juges.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 27   Décision orale relative à la demande de la Défense Petkovic de rajout de 16

 28   documents sur sa liste 65 ter. Le 10 février 2010, la Défense Petkovic a

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  1   déposé une requête dans laquelle elle demande à la Chambre d'autoriser leur

  2   rajout sur sa liste 65 ter de 16 documents, qu'elle compte présenter lors

  3   du témoignage de Milivoj Petkovic. Lors de l'audience du 11 février 2010,

  4   la Chambre a invité l'Accusation et les autres équipes de la Défense à

  5   formuler leur éventuelle réponse ce même jour. L'Accusation a informé la

  6   Chambre et les parties qu'elle ne s'opposait pas à la demande de la Défense

  7   Petkovic. Les autres équipes de la Défense n'ont pas formulé de réponse.

  8   La Chambre relève que la demande de la Défense Petkovic est extrêmement

  9   tardive dans la mesure où elle est intervenue la veille du début du

 10   témoignage de Milivoj Petkovic. La Chambre constate, cependant, que ni

 11   l'Accusation ni les autres équipes de la Défense n'ont fait valoir de

 12   préjudice en raison de cette tardiveté. La Chambre a donc procédé à

 13   l'examen de la demande et considère que les 16 documents identifiés

 14   présentent des indices prima face de fiabilité, de valeur probante et de

 15   pertinence.

 16   En conséquence, la Chambre décide de faire droit à la demande et autorise

 17   le rajout des documents. Je vais les citer :

 18   3D 02408, P 03027, P 05573, P 06027, P 06397, 4D 01300, 4D 01346, 4D

 19   01671, P 01341, 4D 02026, P 02599, 3D 00526, P 00166, P 02114, 4D

 20   02024, 4D 2025 sur la liste 65 ter de la Défense Petkovic.

 21   Le Juge Antonetti joint une opinion séparée à la présente

 22   décision. Voici mon opinion séparée :

 23   La Chambre a décidé de rajouter, sur la liste 65 ter, 16

 24   documents. Je partage entièrement cette décision.

 25   En revanche, je diverge en ce qui concerne le troisième paragraphe relatif

 26   à la tardiveté de la demande car, pour moi, c'est méconnaître les

 27   nécessités de la Défense qui impose des entretiens constants entre un

 28   accusé et son avocat. Il se peut que, lors de ces entretiens, la nécessité

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  1   se soit manifestée au dernier moment d'introduire un document pour les

  2   besoins de la cause car jusqu'alors, ni l'avocat ni l'accusé n'avait vu

  3   l'intérêt de ce document, et que lors de l'entretien, l'intérêt a pu alors

  4   se manifester.

  5   De mon point de vue, les Juges ne peuvent exiger que tous les documents

  6   soient mentionnés sur la liste 65 ter avant la venue d'un témoin. Car cela

  7   serait faire fi des droits de la Défense qui s'exercent du début du procès,

  8   à la fin du procès et notamment pendant la phase des entretiens entre

  9   l'accusé et son avocat. Cette remarque est également valable pour le

 10   Procureur qui peut, lui aussi, avoir la nécessité d'introduire au dernier

 11   moment un document dont il a découvert tout l'intérêt au moment de la phase

 12   dite du "proofing." Ainsi dans un procès pénal devant une juridiction

 13   internationale, il se peut que les parties, Accusation et Défense, au

 14   dernier moment, éprouvent la nécessité de présenter un témoin, alors même

 15   que ce document n'a pas été mentionné dans la liste 65 ter, et que dans ce

 16   cadre, il n'y a pas à mon sens à faire rentrer la notion de tardiveté qui a

 17   été mentionné au paragraphe 3 de la présente décision.

 18   J'estime qu'une Chambre de première instance se doit de faire preuve de

 19   flexibilité en cas de circonstances exceptionnelles et les entretiens entre

 20   le Procureur et ses témoins, ou l'avocat et son client l'accusé peuvent

 21   entraîner au dernier moment la nécessité d'introduire un document.

 22   Voilà mon opinion séparée étant précisé que je suis entièrement d'accord

 23   avec le rajout des 16 documents.

 24   Maître Alaburic, le Greffier m'a indiqué que vous avez utilisé une heure 19

 25   jusqu'à présent. Je vous cède donc la parole.

 26   M. KHAN : [interprétation] Avant que ma collègue prenne la parole, peut-

 27   être que l'on pourrait demander au bureau informatique; j'ai mentionné à la

 28   Cour qu'il y avait un problème avant que nous entamions cette audience donc

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  1   peut-être que l'on pourrait demander l'aide du bureau informatique. Merci.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, faites en sorte que Me Khan

  3   puisse accéder très vite à son ordinateur.

  4   Bien. Maître Khan, ça doit être fait. Le Greffier, qui est efficace, a fait

  5   le nécessaire.

  6   Maître Alaburic.

  7   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  8   bonjour à vous. Bonjour à l'Accusation. Bonjour, Général, et bonjour à mes

  9   confrères et consoeurs.

 10   Je remercie les Juges de la décision qui vient d'être rendue. Nous allons

 11   poursuivre.

 12   LE TÉMOIN : MILIVOJ PETKOVIC [Reprise]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   Interrogatoire principal par Mme Alaburic : [Suite]

 15   Q.  [interprétation] Mon Général, le segment dont nous avons parlé, un tant

 16   soit peu c'est la position de l'état-major principal du HVO au sein des

 17   forces armées de l'Herceg-Bosna, à cet effet, je voudrais que vous vous

 18   penchiez sur les documents du classeur numéro 1. Il s'agit du deuxième

 19   ensemble qui se rapporte à l'entité organisationnelle. Je vous précise

 20   qu'il s'agit du P 289, qui sera notre premier document.

 21   Il s'agit d'un décret relatif aux forces armées de la HZ HB promulgué le 3

 22   juillet 1992.

 23   Mon Général, première question : avez-vous participé à la préparation ou

 24   rédaction de ce décret ?

 25   R.  Messieurs les Juges, non, je n'ai pas participé directement à la

 26   rédaction de ce décret.

 27   Q.  Mon Général, dites-nous donc : si au sujet de ce décret, vous auriez

 28   fourni une opinion pour ce qui est de savoir comment les forces armées sont

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  1   censées être organisées et quel est censé être le rôle de cet état-major

  2   principal du HVO ?

  3   R.  Pour autant que je le sache, l'équipe qui a travaillé sur ce document

  4   n'a pas demandé quelle qu'opinion que ce soit de l'état-major principal sur

  5   quel que sujet que ce soit.

  6   Q.  A l'article 2 de ce décret, il est dit que :

  7   "L'organisation de la défense de l'Herceg-Bosna constitue une forme

  8   unique d'organisation des personnes morales et autres, pour ce qui est de

  9   prévenir toute attaque et empêcher toute attaque et autre péril qui

 10   pourrait menacer la HZ HB."

 11   Alors, mon Général, comment comprenez-vous cet article ? Est-ce que toutes

 12   les instances de la HZ HB ont à voir quelque chose avec la défense de la HZ

 13   HB ?

 14   R.  Oui, c'est un article tout à fait réaliste et normal. Ultérieurement,

 15   il est donné un descriptif de chacune des instances concernées par la

 16   défense de l'Herceg-Bosna, car toutes ces instances ont été créées dans une

 17   mission première, qui est celle de défendre l'Herceg-Bosna, c'est-à-dire

 18   défendre les croates sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 19   Q.  Mon Général, dites-nous : si la défense a été la raison de la création

 20   de l'Herceg-Bosna, en substance ?

 21   R.  D'après ce que j'en sais, d'après ce qui figure dans le document,

 22   l'Herceg-Bosna était créé pour une raison qui est celle de la défense des

 23   Croates et de tous ceux qui résident sur ces territoires-là, puisqu'il y a

 24   eu préparation de l'agression contre ces territoires et on s'y attendait.

 25   Q.  A l'article 10, on dit que :

 26   "Le département de la Défense est chargé des activités liées à

 27   l'état-major et autres activités professionnelles pour les besoins de la

 28   présidence de la HZ HB."

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  1   A l'article 11, on dit que, s'agissant de l'accomplissement de ces tâches-

  2   là, pour ce qui est du département de la Défense, il est créé un état-major

  3   principal.

  4   Mon Général, d'après ce que vous en savez, concernant la teneur de ce

  5   décret, dites-nous : si celui-ci, mis à part ces tâches liées à l'état-

  6   major et autres activités professionnelles, il y aurait eu d'autres tâches

  7   de confiées à l'état-major principal ?

  8   R.  Messieurs les Juges, en application de ce décret, il n'y a que cette

  9   partie-ci des tâches qui fait partie des attributions de l'état-major. Il

 10   faut donc que ce soit une instance qui accomplirait des tâches pour le

 11   compte de la présidence de la HZ HB de la Communauté croate d'Herceg-Bosna.

 12   Q.  Quelques mois plus tard, il y a eu modification du décret, et ensuite

 13   on vient au 588, P 588, qui se rapporte au 17 octobre 1992. On a mal

 14   consigné, c'est le P 88 dont il s'agit, P 588.

 15   Alors nous avons un texte de ce décret, parce que nous avions déjà indiqué

 16   qu'il y avait erreur de traduction de l'article 10, alinéa 2 de ce décret,

 17   qui parle de l'accomplissement des tâches liées à l'état-major et autres

 18   pour les besoins de la présidence de la HZ HB.

 19   Alors, Général, je vous prie de lire cet article 10, alinéa 2, où l'on

 20   parle du département à la Défense qui se voit confier, et cetera, et

 21   cetera.

 22   Prenez lecture de la phrase entière, je vous prie.

 23   R.  "Le département à la Défense accomplit les tâches liées à l'état-major

 24   et autres tâches professionnelles pour les besoins de la présidence de la

 25   HZ HB, au sujet des attributions qui sont les siennes pour ce qui est des

 26   activités liées à la défense, exception faite des tâches professionnelles

 27   des autres départements relevant de la défense."

 28   Q.  Il y a une erreur qui dit que les activités liées à l'état-major, ça a

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  1   été traduit, activités de commandement. Donc c'est là que le rectificatif

  2   est intervenu.

  3   Quand il est question des missions de ce HVO et plus tard du gouvernement

  4   de l'Herceg-Bosna, de votre avis, quelle était la mission la plus

  5   importante du gouvernement de l'Herceg-Bosna ?

  6   R.  Le gouvernement de l'Herceg-Bosna ainsi que les autres instances, pour

  7   ce qui est des missions qui étaient les siennes, s'est vu être

  8   l'organisateur chargé de la défense. Sa mission première, qui est évoquée

  9   ici, consiste à promouvoir le plan de la défense de la Communauté croate

 10   d'Herceg-Bosna. Cela signifie que le gouvernement participe directement à

 11   la planification, ça c'est l'obligation la plus importante, obligation

 12   numéro 1. Indépendamment de ceci, je dirais que le plan de la défense n'a

 13   pas promulgué en tant que document. Mais il y a des documents partiels qui

 14   ont -- au fil de cette période de guerre, ont constitué des éléments

 15   constitutifs du plan en question. Par conséquent, cette planification liée

 16   aux besoin de la Défense, s'est donnée, fournie au niveau du HVO.

 17   Q.  Général, quelle est votre position concernant l'importance des tâches

 18   relevant du département de la Défense, qu'est-ce que vous mettriez en

 19   position numéro 1 ?

 20   R.  A l'article 10, il est donné 24 attributions, je dirais de grande

 21   envergure, pour ma part, pour ce qui est des missions du département à la

 22   Défense, et là, je mettrais en exergue quelques éléments. D'abord, il y a

 23   évaluation et harmonisation de la politique dans le domaine de la Défense.

 24   La deuxième position importante, c'est la détermination des périls de

 25   guerre et autres. Alors, moi, j'ajouterais ici que, pour ce qui est du

 26   paragraphe ou de l'article 2, c'est pour une période antérieure à la

 27   guerre, mais quand guerre il y a eu, ça s'est mué en paragraphe qui

 28   s'énoncerait comme suit :

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  1   "Rapport portant sur la situation militaire liée à la sécurité dans le

  2   territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna."

  3   Ensuite troisième élément, ce sont les forces armées, puis le

  4   commandement et le contrôle des forces armées. Donc le système est en train

  5   d'être mis en place par l'adoption de documents appropriés, et l'un de ces

  6   documents, c'est celui de l'Herceg-Bosna qui s'appelle le décret relatif

  7   aux forces armées. De même, le département à la Défense a promulgué bon

  8   nombre de documents et instructions qui, d'une certaine façon, ont placé

  9   les choses à leur endroit pour influer sur l'organisation du commandement

 10   et du contrôle --

 11   Q.  Attendez, Général. Si vous le permettez, je voudrais vous interrompre.

 12   Point n'est nécessaire de donner lecture du reste. Je vous ai demandé de

 13   nous dire ce qu'il y avait de plus important.

 14   Dites-nous : si ce décret fait en sorte que le domaine d'intervention

 15   de l'état-major reste le même, est-ce qu'il est chargé de ses tâches

 16   d'état-major et autres tâches professionnelles pour les besoins de la

 17   présidence de la HZ HB ?

 18   R.  Pour ce qui est de ces modifications et compléments du mois d'octobre

 19   1992, on a gardé la même chose, à savoir l'état-major est chargé de ces

 20   affaires professionnelles et techniques pour les besoins du commandant

 21   suprême.

 22   Q.  Penchez-vous sur le document suivant.

 23   Mme ALABURIC : [interprétation] 4D 12 --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand je regarde ce document, il y a deux articles :

 25   l'article 9, l'article 10, mais les articles doivent s'interpréter par

 26   rapport aux titres, et le titre est le suivant : "Les compétences du HVO et

 27   des corps administratifs." Donc un juriste, qui lit cela, a l'impression

 28   que l'article 9 régit au niveau du HVO ce qui est énuméré aux huit points;

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  1   1, 2, 3 et ça va jusqu'à 8, et notamment, ce qui m'intéresse

  2   prodigieusement, c'est le point numéro 7, c'est-à-dire la préparation des

  3   plans pour les combats. Donc, là, c'est le HVO composante certainement

  4   militaire mais je n'ai pas d'autres précisions en la matière, et donc, là,

  5   on peut penser qu'il y a M. Mate Boban et puis, peut-être, d'autres.

  6   Puis il y a l'article 10, qui est beaucoup plus administratif et qui, lui,

  7   intéresse le département de la Défense, disons le ministère de la Défense

  8   où, là, c'est plus technique et plus administratif : mobilisation, les

  9   mesures, et cetera. Le département de la Défense à l'article 10, on n'a pas

 10   l'impression qu'il joue un rôle en matière opérationnelle. En matière

 11   opérationnelle, c'est le point 7 de l'article 9.

 12   Alors, vous qui étiez sur le terrain; est-ce que l'article 9, ça donne la

 13   compétence à Mate Boban et puis, peut-être à d'autres, et puis l'article

 14   10, ça concerne uniquement le département de la Défense, mais dans sa

 15   composante administrative ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, l'article 9 ne se

 17   rapporte pas à Mate Boban en sa qualité de commandant en chef. L'article 9

 18   se rapporte aux pouvoirs exécutifs du HVO. Ça, c'est d'un.

 19   De deux, à l'article ou au point 7 que vous avez évoqué, on dit :

 20   "…détermine les plannings visant à aménager les territoires," et non pas

 21   aménager la Défense, comme il me semble vous avoir entendu le dire.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a peut-être un problème de traduction.

 23   Pouvez-vous lire dans votre langue le paragraphe 7 ?

 24   Oui. Pouvez-vous lire le paragraphe 7 de l'article 9, pas de l'article 10 ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, article 9.7 qui dit :

 26   "…détermine les plannings relatifs à l'aménagement des territoires."

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Ah. Bien. Alors, donc la traduction anglaise, on

 28   parle -- Maître Karnavas, vous qui êtes un spécialiste de la langue

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  1   anglaise, y a-t-il pas un problème de traduction ?

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] On ne parle pas de combats. Donc je ne sais

  3   pas qui a traduit en anglais. "Mais vous voulez, en fait, donner un rôle

  4   plus important au gouvernement." Je ne sais pas qui était responsable, mais

  5   combats n'est pas mentionné dans la version originale et je pense que ceci

  6   devrait être corrigé.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Donc il y avait un problème de

  8   traduction. C'est pas le premier, il y en aura certainement d'autres. Bien.

  9   Alors, compte tenu du problème de traduction, ma question devient sans

 10   objet.

 11   Maître Alaburic.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation]

 13   Mon Général, penchez-vous sur le document suivant : 4D 1287, je vous prie.

 14   Q.  Il s'agit d'une loi régissant la Défense de la République de Croatie,

 15   datant de 2002.

 16   Dites-nous, Général, si vous le savez : est-ce que c'est en début 1990

 17   qu'en Herceg-Bosna les lois, voire les décrets étaient rédigés de façon à

 18   plus ou moins avoir fait référence aux lois de la République de Croatie

 19   avec l'apport de modifications déterminées ?

 20   R.  Messieurs les Juges, pour autant que je le sache, on s'est servi des

 21   lois déjà existantes en République de Croatie, et c'était, d'une certaine

 22   façon, adapté à la situation de l'Herceg-Bosna.

 23   Q.  Alors, mon Général, penchez-vous sur l'article 11. Voyons donc comment

 24   en 2002 la chose a été définie pour ce qui est de l'état-major principal

 25   des forces armées de la République de Croatie.

 26   A cet effet, nous allons pouvoir constater qu'il est évoqué 31 missions ou

 27   tâches à l'intention de l'état-major principal. Parmi ces tâches de l'état-

 28   major principal de la Croatie, il y a à l'alinéa 6 le commandement des

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  1   forces armées, conformément aux ordres du commandant en chef et

  2   conformément aux documents émanant du ministre de la Défense. Puis, il y a

  3   suivis et promotions de l'organisation et du commandement des forces

  4   armées, et cetera, et cetera.

  5   Alors, ma question pour vous, Général, est celle-ci : Si l'on compare ces

  6   décrets relatifs aux forces armées de l'Herceg-Bosna et cette loi relative

  7   à la Défense de la République de Croatie datant de 2002, que nous diriez-

  8   vous ? Quelle est la réglementation qui vise à faire en sorte que l'état-

  9   major principal des forces armées ait des attributions très grandes et soit

 10   très renforcé ?

 11   R.  C'est la réglementation adoptée par la République de Croatie par

 12   rapport au décret adopté par l'Herceg-Bosna. De telles dispositions

 13   n'existent pas du tout dans la législation concernant les forces armées de

 14   l'Herceg-Bosna ou les deux décrets concernant les forces armées de

 15   l'Herceg-Bosna.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] Examinons le document suivant, Général, P

 17   586 est son numéro.

 18   Q.  Il s'agit là de la décision portant sur l'établissement du département

 19   de la Défense. Il est question de l'état-major principal au point 9.

 20   Nous avons déjà plusieurs fois lu et analysé ce point dans ce prétoire,

 21   mais je souhaite que l'on entende encore une fois, votre opinion. Il est

 22   écrit que c'est le chef qui est à la tête de l'état-major principal, et que

 23   c'est celui-ci qui est responsable devant le chef du département de la

 24   Défense concernant certaines tâches et devant le président de la Communauté

 25   croate d'Herceg-Bosna pour certaines autres tâches.

 26   La responsabilité devant le chef du département de la Défense concerne

 27   toutes les affaires liées à la gestion, au budget et aux provisions et

 28   dépenses matérielles, de même que l'établissement général et la vie en

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  1   temps de paix, de même que l'organisation en temps de guerre des forces

  2   armées. Alors que ces responsabilités devant le président de l'Herceg-

  3   Bosna, qui ont occupé le commandant suprême, concernent les questions du

  4   commandement Suprême de l'organisation des plans stratégiques et

  5   opérationnels et de l'utilisation et du déploiement des forces armées en

  6   temps de paix et en temps de guerre.

  7   Dites-nous, Général : d'après votre compréhension, est-ce que le chef de

  8   l'état-major du HVO était vraiment responsable devant le chef département

  9   de la Défense, autrement dit, ministre de la Défense, et en même temps,

 10   devant le commandant Suprême pour certaines autres affaires ?

 11   R. Justement, c'est justement la manière dont les choses fonctionnaient,

 12   article 9.9. Mais ici, il n'est pas question des devoirs mais des

 13   responsabilités, et c'est ainsi que les responsabilités ont été définies

 14   d'après les tâches qui étaient les siennes. Vis-à-vis du chef du

 15   département de la Défense, le chef de l'état-major principal était

 16   responsable devant le chef du département de la Défense, mais les devoirs

 17   par rapport au commandant suprême voulaient qu'il était responsable devant

 18   celui-ci concernant tout ce qui relève de son autorité et de sa

 19   responsabilité.

 20   Il en découle que le chef de l'état-major principal avait une

 21   responsabilité double. D'un côté vis-à-vis du département de la Défense,

 22   sur le point des affaires administratives, et d'autre part, vous souvenez-

 23   vous du commandant suprême.

 24   Q.  Au point suivant, il est défini à quel égard l'état-major principal est

 25   supérieur au commandement du HVO, et il y est écrit que :

 26   "Il est supérieur dans les limites des pouvoirs généraux et concrets que le

 27   président de la HZ HB lui confie."

 28   R.  Oui, c'est ce qui est écrit, ici. Cela concerne donc les pouvoirs

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  1   généraux et concrets que le président lui confie, autrement dit, le

  2   commandement -- le commandant suprême. Autrement dit, les pouvoirs concrets

  3   du chef d'état-major ne soient pas définis, mais on définit simplement que

  4   c'est le commandant suprême qui les confie.

  5   Q.  Au point suivant, il est dit que :

  6   "Les responsables des commandants de brigades, autrement dit les

  7   commandants de brigades, seront subordonnés et responsables devant le

  8   commandant suprême ou, alternativement, devant le chef du département de la

  9   Défense et le chef de l'état-major principal dans les limites de leurs

 10   responsabilités et conformément aux pouvoirs décrits ci-dessus."

 11   Dites-nous, Général : est-ce que cette disposition signifie que la

 12   communication directe entre le commandant en chef et les commandants de

 13   brigades est permise, ou bien avec le commandant de zone d'opération ?

 14   R.  Oui. Il est mentionné ici que les commandants de brigades sont

 15   subordonnés au président de la HZ HB pour ce qui est des responsabilités de

 16   commandement. Alors que conformément aux pouvoirs confiés par le commandant

 17   suprême, cela s'applique aux responsabilités de commandement.

 18   Mme ALABURIC : [interprétation] Nous avons eu une question

 19   d'interprétation.

 20   Q.  Donc, Général, est-ce que vous pouvez répéter encore une fois votre

 21   réponse ?

 22   R.  Je dis qu'il est écrit ici que les commandants de brigades sont

 23   subordonnés et responsables devant le président de la HZ HB en tant que

 24   commandant suprême, et qu'en même temps, ils sont subordonnés au chef du

 25   département pour ce qui est des affaires relevant de sa compétence, et

 26   devant le chef de l'état-major principal, conformément aux tâches que le

 27   commandant suprême confie à celui-ci.

 28   Q.  Lorsque vous dites --

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  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le

  2   Président, juste un instant, pour clarifier un point.

  3   Q.  Vous avez dit : "Le chef de département;" il a été dit "head," en

  4   anglais, mais il est question : de qui exactement ?

  5   R.  Je parlais du chef du département de la Défense.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, c'était

  7   important.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : On a donc sous les yeux le dernier paragraphe dans

  9   la version anglaise qui dit que les commandants de brigade sont subordonnés

 10   et responsables devant le président de la Communauté croate qui, lui, est

 11   commandant en chef.

 12   Alors, ce texte entraîne évidemment des conséquences concernant la

 13   responsabilité du supérieur hiérarchique. J'aimerais avoir votre point de

 14   vue sur la situation suivante : Imaginons qu'un commandant de brigade X

 15   appelle directement Mate Boban et lui dit : "Monsieur le président, je vous

 16   rend compte de telle situation." On a, par exemple, malencontreusement tiré

 17   sur une maison où il y avait que des civils, on les a tués, et cetera.

 18   Voilà que le président lui dit : "C'est rien. Il y a pas de problème. Vous

 19   êtes couvert."

 20   Le commandant de la brigade n'en rend absolument pas compte à son

 21   commandant de la zone opérationnelle, ni au chef d'état-major parce que

 22   l'information et passée uniquement entre le commandant de la brigade, et

 23   Mate Boban; et la chaîne de commandement n'est pas au courant, si on

 24   applique ce texte.

 25   Alors était-ce comme cela que ça se passait dans le HVO, ou bien ce qui est

 26   écrit ne se passait pas sur le terrain ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, cet ordre n'a pas été

 28   donné et ainsi formulé sans aucune raison. Il a été demandé que les

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  1   commandants de brigades et peut-être plutôt que le commandement Suprême

  2   soit en communication directe avec le commandant de brigade. La raison est

  3   qu'au niveau de l'Herceg-Bosna, ceci n'a jamais et nulle part été défini,

  4   notamment pour ce qui est des devoirs de l'état-major principal ni du chef,

  5   du commandant de la zone opérationnelle, et ceci s'applique également aux

  6   commandants de la brigade. Nous verrons ce qui s'est passé par la suite, en

  7   République de Croatie, lorsque ce même type de document a été adopté en

  8   2000.

  9   Donc, il y a eu des situations dans lesquelles les commandants de

 10   brigades se sont adressés directement au commandant en chef ou directement,

 11   ou bien il y a eu des communications directes de la zone opérationnelle --

 12   ou plutôt, du commandant de la zone opérationnelle, qui s'est adressé

 13   directement au commandant en chef. Des documents, qui ont été élaborés à

 14   l'époque, ne sont pas imaginables aujourd'hui, car le rôle de tout le monde

 15   aurait été strictement défini par le chef de l'état-major principal

 16   jusqu'au niveau inférieur du commandement. Je répète qu'il y avait un

 17   document adopté en République de Croatie en 2000 avec la liste de 30

 18   devoirs, mais donc, en vertu de ce document, toutes les responsabilités et

 19   pouvoirs du commandant ont été définis. En Herceg-Bosna, ceci n'a jamais

 20   été fait jusqu'en 1994 ou 1995, le décret sur les forces armées n'a même

 21   pas été modifié. Il avait été fait en octobre 1992 et il est resté intact.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc je comprends que vous confirmez que même

 23   en République de Croatie, les commandants de brigades pouvaient s'adresser

 24   directement au président.

 25   Un Juge raisonnable peut en tirer, comme moi, la conclusion que parfois, le

 26   chef d'état-major ou le commandant de la zone opérationnelle pouvait ne pas

 27   être au courant, car par ce système, il pouvait être court-circuité. Alors

 28   question qui suit : est-ce que le texte que nous avons sur les commandants

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  1   de brigade s'applique également aux commandants des unités professionnels ?

  2   Pour en citer un, à M. Naletilic, est-ce que M. Naletilic rentre dans ce

  3   dispositif, à savoir qu'il est subordonnée directement au président de la

  4   Communauté croate d'Herceg-Bosna est responsable devant lui ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, comme vous avez pu le

  6   voir jusqu'à présent également, c'était effectivement le cas. Il était

  7   directement subordonné au commandant en chef, au commandant suprême, et il

  8   était responsable exclusivement devant lui. C'est seulement suite à la

  9   probation du commandant suprême qu'il pouvait être utilisé, déployé

 10   ailleurs quelle que soit la puissance de cette unité. Elle a réussi à

 11   obtenir ce statut et c'est ainsi que cette unité se comportait pendant

 12   toute la guerre.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je crois que j'ai mon collègue qui avait des

 14   questions.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Tout à fait. Cela n'a rien à voir à

 16   Naletilic mais au principe général. Je trouve que tout ceci extrêmement

 17   compliqué le fait qu'il y ait une règle selon laquelle les commandants de

 18   brigade étaient subordonnés aux chefs de leurs zones opérationnelles tout

 19   en étant simultanément subordonnés directement aux commandants en chef.

 20   Bon, vous nous avez dit que c'était parce que les obligations de l'état-

 21   major général et du chef d'état-major n'étaient pas bien définies très

 22   strictement. Je ne comprends pas pourquoi dans ce type de situation si ces

 23   obligations n'étaient pas clairement définies ainsi on aurait pu avoir des

 24   structures bien claires. J'essaie de me mettre à la place des personnes

 25   impliquées sur place, moi, j'aurais peur qu'avec cette double chaîne de

 26   commandement avec ces commandants de brigade qui sont subordonnés à deux

 27   personnes, en fait, il y a un risque de manque total de sécurité du fait de

 28   cette double chaîne de commandement.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, ceci ne pourrait --

  2   ne devrait pas se passer justement ainsi compte tenu du fait que le

  3   commandant suprême avait donné un ordre contraignant pour les gens, ainsi

  4   nos états de situation, les commandants subordonnés et les commandants de

  5   zones opérationnelles seront responsables devant lui, car c'est lui qui

  6   avait donné l'ordre; et ça c'est tout à fait normal. Dans une autre

  7   situation, si le commandant suprême délègue les pouvoirs au chef de l'état-

  8   major, en disant dans cette zone : Vous allez préparer et mener à bien un

  9   certain nombre d'activités de combat, dans ce cas-là, il s'agit des

 10   missions concrètes données au commandant. Dans ce cas-là, le commandant va

 11   être responsable, le commandant de la brigade va être responsable devant le

 12   chef de l'état-major. Je suis d'accord avec vous pour dire que ceci aurait

 13   dû être formulé bien mieux, mais tel n'était pas le cas, et vous pouvez

 14   voir qu'ici, dans le texte, il est question seulement des brigades, même

 15   pas des zones opérationnelles. Les zones opérationnelles ont été omises par

 16   l'auteur du document, et nous allons remarquer plusieurs documents de ce

 17   type où il ressort que personne n'avait inclus la question des zones

 18   opérationnelles dans ces documents, comme si elles n'existaient pas. Donc

 19   c'était une erreur qui n'a jamais été corrigée.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. Je dois vous dire

 21   que ce qui m'intéresse bien plus c'est ce qui est arrivé en pratique plutôt

 22   de ce qui est écrit en théorie. Donc pourriez-vous nous dire si Mate Boban

 23   a utilisé cette possibilité de court-circuiter la chaîne de commandement et

 24   donner directement des ordres à des brigades ? Est-ce qu'il l'a fait à

 25   quelques reprises, à plusieurs reprises, souvent ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais vous le dire le nombre de telles

 27   situations mais il y a eu des situations dans lesquelles ils avaient reçu

 28   un ordre de la part du commandant suprême. Il y a eu des situations dans

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  1   lesquelles le commandant suprême les convoquait pour une réunion

  2   d'information concernant la situation au sein de la brigade, et puis il y a

  3   eu des situations dans lesquelles, comme vous l'avez vu, l'état-major

  4   principal au nom du commandant suprême donnait un certain nombre d'ordres

  5   aux brigades ou plutôt aux zones opérationnelles. Donc il y avait les deux

  6   cas de figure.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je n'ai pas de problème avec la

  8   deuxième option dont vous avez parlé. Si ce commandant suprême fait cela

  9   par le biais de l'état-major général, ça me paraît normal, mais s'il

 10   contourne, s'il court-circuite l'état-major général, est-ce qu'il envoie au

 11   moins quand même un ordre de -- un exemplaire de son ordre à l'état-major

 12   général, ou est-ce qu'il informe d'une manière ou d'une autre une unité,

 13   des agissements d'une unité qui finalement appartient quand même à l'état-

 14   major principal ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, tout d'abord, toutes les

 16   unités relèvent du commandant suprême et ensuite de l'état-major principal

 17   et de celui qui a l'échelon suivant dans la chaîne de commandement. Il est

 18   tout à fait normal que le commandant suprême a le droit d'entreprendre les

 19   activités qu'il souhaite mais il est tenu d'informer l'état-major car il

 20   n'est pas tenu de surveiller la situation. Il peut donner un ordre mais il

 21   confie la mission à l'état-major principal, la mission de suivre la

 22   situation, car le commandant suprême est un individu qui ne peut pas suivre

 23   l'ensemble de la situation. Alors que l'état-major principal et les Groupes

 24   opérationnels sont constitués d'un groupe de personnes qui peuvent suivre

 25   la mise en œuvre, l'exécution des ordres du commandant suprême. C'est pour

 26   cela qu'il est dit que l'état-major principal est un organe d'état-major du

 27   commandant suprême, autrement dit, le commandant suprême n'a pas d'autre

 28   personne, membre de personnel à sa disposition -- c'est ceux qui font

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  1   partie de l'état-major principal.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec votre permission, je vais faire un ajout

  4   brièvement, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

  5   Chaque unité à commencer par la brigade de la zone opérationnelle jusqu'au

  6   commandant suprême a son état-major, et il y a toujours un commandant

  7   dessus de l'état-major. Donc vous avez un état-major de la brigade et son

  8   commandant. Ensuite dans la zone opérationnelle, vous avez un état-major

  9   opérationnel et puis le commandant de l'état-major. Puis vous avez l'état-

 10   major principal qui à sa tête -- à la tête de cette pyramide-là a son

 11   propre commandant.

 12   C'est ce que j'ai ajouté aux fins de clarification.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Je dois avouer d'ailleurs que

 14   j'ai servi dans le cadre d'un état-major d'une division en Suisse au niveau

 15   d'un corps d'armée pour un général trois étoiles. Donc ça correspond donc à

 16   mon expérience, alors que cette autre organisation ne correspond pas du

 17   tout à ce que je connais. Ce fait qu'un commandant suprême puisse donner

 18   des ordres directs à un échelon qui lui est à un échelon.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez répondu de manière extrêmement précise à

 20   toute une série de questions, et je dois de vous poser une question de

 21   suivi qui est importante. On voit bien le système tel que vous le décrivez,

 22   mais ce système il faut qu'on l'applique par rapport à notre acte

 23   d'accusation. C'est ça tout l'intérêt. A titre de réflexion ou d'hypothèse,

 24   était-il possible qu'à partir du 9 mai et les jours suivants du mois de mai

 25   1993, Mate Boban ait donné l'instruction directe à Naletilic - tous les

 26   mots que j'emploie sont tous importants - a donné une instruction directe à

 27   Naletilic, de rassembler la population musulmane de Mostar, de les conduire

 28   au stade Velez, puis à l'Heliodrom ? Naletilic met en œuvre cet ordre, et

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  1   l'exécute, sans que - et j'insiste, bien sûr, les termes - sans que le chef

  2   d'état-major en exercice et le commandant de la zone opérationnelle de

  3   Mostar ne soient informés de cela ? Qu'est-ce que vous dites ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il m'est difficile de

  5   répondre à une telle question, car à 5 heures du matin, je n'étais pas à

  6   Mostar pour savoir qui avait reçu quelle mission. Je suis venu au bout de 8

  7   heures, 8 heures et demie par rapport au début des activités de combat. En

  8   ce qui concerne les relations entre Naletilic et Mate Boban, je peux vous

  9   dire qu'à partir de la mi-novembre 1992, de telles relations ont été

 10   établies entre eux, où Mate Boban avait accepté le Bataillon des Condamnés,

 11   et Naletilic, en tant que son conseiller par le biais de qui toutes les

 12   relations, concernant le Bataillon des Condamnés et peut-être concernant

 13   d'autres qui souhaitaient profiter de leur service, étaient décidées par M.

 14   Naletilic suite aux consultations avec M. Mate Boban.

 15   Je vais mentionner, je vais expliquer pourquoi je mentionne la mi-novembre

 16   1992, car à partir de cette date-là, le Bataillon des Condamnés était à

 17   l'extérieur de l'état-major principal, et de mon influence, de l'influence

 18   de l'état-major principal, et l'état-major principal, n'avait plus aucune

 19   influence sur le Bataillon des Condamnés à l'époque; sauf en janvier, où il

 20   y a un ordre qui les mentionne, il n'y a aucun ordre émanant de l'état-

 21   major principal mentionnant le Bataillon des Condamnés. Comme vous avez pu

 22   voir, il y avait Ludvig Pavlovic et Bruno Busic, mais pas celui-ci, et

 23   j'espère qu'on aura l'occasion d'en traiter davantage.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, je vous ai posé cette question

 25   parce que, quand tout à l'heure vous avez répondu à mon collègue, je n'ai

 26   plus la page sous les yeux, donc c'est de mémoire que je cite ce que vous

 27   avez dit. Vous avez dit que Mate Boban donne un ordre à un commandant de

 28   brigade mais il peut ou il doit - je ne sais pas exactement ce que vous

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  1   avez dit - faire en sorte que le chef d'état-major exécute l'ordre, pour ce

  2   qui le concerne. Quand je vous ai entendu dire ça, j'ai tout de suite pensé

  3   au 9 mai, en ayant Naletilic qui rassemble la population musulmane, et je

  4   me suis dit : Mais est-ce que le général Petkovic, même si à 5 heures du

  5   matin il n'était pas là, et il est venu huit heures après, est-ce qu'il a

  6   été informé de ce qui était en train de se passer ? Car c'est ce que vous

  7   avez dit.

  8   Alors on vient tout de suite au cœur du sujet; est-ce que vous aviez été

  9   informé du fait qu'il y avait une opération qui était menée par Naletilic,

 10   dont le but était "d'isoler" - je prends le terme "isoler" entre guillemets

 11   - certaines personnes musulmanes de Mostar à l'Heliodrom ? Est-ce que vous

 12   avez été informé de cela ? Si oui, à quel moment, quelle heure, quelle

 13   minute précise ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je vais vous dire une

 15   seule phrase. Lorsque j'ai mentionné la brigade, je n'ai pas du tout pensé

 16   au Bataillon des Condamnés qui n'a pas le statut de la brigade. Il s'agit

 17   de 50 à 60 personnes, c'est une unité indépendante qui a reçu l'appellation

 18   d'un bataillon mais, en réalité, c'était vraiment une compagnie. Lorsque

 19   j'ai parlé des brigades, j'ai certainement exclus une telle unité de ceux-

 20   là.

 21   Deuxièmement, s'agissant de la réponse à la question concernant Mostar, je

 22   n'ai pas reçu de réponse du commandant de la zone opérationnelle lorsque je

 23   l'ai rencontré à Mostar, disant que quelqu'un aurait effectué ces actes

 24   vis-à-vis des civils. Conformément à ce que vous venez de dire, lorsque

 25   j'ai posé la question de savoir s'il y a eu des morts à Mostar et qu'en

 26   était-il pour ce qui est des civils, j'ai reçu la réponse suivante : On m'a

 27   dit que la population civile avait été évacuée des bâtiments les plus  

 28   menacés et les plus proches de la ligne de démarcation. Comme vous le

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  1   savez, il s'agit du boulevard et des alentours, et il a été dit que tels

  2   civils ont été recueillis par des structures civiles. L'on a mentionné les

  3   noms de trois personnes qui accueillaient les gens à l'Heliodrom, les

  4   hébergeaient et prenaient soin d'eux. A ce moment-là, pour moi, ceci ne

  5   constituait pas un nettoyage ethnique ni une arrestation ni quoi que ce

  6   soit qui correspondrait à une violation d'une quelconque convention. Pour

  7   moi, c'était l'information indiquant que l'on a extrait une partie de la

  8   population de la ligne de conflit dans la ville, et on les a hébergés de

  9   manière temporaire dans une partie qui n'était pas contrôlée par l'armée

 10   mais par ceux qui avaient pour tâche de prendre soin du bien-être des gens,

 11   autrement dit, des structures civiles. Il y avait ces trois individus qui

 12   étaient sans cesse sur l'Heliodrom avec eux. 

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Sur cette question, oh combien importante, vous avez

 14   répondu de manière très détaillée. Mais vous ne m'avez pas dit à quelle

 15   heure exactement. Aviez-vous appris cette information, quand, quelle heure

 16   exacte ? Si vous vous en rappelez, parce que je conçois que, 15 ans après,

 17   ça peut être difficile.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je suis tout à fait

 19   certainement arrivé à Mostar, après 1 heure, disons entre une 1 heure et 1

 20   heure 30 au plus tard. En attendant d'établir le contact avec mon

 21   commandant de la zone opérationnelle, en attendant que je le convie à venir

 22   me voir et quand on s'est mis à s'entretenir, il ne pouvait pas être avant

 23   2 heures. Donc en une demi-heure de séjour, il fallait que je prête une

 24   oreille attentive à ce que me disaient les gens là-bas, concernant ce

 25   qu'ils savaient. Ensuite j'attendais que le commandant de la zone

 26   opérationnelle me contacte pour qu'il m'apporte lui, les informations qui

 27   étaient les siennes, c'est-à-dire ce qui m'intéressait moi, à ce moment-là.

 28   Par conséquent, on pourra dire, on peut dire que c'était vers 2 heures,

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  1   vers 14 heures, ce jour-là, donc en début d'après-midi.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, j'ai la réponse à ma question.

  3   Mais je crois que mon collègue a une question, plusieurs questions.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] En fait, ce n'est pas une question

  5   mais nous avons pas mal de texte. Mais je ne crois pas que vous ayez

  6   répondu réellement à la question posée par le Juge Antonetti au début, à

  7   savoir une question d'ordre théorique.

  8   Est-ce que vous pensez que ce serait possible ou totalement impossible que

  9   M. Boban ait donné un ordre à l'attention de M. Naletilic afin que celui-ci

 10   rassemble certains Musulmans et les fasse sortir de Mostar ? J'essaie

 11   d'être neutre dans mes propos. C'est une question à laquelle vous pouvez

 12   répondre par l'affirmative ou par la négative. Vous pouvez exclure cette

 13   théorie ou pensez-vous que d'un point de vue théorique, ce n'est pas

 14   absolument exclu, même si c'est peut-être assez improbable ? Mais ce n'est

 15   pas le degré de probabilité que je vous demande, c'est en fait une

 16   possibilité, même abstraite ou une impossibilité abstraite. C'est une

 17   question, donc d'ordre théorique que l'on vous posait.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, si l'on dit que Boban a

 19   envoyé Tuta à Mostar, quand bien même ce serait le cas, il ne pouvait pas

 20   prévoir ce qui se passerait. Il n'y a donc pas lieu de partir de là. Il

 21   fallait déplacer certaines personnes, certains individus, et l'évolution de

 22   la situation vous dicte la nécessité de le faire ou pas.

 23   Au moment où on a commencé à tirer sur des bâtiments d'habitation,

 24   lorsqu'on a commencé à tirer depuis les balcons du logement, les gens ont

 25   quitté leur logement et se sont déplacés vers les portiques, et c'est à ce

 26   moment-là qu'il fallait enlever les gens de ces endroits pour les

 27   transférer vers des sites plus sûrs. Je ne crois pas, je ne pense pas que

 28   quelqu'un aurait pu envisager le matin que l'action allait prendre ou

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  1   l'opération allait prendre cette envergure-là, et qu'il pourrait se

  2   produire ce qui s'est produit au moment donné.

  3   Pour autant que je le sache, la première évacuation de civils,

  4   d'après mes souvenirs présents, a dû commencer vers 8 heures.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander

  7   au général de répéter la première phrase de sa réponse.

  8   Q.  Mon Général, j'espère que vous vous en souvenez parce que, d'après la

  9   façon dont c'est consigné ici, ça ne traduit pas tout à fait ce que vous

 10   avez dit.

 11   La question était celle de savoir s'il y avait une possibilité abstraite et

 12   théorique d'avoir vu Boban donner l'ordre à Tuta de ramasser les Musulmans

 13   à Mostar.

 14   R.  Je ne pense pas que cela ait pu se faire. Quand bien même il y aurait

 15   eu un ordre d'aller à Mostar, je ne pense pas qu'il y ait eu l'ordre de

 16   ramasser les Musulmans de Mostar. Je ne pense pas que, je ne crois pas que

 17   quand bien même il lui aurait donné l'ordre au niveau théorique, je ne

 18   pense pas que l'ordre aurait pu être exécuté, si tant est que c'est bien la

 19   question que vous avez voulu me poser.

 20   Est-ce que vous pouvez me donner lecture de cette première phrase ? Je ne

 21   sais plus laquelle était la première, laquelle a été la deuxième.

 22   Q.  En substance, vous avez mis un conditionnel. Si Boban avait bel et bien

 23   envoyé Tuta à Mostar, cela ne signifiait pas qu'il lui avait donné l'ordre

 24   de ramasser les Musulmans de là-bas. Parce que tôt ce matin-là, on ne

 25   savait pas encore comment les choses allaient évoluer dans Mostar.

 26   R.  Oui. C'est bien ce que j'ai dit. S'il l'a envoyé, personne ne pouvait

 27   pas -- ne pouvait prévoir ce qui allait se passer. On ne pouvait pas savoir

 28   ce qui allait se produire trois ou quatre heures par la suite, trois ou

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  1   quatre heures plus tard.

  2   Q.  Revenons à nos moutons, à notre analyse des réglementations.

  3   Mon Général, sautons deux documents. Le temps passe vite.

  4   Mme ALABURIC : [interprétation] Penchez-vous donc sur le P 7236. 7236.

  5   Q.  Il s'agit d'une décision portant fondement d'organisation du ministère

  6   de la Défense. C'est daté du mois de décembre 1993. Voyons donc si les

  7   relations ou les liens sont les mêmes et c'est réglé par les articles 11 à

  8   13.

  9   Une fois de plus, on dit que le chef de l'état-major répond de ses

 10   activités auprès du ministre de la Défense pour ce qui est de certaines

 11   tâches, puis, au président de l'Herceg-Bosna s'agissant d'autres tâches.

 12   Dans l'alinéa 2 de l'article 13, on dit que :

 13   "Le chef de l'état-major est le supérieur hiérarchique des

 14   commandements des forces armées pour ce qui est du secteur des attributions

 15   générales et concrètes reçues par le président de la République."

 16   Alors pour ce qui est du rôle et de la place de l'état-major dans les

 17   forces armées, est-ce qu'il y a eu quoi que ce soit de changé depuis le

 18   temps où vous étiez dans le territoire d'Herceg-Bosna ?

 19   R.  Non, il n'y a rien de changé dans cette réglementation, sauf que dans

 20   ce document, c'est réparti sur plusieurs articles. Mais je dirais que le

 21   texte est tout à fait le même ou alors, très semblable au texte antérieur.

 22   Q.  Penchez-vous donc maintenant sur le document suivant.

 23   Mme ALABURIC : [interprétation] 4D 1605.

 24   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à ce qu'il y ait une pause entre

 25   la question et la réponse.

 26   Mme ALABURIC : [interprétation]

 27   Q.  Il s'agit d'un ordre daté de décembre 1993 de la part de Perica Jukic,

 28   ministre de la Défense de l'époque, où le chef d'état-major du HVO est

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  1   rendu -- enfin, est placé dans l'obligation de présenter des rapports. On

  2   dit de quelle façon ces rapports doivent être présentés, et le chef d'état-

  3   major est chargé de tenir des réunions régulières avec ses adjoints et les

  4   commandants des zones opérationnelles.

  5   Or, Mon Général, connaissiez-vous ce document à l'époque ?

  6   R.  Oui. Je suis au courant du document signé par ce nouveau ministre, M.

  7   Perica Jukic. Peut-être un moins à peine après son entrée en fonction.

  8   Q.  Dites-nous : qui était donc le chef d'état-major à l'époque ?

  9   R.  Messieurs les Juges, le chef d'état-major était le général Ante Roso.

 10   Q.  Général, saviez-vous qu'Ante Roso, véritablement, informerait de la

 11   sorte le ministre de la Défense ?

 12   R.  Oui. J'ai des informations à cet effet parce que le ministre de la

 13   Défense a confié des missions concrètes à l'état-major pour ce qui est des

 14   activités à déployer, des réunions, des analyses à faire effectuer par

 15   l'état-major, et du point de vue de l'obligation qui était la sienne

 16   d'inspecter les districts militaires.

 17   Donc le ministre a mis à profit ses attributions à lui, indépendamment du

 18   fait que législativement, il n'y ait pas eu de modification. Le ministre

 19   avait, lui, le droit de donner ce type d'ordre, et on doit communiquer au

 20   ministre quel est le solde des effectifs dans les unités au jour le jour.

 21   Q.  Penchons-nous sur le document suivant.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] 46 -- P 4699.

 23   Q.  Il s'agit d'un rapport d'activités pour la première moitié de l'année

 24   1993.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Maître

 26   Alaburic. J'ai une question de traduction, ici.

 27   Sur la première ligne, il est mentionné : "Tous les lundis du mois, le

 28   responsable de l'état-major…" Est-ce que c'est une bonne traduction, ou

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  1   est-ce que ce n'est pas plutôt : "Tous les premiers lundis du mois" ? Parce

  2   que "tous lundis du mois," ça ne veut rien dire. Dans ce cas-là, c'est tous

  3   les lundis durant le mois.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] A l'article 1, il est dit, je cite:

  5   "Le chef d'état-major du HVO, tous les lundis du mois, présentera un

  6   rapport sur la situation opérationnelle et tactique avec propositions de

  7   mesures visant à améliorer les activités suivant les points suivants."

  8   Il énumère les points qui sont prévus par lui. Il ne dit pas chaque premier

  9   lundi. Mais c'est fait quatre lundis du mois que l'on devait envoyer un

 10   rapport à l'intention du ministre.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] D'accord. Merci beaucoup.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous prie,

 13   lorsque nous procéderons à l'analyse de ces documents, de tenir compte du

 14   fait qu'il s'agissait d'un temps de guerre et que ces documents n'étaient

 15   pas rédigés par des gens qui étaient très habiles en matière linguistique.

 16   Pour ce qui nous concerne nous autres juristes, cela cause souvent des

 17   problèmes de compréhension, mais ce n'était d'ailleurs pas l'œuvre de

 18   juristes, ces documents.

 19   Mme ALABURIC : [interprétation] Alors, mon Général, j'ai dit P 4699.

 20   Q.  J'ai dit qu'il s'agissait d'un rapport d'activités, et dans

 21   un avant-propos, quatrième passage, on dit que la priorité et un traitement

 22   particulier dans les activités du HVO de la HZ HB devaient se ramener aux

 23   circonstances militaires en matière de sécurité sur le territoire de la HZ

 24   HB, voire les questions liées à la défense. Général, est-ce que certaines

 25   instances de l'Herceg-Bosna visaient véritablement à faire le maximum pour

 26   que cette partie-là de la Bosnie-Herzégovine soit défendue contre cette

 27   agression ?

 28   R.  Tout à fait, certain. C'était le centre de gravité des activités de la

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  1   totalité des instances, les circonstances en matière de sécurité militaire

  2   définissaient les activités de toutes les instances de l'Herceg-Bosna, et

  3   c'est l'une des périodes les plus difficiles, à savoir janvier, juin 1993.

  4   Q.  Général, dites-nous, si vous avez eu connaissance de ce document.

  5   R.  Oui, le document j'ai eu à le connaître. C'est moi qui ai proposé une

  6   partie des activités figurant pour ce qui est donc de la totalité du texte

  7   de ce document.

  8   Q.  Cette partie du document est-ce bien le rapport relatif aux activités

  9   de l'état-major principal du HVO ?

 10   R.  C'est exact. Rapport relatif aux activités de l'état-major qui faisait

 11   partie intégrante de ce type de document.

 12   Q.  D'après ce que vous en savez, est-ce que ce document traduit fidèlement

 13   les compétences de certaines instances en Herceg-Bosna pour ce qui est de

 14   la solution à faire apporter aux différents domaines ?

 15   R.  Chacun était censé rédiger un rapport pour les sujets dont il avait la

 16   charge.

 17   Q.  Ce rapport nous fait constater que le département de l'intérieur était

 18   chargé des sujets liés à l'ordre et à la paix publique, veuillez nous

 19   indiquer si d'après ce que vous en savez, c'était bien leur attribution à

 20   eux ?

 21   R.  Oui, c'était la mission principale du département chargé de

 22   l'Intérieur.

 23   Q.  Penchons-nous sur le document suivant, 3642. Il s'agit d'un rapport

 24   d'un résumé pour six mois daté du 22 juillet 1993, et vous l'avez envoyé

 25   aux représentants, aux chefs du département à la Défense. Nous l'avons déjà

 26   vu bon nombre de fois. Les Juges ont posé un grand nombre de questions à

 27   son sujet. Ce que je voudrais c'est ce que vous nous expliquiez, Général,

 28   le paragraphe 4.6 quand vous évoquez les problèmes vous dites, je cite :

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  1   "On s'attend à ce que l'armée du HVO résoudra par elle-même tous les

  2   problèmes de façon militaire. Oui, on pouvait s'y attendre. C'est en effet

  3   la mission de l'armée. Mais cette armée organisée de façon moderne et

  4   équipée de façon moderne avec une structure de commandement appropriée nous

  5   ne l'avons toujours pas. Pour créer une armée de cette nature, il faut en

  6   faire beaucoup plus de la part des autorités à tous les niveaux, et cela

  7   doit être la mission première de ces instances ou de ces autorités. La

  8   pratique dit que l'armée est au contraire privatisée. Chaque municipalité,

  9   chaque ville et chaque même village a sa propre - entre guillemets -

 10   "armée." Donc il n'est pas possible de déplacer l'armée municipale du

 11   territoire de la municipalité, et par voie de conséquence, réunir des

 12   forces plus effectives ou plus grandes pour répondre à des missions

 13   d'envergure."

 14   Alors, Général, mi-1993, est-ce que l'armée du HVO peut être considérée

 15   comme étant une armée bien organisée, bien entraînée ou fonctionne la

 16   chaîne de commandement, la chaîne de présentation de rapport, et serait-ce

 17   là une armée susceptible d'être comparée à une armée d'un pays plus

 18   développé de l'Europe de l'ouest, disons ?

 19   R.  Il est tout à fait certain que non. Ça ne fait que 15 mois qu'il y a eu

 20   création du HVO. En 15 mois, on ne peut pas créer ce type d'armée,

 21   organiser, entraîner, prête à effectuer sa mission à part entière. Donc

 22   l'obligation de tout un chacun est celle d'agir pour que cette armée soit

 23   qualitativement meilleure au jour le jour, et pour une période de 15 mois,

 24   ça n'était pas -- il n'était pas possible de le faire. Je ne dis pas qu'il

 25   n'y a pas eu d'évolution certaine, mais ce n'est pas suffisant pour que

 26   l'on puisse dire au moment donné qu'il y a là une armée formée

 27   qualitativement bonne et bien équipée. Qui plus est, s'agissant du dernier

 28   segment, en dépit de tous les efforts mis en place pour que l'armée soit

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  1   confisquée aux instances locales, on n'a pas pu faire grand-chose. Je ne

  2   dis pas que ça a été le cas de toutes les municipalités, mais dans les

  3   municipalités les plus importantes, financièrement, les plus fortes, on n'a

  4   pas pu le faire.

  5   Q.  Mon Général, si mes souvenirs sont bons, la Défense du Dr Jadranko

  6   Prlic s'est efforcée dans la présentation de ses éléments à décharge, a

  7   montré quelles ont été les difficultés auxquelles devaient faire face les

  8   autorités d'Herceg-Bosna pour essayer d'avoir un droit de vue sur la

  9   situation sur le terrain; parce que les municipalités existaient déjà,

 10   elles étaient très puissantes et les maires de ces municipalités siégeaient

 11   dans les instances législatives qui avaient le droit de nommer et de

 12   révoquer de leurs fonctions les membres des gouvernements, HVO, au niveau

 13   civil, et c'était là les problèmes auxquels on devait faire face. Alors

 14   dites-nous : est-ce que ce type de situation s'était reflété sur l'armée

 15   aussi ?

 16   R.  Il est tout à fait certain que cela s'est reflété sur l'armée,

 17   Messieurs les Juges. Les autorités civiles au niveau de l'Herceg-Bosna ne

 18   pouvaient pas s'imposer à tous points de vue pour ce qui est de la majorité

 19   des sujets auprès des autorités locales, parce que cette autorité civile

 20   était dépourvue de bien, tout se trouvait au niveau de la municipalité, la

 21   municipalité disait, C'est nous qui créons, c'est nous qui entretenons, et

 22   c'est à nous qu'il appartient d'en décider et nous défendons notre

 23   municipalité à nous; pourquoi vous nous empêchez de défendre notre propre

 24   municipalité, nous disait-il ? Alors c'est dans ce type de circonstance que

 25   les autorités exécutives ou les pouvoirs exécutifs étaient impuissants,

 26   parce que, financièrement, matériellement parlant, lorsque quelqu'un est

 27   plus fort que vous, enfin, vous pouvez -- il est peut-être risible de dire

 28   qu'ils étaient plus puissants, mais ils pouvaient en faire beaucoup plus.

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  1   Pour ce qui est de leurs soldats, au niveau municipal, au niveau des soins

  2   sociaux, des salaires, de l'emploi, ou de toute autre forme d'aide du

  3   niveau de l'Herceg-Bosna où il n'y avait pas de ressource, et si tant est

  4   qu'il y en avait, ça venait des dites municipalités, vous ne pouviez pas

  5   exercer ce type d'influence.

  6   D'autre part, on a dit qu'il y avait une présidence qui était un problème

  7   tout à fait distinct, car les individus disaient : Tu ne parle en ma

  8   qualité de maire, mais comprend bien que je suis au niveau de la présidence

  9   de cette Communauté croate d'Herceg-Bosna, et c'est au niveau de cette

 10   communauté de municipalité que l'on fera en sorte que tu puisses essayer

 11   cela, et le gouvernement avait des mains liées, les poings liés. Certains

 12   individus au niveau des municipalités - je ne dirais pas tous - mais

 13   certains de ces maires en profitaient.

 14   Q.  Bon, Général, je vais à présent vous poser quelques questions au sujet

 15   de ce que le chef d'état-major pouvait ou ne pouvait pas faire. Je vais

 16   sauter ce qui me semble être tout à fait clair dans le décret, et que tout

 17   un chacun en lisant pourra comprendre, alors je vous renvoie au document

 18   suivant, P 293. Il s'agit d'un règlement relatif à la discipline militaire.

 19   En une phrase, Général, est-ce que ce règlement donnait la possibilité aux

 20   commandants militaires en peu de temps, et de façon efficace, de

 21   sanctionner certains militaires soldats, officiers, sous officiers peu

 22   importe pour ce qui est d'agissement illicite ?

 23   R.  Messieurs les Juges, non, il y a les fondements relatifs à ce qu'il

 24   convient de faire, mais ça n'a pas été mis en place de façon appropriée.

 25   L'élément le plus important ce sont les tribunaux disciplinaires en matière

 26   militaire, et ça n'a pas été mis en place sur le territoire de l'Herceg-

 27   Bosna.

 28   Q.  Mon Général, question brève, réponse brève, je vous prie maintenant.

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  1   Comme s'appelaient les entorses moins graves à la discipline militaire ?

  2   R.  C'était on appelait ça erreur disciplinaire.

  3   Q.  Comment appelait-on les enfreintes graves ?

  4   R.  C'était une transgression à la discipline.

  5   Q.  Dites-nous : qui est-ce qui avait compétence de décider de la

  6   responsabilité pour ce qui est de ces infractions disciplinaires ?

  7   R.  S'agissant des infractions disciplinaires, il y avait compétence du

  8   commandant suprême pour ce qui est de la totalité des officiers et des sous

  9   officiers. Non, non, c'est le tribunal militaire disciplinaire qui avait

 10   compétence, donc on a prévu que ce soit ce tribunal-là qui en soit chargé.

 11   Q.  Mais dites-nous : quel type d'infraction à la discipline militaire

 12   pouvait faire l'objet de la décision de la part de commandant ou

 13   d'officier, au niveau de l'armée ?

 14   R.  Les commandants dans l'armée décidaient de toute infraction de moindre

 15   envergure, et les mesures disciplinaires étaient véritablement

 16   insignifiantes. Ce n'est pas du tout quelque chose d'adapter à un temps de

 17   guerre, c'était plutôt quelque chose d'adapter à un temps de paix.

 18   Q.  Ces commandants militaires, pouvaient-ils prononcer une mesure de mise

 19   en détention à l'intention d'un officier ou sous officier pour

 20   transgression à la discipline militaire ?

 21   R.  Une mise en détention c'est à l'intention des militaires ou militaires

 22   ou de ces gardes réserves. C'est à leur intention à eux que l'on pouvait

 23   prévoir une mesure disciplinaire de mise en détention. S'agissant des

 24   officiers, sous officiers, on ne pouvait pas prononcer ce type de sanction.

 25   On pouvait prononcer une mise en garde et un avertissement ou une

 26   réprimande.  

 27   Q.  L'article 67 de ce règlement prévoit l'identité de celui qui peut

 28   envoyé au tribunal militaire en matière disciplinaire, et on dit que ça

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  1   peut être le commandant des forces armées, pour ce qui est des officiers

  2   plus haut placés, ou le commandant de la zone opérationnelle pour ce qui

  3   est des sous officiers et officiers.

  4   Alors, Général, il en découle que le chef de l'état-major principal ne

  5   pouvait pas de prendre une décision ou d'envoyer quelqu'un devant le

  6   tribunal militaire en matière disciplinaire ?

  7   R.  Oui, d'après ce règlement, le chef d'état-major ne pouvait pas envoyer

  8   quelqu'un devant un tribunal disciplinaire en matière militaire.

  9   Q.  Document suivant, mon Général, 4D 1346 maintenant. Il s'agit d'un

 10   règlement relatif à la discipline militaire, qui était en vigueur pour les

 11   forces armées de la République de Croatie. C'est daté 1992. Je vous renvoie

 12   à l'article 69 pour voir comment ça se passait en Croatie, cette fois-ci.

 13   En Croatie, ces attributions étaient confiées d'abord, au chef d'état-major

 14   principal, pour ce qui est des officiers plus haut placés et au commandant

 15   de la zone opérationnelle, s'agissant d'officiers et de sous officiers

 16   subalternes. Alors ces deux documents sont pratiquement identiques,

 17   exception faite de cette partie-ci où, dans l'Herceg-Bosna, de façon

 18   explicite, on a dépossédé le chef d'état-major du droit de prendre des

 19   décisions pour ce qui est d'envoyer quelqu'un au tribunal disciplinaire

 20   militaire, et cela a été conféré comme droit au commandant des forces

 21   armées.

 22   Alors, de votre avis, mon Général, ces solutions législatives visaient à

 23   renforcer ou à affaiblir la position du chef de l'état-major principal ?

 24   R.  En République de Croatie, en tout état de cause, ça n'a fait que

 25   renforcer la position du chef d'état-major principal, or en Herceg-Bosna,

 26   on a affaibli la position du chef de l'état-major principal.

 27   Q.  Quelques petites questions brèves liées aux compétences des uns et des

 28   autres.

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  1   D'après ce que vous en savez, le chef d'état-major était-il impliqué dans

  2   la prise de décision relative à l'organisation et aux attributions à donner

  3   à la police militaire ?

  4   R.  Est-ce que le chef de l'état-major principal avait pour compétence de

  5   décider de l'utilisation de la police militaire ou de la police civile ?

  6   R.  Non, il ne pourrait pas en décider de cela.

  7   Q.  Est-ce que, d'après ce que vous en savez, le chef de l'état-major

  8   principal pouvait ou pas décider de questions relevant des attributions ou

  9   du domaine d'intervention de la police militaire ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Est-ce que le chef de l'état-major principal pourrait décider des

 12   questions appartenant ou relevant du domaine du SIS ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Est-ce que le chef d'état-major principal avait le droit de décider de

 15   questions relevant du domaine d'intervention dd l'IPD ?

 16   R.  Non, cela ne faisait pas partie de ses attributions.

 17   Q.  Est-ce que le chef de l'état-major principal avait le droit de décider

 18   de la politique de poursuite en matière de sanction ou de justice militaire

 19   ?

 20   R.  Non. Si vous vous penchez sur ce règlement-ci --

 21   Q.  On dit, décider de poursuite en matière pénale et autres questions

 22   liées à la justice militaire.

 23   R.  Non.

 24   Q.  Est-ce que, d'après ce que vous en savez, le chef d'état-major

 25   principal pouvait décider de la mise en place de prison, de garde-à-vue ou

 26   autres établissements visant à y faire détenir certaines personnes ?

 27   R.  Non, il n'avait pas cette autorité-là.

 28   Q.  Est-ce que le chef d'état-major pouvait gérer ou décider de la gestion

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  1   et, de la façon dont s'étaient organisés, les prisons militaires ou autres

  2   centres de détention de quelle nature que ce soit ?

  3   R.  Non, il n'avait pas ce type de compétence, et ne s'est pas servi de ce

  4   type de compétence.

  5   Q.  Est-ce que le chef d'état-major principal avait le droit de prendre des

  6   mesures et décider du maintien de l'ordre et de la paix publique ?

  7   R.  Non. L'ordre et la paix publique ne faisaient pas partie du domaine

  8   d'intervention de l'état-major principal.

  9   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je viens d'en

 10   terminer avec ce segment. Peut-être pourrions-nous faire notre pause ?

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause de 20 minutes.

 12   --- L'audience est suspendue à 15 heures 46.

 13   --- L'audience est reprise à 16 heures 08.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 15   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 16   Juges.

 17   Q.  Général, nous venons d'aborder la question de ce qui ne relevait pas de

 18   la compétence du chef de l'état-major principal. A présent, je souhaite me

 19   pencher sur des sujets qui faisaient partie du ressort du chef de l'état-

 20   major principal, ou avaient un lien avec les attributions de celui-ci.

 21   Donc nous allons donc nous pencher sur les faits incriminés directement.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] Le premier document, 4D 1355.

 23   Q.  Mon Général, c'est votre entretien qui a été publié en août 1994 dans

 24   le quotidien Vecernji List.

 25   A ce moment-là, vous alliez quitter l'Herceg-Bosna. Avant de vous poser ma

 26   question, je voudrais en guise d'introduction dire la chose suivante : En

 27   introduction, en répondant à la deuxième question, vous dites qu'en

 28   arrivant en Bosnie-Herzégovine, en Herceg-Bosna, vous pensiez que vous

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  1   alliez y rester à peu près un mois, le temps que les problèmes de Kupres et

  2   de Livno ne soient réglés. Mais que, finalement, vous y êtes resté plus de

  3   deux ans.

  4   Etait-ce véritablement votre intention en avril 1992 ?

  5   R.  Oui, Monsieur le Président. En principe, c'était ça mon état d'esprit à

  6   ce moment-là. Je pensais que ça n'allait durer que très peu de temps parce

  7   que, dans la municipalité voisine en République de Croatie, on a déjà vu

  8   arriver les forces de la FORPRONU et donc on s'attendait à ce qu'avec la

  9   proclamation de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, les forces de la

 10   FORPRONU seraient déployées là-bas comme cela a été fait en République de

 11   Croatie. On s'attendait à cela, en fait, mais, finalement, ce n'est pas ce

 12   qui s'est produit.

 13   Q.  Dans cet entretien, Général, une question vous est posée au sujet des

 14   résultats de la guerre avec les Musulmans en disant que ces résultats

 15   étaient plus mauvais que les résultats de la guerre contre les Serbes.

 16   Vous, en réponse, dites que vous ne vous étiez pas préparé à faire la

 17   guerre aux Musulmans.

 18   Dites-nous, Général : aujourd'hui, avec tout le recul devant ce Tribunal,

 19   pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre s'il est vrai que le HVO n'a

 20   jamais mené de préparatifs pour une guerre contre les Musulmans ?

 21   R.  Tout à fait. Il n'y a eu aucun préparatif en vue d'une guerre contre

 22   les Musulmans. A l'opposé, le HVO souhaitait une alliance entre les Croates

 23   et les Musulmans afin d'arrêter les Serbes ou pour étendre le territoire

 24   libre, en fonction de la volonté politique des chefs de Bosnie-Herzégovine.

 25   Mme ALABURIC : [interprétation] Prenons maintenant le document suivant, à

 26   savoir le document 1D 2340.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le document qui est en interview, que vous

 28   donné donc à l'époque, vous répondiez aux questions d'un journaliste, qui

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  1   semblait parler de questions, bien informé de la situation, vous expliquez

  2   à un moment donné qu'il y avait le général Praljak également, et vous

  3   parlez des zones couvertes. Or, le général Praljak nous a dit, à plusieurs

  4   reprises, qu'il y avait une répartition entre vous et lui. 

  5   Alors, pouvez-vous me dire quelle était exactement votre zone de compétence

  6   territoriale ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  8   mais il n'y a pas eu de répartition territoriale. On ne peut pas dire qu'il

  9   y avait une portion de territoire où il y avait l'un ou l'autre qui avait

 10   la responsabilité. Mais, simplement, en Bosnie centrale, à la place du

 11   général Praljak, c'est moi qui me rendais en pourparlers, et de ce fait là,

 12   puisque je me trouvais en Bosnie centrale, je profitais de l'occasion pour

 13   me renseigner sur l'évolution de la situation en Bosnie centrale, pour

 14   essayer de contacter au maxima ces gens-là puisque j'étais le seul qui,

 15   avec l'aide de la FORPRONU, était en mesure de se rendre en Bosnie

 16   centrale. Et d'ailleurs, uniquement dans le secteur de Kiseljak puisque

 17   pour tout le reste, à une exception près, la FORPRONU a refusé de

 18   m'apporter une aide quelle qu'elle soit pour me rendre à Busovaca, à

 19   Travnik, Vitez, ou ailleurs.

 20   Donc, c'est dans ce contexte-là que le général Praljak a transféré sur moi

 21   le pouvoir de mener les négociations, les pourparlers, et souvent, il m'est

 22   arrivé de le remplacer lors de ces entretiens en Bosnie centrale, mis à

 23   part des entretiens tripartites ou bilatéraux. En plus, j'ai veillé à

 24   recueillir des informations sur la situation du HVO dans le secteur.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Très bien. Vous répondez donc à cela.

 26   Dans l'interview, vous semblez marquer votre surprise et celle du général

 27   Praljak quand Ante Roso a remplacé le général Praljak.

 28   Vous confirmez cela ?

Page 49413

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

  2   dois dire que je ne m'attendais pas à ce que le général Roso occupe le

  3   poste qu'il est venu occuper. Pour moi, cette nomination, cette information

  4   a été une surprise, pour moi. Je ne sais pas si le général Praljak, lui,

  5   était au courant ou non, mais même s'il l'a su, il n'a pas pu le savoir

  6   qu'un ou deux jours avant son départ. S'il en avait été question cinq ou

  7   dix jours plus tôt, je pense que, moi aussi, j'aurais été courant.

  8   Donc, c'est la chose qui nous a énormément surpris. On s'attendait pas du

  9   tout que ce soit Ante Roso qui vienne. Du moins, moi.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dernier point -- enfin, j'aurais beaucoup de

 11   questions, mais notre temps à tous est compté.

 12   Ce journaliste, qui semble bien au courant de tout, vous pose une question

 13   sur le Vieux pont, la destruction. Bon. Vous répondez à ses questions.

 14   Mais, moi, ce qui m'intéresse, c'est la dernière question qu'il vous pose,

 15   et vous dites :

 16   "Laissez faire le procureur militaire, qu'il continue à faire son

 17   travail."

 18   J'ai vérifié la date de l'interview. C'est en 1994, le 2 août 1994 --

 19   enfin, donc disons début août 1994. Le pont a été détruit depuis plusieurs

 20   mois.

 21   Quand vous répondez cela, vous savez qu'il y a une enquête judiciaire en

 22   cours et que c'est le procureur militaire qui avait la charge de découvrir

 23   la vérité.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Monsieur le Président, Messieurs les

 25   Juges, oui, on le savait, c'est-à-dire on était au courant du fait que le

 26   procureur militaire avait dressé un acte d'accusation contre trois ou

 27   quatre militaires et qu'il avait la charge de l'enquête, et le procureur

 28   militaire n'a pas dévoilé l'état d'avancement de son enquête. Je ne sais

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  1   pas où il en était. Mais mis à part ces trois ou quatre hommes, je pense

  2   qu'il n'est pas allé au-delà plus loin.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dans le cadre de cette enquête conduite par le

  4   procureur militaire, est-ce que vous avez été convoqué pour être auditionné

  5   en qualité de témoin ? Ou bien personne n'a jugé utile de vous demander

  6   quoi que ce soit au niveau de l'enquête, je dis bien ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  8   personne ne m'a convoqué en tant que témoin. La seule chose que je sache,

  9   c'est que le commandant de la zone opérationnelle a été entendu et il a

 10   parlé, il a donné des éléments sur ces événements. L'enquête s'est limitée

 11   au secteur de Mostar.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc tout ce que vous savez c'est que le

 13   commandant de la zone opérationnelle lui a été entendu, mais pas vous. Bon,

 14   très bien. Merci.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas s'il a été entendu. Je sais que

 16   le commandant de la zone opérationnelle a fait une déclaration. Je pense

 17   que nous avons vu cette déclaration en quatre ou cinq points -- par le

 18   truchement d'un témoin nous l'avons vu ici. Ça a été rédigé par le

 19   commandant de la zone opérationnelle et adressé aux trois ou quatre

 20   destinataires.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] Si je ne me trompe pas, c'était au moment

 23   où est venu témoigner, Vinko Maric, notre témoin, que nous avons vu ce

 24   document.

 25   1D 2340 à présent. C'est la transcription d'un entretien qui s'est déroulé

 26   pendant un programme télévisé croate, à savoir en gros plan, et je voudrais

 27   la page 23, s'il vous plaît, en anglais, page 19 en croate.

 28   Q.  Kresimir Zubak, dans cette partie-là, dit également s'agissant du

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  1   conflit avec les Musulmans. Nous n'étions absolument pas prêts et cette

  2   situation s'est produite en nous prenant au dépourvu. On n'était pas prêt à

  3   réagir.

  4   Dites-nous, Général : nous avons ici la déclaration de Kresimir Zubak

  5   faisant état du fait que le HVO n'était pas prêt pour cette guerre contre

  6   les Musulmans; à votre sens, d'après vos informations, était-ce l'attitude

  7   générale en Herceg-Bosnie ? Ou d'après vous, quelqu'un aurait souhaité et

  8   se serait préparé pour cette guerre contre les Musulmans ?

  9   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'était l'attitude

 10   générale. À aucun moment, nous n'avons envisagé une guerre contre les

 11   Musulmans. Nous n'avons mené aucun préparatif; tout au contraire, nous

 12   avons toujours tenté de nous rapprocher d'eux et d'unifier nos forces à

 13   tous les niveaux.

 14   Q.  Général, de la manière dont vous interprétez le conflit entre les

 15   Croates et les Musulmans en Bosnie centrale, à quel moment est-ce qu'il y a

 16   eu le début d'un conflit plus étendu ?

 17   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai mon opinion là-dessus.

 18   On n'a pas réussi à lever le siège de Sarajevo fin décembre 1992, et à

 19   partir de ce moment-là, d'après les éléments que j'avais, d'après les

 20   informations parmi les dirigeants politiques musulmans, il y a eu des

 21   différends, et même au niveau de la direction militaire - et il y a eu des

 22   clivages, et d'une certaine manière sur le plan politique, comme sur le

 23   plan de la direction militaire - il y avait une crainte devant l'échec des

 24   Musulmans face au conflit avec les Serbes. Comme la levée du siège de

 25   Sarajevo devait être brandi comme une grande victoire contre les Serbes qui

 26   allaient constituer un tournant dans l'évolution de la guerre, et qui

 27   allaient d'une certaine manière s'imposer aux négociations de Genève en

 28   janvier, comme cela n'a pas eu lieu, on cherchait par tous les moyens de

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  1   faire en sorte que l'ABiH, après cela, puisse remporter les victoires

  2   telles qu'elles soient qui allaient booster le moral des troupes, et

  3   malheureusement, ces conflits ont commencé entre les Musulmans et les

  4   Croates.

  5   A l'appui de ce que je viens de dire, mon entretien avec M.

  6   Izetbegovic, au moment où le 14 décembre 1992 il me convoque, il m'invite à

  7   venir à Jablanica pour m'entretenir avec lui, pour m'entretenir avec son

  8   commandement qui, à ce moment-là, préparait la levée du siège de Sarajevo

  9   depuis l'extérieur, parce que la levée du siège devait se produire de

 10   l'intérieur comme de l'extérieur. A ce moment-là, M. Izetbegovic m'a dit

 11   qu'il s'attendait à remporter une grande victoire qui allait retentir en

 12   Europe dans le monde et qui allait influer sur le déroulement futur des

 13   négociations. Puis j'ai réagi en demandant à M. Izetbegovic : Mais pourquoi

 14   Sarajevo au milieu de l'hiver c'est un gros morceaux ? Il m'a répondu : Si

 15   je ne libère pas le centre politique, tout le reste est de moindre

 16   importance. Il comptait énormément sur cette victoire.

 17   Q.  Répondez-moi, Général, à présent. Répondez à ma question. A votre avis,

 18   à partir de quel moment commence un conflit plus étendu et un conflit plus

 19   durable ?

 20   R.  Un conflit plus étendu et plus durable commence pratiquement en janvier

 21   au moment des négociations de Genève. Au départ, l'intensité n'est pas si

 22   grande et puis de Vakuf cela s'étend vers Busovaca, et cetera.

 23   Q.  Ces conflits de janvier, on y a mis fin?

 24   R.  Oui, on a mis fin aux conflits de janvier d'abord à Vakuf, et puis à la

 25   surprise générale, ça a éclaté à Busovaca. Je reconnais que nous avons

 26   essuyé une défaite là-bas, et le HVO, qui était compact jusqu'à ce moment-

 27   là, s'est fait séparer de Busovaca, Vitez, à Fojnica, il y a eu séparation

 28   par rapport à Kiseljak et Kresevo. Il y a eu un corridor de sept à dix

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  1   kilomètres qu'il a été créé.

  2   Q.  Général, nous n'avons pas le temps pour rentrer dans les détails. Donc

  3   si c'est en janvier 1993 qu'on a mis fin aux conflits, alors ce conflit ou

  4   ces conflits n'étaient pas de nature durable ?

  5   R.  Non, ce n'était pas des conflits durables mais ce qui s'est passé c'est

  6   que nous avons, nous, moi et Halilovic, déployé des efforts. Ça nous a

  7   permis d'arrêter les conflits, et nous avons pensé à tort que le conflit

  8   entre les Croates et les Musulmans était réglé. Mais ça reprend en mars et

  9   surtout en avril 1993.

 10   Q.  Vous dites : Il s'est produit mars et il s'est produit avril 1993; mais

 11   à quoi faites-vous référence ?

 12   R.  Je pense au 23 mars 1993. Je pense à l'attaque qui a été lancée par

 13   l'ABiH contre le HVO de Konjic au moment des entretiens de Genève et deux

 14   jours avant que M. Izetbegovic ne signe d'une manière définitive le plan

 15   Vance-Owen, le plan de paix.

 16   Q.  Général, pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter la date, puisque nous

 17   avons une date erronée dans le compte rendu d'audience ?

 18   R.  Le 23 mars 1993.

 19   Q.  Très bien. Nous reviendrons à ces événements qui se sont produits dans

 20   la zone de Konjic, mais une petite précision, pour le moment. Vous avez

 21   dit, à un moment donné, que vous aviez, entre les mains, des éléments vous

 22   permettant de savoir que la direction musulmane, après l'échec et la levée

 23   du siège de Sarajevo, se devait de lancer une action, et se devait de

 24   remporter une victoire afin de relever le morale des troupes; est-ce que

 25   vous vous fondez sur les éléments que vous avez eus après la guerre en

 26   disant cela ?

 27   R.  Je dois dire qu'en partie, c'est dès le 14 décembre que j'ai eu

 28   quelques éléments d'information. Je parle de l'année 1992. M. Izetbegovic

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  1   m'a fait venir à Jablanica, à ce moment-là, et pendant une pause, un

  2   général surnommé "Talijan," je pense que son nom, c'était Bajram

  3   Hajrulahovic. Il est venu me voir, et il m'a dit : Petkovic, s'il vous

  4   plaît, aidez-moi; nous allons nous adresser à vous pour vous demander

  5   quelque chose, et j'ai peur que cela se termine mal tant pour vous que pour

  6   nous. Ce qui m'a permis à moi de penser que le succès de l'opération de

  7   Sarajevo pouvait déterminer grandement la suite des événements pendant la

  8   guerre, en Bosnie-Herzégovine.

  9   Puis après cette opération, ce qui s'est produit c'était un conflit

 10   entre les forces de l'ABiH qui ont pris part à la levée du siège parce

 11   qu'ils se reprochaient les uns les autres l'échec. Puis je me suis rappelé,

 12   en juillet 1994, quand je suis allé à Sarajevo, je me suis rappelé

 13   l'entretien avec M. Hajrulahovic.

 14   Q.  Dites-nous : au moment de cette visite, de ce déplacement en 1994, est-

 15   ce que vous avez appris que le plan était de remporter la victoire contre

 16   le HVO ?

 17   R.  Oui. Ils avaient peur que leur système de commandement et l'armée ne

 18   commencent à se morceler, décomposer. Ils avaient besoin d'une victoire.

 19   Ils se disaient : Les Serbes sont trop puissants. En revanche, les Croates

 20   sont plus faibles, ils sont isolés et c'est à notre portée.

 21   Q.  Donc si je vous ai bien compris, c'est ce que vous avez appris de cette

 22   manière-là, lors de cet entretien à Sarajevo, en 1994 ?

 23   R.  Oui, exact. Cet homme a été franc, parce que déjà, il était tombé dans

 24   les disgrâces lui-même des membres de l'ABiH, des hommes au 1er Corps

 25   d'armée, parce que ce sont eux surtout qui se sont fait reprocher la

 26   mauvaise réussite de la levée du siège.

 27   Q.  Général, le 23 mars 1993, ce conflit de Konjic, comment est-ce qu'il

 28   s'est soldé ?

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé, Madame Alaburic,

  2   mais j'ai une question à poser au général Petkovic, par rapport à la

  3   réunion du 14 décembre qui s'est tenue à Jablanica.

  4   D'après ce que vous nous avez dit, et quand on prend la situation avec du

  5   recul, bien sûr, j'ai l'impression, j'aurais aimé savoir s'il peut y avoir

  6   à un moment où un autre l'idée d'attaque conjointement Sarajevo pour

  7   libérer cette ville. Donc le HVO et les Musulmans joignent leurs forces

  8   pour libérer Sarajevo, et si ça a été pris en compte, pourquoi est-ce que

  9   ça n'a jamais été mis en œuvre ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, le 14 décembre, on

 11   a envisagé l'attaque sur Sarajevo comme sous forme de levée du siège de

 12   Sarajevo. Le président Izetbegovic m'a fait venir à ce sujet. Il m'a fait

 13   venir à cet entretien et j'ai rejoint l'état-major de l'ABiH, qui était en

 14   train de préparer cette opération. M. Izetbegovic et les membres de l'état-

 15   major de l'armée ont posé un certain nombre de conditions face au HVO, et

 16   nous nous sommes conformés dans une bonne mesure à ces conditions. Pour

 17   notre brigade déployée à Sarajevo, ils ont demandé qu'elle prenne à leur

 18   action, et ça a été accepté ainsi que nos forces de Konjic, sur le plan

 19   technique en particulier, ça a été accepté. Ils m'ont demandé un re-

 20   complètement en munitions, et en deux jours, on leur a fourni cela et on a

 21   promis qu'on allait continuer de leur fournir des munitions. Puis, pour

 22   Pasalic, je pense qu'ils ont demandé 500 fusils pour que Pasalic arme des

 23   hommes prêts à combattre et qui sont des personnes déplacées de

 24   l'Herzégovine orientale. C'était ça leurs exigences face à nous, et M.

 25   Izetbegovic a dit : Nous avons 11 brigades à Sarajevo, le 1er Corps d'armée

 26   y comptait 11 brigades à Sarajevo. Ils avaient plusieurs brigades qui, sur

 27   le périmètre déployé le long du périmètre externe de Sarajevo. Donc 16 à 17

 28   brigades, je pense, je ne connais pas leur taille, je dois dire, et on

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  1   s'était mis d'accord, en fait le même soir à l'issue de cet entretien, je

  2   suis parti pour Grude. J'en ai parlé à M. Stojic, le lendemain, j'en ai

  3   parlé à M. Boban également, et M. Stojic a souligné qu'il fallait qu'on

  4   fournisse les munitions à Pasalic -- qu'on lui donne les fusils. Je pense

  5   qu'on lui a donné 300 et l'équipement, ainsi que les vêtements dans la

  6   mesure où on était capable de fournir cela depuis nos entrepôts. Qui plus

  7   est, dans nos brigades, on a donné l'ordre de prélever une partie des

  8   munitions pour les diriger vers Jablanica et Konjic, puisque c'est de là

  9   que devait partir normalement cette action. M. Izetbegovic s'est trouvé

 10   étonné de voir quand on était prêt à lui donner toutes ses promesses, et il

 11   m'a promis, lui, à son tour, qu'il allait me faire venir pour assister au

 12   début de l'opération, mais ça n'a pas eu lieu. Il ne m'a pas invité. Je

 13   pense qu'ils ont voulu que ce soit une surprise pour moi également, et donc

 14   ils ont lancé l'opération alors que j'étais à l'aéroport de Sarajevo, au

 15   moment où devait avoir lieu une réunion tripartite entre les Serbes, les

 16   Croates et les Musulmans. C'était le 22 décembre, et eux, ils venaient de

 17   lancer l'action de la levée du siège de Sarajevo.

 18   Donc, Monsieur le Juge, c'est justement ce moment-là qu'ils ont

 19   choisi pour lancer l'opération de libération de Sarajevo. Pendant deux

 20   jours, je pense un troisième jour, il y a eu des combats de grande

 21   intensité. Ça a été l'action la plus importante de lever de siège de

 22   Sarajevo. Il y en a eu une, je pense, plutôt de nature de politique en

 23   octobre, mais cette fois-ci, c'était une véritable action de libération de

 24   Sarajevo.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak.

 26   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Messieurs

 27   les Juges, je voudrais exercer mon droit de fournir des informations à mes

 28   conseils. Il s'agit d'un élément d'information militaire. Je voudrais

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  1   communiquer cela au conseil du général Pektovic.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] -- de la situation à propos du

  3   compte rendu. A la page 45 du contenu en anglais, page 45, ligne 23 et

  4   suivantes, je lis et je cite :

  5   "Il disait qu'il y avait 11 brigades à Sarajevo. C'étaient les

  6   effectifs de la 1ère Brigade."

  7   Donc ce n'est pas clair. Pourriez-vous clarifier les choses ? Peut-être

  8   quelque chose s'est perdu dans la traduction, très certainement.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça a dû être une erreur d'interprétation.

 10   Ces 11 brigades de Sarajevo faisaient partie de leur 1er Corps d'armée, qui

 11   avait son siège à Sarajevo.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, cette réunion avec Izetbegovic le

 14   14 décembre, pouvez-vous me dire exactement quelle année ? 1994, 1993 ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, 1992.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : 1992. Alors, ce que vous dites, j'ai écouté avec

 17   attention parce que, pour comprendre le déroulement des événements, il y a

 18   plusieurs niveaux que nous n'avons pas. Mais, vous, vous faites partie d'un

 19   niveau important. Le premier niveau, ce serait de mon point de vue les

 20   hommes politiques de l'équipe, le président Clinton, la première ministre

 21   britannique, M. Mitterrand, mais il est mort, et cetera. Ça, c'est le

 22   premier niveau.

 23   Le deuxième niveau, c'est les négociateurs à Genève, notamment M. Cyrus

 24   Vance et Lord Owen. Mais ceux-là, personne n'a jugé utile de les faire

 25   venir.

 26   Puis il y a le troisième niveau. Vous êtes quatre dans le troisième niveau.

 27   Il y a vous, il y a Halilovic, il y a le général Morillon et M. Thébault.

 28   Ça, c'est le troisième niveau qui peut permettre de comprendre des choses.

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  1   Bien.

  2   Je n'ai pas inclus dans le premier niveau ceux qui sont décédés, M. Tudjman

  3   et M. Izetbegovic.

  4   Donc, de tous ces niveaux, vous êtes un des principaux, au moins au niveau

  5   du troisième cercle, et là, vous venez de dire tout à l'heure en répondant

  6   à la question de votre avocate que, le 14 décembre 1992, vous avez une

  7   réunion avec M. Izetbegovic pour envisager donc un plan sur Sarajevo pour

  8   justement désengager l'ABiH de ce siège mené par les Serbes. En vous

  9   écoutant - je me suis dit : si c'est vrai ce que vous dites, mais si c'est

 10   faux, le Procureur, lors de son contre-interrogatoire, apportera la preuve

 11   contraire, mais là, pour le moment, vous avez témoigné sous serment, donc

 12   apparemment tout ce que vous dites est vrai - quand M. Izetbegovic vous

 13   rencontre, c'est donc que lui vous considère HVO comme une des forces

 14   militaires de la République de Bosnie-Herzégovine. Là, on retombe dans le

 15   débat bien connu dans cette salle d'audience sur les composantes des forces

 16   armées de la République de Bosnie-Herzégovine, et vous avez expliqué tout à

 17   l'heure longuement qu'il y avait 300 fusils qui ont été donnés, Pasalic, et

 18   cetera. Je passe sur tous les détails, et vous dites, à ce moment-là, que

 19   M. Izetbegovic se rendant compte qu'il n'arrivera pas à obtenir un résultat

 20   quelconque à l'égard des Serbes, compte tenu de la puissance des Serbes

 21   pour, en quelque sorte - et j'ai essayé de lire entre les lignes - pour

 22   qu'il ait de la crédibilité au niveau international, qu'il soit reconnu, il

 23   n'a eu comme alternative que d'attaquer le HVO, et ce n'est pas l'inverse.

 24   En disant ça, vous contestez la thèse du Procureur.

 25   C'est donc eux qui vous ont attaqués, et vous expliquez parce que le HVO

 26   était en situation d'infériorité par rapport à l'ABiH. C'était plus facile

 27   d'avoir des victoires sur vous que sur les Serbes.

 28   Mais j'en arrive à ma question, mais, comme vous, vous étiez en contact

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  1   avec ces négociateurs à Genève. Quand vous avez découvert cela de la bouche

  2   même d'Izetbegovic, est-ce que vous leur avez dit qu'il y avait un double

  3   jeu dans ces négociations ? Que d'un côté, on voulait la paix, mais que de

  4   l'autre côté, on faisait la guerre à votre détriment ? Est-ce que vous

  5   l'avez dit, ça ? Si vous l'avez dit, à qui l'avez-vous dit ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

  7   vais vous dire.

  8   M. Izetbegovic m'a réellement convoqué le 13. Mais comme je n'ai pas pu

  9   venir le 13, j'ai reçu son message qu'il fallait le rencontrer à Jablanica

 10   le 14. Effectivement, je suis revenu le 14 à Jablanica pour le rencontrer

 11   en considérant qu'il était de mon devoir de le rencontrer. Il était le

 12   président de la République et le commandant suprême des forces armées,

 13   quelle que soit mon opinion. Donc, moi, j'ai fait la route de 150

 14   kilomètres qui partagent Sarajevo de Jablanica pour le rencontrer.

 15   M. Izetbegovic m'a expliqué, avec son état-major, sa vision des choses et

 16   ce qu'il souhaitait et la manière dont il souhaitait l'obtenir. Ce qu'il me

 17   demandait, c'était un soutien matériel maximum. Il souhaitait que le HVO

 18   leur fournisse des munitions de calibres différents. Notre voisin de

 19   Mostar, que l'on connaissait bien, M. Pasalic, a demandé d'obtenir un

 20   contingent de fusils pour permettre au nombre maximum de ses soldats de

 21   Mostar de participer à la levée du blocus. Et nous avons fourni 150 fusils.

 22   Nous n'avons pas pu faire plus.

 23   M. Izetbegovic, 20 minutes avant la réunion, m'a reçu dans un bureau à part

 24   pendant que ses hommes préparaient la réunion. Il a essayé de m'expliquer

 25   ce qu'il souhaitait, et voici ce qu'il a dit :

 26   "Monsieur Petkovic, nous avons opté pour une opération aussi importante et

 27   difficile de la levée du blocus de Sarajevo car nous souhaitons venir à

 28   Genève avec une grande victoire. Ensuite, c'est nous qui allons dicter les

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  1   conditions aux Serbes pour les négociations de paix."

  2   Je lui ai posé la question de savoir. J'ai dit : "Monsieur Izetbegovic,

  3   vous voyez le climat. Igman et Bijela Stijena, où l'attaque principale se

  4   déroulait, avait un mètre de neige."

  5   Cependant, son attitude -- sa position n'a pas changé. Le fait que

  6   j'ai assisté à cette réunion a été confirmé par un témoin de l'Accusation,

  7   qui a même ajouté en souriant que l'on ne m'a même pas montré le plan de

  8   leurs préparations pour l'action, mais qu'ils se concentraient sur la

  9   question de savoir comment je pouvais leur venir en aide sur le plan des

 10   moyens matériels et techniques. J'ai dit que j'allais faire de mon mieux

 11   pour les aider avec les moyens dont je disposais, et il a été étonné de

 12   l'entendre et il a montré de la reconnaissance à moi et au HVO en raison du

 13   fait que nous l'avons fait, malgré l'échec de l'opération par la suite.

 14   Ceci est prouvé par le fait qu'il m'a amené avec lui à Genève, dans son

 15   avion privé.

 16   Après cet échec, il y a eu un désordre qui s'est installé au sein des

 17   Unités de l'ABiH, et il y a eu un grand nombre de morts qui sont tombés

 18   dans des règlements -- compte interne survenu à la montagne au mont Igman.

 19   D'après la formation, leur situation était très difficile, et au lieu de

 20   venir aux négociations avec une victoire, au contraire, ils sont venus,

 21   suite à une défaite, qu'ils ont essuyé lorsqu'ils ont essayé de lever le

 22   blocus de Sarajevo.

 23   A ce moment-là, l'ABiH se tourne parfois contre le HVO. Suite à la

 24   levée du blocus de Sarajevo suite à cette tentative, il n'y a plus eu

 25   d'opération menée contre l'armée de la Republika Srpska, même en Bosnie

 26   centrale lorsqu'il était très difficile à Zepa et à Srebrenica, et

 27   ailleurs. Le 2e Corps d'armée restait immobile et ne faisait rien,

 28   n'entreprenait rien. A partir de ce moment-là, les activités se déroulent

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  1   dans les intervalles, que l'on a vues contre le HVO, malheureusement, pour

  2   nous, à partir du mois de mars et par la suite ils ont eu -- ils étaient

  3   très efficaces contre nous. Je peux dire que nous avons continué à garder

  4   deux petites enclaves en Bosnie centrale après. Le reste était entre les

  5   mains de l'ABiH, et leur position était : Nous ne pouvons pas battre les

  6   Serbes, ils sont trop forts mais nous pouvons battre les Croates. Donc ils

  7   souhaitaient s'emparer de l'espace en Bosnie-Herzégovine, en Bosnie

  8   centrale, et c'est ainsi que le conflit a éclaté.

  9   Nous avons eu des discussions avec M. Boban, avec Milan Akmadzic, qui

 10   était un membre du gouvernement, au sujet de la situation qui prévalait. Je

 11   pense que même M. Prlic, si je ne me trompe, au mois de décembre, avait

 12   envoyé une lettre d'avertissement, en demandant pourquoi du côté de l'ABiH

 13   les militaires pensaient différemment de ce que les politiques disaient à

 14   cette époque-là.

 15   Voici en bref ce que j'ai à vous dire concernant la levée du blocus de

 16   Sarajevo concernant le fait qu'ils n'ont pas réussi à ce faire, et que par

 17   la suite, il y a eu de plus en plus de conflits contre le HVO. En ce qui

 18   concerne les niveaux dont vous avez parlé, je peux vous dire que, le 20 et

 19   le 21 décembre, M. Stoltenberg a séjourné à Sarajevo. Il s'agit de l'année

 20   1992.

 21   Je peux dire que moi-même et deux autres commandants, Mladic et

 22   Halilovic, nous avons été convoqués par le truchement du général Morillon à

 23   assister à cette réunion pour nous préparer pour Genève en raison du fait

 24   que les discussions de Genève allaient commencer au bout de quelques jours.

 25   M. Halilovic n'est pas venu et le général Mladic m'a fait chantage. Mladic

 26   devait arriver à la caserne de Lukavica d'abord et seulement lorsqu'il

 27   était déjà sur place grâce à l'escorte de la FORPRONU. C'est seulement à ce

 28   moment-là qu'il fallait conduire Petkovic à Kiseljak en raison du fait que

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  1   l'on entendait des détonations autour de l'aéroport à l'époque, que l'ABiH

  2   attaquait les forces serbes sans réussite mais c'était le 2 décembre 1992,

  3   lorsque moi et deux autres commandants, nous avons été invités à nous

  4   rendre à Sarajevo pour les pourparlers, pour les discussions, et nous nous

  5   attendions à ce que M. Stoltenberg vienne pour cette réunion de préparation

  6   avant les négociations de Genève qui devaient commencer début janvier 1993.

  7   Halilovic n'a pas assisté à cette réunion, donc alors que l'intention

  8   était de trouver un accord entre les trois commandants, afin de pouvoir

  9   accélérer les discussions concernant les volets militaires à Genève, et

 10   ceci a échoué.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous rajoutez comme précision. Il

 12   y a peut-être une erreur dans le transcript.

 13   Maître Karnavas.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, merci. Je voulais apporter une

 15   précision.

 16   A la page 47, ligne 22, vous avez mentionné, Monsieur le Juge, que personne

 17   ne pensait qu'il était important d'inviter certaines personnes telle que

 18   Lord Owen. Je voudrais être très clair, Monsieur le Président. Nous avons

 19   fait tous les efforts pour que Lord Owen vienne déposer. Il a refusé en

 20   fait de déposer que ce soit pour l'Accusation ou pour la Défense.

 21   Donc nous essayons quelquefois mais, malheureusement, nous ne sommes pas

 22   arrivés. Nous n'avons pas voulu l'obliger parce que nous ne voulons pas --

 23   nous ne pensons pas qu'il soit utile d'obliger quelqu'un à déposer s'il ne

 24   souhaite pas, surtout quelqu'un de sa stature -- de son statut.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette précision. Mais en ce qui me

 26   concerne, je n'aurais eu aucun mal à faire une ordonnance à la fin de

 27   comparution.

 28   Bien. Alors, Général Petkovic, vous avez apporté des précisions et nous

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  1   avons découvert qu'il y avait eu une réunion prévue avec Stoltenberg et

  2   puis devaient participer Mladic et Halilovic et vous-même, et M. Halilovic

  3   a fait défaut. Est-ce à dire qu'à ce moment-là, ceci expliquerait que

  4   l'ABiH, dès le début du mois de janvier, attaque en Bosnie centrale

  5   quelques localités tenues par le HVO ? Pouvez-vous me dire quelles sont ces

  6   localités ? Parce que là on n'est pas dans le tu quoque, on est dans

  7   l'explication diplomatique d'une conférence internationale avec les jeux

  8   des uns et des autres. Alors, d'après vous, en janvier, l'ABiH attaque

  9   quelles localités ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 11   nous avons pu voir déjà, le 6 janvier 1993, le premier conflit éclate à

 12   Gornji Vakuf. C'est le dernier jour de la première partie de la conférence

 13   tenue en janvier 1993. De même, dans la nuit du 11 au 12 janvier 1993, les

 14   conflits éclatent de nouveau à Gornji Vakuf, et le 12 et le dernier jour du

 15   deuxième départ à Genève, donc il s'agit de la nuit du 11 au 12.

 16   Je vais ajouter comme suit : Du 23 au 26 janvier, nous étions de

 17   nouveau à Genève, et entre le 25 et le 28, une attaque avait été lancée

 18   contre la région de Busovaca et Kiseljak, et le HVO a été repoussé d'un

 19   large territoire, et c'est ainsi que les enclaves de croates en Bosnie

 20   centrale ont été créées. Cette attaque a été arrêtée grâce à l'engagement

 21   de mes forces mais les forces de l'ABiH ne sont pas retirées ce qui ne nous

 22   a pas permis de rétablir la situation précédente. Il est intéressant de

 23   noter que tous ces conflits se déroulent pendant les négociations, comme

 24   nous l'avons entendu, c'était le 23 janvier 1993. Alors que deux jours plus

 25   tard Izetbegovic était censé signer le plan Vance-Owen à Washington, et

 26   c'est ce qu'il a fait le 25 janvier à New York.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic.

 28   Mme ALABURIC : [interprétation] Deux corrections, s'il vous plaît. A la

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  1   page 49, ligne 6, au lieu du mot "Sarajevo," il faut écrire "Usora;" et à

  2   la page 52, Usora, oui, à la page 52, ligne 9, la date devait être celle du

  3   "22 décembre," et non pas du "2 décembre."

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

  5   Mme ALABURIC : [interprétation]

  6   Q.  C'est ce que vous avez dit, mais ceci était mal consigné au compte

  7   rendu d'audience, donc maintenant c'est corrigé.

  8   Général, afin d'éviter tout mal entendu et de nous permettre de comprendre

  9   vos informations au sujet des plans de l'ABiH, qui s'apprêtait à arrêter

 10   les conflits contre les Serbes et ne pas engager les actions de libération

 11   contre l'ARSK et de tourner une partie de l'ABiH contre le HVO - corrigez-

 12   moi si j'ai mal compris. Vous avez compris cela lors de votre conversation

 13   qui a lieu en 1994; c'était formulé ainsi ?

 14   R.  Nous avons déjà appris cela en janvier 1993, par le biais de ce qui se

 15   passait sur le terrain et par le biais de nos renseignements sur la base

 16   des discussions qui ont eu lieu entre eux. En 1994, j'ai été dans

 17   l'appartement de M. Halilovic à Sarajevo -- de M. Hajrulahovic à Sarajevo;

 18   c'est à ce moment-là que j'ai appris cela.

 19   Q.  Merci. Je pense que nous nous étions arrêtés à la question de savoir

 20   comment le conflit a été arrêté le 23 mars 1993, dans la zone de Konjic.

 21   R.  Le 23, il y a eu une attaque de l'ABiH contre les Unités du HVO dans la

 22   municipalité de Konjic. En fin de journée, j'ai appelé M. Pasalic pour lui

 23   demander ce qui se passait sur le territoire de la municipalité de Konjic,

 24   et pourquoi. C'est à ce moment-là que nous avons rédigé un ordre de manière

 25   conjointe que nous avons envoyé à Konjic afin de mettre fin à ce conflit;

 26   cependant, j'ai décidé, et conformément à l'accord avec M. Stojic, nous

 27   avons décidé que le mieux était de nous rendre sur le territoire de Konjic,

 28   car nous aimerions justement pour que ce conflit provoquait à Konjic une

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  1   influence sur les négociations définitives qui étaient de se dérouler à New

  2   York. Le 25, nous sommes arrivés sur le territoire de la municipalité de

  3   Konjic, M. Pasalic aussi de même que je crois deux membres du SDA de

  4   Mostar, et nous avons aux côtés de leurs hommes de Konjic. C'est la

  5   première fois que Safet Cibo, l'initiateur de tout cela, est venu. C'est à

  6   ce moment-là que nous avons pu faire en sorte qu'avant le 25, le conflit se

  7   calme.

  8   Q.  Général, dites-nous : est-ce que, dans la même région, un autre conflit

  9   a éclaté, un mois plus tard, autrement dit, en avril 1993 ?

 10   R.  Au bout de moins d'un mois, c'était le 13 avril, je ne dirais pas qu'un

 11   conflit a éclaté, et il a gagné en intensité, car même après le 25 et avant

 12   le 13, malgré le fait que nous avons eu nos hémisphères là-bas, pour ainsi

 13   dire qu'ils n'avaient pas réussi à  mettre fin aux attaques de l'ABiH

 14   partout sur ce territoire. Donc avant le 13, entre le 25 mars et le 13

 15   avril, il y a eu des endroits où des combats se déroulaient encore au sujet

 16   de certains villages dont les Croates ont dû se retirer en raison du fait

 17   qu'ils étaient minoritaires, alors que le 13, nous avons -- un signal a été

 18   envoyé leur demandant de libérer la municipalité de Konjic.

 19   Q.  Dites-nous : vous, en tant que chef d'état-major, avez-vous donné

 20   l'ordre à une quelconque zone opérationnelle, une quelconque Unité du HVO,

 21   leur demandant de venir en aide aux Unités du HVO dans la zone de Konjic ?

 22   R.  Oui, certainement. Je l'ai fait car je me demandais, qui pouvait bien

 23   aider. Car la municipalité de Konjic et le HVO de la municipalité de Konjic

 24   n'ont aucun lieu physique avec les autres unités du HVO. Dans d'autres

 25   municipalités, il y a entre les deux un large espace contrôlé par l'ABiH.

 26   De même au nord, entre Konjic et Kresevo et Kiseljak, il y a un autre

 27   espace qui n'est pas contrôlé par le HVO, mais l'ABiH, donc Konjic est

 28   entièrement isolé. Donc je me demandais qui pouvait nous aider, et je me

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  1   disais, en réfléchissant, que peut-être le mieux était de faire en sorte

  2   que les forces du nord de Konjic à Kresevo et Kiseljak mènent à bien quelle

  3   que activité militaire que ce soit comme une démonstration. Cet ordre a été

  4   donné le 4 avril 1993.

  5   Q.  Je comprends. Si je comprends bien, vous avez donné l'ordre à la zone

  6   opérationnelle de la Bosnie centrale, leur demandant de venir en aide à

  7   Konjic.

  8   R.  Tout à fait.

  9   Q.  Dites-nous, Général : donc vous avez donné à la zone opérationnelle de

 10   la Bosnie centrale ?

 11   R.  Oui, j'ai donné l'ordre à la zone opérationnelle de la Bosnie centrale,

 12   en leur demandant de déployer une partie de leurs forces de Fojnica,

 13   Kresevo et Kiseljak, et de faire en sorte qu'elles entament des activités

 14   vers la municipalité de Konjic -- ou plutôt, de renforcer d'abord leurs

 15   activités dans un secteur là-bas et ensuite de lancer une opération.

 16   Q.  Général, veuillez me répondre de manière aussi brève que possible, et

 17   si les détails nous intéressent, je vais vous poser des questions.

 18   Dites-nous, Général : est-ce que vous avez donné un ordre demandant que

 19   l'on vienne en aide à Konjic ? Est-ce que vous avez donné un tel ordre à

 20   Zeljko Siljeg et Miljenko Lasic ?

 21   R.  Non, je ne leur ai pas donné d'ordre concret, à l'époque, car à

 22   l'époque, Miljenko Lasic entreprenait certaines mesures, lui-même, car

 23   Konjic est dans la zone opérationnelle de l'Herzégovine de sud-est. Zeljko

 24   Siljeg, seulement le 16, c'est-à-dire le quatrième jour après le début du

 25   conflit, est venu à Prozor, et a accédé -- ou plutôt, a commencé à

 26   organiser un poste de commandement avancé afin d'aider Konjic qui était la

 27   localité la plus proche de lui.

 28   Q.  Général, est-ce que vous avez eu des informations concernant les

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  1   opérations de combat dans la région de Konjic et Jablanica à la mi-avril

  2   1993 ?

  3   R.  Oui. Nous recevions des informations au quotidien.

  4   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire quel était le but de l'engagement

  5   armé des Unités du HVO dans la région de Konjic et de Jablanica ?

  6   R.  Le but était de répulser l'agression ou l'attaque de l'ABiH, contre

  7   deux brigades de Herceg Stjepan, dans la région de Konjic.

  8   Q.  Dites-nous : quel était le but des activités de combat du HVO sur le

  9   territoire de la municipalité de Jablanica ?

 10   R.  Konjic/Jablanica est un ensemble, du point de vue militaire, il n'est

 11   pas possible de les diviser. Le but était le même, lever le blocus -- ou

 12   plutôt, venir en aide aux forces du HVO dans la municipalité de Konjic.

 13   Q.  Général, une question qui concerne directement l'acte d'accusation.

 14   L'Accusation affirme que le HVO avait commencé les acticités de combat afin

 15   de s'emparer de Jablanica; est-ce que vous pouvez nous dire, d'après vos

 16   informations, est-ce que le HVO n'avait jamais planifié de s'emparer de

 17   Jablanica, et est-ce que ces activités de combat, ou pas, ont un quelconque

 18   lien avec une quelconque idée de la conquête de Jablanica ?

 19   R.  Non, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Le HVO n'avait jamais

 20   planifié de s'emparer de Jablanica, et le HVO, d'ailleurs, ne disposaient

 21   pas des forces suffisantes pour mener à bien une telle action.

 22   Tout ce que le HVO faisait, c'était de venir en aide aux forces du HVO sur

 23   le territoire de la municipalité de Konjic, force qui était dans une

 24   situation désespérée.

 25   Q.  Compte tenu de l'explication que vous nous avez fournie tout à l'heure,

 26   ai-je bien compris si, lorsque vous dites municipalité de Konjic, vous

 27   parlez de Jablanica, aussi ?

 28   R.  Municipalité Konjic et Jablanica, il n'est pas possible de les

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  1   délimiter, en disant c'est la municipalité de Konjic et celle-là de

  2   Jablanica. Du point de vue militaire, il n'est pas possible de les

  3   délimiter ainsi car la Brigade du HVO était sur le territoire de Konjic et

  4   Jablanica. L'ABiH, avec trois brigades du 4e Corps d'armée, attaque Konjic

  5   et Jablanica. Il n'est pas du tout possible de délimiter cela de quelque

  6   manière que ce soit. C'était une région, et les deux étaient liées.

  7   Q.  Veuillez nous parler de la région de Konjic-Jablanica, pour éviter que

  8   l'on ait des problèmes d'ici quelques mois pour savoir si vous avez parlé

  9   maintenant de Konjic ou de Konjic et Jablanica.

 10   R.  Je parle de Konjic et Jablanica en tant qu'un ensemble.

 11   Q.  Veuillez examiner, Général, le document qui fait partie du lot suivant

 12   des documents.

 13   Mme ALABURIC : [interprétation] Dont le numéro est 4D 2025.

 14   Q.  Donc, nous allons passer outre cinq documents -- ou plutôt trois, et

 15   maintenant, nous voyons cette carte qui a été rédigée sur la base du

 16   document 2D 246. C'est l'ordre de la 44e Brigade de Montagne de l'ABiH du

 17   14 avril 1993, concernant l'engagement de combat de certaines unités. 

 18   Dites-nous, Général : qui a élaboré cette carte ?

 19   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je suis l'auteur de cette

 20   carte sur la base de l'ordre de la 44e Brigade de Jablanica.

 21   Q.  Dites-nous, Général : cette carte, reprend-elle la situation telle

 22   qu'elle était à la mi-avril 1993 ?

 23   R.  Cette carte représente la situation au 14 au soir jusqu'au 15 au matin,

 24   en avril, et au-delà. Donc, le début, c'est le 14 au 15 avril 1993.

 25   Q.  Cette carte, Général, nous intéresse au premier chef à cause de la

 26   partie Sovici-Doljani dans notre acte d'accusation.

 27   Dites-nous, s'il vous plaît : dans le secteur de Sovici, de Doljani, des

 28   deux ou de l'un des deux, se trouvent les Unités du HVO.

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  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait, s'il vous plaît,

  2   donner l'autorisation et la possibilité au général d'annoter cela à l'écran

  3   ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait agrandir, s'il vous

  5   plaît, un tout petit peu la carte ?

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] La partie centrale de la carte pourra être

  7   agrandie, s'il vous plaît, là où on voit tracées les lignes.

  8   Q.  Est-ce que cela vous suffit, Général, ou faudrait-il agrandir davantage

  9   ?

 10   R.  Il faudrait agrandir. Je ne sais pas si toutes les personnes présentes

 11   dans le prétoire pourront suivre.

 12   Q.  Notre temps s'écoule rapidement. Essayons d'avancer.

 13   Montrez-nous le déploiement des Unités du HVO, s'il vous plaît.

 14   R.  Alors, les Unités du HVO, c'est dans la partie bleue. Je ne sais pas si

 15   l'on peut voir. C'est écrit le HVO, ici, c'est la localité de Doljani,

 16   d'une part, et une petite partie de Sovici. C'est le Bataillon du HVO Mijat

 17   Tomic.

 18   Q.  Sauriez-vous nous dire les forces du HVO qui sont déployées à gauche

 19   par rapport à cela, l'on voit qu'ils sont en train d'arriver à proximité de

 20   Sovici et de Doljani ? Expliquez-nous de quoi il s'agit là.

 21   R.  Ce sont ces forces-là. De quoi s'agit-il ? Au soir du 15, donc du 15

 22   avril 1993, la 44e Brigade de l'ABiH de Jablanica a entièrement encerclé le

 23   HVO de Doljani. D'autre part, les forces du HVO ont été repliées vers

 24   Risovac, afin d'empêcher toute éventuelle avancée des forces de l'ABiH vers

 25   Risovac -- ou plutôt, vers le lac de Blidinje ou vers Posusje.

 26   Q.  Général, sauriez-vous nous dire ce qui s'est produit le 17 avril 1993,

 27   tôt dans la matinée ?

 28   R.  Je voudrais juste préciser. Le 16 au soir, le commandement de la

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  1   Brigade Mijat Tomic a eu des contacts avec le commandement du 4e Bataillon

  2   de l'ABiH pour qu'il lève le siège de l'apport de Sovici, et ils l'ont

  3   refusé.

  4   Dans la matinée du lendemain, cette petite flèche-là --

  5   [Le témoin s'exécute]

  6   -- c'est l'attaque qui a été menée sur le HVO déployé à Risovac, et

  7   le HVO a riposté en attaquant la porte de Sovici.

  8   J'ai inscrit le chiffre 1, pour montrer où cela se situe --

  9   [Le témoin s'exécute]

 10   -- et il y a eu des combats à cet endroit. Pour autant que je le

 11   sache, les combats ont duré à peu près trois heures. A gauche et à droite

 12   de la porte de Sovici.

 13   L'ABiH, et j'ignore ses raisons, s'est repliée de ce site pour se

 14   retrancher dans la localité même de Sovici, et à partir de ce moment-là,

 15   elle ne savait plus quoi faire dans la localité puisqu'elle n'avait pas

 16   commencé à organiser la défense. Sur l'invitation lancée par le Bataillon

 17   Mijat Tomic à se rendre, le commandant du 4e Bataillon a décidé de faire

 18   cette reddition dans la localité de Sovici.

 19   Donc il n'y a pas eu de combats qui auraient opposé directement le HVO et

 20   l'ABiH. Donc le combat pour la localité de Sovici, car l'ABiH, après s'être

 21   repliée de la porte de Sovici n'a pas su organiser une défense de la

 22   localité de Sovici. Donc, en partie, les hommes se sont enfuis vers la

 23   municipalité de Prozor, et en partie, ils n'étaient ni prêts ni capables de

 24   se défendre. Donc il y a eu au sens classique du terme une reddition des

 25   forces de l'ABiH sans combat, sans qu'il y ait eu de combats pour Sovici.

 26   Q.  En un mot, dites-nous, Général : qu'est-il advenu de Doljani ?

 27   R.  Doljani ? Le HVO y a repoussé une tentative d'attaque par l'ABiH de

 28   Jablanica, et les forces de la Brigade de Jablanica se sont repliées, ils

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  1   ont quitté cette zone. En partie, la population a pris la fuite avec eux,

  2   donc ils ont quitté ce territoire. Donc les forces de Jablanica n'ont rien

  3   fait. Or, elles auraient dû apporter un soutien aux forces de l'ABiH de

  4   Sovici. Donc, à partir de ce moment-là, la situation à Sovici est que

  5   l'ABiH avait le HVO à Doljani dans son dos, et donc le commandant Orlovic a

  6   décidé de faire cette reddition.

  7   Q.  Donc pour résumer la manière la plus simple, Général, pourrait-on dire

  8   qu'à Doljani, il n'y a pas eu de combat car l'ABiH s'est retirée, repliée

  9   de Doljani, à Sovici, même il n'y a pas eu de combat non plus puisque

 10   l'ABiH s'est rendue et quant au combat, il y en a eu sur le site de la

 11   porte de Sovici où les Unités du HVO ont forcé les lignes de l'ABiH. Est-ce

 12   que ce sont trois points importants ?

 13   R.  Oui, tout à fait. C'est exact.

 14   Q.  Dites-nous, Général : à la date du 17 avril 1993, est-ce que c'est par

 15   là en fait que l'on voit la fin de conflit direct dans le secteur de

 16   Risovac et de la porte de Sovici ?

 17   R.  Oui, les combats se terminent dans le secteur de Sovici et de Doljani,

 18   le 17. Il reste trois petits endroits dont les combats qui se surplombent

 19   Sovici et Doljani où il y a encore des combats, où il y a eu un groupe qui

 20   a essayé d'attaquer Sovici et Doljani. Donc du côté de l'ABiH, mais sinon

 21   par la reddition du 4e Bataillon, c'est la fin des combats dans l'après-

 22   midi, fin de l'après-midi.

 23   Q.  Dites-nous, Général : il y a eu des Unités du HVO qui ont décidé de

 24   repérer ses membres du HVO qui ne s'étaient pas rendus et qui circulent

 25   encore dans les collines dans les alentours ?

 26   R.  Oui, je ne sais pas qui a pris la décision de se lancer dans cette

 27   aventure, ce sont des altitudes très importantes, donc c'était délirant

 28   d'aller aussi haut. Plusieurs membres du HVO y ont trouvé la mort et je

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  1   pense que c'était complémentaire inutile.

  2   Q.  Dites-nous, Général : est-ce que le commandant du Bataillon des

  3   Condamnés, Cikota, y a trouvé la mort également ?

  4   R.  Oui, c'est le 20. Je pense, justement vers l'élévation 902, qu'il a

  5   perdu la vie, le 20 avril 1993.

  6   Q.  Dites-nous : d'après les informations qu'avait entre les mains l'état-

  7   major principal, jusqu'à ce moment-là, dans les localités même de Sovici et

  8   de Doljani, est-ce qu'il y aurait eu des --

  9   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre,

 10   Madame Alaburic. Vous débattez de Sovici et de Doljani et des combats

 11   autour de ces villages depuis un moment. Vous, vous souvenez sans doute

 12   qu'il y a quelques jours et que l'on a parlé de la mort de Cikota qui était

 13   à la tête du Bataillon des Condamnés. On a vu un document aussi dans lequel

 14   il était dit que cet événement avait eu lieu dans le cadre d'une espèce de

 15   campagne de nettoyage de Sovici.

 16   Donc j'aimerais demander la chose suivante à M. Petkovic : Pourriez-

 17   vous, s'il vous plaît, nous dire quel type de combats ont eu lieu à Sovici

 18   ? Pourrait-il nous expliquer pourquoi cette référence au nettoyage avait

 19   été faite dans ce document ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel -- excusez-moi,

 21   Prandler. Sovici il n'y a pas eu de combat. On ne s'est pas battu pour la

 22   localité de Sovici. Est-ce qu'il y a eu un groupe de trois à cinq hommes

 23   qui aurait ouvert le feu ? Ça je ne le sais pas. Mais il y a eu reddition à

 24   Sovici sans combat donc en terme militaire une reddition sans combat.

 25   Ensuite vous parlez de nettoyage, il y a eu deux ou trois endroits mais

 26   dans les montagnes qui surplombent dans Doljani et Sovici, je pense que ce

 27   sont les élévations 902 -- ou plutôt, l'élévation 902, là où il y a eu

 28   peut-être deux ou trois membres de l'armée, et si mes souvenirs sont bons,

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  1   il y a là localité Pisvir, aussi ou deux ou trois, ou cinq membres de

  2   l'armée sont restés. Depuis ces altitudes, ils tiraient sur Sovici et

  3   Doljani -- ou plutôt, sur Doljani -- plutôt, que sur Sovici. Je ne sais pas

  4   qui a pris cette décision folle de dépêcher plusieurs membres du HVO pour

  5   nettoyer comme on le dit Disvir et la côte 902. Cela fait partie du secteur

  6   de Doljani. En fait, il n'y a pas eu de nettoyage de Doljani. Mais vu la

  7   terminologie de la JNA, le nettoyage cela veut dire en fait repérage des

  8   individus ou des groupes ennemis qui se trouvent encore sur un terrain

  9   donné. Ça ne veut pas dire quoi que ce soit d'autre, ni dans la

 10   terminologie de la JNA ni dans la nôtre.

 11   Autrement dit, ils ont perdu la vie dans ces altitudes donc en altitude par

 12   rapport à Sovici et Doljani. D'après la carte, cela se rapproche plus de

 13   Doljani que de Sovici, et Cikota n'est pas mort dans la localité même de

 14   Doljani. C'est à 700 ou 900 mètres d'altitude en montant à partir de

 15   Doljani.

 16   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie. J'ai utilisé

 17   l'équivalent russe "cistka" pour "cistenje" mais, bien sûr, vous l'avez

 18   compris. Je vous remercie.

 19   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je me permets de rappeler

 20   un point dans ce contexte. Dans le rapport d'expert Milan Gorjanc, nous

 21   avons consacré un chapitre à ce sujet et nous avons pu démontrer que la

 22   traduction de ce terme comme "cleansing," en anglais, en fait ne correspond

 23   pas. En fait, il s'agit d'opération "mop up," en anglais. Donc lorsqu'on

 24   parle de "cleansing," on induit en erreur puisqu'on dirige vers nettoyage

 25   ethnique, mais ça n'a rien à voir. C'est en fait une opération "mop up," en

 26   anglais, et c'est une opération de nettoyage que toutes les armées du monde

 27   connaissent.

 28   Q.  Donc, Général, ce que j'ai demandé jusqu'à ce moment-là, jusqu'à ce que

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  1   Cikota ne périsse, d'après les informations qu'avait l'état-major

  2   principal, est-ce qu'il y a eu, parmi les militaires du HVO qui auraient

  3   commis quoi que ce soit comme infraction, comme un manquement à la

  4   discipline ou contraire aux règlements dans ce secteur de Doljani, Sovici ?

  5   R.  Non. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour ce qui est des

  6   journées du 19, du 20, et du 21, d'après tout ce que j'ai lu, rien ne

  7   permettait de penser que quoi que ce soit de tel aurait été commis.

  8   Q.  Dites-nous, mon Général : et après que Cikota a été tué ?

  9   R.  Oui. Une fois que Cikota a été tué, il y a eu un groupe de membres du

 10   Bataillon des Condamnés et un groupe de civils qui n'appartenaient nulle

 11   part; après les funérailles, ils sont revenus à Doljani -- à Sovici et à

 12   Doljani, et ils se sont mis à agir par vengeance et ils ont incendié un

 13   certain nombre de maisons musulmanes.

 14   J'ajoute que le Bataillon des Condamnés s'est replié officiellement le 20 a

 15   quitté le combat et le champ de bataille. Donc à partir du 20 plus personne

 16   ne comptait sur eux si jamais il y avait avoir des combats.

 17   Q.  Dites-nous, Général : à ce sujet, auriez-vous demandé à la Brigade du

 18   HVO Herceg Stjepan de vous fournir des informations ?

 19   R.  Oui. Je vais préciser à l'intention des Juges. Oui, oui, j'ai demandé.

 20   Je l'ai demandé au nom de M. Boban. Un document existe; nous l'avons déjà

 21   vu. Il a demandé que l'on nous fournisse des informations fiables sur la

 22   réalité de ce qui s'est passé, là-bas.

 23   Q.  Cette information vous a-t-elle été fournie par la Brigade Herceg

 24   Stjepan sur les événements de Sovici dans la nuit ?

 25   R.  Oui. L'information est arrivée de la Brigade Herceg Stjepan. Parlant de

 26   la municipalité de Konjic, et puis la Brigade Mijat Tomic a fourni des

 27   éléments d'information sur Sovici et Doljani.

 28   Q.  Général, dites-nous : avez-vous relayé ces informations vers le

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  1   commandant suprême, Mate Boban ?

  2   R.  Oui. C'est lui qui l'a demandé et cette information, ainsi que

  3   l'information que j'ai préparée pour la Bosnie centrale. J'ai pris tout

  4   cela et muni de tout cela, je me suis rendu dans son bureau et je lui ai

  5   remis.

  6   Q.  Dites-nous : le commandant suprême, est-ce que vous avez évoqué avec

  7   lui les mesures à prendre, éventuellement, contre ces individus, ces

  8   membres du Bataillon des Condamnés, qui ont pris part à l'incendie des

  9   maisons ?

 10   R.  Oui. On a évoqué les mesures parce qu'il faut savoir qu'on est en train

 11   de se préparer pour une réunion à Zagreb, et il fallait aborder ce sujet.

 12   Donc, on a évoqué la question des mesures et on a reçu un rapport où on a

 13   vu deux noms figurer : Naletilic, d'une part, et l'autre, je ne retrouve

 14   pas son nom. Son commandant --

 15   Q.  Un Andabak ?

 16   R.  Oui. Ivan Andabak.

 17   Q.  Dites-nous, Général : Mate Boban a-t-il dit qu'il allait s'occuper de

 18   régler cette situation et qu'il allait chercher à établir l'éventuelle

 19   responsabilité de différents individus ? C'est bien vous qui en avez été --

 20   M. SCOTT : [interprétation] Désolé. Avant que le témoin ne répondre, mais

 21   là, tout ce que le témoin a, que les questions sont très directrices. Le

 22   témoin est censé parler de lui-même.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez tout à fait raison, Monsieur Scott. Moi-

 24   même, j'ai sursauté. Au lieu de dire ça, il fallait lui dire : Qu'a fait

 25   Boban ? Alors que là, vous induisez la réponse.

 26   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'avais pas

 27   l'intention de demander au témoin ce qu'a fait Mate Boban. J'avais

 28   l'intention de lui poser des questions sur son entretien avec Boban parce

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  1   que, s'ils ont évoqué la question des responsabilités, la question est de

  2   savoir ce qui a été convenu. Est-ce que c'est Mate Boban ou le général

  3   Petkovic qui allait prendre des mesures ? Il y avait plusieurs options de

  4   prévues dans ma question. Donc par définition, ce n'est pas une question

  5   directrice, et une troisième option était possible dans la réponse.

  6   M. SCOTT : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Cette question est totalement

  8   directrice, Madame Alaburic. Bon, il faut l'accepter. Personne n'est

  9   parfait. Essayez de poser la question différemment. Demandez-lui ce qu'a

 10   dit Boban.

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président, Messieurs

 12   les Juges. J'ai du mal à l'admettre, mais j'admets quand même. Donc,

 13   c'était une question directrice.

 14   Q.  Dites-nous, Général : est-ce que vous avez évoqué avec Mate Boban la

 15   question de la responsabilité des individus membres du Bataillon des

 16   Condamnés qui ont pris part à l'incendie ?

 17   R.  Oui. Dans le rapport, il y a eu des noms de deux hommes, dans le

 18   rapport fourni à Mate Boban. On a vu qu'il y a eu deux hommes qui sont

 19   responsables de ce comportement. Un troisième, indirectement, le commandant

 20   lui-même, M. Stipe Polo, le commandant du Bataillon de Doljani, qui a

 21   reconnu d'une certaine manière qu'il partage la responsabilité, mais qu'il

 22   était impuissant d'agir, qu'il n'a pas pu faire quoi que ce soit.

 23   Q.  Dites-nous, Général, éventuellement, des procédures engagées contre le

 24   Mladen Naletilic et Ivan Andabak, est-ce que cela relevait de votre

 25   ressort, en votre qualité de chef de l'état-major principal ?

 26   R.  Non. Cela ne relevait pas de mon ressort. Avec ces éléments, on est

 27   parti à la réunion conjointe de Zagreb.

 28   Q.  Dites-nous, Général : avez-vous quelque information que ce soit que

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  1   Mate Boban aurait amorcé des poursuites ou une procédure contre des membres

  2   du Bataillon des Condamnés pour incendie des maisons à Sovici et Doljani ?

  3   R.  Je n'ai rien de concret, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Il

  4   n'y a que l'obligation assumée par M. Boban à la réunion de Zagreb, et

  5   plusieurs jours plus tard, il a dit qu'on allait enquêter là-dessus.

  6   Q.  Très bien, Général. Juste un petit peu, restons-en aux événements du

  7   mois d'avril, puis jusqu'à la fin de l'année 1993.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, la question Sovici-Doljani, comme

  9   vous le savez, est aussi une question centrale.

 10   D'après ce que vous dites, je vous ai écouté. Dès que vous parlez, vous

 11   savez bien que je vous écoute. Je comprends la situation militaire comme

 12   suit : Le HVO à Doljani, comme vous l'avez fait dans la carte, fait une

 13   action. Les soldats de l'ABiH ne combattent pas et s'en vont, et ils vont à

 14   Sovici. L'action du HVO continue, et vous dites que les soldats se sont

 15   rendus, et vous dites "sans combat." Quand vous avez dit ça, je vois une

 16   contradiction avec la mort de Cikota. Si Cikota est mort, c'est qu'il y a

 17   bien eu au moins un échange de tirs.

 18   Pourquoi vous avez dit qu'ils se sont rendus sans combat, alors que

 19   Cikota a été tué ? Vous pouvez m'éclaircir, parce qu'il y a quelque chose

 20   que j'ai peut-être compris ou mal saisi.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 22   Juges, vous avez peut-être mal compris ou peut-être que vous n'avez pas

 23   compris la totalité.

 24   Il y a eu des combats à la porte de Sovici et aux positions à gauche et à

 25   droite de ce site. C'est à peu près deux ou trois kilomètres éloignés de la

 26   localité de Sovici. C'était là la ligne de défense de l'ABiH. Vous ne vous

 27   êtes pas rendu sur place.

 28   A partir du moment où Sovicka Vrata [phon], la porte de Sovici tombe, c'est

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  1   comme si on descendait dans la cave depuis le cinquième étage. Sovici-

  2   Doljani, c'est dans la cave. Pendant trois heures, il y a eu des combats à

  3   cet endroit. A partir du moment où la défense a été défaite, le 4e

  4   Bataillon de l'ABiH, ils étaient comme décapités. Sur les 180 hommes, ils

  5   étaient complètement désorientés. Donc ils savaient plus comment se

  6   regrouper et organiser. Tout le monde s'était éparpillé.

  7   Puis à partir du moment où le HVO est descendu dans Sovici et Doljani, il

  8   n'y a plus eu de résistance opposée par l'ABiH, là. Ils se sont conformés à

  9   la demande de se rendre, et donc ils ont été amené.

 10    Donc il y a eu des combats d'approche de Sovici, et à partir de ce moment-

 11   là, Sovici était tombée ou il n'y avait plus de défense dans les hauteurs.

 12   Puis je ne sais pas qui a donné l'ordre à Cikota de se lancer en nettoyage

 13   dans les montagnes au-dessus de Doljani, à un ou deux points, et là, qu'il

 14   y a eu des membres de l'ABiH et c'est là qu'il a perdu la vie.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien votre réponse, maintenant est sans ambiguïté,

 16   j'ai bien compris.

 17   L'autre question, l'opération militaire Doljani Sovici, était placée sous

 18   quel commandement, qui assumait le commandement militaire de cette

 19   opération, qui ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Doljani et Sovici, sous le commandement de la

 21   zone opérationnelle de M. Lasic, de la zone opérationnelle de l'Herzégovine

 22   du sud-est.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous apprenez qu'il y a eu des maisons

 24   brûlées, des maisons de civils brûlés. Donc vous savez qu'il y a un

 25   problème surtout si les maisons n'ont pas été brûlées à cause des combats

 26   mais pour une autre raison. N'était-ce en premier à M. Lasic d'assumer

 27   cette responsabilité ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

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  1   pour autant que je le sache, M. Lasic, lui aussi ce jour-là s'est rendu à

  2   l'enterrement de M. Cikota. Après l'enterrement, il est revenu à son poste

  3   de commandement. Il ne savait pas ce qui s'est produit après son départ.

  4   Dans sa totalité, le Bataillon des Condamnés ne s'est pas rendu là-bas, il

  5   y a eu qu'un groupe d'hommes et un groupe de civils les a rejoints. Après

  6   l'enterrement, Lasic est revenu dans ces zones opérationnelles, et tout

  7   simplement, il a appris au début de la soirée, après l'information qui lui

  8   est parvenue sur Sovici et Doljani.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors si je comprends bien, votre version qui est

 10   faite sous la foi du serment est la suivante : ce qui s'est passé, après

 11   les funérailles de M. Cikota, c'est le fait d'une partie du Bataillon des

 12   Condamnés - pas de tout le Bataillon mais une partie - avec des civils a

 13   priori non identifiés à ce moment-là. Je vois ce que vous dites. Vous en

 14   parlez à M. Boban, qui vous dit on va faire une enquête mais il ne vous

 15   donne pas d'instruction précise, et cetera. Il y a disons un flou

 16   artistique. Mais vous-même, qui avez été à plusieurs reprises à Genève, qui

 17   côtoyait Halilovic, Izetbegovic, tous ces hauts responsables, vous avez

 18   peut-être, c'est une hypothèse, je n'en sais rien, je ne suis pas dans

 19   votre tête. Vu les conséquences si les médias étrangers allaient s'emparer

 20   de cela, comme ils l'ont fait pour Ahmici, et que ça allait peut-être poser

 21   des problèmes; est-ce que vous avez envisagé toutes les conséquences

 22   diplomatiques de tels agissements ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 24   sans aucun doute que cela a été pris en compte, voyez-vous sans aucun

 25   doute, le retentissement. En aucun cas, ça n'arrangerait le HVO, surtout

 26   que cela s'est produit après la fin des combats. Donc nous affirmons qu'il

 27   y a eu un homme de mort, et on n'avait pas le droit de faire cela à cause

 28   de la mort d'un homme.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Question ultime, était-il impossible d'arrêter

  2   quelques membres du Bataillon des Condamnés et d'arrêter quelques civils et

  3   les remettre à la justice militaire ou civile afin que de tels faits ne

  4   soient pas indemnes de toute poursuite ? Etait-ce impossible de procéder à

  5   quelques arrestations afin de rassurer les victimes, de rassurer la

  6   communauté internationale, et de prouver votre bonne volonté de lutter

  7   contre les crimes ? Pourquoi ça n'a pas été fait ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, à la date de la réception

  9   du rapport, le 23, il en a été question de tout ceci, et il y a deux

 10   personnes auxquelles cela se rapportait le plus, c'était Naletilic et

 11   Andabak. Ayant ceci à l'esprit, on est parti le 24 pour Zagreb, pour cette

 12   fameuse réunion aux journées du 24 avril, 25 à Zagreb, et on s'est

 13   entretenu avec M. Izetbegovic sur tout ce qui s'était passé non seulement

 14   sur ce territoire-là mais aussi Sovici, Doljani, Konjic et Bosnie centrale.

 15   On en a parlé toute la soirée, et la conclusion adoptée a été celle de

 16   faire en sorte que les deux parties se tirent tout cela au clair, et on a

 17   signé la chose. Les signataires se sont engagés à le faire.

 18   D'autre part, la délégation du HVO est revenue, il y a eu une réunion de

 19   tenue le 29 ou le 28, je n'en suis plus trop sûr. Mais toujours est-il qu'à

 20   cette réunion des chefs politiques de l'Herceg-Bosna, il y a eu

 21   présentation de ce qui s'est passé à Zagreb, et on a présenté les mesures

 22   qui seraient entreprises. Il y a eu un point d'adopter, à savoir qu'il y a

 23   eu désignation d'une commission qui indépendamment des facteurs

 24   internationaux et autres, étudiera les différents incidents pour finir par

 25   prendre des mesures. C'est ce qui s'est fait. Le 29, je n'étais pas présent

 26   à cette réunion, parce que j'étais en compagnie de Halilovic à Zenica, en

 27   Bosnie centrale. Mais les conclusions de la réunion, une fois revenu, je

 28   les ai trouvées sur mon bureau, j'ai pu les lire.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous dites -- c'est intéressant ce que vous

  2   dites, qu'à Zagreb, toutes ces questions ont été évoquées, et tout le monde

  3   s'est mis d'accord, y compris M. Izetbegovic, pour qu'une commission se

  4   penche sur tous ces "crimes" - entre guillemets - et que chacune des

  5   parties ferait connaître ce qui s'est passé, et que vous-même, vous n'avez

  6   pas assumé le suivi parce que vous étiez à Zenica, le 29. Alors la

  7   commission, quelles ont été ses conclusions ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] La commission, parce que les conclusions

  9   adoptées à la date du 24 avril, cette commission était censée entamer

 10   toutes les enquêtes à diligenter sur le territoire de la Bosnie centrale et

 11   de l'Herzégovine du nord, et ce, par les bons soins du HVO, sans attendre

 12   les activités de la commission conjointe. Il a même été question à Zagreb

 13   d'une commission conjointe où il y aurait la communauté internationale

 14   également de représentée pour résoudre le problème, mais la proposition est

 15   tombée à l'eau. Donc il est resté le fait que chacun à son propre niveau

 16   était censé résoudre le problème, et les enquêtes relatives à différents

 17   secteurs ou territoires ont été entamées. Elles ont connu une certaine

 18   cadence qui allait jusqu'au 10, 12 juin, lorsque sur le territoire de la

 19   Bosnie centrale, il y a eu Travnik, les événements de Travnik avec tout ce

 20   qui s'est passé, et donc tout a connu un ralentissement. Je dirais que ça

 21   s'était arrêté. On a des documents pour ce qui est de la façon de savoir

 22   comment ça s'est passé pour la Bosnie centrale, mais nous n'avons rien pour

 23   ce qui est de l'Herzégovine du nord, à savoir Sovici et Doljani.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, juste une petite

 25   rectification ici. Page présente ligne 5, on a inscrit la date du "24

 26   septembre," or le témoin lui a parlé de la réunion du "29 avril." 29 avril,

 27   29.04.93. Donc il ne faut pas qu'il y ait confusion.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai pas fait attention à l'heure, il faut qu'on

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  1   fasse maintenant la deuxième pause. On va faire donc 20 minutes et on

  2   continuera après.

  3   --- L'audience est suspendue à 17 heures 48.

  4   --- L'audience est reprise à 18 heures 09.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

  6   Tout d'abord, une annonce de nature administrative. Le greffe nous a

  7   annoncé que l'audience, qui était prévue le 16 mars, c'était un matin, sera

  8   supprimée parce que, comme il y a maintenant plus de procès que de salles

  9   d'audience, on ampute certaines affaires d'une ou deux journées. Donc en ce

 10   qui nous concerne, le mardi 16 mars, il n'y aura pas d'audience. Donc je

 11   vous l'annonce.

 12   Deuxièmement, j'ai cru comprendre que la Défense du général Petkovic

 13   voulait savoir quand je poserais mes questions. Alors, j'ai l'intention de

 14   faire exactement ce que j'avais fait quand le général Praljak avait

 15   témoigné, à savoir que je poserai les questions à la fin de

 16   l'interrogatoire principal. J'ai donc prévu deux journées. La première

 17   journée, comme je l'ai dit déjà, je poserai des questions à partir des

 18   documents de l'Accusation, me basant principalement sur le mémoire

 19   préalable du Procureur, et je ferai comme avec le général Petkovic, je

 20   passerai en revue l'acte d'accusation, notamment sur l'entreprise

 21   criminelle. Puis je passerai deux vidéos, la première, qui est la prise de

 22   l'immeuble Vranica, pour avoir les observations du général. Et la deuxième,

 23   ce sera la vidéo sur la destruction du pont de Mostar, car j'aurai une

 24   question très technique à poser au général Petkovic à partir de cette

 25   vidéo. Puis je passerai donc en revue une centaine de documents du

 26   Procureur, dont la majorité ont les lettres P, et ces documents seront

 27   présentés par ordre chronologique. Je commencerai par un document daté de

 28   1992, et puis je remonterai dans le temps. La deuxième journée, ça sera

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  1   exactement pareil. Il y aura donc des documents à partir des écritures

  2   diverses de la Défense du général Petkovic, il y a à peu près 80 à 90

  3   documents. Ces documents, je les présenterai selon l'ordre chronologique,

  4   ce qui me permettra donc de balayer l'année 1992, 1993 et 1994. Voilà. Donc

  5   ça devrait normalement prendre deux journées. Voilà ce que je peux dire

  6   pour que tout le monde comprenne.

  7   Par ailleurs, dès demain certainement, j'enverrai à tout le monde, au

  8   Procureur et aux autres parties, et à la Défense du général Petkovic, la

  9   liste de tous les documents, dont vous aurez tous les numéros première

 10   journée, deuxième journée. Voilà. Comme ça, vous saurez quels sont les

 11   documents que je présenterai. La plupart du temps, déjà, ces documents ont

 12   été vus et rediscutés, mais je les verrai sous des angles peut-être qu'on

 13   n'a pas vus jusqu'à présent.

 14   Voilà, c'est ce que je voulais dire. Ça sera utile pour tout le

 15   monde.

 16   Je précise également, puisqu'on est toujours dans les questions

 17   administratives, que jeudi, on terminera à 18 heures.

 18   Bien.

 19   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Mon Général, M. le Juge Antonetti vous a posé une question, consignée

 21   en page 71, sur le fait de savoir si vous aviez pris en compte les

 22   circonstances diplomatiques pour ce qui est des crimes d'Ahmici et du crime

 23   de Sovici, et vous avez "to the go" répondu que vous avez bien entendu tenu

 24   compte des activités diplomatiques en cours. Je dois reconnaître que je

 25   n'ai pas très bien compris ni la question ni la réponse. Est-ce que cela

 26   signifie que l'intention était de dissimuler quelque chose compte tenu

 27   d'intérêts divers ou est-ce que l'on avait véritablement voulu diligenter

 28   une enquête au sujet du crime ? J'aimerais que vous répondiez de façon tout

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  1   à fait claire. Quels sont les intérêts diplomatiques en cours et de quelle

  2   façon vous en avez tenu compte ? Soyez bref, je vous prie.

  3   R.  Messieurs les Juges, voyez-vous, deux ou trois jours après cela, on a

  4   rencontré les plus hauts représentants de la communauté internationale pour

  5   l'ex-Yougoslavie et on leur a présenté tout le problème des événements

  6   survenus en Herzégovine du nord et en Bosnie centrale. Lord Owen avait une

  7   dizaine d'hommes à lui qui étaient présents à cette réunion, et les deux

  8   parties en présence se sont entretenues de façon ouverte avec lui pour lui

  9   présenter toute une série de choses. Personne n'a donc rien dissimulé du

 10   tout. C'est ce que je sous-entendais par activités "diplomatiques". Nous

 11   n'avions pas demandé à un ambassadeur un tel ou quoi que ce soit d'autre.

 12   Q.  Donc il ne s'agissait pas d'un souhait qui consisterait à dissimuler

 13   certains crimes ?

 14   R.  Non, au contraire. On a parlé de ce qui s'était passé. La réunion a

 15   longuement duré pour cette raison-là, et tout le monde a pris la parole.

 16   Je tiens à préciser une chose - et vous pourrez peut-être retrouver

 17   cela au compte rendu - Lord Owen a dit à un moment donné, Faites bien

 18   attention à ce que ce ne soit pas contre-productif, tout ceci. En entendant

 19   par là les promesses faites par l'une et l'autre des parties en présence de

 20   procéder à des sanctions. On pourra retrouver cela, mais ça m'est tombé

 21   dans l'oreille en réécoutant ce qu'il avait dit. Donc on n'a rien caché du

 22   tout.

 23   Q.  Général, lorsque vous avez parlé de la commission et de la réunion du

 24   29 avril 1993 -- j'ai dit 29 avril 1993. J'ai dit le 29 avril. Bon, c'est

 25   bon maintenant. Alors, Général, de quel type de réunion s'est-il agi ce

 26   jour-là ?

 27   R.  Monsieur le Juge, c'est M. Mate Boban qui a donné rendez-vous à tous

 28   les facteurs pertinents en Herceg-Bosna, y compris les représentants des

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  1   Croates dans les instances légales du pouvoir en Bosnie-Herzégovine. A

  2   l'occasion de cette réunion, il a été question de cette réunion de Zagreb

  3   où l'on a accepté, entériné les conclusions de la réunion de Zagreb.

  4   S'agissant des points où il a été question de diligenter des enquêtes, on a

  5   évoqué la création d'une commission qui, du côté du HVO, serait chargée de

  6   la conduite de toutes les enquêtes au sujet des incidents qui s'étaient

  7   produits. Je ne sais plus si c'était le point 5 ou le point 6 des

  8   conclusions adoptées.

  9   Q.  Général, dites-nous où est-ce que vous étiez ce jour-là ? Redites-le.

 10   R.  Le 28, j'étais parti avec MM. Thébault et Halilovic à Jablanica et

 11   Konjic, et ensuite on est allés à Zenica le 29. Et le 30, j'étais aussi à

 12   Zenica. Je parle du mois d'avril 1993, bien entendu.

 13   Q.  Bon. Nous allons faire un résumé de ce sujet de Sovici et de Doljani.

 14   Dites-nous, Général, sur le territoire de Sovici et Doljani, d'après ce que

 15   vous en savez --

 16   M. SCOTT : [interprétation] Nous avons une objection. Nous pensons qu'il

 17   s'agit d'une autre forme qui permet de poser des questions directrices. Il

 18   n'est pas nécessaire que Me Alaburic donne sa version. La Chambre a la

 19   déposition du témoin. Donc j'ai une objection concernant cette procédure.

 20   Il s'agit d'une forme de question directrice.

 21   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, moi, j'ai posé mes

 22   questions et j'estime avoir le droit pour ce qui est du temps qui nous est

 23   imparti pour notre Défense, j'ai le droit de le consacrer, ne serait-ce

 24   qu'à un seul sujet, et pour tirer les choses au clair au maximum. Je pense

 25   que c'est notre droit, parce que M. le Juge Antonetti a été celui qui a dit

 26   que les choses n'étaient pas tout à fait claires et qu'il ne pouvait pas,

 27   enfin, avoir les tenants et les aboutissants des relations entre les uns et

 28   les autres. Au lieu de poser cela en questions complémentaires, je pose des

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  1   questions de suivi à la suite des questions des Juges, parce que je pense

  2   que c'est plus utile pour les Juges que de le tirer au clair immédiatement

  3   et non pas d'attendre les questions supplémentaires.

  4   Q.  Donc ma question, mon Général --

  5   M. SCOTT : [interprétation] Cela ne répond pas vraiment à mon objection. La

  6   question que ceci soit plus efficace n'a rien à voir avec les Règles de

  7   procédure et de preuve. Si elle a besoin de précisions, elle peut poser des

  8   questions non directrices, et le général peut répondre à des questions non

  9   directrices. Ce serait la manière appropriée de procéder et non par le

 10   biais de questions directrices. Et je continue à avoir une objection.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître --

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Mais, moi, je n'ai pas encore posé ma

 13   question, Monsieur le Président. Je demanderais à mon confrère M. Scott

 14   d'avoir la patience d'entendre ma question. Et si elle est suggestive,

 15   directrice, moi, je veux bien rectifier le tir.

 16   Q.  Mon Général, dans le courant des activités de combat qui se sont

 17   déroulées le 17 avril 1993, est-ce qu'il y a eu, sur le territoire de

 18   Sovici et de Doljani, des maisons d'incendiées ou quoi que ce soit

 19   d'illégal comme agissements, d'après ce que vous en savez, de la part des

 20   membres du HVO ?

 21   R.  Messieurs les Juges, non. Il n'y a pas eu d'agissements qui seraient

 22   contraires à la loi.

 23   Q.  D'après vos connaissances, Général, sur le territoire de Sovici et

 24   Doljani, quand est-ce que les maisons de certains Musulmans ont-elles été

 25   incendiées ?

 26   R.  D'après mes informations, c'était le 21 avril 1993, tard dans l'après-

 27   midi.

 28   M. SCOTT : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir une base ?

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  1   Quelle est la base de ces informations ? Nous savons que M. Petkovic

  2   n'était pas dans la zone d'après sa déposition, donc j'aimerais savoir

  3   quelle est la base des opinions qu'il exprime ici. Peut-être que ma

  4   collègue pourrait nous aider en posant des questions qui établiraient la

  5   base. Merci.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pose toutes ces

  7   questions sur la base des faits jugés que cette Chambre de première

  8   instance a acceptés suite à la proposition de l'Accusation.

  9   M. SCOTT : [interprétation] Ce n'est pas ma question. Ce qui me préoccupe,

 10   c'est la base de la déposition du témoin. Sur quelle base s'exprime-t-il ?

 11   Il n'était pas là. Nous avons parlé des enquêtes. Nous ne savons pas s'il y

 12   a eu des résultats suivant cette enquête. Il devrait, en fait, nous donner

 13   plus de détails. Est-ce qu'il a reçu un rapport ? Est-ce qu'il a reçu des

 14   informations ? Est-ce qu'une enquête a vraiment été menée ? Sinon, il

 15   s'agit en fait de conjectures sans aucune base tangible.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- Alaburic, pour éviter les problèmes,

 17   faites comme moi. Posez une question générale pour arriver à votre

 18   objectif. Vous pouvez lui demander, Qu'est-ce qui est arrivé le 21 avril ?

 19   Savez-vous quelque chose ? Il vous répond, Je sais, je sais pas. S'il dit,

 20   Je sais, vous dites, Vous savez quoi ? Et puis ainsi de suite. Comme ça, le

 21   Procureur ne se lève pas.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je dois avouer que

 23   je suis vraiment étonnée en raison du fait que depuis une heure déjà, nous

 24   sommes en train de parler du fait que le général Petkovic, sur la base de

 25   la demande de Mate Boban, avait envoyé une question à la Brigade Herceg

 26   Stjepan concernant les événements sur le terrain, et il nous a dit que de

 27   la Brigade Herceg Stjepan, il a été informé du fait qu'après l'enterrement

 28   du commandant Cikota, les maisons de certains Musulmans à Sovici et Doljani

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  1   ont été incendiées et que certains membres du Bataillon des Condamnés et

  2   des civils y ont participé. Le témoin a dit que, sur la base de cela, il

  3   avait préparé une information à ce sujet pour Mate Boban. Ensuite il nous a

  4   parlé de sa conversation avec Mate Boban à ce sujet. Le témoin nous a parlé

  5   de la manière dont ceci a été traité à Zagreb lors d'une réunion qui s'est

  6   tenue les 24 et 25 avril, réunion à laquelle les présidents de la

  7   Conférence pour l'ex-Yougoslavie ont assisté. Le témoin nous a dit aussi

  8   que ceci a fait l'objet d'une discussion lors d'une réunion qui a eu lieu à

  9   Citluk le 29 avril 1993, et qu'en raison de tous ces événements, il a été

 10   décidé de créer une commission qui allait enquêter sur les crimes de

 11   guerre. Donc je propose simplement que l'on lise le compte rendu d'audience

 12   d'aujourd'hui, et tout ce que ce témoin dit sera tout à fait clair.

 13   Je veux terminer pour ce qui est de ce sujet exclusivement en raison du

 14   fait que le Président Antonetti avait indiqué que certains points n'étaient

 15   pas suffisamment clairs pour lui, et je souhaite que l'on répète cette

 16   partie de sa déposition. Je pense que ceci a été entièrement élucidé. Nous

 17   avons présenté des éléments à ce sujet au témoin précédent, mais je ne peux

 18   pas traiter de tous les documents avec tous les témoins, car tout

 19   simplement, je n'ai pas suffisamment de temps pour ce faire.

 20   Q.  Ma question, Général, est la suivante : d'après vos informations, les

 21   membres de quelle Unité du HVO ont participé à l'incendie volontaire à

 22   l'encontre des maisons de certains Musulmans à Doljani et à Sovici ?

 23   R.  Certains membres du Bataillon des Condamnés.

 24   Q.  Dites-nous, Général, est-ce que le Bataillon des Condamnés, du point de

 25   vue du commandement opérationnel, était subordonné à l'état-major principal

 26   du HVO ?

 27   R.  Non, ils n'étaient pas subordonnés à l'état-major principal du HVO.

 28   Q.  A supposer, Général, que certains civils avaient participé aussi à ces

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  1   incendies, est-ce que vous pouvez me dire si l'état-major principal du HVO

  2   était compétent pour poursuivre les civils qui se rendraient coupables d'un

  3   tel délit ?

  4   R.  Non, s'agissant de cette situation, l'état-major principal n'était pas

  5   en charge des poursuites contre les civils.

  6   Q.  Voyons maintenant, Général, de quelle manière la suite des actions

  7   s'est déroulée. Est-ce que vous pouvez nous dire si quelque chose

  8   d'important est arrivé concernant la ville de Kakanj en juin 1993 ?

  9   R.  En juin 1993, l'ABiH a entièrement pris le contrôle de la ville de

 10   Kakanj, a désarmé une partie du HVO et a chassé une autre partie du HVO, et

 11   aussi 12 000 Croates qui ont dû partir avec eux.

 12   Q.  Dites-nous, est-ce que l'ABiH s'est emparée de Travnik ?

 13   R.  Oui. L'ABiH s'est emparée de Travnik pendant la période entre le 8 et

 14   le 12 juin 1993.

 15   Q.  Dites-nous, Général, à quel moment est-ce que l'ABiH a conquis la

 16   région au nord de Mostar Est, autrement dit, Vrapcici- Bijelo Polje et

 17   d'autres localités vers Jablanica ? 

 18   R.  L'ABiH a conquis cette partie du territoire le 30 juin 1993.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : En écoutant la question et la réponse sur Kakanj,

 20   vous dites qu'il y a 12 000 Croates qui ont été expulses. C'est le chiffre

 21   qui m'a fait sursauter. C'est un nombre important.

 22   L'ABiH fait une action militaire, qui va se poursuivre après à

 23   Travnik. Compte tenu de ce qui est en train de se passer, est-ce que vous

 24   informez à votre niveau la communauté internationale, parce que tout ceci a

 25   des conséquences sur ce qui se passe à Genève et sur ce que l'on veut faire

 26   ? Est-ce qu'il y a de votre part une action pour dire halte au feu, parce

 27   que ça entraîne des flux migratoires importants avec des conséquences

 28   concernant les réfugiés, parce que 12 000 personnes, c'est un chiffre

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  1   colossal ? Alors, qu'est-ce que vous faites, vous, face à cette situation ?

  2   Vous restez les bras ballants ou bien vous agissez auprès de ceux que vous

  3   connaissez bien, Halilovic, Thébault, Morillon, et cetera ? Qu'est-ce que

  4   vous faites ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président Antonetti, tout d'abord,

  6   en ce qui concerne Travnik, le 9 juin, j'ai demandé d'avoir une réunion

  7   avec Sefer Halilovic où que ce soit, Sarajevo, Kiseljak, Zenica. Le 9 juin

  8   1993, je me suis rendu à Kiseljak, car j'ai été informé du fait que la

  9   réunion allait se tenir à Kiseljak. C'est le colonel Siber qui s'est rendu

 10   à la réunion. Je lui ai demandé, Pourquoi lui ? Il m'a répondu : Ne sais-tu

 11   pas ce qui se passe à Sarajevo ? J'ai dit, Non. Ensuite, je lui ai demandé

 12   : Est-ce que tu as les pouvoirs te permettant de signer un document avec

 13   moi ? Le colonel Siber m'a répondu, Je ne sais pas quel sera mon sort

 14   jusqu'à la fin de la journée, à savoir ce jour-là, l'on procédait à un

 15   remplacement ou un roulement, et Rasim Delic a pris les fonctions de Sefer

 16   Halilovic, et c'est la raison pour laquelle ni l'un ni l'autre ne sont

 17   venus ce jour-là. J'étais prêt à rentrer, cependant le général Morillon m'a

 18   demandé de rester, et il a dit qu'il allait se rendre à Sarajevo pour

 19   convaincre MM. Izetbegovic et Delic de venir. C'est ce qui s'est passé.

 20   Le lendemain, Rasim Delic est venu, et c'était sa première réunion

 21   depuis qu'il est devenu le nouveau numéro 1 de l'ABiH.

 22   Le 10, M. Thébault était là en représentant la Mission des

 23   observateurs, de même qu'un général de brigade de la FORPRONU. Le général

 24   Morillon était resté à Sarajevo. C'est à ce moment-là que Delic et moi

 25   avions signé un accord et nous avions convenu, entre autres, que le

 26   commandement conjoint, constitué de six personnes, se rende à Travnik pour

 27   essayer de mettre fin aux combats à Travnik; cependant, il n'était plus

 28   possible d'arrêter les combats, car les deux Brigades du HVO avaient été

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  1   entièrement brisées, et les habitants de Travnik -- vous savez, peut-être

  2   que je me trompe s'agissant du chiffre, mais on peut facilement vérifier

  3   cela. D'après mon évaluation, il s'agissait de 15 à 20 000 personnes et ils

  4   se sont trouvés sur la route de Travnik via Novi Travnik jusqu'à Vitez.

  5   S'agissant d'une partie d'entre eux, ils ont pris la route de Vlasic, et

  6   ils se sont enfuis vers le territoire de la Republika Srpska. Je pense

  7   qu'il s'agissait d'environ 1 500 civils et environ 650 soldats.

  8   Cette situation, c'était la situation à Travnik. Concernant ce sujet, Mate

  9   Boban a écrit une lettre à Lord Owen, en lui disant qu'il allait refuser de

 10   se rendre pour parler à Genève en raison de tels événements. Comme vous le

 11   savez, des pourparlers avaient eu lieu à Genève, vous avez vu le document

 12   que, le 15 juin, M. Izetbegovic m'avait envoyé depuis Genève. Donc M. Mate

 13   Boban était en contact avec M. Owen et l'informait de la situation qui

 14   prévalait sur le territoire de Travnik. 

 15   Peu de temps après, tout d'un coup, Kakanj a eu lieu. Seulement trois à

 16   quatre jours après Travnik, c'est Kakanj qui eu lieu. Encore une fois,

 17   environ 12 000 Croates ont dû quitter la région, et c'est la situation qui,

 18   à mon avis, ne laissait plus d'espoir solide permettant de croire que par

 19   le biais des négociations et des accords, il était possible de mettre fin à

 20   ces événements entre l'ABiH et le HVO.

 21   Je vais ajouter un autre élément : M. Boban a informé Lord Owen du fait que

 22   M. Izetbegovic avait attendu le refus de la partie serbe avant de se mettre

 23   à signer le plan Vance-Owen, et dès que les Serbes l'ont refusé,

 24   l'opération de l'ABiH contre Travnik a commencé.

 25   Donc le plan Vance-Owen avait échoué, et quelques jours plus tard, l'on a

 26   commencé à conquérir le territoire afin de pouvoir présenter la situation

 27   en disant, Nous sommes déjà sur place et nous n'allons pas nous retirer.

 28   Donc le plan Vance-Owen a été échoué, et ensuite l'ABiH a attaqué le

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  1   HVO à Travnik. Nous étions plus faibles dans cette région, car l'ABiH avait

  2   un nombre plus élevé de brigades, et nous ne pouvions pas nous défendre

  3   dans une zone urbaine. Nous avons été pris de surprise. Nous ne nous

  4   attendions pas du tout à ce que ceci nous arrive. Et pour être tout à fait

  5   honnête, nous n'avons pas eu suffisamment de forces pour nous défendre dans

  6   une ville avec une population mixte.

  7   M. SCOTT : [interprétation] Il y avait une référence à la page 74

  8   [comme interprété], à avril, et je pense que le général Petkovic faisait

  9   référence à juin, et pas à avril. Enfin, du moins, c'est ce que je crois.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, merci. Oui, oui, c'était en juin.

 11   Il est question du mois de juin 1993.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Je remercie Me Scott de son esprit de

 13   coopération.

 14   Q.  Général, voyons ce qui s'est passé avec des territoires différents par

 15   la suite. Est-ce qu'en juillet un événement a eu lieu concernant l'une des

 16   deux enclaves croates dans la municipalité de Konjic ?

 17   R.  Oui, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. L'enclave qui se

 18   trouvait sur le territoire de Klis, c'est-à-dire la vallée de la Neretvica.

 19   Nous avons entendu parler que Klis, le 10 juillet, a disparu en tant que

 20   telle, et environ 1 500 à 2 000 Croates et 350 soldats du HVO sont partis.

 21   Une toute petite enclave reste dans la municipalité de Konjic, dans trois

 22   villages, Turije, Zabrdje et Zaslivlje, c'est la fameuse poche devant

 23   Konjic.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : J'écoute le déroulement tel que vous le relatez;

 25   Travnik, Kakanj, Klis. On peut imaginer ce qui est en train de se passer en

 26   termes militaires. En écoutant la description que vous faites, je me pose

 27   la question de savoir, alors que nous avons vu par les cartes du général

 28   Praljak que le HVO et l'ABiH avaient une ligne de front commune face aux

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  1   Serbes. On pourrait, le cas échéant, revoir cette carte, mais vous la

  2   connaissez certainement mieux que moi. Compte tenu de l'action de l'ABiH,

  3   pourquoi le HVO, qui était sur la ligne de front, n'a pas décidé de se

  4   replier pour fortifier des positions croates -- où les Croates étaient en

  5   péril ? Pourquoi vous n'avez pas quitté cette ligne de front pour laisser

  6   les Serbes face à l'ABiH pour vous positionner de telle façon que vous

  7   soyez mieux armés pour résister à l'offensive de l'ABiH ? Pourquoi ça n'a

  8   pas été fait, cela ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 10   vais vous dire une chose concernant la manière dont l'ABiH s'est emparée de

 11   Travnik. L'ABiH avait d'abord attaqué les unités du HVO qui étaient près

 12   des unités de l'armée de la Republika Srpska, et c'est ainsi qu'elle s'est

 13   emparée des positions face à la Republika Srpska, et le HVO était repoussé

 14   de ces positions. Ici, le HVO n'avait plus personne, seulement

 15   l'encerclement de la part de l'ABiH. Donc à Travnik, le HVO avait perdu le

 16   contact avec l'armée de la Republika Srpska, et c'était d'ailleurs

 17   l'intention de l'ABiH. Donc la première attaque suivait la ligne du front

 18   pour s'emparer des positions face à l'armée de la Republika Srpska et

 19   empêcher tout contact entre le HVO et l'armée de la Republika Srpska, et

 20   c'est ce qui a eu lieu. Une partie des civils et des soldats ont réussi à

 21   partir vers Vlasic, et c'était fermé. Sur ce territoire, le HVO n'avait

 22   plus de contacts avec l'armée de la Republika Srpska. C'était uniquement

 23   l'ABiH qui était en contact avec l'armée de la Republika Srpska désormais,

 24   alors que nous étions repoussés vers la partie de Novi Travnik, Vitez,

 25   Busovaca.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais là vous me répondez pour Travnik. Mais les

 27   autres régions où l'ABiH et le HVO étaient côte à côte ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à

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  1   ce moment-là, l'ABiH ne se dirige plus contre l'ennemi commun. Elle ne se

  2   dirige que contre les Croates. A Kakanj, il n'y a pas de contact avec la

  3   VRS, donc c'était très facile pour l'ABiH de s'en prendre aux 700 soldats

  4   du HVO. En fait, on avait complètement négligé cette brigade qui était loin

  5   au cœur d'un territoire. Donc très facilement, ils se sont débarrassés

  6   d'eux. Ils n'avaient pas besoin d'un équipement spécial, cette brigade,

  7   j'entends. Donc très facilement, Kakanj a été pris en trois jours.

  8   Puis, début juillet, ils ont pris Fojnica, et jusqu'au 10 juillet,

  9   ils ont pris la municipalité de Konjic, et nous, on s'est retrouvés dans

 10   ces petites poches à côté de Konjic. Avec 500 000 marks, Silajdzic n'a pas

 11   pu nous acheter pour qu'on parte de là. En fait, c'était ça l'objectif de

 12   l'armée, de les isoler pour qu'ils n'aient plus de contact avec personne.

 13   C'est comme ça que l'on a péri en Bosnie centrale. On n'avait pas

 14   suffisamment de forces pour changer d'axe, parce que dès qu'on se mettait

 15   en marche, dès qu'on avançait, l'ABiH était là pour constituer un obstacle

 16   à notre avancée. Donc il n'était pas possible de se livrer à des manœuvres

 17   en Bosnie centrale. D'autre part, d'Herzégovine, on ne pouvait pas partir

 18   de la Bosnie centrale, parce que les 40 kilomètres jusqu'à Novi Travnik, on

 19   ne pouvait pas s'en emparer ni Jablanica ni Konjic.

 20   Donc on avait que 40 000 hommes du HVO qui ne pouvaient pas se dresser

 21   contre l'ABiH, surtout qu'il n'y avait que 20 000 hommes. Sept à 8 000 en

 22   Posavina qui n'ont rien à voir. Puis Zepce, Tuzla et tout cela. Donc

 23   plusieurs milliers de soldats. Donc nous n'avons pas 40 000 hommes. Peut-

 24   être 22, 23 000 hommes sur lesquels nous pouvons compter. Ils ne sont pas

 25   suffisants. Nous ne pouvons rien faire avec eux, parce qu'ils sont déployés

 26   sur la ligne de front, et nous n'avons aucune puissance de manœuvre.

 27   L'"armija" a fait cette appréciation et elle s'est bien débarrassée en

 28   Bosnie centrale, sauf à Vitez et à Busovaca, où ils ont fait l'erreur de ne

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  1   pas laisser un petit corridor. S'ils l'avaient fait, je doute que qui que

  2   ce soit aurait pu s'y maintenir dès que le premier civil se serait mis en

  3   marge, mais ils ont procédé à l'encerclement, et dans cet encerclement, on

  4   opposait la résistance jusqu'au dernier homme.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Juste une correction. Page 85, ligne 23, le

  7   général aurait parlé de trois petites enclaves dans le secteur de Konjic.

  8   Or, il a parlé d'une enclave avec trois petites localités. Les noms des

  9   localités ont été correctement consignés.

 10   Q.  [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai une autre correction à apporter

 12   au compte rendu en anglais. C'est une erreur assez pénible d'ailleurs. Page

 13   87, ligne 17, il est écrit : "même Silajdzic n'a pas réussi à nous acheter

 14   avec 5 000 marks," mais c'est insultant. Je crois que vous avez parlé de

 15   500 000 deutsche marks, et pas 5 000 marks. Cinq mille marks, c'est

 16   vraiment une somme ridicule.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 18   oui, 500 000 marks, c'est le chiffre qui figure sur le document comme la

 19   somme qu'on aurait offerte.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Trechsel. Le

 22   chiffre ne m'importait peu puisqu'on n'a rien acheté.

 23   Q.  Général, vous avez mentionné Fojnica. A quel moment l'ABiH s'est-elle

 24   emparée de Fojnica ?

 25   R.  L'ABiH a capturé Fojnica entièrement à la mi-juillet 1993.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé. Maître Alaburic, on était

 27   partis de Sovici-Doljani, mais vous nous entraînez un peu loin de cet

 28   événement. Est-ce que vous avez l'intention de revenir sur Sovici-Doljani ?

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  1   Je peux attendre si vous avez l'intention d'y revenir. Sinon, j'ai une

  2   question.

  3   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, mes intentions

  4   ne correspondent pas à la réalité dans ce prétoire. Avec ce sujet à

  5   l'appui, je voulais vous montrer quelles étaient les actions de combat et

  6   comment s'étendait le territoire sous le contrôle de l'ABiH. Mais suite à

  7   vos questions, et vous êtes certainement les plus importants dans ce

  8   prétoire, nous en sommes venus à aborder la question de la responsabilité

  9   pour Sovici et Doljani et des événements qui s'y sont produits. Mais un de

 10   mes sujets suivants, si vous vérifiez la série des sujets, mon sujet

 11   suivant, ce serait Sovici et Doljani. Donc peut-être que dans cet ensemble

 12   qui sera abordé, vous pourrez poser toutes les questions qui vous

 13   intéresseront. Maintenant, je voudrais en terminer avec le territoire sous

 14   le contrôle de l'ABiH.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je tiens à dire pour le compte rendu

 16   que je ne vous critiquais absolument pas. Parfois, je vous critique,

 17   certes, mais certainement pas cette fois-ci.

 18   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Nous tenons compte

 19   de vos critiques; soyez-en persuadé.

 20   Q.  Bugojno, Général, l'ABiH, quand est-ce qu'elle a capturé Bugojno ?

 21   R.  Le 2 août 1993 de manière définitive. Le dernier soldat du HVO a été

 22   chassé de Bugojno à cette date-là, et il y a eu des civils qui sont partis

 23   en passant par le territoire serbe ou par Vakuf et Prozor.

 24   Q.  Dites-nous, Général, l'ABiH a capturé Vares à quel moment ?

 25   R.  Au début du mois de novembre 1993.

 26   Q.  Général, prenez ce jeu de documents, 4D 567. 4D 567, c'est

 27   l'Herzégovine du Nord et la Bosnie centrale. La situation telle qu'elle se

 28   présentait en novembre 1993. Les villes capturées par l'ABiH sont biffées,

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  1   et à côté, nous voyons le chiffre correspondant au nombre de Croates qui

  2   ont quitté -- ou plutôt, qui ont été expulsés de ces régions.

  3   Est-ce que vous connaissez cette carte ?

  4   R.  Oui, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je connais cette

  5   carte. Mais il ne s'agit pas de villes en tant que telles, il s'agit de

  6   municipalités tout entières. Je tiens à préciser.

  7   Q.  Merci, Général. Alors prenons maintenant aussi le secteur de Mostar,

  8   document 4D 1216.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- général Petkovic, je crois que cette

 10   carte n'est pas admise, sauf erreur de ma part. Les chiffres, 25, 000, 12

 11   000, 9 000, 15 000, c'est une évaluation approximative, ou vous êtes

 12   certain de ces chiffres ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 14   ces chiffres, ils se fondent sur les rapports des commandants des régions

 15   concernées, et à peu près en tenant compte de la population qui y résidait

 16   et des nouveaux arrivants sur ce territoire dans les régions sous le

 17   contrôle de la VRS, 1,000 ou 2,000 Croates sont arrivés à Travnik depuis

 18   les territoires contrôlés par la VRS. Donc vous avez d'une part la

 19   population qui est autochtone et puis les gens qui sont arrivés comme

 20   personnes déplacées et tous sont repartis, à ce moment-là, ailleurs. En

 21   fait, ils ont été expulsés ailleurs.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] 

 23   Mme ALABURIC : [interprétation]

 24   Q.  Général, et prenons le cas de Mostar, document 4D 1216. Dites-

 25   nous, Général - voilà nous verrons la carte s'afficher

 26   - dites-nous : pendant cette période allant jusqu'au 30 juin 1993, cette

 27   communication vers le nord derrière Jablanica, peu importe de quelle

 28   couleur qu'elle soit, était-elle disponible pour les membres des deux

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  1   armées ?

  2   R.  Oui, vu le rapport de forces s'était possible, la 2e Brigade, les

  3   forces de l'ABiH, et cetera jusqu'à Konjic.

  4   Q.  Dites-nous, Général, vous vous souviendrez le général Praljak a dit,

  5   dans ce prétoire, que le 30 juin 1993, la guerre totale s'est déclarée

  6   entre les armées croates et musulmanes de Bosnie-Herzégovine sur ce

  7   territoire. Je pense, bien entendu, aux Croates de Bosnie-Herzégovine

  8   lorsque je parle d'armées croates. Est-ce que vous seriez d'accord avec

  9   cette appréciation du général Praljak ?

 10   R.  Oui, tout à fait, sans aucun doute, c'est la guerre totale qui s'est

 11   déclarée compte tenu de tout ce qui a précédé et tout ce qui a suivi.

 12   Q.  Prenez le document 4D 6 --

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- général Praljak, sur le carte, je

 14   vous remonterai -- oui, général Petkovic, sur cette carte que vous avez

 15   coloriée vous-même, c'est ce que j'ai cru comprendre, la 4D 1216, c'est la

 16   situation avant le 30 juin. Je regarde Mostar, je vois le positionnement du

 17   HVO, la VRS. Est-ce qu'il y a un petit couloir qui permettrait - c'est une

 18   question que j'ai déjà posée - donc, vous, ça ne va être une surprise pour

 19   vous - qui permettrait à un habitant de Mostar Est de passer entre la ligne

 20   du HVO et la VRS et de remonter tranquillement vers le nord, vers les

 21   positions tenues par l'ABiH ? Etait-ce, avant le 30 juin, possible à partir

 22   de la carte que je vois ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président Antonetti, entre les

 24   deux positions, personne ne pouvait passer. Je pense que, vous, vous

 25   référez à la situation. Je vais montre avec ce stylet. Est-ce que l'on peut

 26   m'aider, s'il vous plaît ?

 27   [Le témoin s'exécute]

 28   Entre les positions -- je ne sais pas remédier à cela. Est-ce que

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  1   quelqu'un peut intervenir, s'il vous -- si vous vous référez à cette

  2   partie-ci entre les deux positions-là, personne ne pouvait circuler. Ce

  3   sont deux lignes de front où on se tire les uns sur les autres et on tire

  4   sur tout ce qui se trouve entre les deux. 400, 500 mètres de distance,

  5   voire un kilomètre ou un kilomètre et demi dans la partie supérieure, on

  6   pouvait circuler ici.

  7   [Le témoin s'exécute]

  8   Le chiffre 2, là, la circulation est possible. Le chiffre 1, la

  9   circulation n'est pas possible. On ne peut pas circuler entre les forces

 10   qui s'opposent et qui à tout moment se tirent dessus.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous dites que, sur le trait où il y a le

 12   chiffre 1 c'était impossible. Par contre, où il y a le chiffre 2, c'est

 13   possible. Alors maintenant ma question elle concernerait un habitant de

 14   Mostar Est qui déciderait de quitter Mostar Est et pouvait-il le faire ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à

 16   ce moment-là, c'était possible en passant par les positions de la 2e

 17   Brigade du HVO, jusqu'au 30 juin, on pouvait circuler tout à fait librement

 18   vers le nord comme vers le sud.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous dites qu'un Musulman de Mostar Est

 20   pouvait, en passant par les positions de la 2e Brigade du HVO, aller vers

 21   les zones vertes tenues par l'ABiH. Mais alors ma question elle est

 22   automatique : est-ce que la 2e Brigade du HVO laissait passer les Musulmans

 23   qui quittaient Mostar Est ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il

 25   n'y a pas de raison pour qu'elle ne les laisse pas passer. A ce moment-là,

 26   la 2e Brigade comptait à la fois des Musulmans et des Croates dans ces

 27   rangs. Puis, deuxièmement, je vais vous montrer cela sur cette carte. Là,

 28  je vais tracer un cercle, c'est le 4e Bataillon de la 1ère Brigade de Mostar

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  1   de Mostar donc ayant communiqué tout à fait normalement avec eux, même si

  2   on passait par le HVO. Puis vous avez écouté Peric, ton témoin, il a dit

  3   qu'ici, à cet endroit, je trace un cercle le chiffre 3.

  4   [Le témoin s'exécute]

  5   Il y a eu une communication par téléphone entre le 4e Bataillon et la

  6   2e Brigade du HVO. Par conséquent, tout était relié c'était un système

  7   unifié de défense de l'ABiH et du HVO et on pouvait circuler.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors je vais synthétiser parce que, pour moi, c'est

  9   important. Vous dites, sous la foi du serment, qu'avant le 30 juin, un

 10   habitant de Mostar Est pouvait quitter Mostar Est en passant par la zone

 11   contrôlée par le 2e Brigade du HVO, et vous avez tenu à souligner que la 2e

 12   Brigade du HVO était, à ce moment-là, composée également de Musulmans, et

 13   qu'ainsi ils pouvaient donc rejoindre la zone que vous avez cerclée qui est

 14   donc le 4e Bataillon de l'ABiH. Alors je termine. A votre connaissance, y

 15   avait-il des ordres du HVO qui interdisaient le passage des habitants de

 16   Mostar Est ou pas ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président, Messieurs les

 18   Juges, en aucun cas il n'y a eu de ce type d'ordre. J'ajoute tout comme

 19   tout un chacun à son niveau décidait combien de civils pouvaient circuler

 20   et où. Des civils d'une municipalité dans une situation de guerre peuvent

 21   passer de manière organisée vers la municipalité suivante, organiser sous

 22   les auspices des autorités de la municipalité, parce qu'en situation de

 23   guerre, on n'est pas libre de quitter sa municipalité.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Compte tenu de la position ethnique de la 2e Brigade

 25   du HVO, est-ce la raison pour laquelle vous avez colorié en même temps en

 26   bleu et en vert, car c'est ça qui m'a frappé ? Il n'y a pas une couleur

 27   unique, il y a deux couleurs, il y a du vert et du bleu; est-ce que c'est

 28   pour ça que vous l'avez fait ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la

  2   carte est telle qu'elle n'absorbe pas entièrement la couleur bleue. Donc

  3   considérez que cette 2e Brigade doit figurer en bleu, indépendamment de la

  4   composition ethnique. Parfois la couleur bleue a pris mieux qu'à d'autres

  5   endroits; sinon, il n'y a pas de raison, il n'y a pas de raison qu'on

  6   colorie ça de manière intentionnelle. C'est simplement à cause du papier.

  7   Il y a des endroits où on ne pouvait pas colorier en bleu, mais, sinon,

  8   toutes les Unités du HVO on les colorait en bleu.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc la carte, si elle était totalement exacte, la

 10   zone de la 2e Brigade du HVO, elle, elle devrait être en bleu, alors qu'on

 11   voit du vert, mais vous dites que c'est une question de couleur qui a mal

 12   été absorbé. Très bien, je comprends mieux.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Petkovic, pourriez-vous

 14   nous dire qui commandait la 2e Brigade ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Le commandant de la 2e Brigade était Ilija

 16   Vrljic. Après lui, ça a été M. Stomp ar [phon].

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pouvez-vous nous dire de quelle

 18   appartenance ethnique, quelle était l'appartenance ethnique de ces deux

 19   commandants ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient des Croates, tous les deux.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si je comprends bien, cette carte et

 22   vos commentaires, on dirait que les Musulmans de Mostar Est, voire même de

 23   l'autre berge, pouvaient aller vers le nord, si le commandement de la 2e

 24   Brigade était d'accord; c'est cela ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, non. Le commandant de

 26   la 2e Brigade ne décidait pas si la population allait se rendre quelque

 27   part ou non. C'est la soi-disant présidence de guerre qui prenait de telles

 28   décisions, à Mostar Ouest, donc soit le commandant du 4e Corps, soit le

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  1   commandant de la 1ère Brigade de Mostar, de l'ABiH, bien entendu.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ça ne va pas sans dire comment se

  3   fait-il que le commandement de l'ABiH puisse prendre des décisions qui

  4   s'appliqueraient d'une façon contraignante à une région contrôlée par le

  5   HVO ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  7   sur cette ligne-là --

  8   [Le témoin s'exécute]

  9   -- il est possible de circuler d'après ce qu'on a fait à la brigade

 10   de -- que ce soit des civils ou autres, il était possible de circuler le

 11   long de cette voie de communication, parce que la brigade, elle ne se

 12   déploie pas sur l'axe de communication. C'est uniquement dans ce corridor,

 13   à ce corridor que je me suis référé. Là, le 1, c'est la zone qui est sous

 14   la responsabilité de la brigade, et le commandant de vérifier combien de

 15   personnes qui vont passer.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Que voulez-vous dire, lorsque vous

 17   parlez du numéro 1 sur la carte ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle de la carte qui s'affiche à l'écran.

 19   J'ai écrit le chiffre 1, vous voyez sur la droite. Je voulais vous dire que

 20   la brigade avait la responsabilité, pour cette partie-là de sa ligne de

 21   front face à la VRS. La brigade n'avait pas le droit d'empêcher la

 22   circulation à ceux qui avaient le droit de circuler le long de l'axe de

 23   communication.

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Petkovic, moi, la carte est

 25   telle que je ne vois pas de route, où vous aurez mis une flèche, ce numéro

 26   1. Non, c'est une zone escarpée qui n'est pas carrossable, on ne peut pas y

 27   passer. Donc c'est parfaitement théorique, tout ce que vous nous dites. 

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, j'ai essayé de vous

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  1   dire que le long de la route qui longe la Neretva, et ça c'est la voie

  2   numéro 17, que la brigade ne s'est pas déployée le long de cette route. Je

  3   vous parle des positions de la brigade dans ces montagnes. Derrière elles,

  4   l'espace était libre, il y avait des voies de communication que ce soit des

  5   hommes ou l'équipement, ils étaient libres de circuler.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne le vois pas sur la carte. A

  7   mon avis -- enfin, moi, sur cette carte, je vois la ligne que vous avez

  8   annotée dans deux, c'est là où se trouvent les routes. C'est dans une zone

  9   qui est en bleu, comme vous l'avez expliqué, cela signifie que c'est une

 10   zone sous contrôle du HVO jusqu'à ce qu'on arrive à l'annotation numéro 3.

 11   Donc le HVO à mon avis est parfaitement en mesure de décider qui va passer,

 12   qui ne va pas passer, à moins que je vous aie mal compris.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à

 14   ce moment-là, ce n'est pas le HVO qui décide qui passe ou qui ne passera

 15  pas. Le 4e Corps et la 1ere Brigade pouvaient dire par exemple 200 personnes

 16   se déplaceront vers Jablanica. Ils seront équipés et ils se mettront en

 17   marche vers Jablanica, à un poste, on verra 400 personnes se déplacer vers

 18   Jablanica. Je ne sais pas pour quelle raison, tout simplement ils

 19   emprunteront cette communication. A ce moment-là, la brigade n'a aucune

 20   raison d'arrêter qui que ce soit. Ce n'est pas sa mission non plus.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je dois donc me fier à vous, parce

 22   que je ne le vois pas sur le document. C'est ce dont vous vous souvenez ou

 23   c'est votre opinion; est-ce que vous avez des éléments qui permettent

 24   d'étayer vos dires ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 26   ne sais pas si vous vous rappelez tous les documents que nous avons

 27   examinés. Jusqu'au 20 juin, les routes vers Jablanica et Konjic étaient

 28   ouvertes pour tout le monde, jusqu'au 30 juin. Et tout ceux qui le

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  1   souhaitaient, pouvaient les utiliser. Le 4e Bataillon notamment de l'ABiH,

  2   est membre de l'armée de Jablanica pour aller au 4e Bataillon et Mostar. A

  3   ce moment-là, il n'y a pas de restriction, d'interdiction et la 2e Brigade

  4   n'allait pas dire, non, vous ne pouvez pas passer. De manière semblable,

  5   tout comme c'était le cas pour la 1ère Brigade de Mostar, vous pouvez voir

  6   qu'ici, à côté de Mostar, ils ne disaient pas, et le HVO doit quitter les

  7   casernes et quitter la région. Non, la caserne du HVO est restée dans la

  8   zone verte, ces personnes on les empêchait de passer.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- parce que c'est presque 19 heures

 10   10. Oui, juste quelques questions en ce qui concerne cette carte, car je

 11   pense que c'est important en ce moment.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- demain. On continuera demain parce

 13   que c'est 19 heures 10 et on a tout le temps, demain. Demain, vous

 14   reprendrez la parole et vous poserez les questions.

 15   Donc, demain, nous sommes d'après-midi à 14 heures 15.

 16   [Le témoin quitte la barre]

 17   --- L'audience est levée à 19 heures 08 et reprendra le mardi 16 février

 18   2010, à 14 heures 15.

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