Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 8 février 2011

  2   [Réquisitoires]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé Pusic est absent]

  5   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

 10   toutes les personnes ici présentes. Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre

 11   Prlic et consorts. Merci, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce mardi 8 février 2011, je salue toutes les personnes présentes. Et je

 14   vais céder la parole à M. le Procureur, M. Scott, qui va donc continuer son

 15   réquisitoire.

 16   M. SCOTT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 17   Juges, conseils de la Défense, les accusés. Bonjour à toutes et à tous, à

 18   tous ceux qui nous aident dans notre travail.

 19   Permettez-moi de présenter mes excuses aux interprètes avant de commencer.

 20   J'ai été beaucoup trop rapide. Je vais essayer de faire mieux aujourd'hui.

 21   Je ne sais pas si ma promesse sera tenue, mais je ferai de mon mieux.

 22   A l'interruption hier soir, nous nous sommes arrêtés à un moment où une

 23   décision très importante devait être prise, à savoir la reconnaissance

 24   pleine et entière du fait qu'Izetbegovic et les autorités de Bosnie-

 25   Herzégovine, la population musulmane dans son ensemble de Bosnie,

 26   n'accepteraient pas l'Herceg-Bosna. Je vous ai dit à la fin d'audience qu'à

 27   ce moment-là, Tudjman et ses collaborateurs, y compris les co-accusés, se

 28   trouvaient face à une décision très importante à prendre. Ils pouvaient

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  1   soit modifier leur stratégie, peut-être assouplir leur position, renoncer à

  2   certains de leurs objectifs, ou ils pouvaient plutôt choisir de renforcer

  3   la ligne sur laquelle ils se sont trouvés. Et malheureusement, c'est cette

  4   décision-là qu'ils ont prise. C'est cette option qu'ils ont choisie.

  5   Beaucoup de choses importantes se sont produites pendant les derniers mois

  6   de l'année 1992. Si nous avions le temps qu'il faudrait, nous examinerions

  7   semaine par semaine les déclarations faites par Tudjman, les déclarations

  8   des six co-accusés, les événements qui se sont produits, toute la

  9   planification, mais malheureusement, nous n'avons pas suffisamment de temps

 10   pour en parler.

 11   Une importante réunion s'est tenue en novembre 1992, une assemblée du HDZ

 12   de Bosnie-Herzégovine. Même si le parti n'était pas actif à ce moment-là,

 13   il a été gelé, comme certains témoins nous l'ont dit, il s'est néanmoins

 14   produit cette assemblée en novembre 1992, et une fois pour toutes, c'est

 15   Boban qui s'est emparé du pouvoir entièrement, non seulement formellement,

 16   mais -- en fait, je retire. Pas seulement réellement, mais de manière tout

 17   à fait définitive en son nom. Donc les modérés ont été écartés. Pelivan

 18   était parti. Brkic était parti. C'est Akmadzic qui prend sa place, et il a

 19   été élu -- il a été choisi par Boban en tant que l'un des cinq vice-

 20   présidents du parti à ce moment-là.

 21   De nombreuses choses importantes se produisent, mais permettez-moi de finir

 22   mon discours sur l'année 1992 de la manière suivante : en décembre 1992,

 23   Boban, Kordic, Boras et Akmadzic ont nettoyé définitivement le HDZ de

 24   Bosnie-Herzégovine de la plupart, si non de l'ensemble, de ses dirigeants

 25   modérés, même si Kljuc et bien d'autres avaient reçu bien plus de voix que

 26   Boban et sa faction lors des élections de 1990. Donc le HDZ de Bosnie-

 27   Herzégovine n'était plus du tout le même parti qui s'était présenté aux

 28   élections en novembre 1990, avec Kljuic, un modéré, remportant la plupart

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  1   des voix. Les Croates de Bosnie n'avaient jamais constitué un groupe

  2   monolithe. Ça n'a jamais été un groupe qui n'avait qu'une seule vision, une

  3   seule opinion uniforme des choses. Boban et ses acolytes n'avaient pas de

  4   fondement pour prétendre représenter l'ensemble des Croates de Bosnie.

  5   D'ailleurs, Tudjman lui-même reconnaît cela. Il dit aux dirigeants de

  6   l'Herceg-Bosna le 24 novembre 1995 :

  7   "Depuis le tout début, les Croates de Bosnie-Herzégovine n'étaient pas

  8   unifiés, parce qu'objectivement, ils ne pouvaient pas l'être parce qu'ils

  9   vivaient dans des circonstances et dans des conditions différentes." Il

 10   s'agit de la pièce P 04889 [comme interprété].

 11   A aucun moment depuis novembre 1990 il n'y a eu d'élections libres et

 12   démocratiques. A aucun moment il n'y a eu d'élections où on aurait élu le

 13   HDZ de Bosnie-Herzégovine sous cette forme-là. Personne n'a jamais élu le

 14   gouvernement du HVO. Les Musulmans n'avaient jamais voté pour ce

 15   gouvernement. On ne leur a jamais donné l'opportunité de voter pour

 16   l'Herceg-Bosna ou pour le gouvernement du HVO. Et d'ailleurs, on ne l'a pas

 17   donné aux Croates non plus. L'accusé Petkovic a répondu de la manière

 18   suivante sous serment :

 19   "Question : A quel moment les Musulmans ont-ils voté pour l'Herceg-Bosna ?

 20   "Réponse : Les Croates n'ont pas voté pour l'Herceg-Bosna non plus.

 21   "Question : Vous avez parfaitement raison, Monsieur. Personne n'a élu

 22   Boban, ni Prlic, ni Kordic, ni Bender, ni Boras. Personne ne les a élus de

 23   manière légitime à aucun de ces postes."

 24   En décembre 1992, l'appareil gouvernemental et militaire du HVO de

 25   l'Herceg-Bosna est bien mis en place. Depuis que Jadranko Prlic est rentré

 26   en fonction en août, il a transformé le gouvernement en un gouvernement qui

 27   fonctionne pleinement et qui est l'appareil le plus puissant de l'Herceg-

 28   Bosna. Donc il réunit les pouvoirs exécutifs, législatifs et

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  1   administratifs, il contrôle le fonctionnement des HVO au niveau municipal

  2   et il annule même tout travail et tout décret local que Prlic et son

  3   gouvernement considèrent comme n'étant pas sur la même ligne que la

  4   politique de l'Herceg-Bosna. Donc c'est Prlic, pas Boban, qui contrôle tous

  5   les leviers du gouvernement du HVO, y compris les départements exécutifs,

  6   la défense, les finances, la police. C'est Prlic, de concert avec Stojic,

  7   qui dirige, qui planifie, qui finance, qui équipe en ressources humaines,

  8   en armement et qui ravitaille les forces armées du HVO. C'est Stojic, ce

  9   n'est pas Boban, qui préside les réunions du département de la Défense, qui

 10   prépare le programme de travail du département et qui nomme la grande

 11   majorité des commandants du HVO.

 12   Sous la direction politique et militaire du HVO de l'Herceg-Bosna,

 13   avec Stojic à la tête du département de la Défense du HVO à partir du 3

 14   juillet 1992, et Milivoj Petkovic qui commande la branche militaire du HVO

 15   depuis le printemps 1992, le HVO, à la fin de l'été 1992, est une force

 16   armée bien organisée, placée sous un commandement central, avec un système

 17   de direction et de contrôle qui fonctionne.

 18   En décembre 1992, Petkovic rédige un rapport sur le fonctionnement

 19   des forces armées du HVO depuis le moment de son arrivée en Bosnie, à

 20   savoir le 14 avril 1992, et il déclare :

 21   "Les forces du HVO contrôlent aujourd'hui 90 % du territoire prévu

 22   comme devant être le territoire de la HZ HB. Un territoire prévu comme

 23   devant devenir le territoire de la HZ HB. Et avec un meilleur soutien

 24   matériel, ils sont prêts à le défendre."

 25   Petkovic rend compte que :

 26   "Après trois zones opérationnelles, 18 brigades, plusieurs unités

 27   professionnelles qui ont été mises sur pied en Herzégovine et en Bosnie

 28   centrale, on a mis sur pied tous les états-majors municipaux, ce qui a

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  1   accrû la qualité du commandement et rendu les unités plus mobiles. Dans un

  2   autre rapport de décembre, Ivica Primorac, un supérieur hiérarchique du

  3   HVO, confirme l'existence et l'opération de six unités professionnelles du

  4   HVO, y compris le Régiment Bruno Busic (qui a 'mené à bien régulièrement

  5   les missions qui lui ont été confiées sur l'ensemble du territoire de la HZ

  6   HB' et a été redéployé vers l'Heliodrom) et Ludvic Pavlovic, cette unité

  7   spéciale (décrite comme étant entièrement professionnelle, bien entraînée

  8   et 'bien équipée'), le Bataillon disciplinaire [comme interprété] ('qui a

  9   apporté une très grande contribution à la libération de Mostar', qui était

 10   basé à l'Heliodrom, 'il était prêt à mener à bien les missions les plus

 11   difficiles'), et puis nous avons aussi l'unité spéciale de Vitezovi en

 12   Bosnie centrale."

 13   Toutes ces unités professionnelles sont placées sous l'état-major

 14   principal du HVO et le département de la Défense, sous leur contrôle.

 15   Dans la suite de son rapport, Petkovic dit que le HVO constitue les

 16   "forces armées du peuple croate", et il rapporte que "ce sont des hommes

 17   'ordinaires', dévoués aux idées de la HZ HB," et il déclare "qu'ils sont

 18   prêts à défendre et à maintenir sous leur contrôle le territoire de la HZ

 19   HB."

 20   Il est intéressant de relever une version du rapport de Petkovic où

 21   il dit : "Les officiers de l'armée croate ont considérablement assisté le

 22   HVO dans l'organisation et le commandement des forces." Puis, des

 23   déclarations dans son rapport sur la participation de l'armée croate dans

 24   des opérations majeures en Bosnie-Herzégovine en avril, juin 1992, donc au

 25   moment où le Conseil de sécurité des Nations unies se plaint de la

 26   participation de la HV en Bosnie, eh bien, ces parties-là d'une version du

 27   rapport de M. Petkovic ont été barrées, mais il n'empêche qu'on les voyait

 28   encore. Les parties qui évoquent la présence de l'armée croate. Et je parle

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  1   là de la pièce P 00907.

  2   Petkovic confirme cela dans sa déposition. Fin juin 1992, les

  3   commandants des zones opérationnelles du HVO ont été mis en place, et à la

  4   fin de l'année 1992, la structure des brigades du HVO avait remplacé les

  5   états-majors municipaux. L'état-major principal avait établi des

  6   communications directes avec les commandements des zones opérationnelles,

  7   les différentes brigades, les bataillons et d'autres unités qui étaient

  8   directement rattachées à chacune des zones opérationnelles. Les unités

  9   professionnelles du HVO étaient directement rattachées à l'état-major

 10   principal.

 11   A en juger d'après Petkovic, toute, et je souligne "toute" unité du

 12   HVO -- donc on parle des unités du HVO. Chacune des unités du HVO faisant

 13   partie de l'organisation officielle du HVO, chacune d'entre elles était

 14   placée sous le commandement et la direction du HVO et, je cite, "placée

 15   sous le contrôle de la personne qui était à la tête de cette instance."

 16   Petkovic a confirmé qu'il avait, je cite, "il avait l'autorité sur mes

 17   commandants." Il a déposé que, je cite, "il avait l'autorité sur mes

 18   commandants," et aucune unité du HVO n'aurait pu exister de son propre chef

 19   ou agir de son propre chef.

 20   L'officier professionnel et supérieur hiérarchique du HVO Filip

 21   Filipovic confirme entièrement ces points. Il dit qu'à la fin du mois de

 22   juin 1992, le HVO était en communication avec ses unités, avait la capacité

 23   de les commander et de les diriger avec des mécanismes de compte rendu et

 24   d'autres structures et des processus. Donc il dit, je cite, "c'était un

 25   système de commandement et de direction normal."

 26   La défense a réitéré un argument disant que le pouvoir résidait du

 27   côté des Croates au niveau des municipalités. Hier, j'en ai parlé lorsque

 28   j'ai parlé du fonctionnement ou non-fonctionnement du parti, et je vais

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  1   revenir à cela. On dit que -- ou d'après certains des accusés, le pouvoir a

  2   véritablement résidé à ce niveau-là. Et souvent, ils évoquent les autorités

  3   municipales du HVO comme étant celles qui étaient véritablement

  4   responsables.

  5   Mais cela n'est pas vrai. Pas vrai du tout.

  6   Le HVO ou les responsables municipaux du HDZ de Bosnie-Herzégovine

  7   ont peut-être été davantage impliqués dans l'activité des forces

  8   paramilitaires des Croates de Bosnie pendant le tout début en 1991 et le

  9   printemps 1992. Mais les éléments de preuve sont tout à fait clairs là-

 10   dessus : ce n'était plus le cas au fond pendant la deuxième moitié de

 11   l'année 1992 et certainement pas en 1993. Tant l'accusé Petkovic que le

 12   commandant Filipovic ont déposé sous serment que ce qu'on a appelé les

 13   "états-majors municipaux" n'ont plus existé au moins à partir de la fin

 14   1992. Petkovic a déposé :

 15   "… nous avons structuré les brigades… Donc, en 1992, si je me

 16   souviens bien, ces états-majors municipaux se sont trouvés complètement

 17   démantelés."

 18   Le commandant du HVO Filipovic confirme la même chose. A l'automne

 19   1992, les brigades du HVO ont remplacé les états-majors municipaux, le

 20   commandement et la direction étaient améliorés, et la mobilité, accrue.

 21   Vers la fin de l'année 1992, le HVO représentait une puissance militaire

 22   considérable. Petkovic et Filipovic, qui sont tous les deux des militaires

 23   de carrière formés à la JNA, ont déposé dans ce sens. Donc les autorités

 24   municipales du HVO ne contrôlaient pas la branche militaire du HVO.

 25   Dans son rapport qui couvre la période de mai à décembre 1992, Prlic

 26   confirme :

 27   "… suite à la décision prise à Travnik le 17 octobre 1992…, toutes les

 28   formations armées du HVO ont été placées sous le commandement unique de

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  1   l'état-major principal. Elles ont été consolidées et l'efficacité des

  2   opérations a été améliorée."

  3   Ce même rapport confirme que le HVO était "la seule force militaire à

  4   défendre le territoire de la HZ HB." Cet élément de preuve se trouve dans

  5   la pièce P 00128.

  6   A la fois Petkovic et Filipovic témoignent que les autorités civiles

  7   locales n'avaient pas le pouvoir de commander les unités militaires du HVO

  8   ni d'émettre des ordres à leur intention. Petkovic répond sous serment, et

  9   nous l'avons vu hier :  

 10   "Votre déposition dans l'affaire Kordic, page 2685-06 [comme interprété]."

 11   Réponse à la question :

 12   "Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les ordres suivaient la

 13   filière de commandement verticalement depuis le commandant suprême jusqu'à

 14   l'état-major. Je n'ai pas reçu d'ordres hors de cette filière.

 15   "Question : Est-ce que vous avez reçu des ordres ou des directives d'autres

 16   hommes politiques mis à part M. Boban à aucun moment pendant que vous étiez

 17   à la tête des forces armées du HVO ?

 18   "Réponse : Non, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Personne à

 19   l'extérieur de cette filière verticale de commandement, Boban, Stojic, ne

 20   m'a donné des ordres à moi ou à l'armée.

 21   "Question : Et c'est bien le cas, n'est-ce pas ?

 22   "Réponse : Oui, c'est ce que je suis en train de dire. Personne ne m'a

 23   donné d'ordres hors de cette structure de commandement."

 24   Filipovic témoigne d'une manière analogue :

 25   "Réponse : Les autorités locales civiles n'avaient pas le pouvoir de

 26   commander les unités ou les brigades.

 27   "Question : Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que d'expérience,

 28   s'agissant de vous-même et de M. Blaskic, s'agissant des aspects

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  1   militaires, l'organisation, et en particulier le combat, d'après ce que

  2   vous avez dit dans l'affaire Kordic, ils 'se situaient toujours au sein de

  3   la filière de commandement' ?

  4   "Réponse : Sur les territoires où je me suis trouvé, personne ne pouvait

  5   commander, mis à part Blaskic, moi-même et les commandants des brigades.

  6   "Question : Et dans les différents endroits où vous vous êtes trouvé dans

  7   la zone opérationnelle de Bosnie centrale, à partir de 1992 jusqu'au

  8   printemps 1994, est-ce que vous avez jamais reçu un ordre militaire d'un

  9   dirigeant politique ou municipal ? Un ordre.

 10   "Réponse : Non."

 11   De fait, la branche militaire du HVO était l'armée de l'Herceg-Bosna. Elle

 12   défendait sa souveraineté et son territoire. Dans les amendements apportés

 13   au décret sur les forces armées du 17 octobre 1992, l'Herceg-Bosna s'est

 14   dotée d'un serment, donc il y a eu des prestations de serment réservées à

 15   l'ensemble des membres du HVO, et vous en avez vu une pour la brigade de

 16   Jure Francetic :

 17   "Je m'engage à exécuter mes tâches en tant que membre du HVO, de suivre les

 18   ordres de mes commandants de manière consciencieuse et en toute

 19   responsabilité. Je m'engage à protéger et à défendre ma patrie, l'Herceg-

 20   Bosna, sa souveraineté, son intégrité territoriale et tous ses citoyens,

 21   même au prix de ma vie."

 22   Cette prestation de serment n'évoque à aucun moment la Bosnie-Herzégovine

 23   et ses autorités. Elle ne parle que de la patrie Herceg-Bosna, sa

 24   souveraineté et son intégrité territoriale. Tout simplement, c'est trop

 25   facile de venir affirmer maintenant qu'il y avait une espèce de lien ou de

 26   loyauté vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine, que c'était implicite, alors

 27   qu'on aurait pu très simplement inscrire ces mots dans ce serment à

 28   l'époque si cela avait été la véritable intention.

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  1   A présent, je souhaite consacrer quelques moments aux différents plans de

  2   paix. Certains parmi les accusés, en particulier M. Prlic, ont consacré un

  3   temps considérable pendant la présentation de leurs moyens à la question

  4   des plans de paix, les négociations de paix, plan Cutileiro, Vance-Owen,

  5   Owen Stoltenberg, au fond, pour faire valoir que la communauté

  6   internationale aurait apporté son soutien ou sa bénédiction d'une certaine

  7   manière à ce que souhaitaient faire les dirigeants de l'Herceg-Bosna. Mais

  8   cela n'est pas vrai. En fait, nous avançons qu'on pourrait passer beaucoup

  9   de temps à se pencher sur les différents plans de paix, mais à moins de

 10   s'intéresser à quelque chose de très, très, très précis, le fait de parler

 11   de ces plans ne nous apporterait pas grand-chose.

 12   J'ai examiné l'ensemble de ces plans à plusieurs reprises, Cutileiro,

 13   Washington, Vance-Owen, et cetera, et voici ce que j'affirme en toute

 14   modestie : dans la communauté internationale, aucun représentant n'a jamais

 15   tracé une carte, l'aurait remise aux Herceg-Bosniens et leur aurait dit,

 16   C'est ce que vous souhaitez avoir. Pour être tout à fait précis, jamais

 17   aucun représentant de la communauté internationale n'a tracé des frontières

 18   de la banovina sur une carte et a dit à Tudjman, Voilà, c'est ce que vous

 19   souhaitez avoir. Ce que les parties ont souhaité est toujours venu des

 20   parties, y compris les dirigeants de l'Herceg-Bosna. Ce sont toujours eux

 21   qui ont formulé leurs aspirations, y compris les cartes.

 22   Deuxièmement : aucun représentant d'une organisation internationale n'a

 23   jamais dit aux représentants de l'Herceg-Bosna : "Je sais que vous êtes

 24   frustrés avec ces négociations. Pourquoi n'allez-vous pas expulser les

 25   Musulmans de Mostar Ouest, détruire le vieux centre de Stolac, affamer les

 26   gens à Dretelj. C'est bien." Jamais personne n'a dit cela. Jamais personne

 27   n'a accordé son soutien à cela.

 28   Troisièmement : aucun accord n'existe tant qu'il y en a pas eu un de passé,

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  1   donc on ne peut pas dire que c'est terminé tant que ce n'est pas terminé.

  2   Me Nozica affirme le 30 septembre 2006, page 7 021 du contre rendu

  3   d'audience, j'ai remarqué cela et je le maintiens :

  4   "On ne peut parler de l'existence d'un accord que si les deux parties sont

  5   consentantes."

  6   Précisément, on ne peut parler de l'existence d'un accord que si les deux

  7   parties sont d'accord. Sinon, jusqu'à ce moment-là, ce sont des paroles en

  8   l'air. C'est quelque chose qui agit en écrit variable. Ce n'est pas du tout

  9   terminé tant que ce n'est pas terminé.

 10   Donc, compte tenu de la situation de l'ex-Yougoslavie et compte tenu de la

 11   nature des négociations et des pourparlers, je me permettrais d'aller un

 12   pas plus loin. "Ce n'est pas terminé tant que cela n'a pas été terminé et

 13   pendant quelques jours de plus."

 14   MM. Bo Pellnas, Filipovic et d'autres témoins ont dit, Des cessez-le-feu,

 15   des négociations, il y en a eu à profusion. Bo Pellnas a dit à un moment,

 16   Je pense que j'ai compté 73 -- non, 79 cessez-le-feu. Je lui ai demandé,

 17   Qu'en avez-vous pensé ? Et Pellnas a dit :

 18   "Eh bien, au bout d'un moment, on n'attache plus beaucoup d'importance à

 19   tout ce qui existe sur papier. On attend de voir ce qui se passe avant de

 20   procéder à quelque appréciation que ce soit."

 21   Et Filipovic est d'accord. Il dit :

 22   "… tous ces documents, tous ces accords n'ont rien signifié à mes yeux

 23   parce qu'on me tirait tous les jours dessus."

 24   Donc il y a eu des négociations de paix, il y a eu des accords de paix,

 25   mais il n'y a pas d'accord tant que l'accord n'est pas véritablement passé.

 26   Ce n'est pas terminé tant que ce n'est pas vraiment terminé. Donc, quelle

 27   autre conclusion pourrait-on tirer de ces négociations ?

 28   Prenons les plans Cutileiro et Vance-Owen comme deux exemples. Voilà ce que

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  1   j'affirme :

  2   Cutileiro : la direction de l'Herceg-Bosna présente sa carte, et que se

  3   passe-t-il ? A quoi ressemble cette carte ? Elle ressemble à la banovina.

  4   B : Il n'y a jamais eu une véritable réunion réunissant les

  5   Musulmans, les Croates (et/ou les Serbes) ou de véritables négociations. Il

  6   y a eu un va-et-vient, mais jamais il n'y a eu de véritable accord. Les

  7   Musulmans n'ont jamais accepté qu'il y ait un territoire souverain séparé

  8   croate où les Croates existeraient entièrement hors de leur contrôle. Il

  9   n'y a pas eu d'accord final.

 10   J'ai bien cherché de manière très approfondie, mais à aucun moment il

 11   n'y a aucun plan de Cutileiro de proposé qui dirait : "Si les Musulmans ne

 12   sont pas d'accord, vous pouvez les expulser, détruire et piller."

 13   Prenons le plan Vance-Owen : l'Herceg-Bosna présente sa carte, la

 14   carte 34, qui ressemble beaucoup à la banovina.

 15   B : Il n'y a jamais eu de véritable réunion entre les Musulmans, les

 16   Croates (et/ou les Serbes). Il y a eu des négociations, on a avancé et on a

 17   reculé, mais en fin de compte, il n'y a pas eu de véritable accord. Les

 18   Musulmans n'ont jamais accepté qu'il y ait un territoire croate souverain

 19   où les Croates exerceraient le contrôle plein et entier indépendamment de

 20   la composition démographique de cette zone. Donc, pas d'accord final.

 21   J'ai bien regardé partout. J'ai regardé chaque note de bas de page,

 22   chaque disposition du plan Vance-Owen, mais aucune disposition n'affirme

 23   qu'au terme du plan Vance-Owen, "les Musulmans, s'ils ne sont pas d'accord,

 24   on peut les expulser, détruire et piller."

 25   Alors, si on veut se pencher sur de tout petits points, des détails, il

 26   faudra bien faire attention à la terminologie employée. Par exemple, ce qui

 27   est très important aux yeux de l'Accusation, c'est la formulation que l'on

 28   trouvera dans les documents du 25 mars 1993, pièce P 01398, prétoire

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  1   électronique, page 280 [comme interprété], la section E, "Retrait des

  2   forces", qui dit notamment :

  3   "… les forces de l'armée de Bosnie comme celles du HVO seront

  4   déployées dans les provinces 3, 8, 9 et 10 en vertu des conditions

  5   convenues entre ces forces."

  6   Et c'est ce genre de libellé qui va déboucher sur les événements de

  7   1993 et aboutir à cette soi-disant déclaration conjointe signée par Boban

  8   mais jamais par Izetbegovic.

  9   Quand on parle de plans de paix, nous, on dit -- eh bien, ça ne nous

 10   mène pas très loin, dans le fond. Il y a eu des entretiens, des

 11   négociations, des pourparlers. On a proposé une carte de banovina, mais il

 12   n'y a jamais eu d'accord. Alors, si on veut avoir quelque chose de bien

 13   concret, on ne peut pas se limiter à des généralités, utiliser des termes

 14   bateau. Il faut vraiment voir ce que les mots veulent dire.

 15   Revenons aux crimes commis en Herceg-Bosna. Parlons-en; ils sont commis sur

 16   une grande échelle, ils étaient généralisés et systématiques. C'est un fait

 17   capital. C'est une caractéristique qui traverse tous les éléments que vous

 18   avez entendus. C'étaient des crimes généralisés, systématiques, qui se sont

 19   produits et qui ont été commis à très grande échelle. Ce ne sont pas des

 20   actes isolés, le fait de tel ou tel gars qui avait passé une mauvaise nuit.

 21   Ce n'était pas, au fond, le fait de quelques rares soldats qui n'avaient

 22   pas bien dormi. Ce furent des crimes à grande échelle, des crimes

 23   systématiques qui suivaient des constantes, un modèle de comportement

 24   systématique, et qui se produirent non pas pendant quelques jours, même

 25   quelques semaines, mais pendant des mois. Ils ne se sont pas produits que

 26   quelques rares fois à quelques rares endroits; ils se sont produits de par

 27   toute l'Herceg-Bosna, à Prozor, à Stolac, à Mostar, à Vares. En octobre

 28   1992, en janvier 1993, en avril 1993, en juillet 1993 et en octobre 1993.

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  1   Peter Galbraith, qui témoignait, résumait ceci en répondant à des questions

  2   de M. Praljak :

  3   "Nous nous attendions à ce que des convois entrent en Bosnie tous les

  4   jours. Nous nous attendions à ce que des convois parviennent à Mostar tous

  5   les jours, mais pratiquement tous les jours, le HVO y a fait obstacle. Ce

  6   n'était pas quelques soldats isolés. C'était une décision de commandement

  7   prise par le HVO. Et lorsque nous avons finalement suffisamment exercé de

  8   pression sur la Croatie, les convois sont bien passés. Quand on a tiré sur

  9   Mostar Ouest, ce n'était pas le fait de l'un ou l'autre soldat qui se

 10   déchargeait à carabine. Ce fut le fait de l'artillerie. C'est une force

 11   militaire organisée qui a pris pour cible des zones civiles, qui a détruit

 12   un patrimoine culturel millénaire, qui a tué des gens. Les camps, ce ne fut

 13   pas le fait d'enlèvement par telle ou telle personne de quelqu'un qui se

 14   cachait dans une cave. Ce sont des milliers de personnes qui ont été ainsi

 15   entassées de façon organisée dans des camps militaires dans des conditions

 16   inhumaines. Les patrouilles de travail forcé, ce ne fut pas quelques

 17   individus sortis pour prendre quelqu'un pour le faire travailler, non, ce

 18   fut le fait d'une réalisation d'un pouvoir organisé qui avait à sa tête un

 19   chef politique, Boban, et qui avait un chef militaire en la personne de M.

 20   Praljak. C'est la raison pour laquelle, pour moi, il est responsable."

 21   Il y a eu, en janvier 1993, un ultimatum. Ce ne fut pas le fait d'un soldat

 22   du HVO dans sa petite maison de Stolac, mais ce fut la décision -- ce

 23   furent les actes des dirigeants politiques et militaires de l'Herceg-Bosna

 24   qui respectaient parfaitement la hiérarchie. Vous aviez Prlic, il y a un

 25   ordre qui avait été donné et qui était exécuté par le chef du département

 26   de la Défense, Stojic, puis un ordre qui était exécuté par Petkovic. C'est

 27   limpide.

 28   Le siège de Mostar Ouest [comme interprété] n'a pas été un fait

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  1   aléatoire qui n'a duré que quelques jours ou qui fut le fait de quelques

  2   soldats isolés. Ce fut un comportement systématique de mai ou juin 1993

  3   jusqu'au printemps 1994, et ceci sous les yeux mêmes de ceux qui étaient

  4   des officiers. A quelques mètres à peine se trouvaient ces officiers, à

  5   quelques mètres des événements alors qu'ils se déroulaient.

  6   Vous aviez un système de déportation, d'expulsion forcée. Ce ne fut

  7   pas le fait de quelques actes; ce fut une expulsion systématique des

  8   Musulmans par l'Herceg-Bosna. On a utilisé des centaines, voire des

  9   milliers, de Musulmans pour des travaux forcés pendant des mois. Ce ne fut

 10   pas le fait isolé de quelques rares individus, mais ce fut un programme

 11   hautement structuré avec des registres où l'on inscrivait ceux qui

 12   sortaient et ceux qui revenaient jour après jour. Malheureusement, certains

 13   ne sont jamais revenus parce qu'ils ont été tués au front alors qu'ils

 14   étaient obligés d'exécuter des travaux forcés. Ce fut parfaitement

 15   systématique. Il y avait des registres tenus au quotidien, vous l'avez vu.

 16   Ceci est encore affirmé par le fait que les accusés, ou la plupart

 17   d'entre eux, étaient au centre même de chacune des phases des grandes

 18   campagnes de l'Herceg-Bosna, que ce soit à Prozor en 1992 jusqu'en fin

 19   1993, ou ailleurs. Prozor, octobre 1992. Nous en avons parlé hier, on

 20   s'attendait à une confrontation. Praljak l'a dit : "On peut s'attendre à

 21   une confrontation." Et Susak, il le sait : "On s'y prépare depuis des

 22   semaines." Prlic ajoute : "Il semblerait que le conflit avec les Musulmans

 23   soit inévitable." Et tout ceci mène aux événements d'octobre. Les dés

 24   étaient jetés. La guerre était possible, et on s'y dirigeait.

 25   Je vous l'ai dit : Prlic-Stojic-Petkovic, ça, c'est la filière de

 26   commandement. C'est la voie hiérarchique.

 27   Il y a eu une réunion de 3 avril 1993 de la HZ HB, le HVO aussi,

 28   l'ultimatum. Il y a la décision Prlic-Boban-Stojic le 3 avril, avec une

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  1   action coordonnée par Petkovic et Praljak qui promeut la stratégie ainsi

  2   préparée en Bosnie centrale.

  3   Le 30 juin. Proclamation conjointe de Prlic-Stojic, ordre

  4   d'arrestation donnée par Petkovic. Il dit, Il faut tous les arrêter.

  5   Ce sont ces hommes-ci qui étaient présents à pied d'œuvre à chacune des

  6   grandes phases. Octobre 1992, janvier 1993, avril 1993, fin juin 1993.

  7   C'étaient eux qui menaient la charge. C'est eux qui prenaient les

  8   décisions. C'est eux qui donnaient les ordres.

  9   Permettez-moi quelques commentaires sur les éléments présentés par la

 10   Défense. Bien sûr, libre à la Défense de citer les témoins qu'elle veut,

 11   pour autant que ces témoins soient pertinents et ne se répètent pas dans

 12   leurs dires. Et, bien sûr, la Défense pouvait décider de ne citer aucun

 13   témoin, de ne présenter aucun moyen de preuve. C'était leur droit le plus

 14   élémentaire. Mais quand on présente des éléments à décharge, comme tout

 15   élément présenté, ça peut faire l'objet de commentaires, de contre-

 16   interrogatoire.

 17   En tout, la Défense a présenté 70 témoins, viva voce ou en

 18   application de l'article 92 ter ou du 92 bis. Sur ces 70 témoins, 61

 19   d'entre eux étaient des Croates. En principe, il n'y a pas de mal. Les

 20   Croates ont autant le droit que les autres de venir témoigner. Mais quand

 21   vous pensez que sur 70 témoins, 61 d'entre eux étaient des Croates et qu'on

 22   pourrait honnêtement dire, à notre humble avis, qu'au moins plus de la

 23   moitié d'entre eux étaient des initiés du HVO ou de l'Herceg-Bosna qui, à

 24   des degrés divers, s'inscrivaient dans le même programme et dans le même

 25   projet que les accusés. Citons quelques-uns d'entre eux qui ont témoigné

 26   publiquement : Neven Tomic, Zoran Buntic, Mile Akmadzic, Slobodan Bozic,

 27   Veso Vegar, Mirko Zelenika, Ivan Bagaric. Autant d'hommes qui ont occupé

 28   des postes de responsabilité dans l'appareil qu'avait formé l'Herceg-Bosna.

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  1   Ils faisaient partie de la famille de l'Herceg-Bosna. Leur dénégation et

  2   les explications que ces personnes ont données à propos des programmes

  3   politiques et comportements du HVO doivent être lues dans cet éclairage.

  4   A l'exception des quatre témoins de personnalité visés par l'article

  5   92 bis présentés par M. Prlic, la Défense n'a pas cité le moindre témoin

  6   international. Sur 70 témoins, on a cité à la barre seulement deux

  7   Musulmans et, à notre avis, sur des sujets marginaux, secondaires, qui

  8   parlaient de l'envoi d'armes à l'ABiH en 1992, mais qui n'avaient rien à

  9   voir avec les faits incriminés. Ils ne parlaient pas des expulsions, des

 10   destructions et des emprisonnements qui étaient le fait de l'Herceg-Bosna.

 11   Je vais bientôt m'attarder à chacun des accusés, mais je vais parler

 12   effectivement de M. Prlic et de M. Stojic. Mais je crois qu'il vous serait

 13   utile de passer en revue certaines affaires dont a connues ce Tribunal et

 14   qui concernaient des personnes occupant des postes de responsabilité. A

 15   titre liminaire, je voudrais vous citer ce qu'a écrit M. le Juge Meron dans

 16   un essai intitulé : "Crimes et responsabilité Shakespeare."

 17   "La responsabilité des crimes, qui est vraiment un thème central dans

 18   les pièces de Shakespeare, c'est aussi quelque chose qui est

 19   particulièrement pertinent à notre époque. Les journaux ont parlé du soin

 20   apporté par les dirigeants de l'ex-Yougoslavie à ordonner des atrocités

 21   dirigées contre des populations ennemies, mais seulement de la façon la

 22   plus indirecte possible, avec le plus d'euphémisme possible. Même les

 23   dirigeants nazis, lorsqu'ils parlaient de l'Holocauste, n'utilisaient que

 24   l'euphémisme. Aucun ordre explicite donné par Hitler n'a jamais été trouvé,

 25   aucun écrit. On n'a jamais trouvé un ordre écrit par Hitler qui aurait dit,

 26   Il faut la solution finale. Au faîte de leur pouvoir, les nazis

 27   considéraient que les données concernant l'assassinat massif des Juifs

 28   c'était top secret. Dans le même sens, un membre haut placé de la police

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  1   secrète en Afrique du Sud a dit à la commission de réconciliation qu'on n'a

  2   jamais donné des ordres écrits pour tuer des militants qui luttaient contre

  3   l'apartheid. Pour les escadrons, vraiment, ça a été pareil. Il ne suffisait

  4   -- on faisant un 'signe de tête ou un clin d'œil approbateur', et c'est

  5   tout.

  6   Et il n'y aura pas d'ordre écrit ici non plus pour dire : "Il faut

  7   tuer tous les Musulmans." Même s'il y a certains écrits qui se rapprochent,

  8   mais c'est le clin d'œil, c'est le signe de tête approbateur qui dit,

  9   Allez-y en douce, sachant ce que les conséquences seront.

 10   Nous pouvons, par exemple, nous attarder quelques instants sur l'affaire

 11   Milan Martic. C'était un Croate de Croatie qui occupait plusieurs postes de

 12   responsabilité dans les organisations serbes. Il a été le chef de la police

 13   serbe à Knin. Il a été secrétaire de l'Intérieur de la SAO de Krajina. Il a

 14   été ministre de la Défense de cette même SAO de Krajina. A un moment donné,

 15   il était adjoint au commandant de la Défense territoriale, et il a fini par

 16   être le président de la RSK, de la République de la Krajina serbe. Et

 17   pendant le plus clair de ce temps, c'était un fonctionnaire, un haut commis

 18   de l'Etat qui n'avait pas de pouvoir militaire explicite. Et pourtant, il a

 19   été déclaré coupable en raison de sa participation à une entreprise

 20   criminelle commune pour 16 chefs d'accusation. Il a été condamné à 35 ans

 21   d'emprisonnement.

 22   Voyons ce que dit le jugement Martic. Vous allez entendre ce libellé et

 23   vous examinerez la jurisprudence établie par ce Tribunal, pensez à la façon

 24   dont ces éléments peuvent s'appliquer aux personnes ici accusées.

 25   Paragraphe 448 du jugement Martic :

 26   "Les contacts qu'il avait avec d'autres membres de l'entreprise criminelle

 27   commune avaient déjà commencé au cours de l'automne 1990 et se sont

 28   intensifiés à partir de 1991. Les éléments de preuve prouvent que ces

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  1   contacts étaient des contacts intensifs, directs, et qu'en conséquence, un

  2   soutien considérable, soutien financier, logistique et militaire, a été

  3   apporté à la SAO et à la RSK. Les éléments sont manifestes, ils montrent

  4   que Milan Martic a œuvré activement avec les autres participants à

  5   l'entreprise criminelle commune pour réaliser l'objectif d'un Etat serbe

  6   unifié, ce qu'il a dit expressément plusieurs fois entre 1991 et 1995."

  7   Paragraphe 452 :

  8   "… lors d'une réunion qu'il a eue avec Cedric Thornberry," vous le

  9   connaissez, M. Thornberry, "le 14 juin 1993, Milan Martic exige que les

 10   Croates qui veulent quitter la RSK signent une déclaration disant que

 11   personne ne les a forcés à le faire. Milan Martic savait qu'il y avait un

 12   climat de persécution, de coercition," réfléchissez à ces mots, un climat

 13   de persécution et de coercition, "qui existait dans la SAO de Krajina et

 14   dans la RSK depuis longtemps, et que ceux qui n'étaient pas serbes et qui

 15   disaient vouloir partir l'ont fait sans avoir vraiment le choix. De plus,

 16   les éléments prouvent qu'à plusieurs reprises, et de façon publique, Milan

 17   Martic s'est opposé au retour des réfugiés."

 18   Paragraphe 453 :

 19   "La Chambre de première instance conclut, par conséquent, que Milan Martic

 20   avait l'intention d'user de la force pour déplacer la population non-serbe

 21   du territoire de la SAO de Krajina, qui est devenue plus tard la RSK, et a

 22   participé de façon active à l'exécution de l'objectif commun qu'avait

 23   l'entreprise criminelle commune."

 24   Momcilo Krajisnik, un Serbe de Bosnie, président de l'assemblée des Serbes

 25   de Bosnie, membre actif de la présidence de la République bosno-serbe. J'ai

 26   pensé qu'il était intéressant de voir ce qu'avait dit la Défense Krajisnik,

 27   parce qu'on y trouve certains termes qui vous seront, sans nulle doute,

 28   familiers parce qu'on les a retrouvés aussi dans les mémoires en clôture en

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  1   l'espèce. Vous avez ici vraiment des haut commis de l'Etat qui, tout d'un

  2   coup, se disent dénués de pouvoir et dépourvus de responsabilité.

  3   Voici ce que disait M. Krajisnik en août 2006, paragraphe 284 :

  4   "Les pouvoirs qu'avait M. Krajisnik en tant que président de l'assemblée

  5   étaient les plus exigus, les plus limités. La structure constitutionnelle

  6   illégale de la République serbe était assez conventionnelle au fond. Même

  7   si on laisse de côté la question de la présidence élargie (dont on parlera

  8   plus tard), il y avait l'appareil législatif et l'appareil exécutif. La

  9   position qu'occupait M. Krajisnik en tant que membre et président de

 10   l'organe législatif ne lui donnait aucun pouvoir exécutif, aucune

 11   responsabilité qui aille au-delà du pouvoir ou du fonctionnement de

 12   l'assemblé."

 13   Donc, sans doute aurez-vous déjà entendu quelque part des termes qui

 14   se font l'écho de ceci. Quand on prend la forme 1 de l'entreprise

 15   criminelle commune, ce fut la base sur laquelle Krajisnik fut déclaré

 16   coupable des crimes de persécution, extermination, assassinat, expulsion et

 17   transfert forcé. Il a été condamné à 27 ans en première instance, à 20 ans

 18   en appel.

 19   Paragraphe 236 du jugement :

 20   "Le 24 mars, l'assemblée bosno-serbe dit au conseil ministériel qu'il faut

 21   préparer un plan opérationnel de prise de pouvoir pour établir un pouvoir

 22   et rendre opérationnelles les autorités qui se trouvent sur le territoire

 23   de la République bosno-serbe.

 24   "C'est sur les instructions de l'accusé que l'assemblée, le 27 mars

 25   1992, a établi le MUP bosno-serbe, et puis s'est mise à approuver les

 26   proclamations des 'nouvelles municipalités serbes'."

 27   Ce furent là quelques-unes de ses contributions à l'entreprise

 28   criminelle commune.

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  1   Je ne vais pas vous parler du paragraphe 1 015.

  2   Au paragraphe 1 121 de son jugement, la Chambre de première instance

  3   Krajisnik conclut que la contribution de l'accusé s'est faite de cette

  4   façon-ci :

  5   "Il a formulé, engagé, promu, participé et encouragé au

  6   développement, la mise en place du SDS et aux politiques du gouvernement

  7   bosno-serbe qui cherchait à faire se réaliser l'objectif de l'entreprise

  8   criminelle commune.

  9   "B : Il a participé à l'établissement, au soutien et au maintien du

 10   SDS et des instances gouvernementales bosno-serbes au niveau de la

 11   république, de la région, de la municipalité, sous forme de cellules de

 12   Crise," et cetera, "et de cette façon, il a pu mettre en œuvre l'objectif

 13   poursuivi par l'entreprise criminelle commune."

 14   Je m'arrête un instant. Parlons de Sainovic, un des coaccusés dans le

 15   procès Milutinovic. A mon avis, il y a une grande similitude entre le rôle

 16   de M. Sainovic alors et le rôle de M. Prlic en l'espèce.

 17   Il était le premier ministre adjoint de la RFY, chef du commandement

 18   conjoint. On dirait que c'est un organe militaire, mais non. Ce n'était pas

 19   un officier militaire. Il n'a jamais joué de rôle dans l'armée. C'était une

 20   instance de coordination qui traversait toutes les structures, les

 21   structures civiles et militaires, la police, et, d'après le jugement

 22   Milutinovic, paragraphe 1 007, fonctionnait "pour informer ses membres de

 23   la situation, mais aussi pour engager un certain niveau d'échange et de

 24   coordination des informations et des renseignements." Il était aussi le

 25   chef de la commission de la RFY pour ce qui est de sa coopération avec la

 26   Mission de vérification du Kosovo établie par la communauté internationale.

 27   En raison de sa participation à la forme 1 de l'ECC, Sainovic a été

 28   déclaré coupable de crimes de persécution, d'expulsion, de transfert forcé

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  1   et d'assassinat, et condamné à 22 ans d'emprisonnement.

  2   Paragraphe 331 du jugement :

  3   "Par conséquent, la Chambre estime que Sainovic était un participant actif

  4   aux réunions du commandement conjoint, où il avait un rôle locomotif. De

  5   plus, il l'avoue lui-même, il rendait compte à Milosevic, Bulatovic et au

  6   ministre fédéral des Affaires étrangères… Et les différentes instructions

  7   qu'il a données (mentionnées ci-dessous) révèlent que c'était effectivement

  8   le coordinateur politique des activités de la VJ et du MUP au Kosovo en

  9   1998."

 10   De l'avis de l'Accusation, Jadranko Prlic a, au fond, joué un rôle

 11   similaire ici. Quand on parle de "coordinateur politique", je pense que

 12   ceci décrit assez bien ce qu'il faisait, parce qu'il était au milieu, au

 13   centre. Quand je dis au milieu, il était même au sommet de tout cet

 14   appareil qu'était le HVO. C'est lui, Jadranko Prlic, qui était le

 15   coordinateur au niveau du gouvernement de tout cet appareil. Ce n'était pas

 16   Boban. Et tout le prouve, tout l'indique. Je vous en dirai plus dans

 17   quelques instants. D'après tout ce que vous avez vu et entendu, ce n'était

 18   pas Boban qui était l'homme qui mettait la main à la pâte. Non, non,

 19   c'était le gouvernement de Prlic. C'était le HVO de la HZ HB qui était

 20   vraiment le rouage essentiel qui faisait tourner la machine de l'Herceg-

 21   Bosna. C'est le gouvernement de l'Herceg-Bosna, c'est celui de Prlic qui

 22   fait tout marcher. Sans cela, sans ce ciment, sans ce liant, tout

 23   s'effondre, et c'est Prlic qui est le boss. Il n'y a aucun autre organe,

 24   aucune autre personne en Herceg-Bosna qui a joué ce rôle. Je le répète, il

 25   n'y a aucun autre organe, aucune autre personne en Herceg-Bosna qui a joué

 26   ce rôle.

 27   Paragraphe 468 du jugement Sainovic.

 28   "Pavkovic, commandant de la 3e Armée de la VJ, avait une situation de

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  1   commandement et de direction surtout dans les forces de la VJ au Kosovo au

  2   moment où les crimes ont été commis. C'est lui qui a donné des ordres pour

  3   les actions et opérations menées par la VJ au Kosovo à cette époque. Sa

  4   correspondance pour ce qui est du MUP c'était Lukic, qui lui, pendant toute

  5   la campagne aérienne menée par l'OTAN, avait la responsabilité de jure et

  6   de facto sur les forces du MUP qui ont commis les crimes à une échelle

  7   massive. Sainovic lui-même c'était le coordinateur politique de la VJ et du

  8   MUP au Kosovo. Ils ont tous participé, tous trois, à la coordination de ces

  9   activités. Slobodan Milosevic, un autre membre de l'ECC, était tant le

 10   commandant suprême de la VJ que détenteur de pouvoir de facto significatif

 11   sur la MUP. Pour toutes ces raisons, les crimes commis par la VJ et le MUP

 12   sont imputables à Sainovic."

 13   Paragraphe 463.

 14   "… le fait que des individus associés à un accusé, et avec connaissance du

 15   fait que des crimes se commettaient, ceci conjugué avec la participation

 16   continue à des opérations conjointes avec ces individus, peuvent permettre

 17   de conclure à l'intention délictueuse, à l'élément moral qui animait un

 18   accusé."

 19   Paragraphe 443 :

 20   "Sainovic était au courant des allégations formulées par la communauté

 21   internationale à propos de la RFY. Par exemple, le 23 septembre 1998, le

 22   Conseil de sécurité 's'inquiète' du 'recours excessif et indiscriminé à la

 23   force de la part des forces de sécurité serbes et de la part de l'armée

 24   croate', et de l'avis du secrétaire général, ceci avait entraîné 'le

 25   déplacement de plus de 230 000 personnes de chez eux'. En tant que premier

 26   ministre adjoint de la RFY, Sainovic devait forcément avoir connaissance de

 27   cette résolution adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies."

 28   Paragraphe 465.

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  1   "Quand on voit la connaissance approfondie que Sainovic avait des crimes

  2   commis au Kosovo, pourtant il a très peu fait. Il a très peu pris

  3   l'initiative pour essayer de parer aux allégations, alors qu'il avait un

  4   pouvoir certain de facto et de jure dans la province, et il était un

  5   partenaire étroit de Milosevic…

  6   "Compte tenu de tout ceci, la Chambre a conclu que la seule déduction

  7   raisonnable c'est que Sainovic était animé de l'intention de déplacer par

  8   la force une partie de la population kosovar à l'intérieur du Kosovo ou à

  9   l'extérieur du Kosovo pour changer l'équilibre ethnique de la province et

 10   ainsi assurer la pérennité du contrôle qu'avaient les autorités serbes et

 11   fédérales sur la province."

 12   En fait, ici, nous allons parler du caractère prévisible. C'est le

 13   paragraphe 470. Rappelez-vous ce que nous disait M. Miller :

 14   "Comme ceci a été décrit ci-dessus, Sainovic avait l'intention de

 15   déplacer par la force une partie de la population kosovar et partageait

 16   cette intention avec d'autres membres de l'ECC, qui avait pour objectif le

 17   déplacement forcé de Kosovars à l'intérieur du Kosovo ou leur expulsion du

 18   Kosovo afin de pérenniser le contrôle qu'ils avaient sur la province.

 19   Sainovic savait qu'il y avait une vive animosité entre les Serbes de souche

 20   et les Kosovars de souche Kosovo en 1998 et en 1999. Il connaissait le

 21   contexte dans lequel allait s'inscrire ce déplacement forcé. Il était donc

 22   raisonnablement prévisible que d'autres crimes, dont des crimes

 23   d'assassinat, allaient être commis."

 24   Passons encore quelques instants à examiner la situation de M. Prlic.

 25   Parce que, si j'ai bien compris son mémoire en clôture, il dit surtout, en

 26   tout cas par rapport à tous les sujets, les événements retenus dans l'acte

 27   d'accusation, il n'avait aucun pouvoir, aucune autorité, aucune

 28   responsabilité. Et pourtant, dans son mémoire en clôture, Prlic passe

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  1   presque six pages à expliquer quels sont ses atouts et à nous donner par le

  2   détail son CV, qui est assez étoffé. Ça doit être assez difficile pour lui,

  3   parce que d'un côté il est assez fier finalement de ce qu'il a fait, il est

  4   fier de sa formation universitaire et de ces postes très importants qu'il a

  5   occupés, mais d'un autre côté, il nous dit, Non, tout ça ne veut pas dire

  6   grand-chose finalement. Moi, je n'avais aucun pouvoir. Je n'avais aucune

  7   autorité, aucune responsabilité.

  8   Dans son mémoire en clôture, il se déclare être un "esprit

  9   universel", une personne qui a fait de hautes études universitaires, qui

 10   est impliquée dans la vie politique depuis le lycée. Il déclare qu'il a

 11   énormément publié. Son "mémoire en tant que CV", d'ailleurs, énumère toutes

 12   les positions élevées qu'il a occupées, y compris ministre de la Défense de

 13   la Fédération de la BiH et de l'Etat de Bosnie-Herzégovine.

 14   Là, je m'arrête. Pour une personne qui déclare qu'il ne connaît

 15   absolument pas les forces armées, la question militaire, c'est un peu

 16   étrange de voir qu'à un moment, il s'est quand même retrouvé ministre de la

 17   Défense de la Fédération et de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Et il nous

 18   énumère aussi toutes les autres situations où il a toujours été au premier

 19   plan, si je peux dire, où il a eu le premier rôle.

 20   Donc, en espèce, les éléments de preuve contredisent complètement les

 21   arguments de Prlic selon lesquels il n'avait aucun pouvoir, aucune

 22   autorité. En revanche, ils corroborent bien son CV tel qu'on le retrouve

 23   dans son mémoire.

 24   Au cours de la période essentielle de l'acte d'accusation, d'octobre

 25   1992 à la fin d'août 1993, le HVO de la HZ HB de Prlic était très

 26   certainement l'entité la plus élevée et la puissante d'Herceg-Bosna, qui

 27   combinait les pouvoirs exécutifs, législatifs et administratifs, dans

 28   l'essor d'un gouvernement de guerre qui mettait en œuvre, qui écrivait et

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  1   qui administrait les lois, les politiques et les stratégies d'Herceg-Bosna.

  2   D'ailleurs, comme nous le disons dans notre mémoire, à cette époque,

  3   la présidence de la HZ HB, l'assemblée, la branche législative, le

  4   parlement, ne se réunissaient pas -- ne se sont pas réunis une seule fois

  5   entre le 17 octobre 1992 et le 28 août 1993. Au cours de toute cette

  6   période, tous les pouvoirs législatifs ont été délégués au gouvernement

  7   Prlic.

  8   Comme je l'ai dit, il n'y avait pas d'autre entité -- il n'y avait

  9   pas d'autre entité, pas d'autre individu autre que Prlic qui soit vraiment

 10   au centre du pouvoir en Herceg-Bosna, qui faisait tourner tous les rouages

 11   du gouvernement, et ce, de façon quotidienne.

 12   Le témoin de la Défense Zoran Buntic, représentant élevé du HVO,

 13   avocat d'ailleurs, et participant régulier aux réunions du HVO de la HZ HB,

 14   a confirmé sous serment qu'en octobre 1992, et je cite, "le HVO de la HZ HB

 15   était la plus haute entité chargée du pouvoir exécutif et du contrôle. Ça,

 16   ça ne peut pas être contesté."

 17   Et cela nous vient d'un témoin à décharge qui connaissait bien le

 18   HVO.

 19   En tant que président et ensuite premier ministre, Prlic était le

 20   maître, était donc responsable de, je répète, "cette plus haute entité

 21   chargée du pouvoir exécutif et du contrôle." La décision statutaire amendée

 22   de l'Herceg-Bosna sur l'organisation temporaire de l'autorité exécutive

 23   l'exprime très bien d'ailleurs dans l'article 9, dont je donne lecture :

 24   "Le président du HVO de la HZ HB," c'est-à-dire M. Prlic, "sera

 25   responsable des travaux du HVO de la HZ HB et en sera responsable. Il

 26   assurera l'unité des activités administratives et politiques du HVO de la

 27   HZ HB, coopèrera avec d'autres entités et autres organisations de la HZ HB

 28   et dirigera les activités du HVO de la HZ HB en tant qu'entité ainsi que

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  1   ses membres en tant qu'individus." Il s'agit de la pièce P 00303, article

  2   9.

  3   Buntic a confirmé que cet article, celui que je viens de vous lire,

  4   établit la responsabilité individuelle de Prlic en ce qui concerne la

  5   direction du gouvernement.

  6   Comme nous l'avons vu hier, Praljak a confirmé qu'il y avait un

  7   contrôle politique sur la branche militaire du HVO. Il dit :

  8   "La décision politique avait toujours priorité sur la décision

  9   militaire. On ne peut pas piloter la création d'un Etat de 20 centres à la

 10   fois, mais il faut qu'il n'y en ait qu'un…"

 11   Petkovic, d'ailleurs on l'a vu hier, a confirmé que les trois

 12   autorités politiques et civiles les plus élevées en ce qui concerne tout ce

 13   qui avait trait à la défense et aux questions militaires en Herceg-Bosna

 14   étaient Boban, Prlic et Stojic.

 15   Lors d'une interview du 22 avril 1993, où Prlic est décrit comme l'un

 16   des "hommes politiques les mieux formés de Croatie", Prlic déclare que le

 17   HVO était "prêt à défendre la nation croate et le territoire croate en

 18   Bosnie-Herzégovine, quels que soient nos ennemis, prêts à défendre leur

 19   territoire national et leur Etat."

 20   Lorsqu'il fait référence à "nos territoires", Prlic déclare, et je

 21   cite :

 22   "S'attendre à ce que la Bosnie-Herzégovine fonctionne en tant qu'Etat

 23   indépendant et unitaire, c'est parfaitement irréaliste."

 24   Et il déclare :

 25   "Si deux nations ne sont pas d'accord sur un même Etat, et s'il

 26   s'agit de nations constitutives, dans ce cas-là, il ne convient même pas

 27   d'aborder le sujet de l'Etat." Il s'agit de la pièce P 02021.

 28   Les témoins de la Défense Neven Tomic et Zoran Perkovic ont confirmé

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  1   que Prlic avait exécuté ses responsabilités en dirigeant les travaux

  2   d'Herceg-Bosna, que ce soit sous sa forme communauté ou sous sa forme

  3   république. C'est Prlic qui a façonné ces travaux. D'ailleurs, Rupcic a

  4   témoigné pour dire que Prlic était supérieur à la fois à Neven Tomic, qui

  5   était le chef de la trésorerie du HVO, et de l'accusé Stojic.

  6   Il était absolument clair pour tous les observateurs internationaux,

  7   y compris le Témoin DZ, que Boban et Prlic étaient les décideurs et que

  8   rien ne pouvait se faire en Herceg-Bosna sans eux. Le représentant de

  9   l'Union européenne, Christopher Beese, a identifié Boban comme étant le

 10   chef et Prlic étant comme tant le numéro 2 dans le HVO d'Herceg-Bosna, tout

 11   le monde étant subordonné à Prlic, à part Boban, bien sûr. Un autre

 12   représentant de l'Union européenne, qui connaissait bien le sujet, Ray

 13   Lane, a déclaré que la hiérarchie du HVO mettait Boban tout en haut,

 14   ensuite Prlic, Stojic, Petkovic et Coric. Le Témoin BF, je ne vais pas

 15   l'identifier, de toute façon je ne voudrais pas qu'il soit identifiable

 16   d'ailleurs, a déclaré que Prlic, en tant que chef du gouvernement du HVO,

 17   avait pouvoir sur tous les départements du HVO, y compris le département de

 18   la Défense. Beese a déclaré que Prlic, et je cite, "semblait tout savoir et

 19   semblait être capable de donner toutes les orientations dans tout domaine,

 20   qu'il soit civil ou militaire."

 21   Pourrions-nous maintenant, s'il vous plaît, passer à huis clos partiel,

 22   Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : je vais consulter mes collègues.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, normalement, un réquisitoire

 26   est public. Pourquoi voulez-vous un huis clos partiel ? Est-ce pour des

 27   témoins protégés ?

 28   M. SCOTT : [interprétation] Oui, tout à fait, tout à fait. Une partie de ce

 

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  1   témoignage s'est faite à huis clos partiel et l'Accusation considère qu'il

  2   risque d'être identifié, malheureusement, si nous sommes en audience

  3   publique, mais je suis entre vos mains. C'est un témoignage qui s'est fait

  4   à huis clos partiel.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, nous allons faire un huis clos partiel.

  6   Monsieur le Greffier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  8   partiel, Messieurs les Juges.

  9   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 10   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie. Je préfère être prudent, mais

 11   la Chambre pourra peut-être décider si j'étais trop prudent ou pas.

 12   M. Lane a témoigné principalement en audience publique, mais parfois il y a

 13   certaines parties qui sont faites à huis clos partiel, et il déclare :

 14   En vérité, Prlic était l'acteur clé du HVO d'Herceg-Bosna avec Tudjman,

 15   Susak et Boban. Et d'après le Témoin BH, qui est un autre témoin protégé,

 16   Prlic était le chef opérationnel. Jadranko Prlic était le chef. Je répète :

 17   "Jadranko Prlic était le boss, le chef. Il dirigeait toute la structure

 18   militaire de l'Herceg-Bosna… Tout montrait qu'en fait, c'était lui le

 19   chef."

 20   Le Témoin BF a témoigné en disant que Prlic était extrêmement fier de

 21   l'excellente organisation du HVO, et Beese, qui a rencontré Prlic à de

 22   nombreuses reprises, ne se rappelle pas d'une seule fois où Prlic ne

 23   semblait pas être parfaitement maître de la situation.

 24   Maintenant, Messieurs les Juges, nous pouvons revenir en audience publique.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience

 27   publique.

 28   [Audience publique]

 

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Continuez.

  2   M. SCOTT : [interprétation] Le 30 septembre 1993, le ministre croate de la

  3   Défense Susak a dit à Tudjman qu'il avait donné une instruction à Boban --

  4   il faut se rappeler de la séquence et du déroulement des événements. C'est

  5   Susak qui dit à Tudjman que lui, Susak, avait donné des instructions à

  6   Boban comme quoi il fallait nommer un premier ministre et que c'était Prlic

  7   qui allait être recommandé.

  8   Le 10 novembre 1993, Boban a officiellement confirmé le choix de Prlic, et

  9   son élection a ensuite été unanime. Tout bien remarqué que Tudjman, Susak

 10   et Boban ont donné leur appui total et unanime à Prlic en novembre 1993,

 11   après tous les événements, après tout ce qui s'était passé, après tous les

 12   crimes, toutes les tragédies qui avaient eu lieu depuis août 1992. Lorsque

 13   ceux qui étaient au pouvoir, Tudjman, Susak et Boban, ont dû choisir le

 14   nouveau premier ministre, ils n'ont pas eu d'hésitation, ils ont choisi de

 15   façon unanime Jadranko Prlic.

 16   Hier, la Chambre a entendu que les modérés n'ont pas vraiment eu une très

 17   longue vie dans ce milieu. Stjepan Kljujic était parti. Jure Pelivan, le

 18   premier ministre croate modéré est parti. Miljenko Brkic, qui était modéré

 19   à la tête du HVO, lui aussi est parti. Il ne restait, en fait, que Prlic.

 20   Prlic qui reçoit l'appui des chefs. Prlic qui est resté et qui, de plus, a

 21   vu son pouvoir augmenter. Donc on voit très bien qu'il faisait partie du

 22   premier cercle d'hommes de confiance de Tudjman.

 23   Le 20 juin 1998, Prlic a rencontré Tudjman seul. Ils ont regardé un peu le

 24   passé, comme nous le faisons souvent d'ailleurs. Ils se sont entretenus, et

 25   Prlic a parlé des erreurs qui avaient été faites, Prlic et Tudjman, peut-

 26   être qu'il y avait des erreurs qui avaient été faites et qu'ils avaient des

 27   problèmes avec la fédération à l'heure actuelle. Lorsque Tudjman l'a accusé

 28   de ne pas avoir pris les bonnes décisions au bon moment, Prlic a répondu de

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  1   la façon suivante :

  2   "Je n'appartiens à aucun courant. J'ai uniquement mis en œuvre ce que tu me

  3   disais et j'ai fait ça à tout moment. J'ai toujours mis en œuvre ce que tu

  4   me disais de faire," toi, Tudjman.

  5   Et Tudjman a répondu :

  6   "Eh bien, ce qui est sûr, en tout cas, c'est que tu es le plus intelligent

  7   de tous dans cette structure."

  8   Donc les raisons sont peut-être évidentes, mais Prlic s'est un peu fourvoyé

  9   en se montrant sous un jour modeste, en niant ses atouts, son intelligence

 10   et son talent. On ne peut pas dire que c'est faux, qu'il était un

 11   spectateur impuissant observant l'Herceg-Bosna alors que la guerre se

 12   déroulait, sans avoir aucun rôle à jouer, aucun pouvoir, sans être

 13   impliqué. Puisqu'à l'époque, il est évident qu'il était soit le numéro un,

 14   ou si ce n'est pas le numéro 1, au moins le numéro deux en Herceg-Bosna.

 15   Passons maintenant à Bruno Stojic. Quelques documents vont nous rappeler le

 16   rôle que Bruno Stojic a joué en l'espèce. Bruno Stojic était en train

 17   d'avoir la même conversation de "Graz" avec des Serbes de Bosnie importants

 18   le 5 mai 1992, la veille de la réunion de Boban avec Karadzic et Borac

 19   [phon] à Graz le 6 mai. Ils avaient exactement la même conversation, donc

 20   ce n'était pas une coïncidence, c'est impossible. Cela démontre bien que le

 21   but de l'Herceg-Bosna était bien connu et était partagé par toute la

 22   direction. La conversation impliquait Bruno Stojic et Branko Kvesic du côté

 23   bosno-croate et Momcilo Mandic et Mico Stanisic, qui est d'ailleurs accusé

 24   dans ce Tribunal, du côté bosno-serbe.

 25   Le 15 mai 1992, Kvesic était le chef du département de l'Intérieur du HVO,

 26   et il est resté d'ailleurs en poste jusqu'à la fin 1993.

 27   En mai 1992, Mandic, Momcilo Mandic, était le ministre de la Justice de la

 28   Republika Srpska, et Mico Stanisic était l'homologue serbe de Kvesic en

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  1   tant que chef du ministère de l'Intérieur de la Républika Srkspa.

  2   Dans une conversation le 5 mai, Stojic a clairement dit que les Herceg-

  3   Bosniens voulaient les frontières de la banovina et "rien d'autre".

  4   "Stanisic : Ecoute, Karadzic aussi veut faire affaire."

  5   Souvenez-vous, ça, c'est la veille de Graz. Juste avant Graz.

  6   Donc, je répète :

  7   "Karadzic aussi veut faire affaire. On doit s'asseoir et trouver une

  8   solution. Une fois que ça commence, on poursuivra.

  9   "Stojic : Arrête tout de suite. Qu'est-ce qui se passe ?

 10   "Stanisic : Eh bien, donne un peu d'initiative qu'on ait quelque chose…

 11   "Stojic : Toi et moi, ça n'a aucun sens.

 12   "Stanisic : On va vous donner tout ce qui est là : Visoko, Vares, Kakanj,

 13   Zenica. On va tout vous donner.

 14   "Stojic : Tu ne peux pas nous donner ce qui nous appartient. C'est la

 15   banovina de 1939.

 16   "Il faut qu'on trouve une solution le plus vite possible. Ça n'a pas…

 17   "Stanisic : Bruno, tu sais bien qu'on a toujours été prêts à discuter avec

 18   vous. Sois logique. Mais alors, eux sont rivés là-dedans. Oh, oh. Quand une

 19   secte religieuse veut un Etat, ça devient pire que tout.

 20   "Stojic : Tout ce qu'on veut c'est notre propre Etat.

 21   "Stanisic : Ouais, toi et moi. Et le troisième, qu'est-ce qu'on en fait ?

 22   "On va commencer un peu, t'en donner un peu. On en donne un peu, et comme

 23   ça on arrive à des frontières naturelles, et puis ce sera bien.

 24   "Stojic : Quelles frontières naturelles ?

 25   "Stanisic : Eh bien…

 26   "Stojic : C'est les frontières de 1939 et rien d'autre. Là, je suis

 27   sérieux.

 28   "Stanisic : Il faut qu'on voie ce qui est réaliste, quand même. Il faut

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  1   qu'on s'asseye et puis qu'on fasse un marché.

  2   "Stojic : Ce sera les frontières de 1939 et rien d'autre. Rien d'autre. Ha,

  3   ha."

  4   Ensuite, on poursuit :

  5   "Mandic : Ecoute, écoute. Faisons affaire. Comme l'a dit Mico, ça ne sert à

  6   rien que les gens meurent. Ça ne sert à rien.

  7   "Branko : Non, ça ne sert à rien.

  8   "Mandic : Tu auras ton Etat, on a notre Etat, et les Musulmans, eh

  9   bien, qu'ils aillent se faire foutre.

 10   "Branko : Bien dit.

 11   "Mandic : Marché conclu."

 12   Je pense que c'est frappant. Ça explique exactement quelle était

 13   l'attitude de tous ces gens à l'époque.

 14   Dans ses mémoires en clôture, Stojic essaye de dire que cette

 15   conversation n'était que des plaisanteries entre amis et rien de plus, mais

 16   d'après l'Accusation, et voici ce qu'elle vous affirme, c'est souvent

 17   lorsqu'on s'exprime entre amis qu'on dit vraiment ce qu'on pense

 18   finalement.

 19   Nous avons d'autres documents, d'ailleurs, qui ne peuvent être

 20   écartés comme étant de petites plaisanteries. Un rapport du 14 juin 1993,

 21   le P 02770, allant à Bruno, Petkovic et Keza. Ça doit être Zarko Keza.

 22   "Environ 90 Musulmans ont été chassés hier du quartier de DUM, rue Petra

 23   Drapsina. Mis à part certaines entrées forcées dans les appartements, peu

 24   de femmes ont été violées devant des témoins oculaires. Certaines femmes

 25   ont été emmenées ailleurs, dans des directions inconnues, et un grand

 26   nombre de personnes ont été frappées et maltraitées. Il y a des allégations

 27   de nouveaux assassinats de civils, et nous allons vous en informer. Les

 28   auteurs de ces derniers crimes, d'ailleurs, sont principalement des membres

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  1   du 4e Bataillon, Vinko Martinovic - Stela, Bobo Peric, Damir Peric, Ernest

  2   Takac et Nino Pehar - Ziga."

  3   Donc 90 Musulmans chassés hier. Quelques femmes violées.

  4   Le P 03181, rapport du 5 juillet 1993 à Bruno Stojic en personne.

  5   "Sujet : Familles des membres d'unités balija.

  6   "Nous vous envoyons en pièce jointe la liste des familles de la

  7   commune locale de Zahum dont les membres appartiennent à des unités de

  8   balija.

  9   "Ensuite, vous avez une liste de sept noms.

 10   "Remarque :

 11   "La rue Kavazbasina n'a pas été nettoyée de ces balija."

 12   Ensuite, 2 :

 13   "A la rue M. Gupca, numéro 109, des balija se cachent dans un garage

 14   et dans l'abri qui est juste à côté d'un supermarché. Au signal, il

 15   faudrait faire un raid dans la soirée."

 16   P 04352, 20 août 1993, rapport de Stanko Bozic, le gardien de

 17   l'Heliodrom, à Bruno Stojic.

 18   "Le 11 août 1993, la Croix-Rouge a commencé à faire des listes de tous les

 19   détenus et, pendant les deux jours suivants, a pris des messages.

 20   Lorsqu'ils ont terminé de travailler dans la prison, un représentant de la

 21   délégation, M. Franco Faro et moi, en tant que gardien de prison, avons

 22   discuté. M. Franco m'a fait remarquer qu'il y avait des infractions aux

 23   conventions de Genève :

 24   "1. Les détenus étaient envoyés au travail;

 25   "2. La qualité et la quantité de la nourriture, ils demandent que tout ceci

 26   augmente;

 27   "3. Il y a de très mauvaises conditions dans les cellules

 28   d'isolement.

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  1   "Concernant ces infractions, M. Franko m'a averti et m'a obligé, en

  2   tant que gardien de prison, à m'assurer que ceci ne se répéterait pas à

  3   l'avenir ou il y aurait plainte à notre sujet au Tribunal international."

  4   J'imagine qu'il y en a eu, d'ailleurs.

  5   "Après le départ de la Croix-Rouge, nous n'avons pas pu corriger ces

  6   erreurs. Au contraire, le nombre de personnes blessées et tuées sur le lieu

  7   de travail augmente tous les jours."

  8   Donc M. Stojic essaye de déplacer ses responsabilités en les faisant

  9   endosser par M. Boban en disant qu'un grand nombre de fonctions et

 10   d'attributions n'étaient pas vraiment les siennes, qu'il n'en disposait pas

 11   vraiment, mais l'Accusation considère que l'autorité et les fonctions que

 12   Boban n'exerçait pas lui-même en tant que commandant suprême étaient

 13   déléguées à Stojic, soit expressément, soit tacitement, soit par défaut, ce

 14   qui d'ailleurs correspond parfaitement aux éléments de preuve écrits de

 15   jure ainsi qu'aux éléments de preuve que l'on trouve dans les faits.

 16   Davor Marijan était un expert appelé par la Défense Stojic. Lorsque,

 17   au cours du contre-interrogatoire, on a demandé à qui Boban déléguait son

 18   pouvoir -- je vais expliquer un petit peu ce qui se passe ici, parce qu'en

 19   fait, Marijan disait qu'il avait regardé tous les documents et il n'avait

 20   jamais pu trouver d'indication expliquant que Boban eut exercé ces

 21   fonctions. Il n'y a aucun document papier qui expliquerait ça. Il n'y a pas

 22   de trace écrite qui l'explique. Alors, s'il n'exerçait pas ces pouvoirs,

 23   qui les exerçait ? Or, il y a une disposition au titre du statut du HVO, la

 24   pièce P 00588, article 30 du décret du HVO, qui déclare :

 25   "Le commandant suprême des forces armées peut déléguer certaines

 26   missions de direction et de commandement des forces armées au chef du

 27   département de la Défense," c'est-à-dire M. Stojic.

 28   Donc, pour revenir à M. Marijan, lorsqu'on lui a demandé au cours du

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  1   contre-interrogatoire à qui Boban déléguait ses pouvoirs en tant que

  2   commandant suprême de la branche militaire du HVO, ce n'est pas surprenant,

  3   puisqu'il était à décharge, qu'il n'ait pas déclaré que c'était Stojic. Il

  4   a plutôt préféré faire endosser le rôle à Petkovic. Mais pourquoi a-t-il

  5   choisi Petkovic plutôt que Stojic ? Eh bien, quand on lui a demandé,

  6   Pourquoi vous dites cela, pourquoi vous dites que c'est Petkovic plutôt que

  7   Stojic ? Il a dit que c'est parce qu'il n'avait trouvé aucune décision

  8   écrite de Boban déléguant ses pouvoirs à Stojic. Le problème c'est qu'il

  9   n'y a pas la moindre trace écrite qui montre que c'était Petkovic qui

 10   recevait le pouvoir. Donc, à la fois les textes et les faits montrent bien

 11   que c'était à Stojic que les pouvoirs étaient délégués.

 12   D'ailleurs, ce décret est implicite dans l'ensemble des textes

 13   législatifs. On voit bien que le chef du département de la Défense est le

 14   représentant le plus logique du monde politique ou civil qui doit endosser

 15   la responsabilité du commandement des forces armées du HVO si Boban, pour

 16   une raison quelconque, n'est pas disponible.

 17   Peut-être serait-il le temps de faire la pause, Monsieur le Président

 18   ?

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire donc la pause de 20 minutes.

 20   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 21   --- L'audience est reprise à 10 heures 53.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise. La Chambre va rendre

 23   une décision orale concernant le transcript de la page 31, lignes 8 à 25.

 24   Après avoir étudié le transcript et constaté que le nom des témoins

 25   protégés ne permettait pas leur identification, la Chambre décide de lever

 26   la confidentialité et de rendre publiques les lignes 8 à 25 de la page 31.

 27   Monsieur Scott, vous pouvez continuer.

 28   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

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  1   n'ai aucune objection, bien sûr. D'ailleurs, à quoi servirait une objection

  2   de ma part. Mais bon, je n'ai aucune objection. Bien entendu, nous essayons

  3   d'être prudents, mais j'ai compris que la Chambre a étudié cela de près. Je

  4   suis tout à fait d'accord avec la décision prise par la Chambre d'ailleurs.

  5   Nous nous étions arrêtés à la délégation de pouvoir de M. Boban, délégation

  6   de ses pouvoirs à M. Stojic, mais avant la pause, nous parlions

  7   principalement de l'analyse de jure en nous basant sur le décret amendé des

  8   forces armées, mais de plus, les éléments de preuve de facto, le monde

  9   réel, en fait, la façon dont les choses fonctionnaient vraiment, tout ceci

 10   montre bien que c'était bien M. Stojic qui était la première personne à qui

 11   ces pouvoirs étaient délégués.

 12   Christopher Beese, représentant de l'Union européenne, il déclare :

 13   "Bruno Stojic était au poste le plus élevé de la hiérarchie militaire et

 14   commandait les forces militaires par le truchement des généraux."

 15   Le Témoin DZ, et je pense qu'il ne pourra pas5 être identifié, déclare donc

 16   :

 17   "Bruno Stojic se concentrait sur les actions militaires et donnait à Boban

 18   et à Prlic ce qu'ils voulaient, et ce qu'ils voulaient, c'était un Mostar à

 19   genoux. Stojic était effectivement le ministre de la Défense et était

 20   toujours accompagné de soldats. Il connaissait bien les questions

 21   militaires et connaissait bien les gens sur le terrain. C'était lui qui

 22   faisait le lien entre Petkovic, les autres représentants militaires de

 23   Zagreb, et les acteurs militaires sur le terrain qui, eux, étaient des gens

 24   du cru. Et parce que lui aussi était du cru, il était respecté des soldats

 25   locaux." Et vous trouverez cela dans la pièce P 10367.

 26   Le Témoin BH a déclaré :

 27   "Bruno Stojic avait de l'autorité. C'était un chef qui était responsable

 28   des affaires militaires et du côté opérationnel de toutes les questions

Page 51915

  1   militaires et des questions de défense."

  2   Un grand nombre d'éléments de preuve montrent aussi quel était le rôle

  3   direct joué par Stojic dans les questions militaires, et vous en trouverez

  4   d'ailleurs un échantillon en pièce jointe du mémoire final de l'Accusation.

  5   Il y a, entre autres, les ordres de Stojic aux commandants du HVO sur le

  6   terrain, des ordres de mobilisation, l'implication directe de Stojic dans

  7   les ordres concernant des opérations militaires, des rapports émanant du

  8   terrain afin que Stojic soit mis au courant de l'évolution de la situation

  9   et des documents montrant que Stojic fournissait aux forces sur le terrain

 10   des équipements matériels et un soutien logistique.

 11   Tout ceci corrobore et est corroboré d'ailleurs par le rôle que l'on voit

 12   Stojic jouer à Mostar le 10 mai 1993 dans un clip de la BBC où on voit le,

 13   je cite, "ministre de la Défense du HVO à la tête des forces croates à

 14   Mostar." Nous allons d'ailleurs voir cette séquence. Il s'agit de la pièce

 15   P 04238.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Le journaliste : Un jour très calme à Mostar. Une position de sniper

 19   des Musulmans vient de tirer. Il y a des échanges de mitrailleuse. Le

 20   cessez-le-feu n'est pas encore en cours. La semaine a été épouvantable.

 21   Les forces croates dirigées par le ministre de la Défense Bruno Stojic ont

 22   150 blessés. Il y a certainement plus de victimes musulmanes. En tout, il

 23   pourrait y avoir au moins 500 morts dans la ville et au moins 200 Croates

 24   qui ont disparu au nord.

 25   Il essaie de gagner du temps, mais c'est une guerre vraiment sanglante et

 26   difficile, et rien de peut nous surprendre

 27   Ces conflits récents dans la région étaient supposés être contrôlés

 28   par les Espagnols qui ont subi ses premières victimes notamment à Mostar.

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  1   Maintenant, apparemment, on prévoit l'offensive suivante.

  2   Nous sommes en Bosnie centrale, où les Croates viennent de prendre 11

  3   soi-disant Moudjahidines du Moyen-Orient et du Bangladesh. Apparemment, ils

  4   sont des trafiquants d'armes, et trois ont été emmenés au combat. Martin

  5   Bell."

  6   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. SCOTT : [interprétation] Je tiens à dire pour les Juges de la Chambre

  8   qu'il faut comparer les conditions dans l'hôpital que nous venons de voir,

  9   où il y a les soldats du HVO, et les conditions que vous connaissiez bien

 10   en ce qui concerne l'hôpital de guerre sur Mostar Est. On a vu quelques

 11   clips à ce propos. Le contraste est assez frappant, je peux le dire.

 12   Dans le mémoire en clôture de M. Stojic, on parle aussi de la

 13   nomination des officiers militaires supérieurs, et M. Stojic déclare que

 14   c'était, en fait, Boban qui était responsable de tout cela. Et Stojic

 15   déclare qu'en fait, "son rôle n'était qu'administratif en ce qui concerne

 16   la procédure de nomination."

 17   L'Accusation n'a jamais contesté les décrets de jure et la

 18   législation d'Herceg-Bosna où le président d'Herceg-Bosna, c'est le poste

 19   de Mate Boban, est décrit comme étant le commandant suprême, mais cela ne

 20   signifie pas que Stojic ne disposait pas de responsabilités importantes en

 21   ce qui concerne les questions militaires et les questions de Défense.

 22   En ce qui concerne la nomination d'officiers de haut rang du HVO, les

 23   éléments de preuve de jure et de facto montrent bien que ces nominations

 24   faites par Boban étaient principalement basées sur des recommandations

 25   faites par le chef du département de la Défense et le chef de l'état-major

 26   général du HVO. Pour les affaires courantes, c'était le chef de l'état-

 27   major principal qui faisait une recommandation au chef du département de la

 28   Défense, le chef de l'état-major principal étant soit M. Petkovic, soit M.

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  1   Praljak, cela dépend de la période de référence. Et le chef du département

  2   de la Défense en ce qui concerne la période de référence à l'acte

  3   d'accusation est M. Stojic.

  4   Et si le chef du département de la Défense approuvait la nomination,

  5   la recommandation était envoyée à Boban pour la finalisation. On le voit

  6   d'ailleurs dans la décision du 20 mai 1993 sur l'organisation interne du

  7   département de la Défense, pièce P 02477, article 3(B).

  8   L'expert de la Défense Marijan l'a bien confirmé d'ailleurs, et je cite :

  9   "Lors de l'interrogatoire principal, vous avez convenu qu'il s'agissait de

 10   postes élevés et que c'est pour ceci qu'il fallait avoir l'approbation de

 11   M. Boban. N'est-il pas vrai que ces postes devaient aussi avoir reçu

 12   l'approbation du chef du département de la Défense ?"

 13   "Réponse : En effet. C'est correct. De partir de ceci," donc la pièce dont

 14   je donnais lecture, la P 02477, 3(B), "on voit que c'était lui qui donnait

 15   son approbation pour ces nominations."

 16   Ce processus montre très clairement quel rôle essentiel ont joué Stojic,

 17   Petkovic et/ou Praljak.

 18   Avant de passer à autre chose je tiens à vous dire la chose suivante

 19   : étant donné le rôle joué par Stojic dans la nomination d'officiers et de

 20   commandants du HVO de haut grade, on peut se demander pourquoi il n'a pas

 21   dit non à la proposition de nommer Ivica Rajic colonel quelques jours

 22   uniquement après Stupni Do.

 23   En plus du rôle très important joué par Stojic, en haut de l'échelle des

 24   commandants du HVO, il y avait le pouvoir de désigner et de relever de

 25   leurs fonctions les militaires jusqu'au niveau de commandant adjoint de

 26   brigade. Cela veut dire qu'il s'agissait là de positions de commandants

 27   importants au sein de l'état-major principal et des ordres opérationnels du

 28   HVO. Donc il a joué un rôle considérable. Même au niveau des adjoints de

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  1   commandants de brigade, nous savons que ce sont ceux qui, au jour le jour,

  2   dirigent les opérations sur le terrain.

  3   M. Stojic était directement responsable de les désigner et de les relever

  4   de leurs fonctions. Cela pouvait constituer un instrument très important

  5   entre les mains de M. Stojic lui permettant de contrôler le comportement du

  6   HVO. Donc, lorsqu'il y a des problèmes au niveau des adjoints des

  7   commandants de brigade, lorsqu'il y a des crimes qui sont commis,

  8   lorsqu'ils se livrent à l'incendie volontaire de maisons musulmanes, il

  9   pouvait les relever de leurs fonctions s'il l'avait choisi. Il avait un

 10   instrument très puissant entre ses mains.

 11   Parlons maintenant du collège au sein du département de la Défense. On se

 12   rappellera que c'était une instance importante au sein du département de la

 13   Défense qui comportait les chefs des sous-départements. Et c'est le collège

 14   qui constituait un groupe de travail très important, qui se réunissait

 15   régulièrement et qui comprenait non seulement les chefs des sous-

 16   départements et d'autres chefs d'unités administratives, mais aussi, ce qui

 17   est plus important, le chef de l'état-major principal et M. Coric, le chef

 18   de l'administration de la police militaire du HVO. Entre autres, le groupe

 19   a fonctionné en se préoccupant de tous les aspects de la Défense et les

 20   aspects militaires.

 21   Donc il est clair que M. Stojic attachait une importance à ces réunions, et

 22   il a demandé au général Praljak d'être présent lors de chacune de ces

 23   réunions. Je vous renvoie aux pièces P 04646 et P 04756.

 24   M. Stojic, en tant que ministre de la Défense, n'approuvait pas lorsque M.

 25   Praljak ne se rendait pas en personne aux réunions. Il lui a demandé de s'y

 26   rendre.

 27   S'agissant de la mobilisation, dans le mémoire en clôture de Stojic,

 28   on souligne que c'était le rôle qui a été joué au premier chef par Boban,

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  1   ou plutôt, exclusivement par Boban. Ce qui est entièrement faux. Le témoin

  2   expert de Stojic, Davor Marijan, a confirmé que la tâche de la mobilisation

  3   relevait bien de la description du poste de Stojic.

  4   Je vous renvoie à la page du compte rendu d'audience 35 902, où M. Marijan

  5   affirme :

  6   "Je pense que c'est M. Stojic qui reçoit cela, ce dernier élément, à savoir

  7   la mobilisation est quelque chose qui relève des attributions de M.

  8   Stojic."

  9   Je vous renvois à présent à la page du compte rendu d'audience 35 887, où

 10   Marijan, encore, parle de la proclamation conjointe par MM. Prlic et Stojic

 11   du 30 juin 1993. Et Marijan dit, Je ne sais pas, je n'ai jamais étudié le

 12   rôle joué par le président là-dessus. Mais s'agissant de M. Stojic :

 13   "C'est lui qui avait des responsabilités au sujet de la mobilisation.

 14   C'est lui qui se chargeait de la mobilisation."

 15   En fait, les éléments de preuve montrent que c'était Stojic le numéro un

 16   responsable des questions de mobilisation des soldats croates de Bosnie.

 17   L'ensemble des ordres de mobilisation du HVO qui ont été émis en 1993 ont

 18   été signés ou co-signés par Bruno Stojic, sans aucune participation de

 19   Boban.

 20   Très bien. La Défense Stojic, au fond, rejette toute notion d'importance

 21   accordée au rôle joué par Stojic sur le plan administratif, financier et

 22   logistique et du point de vue juridique et factuel. Ils affirment que :

 23   "S'agissant des opérations militaires, son rôle était purement

 24   administratif et logistique et ne peut absolument pas être compris comme

 25   ayant eu un impact important sur la commission des crimes."

 26   Paragraphe 244.

 27   L'Accusation tient à préciser qu'à la fois M. Stojic et les autres accusés

 28   ne peuvent pas invoquer le rôle insignifiant qu'ils auraient joué sur le

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  1   plan administratif, financier et logistique, fourniture d'armes et autre,

  2   puisque ces choses-là ne sont pas insignifiantes. Donc, administrativement,

  3   financièrement, logistiquement -- et il s'agit de contributions très

  4   importantes à l'entreprise criminelle commune et à d'autres formes de

  5   responsabilité pénale. La jurisprudence du TPIY est tout à fait claire là-

  6   dessus dans une série d'affaires; donc participation au niveau

  7   administratif, financier et logistique qui apporte le soutien à

  8   l'entreprise criminelle commune est clairement suffisante pour revenir à

  9   une "contribution significative à l'entreprise criminelle commune."

 10   S'agissant maintenant des ressources humaines, du ravitaillement, de

 11   l'équipement, les soins médicaux apportés aux militaires, des finances,

 12   tout cela fournit des instruments très importants permettant de contrôler

 13   le comportement l'armée.

 14   Comme le dit le général Eisenhower à un moment : 

 15   "On trouvera qu'il est plutôt facile de démontrer qu'il y a eu des

 16   batailles, voire des guerres, qui ont été gagnées ou perdues avant tout

 17   grâce à la logistique."

 18   La participation de Stojic au ravitaillement, fourniture d'armes, est

 19   quelque chose dont il se félicite dès 1991, bien avant qu'on le nomme à la

 20   tête du département de la Défense. Il était membre de la cellule de Crise

 21   du HDZ de Bosnie-Herzégovine créée en 1991. On le voit, pièce P 00058. De

 22   toute évidence, il a pris part à l'acquisition des armes et d'autres

 23   équipements et matériel, ce qui a permis que le général de l'armée croate

 24   Bobetko le rende responsable de la logistique au poste de commandement

 25   avancé de Grude en avril/mai 1992. La Chambre se rappellera le moment où

 26   Bobetko est envoyé "au front sud" par Zagreb. Il crée un poste de

 27   commandement avancé de l'armée croate en Bosnie vers le 14 avril 1992. Il

 28   désigne environ 11 personnes dans ce noyau -- c'était un état-major du HVO.

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  1   Et deux de ces personnes sont M. Petkovic et M. Stojic, et donc M. Stojic

  2   est chargé de la logistique.

  3   Lors d'une réunion avec Tudjman le 10 mars 1992, Boban se félicite du

  4   comportement de Stojic qui a obtenu 150 nouvelles Golf pour l'Herceg-Bosna

  5   et "sans parler d'armes". Pièce P 00134.

  6   Et tout cela, en fait, fait partie de ses succès, et c'est la raison pour

  7   laquelle on le nomme à la tête du département de la Défense.

  8   Au moment où Stojic est nommé à la tête du département de la Défense du HVO

  9   le 3 juillet 1992, Stojic était le pivot, c'est autour de lui que tourne

 10   tout ce qui concerne les armes, les munitions et l'équipement militaire. Je

 11   vous renvoie au mémoire en clôture, paragraphes 552 à 560, de l'Accusation,

 12   où nous démontrons que Stojic, à la tête du département de la Défense, a

 13   exercé le contrôle plein et entier et qu'il a participé directement à tout

 14   ce qui a à voir avec les ressources humaines du HVO, la logistique et les

 15   finances. Vous vous rappellerez de nombreuses correspondances et des

 16   requêtes aux fins de financement envoyées et signées par M. Stojic,

 17   adressées à M. Susak, ministre de la Défense croate.

 18   Là encore, le témoin de la Défense, le témoin de Stojic, Davor

 19   Marijan, confirme qu'il n'y a pas de doute que le chef de l'état-major du

 20   HVO rendait compte au chef du département de la Défense, Bruno Stojic,

 21   s'agissant des armes, des munitions, du carburant, et cetera. Et Marijan a

 22   également déclaré dans son rapport d'expert que "les commandants des

 23   brigades du HVO et d'autres officiers, souvent, s'adressaient directement

 24   au chef du département de la Défense s'agissant des ressources humaines et

 25   du ravitaillement." Pièce 2D 2000, paragraphe 86.

 26   Parlons maintenant des prisons et des camps entre les mains du HVO.

 27   Il n'y a quasiment aucun doute sur l'existence des éléments de preuve, en

 28   quantité très importante, que ce soit de jure ou de fait, démontrant que

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  1   Bruno Stojic a joué un rôle de responsable majeur sur le plan des prisons

  2   et des camps de détention du HVO.

  3   Après la détention massive des civils musulmans à Mostar les 9 et 10

  4   mai 1993, la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées ont été

  5   relâchés au bout de dix jours à peu près. L'officier de la MOCE van der

  6   Grinten a rapporté à l'attention de Stojic quelques semaines plus tard la

  7   détention illégale des hommes musulmans, et Stojic a répondu : "Les 504

  8   prisonniers de l'Heliodrom n'ont pas encore été accusés, mais ils font

  9   l'objet d'enquête." Pièce P 02806, page du compte rendu d'audience 21 049.

 10   Pendant l'arrestation massive par le HVO des Musulmans en âge de

 11   combattre au début juillet 1993, Stojic donne l'ordre le 4 juillet 1993 aux

 12   municipalités de Capljina et de Stolac, et je cite, "d'assumer

 13   immédiatement les obligations de prise en charge et d'installation des

 14   membres arrêtés du MOS en âge de combattre et aptes à combattre." Pièce 4D

 15   00461.

 16   Parmi d'autres éléments de preuve, des éléments documentaires et les

 17   témoignages concernant les responsables de l'Heliodrom, Stanko Bozic et

 18   Josic Praljak, montrent que ces responsables du plus haut niveau de la

 19   prison du HVO comprenaient pleinement que Stojic était responsable, et

 20   c'est à lui qu'ils s'adressaient.

 21   Les éléments de preuve comportent toutes sortes de correspondances,

 22   de lettres, que je ne vais pas revoir en ce moment, mais qui ont toutes

 23   fait l'objet de référence dans le mémoire en clôture de l'Accusation.

 24   M. Stojic essaye d'éviter cela en contestant l'authenticité des documents.

 25   Il affirme qu'il n'y a aucun cachet et que cela ne montre pas que ces

 26   documents soient arrivés à son bureau. Mais l'Accusation rejette cet

 27   argument. Ces documents ont été collectés, pris dans les archives de

 28   l'Heliodrom, donc ne pouvaient pas comporter de cachet du département de la

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  1   Défense du HVO, mais ils s'insèrent logiquement dans la chronologie des

  2   correspondances qui ont été émises par les responsables de l'Heliodrom.

  3   Qui plus est, au moins trois sur les cinq lettres qui ont été

  4   montrées à Josip Praljak ont été identifiées par lui : P 03209, P 04352,

  5   ainsi que P 06170.

  6   S'agissant de la pièce P 06170, Josip Praljak a déposé en disant

  7   qu'il a remis en personne ce rapport au secrétaire de Bruno Stojic. Je vous

  8   renvoie à la page du compte rendu d'audience 14 801.

  9   Sauf pour la pièce P 05812, l'ensemble de ces rapports ont été

 10   signés. Tous comportent le cachet officiel. Tous les documents qui ont été

 11   pris dans les archives croates comportent le cachet de ces archives.

 12   Ensuite, s'agissant de la création de la commission Pusic en août

 13   1993 -- je ne sais pas exactement en quoi consiste l'argument de M. Stojic,

 14   il me semble qu'il cherche à démontrer qu'il a fait quelque chose de

 15   positif. Donc nous voyons que souvent, les accusés ici, d'une part,

 16   cherchent à démontrer qu'ils n'avaient aucune attribution, aucune

 17   responsabilité, et à d'autres moments, en revanche, ils cherchent à montrer

 18   qu'ils étaient en position d'agir bien. Donc je pouvais agir bien, mais je

 19   n'avais aucun pouvoir pour agir mal. Donc j'ai pu créer la commission Pusic

 20   pour résoudre un certain nombre de problèmes, mais je n'avais aucune

 21   responsabilité dans la création de ces problèmes.

 22   C'est Stojic qui nomme les membres de la commission Pusic, et je vous

 23   renvoie aux pièces P 03995 et P 04002.

 24   La Défense Stojic ne nie pas que Bruno Stojic a ordonné la mise sur

 25   pied de cette commission, comme je viens de le mentionner. En fait, la

 26   Défense Stojic affirme que cela a été une bonne chose et, en réalité,

 27   montre que s'il le voulait, il pouvait bien agir.

 28   Dans son mémoire en clôture, la Défense affirme qu'en fait, les

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  1   membres de la commission ne se sont jamais acquittés de leur mission et que

  2   cela nous prouve que Stojic n'avait pas d'autorité en matière des prisons.

  3   Cela n'est pas exact, cependant. Premièrement, Stojic a ordonné la création

  4   de cette commission, ce qui nous montre qu'il avait le pouvoir d'agir,

  5   comme je viens de le dire. Et en plus, il n'est pas vrai que la création de

  6   cette commission n'a pas été suivie des faits. En fait, ce qui s'est passé,

  7   c'est que cela a élargi le rôle de Berislav Pusic eu égard aux prisonniers

  8   et a confirmé son rôle-clé dans l'entreprise criminelle commune forme 1 et

  9   forme 2 et eu égard aux camps et à la déportation des Musulmans.

 10   S'agissant donc de l'ordre de Stojic portant création de la

 11   commission, Pusic a confirmé ses responsabilités de jure sur les

 12   prisonniers du HVO et sur le personnel du HVO qui les gérait en mettant en

 13   œuvre la directive de Stojic demandant de recueillir les éléments

 14   d'information sur les détenus et sur les conditions et les circonstances de

 15   leur détention. Pièce 04141.

 16   Ensuite, Stojic affirme que ce sont les juges militaires qui avaient

 17   la responsabilité sur les prisonniers se trouvant dans les centres de

 18   détention du HVO. Peut-être est-ce vrai, au moins dans la mesure où seuls

 19   ces soldats qui étaient détenus sur ordre d'un juge militaire du HVO. Mais

 20   l'Accusation affirme qu'il y en avait très peu dans ce cas de figure. Ce

 21   n'étaient pas des prisonniers de guerre. Pour la plupart, il ne s'agit pas

 22   là d'hommes musulmans détenus par le HVO. Donc, qu'un juge militaire ait pu

 23   avoir une certaine responsabilité sur un petit nombre de détenus dans les

 24   prisons et les centres de détention du HVO, cela ne permet pas de décharger

 25   M. Stojic de sa responsabilité.

 26   En fait, un des éléments de l'espèce concerne les individus qui n'ont

 27   absolument pas été catégorisés. On ne savait pas et le HVO ne savait pas de

 28   qui il s'agissait. Est-ce que ce sont des civils ? Des prisonniers de

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  1   guerre ? Des membres du HVO détenus ? Pourquoi les détient-on ? A quelles

  2   catégories appartiennent-ils ? Comment les a-t-on répartis dans les

  3   catégories ? C'était un des problèmes-clés dans l'espèce.

  4   Et ce qui est peut-être le plus important s'agissant de la position des

  5   juges militaires, et je vous renvoie à la pièce P 06520 citée par Stojic où

  6   l'on voit qui est responsable du fonctionnement de la prison de Ljubuski, à

  7   qui le juge militaire envoie-t-il son rapport ? Au chef du gouvernement, M.

  8   Prlic, du département de la Défense et à l'administration de la police

  9   militaire, donc MM. Prlic, Stojic et Coric. Aux yeux du juge militaire, ce

 10   sont eux les responsables.

 11   L'Accusation maintient sa position sur la responsabilité substantielle de

 12   Stojic eu égard à la police militaire du HVO comme nous l'avons précisée

 13   dans notre mémoire en clôture. Stojic ne semble pas, dans son mémoire en

 14   clôture, contester ce lien, mais il minimise son rôle. Il insiste sur le

 15   fait qu'il ne s'agissait "que de responsabilités administratives et

 16   logistiques."

 17   En revanche, l'Accusation affirme que son rôle et sa participation eu

 18   égard à la police militaire sont bien plus que cela, que c'est beaucoup

 19   plus que de "simples fonctions administratives, quelque chose qui, aux yeux

 20   de la Défense Stojic, serait insuffisant pour lui imputer une

 21   responsabilité pénale au sein de l'entreprise criminelle commune."

 22   Et enfin, parlons de l'aide humanitaire. S'agissant des entraves à la

 23   fourniture d'aide humanitaire, la position de Stojic semble consister à

 24   dire qu'il n'avait que le pouvoir de faire du bien et qu'il n'avait

 25   absolument aucun rôle à jouer, aucune responsabilité sur le plan de la

 26   circulation, la distribution et la réception de l'aide humanitaire. Donc,

 27   là encore, il se félicite d'avoir pu fournir de l'équipement sanitaire à

 28   l'hôpital de guerre de Mostar Est.

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  1   Un instant, s'il vous plaît.

  2   Les deux derniers sujets que je souhaite aborder : premièrement, le fait de

  3   montrer du doigt d'autres personnes, d'autres institutions, donc chercher à

  4   imputer la responsabilité à quelqu'un d'autre. Ce n'était pas moi. Je

  5   n'avais aucune responsabilité, aucune autorité, aucun pouvoir, donc c'est

  6   quelqu'un d'autre qui a agi.

  7   Plusieurs co-accusés montrent du doigt d'autres personnes, d'autres

  8   institutions, qui auraient, d'après eux, détenu le pouvoir véritable et à

  9   qui il convient d'imputer la responsabilité.

 10   Si l'on met de côté les moments où ils se reprochent les choses l'un

 11   l'autre, voyons qui ils montrent du doigt. Premièrement, bien entendu,

 12   peut-être le numéro un, c'est M. Boban. L'Accusation n'a jamais nié et nous

 13   ne nions pas aujourd'hui que Boban ait été le président de l'Herceg-Bosna,

 14   du moins théoriquement, ou de jure, il était le commandant suprême de la

 15   branche militaire du HVO.

 16   Mais la Défense cherche à rejeter la responsabilité sur les absents, peut-

 17   être sur Boban ou sur d'autres, et à ce sujet, je souhaite citer ce que

 18   Robert Jackson a déclaré en clôture à Nuremberg au sujet des absents.

 19   Jackson dit :

 20   "Je ne dérangerai pas ce consensus. Je ne nie pas non plus que tous ces

 21   morts et tous ces disparus sont eux aussi responsables. Dans des crimes qui

 22   sont aussi répréhensibles que le niveau de la culpabilité n'a plus

 23   d'importance, peut-être qu'ils ont joué les rôles les plus graves, mais

 24   cela ne décharge pas les accusés. Hitler n'a pas emporté dans sa tombe

 25   toute la responsabilité. Toute la responsabilité n'est pas enveloppée dans

 26   le linceul d'Himmler. C'est ces hommes aujourd'hui morts qui ont été

 27   choisis comme partenaires par les présents dans une grande fraternité de

 28   conspiration. Les crimes qu'ils ont commis ensemble, pour ces crimes, ils

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  1   doivent payer chacun d'entre eux."

  2   Voyons maintenant quel a été le rôle joué par Boban et sa relation avec les

  3   éléments de l'espèce. Admettons que Boban ait détenu un pouvoir

  4   considérable, il n'aurait pas pu gérer l'Herceg-Bosna et le HVO tout seul.

  5   Il ne pouvait pas. Il ne l'a pas fait, il n'a pas géré le gouvernement lui-

  6   même. C'est Prlic qui l'a fait. Il ne pouvait pas et n'a pas dirigé le

  7   département de la Défense du HVO lui-même. C'est Stojic qui l'a fait. Il ne

  8   pouvait pas et il n'a pas dirigé l'état-major du HVO lui-même. C'est

  9   Praljak et Petkovic qui s'en sont chargés. Il n'a pas dirigé la police

 10   militaire du HVO, puisque c'est Coric qui l'a fait. Et il n'a pas dirigé le

 11   service d'échange, puisque c'est Pusic qui l'a fait.

 12   Deuxièmement, même si Boban a été un protagoniste, un acteur de premier

 13   plan, c'est certain -- vous avez entendu déjà les moyens présentés depuis

 14   un jour et demi quant au rôle qu'il a joué, et nous ne l'avons jamais nié

 15   du côté de l'Accusation, mais même si c'était un acteur de premier plan,

 16   c'était un membre, un autre dirigeant de la même entreprise criminelle

 17   commune, de telle sorte que ses actes et son comportement sont liés aux

 18   autres membres de cette entreprise et peuvent être attribués à ses propres

 19   membres, dont les accusés.

 20   A supposer que Boban ait joué un rôle important dans cette entreprise

 21   criminelle commune, ça n'en nie pas pour autant la responsabilité encourue

 22   par les autres accusés. Comme le disait Jackson, chacun d'entre eux doit

 23   être tenu responsable des crimes. Les accusés étaient des membres de la

 24   même entreprise criminelle commune et leur responsabilité pénale est

 25   engagée pour chacun des crimes commis en vue de réaliser l'objectif commun,

 26   pour autant qu'il puisse être imputé à un membre. Donc, montrer du doigt

 27   Boban, à moins qu'il n'y ait quelque chose de très précis qui coupe le lien

 28   entre Boban et l'un des accusés, ça ne nous mène pas très loin.

 

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  1   Troisièmement, rien ne prouve que Boban ait été un administrateur qui

  2   mettait la main à la pâte, que ce soit en tant que président ou en tant que

  3   commandant suprême, parce que le chef de l'Etat c'était lui. Le chef du

  4   commandement c'était Prlic. L'expert à décharge de la Défense Stojic,

  5   Marijan, a fait mouche. Il a dit :

  6   "A toutes fins utiles, depuis l'été 1992, nous n'avons aucune preuve

  7   qui montrerait que Boban commandait les forces armées, ce qui veut dire

  8   qu'il avait délégué ses pouvoirs." Page de compte rendu d'audience 35 866.

  9   Là, ce n'est pas un témoin à charge qui parle; c'est un expert de la

 10   Défense. Il n'y a aucune preuve.

 11   Quatrièmement, pendant toute la durée du conflit croato-musulman, Boban a

 12   passé le plus clair de son temps à l'étranger à représenter le HVO et les

 13   Bosno-Croates dans des pourparlers internationaux, des négociations qui se

 14   déroulaient à l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine, à Zagreb, à Genève, à

 15   New York. Ça n'avait rien à voir avec la gestion quotidienne des opérations

 16   militaires sur le terrain, vous l'avez vu. Vous avez vu à quel point il a

 17   participé à ce genre d'activités.

 18   Par excès de prudence, je vais demander qu'on revienne quelques instants à

 19   huis clos partiel car ce fut un témoin qui a déposé à huis clos partiel.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 22   le Président.

 23   [Audience à huis clos partiel]

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  8   [Audience publique]

  9   M. SCOTT : [interprétation] Et ensuite, Neven Tomic, Défense Prlic :

 10   "A combien de reprises, à votre avis, M. Boban a-t-il agi en tant que

 11   M. Boban à Mostar ? Ici, on parle d'une période qui couvre 18 mois,

 12   puisqu'elle va de la mi-1992 à la fin 1993. Est-ce qu'il était là tous les

 13   jours ou il n'était jamais là ?

 14   "Réponse : Il ne venait que très rarement. Il passait le plus clair de son

 15   temps à Grude."

 16   Au numéro 7, en ce qui concerne l'accusé Slobodan Praljak, je cite :

 17   "Par exemple, vous vous souvenez de ce convoi à Citluk. Ce sont les

 18   civils qui l'ont arrêté, ce convoi. Pour permettre le passage du convoi, il

 19   faut d'abord parler aux civils, et la personne qui aurait dû le faire, ça

 20   aurait dû être Mate Boban, parce que c'était une question de politique.

 21   Mais Mate Boban n'est pas venu aux pourparlers, c'est donc M. Jadranko

 22   Prlic qui s'est adressé à la foule."

 23   Par conséquent, en principe, c'est M. Boban. Mais en pratique, c'est

 24   M. Prlic qui fait le travail. Et je pense, Messieurs les Juges, que ce fut

 25   le cas la plupart du temps.

 26   Nous l'avons déjà dit, Davor Marijan était très clair. Il dit ceci,

 27   je le cite : "… pratiquement depuis l'été 1992, nous avons aucune preuve

 28   qui montrerait que M. Boban aurait commandé les forces armées."

 

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  1   C'est toujours M. Marijan qui parle et qui dit ceci :

  2   "C'est un fait. En tout cas, moi, je ne l'ai pas vu. Nous n'avons que

  3   très peu de documents venant de M. Boban en 1993. Je me demande même s'il y

  4   en a. Il y en a eu un qui concernait l'établissement d'une région

  5   militaire, mais personne n'est désigné, personne n'est nommé, donc,

  6   manifestement, certains de ses pouvoirs sont délégués à quelqu'un d'autre,

  7   ce qui ne veut pas dire qu'il ne soit pas resté le commandant suprême." En

  8   tout cas, en théorie.

  9   Ça, c'était pour Boban.

 10   Autre organisation ou entité à qui on aimerait faire porter le

 11   chapeau pour dire que voilà, c'étaient eux les vrais responsables, c'est

 12   ici, en l'occurrence, l'organe législatif, la présidence de la HZ HB.

 13   Effectivement, elle existait officiellement, et effectivement, elle a tenu

 14   quelques réunions. Mais il y a deux problèmes fondamentaux qui se posent

 15   ici si on veut vraiment faire porter le chapeau par la présidence. D'abord,

 16   c'est un organe législatif sans organisation de pouvoir exécutif. Et quels

 17   que soient les pouvoirs qu'elle ait pu avoir, ce n'était pas cet organe qui

 18   mettait en œuvre la politique, parce que ce pouvoir exécutif revenait en

 19   tout premier lieu au gouvernement de Prlic. Et Prlic, nous l'avons déjà vu,

 20   a, à titre personnel, endossé la responsabilité du travail fait par son

 21   gouvernement.

 22   Autre point qui est peut-être encore plus important : la présidence

 23   de la HZ HB n'a pas tenu de séance de travail à partir du 17 octobre 1992

 24   jusqu'au 28 août 1993. Il n'y a pas eu de fonctionnement de cette

 25   présidence. Elle avait délégué tous ses pouvoirs législatifs au

 26   gouvernement de Prlic. Pas de réunion, pas de séance. Ce n'était pas un

 27   intervenant dans la situation.

 28   A partir d'octobre 1992 jusqu'à au moins la fin du mois d'août 1993,

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  1   et c'est la période essentielle de l'acte d'accusation, le gouvernement du

  2   HVO, ayant à sa tête Prlic, était l'organe le plus puissant, le plus haut

  3   placé dans l'Herceg-Bosna, qui conjuguait des pouvoirs suprêmes exécutifs,

  4   législatifs et administratifs dans ce gouvernement. Prenons le rapport du

  5   HVO de 1992. Il résume et confirme ces pouvoirs élargis qui lui sont

  6   attribués. Ils sont "responsables de l'établissement de la politique dans

  7   toutes les sphères du pouvoir. Tout a été transféré au gouvernement de

  8   Prlic." C'est la pièce P 00128.

  9   Le témoin à décharge Zoran Buntic, j'en ai déjà parlé, je le rappelle

 10   ici brièvement, il l'a dit clairement : "le HVO HZ HB c'est l'organe

 11   exécutif le plus élevé. C'est incontesté." C'est lui qui parle, pas moi.

 12   Quelquefois, les accusés ont voulu faire endosser des responsabilités

 13   au HDZ de Bosnie-Herzégovine. On en a parlé hier. Mais en fait, ce n'était

 14   pas un protagoniste. Il n'a pas agi. Ce parti, il n'entre pas en ligne de

 15   compte.

 16   Une autre cible privilégiée à qui on aimerait faire endosser la

 17   responsabilité, ce sont les autorités municipales du HVO. On en a parlé

 18   aujourd'hui. Petkovic, Filipovic, entre autres, ils l'ont dit clairement,

 19   sans équivoque : ces entités n'avaient aucun pouvoir de contrôle, ne

 20   donnaient pas d'ordres ni d'instructions au HVO militaire. Personne ne peut

 21   faire porter le blâme aux autorités municipales du HVO pour leur faire

 22   endosser la responsabilité. Ce n'était pas ces autorités qui donnaient des

 23   instructions ni des ordres.

 24   Dernier sujet, en tout cas pour moi à ce stade -- et j'en terminerai

 25   ainsi, en dépit des affirmations de toutes les délégations pour dire qu'on

 26   n'a pas de pouvoir, qu'on n'a rien fait, c'est clair, les éléments le

 27   prouvent : le HVO et ces accusés ont été en mesure de prendre des mesures

 28   énergiques quand ils le voulaient. Les accusés disaient être dénués de tout

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  1   pouvoir, mais les éléments de preuve montrent qu'il leur était possible de

  2   prendre des mesures quand ils le voulaient.

  3   Quelques exemples pour étayer mon propos. P 01598. Le 3 mars 1993,

  4   Petkovic donne un ordre. Il dit notamment :

  5   "En raison de soupçons raisonnables montrant qu'il a abusé de son

  6   poste officiel d'officier de l'état-major principal du HVO, qu'il a utilisé

  7   abusivement le sceau de l'état-major… et a essayé de s'emparer par la force

  8   de l'appartement de quelqu'un d'autre, je donne un ordre… qu'il soit arrêté

  9   et qu'une enquête soit menée."

 10   Alors, ici, on va mener une enquête sur le fait qu'on a fait un usage

 11   abusif d'un sceau, d'un tampon, alors qu'on ne va pas s'occuper du fait

 12   qu'on a emprisonné des Musulmans, qu'on a détruit leurs propriétés, qu'on

 13   les a expulsés. Mais on va quand même arrêter quelqu'un pour le fait

 14   d'avoir fait un usage abusif d'un tampon officiel.

 15   Le gouvernement du HVO, dont le département de la Défense, n'a pas

 16   ménagé ses efforts pendant longtemps pour mettre en œuvre la mobilisation

 17   du HVO pour faire enrôler des Croates dans les forces armées du HVO. Si

 18   l'on examine les archives du gouvernement, les réunions, on comprend que

 19   c'était une question importante qui est restée toujours d'actualité.

 20   Regardez la pièce 4D 00508, le procès-verbal d'une réunion du gouvernement

 21   du HVO le 9 octobre 1993. Prlic est président de la réunion. S'y trouvent

 22   aussi Stojic, Praljak et Petkovic.

 23   Point 6 : mobilisation. Que faire des "personnes qui essaient

 24   d'échapper à leurs obligations militaires."

 25   "Outre des sanctions pénales, d'autres mesures seront également

 26   prises contre les personnes qui essaient de se soustraire à leurs

 27   obligations militaires. Et voici ce qui va être fait partant de la liste

 28   exacte des personnes qui essaient d'agir de la sorte (et les services de la

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  1   Défense ont l'obligation de créer ces listes sur-le-champ) :

  2    "Ces personnes n'auront pas le droit de recevoir leurs pièces

  3   d'identité et de maintenir leurs droits provenant de la double citoyenneté

  4   avec la République de Croatie;

  5   "Les personnes qui veulent se soustraire à ces obligations militaires

  6   doivent voir leurs noms publiés dans les médias - radio, presse;

  7   "Leurs familles doivent perdre leur statut de personnes déplacées ou

  8   de réfugiés;

  9   "L'électricité et les services téléphoniques que ces familles seront

 10   interrompues, et ils ne pourront plus se faire soigner, ni aller à

 11   l'école."

 12   Deux jours plus tard, le 11 octobre 1993, Stojic donne un ordre destiné à

 13   tous les tribunaux des régions militaires et à tous les procureurs

 14   militaires. C'est 4D 01655 :

 15   "1. Tous les tribunaux militaires régionaux et tous les procureurs

 16   militaires régionaux --" ici, c'est un ordre donné par Stojic à des juges,

 17   remarquez-le bien.

 18   "Toutes ces entités, tribunaux militaires régionaux et procureurs

 19   militaires, doivent donner la priorité aux affaires concernant la tentative

 20   de se soustraire à la mobilisation générale et l'abandon de poste."

 21   Stojic donne des ordres aussi. Par exemple, il ordonne qu'intervienne

 22   la police militaire du HVO pour permettre l'exécution de ces sanctions.

 23   On s'interroge si des actions aussi draconiennes, par exemple, ici,

 24   le fait de couper le courant et le fait de couper le téléphone à des

 25   personnes déplacées et à des réfugiés, le fait qu'on les empêche de se

 26   faire soigner, on peut s'interroger si des sanctions aussi draconiennes

 27   avaient été appliquées à des gens qui avaient maltraité les Musulmans,

 28   brûlé leurs maisons, violé leur femmes, les avaient chassés, avaient

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  1   détruit leurs mosquées, est-ce que ça aurait fait une différence ? On a le

  2   droit de s'interroger sur la question, mais rien ne prouve que le HVO n'ait

  3   pris de position aussi forte ni fait des efforts aussi sérieux alors qu'ils

  4   auraient pu être faits, puisqu'on les a faits, ces efforts, pour punir les

  5   Croates qui voulaient échapper à leurs obligations militaires.

  6   Quelques autres exemples. P 03700. Slobodan Praljak, ordre, le 25

  7   juillet 1993. Il ordonne aux unités du HVO de Kostajnica à Prozor ceci :

  8   "Celui qui n'exécutera pas cet ordre sera désarmé, devra abandonner

  9   l'uniforme du HVO, placé en détention et n'aura ni à boire ni à manger

 10   avant que je revienne."

 11   C'est draconien aussi de la part d'un commandant du HVO. Là aussi, ça

 12   a l'air vrai à l'égard de ceux qui ont maltraité les Musulmans; la question

 13   demeure.

 14   Maintenant, nous avons 3D02798. Mario Bradara donne un ordre. Il est

 15   commandant adjoint de la Brigade Ban Jelacic du HVO à Kiseljak. Alors, là,

 16   il propose de punir pour abandon de poste, et il dit que l'auteur de cet

 17   abandon de poste doit être exécuté par un peloton d'exécution devant toute

 18   l'unité, et que le commandant de l'unité dont il faisait partie soit abattu

 19   lui aussi et appelé traître à la patrie.

 20   Ça semble assez extrême, mais voilà ce que pense une personne des mesures à

 21   prendre lorsqu'il y a un écart de conduite.

 22   Dernier exemple qui montre que Petkovic avait manifestement la capacité de

 23   prendre des mesures tout à fait agressives quand il le voulait; par

 24   exemple, pour protéger son collègue et ami Rajic. Il était tout à fait en

 25   mesure de prendre des mesures, toujours à Kiseljak, lorsque Rajic a été

 26   maltraité par des soldats du HVO, d'abord vers la mi-mai 1993 et de nouveau

 27   en 1993. La première fois, Petkovic a suspendu 12 soldats du HVO pour

 28   avoir, je cite, "maltraité Rajic."

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  1   J'hésite, Monsieur le Président, je me demande s'il faut passer quelques

  2   instants à huis clos partiel. Mais vu ce que vous avez dit auparavant,

  3   Messieurs les Juges, je me contenterai de dire ceci : lorsque les

  4   comportements répréhensibles de ces soldats se sont reproduits en août,

  5   Petkovic a donné l'ordre d'arrêter neuf ou dix d'entre eux, et deux d'entre

  6   eux, pendant l'opération, ont été tués. Des éléments étant présentés qui

  7   montrent que cette action a notamment eu comme effet sur le contrôle du HVO

  8   :

  9   "Après cet affrontement avec un groupe criminel, on peut dire que le

 10   système de commandement a monté d'un cran et qu'il était bien plus facile

 11   de commander les unités que je commandais après ça. Donc l'effet fut

 12   positif sur la discipline militaire."

 13   Donc M. Petkovic était parfaitement à même de prendre ses actions-là,

 14   mais il a décidé de ne rien faire ailleurs.

 15   Le fait que le HVO et ces accusés ont négligé de prendre des mesures

 16   dignes de ce nom lorsqu'il y a eu des crimes de guerre commis sur des

 17   Musulmans montre que ce n'était pas parce qu'ils n'en avaient pas les

 18   moyens, mais c'est parce qu'ils n'en avaient pas la volonté, n'en avait pas

 19   le souhait. Ils ont décidé de ne pas le faire. Pour le dire autrement, il

 20   ne servait à rien de punir ceux qui le faisaient et qui exécutaient la

 21   politique du HVO. Et même si ça n'a pas été le cas au départ, au fil du

 22   temps, ce l'est devenu. L'acquiescement lorsqu'il a écart de conduite, ça

 23   devient une ratification, un aval donné; l'aval entraîne l'encouragement;

 24   l'encouragement entraîne à instiguer; et l'instigation devient un ordre.

 25   Merci, Monsieur le Président. Ce volet-ci de notre réquisitoire est ainsi

 26   terminé.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, bonjour.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je vous

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  1   remercie, et je me permets de vous saluer et de saluer les équipes de la

  2   Défense.

  3   Moi, je suis prêt à commencer dès maintenant. Mon intervention

  4   concernera le général Praljak. Mais on pourrait peut-être faire la pause

  5   maintenant, une pause de 20 minutes, après quoi nous reprendrons les

  6   débats. Il nous restera une heure et demie. Pendant la pause, nous pourrons

  7   changer de place.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous allons faire cela. Donc on va faire

  9   la pause maintenant. Vingt minutes.

 10   --- L'audience est suspendue à 11 heures 48.

 11   --- L'audience est reprise à 12 heures 12.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise.

 13   Donc je donne la parole à M. le Procureur.

 14   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci,

 15   Messieurs les Juges. Bonjour aux conseils de la Défense, aux accusés. Je me

 16   permettrai d'intervenir s'agissant de notre réquisitoire concernant M.

 17   Praljak.

 18   Ce n'est pas surprenant, et c'est vrai aussi de ses co-accusés, le

 19   général Praljak nie toute responsabilité. Il affirme n'être responsable

 20   d'aucun des crimes qui se sont produits dans tout le territoire de

 21   l'Herceg-Bosna pendant toute la durée du conflit opposant le HVO et l'ABiH.

 22   S'il faut trouver un coupable, il le cherche chez les autres, et parfois,

 23   chez ses co-accusés avec lui. Le général Praljak voudrait vous faire croire

 24   qu'il n'avait aucun pouvoir véritable, aucune autorité sur ses subordonnés,

 25   qu'il n'était au courant de rien, qu'il était impuissant devant les crimes

 26   généralisés commis contre la population musulmane qui avait le malheur de

 27   se trouver en Herceg-Bosna en même temps que Praljak, pendant toute l'année

 28   1992 et pendant toute l'année 1993.

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  1   Mais les éléments de preuve brossent un tableau radicalement

  2   différent de cette personne. C'est un homme à la volonté d'acier, un

  3   commandant, un homme politique charismatique qui est parvenu aux postes

  4   politiques et militaires les plus élevés. Il a été adjoint du ministre de

  5   la Défense de la République de la Croatie, membre du Conseil de sécurité

  6   national de la Croatie et conseiller de confiance du président Tudjman,

  7   général de division de l'armée de Croatie, et enfin, commandant de l'état-

  8   major principal du HVO du Conseil de défense croate en Bosnie-Herzégovine.

  9   Praljak n'est pas monté si haut uniquement à cause de ses

 10   qualifications ou de sa formation militaire, mais plutôt, et ceci dès la

 11   première heure, parce que c'était un ardent défenseur de la politique de

 12   Tudjman, qui était de rétablir quelque chose qui ressemblerait à la

 13   banovina croate de Bosnie-Herzégovine, et aussi parce qu'il était prêt à

 14   tout faire, à faire plus qu'il fallait, par exemple, le fait de commettre

 15   des crimes ou de fermer les yeux quand il y en avait qui étaient commis par

 16   rapport au mouvement forcé des déplacements des populations, pour créer

 17   l'Herceg-Bosna en Bosnie-Herzégovine, pour en faire un territoire autonome,

 18   qui serait de façon permanente dominé par les Croates. Les éléments de

 19   preuve vous le montrent. A tout moment, que ce soit dans l'exercice de son

 20   pouvoir de facto sur les forces armées du HVO ou que ce soit dans

 21   l'exercice de son autorité de jure sur, par exemple, les forces armées du

 22   HVO après avoir eu le commandement de l'état-major principal le 24 juillet

 23   1993, Praljak avait le contrôle et il était pleinement informé de tous les

 24   événements majeurs se produisant dans toute l'Herceg-Bosna, notamment des

 25   crimes à grande échelle de persécution qui étaient le fait de ses

 26   subordonnés dans le HVO et qui étaient dirigés contre la population

 27   musulmane.

 28   En sa qualité de commandant du HVO, Praljak se déplaçait souvent, se

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  1   déplaçait facilement dans toute l'Herceg-Bosna, de Gornji Vakuf à Prozor et

  2   jusqu'à Mostar. Il allait au QG au poste de commandement avancé du HVO à

  3   Citluk, facilement, souvent, pour veiller à ce qu'il sache tout de ce qui

  4   se passait sur le terrain. Il donnait des ordres et des directives aux

  5   subordonnés du HVO depuis tous ces endroits que je viens de citer, montrant

  6   ainsi qu'il avait le contrôle et la direction des unités subordonnées du

  7   HVO et le contrôle de leurs activités.

  8   S'il n'était pas en Bosnie-Herzégovine, Praljak était à Zagreb, où il

  9   rencontrait les dirigeants croates afin de discuter de la politique de

 10   l'Herceg-Bosna, qu'il allait ensuite mettre en œuvre une fois rentré en

 11   Bosnie-Herzégovine. Nous le savons aujourd'hui, Praljak est aussi allé en

 12   Hongrie, il est aussi allé au Monténégro en octobre 1992, en compagnie

 13   d'autres accusés en l'espèce, pour rencontrer Ratko Mladic, chef de l'état-

 14   major principal de la VRS, dans l'espoir d'obtenir son soutien et sa

 15   collaboration pour parvenir à la répartition de la Bosnie-Herzégovine, qui

 16   serait ainsi partagée entre les Croates et les Serbes.

 17   Je vais d'abord parler de ce que M. Praljak affirme lorsqu'il dit

 18   qu'il n'y a jamais eu d'entreprise criminelle commune, et, de toute façon,

 19   il n'a jamais contribué à un tel projet. Et il le dit carrément, sans

 20   ambiguïté, dès le début de son mémoire en clôture, aux paragraphes 2 et 3. 

 21   Messieurs les Juges, les éléments de preuve établissent au-delà de

 22   tout doute raisonnable que Praljak, tout comme ses co-accusés et les autres

 23   membres de la MOCE en Herceg-Bosna, avait pour objectif l'établissement

 24   d'une entité autonome dominée par les Croates et qui serait permanente au

 25   sein de la Bosnie-Herzégovine. Et quand je dis dominée par les Croates, je

 26   veux dire que Praljak voulait établir et maintenir une population qui

 27   serait majoritairement croate sur ce territoire qu'il appelait Herceg-

 28   Bosna.

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  1   Le 29 juin 2009, Praljak a témoigné. Il a déclaré :

  2   "A ce moment-là, nous espérions tous que la direction allait enfin

  3   comprendre que les Croates en Bosnie-Herzégovine ne voulaient qu'une chose,

  4   ils voulaient l'autonomie dans une région qui aurait représenté 17 à 18 %

  5   du territoire de la Bosnie-Herzégovine, une région où ils étaient soit en

  6   majorité relative ou en majorité absolue."

  7   Je crois que M. Scott, mon collègue, en a parlé dans ses remarques hier

  8   lorsqu'il parlait des deux choses qui font partie de la thèse de

  9   l'Accusation : la démographie premièrement, et le territoire deuxièmement.

 10   Mettant de côté le fait que Praljak n'aurait pas été en position pour

 11   décider ce que les Croates en Bosnie-Herzégovine voulaient, ses propres

 12   mots, de toute façon, rendent les choses tout à fait claires : lui et les

 13   accusés voulaient des territoires, et sur ces territoires, ils voulaient

 14   qu'il y ait une majorité croate.

 15   Praljak a témoigné le 17 août 2009, page du compte rendu 43 297, et a

 16   déclaré qu'il convenait d'avoir une région autonome permanente pour les

 17   Croates, sapant ainsi les revendications de la Défense qui disent que

 18   l'Herceg-Bosna n'était qu'une entité temporaire conçue pour palier les

 19   lacunes du gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

 20   Mais en fait, le but de Praljak est tout à fait identique à celui de Zoran

 21   Buntic, un témoin de la Défense Prlic, qui a témoigné ici en l'espèce à

 22   décharge en tant qu'ex-chef du département de la Justice de l'Herceg-Bosna.

 23   La Chambre de première instance se rappelle sans doute de son témoignage en

 24   juillet 2008, lorsqu'il a dit qu'il voulait une région où les Croates

 25   seraient en majorité. Il considérait que les Serbes et les Musulmans

 26   devaient aussi avoir leur propre région où eux aussi seraient en majorité.

 27   Page 30 881 du compte rendu.

 28   Bien sûr, Praljak savait très bien que cette vision impliquerait des

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  1   déplacements de population et que les déplacements de population se

  2   feraient obligatoirement par la force et par la violence. Il est vrai que

  3   certaines parties de la soi-disant Herceg-Bosna disposaient d'une majorité

  4   croate, mais d'autres parties de cette région étaient en majorité

  5   musulmane. Et, bien sûr, dans de nombreuses municipalités, les Croates et

  6   les Musulmans cohabitaient et se mélangeaient. Les attributs de la Bosnie-

  7   Herzégovine, d'ailleurs, à l'époque, étaient ce mélange de population

  8   justement.

  9   Nous savons tous maintenant que Mostar, qui avait été proclamé comme

 10   étant la capitale de l'Herceg-Bosna, était une ville où les Musulmans et

 11   les Croates se mariaient très souvent entre eux et en grand nombre, mais

 12   Praljak savait très bien que la population croate était en déclin, même

 13   dans les zones où elles étaient encore en majorité. Cette tendance était

 14   exacerbée par le fait qu'un grand nombre de Musulmans qui avaient été

 15   chassés de territoires détenus par les Serbes arrivaient dans ces régions

 16   qui étaient revendiquées par l'Herceg-Bosna.

 17   A la pièce P 00524, nous avons le compte rendu d'une réunion qui a eu lieu

 18   le 26 septembre 1992 au palais présidentiel à Zagreb. Le président Tudjman,

 19   Slobodan Praljak et d'autres -- lors de cette réunion, Praljak a parlé de

 20   sa préoccupation avec Tudjman. Il a fait remarqué qu'il faudrait très

 21   certainement avoir recours à des expulsions pour arriver à une majorité

 22   croate. Comme il l'a dit, et je cite :

 23   "Il semblerait maintenant, du fait qu'il y a des gens qui s'installent sur

 24   le territoire à partir de Travnik et en dessous, je pense que nos chances

 25   ne seront pas très bonnes lorsque la guerre sera finie, puisqu'il y a une

 26   modification importante dans la structure ethnique. Résoudre tout cela par

 27   la guerre, le droit civil, international, et cetera, et ça va être très

 28   difficile d'arriver à chasser ces gens de là-bas. Mais si on ne les chasse

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  1   pas, nous n'obtiendrons jamais de majorité sur place." Ça, c'est Slobodan

  2   Praljak le 26 septembre 1992, dans ses propres mots.

  3   Praljak, ici, fait un lien express entre les déplacements de population

  4   forcés et son but qui est d'arriver à une démographie où les Croates

  5   seraient en majorité.

  6   Dans le paragraphe 61 de son mémoire, Praljak essaye de s'expliquer sur

  7   cette déclaration en déclarant qu'il ne parlait qu'au conditionnel, mais

  8   ses actions ultérieures démontrent le contraire.

  9   Lors de cette conversation avec le président Tudjman en septembre 1992, les

 10   forces armées des Serbes de Bosnie avaient, en effet, chassé des milliers

 11   de non-Serbes de leurs maisons, de leurs villages dans une grande partie de

 12   la Bosnie-Herzégovine. C'était très certainement le résultat intentionnel

 13   de la campagne des Serbes qui voulaient établir leur propre entité autonome

 14   dans une autre partie de la Bosnie-Herzégovine, où les Serbes, tout comme

 15   les accusés, comme les Croates, seraient en majorité. Lors d'une interview

 16   après la guerre, Praljak a reconnu que les Serbes et lui, eux et lui,

 17   partageaient, en effet, cette vision pour l'avenir de la Bosnie-

 18   Herzégovine.

 19   Vous trouverez cela à la pièce P 09447. Il s'agit d'une séquence qui a été

 20   montrée au général Praljak au cours du contre-interrogatoire.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "D'un côté, on a des problèmes de communication à propos de la

 24   coopération politique et militaire avec Izetbegovic et l'armée musulmane.

 25   Les dirigeants à Zagreb, d'un autre côté, sont d'accord avec vous. Comment

 26   est-ce qu'ils ont exprimé leur soutien ? Vous vous souvenez d'une réunion,

 27   par exemple ? Pouvez-vous nous raconter ce qui s'est passé ?

 28   Praljak : Il y a eu un grand nombre de réunions. Alors, le soutien c'était

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  1   -- on s'est rendu compte qu'il y avait des objectifs -- le problème c'est

  2   qu'avant la guerre, nous avions été les alliés des Musulmans, mais nous

  3   n'avions pas les mêmes idées politiques à propos de l'avenir de notre Etat.

  4   Pour être honnête, l'option politique des Serbes pour la Bosnie-Herzégovine

  5   était bien plus proche de l'option des Croates que de l'option des

  6   Musulmans. On ne peut pas être un seul pays. On doit amender la

  7   constitution pour donner des droits égaux à tout le monde, mais ensuite

  8   nous séparer. Donc, quand il y a un manque de confiance --"

  9   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 10   M. STRINGER : [interprétation] "Pour être honnête, l'option des Serbes en

 11   ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine était bien plus proche de l'option

 12   des Croates que de l'option des Musulmans."

 13   C'est ce qu'il a dit, et c'est exactement ce que l'on voit d'ailleurs par

 14   les mesures qui ont été prises dès octobre 1992 par le général Praljak.

 15   A la pièce P 11376, on voit que dix jours après avoir fait remarquer au

 16   président Tudjman qu'il faudrait chasser les Musulmans afin d'arriver à une

 17   majorité, Praljak, en tant qu'adjoint du ministre de la Défense de la

 18   République de Croatie, en compagnie des accusés Prlic et Stojic, est allé à

 19   Pecu, en Hongrie, où ils ont participé à une réunion secrète avec le

 20   général Ratko Mladic le 5 octobre 1992, réunion au cours de laquelle ils

 21   ont abordé des points qui intéressaient les deux parties.

 22   La Chambre de première instance connaît bien maintenant les notes du

 23   général Mladic à propos de cette réunion où Praljak a décrit leur objectif

 24   :

 25   "Notre but est la banovina de 1939, et si nous ne l'avons pas, nous

 26   poursuivrons la guerre."

 27   Il fait la remarque supplémentaire : "Et nous n'irons pas plus loin."

 28   C'est en bas de cette partie surlignée qui est à l'écran.

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  1   J'aimerais laisser de côté cette pièce - j'y reviendrai, bien sûr -

  2   mais passer à la pièce suivante pour l'instant, la P 00466, toujours un

  3   compte rendu de réunion qui s'est tenue moins d'un mois avant avec le

  4   président Tudjman à Zagreb.

  5   L'Accusation avance qu'en informant Mladic pour dire : "Nous n'irons pas

  6   plus loin," Praljak, ici, ne fait que répéter les instructions qui lui ont

  7   été données par Tudjman lors de la réunion entre Praljak, Tudjman et Susak,

  8   qui a eu lieu quelques semaines précédemment, le 11 septembre 1992. Là,

  9   Tudjman a très clairement expliqué le fait que leur but militaire était

 10   uniquement d'avoir le territoire de la banovina en Bosnie-Herzégovine. Le

 11   HVO ne doit pas essayer de défendre le moindre territoire de Bosnie-

 12   Herzégovine qui serait en dehors du périmètre de la banovina de 1939, qui,

 13   d'après eux, correspondait à la Croatie. Et le Dr Tudjman dit la chose

 14   suivante :

 15   "Messieurs, Messieurs, non, ne nous orientons pas, nous n'avons rien

 16   à conquérir, nous sommes là pour défendre les Croates…"

 17   Praljak :

 18   "Non, Monsieur le Président, nulle part. On ne peut pas aller plus

 19   loin."

 20   Le Dr Tudjman répond:

 21   "Alors, qu'on en nettoie la Croatie. Comme je l'ai dit, on n'est pas

 22   là pour conquérir la Bosnie.

 23   "Praljak : Non, non, Monsieur le Président, croyez-moi, les attaques se

 24   sont arrêtées."

 25   Susak dit :

 26   "Rien que la banovina. Nous n'avons pas été au-delà, pas d'un mètre."

 27   Les éléments de preuve nous montre que lors de cette réunion du 5 octobre

 28   1992 avec Mladic, Praljak, au nom de Tudjman, et Susak rassurent bien

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  1   Mladic que le HVO n'allait pas contester la présence des Serbes sur les

  2   territoires qui se trouvaient en dehors de la banovina.

  3   Revenons-en à la pièce P 11376, extrait des carnets Mladic, le 5 octobre

  4   1992. Il est intéressant de noter - il s'agit de la page 10 de la version

  5   en anglais - que lors de cette réunion, Praljak et les autres accusés,

  6   notamment Bruno Stojic, ont convenu que le HVO réparerait les usines

  7   hydroélectriques à Jajce afin d'alimenter les Serbes en électricité, en

  8   échange de quoi les Serbes libéreraient de l'eau pour que d'autres

  9   centrales électriques puissent être alimentées.

 10   Et on le voit à la pièce P 11376 [comme interprété], c'est un ordre donné

 11   par le général Mladic le lendemain, donc juste après cette réunion avec

 12   Praljak, Stojic et Prlic.

 13   Le 6 octobre, Mladic donne cet ordre où il fait référence à cette

 14   réunion secrète avec les dirigeants de la HZ HB, et déclare :

 15   "… une réunion a été organisée entre la direction et les

 16   représentants de l'armée de la Republika Srpska. C'était strictement

 17   confidentiel. Il y a eu accord à propos d'un cessez-le-feu afin de réparer

 18   la centrale de Jajce. Il y aurait aussi libération d'eau en échange de

 19   prisonniers."

 20   Ensuite, il donne des ordres pour que l'on mette en œuvre les

 21   procédures nécessaires afin de pouvoir réparer la centrale hydroélectrique

 22   et pouvoir la remettre en service une fois qu'elle aurait été réparée.

 23   A la pièce P 11380 maintenant, on voit que trois jours après sa

 24   première réunion avec Mladic en Hongrie, Praljak, qui est maintenant

 25   accompagné de Petkovic, Prlic et Stojic, rencontre à nouveau Mladic. Cette

 26   fois-ci, ils sont au Montenegro, à Njivice, le 26 octobre 1992. Praljak,

 27   ici, rend compte pour dire que son camp est d'accord avec l'accord de base

 28   et que son camp a donc rebranché la centrale électrique de Jajce. Il

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  1   annonce, et je cite :

  2   "On est bien partis pour obliger Alija à diviser la Bosnie."

  3   Plus tard au cours de la réunion, il fait référence au déplacement de

  4   population envisagé dans le cadre du plan Herceg-Bosna en disant :

  5   "Il est dans notre intérêt que les Musulmans obtiennent leur propre

  6   canton pour qu'ils puissent avoir au moins un endroit où aller."

  7   Donc Praljak a ces discussions avec Ratko Mladic, qui n'est pas

  8   n'importe qui, c'était le commandant des forces armées des Serbes de Bosnie

  9   en octobre 1992. Praljak savait manifestement que la manipulation

 10   démographique qui allait être nécessaire afin de créer un territoire

 11   homogène ethniquement comme l'Herceg-Bosna, ça ne pouvait pas se faire sans

 12   avoir recours à la violence, à des transferts forcés, à des expulsions, à

 13   des persécutions et à des destructions de propriétés. D'ailleurs,

 14   l'expérience des Serbes était très claire dans ce domaine. Tous les accusés

 15   qui, ce jour-là, étaient assis avec Ratko Mladic au Montenegro étaient

 16   parfaitement au courant de tout cela. Ils savaient très bien dans quoi ils

 17   s'étaient embarqués.

 18   Pièce 3D 00482. Praljak exprime à nouveau son opinion extrêmement

 19   clairement à propos de la création d'un territoire de banovina en Bosnie-

 20   Herzégovine, territoire qui serait une entité croate autonome, et il

 21   exprime tout ça à une délégation de représentants français lors d'une

 22   réunion à Zagreb le 13 janvier 1993.

 23   Il leur déclare que les Croates sont en faveur d'une intégrité

 24   territoriale de la Bosnie-Herzégovine, mais il est clair que pour Praljak,

 25   cela ne peut être que dans le cadre d'une Bosnie-Herzégovine divisée,

 26   organisée en communautés ethniques bien séparées.

 27   Pièce 1788. Praljak est revenu sur son terme de déplacements de

 28   population lorsqu'il présidait la réunion des commandants du HVO en Bosnie

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  1   centrale le 2 avril 1993. Son co-accusé, Valentin Coric, était aussi

  2   présent, ainsi que le vice-président de la HZ HB, Dario Kordic, et Ignjac

  3   Kostroman. Vous vous rappellerez que ce M. Kostroman, une personne venant

  4   de Bosnie centrale, qu'il voulait que l'Herceg-Bosna devienne finalement

  5   une partie de la Croatie. Il en a parlé lors d'une réunion avec Tudjman en

  6   décembre 1991.

  7   Ils se sont rencontrés avec les commandants du HVO le 2 avril 1993,

  8   et Praljak leur avait partagé sa vision du type de société que devrait être

  9   l'Herceg-Bosna pour les non-Croates et pour les autres personnes qui

 10   refuseraient d'être en faveur du HVO. Et je cite :

 11   "Nous demanderons qu'il y ait un gouvernement du HVO dans nos

 12   provinces, et ceux qui décident de ne pas s'y soumettre n'ont qu'à partir."

 13   Ensuite, il poursuit :

 14   "Maintenant, nous avons obtenu ce que nous voulions. Il faut

 15   poursuivre l'homogénéisation de la population. Il nous faut protéger ce qui

 16   nous appartient. Il nous faut construire notre propre périmètre, notre

 17   propre espace et notre propre Etat. C'est clair comme le jour."

 18   Pour Praljak, la création de l'Etat n'était qu'une partie de

 19   l'objectif. Lorsqu'il fait référence à la création de l'Herceg-Bosna, on

 20   voit, en analysant ses mots, que le général Praljak lie toujours cet

 21   objectif à la démographie et aux déplacements de population : "Majorité

 22   croate", "les chasser" pour avoir une majorité, "homogénéiser les

 23   populations", "que ceux qui n'acceptent pas le gouvernement du HVO quittent

 24   le territoire", les Musulmans "doivent se retrouver dans leur propre

 25   canton".

 26   Nous savons, bien sûr, qu'aucun de ces mouvements de population

 27   qu'envisageait Praljak ne se ferait tranquillement, pacifiquement et

 28   délibérément. Pour qu'il y ait ces mouvements de population et ces

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  1   modifications démographiques auxquelles il fait sans cesse référence,

  2   Praljak et les autres membres de cette entreprise criminelle commune

  3   savaient très bien qu'il leur faudrait avoir recours à des crimes tels que

  4   la persécution, les transports forcés, les expulsions et la destruction.

  5   Nous savons qu'avec le temps d'autres crimes de grande envergure ont été

  6   ajoutés; par exemple, l'emprisonnement de tous les hommes musulmans sur le

  7   territoire d'Herceg-Bosna.

  8   L'Accusation considère que les éléments de preuve montrent au-delà de

  9   tout doute raisonnable quels étaient les objectifs criminels de cette

 10   entreprise criminelle commune d'Herceg-Bosna, et plus particulièrement le

 11   rôle joué par le général Praljak dans cette ECC.

 12   Maintenant, je voudrais étudier les arguments du général Praljak

 13   selon lesquels il n'aurait pas contribué de façon importante à l'ECC, tel

 14   qu'il le déclare d'ailleurs au paragraphe 31 de son mémoire. Pour illustrer

 15   l'une de ses contributions essentielles à cette ECC d'Herceg-Bosna, son

 16   rôle en tant qu'intermédiaire entre la direction croate à Zagreb et le HVO

 17   en Herceg-Bosna, je vais aborder le rôle joué par Praljak lors des

 18   événements de Gornji Vakuf en janvier 1993. Cette discussion permettra de

 19   démontrer très clairement que Praljak disposait de l'autorité militaire

 20   suprême, bien que, comme il le dise, il n'avait, à l'époque, ni titre

 21   officiel ni poste officiel au sein du HVO.

 22   Vous ne serez pas surpris d'apprendre que tout ce récit à propos de

 23   l'offensive du HVO et de la victoire militaire à Gornji Vakuf en janvier

 24   1993 commence à Zagreb. Comme les Juges de la Chambre le savent bien, tous

 25   ces événements sont liés à l'ultimatum donné le 15 janvier 1993 par le co-

 26   accusé de Praljak, le Dr Jadranko Prlic. Dans cet ultimatum, Prlic et le

 27   HVO exigent que les unités de l'ABiH qui seraient dans les cantons du plan

 28   Vance-Owen 3, 8 et 10, soit se subordonnent au HVO ou se retirent tout

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  1   simplement de ces régions.

  2   Au paragraphe 63 de son mémoire, Praljak revient sur son témoignage

  3   lorsqu'il déclare que le texte de l'ultimatum a fait l'objet d'un accord

  4   entre le président de la Bosnie-Herzégovine, Izetbegovic, et la direction

  5   croate, et ce, au cours de réunions qui auraient eu lieu à Zagreb les 13 et

  6   14 janvier 1993. Ici, je fais référence à son témoignage aux pages 40 568

  7   et 40 569, le 21 mai 2009.

  8   Comme l'a dit Praljak :

  9   "Pour ce qui est de la rédaction de cet ultimatum, j'y ai participé avec

 10   d'autres gens qui faisaient partie de la délégation musulmane, et ce, en

 11   présence de M. Alija Izetbegovic."

 12   Praljak déclare qu'au cours des réunions à Zagreb, Izetbegovic et la

 13   délégation musulmane ont convenu que l'ABiH serait, en effet, subordonnée

 14   au HVO à Gornji Vakuf et ailleurs, ou bien que ces unités de l'ABiH se

 15   retireraient de ces territoires.

 16   Mais, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les éléments de preuve

 17   n'étayent absolument pas cette assertion et montrent, en fait, que M.

 18   Praljak a menti à la Chambre de première instance à ce moment-là.

 19   Lorsqu'il déclare qu'il a participé à la soi-disant rédaction de

 20   l'ultimatum à Zagreb, Praljak a voulu faire croire aux Juges de la Chambre

 21   que ce soi-disant accord avec Izetbegovic était un accord écrit. Mais au

 22   cours du contre-interrogatoire, nous avons appris, et Praljak a concédé,

 23   que l'accord n'avait pas été écrit, que rien n'avait été signé d'ailleurs

 24   par les parties.

 25   Et le 24 août 2009, page 43 701 du compte rendu, il déclare, il concède

 26   qu'en fait, cet accord n'a pas été écrit et n'a pas été signé, en disant :

 27   "Je n'ai pas dit que quiconque l'a signé au nom des Musulmans."

 28   Alors, je lui ai demandé :

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  1   "Donc vous dites qu'il s'agissait d'un accord verbal ?"

  2   Et la réponse :

  3   "Oui."

  4   Imaginez cela : le général Praljak voudrait que vous croyiez que le

  5   président Izetbegovic aurait conclu un accord verbal avec les dirigeants de

  6   la République de Croatie, accord selon lequel les unités de "l'armija" se

  7   retireraient de toutes les parties de Bosnie-Herzégovine qui se

  8   retrouvaient dans les cantons 3, 8 et 10 du plan Vance-Owen, ou que ces

  9   unités de l'ABiH seraient subordonnées au HVO dans ces cantons.

 10   Monsieur le Président, il est incroyable d'essayer de vous faire croire

 11   cela. Enfin, s'il y avait un accord, s'il existait, ce serait un accord

 12   écrit, bien entendu, et les parties signataires auraient apposé leur

 13   paraphe. Ni Praljak ni aucun accusé dans l'espèce d'ailleurs n'ont réussi à

 14   nous montrer ce type d'accord écrit. Le témoignage de Praljak à propos de

 15   cet accord verbal sur la subordination ou le retrait des forces de l'ABiH

 16   en ce qui concerne les cantons 3, 8 et 10 du plan Vance-Owen ne mérite même

 17   pas qu'on s'y attarde.

 18   Maintenant, la pièce P 01158. Il s'agit donc d'un compte rendu présidentiel

 19   d'une réunion qui a eu lieu le 15 janvier 1993 au palais présidentiel à

 20   Zagreb à nouveau. Le président Izetbegovic a participé à cette réunion, et

 21   ils parlaient de tout cela d'ailleurs. Le texte du compte rendu montre très

 22   clairement que le 15 janvier, dans cette réunion à Zagreb, il n'y avait

 23   absolument aucun accord entre Izetbegovic et la direction des Croates à

 24   propos de cette soi-disant subordination ou retrait.

 25   Le président Izetbegovic l'a dit bien d'ailleurs :

 26   "M. Boban a dit qu'il avait compris, avec ces documents, que chaque armée

 27   devait se retirer sur leurs territoires. Mais ce n'est pas comme ça que

 28   j'ai compris les documents, et je ne sais pas du tout si c'était

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  1   l'intention d'ailleurs de ces documents.

  2   "Parce que je ne vois pas de défini à qui appartient quoi, ni qui sont ces

  3   armées et à qui elles appartiennent. Donc j'ai bien peur que ce qui se

  4   passe à Gornji Vakuf provient d'un malentendu à propos de cette disposition

  5   de ces accords.

  6   "Je ne suis pas sûr que j'ai parfaitement compris M. Boban. Mais il semble

  7   avoir compris, lui, que maintenant, l'armée de la BiH doit se retirer de la

  8   région, depuis la province de Travnik, et le HVO doit reprendre tout ce

  9   territoire. Mais moi, je n'ai pas du tout compris ce document dans ce

 10   sens."

 11   Donc, ici, Izetbegovic est très clair. Il explique qu'il n'y a aucun accord

 12   à propos d'un éventuel retrait ou subordination des unités de l'ABiH à

 13   Gornji Vakuf, voire ailleurs. En se basant sur les commentaires

 14   qu'Izetbegovic a faits lors de cette réunion du 15 janvier, il est

 15   impossible que Praljak puisse argumenter qu'Izetbegovic était d'accord avec

 16   le texte de l'ultimatum qui a été délivré par le HVO ce même jour, le 15

 17   janvier 1993.

 18   Izetbegovic rejette l'interprétation parfaitement complaisante du HVO du

 19   plan de paix Vance-Owen, mais ça n'a pas arrêté Praljak. Et d'ailleurs,

 20   lors des mesures qu'il a prises et qui illustrent parfaitement le rôle

 21   qu'il a joué en tant qu'intermédiaire entre les dirigeants croates et les

 22   dirigeants de l'Herceg-Bosna, Praljak s'est rendu de Zagreb à Mostar le 15

 23   janvier pour délivrer en personne le texte de ce qui allait devenir cet

 24   ultimatum. Et il l'a donc donné à Mostar, ce texte, à MM. Prlic, Stojic et

 25   le général Petkovic.

 26    La Chambre de première instance sait bien ce qui s'est passé par la suite,

 27   lorsque le gouvernement du HVO de la HZ HB s'est réuni pour adopter le

 28   texte. Ensuite, Prlic a donné l'ultimatum, et tout est passé ensuite le

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  1   long de la chaîne de commandement militaire pour arriver à Gornji Vakuf ce

  2   même jour.

  3   Mais ce n'est pas la fin de l'implication du général Praljak, ni de sa

  4   contribution à la campagne du HVO à Gornji Vakuf, ni de l'expulsion de la

  5   population civile musulmane qui en a résulté.

  6   Le 21 mai 2009, à la page 40 580 du compte rendu, Praljak nous dit qu'il

  7   s'est rendu de Mostar à Prozor. Comme il l'a dit, il est arrivé le 16

  8   janvier au soir :

  9   "J'ai tout entendu, les informations, les arguments présentés par les

 10   officiers du HVO, et j'ai exigé qu'il y ait encore des négociations avec

 11   l'ABiH en présence des officiers britanniques de la FORPRONU qui étaient

 12   déployés sur place."

 13   Et ici, on fait référence au Bataillon britannique. Nous allons y revenir.

 14   Mais ici, le général Praljak nous dit, de son propre chef d'ailleurs, qu'il

 15   exerçait immédiatement son autorité de facto, qu'il avait dès qu'il est

 16   arrivé à Prozor, en exigeant une nouvelle manche de négociations.

 17   Au paragraphe 235 de son mémoire, le général Praljak nous dit qu'il est

 18   arrivé à Prozor le soir du 16 janvier. Il y a quelques réunions avec le

 19   commandant de la zone opérationnelle, M. Siljeg. Les éléments de preuve

 20   montrent bien que dès son arrivée à Prozor, Praljak a montré son pouvoir

 21   sur les forces armées du HVO en donnant des ordres à Siljeg, ordres qui ont

 22   été immédiatement communiqués sous forme d'exigences et de menaces à l'ABiH

 23   s'ils refusaient d'accepter les dispositions de cet ultimatum qui avait été

 24   fait la veille, c'est-à-dire le texte que Praljak avait donné en mains

 25   propres depuis Zagreb.

 26   A la pièce P 01163, on trouve un rapport des membres de la FORPRONU du

 27   BritBat à propos de ce qui s'est passé à Gornji Vakuf. Page 3 de ce

 28   document, point E.

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  1   On voit que même avant son arrivée à Prozor, depuis Mostar, Praljak donnait

  2   des ordres au commandement du HVO à Prozor. Le Bataillon britannique a

  3   rendu compte le 16 janvier 1993 pour dire qu'un colonel du HVO,

  4   Andreivitich - mais selon nous, l'Accusation, il s'agit du colonel Andric,

  5   et son nom a tout simplement été mal orthographié par les Britanniques -

  6   donc il aurait lu un message de son commandant, un général à Mostar. Etant

  7   donné qu'à l'époque Petkovic était à Genève, le commandant auquel Andric

  8   fait référence ne peut être que Praljak. Le texte du message de Praljak tel

  9   qu'il a été lu par Andric était que le Bataillon britannique en a rendu

 10   compte et libellé ainsi :

 11   "A la conférence de Genève, il a été convenu que toutes les provinces

 12   seraient administrées par la communauté ethnique majoritaire, c'est-à-dire

 13   les Croates ici."

 14   Le message de Praljak, qui correspond d'ailleurs au texte de l'ultimatum de

 15   Prlic, se poursuit et exige que l'ABiH se subordonne au HVO. Le message de

 16   Praljak contient aussi une menace. Si l'ABiH n'exécute pas l'ordre ou

 17   l'ultimatum, "en retour, les Croates et le HVO garantissent que rien

 18   n'arrivera aux Musulmans, mis à part à ceux qui sont suspectés ou accusés

 19   des crimes de guerre." Et le message se poursuit en disant que si l'ABiH

 20   accepte les dispositions de l'ultimatum, "la population musulmane sera

 21   traitée comme un égal," comme si Praljak se permettait de pouvoir décider

 22   qui est égal à qui et qui n'est pas égal dans cette région.

 23   Je vais maintenant passer à la pièce P 01174. Il s'agit d'un rapport en

 24   date du 17 janvier 1993 par le général Merdan, le commandant suprême de

 25   l'ABiH, qui négociait avec le HVO à Prozor, mais du côté de l'ABiH. Il

 26   corrobore de façon indépendante le texte des exigences de Praljak tel que

 27   le BritBat en a rendu compte.

 28   Bien entendu, nous savons que l'ABiH n'a pas accepté les termes exigés par

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  1   Praljak et le HVO, et d'ailleurs Praljak et le HVO ont exécuté leurs

  2   menaces. Si Praljak avait dit que rien n'arriverait à la population

  3   musulmane si l'ABiH acceptait ces conditions, quelque chose est

  4   effectivement arrivé à la population musulmane sur place pendant les jours

  5   et les semaines qui ont suivi le rejet par l'ABiH de l'ultimatum.

  6   Les populations musulmanes partout dans la municipalité de Gornji Vakuf ont

  7   été attaquées le 18 janvier dans la ville de Gornji Vakuf et puis dans

  8   toute une série de villages : Dusa, Hrasnica, Usricje ainsi que Zdrimci. On

  9   les a expulsées de chez eux, on a confisqué leurs biens, on a détruit leurs

 10   habitations. Les hommes ont été soit emmenés, soit placés en détention dans

 11   un centre de détention provisoire du HVO à l'usine de meubles de Trnovaca,

 12   et c'est là qu'on les a roués de coups et soumis à de mauvais traitements.

 13   Les femmes et les enfants ont été rassemblés et entassés dans quelques

 14   maisons vidées, maisons musulmanes, où ils ont dû subir des conditions très

 15   pénibles et le mauvais traitement par le HVO pendant des semaines avant

 16   d'être expulsés sur le territoire de l'ABiH.

 17   Pièce P 01162. Reprenons maintenant la date du 16 janvier 1995. Praljak

 18   arrive à Prozor, et alors, immédiatement, il renforce la rhétorique de ses

 19   exigences dès qu'il est arrivé. A 8 heures ce soir-là, le commandant de la

 20   zone opérationnelle du HVO, Siljeg, envoie un rapport à l'état-major du HVO

 21   dans son QG à Mostar en rendant compte de leurs négociations avec l'ABiH.

 22   En bas de la page 2, Siljeg affirme :

 23   "Ce soir, à Gornji Vakuf, Siljeg et Andric ont négocié avec les

 24   représentants de l'ABiH. Il n'y a pas eu de résultat. A moins qu'il y ait

 25   un accord, les fiefs sud de Gornji Vakuf (Uzricje, Duse et le mont de

 26   Mackovac) seront pris et nous allons renforcer notre ligne."

 27   Puis, il ajoute :

 28   "Le général Praljak leur a envoyé un message leur annonçant qu'ils seraient

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  1   anéantis s'ils n'acceptent pas les décisions de la HZ BH."

  2   Dans sa déposition et dans son mémoire en clôture, M. Praljak cherche à

  3   affirmer qu'il a été envoyé à Gornji Vakuf uniquement pour calmer la

  4   situation là-bas, donc pour calmer la situation. Mais voyons qui a

  5   effectivement cherché à calmer la situation.

  6   Alors, pièce P 01168. Le 16 janvier 1993, le commandant de l'ABiH, Sefer

  7   Halilovic, envoie cet ordre de Sarajevo à l'ensemble de ses commandants eu

  8   égard à l'ultimatum du HVO qui date de la veille. Au point 3, il leur donne

  9   l'ordre de prendre des mesures "afin de mettre sur pied une nouvelle

 10   coopération avec le HVO et afin d'empêcher tout conflit entre le HVO et

 11   l'ABiH. Le comportement extrême de certains individus au sein de l'ABiH

 12   vis-à-vis du HVO doit être empêché."

 13   Et au point 4 :

 14   "Apprécier la situation actuelle et d'éventuelles situations conflictuelles

 15   en relation avec les décisions de la HZ HB, du HVO, et concevoir des plans

 16   permettant d'empêcher cela."

 17   Toutefois, la participation personnelle du général Praljak à demander

 18   la subordination et le retrait des unités de l'ABiH de Gornji Vakuf ou

 19   d'ailleurs a rendu le conflit là-bas inévitable. L'ABiH a rejeté

 20   l'ultimatum du HVO ainsi que les exigences qui ont été fixées par Praljak

 21   en passant par Siljeg et Andric. Et à partir de ce moment-là, Praljak a

 22   continué d'exercer son autorité de facto afin d'apporter son soutien à

 23   l'attaque du HVO de Gornji Vakuf.

 24   Pièce P 01202. Le 18 janvier, donc le jour de l'attaque, Praljak

 25   donne l'ordre suivant de Prozor au commandant de la zone opérationnelle du

 26   sud-est, donc du HVO, en ordonnant que certains moyens soient envoyés, et

 27   je cite, "compte tenu de la situation compliquée à Gornji Vakuf et la

 28   nécessité de se lancer dans des activités de combat."

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  1   Et le Juge Antonetti a posé une question au général Praljak, à laquelle il

  2   a répondu que même s'il n'a pas signé cet ordre, il a  dit : "OK. Servez-

  3   vous de mon autorité. Nous allons demander que ces trois pièces soient

  4   retournées." Page 41 882 du compte rendu d'audience.

  5   Et Praljak a continué de diriger et de prendre part aux activités du HVO

  6   contre Gornji Vakuf dans les journées qui ont suivi.

  7   P 01293. A ce moment-là, le général Petkovic, qui était à Genève, qui prend

  8   part aux négociations sur place le 20 ou le 21 janvier 1993, émet un ordre.

  9   Le document ne porte pas de date. Il émet cet ordre de Genève, ordre de

 10   cessez-le-feu, et au point 3, il exige que :

 11   "Le colonel Siljeg rende compte de toute urgence à Brada, basé à

 12   Mostar, et qu'il envoie un rapport sur la situation qui prévaut à Gornji

 13   Vakuf directement."

 14   Dans sa déposition, Praljak reconnaît que l'on emploie ce mot, Brada, pour

 15   parler de lui. Page du compte rendu d'audience 44 117.

 16   Pièce P 01277. Siljeg exécute l'ordre de Petkovic, c'est tout à fait clair,

 17   et il continue de recevoir des ordres de Praljak. Le 23 janvier, il fait

 18   rapport au Département de la Défense, ainsi que le 23 janvier, à l'état-

 19   major du HVO, et il dit :

 20   "J'ai donné des ordres nécessaires qui correspondaient à l'esprit des

 21   ordres émis par 'Brada', et ceux-là ont été exécutés."

 22   Ce même jour où Siljeg envoie ce rapport au département de la Défense et à

 23   l'état-major, le HVO continue de pratiquer la purification ethnique de la

 24   population civile musulmane de Gornji Vakuf. Dans son rapport du 23

 25   janvier, au point 3, il s'agit de la pièce P 01278, le Bataillon

 26   britannique relève une attaque par roquette du HVO sur le village de

 27   Bistrica. Des maisons du village auraient été incendiées. Et le rapport

 28   continue en disant que l'Unité Cheshire du Bataillon britannique dans cette

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  1   zone a souligné que "c'était là un nettoyage ethnique auquel se livraient

  2   des Croates sur un village musulman."

  3   Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous voyons là le

  4   comportement du HVO lors de son opération de Gornji Vakuf en janvier 1993.

  5   Nous estimons que nous avons fourni là des preuves considérables démontrant

  6   la participation de Praljak dans cette opération de l'entreprise criminelle

  7   commune de l'Herceg-Bosna cherchant à créer une entité autonome croate aux

  8   dépends de la population musulmane. Nous voyons l'autorité suprême exercée

  9   par Praljak dans la direction et le contrôle des communications du HVO avec

 10   l'ABiH, son influence sur la mise en œuvre de l'ultimatum, et la menace de

 11   l'anéantissement en cas de refus, et les ordres visant à ce que des moyens

 12   militaires soient transférés dans cette zone pour que le HVO puisse

 13   atteindre ses objectifs.

 14   Un autre point fondé sur la participation de Praljak à Gornji Vakuf. Dans

 15   son mémoire, Praljak nie le fait qu'il s'agissait d'un conflit

 16   international. Il affirme que nombre des crimes reprochés étaient des

 17   événements qui se sont manifestés du bas vers le haut et que c'est

 18   uniquement marginalement qu'ils étaient liés au conflit au sens large.

 19   La Chambre de première instance peut rejeter cette affirmation en ne se

 20   fondant que sur le rôle joué par Praljak et les positions qu'il a occupées

 21   au sein du gouvernement croate et les positions militaires avant de prendre

 22   le commandement au sein de l'état-major du HVO à la fin juillet 1993. Par

 23   exemple, le rôle majeur joué par Praljak à Gornji Vakuf montre clairement

 24   le lien qui a existé entre les crimes commis et la nature internationale du

 25   conflit armé.

 26   Le mémoire de l'Accusation, ainsi que ses annexes, démontre l'existence

 27   d'un conflit armé international à l'époque des faits fondé sur le contrôle

 28   global que la Croatie et sa direction ont exercé sur le HVO ainsi que la

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  1   participation directe et active des unités de l'armée croate, de leur

  2   personnel et de leur équipement, qui ont combattu aux côtés du HVO contre

  3   l'ABiH, et ce, sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

  4   Toutefois, je souhaite attirer l'attention de la Chambre aux paragraphes 75

  5   et 76 du mémoire de l'Accusation dans lesquels nous désignons un fondement

  6   additionnel permettant de constater l'internationalité du conflit armé en

  7   se fondant sur l'arrêt en appel dans l'affaire Tadic.

  8   Dans l'affaire Tadic, la Chambre d'appel a constaté que :

  9   "Tout Etat est tenu responsable pour des actes qui ont été commis en

 10   violation du droit international lorsque les actes ont été commis : (i) par

 11   des organes qui disposaient du statut formel d'organes de l'Etat (et cela

 12   se produit même lorsque ces organes agissent ultra vires ou contra legem)

 13   ou (ii) par des individus qui organisent des groupes qui sont soumis à

 14   l'état [comme interprété] de l'Etat."

 15   Dans l'affaire Tadic, il est question de la responsabilité de l'Etat pour

 16   les actes des individus qui bénéficient d'un statut formel d'organes de

 17   l'Etat. Juste avant de prendre le commandement de l'état-major du HVO en

 18   juillet 1993, le général Praljak était l'adjoint du ministre de la Défense

 19   de la République voisine de Croatie. C'était un général de division dans

 20   l'armée croate. Il était membre du Conseil suprême croate.

 21   Et je vous renvoie à la pièce P 01458. M. Sarinic, M. Sarinic qui est le

 22   ministre de la Défense croate, dans cette décision en date du 10 février

 23   1993, nous dit très précisément que le général Praljak reçoit son salaire

 24   du ministère de la Défense croate en janvier 1993, et cela se passe en même

 25   temps lorsqu'il se trouve physiquement à Gornji Vakuf, lorsqu'il donne ses

 26   ordres à Siljeg, à Andric et au HVO dans le cadre des négociations qu'il

 27   mène avec l'ABiH et lorsqu'il émet des menaces d'anéantissement, des ordres

 28   sur le déplacement de l'équipement militaire vers la région.

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  1   Praljak a déposé et a confirmé qu'il recevait sa solde de l'Etat croate à

  2   l'époque des faits en 1993, même après avoir pris le commandement du HVO,

  3   de son état-major. Il s'agit de la page 42 993.

  4   Monsieur le Président, il ne fait aucun doute que Praljak était de jure

  5   l'organe de la République de Croatie en Bosnie-Herzégovine jusqu'en juillet

  6   1993, lorsqu'il a mis fin à son poste de fonctionnaire croate afin

  7   d'assumer le commandement de l'état-major du HVO. A partir du 24 juillet

  8   1993, il reçoit toujours son salaire de Croatie et continue de s'entretenir

  9   avec Tudjman et Susak pour mettre en œuvre la politique de l'Herceg-Bosna

 10   en Bosnie-Herzégovine.

 11   Page 43 001 du compte rendu d'audience, nous trouvons un échange très

 12   intéressant et très important entre moi-même et le général Praljak pendant

 13   son contre-interrogatoire.

 14   Je lui pose la question suivante, je lui soumets :

 15   "Mais à l'époque des faits, vous étiez en Bosnie-Herzégovine, et votre

 16   travail était de faire en sorte que la politique du président Tudjman soit

 17   mise en oeuvre, n'est-ce pas vrai ? C'était votre chef, lui. A tout moment

 18   vous rendiez compte à Tudjman et vous deviez mettre en œuvre sa politique ?

 19   "Réponse : Non. J'étais en train de mettre en œuvre la politique de l'Etat

 20   croate. Je n'étais pas là de manière permanente. Je me suis trouvé là à des

 21   moments très précis…"

 22   Il ne fait aucun doute, comme il nous l'a dit lui-même, le général Praljak

 23   était en Bosnie-Herzégovine en train de mettre en œuvre la politique croate

 24   de l'Etat Croate, et cela a eu une incidence très importante sur le conflit

 25   armé international, même mis à part des points concernant le contrôle

 26   global largement prouvé, le contrôle global exercé par la direction croate

 27   ou la participation directe des unités et de l'effectif de l'armée croate

 28   au conflit en Bosnie-Herzégovine.

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  1   A présent, permettez-moi d'aborder la question du commandement et de la

  2   direction, le commandement et la direction effectifs du général Praljak, sa

  3   capacité d'imposer des mesures disciplinaires et ses attributions nous

  4   permettant de mettre fin à la commission de nombreux crimes qui ont été

  5   commis contre la population musulmane de Bosnie dans les zones placées sous

  6   contrôle du HVO.

  7   Dans son mémoire, le général Praljak affirme à plusieurs reprises que soit

  8   il n'était pas responsable, soit il ne pouvait pas contrôler les membres

  9   subordonnés du HVO qui ont commis des crimes. Il rejette sa responsabilité

 10   au sens de l'article 7(3) du Statut, mais en fait, ces questions sont

 11   directement liées à sa responsabilité pénale au sens de l'article 7(1). Par

 12   exemple, Praljak affirme qu'il n'a pas contribué à l'entreprise criminelle

 13   commune. En fait, le fait qu'il ferme les yeux sur les écarts de conduite,

 14   et ce, lorsque de nombreux crimes ont été commis par ses subordonnés du

 15   HVO, le climat de commandement qu'il a établi en abandonnant son obligation

 16   d'agir afin de protéger les civils aide en soi à constituer une

 17   contribution substantielle à la création de l'entreprise criminelle commune

 18   de l'Herceg-Bosna. Des questions de responsabilité de supérieur

 19   hiérarchique et le climat de commandement établi par Praljak influe

 20   directement sur sa responsabilité pénale au sens d'autres alinéas de

 21   l'article 7(1), tel que le fait de donner l'ordre, d'inciter, d'aider et

 22   d'encourager à une conduite criminelle généralisée de la part des forces

 23   armées du HVO.

 24   Le général Praljak nie avoir un contrôle effectif sur ses subordonnés s'il

 25   n'était pas présent en chair et en os. Il affirme qu'il était impuissant,

 26   qu'il était incapable de punir les auteurs de crimes qui n'ont pas été

 27   commis en sa présence. Il rejette toute responsabilité s'agissant du

 28   comportement de soldats du HVO qui ne participent pas aux combats au front.

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  1   Il rejette toute responsabilité au regard de tout crime qui se serait

  2   commis quand lui ne commandait pas l'état-major principal du HVO. Il

  3   rejette toute responsabilité pour ce qui est des camps, prisons et des

  4   lieux de détention du HVO, toute responsabilité lorsque des prisonniers y

  5   ont été détenus dans les conditions qu'on connaît et pour le mauvais

  6   traitement qu'ils ont subi.

  7   Il est accusé ici, il était commandant sur le terrain des soldats,

  8   donc sur un territoire qui est contrôlé, des zones où beaucoup de civils se

  9   trouvaient, et ceci ne lui permet pas de choisir quels sont les aspects du

 10   commandement effectif qui lui conviennent et ceux qui ne lui conviennent

 11   pas. Il vous l'a dit lui-même, c'est lui qui était à la tête de ces hommes

 12   en bataille. Ce fut le cas à Gornji Vakuf, à Boksevica, à Prozor et

 13   ailleurs. Il a regagné du terrain qui avait été perdu. Il a galvanisé les

 14   hommes. Il le dit aussi dans son mémoire en clôture, il disposait d'un

 15   commandement et d'une direction effectifs lorsqu'il était présent avec ses

 16   hommes sur le terrain dans le cadre des missions de combat qu'ils

 17   effectuaient. Il a plusieurs fois déclaré qu'il avait pris le contrôle

 18   opérationnel direct de l'unité de police militaire pour les déployer aux

 19   combats. Il a donné bon nombre d'ordres qui ont été exécutés.

 20   Jetons un coup d'œil à la pièce P 04640 et à la pièce 04645.

 21   Dans la première, que voyons-nous ? La date est celle du 30 août. Le

 22   général Praljak donne un ordre en sa qualité de commandant de l'état-major

 23   principal depuis le QG de Citluk au sud de Mostar, et il ordonne que le

 24   commandant d'un bataillon indépendant lui envoie un rapport et lui dise

 25   pourquoi certains ordres de lui n'ont pas été exécutés. Praljak, au point

 26   2, dit que cet ordre doit être exécuté sans retard et sans réserve.

 27   Pièce suivante, P 04645. Dès le lendemain, le 31 août 1993, le commandant

 28   en question envoie bel et bien un rapport écrit comme Praljak lui en a

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  1   donné l'ordre et il dit que, voilà, des mesures ont été prises auprès de ce

  2   bataillon pour qu'il s'occulte de ses fonctions, de ses ordres dès le

  3   lendemain.

  4   La question du commandement et de la direction, à notre humble avis,

  5   Messieurs les Juges, n'est pas ici en cause, n'est pas soumise au doute.

  6   Effectivement, Praljak a bien eu un commandement effectif et un contrôle

  7   effectif de ses subordonnés. S'il s'était avéré qu'il était incapable

  8   d'exercer ce commandement et ce contrôle sur ses subordonnés avant le 24

  9   juillet 1993, personne n'aurait songé à le nommer commandant de l'état-

 10   major principal du HVO à cette date. Si on lui a offert le poste, c'est

 11   précisément parce qu'il était efficace et, effectivement, en contrôle.

 12   Or, Praljak affirme qu'il ne commandait pas, qu'il ne contrôlait pas ses

 13   soldats quand ceux-ci commettaient des crimes sur des civils musulmans qui

 14   vivaient dans des zones contrôlées par le HVO. Pour le dire autrement,

 15   quand il s'agissait d'opérations du HVO qui avaient réussi, là, il en prend

 16   le crédit. Là, il dit qu'il commande et contrôle effectivement ses

 17   subordonnés. Mais quand il s'agit de crimes commis par ses subordonnés, il

 18   se dit impuissant, incapable de faire quoi que ce soit.

 19   Mais le fait est qu'en dehors de ces paroles creuses lorsqu'il a été ici

 20   témoin en l'espèce, rien ne prouve que Praljak eut essayé d'imposer sa

 21   volonté sur ses subordonnés pour les empêcher de commettre des crimes sur

 22   la population musulmane ou de punir ses subordonnés pour avoir commis de

 23   tels crimes.

 24   Au titre de sa responsabilité de supérieur hiérarchique en vertu de

 25   l'article 7(3), la question simple qui se pose est de savoir s'il disposait

 26   de la capacité matérielle de prendre des mesures qui allaient empêcher la

 27   commission des crimes, pour empêcher les auteurs de commettre d'autres

 28   crimes ou de punir ou de causer de punir les auteurs de ces crimes ou de

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  1   les traduire en justice. Et la réponse à cette question c'est que, bien

  2   sûr, Slobodan Praljak, qui était ministre de la Défense adjoint de la

  3   République de Croatie, qui était général de l'armée de Croatie, qui était

  4   chef de l'état-major principal du HVO, bien sûr qu'il avait la capacité

  5   matérielle de faire quelque chose pour empêcher les crimes qui se

  6   produisaient tout autour de lui. Est-ce qu'il a sincèrement essayé de le

  7   faire ? La réponse c'est un non.

  8   P 03829. Peu de temps après avoir pris le commandement de l'état-

  9   major principal du HVO, là nous sommes le 30 juillet 1993, M. Praljak exige

 10   que M. Coric, qui est le chef de l'administration de la police militaire,

 11   lui donne le nom d'éléments de la police militaire qui auraient participé à

 12   des passages à tabac de chauffeurs d'un convoi qui venait d'Allemagne.

 13   Nous ne connaissons pas la destination qu'avait ce convoi ni qui

 14   allait en bénéficier, mais ce que nous savons pour sûr, c'est que Praljak

 15   n'a pas hésité cette fois-là à exiger le nom de ces membres de la police

 16   militaire et a réussi à identifier les personnes concernées. Et il a

 17   ordonné que ces personnes se présentent à lui.

 18   P 03700. Je pense que M. Scott vous a déjà parlé de cet ordre

 19   aujourd'hui. C'est un autre ordre donné par Praljak. Point 2 :

 20   "Si cet ordre n'est pas exécuté, la personne qui ne l'exécute pas

 21   doit être désarmée, abandonner l'uniforme du HVO et se voir interdite de

 22   recevoir nourriture ou eau tant que je ne reviens pas."

 23   Pièce P 03706. La date est celle du 25 juillet 1993. C'est un ordre

 24   que donne Praljak à son commandant de la zone opérationnelle Siljeg, ordre

 25   donné en mains propres : 

 26   "Si cet ordre n'est pas exécuté avant 17 heures le 26 juillet 1993,

 27   les conséquences seront celles-ci :

 28   "1. Le commandant en question, qui est le premier responsable, sera

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  1   relevé de ses fonctions et se verra traduit en justice, poursuivi au

  2   pénal."

  3   P 03773. Ici, nous avons un autre exemple du fait que Praljak est prêt à

  4   menacer de conséquences graves s'il y a manquement à l'obligation

  5   d'exécuter un ordre. Ici, sa menace c'est que le commandant qui n'exécute

  6   pas cet ordre-ci devra rendre compte et répondre aux infractions pénales

  7   réglées par le code pénal de la HZ HB.

  8   Comme nous l'avons vu dans la Chambre d'appel du procès Halilovic, pour ce

  9   qui est de la responsabilité du supérieur hiérarchique au sens de l'article

 10   7(3), la question posée est celle-ci : est-ce que l'accusé a sincèrement

 11   essayé de punir ou d'empêcher des crimes en prenant des mesures qu'il était

 12   en mesure de donner vu ses fonctions ?

 13   Les exemples cités ci-dessus montrent que Praljak a demandé à obtenir

 14   l'identité d'auteurs présumés ou a menacé de poursuites en évoquant le

 15   droit pénal et qu'ainsi il agit dans le cadre de ses compétences. Il

 16   croyait, manifestement, qu'en donnant ce genre de directives, il restait

 17   dans le cadre des pouvoirs que lui conférait son poste de commandant du

 18   HVO. Mais il n'y a pas un seul exemple qui nous montrerait Praljak donner

 19   un ordre, émettre une plainte ou des griefs ou des menaces à l'encontre,

 20   par exemple, d'auteurs d'actes ou de faits d'expulsion de Musulmans ainsi

 21   chassés de Mostar Ouest pendant tous les mois où il était chef d'état-major

 22   principal ou pendant la campagne de terreur qu'a subie la population

 23   musulmane de Prozor pendant toute l'année 1993, alors qu'il a passé

 24   beaucoup de temps à Prozor après être devenu commandant de l'état-major

 25   principal.

 26   Est-ce qu'il lui est arrivé de donner des ordres ou est-ce qu'il a utilisé

 27   un langage assez musclé, semblable à celui-ci, pour mettre fin aux

 28   activités de travaux forcés ? Nous en parlerons plus tard, mais la réponse

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  1   c'est que non, il ne l'a pas fait.

  2   Il savait que tous ces crimes étaient commis. Est-ce qu'il lui est arrivé

  3   d'exiger de Coric ou de quelqu'un d'autre le nom d'auteurs de ces crimes,

  4   quels qu'ils soient, à Mostar Ouest, à Prozor ou ailleurs ?

  5   Il est incontesté que Praljak disposait de la capacité, de l'autorité

  6   nécessaire pour donner ce genre d'ordre, et ce faisant, s'il l'avait fait,

  7   il aurait montré clairement, il aurait manifesté qu'il ne tolérait pas ce

  8   genre de comportement. Mais jamais il n'a eu recours à cette autorité. Il

  9   n'a jamais même essayé de le faire. Jamais il n'a essayé de le faire.

 10   A l'exception de Stupni Do, aucun élément ne vient nous montrer que Praljak

 11   aurait jamais essayé d'ordonner des mesures de protection disciplinaires

 12   contre des soldats du HVO qui auraient commis des crimes sur des Musulmans

 13   ou qu'il aurait diligenté une enquête suite aux crimes généralisés qui se

 14   sont produits avant ou après le moment où il est devenu commandant de

 15   l'état-major principal du HVO.

 16   Vous allez peut-être être défait de votre uniforme parce que vous

 17   n'obéissez pas à des ordres, mais pas si vous chassez des centaines de

 18   civils musulmans de leurs foyers.

 19   Et même s'il affirme qu'il n'était pas responsable des crimes commis par le

 20   HVO hors la ligne de front ou même s'il affirme qu'il était impuissant

 21   devant les crimes qui n'étaient pas commis en sa présence, en vérité, il a

 22   fermé les yeux sur les crimes commis par les soldats du HVO quand ceux-ci

 23   n'étaient pas au front. Il a dit clairement lorsqu'il a témoigné, Praljak,

 24   il ne s'intéressait qu'à une chose, il voulait gagner la guerre, il voulait

 25   remporter la bataille. Il a affirmé, par exemple, qu'il lui était

 26   impossible de punir des soldats parce que cela voulait dire que ces soldats

 27   auraient été retirés du front.

 28   Page 41 035 du compte rendu d'audience du 2 juin 1992:

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  1   "Et à supposer que vous aviez le pouvoir et l'autorité nécessaires pour

  2   mettre 300 soldats en prison, enfin dans une prison quelle qu'elle soit,

  3   pour les enfermer, ça veut dire que vous n'auriez pas eu 300 soldats

  4   supplémentaires pour les remplacer au front ?" Donc c'était un problème

  5   qu'on ne pouvait pas résoudre dans le cadre des ressources que vous aviez

  6   et de la façon dont nous avons agi et existé.

  7   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il ne fallait pas emprisonner

  8   300 soldats. Des mesures fermes concernant un petit nombre de soldats, ça

  9   aurait été un signe très clair qu'on manifestait et ça aurait empêché que

 10   règne le climat qui a régné quand il était commandant.

 11   La Chambre de première instance se souviendra du fait que Praljak a

 12   délibérément décidé de soumettre à la population civile encore davantage de

 13   terreur et davantage de crimes en utilisant la police, tant militaire que

 14   civile, dans des opérations de combat.

 15   Page 43 991 du compte rendu d'audience. Je suis sûr que vous vous souvenez

 16   de ceci.

 17   C'était au moment du contre-interrogatoire. Le général Praljak a confirmé

 18   ce qu'il avait dit en interrogatoire principal. A ce moment-là, il avait

 19   dit ceci :

 20   "Une telle utilisation de la police militaire va diminuer de façon

 21   considérable la capacité que celle-ci a à faire son travail, à remplir sa

 22   mission habituelle, et c'est la raison pour laquelle il va y avoir une

 23   recrudescence de la criminalité générale. Il y aura aussi une diminution du

 24   nombre de ceux qui seront arrêtés pour avoir commis ces crimes."

 25   Le 27 août 2009, nous sommes revenus à ce sujet à la page 43 997 du compte

 26   rendu d'audience, c'est le Juge Trechsel qui intervient pour poser la

 27   question suivante. Il demande des précisions sur ce point au général

 28   Praljak :

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  1   "Vous avez tenu compte de ceci. Vous le saviez, et ce que vous dites,

  2   c'est qu'ici, c'était un cas de force majeur, une nécessité; vous voulez

  3   dire que la situation était si tendue et que dans le fond, la fin justifie

  4   les moyens et que c'est un moyen de retirer une force de police, exposant

  5   ainsi les civils à un risque de crime encore accrû. Vous ai-je bien compris

  6   ?"

  7   Réponse de M. Praljak :

  8   "Oui, c'est exact. Malheureusement, c'est comme ça que ça s'est passé. Vous

  9   avez bien compris ma réponse."

 10   Un peu plus loin, il dit ceci :

 11   "La situation militaire était telle qu'il était nécessaire d'engager une

 12   partie de la police militaire au combat."

 13   P 04177. Sur le terrain, quel est l'effet de la décision prise par Praljak

 14   de ne plus protéger la population civile ? Vous le voyez ici en termes

 15   explicites dans ce rapport en date du 14 août 1993, rapport établi par un

 16   officier du SIS à Prozor dans lequel il décrit la situation abominable que

 17   subissent les Musulmans à Prozor au moment où Praljak en personne était sur

 18   les lieux.

 19   Voici ce que dit le rapport :

 20   "L'arrivée de soldats et de civils dans la municipalité a provoqué une

 21   augmentation des crimes et de prostitution, a fait que les Musulmans ont

 22   été sortis de prison, ils ont été liquidés, on leur a pris leurs bijoux,

 23   leur argent, leurs autres biens de valeur…

 24   "Ils ont été liquidés après cette extorsion, et tous les jours, les femmes

 25   et les enfants sont sortis des centres de rassemblement à Podgrade, à

 26   Lapsunj, à Duge, qui ne sont pas sécurisés…"

 27   Et je vous dirai plus tard ce qu'il en est lorsque je parlerai de M. Coric.

 28   "Ces lieux ne sont pas sécurisés, ce ne sont pas des lieux sûrs. Les femmes

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  1   et les gamines sont enlevées dans des endroits où elles sont violées, où on

  2   les fait se déshabiller et elles sont obligées d'obéir aux violences

  3   sexuelles."

  4   Page suivante. On parle d'hommes qui vont dans des maisons appartenant à

  5   des Musulmans et on parle des exactions qui y sont commises, et il

  6   continue, il dit, voilà :

  7   "C'est quelque chose de systématique et qui se passe depuis déjà longtemps,

  8   alors que nous, nous avons informé le HVO, le président Mijo Jozic, le chef

  9   de la brigade et les chefs de la police militaire et de la police civile

 10   par écrit."

 11   Page suivante. Où est-ce qu'il est, le général Praljak ? Qu'est-ce qu'il

 12   fait alors que toute cette terreur règne à Prozor ? Vous le voyez en bas de

 13   page 4 en anglais :

 14   "La police civile, elle est débordée, et depuis peu, quand ils sont le plus

 15   souvent sur le terrain sous le commandement du général Slobodan Praljak."

 16   Les éléments de preuve le montrent. Le général pense que s'il prend des

 17   mesures disciplinaires contre des soldats du HVO qui ont commis des crimes

 18   sur des civils musulmans, ça risque de leur faire perdre la guerre, donc il

 19   reste apathique et ne prend aucune action. Le Juge Trechsel lui a posé une

 20   question, et le général Praljak parle de la nécessité militaire, celle de

 21   gagner la guerre, et qu'à son avis, ceci justifie qu'on fait courir le

 22   risque à la population civile de subir des crimes généralisés, une terreur,

 23   une persécution - qui est ici inscrite dans le rapport du SIS - et ailleurs

 24   aussi, par exemple, à Mostar Ouest. Mais comme nous le lisons dans notre

 25   mémoire en clôture, on ne saurait invoquer la nécessité militaire pour

 26   justifier des crimes. Un commandant militaire n'a pas le droit de tout

 27   simplement faire fi de la loi ni de fermer les yeux devant les crimes

 28   commis par ses subordonnés parce que, à son avis, c'est ce qu'il faut faire

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  1   pour gagner la guerre.

  2   Bien entendu, les crimes tolérés par le général Praljak étaient nécessaires

  3   pour chasser la population musulmane de l'Herceg-Bosna, et c'est ici,

  4   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que les conséquences de la

  5   décision que prend consciemment M. Praljak de ne pas empêcher les crimes,

  6   de ne pas les punir, c'est ici que ces conséquences passent des

  7   dispositions de l'article 7(3) à l'article  7(1) du Statut. Etant donné le

  8   soutien ardent qu'apporte Praljak à l'idée d'établir une Herceg-Bosna

  9   dominée par les Croates, un objectif qui ne saurait se réaliser sans crime,

 10   et donc forcément à des déplacements forcés de population, le fait qu'il

 11   accepte un comportement criminel généralisé de la part de ses subordonnés,

 12   ceci constitue en soi une contribution significative, pour ne pas dire

 13   énorme, à l'entreprise criminelle commune de l'Herceg-Bosna.

 14   L'entreprise criminelle commune, bien sûr, c'est une façon de commettre ce

 15   qui est repris par l'article 7(1) du Statut. Il ne faut pas ici se lancer

 16   dans des conjectures pour savoir quel était le genre de climat de

 17   commandement qui existerait quand vous avez le commandant suprême qui

 18   rejette toute responsabilité pour la conduite qu'auraient ses subordonnés

 19   quand il n'est pas présent et quand il va sciemment exposer la population

 20   civile à une recrudescence de la criminalité en tolérant les crimes et en

 21   déployant la police militaire et civile dans des opérations de combat. Il

 22   vous suffit de lire les rapports consécutifs aux événements qui se sont

 23   passés à Prozor, à Mostar et dans toute l'Herzégovine occidentale, et

 24   ailleurs d'ailleurs, pour voir quel est le genre de terreur, d'expulsion et

 25   de destruction qui va sévir et s'épanouir dans un tel climat.

 26   Et c'est un climat qu'alimente Slobodan Praljak. Il faut gagner la guerre à

 27   tout prix. La fin justifie les moyens. Tolérer, fermer les yeux, rester

 28   aveugle à ces crimes commis par les subordonnés, du moment que ces hommes

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  1   continuent de remonter au front le lendemain pour se battre pour l'Herceg-

  2   Bosna. Et lorsque ceci vient du commandant suprême du HVO, on peut dire que

  3   c'est une contribution suprême à l'entreprise criminelle commune.

  4   La jurisprudence du Tribunal, notamment dans l'affaire Galic, le dit

  5   clairement. Lorsqu'il y a un manquement répété et constant à l'obligation

  6   d'empêcher les crimes, à prendre des mesures raisonnables et nécessaires à

  7   l'encontre d'auteurs, ceci peut permettre de conclure que ces crimes, ils

  8   étaient voulus, qui étaient ordonnés au titre des dispositions de l'article

  9   7(1) du Statut. Nous savons aussi qu'en tolérant de façon répétée les

 10   crimes, les actes et les omissions d'un commandant supérieur, c'est une

 11   façon d'inciter au crime lorsqu'on a créé un environnement qui permet ce

 12   genre de comportement criminel.

 13   Ces principes de droit s'appliquent directement ici au général Praljak et

 14   au fait qu'il a constamment refusé d'exercer la moindre forme de contrôle

 15   ou de discipline à l'égard de ses subordonnés pour essayer de répondre aux

 16   crimes généralisés de transfert, d'expulsion, de pillage, d'appropriation,

 17   de destruction de biens appartenant à la population musulmane dans toute la

 18   région contrôlée par le HVO. Les éléments de preuve du dossier montrent

 19   qu'il a, en fait, accepté ces crimes, qu'il les estimait nécessaires pour

 20   réaliser cet objectif. Cet objectif, il le dit lui-même, c'était de

 21   "délimiter par une clôture ce qui est à nous, et nous voulons ainsi créer

 22   notre propre Etat."

 23   Je pense que c'est clair comme le jour.

 24   Le moment se prête peut-être bien à la fin de la journée.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Effectivement, il est quasiment 13 heures 45.

 26   Donc il est l'heure de mettre fin à cette audience.

 27   Comme vous le savez, nous reprendrons nos travaux demain après-midi

 28   en raison d'un changement avec l'affaire Tolimir. Donc nous nous

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  1   retrouverons tous demain à 14 heures 15. Je vous remercie.

  2   --- L'audience est levée à 13 heures 42 et reprendra le mercredi 9

  3   février 2011, à 14 heures 15.

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