Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 52081

  1   Le jeudi 10 février 2010

  2   [Réquisitoire]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'accusé Pusic n'est pas présent]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

 10   toutes les personnes ici présentes. Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre

 11   Prlic et consorts. Merci, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce jeudi, je salue toutes les personnes présentes. Nous avons pris

 14   notre audience avec quelques minutes de retard parce qu'il y a le problème

 15   technique que vous connaissez tous qui est toujours permanent. Le

 16   technicien nous a expliqué qu'il n'arrive pas à identifier la cause du

 17   problème, étant précisé que ce problème n'affecte apparemment que la salle

 18   d'audience III. Les autres salles d'audience n'ont pas ce problème. C'est

 19   un problème uniquement lié à notre salle d'audience, mais ils n'arrivent

 20   pas à déterminer la cause malgré tous les efforts qu'ils font. Et comme l'a

 21   expliqué Me Khan hier à juste titre, il y a eu un changement de système, et

 22   c'est peut-être lié à cela. Quoi qu'il en soit, ils ont fait redémarrer le

 23   système et, pour le moment, ça fonctionne. Alors, espérons que ça va

 24   continuer à fonctionner.

 25   Je donne la parole à M. le Procureur pour la suite du réquisitoire.

 26   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

 27   Messieurs les Juges. Bonjour aux conseils de la Défense. Si vous me le

 28   permettez, Monsieur le Président, je vais maintenant requérir à propos de

 

Page 52082

  1   M. Valentin Coric.

  2   Permettez-moi de commencer mon propos en allant droit au cœur, droit au

  3   deux piliers du mémoire et aussi de la Défense même de Coric. Le premier

  4   pilier, le premier argument, est d'ordre juridique. Coric affirme qu'il ne

  5   saurait être tenu responsable d'un seul des crimes allégués en sa qualité

  6   de membre de l'entreprise criminelle commune tant qu'on ne le trouve pas

  7   coupable en raison de sa responsabilité de supérieur hiérarchique, ce qui

  8   est consigné à l'article 3 du Statut. Il le dit au paragraphe 150 de son

  9   mémoire : "Nous disons respectueusement qu'il est manifeste que le bureau

 10   du Procureur ne parvient pas à prouver l'existence d'un entreprise

 11   criminelle commune tant qu'ils ne peuvent pas prouver que Coric encourt les

 12   responsabilités pénales visées par l'article 7(3) du Statut."

 13   Au paragraphe suivant, 151, il dit ceci :

 14   "En l'absence d'une responsabilité visée par l'article 7(3) du Statut, il

 15   ne serait avoir pour Coric de responsabilité pour l'entreprise criminelle

 16   commune."

 17   Deuxième pilier de sa défense, celui-là, il repose sur des faits. Ici, il

 18   se cache derrière son bureau, affirmant qu'il n'était qu'un bureaucrate, un

 19   gratte-papier, un administrateur démuni et dénué de tout pouvoir véritable,

 20   étant incapable de punir ou d'empêcher des crimes sans contrôle effectif

 21   sur les auteurs présumés des crimes. Du coup, Coric dit n'avoir aucune

 22   connaissance des crimes qui se produisaient puisque les communications

 23   étaient mauvaises et que lui ne recevait que "peu de moyens de transmettre

 24   des informations et d'en recevoir," lui qui était chef du service de police

 25   militaire. En conséquence, Coric affirme ne rien savoir d'une entreprise

 26   criminelle commune, qu'il n'y a pas contribué et qu'il n'est faisait pas

 27   partie.

 28   Son affirmation de droit c'est que pour être jugé membre d'une entreprise

Page 52083

  1   criminelle commune, il faut d'abord montrer qu'il encourt la responsabilité

  2   de ces crimes en vertu de l'article 7(3). Ça, c'est facilement réglé. On

  3   peut parer à cette information aisément. Vous allez le voir, l'arrêt Kvocka

  4   en date du mois de février 2005. Vous l'avez à l'écran. Au paragraphe 105

  5   [comme interprété] de l'arrêt en question, la Chambre d'appel constate que

  6   la participation à une entreprise criminelle commune visée par l'article

  7   7(1) du Statut et la responsabilité du supérieur hiérarchique visée par

  8   l'article 7(3) du même Statut, ce sont là des catégories distinctes de

  9   responsabilité pénale individuelle qui chacune requiert des conditions de

 10   droit à remplir qui sont spécifiques. La responsabilité de l'ECC ne

 11   nécessite pas qu'il faille prouver qu'il y a une responsabilité du

 12   supérieur hiérarchique.

 13   Et puis, il y a une autre référence à cet arrêt Kvocka, paragraphe

 14   144, aussi au paragraphe 383, pour soutenir ce même argument.

 15   Vous le constaterez, dans le procès Krajisnik, l'accusé a été jugé

 16   coupable d'une entreprise criminelle commune même si la Chambre de première

 17   instance a conclu qu'il n'avait pas un contrôle effectif sur les forces

 18   ayant participé à la perpétration des crimes. Paragraphe 1 121 du jugement

 19   en première instance de Krajisnik. Cet aspect de la Défense de Coric qui

 20   affirme que pour être jugé responsable d'une entreprise criminelle commune,

 21   il faut d'abord prouver une responsabilité selon les termes de l'article

 22   7(3), c'est dénué de tout fondement.

 23   Pour ce qui est de sa participation, de sa contribution à ce que nous

 24   avons appelé l'entreprise criminelle commune de l'Herceg-Bosna, notre

 25   principe de base c'est que lui, comme ses co-accusé, voulait provoquer la

 26   création de l'Herceg-Bosna, un territoire croate autonome à l'intérieur de

 27   la Bosnie-Herzégovine. Pièce P 08548. Une publication qui porte le titre

 28   suivant : "Trois ans de police militaire" et qui montre les apports de

Page 52084

  1   plusieurs individus qui ont été actifs dans la police militaire du HVO.

  2   Et lorsqu'on parle de Coric ici, de sa contribution à cette

  3   publication, lorsqu'il parle de la formation de la police militaire, voici

  4   ce qu'il dit :

  5   "Lorsqu'on sélectionnait des membres de la police militaire, nous prenions

  6   grand soin à recruter des gens honorables, des gens qui étaient fidèles à

  7   la cause, à la patrie croate, et je pense que nos efforts à cet égard ont

  8   été couronnés de succès."

  9   Bien sûr, c'est normal, on s'attend à ce qu'on recrute des gens honorables,

 10   des hommes d'honneurs. Mais, Monsieur le Président, on ne sait pas trop ici

 11   combien il y aurait eu de Musulmans fidèles à la cause croate, fidèles à la

 12   patrie croate, qui était la pierre angulaire, la raison d'être même du

 13   recrutement de la police militaire. Il n'y avait pas que des Croates qui

 14   étaient des hommes d'honneur en Herceg-Bosna.

 15   P 01788. Nous avons ici un document que je vous ai déjà présenté lorsque je

 16   parlais du général Praljak. C'est le procès-verbal d'une réunion qui s'est

 17   tenue le 2 avril 1993.

 18   On me dit qu'apparemment, il y a une panne du côté de l'ordinateur de Mme

 19   Wiener [phon], notre commise. Nous ne pouvons pas afficher le système

 20   Sanction. On peut peut-être improviser dans l'intervalle avec le système du

 21   prétoire, mais là, vraiment, je suis tributaire de ce que peut faire le

 22   greffier d'audience. Quoi qu'il en soit, je poursuis mon propos, car

 23   manifestement, la technologie a décidé de nous mettre des bâtons dans les

 24   roues en ce dernier jour de notre réquisitoire. C'est assez malheureux,

 25   vous en conviendrez.

 26   P 01788. C'est le procès-verbal de cette réunion du général Praljak, de M.

 27   Coric et d'autres aux commandements du HVO. Vous vous en souviendrez, selon

 28   les propres dires du général Praljak : "On ne peut que délimiter par une

Page 52085

  1   clôture ce qui nous appartient pour y bâtir à l'intérieur notre Etat." Et

  2   ici, dans cette réunion, il parle de l'homogénéisation de la population.

  3   C'était une partie de la vision qu'il avait de ce que devait être l'Herceg-

  4   Bosna.

  5   Valentin Coric était présent à la réunion, tout comme d'autres

  6   personnalités de premier plan de la hiérarchie de l'Herceg-Bosna. Je parle

  7   de Ignjac Kostroman, de Dario Kordic. Kostroman, c'était cet homme de

  8   Bosnie centrale, vous vous en souviendrez, qui promouvait la cause d'un

  9   rattachement de l'Herceg-Bosna à la Croatie. C'était son rêve.

 10   P 06581. Nous avons ici le procès-verbal d'une réunion qui s'est tenue au

 11   palais de la présidence. Au transcript présidentiel, M. Boban, M. Prlic, le

 12   président Tudjman, et nous sommes en novembre, le 10 novembre 1993. L'objet

 13   de la discussion c'est la désignation et l'approbation de personnes qui

 14   allaient occuper des postes-clés dans ce qui était la nouvelle République

 15   croate d'Herceg-Bosna qui venait d'être établie, la HR HB.

 16   A la réunion, voici ce que dit M. Prlic au président Tudjman :

 17   "Valentin Coric, qui bénéficie d'une grande confiance au sein de l'armée,

 18   est maintenant chef de la police militaire. Et de par ses attributs, je

 19   pense qu'il ferait un bon ministre de la Défense."

 20   M. Prlic poursuit -- c'est M. Tudjman qui dit :

 21   "Pour ces deux ministères, celui de la Défense et celui de l'Intérieur, il

 22   vous faut choisir ceux qui ont le plus de force, les plus musclés, ceux qui

 23   ont le plus d'autorité."

 24   Ce à quoi Prlic répond :

 25   "Eh bien, Valentin est un homme de cette trempe, précisément."

 26   En novembre 1993, les descriptions de mots comme cela, "force" et

 27   "autorité", on ne saurait les coller à la personnalité de M. Coric si, à

 28   cette date-là, il n'était pas en mesure de savoir tout ce qui s'était passé

Page 52086

  1   jusqu'à cette date. S'il n'avait pas été efficace en tant que commandant

  2   chef de la police militaire, comment voulez-vous qu'il ait été approuvé,

  3   proposé au poste de ministre de l'Intérieur dans la nouvelle République

  4   croate d'Herceg-Bosna ?

  5   Pour ce qui est de la contribution à l'entreprise criminelle commune, Coric

  6   se trompe lorsqu'il évoque les critères à remplir en la matière. Au

  7   paragraphe 219 de son mémoire, Coric affirme qu'il n'a pas apporté une

  8   contribution significative à la cause de l'entreprise criminelle commune.

  9   Mais ce n'est pas ce qu'il faut montrer. Ce n'est pas ce qu'il faut

 10   démontrer. Parce que dès qu'il est prouvé que Coric était membre de

 11   l'entreprise parce qu'il partageait l'intention qui en animait les membres,

 12   sa contribution doit simplement être importante. Ce n'était peut-être pas

 13   important comme point de droit car, de notre avis, il est bien établi à cet

 14   égard que M. Coric a apporté une contribution des plus importantes à

 15   l'entreprise criminelle commune de l'Herceg-Bosna.

 16   C'est vrai aussi de ses co-accusés, Coric disposait d'un pouvoir

 17   considérable, absolument superlatif dans son cadre d'activité, dans son

 18   mandat. Il a contribué notamment à l'entreprise criminelle commune, et

 19   c'est en n'exerçant pas ce pouvoir, ce pouvoir qui l'habilitait à empêcher,

 20   à punir, à condamner ou à même critiquer le comportement criminel

 21   généralisé dont souffrait la population musulmane de Bosnie en Herceg-

 22   Bosna.

 23   Il y a un aspect particulièrement troublant de la participation de Coric à

 24   cette affaire, c'est le fait qu'il était le chef de la police militaire. Il

 25   n'était pas un agent de la paix pour tout le monde, et sûrement pas pour

 26   les Musulmans de Bosnie. Les éléments de preuve sont là pour le dire. Comme

 27   Praljak, il était tellement fidèle et engagé dans la cause de l'entreprise

 28   de l'Herceg-Bosna qu'il était prêt à fermer les yeux sur des crimes qui ont

Page 52087

  1   contribué à la création de l'Herceg-Bosna, à les approuver ou fermer les

  2   yeux sur ces crimes liés à ses propres subalternes dans la police

  3   militaire. Il n'a rien fait pour soutenir les efforts de la police de

  4   maintien de l'ordre pour prendre des mesures sérieuses contre les membres

  5   du HVO qui commettaient des crimes, particulièrement lorsque ceux-ci

  6   étaient utiles à des opérations de combat du HVO. Tout comme le général

  7   Praljak, au fond, au niveau du commandement, du style de commandement. Si

  8   ce sont des bons soldats, si ce sont de bons combattants, on va fermer les

  9   yeux, on va regarder de l'autre côté lorsqu'ils sont en train de commettre

 10   des crimes.

 11   P 03928. C'est un rapport en date du 3 août 1993. Il est envoyé à M. Coric

 12   en personne au siège de l'administration de la police militaire. Qui en est

 13   l'auteur ? Cet auteur se plaint d'activités criminelles de deux unités bien

 14   connues : Vinko Skrobo, avant c'était Mrmak, groupe antiterroriste; et

 15   Benko Panavic, aussi unité antiterroriste. Il dit qu'ils sont responsables

 16   d'une grande partie des crimes qui se sont commis dans la ville de Mostar.

 17   "Etant donné que ces deux unités font partie du Bataillon

 18   disciplinaire, elles jouissent d'un statut spécial pour des raisons

 19   inconnues."

 20   Ce statut spécial se reflète dans le fait qu'aucun organe de maintien de

 21   l'ordre, aucune force de police ne lève le petit doigt pour faire quoi que

 22   ce soit contre ces membres d'unités spéciales. Vidovic a reçu un ordre il y

 23   a certain temps du chef de l'administration de la police militaire pour

 24   dire que le centre ne devait consigner que certains actes commis par

 25   certains membres de ces unités.

 26   Page suivante :

 27   "J'aimerais indiquer que la totalité des membres de ces unités

 28   susmentionnées, qu'une grande partie se livre à des activités criminelles

Page 52088

  1   de telle sorte que la poursuite et le jugement de ces personnes -- ce que

  2   ceci entraînerait, c'est le démantèlement de ces unités."

  3   Qu'est-ce qu'on dit ici, Monsieur le Président ? Ici, dans le fond, on met

  4   au frigo les mesures qu'on aurait dû prendre. Ces mesures, bien sûr,

  5   réunissaient les éléments de dossier, mais on attendait le bon moment pour

  6   intervenir, pour prendre des mesures contre des unités qui se livraient à

  7   ce genre de crimes. Ce qui est certain, c'est qu'une telle action ne s'est

  8   jamais produite, et on n'en avait jamais eu l'intention non plus.

  9   P 05563. C'est un rapport envoyé directement au chef de la police

 10   militaire, à M. Coric donc, et qui est envoyé par M. Bozic, c'était le

 11   directeur du centre de détention de l'Heliodrom. Rapport concernant le mois

 12   de septembre et qui prend la date du 2 octobre 1993.

 13   Ici, il mentionne beaucoup de sujets pertinents en l'espèce en ce qui

 14   concerne la responsabilité de M. Coric. La première partie du rapport

 15   indique que le 9 septembre, 351 détenus ont été transférés de Ljubuski, ce

 16   qui veut dire que les prisonniers étaient encore plus entassés et plus en

 17   surnombre qu'avant, ce qui entraîne beaucoup de problèmes.

 18   Il parle d'un ordre donné par Tuta, Mladen Naletilic, les 20 et 21

 19   septembre. Il dit que :

 20   "… 24 de nos détenus ont été relâchés parce qu'on en avait besoin au

 21   front."

 22   Les éléments de preuve le montrent, on ne parle pas ici de détenus

 23   musulmans. Il est fort probable que c'était des criminels, des meurtriers

 24   croates qu'on a relâchés de l'Heliodrom juste avant l'opération menée par

 25   le HVO qui avait à sa tête Tuta et son Bataillon disciplinaire à Rastani.

 26   On a relâché les criminels pour qu'ils aillent combattre pour le HVO, et

 27   ceci est rapporté à M. Coric. Nous ne savons pas -- en tout cas, il n'y a

 28   aucun élément qui montre que M. Coric ou quelqu'un d'autre aurait fait quoi

Page 52089

  1   que ce soit pour contrer ce genre de choses, mais nous savons que M.

  2   Stojic, co-accusé de M. Coric, a par la suite félicité ce bataillon après

  3   l'opération couronnée de succès à Rastani. Mais aujourd'hui, nous savons

  4   qu'à Rastani, beaucoup de crimes furent commis.

  5   Nous allons, plus loin, parler des travaux forcés, mais il est

  6   question du nombre de détenus blessés ou tués pendant qu'ils faisaient des

  7   travaux forcés en septembre.

  8   Si vous lisez le mémoire de M. Coric, vous allez voir ce qu'il affirme. Il

  9   dit que c'est, en fait, le colonel Obradovic qui disposait du véritable

 10   pouvoir s'agissant des centres de détention dans le secteur sud, notamment

 11   l'Heliodrom. Il y aura une remarque récurrente dans mon propos : si c'était

 12   bien le colonel Obradovic qui avait la responsabilité de ces prisonniers,

 13   qui décidait de leur sort, si c'était vraiment Obradovic qui autorisait ces

 14   programmes intensifs de travaux forcés que nous connaissons, pourquoi est-

 15   ce que M. Bozic envoie ce rapport à M. Coric ? Vous le savez, et vous en

 16   discuterez, M. Bozic a envoyé de très nombreux rapports à M. Coric, parce

 17   qu'à ses yeux, c'était M. Coric qui avait l'autorité et qui avait la

 18   capacité de régler ces questions.

 19   M. Coric a contribué à l'entreprise criminelle commune en approuvant,

 20   en tolérant les expulsions administratives, tout un système par lequel les

 21   prisonniers pouvaient être libérés des camps de détention du HVO du moment

 22   qu'ils rentraient chez eux, faisaient leurs bagages, amenaient leurs

 23   familles à Ljubuski et partaient à tout jamais de l'Herceg-Bosna.

 24   P 0426 [comme interprété]. Nous avons ici la date du 17 août 1993. Ce

 25   document, vous le voyez, porte le nom d'Ante Prlic, Jure Herceg, 4e

 26   Brigade. Stjepan Radic, police militaire : 

 27   "Suite à l'ordre donné par le chef de la police militaire, Valentin

 28   Coric, les détenus suivants peuvent être relâchés en raison du fait qu'ils

 

Page 52090

  1   disposent de déclarations faites sous serment."

  2   Vous avez la signature et le sceau de l'administration de police, et

  3   sont énumérés le nom de 22 personnes.

  4   Monsieur le Président, est-ce que nous pourrions passer quelques instants à

  5   huis clos partiel.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Huis clos partiel, Monsieur le Greffier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  8   [Audience à huis clos partiel]

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

Page 52091

  1 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12 

 13  Page 52091 expurgée. Audience à huis clos partiel.

 14 

 15 

 16 

 17 

 18 

 19 

 20 

 21 

 22 

 23 

 24 

 25 

 26 

 27 

 28 

 

Page 52092

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3   [Audience publique]

  4   M. STRINGER : [interprétation] P 04404. Autre document en rapport avec ce

  5   programme de lettes de garantie. C'est M. Ante Prlic qui écrit ici :

  6   "Par cette confirmation, le QG de la prison de l'Heliodrom est prié de

  7   libérer Enver Cibo, un prisonnier, parce qu'il a une déclaration signée sur

  8   ordre du chef de la police militaire."

  9   Il ajoute ceci :

 10   "Le détenu mentionné ci-dessus doit être remis à la Brigade Ljubuski de la

 11   police, parce que c'est là que se trouve sa famille, à Ljubuski, et sa

 12   famille a reçu l'ordre de quitter l'Herzégovine."

 13   Si c'était un programme inhabituel ou qui était le fruit d'une imagination,

 14   d'un saugrenu, pourquoi est-ce qu'Ante Prlic dirait ici qu'on avait donné

 15   l'ordre à des familles de quitter l'Herzégovine ? Comment ces gens

 16   auraient-ils fini, quand même, par être libérés, si cette procédure n'avait

 17   pas été parfaitement autorisée et habilitée par ceux qui avaient la

 18   responsabilité et le pouvoir sur les prisonniers ?

 19   Et pourquoi, d'ailleurs, M. Prlic ne rend-il pas ce document au colonel

 20   Obradovic ? Parce qu'apparemment, c'est lui qui avait tous les pouvoirs sur

 21   l'Heliodrom. On dit qu'il trempait dans toutes ces histoires, qu'il fallait

 22   son aval. Or, ici, il montre que ce n'était pas vrai, que c'était, en fait,

 23   M. Coric qui avait ce pouvoir.

 24   P 10190. Là, nous ne parlons pas de l'Heliodrom, mais de Gabela. Ici aussi,

 25   une communication est envoyée par la police militaire de la brigade. C'est

 26   envoyé cette fois-ci à Gabela pour demander la libération de prisonniers

 27   suite à un ordre donné par le chef de la police militaire, M. Coric. Ces

 28   prisonniers doivent être remis à la garde de la police militaire de

Page 52093

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18   

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 52094

  1   Ljubuski, puisque les familles de ces personnes se trouvent à Ljubuski et

  2   qu'il a été décidé d'expulser ces personnes de l'Herzégovine. Les

  3   prisonniers sont relâchés de l'Heliodrom. Ils sont relâchés de Gabela. Ils

  4   rentrent chez eux et partent avec leurs familles.

  5   P 10328. Vous vous souviendrez sans doute, Messieurs les Juges, de ce que

  6   vous a dit Milada Orman. Elle a fourni une déclaration visée par l'article

  7   92 bis et nous a dit ce qui est arrivé à Gradska, dans son village, qui se

  8   trouve dans la municipalité de Ljubuski. C'est tout à fait dans le droit

  9   fil de ce que nous venons de voir. Gradska, c'est un village qui fait

 10   partie de Ljubuski. Y habitent que des Musulmans de Bosnie. Il y a 100 ou

 11   200 habitants. Lorsque les Musulmans de Ljubuski ont été obligés de se

 12   présenter au poste de police, ceux de Gradska ont dû le faire aussi. Et

 13   lorsque les hommes sont sortis de leur situation de détention, les gens de

 14   Gradska ont organisé des bus, ils sont partis dans deux bus à Zagreb. Ils

 15   ont dû abandonné la clé sous la porte et partir. Même procédure pour les

 16   autre Musulmans de Ljubuski. Des laissez-passer, un billet pour partir à

 17   l'étranger. Ils avaient une très belle mosquée dans le village, et

 18   lorsqu'ils sont partis, ils ont verrouillé la porte et ils ont donné la clé

 19   au gardien de l'église. Lorsqu'ils sont revenus en 1999, la mosquée avait

 20   été détruite à l'explosif et avait disparu. Il ne restait plus rien.

 21   Certains ont voulu rentrer, pas beaucoup. Leurs maisons n'étaient pas

 22   détruites, mais occupées par des Croates de Bosnie centrale. Mais il n'y

 23   avait pas encore de courant.

 24   Pensez, Messieurs les Juges, s'il vous plaît, à l'effet qu'ont ces

 25   programmes d'expulsion et de transfert forcé pour des habitants musulmans

 26   qui vivaient dans cette région. Vous avez reçu beaucoup d'éléments de

 27   preuve étayant cette idée.

 28   P 06135. C'est un rapport du SpaBat, du Bataillon espagnol. Je ne sais pas

Page 52095

  1   s'il est possible de l'afficher, mais je peux en donner lecture.

  2   C'est un rapport du 25 octobre 1993.

  3   "On a constaté que la mosquée du village de Gradska a récemment été

  4   détruite. Apparemment, le village a été vidé de ses habitants. Etant donné

  5   que les fenêtres et les portes étaient ouvertes et qu'il se dégageait de la

  6   fumée de certaines de ces maisons, on peut croire que la population a été

  7   déplacée pour être placée ailleurs."

  8   Pourquoi est-ce que tout ceci se passait ? P 06232. Quatre jours à peine

  9   après les observations que je viens de vous lire faites par le Bataillon

 10   espagnol concerne Gradska. Ici, nous avons une pièce qui porte la date du

 11   29 octobre. C'est une demande au nom du chef de la police militaire où

 12   c'est signé, nous pensons, par M. Lavric, son adjoint. On n'a pas contesté

 13   l'authenticité du document. Ici, que demande la police militaire ? Elle

 14   demande à la municipalité d'approuver l'utilisation temporaire par des

 15   membres de la police militaire d'appartements qui sont vides.

 16   Et nous voyons les noms de toutes les personnes concernées, les

 17   propriétaires de ces appartements réquisitionnés. Et nous reconnaissons

 18   l'appartenance ethnique; ce sont tous des Musulmans qui, tous, ont disparu.

 19   Ils sont partis, en tout cas. Et ils n'étaient même pas partis de quelques

 20   jours que la police militaire cherchait déjà à occuper ces appartements.

 21   Nous savons que la police militaire avait un appétit féroce et très

 22   vorace lorsqu'il s'agissait de digérer les appartements appartenant à des

 23   Musulmans.

 24   Voyez la pièce P 02879. Ici, nous avons un document du 21 juin 1993. De

 25   nouveau, c'est la police militaire qui fait une demande, et c'est M. Lavric

 26   qui signe au nom de M. Coric, pour ce qui est d'un bureau du logement et

 27   des infrastructures. On demande une décision autorisant l'occupation

 28   d'appartements :

Page 52096

  1   "Ci-joint une liste des appartements civils occupés par des membres

  2   de la police militaire. Nous demandons que les décisions soient prises dans

  3   les meilleurs délais."

  4   Il s'agit de 137 appartements, de 137 membres de la police militaire qui

  5   vont occuper ces appartements en date du 21 juin. Il est fort probablement

  6   qu'on parle ici de Mostar ouest quand on voit l'endroit où se trouvent ces

  7   appartements et le nom des rues.

  8   Parlons de la signature de Lavric qu'on voit. On l'a vue sur l'un ou

  9   l'autre de ces documents au nom de M. Coric. On n'a jamais contesté

 10   l'authenticité des documents, mais ça soulève une question. On affirme que

 11   la pièce P 03220 est un faux. Mais non, ce n'est pas un faux. C'est

 12   simplement un document qui ne sert pas la cause de M. Coric,

 13   Document qui porte la date du 6 juillet 1993. La campagne

 14   d'arrestation de tous les Musulmans battait son plein, et nous avons le

 15   colonel Obradovic qui demandait expressément qu'on prenne le contrôle de la

 16   libération de tous les prisonniers des quatre grands camps : Heliodrom,

 17   Ljubuski, Gabela et Dretelj. Un document qu'il a délivré la veille. Et

 18   aussitôt, Lavric signe au nom de Coric et il intervient et dit que les

 19   prisons de détention préventive militaires sont exclusivement du ressort de

 20   l'administration de la police militaire. Il dit à Obradovic d'annuler son

 21   ordre, et il concède que les prisonniers qui sont dans les prisons de

 22   détention préventive militaires et qui sont capturés par la Brigade Knez

 23   Domagoj, subordonnée au colonel Obradovic, s'ils sont libérés, doivent

 24   l'être avec votre consentement.

 25   Vous voyez la signature de Lavric. On a dit que c'était un faux, nous

 26   l'avons dit dans notre mémoire en clôture. Nombreux sont les autres

 27   documents dont on n'a pas contesté l'authenticité. On a toujours la même

 28   signature, c'est celle de Lavric. On la revoit document sur document. Et

Page 52097

  1   donc, ici, c'est simplement que ce n'est pas un document très avantageux,

  2   du tout d'ailleurs, alors qu'il essaie de dire que ceci ne le concerne pas.

  3   Permettez-moi de faire quelques remarques sur la question de la

  4   subordination, du rattachement. Qu'est-ce qu'il se passe lorsqu'une unité

  5   est resubordonnée ou est envoyée pour combattre ou être placée sous le

  6   commandement d'une autre partie du HVO ?

  7   M. Coric a plusieurs fois dit qu'une fois que ça se passe, ça le dégage de

  8   toute responsabilité s'agissant de la police militaire qui est alors

  9   soumise aux ordres donnés par quelqu'un d'autre dans d'autres brigades dans

 10   l'état-major. Ce n'est pas vrai.

 11   Dans -- M. Praljak et le général Petrovic vous l'ont dit tous les deux

 12   lorsqu'ils ont parlé de la resubordination. Lorsqu'ils ont témoigné, ils

 13   ont tous deux dit que le personnel de la police militaire, même s'il était

 14   rattaché à une autre brigade, ils restaient des membres de la police

 15   militaire. Ils restaient dans le cadre de la structure de la police

 16   militaire, et c'était toujours M. Coric qui en était responsable.

 17   Le 22 février 2010, page 46 795 du compte rendu d'audience, le général

 18   Petkovic témoignait ce jour-là, et il a dit ceci :

 19   "Valentin Coric, en l'occurrence, rédigeait un ordre disant que tel ou tel

 20   bataillon devait être subordonné ou rattaché dans une zone et qu'il allait

 21   être intégré dans la chaîne de commandement de la zone en question.

 22   Valentin Coric, même s'il avait subordonné le bataillon au commandant, n'en

 23   perdait pas pour autant la responsabilité qu'il avait du bataillon. Il ne

 24   va pas simplement se dégager de ce bataillon. Il a le droit d'exercer son

 25   pouvoir sur le bataillon. Mais le commandant de la zone en question va

 26   confier à ses hommes des tâches précises pour lesquelles il aura un

 27   commandement temporaire."

 28   Nous reviendrons à la question de la logistique, du ravitaillement de la

Page 52098

  1   police militaire, et comment cela était fait par l'administration de la

  2   police militaire.

  3   Monsieur le Président, si on forme ces hommes, si on les sélectionne, on

  4   leur donne des uniformes, des armes, des ceinturons, des badges et tout le

  5   reste. Ils sont entre vos mains. Vous pouvez les prêter à d'autres pour des

  6   tâches spécifiques liées aux combats, mais c'est toujours votre effectif.

  7   Prenons maintenant la pièce P 04186. La question est de savoir qui avait la

  8   responsabilité sur ceux qui géraient les prisons. M. Coric affirme que les

  9   responsables de la gestion des prisons ne faisaient pas partie de la voie

 10   hiérarchique de la structure de la police militaire.

 11   Prenons la date du 14 août 1993. C'est M. Bozic, qui est responsable

 12   de la gestion de l'Heliodrom, qui envoie ce document tant à M. Stojic qu'à

 13   M. Coric. Voyons maintenant ce qu'il en est du deuxième paragraphe de la

 14   première page. Bozic dit :

 15   "Puisque nous sommes déployés à la caserne de l'Heliodrom, nous recevons le

 16   soutien logistique de la 3e Brigade pendant la totalité du temps vu où nous

 17   nous trouvons, mais pendant toute la période, nous faisions partie de

 18   l'unité de la police militaire. Il est arrivé une ou deux fois que des

 19   chefs de la 3e Brigade nous ont mis en garde verbalement qu'ils n'étaient

 20   pas en mesure de fournir des vivres pour 2 100 détenus, ce qui nous a

 21   incité à nous adresser à notre unité de police militaire, qui n'a pas pu

 22   répondre à notre demande."

 23   Donc cela correspond au témoignage qui vient de Ljubuski -- il ne

 24   s'agit pas d'un document public. Donc, lorsque la brigade fournit les

 25   vivres, la question qui se pose est de savoir à quelles structures ces

 26   responsables de prison appartiennent. M. Bozic dit très clairement qu'il

 27   pense qu'il fait partie de la police militaire même si c'est la brigade qui

 28   fournit les vivres aux prisonniers.

 

Page 52099

  1   Et puis, le 14 août, il est face à un problème, et il dit à MM.

  2   Stojic et Coric qu'il n'a pas assez de nourriture pour nourrir ces

  3   prisonniers.

  4   Monsieur le Président, huis clos partiel, s'il vous plaît,

  5   brièvement.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  8   partiel.

  9   [Audience à huis clos partiel]

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23   [Audience publique]

 24   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Donc cela est tout à fait clair, si on déploie les unités de la police

 26   militaire au champ de bataille, ils vont devoir prendre les ordres des

 27   unités qui sont déployées au champ de bataille, des commandements sur le

 28   terrain.

 

Page 52100

  1   M. Coric aborde la question de l'exclusivité, donc du fait qu'il n'avait

  2   pas la responsabilité. Au fond, ce qu'il affirme, c'est que les brigades

  3   pouvaient émettre des ordres à une brigade de police militaire, et donc, en

  4   d'autres termes, il n'en avait pas la responsabilité. Je ne suis pas

  5   responsable d'eux puisque quelqu'un d'autre, par exemple, le général

  6   Praljak, leur donne des ordres.

  7   "Que ce soit Obradovic ou d'autres, ils amènent des gens de l'Heliodrom,

  8   Pusic, par exemple. Cela veut dire que moi, je n'exerce aucune

  9   responsabilité sur eux."

 10   Mon confrère, M. Scott, a lu ce passage pendant sa présentation des

 11   arguments. Il a cité le Juge Jackson des procès de Nuremberg. Plus d'une

 12   personne est responsable lorsque les ces crimes ont été commis. Donc il n'y

 13   a pas qu'un seul responsable. Et le fait que d'autres au sein de l'état-

 14   major ou des structures de brigade pouvaient émettre des ordres à certains

 15   membres de la police militaire ne signifie pas que M. Coric n'en est plus

 16   responsable et qu'il ne fait pas partie de ses structures de police

 17   militaire.

 18   Alors, quels sont les rapports qui viennent du terrain ? Ces rapports nous

 19   parlent de la structure et de la voie hiérarchique, parce que les gens, ils

 20   n'envoient pas des rapports à ceux qui se situent à l'extérieur de leur

 21   filière de commandement. Les subordonnés envoient leurs rapports à leurs

 22   supérieurs. Ces rapports sont très parlants sur la connaissance,

 23   l'information et la quantité d'informations qu'avait à sa disposition M.

 24   Coric.

 25   Pièce P 00648. Pièce qui porte la date du 25 octobre 1992. C'est un rapport

 26   intérimaire, une demande de prendre des mesures de la part de M. Siljeg,

 27   commandant de la zone opérationnelle du nord-ouest de l'Herzégovine. Le

 28   département de la Défense, l'état-major principal et l'administration de la

Page 52101

  1   police militaire sont les destinataires. Et de quoi se plaint-il ? Il se

  2   plaint de l'unité de la police militaire de Livno et de Tomislavgrad,

  3   placées sous le commandement de Zdenko Andabak se trouvant à Prozor,

  4   revenues à Livno et à Tomislavgrad avec à peu près une trentaine de

  5   véhicules à moteur qui ont été confisqués de manière illégale.

  6   Et vers la fin du document, vers la fin de ce rapport, Siljeg dit :

  7   "J'ai demandé que le chef de l'administration de la police militaire

  8   enquête immédiatement sur ces unités de Livno et de Tomislavgrad, se penche

  9   sur la situation et prenne des mesures qui s'imposent contre des individus

 10   qui se comportent de cette manière-là."

 11   Donc, qu'est-ce que cela nous montre, Monsieur le Président,

 12   Messieurs les Juges ? Que le commandant M. Siljeg de la zone opérationnelle

 13   pense que M. Coric a le pouvoir et exerce la responsabilité pour ce qui est

 14   du comportement de ses subordonnés de la police militaire, alors M. Andabak

 15   qui est déployé sur le terrain, et que M. Coric peut prendre des mesures

 16   pour faire face à ces écarts de conduite.

 17   Là, en l'occurrence, nous savons qu'à un moment donné plus tard, M. Coric

 18   et M. Praljak ont émis un ordre conjoint demandant que l'on restitue les

 19   véhicules.

 20   Venons-en maintenant à la pièce P 02 -- excusez-moi, j'ai sauté une pièce.

 21   Prenons la pièce P 02697.

 22   Monsieur le Président, puis-je savoir à quel moment vous avez prévu la

 23   pause ? Je ne sais pas exactement.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : A 10 heures 30, comme d'habitude.

 25   M. STRINGER : [interprétation] Pièce P 02697. Un autre rapport ici qui

 26   provient de M. Siljeg. Il porte la date du 9 juin 1993. Il envoie cela à M.

 27   Boban, M. Stojic, Petkovic, ainsi qu'à M. Coric en personne.

 28   Vers la fin de la première page, l'avant-dernier paragraphe :

Page 52102

  1   "Tout va mal au sein du 2e Bataillon de la Police militaire et on ne peut

  2   pas les commander, si ce n'est pour une partie de l'ATG de Tomislavgrad..."

  3   Et puis, il décrit la situation dans la suite du texte :

  4   "Tout cela montre que les unités de la police militaire de Livno, Rama et

  5   Gornji Vakuf échappent à tout contrôle, agissent de leur propre chef et ne

  6   peuvent pas être commandées."

  7   Il dit :

  8   "Nous exigeons que vous preniez les mesures comme suit --"

  9   Et puis, il demande dans la suite qu'un certain nombre de choses très

 10   concrètes soient faites.

 11   Au point 2 :

 12   "Il est vrai que les bataillons ont été placés sous la juridiction du

 13   commandant de la zone opérationnelle, mais c'est uniquement à partir du

 14   moment où nous étions complètement enfoncés dans les problèmes jusqu'au

 15   cou. Mais à quoi est-ce que cela sert, un ordre, s'il n'y a pas de

 16   commandement et le commandant n'est pas en position de commander les

 17   commandants placés à un échelon inférieur ou des policiers, et si vous

 18   menez la politique du personnel au sein de la police militaire ?"

 19   Et puis, au point 4, page suivante, Siljeg écrit :

 20   "A l'avenir, utilisez la police militaire du territoire en profondeur pour

 21   sécuriser les convois le long de cet axe. Vous avez été informés de

 22   l'ensemble des problèmes qui se posent au niveau sécuritaire s'agissant de

 23   la circulation des personnes et des biens en passant par Rama et d'autres

 24   incidents négatifs : des assassinats, des incendies volontaires, pillages,

 25   et cetera. Il est grand temps que l'administration de la police militaire

 26   fasse quelque chose."

 27   C'est ce qu'il dit :

 28   "Il est grand temps que l'administration de la police militaire

Page 52103

  1   agisse." L'UVP.

  2   Au point 6 :

  3   "Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir… mais maintenant il vous

  4   appartient d'agir, à vous."

  5   Si Siljeg n'avait pas pensé que M. Coric avait la responsabilité ou qu'il

  6   pouvait faire quelque chose avec ces problèmes, Siljeg n'aurait pas écrit à

  7   Coric. Il ne l'aurait pas inclus parmi les destinataires de ce rapport

  8   s'agissant de la police militaire de la zone de Prozor.

  9   Venons-en maintenant à la pièce P 05657. Voyons ce qui en est du

 10   déploiement du personnel de la police militaire de Mostar -- ou plutôt, on

 11   en parlera un peu plus tard. Maintenant, nous avons ici la date du 5

 12   octobre 1993 et M. Coric émettant cet ordre : après avoir inspecté les

 13   lignes de combat dans la ville de Mostar, c'est lui qui donne l'ordre que

 14   100 policiers militaires soient déployés, soient mis à la disposition du

 15   commandant de la défense de la ville de Mostar, M. Zlatan Mijo Jelic.

 16   Ensuite, il prend 20 policiers militaires à l'administration de la police

 17   militaire, 60 policiers militaires de la 5e Brigade qui est déployée à

 18   Mostar et encore 20 policiers militaires du 6e Bataillon de la Police

 19   militaire, et il les déploie tous dans la défense de la ville de Mostar.

 20   Donc ce que nous pouvons voir ici, c'est que M. Coric exerce directement la

 21   direction et il a le pouvoir de déployer et de redéployer des policiers

 22   militaires au sein de sa propre administration, mais également à

 23   l'extérieur de cette administration, parce qu'il prend des policiers aux

 24   bataillons de la police militaire.

 25   Pièce P 03090. Monsieur le Président, nous avons ici un rapport sur le

 26   fonctionnement de la police militaire de la HZ HB. C'est un examen de la

 27   situation pour la période allant de janvier à juin 1993 au nom de M. Coric.

 28   Dans son mémoire, M. Coric confirme que lui et son administration de la

Page 52104

  1   police militaire ont fourni un soutien logistique à la police militaire. Il

  2   signale qu'ils ont donné des ceinturons et des badges aux policiers

  3   militaires. Cependant, il affirme également, et ce, aux paragraphes 42, 128

  4   ainsi que 217 de son mémoire, il affirme qu'il n'a reçu que très peu de

  5   rapports et qu'énormément d'éléments de preuve montrent qu'il y a eu des

  6   difficultés de communication, et que tout cela montre qu'en fait, il

  7   n'était pas tenu au courant et il ne pouvait pas savoir ce qui se passait à

  8   l'extérieur de l'administration. Or, les éléments de preuve démontrent

  9   l'opposé, à savoir que des individus et des unités ont envoyé des volumes

 10   de rapports à Coric parce qu'ils faisaient partie de la filière de

 11   commandement à la police militaire, donc ils envoyaient tous ces rapports à

 12   Coric. Coric se situe au sommet de cette filière de commandement.

 13   Nous souhaitons présenter quelques-uns des nombreux documents qui

 14   montrent qu'il y avait des communications qui passaient de manière tout à

 15   fait satisfaisante, que Coric recevait des rapports réguliers des unités de

 16   la police militaire à l'intérieur des brigades et de ses propres bataillons

 17   de la police militaire. Donc le système de circulation d'informations

 18   fonctionne.

 19   Prenons la pièce P 03090. Un rapport qui fait état du fonctionnement pour

 20   la première moitié du mois de juin 1993, rapport Coric de la police

 21   militaire. Aux pages 26 et 27 de la version anglaise, nous voyons que Coric

 22   fait rapport sur l'équipement et d'autres éléments qui ont été fournis à

 23   ses subordonnés au sein des structures de la police militaire, des

 24   uniformes de camouflage, et cetera, ce qui ne nous étonnera pas, bien sûr.

 25   Et puis, page 27, il parle des ceinturons blancs, 1 719 qui ont été

 26   fournis, ainsi qu'il évoque les 499 badges.

 27   Et si nous regardons plus loin dans le texte, il ne s'agissait pas que de

 28   ceinturons et de badges que Coric fournissait aux policiers militaires.

Page 52105

  1   Pendant la première moitié de l'année 1993, l'administration de la police

  2   militaire a distribué 570 000 balles et davantage de grenades à main que de

  3   ceinturons. Ils ont distribué 445 fusils automatiques et à peu près ce qui

  4   correspond au même nombre de badges. Ils ont distribué 2 506 grenades à

  5   main, et même plus de qrenades de 82-millimètres.

  6   Donc il faut tenir compte du fait que lorsque M. Coric dit qu'il n'était

  7   pas responsable de ce qu'ont fait les policiers militaires sur le terrain,

  8   quand il dit qu'ils étaient resurbordonnés pour des opérations de combat,

  9   c'était bien M. Coric et son administration à la police militaire qui ont

 10   placé des balles, des grenades à main et des armes entre les mains de ces

 11   individus. Ils ne peuvent pas s'exonérer de la responsabilité si ces hommes

 12   utilisent ces armes de manière illégale.

 13   S'agissant maintenant de la question de circulation d'informations,

 14   page 28 de son rapport, nous voyons un aperçu très exhaustif de ce qui se

 15   passe au niveau de l'équipement et comment les communications fonctionnent

 16   dans l'administration de la police militaire et le rôle-clé que la police

 17   militaire, avec ses communications, joue au sein du HVO.

 18   Il dit que :

 19   "Le niveau de communications est, dans l'essentiel, satisfaisant," et

 20   que, "toutes les unités, toutes les stations, tous les centres de

 21   communication sont reliés un réseau téléphonique automatique…"

 22   Et puis, au point 2(a), il parle de :

 23   "… répéteurs qui ont été installés." Il dit qu'ils ont de "bonnes

 24   communications sur 70 % du territoire de la HZ HB. Les communications par

 25   les UHF existent au niveau de toutes les administrations des bataillons

 26   (Ljubuski, Dretelj, Mostar, Livno, Vitez).

 27   "Les communications par radio recouvrent l'ensemble de la zone frontalière

 28   vers la Croatie.

Page 52106

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 52107

  1   "De manière générale, tous les postes de contrôle sont connectés, et nous

  2   arrivons à fournir un minimum de ressources pour les activités de combat."

  3   Plus loin, au milieu de la page suivante, M. Coric continue :

  4   "En plus de ces difficultés qui ont été évoquées au niveau du

  5   fonctionnement, il est important de signaler que le système de 

  6   communications de la police militaire du HVO a constitué le fondement pour

  7   s'assurer que les communications fonctionnent pendant les activités de

  8   combat quasiment dans la totalité de la HZ HB, et en particulier à Prozor

  9   et à Mostar, les champs de bataille à ces endroits-là, pendant la période

 10   passée." A savoir, de janvier à juin 1993.

 11   Peut-être que les communications ne sont pas tout à fait parfaites, mais

 12   elles fonctionnent très, très bien.

 13   Puisque nous avons encore ce document, avant de changer de sujet.

 14   Est-ce que je peux parler de la section 2.4, où Coric dit que :

 15   "Pendant la période passée, il y a eu plus de 6 000 prisonniers de guerre

 16   dans des prisons en Herceg-Bosna."

 17   Monsieur le Président, il ne faut pas oublier que ce rapport concerne la

 18   période qui précède le 30 juin, à savoir la campagne d'arrestation.

 19   Coric continue :

 20   "Il y a plus de 4 000 prisonniers dans les prisons. Sur cet ensemble,

 21   plusieurs centaines sont des membres de l'armée serbe et un grand nombre

 22   sont des membres de l'ABiH."

 23   Le général Praljak vous dira que pendant cette même période, les membres de

 24   l'ABiH étaient leurs alliés jusqu'à la grande trahison du 30 juin. Inutile

 25   de souligner que tel n'était pas le cas.

 26   Coric continue en disant que :

 27   "Un grand nombre de prisonniers sont affectés à des travaux, ce qui leur

 28   donne la possibilité de s'évader de la prison."

Page 52108

  1   Il y a eu des personnes qui ont été blessées par balle. Nous avons vu que

  2   cela s'est produit à l'été 1993. Il n'attache aucune importance au fait que

  3   c'est illégal d'employer des hommes de cette manière-là, de les envoyer

  4   travailler dans des situations dangereuses, voire même de les envoyer au

  5   travail simplement pour apporter le soutien à l'effort de guerre du HVO.

  6   Ce qu'il dit plus loin, c'est que :

  7   "Il y a eu désignation des responsables des prisons qui sont responsables

  8   de la coordination de l'ensemble des tâches. La police militaire a pour

  9   mission de fournir la sécurité pour les prisonniers."

 10   Le rôle joué par la police militaire est de fournir la sécurité, donc la

 11   responsabilité des responsables des prisons ne relève pas de la

 12   responsabilité de la police militaire. Alors, si tel est le cas, pourquoi

 13   est-ce qu'il en parle dans son rapport ?

 14   Maintenant, restons toujours sur ce même document, le P 03090. C'est un

 15   document encore plus frappant à propos des connaissances très détaillées

 16   qu'avait M. Coric sur la police militaire lorsqu'elle participait à des

 17   opérations de combat. Si vous allez à la page 5 de ce rapport, jusqu'aux

 18   pages 6 et 7, ici, il parle -- c'est un rapport qui va de janvier à juin

 19   dans la zone opérationnelle de l'Herzégovine du nord.

 20   Page 6, s'il vous plaît, en anglais. On voit le niveau de détail dont il

 21   dispose et les connaissances dont il dispose : 

 22   "En parlant de cette zone opérationnelle, le 2e Bataillon léger d'attaque

 23   doit être félicité pour ce qu'il a accompli lors des opérations de combat à

 24   Prozor, Gornji Vakuf et Mostar.

 25   '… les policiers militaires ont participé à toutes les grandes opérations

 26   de combat depuis le début de la guerre…"

 27   Il est tout à fait ravi d'être félicité pour cela.

 28   Un peu plus loin maintenant : 

Page 52109

  1   "Le 18 janvier 1993," très certainement, "à 4 heures" du matin, "l'attaque

  2   de grande envergure a été lancée par les nouvelles unités du HVO qui

  3   venaient d'arriver ainsi que par les unités de la police militaire du HVO

  4   sur les villages et sur les collines surplombant la région qui était tenue

  5   par les unités de l'ABiH.

  6   "… les unités de la police militaire ont été commandées par le commandant,"

  7   Monsieur Jelic, "le commandant du 1er Bataillon d'assaut et par le

  8   commandant du 2e Bataillon de la Police militaire."

  9   Ensuite, il parle des policiers qui on pris le village d'Uzricje, Zdrince.

 10   Page suivante, s'il vous plaît :

 11   "Simultanément, les membres du 2e Bataillon de Prozor ont pris le contrôle

 12   de plusieurs villages et de plusieurs reliefs qui étaient précédemment

 13   tenus par l'ABiH…"

 14   Ensuite : "Le 22 janvier 1993, les membres du 1er Bataillon d'assaut léger

 15   ont lancé l'attaque sur le village de Rimcev Gaj, qui était un bastion

 16   important de l'ABiH. L'attaque a commencé à 4 heures du matin."

 17   Et cetera, et cetera.

 18   Là encore, si ces soldats qui participaient à ces opérations ne faisaient

 19   pas partie de sa police militaire, pourquoi est-ce qu'il en rendrait compte

 20   dans ce cas-là ? Il est tout à fait ravi qu'on lui attribue tout le mérite,

 21   mais il ne veut pas endosser la responsabilité. Donc il a équipé les

 22   soldats quand même et il les a mis sur le terrain. Ils sont à lui, même si

 23   d'autres personnes sur la brigade exerçaient le contrôle sur ces soldats

 24   pendant ces combats au cours de ces opérations bien précises. Ce sont quand

 25   même --

 26   P 03551. Que dit ce rapport ? Que pouvons-nous apprendre de tous ces

 27   documents à propos de M. Coric et de ce qu'il savait sur ce qui se passait

 28   à l'extérieur de son bureau au sein de l'administration de la police

Page 52110

  1   militaire ?

  2   Ici, nous avons un document qui date du 19 juillet 1993. La campagne

  3   d'arrestation a commencé, il y a des rafles dans toute l'Herceg-Bosna et

  4   dans tous les territoires contrôlés par le HVO. Vous avez un rapport ici du

  5   SIS de Mostar. En fait, c'est M. Coric qui répond à un rapport de

  6   l'administration du SIS, de son agent qui se trouve à Tomislavgrad. Et il

  7   dit :

  8   "Nous vous informons que suite au nombre important de détenus

  9   d'appartenance ethnique musulmane, nous ne pouvons accueillir les personnes

 10   qui, d'après mon rapport, devraient être envoyées par vos soins à la prison

 11   militaire centrale de Mostar. Il convient donc que vous les déteniez sur

 12   votre zone opérationnelle."

 13   Donc on voit que M. Coric a accès à des rapports du SIS, les lit en tout

 14   cas. En tout cas, il lit celui-ci, puisqu'il s'agit du mouvement de

 15   prisonniers. M. Coric, ici, sait exactement de combien de prisonniers ils

 16   disposent à l'Heliodrom. Il sait que l'Heliodrom est plein, qu'il ne peut

 17   plus recevoir qui que ce soit. En fait, il est un peu comme un contrôleur

 18   aérien, c'est un aiguilleur du ciel. Il aiguille les prisonniers à droite,

 19   à gauche, garde les uns ici, envoie les autres par là. Donc il exerce son

 20   pouvoir sur tous et sur ce système de détention unique au sein duquel il

 21   joue un rôle-clé.

 22   Maintenant, passons à la pièce P 5497. Pour ce qui est du reporting et de

 23   ce que M. Coric savait des structures de la police militaire, nous allons

 24   maintenant parler du 5e Bataillon de la police militaire basé à Mostar, qui

 25   disposait de compagnies dans toute la zone opérationnelle de l'Herzégovine

 26   du sud-est. Donc, jusqu'en juin, il s'agit du 3e Bataillon de Police

 27   militaire, jusqu'à la réorganisation.

 28   Il s'agit d'un rapport mensuel sur les travaux de ce 5e Bataillon de

Page 52111

  1   Police militaire pour le mois de septembre 1993. A la page 2 -- au bas de

  2   la page 1, il est écrit :

  3   "Sécurité. Au cours du mois écoulé, le 5e Bataillon de Police

  4   militaire a monté la garde auprès d'installations et de personnes

  5   importantes."

  6   Et ensuite, vous avez une liste de toutes les installations qui ont été

  7   gardés, où des membres de ce 5e Bataillon militaire de M. Coric ont été

  8   envoyés pour assurer la sécurité. Soit à des personnes qui sont liées à la

  9   présidence ou au gouvernement du HZ HB, comme M. Boban, par exemple, à

 10   Grude. On le voit en bas de la page. Mais ils assurent aussi la sécurité --

 11   là, c'est plutôt des gardes, en fait, des gardiens de prisons. Il envoie

 12   aussi des personnes pour servir de gardiens de prison.

 13   Ici :

 14   "La sécurité auprès de l'installation de détention préventive

 15   militaire à l'Heliport - 21 policiers."

 16   Ensuite, sécurité assurée à la caserne de Dretelj - 6 policiers militaires.

 17   Ensuite, assurer la sécurité des prisonniers à Dretelj - 10 policiers.

 18   Sécurité du poste de police militaire à Stolac - 4 policiers. Ensuite, même

 19   chose pour Neum, Ljubuski et le dispensaire de Citluk. Donc il a des

 20   subordonnés dans son 5e Bataillon militaire qui se trouvent déployés sur

 21   toute la zone opérationnelle et qui lui rendent tous compte, qu'ils lui

 22   donnent des informations à propos de l'évolution des choses sur le terrain.

 23   La plupart d'entre eux d'ailleurs sont, en fait, gardiens de prison et

 24   encadrent les prisonniers dans les prisons.

 25   Ensuite, vers le bas de la page, on voit 23 policiers militaires pour

 26   la prison de Ljubuski.

 27   Et ensuite, on dit :

 28   "Donc, en septembre, en tout, 174 membres du 5e Bataillon de Police

Page 52112

  1   militaire étaient affectés à des tâches de sécurité."

  2   Ensuite, page 5, nous avons maintenant :

  3   "Les postes de contrôle qui vérifient la circulation. Le 5e Bataillon

  4   de Police militaire a tenu 19 points de contrôle permanents…" Et ensuite,

  5   vous avez l'énumération de tous les lieux où se trouvaient ces postes de

  6   contrôle."

  7   Paragraphe 14 maintenant. Que voyons-nous ici ? Troisième page, avant-

  8   dernier paragraphe.

  9   "En ce qui concerne la sécurité des prisonniers de l'Heliport, nous nous

 10   sommes rendu compte que les prisonniers qui étaient envoyés travailler sur

 11   la ligne de front ne revenaient pas toujours tous et qu'un grand nombre

 12   d'entre eux étaient blessés ou mutilés."

 13   Encore un rapport qui émane de son bataillon, du 5e Bataillon de Police

 14   militaire, envoyé à Coric pour rendre compte du sort des prisonniers qui

 15   sont détenus à l'Heliodrom.

 16   Bas de la page 16 maintenant, vous voyez qu'il s'agit encore d'un document

 17   pour l'administration de la police militaire, donc qui est aussi envoyé à

 18   M. Coric.

 19   Il y a un tableau qui vous servira sans doute. Il est à la page 17 de

 20   ce rapport. Il est très utile parce qu'on voit quelles sont les unités de

 21   ce 5e Bataillon de Police militaire qui rendent compte à M. Coric. Vous les

 22   retrouvez toutes sur ce tableau. On voit les commandants de bataillon. On

 23   voit l'énumération des compagnies. Les compagnies, elles, sont déployées

 24   sur le terrain. On les envoie comme à Capljina, Ljubuski. Puis ensuite, il

 25   a des références aux sections de brigade; donc ce sont des brigades de

 26   police militaire qui se trouvent dans une brigade tout en restant intégrées

 27   à la structure du 5e Bataillon de Police militaire.

 28   Revenons-en au P 03090, le rapport de M. Coric sur les travaux

Page 52113

  1   effectués par la police militaire de janvier à juin 1993, le bilan de ce

  2   semestre.

  3   Ici, vous avez un organigramme qui est joint au rapport et qui montre

  4   quelles sont les unités qui lui sont directement subordonnées. A nouveau,

  5   là, on voit qu'il y a un adjoint du chef chargé de la zone opérationnelle

  6   d'Herzégovine du sud-est. Donc, sous M. Coric, M. Lavric, qui était

  7   l'adjoint du chef de l'administration de la police militaire. Ensuite, on

  8   voit la zone de Mostar, donc c'est l'Herzégovine de sud-est, ensuite le

  9   bataillon d'assaut, puis le 5e Bataillon. Enfin, toujours cette structure,

 10   c'est toujours la même chose.

 11   On peut dire que le 1er Bataillon d'assaut a été subordonné au général

 12   Praljak et à l'état-major principal le 29 août 1993. Mais il y a des

 13   policiers militaires qui, eux, ne sont pas affectés par cette

 14   subordination, et ce sont les membres du 5e Bataillon de Police militaire

 15   ainsi que les membres des brigades de la police militaire. Et tous, y

 16   compris les membres du 1er Bataillon d'assaut, lorsqu'il y a cette

 17   resubordination à la fin août 1993, tous ceux qui appartenaient à la police

 18   militaire restent sous le contrôle de M. Coric. C'est lui qui détient le

 19   pouvoir sur eux.

 20   Monsieur le Président, je pense qu'il serait peut-être l'heure de faire la

 21   pause.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- faire la pause de 20 minutes.

 23   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 24   --- L'audience est reprise à 10 heures 53.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 26   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 27   Je vais rester sur cette question du reporting de l'information au sein de

 28   la structure de la police militaire. Pourrions-nous passer, s'il vous

 

Page 52114

  1   plaît, à huis clos partiel, très rapidement.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  4   partiel, Messieurs les Juges.

  5   [Audience à huis clos partiel]

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

 

Page 52115

  1  (expurgé)

  2   [Audience publique]

  3   M. STRINGER : [interprétation] P 03401. Il s'agit d'un rapport en date du

  4   12 juillet 1993 de la 4e Brigade de Police militaire à Ljubuski. Ici, vous

  5   remarquerez en bas de la page 1 :

  6   "A Rama, la police militaire a arrêté 237 Musulmans et les a emmenés à la

  7   prison de Ljubuski. Le commandant Prlic a contacté le commandant de la

  8   police militaire à Capljina, Ancic, et le chef de la police militaire,

  9   Valentin Coric, et a obtenu l'autorisation de transférer les prisonniers

 10   mentionnés ci-dessus à la prison militaire de Dretelj à Capljina. Une

 11   patrouille de la brigade de la police militaire les a emmenés à Capljina."

 12   Ensuite le rapport se poursuit :

 13   "Sur ordre de M. Tomic, nous avons pris 20 prisons," il est écrit prisons,

 14   "sous escorte de police militaire au poste de commandement avancé, IZM,

 15   pour travaux. Ensuite, ils sont rentrés à la prison le soir, toujours sous

 16   escorte de la police militaire."

 17   Pièce suivante maintenant, la pièce P 03121. Il s'agit d'un rapport de la

 18   3e Compagnie du 3e Bataillon de Police militaire à Capljina. Là encore, il

 19   ne s'agit pas de la police militaire de la brigade, mais c'est la 3e

 20   Compagnie du 3e Bataillon de police militaire. Et ceci, ça se passe en

 21   juillet, le 2 juillet 1993. Rapport du commandant de la 3e Compagnie qui se

 22   trouve sur place, M. Bogdanovic. Vous voyez en fin de document que ceci a

 23   été envoyé au commandement du 3e Bataillon et de l'administration de la

 24   police militaire aussi.

 25   Il y a un rapport sur dix policiers de police militaire qui ont

 26   assuré la garde auprès de la caserne de Dretelj, où les Musulmans arrêtés

 27   sont détenus. Il n'y a pas de problème.

 28   Ensuite, on voit que :

Page 52116

  1   "Une section de police militaire à Stolac a été employée pour rafler

  2   des Musulmans…"

  3   Plus loin, on a des références aux postes de contrôle, à leur utilité

  4   dans le cadre de la campagne en cours. Donc, là, je vous rappelle, on est

  5   le 2 juillet 1993. Et donc : "On utilise des points de contrôle, surtout

  6   ceux qui sont près d'endroits où habitent les Musulmans parce qu'on pense

  7   que les Musulmans vont essayer de se cacher, et il serait très difficile de

  8   les arrêter."

  9   Ensuite, ça se poursuit :

 10   "La mission de les amener a été effectuée par la 1ère Brigade de Knez

 11   Domagoj et la brigade de la police, des membres du MUP de Capljina et nos

 12   membres," et cetera.

 13   Ensuite :

 14   "Dans l'après-midi, six autocars avec des Musulmans à bord sont venus

 15   depuis l'Heliodrom. Toutes les personnes venues ont été hébergées dans les

 16   bâtiments de la caserne de Dretelj, et on a dressé les listes."

 17   Et ensuite, le P 03055. Ça, c'est en date de la veille, 1er juillet

 18   1993. Ça porte toujours sur le même point. Il s'agit d'un ordre -- il

 19   s'agit, en fait, d'un document rédigé par Zvonko Vidovic et Stanko Bozic.

 20   Donc ils reprennent un ordre de M. Pusic visant à transférer 200 détenus

 21   qui se trouvent dans la prison en détention préventive militaire de Mostar

 22   à la prison à Capljina. Là encore, on voit un ordre qui vient de Pusic qui

 23   envoie 200 prisonniers dans la prison de Capljina, alors qu'au document

 24   précédent, le P 03121, le subordonné de M. Coric au sein du 3e Bataillon de

 25   la Police militaire, M. Bogdanovic, rend compte du fait que les Musulmans

 26   sont arrivés à bord d'autocars depuis l'Heliodrom.

 27   Donc c'est assez parlant. Cela nous dit tout d'abord que tout ceci se fait

 28   sous l'égide d'un seul système de prisons unifié qui est sous la compétence

Page 52117

  1   et sous l'autorité de la police militaire, et au sein de tout ce système,

  2   on transfère les prisonniers à droite, à gauche, de la façon qui rend

  3   service, en fait, à MM. Coric, Pusic et d'autres.

  4   Donc il n'y a pas de référence au colonel Obradovic. Il n'a aucun rôle à

  5   jouer sur l'approbation du transfert de ces prisonniers. Pourtant, malgré

  6   ce que dit la Défense Coric, ce serait, paraît-il, Obradovic qui aurait eu

  7   le seul pouvoir sur toutes ces installations pénitentiaires situées dans la

  8   zone opérationnelle de l'Herzégovine du sud-est, y compris l'Heliodrom. Ça,

  9   c'est ce que nous dit M. Coric aux paragraphes 460 et 468 de son mémoire en

 10   clôture.

 11   Pièce suivante maintenant, la pièce P 03347. Toujours un rapport de M.

 12   Bogdanovic. Nous avons commencé un petit peu en retard, mais j'essaie de

 13   gagner du temps.

 14   Enfin, passons à la pièce P 05869. Il s'agit toujours de cette même

 15   question de la circulation d'informations et du reporting pour savoir

 16   quelles sont les unités au sein de la police militaire qui font rapport à

 17   M. Coric, quels types d'informations lui étaient rapportées, et cetera.

 18   Donc, ici, nous avons un rapport du 14 octobre 1993 -- en fait, c'est un PV

 19   de la réunion mensuelle de tous les chefs de l'administration de la police

 20   militaire et des commandants des bataillons de police militaire, réunion

 21   qui s'est tenue le 10 octobre 1993.

 22   M. Coric est cité en premier parmi la liste des présents, ensuite viennent

 23   M. Lavric, l'adjoint du chef, et d'autres. Vous les voyez à la page 2 du

 24   document.

 25   Ce qui est important ici, ce n'est pas tant la teneur du PV, mais ce qui

 26   est discuté à l'ordre du jour. Que voit-on à l'ordre du jour pour cette

 27   réunion ?

 28   "Premier point : présentation des rapports mensuels sur les travaux

Page 52118

  1   effectués le mois précédent."

  2   Puis :

  3   "Point 1. Les rapports sur les travaux du mois précédent ont été présentés

  4   et ont été discutés de façon exhaustive et analysés par tous les

  5   participants.

  6   "Point 2. Sur la base de ces rapports présentés et sur la base de la

  7   situation telle qu'elle est et sur les tâches prioritaires de la police

  8   militaire, la réunion a fait les recommandations suivantes."

  9   Donc nous voyons qu'il y avait des réunions mensuelles régulières entre M.

 10   Coric et tous ses commandants et les subordonnés de ses commandants, et au

 11   cours de ces réunions, on abordait le sujet de tous ces rapports mensuels.

 12   Maintenant, je vais parler des travaux forcés et de l'emploi des

 13   prisonniers venant de l'Heliodrom à cette fin.

 14   C'est confidentiel, donc je ne vais pas demander que ce soit diffusé, mais

 15   vous vous souviendrez très certainement de l'annexe M confidentielle qui a

 16   été jointe au mémoire en clôture de l'Accusation. Il y a une table

 17   reprenant 235 ordres approuvant l'emploi des prisonniers pour les travaux

 18   forcés. La plupart de ces ordres sont rédigés par un Zlatan Mijo Jelic, qui

 19   est le subordonné direct de M. Coric, et qui commande le 1er Bataillon

 20   d'assaut léger. C'est principalement ce 1er Bataillon d'assaut qui reçoit

 21   l'essentiel de ces prisonniers pour travaux forcés. En fait, ces

 22   prisonniers travaillent principalement pour le 1er Bataillon d'assaut.

 23   Mais il n'y a aucune indication sur ces documents que le colonel Obradovic

 24   ait joué le moindre rôle dans ces autorisations.

 25   Le P 04259. C'est un rapport en date du 17 août 1993. C'est un des nombreux

 26   rapports rédigés par Bozic, le gardien principal de l'Heliodrom. Il fait

 27   rapport principalement à Coric pour l'informer des prisonniers qui ont été

 28   tués ou blessés à Mostar alors qu'ils effectuaient des travaux forcés.

 

Page 52119

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 52120

  1   D'ailleurs, les rapports de M. Bozic à M. Coric à propos de tout ceci se

  2   trouvent dans cette annexe confidentielle M du mémoire de l'Accusation.

  3   Pièce 4259. Bozic rendant compte du fait que 90 prisonniers ont été envoyés

  4   aux travaux forcés, le 13 août 1993. On voit que dix d'entre eux, ensuite,

  5   ont été blessés.

  6   Ceci est envoyé à M. Coric ainsi qu'à M. Zlatan Mijo Jelic.

  7   M. Bozic n'enverrait pas ce type de rapport ou tous les autres rapports du

  8   même type à M. Coric s'il ne considérait pas que c'était ce M. Coric qui

  9   était en charge et responsable des prisonniers détenus à l'Heliodrom.

 10   Monsieur le Président, pourrions-nous passer à huis clos partiel pour une

 11   minute.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 14   partiel.

 15   [Audience à huis clos partiel]

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

Page 52121

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7   [Audience publique]

  8   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus que

  9   quelques documents à vous présenter sur la question de la séparation des

 10   prisonniers détenus ici à l'Heliodrom. La Défense voudrait vous faire

 11   croire que, et le général Praljak aussi, tout comme le général Petkovic,

 12   pendant leur témoignage, il n'y avait que des Musulmans qui avaient été

 13   membres du HVO qui ont été utilisés à des fins de travaux forcés, vous ont-

 14   ils dit.

 15   Regardez la pièce P 04675. Un rapport de M. Bozic en date du 31 août 1993.

 16   Il fait état du fait que 60 détenus ont été remis à qui de droit pour des

 17   travaux forcés. L'un d'entre eux a été tué, il s'appelait Asim Drljevic. Ce

 18   jour-là, neuf détenus ont été blessés. Quatre ont dû rester hospitalisés,

 19   et vous avez leurs noms. Le premier c'est Almir Spuzevic.

 20   P 04680. Ce rapport vient d'une autre source, mais il concerne la même

 21   journée, celle du 31 août 1993. Il y est dit que deux prisonniers ont été

 22   tués aujourd'hui, 25 ont été blessés alors qu'ils travaillaient dans la rue

 23   Ricina. On donne le nom des blessés. Ils sont au nombre de 26. Page 2,

 24   voyez, au numéro 16, vous avez Sanel Muslic, né en 1975. Et ce document

 25   porte le sceau "Accusé de réception" de la police militaire.

 26   Nous allons nous intéresser à ces deux personnes, à M. Muslic et à M.

 27   Spuzevic. Quel était leur statut ? Etait-ce d'anciens membres musulmans du

 28   HVO ? Non.

 

Page 52122

  1   Regardez la pièce P 03013. C'est une liste établie par le HVO des personnes

  2   placées en détention dans le centre militaire de détention préventive le 30

  3   juin 1993, le jour où commença la campagne d'arrestation.

  4   Vous trouvez un très grand nombre de noms ici dans cette liste, et il y a

  5   beaucoup de listes du même genre pour ce jour-là, comme pour les jours

  6   suivants.

  7   Page 23 dans la version en anglais de cette liste -- pardon, page 4 en

  8   anglais, point 23, il est fait référence ici à Almir Spuzevic; or, nous

  9   venons de voir qu'il avait été blessé le 31 août 1993, comme le disait le

 10   rapport de Bozic. La liste du 30 juin nous dit qu'il habitait à Mostar et

 11   qu'il n'était pas inscrit à l'armée au moment où il a été arrêté le 30

 12   juin. Ceci nous dit dès lors que pendant tout le mois de juillet et pendant

 13   tout le mois d'août jusqu'à la fin du mois d'août, 31 août, jusqu'au moment

 14   où il a été blessé alors qu'il travaillait au front, M. Spuzevic est resté

 15   sous la garde du HVO pendant toute cette période. Ce sont les archives

 16   mêmes du HVO qui nous disent que ce n'était pas un militaire. C'était un

 17   civil.

 18   Page 7 de cette même liste de prisonniers, point 56, il est question d'un

 19   certain Samir, fils d'Ibrahim, Samir Muslic, né le 11 février 1975 à

 20   Mostar. Le 11 février 1975; il avait donc 18 ans ce jour-là, à l'époque. Il

 21   est en âge de porter les armes, mais c'est encore un jeune homme.

 22   Et de l'avis de l'Accusation, c'est lui cet autre homme mentionné dans ce

 23   rapport du 31 août. Pourtant, on dit qu'il a été blessé alors qu'il

 24   travaillait sur la ligne de front. Et ceci nous dit que lui aussi il

 25   s'était trouvé pendant deux mois entiers à l'Heliodrom, et les archives du

 26   HVO montrent elles-mêmes que ce n'était pas un militaire, que ce n'était

 27   pas un ancien membre du HVO.

 28   Si vous regardez cette page, et tout ce document qui porte la cote P 03013,

Page 52123

  1   vous trouverez de nombreuses références à des hommes qui n'étaient pas des

  2   militaires. J'en prends quelques-uns ici -- parce qu'on a même estimé de

  3   certains qu'ils n'étaient pas bons pour le service. Regardez le numéro 48,

  4   le numéro 54 qui n'a pas été recruté parce qu'il avait eu une crise

  5   cardiaque. Et nous savons que les civils ont été maintenus en détention

  6   avec des prisonniers de guerre, avec des Musulmans qui avaient été membres

  7   du HVO. On n'a pas fait de séparation alors que c'est cela qu'exige le

  8   droit international humanitaire, et vous avez nos conclusions sur ce point,

  9   vous les avez dans notre mémoire en clôture.

 10   Coric, dans son mémoire en clôture, et c'est assez remarquable qu'il le

 11   fasse, de l'avis de l'Accusation, c'est assez étonnant, lui, il montre du

 12   doigt, lorsqu'il s'agit de la responsabilité pour travaux forcés, un autre

 13   directeur de prison, comme M. Bozic, qui envoie des dizaines de rapports

 14   directement à M. Coric, à M. Jelic  et à d'autres pour se plaindre de

 15   l'utilisation qu'on fait des prisonniers pour travaux forcés, qui dit

 16   aussitôt s'il y a des blessés, des tués. Paragraphe 475 du mémoire Coric :

 17   "Les éléments de preuve documentaires montrent la responsabilité qu'ont les

 18   directeurs de prison lorsqu'il s'agit d'utilisation des prisonniers pour

 19   des travaux forcés."

 20   Des documents sont cités, par exemple, la pièce P 04233. Mais qu'est-ce

 21   qu'elle dit cette pièce 04233 ? Elle porte la date du 16 août 1993. C'est

 22   une lettre envoyée à M. Zarko Tole, chef de l'état-major principal. Et

 23   c'est envoyé par un membre du 5e Bataillon de la Police militaire de M.

 24   Coric, M. Josip Praljak. Rappelez-vous, c'était le directeur adjoint de

 25   l'Heliodrom, il travaillait avec M. Bozic. Dans ce document qu'il envoie à

 26   l'état-major principal, M. Josip Praljak dit ceci, il parle de :

 27   "… photocopies de rapports envoyés dans les temps afin de mettre fin à

 28   cette pratique qu'a la police militaire d'emmener des détenus pour les

Page 52124

  1   faire travailler.

  2   "Monsieur, nous demandons que vous, en votre qualité de chef, vous

  3   interdisiez ce comportement des soldats qui emmènent les prisonniers pour

  4   des travaux forcés, et il faudrait des sanctions sévères pour punir ce

  5   genre de comportement."

  6   Alors, plutôt que d'incriminer un directeur de prison, ce que fait M.

  7   Coric, ce qu'il essaie de faire en utilisant ce document, ce document

  8   montre, en réalité, que le directeur de prison ici, M. Praljak, l'adjoint

  9   au directeur, essaie de communiquer avec l'état-major principal parce que,

 10   justement, les directeurs ne reçoivent aucun soutien, aucune information de

 11   M. Coric qui est chef de l'administration de la police militaire, alors que

 12   ces directeurs essayaient de mettre fin à cette pratique généralisée de

 13   travaux forcés et essayaient de porter à l'attention de M. Coric le nombre

 14   de tués.

 15   Ce n'est pas la seule fois qu'on essaie de faire ce genre de choses. On

 16   verra que Stanko Bozic a essayé de faire la même chose, et il a fait part

 17   directement de ses préoccupations à Mate Boban, le président de l'Herceg-

 18   Bosna.

 19   Monsieur le Président, me permettrez-vous de consacrer quelques minutes à

 20   la question de la resubordination. Nous avons terminé de parler des travaux

 21  forcés, du rôle joué par le commandant du 1er Bataillon d'assaut léger de la

 22   Police militaire qui a avalisé ces activités de travaux forcés. Je parle là

 23   de M. Jelic et le fait que ce 1er Bataillon de la Police militaire ait été

 24   le premier à bénéficier de ces travaux forcés et le premier à participer à

 25   cette utilisation à Mostar.

 26   M. Coric vous demande de tenir compte du fait que fin août, plus

 27   exactement le 28 août 1993, il a resubordonné la police militaire, en tout

 28   cas son 1er Bataillon d'assaut léger, à M. Praljak et à l'état-major

Page 52125

  1   principal du HVO. Il s'agit là de la pièce P 03763.

  2   Il n'y a aucune contestation sur ce fait. Le général Praljak, quand

  3   il a déposé, en a parlé. Il a demandé ce rattachement et l'a obtenu. Et par

  4   cet ordre, M. Coric place les bataillons d'assaut léger, dont le 1er

  5   commandé par Mijo Jelic, sur le plan opérationnel pour les besoins de

  6   combat sous les ordres de l'état-major principal du HVO.

  7   Que dit M. Coric ? Il dit, Puisque j'ai fait cela, puisque c'est

  8   l'état-major principal du HVO qui a pris ces éléments du 1er Bataillon

  9   d'assaut léger et d'autres bataillons aussi, ceci m'a empêché moi, Coric,

 10   d'empêcher la commission de crimes et m'a empêché d'utiliser ces soldats

 11   pour combattre la criminalité et faire du véritable travail de maintien de

 12   l'ordre, ou du travail de police militaire, à Mostar.

 13   Alors, si vous pensez que M. Coric en aurait fait plus pour combattre

 14   la criminalité s'il avait eu les moyens pour le faire, mais que c'est le

 15   général Praljak qui a pris ces hommes dont il avait besoin, je pense qu'il

 16   est utile de voir quelles étaient les activités de la police militaire, et

 17   surtout les activités du 1er Bataillon d'assaut léger à Mostar avant qu'il

 18   n'y ait cette resubordination qui intervient fin juillet 1993.

 19   P 02802. Nous avons ici un rapport du 3e Bataillon de la Police

 20   militaire à Mostar. La date est celle du 15 juin 1993, donc avant qu'il n'y

 21   ait resubordination. "Accusé de réception", sceau de l'administration de la

 22   police militaire.

 23   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, constatez d'abord que le

 24   rapport dit à la première page, que hier, la 1ère Compagnie a rédigé un

 25   ordre d'expulsion pour l'appartement indiqué ici, et ceci montre que la

 26   police militaire a continué ses activités d'occupation d'appartements qui

 27   se trouvaient à Mostar.

 28   Page suivante, Mate Ancic, l'auteur du rapport, dit :

Page 52126

  1   "Aucun acte répréhensible et aucun incident n'ont été signalés hier. Il n'y

  2   a que le nettoyage ethnique de la ville, qui a été nettoyée de ses

  3   habitants d'appartenance musulmane, qui a été signalé."

  4   Puis :

  5   "Les auteurs de ses actes étaient des membres du 4e Bataillon et des

  6   membres du groupe antiterroriste…"

  7   Ça vous donne une idée de la façon musclée dont la police militaire de

  8   Mostar combattait la criminalité avant même cette question de la

  9   resubordination intervenue, comme je le disais, fin juillet 1993.

 10   Jetons un coup d'œil au document P 02879. Nous sommes à peu près à la

 11   même époque. Nous avons déjà vu ce document. M. Lavric, au nom de M. Coric,

 12   demande ici, donc au nom de l'administration de la police militaire, la

 13   permission d'occuper tous ces appartements à l'intention de 137 membres de

 14   la police militaire de Mostar. Nous savons que ceci se passe en plein

 15   milieu d'une campagne violente d'évictions à Mostar ouest qui a pris son

 16   envol précisément après les 9 et 10 mai 1993. On sait ce que faisait la

 17   police militaire lorsqu'il s'agissait d'appartements. Avant qu'il n'y ait

 18   la moindre resubordination, la police militaire prenait les appartements de

 19   gens qui avaient été expulsés de chez eux.

 20   Revenons à l'annexe confidentielle M' que nous n'allons pas afficher

 21   puisqu'elle est confidentielle.

 22   Regardez cette liste, et vous allez voir qu'il y a quelque 36 ordres

 23   qui approuvent l'utilisation de prisonniers pour des travaux forcés. Ça

 24   vient de M. Jelic, commandant du 1er Bataillon d'assaut léger. Ceci, c'est

 25   avant le 28 juillet, parce que c'est seulement le 28 juillet que ce

 26   bataillon a été resubordonné au général Praljak. Ceci nous montre que ce

 27   bataillon d'assaut léger et M. Jelic étaient engagés de façon active à

 28   l'utilisation des prisonniers de l'Heliodrom pour des travaux forcés bien

Page 52127

  1   avant qu'il n'y ait l'ordre de resubordination.

  2   Revenez à cette annexe confidentielle M. La Chambre verra, bien

  3   entendu, que M. Jelic et son bataillon ont continué d'utiliser ces

  4   prisonniers à une cadence vraiment astronomique après la resubordination

  5   effectuée par M. Coric à l'état-major principal. A cet égard, la

  6   resubordination ne joue aucun rôle, n'a aucun effet en ce qui concerne ces

  7   crimes.

  8   Nous savons que c'est M. Jelic qui approuvait l'utilisation de toutes ces

  9   personnes à des travaux forcés, comme le disent tous ces ordres, et il l'a

 10   fait sous l'autorité de M. Valentin Coric. P 00352, page 27. Ceci est

 11   extrait du journal du directeur adjoint, Josip Praljak. Vous vous souvenez,

 12   il avait écrit à l'état-major principal pour dire qu'il fallait faire

 13   quelque chose s'agissant des travaux forcés. Voici ce qu'il dit pour le 4

 14   juillet 1993. On a demandé à Bozic s'il fallait prendre des prisonniers

 15   pour les faire travailler. Bozic répond :

 16   "Je suis d'accord pour la caserne et pour la police militaire pour

 17   l'extérieur, mais je vais poser la question au chef."

 18   Le lendemain, Praljak fait rapport d'une réunion avec Bozic au cours de

 19   laquelle Bozic dit :

 20   "Personne ne peut prendre de prisonniers pour des travaux forcés sans

 21   l'accord préalable de Mijo Jevic ou de son adjoint, Dedo Primorac."

 22   Des preuves montrent que M. Coric, qui a reçu beaucoup de rapports de

 23   Bozic, c'était lui qui était investi de l'autorité, autorité qu'il a

 24   déléguée pour approuver l'utilisation de prisonniers pour des travaux

 25   forcés. Il a délégué cette autorité à M. Jelic, son subordonné, commandant

 26   du 1er Bataillon d'assaut léger, ainsi qu'à M. Primorac. Dans ce cadre, il

 27   est normal que vous voyiez les dizaines d'ordres donnés à l'annexe M qui

 28   approuvent l'utilisation à des fins de travaux forcés, approbations données

 

Page 52128

  1   par ces deux individus.

  2   Il convient de se souvenir que Coric concède, au paragraphe 484 de

  3   son mémoire, que M. Jelic est resté membre de la police militaire même

  4   après avoir été muté pour la défense de Mostar. A tous les moments, il a

  5   été membre de la police militaire, et il a toujours été subordonné direct

  6   hiérarchiquement de M. Coric.

  7   Monsieur le Président, est-ce que nous pourrions passer quelques instants,

  8   et ce sera la dernière fois, à huis clos partiel.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 11   le Président

 12   [Audience à huis clos partiel]

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

 

Page 52129

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5   [Audience publique]

  6   M. STRINGER : [interprétation] P 05554. Je reviens à la question de l'effet

  7   que peut avoir, pour ce qui est des tâches de la population, le

  8   redéploiement du 1er Bataillon d'assaut léger de la Police militaire qui

  9   est passé sous les égides du général Praljak fin juillet 1993. Regardons,

 10   ici, nous sommes le 1er octobre. Ce n'est pas un rapport de la police

 11   militaire. C'est un rapport du SIS qui fait état de l'enlèvement

 12   de Musulmans du quartier Centar -- c'est survenu le 22 septembre. On

 13   voit Vinko Martinovic, alias Stela, qui a été condamné par ce Tribunal

 14   pour ces crimes précis, qui arrive à la défense de Mostar, qui se trouvait

 15   alors sous le commandement de M. Jelic. Il ne trouve pas Jelic, alors il

 16   va chercher l'adjoint du 1er Bataillon d'assaut léger, M. Cavar. Lui,

 17   manifestement, il était au courant de cette opération, parce qu'il avait

 18   déjà préparé le plan, le schéma directeur de l'opération. Il avait

 19   même des étiquettes qui disaient "sous le contrôle de la police

 20   militaire" qu'on allait mettre sur les appartements. Combien de membres

 21   y participent-ils ? On voit que l'appétit de la police militaire est

 22   insatiable lorsqu'il s'agit de prendre les appartements à Mostar.

 23   Le plan est dressé. Voilà, on transfère les femmes et les enfants sur

 24   la rive gauche, on envoie les hommes à l'Heliodrom. Ils vont y être gardés

 25   pour faire des travaux forcés plus tard, bien entendu.

 26   Selon ce schéma directeur, on va réquisitionner tous les appartements

 27   et on va mettre une étiquette sur chaque porte pour dire que ça

 28   n'appartient plus à la personne à qui ça appartenait auparavant.

Page 52130

  1   Regardez la dernière page :

  2   "Le commandant du secteur de la défense de Mostar, Zlatan Jelic,

  3   alias Mijo, est aussi informé plus tard de cette opération, de même que le

  4   colonel Ivan Andabak…"

  5   Qu'est-ce que ceci nous dit, Monsieur le Président ? Le fait que M. Coric

  6   ait rattaché le 1er Bataillon d'assaut léger un mois auparavant sous les

  7   ordres de M. Praljak n'a eu aucun effet sur les activités de la police à

  8   Mostar. Ce 1er Bataillon d'assaut léger, lui-même, se livrait à une

  9   criminalité extrême à cette époque-là à Mostar, peu importe sous les ordres

 10   de qui le faisait, de Praljak ou s'ils restaient sous l'égide de

 11   l'administration de la police militaire. Ces éléments faisaient partie du

 12   problème. Ce qu'on allait faire n'allait en aucune façon remédier à la

 13   source des problèmes qu'il y avait à Mostar. Moi, je parle ici du cadre

 14   général, le fait qu'on s'emparait de biens appartenant à des Musulmans, à

 15   leurs logements, qu'on les expulsait de Mostar ouest pour les envoyer de

 16   l'autre côté de la rivière. Et là, il y a un lien direct avec le plan de

 17   l'Herceg-Bosna, et aucun élément ne prouve qu'à quelque moment que ce soit,

 18   la police militaire ait essayé de remédier à cette situation pour faire sa

 19   tâche qui lui revient, qui est le maintien de l'ordre.

 20   Voyons ce qu'a dit la Chambre Milutinovic dans son jugement, car on y

 21   trouve des termes que nous pensons utiles pour analyser la question de la

 22   rétribution de la sanction imposée.

 23   Voici ce que disait la Chambre Milutinovic :

 24   "Les documents du commandement du Corps de Pristina et des unités

 25   subordonnées prouvent que certaines mesures ont été prises à divers

 26   échelons contre des membres des unités du Corps de Pristina déclarés

 27   coupables de crimes d'assassinat, de viol, de vol. Même s'il a été conclu

 28   ci-dessous que ces quelques poursuites engagées pour des membres de la VJ à

Page 52131

  1   Kosovo n'étaient manifestement pas suffisantes vu l'ampleur des infractions

  2   commises, la Chambre conclut que ces éléments montrent que Lazarevic a pris

  3   quelques sanctions disciplinaires à l'encontre de subordonnés responsables

  4   des crimes de meurtre, de viol et d'appropriation de biens. Mais la Chambre

  5   constate que les éléments de preuve ne montrent pas qu'on aurait engagé des

  6   poursuites ou pris des mesures disciplinaires après des actes d'éviction

  7   forcée des Kosovars de la part de membres de la VJ. La Chambre estime qu'il

  8   y a eu, de façon généralisée, des déplacements forcés, comme nous le montre

  9   le chapitre VII. Et l'absence de poursuites pénales suite à ces actes

 10   soutient ce que dit l'Accusation, à savoir que Lazarevic avait l'intention

 11   de veiller à ne pas poursuivre en justice les subordonnés responsables du

 12   déplacement forcé des Kosovars."

 13   Monsieur le Président, l'Accusation serait la première à convenir du fait

 14   qu'au sein de l'administration de la police militaire, au sein des

 15   compagnies, au sein 5e Bataillon de la Police militaire, il y avait des

 16   hommes bons et braves qui essayaient de faire du bien, qui essayaient de

 17   lutter contre toute cette criminalité généralisée. C'est pour ça que ces

 18   rapports ont été écrits. Et, évidemment, certains ont été punis pour des

 19   actes isolés de vol, de meurtre, de viol.

 20   Coric le dit, il a pris des mesures disciplinaires contre quatre

 21   membres de la police militaire qui étaient des gardes du corps de M. Prlic.

 22   Ils avaient violé, et on les a évincés de la police militaire.

 23   Il se peut que l'accusé n'ait pas voulu que des femmes soient violées, que

 24   des gens soient tués, mais les éléments de preuve montrent que lui, à

 25   l'instar des autres accusés, voulait que ces personnes disparaissent, s'en

 26   aillent. Aucune preuve n'a été montrée qui montrerait qu'on essayait de

 27   lutter contre la grande criminalité quand ces crimes de transfert forcé,

 28   d'expulsion, d'occupation d'appartements, des crimes qui ont entraîné le

Page 52132

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 52133

  1   départ déjà en grand nombre. Rien n'a été apporté comme preuve qui

  2   attesterait du fait qu'on aurait pris des mesures disciplinaires parce

  3   qu'il y aurait eu viol ou meurtre.

  4   Ceci apparaît lorsqu'on examine la pièce P 03616. C'est le procès-

  5   verbal d'une réunion d'un groupe de travail sur la criminalité à Mostar,

  6   groupe qui essaie de combattre la criminalité et de trouver les auteurs de

  7   ces crimes. Page 2, nous voyons M. Jurisic, qui est le procureur militaire.

  8   C'est lui qui s'exprime le 21 juillet 1993, en pleines expulsions,

  9   lorsqu'elles battent leur plein. Pendant cette même période, on expulse les

 10   Musulmans de l'autre côté de la rivière, et M. Jurisic, que dit-il :

 11   "On nous reproche le manquement de répondre à des ordres de mobilisation.

 12   On nous reproche les crimes de guerre et d'avoir agi contre les forces

 13   armées musulmanes, mais rien n'a été fait pour incriminer les criminels

 14   dans la ville de Mostar."

 15   Donc, comme je viens de le dire il y a quelques instants, on ne

 16   rapporte aucun crime. Tout est calme. Tout ce que nous voyons, c'est

 17   l'expulsion des Musulmans de Mostar ouest, et cela ne constitue pas un

 18   comportement pénalement répréhensible. Et c'est le crime principal lié à la

 19   réalisation de l'entreprise criminelle commune de l'Herceg-Bosna. La police

 20   militaire ne s'en est pas occupée du tout.

 21   Monsieur le Président, c'est peut-être un document confidentiel, donc nous

 22   n'allons pas le diffuser. P 11220. C'est un document qui nous montre qu'en

 23   mars 1995, M. Coric, qui est ministre de l'Intérieur de la République

 24   croate d'Herceg-Bosna, nomme Mijo Jelic au poste du chef du secteur de la

 25   police spéciale du ministère des Affaires intérieures. Donc cette unité

 26   d'élite, comme on l'évoque dans cet article, aura à sa tête un individu

 27   nommé par Coric dont la mission est de gérer les autorisations pour des

 28   centaines de prisonniers qui seront emmenés aux travaux forcés à la ligne

Page 52134

  1   de confrontation. Donc le 1er Bataillon d'assaut léger pourra prendre part

  2   directement aux opérations de nettoyage ethnique à Mostar ouest. Donc cela

  3   nous montre de manière très explicite quelle est la position de M. Coric

  4   sur l'utilité du rôle joué par M. Jelic dans l'achèvement des projets de

  5   l'entreprise criminelle commune de l'Herceg-Bosna.

  6   Enfin, la dernière pièce, P 05792. Monsieur le Président, nous avons parlé

  7   de nombreux rapports qui ont été envoyés à M. Coric du terrain, Capljina,

  8   Dretelj, l'Heliodrom. M. Siljeg, de la zone opérationnelle, il envoie des

  9   rapports à Mostar. Il demande que M. Coric agisse, qu'il fasse quelque

 10   chose face aux écarts de conduite de la police militaire en Herzégovine du

 11   nord-ouest.

 12   Donc ce ne sont pas les seuls qui estiment que M. Coric a le pouvoir qui

 13   lui permettrait de redresser le cours des choses, et j'en ai parlé déjà.

 14   J'ai parlé de M. Praljak, qui écrit directement au chef de l'état-major du

 15   HVO. Il se plaint du fait que les prisonniers sont utilisés pour aller

 16   faire des travaux forcés, et des blessures et des morts qui ont résulté.

 17   Nous avons ici une lettre très longue rédigée par M. Bozic qui

 18   s'adresse au président de l'Herceg-Bosna, M. Boban.

 19   Page 2, au premier point, que dit-il ? Il demande qu'on apporte une

 20   solution à ce problème face à l'utilisation des prisonniers pour des

 21   travaux. Il dit, Emmener les prisonniers travailler. Au point 2 :

 22   "Blessures graves et souffrances infligées aux détenus." Et puis, il

 23   continue.

 24   Et nous voyons en haut du document qu'il y a une note. Le président Boban

 25   l'a lu apparemment, et il a écrit au chef de la police militaire, Valentin

 26   Coric :

 27   "C'est un problème très sérieux. S'il vous plaît, prenez contact avec M.

 28   Bozic. Tirez cela au clair dans la mesure de ce qui est possible et ce qui

Page 52135

  1   correspond aux exigences du droit international humanitaire."

  2   Nous sommes le 10 octobre 1993. Donc nous savons qu'on continuera au-delà

  3   de cette date à emmener les prisonniers aux travaux forcés. Nous savons

  4   quelles sont les conditions qui prévalent pendant le reste de l'année 1993,

  5   et le président de l'Herceg-Bosna lui-même, M. Boban, il pense que c'est M.

  6   Coric à qui incombe la responsabilité et qui a le pouvoir, qui a la

  7   capacité de se charger de résoudre ce problème. Bien entendu, nous savons

  8   autre chose, à savoir nous avons vu de nombreux rapports qui ont été

  9   envoyés à M. Coric. Et nous savons très bien qu'il était bien au courant de

 10   l'ensemble des crimes qui se sont produits. Il n'a rien fait au sujet des

 11   travaux forcés. La police militaire a continué de participer aux opérations

 12   de purification ethnique de Mostar ouest, a continué d'installer ses

 13   effectifs dans les appartements et les habitations abandonnés par les

 14   Musulmans expulsés.

 15   Monsieur le Président, j'aurai quelques arguments supplémentaires au sujet

 16   de M. Coric, mais j'en ai terminé pour l'instant. Merci.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je crois que c'est M. Kruger.

 18   M. KRUGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 19   Juges. Bonjour à toutes et à tous.

 20   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je prononcerai le réquisitoire

 21   eu égard à M. Berislav Pusic, l'accusé numéro 6. Nous regrettons qu'il ne

 22   soit pas présent dans le prétoire aujourd'hui, mais nous espérons qu'il

 23   pourra nous suivre à l'écran.

 24   Monsieur le Président, la substance de la défense de M. Pusic se trouve

 25   résumée au premier paragraphe de son mémoire en clôture. Est-ce que nous

 26   pouvons l'afficher, s'il vous plaît. Nous avons un problème, me semble-t-

 27   il. Je n'arrive pas à le lire à l'écran, mais je vous en donne lecture.

 28   Le tout premier paragraphe :

Page 52136

  1   "Pusic n'était qu'un petit fonctionnaire qui a participé en sa capacité

  2   technique et administrative à l'échange et à la libération des prisonniers.

  3   Il était dépourvu de tout pouvoir de jure ou de facto qui lui aurait permis

  4   de donner des ordres à qui que ce soit ou qui lui aurait permis de

  5   s'ingérer dans l'opération des centres de détention du Conseil croate de

  6   défense. Pusic s'est contenté d'approuver, sans discussions, les décisions

  7   prises par les organes et les responsables du HVO. Pusic n'était qu'un

  8   petit rouage. Ce n'était pas un décisionnaire indépendant qui aurait pu

  9   exercer un contrôle quelconque sur la politique et la pratique adoptées par

 10   le HVO."

 11   Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si on admettait

 12   cela - ce que l'Accusation n'accepte pas - Pusic, dans le tout premier

 13   paragraphe du résumé qui reprend son rôle et sa position au sein du HVO, il

 14   s'expose à une déclaration de culpabilité et à une peine de prison

 15   conformément à la jurisprudence de ce Tribunal. L'affaire Kvocka,

 16   justement, nous permet de voir comment il convient d'interpréter le rôle

 17   joué par un petit rouage à un échelon inférieur dans le cadre d'une ECC. Et

 18   je me permets de vous référer à l'accusé Prcac dans l'affaire Procureur

 19   contre Kvocka et consorts. Celui-là a travaillé pendant 22 jours au camp

 20   d'Omarska, où il a manipulé les listes des détenus, où il a pris des

 21   renseignements sur les détenus nouvellement arrivés. Il s'est occupé du

 22   transfert de détenus d'un camp vers un autre et il a géré le déplacement

 23   des détenus au sein du camp.

 24   Reportons-nous de manière tout à fait précise aux paragraphes 448 et 449.

 25   D'après la Chambre de première instance, Prcac était entièrement au courant

 26   du système qui prévalait dans les camps. Au paragraphe 457, malgré cela, il

 27   a continué de travailler pendant 22 jours au camp d'Omarska où il a exécuté

 28   ses tâches de manière efficace, effective et en toute indifférence. Et il a

Page 52137

  1   agi avec toute diligence, consciencieusement.

  2   Et je me permets d'appeler votre attention sur le paragraphe 459, où

  3   il est dit :

  4   "Prcac a aidé sur le plan administratif le commandant du camp," et nous

  5   voyons qu'il "portait les listes des détenus…"

  6   Et à présent, voyons ce que dit le paragraphe 460 de ce jugement : 

  7   "Le rôle joué par Prcac dans le fonctionnement du camp a fourni un

  8   service important. Ses tâches administratives représentaient l'un des

  9   nombreux rouages du système du mauvais traitement sur une grande échelle."

 10   Et la Chambre de première instance a conclu que même si Prcac n'a pas

 11   pris part directement à la commission de quelque crime que ce soit, il a

 12   été coupable, en tant que co-auteur, de crimes de persécution, d'assassinat

 13   et de torture dans le cadre de l'entreprise criminelle commune. Il a été

 14   condamné à une peine de prison de cinq ans, ce qui a été confirmé en appel.

 15   Alors, par rapport à cela, si on acceptait les arguments de la

 16   défense de Pusic, ces paragraphes s'appliqueraient à lui. Alors, il

 17   conviendrait de le condamner au moins en tant que co-auteur des crimes

 18   commis dans le cadre de l'entreprise criminelle commune.

 19   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation affirme

 20   néanmoins que Pusic a été bien davantage qu'un technicien insignifiant à un

 21   niveau administratif, ce qu'il aimerait bien affirmer. Nous estimons que sa

 22   responsabilité engageait à un niveau bien plus élevé.

 23   Avant de parler du jugement Kvocka, il convient de noter que

 24   s'agissant de Prcac, c'est le 27 mai 1993 que l'entreprise criminelle

 25   commune d'Omarska a été conçue. Prcac n'a rejoint l'ECC que quelques

 26   semaines plus tard. Il a commencé à travailler là uniquement le 15 juillet.

 27   Il n'empêche que la déclaration de culpabilité de Prcac n'a posé aucun

 28   problème ni à la Chambre de première instance ni à la Chambre d'arrêt pour

Page 52138

  1   condamner Prcac.

  2   Pusic affirme que le paragraphe 230 de l'acte d'accusation, lorsqu'il

  3   parle de la close d'exclusion, est incompatible avec le rôle de Pusic. Et

  4   je dois dire que la jurisprudence du Tribunal reconnaît qu'une personne

  5   peut rejoindre à un stade ultérieur l'ECC, et il serait juste donc de tenir

  6   responsable les auteurs uniquement des crimes qui ont été commis à partir

  7   du moment où ils ont adhéré à l'ECC.

  8   Voyons maintenant ce que dit le premier paragraphe de son paragraphe [comme

  9   interprété] en clôture, du mémoire en clôture de Pusic. Il affirme que sa

 10   défense se fonde sur un examen attentif des éléments de preuve. Cet examen

 11   attentif, en fait, se résume à la mise en exergue de manière tout à fait

 12   sélective de certaines bribes d'éléments de preuve et de témoignages et

 13   d'affirmer sur la base de cela que l'ensemble des éléments de preuve de

 14   l'Accusation qui indiquent la participation de Pusic à l'ECC, finalement,

 15   ne prouvent rien du tout. Sur papier, dit-il : "Oui, j'avais des pouvoirs,

 16   mais en fait, réellement, je n'en avais pas du tout."

 17   Pusic affirme cela comme étant une défense sérieuse, mais cela se confronte

 18   à plusieurs dilemmes.

 19   Le premier dilemme devant lequel se trouve la Défense de Pusic est le

 20   suivant : la Défense de Pusic avait déjà présenté l'ensemble de leurs

 21   arguments à la Chambre de première instance précédemment, pendant nos

 22   arguments en application de l'article 98 bis en janvier 2008. Dans sa

 23   décision, la Chambre de première instance a constaté comme suit, au compte

 24   rendu d'audience pages 27 236 jusqu'à 37, le 20 février de l'an 2008, le

 25   suivant :

 26   "A la lumière des éléments de preuve présentés, un juge raisonnable du fait

 27   pourrait constater au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé Pusic a

 28   joué un rôle de dirigeant et a participé à l'objectif criminel commun

Page 52139

  1   d'expulser les Musulmans du territoire de l'Herceg-Bosna par la force et

  2   par d'autres moyens répréhensibles et qu'il a pris part à leur entreprise

  3   criminelle commune par ses actes et par ses omissions en tant qu'un

  4   officier de la police militaire du HVO responsable des échanges des

  5   Musulmans de Bosnie détenus par le HVO, en tant que chef du service chargé

  6   de l'échange des prisonniers et d'autres personnes, et en tant que

  7   président de la commission responsable de l'ensemble des prisons et des

  8   centres de détention de l'Herceg-Bosna."

  9   A partir de ce moment-là, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la

 10   Défense Pusic n'a présenté aucun autre élément de preuve. Rien qui aurait

 11   pu, de manière convaincante, persuader la Chambre de première instance de

 12   modifier sa conclusion. Donc le dilemme devant lequel se trouve la Défense

 13   Pusic est le suivant : la Chambre de première instance doit donc apprécier

 14   la responsabilité pénale de Pusic pour les crimes pour lesquels il est mis

 15   en cause sur la base de ces mêmes éléments de preuve qu'elle avait

 16   considérés précédemment comme étant suffisants au-delà de tout doute

 17   raisonnable.

 18   Alors, le deuxième dilemme pour la Défense Pusic est le   suivant :

 19   Pusic admet, en effet, que les éléments de preuve présentés devant la

 20   Chambre de première instance montrent qu'il a détenu et qu'il a exercé un

 21   certain pouvoir. Alors, comment cherche-t-il à résoudre ce problème ? Il se

 22   contente d'affirmer que tout simplement, il n'a détenu aucun pouvoir, qu'il

 23   n'en a eu aucun. Et par conséquent, que dit-il : "Je reconnais ce que j'ai

 24   dit en 1993 et ce que semble monter l'ensemble des éléments de preuve, mais

 25   ne prenez pas cela en compte et je vais accepter ce que je suis en train de

 26   vous dire. Je n'avais aucun pouvoir, aucune autorité."

 27   Ce qui nous amène au point 3. Pusic affirme qu'il n'avait aucun pouvoir,

 28   aucune autre autorité, mais cela ne dépendait aucunement d'un élément de

Page 52140

  1   preuve. Cela ne se forme que sur les affirmations avancées par Pusic dans

  2   son mémoire en clôture. Et ce qui est absurde, c'est que Pusic affirme

  3   qu'il a exagéré ou menti au sujet de son autorité en 1993. Voyez page 39 de

  4   son mémoire en clôture. Toutefois, maintenant face à une possible peine de

  5   prison, Pusic dirait la vérité quand il dit qu'il n'a eu aucune autorité.

  6   Alors, ça, c'est un dilemme placé devant la Défense Pusic. Donc il faut

  7   qu'il reconnaisse que M. Pusic est connu comme menteur et opportuniste, et

  8   en même temps, il faudrait qu'ils essaient de convaincre la Chambre de

  9   première instance que ce qu'il affirme maintenant constitue la vérité et

 10   que ce n'est pas une tentative opportuniste d'éviter une peine de prison.

 11   L'Accusation soumet que lorsque M. Pusic se contente de simplement

 12   affirmer son innocence, sans que ce soit étayé par une déclaration sous

 13   serment ou un autre élément de preuve, que cela ne suffit pas pour résoudre

 14   ces dilemmes.

 15   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation affirme qu'il a

 16   été solidement présenté dans les arguments en application du 98 bis le 5

 17   février 2008, ainsi que de nouveau par l'Accusation dans son mémoire en

 18   clôture, et ce, de manière détaillée, comment les éléments des preuve qui

 19   ont été avancés au sujet de M. Pusic prouvent au-delà de toute doute

 20   raisonnable qu'il a été membre et qu'il a participé à l'entreprise

 21   criminelle commune pour laquelle il est mis en cause et que sa

 22   responsabilité pénale est engagée pour des crimes qui lui sont

 23   reprochés.Tous les éléments pour toutes les allégations rapportées contre

 24   Berislav Pusic, de manière spécifique, exhaustive et claire, ont été cités.

 25   Et ces éléments de preuve ne sont pas fortuits, des cas isolés ou

 26   fantaisistes. Il s'agit d'éléments convaincants et cohérents démontrant

 27   quel a été le rôle joué par Pusic dans le cadre de l'entreprise criminelle

 28   commune s'étendant sur plusieurs mois, d'avril 1993 à au moins décembre

Page 52141

  1   1993.

  2   Tout cela montre une participation très importante de Pusic à

  3   l'entreprise criminelle commune, et là-dessus, l'Accusation et la Défense

  4   Pusic sont, en substance, en accord. Toutefois, la Défense Pusic affirme

  5   que l'Accusation a tort lorsqu'elle accepte ces éléments de preuve en tant

  6   que constituant une preuve d'une participation significative de Pusic à

  7   l'ECC. Non, disent-ils, ne tenez pas compte de ces éléments de preuve même

  8   s'ils semblent indiquer l'implication considérable de Pusic. Simplement,

  9   cela n'est pas vrai, parce que Pusic avait tendance à exagérer son pouvoir,

 10   son autorité; Pusic, paragraphes 120 à 123 de son mémoire en clôture. Des

 11   témoins ainsi que l'Accusation exagèrent son pouvoir et son autorité;

 12   mémoire en clôture Pusic, paragraphes 82, 128, 176, 217 et 248. Et puis,

 13   tous les documents, les ordres, les approbations qui comportent sa

 14   signature n'ont aucune valeur parce qu'il s'est contenté d'approuver sans

 15   discussions face à ceux qui exerçaient le véritable pouvoir.

 16   Alors, de l'avis de Berislav Pusic, il était à peine plus qu'un

 17   secrétaire en 1993 et 1994, plutôt que ce que nous montrent les éléments de

 18   preuve, à savoir un policier militaire impitoyable et corrompu qui s'est

 19   livré au nettoyage ethnique sous l'apparence des détentions systématique et

 20   l'échange des hommes, des femmes et des enfants musulmans.

 21   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la Chambre de première instance

 22   devrait accepter l'interprétation de Pusic de ces éléments de preuve pour

 23   arriver à cette conclusion, mais en fait, le problème de Pusic c'est sa

 24   défense passive. Il n'a fourni aucun élément à la Chambre de première

 25   instance pour étayer son interprétation. La Chambre de première instance

 26   n'a que ses propos hors serment et ce qui figure dans son mémoire en

 27   clôture, et peut-être aussi les arguments qu'il a avancés en application du

 28   98 bis.

Page 52142

  1   Donc il serait peut-être utile de voir un petit peu de quel homme

  2   parlons-nous. Malgré le fait qu'il n'a pas déposé, d'amples preuves nous

  3   montrent quelle est sa moralité et son intégrité. Par exemple, prenons la

  4   pièce P 00663 pour commencer. Il s'agit là d'une note officielle qui a été

  5   rédigée par le SIS du HVO le 28 octobre 1993. Au paragraphe 1, que dit ce

  6   rapport :

  7   "A l'occasion de la perquisition de la maison dont le propriétaire est

  8   Berislav Pusic, membre de la police militaire," et cetera, la perquisition

  9   a été faite et "il a été constaté que les frères Pusic, Berislav et

 10   Vitomir, livraient régulièrement des biens volés dans cette maison. Toutes

 11   les semaines, un ou deux véhicules volés ou des véhicules confisqués aux

 12   Serbes utilisant des attestations fausses… émises par Pusic…"

 13   Puis, paragraphe 2 :

 14   "Berislav Pusic, de concert avec son frère Vito et Makso ont ouvert un

 15   magasin à Rudnik et ils fournissaient des biens en volant l'aide

 16   humanitaire internationale et l'aide de Caritas."

 17   Puis, page 2 :

 18   "Pendant la guerre, Berislav Pusic," et il s'agit de l'année 1992,

 19   "émettait des certificats aux Serbes disant que personne n'avait le droit,"

 20   et cetera.

 21   Et puis, à la fin :

 22   "Pusic détruisait les documents à la prison du district de Mostar sur

 23   demande de certains Serbes et a probablement reçu certains montants (en

 24   devises étrangères) pour avoir fait ça."

 25   Et puis, paragraphe 3 :

 26   "Pusic protégeait les Serbes. Il les a libérés de la prison de district de

 27   Mostar en détruisant les documents en prison."

 28   Et :

Page 52143

  1   "Qui plus est, ils ont dressé des listes de personnes d'appartenance

  2   serbe pour l'échange, et à en juger d'après certaines informations, ils ont

  3   demandé de l'argent pour cela. Donc, pour les personnes qui n'avaient pas

  4   l'argent, elles abandonnaient les clés de leurs appartements à Pusic pour

  5   qu'il puisse s'emparer de tous les biens de valeur."

  6   Cela se passe en 1992. Alors, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  7   un an plus tard, en décembre 1993, que fournit SIS ? Un rapport

  8   supplémentaire, pièce P 07007, du 2 décembre 1993. Page 2, que voyons-nous

  9   ? Le rapport porte sur le travail et le comportement de Berislav Pusic. Et

 10   il est dit :

 11   "Berislav Pusic a travaillé pour le SDB dans l'ex-Etat communiste. Pour des

 12   gains négligeables, Pusic vendait des éléments d'information aux criminels…

 13   mais l'opération a échoué… et Pusic a été licencié."

 14   Et puis :

 15   "Après le début de la guerre à Mostar, Pusic s'est servi du fait

 16   qu'il avait été licencié du service de la Sûreté de l'Etat -- a cherché à

 17   se faire enrôler dans la police militaire du HVO."

 18   Et plus loin, la même page :

 19   "Pusic s'est immédiatement mis au travail. Mme Cesic, qui a été dactylo

 20   pour la police militaire, tapait un certificat."

 21   Puis, la procédure est décrite, et puis il est dit :

 22   "Pusic signait ces certificats, il les cachetait et il les vendait à

 23   ces gens pour 200 marks allemands chacun."

 24   Puis, en haut de la page 3 :

 25   "Pendant la guerre contre les Chetniks, Pusic a arrêté le fameux

 26   photographe Braco Njunjic.

 27   "Et puis, après sa libération de la prison, après lui avoir pris 5

 28   000 deutsche marks, il a pris six machines à sous, d'une valeur de 30 000

Page 52144

  1   deutsche marks; une photocopieuse Canon, d'une valeur de 2 500 deutsche

  2   marks; et puis une Peugeot de 205 et d'autres biens…"

  3   Et puis, tout de suite après cela, nous voyons qu'il a pris    8 000

  4   deutsche marks de Miso Grgic, mais n'empêche qu'il l'a gardé en détention

  5   pendant des mois. "Pusic a envoyé Grgic à l'échange par trois fois contre

  6   sa volonté."

  7   Ensuite, à la page 3, on voit qu'il est écrit :

  8   "… on a trouvé que Pusic rackettait l'argent tous les jours à partir de

  9   personnes qui étaient libérées et aussi à partir de ceux qui étaient en

 10   détention, et ce, contre différents services…"

 11   Page 4 :

 12   "Les soldats avaient une plaisanterie, ils l'appelaient Brko Pusic, alias

 13   '200 deutsche marks'."

 14   Donc, ça, c'était en 1992, dans la guerre contre les Serbes. Mais voyons ce

 15   que dit ce rapport à propos de M. Pusic en 1993.

 16   A la page 4 :

 17   "Lorsqu'il est devenu chef du bureau pour l'échange des prisonniers de la

 18   HR HB, Pusic a poursuivi son petit trafic. Pusic a libéré plus de 100

 19   membres du MOS de la prison militaire sans avoir l'aval du SIS ou du

 20   département pénal.

 21   "Pusic a fait ça contre de l'argent, encore une fois."

 22   Donc il est intéressant ici de remarquer que quand on parle de M.

 23   Pusic ici, on déclare bien qu'il utilise son pouvoir comme il le veut, et

 24   ce, sans s'occuper des autres pouvoirs, des autres choses qu'il est censé

 25   faire. Il le fait sans avoir l'accord du SIS et sans avoir l'accord du

 26   département pénal de la police militaire.

 27   Ensuite, à la fin, voici la conclusion :

 28   "Nous croyons que pendant toute la guerre, Berislav Pusic a travaillé

Page 52145

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 52146

  1   contre les intérêts des Croates et des soldats croates, et on peut

  2   s'attendre à ce que cela se reproduise à l'avenir. Nous recommandons donc

  3   que des mesures soient prises afin que Pusic ne puisse plus causer de

  4   dégâts à la réputation du HVO."

  5   Malgré ce rapport, rien n'a été fait, cela dit, et en août 1994, Pusic se

  6   livrait encore à tout cela. On le voit d'ailleurs dans la pièce P 08431. Il

  7   écrit un long fax au centre des droits de l'homme où il pond une version

  8   manifestement fausse des événements de 1993, cette version que vous avez

  9   entendue à l'envie de la part de toutes les Défenses. Il est intéressant de

 10   lire ce document, cela dit, pour voir avec quelle application Pusic

 11   continuait à mentir à propos de son idéologie nationaliste.

 12    Je vous en ai choisi un petit échantillon d'ailleurs. Ce sont des extraits

 13   du document P 8431, page 3. Il est écrit -- ici, il fait référence à des

 14   Musulmans qui ont été capturés pendant des actions :

 15   "Tous les prisonniers sont restés en vie alors que des Musulmans

 16   tuaient des Croates et creusaient des charniers."

 17   Dernier paragraphe de la même page :

 18   "La seule prison qui était enregistrée en tant que prison était

 19   l'Heliodrom, alors que Gabela et Dretelj étaient enregistrés comme étant

 20   des centres de rassemblement connus de la Croix-Rouge internationale, qui

 21   venait régulièrement rendre visite et réinstallait des Musulmans dans les

 22   pays tiers selon leur désir. Et ceux qui ne voulaient pas se rendre à

 23   l'étranger pouvaient traverser pour se rendre dans le territoire tenu par

 24   le MOS…"

 25   Messieurs les Juges, les éléments de preuve dont vous disposez prouvent

 26   bien que tous ceci ne sont que des mensonges. Un grand nombre de Musulmans

 27   sont morts lors de leur détention aux mains du HVO. Il n'y avait pas de

 28   "visites régulières de la Croix-Rouge à Dretelj et Gabela." La déportation

Page 52147

  1   et l'expulsion des hommes musulmans de Dretelj et Gabela n'étaient pas le

  2   fait de Musulmans qui exerçaient leur libre choix. Absolument pas. Ils

  3   étaient chassés brutalement et ils étaient expulsés brutalement contre leur

  4   gré, et ce, par des personnes de la même eau que ce M. Pusic.

  5   Pour persuader la Chambre de première instance et pour lui faire accepter

  6   sa défense, M. Pusic doit mentir à propos du rôle qu'il a joué et de son

  7   implication. Mais les éléments de preuve montrent bien qu'il est

  8   parfaitement capable justement de mentir, car ce n'est pas un homme

  9   honnête.

 10   Pourrions-nous, s'il vous plaît -- nous allons maintenant passer au sujet

 11   de l'autorité que détenait M. Pusic. J'aimerais savoir de combien de temps

 12   je dispose encore ?

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant la pause, il reste un quart d'heure.

 14   M. KRUGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 15   Donc, au vu du grand nombre d'éléments de preuve montrant qu'il était

 16   impliqué dans les échanges de prisonniers et dans les questions portant sur

 17   les prisonniers, y compris les travaux forcés, M. Pusic continue à affirmer

 18   son innocence et la faiblesse des arguments de l'Accusation. Mais en fait,

 19   c'est une histoire ridicule qu'il nous raconte, un récit ridicule. Il

 20   ignore ou il requalifie l'essentiel des éléments de preuve qui sont contre

 21   lui et choisit de choisir des bribes de témoignage et de les mettre hors

 22   contexte afin de pouvoir vous donner son récit. Son récit qui serait que

 23   tout le monde dans le HVO avait du pouvoir sauf lui. Il n'avait rien, lui,

 24   n'avait aucun pouvoir, et sa seule fonction était de mettre à jour des

 25   listes qui avaient été rédigés et qui avaient été utilisés par d'autres.

 26   Ensuite, il examine chaque élément de preuve mais dans un vide pour

 27   expliquer que l'interprétation de l'Accusation n'est pas la seule

 28   interprétation raisonnable de ces éléments de preuve.

Page 52148

  1   Cela dit, nous faisons valoir que lorsque l'on examine des éléments

  2   de preuve en dehors de ce récit parfaitement myope présenté par M. Pusic,

  3   lorsqu'on remet ces éléments de preuve dans le contexte de tous les autres

  4   éléments de preuve présentés, comme l'a fait d'ailleurs l'Accusation dans

  5   son mémoire, il n'y a aucun doute. Il n'y a aucun doute que Pusic a utilisé

  6   son pouvoir en matière de détention de prisonniers et de transfert de

  7   prisonniers pour commettre les crimes dont il est accusé dans l'acte

  8   d'accusation.

  9   Mis à part ces ordres bien précis qui le nommaient à différents

 10   postes, voici quelques exemples du pouvoir dont il disposait. Nous avons

 11   trois diapos pour cela. Tout d'abord, la pièce P 2020. Il s'agit d'un ordre

 12   émanant de M. Coric du 22 avril 1993. A la page 2 :

 13   "M. Berko Pusic est chargé de participer au nom de l'administration

 14   de la police militaire à l'échange de toutes les personnes arrêtées."

 15   Messieurs les Juges, les techniciens subalternes ne disposent pas de ce

 16   type d'autorité.

 17   Ensuite, pièce 02546. Rapport du 28 mai 1993 sur les activités de la 4e

 18   Brigade de la Police militaire du HVO. A la page 2, il est écrit :

 19   "Nous avons reçu un ordre de Berko Pusic et de Valentin Coric aux fins de

 20   transférer les prisonniers à la prison de l'Heliodrom."

 21   La conclusion que l'on peut en tirer : si Pusic était si falot, si ce

 22   n'était qu'un rouage comme il le dit, pourquoi est-il mentionné dans cet

 23   ordre ? Il aurait été bien suffisant de dire : "Nous avons reçu un ordre de

 24   Valentin Coric."

 25   P 03652 maintenant. C'est un télex du 23 juillet 1993 de Berislav Pusic à

 26   la police militaire du HVO à Jablanica. Voici ce qu'il dit :

 27   "Nous voudrions vous demander d'escorter les Musulmans qui vous ont été

 28   donnés jusqu'à notre dernier point de contrôle à Doljani, et ensuite, de

Page 52149

  1   là, ils pourront aller à pied jusqu'à Jablanica. S'ils chassent nos Croates

  2   de Jablanica, veuillez nous en informer car il y aura des réactions contre

  3   leurs hommes."

  4   Alors, je le répète, il ne s'agit pas quand même de mots prononcés par un

  5   gratte-papier sans pouvoir et sans importance.

  6   Mais qui étaient ces Musulmans à qui Pusic fait référence dans cette pièce

  7   pour qui Pusic a demandé qu'on les chasse sous escorte ? Eh bien, passons à

  8   la pièce P 03668, qui date aussi du 23 juillet 1993 et qui émane du

  9   commandant du 3e Bataillon du HVO, envoyé directement à Berislav en mains

 10   propres, du fait de sa qualité. Il est écrit : Ces personnes-là, ce sont

 11   400 femmes, enfants et vieillards musulmans qui ont été amenés au secteur

 12   de Doljani.

 13   "… veuillez nous informer le plus vite possible de ce qu'il convient d'en

 14   faire et de pourquoi ils ont été envoyés à Doljani."

 15   Il n'y a rien à manger pour ces personnes.

 16   "Donnez des instructions."

 17   Berislav Pusic exerçait un pouvoir, et son autorité était reconnue.

 18   Dans son mémoire en clôture, Pusic, au paragraphe 157, déclare que

 19   son "manque de pouvoir décisionnaire est souligné dans un grand nombre de

 20   rapports de la MOCE, qui assistait aux négociations portant sur les

 21   échanges de prisonniers."

 22   En référence à une réunion dirigée par la Croix-Rouge le 23 mai 1993, le

 23   représentant de la MOCE note que Pusic a déclaré aux personnes présentes

 24   qu'il n'avait pas le pouvoir nécessaire pour signer l'accord au nom du HVO

 25   permettant d'avoir accès à l'Heliodrom. Il fait référence ici à la pièce P

 26   02496.

 27   Mais, Messieurs les Juges, la Défense Pusic, ici, lorsqu'elle déclare ceci,

 28   ignore ou néglige ce qu'a dit M. Pusic lui-même à propos du pouvoir dont il

Page 52150

  1   disposait.

  2   Le 19 octobre 1993, il a été interviewé par Slobodna Dalmacija, qui

  3   ont publié ensuite l'interview. L'interview a porté sur les négociations à

  4   propos des échanges des détenus. Il s'agit de la pièce P 05945, intitulé :

  5   "On fait l'accord avec Pierre, mais Paul l'annule".

  6   Il est interviewé en tant que chef de cabinet du gouvernement de la

  7   HR HB pour l'échange des captifs. Alors, aux pages 4 et 5, l'intervieweur

  8   lui pose la question suivante :

  9   "Mais qui sont les personnes qui sont en face de vous au cours de ces

 10   négociations, et qu'en pensez-vous en tant que négociateur ?"

 11   Et Pusic déclare la chose suivante :

 12   "Pour ce qui est de la Croix-Rouge internationale, il y a M. Claudio

 13   Barancini…"

 14   Ensuite, pour le Haut-commissionnaire des Nations Unies aux réfugiés, il y

 15   a M. Hulme. Pour le SpaBat, c'est le major Ferrero.

 16   "Et pour ce qui est des Musulmans venant du côté est de Mostar, il y a MM.

 17   Alispahic et Dziho, qui ont été très corrects d'ailleurs pendant les

 18   négociations."

 19   Mais voici ce qu'il dit par la suite :

 20   "Mais ce ne sont pas des décideurs. Ils doivent toujours aller prendre

 21   leurs instructions auprès de M. Arif Pasalic, et c'est lui qui prend la

 22   décision finale d'habitude."

 23   Et lorsqu'on parle des entretiens qui ont eu lieu à Jablanica et

 24   Konjic, il dit là :

 25   "A l'inverse du côté croate," à l'inverse de ce qui se passait de son côté

 26   donc, "les membres de la commission côté musulman n'avaient jamais le

 27   pouvoir décisionnaire. Nous avons formé le cabinet attaché au HR d'Herceg-

 28   Bosna qui a le pouvoir de prendre des décisions sur ces problèmes d'échange

Page 52151

  1   ou de libération de prisonniers, alors que du côté musulman, ils ont des

  2   gens qui négocient, mais ce sont toujours d'autres qui prennent les

  3   décisions"

  4   Donc il dit bien :

  5   "Nous avons les pleins pouvoirs pour prendre toute décision à propos de

  6   l'échange et de la libération des détenus."

  7   Voici ce qu'il dit. De plus, M. Pusic était en communication directe avec

  8   les ministres de la République de Croatie en rendant compte de ses propres

  9   réunions avec des représentants de la communauté internationale. Par

 10   exemple, dans un document de la MOCE, bien sûr, nous ne pouvons pas le

 11   montrer en dehors de ce prétoire, il s'agit de la pièce P 05889, en date du

 12   14 octobre 1993. Voici ce qui est écrit dans ce rapport de la MOCE :

 13   "Pusic, le chef du cabinet du HVO pour l'échange de prisonniers, a envoyé

 14   une lettre à Mate Granic, ministre croate des Affaires étrangères. Dans la

 15   lettre, Pusic informe Granic de ses entretiens avec Claudio Barancini, le

 16   chef de la Croix-Rouge internationale…"

 17   Messieurs les Juges, M. Pusic n'était pas un gratte-papier subalterne qui

 18   entérinait les décisions sans les discuter. Absolument pas.

 19   Ces deux pièces montrent bien que M. Pusic peut rencontrer le chef de

 20   la Croix-Rouge, et ces pièces réduisent à néant les arguments présentés par

 21   Pusic aux paragraphes 174 et 175 de son mémoire en clôture. Selon ces

 22   paragraphes, l'Accusation n'aurait pas réussi à faire la différence entre

 23   les échanges de prisonniers au niveau local -- d'après ces paragraphes, M.

 24   Pusic n'aurait participé qu'aux négociations à très bas niveau, au niveau

 25   local, et n'aurait absolument aucune implication et aucun rôle à jouer dans

 26   les négociations à haut niveau.

 27   Messieurs les Juges, je vais poursuivre ce sujet, mais je pense qu'il

 28   serait peut-être bon de faire la pause.

Page 52152

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va faire la pause. J'informe l'Accusation

  2   que vous avez utilisé quasiment 14 heures, donc quand nous reprendrons, il

  3   vous restera une heure pour terminer.

  4   --- L'audience est suspendue à 12 heures 24.

  5   --- L'audience est reprise à 12 heures 47.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

  7   Monsieur Kruger.

  8   M. KRUGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  9   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avant la pause, nous parlions

 10   du paragraphe 174 et du paragraphe 175 du mémoire en clôture de Pusic, où

 11   il présente comme argument le fait que l'Accusation aurait mal présenté le

 12   rôle de Pusic dans le cadre de la libération des prisonniers et des

 13   processus d'échange. Dans son mémoire, Pusic déclare n'avoir aucune

 14   implication importante à ce niveau.

 15   Nous avons étudié aussi les pièces P 05945 et P 05889. Or, j'aimerais

 16   vous monter un autre exemple sur ce sujet. M. Pusic a participé à des

 17   négociations de haut niveau à Jablanica en mai 1993 avec l'ABiH. Il était

 18   constamment présent pendant les deux jours lorsqu'ils ont rendu visite à

 19   l'école à Sovici et Doljani. Il était accompagné du général Petkovic et

 20   d'autres personnes.

 21   Dans le paragraphe 233 de son mémoire en clôture, Pusic déclare que son

 22   rôle était parfaitement insignifiant.

 23   Mais il y a des images disponibles qui portent sur cette réunion. Je

 24   vais vous montrer la première. C'est un cliché qui nous vient d'une vidéo,

 25   la pièce P 02187. Le premier cliché que l'on voit ici à l'écran montre M.

 26   Pusic qui se trouve à droite. Il est à côté de Miljenko Lasic et du général

 27   Milivoj Petkovic. Il s'agissait d'un petit groupe de la délégation du HVO

 28   qui avait été nommée pour cette réunion. De l'autre côté de la table, qui y

Page 52153

  1   avait-il ? Eh bien, voici, nous avons le général Halilovic et le général

  2   Pasalic. M. Pusic était-il vraiment là uniquement pour faire de la

  3   figuration ? J'aimerais vous montrer une séquence vidéo portant sur la

  4   participation de M. Pusic à cette réunion.

  5   [Diffusion de cassette vidéo]

  6   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  7   "Aujourd'hui, je les enverrais à Vrci et ailleurs où se trouvent les

  8   blessés, pour qu'ils soient extraits. On n'a pas envoyé les nôtres là-bas.

  9   On est là pour la septième fois et on n'a toujours pas réussi à trouver une

 10   solution. C'est pour ça que je propose maintenant SpaBat.

 11   Quelqu'un qui a de l'influence sur vos soldats. Donc allons-y tout de

 12   suite et pour finir les choses tout de suite.

 13   Aujourd'hui, ils ne veulent pas y aller, les deux de Kostanica.

 14   Mais la condition c'était les deux morts.

 15   Qui a donné les conditions ?

 16   C'est votre homme à Vrce.

 17   On va faire l'échange. En ce qui concerne les morts, on peut trouver une

 18   solution tout de suite. Il y a des morts des deux côtés. On en a et vous en

 19   avez.

 20   Vous croyez que c'est vrai ?

 21   Oui, l'information est vraie.

 22   Je pense qu'on pourrait le faire. Je ne vois pas pourquoi on n'a pas

 23   pu les récupérer tout de suite. Ils sont morts depuis un moment. Les corps

 24   commencent à pourrir, donc on pourrait aussi récupérer les blessés --"

 25   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 26   M. KRUGER : [interprétation] Messieurs les Juges, M. Pusic a participé à

 27   cette réunion directement. Vous l'avez vu qui répond, d'ailleurs avec

 28   vigueur, au général Pasalic. Le général Pasalic est quand même l'homologue

Page 52154

  1   de Petkovic côté ABiH, et il réagit ainsi, il prend la parole avec vigueur,

  2   alors qu'il a le général Petkovic juste à côté de lui.

  3   Avec tout le respect que je vous dois, il s'agit de négociations à haut

  4   niveau, et Pusic est impliqué de façon importante.

  5   Nous avons un autre cliché pris d'une vidéo, la pièce P 00999. Je ne vais

  6   pas vous montrer le clip, mais M. Pusic, ici, est interviewé par les médias

  7   croates. On voit que ceci a été diffusé à la télévision croate, HTV, et ce

  8   qui est intéressant ici, c'est l'identification de M. Pusic dans un média

  9   croate. Même les médias croates considèrent qu'il s'agit d'une personne

 10   importante au niveau du HVO, puisqu'ici, son intitulé est "négociateur du

 11   HVO".

 12   Nous allons passer maintenant à autre chose. La question est de savoir si

 13   M. Pusic était vraiment uniquement un gratte-papier sans aucun rôle

 14   décisionnaire étant donné tous les documents qu'il a signés. Car il y a

 15   énormément de documents qui possèdent la signature de M. Pusic. Il

 16   reconnaît d'ailleurs qu'il a signé un grand nombre de documents à propos de

 17   la libération, des expulsions et à propos aussi des travaux forcés. Bien

 18   sûr, il déclare que ces documents n'ont aucune valeur puisqu'il n'était là

 19   que pour faire chambre d'enregistrement, si je puis dire. Il appose son

 20   cachet, alors que l'autorité, en fait, était exercée ailleurs.

 21   Mais nous faisons valoir que c'est absolument absurde. La signature de M.

 22   Pusic, comme la signature de n'importe qui d'ailleurs, signifie quelque

 23   chose. Lorsqu'on appose sa signature, ça signifie que l'on accepte la

 24   responsabilité de ce qui est écrit. La plupart du temps, ce qui était écrit

 25   sur ce qu'il avait signé, c'était les autorisations visant à chasser les

 26   Musulmans vers des pays tiers ou à les renvoyer sur le territoire tenu par

 27   l'ABiH. Sa signature autorisait que l'on emploie des détenus pour des

 28   travaux forcés, et ce, de façon massive. Sa signature autorisait que l'on

Page 52155

  1   transfère ou que l'on libère des détenus. Les gens recherchaient la

  2   signature de Pusic pour une bonne raison, parce qu'il avait du pouvoir.

  3   C'est pour cela d'ailleurs que les gens demandent à d'autres de signer des

  4   documents.

  5   M. Pusic a longuement souligné qu'en fait, ce sont les autres à l'époque

  6   qui avaient le pouvoir de relâcher ou d'échanger des détenus. Et vous le

  7   trouverez au paragraphe 58 de son mémoire en clôture.

  8   Or, l'Accusation n'avance absolument pas, alors que c'est ce que semblerait

  9   le suggérer la Défense Pusic dans son mémoire, l'Accusation ne déclare pas

 10   que c'est M. Pusic qui était le seul en mesure de transférer les

 11   prisonniers. L'Accusation ne déclare pas non plus que c'est M. Pusic qui

 12   avait le contrôle suprême sur tous les aspects de la vie des détenus ou sur

 13   la libération des détenus. Mais les éléments de preuve démontrent bien que

 14   Pusic, quand même, avait été mandaté pour déterminer qui allait rester, qui

 15   allait partir et où les gens allaient partir.

 16   Il y a d'autres personnes qui étaient là pour donner des ordres de

 17   transfert et de libération, mais ce n'était jamais leur attribution

 18   principale, alors que M. Pusic, lui, a exercé son pouvoir sur tout le

 19   territoire du HVO pendant tout le conflit et il prenait conseil auprès de

 20   la direction du HVO pour prendre ses décisions. On le voit d'ailleurs

 21   auprès de la pièce P 05889. Il allait même jusqu'à demander l'avis des

 22   ministres en Croatie à propos de tout cela.

 23   L'Accusation n'a jamais déclaré que Pusic était responsable et devait

 24   endosser toute la responsabilité pour la détention pénale et pour le schéma

 25   d'expulsion massive du HVO, mais les activités criminelles n'exonèrent pas

 26   Pusic de ses crimes quand il a utilisé le pouvoir dont il disposait pour

 27   enfreindre le droit international plutôt que d'essayer d'empêcher ceux qui

 28   le faisaient de le faire.

Page 52156

  1   Bruno Stojic avait donné à Pusic la responsabilité et le pouvoir de libérer

  2   ou d'échanger les prisonniers lorsqu'il a établi sa commission le 6 août

  3   1993. Il s'agit de la pièce P 03995. Pusic a eu cette responsabilité

  4   pendant tout le reste de l'année 1993. Il le faisait souvent d'ailleurs

  5   sans suivre les procédures définies - on l'a déjà vu - la procédure normale

  6   qui demandait l'implication du SIS ou de la police militaire. Il le faisait

  7   aussi parfois sans impliquer les autres membres de la commission.

  8   Si nous pouvions avoir à l'écran maintenant la pièce 04141. Il s'agit

  9   d'une décision du 12 août 1993, une décision de cette commission signée par

 10   M. Pusic, et cela porte sur l'enregistrement des détenus.

 11   Au deuxième paragraphe, il est écrit :

 12   "Les enregistrements ont été faits à Mostar, à la prison de Ljubuski et

 13   d'Otok, et les détenus ont été catégorisés."

 14   Nous savons, bien sûr, que ce n'est pas vrai. Ça n'a jamais été fait. En

 15   décembre 1993, il n'y avait eu aucune catégorisation des détenus.

 16   Cela dit, il poursuit :

 17   "La libération des prisonniers des prisons de Dretelj et de Gabela doit

 18   être suspendue afin de pouvoir dresser des listes le plus vite possible et

 19   de pouvoir enregistrer les catégories correctes, et la commission donnera

 20   d'ailleurs les formulaires nécessaires à ces listes…"

 21   Une autre pièce maintenant que nous pourrions étudier, la pièce P 06170. Il

 22   s'agit d'un mémo du 27 octobre 1993 de Josic Praljak sur les travaux de la

 23   commission. En bas, il est écrit :

 24   "Comme vous le savez, le chef du bureau sur l'échange des prisonniers, M.

 25   Berislav Pusic, peut libérer ces prisonniers avec l'approbation du SIS et

 26   du service de renseignement de la police militaire…"

 27   Mais au paragraphe suivant, il est écrit :

 28   "Le détenu Admir Cevra est sujet à une enquête de M. Misic, employé du SIS,

Page 52157

  1   qui n'a pas approuvé sa libération. M. Cevra a pourtant été libéré sur la

  2   base de documents émanant de Berislav Pusic."

  3   Donc Berislav Pusic ne se sentait pas du tout tenu de travailler avec le

  4   SIS ou avec les services chargés des enquêtes criminelles. Il utilisait son

  5   pouvoir selon son bon vouloir.

  6   Je tiens à dire que Pusic n'était pas le seul arbitre de la machine

  7   du HVO en ce qui concerne les expulsions, mais les éléments de preuve

  8   montrent bien qu'il a toujours choisi d'agir lorsque ceci permettait de

  9   faire avancer les objectifs de l'entreprise criminelle commune. Son rôle

 10   n'était pas un rôle de gratte-papier, et cela ne l'intéressait pas du tout.

 11   D'ailleurs, dans cette pièce 7102, qui date du 10 décembre 1993, il s'agit

 12   d'une proposition de Pusic à l'accusé numéro 1 en l'espèce sur les travaux

 13   du service chargé des échanges. A la page 5, voici ce que M. Pusic explique

 14   à Prlic :

 15   "Les prisons n'intéressent le service que dans la mesure où elles

 16   permettent de rechercher des personnes pour pouvoir les échanger…"

 17   Il n'est pas crédible que quelqu'un qui ait indiqué aussi explicitement à

 18   quelqu'un qui n'est rien d'autre, quand même, que le chef du gouvernement,

 19   M. Prlic, qu'il n'est absolument pas intéressé par les prisonniers, mis à

 20   part dans un but d'échange. Donc on ne peut pas penser que cette personne

 21   n'aurait eu comme travail que de tenir à jour des listes et des listes de

 22   prisonniers.

 23   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dans son mémoire en clôture, M.

 24   Pusic relève certains moments où M. Pusic n'est pas mentionné ou lorsqu'il

 25   est inconnu à certains témoins. Mémoire en clôture de M. Pusic, page 36. Et

 26   il évoque cela en tant que preuve du fait qu'il n'a pas pu jouer un rôle de

 27   premier ordre dans le cadre de l'entreprise criminelle commune.

 28   Le fait que certains éléments de preuve et certains témoignages omettent de

Page 52158

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 52159

  1   mentionner spécifiquement M. Pusic ne remet pas en cause la portée du reste

  2   des éléments de preuve concernant sa participation à l'entreprise

  3   criminelle commune. Il y a des témoins qui n'ont rien dit au sujet de sa

  4   participation. Ce sont des témoins qui se trouvent dans des situations où

  5   ils n'avaient pas moyen de d'être au courant de ce que faisait Pusic ou

  6   bien ils n'avaient pas accès à des processus internes et au processus de

  7   prise de décisions à très haut niveau entre Pusic et d'autres membres de

  8   l'entreprise criminelle commune, mais cela ne veut pas dire que ces choses

  9   ne se sont pas produites.

 10   Et le même vaut pour l'argument disant qu'il n'aurait pas pu faire

 11   partie de l'entreprise criminelle commune parce que Slobodan Praljak ne le

 12   connaissait pas; mémoire en clôture, pages 14 à 15. Cela n'enlève pas le

 13   fait qu'il était connu et qu'il a agit de concert dans le cadre de

 14   l'entreprise criminelle commune avec les quatre autres co-accusés, Prlic,

 15   Stojic, Petkovic et Coric.

 16   Alors, l'argument consistant à dire que l'on n'est pas parti de

 17   l'entreprise criminelle commune, qu'il ne l'était pas parce que certains

 18   témoins ou accusés ne le connaissaient pas est complètement dénué de

 19   pertinence.

 20   Il y avait peu de gens dans l'Allemagne nazie ou à l'extérieur de

 21   cette terre qui connaissaient Adolph Eichmann ou qui savaient ce qu'il

 22   faisait en 1942 et 1945. Mais cela ne nie pas le fait qu'il a maintenu les

 23   chemins de fer en service pour transporter les Juifs de l'Europe au camp de

 24   la mort nazi et qu'il a pris part à l'holocauste commis par les nazis, un

 25   génocide donc.

 26   Il n'y a absolument aucune pertinence à dire que certains n'ont pas

 27   connu le rôle exact joué par Pusic en 1993 dans l'Herceg-Bosna. Les

 28   éléments de preuve démontrent malgré cela que Pusic a participé aux crimes

Page 52160

  1   de persécution par la détention des milliers d'hommes musulmans dans les

  2   centres de détention du HVO par leur mise aux travaux forcés, par

  3   l'expulsion persécutrice qui a eu lieu et contre des milliers de Musulmans

  4   sur le territoire de la HZ HB, ou la HR HB.

  5   Pour conclure, Monsieur le Président, lorsque M. Pusic affirme qu'il

  6   n'était qu'un petit bureaucrate, qu'il n'avait absolument aucun pouvoir, eh

  7   bien, c'est contredit par son propre rapport de fin d'année 1993. Ce

  8   rapport sur les activités du service d'échange, donc échange des

  9   prisonniers et d'autres personnes de la HR HB, la pièce  P 07411. Le 31

 10   décembre 1993, il écrit dans son rapport, au paragraphe 1 :

 11   "Le service a été créé puisqu'il n'y avait pas d'endroit centralisant

 12   l'ensemble des processus et vers lequel on voyait tous les éléments

 13   d'information et pour résoudre les problèmes complexes humanitaires dans le

 14   processus d'échange, mais avant tout et par-dessus tout, pour faciliter

 15   l'échange de personnes capturées."

 16   Et puis, au paragraphe 2 :

 17   "Pendant les mois précédents, la coopération a été établie avec le

 18   CICR, la FORPRONU, les observateurs européens et d'autres institutions

 19   comparables dans les zones de la HR HB et la République de Croatie."

 20   Et puis, s'agissant des réunions qui se sont tenues pendant les

 21   quatre [comme interprété] mois, donc qui ont précédé, à partir du 15 août

 22   [comme interprété] 1993 :

 23   "Nous avons eu 18 réunions avec les représentants de la Republika

 24   Srpska, 27 réunions avec les représentants de l'armée de la RBH. Les sujets

 25   qui ont fait l'objet de discussion sont l'échange des détenus et des

 26   personnes décédées, l'évacuation des civils. Le service a toujours essayé

 27   de procéder à un échange qui serait aussi favorable que possible à notre

 28   partie."

Page 52161

  1   Et puis, il y a toute une série de listes, de statistiques, nombre de

  2   personnes à échanger, les morts, et après tout cela, nous arrivons au

  3   paragraphe 5 :

  4   "Le travail des membres du service a consisté avant tout à s'occuper

  5   des Musulmans détenus.

  6   "En coopération avec le bureau des personnes déplacées, le SIS, et le

  7   département d'enquête criminelle de l'administration de la police

  8   militaire, et cela a eu à voir avec la libération de prison si les détenus

  9   avaient un dossier complet. Et le service l'a fait entièrement en tant que

 10   partie de son travail."

 11   Aucun commentaire n'est nécessaire suite à cela.

 12   Donc ce rapport comporte les propos de Berislav Pusic, son nom

 13   apparaît comme étant l'auteur, et nous montre que Pusic était effectivement

 14   un rouage de la machine du HVO, mais d'aucune manière n'était-il

 15   insignifiant.

 16   Pusic a demandé que chacune des allégations lui soient prouvées et il

 17   a répondu d'une manière passive et par une défense quasiment silencieuse

 18   consistant simplement à poser quelques petites questions et uniquement sur

 19   une vingtaine de documents à certains témoins pour leur contre-

 20   interrogatoire. Sur la base de cela, il affirme qu'il n'avait rien à

 21   contrôler, qu'en tant que chef du service d'échange de prisonniers il

 22   n'avait aucun pouvoir sur les prisonniers, aucun pouvoir dans le cas des

 23   échanges. Il a été nommé par le chef du gouvernement, le ministre de la

 24   Défense, et le chef de la Police militaire, mais uniquement pour quasiment

 25   être une dactylographe. Et il a été archiviste qui n'a versé aucun document

 26   qui, d'après lui, était censé préserver, mais ceux qui les ont introduits,

 27   eh bien n'ont été que des menteurs complaisants.

 28   Par rapport aux éléments qui n'étaient pas la version de M. Pusic, le

Page 52162

  1   doute qu'il avance n'existe absolument pas comme un doute raisonnable, cela

  2   n'est pas envisageable.

  3   L'Accusation avance que les éléments de preuve démontrent au-delà de

  4   tout doute raisonnable sa participation à l'entreprise criminelle commune

  5   et sa responsabilité pénale pour les crimes pour lesquels il est mis en

  6   cause, tel que formulé par le mémoire en clôture de l'Accusation.

  7   Pusic n'a montré aucun remord pour ses méfaits. Il n'a montré aucune

  8   compréhension pour les souffrances qu'il a causée aux milliers de victimes,

  9   victimes de ces crimes, et l'Accusation affirme qu'il devrait être déclaré

 10   coupable et emprisonné, comme nous l'avons précisé dans notre mémoire en

 11   clôture.

 12   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'en ai terminé avec mes

 13   arguments concernant M. Pusic.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 15   Le suivant.

 16   Rebonjour, Monsieur Scott.

 17   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de me donner la

 18   parole. C'est peut-être la dernière fois que l'Accusation intervient en

 19   espèce. J'espère que vous me permettrez de consacrer quelques instants pour

 20   adresser mes remerciements à plusieurs personnes se trouvant ici dans ce

 21   prétoire et autour de ce prétoire avant de terminer mon réquisitoire.

 22   Tout d'abord, nous remercions sincèrement les interprètes de l'excellent

 23   travail qu'ils ont fait au cours de ces nombreux mois. Merci aussi aux

 24   sténotypistes de leur travail. Nous sommes très désolés de parler trop vite

 25   parfois et pas toujours aussi clairement qu'on le devrait.

 26   En dépit des difficultés récentes que nous venons d'avoir, il faut quand

 27   même dire merci aux techniciens pour le soutien qu'ils nous apportent. Et

 28   la technologie c'est magnifique, c'est une merveille quand ça marche, mais

Page 52163

  1   prions qu'elle ne n'opprime jamais l'homme.

  2   Merci au Greffe pour l'excellent travail qu'il a fait pour maintenir le

  3   cap.

  4   Merci aux Juristes de la Chambre pour leur dur labeur et le dur labeur

  5   qu'ils leur restent à faire au cours des prochains mois.

  6   Merci, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de votre attention et de

  7   votre patience. L'Accusation n'a jamais affirmé qu'elle serait en mesure,

  8   qu'elle serait capable de présenter des moyens parfaits, mais je peux vous

  9   dire une chose, Monsieur le Président, et sans réserve, nous avons vraiment

 10   fait de notre mieux. Notre seule intention, notre seule volonté a toujours

 11   été de présenter nos moyens de la façon la plus efficace et effective

 12   possible pour contribuer à ce que justice soit faite par vous, Messieurs

 13   les Juges.

 14   Un merci tout particulier à M. le Juge Mindua pour ses longs et loyaux

 15   services en qualité de Juge de réserve.

 16   Et enfin, permettez-moi de remercier les membres de mon équipe pour

 17   son excellent travail, pour son dévouement, et un merci tout particulier à

 18   M. Stringer, à Mme West et à M. Kruger, qui vous ont présenté un excellent

 19   réquisitoire. Merci.

 20   De prime abord, ce que chaque équipe de la Défense nous dit, c'est que

 21   personne n'était responsable de quoi que ce soit et qui si responsable il y

 22   avait, c'était sans doute l'autre, quelqu'un, mais sûrement pas l'accusé en

 23   question.

 24   Si l'on parle de responsabilité pour ce qui est des camps du HVO, nous

 25   voyons six hommes prendre leur jambes à leur cou pour s'éloigner au plus

 26   vite et pointer, ce faisant, sur l'autre un doigt accusateur.

 27   Prlic dit que Boban et le département de la Défense, le département de M.

 28   Stojic, avait la responsabilité des camps. Stojic, lui, dit que c'était

Page 52164

  1   Boban, les chefs militaires du HVO, les autorités municipales du HVO et

  2   l'ODPR, qui fait partie du gouvernement de M. Prlic, qui étaient

  3   responsables. Praljak, quant à lui, dit que c'était le gouvernement civil

  4   du HVO, autrement dit, le HVO HZ HB de M. Prlic, qui avait la

  5   responsabilité des camps. Lorsqu'il témoigne sous serment, Petkovic dit que

  6   c'est le département de la Défense de Stojic qui est responsable, et dans

  7   son mémoire en clôture, il ajoute que c'est l'administration de la police

  8   militaire qui, elle aussi, est responsable. Quant à Coric, il dit que ce

  9   sont des chefs d'unité militaire individuels du HVO qui doivent endosser la

 10   responsabilité de toutes les personnes détenues par ces unités. Pusic, lui,

 11   il dit, à propos des Musulmans arrêtés après le 30 juin 1993, que c'était

 12   la police militaire qui a eu la responsabilité de les arrêter et de les

 13   mettre en prison.

 14   Alors, toutes ces affirmations de la Défense, que nous donnent-elles,

 15   où en sommes-nous ? Si on est premier ministre ou président de

 16   gouvernement, on a un homme capable, manifestement intelligent arrivé au

 17   faîte du pouvoir, et puis dit n'avoir aucun pouvoir. Un homme qui est chef

 18   de ceci, "boss" de cela, un homme qui a tout misé sur le pouvoir,

 19   l'influence, et qui maintenant dit que tout son travail se résumait à

 20   envoyer des avis de réunion et à signer des décisions prises par autrui.

 21   Un chef d'un département de la Défense, dont Petkovic dit que c'était

 22   "son ministre", que Petkovic insère dans sa chaîne de commandement, dont

 23   Susak dit, lorsqu'il parle à Tudjman, que c'est l'homme qui organise tout

 24   le travail, qu'il organise tout et que c'est un homme qui, de l'avis de

 25   tous, était le chef des camps du HVO, mais qui, de l'avis de Stojic lui-

 26   même, se contentait de commander des badges pour mettre sur les casquettes

 27   et pour assister à quelques rares réunions.

 28   Vous avez deux généraux, l'un a été metteur en scène, l'autre a été

Page 52165

  1   soldat de carrière, et tous deux vous disent que tout ce qu'ils voulaient,

  2   c'était l'harmonie sociale, mais qui est-ce qui présidait à l'armée, qui

  3   est-ce qui participait à la création et à la mise en œuvre d'une politique

  4   qui a démoli la vie de dizaines de milliers de personnes et a créé la

  5   violence ethnique de la main d'officiers et de soldats qui disaient qu'ils

  6   contrôlaient. Ils se renvoient la faute. Les hommes politiques accusent les

  7   généraux, les généraux accusent les hommes politiques. Et là, de l'avis de

  8   la politique, les commandants, les soldats du HVO n'ont jamais fait que ce

  9   qui leur avait été ordonné de faire de façon explicite ou implicite.

 10   Un chef de police militaire qui organise des formations pour ses

 11   subordonnés sur les lois des conflits armés et après s'amuse à les violer

 12   pratiquement au quotidien en bénéficiant d'une impunité parfaite. Même s'il

 13   dit de lui qu'il n'est qu'un petit rouage de l'administration, il a

 14   pourtant une ascension météorique, c'est inexplicable, alors qu'il est

 15   appuyé personnellement par Tudjman pour devenir ministre de l'Intérieur de

 16   l'Herceg-Bosna.

 17   Vous avez le chef d'un service de réfugiés et d'échange qui a

 18   toujours voulu ce qu'il y avait de mieux pour les Musulmans et qui a réussi

 19   à organiser un service qui n'allait que dans un sens pour les emmener en

 20   autobus pour quitter l'Herceg-Bosna.

 21   Le président John Kennedy, lorsqu'il s'adressait à l'Université américaine

 22   en juin 1963, a dit ceci :

 23   "La paix mondiale, tout comme la vie en société, n'exige pas qu'on aime

 24   tous son voisin. Il suffit de vivre ensemble, dans un esprit de tolérance

 25   mutuelle, et s'il y a litige, d'en chercher le règlement juste et

 26   pacifique. La paix, elle n'est pas impossible. La guerre ne doit pas

 27   nécessairement être inévitable car en dernière analyse, le lien, le maillon

 28   le plus fondamental qui nous relie tous, êtres humains, c'est que nous

Page 52166

  1   habitons sur une toute petite planète et que nous respirons tous le même

  2   air, et que nous voulons tous un avenir brillant pour nos avenirs. Nous

  3   sommes tous mortels."

  4   J'ai l'impression, Messieurs les Juges, que certains l'ont oublié. Ne les

  5   laissons pas oublier, ni ceux-ci, ni ceux d'après ou ceux qui les suivront.

  6   L''humanité a un problème, c'est qu'après chaque vague de violence

  7   abominable et massive, on dit "plus jamais ça". On n'oubliera pas, ce n'est

  8   pas possible; nous ne le voulons pas.

  9   "Il ne faut pas que nous les laissions oublier", et quand on dit

 10   "eux", c'est ceux d'après qui seront peut-être tentés de récidiver. On ne

 11   peut leur permettre d'oublier.

 12   Et pourtant. Et pourtant. Pourtant, on oublie. On dit "plus jamais

 13   ça", jusqu'à la fois d'après, et celle d'après encore.

 14   L'Holocauste, le Cambodge, la Yougoslavie, le Rwanda, la Sierra

 15   Leone, le Darfour.

 16   Est-ce que moi, je pourrai enrayer ça la prochaine fois ? Est-ce que

 17   vous, vous le pouvez ? Peut-être que oui, peut-être que non.

 18   Aujourd'hui se présente à vous la meilleure chance que vous aurez,

 19   Messieurs les Juges, Monsieur le Juge Président de la Chambre Antonetti,

 20   Monsieur le Juge Trechsel, Monsieur le Juge Prandler, Monsieur le Juge

 21   Mindua, c'est à votre chance de dire "plus jamais ça" et de traduire ces

 22   paroles en actes et de dire "Non, ceci est inacceptable, nous ne le

 23   permettrons pas".

 24   On n'a pas pu l'empêcher la dernière fois, mais cette fois-ci, il

 25   faudra que ces hommes rendent des comptes.

 26   Vous avez entendu les accusés. Est-ce que vous vous souvenez des

 27   victimes ? Au cours des quatre années et demi qui viennent de s'écouler,

 28   vous avez vu et entendu les accusés pratiquement tous les jours. Vous avez

Page 52167

  1   entendu leurs voix à plusieurs reprises. Sans doute, nous souvenons-nous

  2   tous de M. Stojic qui s'est levé un jour pour dire qu'il venait de devenir

  3   grand-père.

  4   Et moi, j'ai passé aussi ces mois et ces années ici et je me dit qu'est-ce

  5   qui se serait passé si, pendant toute la durée du procès, on avait eu une

  6   partie civile ? Six représentants des victimes assis derrière l'Accusation,

  7   tout comme ici on a derrière les avocats des la Défense, les Accusés. Il se

  8   peut qu'un jour, l'une de ces personnes dirait : "Bien, peut-être que

  9   j'aurais pu devenir grand-mère aujourd'hui, si ma fille n'avait pas été

 10   tuée, si mon fils n'avait pas été tué. Aujourd'hui, mon fils aurait eu 37

 11   ans, s'il n'était pas mort dans un camp du HVO."

 12   Est-ce que vous vous souvenez des victimes ? Entendez-vous leurs voix ?

 13   Avant de venir travailler ici, je travaillais beaucoup dans le domaine de

 14   la criminalité blanche, comme on dit, les crimes d'affaires. Et j'avoue,

 15   j'ai toujours été déçu de voir certains juges qui, pour une raison ou une

 16   autre, étaient parfaitement contents d'envoyer un jeune Noir en prison

 17   parce qu'il avait volé un bout de pain ou de l'essence pour 50 $, mais

 18   n'avaient pas la même attitude ou le même sentiment lorsque quelqu'un qui

 19   portait un complet veston et ressemblait à un homme d'affaires et qui était

 20   "parfaitement normal" mais qui, d'un coup de porte-plume avait volé à

 21   quelqu'un, à une entreprise ou à son voisin, un million de dollars. Mais il

 22   me ressemble pas mal, ce bonhomme, au fond. Il est en costume. Il ressemble

 23   à quelqu'un qui va à l'église tous les dimanches.

 24   En fait, il ressemble assez étrangement aux accusés ici présents.

 25   Le Conseil de sécurité nous a donné pour mandat de poursuivre non pas

 26   tous ceux qui ont tiré sur la gâchette et qui ont causé le feu, mais de

 27   tenir responsable ceux qui se trouvaient aux plus hauts niveaux de la

 28   chaîne de responsabilité. Il y avait une déclaration du Conseil de sécurité

Page 52168

  1   en 2002 qui disait au Tribunal de se concentrer sur la poursuite et le

  2   jugement des plus hauts responsables présumés être responsables de crimes

  3   qui relèvent de la compétence du Tribunal.

  4   Mais je m'interroge, est-ce qu'il n'est pas souvent plus facile d'imposer

  5   une lourde peine à une crapule telle que Goran Jelisic, qui a été condamné

  6   à 40 ans de prison parce qu'il a souvent tiré sur la gâchette pour exécuter

  7   des prisonniers non-serbes détenus au camp de Luka par les Serbes en 1992.

  8   Est-ce que c'est plus facile pour lui que de condamner à une lourde peine

  9   des hauts dirigeants civils et militaires qui ont mis des gens comme

 10   Jelisic dans une situation qui a permis des crimes par milliers, par

 11   centaines de milliers ?

 12   Il y a un concept qu'on dit "la banalité du mal". C'est Hannah Arendt qui

 13   l'écrit dans un livre en 1963, lorsqu'elle parle de "Eichmann à Jérusalem,

 14   un rapport sur la banalité du mal", et elle s'interroge, et elle se dit

 15   qu'on a là au fond un homme qui, de toute apparence, est normal, ordinaire,

 16   comment a-t-il pu tremper dans les crimes les plus innommables. Mais M.

 17   Kruger vous l'a rappelé aujourd'hui, c'était un haut commis dans l'appareil

 18   des camps nazis, Eichmann, et je suis sûr que jamais il n'a mis quelqu'un

 19   dans la chambre à gaz. Ce n'est jamais lui qui a mis le feu dans cette

 20   chambre à gaz. Jamais il n'a tué quelqu'un de ses propres mains, sans

 21   doute, mais il a fait marcher le système, et il a participé à la

 22   pérennisation du mal avec une énergie, un dévouement, celui qui caractérise

 23   un bon bureaucrate.

 24   Goethe a dit ceci : "Le comportement, c'est un miroir dans lequel chacun

 25   affiche sa propre image."

 26   A cet égard, et comme vous l'a dit M. Stringer aujourd'hui, il se peut

 27   qu'un accusé indique certains cas où on a quand même puni un soldat du HVO

 28   pour un crime commis sur un civil musulman, mais nous faisons valoir qu'il

Page 52169

  1   n'y a pas beaucoup d'évidence, beaucoup d'éléments qui vont dans ce sens,

  2   mais il se peut qu'il y en ait eu certains, quelques-uns, une poignée.

  3   Mais essayons de présenter la situation de cette façon-ci. Imaginons un

  4   train qui emmène des wagons entiers de prisonniers vers un camp de la mort

  5   nazi, et pendant ce long périple, un gardien nazi vole une montre, vole un

  6   bijou à une Juive qui se trouve dans le compartiment. Il se fait qu'un

  7   supérieur à lui, Allemand, s'en rend compte, apprend ce qui s'est passé, et

  8   punit ce soldat allemand pour avoir volé la montre et le bijou, mais il

  9   n'arrête pas le train. Le train poursuit sa route inexorable jusqu'à sa

 10   destination finale, jusqu'à la solution finale.

 11   A propos de ces accusés, il se peut qu'ils aient l'apparence de paroissiens

 12   qui vont à l'église tous les dimanches, mais lorsqu'ils faisaient ce qu'ils

 13   ont fait, lorsqu'ils ont établi, promu, incité, ordonné et soutenu l'idée

 14   de la Grande-Croatie et son nettoyage ethnique, c'était des crapules comme

 15   Jelisic.

 16   Nous demandons 40 ans pour Prlic.

 17   Nous demandons 40 ans pour Bruno Stojic.

 18   Nous demandons 40 ans pour Slobodan Praljak.

 19   Nous demandons 40 ans pour Milivoj Petkovic.

 20   Nous demandons 35 ans pour Valentin Coric.

 21   Nous demandons 25 ans pour Berislav Pusic.

 22   Est-ce que vous entendez les voix, Messieurs les Juges, la voix des

 23   victimes ?

 24   Parfois, souvent, ce n'est d'abord qu'un soupir, un soupir pour beaucoup de

 25   raisons; à cause de l'embarras, de la honte de ce qui s'est passé; un

 26   soupir parce qu'on ne veut pas revivre les horreurs qu'on a vécu; parce

 27   que, peut-être, personne ne veut entendre, parce qu'on a abandonné l'espoir

 28   d'être entendu; parce qu'on se sent impuissant. Un chuchotement.

Page 52170

  1   Mais beaucoup de voix cessent d'être des chuchotements. Elles

  2   prennent de la force. On les entend, elles viennent de Gornji Vakuf, de

  3   Jablanica, de Mostar, de Stolac, de l'Heliodrom, de Dretelj, de Gabela, de

  4   Ljubuski.

  5   Et ce n'est pas toujours la voix des Musulmans. On entend des Croates

  6   aussi, des victimes croates. Pas celles qui ont été victimes des Serbes ou

  7   des Musulmans - il y en a eu, bien sûr - mais des victimes croates de la

  8   Grande-Croatie, en raison des ambitions et des prétentions nationalistes

  9   qui animaient ces hommes-ci et ceux qui les entouraient, et c'est pour ça

 10   que ces Croates victimes ont perdu ceux qu'ils aimaient, leurs familles,

 11   leurs foyers, leurs moyens de subsistance. Eux aussi sont des victimes.

 12   Est-ce que vous entendez les voix, Messieurs les Juges ?

 13   Nous avons un certain pouvoir en tant que guide au service des

 14   impuissants, au service des victimes pour que justice soit faite. Et nous

 15   devons pour que justice soit faite, pour qu'elle soit rendue, pour rendre

 16   cette dignité à ceux qui l'ont perdue.

 17   Vous souvenez-vous des victimes ? Entendez-vous leurs voix ?

 18   Ces femmes, ces enfants musulmans de Prozor, ils étaient sans doute

 19   impuissants en octobre 1992. Qu'auraient-ils pu faire pour ne pas être

 20   chassés de chez eux ? Mais ils ne sont plus.

 21   Les villageois musulmans qui ont vu leur mosquée détruite en Sovici

 22   en avril 1993 n'ont rien pu faire, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.

 23   Les familles musulmanes qui ont été chassées de chez elles dans le quartier

 24   de Dum, dans Mostar ouest le 14 juin 1993, peut-être étaient-elles

 25   impuissantes ce jour-là, mais elles ne le sont plus aujourd'hui.

 26   Ce petit couple de vieux qui se cachaient avec une petite chandelle dans

 27   une cave à Mostar est pour éviter les pilonnages du HVO étaient peut-être

 28   impuissants ce jour-là, ils ne le sont plus aujourd'hui.

Page 52171

  1   Le Témoin BQ, lorsqu'il est relâché de Dretelj, peut-être était-il

  2   trop faible pour marcher de Vrda à Dreznica, mais il ne l'est plus

  3   aujourd'hui.

  4   Et Mufida Likic n'a rien pu faire peut-être pour empêcher que les soldats

  5   du HVO n'assassinent sa sœur, sa tante et sa voisine dans la cave de Stupni

  6   Do, mais elle ne l'est plus aujourd'hui; elle n'est plus impuissante.

  7   Est-ce que vous entendez les voix ? Elles réclament justice.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons donc lever l'audience. Lundi, la Défense

  9   de M. Prlic commencera, et nous nous retrouvons donc tous lundi. D'ici là,

 10   je vous souhaite à tous une bonne fin de journée.

 11   --- L'audience est levée à 13 heures 33 et reprendra le lundi 14 février

 12   2011, à 14 heures 15.

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28