Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 15 février 2011

  2   [Plaidoirie de la Défense Prlic]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'accusé Pusic est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame le Greffier, appelez le numéro de l'affaire,

  8   s'il vous plaît.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

 10   tous dans le prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, l'Accusation

 11   contre Prlic et consorts.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En ce mardi, je souhaite une bonne journée à

 13   tout le monde, aux accusés, aux avocats, aux membres du bureau du Procureur

 14   et à tous ceux qui nous assistent.

 15   Je vais maintenant donner la parole à Me Karnavas qui va poursuivre sa

 16   plaidoirie.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie. Bonjour, Monsieur le

 18   Président. Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à tous dans le prétoire.

 19   Alors que je revenais au bureau hier après la journée en prétoire, je me

 20   suis rendu compte que j'avais fait un lapsus, et je voudrais corriger le

 21   compte rendu. Ma collègue d'ailleurs, Mme Tomanovic, m'a demandé : Pourquoi

 22   as-tu oublié ou comment as-tu pu oublier de ne pas faire remarquer que

 23   l'Accusation a, en fait, fait venir un expert de la région, le Pr Ribicic,

 24   qui est à la Cour suprême ou Cour constitutionnelle de Slovénie. Alors, je

 25   me suis rendu compte tout d'un coup que je l'avais oublié parce que ce

 26   qu'il nous a présenté n'était absolument pas un rapport d'expert, et que

 27   d'ailleurs ce n'était pas un expert honnête. Son rapport d'expert et son

 28   témoignage, en ce qui concerne l'analyse qu'il était censé faire à propos


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  1   de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et de la République croate d'Herceg-

  2   Bosna, elle n'était basée que sur deux concepts, qui étaient plutôt des

  3   rumeurs d'ailleurs, des préconçus, je ne sais pas comment vous voulez

  4   l'appeler, tout d'abord Karadjordjevo. Donc il l'avait lu dans les

  5   journaux. Tout le monde sait ce qui s'est passé à Karadjordjevo, tout le

  6   monde sait qu'il s'est passé quelque chose à Karadjordjevo. Vous vous

  7   souviendrez sans doute que lors du contre-interrogatoire, je lui ai posé

  8   quelques questions plus pressantes, je lui ai demandé : Croyez-vous ce que

  9   vous avez lu dans les journaux, et il répondu oui. Et là, je lui ai fait

 10   remarquer que son père, qui était général sous Tito, avait fait l'objet

 11   d'une rumeur dans les journaux où on avait déclaré qu'il avait exterminé

 12   des centaines de Croates à la fin de la Deuxième Guerre mondiale lorsque

 13   les Anglais les ont donnés à Tito.

 14   Alors, peut-être que son père a bel et bien commis ces atrocités, peut-être

 15   que non, mais en tout cas, il ne faut pas prendre ce qui est écrit dans les

 16   journaux pour argent comptant quand même. Et vous vous souvenez quand même

 17   que lorsque j'ai dit ça, il n'a pas eu de réaction.

 18   Mais ce que j'essaie de dire, en fait, c'est que les articles de journaux,

 19   les articles de presse ne sont pas des éléments de preuve vous permettant

 20   d'écrire un rapport -- servir de base à un rapport.

 21   Deuxièmement, la totalité de sa thèse dans son rapport n'était basée que

 22   sur un compte rendu présidentiel, un seul, celui du 27 décembre, si je ne

 23   m'abuse, 27 décembre 1991. Rappelez-vous ce qui se passait à l'époque en

 24   1991. La Bosnie-Herzégovine fait encore partie de la Yougoslavie Croupion,

 25   comme on l'appelle. La Croatie est attaquée depuis la Bosnie-Herzégovine.

 26   Non pas par, mais depuis la Bosnie-Herzégovine. Et la Bosnie-Herzégovine ne

 27   peut pas réagir, qui plus est. La situation est donc dangereuse, et il y a

 28   des discussions en cours, et ça, c'est au compte rendu présidentiel. Cela


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  1   dit, lorsque la communauté internationale a commencé à faire ingérence,

  2   lorsqu'il y a eu le plan Cutileiro, lorsqu'on voit qu'il y a référendum, on

  3   se basait sur les critères énoncés par l'Union européenne et par la

  4   Communauté européenne, et les Croates en Bosnie-Herzégovine ont voté pour

  5   l'indépendance. Cela était basé sur le vote des Croates et sur le vote des

  6   Musulmans. C'est grâce à leurs voix que la Bosnie-Herzégovine a souhaité

  7   vouloir être indépendante, et la Croatie a immédiatement reconnu cette

  8   indépendance.

  9   Donc, après toutes sortes de comptes rendus présidentiels, on apprend

 10   beaucoup de choses, et il faut d'ailleurs les lire en entier parce qu'il y

 11   a énormément d'éléments dans ces comptes rendus présidentiels. L'Accusation

 12   n'a pris que des morceaux choisis, c'est-à-dire une phrase ici, une bribe

 13   par là, un paragraphe là-bas, quelques pages à droite et à gauche, rien de

 14   plus, en omettant totalement tous les passages qui, pourtant, seraient

 15   essentiels pour un juge des faits pour qu'il comprenne vraiment le contexte

 16   dans lequel ces discussions ont eu lieu. Mais ce qui est encore plus grave,

 17   c'est la chose suivante : on demande à ce monsieur de faire une analyse

 18   parce qu'il est un expert constitutionnel, on lui demande de faire une

 19   analyse pour savoir ce qu'est exactement cette Communauté croate d'Herceg-

 20   Bosna et la république fondée par la suite, comment elle a été créée, on

 21   s'attendrait à ce que l'analyse soit basée sur les textes législatifs

 22   écrits à l'époque, tout comme d'ailleurs - je ne serai pas très modeste, je

 23   le dis - mais c'est ce que nous avons essayé de faire, nous. Nous avons

 24   essayé de vous expliquer, Messieurs les Juges, comment s'était créée la

 25   Communauté d'Herceg-Bosna en regardant les documents, en laissant les

 26   documents parler d'eux-mêmes, et non pas en étudiant uniquement les comptes

 27   rendus présidentiels.

 28   Allons encore plus loin. Lorsqu'on s'est rendu compte que le rapport avait


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  1   été fait en 2000. Ces comptes rendus présidentiels avaient été rendus

  2   publics. Or, cet homme le savait, donc s'il revient pour être interrogé et

  3   contre-interrogé, et étant donné qu'il s'est basé sur un compte rendu, un

  4   compte rendu présidentiel unique fourni par l'Accusation, d'ailleurs il

  5   s'agit de la pièce P 0089. Ça, c'est le compte rendu présidentiel de cette

  6   réunion du 27 décembre 1991. Pourquoi n'a-t-il pas regardé les autres

  7   documents ? Pourquoi ne s'est-il pas penché sur les autres documents dans

  8   les archives ?

  9   Je vais vous donner un exemple - je ne voudrais pas m'acharner là-dessus,

 10   mais… - maintenant, regardez avec Wikileaks, on se rend compte qu'on

 11   retrouve énormément d'informations qui n'étaient pas disponibles

 12   précédemment, et en se basant sur ces nouvelles informations, les opinions

 13   ont tendance à changer.

 14   Aux Etats-Unis, par exemple, le gouvernement vient de faire savoir qu'à la

 15   fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis protégeaient activement

 16   des nazis de haut rang parce qu'ils étaient de grande valeur pour les

 17   Etats-Unis du fait de ce qu'ils savaient et de leurs capacités, et cetera.

 18   C'était secret jusqu'à présent. Mais maintenant, ça ne l'est plus. A la fin

 19   du rapport, il y a des informations à propos d'un homme appelé Demianiuk

 20   qui se trouvait dans l'Ohio à l'époque et qui était censé être garde dans

 21   un des camps de la mort. Et dans ce rapport, en tout cas, il semble que cet

 22   homme ait été accusé à tort, ait été accusé de crimes qu'il n'avait

 23   absolument pas commis. On s'en est rendu compte avec le Wikileaks.

 24   Donc ce que j'essaie de vous dire, c'est que si on veut vraiment

 25   faire un travail universitaire, un travail pour rédiger un rapport d'expert

 26   qui puisse servir aux Juges de la Chambre, il faut être honnête et il faut

 27   aussi être très précis et se concentrer sur certains points précis. Ce

 28   n'est pas un projet historique, ce n'est pas un projet politique, il est là


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  1   pour -- il est cité en tant qu'expert, il se dit être "expert de la

  2   région", être "expert du droit". Au contre-interrogatoire, souvenez-vous

  3   que j'ai dû lui démontrer qu'il n'avait même pas compris que les

  4   municipalités en Bosnie-Herzégovine, comme dans le reste de l'ex-

  5   Yougoslavie d'ailleurs, avaient des bulletins officiels. Et c'est une des

  6   raisons  pour lesquelles il croyait que l'Herceg-Bosna était un mini-Etat,

  7   parce qu'ils avaient des bulletins officiels.

  8   Donc je veux juste que le compte rendu soit correct, et je ne voudrais pas

  9   que l'Accusation réplique en disant qu'en effet, ils avaient bel et bien

 10   appelé à un expert du pays. Je ne veux pas déformer quoi que ce soit devant

 11   les Juges, mais j'avais oublié d'en parler uniquement parce que, pour moi,

 12   cet expert n'était pas un expert de toute façon, alors que d'autres -- il

 13   est vrai que d'autres experts qu'ils ont présentés étaient tout à fait des

 14   experts que je reconnais. Je ne suis peut-être pas d'accord avec leurs

 15   conclusions, certes, mais c'étaient quand même des experts. Mais celui-là

 16   n'en était pas un, ça c'est sûr.

 17   Revenons-en où nous en étions hier. Nous parlions de Ray Lane. Donc nous

 18   allons parler de M. Lane.

 19   Il y a deux documents essentiels à prendre en compte en ce qui

 20   concerne son témoignage. Le premier, le P 01303, et le P 01309.

 21   Vous vous souviendrez sans doute qu'après le 15 janvier 1993, la MOCE

 22   ont essayé de savoir ce qui se passait, et nous avons eu beaucoup de

 23   témoignages venant de M. Beese et de M. Lane. Lane s'est immédiatement

 24   rendu à Zagreb. Et Beese a emboîté le pas. Personne n'est allé demander

 25   quoi que ce soit auprès du HVO de la HZ HB. Mais juste après, il y a

 26   réunion, et ce monsieur participe. Je ne sais pas si ces documents sont

 27   protégés ou pas; cela dit, M. Lane déclare que ce M. Bissu [phon] participe

 28   aussi et parle à M. Prlic. Et M. Prlic aurait indiqué qu'il avait émis un


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  1   ordre.

  2   Alors, penchons-nous sur ce document P 01303. Au paragraphe 4, on y

  3   décrit la réunion. Il n'est pas écrit que cette réunion ait été animée

  4   d'ailleurs. Ce n'est pas mentionné. Et ensuite, il écrit "a matter of act",

  5   mais ça doit être "a matter of fact". "En fait, le colonel Siljeg a reçu

  6   ordre samedi de mettre terme à toute attaque et d'obéir aux ordres."

  7   Parfait. Mais comme on nous l'a dit, c'est aussi un problème, parce

  8   que certains rapports remontaient au niveau supérieur, puis au niveau

  9   supérieur, et ensuite la responsabilité à ce niveau-là était de compiler

 10   tous ces rapports, peut-être de les re-rédiger un petit peu et ensuite de

 11   les faire remonter encore dans la chaîne.

 12   Alors, passons au document P 01309. Là, au paragraphe 16, on voit

 13   donc le fait que le chef du RC Split de la MOCE a rencontré M. Prlic à

 14   nouveau, président du HVO, à Mostar afin de lui exprimer toutes ses

 15   préoccupations à propos de Gornji Vakuf. Attention, parce qu'il est écrit

 16   ici que M. Prlic avait donné ordre au commandant du HVO à Gornji Vakuf de

 17   faire cesser les attaques immédiatement.

 18   Je m'arrête ici. Donc, ici, on voit bien qu'il est allé et il a donné

 19   un ordre. Donc ce document, c'est un document, quand même, qui va remonter

 20   la chaîne hiérarchique, et on peut en conclure que ce qui a été communiqué

 21   là, c'est que M. Prlic a dit : "Je leur ai donné un ordre." Donc on peut en

 22   conclure que, au moins de facto, sinon de jure, il était en mesure de

 23   donner des ordres militaires. Très bien. Exemple classique, et il y en a

 24   beaucoup d'ailleurs de ce type. Car je voudrais quand même, comme je vous

 25   l'ai dit, il faut que vous restiez sceptiques jusqu'au bout, que vous ayez

 26   le doute en tête jusqu'au bout lorsque vous regarderez ces documents. Car

 27   quand on a vu M. Lane, quand il est venu témoigner, je dois dire que

 28   c'était une personne tout à fait intéressante, charmante, qui était en


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  1   train de faire son jogging à Scheveningen et s'est rendu compte tout à

  2   coup, alors qu'il joggait à Scheveningen, qu'il n'avait jamais été à cette

  3   réunion. Donc il est entré. Ceci est un compte rendu, car c'est une

  4   discussion qui a eu lieu à la page 23 784 à 23 786. Et donc, là, M. Lane

  5   témoigne, il a fait sa déclaration, et ensuite il fait son jogging. Il y a

  6   quelque chose avec la plage de Scheveningen, en tout cas, visiblement, ça a

  7   rafraîchi la mémoire, il revient et il avoue son erreur, et nous en sommes

  8   très reconnaissants d'ailleurs.

  9   Maintenant, passons à Beese. Lui, j'en suis certain, il était arrivé

 10   un mois après M. Lane, et de son propre fait d'ailleurs, il a dit qu'il a

 11   dû un petit peu apprendre auprès de M. Lane qui était qui dans ce pays et

 12   qui faisait quoi.

 13   Mais c'est à vous de décider maintenant dans quelle mesure on pouvait

 14   vraiment compter sur M. Lane pour savoir ce qui se passait vraiment dans le

 15   pays. Bon, je ne veux pas m'acharner sur cette personne, il y a tout un

 16   passage à propos de l'ultimatum, qui commence, je crois, à la page 5 299 du

 17   compte rendu et jusqu'à la page 5 304. Il serait très utile que vous vous

 18   attardiez sur ces pages. Malheureusement, moi, je n'ai pas le temps de m'y

 19   attarder. Cela dit, concentrons-nous sur un point qui a été mentionné dans

 20   le mémoire en clôture de l'Accusation, en lien avec le paragraphe 229 de

 21   leur mémoire en clôture. Je tiens à attirer votre attention sur le fait

 22   suivant : on devrait quand même s'attarder sur le contre-interrogatoire par

 23   l'équipe 5D aux pages 5 299 à 5 236. Pièces 5D 00524 et 5D 00534.

 24   Donc M. Beese leur a expliqué que la situation était très complexe,

 25   qu'il y avait des éléments incontrôlables, qu'il fallait être extrêmement

 26   prudent. C'est lorsqu'on a soulevé le sujet des crimes pour savoir s'ils

 27   étaient mis au courant des crimes et le fait qu'on avait l'impression

 28   qu'une fois l'information relayée, rien n'était fait. Et vous verrez la


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  1   référence au paragraphe 5 229 du mémoire en clôture de l'Accusation.

  2   Passons maintenant au Témoin BF. Je suis désolé d'être aussi rapide;

  3   je n'ai pas beaucoup le temps. Je m'en excuse auprès des traducteurs.

  4   Donc parlons de BF. Paragraphe du mémoire en clôture de l'Accusation

  5   243. Donc nous nous souvenons tous de la réunion du 18 avril 1993 à Mostar.

  6   Pellnas est arrivé à la réunion à un moment ou à un autre, et le but de

  7   cette réunion se retrouve au document P 09589. Il s'agit d'une lettre

  8   écrite par le Dr Jadranko Prlic où il donne l'ordre du jour. Il ne parle

  9   pas d'atrocités d'Ahmici ou de quoi que ce soit. Il se peut que

 10   l'Accusation essaye d'insinuer que, d'une manière ou d'une autre, le Dr

 11   Prlic est lié à ces événements, mais dans ce document, le P 09589, on voit

 12   qu'il y a cinq points à l'ordre du jour -- et si on passe ensuite au

 13   témoignage de cette personne, page du compte rendu 26 000, 26 000. J'ai

 14   posé la question suivante :

 15   "Question : S'agit-il d'une proposition d'ordre du jour; et si c'est bel et

 16   bien une proposition d'ordre du jour, vous êtes d'accord avec moi pour dire

 17   que tous ces points à l'ordre du jour portent sur des points civils, ce

 18   sont des problèmes qui touchent les civils et qui pourraient bénéficier à

 19   tout le monde ?

 20   "Réponse : Oui."

 21   Ensuite, il poursuit. Il dit :

 22   "Oui, je peux dire sans aucun problème que le Dr Prlic était un point de

 23   contact excellent, de grande qualité, et je comptais beaucoup sur lui. Tous

 24   les documents qu'il m'envoyait montraient bien qu'il y avait une bonne

 25   relation de travail, en tout cas, entre lui et moi."

 26   Et ça, vous le trouverez à la page 26 001.

 27   En ce qui concerne cet événement, Messieurs les Juges, passez ensuite --

 28   passons maintenant à ce que nous a dit M. Pellnas. C'est un général qui est


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  1   arrivé, qui est venu témoigner, qui avait écrit un livre et qui a fait

  2   d'ailleurs des remarques assez affreuses dans son livre, où il est reconnu

  3   qu'il décrivait certaines personnes sous un jour peu flatteur. Ce qui est

  4   très intéressant quand même, c'est que lorsqu'il est arrivé, à la page

  5   19 600 dans le compte rendu, on voit que dès qu'il est arrivé, il a

  6   rencontré par hasard Ganic. Donc ce n'était pas du tout une réunion

  7   arrangée à l'avance.

  8   A la page 19 602, il indique que la MOCE lui avait fait un briefing plus

  9   que lacunaire. A la page 19 603, il dit que Ganic et Boban avaient conclu

 10   un accord visant à créer les conditions. Ensuite, on l'a pressé un petit

 11   peu pour qu'il réponde à des questions. On lui a posé des questions à

 12   propos de Mostar -- discussion sur les cartes, on lui a posé des questions

 13   à propos de Mostar, qui était censé être la capitale de la République

 14   croate au titre du plan Owen-Stoltenberg. Ensuite, à la page 19 625 à

 15   19 630, il y a tout un échange à propos du document 1D 01551. Et tout d'un

 16   coup, dans cet échange, il confirme qu'en décembre 1993, les Musulmans ne

 17   voulaient pas la paix. Ils voulaient poursuivre les combats parce qu'ils

 18   étaient en train de capturer du terrain. Je souhaite vous faire remarquer,

 19   Messieurs les Juges, parce que là encore, vous savez qu'une bonne partie de

 20   notre thèse de la Défense c'est la suivante : au fur et à mesure que la

 21   guerre évolue, les Serbes font leurs affaires, mais les Musulmans,

 22   finalement, ne sont pas si intéressés que ça à trouver une situation avant

 23   qu'ils n'aient vraiment défini une bonne fois pour toutes combien de terre

 24   ils veulent capturer dans le but, ensuite, de pouvoir négocier.

 25   Et il y a des documents d'ailleurs à ce propos. Et puis, ils veulent aussi

 26   avoir un accès à la mer. Pas uniquement Neum. Ils veulent avoir un port en

 27   eau profonde. Et d'ailleurs, lorsque j'ai posé des questions à M. Watkins,

 28   nous avons appris ça. Il a dit qu'à un moment, ils ne voulaient pas d'accès


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  1   à la mer parce que cela aurait fait éclater la Bosnie-Herzégovine, mais

  2   ensuite il y a tout un échange au compte rendu, avec documents à l'appui,

  3   qui montre bien qu'ils avaient des aspirations territoriales, tout comme

  4   les Serbes en avaient. Et c'est l'une des raisons essentielles. Mais c'est

  5   une des raisons essentielles pour lesquelles la Croatie a dû faire

  6   extrêmement attention à ses frontières, surtout au départ, lors de

  7   l'attaque sur Dubrovnik. Il y avait un but là-dessus. Leur but n'était pas

  8   uniquement de détruire une ville historique.

  9   Mais ce qui est très intéressant dans ce témoignage de Watkins, et ici je

 10   fais référence au paragraphe 372. Si vous étudiez ce paragraphe de près, à

 11   la dernière page, il est écrit :

 12   "Dans une réunion avec la MOCE le 31 octobre 1993, Prlic a déclaré : 'La

 13   Bosnie-Herzégovine n'existera jamais en tant qu'Etat.'"

 14   Ensuite, note en bas de page 846, il fait référence à la pièce P 06303.

 15   Référons-nous à son document et nous verrons justement cela. Nous verrons,

 16   en effet, ses mots. Mais voici ce qui est intéressant, et cela, je pense,

 17   lorsque je vous ai dit hier que le but de l'Accusation ne devrait pas être

 18   de gagner à tout prix, mais de rendre la justice et de faire éclater la

 19   vérité.

 20   Vous vous souviendrez que j'ai quand même procédé à un contre-

 21   interrogatoire de cette personne, et au cours de mon contre-interrogatoire,

 22   je lui ai présenté un document bien précis et je lui ai posé toutes sortes

 23   de questions. Vous trouverez ça à la page 18 927. Bien après que j'aie posé

 24   les bases où il nous a bien déclaré que la porte de M. Prlic était ouverte

 25   à tout moment, qu'il pouvait s'entretenir avec lui, que c'est un homme

 26   pragmatique qui voulait essayer de se rendre utile, et cetera. Donc j'avais

 27   jeté les bases de ma question, et maintenant j'essaie de voir s'il va enfin

 28   nous dire la vérité.


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  1   Voici ma question :

  2   "Question : N'excluez-vous pas la possibilité qu'il vous manque peut-être

  3   un mot, et ce mot serait 'unitaire' ? N'a-t-il pas dit, Il n'existera

  4   jamais en tant qu'Etat unitaire ?

  5   "Réponse : Oui, c'est ainsi que j'interpréterais ses propos à mon égard. Il

  6   a dit qu'il ne pouvait pas rester en Etat unitaire avec son centre de

  7   pouvoir à Sarajevo, mais que ce serait une autre configuration qui

  8   existerait, très certainement une configuration trirépublicaine.

  9   "Question : Très bien. Mais il n'a jamais demandé à ce qu'il y ait

 10   éradication."

 11   Ensuite, il y a un passage à propos de ratification, mais -- la question

 12   est exactement :

 13   "Question : Il n'a jamais demandé l'éradication de la Bosnie-Herzégovine en

 14   tant qu'Etat ?

 15   "Réponse : Non."

 16   Puis, il poursuit. Là, comme j'ai dit, il ne peut pas y avoir deux poids,

 17   deux mesures comme même, puisqu'il poursuit en disant :

 18   "Non, non, mais on pouvait en conclure qu'en établissant un Etat

 19   autodéterminé au sein d'un Etat existant, il envoyait quand même un message

 20   très fort à propos du démantèlement de la Bosnie, mais à l'époque, il ne

 21   parlait pas d'un Etat existant au sein de ses frontières internationales."

 22   Mais il faut aller plus loin quand même, parce que vous verrez que je lui

 23   ai présenté toute une série de documents qui portent sur les négociations

 24   en cours à l'époque et sur les événements en Bosnie-Herzégovine de l'époque

 25   suite au plan Owen-Stoltenberg. Et sur la base de ces documents que je lui

 26   ai présentés, j'ai pu lui présenter, entre autres, une série de documents

 27   qui montraient qu'en effet, même à Sarajevo, on pouvait trouver un document

 28   préparatoire visant à la création de la République de Bosnie. Donc il a dû


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  1   avouer -- enfin, notre témoin a dû avouer qu'il n'était pas très au courant

  2   de l'existence de tous ces documents.

  3   Donc je vous prie de vous pencher sur ceci, et notamment le   1D

  4   01338, le 1D 01159. Il s'agit de documents tirés du livre de Lord Owen. Le

  5   document 1D 01436, le 1D 01532, le P 04611 et le 1D 01535. Je pense qu'il

  6   serait bon que vous vous référiez à ces documents.

  7   Alors, je parlais du fait d'aller jusqu'à la mer, et j'aurais peut-être

  8   quelque chose qui pourrait nous aider. En premier lieu, je souhaite attirer

  9   votre attention à la pièce P 05709, qui évoque toute cette discussion eu

 10   égard à la situation. Il y a une discussion avec M. Watkins sur ce point,

 11   mais si vous regardez le P 05709 en bas de la page, au paragraphe 2, il est

 12   dit qu'il s'agit là de Hadzihasanovic. Donc nous parlons ici d'un

 13   commandant haut gradé au sein de l'ABiH. On parle ici d'un commandant

 14   professionnel.

 15   "La Bosnie avait existé depuis des centaines d'années. Les personnes à

 16   l'étranger donnaient beaucoup d'argent, 'pas seulement de l'aide provenant

 17   de pays islamistes comme d'aucuns pensent des pays occidentaux.' Il a

 18   ajouté qu'il y avait quelque chose que l'Europe n'avait pas remarqué. 'Qui

 19   a permis aux Croates et aux Serbes de vivre en Bosnie et de s'arroger le

 20   droit de s'appeler Croates ou Serbes ? Il s'agit simplement de Catholiques

 21   en Bosnie ou d'Orthodoxes.'"

 22   Si vous avez un Etat unitaire, et s'il n'y a pas de nation constitutive, ce

 23   qui signifie qu'il y a une personne, une voix, et cela signifie que ceci se

 24   fait toujours à la majorité.

 25   Si vous regardez le recensement, les Croates représentaient 17,3 %. Le

 26   combat des Croates consistait à faire en sorte que personne ne parte de

 27   façon à ce qu'ils puissent recouvrer ce statut constitutif, par opposition

 28   à la perte de celui-ci et devenir une minorité nationale. Mais ici, c'est


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  1   ce qui est présenté aux Occidentaux qui ne sont peut-être pas en mesure

  2   d'apprécier la situation.

  3   Si nous regardons toujours le même document, au paragraphe 10, il y a ce

  4   commentaire :

  5   "Hadzihasanovic est un homme visiblement intelligent qui s'exprime bien, de

  6   façon précise et assez polie, mais tout à fait convaincue au niveau de ses

  7   opinions. Il a clairement indiqué que certains éléments de la BiH ont la

  8   volonté et la capacité de poursuivre la lutte jusqu'à ce qu'ils réalisent

  9   leur objectif. Il a aussi laissé entendre que l'argent ne constitue pas un

 10   problème (des donations provenant de l'étranger), et s'il illustre les

 11   points de vue d'Izetbegovic, la paix est encore très loin."

 12   Il s'agit là du mois d'octobre, le 7 octobre 1993. Un autre document qui a

 13   peut-être un quelconque lien avec tout ceci, c'est le P 0920 [comme

 14   interprété]. Dans ce document, il est dit M9 au paragraphe 1, "politique"

 15   au deuxième paragraphe :

 16   "M9 et M2 ont rencontré Safet, officier de l'état-major du 4e Corps, qui a

 17   déclaré que les Musulmans n'étaient pas prêts à la paix avant d'avoir une

 18   ouverture sur la mer. Ils espéraient que ceci soit réalisé par des moyens

 19   politiques et envisageaient la possibilité de faire intervenir l'"armija"

 20   et de faire un usage de la force si cela s'avérait nécessaire."

 21   La date ici est celle du 21 décembre 1993.

 22   Maintenant, je souhaite passer au témoin suivant, M. Thornberry. Ceci

 23   entre dans le cadre de cette atmosphère de commandement. Lui était tout à

 24   fait en haut de la hiérarchie. Il est à Zagreb, en Croatie, me semble-t-il,

 25   ou à Split. Il se trouve en haut de la hiérarchie en ce qui concerne la

 26   FORPRONU, il était en charge des affaires civiles. Et, bien sûr, d'après

 27   lui, c'était un fait établi, quelque chose qui faisait partie de la vie,

 28   que les Croates tentaient de se découper une partie de la Bosnie-


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  1   Herzégovine pour eux. Cela se trouve à la page 26 217.

  2   Eh bien, c'est en tout cas ce qu'on laisse entendre aux personnes qui les

  3   entourent par les personnes qui sont en haut de la hiérarchie lorsqu'ils

  4   sont arrivés pour la première fois, à savoir leur orientation politique

  5   lorsqu'ils sont arrivés sur les lieux, et c'est ainsi qu'ils voyaient les

  6   événements qui se déroulaient devant eux. Très peu étaient capables de voir

  7   au-delà de ce point de vue.

  8   Lorsque des questions ont été posées, ou plutôt, lorsqu'on lui en a parlé

  9   aux pages 26 219 à 26 220, il n'était absolument pas au courant du plan

 10   Vance-Owen, du plan de paix. En réalité, j'ai commencé à poser des

 11   questions à ce monsieur. Il s'est retourné. Il était surtout concentré sur

 12   le fait qu'il espérait que l'Accusation se lèverait et soulèverait une

 13   objection lorsque j'ai parlé de quelque chose qui était assez secret et

 14   personnel pour expliquer que ceci se passait en audience publique et que

 15   ceci ne convenait pas. Et nous avons constaté qu'il n'y avait absolument

 16   aucune information.

 17   Ce qui est intéressant, c'est qu'il s'est rendu à l'hôpital de Nova

 18   Bila, cela se trouve à la page 26 223 à 26 224, et d'après ses impressions,

 19   il a dit que cela n'était pas comme Mostar, Mostar est, mais que c'était

 20   assez glauque, c'était improvisé. Il n'y avait pas d'hygiène. Et c'était à

 21   l'opposé de la description qui a été fournie par un autre monsieur qui

 22   l'accompagnait, le DZ. Il faisait partie de la même organisation.

 23   Simplement pour indiquer et souligner ceci, comment se fait-il que DZ

 24   puisse présenter des arguments et déclarer qu'il s'agit d'une situation qui

 25   ressemble à une situation étatique ? Quelqu'un vient le voir : "Les choses

 26   n'étaient pas aussi glauques qu'à Mostar, mais c'était assez mauvais." Donc

 27   je soumets ça à votre appréciation.

 28   Ensuite, si je passe au paragraphe 213. Ce paragraphe-ci, il faut


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  1   également citer le paragraphe 217 en rapport avec celui-ci. Dans ce

  2   paragraphe, le paragraphe 213, vous constaterez que l'Accusation avance

  3   qu'il y avait un ultimatum qui a été lancé par le Dr Jadranko Prlic, et

  4   ensuite ce qui est cité, c'est -- cela se trouve au paragraphe 314.

  5   Pardonnez-moi. Je vous donne le contexte. Cela commence au paragraphe 213

  6   et se poursuit au paragraphe 214. Ici, on peut lire :

  7   "Les officiers du BritBat Alistair Rule ont confirmé que quelqu'un a lu une

  8   déclaration à la réunion du 14 juillet [comme interprété] qui nécessitait

  9   que les Musulmans déposent les armes et acceptent le contrôle du HVO à

 10   Gornji Vakuf. Si l'ABiH n'était pas d'accord avec ces exigences d'Andric,

 11   il menaçait, en fait, de raser jusqu'au sol Gornji Vakuf."

 12   Ensuite, si vous poursuivez au paragraphe 214 - je ne l'ai pas sous la main

 13   - il parle de l'ultimatum particulier qui avait été lancé le 14 janvier par

 14   le Dr Jadranko Prlic.

 15   Pourquoi ceci est-il important ? Si nous avons un ultimatum du 14

 16   juillet [comme interprété], tout ce que nous avons entendu auparavant par

 17   le général Praljak à propos de l'ultimatum du 15, eh bien, ceci peut

 18   relever de l'imagination parce qu'en fait, tout ceci avait déjà eu lieu.

 19   Les ultimatums allaient déjà dans ce sens.

 20   Deuxièmement, si cela émane du Dr Jadranko Prlic, bien évidemment, c'est

 21   lui qui est en haut de la hiérarchie. C'est lui qui contrôle l'armée et il

 22   peut donner des ordres.

 23   Je crois qu'il faut soupçonner ces éléments-là; ce n'est pas ce que les

 24   éléments de preuve ont tendance à montrer.

 25   Ce document, le P 09803, qui a été présenté comme un article relevant du 92

 26   bis, est un document qui est, en réalité, une déclaration. Ce monsieur a

 27   été interrogé dans l'affaire Kordic. A l'époque, c'était le document 298 --

 28   me semble-t-il, 2985, et lorsqu'on l'interroge -- voici la question qui lui


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  1   a été posée :

  2   "Je comprends, bien sûr, que ceci remonte à un certain nombre d'années, et

  3   donc vous avez du mal à vous souvenir des propos exacts du colonel Andric,

  4   mais je vais vous montrer un document qui est un milinfosum, rapport

  5   d'information militaire daté du 16 janvier 1993, qui est un document, le

  6   Z2285 [comme interprété], daté du 16 janvier 1993."

  7   Il s'agit d'un document qui est montré à ce monsieur. Ensuite, je vous

  8   demande de bien vouloir vous pencher sur la déposition d'Agic pendant le

  9   contre-interrogatoire et d'analyser ceci de près. Il en parle au début, il

 10   parle de trois documents qui sont arrivés. Ensuite, trois parties du

 11   document. Et il dit que le document contient la signature du Dr Jadranko

 12   Prlic, et ensuite, lorsque ceci a été porté à son attention que ceci ne

 13   pouvait pas comporter la signature de celui-ci, parce qu'à la manière dont

 14   ce document avait été transmis, une signature ne pouvait pas être ainsi

 15   transmise. Ensuite, une question a été posée par M. le Juge Antonetti, et

 16   il a simplement répondu en disant : Eh bien, écoutez, c'était simplement

 17   son nom.

 18   Alors, si vous regardez ceci, bien évidemment, ce monsieur suit le courant,

 19   quel que soit l'objet en question. Il n'y a pas de document. Le document

 20   n'existe pas. On lui montre un document qui date du 16. Et rien de concret

 21   ne montre qu'à la date du 14, le Dr Jadranko Prlic a envoyé quelque chose à

 22   ce monsieur. Ensuite, il faut regarder le paragraphe 217, parce que si vous

 23   regardez le paragraphe 217, vous verrez qu'il s'agit du même document que

 24   le document qui est utilisé maintenant pour correspondre à la date du 16

 25   janvier.

 26   Il s'agit peut-être d'une erreur, bien sûr, comme il en existe, mais si

 27   vous vous reposez sur les témoignages.

 28   Moi, je fais valoir que cela ne pose pas de problème de citer le


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  1   monsieur en question. Il eut été bon de signaler aussi qu'il n'existe pas

  2   de document. Ce monsieur est simplement en train de dire qu'il y a quelque

  3   chose comme un ultimatum qui a été adressé, mais on lui montre un document

  4   du 16 janvier qui a été envoyé le 16 janvier, qui contient quelque chose

  5   qui est relatif au 14 janvier à propos d'une réunion qui s'est déroulée.

  6   Donc, en fait, il s'agit d'un problème. C'est une machine à remonter le

  7   temps, en quelque sorte.

  8   Alors, je vais passer au thème suivant, qui est celui du nettoyage des

  9   frontières. Lorsqu'on entend le mot de "nettoyage", on a tendance à penser

 10   au pire. C'est un terme exécrable dans le contexte dans lequel nous avons

 11   l'habitude de l'entendre, bien sûr, de nos jours. Mais quelquefois, cela

 12   peut dépendre du contexte. Parfois, cela n'est pas forcément un terme aussi

 13   abominable que cela. Et je dois dire qu'avec le recul du temps, c'est tout

 14   à fait le cas.

 15   Il existe un compte rendu présidentiel, et dans ce compte rendu

 16   présidentiel, nous avions cet échange, et je vais maintenant vous demander

 17   de vous pencher sur le paragraphe 8 du mémoire de l'Accusation, et je vais

 18   en lire une partie. Il commence par dire :

 19   "Les éléments de preuve prouvent que tous les accusés ainsi que tous les

 20   autres membres de l'entreprise criminelle commune identifiés au paragraphe

 21   16 savaient et avaient l'intention de se livrer à la persécution, transfert

 22   forcé -- savaient que la population musulmane de Bosnie serait persécutée,

 23   exposée et transférée de force dans l'intérêt de la modification des

 24   données démographiques de la réalisation de leurs objectifs," c'est ce qui

 25   ressort manifestement du comportement des déclarations, et cetera, "parce

 26   qu'il s'agissait de réaliser des changements au plan démographique

 27   nécessaires pour réaliser les objectifs. Les changements démocratiques

 28   étaient nécessaires pour réaliser les objectifs."


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  1   Ensuite, le texte se poursuit :

  2   "La conduite, les déclarations, les omissions et ce qui a été écrit par les

  3   accusés, ainsi que les écrits du président croate Tudjman, Mate Boban du HZ

  4   HB, et le vice-président Anto Valenta du HZ HB, et d'autres, que ceci est

  5   tout à fait manifeste."

  6   Ensuite, une note en bas de page numéro 7, P 00089, ensuite la page 35 est

  7   citée. Et il faut remonter un petit peu en arrière pour comprendre cette

  8   conversation. C'est cela dont je souhaite parler un petit peu. Nous en

  9   avons parlé hier très brièvement. Il faut tenir ceci à l'esprit, les

 10   nombres de comptes rendus présidentiels qui ont été traduits.

 11   L'échange va comme suit : c'est Boban, c'est la partie ici qui est omise.

 12   "Les municipalités fondatrices du HZ HB, la Communauté croate d'Herceg-

 13   Bosna, a maintenant une population qui, d'après le recensement, correspond

 14   à 25 % [comme interprété] de Musulmans, 9 % de Serbes, et le reste ne

 15   correspond à rien de ce qui est cité ci-dessus. Cependant, comme les

 16   municipalités de Bosnie-Herzégovine ont été créées à l'instar des

 17   communautés croates qui étaient composées à la fois de populations serbes

 18   et musulmanes sur le territoire de la Croatie, en nettoyant des zones

 19   frontalières, surtout des zones frontalières au niveau de l'Herceg-Bosna,

 20   ce qui représente 65 % de la population croate qui se trouve en Herceg-

 21   Bosna."

 22   A un moment donné, nous avons constaté que M. Kljuic est venu, et il est

 23   venu témoigner. On lui a demandé plus précisément de regarder ce document,

 24   mais personne ne lui a jamais demandé de commenter ce passage en question.

 25   Je crois que j'ai indiqué à ce monsieur pendant mon contre-interrogatoire

 26   que M. Kljuic, qui avait également assisté à la réunion en question, avait

 27   quelques commentaires à faire, commentaires personnels, et ses remarques

 28   ont été recueillies par l'Accusation -- en tout cas, il a fait ses


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  1   remarques pendant l'interrogatoire principal -- pardonnez-moi, pas pendant

  2   le contre-interrogatoire. Il témoigne à la page - P 0098, le 27 juin 2007

  3   [comme interprété] - 3 943 : 

  4   "En outre --" il commente. Voici son commentaire :

  5   "A l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine, il nous faut redessiner plusieurs

  6   municipalités que les partisans ont dessinées à notre détriment. Il nous

  7   faut transférer Dubravici à Travnik ou Jajce où cela était avant. Et

  8   d'autres régions, comme Ravno, par exemple, doivent être transférées à

  9   Neum. Ainsi, Messieurs, nous aurions plus d'espace, et pour finir, dans ce

 10   pays unifié, nous aurions davantage de frontières naturelles."

 11   Et ça, c'est le témoin de l'Accusation. Ils disent que c'est une personne

 12   modérée qui s'exprime ainsi, et il dit la même chose que Boban. Les

 13   partisans, comme nous devrions le savoir -- ou tout un chacun devrait le

 14   savoir en tout cas, sont modérés. Alors, si nous poursuivons, question-

 15   réponse, on lui pose la question suivante -- voici une partie de sa réponse

 16   :

 17   "Eh bien, voyez-vous, pendant l'ère communiste, un bon nombre de localités

 18   croates ont été abolies en tant que municipalités pour rejoindre d'autres

 19   entités nationales qui étaient majoritaires. Il y avait une municipalité de

 20   Ravno qui existait à Popovo Polje, en Herzégovine orientale, par exemple,

 21   qui était municipalité croate par tradition, mais en 1967, ceci a été aboli

 22   et celle-ci a rejoint Trebinje. Trebinje, à l'époque, était majoritairement

 23   serbe et ses dirigeants étaient très orthodoxes et avaient l'étiquette

 24   communiste. Mais lorsqu'il s'agissait de se prononcer, ils se prononçaient

 25   en faveur des intérêts serbes, et la municipalité a commencé à s'atrophie,

 26   et les Croates ont commencé à bouger, ont commencé à quitter Trebinje, et

 27   cetera."

 28   Ensuite, il poursuit en parlant d'autres -- il poursuit ceci en parlant


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  1   d'autres régions.

  2   Et je signale ceci parce que ceci place dans le contexte les propos de

  3   Boban. Les propos sont quelque peu différents, mais en tout cas, on

  4   qualifie ici les propos de M. Kljuic, et je dois dire que si nous allons

  5   commencer à étiqueter ce terme de nettoyage pour montrer qu'il y a, ici,

  6   une construction au plan géographique, il est important de le placer ici

  7   dans son contexte. Je souhaite alerter les Juges de la Chambre sur ce

  8   paragraphe-ci, la question des frontières. Je vous enjoins de regarder le

  9   témoignage qui a été donné par M. Sancevic le 25 mai 2008, aux pages 28 578

 10   à 28 583, la pièce P 1544 qu'il a évoquée. M. Sancevic a parlé d'Usora, des

 11   personnes d'Usora qui souhaitaient partir, vous vous en souvenez

 12   certainement, qui ont été portées à l'attention du président Tudjman, qui a

 13   dit : "Non, restez là. Assurez-vous que les femmes et les enfants restent

 14   là, parce que si les femmes et les enfants partent, les hommes croates

 15   partiront et il n'y aura plus de Communauté croate dans cette région. Et

 16   c'est par tradition que vivent les Croates. Et si vous retirez les Croates

 17   et si vous allez ailleurs, eh bien, il n'y aura plus de Croates à cet

 18   endroit-là."

 19   Ensuite, un témoin à décharge, Martin Raguz, 31 473 à 31 440, la pièce

 20   P 07500, a été contre-interrogé longuement par le bureau du Procureur.

 21   Le général Praljak a témoigné le 16 juillet 2008, pages 43 207 à 43 212 et

 22   43 234 à 43 239, où il répondait à une question posée par M. le Juge

 23   Antonetti.

 24   Et une brève question que je souhaite aborder par rapport à ce paragraphe-

 25   ci, et c'est quelque chose que nous avons vu ailleurs dans le mémoire, le

 26   nom d'Ante Valenta est cité. Il avait écrit un texte particulier. Dans ce

 27   texte, il avance son point de vue et, bien évidemment, il y a peut-être

 28   deux, voire trois, échanges qu'il a avec le Dr Jadranko Prlic.


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  1   Watkins, dans son témoignage, a été interrogé, et il a précisé qu'à aucun

  2   moment, le Dr Jadranko Prlic n'avait jamais entendu parler de mouvements de

  3   population ou de construction géographique, quel que soit le cas.

  4   Quoi qu'il en soit, nous souhaitons indiquer, c'est quelque chose que nous

  5   avons abordé pendant l'interrogatoire, je parle de la pièce P 00021. Tout

  6   d'abord, l'Accusation n'a traduit qu'une partie de ce document. Vous

  7   trouverez le reste du document dans la pièce 1D 01538. La raison pour

  8   laquelle nous avons traduit le reste du document, c'est que nous voulions

  9   fournir les éléments de contexte, le contexte.

 10   Ce qui est important, c'est ce qui suit :

 11   "Compte tenu de la décision prise par le ministère de l'Education, de la

 12   Science et de la Culture, la Culture physique, Sarajevo, numéro 02-413-150,

 13   datée du 22 août 1991, exonéré de la TVA."

 14   Ceci est important, parce qu'on estimait qu'il s'agissait ici d'un ouvrage

 15   académique, c'est la raison pour laquelle ceci n'était pas assujetti à

 16   l'impôt. La raison pour laquelle nous -- et si vous regardez ceci dans le

 17   contexte, hormis cela, cet homme avait des idées qui étaient les siennes.

 18   Simplement parce qu'il a écrit ce livre, cela ne signifie qu'il avait les

 19   mêmes points de vue que le Dr Jadranko Prlic ou que quelqu'un d'autre au

 20   sein de la HZ HB ou que quelqu'un au sein du HZ HB ait agi en fonction de

 21   cela. Il y avait des cartes qui figuraient dans cet ouvrage qui ont été

 22   utilisées comme sources. Et je me souviens qu'il y a quelques cartes qui

 23   ont été fournies à ce monsieur par Zulfikarpasic. C'est en un seul mot.

 24   C'est étonnant, c'est en un seul mot.

 25   Alors, je vais passer au sujet -- pardonnez-moi -- en tout cas, bon, je ne

 26   fais pas des grands effets de manche, mais je fais de mon mieux.

 27   Je regarde les paragraphes, maintenant, 365 à 373 -- paragraphe 371 à

 28   paragraphe 373.


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  1   Au paragraphe 371, on peut lire en bas du paragraphe :

  2   "Prlic a dit : 'S'attendre à ce que la BH fonctionne en tant qu'Etat

  3   indépendant et unitaire n'est pas réaliste, et si deux nations ne sont pas

  4   d'accord pour former un Etat alors qu'il s'agit de nations constitutives,

  5   dans ce cas, on ne peut jamais parler d'Etat.'"

  6   Note en bas de page 841. Encore une fois, ceci est sorti de son

  7   contexte, et il faut regarder l'interview en question dont il est extrait.

  8   Il faut regarder le passage dans son intégralité pour comprendre ce qui se

  9   passe et voir même au-delà.

 10   Le Dr Prlic dit ceci :

 11   "Pour s'attendre à ce que la BH fonctionne comme un Etat indépendant

 12   et unitaire n'était pas réaliste --" pardonnez-moi. Oui, voici l'entretien

 13   :

 14   "Certains dirigeants musulmans ont vu dans la reconnaissance de la BH

 15   un Etat indépendant comme étant la réalisation d'un Etat musulman et

 16   unitaire de la BH qui ne convient pas aux deux autres nations, quelle que

 17   soit la variante adoptée. Il n'existe pas d'Etat dans un monde qui comporte

 18   plus de deux nations constitutives qui ne constitue pas un Etat composé. La

 19   Yougoslavie était une fédération, et, en tant que telle, était un Etat

 20   désintégré. S'attendre à ce que la BH fonctionne comme un Etat unitaire et

 21   indépendant n'était pas réaliste."

 22   Ensuite, une autre question lui est posée, il s'agit de : 

 23   "Un Etat composite est la seule variante."

 24   Souvenez-vous de la déposition de Svco [inaudible], c'était le modèle. Nous

 25   avons entendu son témoignage. Ensuite, il poursuit :

 26   "Si deux nations ne sont pas d'accord pour former un Etat alors qu'il

 27   s'agit de nations constitutives, dans ce cas, on ne peut même pas parler

 28   d'Etat."


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  1   Don, nous voyons tout dans son contexte, et ceci est perçu légèrement

  2   différemment de ce fait.

  3   Ensuite, il poursuit en disant :

  4   "Les Croates et les dirigeants croates en Bosnie-Herzégovine soutiennent ce

  5   qu'ils disent et sont prêts à signer. Si nous signons le plan Vance-Owen,

  6   nous sommes prêts à le mettre en œuvre. La nation croate, à ce moment-là,

  7   contribue à la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine. La nation croate

  8   est importante pour la Bosnie-Herzégovine, mais pour mettre en œuvre une

  9   Bosnie-Herzégovine conforme à des principes modernes, et ceux-ci doivent

 10   respecter les intérêts des trois nations. En même temps, la nation croate

 11   est disposée à envisager toutes les options possibles qui peuvent évoluer à

 12   l'avenir. Nous sommes prêts à protéger les intérêts de notre nation, quelle

 13   que soit la variante adoptée."

 14   Donc nous parlons de "nation" et de statut constitutif.

 15   Nous vous demandons de placer tout ceci dans son contexte et de vous

 16   pencher sur le document 1D 01312, la conférence internationale sur l'ex-

 17   Yougoslavie datée du 11 novembre 1992. Si vous regardez le paragraphe 34,

 18   il parle de la troisième partie qui est d'accord avec une position

 19   intermédiaire, étant les Croates de la BiH.

 20   Paragraphe 37, ils reconnaissent également que : "Un Etat centralisé ne

 21   sera pas accepté par au moins deux des principaux groupes ethniques et

 22   confessionnels en Bosnie-Herzégovine."

 23   En tout cas, la personne qui a écrit ce document semble avoir compris la

 24   totalité du problème. Il comprend le concept de nation et le concept de

 25   peuples constitutifs.

 26   Ensuite, paragraphe 38, il est écrit :

 27   "En conséquence, le président considère que la seule solution stable et

 28   viable qui soit acceptable semble être la création d'un Etat décentralisé,


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  1   c'est-à-dire un Etat où l'essentiel des fonctions, surtout celles ayant un

  2   impact sur les personnes, serait le fait de provinces autonomes."

  3   Alors, regardons ce qui a été proposé par Lord Carrington et Cutileiro, par

  4   exemple, et si nous regardons ensuite ce qui a été proposé par Vance et

  5   Owen, et ensuite par Owen et Stoltenberg, ils ont toujours un point commun

  6   : ce sont des propositions internationales. Ce ne sont pas des Croates qui

  7   arrivent et qui disent : "Voici le plan, et c'est à prendre ou à laisser."

  8   Absolument pas.

  9   Ensuite, ce qui est essentiel, c'est que nous avons quand même une personne

 10   ici qui a eu le prix Nobel de la paix - ce n'est pas rien - et qui était

 11   impliquée dans la rédaction des principes constitutionnels, M. Ahtissari.

 12   Et dans ses principes, on trouve, en fait, le plan Cutileiro et plan Vance-

 13   Owen. Surtout le plan Vance-Owen, puisqu'ils se sont inspirés de tout cela

 14   pour leur proposition. Voici donc l'essentiel de ce propos.

 15   Maintenant, entre le paragraphe 371 et le paragraphe 373, on a en sandwich

 16   le paragraphe 372, qui est un passage que l'Accusation insère comme ça au

 17   dernier moment, où ils déclarent que :

 18   "Prlic aurait dit que la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat n'existera

 19   jamais." Ça, c'est la dernière phrase de leur paragraphe 372, mais c'est

 20   complètement hors contexte, bien sûr.

 21   Ensuite, passons au 373, et là j'aimerais attirer votre attention sur

 22   la dernière partie de ce passage, où vous voyez :

 23   "Prlic a dit au groupe qu'aujourd'hui, nous devons nous mettre d'accord sur

 24   deux ou trois points. Les Musulmans sont notre ennemi commun. Il y a deux

 25   ou trois moyens de les tenir en respect. D'abord, les briser sur le plan

 26   militaire. Les chefs militaires devraient le dire à la fois à Brcko et à

 27   Usora. Ensuite, porter un coup à la légitimité de la Bosnie-Herzégovine,

 28   car le monde reconnaît Alija Izetbegovic et son gouvernement."


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  1   Dans notre mémoire en clôture, aux paragraphes 305 à 312, nous parlons de

  2   ce sujet parce qu'il faut le remettre dans son contexte. Que se passe-t-il,

  3   qu'arrive-t-il aux Croates ? Quels sont les agissements de la direction

  4   musulmane ? Ils avancent sans cesse, ils avancent, ils attaquent et ils

  5   repoussent les Croates. Ils les obligent à partir et à quitter le

  6   territoire soi-disant. Ils négocient, certes, mais ils ne se mettent à

  7   négocier que lorsqu'ils ont décidé qu'ils ont capturé suffisamment de

  8   terrain.

  9   Mais revenons au document 1D 00814. Il s'agit donc du discours de Lord Owen

 10   du 16 décembre 1992. C'est important et ça prend en compte. En effet, lors

 11   de ce discours, il déclare :

 12   "Un de nos soucis c'est que le gouvernement de Bosnie-Herzégovine,

 13   malheureusement et progressivement, ne représente maintenant plus que la

 14   population musulmane."

 15   Vous avez entendu M. Akmadzic qui est venu témoigner. Non seulement il nous

 16   a fait part de son opinion, mais il a dit ce qu'il avait vécu à l'époque.

 17   Or, ici, nous sommes en 1992 dans ce document. En 1994, on dit que le

 18   gouvernement de Sarajevo est plus ou moins illégitime, et finalement, c'est

 19   correct. Revenez aux propos de M. Akmadzic lors de son témoignage le 18

 20   juin 2008, paragraphe -- aux pages 29 514 à 29 517, alors qu'il fait un

 21   commentaire sur le document 1D 02940. Vous savez qu'on a parlé de Joe

 22   Biden, le vice-président des Nations Unies hier. Là encore, il y a un

 23   échange de lettres. Izetbegovic envoie un courrier où il déclare qu'il a

 24   été élu afin de conserver son poste de président au-delà de son mandant de

 25   deux ans, et vous devez aussi vous référer, bien sûr, à la pièce 1D 02994,

 26   c'est-à-dire la constitution de la République socialiste de BiH, et surtout

 27   l'article 358 de cette constitution. Il est écrit :

 28   "En cas de guerre ou de danger imminent de guerre, le mandat des membres de


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  1   la présidence," donc je répète, "des membres de la présidence, peut être

  2   prolongé jusqu'à ce que les conditions soient réunies afin que l'on puisse

  3   élire des nouveaux membres de la présidence."

  4   Ensuite, penchez-vous sur le document P 10509, les règles de procédure de

  5   la présidence de la BiH, article 19 :

  6   "Le président de la présidence sera élu par la présidence parmi ses membres

  7   pour un mandat d'un an, et qui peut être prolongé d'un an."

  8   Donc, lors de cet échange, le Dr Prlic semble dire : Peut-être pourrions-

  9   nous choisir la solution Abdic. Mais Abdic c'est quand même celui qui a

 10   remporté 33,25 % des voix lors de l'élection de 1991, alors qu'Izetbegovic,

 11   lui, en a eu 27,96 %. C'est le vote croate à propos de cette présidence qui

 12   a permis à Izetbegovic de bénéficier d'un deuxième mandat. Moi, je parlais

 13   des élections de 1990. Je me suis trompé, ce n'est pas 1991.

 14   Je pense que j'en ai terminé avec mes propos à ce sujet.

 15   Il serait peut-être bon quand même de se pencher sur le témoignage de M.

 16   Akmadzic. Mais nous affirmons que M. Akmadzic est venu déposer, a subi un

 17   contre-interrogatoire où on a vérifié sa crédibilité. Il a participé aux

 18   négociations. Regardez le texte. Regardez les éléments de preuve. Ce n'est

 19   pas un nationaliste pur et dur comme on voudrait le faire croire. Tout ce

 20   qu'il voulait, c'est que les choses se passent correctement. Or,

 21   Izetbegovic a prolongé son mandat. Pour le meilleur ou pour le pire, je

 22   n'en sais rien. Ensuite, on a reporté à M. Biden, mais c'était une erreur,

 23   qu'il avait été élu à ce poste. C'est au compte rendu d'ailleurs, puisque

 24   j'ai posé des questions à ce propos.

 25   Maintenant, passons à un autre sujet, les paragraphes 490 et 491. On

 26   parle de la destruction des biens. Donc, là, l'Accusation, dans ces deux

 27   paragraphes, s'appuie…

 28    [Le conseil de la Défense se concerte]


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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Désolé.

  2   Donc, au paragraphe 490, on cite la pièce P 05554, or nous souhaitons

  3   attirer votre attention sur la chose suivante, Messieurs les Juges : dans

  4   notre mémoire en clôture, nous répondons à cet argument aux paragraphes

  5   185, 200 et 220. Penchez-vous aussi sur les documents 1D 02705, 1D 02706.

  6   Bien sûr, aussi le document 1D 02703, car dans ce dernier document, vous

  7   verrez que le 23 avril 1993, un événement est organisé à Neum, c'est une

  8   réunion scientifique, et le Dr Prlic est l'un des orateurs.

  9   Je voudrais aussi attirer votre attention sur un point supplémentaire - je

 10   suis désolé d'être un petit peu embrouillé - mais je voudrais que vous vous

 11   rapportiez au document P 05554, deuxième page, le document qui est envoyé à

 12   l'administration de la République croate d'Herceg-Bosna, donc on ne peut

 13   pas dire qu'il a été envoyé au Dr Prlic, qu'il lui a été envoyé à lui. On

 14   n'a aucune preuve montrant qu'il ait reçu ce document. Je tiens à vous le

 15   dire.

 16   Nous avons vu les documents d'habitude où le nom du Dr Prlic est mentionné,

 17   alors son nom ou son titre, mais ici, ce document est envoyé à une

 18   administration. Le Dr Prlic n'est certainement pas une administration.

 19   Passons au sujet suivant, la croatisation, maintenant. C'est un sujet qui

 20   est abordé à de nombreuses reprises. Avec les devises. Avec la langue. Et

 21   les paragraphes qui nous intéressent à ce sujet -- tout d'abord, le

 22   paragraphe 9, note de bas de page 9, le bureau du Procureur cite un article

 23   du 25 février 1995, et nous voyons qu'il s'agit de la même source que ce

 24   qu'on trouve à la note de pied de page 774 au paragraphe 345. Or, nous

 25   considérons qu'il serait utile pour les Juges de la Chambre de se référer

 26   au document suivant afin d'obtenir le contexte, le document 1D 0040. La

 27   décision nommant la commission visant à changer le nom des rues, puisque

 28   l'assertion du bureau du Procureur c'est que tous les noms ont été changés


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  1   afin de croatiser la région.

  2   Ensuite, le 1D 00439 du 6 novembre 1992. Il s'agit de la décision portant

  3   sur la modification des noms de rues à Mostar.

  4   Ensuite, le 1D 00662, 20 novembre 1992. Toujours une décision pour la

  5   commission visant à rebaptiser les rues.

  6   Ensuite, le document 1D 00462, 30 décembre 1992. Une décision sur la

  7   rebaptisation des noms des rues et des places de Mostar.

  8   Donc, lorsque vous étudierez ces documents du bureau du Procureur, référez-

  9   vous à ces documents.

 10   Ensuite, paragraphe 437, ici on parle de l'Université de Mostar, et à ce

 11   paragraphe, il est écrit : Mostar [comme interprété] était en faveur de la

 12   transformation de l'Université de Mostar en institution croate. Et il en a

 13   parlé lors d'une réunion du HVO de la HZ HB en octobre et novembre 1992 qui

 14   a unanimement adopté un décret rebaptisant cette université l'Université

 15   croate de Mostar, anciennement l'Université Dzemal Bijedic.

 16   Donc, ça, c'est ce qu'affirme l'Accusation au paragraphe 437, quatre

 17   premières lignes. Cela dit, je tiens à vous donner le contexte pour voir

 18   que ce n'est pas du tout la vérité.

 19   Tout d'abord, penchez-vous sur le document P 00672, le PV de cette réunion

 20   du 30 octobre. Il y a des conclusions qui sont fort intéressantes. Ensuite,

 21   la pièce P 00716 du 6 novembre 1992. Donc c'est six ou sept jours après,

 22   rien de plus. Ensuite, penchez-vous aussi sur le document P 00714 du 6

 23   novembre 1992, extrait de la gazette officielle Narodni List portant décret

 24   sur la création et le fonctionnement de l'Université de Mostar au cours de

 25   la menace de guerre ou de l'état de guerre. Le titre de ce document est

 26   "Décret sur la création et le fonctionnement de l'Université de Mostar au

 27   cours de la guerre ou de la menace de guerre," et il est écrit au titre de

 28   l'article 2 : "Le nom de l'université sera le suivant : République de


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  1   Bosnie-Herzégovine, Communauté croate d'Herceg-Bosna, Université de

  2   Mostar." Donc ce n'est pas Université croate. Le nom de cette université

  3   dans ce document est Université de Mostar.

  4   Ensuite, toujours dans ce même paragraphe 437, le paragraphe mentionne le

  5   passage suivant, et je donne lecture :

  6   "On ne s'étonnera pas que 42 professeurs musulmans aient quitté

  7   l'université et que ceux qui sont restés aient insisté pour utiliser le

  8   'vieux' système."

  9   Mais pour remettre les choses en contexte afin d'être équitable, il faut

 10   quand même se référer à la pièce 1D 02804, une liste des employés du 23

 11   novembre 1993, une liste des salariés qui souhaitent rester travailler à

 12   l'Université de Mostar. Le témoignage de Palameta, c'était un de nos

 13   témoins d'ailleurs, aux pages 32 819 à 32 823 du compte rendu.

 14   Toujours sur ce même paragraphe, paragraphe 437, on parle du problème de la

 15   langue. Alors, je ne sais pas si c'est un point contesté dans votre esprit,

 16   mais ce qui est certain, c'est que du côté de l'Accusation, il semble que

 17   ce soit un point disputé. En effet, d'après eux, ils ont l'impression

 18   qu'avant la guerre, avant les années 1990, il y avait une langue, une

 19   langue officielle et reconnue, qui avait un nom pour la langue parlée par

 20   les Musulmans, par les Bosniens. Or, il n'y a pas de document. Ils n'ont

 21   présenté aucun document pour montrer que ces Musulmans parlaient leur

 22   propre langue. Il y avait le serbo-croate, c'était l'une des langues

 23   officielles, mais on n'a pas de document montrant que les Musulmans

 24   parlaient une langue bien précise. Il y a un échange très intéressant,

 25   d'ailleurs, où Izetbegovic et Akmadzic s'entretiennent de ce sujet. Le 17

 26   juin 2008, page 29 432 du compte rendu, à propos du document 1D 2663. Donc

 27   c'est un enregistrement audio d'une session présidentielle de la présidence

 28   de la Bosnie-Herzégovine. Alors :


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  1   "On peut appeler ça du nom qu'on veut. Nous dirions sans doute que

  2   l'on peut appeler la langue que l'on parle ce qu'on veut : serbe, croate,

  3   bosniaque. On peut lui donner le nom qu'on veut. Bien entendu, il y aura

  4   des répercussions. Donc cela doit, dans les documents, par exemple, dans

  5   les diplômes, on doit savoir quelle est la langue utilisée, quelle est la

  6   langue maternelle. Mais ce problème va être étudié par la commission."

  7   Ça signifie -- là, ils sont en train de se demander quel est le nom

  8   de la langue, quel nom ils vont donner à leur langue.

  9   Ensuite, page 29 436 à 437 du compte rendu :

 10   "Question : Passons à la page suivante. Voici ce que vous dites," voici ce

 11   que dit Akmadzic, et c'est sans doute pertinent en espèce.

 12   Akmadzic :

 13   "Réponse : Il faut nous souvenir d'une chose : toute nation a droit

 14   de baptiser sa langue de son nom.

 15   "Question : Est-ce qu'on pourrait l'appeler en lui donnant un autre

 16   nom ?

 17   "Réponse : De toute façon, toute nation qui parle une langue a le

 18   droit ce baptiser cette langue de son nom. Mais les Autrichiens et les

 19   Américains n'ont jamais exercé ce droit, d'ailleurs."

 20   Et ensuite, on entend Izetbegovic, et je vous ai déjà donné la teneur

 21   de cette discussion.

 22   Voici ce que je vous conseille, Messieurs les Juges : veuillez vous

 23   référer aux pages du compte rendu 2 191 à 2 192, 2 501 à 2 503. Vous avez

 24   d'abord une référence aux propos de Izetbegovic, puis une référence aux

 25   propos d'Akmadzic [comme interprété]. Ensuite, compte rendu, pages 37 772 à

 26   37 774 -- je crois que j'ai épuisé le sujet, Messieurs les Juges.

 27   Je suis désolé car j'ai un peu tendance de passer du coq-à-l'âne,

 28   mais j'essaie de vous donner une impression pour que vous compreniez le


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  1   sens même de mes propos d'hier. Ceci est important aujourd'hui, ce n'est

  2   pas ma plaidoirie. Ce qui est important, c'est ce qui est dans le dossier.

  3   Mais j'espère que dans ma plaidoirie, quand même, je vous donne certains

  4   éléments qui vous aideront.

  5   Paragraphe 445 maintenant. Il est écrit :

  6   "Par la prise de diverses mesures législatives au cours de cette

  7   période, le gouvernement Prlic," ici, on parle du gouvernement Prlic.

  8   Voilà, comme il est président, on dit que le gouvernement s'appelle

  9   gouvernement Prlic.

 10   "… s'est assuré le contrôle des frontières de l'Herceg-Bosna, y

 11   compris l'emplacement des points de passage et la prescription des

 12   documents nécessaires pour les franchir. Toute personne se trouvant sur le

 13   territoire de la HZ HB était dorénavant tenue de déclarer son domicile

 14   auprès des autorités du HVO dans délai de 15 jours à compter de son

 15   arrivée."

 16   Tout d'abord, dans ce paragraphe, on fait référence -- enfin,

 17   l'Accusation fait référence à la pièce P 1580, or si nous nous penchons sur

 18   l'article 1 de ce document, il y a donc cette loi visant la déclaration du

 19   domicile auprès des autorités. Elle est basée de toute façon sur une loi de

 20   la République socialiste de Bosnie-Herzégovine qui existait à l'époque. Ils

 21   sont juste en train de l'ajuster, si je puis dire. C'est rien de plus.

 22   Maintenant, l'article 2, mais je n'ai pas le temps malheureusement,

 23   donc je ne vais pas rentrer dans les détails, mais vous devriez vous

 24   pencher sur l'article 2 et aussi sur l'article 5. Dans l'article 5, il est

 25   écrit :

 26   "Tout citoyen ayant le statut de réfugié, ou de personne déplacée

 27   dans le territoire de la  HZ HB et tout autre citoyen dont le domicile

 28   était à leur endroit de résidence jusqu'au 1er avril 1992 conserveront leur


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  1   domiciliation."

  2   Donc il n'y a pas de modification démographique ici, puisqu'ils

  3   "conservent leur domiciliation." Ils reconnaissent que les gens sont

  4   partis. Mais si on abandonne son appartement, on abandonne sa propriété et

  5   on vient s'installer ici. Voilà ce qu'ils disent.

  6   Et je pense que je ne devrais pas aller au-delà. Je n'ai pas besoin

  7   d'en dire plus à ce propos. Mais veuillez vous pencher de très près sur les

  8   documents que je vous ai présentés à l'instant.

  9   Je pense qu'il serait peut-être bon de faire la pause, Monsieur le

 10   Président.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va faire la pause. Pour votre information,

 12   je suivais le décompte du temps. Vous avez utilisé quatre heures et dix

 13   minutes, donc après la reprise, il vous restera 50 minutes pour terminer,

 14   puisqu'on vous a donné cinq heures. Nous allons faire une pause de 20

 15   minutes.

 16   --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.

 17   --- L'audience est reprise à 10 heures 50.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous avez la parole.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai une

 20   demande de moindre importance : puis-je être averti dix minutes à l'avance,

 21   parce que dans les dix minutes qui me restent parmi mes 50, je souhaite

 22   savoir que j'ai encore dix minutes qui me restent.

 23   Les deux derniers chapitres que je souhaite aborder -- la traduction,

 24   on ne l'a pas entendue. Donc j'ai indiqué que je souhaitais être averti dix

 25   minutes avant la fin de mon temps.

 26   Il n'y a pas de traduction, Monsieur le Président. J'espère que

 27   l'horloge s'est arrêtée.

 28   Les deux derniers chapitres aborderont premièrement les prisons, et


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  1   ensuite je vais suivre en quelque sorte un ordre chronologique des

  2   positions exercées par le Dr Prlic ainsi que les actions qu'il a menées au

  3   cours de cette période.

  4   En ce qui concerne la question des prisonniers et des détenus, il y a des

  5   paragraphes dans le mémoire du bureau du Procureur, de 302 à 307, où

  6   l'Accusation aborde les affaires Mrksic et Celebici, je vais y venir sous

  7   peu. Je vais présenter brièvement mes arguments sur ce point. Etant donné

  8   qu'il ne s'agit pas d'une Chambre d'appel, je ne souhaite pas que les Juges

  9   de la Chambre me donnent des leçons en matière de droit. Ce ne serait en

 10   fait pas une mauvaise idée, mais bon, je souhaite tout d'abord aborder les

 11   documents qui, à mon sens, pourront s'avérer utiles aux Juges de la Chambre

 12   au moment où ils vont délibérer pour ce qui est de l'Heliodrom, lorsque la

 13   question a été abordée que l'ODPR était responsable d'un certain nombre de

 14   choses. Et sans pour autant aborder ceci dans le détail, je m'en remets aux

 15   Juges de la Chambre pour déterminer quelle était l'autorité, pour autant

 16   que l'ODPR ait une quelconque autorité à l'Heliodrom.

 17   Nous faisons valoir que l'ODPR n'avait aucune autorité. Elle a fourni

 18   son aide, mais elle n'a donné aucun ordre pour que quelqu'un s'y rende, ne

 19   disposait ni de l'autorité ni de pouvoir pour ce faire. C'est quelque chose

 20   que nous avons indiqué dans notre mémoire, l'ODPR avait 12 employés, il n'y

 21   a pas eu de documents qui indiquent que l'ODPR avait le pouvoir de donner

 22   l'ordre à quelconque et de donner des ordres à la police civile et à la

 23   police militaire, à l'armée ou d'autres organes civils. Mais je m'en remets

 24   à vous à cet égard.

 25   Pour ce qui est de l'Heliodrom et les événements qui ont suivi, le 9 mai

 26   1993, nous faisons valoir - et il s'agit de la pièce 5 D01004. Ce document

 27   n'est pas daté, il s'agit d'une lettre de M. Tadic envoyée à des

 28   organisations d'aide humanitaire.


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  1   Deuxièmement, le P 02293, c'est un document daté du 11 mai 1993.

  2   C'est un rapport de la FORPRONU.

  3   Le P 02344, le 12 mai 1993. Il y a un accord de cessez-le-feu.

  4   5 D02016, il s'agit de la liste des personnes qui quittent

  5   l'Heliodrom.

  6   Le 4 D0037, il s'agit là d'un autre rapport.

  7   Le P 02533, 2 D01321. Il s'agit de l'ordre concernant ce sujet

  8   en particulier.

  9   Nous savons tous ce qui est arrivé le 30 juin, et je suis sûr que

 10   d'autres personnes vont aborder ou d'autres avocats vont aborder cette

 11   question, mais pour ce qui est de la question des prisons et de ces sujets,

 12   de ces questions-là et les événements qui se sont déroulés après le 30

 13   juin, nous vous demandons d'examiner de très près les différents documents

 14   dans l'ordre donné. Par là, je veux dire que si vous lisez ces documents

 15   dans cet ordre-là, je ne tente pas de vous manipuler en quoi que ce soit,

 16   mais le récit qui ressort de cet ordre chronologique, parce qu'il y a un

 17   ordre chronologique des événements, est quelque chose dont vous pourrez

 18   tenir compte en rapport avec d'autres éléments de preuve. Donc il ne s'agit

 19   pas de lire ceci dans l'absolu de façon abstraite. Nous vous demandons de

 20   bien vouloir lire le P 03292, P 09843. Et la déposition de M. Raguz du 28

 21   août 2008, pages 31 529 à 31 536.

 22   Au fil de l'évolution des événements, nous constatons qu'il y a la

 23   participation dans une certaine mesure du HVO HZ HB à ceci, et les efforts

 24   déployés par le HVO HZ HB pour alléger la situation, une fois que la

 25   situation était connue.

 26   Je fais référence bien sûr à la déposition de M. Buntic, mais l'ordre

 27   que je souhaite vous présenter peut s'avérer utile aux Juges de la Chambre;

 28   c'est le P 03560. C'est le procès-verbal du 19 juillet 1993 du HVO HZ HB.


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  1   Le P 03573 du 20 juillet 1993, le procès-verbal de la 47e Session du

  2   HVO HZ HB. Un rapport de la commission, parce que dans le document

  3   précédent, nous constatons que la commission devait être créé.

  4   Et -- et en rapport avec tout ceci, nous avons entendu la déposition

  5   de M. Buntic, cela se trouve aux pages 30 575 à 30 583. Le 10 juillet 1993.

  6   Pardonnez-moi, Madame, Messieurs les Juges, c'était en 2008. Je suis un

  7   petit peu fatigué.

  8   Il y a peut-être d'autres passages dans la déposition de M. Buntic

  9   qui sont intéressants. Je ne vous suggère pas de lire simplement ce

 10   passage-là, vous découvrirez peut-être d'autre chose. Si nous avons omis

 11   quelque chose, cela ne signifie pas que vous devriez vous abstenir de lire

 12   le reste. C'est tout ce que nous pouvons faire en fait dans le temps qui

 13   nous est octroyé.

 14   Nous vous suggérons de lire le P 07341 daté du 22 juillet 1993. Tomo

 15   Sakota est nommé au poste de coordinateur des détenus et prisonniers sur le

 16   territoire de la HR HB par Mate Boban, le commandant Suprême, mais c'est un

 17   rapport de M. Sakota, qui est rédigé le 26 décembre 1993. Donc, si je ne me

 18   suis pas trompé, et je suis désolé si j'ai semé la confusion dans l'esprit

 19   de tout un chacun, son rapport montre ce jour-là, du 26 décembre, qu'il a

 20   été nommé le 22 juillet à ce poste.

 21   Ensuite, Messieurs les Juges, le P 03958 daté du 5 août 1993. Le P

 22   04266 du 17 août 1993. Il s'agit d'un ordre d'Obradovic aux fins de les

 23   envoyer au directeur de la prison de Gabela.

 24   Le document suivant 1D 01675, le 18 août 1993, le procès-verbal de la

 25   réunion de travail du HVO HZ HB.

 26   Ensuite, le P 04841, le 6 septembre 1993, le procès-verbal de la

 27   réunion de travail, encore une fois du HVO de la HZ HB.

 28   Le 1D 01320 du 14 septembre 1993. Et ensuite, dans ce document en


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  1   particulier, Ganic et Silajdzic sont nommés en qualité de commissaires aux

  2   fins d'intervenir et de venir en aide et d'essayer de trouver une solution

  3   à ce problème.

  4   Ensuite, il y a le P 05104. Le 15 septembre 1993. Il s'agit d'un

  5   ordre émanant de Mate Boban, on peut lire qu'il relève de l'obligation de

  6   toutes les forces armées de la HZ HB de se battre exclusivement dans une

  7   guerre de défense afin de défendre l'intégrité du territoire croate, et :

  8   "En se fondant sur l'autorité fixée par les dispositions de l'article 30,

  9   paragraphe 1 du décret sur les forces armées de la République croate

 10   d'Herceg-Bosna, journal officiel numéro 6/92, en tant que commandant

 11   Suprême des forces armées de la République croate d'Herceg-Bosna, j'ordonne

 12   par la présente ce qui suit," au point 3 :

 13   "Les prisonniers de guerre et les centres de détention où ils se trouvent

 14   et où les conditions requises par la guerre/les conventions de Genève ne

 15   sont pas garanties, elles doivent être immédiatement appliquées dans les

 16   prisons. Les prisonniers de guerre doivent être traités conformément aux

 17   conventions de Genève et aux normes du droit humanitaire international."

 18   Il s'agit, il s'agit de l'ordre de Boban qui est daté du 15 septembre

 19   1993, le P 05104, qui invoque l'article 30.

 20   Le document suivant est le P 05138, le 17 septembre 1993, et ensuite

 21   le 4D 01067. Encore une fois, c'est le 19 septembre 1993.

 22   Donc la série de documents suivante porte sur la fermeture de

 23   Dretelj, et pour cette série de documents, nous faisons valoir qu'ils

 24   peuvent vous être utiles, ainsi que d'autres documents, le document 5129

 25   [comme interprété] du 20 septembre 1993. Il s'agit d'un document de la

 26   MOCE. Ensuite, le P 05304, le 23 septembre 1993. Et, bien évidemment, le

 27   compte rendu d'une déposition de témoin, le DD, pages du compte rendu

 28   d'audience 14 491 à 15 493.


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  1   Avec cela, la série de documents suivante montre les documents qui ne

  2   sont pas envoyés à Mate Boban suite à l'ordre qu'il a donné lui-même le 15

  3   septembre 1993, le P 05104. Et à cette fin, j'attire votre attention,

  4   Messieurs les Juges, aux documents 2D 00926 daté du 22 septembre 1993; le

  5   5D 01079 du 23 septembre 1993; et le 2D 00412 du 28 septembre 1993; et

  6   ensuite le 50 -- pardonnez-moi. P 05485, le 29 septembre 1993. Ensuite,

  7   Messieurs les Juges, je crois qu'il serait utile que vous lisiez le rapport

  8   émanant d'un témoin à charge, M. Biskic, un général de brigade. Le document

  9   est le P 06695. Le document est daté du 17 novembre 1995. Et dans ce

 10   document, je vais vous en lire un extrait et vous enjoins de lire la

 11   totalité du document. A un moment donné, le document dit :

 12   "Dans la région d'Herzégovine, il y a à l'heure actuelle deux

 13   prisons, deux centres de détention, qui contiennent essentiellement des

 14   prisonniers de guerre et des personnes qui sont détenues pour des raisons

 15   de sécurité. Il s'agit de l'Heliodrom à Mostar comprenant un total de 2 600

 16   détenus, et Gabela, au sud de Capljina, qui comprend 1 100 détenus."

 17   Il poursuit en disant :

 18   "L'hébergement ou les possibilités d'hébergement dans les prisons

 19   susmentionnées correspondent à -- il y a en réalité 1 200 prisonniers à

 20   Gabela et 1 800 [comme interprété] à l'Heliodrom. Donc il y a environ 1 600

 21   prisonniers qui dépassent ce chiffre. Le projet visant à ouvrir d'autres

 22   installations dans l'usine de tabac à Citluk pourrait contenir quelque

 23   2 000 prisonniers. Nous insistons sur le fait qu'il y a eu des pourparlers

 24   là-dessus avec les personnes concernées à Citluk, mais ce projet n'a pas

 25   été retenu et considéré comme acceptable. Pour ces raisons, et en passant

 26   par le ministère de la Défense de la municipalité de Citluk et de Siroki

 27   Brijeg, où il y a également des usines de tabac, il est important de

 28   trouver un accord quant à l'emploi de ces installations puisque ces


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  1   installations sont idoines pour cela."

  2   Donc le 17 novembre 1995 à Biskic, à cette date tardive, il y a les mêmes

  3   difficultés -- en novembre 1993. Pardonnez-moi, Messieurs les Juges. Il

  4   rencontre les mêmes difficultés que celles qui ont été évoquées par le

  5   témoin à décharge Buntic. Vous vous souviendrez peut-être du fait que M. le

  6   Juge Trechsel a posé une question, je ne sais pas si vous vous en souvenez,

  7   Monsieur le Juge Trechsel, mais on lui a demandé "s'il pouvait se rendre

  8   dans cette municipalité et trouver un dépôt, un entrepôt, un endroit ?" Et

  9   la réponse a été de dire que c'était à la municipalité d'en disposer

 10   puisqu'elle avait le pouvoir de disposer de ses biens, donc ce n'est pas

 11   quelque chose dont il pouvait simplement s'emparer.

 12   Le document suivant est le P 07096, une décision visant à fermer tous les

 13   centres de détention sur le territoire du HR HB, datée du 10 décembre 1993.

 14   Le P 07234 daté du 18 décembre 1993.

 15   Le P 07668. Il s'agit d'un document qui est daté du 22 décembre 1993.

 16   Ensuite, la décision -- ensuite, le P 07341 daté du 26 décembre 1993. Et

 17   ici dans ce document en particulier, et je vais y passer du temps, c'est à

 18   la fin. Tomo Sakota, qui est nommé au poste de coordinateur pour les

 19   détenus prisonniers de guerre sur le territoire de HR HB par le président

 20   Mate Boban, aux fins de mettre en œuvre l'accord conclu entre le ministre

 21   des Affaires étrangères de la République de la Croatie et le président de

 22   la république à propos du démantèlement des camps de détention sur le

 23   territoire de la république. Il remet ce rapport en disant :

 24   "Monsieur le Président, je pense qu'il apparaît manifestement, au vu des

 25   instances susmentionnées, que le raisonnement et les politiques des

 26   autorités municipales ne coïncident pas et ne sont pas coordonnées et ne

 27   coïncident pas, et il n'y a pas de coordination avec l'ordre et les

 28   commandements qui ont donné cet ordre aux fins de protéger les intérêts du


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  1   peuple croate. Ceux qui souffrent sont les personnes qui accomplissent leur

  2   devoir de façon consciencieuse et honnête."

  3   Puis :

  4   "Je suis d'avis que pour protéger les intérêts du peuple croate, il

  5   faut prendre des mesures plus énergiques à l'avenir aux fins d'empêcher des

  6   phénomènes aussi négatifs et améliorer les mécanismes de coordination entre

  7   le haut de la hiérarchie et les autorités locales et les dirigeants."

  8   Ce document est un document que vous pouvez, Messieurs les Juges, lire dans

  9   son intégralité.

 10   Ayant ces documents à l'esprit - il ne me reste plus beaucoup de

 11   temps - pour ce qui est des deux cas cités par l'Accusation pour ce qui est

 12   des paragraphes 304 à 307 du mémoire en clôture du bureau du Procureur, où

 13   ils font valoir que le Dr Prlic était tenu par son obligation de protéger

 14   les prisonniers et qu'il est coupable d'avoir aidé à encourager des crimes

 15   par omission, tout d'abord, nous avançons qu'en tant que président du HZ

 16   HB, le Dr Prlic n'avait pas l'autorité de donner ces ordres et de diriger

 17   lui-même ces hommes. Tout ceci a été fait par le collectif, le HVO HZ HB.

 18   Je mets ceci de côté maintenant. Pour établir que le Dr Prlic était

 19   tenu par ses obligations et par le manquement de Mrksic à son obligation,

 20   il faut prouver que le Dr Prlic était un agent de l'Etat qui avait la

 21   charge et avait détenu physiquement les prisonniers, et que pendant toute

 22   la période de l'acte d'accusation, il avait la capacité de protéger les

 23   prisonniers et qu'il a omis d'agir au niveau de cette capacité qu'il avait.

 24   Le Dr Prlic n'était pas un agent de l'Etat, et le HVO HZ HB ne

 25   l'était pas non plus. Ils n'avaient pas le pouvoir de détenir ces

 26   prisonniers. Ce n'était pas eux qui ont mis en place ces installations.

 27   Voici donc notre position pour l'essentiel et notre point de départ.

 28   Je vais maintenant poursuivre pour ce qui est de l'affaire Celebici


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  1   qui a été citée, et ceci évoque la question des civils. Je crois que cela

  2   paraît assez évident que ce qui est autorisé, c'est que si des civils sont

  3   en danger, certaines conditions exigent qu'il y ait une quarantaine. Ils

  4   posent une menace. Ils ne sont pas en danger eux-mêmes. Je crois que nous

  5   pouvons tous être d'accord sur le fait que toutes les fois que quelqu'un

  6   est détenu, que ce soit un prisonnier de guerre ou un civil, quelle que

  7   soit la personne qui place en détention, cette personne a un certain nombre

  8   d'obligations et doit leur garantir la protection nécessaire et doit

  9   appliquer les procédures. Je crois que ceci n'est pas un élément contesté.

 10   Donc, gardant ceci à l'esprit, encore une fois, notre position est la

 11   suivante : le Dr Prlic n'avait rien à voir et le HVO de la HZ HB n'avait

 12   rien à voir avec la création de ces installations de ces centres et

 13   n'avaient certainement rien à voir avec la population civile qu'on avait

 14   placée en quarantaine. Et je vais m'en tenir à cela.

 15   Il existe des éléments de preuve, bien sûr, qui étaient le fait que le HVO

 16   de la HZ HB a participé à l'allégement de la situation, et nous faisons

 17   valoir que le fait qu'une fois qu'ils avaient appris ce qui se passait,

 18   qu'ils ont agi conformément à cela. Cela ne signifie pas ou ne devrait pas

 19   être interprété comme le fait de placer en détention. Lorsqu'on apporte son

 20   aide, cela ne signifie pas qu'il disposait de cette autorité pendant toute

 21   la période en question.

 22   L'Accusation traite à la légère ce point en disant que ceci a été évoqué

 23   lors de la réunion et personne ne voulait endosser la responsabilité de

 24   cela. Souvenez-vous qu'il s'agit d'une réunion tout à fait personnelle et

 25   qui se passe de façon privée. Les débats ne sont pas publics, et tout ceci

 26   se passe néanmoins de façon transparente, et ils tentent de réagir tout de

 27   suite. Le fait qu'ils réagissent, qu'ils prennent des mesures pour alléger

 28   la situation ne signifie pas pour autant, et c'est ce que nous faisons


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  1   valoir, qu'ils ont endossé ce fardeau et doivent en subir les conséquences.

  2   Plutôt, les éléments de preuve sont très importants. Il y a des efforts qui

  3   ont été déployés lorsqu'ils ont appris ce qui se passait et leur incapacité

  4   à opérer des changements radicaux et de façon immédiate parce que ce ne

  5   sont pas eux qui détenaient ces personnes. Ils n'avaient pas ce pouvoir de

  6   détenir. Une fois que Boban donne son ordre, il rend la chose un peu plus

  7   facile pour ceux qui n'ont pas ce pouvoir de détention de fournir une aide

  8   supplémentaire. Donc nous faisons valoir que si une décision est prise ou

  9   qu'une conclusion indique que l'ODPR doit aller là-bas pour fournir de

 10   l'aide, cela ne signifie pas pour autant que la Communauté croate -- le HVO

 11   de la HZ HB, qu'il s'agit là d'un indice permettant de dire qu'ils avaient

 12   l'autorité permettant d'agir et qu'ils ont omis d'exercer leur autorité.

 13   En raison des contraintes de temps -- en fait, j'avais une demi-heure, je

 14   viens de passer quelques minutes sur ce point et j'estime qu'il n'est pas

 15   utile d'aborder encore cette question, que ce soit en réplique ou en

 16   duplique, mais je suis tout à fait disposé à revenir dessus.

 17   Maintenant, je souhaite aborder la toute dernière partie de nos

 18   plaidoiries, et ceci ne pourrait jamais être fait sans l'aide de Mme

 19   Tomanovic, qui est co-conseil dans cette équipe de la Défense.

 20   Le Dr Prlic, comme nous l'avons vu, du fait de sa carrière, et vous l'avez

 21   dans notre mémoire en clôture, et sa carrière était éminente, l'Accusation

 22   dit : "En fait, il ne s'est pas rendu un bon service lorsqu'il a parlé de

 23   toutes ses réalisations."

 24   Tout d'abord, nous ne négligeons pas le fait qu'en effet, c'est une

 25   personne qui a fait énormément de choses, qui était à la une, qui était

 26   sous les feux de la rampe, et qui a engagé son talent au service du public.

 27   Mais revenons un petit peu -- avant de passer à sa carrière, voyons un

 28   petit peu ce qui s'est passé lorsque la guerre menaçait. D'abord, il est


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  1   nommé gouverneur de la république -- de la Banque nationale de la

  2   république afin de mettre en service la nouvelle devise. C'est Boban, en

  3   fait, qui semble l'avoir fait, qui retire cette nomination, mais c'est un

  4   homme quand même compétent, fiable, et c'est un poste assez important. Il

  5   en parle le 5 mai 2008, lorsqu'il s'est exprimé. Page du compte rendu 27

  6   488, vous pourrez, bien sûr, vous pencher sur le témoignage du Témoin 1DAA,

  7   2 juin 2008, pages du compte rendu 28 901 à 28 905.

  8   Donc le 12 septembre 1992, le document 1D 01558, nous voyons une lettre

  9   adressée par le Dr Prlic au président du gouvernement en vue d'étudier

 10   certains documents. Tout ceci est très transparent. Rien n'est dissimulé.

 11   Rien n'est clandestin. Ils ne sont pas dans une cave en train d'essayer de

 12   comploter. Non.

 13   Dans la lettre, il est écrit :

 14   "Etant donné que la vie quotidienne dans les zones libérées demande

 15   que le vide juridique soit rempli, la Communauté croate d'Herceg-Bosna a

 16   été obligée d'adopter des règlements sur ces domaines. Tous ces règlements

 17   ont été adoptés de façon temporaire et se limitent à la période de guerre

 18   et à la période de menace imminente de guerre."

 19   Donc vous avez entendu le témoin. L'Accusation peut interpréter cela

 20   comme elle veut, mais en fait, il y avait des vides juridiques créés. Il

 21   n'y a pas de devise. Il n'y a pas d'argent. Si vous voulez mettre une

 22   amende, mais que l'amende est libellée dans une devise qui n'existe pas,

 23   comment arriver à mettre en œuvre la loi portant sur les amendes ? Et c'est

 24   ainsi pour tous les sujets.

 25   Maintenant, penchons-nous sur le document 1D 02014 et le document 1D

 26   02685. Le premier d est une demande, demande d'avoir une portion du prêt

 27   venant de la Turquie. Donc, là encore, le Dr Jadranko Prlic communique avec

 28   le gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine, et, bien sûr, on


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  1   lui répond. Il s'agit de la pièce 1D 2685. C'est une réponse de l'adjoint

  2   du premier ministre, M. Turajlic. Et il est écrit :

  3   "Demande à bénéficier du prêt de la Turquie."

  4   Et à la fin du document, il est écrit :

  5   "Nous avons étudié avec attention votre demande du 5 octobre. Cet emprunt

  6   n'a pas encore été approuvé."

  7   Ensuite :

  8   "Nous voulons confirmer la décision très ferme du gouvernement de la

  9   RBH, de la République de Bosnie-Herzégovine, d'utiliser cet emprunt afin de

 10   couvrir les besoins nécessaires du fait du conflit armé dans cette région."

 11   Donc, là encore, on voit qu'il participe au fonctionnement du pouvoir.

 12   Maintenant, regardons la pièce 1D 02077, en date du 9 octobre 1992. C'est

 13   un article de presse. Une conférence de presse d'Izetbegovic à Mostar et

 14   son opinion sur les relations entre les Croates et les Musulmans. Donc on

 15   sait qu'Izetbegovic était là-bas, sur place. Et il aborde plusieurs sujets.

 16   En tout cas, dans cet article, c'est ce dont on parle. Evidemment, il

 17   s'agit d'un article de presse, donc il faut être prudent. Faites attention.

 18   Mais voici ce qui est écrit :

 19   "Il a aussi annoncé que des membres d'un comité de coordination seraient

 20   bientôt nommés pour coordonner les opérations militaires entre la Croatie

 21   et la BiH contre l'agresseur conjoint serbo-monténégrin. Les membres de

 22   cette commission ont déjà été nommés du côté croate et du côté de la BiH

 23   comme convenu. Donc il y aurait deux représentants de l'armée de la BiH et

 24   un représentant du HVO. Le HVO nommera son représentant dans un ou deux

 25   jours."

 26   Et il poursuit : 

 27   "Izetbegovic a déclaré que très bientôt, un commandement conjoint des

 28   forces armées de l'armée de la BiH serait mis en place et que ce


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  1   commandement conjoint reprendrait, en fait, les dirigeants de l'armée de la

  2   BiH et du HVO. Le président, ensuite, de la présidence de la HV décrit la

  3   création de ce conseil et déclare que c'est absolument indispensable pour

  4   arriver à une solution aux problèmes en Bosnie-Herzégovine."

  5   Enfin, je vous conseille de lire la totalité du document, mais sur ce

  6   point, nous avons un témoin qui a témoigné, M. Akmadzic. Vous le trouverez

  7   à la page de compte rendu 29 416 vers 29 422 du compte rendu. Sur ce point

  8   -- non, non, il s'agit plutôt des pages 29 438 à 29 440.

  9   Bien. Parlons du financement maintenant. Nous avons deux documents à ce

 10   propos, le 1D 2044 [comme interprété] et le 1D 2948. Je les ai abordés

 11   brièvement hier, mais là encore, on voit qu'une relation existe entre le

 12   HVO de la HZ HB et les autorités de Sarajevo.

 13   Nous avons aussi entendu un M. Primorac qui est venu témoigner. Le document

 14   où sa signature figure est le document 1D 2948, tout comme dans le document

 15   précédent, le 1D 2944. On voit que le budget de la Communauté croate de

 16   Bosnie-Herzégovine sera libellé en dinars. Donc il faut prendre cela en

 17   compte, et il faut aussi prendre en compte le témoignage de M. Primorac aux

 18   pages 29 935 à   29 937. Donc tout ceci porte évidemment sur les comptes

 19   des non-résidants.

 20   Ensuite, au 17 novembre 1992, décision visant à nommer le Dr Prlic en tant

 21   que commissaire, 1D 0898. J'en donne lecture :

 22   "Pour nommer et autoriser le Dr Jadranko Prlic, président du HVO du HZ HB,

 23   pour représenter le gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine."

 24   Le 17 novembre 1992. Nous avons donc ce document. Pour l'accompagner, il

 25   faut se référer au document 1D 02147, qui est un pouvoir donné par -- c'est

 26   un document rédigé par Akmadzic, qui donne pouvoir au Dr Prlic pour

 27   représenter le gouvernement de Bosnie-Herzégovine sur le territoire de la

 28   Communauté croate d'Herceg-Bosna. "Par ce biais, le Dr Prlic, président du


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  1   HVO de la HZ HB, reçoit mandat pour représenter," et cetera, et cetera.

  2   Ceci est daté de novembre, du 11 novembre 1992. Akmadzic fait partie du

  3   gouvernement. Il n'y a pas de documents qui diraient que M. Akmadzic a

  4   outrepassé les pouvoirs qui lui étaient attribués. Donc, là, il est dans le

  5   cadre des pouvoirs qui lui sont attribués, et nous voyons ici la

  6   participation et les limites de la participation du Dr Prlic. Vous devriez

  7   aussi vous référer au témoignage de M. Akmadzic que vous trouverez aux

  8   pages 29 422 à 29 429 du compte rendu d'audience. Vous faites aussi

  9   référence au témoignage de Raguz, où il a parlé du document 1D 00898. Vous

 10   trouverez cela aux pages de compte rendu 31 263 à 31 265. Et aussi, le

 11   témoignage de Damir Zoric. Je crois que c'était notre deuxième ou troisième

 12   témoin. Il a témoigné aux pages de 27 919 à 27 920 du compte rendu

 13   d'audience.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas, il vous reste dix minutes.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien. Très bien. Essayons de conclure.

 16   Je pense que je n'aurais pas le temps de faire des remerciements d'usage,

 17   malheureusement.

 18   J'aimerais aussi attirer votre attention sur ce qui suit : il s'agit des

 19   événements qui ont eu lieu à Medjugorje, donc les événements de Medjugorje.

 20   Vous vous souviendrez sans doute, Messieurs les Juges, d'une réunion qui a

 21   eu lieu le 18 mai 1993, réunion assez importante d'ailleurs. En effet,

 22   c'est la date qui est importante ici. Puisque nous avons cette réunion, il

 23   y a Lord Owen, le président Tudjman, Alija Izetbegovic, Mate Boban, et

 24   d'autres, et lors de cette réunion les choses étaient assez importantes,

 25   c'était censé être le début du VOPP, du plan Vance-Owen, sous une forme ou

 26   une autre. Donc, lors de cette réunion, le Dr Jadranko Prlic reçoit un

 27   pouvoir, où il est nommé afin de pouvoir être premier ministre en exercice.

 28   Nous avons vu des documents d'ailleurs, premier ministre de la BiH. Nous


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  1   avons vu des documents, nous avons entendu des témoins, et tout ceci montre

  2   bien que suite à cette nomination il a essayé, si je puis dire, d'exercer

  3   son mandat, donc il y a toutes sortes de courriers qui suivent et

  4   d'échanges.

  5   Je n'ai pas là le temps de rentrer dans les détails, mais s'il vous plaît,

  6   je vous conseille de vous attarder sur le document 1D 01595, il s'agit du

  7   PV de cette réunion à Medjugorje, étudiez-le en parallèle avec les

  8   documents 1D 02404 et le P 02441, étudiez-le aussi avec les documents 1D

  9   01520, 1D 01587, 1D 01586. Ça c'est la nomination. Ensuite, les pièces 1D

 10   01596, 1D 01598, 1D 01597, 1D 01999, et surtout le document 4D 0766, c'est

 11   ce document, ce dernier-là qui m'intéresse plus particulièrement, et je

 12   vais en parler, car ici on assiste à la réaction d'Halilovic. Halilovic,

 13   qui est du côté militaire, ne veut absolument pas appliquer ce programme,

 14   il n'est pas d'accord. On le voit dès le départ, premier paragraphe :

 15   "Après avoir analysé la situation après l'adoption du plan des grandes

 16   puissances pour résoudre la crise dans la République de Bosnie-Herzégovine,

 17   le SVK de la RBH a fait une analyse et a conclu que tout en étant d'accord

 18   avec le commandant Suprême et le président de la présidence n'est pas

 19   d'accord avec la proposition visant à adopter cette nouvelle situation et

 20   les circonstances."

 21   Donc, là, on voit le commandant chef militaire qui dit aux civils :

 22   "Finalement, on n'aime pas du tout ce que vous faites, on n'est pas

 23   d'accord, nous avons une contre-proposition," et ensuite il poursuit et il

 24   vous faut étudier la pièce 1D 01600 et la pièce 1D 02323. Il s'agit d'une

 25   déclaration publique du Parti démocratique musulmano-croate à propos de cet

 26   accord de Medjugorje. Donc il s'agit du document 2322. Ensuite, le document

 27   1D 01589. Lettre d'une dénommée Turkovic, Bisera Turkovic, qui était

 28   ambassadrice de Croatie en BiH. Document ensuite 1D 01601. Et document 1D


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  1   01602; vous avez une lettre du Dr Prlic à Izetbegovic et à Boban, à propos

  2   des consultations nécessaires pour les nominations au gouvernement. Mais en

  3   conséquence -- enfin il semble qu'Halilovic ne voulait pas qu'il y ait

  4   d'accord conclu, et pour ce, référez-vous à la pièce 4D 00766. Là c'est

  5   l'attaque de l'ABiH et ses conséquences. Penchez-vous aussi sur le document

  6   2D 01407.

  7   Mon dernier sujet maintenant, mais je serai extrêmement bref, bien sûr, un

  8   témoin est venu, le Témoin DZ, il est venu à la barre. Il a été très

  9   bavard; il disait parfois de bonnes choses, d'autres qui étaient moins

 10   bonnes. L'un des témoins l'a critiqué car il aurait voulu en fait se faire

 11   voir sous un bon jour pour les caméras. Mais en tout cas, il nous a quand

 12   même appris certaines choses, car lorsqu'il est venu ici, il avait ses

 13   propres documents, ses propres liasses de documents, la plupart des témoins

 14   arrivent ici avec leurs documents de toute façon, bien même que les parties

 15   essaient d'être diligentes, ils ont tous leurs documents, et en étudiant

 16   ces documents on a vu que ce monsieur a été clandestinement en contact avec

 17   M. Prlic pour essayer clandestinement de résoudre la situation à Mostar,

 18   donc ce serait une espèce de diplomatie par navette qui aurait lieu.

 19   Donc DZ déclare qu'il est là pour faire l'intermédiaire entre le Dr Prlic

 20   et M. Silajdzic. Veuillez, s'il vous plaît, vous référer aux pages 26 682 à

 21   26 685 du compte rendu, et étudiez aussi les documents 1D 02097 et 1D

 22   02098. J'en parle parce qu'il s'agit d'une personne qui travaille avec une

 23   organisation internationale qui contacte le Dr Prlic. Le Dr Prlic serait

 24   maintenant en contact avec M. Silajdzic, donc on voit du fait de tous les

 25   efforts qui sont déployés par la suite à Mostar, donc du fait qu'il ait ces

 26   contacts, ce Dr Prlic serait dans tous les pouvoirs. Le Dr Prlic serait-il

 27   vraiment une personne qui voudrait voir une BiH pour tous, pour les trois

 28   nations constitutives, prêt à tout faire pour cela, prêt à risquer sa peau


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  1   pour cela ? Alors qu'en ce qui concerne Mostar, là il s'agit de quelque

  2   chose de parfaitement clandestin, donc personne ne sait rien. Donc nous

  3   avons encore un autre témoin qui est venu à la barre, le Témoin BF, et lui

  4   -- j'aimerais finir ma phrase, s'il vous plaît, Monsieur le Président. Donc

  5   le Témoin BF est venu ici et a dit que le Dr Prlic était un peu fourbe, en

  6   fait. On ne pouvait jamais obtenir de bonne réponse, une réponse claire de

  7   sa part. (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11   Lorsqu'on étudie de près ce document, on comprend bien qui est le Dr Prlic,

 12   ce qu'il essayait de faire, comment il essayait d'être une force positive,

 13   donc on ne voit certainement pas une crapule tel que l'a décrit

 14   l'Accusation la semaine dernière.

 15   Je tiens à vous remercier, Messieurs les Juges, Monsieur le Président,

 16   merci de m'avoir donné cette minute supplémentaire, bien sûr, et je tiens

 17   aussi à vous remercier pour ces cinq dernières années, pour votre patience

 18   au cours de ces cinq dernières années. Je sais que j'ai souvent beaucoup

 19   demandé de votre patience. Mais je tiens à remercier tout le monde et à

 20   remercier aussi Mme Tomanovic qui m'a énormément aidé.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors pour la Défense, M. Stojic. Maître Nozica,

 22   êtes-vous prête à commencer, ou Maître Khan, ou je ne sais pas.

 23   M. KAHN : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes prêts.

 24   J'aimerais juste pouvoir emprunter le pupitre à mon éminent confrère.

 25   M. STRINGER : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre, mais

 26   puisque nous sommes à un moment -- je viens juste de recevoir un e-mail, et

 27   je pense qu'il faut une expurgation au compte rendu. Une référence a été

 28   faite par inadvertance bien sûr, mais nous devons avoir une expurgation.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame le Juriste de la Chambre, vérifiez ça,

  2   et vous m'indiquez tout de suite, page et ligne. Je crois que ça doit être

  3   juste avant la fin.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Page 51, ligne 21.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement. 51, lignes 20 à 22.

  6   Bien.

  7   [Plaidoiries de la Défense Stojic]

  8   M. KAHN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

  9   Messieurs les Juges.

 10   En ce qui concerne les cinq heures qui viennent, voici comment nous allons

 11   procéder. Je vais prendre la parole jusqu'à la pause. Et après la pause,

 12   normalement, ce sera Mme Nozica qui prendra la relève jusqu'à la fin de la

 13   journée, et demain, nous partagerons encore le temps restant.

 14   On peut très certainement dire que l'une des caractéristiques principales

 15   de cette affaire est l'entreprise criminelle commune qui est alléguée par

 16   l'Accusation. Moi, je n'ai jamais été vraiment fanatique de cette doctrine

 17   de l'entreprise criminelle commune, même lorsque j'étais membre de

 18   l'Accusation, ni maintenant que je suis dans la Défense. Et tout cela,

 19   parce que je considère qu'il faut prendre le Statut au pied de la lettre.

 20   Article 7(1) décrit en effet les modes de participation. Mais pour le

 21   meilleur ou pour le pire, la doctrine de cette entreprise criminelle

 22   commune, ECC, fait partie de toute façon du paysage ici, même si elle a été

 23   rejetée par la Cour pénale internationale. Mais il y a eu des fluctuations

 24   quand même dans la portée même de l'ECC suite à l'étude de la jurisprudence

 25   de ce même Tribunal, de notre Tribunal. Donc je pense qu'on peut dire qu'on

 26   a atteint le seuil, et heureusement, maintenant nous sommes à l'équillage

 27   [phon] et nous revenons à des niveaux beaucoup plus simples.

 28   Mais ce qui est évident, et ici cela vient de l'appel Brdjanin, c'est que


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  1   cette doctrine ne doit pas être appliquée pour obtenir toujours conviction

  2   pas association. Ça ne suffit pas, condamnation par association. Ça ne

  3   suffit pas. Tous les éléments du délit doivent être prouvés par

  4   l'Accusation. Il s'agit donc ici que tout est contesté. La Défense de Bruno

  5   Stojic nie absolument tout en bloc, mis à part ce qui a fait le cadre d'un

  6   plaidoyer au départ.

  7   Donc, à part le problème de cette entreprise criminelle commune, un autre

  8   défaut de cette doctrine c'est qu'elle permet d'exclure toute autre

  9   théorie. Finalement, tout est réduit à la xénophobie, la haine, le racisme

 10   virulent, et toute la panoplie des motivations humaines semble être écartée

 11   de revers de main, par une notoriété publique, vous le savez en tant que

 12   Juges professionnels, que l'on est tous motivés par différentes choses.

 13   Certains individus ont des opinions idéalistes, mais pragmatiques aussi, en

 14   ce qui concerne la politique et la solution politique. Et d'autres

 15   personnes, peut-être plus nobles, peuvent éventuellement montrer le

 16   meilleur d'eux-mêmes lorsque la guerre éclate. Mais on a vu aussi, dans la

 17   jurisprudence de ce Tribunal, et on l'a vu de par l'histoire, que la guerre

 18   aussi fait naître des opportunistes, des profiteurs de guerre, des

 19   idéologues. La guerre a tendance à faire naître le meilleur et le pire de

 20   la nature humaine.

 21   Mais à l'étude de cette doctrine de l'entreprise criminelle commune, je

 22   pense qu'il est essentiel de se pencher principalement sur les faits, sur

 23   les faits proposés par l'Accusation. Donc ce n'est absolument pas ici

 24   l'argument de la chaise vide dont a parlé mon éminent confrère M. Scott

 25   lors de son réquisitoire, mais c'est la vérité tout simplement, bien avant

 26   que l'acte d'accusation ne soit dressé. Et l'architecte présenté par

 27   l'Accusation, donc Tudjman, Boban, Bobetko, eh bien ils ne sont pas là dans

 28   le prétoire aujourd'hui. Et parfois, cette affaire traînait tellement que


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  1   j'avais l'impression que nous non plus, on ne serait plus là. On

  2   n'arriverait jamais au réquisitoire et à la plaidoirie. Fort heureusement,

  3   ce procès va enfin se terminer.

  4   Mais l'autre point essentiel à prendre en compte, si on réduit tout à la

  5   haine et au racisme, la persécution et l'intention discriminatoire, je

  6   pense que c'est à l'histoire d'en décider. Ici on veut transposer les

  7   normes d'aujourd'hui à ce qui s'est passé dans les années 1990. Souvenez-

  8   vous, la Guerre froide venait de se terminer, toute la communauté devait

  9   relever un défi énorme, non seulement les diplomates, qui étaient

 10   chevronnés quand même, et on pensait au peuple de l'ex-Yougoslavie qui

 11   essayait de trouver une solution à leur pays qui vient de se désintégrer,

 12   qui pendant trop longtemps avait été soumis à un régime extrêmement

 13   autoritaire et même peut-être totalitaire.

 14   Mon éminent confrère M. Scott a dit à la fin de son réquisitoire que vous

 15   aviez enfin votre meilleure occasion de dire : "Plus jamais ça." Mais ce

 16   Tribunal n'est pas un tribunal pour la justice pénale internationale,

 17   panacée pour tous les problèmes du monde. Et malheureusement, la réalité,

 18   c'est que l'Europe n'a pas encore réussi à trouver son chemin. Et cette

 19   Europe qui n'avait pas encore réussi à retrouver son chemin a autorisé ce

 20   qui s'est passé au début de 1990 en Europe, et d'ailleurs un grand nombre

 21   de commentaires ont dit que ce Tribunal ne pouvait qu'échouer. C'était une

 22   feuille de vigne créée par certains pays pour montrer que oui, ils

 23   voulaient essayer de faire quelque chose pour essayer de dissimuler

 24   l'inaction des soi-disant superpuissances européennes.

 25   Mais je vous donne tous ces éléments de contexte, et je pense qu'il faut

 26   absolument les prendre en compte lorsqu'on étudie cette affaire. Mais avant

 27   de passer au fond, il faut aussi rappeler les principes essentiels en ce

 28   qui concerne les éléments de preuve qui sont absolument utiles pour essayer


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  1   d'évaluer et de trouver son chemin dans les piles de documents que vous

  2   allez devoir étudier.

  3   Tout d'abord, il faut  se pencher sur les faits jugés dans le cadre

  4   d'autres procès. J'ai eu l'impression que ces faits jugés, parfois, sont

  5   récités comme une incantation rituelle, comme s'ils permettaient, en fait,

  6   d'écarter les faits. Mais ce n'est absolument pas le cas, car tout est

  7   contesté. L'Accusation doit à tout moment établir au-delà de tout doute

  8   raisonnable les faits qui permettront d'étayer les chefs d'accusation

  9   allégués contre mon client.

 10   Messieurs les Juges, l'arrêt Milosevic et la jurisprudence en

 11   l'espèce est claire, ces éléments de preuve sont tels qu'ils peuvent

 12   parfois être remis en doute, remis en cause. Tout dépend, en fait, des

 13   éléments de preuve proposés par la Défense.

 14   En fait, ici, vous avez un cas d'espèce où l'on parle de la Croatie.

 15   C'est l'affaire où il y a le plus de documents, le plus de témoins, et nous

 16   avons la chance de bénéficier d'un panel de Juges extrêmement chevronnés.

 17   Et j'aimerais que vous soyez extrêmement lents dans votre analyse, s'il

 18   vous plaît, parce que vous allez devoir parcourir énormément de documents,

 19   et vous ne pouvez pas uniquement vous baser sur les conclusions et les

 20   constatations d'autres Chambres, car ils sont arrivés à ces conclusions et

 21   à ces constatations en bénéficiant de beaucoup moins d'éléments de preuve

 22   qui ont été moins scrutés de près.

 23   Ensuite, deuxièmement, comment traiter les éléments de preuve

 24   présentés par d'autres, par les co-accusés. Le Dr Prlic, par exemple, a

 25   fait sa déclaration. Or, je pense qu'il est un des principes de droit

 26   humanitaire que les éléments de preuve présentés par un co-accusé ne

 27   peuvent pas être utilisés pour charger un autre accusé, à moins que celui-

 28   ci ait pu confronter ces éléments de preuve et ait pu les contester.


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  1   Malheureusement, nous n'avons pas réussi, nous n'avons pas obtenu cela dans

  2   le cas de M. Prlic. Nous avions mis 20 heures de côté, 20 heures quand

  3   même, pour cela. Il y avait 20 heures mises de côté pour que M. Prlic

  4   témoigne. Il a eu ces 20 heures, mais il a décidé, et c'est son droit, de

  5   renoncer à ce droit à témoigner, et donc nous n'avons pas pu le contre-

  6   interroger au bénéfice de M. Stojic pour contester, en fait, tous les

  7   éléments de preuve que nous contestons.

  8   Je n'ai pu que sourire lorsque M. Scott nous a parlé du fait de faire

  9   endosser la responsabilité à l'un ou à l'autre, puisqu'il a déclaré avoir

 10   remarqué qu'il y avait cette tendance parmi les équipes de la Défense, mais

 11   je me souviens d'un grand nombre de fois où l'Accusation s'est levée

 12   lorsqu'il y a eu des problèmes à propos du temps alloué. Ils disaient : "Il

 13   n'y a qu'une Défense ici. Nous, nous sommes l'Accusation et nous faisons

 14   face à une seule Défense. Donc la Défense ne devrait pas avoir autant de

 15   temps pour se défendre." Mais il y a évidemment des lignes de faille. Il y

 16   a des différences entre les différents accusés. Il y a des frictions entre

 17   les accusés aussi, c'est évident, mais c'est à vous maintenant de décider

 18   si tous les récits sont faux ou s'il y a un récit au moins qui mérite qu'on

 19   s'y attarde et qui représente la vérité.

 20   Maintenant, pour ce qui est des généraux Praljak et Petkovic, bien

 21   sûr, eux, ils ont décidé de témoigner puisque c'est leur droit et ils ont

 22   été contre-interrogés de façon assez longue. L'un des principes employés

 23   c'est que lorsque vous évaluerez les éléments de preuve venant de leurs

 24   témoignages et de leurs déclarations préalables, sachez que les éléments de

 25   preuve ou les déclarations allant contre l'intérêt devraient mieux être

 26   acceptés par les Juges que les éléments de preuve qui essaient de faire

 27   porter le chapeau à l'autre accusé. Et lorsque vous remarquez, en fait, que

 28   dans les témoignages d'un des accusés il y a une tendance à essayer de


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  1   faire porter le chapeau à un autre accusé, il faudrait essayer de bien

  2   réfléchir et de se demander s'il s'agit bien de la vérité qui est dite ou

  3   si cette personne témoigne uniquement dans son propre intérêt pour essayer

  4   de se sauver. Il sera à vous, bien sûr, d'en décider.

  5   En ce qui concerne M. Stojic, sachez, Messieurs les Juges, que nous

  6   n'acceptons pas l'opinion de M. Karnavas, qui a dit qu'il n'allait pas vous

  7   demander de le suivre parce qu'il était trop tard. Absolument pas. Nous ne

  8   sommes pas d'accord. Nous espérons que vous allez écouter notre plaidoirie

  9   et nous espérons vraiment vous persuader, vous permettre de comprendre le

 10   cas, vous savez, d'arriver à la conclusion que cette affaire qui est si

 11   longue n'est pas si simple. Elle est bien moins simple que ce que vous a

 12   présenté l'Accusation.

 13   Quel est vraiment l'essentiel de cette affaire ? Je pense que c'est

 14   très clairement énoncé dans le mémoire en clôture de l'Accusation. Ce

 15   procès est à propos de la responsabilité pénale individuelle de chacun des

 16   accusés pour le rôle qu'ils auraient joué dans le projet visant à créer une

 17   entité majoritairement croate, la Communauté croate d'Herceg-Bosna, sur le

 18   territoire de la Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la Grande-Croatie.

 19   Donc c'est l'affaire Grande-Croatie. C'est ainsi qu'on l'a appelée depuis

 20   cinq ans. C'est une théorie qui paraît plus ou moins plausible si on

 21   interprète les éléments de preuve d'une certaine façon, mais est-ce la

 22   vérité ? Lorsqu'on étudie la réalité des faits, s'agit-il vraiment de cette

 23   affaire de Grande-Croatie ? Absolument pas. En tout cas, ce n'est pas notre

 24   argument.

 25   L'Accusation a dit, et je cite M. Scott :

 26   "En ce qui concerne ces accusés, ils étaient peut-être des bons

 27   paroissiens qui allaient à la messe tous les dimanches, mais lorsqu'ils

 28   faisaient ce qu'ils faisaient, lorsqu'ils planifiaient, instiguaient,


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  1   promouvaient et ordonnaient le nettoyage ethnique, il s'agissait de

  2   crapules. Des crapules."

  3   C'est un adjectif assez violent, mais la Défense considère qu'il y a

  4   peu d'éléments de preuve pour étayer tout cela.

  5   Lors du réquisitoire, M. Scott a fait référence à toutes sortes

  6   d'autorités, le président Cassese, Hannah Arendt, "La banalité du mal", le

  7   procès Eichmann, et cetera, mais si, comme ils l'ont dit, le comportement

  8   est un miroir où chacun reflète sa propre image, qui est Bruno Stojic ? Qui

  9   est cet homme qui est assis dans ce box depuis si longtemps ? Est-ce un

 10   homme qui était prêt à commettre ces actes ignobles allégués par

 11   l'Accusation, ou ne serait-ce pas plutôt que l'Accusation, voulant

 12   absolument prouver qu'elle avait raison, ayant des motifs, certes, très

 13   nobles, essayant de tout interpréter à leur rôle ?

 14   Moi, je viens du Pakistan, et au Pakistan, il y a un proverbe qui dit

 15   : Quand on a la jaunisse, tout a l'air jaune. En effet, nous considérons

 16   que l'Accusation est tellement attachée à sa théorie, à ses certitudes, ils

 17   sont tellement certains d'avoir raison qu'ils n'ont pas voulu prendre un

 18   peu de recul pour envisager éventuellement d'autres théories, et c'est

 19   l'erreur fondamentale qui a été commise en l'espèce. Et la Défense de M.

 20   Stojic vous demande, Messieurs les Juges, de ne pas tomber dans ce piège.

 21   Avant de poursuivre, à quelle heure se prend la pause, s'il vous plaît,

 22   Monsieur le Président, afin que je puisse gérer mon  temps ?

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Normalement, c'est toujours autour de 12 heures 30.

 24   A 12 heures 30. Donc --

 25   M. KHAN : [interprétation] Très bien. Donc je vais essayer de faire un bon

 26   bout de chemin au cours de cette demi-heure.

 27   L'Accusation, justement, avec justesse d'ailleurs dans leur réquisitoire

 28   très émouvant, nous ont parlé des victimes en l'espèce, et il est vrai, au


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  1   vu des faits, que cette histoire est tragique. C'est une histoire qui ne

  2   peut que vous prendre aux tripes. C'est une tache sur la conscience

  3   humaine. C'est une tache, le fait qu'à cet âge soi-disant raisonnable, de

  4   telles tragédies, de tels crimes, de telles horreurs puissent exister.

  5   Bruno Stojic nous a demandé d'ailleurs, de façon très claire et très nette,

  6   nous a demandé non pas de présenter des incantations qui seraient civiques

  7   ou opportunistes pour expliquer tout le regret devant ces souffrances, mais

  8   Bruno Stojic nous a demandé expressément de dire que du fond du cœur, cette

  9   histoire a compté, cette souffrance infligée à tous dans l'ex-Yougoslavie,

 10   les Croates, les Serbes, les Musulmans. Ça l'a ému du fond du cœur. Nous ne

 11   prenons pas ça à la légère lorsque nous disons de façon univoque qu'il

 12   n'est coupable d'aucun chef qui lui sont reprochés dans l'acte

 13   d'accusation.

 14   Un grand nombre de témoins ont été présentés par la Défense, et je ne vais

 15   pas répéter les commentaires de M. Karnavas à propos des témoins

 16   disponibles, mais lorsqu'on essaie d'évaluer la personne de M. Stojic, il

 17   faut bien savoir que lorsque l'Accusation a parlé de deux témoins

 18   musulmans, ils ont été cités par M. Stojic. Il s'agissait de deux Bosniens,

 19   deux officiers musulmans de Bosnie, qui sont venus en audience publique,

 20   sachant quelles sont les charges reprochées aux accusés. Ils sont venus ici

 21   pour parler au nom de Bruno Stojic.

 22   Donc personne n'a le monopole de la souffrance, vous le savez. Donc,

 23   quoi que pense l'Accusation, ils n'ont pas le monopole de la souffrance.

 24   Mais il serait arrogant de notre part, bien sûr, de penser que nous

 25   disposons de plus d'empathie que des individus qui se sont mis en danger

 26   pour combattre contre l'injustice, contre les souffrances qui étaient

 27   infligées aux populations de Bosnie-Herzégovine. Lorsque vous évaluerez le

 28   poids à accorder aux éléments de preuve apportés par ces témoins, nous vous


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  1   demandons expressément de prendre en compte qu'ils ont témoigné en audience

  2   publique, sans mesures de protection. Il s'agit du général Hamid Bahto, il

  3   est à Sarajevo et il vit normalement à Sarajevo, et il a été très ferme

  4   dans ses commentaires. Il n'y a eu aucune ambiguïté dans ce qu'il a dit à

  5   propos de Bruno Stojic.

  6   Le général Makar, lui aussi, a témoigné de la sorte. Bien sûr, c'est un

  7   Croate, mais il faisait partie de l'"armija".

  8   Nedzad Cengic, un Musulman, a lui aussi témoigné, et vous vous souviendrez

  9   de ses mots, j'en suis sûr, et j'y reviendrai d'ailleurs.

 10   Avant le conflit ou après le conflit, cet homme n'a jamais eu la moindre

 11   tendance à la discrimination. Il n'a jamais montré le moindre sentiment

 12   anti-Musulman, alors que l'Accusation voudrait vous faire croire qu'ils

 13   n'étaient pas objectifs.

 14   Ensuite, Davor Korac, qui était le supérieur direct de Bruno Stojic

 15   lorsqu'il était au ministère de l'Intérieur, est venu pour témoigner, vous

 16   vous en souviendrez. Et vous savez qu'au cours de son séjour au ministère

 17   de l'Intérieur, Bruno Stojic fréquentait des Serbes, des Croates, des

 18   Musulmans, et nous avons des exemples où M. Stojic est avec Delimustafic et

 19   avec d'autres personnes. Vous trouverez ça lors de son témoignage le 2

 20   avril 2009. Je ne vais pas vous donner les références du compte rendu, mais

 21   c'est dans notre mémoire en clôture.

 22   Ce n'est pas la seule fois qu'il ait fait ce type de fréquentations. Bien

 23   sûr, une hirondelle ne fait pas le printemps, vous le savez. Tomislav

 24   Kvesic, un ami, bien sûr, un ami de Bruno Stojic, nous sommes d'accord,

 25   mais il est venu témoigner lui aussi. Il a été contre-interrogé et il est

 26   venu expliquer qu'avant la guerre, Bruno Stojic avait d'excellents amis qui

 27   venaient de toutes les régions et qui étaient de toutes appartenances

 28   ethniques. Il y avait des Serbes, il y avait des Musulmans. Il est venu


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  1   témoigner ce même jour. Il a employé des Musulmans dans les services

  2   publics. Donc ces éléments de preuve, l'Accusation peut éventuellement dire

  3   qu'il s'agissait d'amis, donc c'est normal qu'il dise ce genre de chose,

  4   mais il faut quand même le prendre en compte, car il s'agit d'éléments de

  5   preuve fiables, authentiques, auxquels on peut accorder du crédit, car

  6   c'est la vérité, il y a trois témoins, surtout lorsque l'on voit ça par

  7   rapport à ce qu'ont dit trois autres témoins.

  8   Le général Hamid Bahto est venu en toute confiance ici. Il nous a dit :

  9   "Je suis venu ici de mon propre chef, délibérément, sans avoir été obligé

 10   par qui que ce soit de venir. Je suis venu pour témoigner au bénéfice de

 11   cet homme qui a aidé mon peuple, mon peuple, en 1992 et 1993."

 12   Donc ce n'est pas des éléments de preuve insignifiants que l'Accusation

 13   voudrait écarter. Absolument pas. Pour nous, ce sont des éléments de preuve

 14   essentiels, et ce, pour deux raisons qui portent sur la nature des

 15   relations de Stojic et ses motivations. Voici ce qu'ils disent -- enfin,

 16   l'Accusation déclare qu'il s'agit d'une personne raciste motivée par la

 17   haine, par l'arrogance, ou s'agit-il d'une autre personne ?

 18   Puis, c'est aussi essentiel sur l'élément d'aide matérielle apportée par la

 19   Communauté croate d'Herceg-Bosna à l'ABiH, et cela porte aussi, bien sûr,

 20   sur la fameuse théorie de la Grande-Croatie qu'allègue l'Accusation.

 21   Le mémoire en clôture de la Défense est parsemé d'exemples où l'on voit

 22   l'intervention de M. Stojic et ses interactions avec les Musulmans. Je vais

 23   vous donner un exemple. Il ne les écarte pas, il ne les néglige pas, il ne

 24   les méprise absolument pas, ses frères musulmans. Il les aide, il en a

 25   promu. Il a nommé Ramo Omanovic en tant que commissaire chargé des affaires

 26   médicales à Mostar. Anton van Grinten, l'observateur des Nations Unies, est

 27   extrêmement clair, il dit qu'il n'a jamais entendu Bruno Stojic parler de

 28   façon péjorative des Musulmans.


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  1   Malgré tout cela, l'Accusation s'entête à vous faire croire qu'ils ne se

  2   sont pas trompés. Lors de leur réquisitoire et dans leur mémoire en

  3   clôture, lorsqu'ils abordent le sujet de Bruno Stojic, la première chose à

  4   laquelle ils se raccrochent, c'est le fameux ou le compte rendu notoire, si

  5   je peux dire. Or, la Défense, le plus vigoureusement possible, a essayé de

  6   vous montrer quelle est la réalité de ce compte rendu. Il ne s'agissait pas

  7   d'une conversation sérieuse. On ne peut pas y accorder le moindre crédit.

  8   L'Accusation continue et poursuit et s'entête à dire que c'est une

  9   conversation essentielle qui permet de mieux comprendre les motivations de

 10   Bruno Stojic, parce qu'ils allèguent que ça ne peut pas être une pure

 11   coïncidence, le fait que cette conversation ait lieu parallèlement à la

 12   réunion de Boban avec Karadzic à Graz.

 13   Mais que se passait-il ? Qu'est-ce qui a été convenu à Graz

 14   exactement ? Voyons ce qu'allègue l'Accusation dans leur mémoire en clôture

 15   pour essayer de comprendre leur théorie en ce qui concerne la nature de cet

 16   accord. Ils font beaucoup d'hypothèses, de conjectures, et cetera, mais

 17   quels sont les éléments de preuve ?

 18   De la vue de la Défense, ces éléments de preuve n'étayent absolument pas la

 19   thèse de l'Accusation. D'ailleurs, leur propre témoin Josip Manolic, qui

 20   était leur témoin à eux et pas le nôtre - c'est leur témoin qu'ils ont cité

 21   eux-mêmes - et ce témoin a dit que les parties étaient convenus de ne pas

 22   être d'accord. C'est vraiment le moment essentiel sur lequel compte

 23   l'Accusation pour obtenir une condamnation de Bruno Stojic, mais regardez

 24   le texte. Penchez-vous sur le texte, il n'étaye absolument pas les

 25   allégations de l'Accusation. A part les références très claires aux

 26   familles auxquelles a fait allusion M. Ken Scott, il est évident que cette

 27   conversation n'est pas une conversation sérieuse. Les premières trois pages

 28   peuvent être écartées jusqu'à ce que M. Stojic prenne l'appel téléphonique.


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  1   Mais qu'est-ce que ça montre ? Cela montre que certains participants

  2   parfois peut-être s'expriment de façon peu plaisante envers d'autres, mais

  3   le fait que Bruno Stojic ait participé ou ait parlé au téléphone avec des

  4   personnes qui ont des opinions déplaisantes ne peut pas être utilisé contre

  5   lui. Ce n'est pas des éléments de preuve. Le compte rendu, bien sûr, est la

  6   pièce P 00185. Il est vrai qu'il y a un commentaire épouvantable de Mandic

  7   où il parle d'un nouveau Sarajevo où il y aurait plus de mosquées ni de

  8   synagogues. Mais est-ce que Bruno Stojic reprend ce commentaire horrible,

  9   odieux ? Est-ce qu'il saisi l'occasion pour révéler sa personnalité si

 10   raciste que ça ? Absolument pas. Il change le sujet. Il passe à autre

 11   chose. "Pourquoi tirez-vous là-bas ? Pourquoi tirez-vous là-bas ?" Donc, il

 12   change le sujet, et il dit : "Y a-t-il une solution pacifique ?" C'est

 13   clair. Il ne parle pas d'une solution n'importe où. Il parle de Sarajevo.

 14   Il parle de Sarajevo. "Y a-t-il une solution pacifique à Sarajevo ? Y a-t-

 15   il une solution, une issue pacifique au problème de Sarajevo ?" Et

 16   l'Accusation l'écarte de la main, l'écarte de revers de main, et dit : Non,

 17   ne prenez pas ça en compte, car notre théorie est la bonne. Stojic dit :

 18   "Vous ne pouvez pas aller dans la vallée de la Neretva," et l'Accusation

 19   dit : Ah, dans ce cas-là c'est parce qu'ils ont fait affaire, un côté pour

 20   les Serbes, un côté pour les Croates, et les Musulmans au milieu, mais

 21   Stojic dit : Ne vous approchez pas. Ne vous approchez pas de la vallée de

 22   la Neretva. Et l'Accusation n'a absolument pas relevé bien sûr ces éléments

 23   de preuve s'ils n'allaient pas dans leur sens.

 24   Ensuite, on parle d'une réunion. Mandic dit : "D'accord. Il se pourrait

 25   qu'il y ait un accord." Mais Bruno Stojic ne dit pas : Je suis au courant

 26   de la réunion. Je sais qu'il se passe quelque chose. Il dit : "Mais je ne

 27   sais pas. J'en ai aucune idée." Et plutôt que d'enfin découvrir une

 28   alliance bien pratique entre une conspiration entre Serbes et Croates pour


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  1   dévorer une bonne fois pour toutes les Musulmans en Bosnie-Herzégovine,

  2   qu'est-ce que cela révèle finalement ? Cela révèle que Bruno Stojic dit à

  3   Mico Stanisic : "Parle à ce dingue, à ton dingue. Il en peut plus, il est

  4   hors de lui, véritablement hors de lui. Sérieusement." Et ce dingue, c'est

  5   Karadzic. On ne peut pas dire qu'ils soient amis. On ne peut pas se baser

  6   pour dire qu'ils sont d'accord, et Bruno Stojic continue et il dit : "Mais

  7   attend, Karadzic doit arrêter de rêver tout haut."

  8   Donc, rien n'étaye la thèse de l'Accusation, et sur cet élément de preuve

  9   qui selon eux quand même est l'élément de preuve suprême, parce que d'après

 10   eux c'est là que commence la responsabilité de Bruno Stojic.

 11   Maintenant, pour ce qui est de la Banovina, dans vos dossiers vous avez des

 12   différents documents, le premier étant une carte de la banovina de 1939.

 13   Pièce P 09276.

 14   Il est évident qu'en Bosnie-Herzégovine, en tout cas en ce qui concerne les

 15   Croates de Bosnie-Herzégovine, la question de la Banovina fait partie de

 16   l'histoire. Mais Stanisic déclare -- et ça, vous le trouverez en bas, aux

 17   trois quarts de la page 4 de ce fameux compte rendu dont nous parlons, de

 18   cette conversation -- étudiez la carte en même temps. "Nous vous donnerons

 19   Visoko, Vares, Kakanj, Zenica. Nous vous les donnerons." Et Bruno Stojic

 20   déclare : "Vous ne pouvez nous donner ce qui nous appartient, la Banovina

 21   de 1939."

 22   L'Accusation étaye toute sa théorie en disant qu'il s'agit ici de la

 23   Banovina de 1939, et l'Accusation semble dire que c'est un document

 24   sérieux, et s'il considère que Bruno Stojic n'est motivé que par cela, eh

 25   bien dans ce cas-là, ces régions devraient se retrouver dans le périmètre

 26   de la Banovina de 1939. Or, elles ne le sont pas. Elles ne le sont pas.

 27   Donc, ce compte rendu de cet entretien doit être analysé avec

 28   circonspection.


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  1   Pardonnez-moi, je suis beaucoup trop long, Messieurs les Juges. Par

  2   exemple, si on évoque l'accord de Karadjordjevo et c'est l'incidence que ce

  3   soit Karadjordjevo sur la politique de Tudjman, beaucoup d'arguments

  4   peuvent être avancés, étayés par des documents. Mais ce qui me frappe,

  5   c'est que si cet accord a véritablement été conclu, pourquoi la Bosnie

  6   existe-t-elle ? Pourquoi la Bosnie-Herzégovine existe-t-elle aujourd'hui ?

  7   Qui était le chevalier prêt à se précipiter pour sauver le peuple

  8   d'Herzégovine en 1991, 1992 et 1993 ? Personne. Les éléments de preuve sont

  9   très clairs. La Bosnie ne disposait pas d'armes, n'avait pas de ressources

 10   -- peu de ressources et mal préparés. C'est ceci dans une grande mesure,

 11   associé aux attaques de la JNA contre la Croatie depuis le territoire de

 12   Bosnie, et Alija Izetbegovic qui a dit que "ceci n'est pas notre guerre,"

 13   et ensuite les Croates de Ravno qui sont attaqués, et personne ne vient à

 14   leur aide, qui a donné lieu à la formation de la Communauté croate

 15   d'Herceg-Bosna. Mais, Messieurs les Juges, si un tel accord a été passé,

 16   est-ce que quelqu'un est en train de dire sérieusement et de façon non

 17   passionnée, objective et avec du bon sens, est-ce que quelqu'un dit en

 18   réalité que Belgrade et Zagreb n'auraient pas pu dévorer vivant la Bosnie-

 19   Herzégovine, et cela n'existerait pas aujourd'hui. L'existence même de la

 20   Bosnie-Herzégovine est la meilleure preuve que cet accord n'a jamais

 21   existé. Ceci a remplacé la légende. Ceci a maintenant le statut d'une

 22   légende et un statut mythique et on lui accorde une importance beaucoup

 23   trop importante.

 24   Messieurs les Juges, après ces accords, après Karadjordjevo, pourquoi ces

 25   conflits incessants entre les Serbes et les Croates de la Communauté

 26   d'Herceg-Bosna ? Pourquoi ? Ce conflit même dément l'existence d'un tel

 27   accord. Et de même, pourquoi la Communauté croate d'Herceg-Bosna, pourquoi

 28   la Croatie a-t-elle continué à fournir son aide à la Bosnie-Herzégovine ?


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  1   C'est cette même aide qui a permis à la Bosnie-Herzégovine de rester en vie

  2   dans ces moments difficiles. Les témoins de l'Accusation ont accepté de

  3   dire que 80 % ou 90 % des munitions, des combustibles, des différents

  4   équipements qui ont permis au cœur de la Bosnie de continuer à battre sont

  5   passés par le territoire croate. Pourquoi ceci est-il arrivé si en réalité

  6   cette idée existait, à savoir d'annexer la Bosnie-Herzégovine et de placer

  7   les Bosniaques au milieu de la Neretva ?

  8   Messieurs les Juges, une théorie, pour autant qu'elle ait été très élaborée

  9   pour autant qu'elle soit le résultat de nombreuses heures d'analyse ne

 10   doivent pas être acceptée simplement parce qu'elle a été répétée à

 11   plusieurs reprises d'arguments forts qui établissent que cela correspond à

 12   la vérité. Sauf votre respect, nous estimons, Messieurs les Juges, que les

 13   éléments de preuve ne permettent pas d'étayer une telle conclusion.

 14   Messieurs les Juges, pendant toute la durée de cette affaire, l'Accusation

 15   a dit que la Défense a tenté de montrer comment les moyens matériels et

 16   techniques ont été fournis par la Croatie à la Bosnie-Herzégovine et que

 17   ceci n'est pas pertinent, et nous avons maintenu avec autant de vigueur et

 18   avec toute l'honnêteté possible qu'il s'agit là d'éléments d'information

 19   tout à fait essentiels, que vous ne devriez pas négliger.

 20   Malgré les tentatives que nous avons faites, et nous avons fait de notre

 21   mieux, il semblerait que nous n'ayons pas permis à l'Accusation de réagir,

 22   parce qu'il n'y a rien dans leur réquisitoire qui évoque les moyens

 23   matériels et techniques. La seule référence qui y est faite c'est une

 24   référence aux armes qui ont été remises aux Serbes. Pas un mot au sujet des

 25   MTS, moyens matériels et techniques remis à l'"armija" de Bosnie-

 26   Herzégovine.

 27   Et une autre référence au niveau de leur mémoire en clôture consistait à

 28   parler du transfert d'armes de la Croatie en direction de la Communauté


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  1   croate d'Herceg-Bosna. Donc, si on omet de regarder cette simple vérité, à

  2   savoir que la Bosnie était maintenue en vie grâce à l'aide de la Croatie,

  3   c'est quelque chose d'assez surprenant. Messieurs les Juges, veuillez

  4   regarder le paragraphe 36 de notre mémoire en clôture où nous tentons de

  5   disséquer et d'analyser en détail l'importance des moyens matériels et

  6   techniques.

  7   Messieurs les Juges, l'Accusation n'est pas tout à fait d'accord avec cet

  8   accord d'amitié du 21 juillet 1992 évoqué par M. Karnavas à la fin de son

  9   argument, le 1D 02147. C'est un moyen de déléguer le pouvoir au niveau de

 10   l'Etat et permettant au Dr Prlic de représenter l'Etat. Paragraphes 36 à 39

 11   de notre mémoire en clôture, le 26 avril [comme interprété] 1993, est

 12   l'accord portant cette date, à savoir le HVO et la BH devraient être

 13   traitées sur un pied d'égalité. Et Messieurs les Juges, le P 01988.

 14   Monsieur le Président, on y parle également d'Ahmed Medovic [comme

 15   interprété] au mois de mai 1993, donc le président de la République de

 16   Bosnie-Herzégovine, qui accepte que le HVO constituait un élément accepté

 17   et reconnu de la force.

 18   Ceci ne plaît pas peut-être à l'Accusation, mais cela n'indique pas que

 19   "l'accord français était un accord conditionnel." On dit que les forces du

 20   HVO constituaient une partie assez grande de l'armée, et c'est ainsi que

 21   cela s'est passé, et ceci a été rédigé avec beaucoup d'attention par

 22   l'Accusation. Le HVO constitue une partie intégrante. Et lorsque vous vous

 23   pencherez sur la véracité de cette affirmation, vous voudriez peut-être

 24   vous pencher sur le 2D 00628. Pendant le conflit en juin 2004 -- oui, en

 25   juin 2004, les droits à la retraite ont été accordés à tous les membres du

 26   HVO. Et le mémoire Pusic cite également le 6D 00140 [comme interprété] qui

 27   évoque le fait que tous les documents du HVO et les documents du HZ HB ont

 28   été déclarés illégaux.


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  1   Il ne s'agit pas ici d'un territoire relevant d'un quelconque domaine

  2   juridique que l'Accusation souhaite vous présenter pour que vous pensiez

  3   que ceci est exact. Au moins, il s'agit d'une entité criminelle que

  4   l'Accusation tente de créer. Ainsi, c'est un point très important. Si on

  5   regarde Tudjman et les différents commentaires qu'il a faits, tout ceci est

  6   évoqué, non seulement par Tudjman et Milosevic et Alija Izetbegovic, mais

  7   par tous les dirigeants du monde sur comment gérer un pays qui se

  8   désintègre comme la Bosnie-Herzégovine.

  9   Messieurs les Juges, cela ressemble beaucoup au cas du Pakistan et de

 10   l'Inde, parce que la raison d'être de cette partition après le Deuxième

 11   Guerre mondiale était justement ce désaccord de Jinnah au Pakistan et de

 12   Nehru en Inde et la crainte à l'époque qu'une personne, une voix, un homme,

 13   une voix ne permet pas de protéger les droits alors que lorsque les gens

 14   votent sur la base de leur confession religieuse, de leur secte ou de leur

 15   appartenance ethnique, dans ce cas, il n'y a pas de véritable démocratie.

 16   Lorsqu'il n'y a pas de véritable démocratie, les gens votent pour la

 17   personne qu'ils jugent le mieux à même de remplir la fonction, et ce qui se

 18   passe dans ce cas c'est la règle de la majorité qui continue à dominer, et

 19   c'est ce dont se préoccupait le peuple croate de Bosnie-Herzégovine. Ils

 20   souhaitaient sauvegarder leurs droits.

 21   Ceci n'est pas criminel. C'est ce que tente de prouver l'Accusation, ils

 22   sont allés au-delà de certaines limites, ils se sont livrés à des

 23   comportements criminels pour protéger leurs droits. Messieurs les Juges,

 24   nous estimons que l'Accusation a échoué dans cette tentative-là.

 25   Et ceci a été étayé par un nombre important de documents. Si nous nous

 26   penchons sur le mémoire en clôture de la Défense, vous constaterez qu'à de

 27   nombreuses reprises, plutôt que de chercher à enlever de la République de

 28   Bosnie-Herzégovine, à s'éloigner, la Communauté croate d'Herceg-Bosna, au


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  1   contraire, a essayé de se rapprocher de la République de Bosnie-

  2   Herzégovine. Veuillez vous tourner au paragraphe 41 de notre mémoire en

  3   clôture où nous citons un exemple de relations très étroites qui étaient le

  4   souhait de la Bosnie-Herzégovine.

  5   Nous avons un champ important à couvrir, mais je souhaite citer très

  6   brièvement deux documents avant la pause. Messieurs les Juges, le premier

  7   document est le 2D9. Cela devrait être le deuxième document dans votre

  8   classeur. Et ceci est pertinent par rapport à l'affirmation de

  9   l'Accusation, à savoir que la Croatie était entièrement focalisée sur le

 10   combat et le démembrement et l'annexion d'une partie de ce territoire pour

 11   créer la Grande Croatie. Ce que ce document montre, daté du 15 juillet

 12   1993, la date est importante, c'est le 15 juillet 1993. C'est la République

 13   de Bosnie-Herzégovine, l'ennemi, d'après les éléments cités hors contexte

 14   par l'Accusation, demande d'établir un service logistique pour l'état-major

 15   du commandement Suprême de Bosnie-Herzégovine et les forces armées de cette

 16   dernière à Zagreb et à Split.

 17   Messieurs les Juges, en bas de la première page, vous verrez le nom d'Azim

 18   Karamehmedovic.

 19   Si vous passez au document suivant, qui est le 2D 196, vous verrez que

 20   cette même personne, Azim Karamehmedovic, quatre mois plus tôt, le 15 mars

 21   1993, demande de l'aide en ce qui concerne le transport de matériel au

 22   centre logistique de l'ABiH à Visoko. Et plutôt que de me livrer à des

 23   mesures dilatoires et d'avoir une politique d'entrave, je pense qu'un pays

 24   qui est en guerre alors qu'une politique double est menée, il s'agit d'un

 25   moment très important, qui est un moment qui va être déterminant eu égard à

 26   l'évolution des événements -- le document 2D 527, cette demande est

 27   approuvée.

 28   Alors, c'est signe d'une très grande efficacité.


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  1   Si le greffe avait été aussi efficace, nous aurions été payés depuis le

  2   mois de novembre. En tout cas, cela démontre une coopération tout à fait

  3   remarquable de la part de la Croatie. Cela n'étaye pas la thèse de

  4   l'Accusation que la Croatie, en réalité, cherchait à découper une partie de

  5   ce territoire.

  6   Bien évidemment, les éléments de preuve peuvent être manipulés, abordés et

  7   analysés d'une certaine façon qui permettrait à l'Accusation d'avoir une

  8   thèse suffisamment acceptable, mais ce n'est pas ce que nous tentons de

  9   tester en ce moment. Ce que nous tentons de tester, c'est la question de

 10   l'entreprise criminelle commune lorsque ceci se repose sur des éléments de

 11   preuve indirects. A ce moment-là, ça doit être la seule conclusion

 12   raisonnable.

 13   Voici ce qui a été constaté dans l'affaire Haradinaj, que je vais citer :

 14   "L'Accusation doit présenter des éléments de preuve directs pour étayer ses

 15   allégations concernant l'entreprise criminelle commune. En l'absence de

 16   preuves directes --"

 17   Alors, bien évidemment, on peut se reposer sur d'autres éléments de preuve.

 18   "En l'absence d'éléments de preuve directs, la déduction à partir

 19   d'éléments de preuve indirects qu'une entreprise criminelle commune

 20   existait qui avait pour objectif de commettre de tels crimes doit être la

 21   seule conclusion raisonnable sur la base des preuves présentées."

 22   Messieurs les Juges, sauf votre respect, voici le dernier commentaire que

 23   je vais faire avant la pause : l'Accusation n'a pas établi qu'il n'y a pas

 24   d'autres thèses permettant d'expliquer ce comportement hormis un plan

 25   criminel, une entreprise criminelle commune planifiée et conjointe. C'est

 26   une des raisons pour lesquelles M. Stojic doit être déclaré non coupable eu

 27   égard à ces chefs d'accusation et pourquoi les éléments de preuve de

 28   l'Accusation, même s'ils ont beaucoup travaillé avec beaucoup de diligence,


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  1   ne peuvent pas être retenus.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est l'heure de faire la pause. Nous allons faire

  3   20 minutes de pause.

  4   --- L'audience est suspendue à 12 heures 35.

  5   --- L'audience est reprise à 12 heures 55.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

  7   Maître Nozica, vous avez la parole.

  8   Mme NOZICA : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  9   toutes les personnes présentes dans le prétoire.

 10   Avant de passer à ma partie, je voudrais que nous soyons tout à fait sûrs

 11   d'une chose, bien que nous ayons déjà fait connaître la correction qu'il

 12   convenait d'apporter au compte rendu d'audience. Oui, voilà, je souhaite le

 13   dire. Donc en page 69, ligne 24, au lieu des termes "illégal" ou

 14   "illégaux", il faut lire "légal" ou "légaux". A la page 62, ligne 4, il

 15   convient de lire "Tomislav Kresic" au lieu de "Kvesic". Il s'agit d'un des

 16   témoins pour lesquels nous sommes extrêmement reconnaissants qu'ils soient

 17   venus déposer pour Bruno Stojic, mais il a parfois des difficultés avec les

 18   patronymes venant de notre région, d'où cette erreur.

 19   Messieurs les Juges, je vais maintenant poursuivre avec ma présentation

 20   relative à certains paragraphes du mémoire en clôture du Procureur portant

 21   sur la responsabilité pénale de Bruno Stojic. Ceci dit, avant d'entamer

 22   cette partie, je souhaite dire aux Juges de la Chambre qu'en qualité de

 23   conseil de la Défense de Bruno Stojic, j'ai été surprise de façon

 24   extrêmement désagréable par un geste tout à fait inapproprié du Procureur

 25   lorsqu'il a parlé du petit-fils de Bruno Stojic lors de son réquisitoire.

 26   Le Juge Trechsel a rappelé que nous appartenons au système de droit

 27   romano-germanique, dans le cadre duquel les parties, y compris le

 28   Procureur, ne peuvent pas se permettre certaines libertés, lesquelles


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  1   certaines façons de s'exprimer entraîneraient à non pas douter des

  2   réactions, voire des sanctions dans un prétoire si jamais quelqu'un se

  3   permettait de mentionner les membres de la famille d'un accusé dans le

  4   contexte d'une affirmation alléguant que l'accusé est coupable de quelque

  5   chose de particulier.

  6   Nous estimons qu'il s'agit là de quelque chose de tout à fait

  7   inapproprié, notamment au compte rendu du plus ample procès international

  8   au pénal actuellement en cours, qu'on y trouve une mention d'un enfant de

  9   dix mois qui ne peut être coupable d'absolument rien, tout comme d'ailleurs

 10   mon propre client est présumé innocent tant qu'on n'a pas démontré le

 11   contraire.

 12   Je sais que beaucoup de choses sont permises dans le droit anglo-saxon.

 13   Cependant, dans le système de droit auquel nous appartenons, certaines

 14   choses sont tout simplement incompréhensibles. Nous ne comprenons pas que

 15   dans son mémoire en clôture, le Procureur puisse qualifier les six co-

 16   accusés de criminels. Il est inacceptable et incompréhensible que dans son

 17   réquisitoire, le Procureur qualifie le Témoin NO de criminel de guerre, et

 18   ceci, pour la seule raison qu'il est venu ici déposer en faveur de la

 19   Défense.

 20   Alors, le Procureur peut, s'il le souhaite, faire les louanges des

 21   témoins qu'il n'a pas cités à la barre et sur lesquels il s'appuie à

 22   charge. Mais qualifier des témoins qui n'ont pas été mis en accusation ni

 23   jugés de criminels de guerre, nous estimons qu'il s'agit là d'un geste

 24   inapproprié et inacceptable.

 25   Au nom de la Défense de M. Bruno Stojic, je souhaite faire état de ceci

 26   publiquement, Messieurs les Juges, parce que j'estime qu'il s'agit là de

 27   comportements qui ont des conséquences indésirables sur le territoire de la

 28   Bosnie-Herzégovine et qui causent de l'inquiétude.


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  1   Mon estimé confrère a dit que la Défense Stojic exprimait toute sa

  2   sympathie aux victimes, et je me joins à ses propos, mais je voudrais

  3   également dire qu'à chaque fois que c'est possible, les victimes doivent

  4   pouvoir être convaincues que c'est l'auteur des crimes dont elles sont

  5   effectivement victimes qui a été accusé et non pas quelqu'un d'autre, que

  6   c'est l'auteur réel que l'on déclare coupable et non n'importe qui d'autre

  7   à sa place. Parce que dans le cas contraire, le statut de victime est dénué

  8   à ces mêmes personnes.

  9   Certaines comparaisons m'ont semblé tout à fait inappropriées dans ce

 10   prétoire. Le fait de comparer les six co-accusés à des criminels de guerre

 11   nazis appartient à cette catégorie de propos. Et je veux croire que les

 12   Juges de la Chambre sauront faire la différence entre ce qui est peut-être

 13   étayé par les éléments de preuve versés au dossier et ce qui ne l'est

 14   absolument pas.Je voudrais maintenant passer au paragraphe précis qui

 15   m'intéresse dans le mémoire en clôture de l'Accusation.

 16   Au paragraphe 528 le Procureur, se basant sur les documents P 2690 et P

 17   3038, affirme que les déclarations de Stojic consignées dans lesdits

 18   documents exprimeraient un très grand désir d'une patrie inséparable de la

 19   Croatie. Il affirme que ces deux proclamations de Bruno Stojic ont mobilisé

 20   les Croates de Bosnie.

 21   Messieurs les Juges, ces deux déclarations représentent en réalité une

 22   réaction, une réaction du HVO suite aux attaques particulièrement

 23   virulentes menées par l'ABiH au mois de juin 1993. Il est impossible

 24   d'établir un lien entre ces deux déclarations et les conclusions que tire

 25   le Procureur.

 26   Afin de montrer à quel point l'affirmation du Procureur est dénuée de

 27   fondement, je souhaiterais que nous puissions nous appuyer sur le document

 28   P 2690, dont vous disposez dans votre classeur, Messieurs les Juges.


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  1   La Défense de M. Stojic a préparé ces classeurs pour le bénéfice des

  2   Juges de la Chambre. Ils ne contiennent pas tous les documents sur lesquels

  3   nous allons nous appuyer, mais je vais toujours fournir les références des

  4   documents pertinents afin que vous puissiez vous y référer si vous le

  5   souhaitez.

  6   La date de cette communication est particulièrement importante,

  7   Messieurs les Juges, il s'agit du 9 juin 1993. Ce communiqué est en fait

  8   une réaction, comme je l'ai déjà dit, suite à l'attaque lancée par l'ABiH,

  9   réaction qui est celle du HVO suite à cette attaque de l'ABiH en Bosnie

 10   centrale, et dans le paragraphe 417 de notre mémoire en clôture, deux

 11   éléments cruciaux découlent de ce communiqué et ils sont tout à fait

 12   contraires aux thèses de l'Accusation.

 13   Premièrement, le HVO ne se préparait pas du tout à une guerre avec

 14   l'ABiH. Ceci ressort clairement de la phrase suivante, je cite : "Nous ne

 15   nous sommes pas préparés pour cette guerre, mais nous devons l'accepter",

 16   ce qui signifie que nous ne nous sommes pas préparés pour une guerre avec

 17   l'ABiH, mais c'est l'ABiH qui a commencé une guerre contre le HVO. Ceci est

 18   particulièrement important à la lumière de l'entreprise criminelle commune,

 19   et également compte tenu de ce qui est retenu à charge contre M. Stojic

 20   dans ce paragraphe particulier du mémoire en clôture de l'Accusation.

 21   Deuxièmement, une autre partie de ce communiqué dit, je cite :

 22   "On ne saurait reculer devant quiconque, et celui qui tire sur vous,

 23   de qui qu'il s'agisse, est votre ennemi, et vous avez le droit de riposter

 24   de la même façon."

 25   Messieurs les Juges, ceci démontre également de façon tout à fait claire

 26   que le HVO considérait l'ABiH comme son allié jusqu'à cette attaque, ou par

 27   corollaire, que le HVO ne considérait pas l'ABiH jusqu'à cette date comme

 28   étant son ennemi.


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  1   Alors, je voudrais que nous passions au document P 3238, dont il a été

  2   assez abondamment question pendant la présentation des moyens de la Défense

  3   de M. Prlic. Alors, je me contenterai parfois de donner simplement les noms

  4   de famille des personnes concernées. J'estime que ce n'est pas toujours la

  5   solution la plus adéquate, mais je suis simplement court de temps et je ne

  6   peux pas citer tous les titres.

  7   Donc, aux paragraphes 223 et 231 du mémoire en clôture de la Défense

  8   Prlic, il est indiqué que le département de la Défense se serait trouvé au

  9   sein des structures du HVO ou de la HZ HB dans une position spécifique, en

 10   raison d'une relation particulière qu'il aurait eu avec le président du HVO

 11   de la HZ HB, et en raison de la possibilité qu'avait le président de ce

 12   même HVO de la HZ HB de transférer ses compétences au chef du département

 13   de la Défense conformément à l'article 30 du décret portant sur

 14   l'organisation des forces armées, pièce P 588.

 15   La Défense Prlic a également mentionné cet article 30 plus tôt dans la

 16   journée d'aujourd'hui, et j'y reviendrai demain, mais avant de passer à

 17   certains passages du document P 3038, je dois dire que la Défense Prlic

 18   s'est contentée de suppositions à cet égard quant à la question de savoir

 19   si Bruno Stojic disposait de telles compétences ou non, et ceci pour la

 20   simple raison que nous ne retrouvons dans aucun document mention d'une

 21   telle compétence.

 22   La Défense Prlic, dans son mémoire en clôture et dans sa plaidoirie

 23   également, a affirmé que le président de la HZ HB n'avait pas pu faire

 24   autrement que de transférer sa compétence à Bruno Stojic à l'occasion de

 25   l'adoption de la décision relative à la mise en œuvre de la mobilisation du

 26   30 juin 1993. Nous parlons donc de l'article 30 de ce décret sur les forces

 27   armées qui a été versé sous la cote P 588.

 28   Bruno Stojic ne bénéficiait d'aucune compétence de ces sortes, ni ne devait


Page 52320

  1   bénéficier de la moindre compétence émanant du président de la HZ HB pour

  2   émettre l'ordre en question. Lorsque le décret comprenant l'ordre a été

  3   pris, ceci était tout à fait clair pour Jadranko Prlic, parce que si cela

  4   n'avait pas été le cas, Jadranko Prlic n'aurait certainement pas apposé sa

  5   signature au bas dudit document. Il ne l'aurait certainement pas fait si

  6   Stojic avait fait quoi que ce soit qui n'aurait pas été en accord avec ses

  7   propres compétences, ou s'il avait omis de mentionner ce transfert de

  8   compétence ou cette autorisation que lui aurait soi-disant donné Boban.

  9   Alors, nous avons vu dans le mémoire en clôture de la Défense Prlic que

 10   Prlic exerçait effectivement de hautes fonctions en Bosnie-Herzégovine

 11   avant la guerre. C'était également un homme de la plus haute compétence

 12   dans les questions administratives, et il savait sans aucun doute que si

 13   quelqu'un prend une décision au nom de quelqu'un qui lui a transféré une

 14   compétence, il doit mentionner la personne qui a fait ce transfert de

 15   compétence. En application de l'article 37 de ce décret sur l'organisation

 16   des forces armées, le président de la HZ HB, Boban était le seul à disposer

 17   de la compétence lui permettant de décréter la mobilisation, et c'est ce

 18   qu'il a fait. Cela ressort du document 2D 1364, et cela s'est produit en

 19   date du 10 juillet 1992, à cause de l'attaque menée par l'armée serbe et la

 20   JNA contre la Herzégovine.

 21   Le département de la Défense au sens de l'article 38 du décret sur les

 22   forces armées est tenu de préparer et de mettre en œuvre la mobilisation,

 23   et ce, en passant par les administrations et les bureaux de la défense,

 24   donc qui constituaient partie intégrante de la partie civile du département

 25   de la Défense, et nous avons vu cela en détail au paragraphe 3222 de notre

 26   mémoire en clôture. Cependant, avant cela le HVO de la HZ HB à l'époque,

 27   avec Jadranko Prlic à sa tête, agit en application de l'article 9, alinéa

 28   5, et au titre de cet article il aurait dû se doter des textes régissant la


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  1   manière de procéder à la mobilisation.

  2   Cet ordre que je cite, en date du 30 juin 1993, constitue en fait une

  3   mise en œuvre de la mobilisation comme cela a été confirmé d'ailleurs par

  4   un témoin, par le Témoin Pinjuh, Bruno, qui était à la tête du bureau de la

  5   défense de Citluk, et je vous renvoie aux pages 37 279 à 37 280 du compte

  6   rendu d'audience.

  7   Alors, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pourquoi affirmons-nous

  8   que le président du HVO de la HZ HB, Jadranko Prlic, fût au courant du fait

  9   que Bruno Stojic ne devait pas avoir une attribution pour prendre cet ordre

 10   ? Tout simplement parce que si Bruno Stojic aurait dû avoir cette

 11   compétence comme l'affirme la Défense Prlic, s'il aurait dû l'obtenir de la

 12   part de Boban pour émettre cet ordre, alors également le président du HVO

 13   de la HZ HB, Jadranko Prlic, lui aussi aurait dû obtenir une telle

 14   compétence, attribution de la part du président de la HZ HB lui permettant

 15   de signer à la date du 10 juin 1993 la décision P 2707 [comme interprété],

 16   décision régissant la mise en œuvre de la mobilisation, et je cite son

 17   point 1 :

 18   "Tous les conscrits non mobilisés domiciliés sur le territoire de la HZ HB

 19   sont tenus, dans un délai de huit jours, à partir de la publication de la

 20   présente décision de se présenter au bureau compétent, au bureau de la

 21   défense où ils sont enregistrés dans les registres militaires."

 22   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cette décision signée par M.

 23   Prlic de par sa teneur ne comporte aucune différence, pas la moindre, si on

 24   la compare à la décision du document P 3038. Cependant, de même, le

 25   président du HVO de la HZ HB, M. Jadranko Prlic, devrait obtenir cette

 26   attribution du président de la HZ HB lors de la réunion du HVO de la HZ HB

 27   au jour du 18 juin 1993, présidée par lui, lorsqu'on a pris les conclusions

 28   que je cite :


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  1   "Harmoniser les critères régissant la mobilisation dans les différentes

  2   municipalités. Mettre cette mobilisation en œuvre de manière uniforme

  3   jusqu'à l'âge décidé des intéressés d'après l'appréciation des organes

  4   compétents."

  5   Et je cite là la pièce 1D 1275, conclusion au point 2.

  6   Donc, s'agissant de mobilisation, le HVO de la HZ HB en a discuté, a

  7   apporté toute sa série de conclusions lors de ces réunions. Pièces 1D 1669,

  8   1D 1672, ensuite pièce P 2575, ainsi que   P 5799.

  9   A l'appui de cette affirmation que ni Bruno Stojic ni le HVO de la HZ HB

 10   n'avait besoin d'aucune attribution afin de procéder à la mobilisation, je

 11   cite le document 2D 1485, tout à fait explicite là-dessus, document signé

 12   par Bruno Stojic et qui dans son préambule cite une décision prise par le

 13   gouvernement de la HZ HB, décision en date du 18 juin 1993. Donc il s'agit

 14   d'une décision prise par le HVO de la HZ HB, qui a de toute évidence

 15   discuté de la mobilisation. Donc il n'est pas fait référence à une

 16   attribution conférée par Mate Boban comme souhaite nous le faire comprendre

 17   la Défense Prlic.

 18   Au sujet des liens spécifiques entretenus par le président Boban et le

 19   reste des organes de la HZ HB, j'aurai l'occasion d'en reparler dans un des

 20   paragraphes à venir.

 21   Au paragraphe 529 du mémoire en clôture de l'Accusation, l'Accusation

 22   affirme que le Témoin DZ aurait affirmé que des individus tels que Boban,

 23   Stojic ou Prlic ont fait part de leur souhait d'opérer une jonction entre

 24   la population croate vivant ailleurs en Bosnie-Herzégovine au sein d'une

 25   entité croate et que les dirigeants musulmans devraient procéder de la même

 26   manière s'agissant des Musulmans.

 27   Dans une note de bas de page, la note 1206 à l'appui, on cite la

 28   pièce P 10367, paragraphe 70, cela constitue une déclaration de témoin,


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  1   déclaration de Témoin DZ. Cependant, dans ce paragraphe de cette

  2   déclaration on ne retrouve pas ces propos exprimés de cette manière-là.

  3   Egalement, dans cette même note de bas de page, l'Accusation cite la page

  4   26 573 du compte rendu d'audience. Cependant, cette affirmation ne s'y

  5   trouve pas non plus.

  6   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le témoin n'a pas déclaré qu'il

  7   ait entendu cela à quelque moment que ce soit de la part de M. Stojic. Ce

  8   qu'il a dit en revanche, lignes 9 et 10 de la même page, c'est la chose

  9   suivante :

 10   "Pogarcic m'a dit quelque chose qui aurait été déclaré par Bruno Stojic au

 11   sujet de la reddition de Mostar avant la fin du mois de juin."

 12   Cette page du compte rendu d'audience est la page où le Procureur, au sujet

 13   de cette partie de la déclaration du témoin, montre au témoin la pièce P

 14   2930 et lui demande s'il s'agit là bien d'un rapport émanant de cet

 15   entretien avec Pogarcic, chef de cabinet de M. Boban. J'ajoute cette

 16   information pour que ce soit tout à fait clair. Donc rapport à l'issue de

 17   cet entretien avec Pogarcic en date du 23 juin 1993, et le témoin répond

 18   par l'affirmative. Il s'agit donc d'un entretien mené par le témoin et

 19   Vlado Pogarcic, il s'agit de ses déclarations à lui et non pas de

 20   déclarations ou d'affirmations émanant de M. Bruno Stojic.

 21   J'invite les Juges de la Chambre à se pencher de manière attentive à ce

 22   rapport du Témoin DZ, il s'agit de la pièce P 2930. Je vous invite à bien

 23   examiner cette déclaration au point 70, et vous verrez qu'à aucun de ces

 24   endroits on ne retrouve mention du nom de Bruno Stojic. On ne voit que les

 25   propos de Vlado Pogarcic. C'est une construction tout à fait

 26   invraisemblable, et le témoin le confirme lui aussi car il a confirmé son

 27   affirmation au sujet de Bruno Stojic ainsi que sa déclaration donnée donc

 28   dans le document que je viens de citer.


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  1   Ce que je tiens à dire, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est

  2   que de toute évidence il s'agit d'un faux témoignage car c'est au défi de

  3   toute logique que d'admettre qu'un témoin au moment où il fait sa

  4   déclaration, 11 ans après son entretien avec Pogarcic, se rappelle d'un

  5   élément qui ne figure absolument pas dans son rapport. Alors si Pogarcic

  6   l'avait véritablement dit, on en trouverait une trace dans le rapport.

  7   Alors, puisque le Procureur cite le Témoin DZ infiniment, ainsi que sa

  8   déclaration qui a été versée au dossier sous la cote P 10367, où il

  9   s'exprime contre Bruno Stojic, entre autres.

 10   Nous avancerons tout ce qui nous paraît être essentiel pour pouvoir

 11   apprécier le manque de crédibilité de ce témoin pour que l'on ne soit pas

 12   amenés à réitérer cela en se référant aux autres paragraphes du mémoire en

 13   clôture du Procureur. Alors, nous avons estimé que le Procureur lui-même a

 14   compris que c'était un témoin dénué de crédibilité, qu'il l'a compris à

 15   l'issue de son témoignage. Apparemment, cela n'a pas été sa conclusion,

 16   même si cela était tout à fait clair, même dans le prétoire.

 17   La Défense Bruno Stojic a montré à ce témoin pendant le contre-

 18   interrogatoire toutes ses déclarations relatives à Bruno Stojic, qu'il

 19   avait confirmées au préalable pendant l'interrogatoire principal. Je vous

 20   renvoie aux pages du compte rendu d'audience 26 757 à 26 799 pour y

 21   retrouver donc ce contre-interrogatoire mené avec ce témoin. Le témoin n'a

 22   pu fournir aucune explication pour aucun élément de cette déclaration pour

 23   pouvoir confirmer quand et de la part de qui il aurait entendu certaines

 24   choses qu'il allègue à avoir entendu.

 25   Ce qui est le plus important pour tester la crédibilité de ce témoin,

 26   c'est le fait que ses affirmations de la déclaration ne figurent pas dans

 27   ses rapports, dans les rapports que la Défense de Bruno Stojic a également

 28   présentés. La déclaration de ce témoin ne constitue qu'une construction mal

 


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  1   intentionnée, dénuée de toute vérité, qui a pour objectif de discréditer,

  2   entre autres, Bruno Stojic, parce qu'il y évoque également d'autres co-

  3   accusés.

  4   Alors, la meilleure preuve à l'appui se trouve dans le paragraphe 32

  5   de sa déclaration, où il décrit la libération des traducteurs des Nations

  6   Unies en juin 1993, des individus qui se sont trouvés détenus dans la poche

  7   de Konjic.

  8   Siedoc [phon] dit :

  9   "Je pense que Stojic est entré directement en contact avec Konjic

 10   pour avaliser leur libération. Ils ont été libérés le même jour. Stojic ne

 11   l'a pas fait de son propre chef. Je pense que c'est à cause de l'entretien

 12   qu'il a eu avec moi qu'il s'est inquiété de toutes les implications

 13   possibles s'il ne relâchait pas le personnel des Nations unies."

 14   Monsieur le Président, je souhaite citer les propos d'un témoin qui a

 15   déposé à huis clos partiel. Est-ce que nous pouvons passer à huis clos

 16   partiel un instant.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, huis clos partiel.

 18    Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 19   partiel.

 20   [Audience à huis clos partiel]

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 28   [Audience publique]

 


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  1   Mme NOZICA : [interprétation] Messieurs les Juges, ceci constitue le

  2   descriptif exact du témoignage de ce témoin, c'est-à-dire la carence

  3   d'information en matière de logistique. Et c'est précisément cette carence

  4   d'information qui se manifeste lors de la déposition de ce témoin, qu'il a

  5   complétée en inventant et en construisant de toutes pièces.

  6   Le Procureur, dans ce même paragraphe, cite également la déclaration

  7   du Témoin Christopher Beese, disant que Boban et Stojic avaient personnifié

  8   les aspirations des nationalistes croates, et il se réfère au témoignage,

  9   notamment, de ce témoin-là. La déclaration en question de ce témoin se

 10   trouve à être arbitraire et infondée, et nous allons avancer des arguments

 11   ultérieurement pour cette affirmation. D'abord, ce témoin, dans sa

 12   déclaration, a dit qu'il avait rencontré Bruno Stojic cinq fois, à chaque

 13   fois pendant 30 minutes, et que cela lui suffit pour tirer des conclusions

 14   disant que c'était un nationaliste et un membre de la mafia. Dans la

 15   poursuite de son examen, il a retiré la partie de la déclaration relative à

 16   la mafia, chose qui se trouvait consigné à la page 5 365, et ce, à

 17   l'occasion de l'interrogatoire au principal déjà.

 18   Alors, du point de vue des rencontres de ce témoin avec Bruno Stojic, je

 19   tiens à attirer l'attention des Juges de la Chambre sur le fait que le

 20   Témoin Beese, d'après sa propre déclaration, s'était trouvé sur le

 21   territoire de la Bosnie-Herzégovine à compter du 9 janvier 1993 jusqu'au 21

 22   juillet 1993. Pendant cette période-là, la Mission d'observation de la

 23   Communauté européenne, dont faisait partie ce témoin, avait rédigé 96

 24   rapports qui se trouvent être versés au dossier par la présente Chambre.

 25   Dans lesdits rapports, il est donné la possibilité de voir qu'il y a eu

 26   seulement trois réunions avec Bruno Stojic, et à aucune de ces réunions il

 27   n'y avait de présent le Témoin Beese. C'est ce qui découle de ces rapports.

 28   Ces trois réunions avaient pour teneur des éléments qui ne justifient en


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  1   aucune façon les conclusions avancées par ce témoin au sujet de Bruno

  2   Stojic. La seule remarque portant sur Bruno Stojic a été consignée par le

  3   témoin dans le rapport P 2620, mais non pas à partir d'un entretien qu'il

  4   aurait eu avec lui, mais il y est dit que dans le bureau de Bruno Stojic,

  5   de par le passé tout comme de nos jours, il vient souvent des marchands

  6   d'armes originaires d'Allemagne.

  7   A l'occasion du contre-interrogatoire, on lui a posé la question de savoir

  8   d'où il tenait cette information, et le témoin a dit qu'il avait vu des

  9   boîtes et que quelqu'un, mais il ne se souvient pas qui, lui aurait dit

 10   ultérieurement qu'étaient venus des marchands d'armes d'Allemagne. Mais

 11   pour cette affirmation-là non plus le témoin n'a su avancer ni des éléments

 12   de preuve et encore moins de quoi illustrer ou étayer ses affirmations

 13   relatives au nationalisme.

 14   Alors, si Bruno Stojic avait dit ou fait quelque chose et qu'il aurait été

 15   entendu par ledit témoin, cela se trouverait forcément repris dans les

 16   rapports, parce que c'était la pratique de la totalité des observateurs. En

 17   termes simples, le témoin a avancé des qualificatifs devant la Chambre sans

 18   avancer de preuve, et abondant dans le sens contraire de tous les éléments

 19   de preuve déjà produits. Bruno Stojic n'a été nationaliste ni à l'époque ni

 20   à présent.

 21   Je vais me référer seulement à trois éléments de preuve, Messieurs les

 22   Juges, pour vous illustrer sa façon de se comporter à l'égard de l'ABiH,

 23   façon de se comporter qui est tout à fait contraire aux aspirations des

 24   nationalistes croates, comme il l'a dit. Et d'ailleurs, le Procureur l'a

 25   accepté aussi.

 26   Je vois renvois notamment à la pièce à conviction 2D 311. Il s'agit d'un

 27   ordre de livraison de moyens matériels et techniques à l'ABiH daté du 30

 28   mars 1993. En haut du document, qui se trouve être en langue croate, on


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  1   voit Bruno Stojic. On le voit également inscrit à la deuxième page de

  2   l'original, où, au côté de Stojic, on voit aussi mentionné le nom de Safet

  3   Orucevic. On verra que cette personne avait été chargée de

  4   l'approvisionnement en moyens matériels et techniques pour les besoins de

  5   son corps.

  6   On verra que ce Orucevic est également une personne mentionnée qui se

  7   trouvait être chargé des approvisionnements destinés au 4e Corps de l'ABiH.

  8   Messieurs les Juges, si vous vous penchez sur le compte rendu d'audience,

  9   page 12 480 et 12 481, vous pourrez y voir que la totalité de ces moyens

 10   techniques sont arrivés au centre logistique de l'ABiH situé à Visoko,

 11   chose qui a été confirmée par un témoin de l'Accusation, le Témoin CU.

 12   Quand on se penche sur les dates et les quantités de moyens matériels et

 13   techniques, on se doit de tirer les conclusions disant que dans cette

 14   opération il y a eu participation d'un homme qui avait foi en cette lutte

 15   commune de l'ABiH et du HVO.

 16   Messieurs les Juges, j'ai fait exprès de ne pas mentionner les fonctions de

 17   ce Témoin CU, parce que cela dévoilerait son identité, mais vous le verrez

 18   bien dans le compte rendu d'audience.

 19   Messieurs les Juges, il est impossible que dans cette opération, il y ait

 20   eu participation d'un individu au sujet duquel le Témoin Beese avait

 21   affirmé que c'était là un nationaliste qui matérialisait les aspirations de

 22   ces nationalistes croates.

 23   Alors, penchons-nous un peu sur la quantité de moyens matériels et

 24   techniques qui, à la date du 30 mars 1993, contrairement aux thèses avancés

 25   par le Procureur, montre bien qu'il y a eu de l'aide apportée par le

 26   ministère de la Défense de Croatie en 1992 et qui n'aurait pas existé en

 27   1993.

 28   Or, cette date est tout à fait importante. Je vais vous dire tout à l'heure


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  1   pourquoi. Je vous renvois vers le renseignement qui dit qu'il y a 3 000 000

  2   de balles, 3 000 fusils automatiques, des lance-roquettes, des mines. Il

  3   s'agit donc de quantités d'armes énormes, et je rappelle aux Juges de la

  4   Chambre que l'ABiH et son 4e Corps avaient, rien que sept jours avant cela,

  5   bloqué Konjic et mis aux arrêts 150 membres du HVO pour continuer avec des

  6   arrestations, chose qui découle du rapport présenté par le commandant

  7   Midhat Cerovac, document 4D 438.

  8   Messieurs les Juges, Bruno Stojic savait cela, parce que suite à ces

  9   événements, il s'est rendu à Konjic en compagnie de Milivoj Petkovic dans

 10   une mission d'apaisement de la situation pour remblayer les tranchées

 11   creusées. Donc cela ne l'a pas empêché à participer aux opérations de

 12   fourniture d'armes à l'ABiH. Une partie de ces armes a été donnée à l'ABiH

 13   à Mostar, comme nous l'a confirmé le Témoin CU à la page déjà indiquée.

 14   Bruno Stojic, de façon évidente, croyait encore que ce combat conjoint de

 15   l'ABiH et du HVO se trouvait encore être possible.

 16   Je me dois de vous montrer aussi la pièce 2D 229. MM. les Juges disposent

 17   de ce document dans leurs classeurs. On voit là que Safet Orucevic était

 18   chargé d'accomplir les tâches relatives à l'entrée de marchandises en

 19   compagnie du HVO. Et cette tâche, il l'a accomplie de façon tout à fait

 20   bonne de l'avis du commandant du 4e Corps jusqu'au 26 février 1993, date de

 21   la rédaction de ce courrier, et même plus tard, du fait de ce que nous dit

 22   le document 2D 311, et d'après ce que d'autres documents encore vont nous

 23   dire.

 24   Les positions prises par Bruno Stojic pour ce qui est d'un combat conjoint

 25   possible entre l'ABiH et le HVO sont démontrées par une lettre de

 26   remerciement de l'unité spéciale du MUP de Bosnie-Herzégovine, et cela est

 27   illustré donc par ce courrier du commandant Dragan Vikic. Je vous renvois à

 28   cet effet vers le document 2D 195, adressé à lui, à Slobodan Praljak et à


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  1   Milivoj Petkovic, au sujet d'armes qui leur avaient été envoyées de Grude

  2   vers Sarajevo en février 1993. Messieurs les Juges, Sarajevo, pendant ce

  3   temps-là, se trouvait être assiégée par l'armée serbe, et ces trois accusés

  4   ont envoyé vers Sarajevo les armes en question afin que Sarajevo puisse se

  5   défendre et puisse résister aux attaques de l'armée serbe.

  6   Est venu témoigner à ce sujet le Témoin Cengic, Nedzad.

  7   Là aussi, Messieurs les Juges, Bruno Stojic était tout à fait convaincu de

  8   la possibilité de conduire un combat conjoint entre l'ABiH et le HVO contre

  9   un ennemi commun.

 10   J'ai encore un petit commentaire avant la pause. Je vous vois regarder la

 11   montre. Si vous me permettez, j'aimerais terminer avec ce sujet.

 12   Bruno Stojic a participé de façon active à l'envoi de moyens

 13   matériels et techniques vers le 2e Corps de l'ABiH à la date du 1er mai

 14   1993. Ceci se trouve à être confirmé par les documents 2D 1107 et 2D 1108.

 15   Et le confirme également le témoignage du général de l'ABiH, M. Andjelko

 16   Makar, pages du compte rendu 38 447 à 38 449.

 17   Messieurs les Juges, tout ceci se passe huit jours avant l'attaque de

 18   l'ABiH contre Mostar. Et encore, Bruno Stojic se trouvait être convaincu de

 19   la possibilité d'avoir un combat conjoint du HVO et de l'ABiH contre un

 20   ennemi commun.

 21   L'opinion avancée par le Témoin Beese, qui de même n'avait pas disposé

 22   d'information en provenance de la logistique ou de la part d'un autre

 23   observateur qui se fonde sur des impressions, et non pas sur des faits

 24   concrets, ça ne peut pas et ça ne saurait être mis plus en exergue que ce

 25   qu'a fait au concret M. Bruno Stojic, comme nous l'avons montré.

 26   Je crois que l'heure est venue de mettre un terme à mon exposé aujourd'hui,

 27   et je pourrai reprendre demain, avec votre autorisation.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Il est donc l'heure de terminer. Vous


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  1   avez utilisé une heure et 40 minutes. Donc il vous restera trois heures 20

  2   minutes.

  3   Oui, Maître Karnavas.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Bon après-midi à tous.

  5   Dans notre mémoire en clôture, nous avons indiqué de façon très claire que

  6   le Dr Jadranko Prlic est innocent et doit être acquitté. Je le dis

  7   maintenant. Je ne veux pas me répéter, il est vrai que je l'ai répété

  8   longuement au cours de ces cinq dernières années, mais il est vrai que j'ai

  9   oublié de le dire avant de rendre la parole. Donc je tiens à dire que notre

 10   position est qu'il n'y a aucun élément de preuve contre lui et qu'il doit

 11   être acquitté.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous nous retrouverons demain à 9 heures

 13   du matin. Merci.

 14   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mercredi 16 février

 15   2011, à 9 heures 00.

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