Page 52423
1 Le jeudi 17 février 2011
2 [Plaidoiries de la Défense Praljak]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 [L'accusé Pusic est absent]
6 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,
8 s'il vous plaît.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour,
10 Monsieur le Président. Bonjour à toutes les personnes présentes.
11 Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts. Merci.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.
13 En ce jeudi 17 février 2011, je salue en premier MM. les accusés, Mmes et
14 MM. les avocats, tous les membres du bureau du Procureur présents ainsi que
15 toutes les personnes qui nous assistent.
16 J'indique tout de suite à la Défense du général Praljak que nous avons pris
17 contact avec la Chambre Tolimir, et on nous a dit qu'il n'était pas
18 possible de prolonger de 15 minutes notre audience de ce jour compte tenu
19 du fait qu'ils ont des témoins. De ce fait, vous avez deux possibilités;
20 soit le général Praljak interviendra lundi pour les 30 minutes, soit vous
21 réduisez votre temps et il intervient aujourd'hui, puisqu'il nous reste là
22 quatre heures utiles alors même que vous avez un crédit de quatre heures 30
23 minutes. Voilà la situation. Donc c'est à vous de voir. Oui, Maître
24 Kovacic.
25 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
26 Nous verrons au cours de la journée, et nous vous aviserons de la
27 situation. Merci.
28 Bonjour à tous.
Page 52424
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, vous avez quelque chose à dire ?
2 M. SCOTT : [interprétation] Un instant. Merci. Excusez-moi, Monsieur le
3 Président. J'ai demandé à la greffière d'avoir un instant pour essayer de
4 ne pas du tout perturber les débats au cours de la journée.
5 Ce sera moins d'une minute.
6 Ça fait déjà quelques jours que j'ai cette note.
7 Pendant que M. Kruger vous présentait son réquisitoire, malheureusement, et
8 ça nous arrive à tous, il a donné un mauvais numéro de pièce. A la page 51
9 151 du compte rendu, il a parlé de la pièce P 05889, alors qu'il faudrait
10 lire P 05884. Je tenais à corriger le compte rendu sur ce point.
11 Mais puisque j'ai la parole, je voulais rassurer Me Nozica et la Chambre,
12 je ne voulais pas du tout manquer de courtoisie à son égard hier. Mais
13 quelquefois, vous savez, c'est tellement ancré dans notre culture
14 judiciaire et juridique qu'il est difficile de ne pas réagir. Et je m'en
15 excuse, je ne voulais surtout pas vous manquer de courtoisie ni à l'un ni à
16 l'autre.
17 Merci.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Scott.
19 Nous avons pris bonne note de votre intervention.
20 Maître Nozica, voulez-vous --
21 Mme NOZICA : [interprétation] Messieurs les Juges, je me félicite d'avoir
22 l'occasion de remercier mon confrère. Je n'ai pas compris qu'il s'agissait
23 là d'une attaque ni contre moi ni contre notre équipe de la Défense, et je
24 ne me serais pas levée si ce n'est pour remercier qui de droit. Mais j'ai
25 également annoncé une petite modification au compte rendu au sujet d'un
26 numéro qui a été mal consigné.
27 Le 16 février 2010, page 30, ligne 9, au lieu du "P 5259", il fallait
28 entendre "P 5249".
Page 52425
1 Messieurs les Juges, je voulais juste dire que nous allons réécouter les
2 enregistrements pour ce qui est de notre exposé, et lundi, nous allons
3 formuler des modifications éventuelles s'il y a eu erreur de notre part.
4 Merci.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
6 Maître Kovacic, vous avez la parole.
7 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais
8 prononcer quelques propos au sujet de ce nexus [phon] pour ce qui est de la
9 prétendue existence d'un conflit international armé et l'article 2 du
10 Statut. Nous estimons que le Procureur n'a pas prouvé la présence de ce
11 lien.
12 Au lieu d'établir un lien entre le délit pénal et le conflit armé
13 international, le bureau du Procureur a procédé à une simplification et a
14 dit que le général Praljak était présent en Bosnie-Herzégovine, et aussi
15 estime-t-on que ce fait en soi suffit. Ce qui fait défaut, ce sont les
16 explications des éléments de preuve concrets pour ce qui est de montrer
17 qu'il y a un lien indubitable entre les délits au pénal et l'article 2 du
18 Statut ainsi que le conflit international armé. La présence de M. Praljak
19 en Bosnie-Herzégovine ne fournit pas une base suffisante pour tirer ce type
20 de conclusion.
21 Pour ce qui est des allégations du Procureur au paragraphe 78 du mémoire en
22 clôture de l'Accusation, à savoir le mens rea pour ce qui est du conflit
23 armé international, je tiens à dire plusieurs choses :
24 Le Procureur affirme que tous les accusés étaient tout à fait conscients de
25 l'implication intensive de la République de Croatie dans ce conflit qui se
26 passait en Bosnie-Herzégovine. Cette allégation se fonde sur de prétendus
27 contacts réguliers avec des instances appropriées ou personnes appropriées
28 situées en République de Croatie, et on affirme que l'intervention de la
Page 52426
1 Croatie était tellement intense pendant cette période concernée qu'il
2 serait impossible de croire que les accusés n'étaient pas conscients de
3 l'existence de ces liens et de l'implication de la République de Croatie
4 dans ce conflit croato-musulman. Donc la seule thèse c'est une conclusion
5 tirée de façon indirecte : ils ne pouvaient pas ne pas savoir. Alors, il
6 est exact de dire que la République de Croatie était impliquée dans la
7 guerre en Bosnie-Herzégovine, mais cette guerre que l'agresseur, c'est-à-
8 dire la JNA, avait conduite contre la Bosnie-Herzégovine et la guerre où le
9 HVO, et ultérieurement l'ABiH, s'était opposé à cette agression, mais non
10 pas dans l'intention, par le biais de cette agression, d'aider une partie
11 au conflit.
12 La République de Croatie est un participant forcé, mais elle n'a pas
13 participé de son plein gré à cette guerre. Il n'y a aucune certitude pour
14 ce qui est de la République de Croatie tant qu'il y a de l'incertitude en
15 Bosnie-Herzégovine avec laquelle Bosnie-Herzégovine la Croatie a une
16 frontière qui fait environ 1 000 kilomètres. Il n'y a donc pas de sécurité
17 pour la République de Croatie pendant que la JNA, c'est-à-dire les Serbes,
18 attaque la Bosnie-Herzégovine, mais en même temps, attaque la République de
19 Croatie avec le même plan, qui consiste à faire siens des territoires dans
20 ces deux pays indépendamment des frontières respectives de ces pays. Il n'y
21 a aucune sécurité pour la République de Croatie alors qu'elle sert de
22 territoire transit pour ce qui est de l'approvisionnement de la Bosnie-
23 Herzégovine d'une manière générale, approvisionnement en aide humanitaire,
24 alors que 300 000 réfugiés originaires de Bosnie-Herzégovine sont en train
25 de séjourner en République de Croatie, sans mentionner le reste.
26 Donc tout ceci ne fait que confirmer que la République de Croatie a
27 été un participant à cette guerre, mais elle n'y a pas pris part de son
28 plein gré. Elle y a pris part par nécessité.
Page 52427
1 Donc la République de Croatie est un sujet et une victime de cette
2 guerre, qu'elle l'ait voulu ou pas. C'est un fait. Ce n'est pas le résultat
3 de sa volonté ou d'une politique qui aurait été mise en œuvre par la
4 République de Croatie. C'est le résultat des actions d'autrui; pour être
5 concret, l'armée populaire yougoslave et les Serbes, et ceux-ci échappent
6 au contrôle de la République de Croatie. La République de Croatie, par
7 conséquent, a eu un intérêt légitime qui est celui qui est relatif à la
8 situation en Bosnie-Herzégovine, et elle s'est estimée tenue d'entreprendre
9 des mesures pour empêcher le chaos, à des fins de mise en place d'une
10 défense en Bosnie-Herzégovine et mise en place d'une coopération avec le
11 HVO afin qu'elle puisse elle-même défendre son territoire; d'abord, le
12 théâtre de combat au sud, mais la Posavina de Croatie, c'est-à-dire
13 Slavonski Brod, et autres secteurs qui ont été directement exposés à des
14 menaces ou à des attaques depuis le territoire de la Bosnie-Herzégovine.
15 Je vous renvoie ici vers le témoignage du général Praljak et vers le
16 témoignage du général Petkovic. Pour ce qui est du général Petkovic, 45 702
17 [comme interprété] du compte rendu jusqu'au 49 704, daté du 18 février
18 2010. S'agissant de Praljak, la motivation est encore plus évidente que
19 pour ce qui est du général Petkovic. Mais bon nombre d'autres personnes,
20 tout comme le général Praljak, se rendent en Bosnie-Herzégovine pour
21 défendre leur région natale.
22 Alors, la question qui est pertinente est celle-ci : est-ce que la
23 République de Croatie avait l'intention d'aider une partie au conflit dans
24 l'un des conflits additionnels qui avait fait son apparition en Bosnie-
25 Herzégovine; pour être concret, entre l'ABiH et le HVO, conflit qui est
26 survenu en guise de conséquence de cette agression de la JNA. Le conflit
27 c'était un conflit que personne n'avait planifié ni prévu, exception faite
28 - et là j'émets des hypothèses - si ce n'est la JNA qui a contribué à ce
Page 52428
1 conflit pour atténuer la résistance de l'ABiH et du HVO s'agissant de la
2 réalisation de ses propres objectifs.
3 Il n'y a aucun élément de preuve indiquant que le général Praljak ou les
4 autres accusés avaient pu savoir ou prévoir ce que la République de
5 Croatie, ou la présidence de Bosnie-Herzégovine, voire encore l'armée de la
6 Republika Srpska, voire encore la communauté internationale, ou qui que ce
7 soit d'autre, pourrait faire dans les jours ou les semaines à venir. Tous
8 ces intervenants ont été des intervenants sur une scène, et personne ne
9 pouvait prévoir ce que quiconque parmi ces intervenants allait faire le
10 jour d'après.
11 En réalité, le bureau du Procureur affirme implicitement que le
12 général Praljak était si intelligent, beaucoup plus intelligent que les
13 autres, qu'il pouvait savoir et prévoir quels seraient les événements à
14 venir, événements qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, personne n'avait
15 prévus.
16 Pour ce qui est de l'état de conscience des participants au conflit armé
17 international, la Défense affirme que pendant toute la durée de ce conflit
18 -- de ce prétendu conflit, ou pendant toute la guerre en Bosnie-Herzégovine
19 de manière générale, jamais, pas une partie, et les représentants de
20 Bosnie-Herzégovine n'ont déclaré de façon publique et officielle qu'ils
21 considéraient la partie adverse comme un ennemi ni même comme un rival.
22 Donc il n'y a pas eu deux Etats hostiles l'un l'autre, ce qui constitue un
23 préalable indispensable à l'affirmation de l'existence d'un tel conflit.
24 Les représentants politiques de la Bosnie-Herzégovine et de la
25 République de Croatie, et on en a parlé longuement de cela, avaient des
26 positions qui étaient les leurs et qui, parfois, n'étaient pas tout à fait
27 en accord les unes avec les autres. Mais en même temps, de façon patiente
28 et pendant longtemps, ils ont participé à des négociations de paix pour
Page 52429
1 rechercher des solutions acceptables. Comme vous avez pu l'entendre, c'est
2 précisément la Croatie qui, à chaque solution avancée, avait été la
3 première à signer au bas de la page.
4 Alors, pour ce qui est de l'affirmation faite par l'Accusation disant que
5 les accusés avaient certainement su et compris qu'il y avait une
6 implication intense de la République de Croatie au conflit en Bosnie-
7 Herzégovine, entre autres, parce qu'il y avait des contacts réguliers avec
8 les instances et individus appropriés en République de Croatie, en partant
9 du fait qu'il y avait eu des contacts avec des individus et des
10 institutions en République de Croatie, la Défense estime nécessaire
11 d'avancer une donnée à titre d'illustration : le président de la Bosnie-
12 Herzégovine, Alija Izetbegovic, était plus souvent l'invité du président
13 Tudjman que tous les autres accusés qui ont, à quelque moment que ce soit,
14 eu l'occasion de rencontrer le président Tudjman. Nous avons fait cette
15 analyse en fonction de tous les PV présidentiels, versés au dossier ou pas,
16 et le résultat obtenu est toujours le même. Donc le président Izetbegovic
17 lui aussi peut faire l'objet d'une même conclusion. De façon évidente, il
18 savait ce qui se passait, puisqu'il était tout le temps chez Tudjman.
19 Alors, cette allégation avancée par le Procureur ne nous conduits pas à la
20 conclusion qui est tirée.
21 Par ceci, la Défense veut démontrer que les contacts avec les représentants
22 officiels de la République de Croatie ne suffisent par pour dire qu'il y
23 avait une concertation du fait même de l'existence de ces contacts.
24 S'agissant de l'allégation avancée par le Procureur disant que du
25 côté du général Praljak, il y a un mens rea pour ce qui est de ce conflit
26 armé international et qu'il "avait conscience de l'implication de la
27 République de Croatie au conflit de Bosnie-Herzégovine", comme le Procureur
28 l'indique au paragraphe 78, et à ce sujet, la Défense tient à dire ce qui
Page 52430
1 suit.
2 L'INTERPRÈTE : En anglais.
3 M. KOVACIC : [interprétation] L'Accusation n'a pas présenté d'affirmation
4 contredisant les allégations et les affirmations présentées par la Défense
5 Praljak. Au sujet de sa motivation qu'il avait de défendre le peuple et
6 l'Etat de Bosnie-Herzégovine, l'Accusation fait des citations à propos de
7 sa présence en Bosnie-Herzégovine, en banovina; cependant, elle ne présente
8 par d'arguments, de conclusions juridiques qui diraient que Praljak n'était
9 pas là pour se défendre des Serbes. Nous voulons poser la question suivante
10 aux Juges de la Chambre : qu'est-ce que cela veut dire si ce que nous
11 affirmons quant aux motifs qui étaient ceux de Praljak sont corrects ?
12 Qu'est-ce que ça veut dire si Praljak était sur place pour défendre la
13 Bosnie-Herzégovine et sa population ? En fin de compte, la réponse devrait
14 être celle-ci : si ce que nous affirmons est exact, la Chambre ne pourra
15 pas conclure que les conditions requises pour établir au-delà de tout doute
16 raisonnable l'intention délictueuse, l'élément mental n'était pas présent.
17 Alors, il faut se demander : est-ce que l'Accusation a prouvé que Praljak
18 ne voulait pas défendre la Bosnie-Herzégovine et son peuple ? Est-ce qu'il
19 n'y avait pas de menace ? Est-ce que l'agression de la JNA et de la VRS
20 n'existait pas ? Est-ce que l'Accusation nie que la JNA ou la VRS ait joué
21 un rôle ? Est-ce que Praljak n'avait pas ce lien avec la Bosnie-Herzégovine
22 ? Est-ce qu'il n'est pas né en Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que sa famille
23 n'y vivait pas ? Et la dernière question qu'il faudrait poser est celle-ci
24 : y a-t-il le moindre doute du fait que si le HVO n'avait pas été organisé,
25 la JNA et la VRS auraient tué, auraient fait des victimes innombrables
26 parmi les citoyens de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que ceci ne démontre pas
27 le motif qui animait Praljak et d'autres qui avaient les mêmes sentiments
28 que lui plus concrètement que de choisir ici et là des interprétations
Page 52431
1 hasardeuses ? La semaine dernière, dans la dernière partie de son
2 réquisitoire, l'Accusation vous a demandé de rendre un verdict qui
3 condamnerait la guerre de façon générale, et un jugement qui, quelque part,
4 ferait qu'il n'y aurait plus jamais de guerre après cela. Au cœur même du
5 droit international humanitaire, il y a le principe de l'autonomie entre
6 les questions de jus in bello et jus ad bellum. Un versant de cette
7 autonomie c'est celui-ci : si vous n'êtes pas d'accord avec les raisons
8 pour lesquelles une partie participe à un conflit, ceci n'en change pas
9 pour autant les critères qu'il faut remplir pour prouver qu'il y a eu
10 violation de jus in bello.
11 Pour l'Accusation, chaque victime est une victime à charge. L'Accusation,
12 pendant toute la durée du procès, dans tout l'acte d'Accusation et pendant
13 son réquisitoire, parle du meurtre de Musulmans de Bosnie-Herzégovine et de
14 ceux qui ont été blessés comme si c'étaient des tragédies qui sont, de
15 façon inhérente, criminelles. Très souvent, rien n'est prouvé quant au
16 statut de combattant de ces victimes. La seule déduction qu'il est
17 raisonnable de dire est de la façon dont l'Accusation agit et que pour
18 elle, le principe de l'autonomie ne s'applique pas. En affirmant que toutes
19 les tragédies sont des crimes, que toute aide apportée au HVO était une
20 aide criminelle, l'Accusation cherche à détruire de façon fonctionnelle le
21 principe de l'autonomie en mettant en avant et en poussant jusqu'à ses
22 extrêmes la théorie de l'entreprise criminelle commune. Même si
23 l'Accusation affirme que le HVO était quelque part un mauvais acteur, un
24 mauvais protagoniste dans sa participation au conflit, et ça c'est une
25 question de jus ad bellum, l'Accusation doit apporter la preuve précise de
26 chaque élément constitutif des violations alléguées de jus in bello. A
27 moins que si l'Accusation ne peut pas prouver qu'il y a un lien entre une
28 victime et un crime, et pas seulement un lien entre la victime et la
Page 52432
1 tragédie qu'est la guerre, à ce moment-là, il n'aurait jamais fallu
2 introduire dans l'acte d'accusation cette victime et on n'aurait jamais dû
3 apporter d'élément de preuve pour essayer de prouver qu'il y avait eu
4 victime.
5 Vous allez parcourir le dossier, vous allez l'étudier à la loupe, et tout
6 élément qui montre que la guerre est un mal plutôt qu'un crime, à ce
7 moment-là, vous devez laisser de côté cet élément, à moins que vous ne
8 prêtiez foi à ce que vous demandez de faire de l'Accusation, qui était de
9 mépriser, d'ignorer ce principe de l'autonomie entre jus ad bellum et jus
10 in bello. Cet oubli, cette omission n'est pas simplement contraire au
11 droit, c'est tout à fait dangereux parce que c'est frapper dans son cœur
12 même le système moderne du droit international humanitaire.
13 Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le Président.
14 Monsieur le Président, en raison du temps qui m'est donné, je vais laisser
15 de côté un sujet que j'avais souhaité aborder au départ.
16 Non, je ne vais pas le faire, parce que ce sera difficile d'aborder ceci
17 dans tous ses détails.
18 L'INTERPRÈTE : En serbe.
19 M. KOVACIC : [interprétation] Une Grande-Croatie :
20 L'Accusation développe une thèse au sujet du prétendu plan de la Croatie
21 qui consisterait à mettre en place une Grande-Croatie dans ses frontières
22 historiques. Et on se sert de cette thèse pour expliquer les motivations
23 alléguées ET les plannings politiques de la République de Croatie, sur
24 lesquels se fonde logiquement la conclusion relative à l'existence d'une
25 entreprise criminelle commune dans ce contexte d'un conflit armé
26 international. C'est ainsi que le bureau du Procureur, dans ses paragraphes
27 164 à 167, présente les débats politiques entre le président de la
28 République de Croatie, M. Franjo Tudjman, qui, d'après le bureau du
Page 52433
1 Procureur, fait preuve de l'aspiration politique et territoriale vis-à-vis
2 de la Bosnie-Herzégovine.
3 Il est intéressant de relever tout de suite que dans ces paragraphes-là, le
4 Procureur fait référence à des débats qui se déroulent au haut de la
5 politique croate entre le 8 juin 1991 et le 27 décembre 1991, Donc bien
6 avant que la Bosnie-Herzégovine ne devienne un Etat souverain, ou pour être
7 tout à fait précis au sujet de la période dont il s'agit, à un moment où
8 commence le démantèlement, la désintégration de cet Etat conjoint de
9 Yougoslavie. Alors, aux yeux du Procureur, ce détail se trouve dénué de
10 pertinence. Il s'agit de conversations entre le président Tudjman et des
11 collaborateurs proches à lui à l'époque où la RSFY est en train de se
12 désintégrer, et ni la République de Croatie ni la République de Bosnie-
13 Herzégovine ne se trouvaient être des Etats indépendants. Il existe une
14 République socialiste fédérative de Yougoslavie. Il existe des républiques
15 qui seront des Etats indépendants à l'avenir. Et il en est en train de
16 parler de scénarios et options variés.
17 Pour le contexte, je vous rappelle que la JNA, avec les Serbes locaux, fin
18 1992, avait occupé pratiquement un tiers des territoires de la République
19 de Croatie, alors que la guerre en Bosnie-Herzégovine n'avait pas encore
20 commencé, bien que cette guerre semblait inévitable.
21 Le Procureur est en train de rejeter le fait que, suite à de telles
22 discussions ou de réflexions à voix haute de la part des hommes politiques,
23 il y a des actions concrètes d'entreprises. Et donc, à l'occasion de ce
24 type de conversations en mars 1992, Tudjman et le HDZ sont en train
25 d'entreprendre des mesures concrètes pour encourager les Croates en Bosnie-
26 Herzégovine pour se prononcer en faveur de l'indépendance de la Bosnie-
27 Herzégovine au référendum et de voter en faveur de l'indépendance, c'est-à-
28 dire en faveur de la création d'un nouvel Etat. Je pense l'avoir déjà dit.
Page 52434
1 Donc le fait de se pencher sur des options politiques potentielles, c'est-
2 à-dire sur ce qu'il convient de faire à la République de Croatie dans cette
3 phase de désintégration de la Yougoslavie, cela se résout par une position
4 qui est celle de dire qu'il convient de contribuer à la création d'un
5 nouvel Etat autonome et indépendant de la Bosnie-Herzégovine. Ça c'est un
6 fait.
7 S'agissant de l'étude des options politiques ou des possibilités
8 mises à la disposition d'une république par rapport à la République
9 fédérative de Yougoslavie et autres républiques, dans des circonstances de
10 désintégration de la RSFY, cela se trouve être non seulement le droit
11 légitime de la direction politique, mais c'est leur devoir aussi que de se
12 pencher sur la totalité des options qui s'offrent à eux pour choisir celle
13 qui se trouvait être dans l'intérêt de cet Etat.
14 Suite à la déclaration de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, la
15 direction politique croate, à aucun moment, n'envisage une option quelle
16 qu'elle soit qui comprendrait l'effondrement de la Bosnie-Herzégovine ou le
17 changement de ses frontières externes. En revanche et à l'opposé, au moment
18 où Izetbegovic offre à Tudjman d'annexer une partie du territoire de
19 Bosnie-Herzégovine, Tudjman le refuse car il sait que cela ne constitue pas
20 une solution, compte tenu de toute une série de nouveaux éléments.
21 Au niveau de la direction politique de la République de Croatie, on
22 envisage une solution pacifique à la guerre en Bosnie-Herzégovine. Ce qui
23 est tout à fait légitime, car la Bosnie-Herzégovine est un pays voisin, et
24 la sécurité de la République de Croatie ne saurait être assurée sans une
25 Bosnie-Herzégovine stable.
26 Dans le cadre de ces entretiens après le référendum, on envisage un
27 découpage interne et on discute de la structure intérieure de la Bosnie-
28 Herzégovine, on envisage de différentes formes d'une confédération de
Page 52435
1 Bosnie-Herzégovine ou la question de découpage en cantons, comme nous
2 l'avons souvent entendue. Et ces initiatives viennent également de la part
3 des médiateurs internationaux. Des suggestions afin d'apporter une telle
4 solution à la question de Bosnie-Herzégovine font intervenir tous les
5 éléments de solution dans tous les plans de paix à partir de Cutileiro en
6 passant par Vance-Owen, Owen-Stoltenberg, jusqu'aux accords de Dayton, qui
7 finalement prennent en compte précisément et adoptent une telle solution.
8 Cependant, le Procureur, face à ces différentes options que l'ont retrouve
9 dans les procès verbaux, les transcriptions présidentielles que nous avons
10 vu pendant le procès, interprète comme une manifestation de l'intention de
11 la République de Croatie de diviser la Bosnie-Herzégovine. Tout simplement,
12 elle ne prend pas en compte une quelconque option. Mais cette
13 interprétation est tout à fait erronée, car cette division ne concerne que
14 le mode d'organisation interne de la Bosnie-Herzégovine.
15 Pourquoi la République de Croatie prend-elle part activement à la
16 recherche d'une solution à cette question ? Il ne s'agit pas seulement
17 d'intérêt politique de la République de Croatie compte tenu des questions
18 de sécurité, comme je l'ai déjà dit, mais il s'agit du côté des pays
19 occidentaux, du fait d'insister pour que la République de Croatie, c'est-à-
20 dire le président Tudjman, en faisant jouer son autorité auprès des Croates
21 de Bosnie-Herzégovine, fasse en sorte que l'on accepte les idées ou les
22 solutions des pays occidentaux. Alors, le président croate aurait-il dû
23 refuser les exigences des protagonistes internationaux et laisser les
24 choses en Bosnie-Herzégovine se dérouler sans tenter de chercher une
25 solution acceptable pour les peuples de Bosnie-Herzégovine ?
26 Aux paragraphes 177 à 206, le Procureur expose ses arguments au sujet
27 de la présence de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine. Malgré
28 l'interprétation extrêmement créative des preuves, le Procureur n'a pas
Page 52436
1 réussi à faire valoir ne serait-ce qu'une seule preuve directe qui aurait
2 démontré de manière incontestable qu'une unité concrète de l'armée croate
3 était déployée en Bosnie-Herzégovine et qu'elle ait participé aux combats
4 avec l'ABiH. Le Procureur n'a présenté aucune preuve de la sorte tout
5 simplement parce que ces preuves-là n'existent pas, et n'existent pas parce
6 que cela n'a pas eu lieu.
7 Le Procureur ne prend absolument pas en compte le fait que le HVO
8 constitue une partie des forces armées de Bosnie-Herzégovine. Le Procureur
9 ne prend absolument pas en compte le fait qu'aucune preuve ne montre que
10 les unités de la HV aient pris part aux combats contre l'ABiH. Egalement,
11 le Procureur ne prend absolument pas en compte le fait qu'il y a bien
12 davantage de membres de l'armée de Croatie dans les unités de l'ABiH que
13 dans les unités du HVO. Et l'examen de l'ensemble des documents nous prouve
14 les éléments des documents qui fournissent des informations sur les
15 volontaires partis de la Croatie pour s'en aller dans le HVO, et plus tard,
16 à partir de la création de l'ABiH, ils sont passés dans les rangs de cette
17 armée-là, qui a défendu la Bosnie-Herzégovine face à la JNA, tout comme l'a
18 fait le HVO. Mais cela aurait exigé un examen plus approfondi des
19 documents, et cet examen est tout à fait possible.
20 Il ne fait aucun doute que le président croate, Franjo Tudjman, a
21 exercé une certaine influence politique au sein de la HZ HB du HVO. C'est
22 tout à fait naturel et logique. Les Croates de Bosnie-Herzégovine ont
23 compris que les intérêts de la République de Croatie et des Croates de
24 Bosnie-Herzégovine étaient identiques. Ils savaient tous que l'objectif
25 principal était de se défendre face à l'agression serbe, et cela a été
26 également l'intérêt de la direction musulmane. Se défendre face à
27 l'agression serbe signifie défendre le champ de bataille, à savoir les
28 territoires se situant à la fois en République de Croatie et en Bosnie-
Page 52437
1 Herzégovine. L'agresseur, quant à lui, a essayé d'occuper les zones qui
2 faisaient partie de ses projets indépendamment de l'existence d'une
3 frontière entre la Bosnie-Herzégovine et la République de Croatie. Donc ce
4 n'est pas dans ce fait-là que l'on pourrait trouver des motifs cachés quels
5 qu'ils soient que la République de Croatie auraient eus pour conquérir une
6 partie de la Bosnie-Herzégovine et tirer de cela des conclusions que la
7 République de Croatie a apporté son aide au HVO dans le conflit qui l'a
8 opposé à l'ABiH.
9 A présent, je souhaite encore évoquer la question de l'occupation,
10 comme l'affirme le Procureur dans son mémoire en clôture :
11 "… la culpabilité de Slobodan Praljak, due à l'occupation alléguée de
12 certaines parties de la Bosnie-Herzégovine par la Croatie, l'Accusation
13 commet une erreur au niveau de son analyse à la fois juridique et
14 factuelle. Avant d'examiner cette erreur dans le détail, je souhaite
15 marquer une pause pendant quelques instants et réfléchir un petit peu aux
16 questions que pose l'Accusation et ce que demande l'Accusation aux Juges de
17 la Chambre du point de vue des citoyens de la BiH.
18 "Pour une famille d'un volontaire qui était né en Bosnie-Herzégovine,
19 dont la famille multiethnique est originaire de Bosnie-Herzégovine, qui a
20 remarqué l'agression serbe qui menaçait leur famille et leur communauté,
21 qui a voté dans des élections locales où le parti local HDZ-BiH a gagné les
22 élections, qui s'est porté volontaire dans l'une des forces armées
23 multiethniques de Bosnie-Herzégovine, qui s'est battu et qui est mort pour
24 protéger leur famille de l'agression serbe, pour la famille de cet ancien
25 combattant tombé, l'Accusation souhaite que les Juges de la Chambre disent
26 ce qui suit : Votre fils était un occupant, il faisait partie de
27 l'occupation étrangère en Bosnie-Herzégovine. Si, d'aventure, il s'était
28 porté volontaire pour rejoindre le HVO, à ce moment-là, c'était un occupant
Page 52438
1 croate. Cela n'a pas d'importance s'il ne s'était jamais rendu en Croatie.
2 Cela n'a pas d'importance si lui et sa famille étaient musulmans ou croates
3 ou d'appartenance ethnique mixte. Cela n'a pas d'importance si la force
4 municipale s'est battue simplement pour la défense de sa municipalité, que
5 ceci était organisé, qu'il était payé par les gens du cru et qu'il fait peu
6 de cas des ordres émanant de la municipalité de cet échelon-là. Ses pensées
7 n'ont pas d'importance, ce qu'il pensait, pour qui il se battait, ou
8 comment il est mort, même si sa seule intention jusqu'à la fin était de
9 défendre son propre village, voire peut-être même au sens plus large, sa
10 municipalité de l'agression serbe.
11 "Bien évidemment, l'Accusation souhaite que vous dites, Messieurs les
12 Juges, parce que les méfaits qui ont lieu dans une guerre doivent être
13 attribués à quelqu'un et parce que le droit et le bon sens sont tellement
14 malléables aux yeux d'aucun : Votre fils doit être déclaré un occupant
15 devant un tribunal pénal. Des milliers comme lui doivent être considérés
16 comme des occupants étrangers de leur propre pays, le pays pour lequel ils
17 sont morts, la terre sous laquelle ils gisent actuellement. Messieurs les
18 Juges, il ne s'agit pas de quelque chose de raisonnable, et vous, les Juges
19 de la Chambre, vous ne devriez pas dire cela même si c'est ce que
20 l'Accusation souhaite que vous dites.
21 "Si ce même fils, ou son frère dans un village voisin, s'était porté
22 volontaire pour rejoindre l'ABiH plutôt que de rejoindre le HVO, il ne
23 serait pas considéré comme un occupant étranger par l'Accusation, malgré
24 les armes étrangères, malgré les soldats étrangers, malgré l'influence
25 étrangère au sein de l'ABiH. Et l'Accusation a raison de ne pas appeler
26 l'ABiH un occupant étranger, en dépit de tout ceci. Mais l'Accusation se
27 trompe lorsqu'elle appelle les anciens combattants morts de Bosnie-
28 Herzégovine des occupants si, d'aventure, ils s'étaient portés volontaires
Page 52439
1 pour rejoindre les forces armées de Bosnie-Herzégovine, envers lesquelles
2 ils ne sont pas favorables dans le procès en l'espèce."
3 Nous savons qui a la faveur de l'Accusation.
4 L'Accusation commet une erreur de droit. Car l'Accusation assume que parce
5 que, d'après leur avis, et ils se trompent, ils ont démontré qu'il y avait
6 un conflit international armé. L'Accusation a également établi qu'il y
7 avait une occupation étrangère et armée par la Croatie à certains lieux et
8 endroits où des crimes allégués ont été commis. Il s'agit manifestement
9 d'une erreur. L'existence d'un conflit armé international et l'existence
10 d'une occupation constituent des questions distinctes.
11 Dans le jugement de Naletilic, au paragraphe 214, il est établi qu'un degré
12 important de contrôle, plutôt qu'un contrôle général, est requis pour
13 établir qu'il y a occupation. Au paragraphe 218, il est établi que
14 l'Accusation doit prouver au-delà de tout doute raisonnable qu'une
15 puissance occupante avait, en réalité, le contrôle et l'autorité aux
16 périodes en question et aux endroits en question. L'influence ne suffit
17 pas.
18 La Défense Praljak fait valoir que le gouvernement de la République de
19 Croatie a peut-être exercé une influence à la fois sur l'ABiH et sur le
20 HVO, compte tenu du fait qu'elle apportait son assistance aux deux, mais la
21 République de Croatie n'a pas occupé la Bosnie-Herzégovine par le
22 truchement du HVO, pas plus que par le truchement de l'ABiH non plus.
23 L'Accusation se repose sur une opinion dissidente rendue par la Cour
24 internationale de justice, l'opinion dissidente et distincte de Korman dans
25 la République démocratique du Congo contre l'Ouganda.
26 Le droit international, tel que reflété dans les jugements de la Cour
27 internationale de justice, applique des critères très stricts qui vont au-
28 delà de l'opinion dissidente sur laquelle se fonde l'Accusation. Dans
Page 52440
1 l'affaire susmentionnée, la République démocratique du Congo contre
2 l'Ouganda, 2005, paragraphe 177, la CIJ a estimé que soit l'Etat doit
3 disposer d'un contrôle effectif sur les groupes rebelles ou l'Etat doit
4 avoir un contrôle effectif direct sur la zone. Voici le critère qui
5 convient. Le HVO doit prouver qu'il était effectivement identique à l'armée
6 croate en termes de contrôle croate si on veut prouver que c'était le
7 gouvernement croate qui exerçait le contrôle. Ceci ne peut pas être prouvé
8 parce que ceci n'est pas vrai.
9 La Défense Praljak renvoie les Juges de la Chambre à d'autres décisions
10 importantes sur la responsabilité d'Etat et du contrôle lorsqu'il y a
11 présence de forces armées nationales; le Nicaragua contre les Etats-Unis et
12 la Bosnie-Herzégovine contre la Serbie-et-Monténégro.
13 Il y aura des conséquences graves si les Juges de la Chambre continuent à
14 fragmenter le droit international tel qu'encouragé par l'Accusation.
15 Tel qu'établi par la Commission du droit international dans leur rapport en
16 2006 sur la fragmentation du droit international, à la page 36, une telle
17 fragmentation réduit les garanties légales en rendant le droit imprévisible
18 et diminue le rôle de la justice, parce que les droits des individus
19 dépendent de la juridiction qui fait appliquer ces droits.
20 Il est également important d'insister sur les critères juridiques qu'écarte
21 l'Accusation. Dans une situation où les combats sont toujours en cours, la
22 loi d'occupation ne s'applique pas. C'est quelque chose que je vais aborder
23 maintenant parce que je vais aborder les erreurs de fait commises par
24 l'Accusation.
25 L'Accusation a commis une erreur eu égard à l'application du droit aux
26 faits en l'espèce. C'est une approche caractéristique de l'Accusation. Tel
27 qu'indiqué dans son mémoire en clôture, l'Accusation n'explique pas
28 clairement qui est la puissance occupante alléguée. En parcourant leur
Page 52441
1 mémoire en clôture, on ne trouve pas une phrase claire telle que : "La
2 République de Croatie a occupé la Bosnie-Herzégovine." Peut-être qu'il est
3 même embarrassant ou gênant de prononcer ces termes. Quoi qu'il en soit,
4 ceci a été impliqué, mais aucune déclaration alléguée n'a été prouvée.
5 L'analyse factuelle de l'Accusation se fonde sur deux critères, critères
6 pour lesquels, cela étant dit, l'Accusation ne fournit aucune preuve. Le
7 premier critère est celui de la puissance occupante qui rend les autorités
8 occupées incapables de fonctionner dans le domaine public ou de contrôler
9 le secteur. Ce critère est le même critère retenu dans les principes
10 énoncés dans l'affaire Naletilic. La plupart de ces principes sont des
11 principes qu'ignore l'Accusation, parce que l'Accusation ne peut pas étayer
12 ses allégations et ne peut certainement pas les étayer par des preuves. Le
13 deuxième critère est que la puissance occupante est en mesure d'exercer son
14 autorité sur l'ensemble du territoire. Si on applique le critère de
15 l'Accusation de façon objective, ceci devrait faire comprendre que
16 l'affirmation de l'Accusation qui précise que la Croatie a occupé la
17 Bosnie-Herzégovine est une erreur. L'Accusation n'a certainement pas prouvé
18 que la Croatie a occupé la Bosnie-Herzégovine pendant la période en
19 question et qu'elle occupait le territoire dans tous les secteurs où les
20 crimes ont été commis comme il est allégué.
21 Pour ce qui est du premier critère, à savoir que la puissance occupante a
22 rendu les autorités occupées incapables de fonctionner sur le plan public
23 ou de contrôler la région, je dois vous faire part de quelques
24 observations.
25 Si nous, simplement pour pouvoir vous présenter des arguments, si nous
26 imaginons que la République de Croatie a, en réalité, occupé une partie du
27 territoire, la question qui se poserait dans ce cas serait : qui sont les
28 autorités occupées qui n'ont pas pu fonctionner par ce fait ? Comme je l'ai
Page 52442
1 dit un peu plus tôt, il n'y avait aucune autorité gouvernementale qui
2 fonctionnait dans ce secteur. Le HVO a assumé son autorité sur le plan
3 local essentiellement parce qu'il n'y avait aucun gouvernement effectif.
4 L'Accusation a simplement assumé qu'étant donné que le HVO avait établi un
5 quelconque contrôle sur une partie du territoire dans le cadre des
6 frontières de la BiH, que ce territoire était gouverné jusque-là par le
7 gouvernement de Sarajevo avant d'être repris par le HVO. Messieurs les
8 Juges, cette présomption est erronée. Il n'y avait pas de structure
9 gouvernementale qui fonctionnait à proprement parler en Bosnie-Herzégovine
10 dans ces secteurs. L'ancien gouvernement socialiste a cessé d'exister ou de
11 fonctionner. Le nouveau gouvernement de la BiH indépendant n'était pas en
12 mesure d'imposer une quelconque gouvernance qui pouvait fonctionner.
13 L'Accusation, de façon caractéristique, assume, sans pouvoir l'étayer par
14 un quelconque fait ou analyse, que pour une municipalité donnée, le
15 gouvernement du HVO élu et la force défense multiethnique constituent la
16 puissance occupante. De même, la partie qui a perdu les élections
17 municipales et qui a mené une campagne de discrimination active contre les
18 Croates de souche constitue "la puissance occupée."
19 La Défense Praljak fait valoir que les gouvernements municipaux du
20 HVO élus, que les forces de défense municipales et que les institutions
21 établies pour assurer la coordination entre ces instances, dans les
22 meilleures conditions possibles, ne peuvent pas être considérés comme une
23 puissance occupante. Il s'agissait d'instances nationales, et des instances
24 nationales n'occupent pas le pays.
25 Il est important de se rappeler que Slobodan Praljak était membre des
26 deux, à la fois membre de l'ABiH et membre du HVO, comme vous le
27 constaterez d'après les éléments de preuve présentés. On est en droit de se
28 demander si l'Accusation assume qu'il occupait lui-même, comme les
Page 52443
1 volontaires locaux, apparemment, avaient mis en scène une occupation
2 étrangère de leurs propres foyers. La puissance du HVO n'émanait pas d'une
3 invasion étrangère par la Croatie, comme ce serait le cas dans une
4 occupation. Cela émanait des forts de la base et du terrain pour essayer de
5 gérer le chaos.
6 Pour ce qui est des suggestions faites, qui sont erronées, que la
7 Croatie était responsable de l'incapacité du gouvernement de Sarajevo à
8 fonctionner dans le domaine public et à contrôler le secteur, la Défense
9 Praljak fait valoir que pour la Croatie, le gouvernement de Sarajevo
10 n'aurait pas pu conserver la "municipalité de Sarajevo" sans la Croatie.
11 C'était le seul pouvoir de facto qu'elle détenait pendant la durée du
12 conflit. Sans l'appui actif de la Croatie, le gouvernement de Sarajevo
13 aurait été complètement débordé. La Croatie était l'anti-occupant de la
14 Bosnie-Herzégovine en face de la véritable agression serbe. Toute aptitude
15 dont disposait le gouvernement de Sarajevo en face de l'avancée serbe était
16 seulement due au fait que le gouvernement de Croatie a fourni de l'aide aux
17 forces de défense qui étaient sur un pied d'égalité, l'ABiH et le HVO. Si
18 on cherche à tout prix à établir la raison de l'incapacité du gouvernement
19 de Sarajevo, les éléments de preuve détournent l'attention de Zagreb bien
20 manifestement. Il y a des raisons évidentes qui permettent d'expliquer
21 l'incapacité du gouvernement de Sarajevo et qui sont tout à fait ignorées
22 par l'Accusation, qui se focalise sur Zagreb. Le gouvernement de Zagreb a
23 manqué de capacité ou d'aptitudes en la matière parce que la faute en
24 revenait à Belgrade et non à Zagreb. Le gouvernement de Sarajevo a manqué
25 de capacité parce que ces manquements étaient dus à leur politique qui
26 était biaisée sur le plan ethnique. Le gouvernement de Sarajevo n'a pas eu
27 cette capacité ou ces aptitudes parce que la communauté internationale
28 l'avait mis sous embargo, alors que l'agression serbe se poursuivait.
Page 52444
1 Donc ce qu'on laisse entendre, c'est que la République de Croatie
2 avait occupé la Bosnie-Herzégovine tout en aidant et armant la Bosnie-
3 Herzégovine. Et je crois qu'il faut écarter cette idée-là parce qu'il
4 s'agit d'une idée absurde.
5 De même, même si l'Accusation prouve, ce que l'Accusation n'a pas
6 fait, que le HVO ressemblait en tous points à l'armée croate en terme de
7 fonctionnement, ce qui n'est certainement pas le cas, est-ce que
8 l'Accusation laisse entendre, et ce, de façon sérieuse, que si les unités
9 de Bosnie du HVO local n'avaient pas été formées dans ces secteurs, ces
10 secteurs n'auraient pas été débordés par la JNA ou la VRS ? Si le HVO avait
11 été démantelé à un quelconque moment, l'ABiH aurait été complètement
12 débordée par la JNA ou la VRS. Le HVO faisait partie des forces armées de
13 la BiH. Ceci a été prouvé, par exemple, par les pièces 1D 00507, 2D 00628,
14 4D 00410 et suivantes. Le HVO a sauvé l'ABiH. Donc l'ABiH n'a pas été
15 débordée et n'a pas occupé le pays qu'elle a sauvé.
16 Eu égard au deuxième critère identifié par l'Accusation, à savoir que
17 les soi-disant puissances occupantes étaient en mesure d'exercer son
18 autorité sur l'ensemble du territoire, la Défense Praljak fait valoir que
19 l'Accusation assume tout simplement, sans aucune preuve,sans aucune preuve,
20 que parce que le gouvernement de Sarajevo était incapable, la République de
21 Croatie devait manifestement avoir un commandement et un contrôle de tous
22 les secteurs à tout moment où les crimes allégués se sont produits. Et l'un
23 n'est pas une conséquence logique de l'autre. Ce n'est pas parce que le
24 gouvernement de Sarajevo a peut-être été incapable, à un moment ou à
25 certains moments, cela ne signifie pas pour autant que la République de
26 Croatie était en position d'exercer son autorité sur l'ensemble du
27 territoire aux endroits pertinents et à la période en question. Si
28 l'Accusation avait eu l'intention de prouver ce fait, plutôt que de
Page 52445
1 l'assumer, l'Accusation aurait dû prouver au moins deux faits eu égard à
2 chaque situation. Tout d'abord, l'Accusation aurait dû prouver qu'il n'y
3 avait pas de combats dans le territoire soi-disant occupé. Pas seulement
4 entre l'ABiH et le HVO, mais entre le HVO et la JNA et la VRS. Cela ne
5 relève pas de la responsabilité de la Défense Praljak de démontrer des
6 combats en cours, quand bien même elle l'a fait. Plutôt, c'est une
7 obligation qui incombe à l'Accusation de montrer que les combats ont cessé
8 dans les secteurs qui, d'après l'Accusation, sont occupés.
9 La JNA et la VRS n'ont jamais cessé de se battre. Bon nombre des
10 crimes allégués se sont produits au moment où les attaques de l'ABiH contre
11 le HVO étaient très intenses. L'Accusation a tendance à assumer qu'il y
12 avait un conflit entre l'ABiH et le HVO et que cela constituait la norme
13 malgré des contradictions proposées à cet égard, malgré le fait de
14 contredire ces suppositions qu'il n'y avait pas de conflit et que le HVO
15 occupait un territoire où il n'y avait pas de conflit. L'Accusation n'a pas
16 allégué de façon précise ou prouvé qu'il n'y avait pas de combats au moment
17 où les crimes présumés ont été commis. Par conséquent, l'Accusation n'a pas
18 prouvé qu'il y avait occupation.
19 Deuxième point, l'Accusation doit prouver qu'il y avait une chaîne
20 ininterrompue de contrôle effectif entre le gouvernement de la République
21 de Croatie aux dirigeants du HVO, des gouvernements municipaux, qui eux-
22 mêmes étaient en mesure d'exercer l'autorité sur l'ensemble du territoire.
23 Ce n'est qu'à ce moment-là que la soi-disant puissance occupante de Croatie
24 -- ce n'est que dans ce cas-là que cette puissance occupante de Croatie
25 serait en mesure d'exercer son autorité sur l'ensemble du territoire.
26 Chaque maillon de cette chaîne est rompu. L'influence ne constitue pas le
27 commandement. La République de Croatie a peut-être influencé, mais elle ne
28 contrôlait pas les dirigeants du HVO. Les forces municipales ont coopéré
Page 52446
1 avec les hauts dirigeants du HVO, mais seulement lorsqu'ils le
2 souhaitaient. Il ne s'agissait pas d'une structure militaire
3 professionnelle officielle avec un commandement effectif et un contrôle et
4 un système de transmission. Les gouvernements municipaux eux-mêmes
5 n'avaient que des rapports parcellaires, irréguliers et un contrôle partiel
6 sur l'ensemble de cette situation essentiellement chaotique. Donc il n'y
7 avait pas d'occupation.
8 Pour finir, la Défense Praljak doit se demander ce que cette question
9 a à voir Slobodan Praljak. Slobodan Praljak n'était pas le roi de ces soi-
10 disant secteurs occupés. Il n'a aucune responsabilité pénale en dehors de
11 ces périodes où il assumait le commandement militaire. Pendant une très
12 brève période, il était commandant militaire, et ses forces étaient à la
13 limite de ses possibilités le long de la ligne de confrontation. Il n'avait
14 pas de contrôle effectif en dehors des zones où il était présent. Et de
15 placer un commandement en première ligne, un commandant opérationnel, et de
16 le placer sous le régime d'une responsabilité effective et stricte pour
17 l'ABiH et pour la JNA et la VRS et qu'il aurait pris le contrôle de ce
18 territoire serait un abus tout à fait absurde en termes de droit pénal. La
19 Chambre de première instance doit résister aux efforts déployés par
20 l'Accusation de faire avancer le droit dans cette voie-là.
21 Alors, que ce soit la perspective d'un soldat de Bosnie, considéré comme un
22 occupant étranger, ou de la perspective d'un volontaire membre à la fois du
23 HVO et de l'ABiH qui a servi pendant un cours laps de temps de commandant
24 le long des lignes de front, ou si on se place du point de vue des grandes
25 questions de la responsabilité d'Etat, la Défense Praljak fait valoir que
26 les constatations factuelles eu égard à l'occupation doivent être abordées
27 avec une extrême prudence. Non seulement dû aux principes de présomption
28 d'innocence ou de dubio pro reo. La Chambre de première instance peut, de
Page 52447
1 façon raisonnable, se demander si l'Accusation est, en réalité, en train de
2 faire le procès de la République de Croatie sans permettre à l'Etat de se
3 représenter. C'est un Tribunal qui a pour charge d'apprécier la culpabilité
4 pénale de personnes physiques, et non pas d'évaluer la responsabilité des
5 Etats. Ce Tribunal a été conçu pour apprécier la position de l'Accusation,
6 à savoir si elle a prouvé sa thèse particulière de responsabilité pénale
7 individuelle par rapport aux crimes allégués précis, et non pas de faire
8 des généralisations historiques qui seraient qui leur conviennent pour des
9 raisons techniques et légales, pour ceux qui souhaitent utiliser la loi et
10 la faire plier dans le sens pour que ce procès ait l'issue qui leur
11 convient.
12 Dans ce cadre, l'Accusation souhaite alléguer une occupation, et ses
13 allégations doivent être particulières, et les preuves qu'ils avancent
14 doivent être en béton. Au lieu de cela, l'Accusation demande aux Juges de
15 cette Chambre de se transformer en tribunal qui se préoccupe de la
16 responsabilité des Etats en se fondant sur de vagues affirmations, pour la
17 plupart non identifiées, et d'éléments de preuve insuffisants. L'Accusation
18 en demande trop aux Juges de la Chambre. L'Accusation n'a pas réussi à
19 prouver l'occupation présumée de la Bosnie-Herzégovine par la République de
20 Croatie, le conflit international et l'occupation par la République de
21 Croatie. L'Accusation n'a certainement pas pu prouver une quelconque
22 culpabilité pénale dérivée de Slobodan Praljak pour sa soi-disant
23 occupation étrangère. Les allégations de l'Accusation eu égard à
24 l'occupation doivent être rejetées.
25 Messieurs les Juges, si vous me le permettez, Mme Pinter va poursuivre.
26 Ensuite, M. Praljak souhaite utiliser ses 30 minutes. Avec votre
27 permission, nous aller décider si M. Praljak va prendre la parole
28 aujourd'hui ou lundi. Je crois que ce sera plutôt lundi, de façon à ce
Page 52448
1 qu'il n'y ait pas trop de pression, mais nous verrons au fil de l'évolution
2 de cette audience.
3 Merci, Messieurs les Juges.
4 Mme PINTER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
5 Juges. Bonjour à tout un chacun dans le prétoire et autour du prétoire.
6 Comme mon confrère, Me Kovacic, l'a dit, dans ma partie de notre
7 plaidoirie, je vais proposer une analyse du mémoire en clôture de
8 l'Accusation. Je vais mettre en évidence les interprétations erronées du
9 Procureur, les paragraphes du mémoire en clôture du Procureur qui
10 contiennent des citations inexactes de documents sur lesquels le paragraphe
11 en question s'appuie, et les affirmations que met en avant le Procureur en
12 s'appuyant sur des extraits sortis de leur contexte, de conversations ou de
13 phrases, ce qui conduit à une présentation erronée des faits.
14 Parmi tout ce que nous avons entendu de la part du Procureur, que ce soit
15 dans son réquisitoire ou dans son mémoire en clôture, je ne conviendrais
16 que d'une seule chose, à savoir sa propre évaluation consistant à dire
17 qu'il n'a peut-être pas présenté sa thèse de la meilleure façon possible.
18 Le Procureur ne prend absolument pas en compte le fait que les événements
19 pour lesquels le général Praljak est mis en Accusation se déroulent pendant
20 une guerre. Or, la guerre présuppose au moins deux forces en présence et en
21 conflit. Le général Praljak, à la tête de l'état-major principal, ne
22 combattait pas la population musulmane, mais l'ABiH.
23 Quant à ce que représente la guerre et les conséquence qu'elle a sur
24 les personnes, ainsi que la façon dont les hommes changent en situation de
25 guerre, nous en trouvons une description par Rudy Gerritsen dans le
26 document 3D 991. C'est à la lumière de cette description qu'il convient
27 d'évaluer les actes, les possibilités et les paroles du général Praljak
28 lorsque l'on s'efforce d'évaluer les éléments de preuve.
Page 52449
1 Le document que je viens de citer est le 3D 991.
2 Je souhaite attirer votre attention sur les interprétations inexactes
3 figurant dans le mémoire en clôture de l'Accusation ainsi que sur les
4 interprétations erronées qui sont faites du mémoire en clôture de la
5 Défense Praljak.
6 Tout d'abord, la Défense n'a jamais reconnu ni accepté l'existence d'une
7 entreprise criminelle commune. Au contraire, la toute première phrase du
8 mémoire en clôture de notre Défense affirme qu'aucune entreprise criminelle
9 commune n'existe.
10 La Défense n'a pas repris à sa charge le rôle du Procureur et n'a pas
11 montré du doigt ni les co-accusés ni d'autres personnes en s'efforçant de
12 rejeter sur eux quelque forme de culpabilité que ce soit.
13 La Défense s'est contentée de répondre aux paragraphes de l'acte
14 d'accusation et a attiré l'attention sur les documents qui réfutent lesdits
15 paragraphes. Si dans un certain paragraphe de l'acte d'accusation on
16 allègue que les autorités de la HZ HB seraient responsables, la Défense
17 s'est concentrée sur cette position précise de l'Accusation telle qu'elle
18 est décrite audit acte d'accusation.
19 La Défense a appuyé ses affirmations consistant à dire que le général
20 Praljak n'est pas responsable en s'appuyant sur des documents. Elle n'a pas
21 montré du doigt d'autres personnes, ce dont chacun a pu se convaincre en
22 lisant le mémoire en clôture de la Défense, y compris le Procureur
23 d'ailleurs. Le général Praljak, dans sa déposition, n'a jamais dit que le
24 Dr Prlic ou que des civils auraient été responsables des camps.
25 Je vais maintenant passer à l'analyse paragraphe par paragraphe, ceux qui
26 concernent le général Praljak. A cet effet, je dois dire que, dans le cadre
27 du temps qui nous est alloué, il est impossible d'aborder chacun de ces
28 paragraphes, ce qui est dommage parce que chacun d'eux mériterait une
Page 52450
1 analyse extrêmement détaillée.
2 Au paragraphe 42, le Procureur suggère que Praljak aurait ordonné le
3 transfert des prisonniers de l'endroit où il travaillait le jour où il
4 aurait eu une conversation avec un représentant d'une organisation
5 internationale, mais qu'après cette conversation, on aurait fait revenir
6 les prisonniers en question à leurs travaux. On allègue également que le
7 commandant de la zone, le 8 septembre 1993, aurait ordonné que l'on prélève
8 un certain nombre de prisonniers et que Praljak n'aurait rien fait afin de
9 s'assurer que ceci ne survienne pas. A l'appui de cette affirmation, le
10 Procureur cite le document P 04256. Ce document porte la date du 17 août
11 1993, bien qu'à la page d'en-tête on puisse voir qu'il a été envoyé par fax
12 à la date du 15 août 1993, c'est-à-dire deux jours avant la rédaction du
13 document. Dans ce document ne figure pas la moindre mention selon laquelle
14 l'auteur de ce dernier aurait abordé de quelque façon que ce soit dans une
15 conversation le sujet des travaux forcés avec le général Praljak. Le
16 Procureur se livre à des conjectures lorsqu'il dit que l'ordre du général
17 Praljak du 17 août 1993 serait la conséquence de sa rencontre avec l'auteur
18 de ce document. Par conséquent, ceci ne peut être le fondement d'une
19 évaluation par la Chambre de première instance dudit comportement.
20 Un autre document cité à l'appui par le Procureur concernant cette
21 affirmation est le P 04517. Ce document ne montre pas que son auteur se
22 serait entretenu avec le général Praljak et l'aurait informé du fait que
23 des prisonniers étaient envoyés aux travaux forcés. L'auteur de ce rapport
24 ne précise pas quelle est la qualité des prisonniers. On ne fournit aucune
25 preuve aux Juges de la Chambre quant à la qualité des personnes qui
26 accomplissaient ces travaux; s'agissaient-il de prisonniers de guerre, de
27 détenus, s'agissaient-il de conscrits placés en isolement, de civils ou de
28 membres du HVO ? La qualité des personnes employées à ces travaux est
Page 52451
1 pourtant essentielle du point de vue d'une qualification juridique.
2 Quant au document P 09736, il s'agit encore une fois d'un document
3 censé appuyer l'affirmation figurant dans ce même paragraphe. Il s'agit de
4 la liste des personnes employées à ces travaux, mais ce document ne peut
5 rien indiquer d'autre aux Juges de la Chambre que le fait que 20 personnes
6 étaient employées à ces travaux à Jurici et que c'est également un Musulman
7 qui avait la responsabilité de ces personnes, le même que celui qui a
8 d'ailleurs fourni le rapport concernant ces événements. Quant à la nature
9 exacte des travaux dont il s'agissait, nous l'ignorons. Il n'y a aucun
10 élément de preuve indiquant d'ailleurs qu'à la date du 1er septembre 1993,
11 à laquelle ce document a été rédigé, il y ait eu la moindre opération
12 militaire en cours à Jurici ou dans les environs.
13 Le document suivant censé confirmer l'affirmation du paragraphe 42
14 est le P 04877. Ce document n'indique en aucune façon que l'ordre aurait
15 été la conséquence des ordres donnés par le général Praljak, et il ne
16 montre pas non plus que le document aurait été transmis à l'état-major
17 principal. Par conséquent, comment le Procureur peut-il affirmer que le
18 général Praljak pouvait être au courant des travaux auxquels étaient
19 envoyés les prisonniers ?
20 Le document P 4235 est censé prouver, selon l'Accusation, qu'ils étaient
21 obligés de recourir aux Musulmans en raison des problèmes rencontrés avec
22 la mobilisation des Croates. Mais une telle conclusion est tout simplement
23 inexacte. Aucun élément de preuve n'a été présenté qui démontrerait
24 indubitablement que le général Praljak aurait, A, ordonné; B, approuvé; C,
25 été informé et qu'il aurait omis de réagir aux travaux accomplis par les
26 prisonniers. Le général Praljak, dans sa déposition, n'a jamais dit que le
27 moindre prisonnier ou détenu aurait pu travailler, pas plus qu'il ne l'a
28 affirmé pour les membres capturés de l'ABiH.
Page 52452
1 Le paragraphe suivant est le 211. J'attire votre attention simultanément
2 sur la page numéro 51 952 du compte rendu d'audience. Le Procureur affirme
3 là que Praljak aurait menti concernant l'accord passé avec Izetbegovic
4 ainsi que l'accord de resubordination, ce dernier étant lié à la décision
5 du 15 janvier 1993, qui portait le titre temporaire dans sa version de
6 travail "Ultimatum". Pour ce qui concerne cette affirmation selon laquelle
7 Praljak aurait menti, le Procureur n'a fourni aucune preuve en dehors de ce
8 qui consiste à dire qu'il n'est pas vraiment crédible de dire qu'il se
9 serait agi d'un accord oral. Le Procureur dit qu'Izetbegovic parle là d'un
10 malentendu potentiel et considère qu'il s'agit là d'une preuve du mensonge
11 de Praljak.
12 Mais la Défense souhaiterait attirer l'attention des Juges de la Chambre
13 sur la pièce P 1158. Ce document date du 15 janvier 1993. Il s'agit du
14 procès-verbal d'une réunion tenue dans le bureau du président Tudjman. Le
15 Procureur cite également ce procès-verbal à l'appui, mais ce qui est
16 essentiel, et c'est concernant le général Praljak, notamment en rapport
17 avec sa déposition dans ce prétoire, a été consigné dans la page 20 de la
18 traduction anglaise. On y trouve consignés les propos tenus par Gojko Susak
19 à l'attention d'Alija Izetbegovic concernant les discussions portant sur la
20 resubordination ainsi que les raisons expliquant le changement de position
21 d'Alija Izetbegovic. Je veux croire que les Juges de la Chambre voudront
22 bien lire le procès-verbal en question et ne se satisferont pas des
23 citations faites par l'Accusation.
24 Paragraphe 233. Le Procureur, entre autres, y affirme que Susak aurait
25 menacé Izetbegovic et qu'il aurait dit que la Bosnie-Herzégovine n'allait
26 pas recevoir d'armes si jamais Izetbegovic ne signait pas cette
27 déclaration. Et le Procureur se réfère au document P 1739, qui est
28 également un procès-verbal d'une réunion dans le bureau du président, pages
Page 52453
1 26 et 27. Mais rien dans ce procès-verbal ne parle d'une hostilité envers
2 les Musulmans. Ce que l'on voit dans ce procès-verbal tout à fait
3 clairement, c'est le fait que Praljak se trouve en Bosnie-Herzégovine au su
4 et avec l'accord de M. Izetbegovic. Les documents montrent que Jaganjac et
5 Praljak se trouvent ensemble en Bosnie-Herzégovine, qu'ils tiennent des
6 réunions conjointes et qu'ils s'efforcent d'apaiser la situation afin que
7 ceux qui sont des alliés ne se retrouvent pas en conflit. Ils apaisent donc
8 les tensions. Praljak s'emploie à cela dès la fin du mois d'octobre 1992 en
9 se rendant dans les régions de Prozor, Vakuf et Travnik. Nous avons abordé
10 ce sujet dans notre mémoire en clôture d'ailleurs.
11 Quant à cette menace qu'évoque le Procureur, je dois ici dire que cette
12 menace ne concernait pas la signature de l'accord de resubordination, mais
13 qu'elle concernait Konjic. Ceci est clairement visible à partir du document
14 P 1739. A ce moment-là, à Konjic, nous assistons au début d'une série
15 d'attaques dirigées contre le HVO, et le 20 mars 1993, les représentants de
16 l'ABiH élaborent cet accord consistant à dire qu'à partir de maintenant, il
17 n'y aura plus d'actions conjointes avec le HVO. Le document 2D 00253 en
18 témoigne.
19 Dans le paragraphe 242, qui porte sur le second ultimatum du 15 avril 1993,
20 le Procureur se réfère au document P 1942, daté du 19 avril 1993. Il s'agit
21 d'un document versé par l'intermédiaire du Témoin Okun, et quant à moi, je
22 souhaite souligner la conclusion figurant dans ce document qui dit :
23 "La situation est critique, et tant que les plus hautes autorités civiles
24 de Bosnie-Herzégovine ne s'engageront pas afin de trouver une solution à
25 cette situation, il ne sera pas possible d'espérer une solution pacifique
26 dans un avenir proche."
27 Le document P 02458 est également cité. Il s'agit du rapport de Mazowiecki
28 daté du 19 mai 1993, et au point numéro 7, il est question de :
Page 52454
1 "L'importance stratégique de la vallée de la Lasva, selon le plan Province
2 numéro 10, une majorité croate siège à Travnik. Les Musulmans ne sont pas
3 disposés à accepter cela."
4 Donc les documents sur lesquels le Procureur s'appuie montrent, en réalité,
5 que la paix entre les Musulmans et les Croates dépendait des Musulmans.
6 "Quant au transfert des Croates de Bosnie orchestré par Tudjman," comme on
7 peut le lire dans l'un des titres du mémoire en clôture de l'Accusation,
8 dans les paragraphes 262 à 293. Je rappelle que mon confrère, Me Karnavas,
9 a abordé ce sujet du point de vue des dépositions des témoins qu'il a
10 analysées. Quant à moi, je voudrais l'aborder du point de vue des documents
11 sur lesquels s'appuie le Procureur pour avancer cette affirmation.
12 Les paragraphes 276 à 292 nous parlent de la propagande du HVO. Il y est
13 dit que, selon cette propagande, des crimes musulmans auraient été commis
14 alors que les rapports émanant du terrain indiquent qu'il n'y aurait pas eu
15 davantage que quelques escarmouches avec peu de victimes. Les rapports
16 parlent du transfert de milliers de Croates de Travnik de nuit et en
17 secret. La déposition d'Azra Krajsek est censée appuyer ceci. Il s'agit
18 d'une déposition figurant en page 20 114 du compte rendu d'audience, où
19 l'on peut lire : Personne n'a confirmé avoir vu des Moudjahidines.
20 Cependant, les rapports des Nations Unies, les documents émanant des
21 observateurs et d'autres documents confirment que les Moudjahidines étaient
22 bel et bien présents et ont participé aux opérations de l'ABiH.
23 Le Témoin Filipovic, lorsque M. le Juge Antonetti lui a posé une question,
24 a confirmé leur existence, ce qui est consigné aux pages 47 561, ligne 2 du
25 compte rendu jusqu'à 47 561, ligne 21.
26 Concernant la participation des Moudjahidines du côté de l'ABiH, nous avons
27 également les éléments de preuve suivants : 2D 1407, 2D 1262, P 06697, page
28 7, paragraphes 29 et 30, ainsi que 3D 01914, 4D 00597, 3D 00331. Je répète
Page 52455
1 - excusez-moi - un numéro qui n'a pas été consigné au compte rendu, 2D
2 1407.
3 Les conséquences des actions offensives de l'ABiH ont été la chute de
4 Bugojno et l'afflux de Croates qui fuyaient Bugojno. Avant cela même, les
5 Croates avaient fui Kakanj et Travnik. Ils ne sont pas venus à Prozor,
6 Rama, à Vares, ou plus tard en Herzégovine, parce que cela aurait été le
7 résultat d'une propagande. Mais ils souhaitaient simplement sauver leur
8 peau, comme l'a décrit le Témoin Filipovic. C'est ce que nous souhaitons
9 souligner. Le Procureur cite la réponse du Témoin Filipovic au paragraphe
10 292. Cependant, la réponse sur laquelle le Procureur s'appuie comme étant
11 celle devant étayer son affirmation est une réponse fournie par le Témoin
12 Filipovic lorsqu'une question lui a été posée sur le document 4D 567. Ceci
13 est consigné en page 47 556 du compte rendu d'audience. Il s'agit là d'une
14 carte qui lui a été présentée et sur laquelle figurent la situation en
15 novembre 1993 ainsi que, plus précisément, la situation des réfugiés. La
16 réponse du général Filipovic a consisté à dire :
17 "N'abandonnez pas votre domicile si votre vie n'est pas menacée."
18 La réponse du Témoin Filipovic est donc liée à cette question à laquelle il
19 répondait, et compte tenu de cela, on ne peut pas la considérer comme un
20 argument plausible à l'appui de la thèse du Procureur. Il n'est pas
21 possible d'établir là un lien avec la thèse du Procureur selon laquelle ce
22 serait la propagande qui aurait causé le retrait des Croates et selon
23 laquelle il y aurait eu un nettoyage ethnique à rebours orchestré.
24 A compter de juin 1993, pendant l'offensive de l'ABiH, ne serait-ce qu'à
25 Travnik, la population des Croates a été diminuée de 20 000 personnes; à
26 Kakanj, elle a été réduite de 15 000; à Bugojno, de 15 000 également. Les
27 Croates de Bosnie centrale ne sont pas partis dans le cadre de la mise en
28 œuvre de la politique d'une entreprise criminelle commune, mais en raison
Page 52456
1 de l'offensive virulente de l'ABiH visant les territoires où vivaient des
2 Croates. Leur motivation était la peur de l'ABiH et de ses activités de
3 guerre, et non pas la propagande du HVO. C'est cela qui les a amenés à
4 fuir.
5 Correction au compte rendu d'audience : c'était 15 000 Croates en moins
6 pour Kakanj.
7 Les Croates de Travnik, de Kakanj, de Bugojno et de Vares n'ont pas fui de
8 leur propre gré. Ils ont fui pour essayer de sauver leurs vies face aux
9 attaques de l'ABiH, et non pas pour accomplir les objectifs de Franjo
10 Tudjman ou de Slobodan Praljak, qui auraient, dans ce cas-là, été également
11 les leurs, ils auraient dû être également leurs objectifs, parce que s'ils
12 étaient partis de leur propre chef, dans ce cas-là, eux aussi devraient
13 être considérés comme membres de l'entreprise criminelle commune
14 participant à cette dernière. Les éléments de preuve nous montrent,
15 cependant, autre chose : la pièce 1D 01654 notamment, il s'agit du
16 troisième acte d'accusation modifié dans l'affaire Hadzihasanovic, et nous
17 avons également les pièces P 3337, la pièce 3D 837, le 3D 1731, 2D 1407, 3D
18 2632, 3D 2775.
19 Concernant cette partie du mémoire final de l'Accusation qui concerne
20 Ljubuski, Stolac et Capljina, je souhaiterais simplement attirer votre
21 attention sur le paragraphe 353 et l'affirmation que l'on y trouve selon
22 laquelle il y aurait eu mise en place de règles croates, de la langue
23 croate, du programme scolaire croate et installation également du drapeau
24 croate. Tout ceci était censé décrire l'attitude du HVO à l'égard des
25 Musulmans et un processus de croatisation.
26 Mais tout d'abord, je souhaite dire ici qu'il ne s'agissait pas du drapeau
27 de la République de Croatie, mais de celui du peuple croate en Bosnie-
28 Herzégovine. Cependant, j'attire également l'attention des Juges sur le
Page 52457
1 document 3D 03228. Il s'agit du "soldat herzégovin". C'est une publication
2 d'un journal du 4e Corps de l'ABiH, et ce journal est donc édité en février
3 1993. Je répète la référence, 3D 03228. Ce document nous décrit le mois de
4 janvier 1993, le bombardement de Mostar, mais également celui de Stolac. Le
5 23 janvier 1993, Stolac est pilonné par la VRS; le 24 janvier 1993, Stolac
6 est bombardé par la VRS également; le 1er février 1993, on enregistre des
7 attaques visant Stolac, plus de 500 obus visant les lignes, 20 obus visant
8 la ville de Stolac; et le 2 février 1993, l'attaque contre Stolac se
9 poursuit. C'est conjointement avec le HVO qu'ils ont défendu Stolac. C'est
10 ce qu'écrit ce journal. Il est également question de Pocitelj et du passage
11 de 12 000 civils. A ce sujet, nous avons également eu l'occasion d'entendre
12 ce qu'il en était. Des combats intenses s'en sont ensuivis, et à la période
13 du Bajram, le drapeau aux fleurs de lys avait été hissé sur la mosquée. Un
14 Croate, Luburic, était celui qui avait apporté les premiers lys. Cela est
15 ce qu'écrit le 4e Corps de l'ABiH. Par conséquent, je voudrais demander aux
16 Juges de la Chambre d'examiner ce document lorsqu'ils se pencheront sur les
17 déclarations des témoins qui nous ont dit que le HVO aurait attaqué Stolac,
18 aurait détruit Stolac, et l'aurait croatisé.
19 Messieurs les Juges, j'en arrive à un sujet de responsabilité pénale de
20 Slobodan Praljak pour ce qui est du chapitre 11 du mémoire du Procureur.
21 Peut-être l'heure est-elle venue de faire la pause.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire 20 minutes de pause.
23 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
24 --- L'audience est reprise à 10 heures 53.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
26 Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
27 Je m'étais arrêtée à la responsabilité pénale du général Praljak
28 décrite au chapitre 11 du mémoire en clôture de l'Accusation, et les
Page 52458
1 paragraphes concernés vont de 614 à 860. Je vais me référer seulement aux
2 documents que je voudrais mettre en exergue parce que j'estime qu'ils sont
3 importants.
4 Au paragraphe 649, le bureau du Procureur affirme que le Bataillon des
5 Condamnés avait été connu également sous le nom d'ATG Tuta et que le
6 général Praljak avait commandé ce bataillon. Cette allégation de Procureur
7 est étayée par les documents P 4134 et 4131. Et mettre un signe d'égalité
8 entre ATG Tuta et le Bataillon des Condamnés est fait au paragraphe 296 de
9 son mémoire de clôture également par les soins du Procureur.
10 Les documents ne confirment pas qu'il est possible de passer un signe
11 d'égalité entre ce Bataillon des Condamnés et l'ATG Tuta. Aucun élément de
12 preuve survenu ou créé à l'époque où le général Praljak était commandant de
13 l'état-major du HVO n'indique que, par ses ordres, il aurait confié quelque
14 mission de combat que ce soit à ce bataillon. Le Procureur n'a pas présenté
15 d'élément de preuve montrant que ce Bataillon des Condamnés se trouvait
16 placé sous le commandement de l'état-major du HVO à Rastane. Il n'y a pas
17 eu d'élément de preuve avancé non plus pour contester les affirmations de
18 la Défense disant que Mladen Naletilic n'avait pas été commandant de cet
19 ATG Tuta. Au contraire, l'élément de preuve 4D 01356 est une interview avec
20 Andabak, Ivan, qui a dit et confirmé que ce Bataillon des Condamnés,
21 lorsqu'il avait combattu au sein de la HZ HB, s'était trouvé uniquement
22 placé sous les ordres de Mate Boban. Il n'y a eu aucun élément de preuve
23 disant le contraire à être montré aux Juges de la Chambre.
24 Au document P 05226, daté du 20 septembre 1993, et il s'agit d'une lettre
25 du chef du secteur chargé de la sécurité et du département de la Défense à
26 l'intention de Mate Boban portant sur un grave incident causé par les
27 membres de ce Bataillon des Condamnés.
28 Si ce bataillon avait été placé sous les ordres de l'état-major
Page 52459
1 principal du HVO, alors la lettre aurait été envoyée à l'état-major
2 principal du HVO, et non pas à Mate Boban. Si le chef du secteur de la
3 Sûreté avait été placé sous les ordres de l'état-major, c'est-à-dire de
4 Slobodan Praljak, alors ce courrier aurait été envoyé à Slobodan Praljak,
5 en sa qualité de commandant, et on n'aurait pas contourné le commandant
6 pour écrire à Mate Boban. Ce document n'a pas été réceptionné à l'état-
7 major du HVO. Le Procureur n'a montré aucun élément de preuve moyennant de
8 quoi les Juges de la Chambre pourraient, avec certitude, constater que
9 Slobodan Praljak avait eu connaissance des événements de Ljubuski, tel
10 qu'indiqué au document. Le document, sans aucun doute possible, montre que
11 le Bataillon des Condamnés était placé sous les ordres de Mate Boban, comme
12 le général Praljak l'a affirmé lors de son témoignage à lui.
13 Le document P 07009 est une liste de versement des revenus
14 individuels pour le mois de novembre 1993, de ceux qui faisaient partie de
15 ce Bataillon des Condamnés et des ATG, c'est-à-dire des unités
16 antiterroristes. Cela prouve que l'ATG Tuta ne se trouve pas être indiquée
17 comme étant une unité faisant partie du Bataillon des Condamnés ou que le
18 Bataillon des Condamnés serait égal à l'ATG Tuta. La conclusion disant que
19 l'ATG Tuta est la même chose que le Bataillon des Condamnés ne saurait être
20 tirée de la teneur des documents auxquels se réfère le bureau du Procureur.
21 Le Procureur n'a avancé aucun élément de preuve pour indiquer qu'entre le
22 Bataillon des Condamnés et l'ATG Tuta, il serait possible de placer un
23 signe d'égalité. Il n'a été présenté aucun élément de preuve disant qu'il
24 s'agissait là d'une même unité militaire, et pour ce qui est des hypothèses
25 et des conjectures en matière pénale, il n'y a pas lieu d'en avoir.
26 Au paragraphe 654 et aux pages compte rendu d'audience 51 880 -datées
27 du 8 février 2011 - page 7, où le Procureur se réfère notamment au
28 témoignage du général Petkovic et de Filipovic, il est affirmé qu'il n'y a
Page 52460
1 pas eu de problèmes de commandement, de contrôle et de communication au
2 sein du HVO. Puis, je précise qu'à la page 51 935, il est ajouté qu'il
3 n'y a pas eu de problèmes non plus au sein de la chaîne de commandement. La
4 Défense, à ce sujet, veut indiquer ce qui figure à son mémoire de clôture,
5 paragraphe 16, où la Défense du général Praljak, moyennant documents et
6 témoignages de témoins, a montré que les ordres, le contrôle et les
7 communications au sein du HVO s'étaient avérés insuffisants et non établis
8 dans un volume plein et entier. Le témoignage du général Petkovic, qui est
9 négligé par le Procureur, qui se trouve être notamment mentionné à la page
10 40 363, confirme les dires de la Défense du général Praljak. Cela se trouve
11 être consigné à la déclaration du général Praljak, page 44 121 et à la page
12 41 138.
13 Une image très précise pour ce qui est de l'existence de trois éléments au
14 sein du HVO vécus sur sa propre expérience a été fournie par le Témoin
15 Skender à l'intention des Juges de la Chambre, et la même chose découle de
16 sa déclaration qui porte la référence 3D 3710. Alors, s'agissant de la
17 qualité de ces liens, il y a un document pour l'illustrer qui est le P
18 4698A, page 86.
19 Au paragraphe 661, il est dit que le Dr Tudjman avait nommé Praljak pour
20 qu'il soit l'un de ceux qui transmettraient à Izetbegovic la politique de
21 l'Herceg-Bosna, c'est-à-dire du gouvernement croate portant sur la banovina
22 jusqu'à exclusion de l'autorité du gouvernement à Sarajevo. Le Procureur
23 présente de façon inexacte ce qui est dit à ce paragraphe, parce que dans
24 ce document P 00524, auquel il se réfère, en page 23, il n'y a pas de
25 texte analogue. Il a été rajouté. Lorsque le PV est lu dans son
26 intégralité, il peut être déterminé que cela se rapporte aux entretiens
27 relatifs à l'annexe à l'accord portant sur la coopération avec la Bosnie-
28 Herzégovine, et en page 23, il est question de la nomination de personnes
Page 52461
1 du côté croate pour faire partie du comité conjoint chargé de la mise en
2 œuvre de l'accord. Praljak et Bobetko se trouvaient être les personnes
3 proposées à cet effet. Mais en page 23, celle qui est donnée en référence
4 par le Procureur, le président Tudjman a dit :
5 "S'agissant d'Izetbegovic, on lui dira franchement lorsqu'il viendra ce que
6 nous avions dit dès le départ."
7 Il n'est point question de Sarajevo, il n'est point question du fait que le
8 général Praljak transmettra à Alija Izetbegovic ce qui a été dit, comme
9 l'affirme le Procureur. Le président Tudjman est la personne qui
10 s'entretiendrait avec Alija Izetbegovic. Le général Praljak n'a pas été
11 désigné pour transmettre des messages.
12 A des fins d'argumentation, je tiens à dire qu'au cas où le général Praljak
13 se trouve être membre de ce comité pour la mise en œuvre de l'avenant à
14 l'accord relatif à la coopération, alors il est logique de le voir défendre
15 les thèses de la partie qu'il est en train de représenter. Il n'y a aucune
16 activité criminelle à ce sujet-là. Et le document en question montre qu'il
17 n'y a pas eu de politique ambiguë et hypocrite à l'égard d'Alija
18 Izetbegovic, parce que le Dr Tudjman a décidé de dire quelle est la
19 position de la République de Croatie à l'intention d'Izetbegovic.
20 A la phrase suivante du paragraphe 661, il est dit qu'à la réunion qui
21 s'est tenue le 5 novembre 1993, Praljak aurait confirmé que l'objectif
22 serait de réaliser une région composée de territoires à l'intérieur de la
23 banovina qui serait passée sous le contrôle des Croates, et le Procureur
24 tire la conclusion disant que, partant de ce document, il n'est point
25 question de parler de la réalisation de cet objectif qui n'aurait pas sous-
26 entendu les déplacements de population, et notamment la réduction de la
27 part de la population musulmane dans une grande partie de l'Herceg-Bosna.
28 Le document P 6454 auquel se réfère le Procureur, notamment en page 50 - il
Page 52462
1 s'agit d'une transcription présidentielle - il s'avère que la phrase citée
2 au paragraphe est arrachée de son contexte du discours et se trouve
3 arrachée également par rapport au contexte des éléments qui lui ont
4 précédé. Il faut lire le discours dans son intégralité, et ça se trouve
5 consigné aux pages 47 à 57 en version anglaise. Une fois lu le texte entier
6 de ce discours, il peut être conclu le fait que le général Praljak est en
7 train de décrire la situation militaire et se penche sur les positions
8 militaires ainsi que sur l'analyse des événements à Vakuf et en Bosnie
9 centrale au sujet de l'offensive lancée par l'ABiH, la puissance militaire
10 de celle-ci et les idées politiques proclamées relativement à la création
11 d'un Etat musulman. Partant du texte de ce discours, il peut être tiré la
12 conclusion de dire que l'affirmation du Procureur dans ce paragraphe est
13 une supposition parce que rien n'est confirmé à cet effet en tant que
14 preuve.
15 Pour ce qui est du contexte dans lequel les entretiens se déroulent,
16 je tiens à mentionner un document qui est le P 4027. Il s'agit de l'accord
17 signé à Makarska au sujet des convois humanitaires. Les autorités du HVO
18 faisaient face à bon nombre de réfugiés et de personnes déplacées de Bosnie
19 centrale, qui sont au nombre de 42 000, et on s'attend à 8 000 de plus en
20 provenance de Kakanj et Vares. Alors, comme la Défense l'a déjà souligné à
21 plusieurs reprises, les événements ne sauraient être pris en considération
22 de façon isolée, mais dans leur intégralité, et il ne convient d'oublier à
23 aucun moment que tout se déroule dans le contexte d'au moins deux guerres
24 qui se déroulent en parallèle.
25 Au paragraphe 262, il y a une allégation disant que Praljak a promu
26 une politique à l'égard de la Bosnie-Herzégovine qui se traduisait par une
27 entreprise criminelle commune, et on parle là d'une réunion secrète en
28 Hongrie qui s'est tenue le 5 octobre 1992 avec Ratko Mladic, et ensuite une
Page 52463
1 autre réunion avec Ratko Mladic trois semaines plus tard, puis une autre
2 réunion du général Praljak avec la délégation française en janvier 1993, et
3 une autre réunion encore datée du 2 avril 1993, où le général Praljak
4 aurait fait un briefing de façon autoritaire à l'intention des commandants
5 militaires du HVO. Les documents qui sont cités par le Procureur -- c'est-
6 à-dire les parties de documents auxquels il se réfère ne peuvent servir de
7 preuve à ces allégations, parce qu'elles sont arrachées au contexte et sont
8 susceptibles d'induire une conclusion erronée.
9 Le Procureur se réfère également au document P 11376 ainsi qu'au
10 document P 11380, les carnets de Mladic. S'agissant de ces éléments de
11 preuve, les Juges de la Chambre n'ont pas obtenu de renseignements pour
12 savoir si le général Praljak avait été présent ou partie prenante à ces
13 pourparlers, et si oui, en quelle qualité, parce que prétendument, à
14 l'occasion de cette réunion, il aurait été question de la République de
15 Croatie et d'une cessation des attaques contre Slavonski Brod ainsi que
16 d'une cessation d'opérations militaires en République de Croatie. Le
17 général Praljak n'a pas eu l'occasion de rencontrer l'auteur de ces notes
18 et d'entendre son témoignage de même que de le contre-interroger et il n'a
19 pas non plus eu l'occasion de témoigner au sujet de ces éléments issus de
20 la prétendue réunion, ce qui fait que la Défense indique qu'il n'y a pas de
21 valeur probante pour ces documents-là étant donné qu'ils n'ont pas été
22 soumis à des vérifications par la voie d'interrogatoire. Il s'agit
23 d'éléments de preuve de deuxième main, et, en général, de monologues d'une
24 partie aux pourparlers, et il n'y a pas de renseignements sur ce que
25 l'autre partie aux pourparlers aurait dit. La Défense, s'agissant de ces
26 documents, a traité la chose de façon exhaustive dans ses écritures, là
27 aussi ne vais-je plus en parler.
28 Au paragraphe 662 maintenant, il est fait état d'un document encore,
Page 52464
1 qui est le P 9447. Page 8, ce qui constitue une interview d'après-guerre du
2 général Praljak qui, selon les dires du Procureur, aurait fait dire au
3 général que la politique des Serbes en Bosnie-Herzégovine était plus proche
4 des Croates que des Musulmans et que l'unité en la matière est exclue. Le
5 Procureur nous a passé également un clip vidéo au sujet de cette interview.
6 Il a voulu établir un lien entre le général Praljak et l'armée de la
7 Republika Srpska et un accord qu'il aurait passé avec Mladic. Mais non pas
8 au détriment de la Bosnie-Herzégovine, mais au détriment des Musulmans. Et
9 il a été dit à plusieurs reprises que la Bosnie-Herzégovine n'était pas le
10 bien des Musulmans; c'est un Etat des Musulmans bosniens, des Croates et
11 des Serbes.
12 Les indications en note de bas de page n'existent pas dans le
13 document original et cela ne se trouve pas à être consigné au PV d'audience
14 du 8 février 2011 pendant l'exposé de notre collègue, M. Scott, où on a
15 passé la vidéo avec l'interview du général Praljak. Le texte de la
16 transcription de la vidéo en langue croate se trouve être consigné en page
17 11 du document P 9447. Et la phrase où on dit que "l'unité était exclue"
18 est une phrase qui n'est tout simplement pas mentionnée.
19 L'INTERPRÈTE : Il a été demandé une rectification de la traduction pour la
20 faire concorder avec le texte original.
21 Mme PINTER : [interprétation] Les phrases auxquelles se réfère le Procureur
22 sont arrachées de leur contexte et la réponse intégrale, telle que
23 consignée au document, parle d'une alliance militaire avec les Musulmans
24 avant la guerre et d'options politiques autres pour ce qui est de
25 l'aménagement d'un Etat commun. L'allégation du Procureur au terme de
26 laquelle Praljak aurait coopéré avec Mladic se trouve être arbitraire,
27 infondée et inexacte.
28 En note de bas de page 1 538, le Procureur fait référence à des dires qui
Page 52465
1 indiqueraient qu'en janvier 1993, le général Praljak aurait informé la
2 délégation française du fait que la banovina constitue un territoire qui
3 appartiendrait aux Croates. Inexact. Je me réfère au 3D 482, qui est la
4 pièce avancée par le Procureur et qui dit que général Praljak a dit :
5 "Le territoire appartenant aux Croates coïncide avec les frontières de la
6 banovina croate qui date du partage de la délimitation de la Yougoslavie de
7 1939, et cela se trouve à être adapté au recensement de la population de
8 1981 puisque le recensement de 1991 n'est pas reconnu. Les Croates
9 s'emploient en faveur d'une Bosnie-Herzégovine intégrale en tant qu'Etat et
10 du droit des Croates en leur qualité de peuple constitutif. Les problèmes
11 entre les Musulmans et les Croates en Bosnie-Herzégovine constituent une
12 résultante des objectifs différents de la lutte politique; les Croates se
13 battant pour un Etat de Bosnie-Herzégovine comportant une autonomie à
14 l'intention des Croates, alors que les Musulmans se battent pour un Etat
15 civil."
16 La Défense indique aux Juges de la Chambre qu'il existe un document qui est
17 la pièce P 10463. Il s'agit d'une interview accordée par M. Izetbegovic qui
18 dit :
19 "Nous avons seulement la possibilité de mettre en œuvre un idéal de
20 république civile ou d'avoir une guerre civile."
21 Le document 1D 02479 explique ce que signifie que cet Etat civil en vertu
22 de la proposition du SDA et du président Izetbegovic. Ça veut dire un
23 homme, un vote. Mais cette position néglige à part entière les peuples
24 constitutifs composant la Bosnie-Herzégovine.
25 Et en tant que dernier document qui est censé confirmer les dires du
26 paragraphe 662, à savoir que Praljak aurait organisé un briefing
27 autoritaire à l'intention des commandants du HVO, est au document P 1788,
28 pages 1 à 3. Le Procureur cite une citation, mais il y a là un problème. La
Page 52466
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 52467
1 citation est une compilation de deux réponses du général Praljak à deux
2 questions distinctes. L'une des questions se rapportait à Vares et l'autre
3 question se rapportait à la Posavina. Le fait même que le général Praljak
4 ait confirmé le fait d'avoir été présent à cette réunion ne confirme pas la
5 véracité du PV et la teneur de ce qui y est consigné. Je tiens tout d'abord
6 à parler de la valeur probante des documents, chose que nous avons évoquée
7 à chaque fois qu'il y a eu utilisation d'un document pendant les débats.
8 Nous ne savons pas qui a rédigé ce PV. Nous ne savons pas quelles ont été
9 les capacités de la personne qui a consigné les dires à comprendre le sujet
10 et à comprendre le général Praljak lorsqu'il parle de ses positions à lui
11 au sujet de ce plan Vance-Owen et l'analyse qu'il fait de ce qui risque de
12 se produire à l'avenir. Nous ne savons pas s'il a réussi à consigner la
13 totalité des propos du général tels que prononcés à ce moment. Nous ne
14 savons pas s'il y a eu un PV ou s'il y a juste eu des notes résumées. Nous
15 ne savons pas du tout comment le document a été, en somme, créé. Le texte
16 est illisible, et lorsqu'il a été montré au général Praljak, il a dit qu'il
17 ne pouvait pas le lire. Et dans le texte qu'il lui a été présenté, il a dit
18 qu'il ne reconnaissait pas des propos à lui.
19 Pendant le débat, le général a dit quelles étaient ses positions et a nié
20 le fait que le texte ait reproduit de façon correcte ses propres propos. La
21 Défense tient à dire que la réponse du général Praljak à l'occasion de ce
22 débat en audience a constitué une interprétation de ce qui a été dit. Mais
23 ce qu'a véritablement dit le général, il l'a dit devant les Juges de la
24 Chambre en répondant aux questions du Procureur et en réponse aux questions
25 posées par M. le Juge Antonetti. Tout ce qui a été dit portant sur la
26 véracité des documents et sur la teneur des documents se trouve à être
27 consigné aux pages du compte rendu d'audience 43 381 à 43 410, témoignage
28 de Slobodan Praljak, ainsi que pages 43 645 à 43 682, également témoignage
Page 52468
1 du général Praljak. Ça se trouve également consigné au compte rendu
2 d'audience de l'audition du Témoin EA, pages 24 363 à 24 376, tout comme
3 pour ce qui est du compte rendu d'audience relatif au Témoin William
4 Tomljanovich, aux pages 6 062 à 6 072, 19 septembre 2006. Donc
5 l'interprétation inexacte ne devrait pas, dans une procédure pénale, faire
6 tirer des conclusions erronées par les Juges de la Chambre.
7 Et le fait que Praljak se serait plaint de la réalisation des objectifs de
8 l'Etat croate en HR HB, et qui est avancé par le Procureur au document P
9 6454, page 57. Je parle du compte rendu du 5 novembre 1993. Il s'agit d'une
10 conversation qui s'est déroulée chez le président Tudjman, à Split. Mais il
11 s'agit d'une interprétation erronée de la part du Procureur. Le général
12 Praljak n'a pas parlé de l'aboutissement d'un objectif de l'Etat croate en
13 HR HB, tel qu'interprété librement par le Procureur. Il faut s'en tenir au
14 texte indiqué dans le PV, et il est question d'une comparaison entre la
15 direction des Serbes, des Musulmans et des Croates de Bosnie-Herzégovine.
16 Lorsqu'il est arrivé au descriptif relatif aux Croates, il est tiré une
17 conclusion qui est la suivante, je cite :
18 "De ce point de vue-là, Monsieur le Président, nous ressemblons de plus en
19 plus à une coopérative agricole."
20 Alors, le texte doit être présenté dans son intégralité, et non pas de
21 façon fragmentaire. Je m'attends à ce que les Juges de la Chambre ne
22 fonderont pas ses conclusions sur des fragments d'éléments de preuve.
23 Au paragraphe 664, le Procureur affirme que Praljak a lui-même
24 reconnu qu'il avait eu un pouvoir de commandement de facto même avant que
25 d'être devenu le commandant. On se réfère au témoignage du général Praljak
26 tel que consigné au compte rendu d'audience et des notes de bas de page.
27 Mais les pages qui sont indiquées ne confirment pas ce qui se dit au
28 paragraphe. Auxdites pages, Praljak n'a pas reconnu qu'il avait, de facto,
Page 52469
1 été commandant. Il a explicitement dit qu'il n'avait pas d'attributions ou
2 de pouvoirs de commandement. Et à l'époque où il n'avait pas été
3 commandant, il avait joui d'une certaine autorité pour ce qui est de porter
4 assistance à l'attention des unités du HVO. Le Procureur, en démontrant les
5 compétences du général Praljak, se réfère au document P 8838, page 4. Là,
6 il s'agit d'un document créé le 2 avril 1998 à Sarajevo, à la télévision
7 OBN, où, dans le studio de télévision, le général Praljak accorde une
8 interview. Mais partant de ce qui est dit dans cette interview, il n'a pas
9 été fait état de ses attributions de facto. Mais on peut reprendre ses
10 paroles, il dit que ses hommes le respectaient et l'aimaient. Cela ne
11 signifie pas qu'il avait des pouvoirs de facto au niveau du commandement.
12 Au paragraphe 664, la position élevée de Praljak dans l'armée croate
13 et sa relation étroite avec Tudjman lui avaient conféré un pouvoir de
14 facto. Ce n'est pas exact. Praljak n'avait bénéficié d'aucune autorité au
15 niveau du HVO parmi les soldats en raison de liens étroits avec le
16 président Tudjman. Son autorité et le respect dont il a bénéficiés ont été
17 édifiés par lui-même. Ce qui m'intéresse est de savoir comment la proximité
18 peut être considérée comme constituant un élément de l'infraction. Je ne
19 vois pas en quoi cela constitue une catégorie judiciaire.
20 Au paragraphe 665, de nombreux documents montrent qu'à partir du mois
21 d'octobre 1992 jusqu'en juillet 1993, Praljak a, de fait, commandé les
22 unités du HVO, leurs commandants et les dirigeants civils en tant que leur
23 supérieur hiérarchique. Les documents qui sont cités à l'appui ne
24 confirment pas cette affirmation, car ces documents sont co-signés par le
25 général, co-signés avec quelqu'un d'autre qui avait ces pouvoirs.
26 S'agissant du rôle joué par le général Praljak en Bosnie-Herzégovine, nous
27 avons entendu parler dans ce prétoire tout au long de ces cinq années, que
28 ce soit de la bouche des témoins de l'Accusation ou de la bouche du général
Page 52470
1 Praljak. Et je tiens à rappeler la pièce qui constitue le livret militaire
2 du général Praljak. Il l'a reçu d'Arif Pasalic, qui confirme qu'il est
3 membre de l'ABiH.
4 Le Procureur cherche à confirmer le fait que le général Praljak a été, de
5 fait, commandant et cite la pièce P 9838. Il s'agit d'une pièce sous pli
6 scellé. Je n'invoquerai pas la teneur du document. Je ne me contenterai de
7 parler d'initiales, je ne prononcerai pas de noms complets.
8 Donc la pièce P 9838 constitue le témoignage du Témoin Z dans l'affaire
9 Naletilic/Martinovic. Dans l'affaire qui nous intéresse, il a été Témoin
10 CU. Le Procureur cite la pièce P 9838 dans l'affaire où le général Praljak
11 n'a pas été accusé et où il n'a pas eu la possibilité de contre-interroger
12 ce témoin. En l'espèce, ce témoin est venu déposer. Il a été contre-
13 interrogé, et si le Procureur estime que ce témoin a confirmé ses
14 affirmations, il aurait dû citer le compte rendu d'audience en l'espèce, ce
15 qu'il n'a pas fait.
16 Au paragraphe 666, le Procureur parle de M. Coric, qui aurait accepté la
17 désignation par Praljak d'un officier supérieur du HVO ou de la police
18 militaire. Et le Procureur cite la pièce P 927. C'est un document qui parle
19 des pouvoirs de jure, et non pas de fait, car il porte la nomination de
20 quelqu'un qui arrive dans le Groupe opérationnel de l'Herzégovine du sud-
21 est, où, à ce moment-là, le général Praljak est le chef de l'état-major. A
22 l'époque, le général Praljak est le commandant du Groupe opérationnel de
23 l'Herzégovine du sud-est, donc ce document ne peut pas confirmer le
24 paragraphe portant sur les pouvoirs de fait, puisqu'il s'agit de pouvoirs
25 de jure. Praljak n'a pas nié le fait qu'il s'était rendu sur place avant
26 d'être formellement désigné. Ce que le général Praljak a dit, c'est qu'il
27 n'avait pas tous les pouvoirs, toutes les attributions de commandant
28 lorsqu'il a été commandant, qu'il s'est contenté d'apporter de l'aide,
Page 52471
1 d'assister, et il a eu une certaine influence sur les militaires à cause de
2 la relation qu'il avait bâtie auparavant avec eux.
3 Au paragraphe 668, on lit que Praljak aurait joué un rôle central dans la
4 planification, et qu'en tant que haut fonctionnaire militaire, il aurait
5 contribué aux réunions importantes de ses subordonnés. La pièce P 1350 est
6 citée à l'appui. Il s'agit d'une réunion du 29 janvier 1993 avec la police
7 militaire. Lors de cette réunion, le général Praljak n'est pas la personne
8 qui préside. Il répond aux questions qui sont posées sur Vakuf et la Bosnie
9 centrale. A cause des problèmes qui s'y sont posés, il s'y ait trouvé
10 justement. Nous en avons entendu parler, mais il parlait également de la
11 situation qui prévaut en Croatie, à Zadar, Maslenica. Il faut savoir que
12 Praljak n'était pas dans une position de supérieur hiérarchique par rapport
13 à la police militaire, comme cela est affirmé dans ce paragraphe.
14 Le paragraphe 669 affirme que les communications officielles du HVO
15 reconnaissaient le rôle central de Praljak sur le plan du commandement
16 avant la date du 24 juillet 1993. A l'appui, pièce 1311. Je demanderais aux
17 Juges de la Chambre de prendre connaissance de ce document dans son
18 intégralité, en particulier lorsqu'il s'agira des chefs de l'acte
19 d'accusation concernant Gornji Vakuf, parce qu'on lit dans ce document que
20 :
21 "Les forces de l'ABiH à Vakuf, pendant le conflit du mois de janvier, ont
22 été composées de 4 300 membres de l'ABiH qui ont pris part à ce conflit."
23 Et nous y trouvons l'énumération des unités, d'où elles sont venues à
24 Gornji Vakuf. Point 5(L).
25 La page 3 du document se lit comme suit :
26 "Pendant la rédaction du rapport, j'ai pris connaissance des
27 instructions reçues par Zrinko Tokic de la part de Brada, et je les
28 suivrai."
Page 52472
1 Sur la base de cette phrase, la Chambre ne peut pas arriver à la conclusion
2 que Praljak a joué un rôle central au niveau du commandement. Le rôle joué
3 par le général Praljak a été précisé dans notre mémoire en clôture par
4 rapport à Gornji Vakuf et Uskoplje.
5 Le document suivant cité par le Procureur pour indiquer que le général
6 Praljak a joué un rôle central au niveau du commandement est la pièce P
7 2039. Il s'agit d'un rapport de Mico Lasic sur la situation à Konjic et à
8 Jablanica à la date du 22 avril 1993, envoyé à l'état-major principal, mais
9 aussi au général Praljak. Praljak a témoigné qu'il s'est trouvé à Mostar
10 pour œuvrer à la réconciliation. Il s'est entretenu au SDA et il s'est
11 entretenu avec Pasalic, et donc c'était en avril 1993. Les Juges de la
12 Chambre ont vu les photographies du Témoin Mustafa Hadrovic, qui a pris des
13 photos du général Praljak avec Arif Pasalic, pages du compte rendu
14 d'audience 14 613 jusqu'à 14 616.
15 C'est l'arrivée du général Praljak à Mostar pour calmer la situation entre
16 les Musulmans et les Croates; le document 3D 3261. Il s'agit de la
17 déclaration du Témoin Bozic, Slobodan, qui parle de l'arrivée du général
18 Praljak, qui cherchait à calmer les tensions.
19 Le document suivant qui viendrait confirmer les allégations du paragraphe
20 d'après le Procureur est le document 2092. Brada exige que Tuta prenne
21 contact avec lui. Alors, quelle est la conclusion que l'on peut tirer de ce
22 document sur le rôle central joué par Praljak sur le plan du commandement ?
23 Si le général Praljak commande, s'il joue un rôle central, alors ce n'est
24 pas en passant par un intermédiaire qu'il demanderait d'entrer en contact
25 avec Tuta. Aucun élément d'information ne nous permet de savoir sur quoi
26 porte ce document. Ce document ne permet ni d'affirmer ni de réfuter
27 quelque fait que ce soit.
28 La communauté internationale se voit saisie d'une plainte officielle par
Page 52473
1 rapport aux compétences de Praljak le 23 avril 1993, affirme le Procureur,
2 qui cite à l'appui la pièce P 2043. Arif Pasalic, le 23 avril 1993, juste
3 avant qu'il ne se promène dans Mostar est avec le général Praljak et qu'ils
4 s'installent ensemble dans un café dans Mostar est, il rédige son grief à
5 cause du séjour du général Praljak. Mais cette présence du général Praljak
6 ne le gêne pas. Elle ne l'a pas gêné avant et ne l'a pas gêné en 1992. Les
7 documents IC 443 ainsi que IC 444 sont des documents reçus de la part du
8 Témoin Hadrovic qui montrent le général Praljak en compagnie d'Arif Pasalic
9 et d'autres membres du HVO et de l'ABiH en avril 1993 à Mostar.
10 Le 14 novembre 1992, Arif Pasalic écrit comme suit :
11 "Les unités de l'ABiH et du HVO Herceg Stjepan ont réalisé ensemble le plan
12 d'action détaillé pour agir contre la VRS."
13 Ils attendent l'ordre de M. Praljak. Il ressort de ce document que Praljak
14 commande tant le HVO que les unités de l'ABiH. Et ce document vient réfuter
15 l'affirmation que Praljak a contribué de manière considérable et qu'il a
16 pris part à l'entreprise criminelle commune de l'Herceg-Bosna.
17 Le paragraphe 673 figure au chapitre intitulé "Le changement de position de
18 Praljak de facto vers le commandant de Jure."
19 Il est écrit au paragraphe 673 :
20 "Il a décidé de modifier son statut afin d'essayer d'occulter le rôle qu'il
21 joue en tant qu'agent croate visant à contribuer à l'entreprise criminelle
22 commune de l'Herceg-Bosna en Bosnie-Herzégovine."
23 Avant d'analyser ce document, je tiens à signaler qu'à aucun moment, la
24 présence du général Praljak en Bosnie-Herzégovine n'a été occultée, n'a été
25 gardée comme un secret, que ce séjour était quelque chose qui a été porté à
26 la connaissance des représentants internationaux et, bien sûr, d'Alija
27 Izetbegovic, qui avait demandé que Praljak vienne en Bosnie-Herzégovine et
28 que Praljak a rencontré même avant de devenir le commandant de l'état-major
Page 52474
1 principal du HVO. Le général Praljak n'a jamais nié qu'il se soit trouvé
2 dans la HZ HB, mais il faut établir une comparaison entre les différentes
3 périodes et le moment où se situe cette conversation.
4 A la mi-juin, l'ABiH est en offensive ouvertement déclenchée contre le HVO
5 et attaque Kakanj, Travnik. Et la perspective d'une action commune est
6 complètement balayée. La communauté internationale exerce des pressions sur
7 la République de Croatie à cause des événements en Bosnie-Herzégovine. Là-
8 dessus, elle n'exerce pas de pression sur ceux qui mènent l'offensive. Les
9 Musulmans ne lancent pas uniquement une offensive militaire, mais aussi sur
10 le plan de la propagande et sur le plan politique. Ils ont tourné le dos à
11 leurs alliés parce qu'ils sont devenus prêts à affronter les Croates; pièce
12 P 1325 en date du 27 janvier 1993, page 5. C'est justement à cause de cette
13 offensive politique et offensive sur le plan de la propagande qu'on se
14 plaint de la présence de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine. Dans cette
15 situation-là, même si le général Praljak est actif depuis huit mois et
16 déploie des efforts afin d'empêcher une guerre avec l'ABiH, il devient
17 désormais quelqu'un qui est désigné, tout comme dans l'acte d'accusation,
18 qui est désigné comme étant le représentant de la République de Croatie en
19 Bosnie-Herzégovine, et cela, pour écarter les objections, car personne ne
20 pouvait interdire au général Praljak de défendre son pays. Donc on
21 l'utilise également pour prouver la participation de la République de
22 Croatie au conflit au sein de l'ABiH, et s'il était relevé de ses fonctions
23 au sein de l'armée croate, son statut en Bosnie-Herzégovine serait clair.
24 Mais il est important de savoir que ce n'est pas une désignation
25 rétroactive. C'est le 24 juillet 1993 qu'il y a eu nomination du général
26 Praljak, et la réunion qui est citée a eu lieu en juin 1993, donc un mois
27 avant cette date-là.
28 Encore une fois, jamais personne, et surtout pas le général Praljak, n'a
Page 52475
1 caché sa présence en Bosnie-Herzégovine, en Bosnie centrale ou en
2 Herzégovine avant sa nomination formelle. D'ailleurs, il n'y avait aucune
3 raison pour faire cela.
4 Au paragraphe 675, il est affirmé que les rencontres régulières avec
5 Tudjman et Susak avaient pour objectif que ces personnalités soient
6 informées du conflit entre le HVO et l'ABiH et pour recevoir de leur part
7 des instructions liées à l'entreprise criminelle commune et à sa mise en
8 œuvre. Le Procureur n'étaie cette affirmation par aucune référence. Et
9 d'ailleurs, il ne peut pas citer de preuve à l'appui puisque ces preuves
10 n'existent pas. Ensuite, le Procureur affirme que c'est en passant par
11 Praljak qu'on a transmis des informations, des exigences, la politique et
12 le feed-back entre la direction croate et le HZ HB; pièce 1622, en date du
13 9 mars 1993, et pages 18, 42 et 36 des transcriptions présidentielles.
14 Susak s'adresse aux représentants de la Bosnie centrale qui demandent que
15 Praljak revienne sur place pour y mettre de l'ordre, et Susak à son tour
16 dit que Praljak reviendra.
17 Au mois de mars, Praljak se trouve en Bosnie-Herzégovine, et
18 Izetbegovic est au courant de cela. Jamais à aucun moment Izetbegovic n'a
19 demandé que Praljak se retire du territoire de la HZ HB. Alors, s'il a été
20 envoyé en Bosnie-Herzégovine pour calmer la situation, il est normal qu'il
21 en informe ceux qui l'y ont envoyé. Le général Praljak était en contact
22 avec Izetbegovic, ce qui ressort du témoignage du général Praljak, mais
23 également du PV du 27 mars 1993, à savoir de la pièce P 1739. Praljak a
24 été, de jure, le commandant à partir du 24 juillet 1993.
25 Au paragraphe 681 :
26 "Praljak a dit qu'il était responsable s'il a omis de réagir face aux
27 gestes de Petkovic et de Tole qui ont été erronés et que cela le concerne
28 comme tout autre."
Page 52476
1 Les pages du compte rendu d'audience citées correspondent à ce qu'a
2 dit le général Praljak, et je cite :
3 "Vu les conditions dans lesquelles on existait, vu les communications que
4 nous avions et la nature de la guerre, si qui que ce soit arrive à
5 démontrer que j'ai violé quelque disposition que ce soit du droit
6 international, je suis prêt à en assumer la responsabilité pleine et
7 entière, comme je l'avais annoncé d'emblée."
8 C'est ce qu'a dit le général Praljak. Il revient au Procureur de
9 démontrer que le général n'a pas réagi face aux omissions, alors qu'il
10 savait que ces omissions avaient eu lieu.
11 Paragraphe 683. Les subordonnés de Praljak reconnaissaient ses pouvoirs de
12 commandement, qui s'étendaient pour englober la police militaire et la
13 police civile également. Alors, quelle serait cette armée qui ne
14 reconnaîtrait pas les pouvoirs de commandement du chef de l'état-major
15 principal, que vient prouver cette affirmation ? Quelle chance si les
16 subordonnés de Praljak avaient entièrement exécuté les ordres donnés par
17 Praljak. Nous en parlons dans le chapitre "Responsabilités du supérieur
18 hiérarchique" dans notre mémoire en clôture, paragraphe 3C.
19 Le Procureur cite la pièce 5405 à l'appui de son affirmation, et la date de
20 ce document est celle du 26 septembre 1993, une information à remettre à
21 Praljak sur l'arrêt du convoi des civils de Vares. Ce document ne trouve
22 pas sa place dans cette note de bas de page et ne concerne pas le général
23 Praljak puisqu'il s'agit d'affaires civiles.
24 La pièce P 6095, citée par le Procureur, ne vient pas confirmer la thèse
25 qu'il avance dans le paragraphe, puisque ce texte ne concerne ni la police
26 civile ni la police militaire.
27 La pièce 6360 en date du 2 novembre 1993, ordre d'attaque, n'a rien à voir
28 avec la police militaire ni la police civile. Ils ne prennent pas part aux
Page 52477
1 opérations de combat et ils ne sont pas mentionnés dans cet ordre.
2 D'ailleurs, ce document concerne une zone qui ne figure pas à l'acte
3 d'accusation à un moment qui suit la période où le général Praljak est
4 devenu commandant, donc ce document n'a pas de pertinence. L'autorité du
5 supérieur hiérarchique en tant que telle ne peut pas être considérée comme
6 étant un élément du crime, de l'infraction. Le général Praljak et sa
7 Défense n'ont jamais nié que le général Praljak ait occupé le poste de
8 supérieur hiérarchique. Ce que nous avons nié, c'est que ce pouvoir de
9 commandant ait été employé afin de commettre le crime. Les documents cités
10 par le Procureur dans son mémoire en clôture et dans son réquisitoire ne
11 réfutent pas cette affirmation de la Défense.
12 Les documents cités par le Procureur pour confirmer la thèse que
13 Praljak a eu des pouvoirs de commandant élargis pour englober la police
14 militaire, ces documents-là ne viennent pas confirmer les affirmations
15 avancées dans ces paragraphes du mémoire en clôture du Procureur. La
16 Défense de Praljak n'a jamais nié que la police militaire, lorsqu'elle a
17 été resubordonnée à l'état-major ou à la zone opérationnelle, ait été, à ce
18 moment-là, commandée par la zone opérationnelle, c'est-à-dire l'état-major.
19 Dans cette partie-là du mémoire en clôture du Procureur au sujet du
20 commandement de Praljak sur la police militaire, l'on cite un document, le
21 document P 3829, qui permet au Procureur d'affirmer que Praljak réagit
22 lorsqu'il est mis au courant des infractions et qu'il demande qu'on
23 l'informe de la suite.
24 Praljak est en contact avec les représentants des organisations
25 internationales, le Procureur le dit lui-même. Il est en contact avec la
26 FORPRONU, donc il doit avoir des éléments sur ce qui a été fait pour
27 pouvoir transmettre ces informations. Par cette mise en garde, Praljak
28 montre uniquement qu'à tout moment, de la part de ceux qui étaient en
Page 52478
1 mesure de mettre cela en œuvre, il a demandé d'agir sur le point
2 disciplinaire et d'appliquer la discipline.
3 Au paragraphe 688, le Procureur affirme qu'au moment où Boban a émis son
4 ordre le 15 septembre 1993 aux forces armées pour qu'elles respectent le
5 droit international, l'ordre de Boban a été mis en œuvre par Praljak et il
6 l'envoie également à l'administration de la police militaire. Deux
7 paragraphes concernent toute la police militaire. Mais en fait, c'est une
8 interprétation erronée de la pièce P 5104. Cette pièce est envoyée au
9 département de la Défense, et ensuite à l'état-major principal. Par rapport
10 à ce document, je tiens à préciser que la version correcte de la traduction
11 figure en page T-44309. Pendant la déposition du général Praljak, la
12 traduction correcte de ce document a été confirmée. Je signale que Slobodan
13 Praljak inclut cet ordre dans son ordre, et il figure dans la pièce P
14 5188. Encore une fois, le général Praljak donne l'ordre que l'on respecte
15 les dispositions du droit international.
16 Prenons maintenant cette pièce P 5104. Elle montre que certains centres de
17 détention, éventuellement, ne garantiraient pas toutes les conditions
18 requises, mais cela ne permet pas au général Praljak de savoir qu'il y ait
19 eu quelque violation que ce soit du droit international humanitaire.
20 Le 9 février 2011, le Procureur avance ses allégations par rapport à ses
21 thèses. Il affirme que Slobodan Praljak était au courant de tout à tout
22 moment; page du compte rendu d'audience 51 925. A l'appui, le
23 Procureur cite trois documents, et lorsqu'on lit ces documents, on
24 s'aperçoit bien que le général Praljak n'est pas celui qui était au courant
25 des événements cités dans ces documents. Donc, d'une part, les documents ne
26 concernent pas Slobodan Praljak, et d'autre part, ils n'indiquent pas qu'il
27 y ait eu des mauvais traitements concrètement de commis. Le Procureur n'a
28 jamais été précis en citant un document quel qu'il soit démontrant que
Page 52479
1 Praljak aurait été au courant de quelque fait concret que ce soit à quelque
2 moment que ce soit.
3 Le Procureur, dans son réquisitoire, s'est servi de la carte pour nous
4 montrer la connaissance du général Praljak, ce qui est inhabituel dans une
5 procédure au pénal, se servir de la carte pour étayer ce type de thèse. Le
6 Procureur affirme que Praljak a été probablement à Prozor, au QG, au
7 commandement, quelques jours avant et quelques jours après qu'un
8 représentant de la communauté internationale s'y soit trouvé. Il a dû
9 nécessairement s'y trouver au moment où un représentant de l'organisation
10 internationale était là et il a nécessairement été au courant de ce que
11 savait ce représentant d'une organisation internationale. A cette occasion,
12 le Procureur se réfère aux documents 3D 00981 et 3D 00979. Ces documents,
13 cependant, ne font que montrer le fait qu'on a autorisé aux représentants
14 des organisations internationales l'accès aux prisons.
15 Le Procureur affirme que la police militaire aurait été déployée à
16 Prozor dans le but de mettre en œuvre les objectifs de l'entreprise
17 criminelle commune. Mais ici, il s'agit d'une affirmation sans le moindre
18 fondement. Le Procureur dit : Les bataillons ont été déployés dans
19 différentes zones où les forces du HVO ont commis différents crimes
20 figurant à l'acte d'accusation.
21 Il n'est pas contesté que les bataillons de la police militaire aient
22 été resubordonnés au commandant de la zone opérationnelle dans les
23 activités de combat. Nous avons abordé ce sujet dans notre mémoire en
24 clôture. M. Coric avait la possibilité de les déployer et d'ordonner leur
25 resubordination. Cependant, ces documents ne parlent pas du crime commis
26 sur le territoire où opéraient ces unités. Et d'ailleurs, le Procureur ne
27 dit pas de quel crime il s'agirait là. A Prozor et Vakuf, le HVO se
28 défendait contre une attaque de l'ABiH, et il est, par conséquent,
Page 52480
1 difficile d'établir un lien entre cette posture défensive qui était la leur
2 et un effort allégué visant à réaliser les objectifs de l'entreprise
3 criminelle commune.
4 Au paragraphe 690, le Procureur affirme que Praljak aurait émis des ordres
5 aux unités de la police militaire le 4 août 1993 et le 20 septembre 1993
6 pendant la commission des crimes allégués à l'acte d'accusation ou juste
7 avant la commission de ces derniers. Les documents figurant en note de bas
8 de page dans ce même paragraphe doivent être replacés dans leur contexte.
9 Le document 3D 2613 du 20 septembre 1993 aborde la durée de cette
10 offensive qu'il convient d'appeler "Neretva 93" sur le territoire de
11 Prozor/Rama. On y trouve décrits les axes le long desquels intervient
12 l'ABiH. Ce document a été élaboré quelques jours à peine après la
13 commission d'un massacre à Uzdol et le meurtre de 29 civils par l'ABiH.
14 Le document 1D 00541 précise la durée de cette offensive couvrant également
15 la zone de Rama, et il est question également de "Sefer Halilovic, une
16 stratégie rusée : la vérité à Uzdol", des actions entreprises, des unités
17 impliquées. Il y est affirmé que Neretva 93 n'était pas une opération
18 entreprise à titre privé, mais qu'il s'agissait d'une opération planifiée
19 au sein de l'état-major et qui avait été personnellement approuvée par
20 Rasim Delic et que l'un des axes de cette opération était Here-Uzdol, le
21 long duquel est intervenu le Bataillon autonome de Prozor, sous le
22 commandement de Buzo, qui d'ailleurs a été récompensé pour cette action par
23 une promotion.
24 Compte tenu des conséquences de cette offensive de l'ABiH et des victimes
25 de cette opération à Uzdol, le général Praljak a essayé de mettre un terme
26 au meurtre de civils et a essayé de s'opposer à cette offensive
27 particulièrement intense. Il a, par conséquent, demandé l'intervention
28 également de la police militaire. Donc la question doit être posée de
Page 52481
1 savoir quels sont les crimes qui ont été commis par le HVO dans cette
2 défense face à une attaque, parce que le Procureur n'a pas répondu à cette
3 question. La Défense souhaite attirer l'attention des Juges de la Chambre
4 sur le document P 5162 du 17 septembre 1993, dans lequel il est indiqué que
5 les Croates à Prozor, malgré le massacre d'Uzdol, n'ont pas infligé de
6 mauvais traitements aux Musulmans.
7 La pièce P 4260 maintenant, qui est référencée dans la note en bas de page
8 1 604. Dans cette pièce, il est dit :
9 "Praljak a ordonné à la police militaire le 17 août 1993 qu'elle procède au
10 retrait des prisonniers employés à des travaux à Prozor et qu'elle assure
11 leur retour, ce qui montre qu'il commandait à la police militaire
12 concernant les prisonniers."
13 L'ordre du Praljak du 17 août 1993, selon le Procureur, indiquerait que
14 Slobodan Praljak aurait été conscient et informé de cette possibilité
15 d'employer des prisonniers à de différents travaux à Rama à partir de cette
16 date-là. L'ordre montre la volonté qui était la sienne d'essayer de mettre
17 un terme à cette pratique, à cette possibilité concernant les prisonniers,
18 bien que cela n'ait pas relevé de sa responsabilité, notamment concernant
19 le document P 4285. Il s'agit de la réponse d'Ante Pavelic datée du 18 août
20 1993, réponse apportée à l'ordre du général Praljak. Ce document ne pouvait
21 en aucune façon lui laisser penser que les travaux forcés étaient une
22 pratique qui se poursuivait. Le Procureur n'a pas réussi à démontrer que
23 Slobodan Praljak était informé de l'existence du moindre travail forcé
24 accompli par des prisonniers. Il n'avait pas la moindre raison de penser
25 cela, puisqu'il n'en a pas été informé et que cela n'a pas eu lieu. Le
26 Procureur n'accepte pas la possibilité qu'une telle pratique ait pu être
27 cachée du général Praljak, qu'elle ait pu être pratiquée à son insu, compte
28 tenu du fait qu'il a interdit une telle pratique.
Page 52482
1 Au paragraphe 710, le Procureur se réfère à l'interview du général Praljak,
2 et il dit que Praljak a avoué avoir consulté les dirigeants politiques de
3 la HR HB. Et selon le Procureur, la pièce P 8765 vient à l'appui de cela.
4 L'auteur de ce document est Nebojsa Taraba, qui procède à cet entretien.
5 L'article est intitulé : "Je ne suis pas responsable." Le Procureur se
6 réfère à la page 4. Cependant, à la page 4, le texte de la première phrase
7 n'indique absolument aucune activité illégale. La Défense souligne ici
8 qu'il s'agit d'un entretien dont on ignore s'il a fait l'objet d'une
9 autorisation et pour lequel on ignore également si les propos du général
10 Praljak ont été exactement consignés. La Défense affirme également qu'il
11 n'y a absolument rien d'illégal à consulter les dirigeants de la HZ HB. Ce
12 qui manque ici au Procureur afin de pouvoir affirmer que son affirmation
13 est tout à fait fondée, ce serait une preuve indiquant que c'était un crime
14 qui était planifié et convenu et qu'on peut le voir dans ce document.
15 L'affirmation figurant dans la deuxième phrase selon laquelle Praljak
16 aurait participé à des réunions de la HZ HB et des réunions, notamment, au
17 sommet de la direction politique, montrant par là même que ses actes et ses
18 propres décisions entraient dans le cadre de la politique du HVO et de la
19 HZ HB dans son ensemble, représente une affirmation sans le moindre
20 fondement dans les éléments de preuve. Il n'y a d'ailleurs pas de note en
21 bas de page ni de pièce à conviction citée à l'appui de cette affirmation.
22 Dans la note de bas de page 1 648, nous trouvons : Les soldats qui ont
23 rejoint les rangs du HVO ont continué à être payés par la HV. Et on se
24 réfère à la page 42 991 du compte rendu d'audience.
25 Je souhaite ici indiquer la chose suivante : dans sa déposition consignée
26 en page 43 039 du compte rendu d'audience, le général Praljak a indiqué
27 qu'on a procédé de la même façon à l'égard des volontaires de la HV qui
28 étaient allés rejoindre les rangs de l'ABiH, des Musulmans donc, ce dont
Page 52483
1 nous trouvons une confirmation dans le document 3D 00299.
2 Je voudrais revenir sur un document sur lequel le Procureur s'appuie afin
3 de démontrer la présence de la HV en Bosnie-Herzégovine, et plus
4 précisément en Herceg-Bosna. Je suis contrainte de revenir sur ce document
5 parce que nous avons affaire là à une interprétation complètement erronée.
6 Le Procureur se réfère au document P 03917. Dans sa note de bas de page
7 numéro 1 648, le Procureur affirme que ce document confirmerait la présence
8 de l'armée croate, de la HV. Il s'agit ici, en fait, de l'unité Hrvoje
9 Vukcic Hrvatinic, il s'agit du retour de cette unité Hrvoje Vukcic
10 Hrvatinic de Jajce. La mention "HV" qui figure devant le nom "Hrvatinic" ne
11 signifie pas du tout HV au sens d'"armée croate". Pendant toutes ces années
12 au cours desquelles nous avons eu l'occasion d'examiner nombre de documents
13 sur ces sujets, je pense que le Procureur a eu de nombreuses occasions de
14 comprendre qu'à chaque fois que "HV" était utilisée dans le sens d'"armée
15 croate" comme abréviation il n'y avait jamais de point après les lettres
16 "HV". Dans ce document, nous trouvons un point après la lettre "H"; c'est
17 ici donc une abréviation pour le nom "Hrvoje". En se référant à ce
18 document, le Procureur s'est donc révélé incapable de démontrer la présence
19 de l'armée croate en Herceg-Bosna.
20 Dans le paragraphe 718, le Procureur dit que le 16 janvier 1993, le
21 commandant de la zone opérationnelle du nord-ouest aurait fait état de
22 l'envoi par Praljak d'un message à l'ABiH indiquant que cette dernière
23 allait être détruite si jamais elle n'acceptait pas les décisions de la HZ
24 HB. Les négociateurs du HVO à Gornji Vakuf ont également procédé à des
25 consultations avec Praljak avant l'élaboration des demandes du HVO.Le
26 document en question -- réfère le Procureur est la pièce P 01162. Il s'agit
27 là du rapport émis par le général Siljeg le 16 janvier et adressé à l'état-
28 major principal. Il y est indiqué qu'une réunion s'est tenue et que Praljak
Page 52484
1 aurait indiqué qu'ils allaient être écrasés. C'est en page 43 698 que nous
2 trouvons, dans le compte rendu d'audience, le point de vue qui était celui
3 du général Praljak quant à de tels propos allégués, à savoir qu'il n'a pas
4 prononcé de tels propos et qu'il n'a pas davantage eu de telles
5 instructions à l'intention de Siljeg.
6 Si vous vous penchez maintenant sur la pièce P 01174, page 1, paragraphe
7 numéro 2, vous verrez qu'il s'agit d'un document émanant de l'ABiH et qu'on
8 n'y trouve pas une seule mention de ce message selon lequel soi-disant ils
9 allaient être écrasés. Le document parle, de façon très éloquente, des
10 demandes du HVO, et nous ne trouvons pas une seule mention de la moindre
11 menace qui leur aurait été adressée. A la page 2 du document, il est
12 indiqué, je cite :
13 "Dans le cas contraire, nous déclinons toute responsabilité pour les
14 conséquences susceptibles de se produire suite à un refus de cette demande
15 dont l'objectif est l'apaisement des tensions, l'arrêt des affrontements et
16 le retour à l'ordre et à la paix sur le territoire touché par ces
17 troubles."
18 Dans le document P 01236, qui émane d'Hadzihasanovic, on ne trouve pas non
19 plus la moindre mention d'une menace qui aurait été adressée par le HVO
20 indiquant qu'ils allaient être écrasés. Il est extrêmement peu probable que
21 cette menace n'aurait pas été mentionnée si elle avait vraiment été
22 proférée.
23 Dans son réquisitoire, le Procureur s'est référé au document P 1163, page
24 3, et a indiqué que le général Praljak se serait trouvé à Mostar avant son
25 arrivée à Prozor et qu'il aurait émis un ordre à l'intention de Miro
26 Andric. Le Procureur fonde cette conclusion sur le fait que l'on mentionne
27 un général dans ce document. Cependant, on ne donne pas le nom du général
28 en question. Ceci n'empêche, cependant, pas le Procureur de conclure qu'il
Page 52485
1 s'agit là du général Praljak et que c'est lui qui a été l'auteur de cet
2 ordre émis concernant Mostar, parce que le général Petkovic se trouve à
3 Genève. Le 15 et le 16 janvier 1993, le général Petkovic, toutefois,
4 n'était pas à Genève. Toute une série de documents existe à l'appui de
5 ceci. Je ne vais pas tous les énumérer, je voudrais simplement rappeler
6 l'existence du document 2D 00471, qui est un procès verbal abrégé relatif à
7 l'accueil réservé aux hauts représentants de la FORPRONU au sein du
8 commandement de l'état-major le 16 janvier 1993 à 15 heures. Parmi les
9 présents se trouvait également Milivoj Petkovic. Par conséquent, c'est de
10 façon erronée, Messieurs les Juges, que le Procureur avance cette
11 affirmation concernant la présence du général Petkovic à Genève, afin que
12 les Juges de la Chambre tirent sur cette base une conclusion elle aussi
13 erronée.
14 Concernant Gornji Vakuf, je souhaiterais simplement dire encore que les
15 affrontements ont commencé avant le 1er janvier 1993 et que la persistance
16 que nous constatons à essayer d'établir un lien avec l'ordre portant
17 resubordination, les efforts qui sont déployés afin de présenter cet ordre
18 comme étant le déclencheur de ces événements est absolument dénué de
19 fondement parce que les affrontements ont déjà éclaté le 11 janvier, avant
20 la prise de cette décision portant resubordination. Quant aux objectifs de
21 cette décision, ils sont clairement visibles sur la base des procès-verbaux
22 présidentiels; il s'agit d'apaiser les tensions et de mettre un terme au
23 conflit. Donc c'est plutôt l'inverse de ce que nous dit l'Accusation.
24 Je souhaiterais encore simplement attirer votre attention sur la façon de
25 procéder de l'Accusation. Dans la note de bas de page 1 559, le
26 Procureur se fonde sur la déposition du Témoin Agic, la page 9 479 du
27 compte rendu d'audience, mais le Procureur n'aurait pas dû se référer à
28 cette partie du compte rendu parce qu'il s'agissait là du contre-
Page 52486
1 interrogatoire fait par le général Praljak. Et le texte qui est ici cité
2 par le Procureur représente des questions posées par le Témoin Agic au
3 général Praljak, ce qui, là non plus, n'aurait pas dû être cité à l'appui.
4 Par conséquent, le fait que le général Praljak ait répondu au témoin,
5 lorsque celui-ci lui a posé des questions alors que le général Praljak se
6 trouvait lui-même dans le rôle de la personne posant les questions, ne
7 saurait être considéré comme un élément de preuve. Le général Praljak n'a
8 jamais nié sa présence à Mostar le 15 janvier et son arrivée le 16 janvier
9 à Prozor.
10 Aux paragraphes 720 à 728 de son mémoire, le Procureur indique que Praljak
11 aurait commandé ou participé à des opérations militaires lors desquelles
12 des crimes ont été commis à l'encontre des Musulmans dans le cadre de
13 l'accomplissement des objectifs de l'entreprise criminelle commune. Il est
14 hors de doute que le général Praljak émettait bien des ordres. C'était
15 d'ailleurs son devoir premier en qualité de commandant de l'état-major. Il
16 émettait des ordres à l'intention des unités du HVO et aux fins de la
17 participation à des opérations militaires, ce qui faisait également partie
18 de ses devoirs. Les ordres émis par le général Praljak concernaient une
19 période pendant laquelle l'ABiH procédait à une offensive particulièrement
20 intense. Cependant, pendant l'ensemble du procès, le Procureur n'a exhibé
21 aucun ordre du général Praljak qui aurait été relatif aux opérations
22 offensives ou à la prise de territoires sur lesquels le HVO ne s'était pas
23 trouvé avant l'opération militaire concernée. Pendant toute cette période à
24 partir de juin 1993, le HVO était en position défensive face à une attaque
25 intense. Le Procureur n'accepte pas cela, certes, mais les Juges de la
26 Chambre ne peuvent pas ignorer ce fait.
27 Le Procureur n'a présenté aucun élément de preuve, ni ne s'y est référé,
28 qui nous confirmerait la commission de crimes par des personnes
Page 52487
1 subordonnées au général Praljak. Le dossier est également constitué par les
2 dépositions des témoins de l'Accusation. Il ressort de ces dernières que
3 les personnes responsables de mauvais traitements étaient, certes, pour
4 certaines, en uniforme, mais également en tenue civile, que tout un chacun
5 pouvait porter un uniforme, qu'il s'agisse ou non d'un soldat et qu'il
6 s'agisse ou non d'un soldat du HVO ou de l'ABiH.
7 Et j'attire votre attention sur le document 3D 03205. Il s'agit de la
8 déclaration du Témoin 1D AA concernant les personnes responsables de
9 mauvais traitements à Mostar. J'attire également votre attention sur la
10 déposition du Témoin BN, qui nous a confirmé le fait qu'il s'agissait là
11 d'auteurs qui portaient des tenues civiles.
12 Le Procureur n'a pas démontré que ces crimes avaient été commis par
13 des subordonnés du général Praljak, pas plus que le Procureur n'a démontré
14 que le général Praljak aurait été au courant de la commission de ces
15 crimes. Le Procureur avait pourtant le devoir d'établir un lien entre
16 chaque crime retenu par lui, donc à la charge du général Praljak, avec des
17 soldats qui lui seraient subordonnés. Il avait le devoir de ne laisser
18 aucune possibilité et, en fait, d'exclure la possibilité qu'il se serait
19 agi de civils. Mais nous n'avons pas, ici, une conclusion qui pourrait être
20 tirée sur la base d'indices, parce qu'il y a également cette deuxième
21 possibilité qui n'a pas été exclue. Par conséquent, il ne saurait s'agir
22 d'un fondement susceptible d'être retenu pour une condamnation.
23 Le document P 04399 est un document sur lequel je reviens parce que
24 le Procureur s'y réfère. Mais ce que je voudrais dire, quant à moi, c'est
25 que ce qui ressort de ce document est la chose suivante : de part la venue
26 du général Praljak à Prozor, l'ordre a été introduit et la situation s'est
27 améliorée, et le général Praljak s'est rendu en visite sur les lignes de
28 front. Mais le Procureur s'est efforcé de démontrer que les ordres du
Page 52488
1 général Praljak auraient été à l'origine de la commission de crimes, et
2 pour ce faire, il se réfère au document P 05365. Il s'agit là d'un rapport
3 concernant les succès du HVO pendant la durée de l'offensive musulmane du
4 mois de septembre. Cependant, le Procureur passe ici sous silence le fait
5 qu'il s'agit d'une offensive musulmane qui a commencée le 14 septembre. Et
6 pour faire preuve de toutes les précautions nécessaires, je voudrais
7 rappeler que Rastani, au mois de septembre, ne figure pas à l'acte
8 d'accusation, qu'il n'était, par conséquent, pas possible de s'y référer
9 dans le cadre du réquisitoire ou du mémoire en clôture, parce qu'il sort du
10 cadre temporel de l'acte d'Accusation.
11 Au paragraphe numéro 721, le Procureur évoque un certain nombre de
12 documents à l'appui de ses affirmations. Cependant, les documents avancés
13 par le Procureur ne confirment en aucun cas que le général Praljak aurait
14 donné l'ordre que des crimes soient commis, pas plus qu'il ne démontre la
15 commission desdits crimes. Pour pouvoir accuser de cela le général Praljak,
16 a fortiori pour pouvoir le condamner sur cette base, il aurait fallu que le
17 Procureur rassemble et ensuite présente des preuves directes indiquant que
18 Praljak avait émis un ordre, que les crimes ont été commis par des membres
19 d'unités subordonnées au général Praljak, selon une ligne de commandement
20 précise, que le général Praljak était informé de la commission de ces
21 crimes et qu'il n'a rien entrepris dans le cadre de ses attributions dans
22 une telle situation.
23 Je souhaite simplement attirer l'attention des Juges de la Chambre sur le
24 fait que dans le paragraphe 721 du mémoire en clôture de l'Accusation qui
25 concerne Vakuf en 1993, nous avons encore affaire à quelque chose qui sort
26 du cadre spatial de l'acte d'Accusation. Par conséquent, je n'y reviendrai
27 pas.
28 Le Procureur, en essayant de prouver des comportements criminels du
Page 52489
1 général Praljak, dans le paragraphe 722 de son mémoire en clôture, se
2 réfère aux événements de Rastani. En dehors de son constat de la commission
3 de crimes, il n'évoque aucun lien entre ces crimes et le général Praljak.
4 Si le général Praljak a nommé M. Stampar comme commandant sur le théâtre
5 des opérations, cela en soi n'établit aucun lien entre le général Praljak
6 et quelque crime que ce soit. Le Procureur n'a pas présenté d'élément de
7 preuve susceptible de démontrer que Praljak a reçu le moindre rapport
8 portant sur les crimes à Rastani qui auraient été commis pendant
9 l'opération du 23 août 1993.
10 Alors, Messieurs les Juges, on m'informe que c'est peut-être le
11 moment de faire la pause, non.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : On a fait quasiment déjà une heure trente, mais on
13 pourrait aller jusqu'à midi et demi, donc il vous resterait 10 minutes, ou
14 on fait la pause maintenant, comme vous voulez.
15 Mme PINTER : [interprétation] En ce qui me concerne, je peux continuer. Je
16 me demandais simplement si le général Praljak souhaitait peut-être -- non.
17 Bon.
18 Le Procureur parle d'un document, le P 4719, en note de bas de page 1 663,
19 et il dit que le général Praljak a donné des ordres portant sur
20 l'organisation d'un système de commandement et des activités de défense
21 dans cette zone de l'Herzégovine du sud-est, et puis on cite un document
22 qui prouve que cet ordre a bel et bien été exécuté. Pendant la guerre, un
23 commandant donne des ordres afin que ceux-ci soient exécutés, mais ça ne
24 peut pas constituer l'élément d'un crime en soi. Si le Procureur acceptait
25 les éléments de preuve pour ce qui est de ce qui a été présenté au procès,
26 à savoir que le HVO était en guerre contre l'ABiH, et non pas la population
27 musulmane, ce genre de chose ne serait pas inscrite au mémoire en clôture.
28 Le Procureur était censé présenter des éléments de preuve disant que le HVO
Page 52490
1 s'était attaqué à une population musulmane. Le Procureur ne démontre pas un
2 élément de preuve qui établirait un lien entre le général Praljak et des
3 crimes directement commis ou des choses qui lui seraient reprochées pour
4 avoir manqué à punir quelqu'un de l'avoir fait dans le cadre de ses propres
5 pouvoirs. Le bureau du Procureur se doit de prouver au-delà de tout doute
6 raisonnable que Praljak avait commandé les hommes placés sous ses ordres et
7 leur aurait enjoint de s'attaquer de façon illicite à une population
8 civile, ou alors qu'il aurait donné instruction à des subordonnés visant à
9 leur faire commettre des crimes, ou qu'il aurait approuvé la perpétration
10 de ce crime, ou qu'il aurait, une fois appris que crimes il y a eu, il
11 aurait, en l'occurrence, procédé à une dissimulation de ces crimes. Les
12 éléments de preuve partant d'indices peuvent être pris en considération
13 seulement en cas où peut être tirée une seule conclusion raisonnable de
14 celle-ci, à savoir que le général Praljak aurait approuvé la commission
15 d'un crime. Je suis certaine et j'affirme que les Juges de la Chambre ne
16 peuvent pas tirer ce type de conclusion partant des éléments de preuve mis
17 à leur disposition et partant desquels il convient de décider de la
18 responsabilité du général Praljak.
19 Le Procureur n'a montré aucun élément de preuve où Praljak aurait pris des
20 rapports du SIS, qui avaient pour mission d'indiquer quels sont les
21 comportements des soldats du HVO, ou autre rapport ou avertissement qui
22 aurait été communiqué à lui. Ce type de documents, il ne pouvait pas les
23 recevoir parce que le commandant de l'état-major principal du HVO n'est pas
24 chargé d'un traitement de données en procédure pénale. Il ne recueille pas
25 d'éléments de preuve en interrogeant les témoins. Il n'est pas chargé de
26 faire des dépôts de plainte au pénal. Il ne dresse pas d'acte d'accusation.
27 Il ne rend pas de jugement. Il n'y a que dans des cas de figure de ce genre
28 que le général Praljak était ou aurait été à même de punir des auteurs de
Page 52491
1 crimes.
2 S'agissant du modèle de comportement qui aurait été celui du général
3 Praljak, et référence faite à des responsabilités ressortant de ses
4 responsabilités, donc il n'était ni procureur ni juge. Il ne pouvait mettre
5 en place que des mesures disciplinaires, et ces choses-là sont illustrées
6 par les documents P 3829, le P 4260, le P 5530, le 3D 3316, le P 889 --
7 oui, je disais P 8889, le P 7035, le P 2860 et le P 5621.
8 Je vais sauter la partie relative au droit humanitaire, parce que les
9 parties en présence disposent d'un grand nombre d'éléments de preuve disant
10 que M. Praljak s'était efforcé de faire connaître aux soldats les
11 dispositions du droit humanitaire et les dispositions qui indiquent quel a
12 été son comportement en la matière. Donc, comme je n'ai pas assez de temps
13 à ma disposition, je me propose de sauter cette partie-là, et j'en arrive
14 au paragraphe 728. Il est question là des conclusions du bureau du
15 Procureur relatives au fait de tolérer les crimes par Praljak et d'un
16 soutien qu'il aurait apporté à la perpétration de crimes.
17 La Défense du général Praljak dit que celui-ci n'a jamais approuvé la
18 commission de crimes, et nous pensons que la Défense l'a démontré au fil du
19 procès. En suivant le comportement du général Praljak depuis Sunje,
20 témoignage du Témoin Arbutina, page du compte rendu 45 091; puis le Témoin
21 Crnkovic, page du compte rendu 45 106; puis le 3D 3679, déclaration du Dr
22 Mahmoud Eid; le document 3D 2860 et le 3D 3361, qui sont des documents du
23 Ministère de la Défense de la République de Croatie émanant du général
24 Praljak. Puis, au suivi du comportement du général Praljak pour ce qui est
25 de la protection des Serbes à Grabovina, municipalité de Capljina,
26 déclaration de témoin faisant l'objet de la pièce 3D 3666, puis le
27 témoignage du Témoin Curcic au principal et sa déclaration qui fait l'objet
28 de la pièce 3D 3759, page 3, page 5 et page 8, qui parlent du type de
Page 52492
1 comportement à l'égard des prisonniers. Puis, la libération du Témoin BM,
2 la pièce 5530, qui permet de déterminer quelles ont été les modalités de
3 comportement vis-à-vis de la nécessité d'établir la discipline, de punir
4 l'indiscipline, d'interdire les pillages, les mauvais traitements et
5 nécessité de prendre soin des civils. Le Procureur n'a pas apporté
6 d'élément de preuve qui montrerait que des témoins placés sous les ordres
7 du général Praljak auraient incendié des maisons de Musulmans, les auraient
8 dépossédés de leurs biens, auraient placé illégalement en détention des
9 Musulmans ou les auraient terrorisés pour finir par les déporter. Il n'a
10 pas été prouvé que Praljak aurait toléré ce type de comportement, pas plus
11 qu'il n'a été informé de ce type de comportement.
12 On me dit, Monsieur le Président, que l'heure de la pause est
13 arrivée.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est l'heure de faire la pause. Vous avez
15 utilisé trois heures et 30 minutes. Nous reprendrons dans 20 minutes.
16 --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.
17 --- L'audience est reprise à 12 heures 52.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.
19 Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Au paragraphe 730, le Procureur semble citer ou faire une prétendue
21 citation d'un document qui est le P 8765 et dit que pour ce qui est du
22 style de commandement à Praljak, il y a un rapport de fait par un
23 subordonné, et que le subordonné en question aurait dit que :
24 "Le général Praljak disait alors que les Croates se devaient
25 d'apprendre à haïr les Musulmans."
26 Cette affirmation est inexacte, il s'agit d'une mauvaise
27 interprétation, une interprétation erronée du texte. Le texte cité par le
28 Procureur est un texte écrit par un journaliste, et non pas prononcé par un
Page 52493
1 soldat qui aurait été le subordonné du général Praljak.
2 En sus du reste, la question qui se pose est celle de savoir pourquoi le
3 général Praljak, en 1993, aurait modifié les positions et comportements qui
4 ont été les siens pendant toute la période antérieure, à savoir que les
5 crimes ne sauraient être pardonnés, les crimes se devaient d'être
6 sanctionnés, mais il n'est pas censé pouvoir réagir si on ne l'a pas mis au
7 courant.
8 Le paragraphe 732. Dans ce paragraphe, le Procureur présente le document P
9 5530 pour présenter une affirmation au terme de laquelle, au sein des
10 unités du HVO, il y aurait eu une absence du respect de la loi. Nous avons
11 entendu un des débats à ce sujet, et il a été évoqué un rapport de l'unité
12 qui revient de Vakuf vers la Croatie, unité qui aurait séjourné pendant
13 longtemps sur le théâtre des combats dans les environs de Vakuf. Je précise
14 que dans cette unité, il y avait des volontaires venus de Croatie. Et dans
15 ce rapport, il est dit :
16 "Notre unité est accusée d'avoir pillé des maisons au champ de bataille
17 d'Uskoplje. Nous avons été arrêtés à une guérite de contrôle, prétendument
18 sous ordre du général Praljak. Suite au contrôle par la police militaire,
19 on aurait retrouvé des appareils comme suit : un réfrigérateur, un
20 congélateur, un poêle de chauffage, et cetera. Et tout ceci a été
21 confisqué."
22 Ce document montre que le général Praljak, en dépit du fait qu'il s'agit
23 ici de combattants qui ont passé une période assez longue à la ligne de
24 front, n'a pas toléré les pillages. Et lorsqu'il a eu vent de la chose, il
25 a réagi de façon prompte.
26 Pour ce qui est du comportement du général Praljak et de son aptitude vis-
27 à-vis des crimes, il y a un document qui l'illustre, qui est le document 3D
28 3316, un document daté du 1er octobre 1992. Il dit qu'il faut que règne le
Page 52494
1 droit et que personne, aucun membre de l'armée croate, ne saurait violer la
2 loi. Et il demande à ce que par le courage pour des sacrifices et des
3 mérites de tout un chacun ne fournit pas un justificatif pour atténuer la
4 sanction relative à un délit au pénal et encore moins pour impliquer un
5 pardon. Les biens des citoyens, les biens de l'Etat et les biens de
6 l'ennemi se trouvent être protégés par la loi; la page 8 du document. Aucun
7 soldat croate ne saurait s'attendre à ce qu'un délit au pénal vienne à lui
8 être pardonné ou s'attendre à ne pas faire l'objet d'une procédure au
9 pénal. Ce document, donc, montre l'attitude adoptée par le général Praljak
10 vis-à-vis des crimes et vis-à-vis de tout comportement inadmissible. Mais
11 le général Praljak ne pouvait pas juger les soldats, il ne pouvait pas
12 rendre des jugements et il ne pouvait pas non plus dresser des actes
13 d'accusation. D'autres organes existaient pour ce qui est de ce type de
14 tâches.
15 Nous voulons indiquer que le général Praljak, à plusieurs reprises, a
16 indiqué qu'il savait que du fait de l'utilisation de la police militaire
17 aux combats, il n'y aurait pas réaction immédiate de sa part s'agissant de
18 comportement inadmissible. Il n'en demeurerait pas moins que les
19 responsables de délits au pénal pouvaient être poursuivis par la suite. Et
20 le général Praljak a dit que pour tout crime ou prétendu crime, on pouvait
21 demander la responsabilité de tout un chacun, et c'est ce qui a été fait à
22 cet effet. En guise d'illustration, nous tenons à citer le document 1D
23 2577, opération "Spider", ou araignée. Il y a eu arrestation de personnes
24 pour lesquelles on avait eu des suspicions au terme desquelles, en 1993 et
25 1994, ils auraient commis plusieurs délits au pénal sur le territoire de la
26 municipalité de Rama. Puis, un document autre, un document qui est le 1D
27 01252, qui reprend des données relatives à des auteurs de délits au pénal.
28 Au 1er juin 1993, pillage; puis 21 septembre 1993, meurtre; puis 17 août
Page 52495
1 1993, meurtre, et cetera. Et les éléments de preuve que nous avons
2 présentés et qui ont été versés au dossier montrent bien qu'il y a eu des
3 délits qui ont été poursuivis, qu'on n'a pas justifié des délits commis et
4 que ces délits n'ont pas fait l'objet d'un plan prémédité à aucun moment.
5 Au paragraphe 751, le Procureur affirme que Praljak avait été au courant
6 des expulsions de Musulmans. Cette allégation est fondée par l'Accusation
7 sur les dires du Témoin E, mais la teneur du discours tenu par le général
8 Praljak à la page du compte rendu indiquée par le Procureur ne peut
9 constituer un élément de preuve. Cela ne peut pas être considéré comme
10 étant une preuve, vu que c'était un témoignage qui s'est fait sans
11 prestation de serment. Le Procureur avait insisté sur la nécessité de ne
12 pas prendre comme élément de preuve des discours qu'aurait faits le général
13 Praljak.
14 Le paragraphe 757. Le 24 septembre 1993, Praljak s'est adressé à ces
15 combattants au sujet de la situation sur le champ de bataille de Mostar et
16 Rastani et autres aux fins d'encourager ces soldats du HVO à poursuivre
17 vers de nouvelles victoires. D'après le Procureur, le HVO se trouve dans
18 une espèce de vide. Praljak attaque, il connaît des succès, mais pour ce
19 faire, il faut une partie adverse. A l'avenant de notre lettre intitulée
20 "offensive ABiH", nous avons cité des documents du mois de novembre 1992 et
21 des documents allant jusqu'à la fin du mois d'octobre 1993 qui parlent de
22 l'offensive lancée par l'ABiH. Lorsque ce document cité par le Procureur a
23 été rédigé, il y a déjà eu les événements de Doljani le 27 juillet 1993,
24 puis les événements de Grabovica le 8 septembre 1993, puis Uzdol le 14
25 septembre 1993. La puissance de ces offensives a été consignée dans les
26 documents de l'unité de la FORPRONU qui s'était trouvée sur le secteur de
27 Mostar et de Jablanica, ainsi que dans la région au sud de Mostar. Si le
28 HVO a réussi à ralentir l'offensive de l'ABiH, bien entendu, il a fallu
Page 52496
1 tenir les soldats au courant des choses. Il fallait les rendre optimistes
2 et susciter l'espoir de ne pas voir les Croates expulsés de la région où
3 ils résidaient. Donc il fallait faire savoir que le HVO avait stoppé ou
4 ralenti des offensives musulmanes, or le Procureur se comporte comme si
5 l'offensive en question n'y a guère eu du tout.
6 Maintenant, nous passons au siège de Mostar. Nous en avons longuement parlé
7 dans nos écritures de clôture. Nous avons abordé la totalité des
8 allégations au cas le cas pour ce qui est des pilonnages, pour ce qui est
9 des tirs de tireurs embusqués, pour ce qui est du pont de Bijela. En raison
10 du peu de temps que j'ai, je me limiterai et je passerai tout de suite au
11 paragraphe 761, bien qu'il y aurait eu bien des choses à dire en réponse
12 aux allégations du Procureur. Mais je parlerai du paragraphe 761, qui est
13 intitulé "Les convois".
14 J'affirme que les allégations de ce paragraphe sont contrecarrées par
15 des éléments de preuve. Nulle part il n'a été consigné ni déterminé pendant
16 le débat le fait que Praljak aurait interdit les passages de convois. C'est
17 tout le contraire. Je ne parle pas seulement d'un convoi où il y a eu le
18 convoi arrêté à Citluk, où le général Praljak est monté sur un blindé de
19 transport de troupes, là où les autres qui auraient dû le faire ne l'ont
20 pas fait, et il a rendu possible le passage d'un convoi vers Mostar est. Je
21 parle de la totalité des convois qui, au fil de 1993, sont allés vers la
22 Bosnie centrale à l'intention des Musulmans à Zenica; le document 3D 00921
23 à l'appui. La liste des convois du 1er juin 1993 jusqu'au 10 décembre 1993.
24 Donc, pendant toute la période pendant laquelle le général Praljak était
25 commandant, mais également avant et après ce moment-là, les convois ont pu
26 passer. Bien sûr, au moment où l'offensive de l'ABiH battait son plein dans
27 la zone de la zone opérationnelle de l'Herzégovine du sud-est, au moment où
28 il était dangereux de circuler, les représentants eux-mêmes de la
Page 52497
1 communauté internationale ont décidé de ne pas passer avec des convois.
2 Cela ne leur a pas été interdit par le HVO. Mais ces mêmes intervenants
3 internationaux n'ont rien fait pour mettre fin aux attaques menées par
4 l'ABiH.
5 Pièce P 5926. Il s'agit d'un protocole régissant le passage des convois
6 humanitaires en date du 17 octobre 1993. Il ressort de ce protocole que
7 pour autoriser le passage des convois, la compétence ne relève pas de
8 l'état-major principal. Donc le général Praljak ne peut pas être appelé à
9 rendre compte de la situation des convois, mais lui n'a jamais interdit le
10 passage de convois.
11 Pièce 4027 à présent, l'accord de Makarska sur le passage libre des convois
12 humanitaires. Aucun membre de l'état-major principal n'est présent, car il
13 ne s'agit pas de quelque chose qui relève du ressort de l'état-major. Le
14 Procureur n'a pas démontré que le général Praljak ait empêché des convois
15 de passer, et nous avons démontré qu'à partir du moment où les compétents
16 n'ont pas pu assurer un convoi pour Mostar est, le général Praljak y est
17 parvenu.
18 Le paragraphe 767 à présent, ainsi que le paragraphe 768. Le Procureur y
19 affirme que le général Praljak aurait montré sa vision pendant le contre-
20 interrogatoire et qu'il a admis avoir prôné la séparation des peuples en
21 Bosnie-Herzégovine. Alors, de quel crime s'agit-il lorsqu'on prône
22 l'autonomie d'un peuple constitutif de Bosnie-Herzégovine ? Cette autonomie
23 ne serait pas un cas unique de par le monde qu'au sein d'un Etat, il existe
24 une entité autonome. Praljak n'a jamais parlé de séparation au sens de
25 départ de territoires habités depuis toujours par les Croates, donc la
26 séparation de ce territoire de Bosnie-Herzégovine. Mais il a prôné
27 l'autonomie des Croates à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine pour qu'ils
28 puissent pleinement réaliser leur caractère de peuple constitutif.
Page 52498
1 Quel élément de quelque infraction rapportée au Statut est constitué par
2 une pensée politique, une aspiration ou une proposition d'aménagement
3 politique ou d'organisation politique ? Pour que ce souhait puisse devenir
4 élément de responsabilité pénale du général Praljak, le Procureur devrait
5 démontrer que les événements se sont déroulés de telle façon que l'on a
6 cherché à avoir recours à la force pour réaliser son souhait. En revanche,
7 les preuves démontrent le contraire.
8 Au paragraphe 770, le Procureur avance que Praljak prônait l'expulsion des
9 Musulmans afin de garantir la présence de la majorité de la population
10 croate dans la HZ HB, puis il cite à l'appui la pièce P 00524, à savoir une
11 transcription présidentielle. Le général Praljak n'a pas prôné l'expulsion
12 des Musulmans. Il parlait de gens chassés par les Serbes qui sont arrivés
13 par la suite à Travnik, ce qui a entraîné une modification de la structure
14 ethnique. Si des personnes expulsées restent à Travnik, expulsées par la
15 VRS et la JNA, alors à ce moment-là, la purification ethnique menée par la
16 VRS se trouve gratifiée, récompensée. Alors, l'importance de l'arrivée des
17 personnes déplacées en Bosnie centrale est enregistrée par Margaret
18 Thatcher dans son livre, pièce versée au dossier sous la cote 3D 2642, page
19 169. La prise en charge d'un si grand nombre de personnes, en particulier
20 en Croatie et en Bosnie, a été insupportable. Ces vagues de réfugiés ont
21 apporté avec eux l'instabilité, et tel a été leur objectif. L'arrivée de
22 milliers de réfugiés musulmans en Bosnie centrale, ce qui a perturbé
23 l'équilibre ethnique entre le Musulmans et les Croates, constitue un
24 facteur important ayant contribué à ce que la guerre se déclenche entre ces
25 deux parties, et cela a eu lieu, elle a éclaté en mars 1993.
26 Voyons maintenant la pièce 3D 02637. Schrader qui confirme également que
27 les personnes déplacées ont causé le conflit. La Défense argumente de
28 manière très précise et détaillée sa thèse par rapport à Prozor, et cela
Page 52499
1 figure dans son mémoire en clôture. Nous nous contenterons d'ajouter que la
2 Chambre n'a en main aucune preuve qui viendrait étayer la thèse du
3 Procureur, à savoir que le général Praljak a été au courant de la
4 commission des crimes et qu'il les a approuvés. Tout au contraire. Nous
5 l'avons démontré.
6 Puisque le Procureur, dans son mémoire en clôture et dans son réquisitoire,
7 réitère le fait que le général Praljak aurait affirmé pendant son
8 témoignage qu'il souhaitait la victoire, la Défense vous renvoie aux pages
9 du compte rendu d'audience 40 985 jusqu'à 40 986 du 2 juin 2009, où
10 s'exprime le général Praljak. Il dit :
11 "A l'époque, ce qui m'importait, c'était de ne pas perdre Gornji Vakuf ou
12 Rama. Bugojno était déjà perdu. Je ne voulais pas perdre Vakuf et le reste.
13 Les forces qui nous attaquaient, l'ABiH, étaient en passe de tout nettoyer
14 jusqu'à la frontière croate. Je ne suis pas l'occupant dans cette partie."
15 Le général Praljak n'a jamais dit qu'il fallait qu'il remporte la guerre;
16 il a dit qu'il ne pouvait pas perdre la guerre et qu'il ne pouvait pas
17 perdre les parties habitées par les Croates.
18 Le général Praljak arrive au moment où l'offensive musulmane arrive à son
19 comble. Il est tout le temps déployé en première ligne de front, il a
20 affaire à des milliers de Croates chassés de Kakanj, Vares, Bugojno,
21 Konjic, Klis. Les témoins Gerritsen, Skender, Curcic en ont parlé. Le
22 Procureur, pendant sa présentation des moyens, n'a pas démontré qui sont
23 les auteurs directs d'infraction, ce qui lui permettrait d'affirmer qu'ils
24 ont eu des liens directs avec le général Praljak.
25 Au paragraphe 785, le Procureur cite la position avancée par M. le Juge
26 Trechsel à l'appui de ses affirmations et dit que le Juge Trechsel a bien
27 résumé la position de Praljak :
28 "Non, je me contente de noter que vous avez confirmé que votre politique et
Page 52500
1 votre idée est que s'il existe l'assassin et la victime, vous écarterez la
2 victime au lieu de rattraper l'assassin."
3 Alors, pour que Praljak puisse autoriser la détention des civils, il
4 fallait bien qu'il soit au courant de cela au moment des faits. Et s'il
5 l'avait su, le Procureur aurait dû présenter au moins un document à l'appui
6 démontrant que Praljak aurait ordonné ou aurait été informé par qui que ce
7 soit de cela à l'époque des faits.
8 On ne peut pas citer à l'appui un entretien accordé après la guerre, donc
9 un entretien accordé sur les informations qui ont été reçues après la
10 guerre. Et Praljak, d'ailleurs, a expliqué qu'entre les deux maux, il a
11 bien fallu choisir le moindre -- le moindre mal. Les vies ne sont-elles pas
12 ce qui importe le plus ? Et n'oublions pas qu'à l'époque, la HZ HB doit
13 gérer 50 000 personnes déplacées arrivées de Bosnie centrale, qui sont
14 arrivées non pas parce qu'elles souhaitaient s'installer en Herzégovine,
15 non pas parce qu'elles ont eu peur face à la propagande, non pas parce
16 qu'elles étaient là pour atteindre des objectifs politiques, mais parce
17 qu'elles voulaient sauver leurs vies. Ce n'étaient pas des criminels, pour
18 que l'observation du Juge Trechsel citée par l'Accusation à l'appui de son
19 affirmation puisse être utilisée ici en tant qu'une preuve. Il s'agit de
20 l'exode des personnes suite à l'offensive menée par l'ABiH, suite à la
21 chute des villes où ces personnes avaient habité et s'enfuient et se
22 rendent là où elles se sentent plus en sécurité.
23 Dans une situation où, au plateau de Dubrava, l'on constate la présence de
24 groupes de sabotage, où des opérations de combat sont en cours, et
25 lorsqu'on s'attend à ce que l'ABiH continue son action le long de la vallée
26 de la Neretva, lorsqu'un très grand nombre de personnes frustrées,
27 blessées, ayant du ressentiment sont là, le général Praljak, après la
28 guerre, après les événements, lorsqu'il a appris les raisons de la
Page 52501
1 réinstallation des Musulmans, a dit que cela a été une bonne mesure parce
2 qu'elle a permis de sauver des vies.
3 Par rapport au document P 9470, permettez-moi simplement d'attirer
4 l'attention de la Chambre sur le fait que la pièce à conviction de ce
5 document est -- en fait, la page 2 qui a été versée au dossier également
6 sous la côté IC 1076. Au moment de l'appréciation de ce document, je
7 prierais les Juges de la Chambre de prendre en considération le document 1C
8 01076.
9 Le Procureur n'a montré aucune preuve démontrant que l'état-major principal
10 ou le général Praljak ait eu quoi que ce soit à faire avec les centres de
11 détention. La pièce P 7064, citée par le Procureur, est un rapport de
12 Biskic sur la situation qui prévaut dans les centres où résident les
13 prisonniers de guerre. Il n'y a là rien qui parlerait de la compétence de
14 l'état-major principal sur ces centres de résidence.
15 Prenons la pièce P 7124, page 6. Ce document porte une date du mois de
16 décembre 1993. Aucun membre de l'état-major principal du HVO n'est présent,
17 et nous voyons la liste des présents en première page. Il s'agit d'une
18 opérationnalisation de l'ordre donné par Boban sur le démantèlement des
19 centres de détention. Alors, ceux qui sont présents sont ceux qui ont
20 directement à voir avec les centres de détention, à savoir le Ministère de
21 la Défense, le chef de l'administration du SIS, la police militaire, le
22 chef du VZ de Ljubuski, les chefs des centres de détention Heliodrom et
23 Gabela, le MUP, le chef du département de la sécurité publique, les
24 procureurs et les juges militaires. Aucun membre de l'état-major principal
25 du HVO n'est présent et n'a été informé de la tenue de cette réunion.
26 Au paragraphe 813, le Procureur parle des tireurs isolés. Il affirme que
27 les tireurs isolés étaient placés sous le commandement du général Praljak
28 et qu'il était au courant de l'activité des tireurs isolés et que, donc,
Page 52502
1 c'est le HVO qui doit en incomber la responsabilité, en la personne du
2 général Praljak. Mais la Chambre ne s'est pas vue présenter une preuve, à
3 savoir la preuve que ce sont des militaires du HVO qui ont bien touché ces
4 victimes, que c'est exclusivement et uniquement une arme entre les mains du
5 HVO qui a pu prendre pour cible les endroits où se sont trouvées les
6 victimes. Il aurait fallu démontrer que c'est uniquement, exclusivement les
7 positions où était déployé le HVO sur la partie ouest de Mostar qui ait été
8 l'endroit d'où on pouvait blesser ou tuer ces victimes.
9 Le Procureur affirme que Praljak n'a pas bien contre-interrogé, qu'il
10 a mal interrogé, sans aucun argument sur le fait que les tireurs isolés
11 étaient placés sous le commandement du HVO. Juste avant la fin de ma
12 plaidoirie, permettez-moi de citer le rapport de Mazowiecki qui est cité à
13 plusieurs reprises par le Procureur dans son réquisitoire ou dans son
14 mémoire au final. Je cite donc la pièce P 4822, et permettez-moi de citer
15 que les tirs isolés venus des positions du gouvernement de Bosnie-
16 Herzégovine, c'est-à-dire de l'ABiH déployée sur la rive est, se situent à
17 droite, Brijeg, à l'hôpital, et bien que c'est précisément ces positions-là
18 qui ont été visitées par Mazowiecki, il ressort de ce rapport que la rive
19 est comme la rive ouest manquent d'eau à Mostar. Il ressort également de ce
20 document que Mostar a été détruit dès 1992, ou plutôt, surtout en 1992. A
21 l'appui, la pièce 1D 1415.
22 Il en vient de préciser que mon temps s'est écoulé. Excusez-moi.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
24 Mme PINTER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. On m'a
25 précisé qu'il fallait que je réserve les 30 minutes qui restent au général,
26 mais je viens d'apprendre qu'en fait, il me reste encore du temps. Merci.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez utilisé quatre heures jusqu'à
28 présent. Donc, si le général Praljak intervient, il interviendra lundi,
Page 52503
1 parce qu'on va arrêter impérativement à deux heures moins quart.
2 Mme PINTER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas terminé.
3 En fait, je pensais simplement que mon temps avait expiré et que je devais
4 en terminer, mais si je puis poursuivre et aborder encore un certain nombre
5 de paragraphes du mémoire du Procureur, je le ferai avec grand plaisir.
6 Je me suis arrêtée à la question des tireurs embusqués au moment où je
7 pensais devoir m'interrompre.
8 Au paragraphe 814, le Procureur parle de la connaissance que Praljak
9 aurait eue des tireurs embusqués du HVO à Mostar. Cependant, les documents
10 auxquels il se réfère disent l'inverse. Et le document P 04822 a déjà été
11 analysé, en tout cas je l'ai évoqué. Quant à la pièce P 10047, il s'agit
12 d'une déclaration pour laquelle, à ce stade, je ne suis pas absolument sûre
13 de la question de savoir si elle est placée sous pli scellé ou non. Je ne
14 donnerai pas de nom. Par conséquent, le Procureur cite les paragraphes 44,
15 47, et 46, mais je dois dire aux Juges de la Chambre que le paragraphe 44
16 de cette déclaration n'est pas un élément de preuve; par conséquent, les
17 Juges de la Chambre ne peuvent pas fonder leur décision sur ce paragraphe.
18 Quant à la connaissance qu'aurait eue le général Praljak des tireurs
19 embusqués, le Procureur a dû démontrer qu'il s'agissait de tireurs
20 embusqués du HVO et que les victimes ont été causées par des tireurs
21 embusqués du HVO. Ensuite, il aurait dû démontrer que le général Praljak
22 avait connaissance de l'existence des tireurs embusqués, présenter ses
23 moyens de preuve et, en se fondant sur eux, passer à une conclusion. Alors
24 que de la façon dont il procède, tout repose sur la seule affirmation du
25 Procureur sans que ce soit étayé par des éléments de preuve. Dans notre
26 mémoire en clôture, nous avons examiné en détail chaque cas précis de tir
27 par des tireurs embusqués et de victimes qui auraient été touchées par un
28 tireur embusqué et nous avons indiqué qu'aucune de ces victimes n'auraient
Page 52504
1 pu être touchées à partir d'une des positions du HVO.
2 Concernant la façon dont Mostar a été détruite et la façon dont la
3 ville se présentait, je voudrais m'appuyer sur le document 1D 011415. C'est
4 le quotidien "Mostarsko Jutro [phon]" du 11 juin 1992. Il est publié par le
5 1er Bataillon indépendant de Mostar, qui appartient à l'ABiH à l'époque. Il
6 y est dit, je cite :
7 "Juin 1992 : des pyromanes maniaques ont transformé en amas de débris et de
8 cendres Luka, Donja Mahala, la rue principale, la rue Fejic, une bonne
9 partie de Cernica et de Semovac, de Sim et Ilica. La soif de sang quasiment
10 animale des grands Serbes et des grands Monténégrins, l'instinct de pillage
11 et de meurtre, le concept visant à créer une zone crépusculaire sur les
12 rives de la Neretva afin de délimiter des zones ethniques sur des bases qui
13 ne peuvent émaner que d'un esprit dérangé ont rasé une terre qui était
14 riche d'un héritage culturel et historique de quatre siècles, rasé les
15 lieux de cultes musulmans et catholiques et chassé les habitants de leurs
16 patries séculaires."
17 Donc Mostar a été détruite en 1992, et non pas en 1993, comme l'affirment
18 les témoins de l'Accusation et comme l'Accusation l'affirme dans son
19 mémoire final. Ceci est écrit par les Bosniens [inaudible] 1992. Je demande
20 aux Juges de la Chambre d'en tenir compte.
21 Dans le paragraphe 820, l'ambassadeur Galbraith a résumé son avis quant à
22 la responsabilité de Praljak, non pas uniquement par rapport au pilonnage
23 et à la destruction de Mostar est, mais également en rapport avec tous
24 crimes évoqués dans le cadre de l'entreprise criminelle commune de
25 l'Herceg-Bosna. Il s'agit d'une évaluation d'ensemble faite par
26 l'ambassadeur Galbraith, ce qu'il peut se permettre. L'ambassadeur peut
27 également se permettre d'avancer des faits non vérifiés; cependant, la
28 Chambre de première instance ne peut prendre des décisions que sur la base
Page 52505
1 des éléments de preuve et de l'évaluation de ces éléments de preuve
2 présentés par les parties au procès.
3 Aux paragraphes 839 à 846, l'Accusation avance que la déposition de Praljak
4 était une déposition partiale par laquelle il souhaitait appuyer sa thèse,
5 et qu'elle n'est pas crédible. Mais même si la déposition de Praljak
6 n'était pas digne de foi, le mémoire en clôture est truffé d'extraits et de
7 pages de sa déposition, et c'est dans pas moins de 57 paragraphes que l'on
8 se réfère à sa déposition. Le Procureur dit encore : Lorsque Praljak ne
9 mentait pas, il éludait les questions.
10 Alors, quels sont ces mensonges allégués ? Praljak a montré dans sa
11 déposition une carte de Gornji Vakuf sur laquelle il n'a pas représenté les
12 positions d'artillerie du HVO à Makljen. Il a ainsi privé les Juges de la
13 Chambre de cette information importante et a fourni une carte fausse ne
14 faisant figurer que les positions de l'ABiH. Les positions de l'artillerie
15 du HVO concernant les événements à Vakuf; cependant, elles n'étaient pas
16 essentielles, comme il ressort de la déposition de Tokic. Praljak, en
17 dessinant cette carte, a représenté les positions de l'ABiH, et il a
18 procédé ainsi en raison de l'insistance de l'Accusation consistant à
19 affirmer que le HVO s'attaquait à la population musulmane. La présentation
20 d'une carte faisant figurer les positions de l'ABiH avait pour but de
21 montrer que les effectifs de l'ABiH existaient bien et qu'il ne s'agissait
22 pas là d'une attaque dirigée contre la population musulmane. Conformément à
23 la déposition du Témoin Tokic, les pièces d'artillerie positionnées à
24 Makljen n'étaient pas en mesure de prendre pour cible la ville parce que
25 cette dernière était hors de portée.
26 La pièce P 1162, rapport de Siljeg : "Nos forces". Dans la
27 description des actions, on ne cite pas qu'à partir de la zone de Makljen,
28 on visait Gornji Vakuf ou Uskoplje, mais la zone de Crni Vrh et de
Page 52506
1 Voljevac, à savoir les positions de l'ABiH. Le rapport mentionne également
2 les points d'appui de l'ABiH au sud de la ville de Gornji Vakuf, à savoir
3 Uzice, Dusa, les hauteurs de Mackovac et les lignes fortifiées de Podovi.
4 L'Accusation affirmait, pourtant, qu'il n'y avait là que des civils et que
5 ces derniers avaient été pris pour cible de l'attaque. C'est donc tout à
6 fait inexact.
7 Dans son interrogatoire principal, Praljak aurait déclaré que Mostar
8 est ne se serait pas plaint aux représentants de la communauté
9 internationale en raison du manque d'approvisionnement en eau. Au contre-
10 interrogatoire, le témoin a été confronté au document dans lequel on
11 l'informe du manque d'eau à Mostar est. Mais il s'agit ici d'une
12 interprétation erronée et d'une citation erronée également par le
13 Procureur. Praljak n'a pas menti dans ce cas.
14 Mention suivante : en répondant à une question du Juge Antonetti en
15 indiquant qu'il ne s'était jamais entretenu avec Tudjman pendant qu'il
16 était commandant de l'état-major, Praljak aurait menti, parce qu'au contre-
17 interrogatoire, il a été confronté avec un élément de preuve indiquant
18 qu'il se serait trouvé, le 15 septembre, dans le bureau du président. Or,
19 Praljak ne prenait d'ordres ni auprès de Tudjman ni de Boban. Il n'a donc
20 pas menti. Le Procureur interprète de façon erronée le contenu des
21 documents et des procès-verbaux, parce que Praljak n'a fait qu'indiquer
22 qu'il ne s'est jamais entretenu avec Tudjman de la façon dont les
23 opérations devaient être conduites.
24 Mention suivante : Praljak aurait menti concernant l'accord Tudjman-
25 Milosevic de 1993, lorsqu'il se serait agi d'exercer des pressions sur les
26 Croates. Confronté à l'entretien avec Filipovic au sujet duquel il aurait
27 déclaré qu'il s'agissait d'un Musulman honorable et qu'il, en juin 1991, se
28 serait exprimé concernant l'accord Tudjman-Milosevic. Praljak a indiqué que
Page 52507
1 cette version concernant un partage de la Bosnie entre Tudjman et Milosevic
2 a commencé à circuler en Croatie de toute façon en 1993.
3 La réunion entre Tudjman et Milosevic n'était pas inconnue d'Izetbegovic.
4 Il était même au courant du sujet allégué de ces négociations, ce dont
5 parle le document 3D 00295. Il s'agit là d'une lettre d'Alija Izetbegovic
6 adressée au Dr Tudjman en date du 24 mars 1991. Et il y est indiqué :
7 "Monsieur le Président, je suis convaincu, et à cet égard, je dispose d'un
8 certain nombre d'informations, qu'il," avec un I majuscule et souligné,
9 "vous proposera, lors de vos discussions bilatérales, des solutions
10 partielles qui seraient à mettre en œuvre en partie au détriment des
11 Musulmans et de la Bosnie-Herzégovine. Je vous prie de refuser de telles
12 solutions, car vous savez qu'elles ne pourront conduire qu'au chaos," et
13 cetera, et cetera.
14 Cependant, à cette époque, les rumeurs concernant Karadjordjevo n'avaient
15 pas encore pris toutes leurs dimensions qu'elles allaient atteindre en
16 1994. En fait, elles sont devenues absurdes lorsque la JNA a attaqué la
17 République de Croatie de toutes ses forces avant de passer au second plan.
18 En 1994, lorsque Manolic et Mesic sortent du HDZ et créent leur propre
19 parti se préparant à prendre le pouvoir, toute cette histoire concernant
20 Karadjordjevo est réactualisée lorsqu'il devient de nouveau nécessaire de
21 déstabiliser la République de Croatie et le Dr Franjo Tudjman. Par
22 conséquent, le général Praljak n'a pas menti.
23 Encore un autre mensonge allégué : Praljak aurait nié avoir été au courant
24 du char se trouvant à Stotina. Sous serment, Praljak aurait menti en
25 indiquant ne pas avoir été au courant de la présence de ce char, alors que
26 cette dernière est mentionnée dans son ouvrage. Le Procureur passe
27 complètement sous silence le fait que le général Praljak a dit qu'en
28 novembre 1993, il n'était pas au courant de la présence d'un char à
Page 52508
1 Stotina. Ensuite, en expliquant les circonstances entourant la destruction
2 du Vieux Pont, il a effectivement déterminé qu'il y avait un char à
3 Stotina. Et ensuite, aux fins de la collecte de toutes les informations
4 permettant d'établir la vérité autour de la destruction du Vieux Pont dans
5 le livre, regroupant ces éléments, il a montré quelle était la position de
6 ce char à Stotina. Alors, c'est une chose que de savoir quelque chose en
7 novembre 1993, et ça en est une autre que de recueillir a posteriori des
8 éléments d'information lorsqu'on s'efforce de collecter des documents et
9 d'analyser un événement. On ne peut certainement pas qualifier cela de
10 mensonge.
11 La Défense affirme que le bureau du Procureur n'a en rien démontré
12 que le général Praljak aurait commis la moindre violation de ses
13 obligations, le moindre manquement à ses devoirs de commandant.
14 L'Accusation n'a pas démontré que Praljak aurait gravement manqué à ses
15 devoirs, qu'il y ait eu quelque manquement sérieux que ce soit, et qu'aucun
16 de ces manquements n'aurait été sérieux, délibéré et arbitraire, afin de
17 pouvoir faire répondre le général Praljak en application de l'article 7/3.
18 La commission des experts des Nations Unies se trouvait dans
19 l'impossibilité de collecter des éléments de preuve permettant de faire
20 répondre le général Praljak en application de l'article 7/3.
21 Pour toutes les raisons précédemment citées, la Défense propose que
22 le général Praljak soit déclaré non responsable de tous les chefs retenus
23 contre lui, car il n'a commis aucun de ces crimes.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est dans quelques minutes l'heure de
25 terminer.
26 Nous reprendrons donc lundi avec l'intervention du général Praljak.
27 Je souhaite d'ici là à tout le monde une bonne fin de journée.
28 L'audience de ce jour est donc levée.
Page 52509
1 --- L'audience est levée à 13 heures 40 et reprendra le lundi 21
2 février 2011, à 14 heures 15.
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28