Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 23 février 2011

  2   [Plaidoiries de la Défense Coric]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'accusé Pusic est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,

  8   s'il vous plaît.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 10   Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.

 12   En ce mercredi, je salue tout le monde, les accusés en premier, Mmes et MM.

 13   les avocats, tous les membres présents du bureau du Procureur, et toutes

 14   les personnes qui nous assistent.

 15   Je vais donner la parole à Me Tomic, l'avocate de M. Coric, pour la

 16   poursuite de sa plaidoirie.

 17   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

 18   Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes présentes dans le

 19   prétoire, autour de ce dernier, et à toutes celles qui, éventuellement,

 20   nous suivent à l'extérieur.

 21   Au début de mon exposé d'aujourd'hui, je souhaiterais procéder à la

 22   correction de deux références chiffrées que j'ai lues de façon erronée hier

 23   et qui n'ont donc pas été consignées correctement au compte rendu

 24   d'audience. Cela figure en page 52 du compte rendu d'audience d'hier,

 25   lignes numéro 5 et 6. Outre la référence au Témoin Skender, les numéros de

 26   page au compte rendu suivants doivent être consignés : 45 210 à 45 283, et

 27   non pas la version qui a été consignée hier, à savoir 45 351 et 45 283. De

 28   même, en page numéro 76 de ce même compte rendu d'audience d'hier, ligne 4,


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  1   au lieu de P 2574, il convient de lire P 2754.

  2   Messieurs les Juges, dans son mémoire en clôture, au paragraphe 1

  3   041, le Procureur affirme, comme il affirme d'ailleurs dans son

  4   réquisitoire, que le HVO aurait opté pour une politique de tolérance à

  5   l'égard des crimes de guerre et de crimes contre l'humanité et que, par

  6   conséquent, le HVO n'aurait pas diligenté de procédure au pénal concernant

  7   de tels actes, mais aurait bien plutôt, et ce, dans des cas rares, procédé

  8   à des poursuites contre des auteurs d'infractions au pénal beaucoup moins

  9   graves. Le Procureur affirme ensuite que Valentin Coric est responsable de

 10   cet état de fait et que de cette façon il a contribué à l'entreprise

 11   criminelle commune.

 12   Le Procureur affirme qu'il existait une obligation de diligenter des

 13   procédures et des poursuites au pénal contre les auteurs d'infractions au

 14   droit international de la guerre et au droit international humanitaire. Il

 15   affirme, en outre, que le fait d'avoir engagé des poursuites pour

 16   infraction au pénal en application au droit interne n'atténue en rien la

 17   responsabilité des accusés.

 18   Afin d'étayer la thèse qui est la sienne, le Procureur s'est appuyé

 19   sur le jugement en première instance dans l'affaire Milutinovic. Il

 20   convient cependant de souligner qu'il s'agit là bien d'un jugement en

 21   première instance et que nous attendons encore à ce jour un arrêt de la

 22   Chambre d'appel dans cette affaire. De plus, l'affaire Milutinovic procède

 23   d'un contexte différent, celui de la Serbie et de la Yougoslavie dont le

 24   droit pénal est différent de celui qui était en vigueur sur le territoire

 25   et pendant la période couverts en l'espèce.

 26   La Défense Coric souhaite attirer l'attention des Juges de la Chambre sur

 27   une source de droit beaucoup plus pertinente, il s'agit des constatations

 28   du jugement en première instance dans l'affaire Hadzihasanovic et Kubura.


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  1   En effet, ce jugement et ces constatations portent sur le même territoire

  2   et la même période de temps que ceux qui sont pertinents en l'espèce. Au

  3   paragraphe 261 de ce jugement, nous lisons, je cite :

  4   "En conséquence, au moment de la commission des faits incriminés dans

  5   l'acte d'accusation, aucune obligation ne pesait sur les Etats, et donc sur

  6   les juridictions de la République de Bosnie-Herzégovine, de poursuivre des

  7   individus pour crimes de guerre au regard du droit international

  8   coutumier."

  9   Il ressort de ceci, Messieurs les Juges, que les organes judiciaires

 10   internes avaient toute attribution pour décider si les crimes concernés

 11   devaient être qualifiés de crimes de guerre ou s'ils devaient être

 12   qualifiés, si l'on peut s'exprimer ainsi, d'infractions au pénal

 13   ordinaires. Par conséquent, le Procureur a tort lorsqu'en partant du fait

 14   que des plaintes au pénal ont été déposées pour commission d'infractions au

 15   pénal ordinaires et non pas pour commission de crimes de guerre, il affirme

 16   qu'on ne pouvait sur cette base tirer qu'une seule conclusion, à savoir

 17   qu'il existait une intention criminelle et une responsabilité pénale hors

 18   de tout doute raisonnable. En tout cas, bien que le Procureur n'ait rien

 19   entrepris du tout afin d'enquêter plus avant ou de verser des éléments de

 20   preuve relatifs aux différents types de plaintes au pénal qui ont été

 21   déposées, cela ne l'a en rien empêché de procéder à une interprétation

 22   erronée en affirmant que de telles plaintes pour crimes de guerre

 23   n'existaient pas.

 24   Une analyse détaillée des pièces à conviction disponibles qui sont en

 25   nombre limité, analyse à laquelle a procédé la Défense en l'espèce, montre

 26   qu'il y a bien eu dépôt de telles plaintes au pénal auprès des organes

 27   compétents, et ceci en application du Code pénal de la RSFY.La Défense

 28   Coric en l'espèce a versé au dossier les registres d'un certain nombre de


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  1   services du bureau du procureur qu'elle a réussi à se procurer pendant les

  2   préparatifs de sa présentation. Ils ont été versés sous la cote 5D 4288. En

  3   raison des moyens limités dont elle a disposé, la Défense n'a pas été en

  4   mesure de se procurer l'ensemble des registres de tous les tribunaux et de

  5   tous les services du procureur, ce qui aurait permis aux Juges de la

  6   Chambre de se faire une image plus complète de la façon dont tout ceci

  7   fonctionnait. Dans ces registres, et notamment dans la partie qui concerne

  8   les poursuites engagées contre des auteurs inconnus, il est consigné que

  9   quatre procédures ont été diligentées en application de l'article 142 du

 10   Code pénal de la RSFY. Ces affaires sont référencées sous les numéros

 11   suivants : KTN-3/95, KTN-99/95, KTN-101/95 et KTN-103/95. Dans toutes ces

 12   affaires, Messieurs les Juges, les plaintes correspondantes ont été

 13   déposées en 1993, ce qui est également clairement visible dans les

 14   registres en question. Il a également été consigné une affaire sous la

 15   référence KTN-98/95, il s'agit là de poursuite diligentée en application de

 16   l'article 144 du même Code pénal de la RSFY. Dans l'ensemble de ces cinq

 17   affaires, la partie lésée, ou plutôt, les victimes étaient des Musulmans.

 18   L'article 142 du Code pénal de la RSFY concerne l'infraction au pénal de

 19   crime de guerre commis à l'encontre de la population civile. Quant à

 20   l'article 144 de ce même Code pénal, il concerne l'infraction de crime de

 21   guerre commis contre des prisonniers de guerre. Messieurs les Juges, il

 22   ressort clairement de ceci que l'affirmation du Procureur selon laquelle

 23   aucune poursuite n'aurait été engagée pour commission de crimes de guerre

 24   est en fait sans fondement.

 25   La Défense Coric a réussi à se procurer un certain nombre d'éléments de

 26   preuve et à les verser au dossier. Je souhaiterais attirer l'attention des

 27   Juges sur encore un autre paragraphe de ce jugement déjà cité dans

 28   l'affaire Hadzihasanovic et Kubura; il s'agit du paragraphe numéro 239. Je


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  1   cite : "Dans cette optique, la Défense Hadzihasanovic se doit de répondre

  2   aux accusations portées contre l'accusé Hadzihasanovic, et peut, pour ce

  3   faire, verser des documents attestant de mesures prises par l'accusé

  4   Hadzihasanovic dans le but, par exemple, de mettre en lumière le contexte

  5   de l'affaire ou le fait que le système répressif militaire fonctionnait.

  6   Toutefois, un tel versement ne doit en rien lui porter préjudice."

  7   En effet, si l'on reconnaît la nécessité pour un accusé de répondre aux

  8   accusations portées contre lui, l'on ne peut, comme le suggère

  9   l'Accusation, renverser la charge de la preuve et placer la Défense

 10   Hadzihasanovic dans une situation sans issue. D'une part, si elle présente

 11   un certain nombre de documents faisant état de mesures prises, l'Accusation

 12   tirerait alors profit des failles de sa présentation. Ou d'autre part, si

 13   la Défense Hadzihasanovic opte pour une défense passive, et si elle ne

 14   présente pas de documents faisant état de mesures prises, l'Accusation en

 15   userait pour affirmer que l'accusé Hadzihasanovic n'a pris aucune mesure,

 16   étant donné que sa propre Défense n'a retrouvé aucun document attestant de

 17   leur existence.

 18   Comme je l'ai dit précédemment, de par ses affirmations, l'Accusation

 19   implique et suggère que Valentin Coric aurait été responsable de ce que les

 20   auteurs d'infractions au pénal n'ont pas été poursuivis et sanctionnés. Je

 21   vais citer encore une fois le jugement dans l'affaire Hadzihasanovic et

 22   Kubura, paragraphe numéro 137, je cite :

 23   "Pour déterminer les mesures qu'un supérieur est tenu de prendre, un examen

 24   du droit interne est pertinent."

 25   Paragraphe 139, à présent, je cite :

 26   "D'ailleurs, la jurisprudence du Tribunal s'est fondée sur la loi interne

 27   et/ou les règlements internes de l'une ou de l'autre des forces armées du

 28   conflit pour déterminer le champ des mesures qu'un supérieur pouvait


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  1   prendre dans le but de déterminer sa responsabilité au sens de l'article

  2   7(3)."

  3   Pendant la période de temps couverte par l'accusation, dans l'ensemble de

  4   la Bosnie-Herzégovine, y compris en Communauté croate d'Herceg-Bosna, les

  5   territoires en question étaient régis par les mêmes lois, à savoir le Code

  6   de procédure pénal, le Code pénal de Bosnie-Herzégovine et le Code pénal de

  7   la RSFY, comme en témoignent d'ailleurs les documents numéro P 449, P 592,

  8   2D 908, 2D 909 et 2D 910.

  9   Le Code de procédure pénal, qui correspond à la pièce 4D 1105, disposait

 10   des droits et obligations des organes compétents, comme suit : en

 11   application de l'article 158 et de l'article 161, c'est sur demande du

 12   procureur qu'une enquête pouvait être diligentée, et cette enquête était

 13   menée par un juge d'instruction. Le juge d'instruction avait pour

 14   obligation d'informer le procureur au cas où l'enquête, pendant son cours,

 15   révélerait la nécessité d'élargir le champ de la procédure afin d'inclure

 16   une autre infraction au pénal ou un autre auteur. Il en est ainsi disposé

 17   par l'article 165 du même texte de loi.

 18   En vertu de l'article 170, le juge d'instruction avait la possibilité de

 19   mettre un terme à l'enquête sur demande du procureur. Et dans des cas

 20   spéciaux définis par l'article 171, c'était la chambre du tribunal saisie

 21   de l'affaire qui avait cette même possibilité. Après la fin de l'enquête,

 22   le juge d'instruction transférait l'affaire au procureur, comme en dispose

 23   l'article 174.

 24   L'article 261 stipulait que le procès devait être conduit sur la base de

 25   l'acte d'accusation dressé par le procureur public ou par la partie lésée

 26   agissant en guise de procureur. Le procureur était celui qui avait la

 27   charge de qualifier l'infraction au pénal, de lui attribuer la catégorie

 28   pénale appropriée en citant les dispositions du code pénal qui, selon lui,


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  1   devaient être appliquées. C'est ainsi, en tout cas, que les choses étaient

  2   prévues par l'article 262.

  3   Il revenait au tribunal de rendre un jugement et à l'occasion du prononcé

  4   de son jugement, le tribunal saisi n'était pas lié par les propositions

  5   avancées par le procureur quant à l'évaluation qu'il convenait de faire des

  6   infractions commises. Ainsi en dispose, en tout cas, l'article 346.

  7   Il ressort de tout ceci, Messieurs les Juges, que Valentin Coric, pas

  8   plus que l'administration de la Police militaire ni aucun membre de la

  9   police militaire, n'avait pas compétence pour dresser des actes

 10   d'accusation, ni pour mener des enquêtes, ni encore pour renoncer à des

 11   poursuites au pénal, pas plus qu'ils n'avaient compétence pour qualifier

 12   des infractions au pénal, et encore moins pour rendre des jugements. Ceci

 13   signifie que Valentin Coric, tout comme l'administration de la Police

 14   militaire et les policiers militaires, ne décidait pas du tout de la

 15   question de savoir quelle procédure allait être diligentée et de quelle

 16   nature elle serait. Ils ne décidaient pas davantage de la question de

 17   savoir qui allait être condamné, et de quelle façon. Il s'agissait là

 18   d'attributions qui étaient entre les mains des organes judiciaires, qu'il

 19   s'agisse des procureurs militaires ou des procureurs civils, qu'il s'agisse

 20   des juges d'instruction ou des juges.

 21   Aucun de ces organes judiciaires ne se trouvait au sein des

 22   structures de l'administration de la Police militaire ni au sein des unités

 23   de la police militaire. Valentin Coric n'exerçait aucune compétence sur ces

 24   organes judiciaires, et que ce soit de jure ou de facto, il ne pouvait ni

 25   n'avait le droit d'exercer le moindre contrôle sur eux. La police militaire

 26   n'était que l'un des organes qui, une fois l'enquête effectuée par la

 27   police menée à son terme, avait la possibilité de déposer plainte au pénal

 28   auprès du procureur compétent. Et c'est là que s'arrêtait toute obligation,


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  1   compétence et possibilité de contribuer aux poursuites engagées contre un

  2   auteur d'infraction au pénal du point de vue de la police militaire.

  3   Dans des circonstances factuelles similaires et en se penchant sur

  4   les mêmes dispositions légales, la Chambre saisie de l'affaire

  5   Hadzihasanovic et Kubura, au paragraphe 1 061 du jugement rendu, a conclu

  6   que, je cite :

  7   "La Chambre conclut que l'accusé Hadzihasanovic n'avait pas la capacité de

  8   mener sa propre enquête au pénal ou d'influencer la manière de laquelle

  9   l'affaire était traitée par le juge Mirsad Strika ou le procureur

 10   compétent. Etant donné que la police militaire du 3e Corps a informé le

 11   juge d'instruction de l'arrivée des corps à la morgue de Zenica, saisissant

 12   ainsi l'autorité judiciaire militaire compétente, on ne peut conclure que

 13   l'accusé Hadzihasanovic n'a pas pris les mesures nécessaires et

 14   raisonnables en vertu de l'article 7(3) du Statut."

 15   Messieurs les Juges, en l'espèce nous disposons d'éléments de preuve

 16   indiquant que de nombreuses plaintes au pénal ont été déposées contre des

 17   auteurs d'infractions au pénal, dont une partie d'entre elles avaient pour

 18   victimes des Musulmans. Et la très grande majorité des procédures

 19   diligentées sont des procédures dans lesquelles c'est précisément la police

 20   militaire qui a déposé plainte.

 21   L'expert du bureau du Procureur Tomljanovich a indiqué, aux pages 6 368 et

 22   6 369 du compte rendu d'audience, des éléments similaires à ceux avancés

 23   par le Témoin de l'Accusation Biskic aux pages du compte rendu 15 277 et 15

 24   278, tous deux ont confirmé que la police militaire a déposé plus de 1 000

 25   plaintes au pénal pendant la seule année 1992. Ceci nous est également

 26   confirmé par le document qui porte la cote P 950. Le Témoin de la Défense

 27   NO, lors de sa déposition en pages 51 215 et 51 216 du compte rendu

 28   d'audience, a confirmé qu'à sa connaissance, la police militaire avait


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  1   déposé plus de 2 000 plaintes au pénal.

  2   La Défense de Valentin Coric rappelle aux Juges de la Chambre que lors de

  3   son interrogatoire du Témoin Vidovic aux pages numéro 51 438 à 51 535,

  4   ainsi que pendant son interrogatoire du Témoin Buntic aux pages 30 515 à 30

  5   568 du compte rendu d'audience, elle a présenté à ces témoins toute une

  6   série de documents qui concernaient une quarantaine de procédures au pénal

  7   diligentées contre différents auteurs d'infractions au pénal dont les

  8   victimes étaient des Musulmans; entre autres, il s'agissait des crimes

  9   d'homicide, de viol, de vols, et cetera.

 10   En raison du temps limité dont elle a bénéficié, la Défense n'est pas en

 11   mesure de présenter à nouveau aux Juges de la Chambre l'ensemble de ces

 12   documents. A part ceci, dans la pièce à conviction 5D 4288, s'agissant des

 13   entrées des ministères publics qui portent des inscriptions KTN, il nous

 14   est donné de voir que pendant la période pertinente pour l'acte

 15   d'accusation, il a été présenté au total 296 plaintes au pénal, pour délits

 16   au pénal variés commis au détriment de Musulmans. La plupart de ces

 17   plaintes a été déposée par justement la police militaire.

 18   Messieurs les Juges, dans son réquisitoire en page 52 132 du compte rendu

 19   d'audience, le Procureur a dit qu'il était d'accord pour consentir à

 20   affirmer que dans l'administration de la Police militaire il y avait, dans

 21   les régiments et au 5e Bataillon de cette police militaire, de braves gens

 22   qui se sont efforcés de faire leur travail, ils ont essayé de faire quelque

 23   chose contre cette criminalité si répandue sur le terrain. Le Procureur a

 24   également dit que c'est la raison pour laquelle ils ont rédigé la totalité

 25   de ces rapports que nous pouvons actuellement consulter. Messieurs les

 26   Juges, la Défense de Coric affirme que les éléments de preuve montrent que

 27   le fait est d'affirmer qu'il faut poursuivre les auteurs de crimes et

 28   aboutir à une condamnation générale des comportements illicites, et c'était


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  1   là le seul plan poursuivi par Valentin Coric et l'administration de la

  2   Police militaire et la police du HVO dans son ensemble. Ça n'a pas été

  3   l'opinion de quelques braves gens seulement.

  4   A ce sujet, Messieurs les Juges, je voudrais citer quelques propos du

  5   Témoin Andabak, qui se trouvent aux pages du compte rendu 50 953 à 50 954 :

  6   "Oui, je suis au courant de cela, et c'était une position de la police

  7   militaire, dont le responsable, M. Coric, était celui d'affirmer que de

  8   tels auteurs devraient être poursuivis et faire l'objet de dépôts de

  9   plaintes au pénal, ensuite être révoqués des unités. Une fois ceci

 10   effectué, des mesures disciplinaires étaient censées être prises contre eux

 11   et, si nécessaire, ils devaient être écartés de nos unités. Donc s'agissant

 12   de tous ces briefings et ces contacts avec la police militaire et son

 13   administration, il nous a été dit que tous ceux qui avaient souillé le nom

 14   de la police militaire aux champs de bataille tout au large de la Bosnie-

 15   Herzégovine, que ceux-là devaient être expulsés des unités."

 16   De même, Messieurs les Juges, je vous convie à prêter attention à un

 17   document, le P 3571. Document où Valentin Coric, au sujet d'un incident de

 18   viol de deux jeunes filles musulmanes par des policiers militaires, dit ce

 19   qui suit :

 20   "Ces individus ont souillé l'honneur de la police militaire, aussi il

 21   serait nuisible à cette unité que de continuer à les garder dans ces

 22   rangs."

 23   Le cas doit être confié au procureur militaire.

 24   Je passe maintenant à un sujet nouveau.

 25   Dans son mémoire en clôture, le Procureur affirme que Valentin Coric avait

 26   installé et contrôlé des postes de contrôle, des barrages routiers, tout au

 27   large de l'Herceg-Bosna, et qu'il s'était servi de ces barrages routiers

 28   pour contrôler les déplacements et pour entraver l'aide internationale, y


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  1   compris l'aide humanitaire. Et cette thèse est argumentée par l'Accusation

  2   dans les paragraphes 1 000 à 1 015 de son mémoire en clôture. Messieurs les

  3   Juges, pas un seul des documents cités en référence par le Procureur et par

  4   ces paragraphes ne prouve que Valentin Coric d'une façon quelconque aurait

  5   entravé le déplacement des organisations humanitaires ainsi qu'entravé la

  6   prestation d'une aide. De même, et contrairement aux thèses avancées par

  7   l'Accusation, ces documents sont de nature à montrer que Coric en fait

  8   n'avait disposé d'aucune attribution ou compétence à l'égard de ces

  9   barrages routiers. Cela n'a pas non plus été le cas pour la police

 10   militaire.

 11   La Défense de Coric, dans son mémoire en clôture, paragraphes 324 à

 12   337, a élaboré plus en détail le sujet de ces barrages routiers. Aussi,

 13   dans mon exposé, ne vais-je que brièvement mentionner certains éléments de

 14   ce qu'a dit le Procureur.

 15   Dans son paragraphe 1 000, le Procureur affirme que Petkovic, dans son

 16   ordre numéro P 1673, aurait confirmé que la responsabilité liée aux routes

 17   relevait des compétences de la police militaire. Mais ce document ne permet

 18   de voir qu'une chose, à savoir que Petkovic donne des ordres directement à

 19   la police militaire en contournant l'administration de la Police militaire

 20   et sans pour autant informer l'administration de la Police militaire de

 21   l'ordre qu'il a donné. La Défense Coric affirme que ces barrages routiers

 22   n'étaient pas le fait uniquement de membres de la police militaire, et le

 23   fait est que le personnel qui se trouvait à ses barrages routiers n'était

 24   pas contrôlé par l'administration de la Police militaire. Ceci est, à titre

 25   d'exemple, prouvé par le document P 1548, où on peut voir que s'agissant de

 26   ces barrages routiers, c'est le commandant de la zone opérationnelle qui

 27   leur donne des ordres en passant par le biais des commandants de brigade.

 28   Et ces barrages routiers étaient tenus par des policiers militaires, mais


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  1   aussi par des soldats. Et les uns et les autres étaient commandés par le

  2   commandant de la zone opérationnelle.

  3   En guise d'exemple crucial, des ordres donnés par Coric où l'on chercherait

  4   à prouver que Coric aurait contrôlé les accès à Mostar, le Procureur cite

  5   un document qui est le P 1331. La seule chose qui nous est donnée de voir à

  6   partir de ce document, Messieurs les Juges, c'est que ce document a été

  7   rédigé en raison d'une détérioration de la situation sécuritaire et que, du

  8   fait de cette situation, on demande à ce que soient inspectés les

  9   personnes, les véhicules et les chargements. Nulle part il n'est fait

 10   mention d'interdiction de passage de l'aide humanitaire ou d'agences

 11   internationales. Ce n'est même pas mentionné dans ce document. Cet ordre

 12   découle d'un ordre du commandant de la Zone opérationnelle de l'Herzégovine

 13   du sud-est, qui fait l'objet d'un document, à savoir le P 1272. Dans cet

 14   ordre, il est clairement dit que l'ordre est donné pour une raison simple,

 15   à savoir du fait de la création de barrages routiers dans la ville sans que

 16   le commandement de la zone opérationnelle de l'Herzégovine du sud-est en

 17   ait connaissance, et ce, en raison de l'apparition de groupes armés mettant

 18   en péril la sécurité, ainsi qu'en raison d'attaques lancées contre le poste

 19   de police situé à Grabovica.

 20   Le document P 1134, auquel se réfère le Procureur dans son paragraphe 1

 21   001, n'a non plus rien à voir avec l'aide humanitaire, pas plus qu'avec des

 22   agences internationales. Il est souligné notamment le fait que Valentin

 23   Coric n'a pas signé le document en question, puisqu'à la période en

 24   question il ne se trouvait pas en Bosnie-Herzégovine, et sa Défense en a

 25   dit plus long à son sujet dans son mémoire en clôture, au paragraphe 625.

 26   Le bureau du Procureur se réfère également au document P 1654. Je dis P

 27   1654. Messieurs les Juges, ce document-là n'a rien à voir non plus avec

 28   l'aide humanitaire, voire avec d'éventuels représentants d'organisations


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  1   internationales. Le document laisse voir que son auteur centre son

  2   attention sur l'ordre et la paix publique ainsi que sur la nécessité de

  3   contrecarrer la criminalité. Dans la dernière phrase dudit document, il est

  4   clairement montré que la police militaire dans la ville de Mostar était

  5   commandée par la zone opérationnelle.

  6   Aux fins d'étayer ses thèses, le Procureur cite également un document, le P

  7   1868, ce qu'il est convenu d'appeler le plan de l'exercice d'un contrôle

  8   renforcé dans la ville de Mostar. Tout d'abord, la Défense de Coric tient à

  9   souligner que le document laisse bien voir que ce plan a été rédigé par

 10   d'autres instances, entre autres le commandement de la zone opérationnelle,

 11   mais non pas par l'administration de la Police militaire, voire par son

 12   chef. Le document laisse voir aussi que cette mission a été l'objet d'un

 13   groupe au nom duquel le dénommé Lavric a signé ledit plan. Donc, Lavric ne

 14   signe pas ce plan en sa qualité d'adjoint de Coric, et cela n'est pas

 15   indiqué non plus dans le document. Il le signe en son nom personnel et pour

 16   le compte du groupe susmentionné. Dans ce document, il a été fourni des

 17   numéros de téléphone importants, dont le téléphone du chef d'état-major, du

 18   commandant de la zone opérationnelle, du commandant adjoint de la zone

 19   opérationnelle et du commandant de certaines unités de la police militaire.

 20   Cependant, Messieurs les Juges, il n'y a pas là de numéro appartenant à

 21   Valentin Coric.

 22   En outre, à la fin de ce document, il existe une liste de personnes pour ce

 23   qui est des destinataires dudit document. Dans cette liste, à côté de

 24   l'intitulé de chaque instance, il a été, de façon précise, indiqué

 25   l'individu au sein de l'instance qui est censé avoir communication de ce

 26   plan. Aussi a-t-on indiqué, par exemple, commandant de la zone

 27   opérationnelle; administration de la police, chef; département de

 28   l'intérieur, responsable. Donc, Messieurs les Juges, pour ce qui est de


Page 52698

  1   "l'administration de la Police militaire," il n'y a rien du tout d'écrit,

  2   ni fonction ni nom. Messieurs les Juges, la Défense de Coric affirme qu'il

  3   n'y a point de preuve disant que Coric aurait été partie prenante à ce

  4   plan, pas plus qu'il n'a eu connaissance dudit plan. La Défense de Coric

  5   affirme également que plusieurs jours après la rédaction de ce document,

  6   Valentin Coric, suite à un ordre du commandant de la zone opérationnelle de

  7   l'Herzégovine du sud-est, a formulé un ordre portant sur la création de

  8   patrouilles de police militaire conjointes entre l'ABiH et le HVO. La chose

  9   est illustrée par des documents qui sont le P 2030 et le P 2020.

 10   Dans d'autres documents cités en référence par le Procureur au paragraphe 1

 11   004, il n'est nulle part fait mention de la police militaire.

 12   Au paragraphe 1 006, le Procureur affirme que la police militaire, pendant

 13   le siège de Mostar, aurait empêché les organisations internationales

 14   d'avoir accès à Mostar. Le Procureur cite ici plusieurs documents, mais il

 15   n'y en a pas un seul à faire état de la police militaire. De même, on fait

 16   référence à des faits jugés qui, non plus, ne font nullement état de la

 17   police militaire.

 18   Messieurs les Juges, la Défense Coric affirme que partant de toutes les

 19   preuves citées en référence par l'Accusation et partant des preuves

 20   avancées par la Défense, il découle que Coric n'était pas la personne qui

 21   contrôlait les barrages routiers, et pas plus que la police militaire était

 22   celle qui était chargée d'entraver l'acheminement de l'aide humanitaire. La

 23   Défense de Coric affirme que s'agissant de la liberté de déplacement dans

 24   certains secteurs, cela faisait l'objet de décisions des responsables

 25   militaires dans leurs zones de responsabilité respectives.

 26   Messieurs les Juges, il n'y a que les documents P 2108, P 2461, P 2531, P

 27   2680, P 4027 et P 4623 qui nous montrent que les commandants militaires, et

 28   depuis les grades de chef d'état-major et des membres de l'état-major en

 


Page 52699

  1   passant par différents commandants et commandements de la zone

  2   opérationnelle de l'Herzégovine du sud-est, et en allant jusqu'aux

  3   commandants des brigades locales, il y a eu en tout et pour tout 27

  4   réunions et pourparlers avec des organisations internationales, voire 27

  5   réunions organisées par l'intermédiaire des organisations internationales

  6   où il a été question de liberté de déplacement. Toutes ces réunions et tous

  7   ces pourparlers ont eu lieu dans la période du 26 avril 1993 jusqu'au 2

  8   septembre 1993. Les documents que je viens de vous citer sont des documents

  9   émis par des représentants d'organisations internationales. Messieurs les

 10   Juges, à aucune des négociations ou pourparlers en question il n'y a pas de

 11   Valentin Coric ni de quelque personne ou responsable autre faisant partie

 12   des rangs de la police militaire ou de son administration.

 13   Messieurs les Juges, j'attire votre attention au sujet de cette

 14   liberté de déplacement sur les documents P 2421, P 6825, P 3923, P 3895, P

 15   3835 et P 5104.

 16   Messieurs les Juges, nous avons entendu ici le témoignage d'un témoin

 17   protégé, d'un représentant d'une organisation internationale, il s'agit du

 18   Témoin DZ. Sa déclaration se trouve faire l'objet de la pièce P 10367.

 19   Par mesure de précaution, je demanderais, pour une minute ou deux, un

 20   passage à huis clos partiel.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 23   Monsieur le Président.

 24   [Audience à huis clos partiel]

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 19   [Audience publique]

 20   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] La Défense Petkovic, dans son

 21   paragraphe 387 du mémoire en clôture, parle de tireurs embusqués sur le

 22   secteur de Mostar, et, comme ils le disent, dans la période pertinente,

 23   courant du 30 mai au 24 juillet, il y a lieu d'affirmer que le Procureur

 24   n'a pas prouvé que des civils aient été ciblés par des tireurs embusqués

 25   faisant partie des effectifs réguliers du HVO. En note de bas de page

 26   appropriée, sous la référence 690, il est indiqué que la police militaire

 27   du HVO disposait aussi de tireurs d'élite dans ses unités, en laissant

 28   entendre que c'était peut-être eux qui avaient pris pour cibles des civils.

 


Page 52701

  1   Ce faisant, la Défense Petkovic se réfère à un rapport semestriel de

  2   l'administration de la Police militaire, rapport relatif à la première

  3   moitié de 1993. Messieurs les Juges, ce rapport semestriel relatif à la

  4   première moitié de 1993 est un seul et unique document où l'administration

  5   de la Police militaire aurait eu un lien quelconque avec des tireurs

  6   embusqués. Dans ce document, il est dit que l'administration de la Police

  7   militaire organisait une formation pour tireurs d'élite et que le résultat

  8   des échanges entre tireurs d'élite après cette formation a été de six pour

  9   un.

 10   Il n'y a rien de mal dans la formation de tireurs d'élite, notamment

 11   pas pour ce qui est de la première convention de Genève, et notamment pour

 12   ce qui est de celle qui a été organisée par l'administration de la Police

 13   militaire. Parce que quand il y a combat entre tireurs d'élite, cela ne

 14   signifie pas forcément qu'on tire sur des civils; ça signifie que des

 15   tireurs d'élite cherchent à abattre des tireurs d'élite.

 16   La Défense Coric, s'agissant des affirmations de la Défense de

 17   Petkovic, tient à dire que ce document ne se rapporte tout d'abord pas à la

 18   période qui serait, selon la Défense Petkovic, pertinente, à savoir la

 19   période courant du 30 mai au 24 juillet 1993, mais ça se rapporte à une

 20   période antérieure à cela.Ensuite, la Défense Coric rappelle aux Juges de

 21   la Chambre le fait que le général Praljak, lorsqu'il a témoigné devant

 22   cette Chambre, a bel et bien confirmé que les tireurs embusqués dans Mostar

 23   faisaient partie de la 2e Brigade du HVO, chose qui se trouve être

 24   consignée au compte rendu d'audience, pages 42 892 à 42 898.

 25   La Défense Coric convie également les Juges de la Chambre à se pencher sur

 26   un document qui est le P 1307. Il s'agit d'un document daté du 26 janvier

 27   1993. Il est question d'un ordre du chef de l'état-major, où on dit :

 28   "En raison de la situation nouvellement survenue, il convient d'urgence de


Page 52702

  1   se procurer 40 fusils à lunette, et ce, Citluk, 10; Grude, 10; Ljubuski,

  2   10; et Siroki Brijeg, 10. Le délai d'exécution de cet ordre est le 26

  3   janvier 1993, avant 18 heures. Les fusils avec leur numéro de série,

  4   doivent être communiqués avant ce délai à l'état-major du HVO de Mostar. Et

  5   si besoin est, pour ce qui est de collecter ces fusils, utiliser la police

  6   militaire."

  7   Ceci est communiqué à la zone opérationnelle de l'Herzégovine du sud-est,

  8   4e Brigade du HVO de Ljubuski, puis ensuite Bataillons Citluk, Ljubuski,

  9   Grude, et le Bataillon de Siroki Brijeg.

 10   Messieurs les Juges, la Défense de Coric affirme qu'il n'y a aucune

 11   preuve disant que Valentin Coric aurait été responsable pour les incidents

 12   où des civils auraient été ciblés par des tireurs d'élite dans la ville de

 13   Mostar.

 14   Nous passons à un nouveau sujet.

 15   Le Procureur, dans son réquisitoire, dit que l'administration de la Police

 16   militaire a participé à l'intrusion illicite dans les appartements dont ont

 17   été auparavant expulsés par la force des locataires antérieurs appartenant

 18   au groupe ethnique musulman. A ce titre, on fournit des références de

 19   documents, c'est-à-dire le P 2879 et le P 6232.

 20   Le document P 2879 indiqué par le Procureur ne montre pas qu'il

 21   s'agissait forcément d'appartements ayant appartenu à des Musulmans, et on

 22   ne voit pas non plus à quel moment dans le temps dans ces appartements il y

 23   a eu irruption de membres de la police militaire. Parle-t-on ici de l'année

 24   1993 ou parle-t-on ici de l'année 1992 ? Pendant 1992, il y a bon nombre de

 25   Serbes à avoir quitté Mostar. Ils constituaient presque 20 % de la

 26   population. En conséquence, ils disposaient d'une part proportionnelle du

 27   fonds logement. Qui plus est, il y avait un grand nombre d'appartements

 28   ayant appartenu à la JNA et qui, d'après le décret, ont été mis à la


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  1   disposition des autorités municipales. A preuve, le document 1D 03016. En

  2   sus, le document qui est cité en référence par l'Accusation ne montre pas

  3   que ces appartements ont forcément été pris par la force. De même, le

  4   document P 6232 ne montre pas qu'il s'agissait-là d'appartements dont les

  5   locataires auraient été expulsés par la force, et cela n'est montré par

  6   aucun autre document non plus.

  7   Le décret relatif à l'utilisation des appartements abandonnés daté de

  8   juillet 1993 - je me réfère à la pièce 3089, article 2 - il y définit ce

  9   que l'on devait considérer comme étant un appartement abandonné. Dans son

 10   article 1, il y est indiqué quand est-ce qu'il y avait cessation du droit

 11   d'utilisation d'un appartement pour ce qui est du titulaire du droit de

 12   locataire antérieur. A l'article 7, il est indiqué les conditions

 13   concernant tout appartement pour lequel il a été rendu une décision de

 14   justice déclarant qu'il s'agissait d'un appartement abandonné. Il était

 15   possible de l'attribuer à un membre du HVO ou à une personne qui, en raison

 16   des activités de la guerre, s'était retrouvée sans appartement. Cette

 17   utilisation ou usage temporaire d'un appartement pouvait durer au maximum

 18   une année à compter du moment où cessait la menace de guerre imminente. A

 19   l'article 9 de ce même décret, il est indiqué que c'est l'organe des

 20   autorités municipales du HVO qui a la charge des affaires relatives aux

 21   logements qui a la possibilité d'attribuer ce droit d'utilisation

 22   temporaire. Avant la prise de ce décret, c'étaient les autorités

 23   municipales qui, elles-mêmes, adoptaient textes et décrets par lesquels

 24   elles déterminaient les modalités d'utilisation temporaire des

 25   appartements. Je parle des pièces 1D 01127, 1D 03016, 1D 00435, 1D 00717,

 26   et 1D 01152. La question des appartements militaires est quant à elle régie

 27   par le décret portant sur l'usage temporaire des appartements militaires.

 28   Il ressort de ceci que dans l'un comme dans l'autre des deux


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  1   documents cités par le Procureur dans son mémoire en clôture, il est

  2   possible de voir que l'administration de la Police militaire agit

  3   conformément à la procédure prévue par le décret sus-cité, qu'elle soumet

  4   une demande à l'organe compétent, et l'objet de cette demande, ce sont les

  5   appartements qui remplissent les conditions dudit décret.

  6   De plus, nous soulignons que Rade Lavric, dont le Procureur lui aussi

  7   indique qu'il est le signataire des deux documents de la Police militaire

  8   que je viens d'évoquer, se trouvait occuper la fonction de président chargé

  9   du contrôle et de la surveillance des appartements militaires dont l'usage

 10   avait été attribué, et ceci, à l'échelon de la zone opérationnelle de

 11   l'Herzégovine du sud-est, dans laquelle une commission du logement avait

 12   été constituée sous la présidence de Stipe Maric. Nous soulignons que cette

 13   commission du logement rendait compte au commandant de la zone

 14   opérationnelle de l'Herzégovine du sud-est. Nous avons un exemple d'un tel

 15   rapport sous la cote P 06860.

 16   Dans ce rapport, le président de la commission affirme que la police

 17   militaire délogera toute personne qui se serait installée de façon

 18   illégitime, donc toutes les personnes qui ne disposeraient pas d'une

 19   décision portant usage dudit appartement émanant de la commission

 20   compétente. Ceci montre à quel point les affirmations du Procureur, qui

 21   parle d'un appétit insatiable de la police militaire à l'égard des

 22   appartements des Musulmans est en fait une affirmation offensante, mais

 23   n'est rien de plus que cela. L'existence d'appartements abandonnés et leur

 24   statut fait l'objet de textes de loi, et le fait que quelqu'un ait déposé

 25   une demande pour attribution ou pour prise d'une décision de justice

 26   portant usage temporaire de tels appartements, conformément aux textes de

 27   loi en vigueur, ne donne pas pour autant le droit de tirer la conclusion

 28   que les occupants précédents des mêmes appartements en auraient été


Page 52705

  1   expulsés par la force et qu'il s'agirait là automatiquement d'agissements

  2   criminels. Les appartements abandonnés ont été attribués aux membres de

  3   différentes unités du HVO. Je vous réfère aux pièces P 02538 et P 02608. De

  4   même, les autorités municipales du HVO ont procédé à l'attribution

  5   d'appartements aux Musulmans aussi, à ceux qui satisfaisaient aux critères

  6   du décret correspondant. Je cite en exemple les pièce P 00344 et 1D 00641.

  7   De plus, la Défense Coric souligne que la pratique de l'attribution des

  8   appartements abandonnés à certaines catégories de militaires ainsi qu'aux

  9   personnes réfugiées et expulsées se fondait sur les mêmes instruments

 10   juridiques, à savoir le départ des occupants précédents d'appartements,

 11   départ qui n'était pas motivé par des raisons valables, et la Défense Coric

 12   souligne que ces mêmes principes ont été appliqués également au sein de

 13   l'ABiH. Je cite 3D 00734. Le fondement même sur lequel les organes de la

 14   République de Bosnie-Herzégovine se sont appuyés pour agir était le décret

 15   ayant force de loi portant sur les appartements abandonnés, versé sous la

 16   cote 1D 00530. J'ai omis de rappeler la cote de ce document, qui est le

 17   décret sur l'usage des appartements abandonnés. Il s'agit de la pièce P

 18   1384, et ce décret a été émis le 1er février 1993.

 19   Je passe à un autre sujet.

 20   Dans son réquisitoire, le Procureur a avancé que M. Coric aurait

 21   contribué à l'entreprise criminelle commune en acceptant et en approuvant

 22   un système administratif d'expulsion en vertu duquel les détenus pouvaient

 23   être libérés à la condition de quitter la Bosnie-Herzégovine, conjointement

 24   avec leurs familles. La Défense Coric s'est déjà penchée sur cette question

 25   dans son mémoire en clôture, si bien qu'aujourd'hui je ne reviendrai que

 26   sur les parties du réquisitoire de M. Stringer qui sont relatives à cette

 27   même question.

 28   Je pense qu'il serait peut-être préférable de passer à huis clos

 


Page 52706

  1   partiel dès maintenant pour ne pas avoir à m'interrompre.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  4   Monsieur le Président.

  5   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 52707-52712 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  4   [Audience publique]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

  6   Alors, Maître Tomic, normalement, d'après mes calculs, il va vous

  7   rester, après la pause, une heure.

  8   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous faisons une pause de 20 minutes.

 10   --- L'audience est suspendue à 15 heures 42.

 11   --- L'audience est reprise à 16 heures 04.

 12   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française en pages 27, 28 du compte rendu

 13   d'audience du premier volet d'audience donc remplacer la partie

 14   correspondante par, "Messieurs les Juges, mis à part Ljubuski ce qui s'est

 15   passé à Ljubuski aucun cabinet d'avocats n'ait intervenu sur --

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 17   Maître Tomic, vous avez la parole.

 18   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Le bureau du Procureur, dans son

 19   réquisitoire, a affirmé que la Défense Coric dans ses écritures dans son

 20   mémoire en clôture a contesté la véracité du document P 3220, et ce, rien

 21   que sur la base d'une allégation de signatures falsifiées. Ce n'est pas

 22   exact. Messieurs les Juges, la Défense Coric dans les paragraphes 699 à

 23   702, la Défense Coric conteste la véracité ou la crédibilité des documents

 24   P 3220 et 3216, parce que dans ces deux documents il y aurait eu une

 25   prétendue réponse en provenance de Valentin Coric portant sur un ordre émis

 26   par le colonel Nedeljko Obradovic. Dans ce document, il est possible de

 27   voir que c'est adressé à l'administration des prisons de Gabela, de

 28   Dretelj, de l'Heliodrom, et de Ljubuski.

 


Page 52714

  1   La Défense Coric, dans son mémoire en clôture, a présenté plusieurs

  2   motivations qui permettent de lui faire dire que ce document est un faux.

  3   Je vais donner ici certains éléments seulement. Mais malheureusement je

  4   vais devoir, pour ce faire, redemander un huis clos partiel.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  7   Monsieur le Président.

  8   [Audience à huis clos partiel]

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  7   [Audience publique]

  8   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Dans son réquisitoire le Procureur

  9   laisse entendre que le colonel Obradovic n'avait pas exercé un pouvoir

 10   véritable à l'égard de l'Heliodrom. La Défense Coric s'est penchée dans le

 11   détail sur ce colonel Obradovic et son autorité à l'égard des prisons. Et

 12   ici, à titre d'illustration, se référera un exemple.

 13   A la date du 8 juillet 1993, Valentin Coric a donné l'autorisation aux

 14   représentants de l'UNHCR pour ce qui était d'une visite aux unités de

 15   détention Dretelj, Ljubuski et l'Heliodrom. Il s'agit de la pièce P 3292.

 16   A la date du 10 juillet, ces représentants de l'UNHCR, en compagnie du

 17   ODPR, sont allés à l'Heliodrom. Et pendant cette visite, M. Herceg a dit à

 18   l'attention des représentants de l'UNHCR que s'agissant des civils à

 19   l'Heliodrom, c'était de la responsabilité du OPDR, alors que s'agissant des

 20   autres prisonniers, c'était l'armée du HVO qui avait compétence. Alors, à

 21   l'occasion de cette visite de l'UNHCR, en compagnie de l'ODPR, il y a eu

 22   visite de ceux qui se trouvaient dans la salle de sport et dans le bâtiment

 23   de l'école. Alors, s'agissant des prisonniers, on a dit qu'ils se

 24   trouvaient dans le bâtiment de la prison, qui elle aussi se trouvent sur le

 25   site de l'Heliodrom. Le représentant de l'ODPR, ainsi que le représentant

 26   militaire qui étaient présents à l'Heliodrom, ont informé l'UNHCR, et ce,

 27   du fait, que le comité international de la Croix-Rouge avait déjà rendu

 28   visite à la prison même. Pour ces raisons et pour d'autres raisons, l'UNHCR

 


Page 52716

  1   n'a pas insisté pour ce qui était de visiter la prison elle-même. Et mis à

  2   part ce fait, on a aussi dit à l'UNHCR, que le comité international de la

  3   Croix-Rouge avait rendu visite une fois de plus, après l'UNHCR, et qu'on ne

  4   l'avait pas laissé accéder à la prison. Ce qui fait que l'UNHCR s'est

  5   retiré aussi. On peut voir ceci au document P 9843.

  6   Les deux documents ont été utilisés par l'Accusation dans le mémoire en

  7   clôture, tout comme par la Défense Prlic qui a, elle aussi, convié les

  8   Juges de la Chambre à se pencher sur ces documents.

  9   Messieurs les Juges, pour ce qui est des autorisations délivrées par

 10   Valentin Coric, il n'y a eu aucune limitation. Il n'a pas dit : On peut

 11   aller ici, et on ne peut pas aller là-bas. Valentin Coric a donné

 12   l'autorisation de rendre visite à cette unité de détention. J'attire

 13   l'attention des Juges de la Chambre sur un document qui est le 5D 3008. Il

 14   s'agit d'un document relatif à une réunion du colonel Obradovic, réunion

 15   tenue à la date du 6 juillet 1993 avec ses subordonnés. Donc cela se passe

 16   quelques jours avant ladite visite de l'UNHCR à l'Heliodrom. A cette

 17   réunion, il y a, entre autres, des représentants de la 3e Brigade qui est

 18   sise à l'Heliodrom et le commandant du Régiment de la Police militaire qui

 19   se trouve avoir pour siège la caserne de Dretelj. Alors le colonel

 20   Obradovic a donné des instructions en l'occasion pour ce qui est des

 21   activités à déployer dans les prisons et, entre autres, il a interdit accès

 22   à toutes les organisations internationales s'agissant du site de

 23   l'Heliodrom.

 24   Messieurs les Juges, nous avons pu voir dans le document numéro P

 25   3292, que Valentin Coric avait autorisé, sans réserve aucune, aux

 26   représentants des organisations internationales pour ce qui était de rendre

 27   visite à ces détenus à l'Heliodrom, à Dretelj et à Ljubuski. Et sur les

 28   lieux à l'Heliodrom, l'autorisation donnée n'a pas été respectée. Pourquoi


Page 52717

  1   n'a-t-elle pas été respectée ? Parce que Obradovic, le 6 juillet, a

  2   interdit les visites des organisations internationales.

  3   Messieurs les Juges, dans ce paragraphe 193 de l'acte d'accusation,

  4   le Procureur affirme que jusqu'à la fin août, ces organisations

  5   internationales n'ont pas pu avoir accès à Dretelj. Valentin Coric,

  6   Messieurs les Juges, a donné son autorisation pour ce qui était d'accéder à

  7   Dretelj dès le 8 juillet 1993. Il n'y a que deux conclusions que nous

  8   puissions tirer de ceci. D'abord, que Valentin Coric en aucune façon n'a

  9   interdit ou entravé l'accès des organisations internationales aux prisons

 10   et aux prisonniers. Et deuxièmement, Valentin Coric n'était pas l'autorité

 11   que l'on respectait, que ce soit à Dretelj, voire que ce soit à

 12   l'Heliodrom. La Défense de Coric affirme que l'autorité de facto pour ce

 13   qui est des prisons dans le secteur sud, et il en va de même donc de

 14   l'Heliodrom, c'était le colonel Obradovic, qui était le commandant dudit

 15   secteur.

 16   Au paragraphe 213 de son mémoire en clôture, la Défense Petkovic indique

 17   que les obligations de l'armée à l'égard des prisonniers cessaient au

 18   moment à partir duquel ils étaient confiés aux organes du département de la

 19   Défense, y compris la police militaire. Or, la Défense Coric affirme que

 20   les commandants militaires n'ont jamais confié ces prisonniers à

 21   l'administration de la Police militaire dans les cas où la police militaire

 22   prendrait part à la sécurisation de prisonniers de guerre ou assurerait une

 23   sécurisation à l'intérieur des prisons militaires, cela fait partie des

 24   missions régulières, et la police militaire se trouve être là placée sous

 25   les ordres du commandant de la zone opérationnelle. Alors s'agissant de

 26   l'organisation du commandement et de l'organigramme de la police militaire,

 27   j'en ai parlé hier, point n'est nécessaire de me répéter maintenant.

 28   Mais mis à part ce fait, la Défense de Coric affirme que les commandants


Page 52718

  1   militaires n'ont jamais confié à quelque autre organe que ce soit une

  2   autorité quelconque à l'égard des personnes qu'elles auraient capturées ou

  3   arrêtées. Les commandants militaires étaient ceux-là même qui, par la

  4   suite, décidaient du sort de ces gens-là.

  5   Si l'on se réfère au document des observateurs militaires, Messieurs les

  6   Juges, à savoir les pièces P 2108, P 2461, P 2512, P 2531, P 2547, P 2675,

  7   et P 2680, on peut voir que les commandants militaires haut placés, entre

  8   mai et septembre 1993, ont participé à 14 reprises à différentes

  9   négociations et réunions portant sur la remise en liberté, voire sur des

 10   échanges de prisonniers. Il n'y avait personne de présent à ces réunions en

 11   provenance de l'administration de la Police militaire. A ces réunions-là,

 12   ces commandants n'ont jamais indiqué qu'ils n'étaient pas compétents pour

 13   ce qui était de négocier, ou n'auraient pas dit qu'ils n'avaient pas de

 14   pouvoir à ce sujet. Les commandants militaires étaient ceux qui décidaient

 15   des échanges, des mises en liberté de prisonniers, c'est eux qui

 16   disposaient des listes de prisonniers, et c'est eux qui décidaient du sort

 17   des prisonniers.

 18   Messieurs les Juges, j'attire votre attention sur un document des

 19   observateurs internationaux, qui est le P 2108, où l'on dit en page 38, que

 20   la liste de la totalité des détenus à l'Heliodrom, pour la date du 18 août

 21   1993, a été remise à cette organisation internationale par le dénommé Zarko

 22   Keza. Zarko Keza, Messieurs les Juges, c'est un membre du service du

 23   Renseignement militaire rattaché à l'état-major principal.

 24   Alors quand on parle de listes de prisonniers, au paragraphe 1 089 de son

 25   mémoire en clôture, le bureau du Procureur affirme que Valentin Coric était

 26   au courant du fait qu'à l'Heliodrom, c'étaient des civils que l'on avait

 27   détenus à la date du 9 mai. Alors le document qui est cité en référence et

 28   qui est une liste, il nous permet de voir que l'administration de la Police

 


Page 52719

  1   militaire n'a reçu ce document qu'à la date du 22 juin 1993; autrement dit,

  2   un mois après que ces personnes avaient quitté l'Heliodrom. Alors,

  3   Messieurs les Juges, Valentin Coric et l'administration de la Police

  4   militaire non seulement n'ont pas décidé de l'arrivée ou du départ de

  5   l'Heliodrom, mais l'administration de la Police militaire n'a obtenu la

  6   liste qu'un mois après que tout avait déjà été terminé.

  7   Alors pour ce qui est de l'identité de ceux qui avaient pris en charge les

  8   prisonniers après leurs captures, ou à qui de facto on avait confié lesdits

  9   prisonniers, je vais pour l'illustrer vous citer les dires d'un témoin, le

 10   Témoin NO, pages 51 323 à 51 324, du témoin. Je vais demander pour quelques

 11   instants le passage à huis clos partiel.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 14   Monsieur le Président.

 15   [Audience à huis clos partiel]

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  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9   [Audience publique]

 10   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Alors sur ce sujet, la Défense

 11   Coric convie les Juges de la Chambre à prêter attention au document

 12   suivant, le P 1959, où le chef de l'état-major donne un ordre disant qu'il

 13   fallait immédiatement accéder à l'échange de la totalité des prisonniers.

 14   L'ordre est adressé aux zones opérationnelles; le P 1351, permettant de

 15   voir que le commandant de la zone opérationnelle et le commandant de la

 16   brigade disposent des listes de prisonniers, et c'est eux qui décident des

 17   échanges; le P 3958, c'est l'état des effectifs à Dretelj, adressé à la

 18   brigade; le 4D 347 est un ordre émanant du commandant de la zone

 19   opérationnelle à l'intention de toutes ses unités pour ce qui était de

 20   relâcher les civils arrêtés; le P 1994, où le commandant de l'état-major

 21   ordonne à la totalité des zones opérationnelles les modalités de

 22   comportement à adopter à l'égard des civils arrêtés et où il dit également

 23   qu'ils se doivent de communiquer l'identité de la totalité des prisonniers

 24   au comité international de la Croix-Rouge pour faciliter des visites aux

 25   détenus; puis la pièce P 4156, où le commandant de la brigade donne un

 26   ordre relatif à l'installation et aux conditions d'hébergement de ces

 27   prisonniers de guerre.

 28   L'administration de la Police militaire n'a ni décidé de la remise en

 


Page 52721

  1   liberté ni des échanges des personnes qui ont été emprisonnées. La police

  2   militaire et son département chargé de la lutte contre la criminalité, à la

  3   demande des personnes compétentes, donnaient des renseignements pour savoir

  4   si, à l'encontre de telle ou telle personne, il y avait une procédure au

  5   pénal. Et on peut le voir dans les pièces P 4379, 6D 169 et P 4450.

  6   Messieurs les Juges, le comité international de la Croix-Rouge, à plusieurs

  7   reprises, s'était adressé à des commandants militaires haut placés, dont M.

  8   Petkovic, pour ce qui est des problèmes du traitement réservé aux

  9   prisonniers de guerre, y compris les travaux forcés. Personne n'a jamais

 10   dit au comité international de la Croix-Rouge qu'il fallait s'adresser à

 11   l'administration de la Police militaire, ni n'a dit que c'était

 12   l'administration de la Police militaire qui avait compétence pour ce qui

 13   était de ce qu'il adviendrait des prisonniers. A ce sujet, Messieurs les

 14   Juges, je vous renvoie vers les documents P 284, P 2950, P 7629, P 7636, P

 15   7660, P 5308 et P 5967.

 16   Pourquoi suis-je en train d'en parler ? Parce que le Procureur, dans

 17   son mémoire en clôture, se sert de documents qui sont les seuls à établir

 18   un lien entre l'administration de la Police militaire et les travaux

 19   forcés, et à cet effet, il cite le P 4020 et le P 4030. Alors, le premier

 20   document est un document signé par M. Petkovic, et il y est dit que

 21   l'administration de la Police militaire a compétence pour ce qui était du

 22   sort des prisonniers. Le deuxième document est un document de la Brigade de

 23   Posusje, qui, prétendument, intervient suite à instruction de la part de M.

 24   Petkovic et s'adresse pour des prisonniers à des fins de travaux, comme le

 25   dit le document, au responsable de la police militaire HB, M. Coric.

 26   Le document P 4068 est un rapport de la police militaire de la

 27   brigade de cette même brigade, où il est dit qu'ils se sont conformés à la

 28   demande formulée par la brigade et qu'ils ont pris en charge les


Page 52722

  1   prisonniers au niveau de la prison d'Otok.

  2   Messieurs les Juges, il n'y a pas de preuve disant que Valentin Coric

  3   ou quiconque d'autre de l'administration de la Police militaire aurait reçu

  4   ou vu à quelque moment que ce soit l'un quelconque de ces trois documents.

  5   Et personne au niveau de l'administration de la Police militaire, de même

  6   que Valentin Coric non plus, ne s'est jamais conformé à telle demande. Pour

  7   ce qui est de ces deux documents qui établissent un lien avec la Brigade de

  8   Posusje, la Défense souligne encore un élément illogique. La Brigade de

  9   Posusje se trouve dans la zone opérationnelle de l'Herzégovine du sud-

 10   ouest. La prison d'Otok se trouve au niveau de la zone opérationnelle de

 11   l'Herzégovine du sud-est. Il n'y a aucune logique à ce que la Brigade de

 12   Posusje, en pleine activité de combat, vienne s'adresser à la zone

 13   opérationnelle de l'Herzégovine du sud-ouest pour aller chercher des

 14   prisonniers destinés à accomplir des travaux vers une autre zone de

 15   responsabilité, d'autant plus qu'à la même époque dans le secteur de la

 16   zone opérationnelle de l'Herzégovine du sud-ouest, et c'est illustré par

 17   bien des documents, il y a des prisonniers qui sont déjà placés sous le

 18   contrôle de la Brigade de Prozor et du commandant conjoint pour la totalité

 19   des brigades sur ce secteur, M. Siljeg, qui fait partie de la zone

 20   opérationnelle de l'Herzégovine du sud-ouest.

 21   Je me propose de présenter quelques brèves remarques au sujet de la

 22   thématique liée à la prison et du mémoire en clôture de l'Accusation.

 23   Au paragraphe 1 071, le Procureur, visant à prouver que Valentin

 24   Coric avait déterminé les règles de comportement à la prison de Ljubuski,

 25   cite un document, qui est la pièce P 234. Messieurs les Juges, ce document

 26   P 234 est un document émanant d'une prison de Croatie, la prison de

 27   Kerestinac. Ce document n'a absolument rien à voir ni avec Ljubuski, ni

 28   avec la police militaire du HVO, ni avec l'administration de la Police


Page 52723

  1   militaire du HVO, exception faite de l'élément où on a vu que dans ce

  2   document quelqu'un - on ne sait pas qui - a barré des choses, a rajouté des

  3   mots et a rajouté, par exemple, des mots "Ljubuski", "prison", "Valentin

  4   Coric". Le document n'a été montré à aucun témoin et il n'existe aucun

  5   autre élément de preuve qui établirait un lien entre ce document-là et la

  6   prison de Ljubuski.

  7   Au paragraphe 1 161 du bureau du Procureur, il est dit que le 23

  8   septembre 1993, des civils musulmans auraient essayé d'empêcher le

  9   transfert de prisonniers qui, depuis Dretelj, étaient censés être envoyés

 10   vers la Croatie. Le Procureur se réfère ici au document P 5322. Messieurs

 11   les Juges, dans ce document, il ne s'agit pas de civils musulmans. Ce

 12   n'étaient pas des civils musulmans qui étaient en question. C'étaient des

 13   Croates qui avaient protesté et qui avaient essayé d'empêcher de voir ces

 14   prisonniers relâchés. La chose est confirmée par le Témoin C de

 15   l'Accusation. Et à ce sujet, la Défense Coric vous renvoie vers les

 16   paragraphes 590 et 591 de son mémoire en clôture.

 17   La Défense Coric affirme également que Valentin Coric n'a jamais, pas

 18   même après les événements du 30 juin 1993, donné un ordre relatif au

 19   désarmement, à l'arrestation ou mise en isolement des membres musulmans du

 20   HVO. La Défense Coric affirme que, d'après les informations dont disposait

 21   Valentin Coric, il avait eu vent de l'attaque de l'ABiH datée du 30 juin

 22   1993 et il a eu vent du rôle des membres musulmans du HVO s'agissant de

 23   cette attaque.

 24   Au sein de la police militaire, après le 30 juin 1993, du fait de

 25   cette situation sécuritaire, il a été procédé à une vérification en matière

 26   de sécurité pour ce qui est des policiers de la police militaire du groupe

 27   ethnique musulman, cela a été refait en automne 1993, mais aucun Musulman

 28   de la police militaire n'a été ni arrêté ni mis en détention.


Page 52724

  1   L'administration de la Police militaire a jugé qu'il n'était point

  2   nécessaire de le faire.

  3   D'après les informations qui ont pu parvenir à l'administration de la

  4   Police militaire, Valentin Coric a pu avoir vent du fait que des

  5   commandants militaires sur les secteurs de Capljina et de Stolac ont

  6   désarmé et mis en isolement des membres musulmans de leurs propres unités

  7   tout comme des Musulmans aptes à combattre. Valentin Coric n'avait aucune

  8   raison de mettre en doute la légitimité des décisions prises par les

  9   commandants militaires parce qu'ils étaient censés être le plus au courant

 10   de la situation sécuritaire dans leurs propres unités et dans leurs propres

 11   zones de responsabilité. Mis à part ce fait, Valentin Coric avait estimé,

 12   en jugeant d'après soi-même et d'après son administration de la Police

 13   militaire, que tous les autres étaient en train de se comporter de façon

 14   analogue.

 15   J'attire ici, en particulier, l'attention des Juges de la Chambre sur

 16   un document qui est le P 3960. Les interprètes ont le document. La Défense

 17   Coric a demandé il y a quelques semaines une rectification de la traduction

 18   auprès du Procureur. Mais jusqu'à présent, la seule réponse obtenue était

 19   celle d'affirmer que c'était en cours de procédure. Nous avons remis aux

 20   cabines d'interprètes un texte en version croate dont je me propose de lire

 21   une partie. Cette partie se trouve en page 2 et c'est souligné. C'est un

 22   rapport qui a été adressé à Valentin Coric par le commandant de

 23   l'administration de la Police militaire, et la date est celle du 5 août

 24   1993 :

 25   "Nous avons eu de grosses difficultés et problèmes du fait de l'ordre

 26   de mise en détention de ressortissants du groupe ethnique musulman pour des

 27   raisons préventives."

 28   Messieurs les Juges, alors, la traduction qui a fait l'objet de


Page 52725

  1   remarques de la part de la Défense Coric, et c'est la raison pour laquelle

  2   nous avions insisté sur la nécessité de rectifier la traduction, il

  3   manquait les raisons "préventives", et de façon évidente, dans le texte

  4   croate, le bout de phrase en question existe.

  5   Messieurs les Juges, au moment où Valentin Coric apprend quelle est

  6   la situation véritable à Dretelj, d'après le témoignage du Témoin C, pages

  7   du compte rendu 22 381 et 22 382, et il s'agit là d'un témoin de

  8   l'Accusation, je le précise, au mois de juillet M. Valentin Coric invite le

  9   dénommé Ivan Ancic, qui était le commandant de ce régiment de la police

 10   militaire à Dretelj, il le fait venir à une session du gouvernement afin

 11   qu'il expose au gouvernement même ce qui était en train de se passer à

 12   Dretelj. Nous savons que la session du gouvernement s'est tenue le 19

 13   juillet 1993, et nous savons qu'une commission qui était censée vérifier la

 14   situation a été envoyée à Capljina et à Stolac. Alors, Messieurs les Juges,

 15   en dépit de tous les efforts investis, le gouvernement a été impuissant.

 16   Suite à cela, une fois de plus, au mois de septembre 1993, à

 17   l'administration collégiale du département de la Défense, c'est précisément

 18   Valentin Coric qui met en garde pour ce qui est du mauvais travail effectué

 19   au niveau des prisons.

 20   Au bout du compte, le 15 septembre 1993, Mate Boban envoie un ordre

 21   où il demande à ce que dans les centres de détention l'on respecte la

 22   totalité des normes du droit international et les conventions de Genève. Au

 23   paragraphe 7 de l'ordre en question, Mate Boban demande à l'état-major

 24   principal de mettre au courant, avec la teneur de l'ordre, la totalité des

 25   unités subalternes et les commandements afin que l'état-major aide lesdites

 26   unités pour ce qui était de la mise en œuvre de l'ordre en question. Mate

 27   Boban demande la mise en œuvre de cet ordre de la part de l'état-major. Il

 28   ne s'adresse pas au département de la Défense, il ne s'adresse pas non plus


Page 52726

  1   à l'administration de la Police militaire. Je parle ici du document P 5104.

  2   Messieurs les Juges, la Défense Coric, du fait de ses limitations en

  3   matière de temps, n'a pas été en mesure d'élaborer davantage au niveau des

  4   sujets liés aux prisons. Nous avons fourni une version abrégée de tout ce

  5   qui figure dans notre mémoire en clôture entre le paragraphe 338 et le

  6   paragraphe 609.

  7   Messieurs les Juges, cette Défense Coric vous convie à faire en sorte

  8   que soient vérifiées avec prudence et avec toute l'attention qui est due

  9   les affirmations de l'Accusation pour ce qui est de ce qui figure au

 10   mémoire en clôture de leur part. Et cela n'est pas dit pour le plaisir de

 11   le dire. Nous avons déjà montré des documents qui ont été interprétés de

 12   façon erronée ou des documents où une teneur a été rajoutée alors qu'à

 13   l'origine le document ne la comportait pas. Malheureusement, la Défense n'a

 14   pas le temps d'indiquer toute chose, mais elle attire l'attention des Juges

 15   de la Chambre, par exemple, sur le paragraphe 1 143, où le Procureur

 16   affirme que la police militaire avait pris part à un incident, alors que le

 17   témoin cité en référence par le Procureur ne parle, lui, que de la police

 18   du HVO. Messieurs les Juges, il est un fait notoire le fait justement que

 19   le HVO avait disposé d'une police militaire et d'une police civile. Alors

 20   que le témoin a été présent, le Procureur aurait dû et aurait pu lui poser

 21   la question de savoir de quelle police il parlait, or le Procureur ne l'a

 22   pas fait, et c'est son problème.

 23   Au paragraphe 1 150, le Procureur avance que le Témoin BJ aurait

 24   déclaré que la police militaire avait été impliquée dans un transfert en

 25   masse des civils musulmans de Grude vers Ljubuski. A cet effet, le

 26   Procureur cite, entre autres, le document P 3744. Messieurs les Juges, ce

 27   document ne contient pas ce qu'avance le Procureur. D'ailleurs, le Témoin

 28   BJ lui-même, lors du contre-interrogatoire enregistré, entre autres, aux


Page 52727

  1   pages du compte rendu d'audience 5 819 et 5 820, a déclaré ne pas savoir de

  2   qui il s'agissait, ni connaître la direction vers laquelle ils se seraient

  3   dirigés et pourquoi ils seraient partis.

  4   Messieurs les Juges, la Défense Coric, concernant un certain nombre

  5   de documents en l'espèce, affirme qu'il s'agit de faux aussi bien dans son

  6   mémoire en clôture que dans la présente plaidoirie. Le Procureur, dans son

  7   réquisitoire, prend une position concernant ce type de documents qui

  8   consiste à dire qu'une telle situation est tout à fait impossible, surtout

  9   dans les cas où l'on a affaire à des documents portant le sceau d'archives.

 10   L'Accusation avance en outre que la Défense émet de telles objections

 11   concernant ces documents uniquement parce que ces documents ne lui

 12   conviendraient pas. Le Procureur prend cette position, bien qu'il y a

 13   quelques années à peine, il nous ait affirmé avoir rencontré le même

 14   problème. D'ailleurs, l'ouvrage écrit par l'ancienne Procureure du présent

 15   Tribunal aborde également ce sujet.

 16   Messieurs les Juges, le Procureur du présent Tribunal dans l'affaire

 17   Blaskic a demandé que le jugement soit réexaminé. Il s'agit d'un document

 18   qui est disponible dans notre base de données, accessible à tout un chacun,

 19   et qui a été étudié par la Défense Coric. Dans sa requête, le Procureur

 20   affirme que l'arrêt en appel dans l'affaire Blaskic a été adopté sur la

 21   base d'un document pour le moins curieux, un document émanant d'un organe

 22   d'Etat de la République de Croatie. Il s'agit de la chose suivante : il

 23   existait deux versions du même document. L'une comportait 20 pages, et

 24   l'autre 40 pages. La version plus longue contenait le nom de la source

 25   auprès de laquelle les informations concernant les événements d'Ahmici ont

 26   été obtenues, y compris un certain nombre d'informations concernant une

 27   double chaîne de commandement concernant la police militaire en Bosnie

 28   centrale. La source de toutes ces informations était l'avocat de M.

 


Page 52728

  1   Blaskic, Me Nobilo. C'est ce qui figure dans le document de l'Accusation.

  2   Cependant, le Tribunal et les Juges se sont vu remettre la version

  3   abrégée de 20 pages d'où avaient été expurgées les informations portant sur

  4   la source de ces éléments, si bien qu'il est apparu que cet organe d'Etat

  5   aurait appris toutes ces informations de la part de ces propres organes sur

  6   le terrain et de la part de sources impartiales. C'est précisément sur la

  7   base de ces nouvelles informations que l'arrêt en appel a été rendu dans

  8   l'affaire Blaskic. C'est précisément sur la base de ces mêmes informations

  9   qu'on a assisté à la création de ce mythe de l'existence d'une double

 10   chaîne de commandement pour la police militaire.

 11   Messieurs les Juges, la Défense de Valentin Coric affirme que ce

 12   dernier n'est pas coupable et que le Procureur n'a pas démontré hors de

 13   tout doute raisonnable sa culpabilité. Par conséquent, la Défense de M.

 14   Coric demande aux Juges de rendre un jugement d'acquittement de tous les

 15   chefs d'accusation.

 16   J'ai terminé ma plaidoirie.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître. Vous êtes parfaitement restée dans le

 18   cadre du temps imparti.

 19   Nous allons maintenant donner à la Défense de M. Pusic, qui est

 20   absent dans le prétoire pour cause de maladie, et qui est représenté par

 21   ses avocats, nous allons donc donner le pupitre, et je vais donner la

 22   parole au premier avocat qui va entamer sa plaidoirie au soutien de la

 23   Défense de M. Pusic.

 24   Maître, vous avez la parole.

 25   [Plaidoiries de la Défense Pusic]

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pense qu'il faut vous rapprocher

 27   du micro, parce que sinon il est impossible de vous entendre.

 28   M. SAHOTA : [interprétation] Oui, ce serait utile de le brancher aussi,


Page 52729

  1   Monsieur le Président. J'avais oublié de le faire.

  2   Je recommence.

  3   Je disais que même dans les procès au pénal les plus compliqués et

  4   les plus longs, et nous avons ici un bel exemple de ce genre de procès,

  5   souvent il ne reste plus, lorsque tous les éléments périphériques auront

  6   été écartés, qu'une ou deux questions essentielles en litige.

  7   Nous avons ici cerné deux questions en ce qui concerne M. Pusic. La

  8   première est de savoir, lorsqu'il y a un procès où on traduit en justice

  9   des haut dirigeants alors qu'aucun d'entre eux n'est accusé de s'être sali

 10   les mains, d'avoir été l'auteur direct d'un crime, la question, c'est de

 11   savoir si les éléments de preuve apportent au-delà de tout doute

 12   raisonnable la preuve que Pusic était investi d'une autorité lui permettant

 13   de prendre des décisions. A supposer que notre première hypothèse est

 14   acceptée, il découle une deuxième hypothèse, à savoir que M. Pusic n'est

 15   pas l'auteur direct du moindre crime et qu'il n'avait aucun pouvoir de

 16   décision, à ce moment-là il ne serait être tenu pénalement responsable des

 17   chefs d'accusation retenus dans l'acte d'accusation. Aujourd'hui, nous

 18   allons concentrer notre argumentaire sur ces deux questions.

 19   Nous espérons que notre ligne de défense est limpide dès les premiers

 20   paragraphes de notre mémoire en clôture. Nous disons que l'Accusation n'a

 21   pas réussi à apporter la preuve de ce que M. Pusic eut été investi de tout

 22   pouvoir de décision, la preuve au-delà de tout doute raisonnable, le type

 23   de correction n'a pas été apporté, et que, par conséquent ceci emporte

 24   nécessité d'acquittement au regard de tous les chefs d'accusation.

 25   Vous l'avez dit, Messieurs les Juges, le réquisitoire, les

 26   plaidoiries doivent donner l'occasion aux parties de réagir à ce qu'ont dit

 27   les parties adverses par écrit et verbalement. Permettez-moi de revenir sur

 28   certains des arguments présentés par l'Accusation dans son réquisitoire.


Page 52730

  1   Ce réquisitoire a commencé eu égard à M. Pusic en disant que les

  2   avocats de M. Pusic étaient confrontés à plusieurs dilemmes.

  3   Est-ce qu'il est possible d'utiliser le système Sanction.

  4   Messieurs les Juges, nous avons une présentation grâce au système

  5   PowerPoint. Le premier cliché, la première planche, c'est un extrait de ce

  6   qu'a dit M. Kruger pendant son réquisitoire.

  7   Je pense qu'il y a quelques petites difficultés techniques que nous

  8   allons très vite évacuer.

  9   A ce moment-là du réquisitoire, deux affirmations ont été avancées.

 10   La première, et je cite ce passage, même si je ne veux pas citer tout ce

 11   qui est contenu dans les planches que je vais présenter pendant ma

 12   plaidoirie, mais ici j'aimerais citer ceci :

 13   "Et ceci nous amène au troisième dilemme. Pusic affirme qu'il était

 14   sans pouvoir, sans autorité, mais ceci ne se base pas sur des éléments de

 15   preuve, car il n'a présenté aucun témoin. Il ne fait que l'affirmer dans

 16   son mémoire en clôture."

 17   Un peu plus tard, le Procureur a dit ceci :

 18   "L'Accusation soutient que l'affirmation pure et simple que fait M. Pusic

 19   de son innocence n'est soutenue par aucun témoignage fait sous serment ni

 20   par un autre moyen de preuve, et ceci ne suffit pas à résoudre ces

 21   dilemmes."

 22   Je pense que l'Accusation a ainsi mal compris la charge de la preuve qui

 23   lui revient, et j'y reviendrai plus tard moi-même.

 24   Nous disons que, bien sûr, M. Pusic n'a pas témoigné en personne,

 25   nous n'avons pas cité de témoins. Mais c'est un droit qu'avait M. Pusic. Il

 26   avait le droit de ne pas témoigner, et c'est un droit qui est consacré dans

 27   le droit, et à notre avis, il ne faut pas en tirer de conclusions

 28   négatives, tout simplement parce que c'est un droit qui était le sien.

 


Page 52731

  1   Nous insistons sur ce fait : nous nous basons pas seulement sur ce

  2   qu'avancent les avocats de M. Pusic, nous nous basons aussi sur l'analyse

  3   réalisée des éléments à charge. Nous disons, et nous trouvons ça très

  4   important, nous disons que les témoins à charge ont présenté des éléments

  5   qui sont tels qu'on pourrait les interpréter comme étant favorables à notre

  6   défense.

  7   Regardez ce qu'ont dit trois témoins à charge, trois témoins

  8   importants.

  9   Le premier s'appelait Marijan Biskic. Excusez-moi si je ne prononce

 10   pas parfaitement le nom des témoins. J'ai quelques difficultés à bien

 11   prononcer certains noms. Parce qu'il n'y a pas beaucoup de voyelles, il y a

 12   beaucoup de consonnes, quelquefois c'est un peu difficile.

 13   Mais voici ce qu'a déclaré M. Biskic à la barre. Il a dit que :

 14   "Pusic ne pouvait me donner aucun ordre ni à personne d'autre, d'ailleurs."

 15   Ce fut tout à fait clair, tout à fait dénué d'ambiguïté. Biskic était

 16   un témoin important, il connaissait bien le travail que faisait Pusic, mais

 17   il connaissait aussi le fonctionnement interne du HVO. L'Accusation l'a

 18   appelé à la barre. C'est un témoin à charge et il n'a été contesté sur ce

 19   ou aucun autre volet de sa déposition, et il était censé venir dire la

 20   vérité. Je vais revenir sur les dires de ce témoin en temps utile.

 21   Autre témoin important, le second, dont nous vous demandons d'examiner le

 22   témoignage de près -- peut-être pourrions-nous passer quelques instants à

 23   huis clos partiel.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 26   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 52732-52733 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  9  (expurgé)

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 11   [Audience publique]

 12   M. SAHOTA : [interprétation] A notre avis, on peut appliquer cette

 13   interprétation des dires de ce témoin à l'essentiel des activités qui

 14   étaient celles de M. Pusic.

 15   Inutile de vous rappeler, vous qui êtes des Juges de carrière, que la

 16   Défense n'a rien à prouver. Il suffit de prouver qu'il y a une conclusion

 17   qu'on peut déduire raisonnablement des éléments présentés. Et nous vous

 18   demandons de voir si cette déduction, qui dirait que Pusic n'avait pas de

 19   pouvoir de décision unilatéral, puisse simplement être écartée. On ne peut

 20   pas oublier ce qu'ont dit ces trois témoins, n'est-ce pas. Et s'il est

 21   impossible de les oublier, il faut en déduire qu'il y a une déduction

 22   raisonnable selon laquelle Pusic, comme le dit Biskic, ne pouvait donner

 23   d'ordres ni à Biskic ni à quelqu'un d'autre.

 24   Rappelez-vous aussi ce que vous disait Me Khan à cette même place il

 25   y a quelques jours. Il vous a dit que s'il régnait le moindre doute dans

 26   votre esprit, il faut que ce doute joue en la faveur de l'accusé.

 27   Nous allons plus loin que de dire simplement que nous avons semé un

 28   doute raisonnable. Même si vos normes, vos critères étaient différents, par

 


Page 52735

  1   exemple celle de la probabilité prépondérante, vous pourriez, en fait,

  2   parvenir à la même décision et avoir une théorie de substitution, à savoir

  3   que M. Pusic, c'était un bureaucrate subalterne dénué de toute autorité et

  4   de pouvoir de décision.

  5   Bien sûr, je m'adresse à vous après cinq ans de procès, et nous

  6   devons, à ce moment-ci de la procédure, reprendre ce qui s'est dit et qui

  7   était considéré pertinent. C'est étonnant de voir ces trois témoins dont

  8   nous parlons longuement dans notre mémoire en clôture. Pourtant,

  9   l'Accusation n'en a pas parlé de façon vraiment approfondie dans son

 10   réquisitoire. A notre avis, c'est une omission flagrante qui n'a qu'une

 11   explication, celle-ci : l'Accusation a omis de se pencher sur ces éléments

 12   parce qu'elle n'a aucun moyen de l'expliciter et de la justifier.

 13   L'Accusation se rend compte qu'ici, c'est le tendon d'Achille de l'acte

 14   d'accusation. C'est pour ça que l'Accusation essaie de le dissimuler, de

 15   l'escamoter, cet élément.

 16   J'espère que vous avez maintenant les grandes lignes de ce que nous

 17   allons vous dire aujourd'hui et demain. Nous allons maintenant vous parler

 18   des erreurs de droit commises par l'Accusation. Puis nous reviendrons sur

 19   certains éléments militant en notre faveur, et nous terminerons par les

 20   éléments présentés contre M. Pusic. Rappelez-vous les deux premières

 21   questions que je vous posais dans mon propos liminaire. Nous verrons

 22   ensuite ce que dit l'article 7(3) du Statut, la responsabilité du supérieur

 23   hiérarchique, puis nous reviendrons à la question de la responsabilité dans

 24   le cadre de l'entreprise criminelle commune, et nous clôturerons par

 25   quelques arguments concernant la fixation de la peine.

 26   L'Accusation, la semaine dernière, a surtout dit ceci en guise

 27   d'accusation principale. L'Accusation, dans son réquisitoire, vous disait

 28   que la Défense Pusic avait procédé à une sélection arbitraire des


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  1   citations. Ici, je m'intéressais surtout à l'histoire - j'ai été formé en

  2   tant qu'historien - et je m'intéressais notamment à ce qu'avait dit dans

  3   son traité sur l'histoire de la géographie un certain E.H. Carr. Il était

  4   un peu provocateur lorsqu'il disait que :

  5   "Croire à l'existence objective de faits historiques, c'est quelque

  6   chose d'absolument fallacieux, mais c'est là un faux raisonnement qu'il est

  7   difficile de dissiper."

  8   On peut essayer d'être objectif, on peut essayer d'examiner d'un œil

  9   raisonnable les éléments de preuve tout en arrivant à des conclusions

 10   convaincantes, mais inévitablement, dans toute analyse d'éléments

 11   historiques, il est possible de critiquer quelqu'un parce qu'on le jugera

 12   trop sélectif dans son choix. Si nous gardons ceci à l'esprit, ici nous

 13   avons un certain luxe, nous avons eu la possibilité de faire de longues

 14   citations des dires de témoins. Et j'insiste, Monsieur le Président, si

 15   nous l'avons fait c'est pour une seule raison, une raison simple, c'est

 16   parce que nous nous sommes efforcés de veiller à ce qu'il n'y ait plus

 17   aucun doute sur les éléments du dossier tel que vous allez l'examiner.

 18   Nous n'acceptons pas la critique formulée par l'Accusation; non, nous

 19   n'avons pas mis de côté tout ce qui était négatif. Si vous voyez les

 20   paragraphes 120 et 126 de notre mémoire en clôture, vous verrez que nous

 21   nous sommes penchés sur bien des facettes du témoignage du Témoin DZ, des

 22   facettes qui ne sont pas nécessairement favorables à notre défense. Et s'il

 23   y a réplique, si l'Accusation décide de s'adresser à vous pour revenir à ce

 24   que nous disons aujourd'hui, elle va peut-être chercher à mettre en lumière

 25   d'autres remarques du Témoin DZ pour tourner au ridicule notre défense.

 26   Mais ça, ça fait partie du débat contradictoire qui est le nôtre.

 27   Nous voulons nous concentrer sur ce que dit ce Témoin DZ avec le bon

 28   et le mauvais. Il est très clair que ce témoin estimait que Pusic n'était


Page 52737

  1   pas un des acteurs-clés dans le HVO, estimait qu'il n'avait pas de pouvoir

  2   de décision. Dans la même veine, nous avons demandé à la Chambre de voir ce

  3   qu'ont dit tous les autres témoins internationaux qui ont témoigné contre

  4   M. Pusic, et ceci, de façon globale. Pourquoi ? Parce qu'il est impossible

  5   de faire concorder ce qu'ont dit, par exemple, les Témoins BB, BC et BD, de

  6   réconcilier ceci avec ce qu'ont dit des témoins internationaux comme DV et

  7   DZ. Et si des contradictions surgissent, je pense qu'il faudra privilégier

  8   les témoins qui ont eu des contacts réguliers et directs avec M. Pusic,

  9   parce qu'ils l'ont vraiment connu. Ce sont là des témoins de première main.

 10   Ce ne sont pas des témoins de tierce main, par exemple. Nous le disons de

 11   façon plus développée aux paragraphes 110 à 112 de notre mémoire en

 12   clôture.

 13   En somme, voici ce que nous disons : si vous concluez que la Défense Pusic

 14   s'est trompée dans la citation des éléments présentés contre M. Pusic et

 15   les a mal interprétés, n'en faites pas porter le blâme à M. Pusic.

 16   C'est à vous de décider, de voir si nos conclusions, qui sont le résultat

 17   d'un examen exhaustif des éléments, si ces conclusions sont équilibrées et

 18   justes, mais de plus, nous demandons à la Chambre d'examiner les arguments

 19   des deux parties avec le même œil critique pour l'une comme pour l'autre.

 20   Nous avons essayé d'être transparents. Nous maintenons chacun des mots que

 21   nous avons écrits dans ce mémoire de clôture, et je pense que notre

 22   scénario est bien plus crédible que celui qu'a voulu vous présenter

 23   l'Accusation.

 24   Au début de ma plaidoirie, je vous parlais d'un extrait du réquisitoire de

 25   l'Accusation, et vous disait qu'il y avait des erreurs de droit quant à

 26   l'administration et à la charge de la preuve. Il y a trois erreurs de droit

 27   entachant le réquisitoire, et nous aimerions les voir de plus près avec

 28   vous. La première erreur, c'est précisément la charge de la preuve.


Page 52738

  1   Lors de son réquisitoire, l'Accusation a dit trois choses que nous

  2   contestons. La première chose avancée par l'Accusation revient à dire que

  3   la Défense Pusic n'a présenté aucun élément permettant de convaincre

  4   autrement la Chambre; page du compte rendu d'audience 52 140. Ensuite, elle

  5   dit ceci :

  6   "Pusic demande à l'Accusation d'apporter la preuve et se contente

  7   d'adopter une défense du silence, une défense passive."

  8   Compte rendu d'audience 52 161. Et puis, à notre avis, l'erreur la

  9   plus grave, c'est celle-ci :

 10   "Le problème que pose M. Pusic, c'est qu'il a présenté une défense

 11   silencieuse passive, et il n'a présenté pas le moindre élément de preuve à

 12   la Chambre qui nous permettrait de soutenir son interprétation. Tout ce

 13   qu'a la Chambre c'est son mémoire, qui n'est pas un document présenté sous

 14   serment, qui n'a pas été soumis à un contre-interrogatoire, ou peut-être

 15   les arguments en vertu du 98 bis."

 16   En fait, la Défense n'a rien à prouver. C'est vrai dans le droit

 17   romano-germanique comme dans le droit de common law. En France c'est

 18   pareil, on reconnaît dans la convention des droits de l'homme, les droits

 19   du citoyen -- notamment aux Etats-Unis aussi -- si on critique la Défense,

 20   si on lui reproche de ne pas avoir présenté de témoins, eh bien, c'est

 21   quelque chose qui est banni aux Etats-Unis et donnerait aussitôt lieu à une

 22   décision de procès entaché de vices de procédure parce que ce serait en

 23   violation du 5e Amendement.

 24   C'est dommage quand même que l'Accusation n'applique pas bien le

 25   droit, alors que c'est un élément fondamental ancré dans la jurisprudence

 26   constante de ce Tribunal.

 27   L'Accusation a évoqué un autre dilemme dont nous sommes frappés, je

 28   cite :


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  1   "Le premier dilemme qui s'oppose à la Défense Pusic, Messieurs les

  2   Juges, c'est que celle-ci a déjà présenté tous ses arguments lorsqu'elle a

  3   présenté les arguments visés par l'article 98 bis en janvier 2008."

  4   Page du compte rendu d'audience 52 139.

  5   C'est là une erreur flagrante, parce que les arguments que nous avons

  6   soumis au nom de M. Pusic lors de la phase de 98 bis ne portaient pas sur

  7   les forces et les faiblesses des éléments de preuve en tant que telles.

  8   Lorsque nous avons présenté ces arguments visés par l'article 98 bis, nous

  9   nous sommes contentés de dire qu'il n'y avait aucun élément de preuve qui

 10   établirait un lien entre M. Pusic et les chefs 4, 5 et 19 à 26 de l'acte

 11   d'accusation. Aucun élément n'a été prouvé, avons-nous dit, qui établirait

 12   un lien entre sa responsabilité et d'autres chefs. Vous trouverez ceci de

 13   façon plus détaillée dans la deuxième partie de notre mémoire en clôture,

 14   dans les paragraphes 32 à 36. Nous allons, pour le reste, nous intéresser

 15   au droit applicable, et surtout à la question de la responsabilité en vertu

 16   de l'entreprise criminelle commune.

 17   La troisième erreur de droit commise par l'Accusation au moment de la

 18   procédure 98 bis découle, à notre avis, de ce qui est une mauvaise

 19   interprétation patente du critère qu'il fallait respecter à cet égard.

 20   L'Accusation disait que nous avions à faire face à un autre dilemme parce

 21   qu'en raison de la conclusion tirée par les Juges suite à la présentation

 22   des arguments 98 bis, depuis -- ici, je cite directement :

 23   "La Défense Pusic n'a présenté aucun argument ou aucun élément de preuve

 24   subsidiaire à la Chambre, pas le moindre élément qui pourrait pousser la

 25   Chambre à tirer une autre conclusion.

 26   "Le dilemme dans lequel se trouve la Défense Pusic," disait

 27   l'Accusation, "c'est que la Chambre de première instance doit jauger la

 28   responsabilité pénale de M. Pusic s'agissant des crimes retenus contre lui


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  1   dans l'acte d'accusation sur les éléments de preuve mêmes sur lesquels la

  2   Chambre s'est appuyée pour conclure qu'ils étaient suffisants pour établir

  3   l'ultime conviction."

  4   Vous connaissez le numéro du compte rendu d'audience, et vous voyez aussi

  5   le raisonnement logique qui sous-tend cette affirmation qu'apporte

  6   l'Accusation. L'Accusation, pour affirmer cela, se repose sur certains

  7   extraits de votre décision en vertu de l'article 98 bis, qui dit ceci :

  8   "En vertu de l'article 98 bis, il suffit à la Chambre de déterminer s'il y

  9   a des éléments de preuve sur la base desquels tout juge des faits

 10   raisonnable pourrait décider qu'il y a condamnation au-delà de tout doute

 11   raisonnable. La Chambre croit qu'à ce stade, elle n'est pas en mesure

 12   d'établir si, effectivement, c'est ce qu'elle ferait ou pourrait faire à la

 13   fin du procès."

 14   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je n'ai pas l'intention de vous

 15   faire un cours de jurisprudence du TPIY eu égard à cet article 98 bis du

 16   Règlement. Nous avons des diapositives qui sont prêtes, mais je peux

 17   résumer la position adoptée par la Chambre sur ce sujet. La Chambre a

 18   souligné qu'il ne fait pas partie des missions qui sont les siennes de se

 19   pencher sur la valeur probante des éléments de preuve dans le cadre de la

 20   détermination concernant l'application ou non de l'article 98 bis du

 21   Règlement, stade auquel la Chambre n'a nécessité que de vérifier s'il

 22   existe des éléments de preuve à l'appui d'une condamnation en fonction d'un

 23   mode de responsabilité bien précis. Le dernier argument dans le cadre de ma

 24   thèse actuelle, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est qu'au

 25   moment de rendre votre décision, il aussi été souligné qu'il n'existait

 26   aucune contradiction entre une décision de rejet d'une requête au titre de

 27   l'article 98 bis du Règlement et un jugement d'acquittement, et il est fait

 28   référence à la décision de la Chambre d'appel dans l'affaire Jelic, dans ce


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  1   cas bien précis.

  2   Pour résumer, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous

  3   soutenons que la décision prise par vous eu égard à notre requête au titre

  4   de l'article 98 bis ne devrait avoir aucune incidence sur vos délibérations

  5   au stade où nous en sommes parvenus en l'espèce.

  6   Avant de me lancer dans l'analyse des éléments de preuve présentés

  7   dans la présente affaire jusqu'à présent et concernant M. Pusic, j'aimerais

  8   établir un certain nombre d'arguments préliminaires, dont le premier

  9   consistera à préciser la nature générale de notre défense.

 10   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cette affaire n'est pas

 11   un procès dans lequel nous nions que M. Pusic ait signé des documents ou

 12   émis des écritures. Ce n'est pas non plus un procès où nous contestons

 13   l'authenticité de tous les documents que l'Accusation cherche à utiliser

 14   comme bases de sa thèse. Mais lorsque nous contestons l'authenticité de tel

 15   ou tel document, nous nous efforçons d'expliquer pour quelle raison nous

 16   faisons objection à son versement au dossier. Et, Monsieur le Président,

 17   Messieurs les Juges, vous avez entendu la façon dont l'Accusation a attaqué

 18   les autres accusés pour avoir adopté ce que l'Accusation appelle une

 19   position non réaliste en affirmant qu'un volume important de documents

 20   n'était fait que de faux. Eh bien, nous n'avons pas adopté cette démarche,

 21   mais il semble, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que

 22   l'Accusation ait décidé, toutefois, en dépit de cela, de nous attaquer.

 23   Par ailleurs, lorsque nous mettons en cause la véracité de la

 24   déposition d'un témoin, nous l'avons fait en montrant très clairement

 25   quelles étaient les portions du témoignage que nous considérions comme

 26   dépourvues de fiabilité. Par exemple, s'agissant du Témoin Masovic, Josip

 27   Praljak, en fait, a discuté -- ceci est repris dans les paragraphes 131 à

 28   136 de notre mémoire en clôture. Donc nous disons qu'il y a certains


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  1   aspects de certaines dépositions individuelles que nous considérons manquer

  2   de fiabilité. En tant que Juges professionnels, vous saurez, sur la base de

  3   votre propre expérience, qu'un témoin intelligent ne peut pas mentir sur

  4   tout et que, parce qu'il s'agit d'un témoin intelligent, il saura qu'un

  5   demi-mensonge est plus convaincant qu'un mensonge complet.

  6   Donc nous ne contestons pas tout ce qu'a dit le témoin lorsque nous

  7   mettons en cause la véracité de sa déposition, mais nous disons clairement

  8   que lorsqu'il témoigne sur telle ou telle question susceptible de

  9   l'inculper ou d'inculper son collègue Bozic, il importe de ne pas tenir

 10   compte de ses propos.

 11   J'aimerais maintenant que nous parlions des éléments de preuve

 12   documentaires.

 13   Nous vous avons demandé de les examiner sans lire ces documents

 14   littéralement d'un bout à l'autre. Nous vous demandons de ne pas prendre

 15   tous ces documents comme argent comptant sur la base des affirmations de

 16   l'Accusation. L'un des éléments les plus importants qui constituera une

 17   caractéristique permettant de distinguer entre telle ou telle situation

 18   dans la présente affaire, c'est le volume très important de documents qui a

 19   été soumis à la Chambre, et l'une des caractéristiques frappantes, c'est le

 20   fait que les deux parties étaient armées de bataillons de photocopieurs, de

 21   légions de secrétaires et d'armes classiques. Les documents ont été

 22   produits par milliers suite à cela, mais ils ne disent pas toute la vérité

 23   au sujet de l'histoire si l'on ne se penche pas sur la déposition des

 24   témoins qui ont été cités à comparaître physiquement en l'espèce.

 25   Il s'ensuit également, à notre avis, qu'aucun témoignage fourni par

 26   un témoin ne peut corroborer l'ensemble des documents soumis à la Chambre,

 27   documents qui ne doivent pas être pris sans examen approfondi de leur

 28   contenu.


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  1   Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous vous demandons

  2   de placer les éléments de preuve documentaires contre M. Pusic au regard

  3   des dépositions verbales et de considérer l'ensemble en comparant cet

  4   ensemble à toutes les dépositions de tous les témoins qui ont été entendus

  5   en l'espèce.

  6   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au paragraphe 347 de

  7   notre mémoire en clôture, nous mettons la Chambre de première instance en

  8   garde par rapport au fait qu'il y a eu dans la présente affaire un certain

  9   nombre de personnes qui avaient le même patronyme que M. Pusic. Au

 10   paragraphe 347 de notre mémoire, nous entrons dans les détails de cet

 11   argument. Ayant examiné le mémoire en clôture de l'Accusation, nous avons

 12   remarqué au moins à deux reprises que l'Accusation semble confondre M.

 13   Pusic avec un homonyme.

 14   Au paragraphe 21 du mémoire en clôture de l'Accusation, dans un

 15   passage qui concerne la pièce P 2293 et qui porte sur les expulsions sous

 16   la contrainte, ainsi qu'en note en bas de page numéro 37, et également au

 17   paragraphe 28 du mémoire en clôture de l'Accusation, note en bas de page

 18   51, M. Pusic est confondu avec un autre homme dont le nom complet est Mile

 19   Pusic. Un autre exemple de ce problème peut être trouvé au paragraphe 595

 20   du mémoire en clôture de l'Accusation lié à la note de bas de page numéro 1

 21   389. Il est fait à tort référence à M. Pusic alors qu'il semble bien que

 22   l'homme dont il est question soit un autre individu dont le nom est

 23   Berislav Slodo.

 24   Monsieur le Président, Monsieur les Juges, nous soutenons qu'il s'agit là

 25   d'erreurs importantes. Elles sont significatives car elles indiquent que

 26   l'Accusation est prête à utiliser toute affirmation à sa déposition sans

 27   vérification des faits. Et ceci indique également, à notre avis, que durant

 28   ce procès marathon qui a duré cinq ans, l'Accusation a perdu M. Pusic de


Page 52744

  1   vue. Elle s'est concentrée avec une telle vigueur sur les autres accusés

  2   que finalement M. Pusic a disparu de ses radars.

  3   Nous avons un exemple très clair de cela qui a eu lieu en octobre

  4   2007. Cinq mois après la déposition du Témoin BC dans le prétoire,

  5   l'Accusation a déposé une requête en vue de rappel à la barre de ce témoin

  6   en se fondant sur le fait qu'il y avait eu une omission commise par le

  7   conseil sur un document important qui n'avait pas été présenté. Et,

  8   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous découvrirez des

  9   renseignements complémentaires au sujet de cet exemple dans la requête de

 10   l'Accusation qui constitue la pièce P 09848, datant du 23 octobre 2007.

 11   Donc, Monsieur le Président, à notre avis, c'est dans des cas de ce genre

 12   qu'il importe que la Chambre examine chacune et toutes les affirmations de

 13   l'Accusation, aussi bien celles qui sont contenues dans son mémoire en

 14   clôture que dans son réquisitoire, et ce, dans le plus grand détail et avec

 15   la plus grande attention.

 16   Dernier argument par rapport à cette entrée dans le débat. Monsieur le

 17   Président, nous soutenons qu'il est aisé à l'Accusation de dire que tout

 18   accusé impliqué dans les procédures qui se mènent devant ce Tribunal

 19   pouvait savoir ce qui se passait à l'époque des faits. C'est un argument

 20   qui a été présenté durant le débat qui a eu lieu dans le cadre de

 21   l'application de l'article 98 bis par l'Accusation. Et vous en trouverez

 22   une référence à la page 27 148 et 27 149 du compte rendu d'audience. C'est,

 23   à notre avis, un argument facile étant donné l'ampleur de la présente

 24   affaire. Lorsque le gouvernement de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et

 25   la politique défendue par ce gouvernement sont jugés, pratiquement toute

 26   personne vivant dans la région savait ce qui était en train de s'y passer.

 27   Mais cela ne devrait pas nous conduire à affirmer que toute personne ayant

 28   un rapport quelconque avec le HVO doit être considérée comme coupable de


Page 52745

  1   crimes de guerre.

  2   Finalement, l'Accusation semble dire que là où il y a de la fumée, il y a

  3   du feu. Mais en dehors de la fumée, il peut y avoir aussi de la lumière, et

  4   il doit y avoir de la lumière. Monsieur le Président, Monsieur les Juges,

  5   nous espérons que nos arguments ont jeté un peu de lumière sur les éléments

  6   de preuve dans l'affaire Pusic.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la dernière pause de la journée de 20 minutes.

  8   Nous reprendrons dans 20 minutes.

  9   --- L'audience est suspendue à 17 heures 26.

 10   --- L'audience est reprise à 17 heures 47.

 11   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : en pages 27, 28, dernier tiers

 12   du premier volet d'audience, corriger la partie correspondante :

 13   Messieurs les Juges, mis à part ce qui s'est passé à Ljubuski, aucun

 14   cabinet d'avocats n'ait intervenu sur la question des lettres de garantie,

 15   pas plus que les policiers militaires au sein des brigades n'ont agi comme

 16   livreurs ou fournisseurs auprès de cabinets d'avocats.

 17    M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 18   Vous avez la parole, Maître.

 19   M. SAHOTA : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 20   j'aimerais maintenant examiner les éléments de preuve liés à M. Pusic. Nous

 21   traitons de ces éléments de preuve de façon thématique dans notre mémoire.

 22   Mais en répondant aux arguments de l'Accusation présentés par écrit et des

 23   arguments oraux de l'Accusation également, nous nous proposons de revenir

 24   sur ces aspects de façon chronologique. Nous aimerions commencer par

 25   examiner les éléments de preuve relatifs à l'implication de M. Pusic dans

 26   ce qu'il est convenu d'appeler l'entreprise criminelle commune avant le 5

 27   juin 1993, qui est une date importante car, comme vous le savez, c'est

 28   celle de la nomination de M. Pusic au poste de chef du service des


Page 52746

  1   échanges.

  2   Pendant les présentations orales de l'Accusation, il a été dit que les

  3   arguments de la Défense Pusic selon lesquels les éléments de preuve étaient

  4   insuffisants, selon lesquels les éléments de preuve étaient poreux eu égard

  5   aux contacts que M. Pusic aurait pu avoir des représentants importants de

  6   ce qu'il est convenu d'appeler l'entreprise criminelle commune, selon

  7   lesquels également les éléments de preuve relatifs à cette entreprise

  8   criminelle commune laisseraient entendre qu'il a pu y jouer un rôle entre

  9   1991 et 1992 [comme interprété], l'Accusation a estimé que ces arguments

 10   n'étaient pas pertinents et qu'ils étaient une espèce d'action de

 11   diversion. Les mots utilisés par l'Accusation sont les suivants, je cite :

 12   "L'argument selon lequel il n'aurait pas appartenu à l'entreprise

 13   criminelle commune parce qu'il était inconnu de certains témoins et d'un

 14   accusé n'est pas pertinent. Ce n'est qu'une diversion."

 15   Nous disons que cette déclaration ne tient pas. Vous avez toute latitude,

 16   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de prendre en compte l'absence

 17   d'éléments de preuve montrant l'association de M. Pusic avec d'autres

 18   membres allégués de l'entreprise criminelle commune. C'est un élément que

 19   vous pouvez examiner et considérer comme pertinent lorsque vous déciderez

 20   si M. Pusic était ou non membre de cette entreprise criminelle commune. Et

 21   puis, nous affirmons que le fait que M. Pusic n'ait eu aucun contact avec

 22   Franjo Tudjman, le fait que Slobodan Praljak n'ait jamais entendu parler de

 23   lui à l'époque de l'annonce que des actes d'accusation allaient être

 24   dressés et qu'il ait été surpris lorsqu'il en a entendu parler pour la

 25   première fois lorsqu'il a entendu dire que M. Pusic était mis en

 26   accusation, nous estimons que tout ceci est pertinent étant donné la façon

 27   dont l'Accusation présente les éléments de son argumentaire, car tout ceci

 28   aurait pu avoir quelque chose à reprendre quant à la possibilité pour M.


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  1   Pusic d'avoir dirigé ou d'avoir été simple membre de l'entreprise

  2   criminelle commune. Monsieur le Président, nous en sommes parvenus à une

  3   partie de nos arguments qui sont développés plus en détail dans notre

  4   mémoire en clôture aux paragraphes 25 à 26 et 15 à 16.

  5   Je passerai maintenant à l'examen chronologique de la situation : l'une des

  6   références les plus anciennes à M. Pusic, c'est un rapport des services

  7   d'information SIS qui date de la fin 1992, la pièce P 0663, qui date du 28

  8   octobre 1993 également. Vous vous rappellerez peut-être, Monsieur le

  9   Président, Messieurs les Juges, que ce rapport traitait de comportements

 10   répréhensibles imputés à M. Pusic, entre autres. Nous contestons la

 11   pertinence de ces documents par rapport aux chefs d'accusation dans l'acte

 12   d'accusation, étant donné que ce rapport concerne des actions alléguées de

 13   M. Pusic en rapport avec les Serbes, et pas également, Monsieur le

 14   Président, car vous vous rappellerez que l'Accusation a précisé ce point

 15   durant la présentation de son réquisitoire, et pas également le fait que M.

 16   Pusic n'a pas adhéré à l'entreprise criminelle commune avant le mois

 17   d'avril 1993, alors que l'Accusation s'appuie sur des documents qui

 18   remontent plus loin dans le temps, puisque un des deux documents dont je

 19   suis en train de parler date d'octobre 1992.

 20   Monsieur le Président, nous consacrerons un certain temps à ce

 21   document particulier simplement parce qu'il est mis en exergue par

 22   l'Accusation dans son mémoire en clôture aux paragraphes 1 026, 1 193, 1

 23   247 et 1 267. Notre position consiste à dire que les affirmations de

 24   l'Accusation liées à ce document sont dépourvues de fiabilité.

 25   Premièrement, ce document est un rapport du SIS qui est établi sur la

 26   base de sources non identifiées. Monsieur le Président, Messieurs les

 27   Juges, je n'ai pas l'intention de m'appesantir sur ce point. Nous avons ici

 28   la même position que celle que nous avons adoptée dans la requête conjointe


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  1   de la Défense, déposée le 7 janvier 2008, en réponse à une requête déposée

  2   par l'Accusation au sujet des éléments de preuve documentaires.

  3   Le deuxième point que j'aimerais vous soumettre eu égard à cet élément de

  4   preuve particulier, c'est qu'il s'agit d'un document que l'Accusation

  5   aurait pu verser au dossier par le truchement d'un témoin. Nous soutenons

  6   que l'Accusation aurait dû disposer d'un témoin pour évoquer les

  7   allégations soutenues par l'Accusation, étant donné sa façon de procéder

  8   contre M. Pusic.

  9   J'aimerais également préciser, Monsieur le Président, que nous

 10   n'admettons aucune des allégations contenues dans ce document. Nous disons

 11   qu'aucun poids ne devrait être accordé à ces allégations. Mais au cours de

 12   la présentation de ma plaidoirie, j'entends mettre en exergue un certain

 13   nombre de contradictions que l'on trouve dans le fait que l'Accusation

 14   s'appuie sur ce genre de document.

 15   L'une des caractéristiques de la présentation des éléments de preuve

 16   par l'Accusation est illustrée, à notre avis, par ce document constituant

 17   la pièce P 0663, il y a un certain nombre d'autres documents très

 18   importants qui n'ont jamais été soumis aux témoins en l'espèce, mais qui

 19   aujourd'hui se voient accordés une plus grande importance au moment du

 20   réquisitoire et du dépôt du mémoire en clôture de l'Accusation. Ceci

 21   suscite une préoccupation certaine au sein de la Défense Pusic, étant donné

 22   le temps relativement modeste qui a été consacré à M. Pusic, et, Monsieur

 23   le Président, c'est également une source de préoccupation de voir

 24   l'Accusation insister autant sur ce genre de document qui aurait pu, à

 25   notre avis, être soumis à des témoins à charge en temps utile. Monsieur le

 26   Président, le fait que ce document n'ait pas été soumis à un témoin

 27   renforce notre conviction que l'Accusation n'a pas satisfait à son

 28   obligation d'apporter la preuve de ce qu'elle avance et, en particulier,


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  1   s'agissant de M. Pusic. Ce document n'est que de l'ouï-dire dépourvu de

  2   tout élément de corroboration.

  3   Nous remarquons, et le faisons remarquer à la Chambre, que cette

  4   dernière, dans sa décision et dans d'autres, a reconnu la valeur des

  5   éléments de preuve documentaires et qu'elle a soutenu à plusieurs reprises

  6   que c'était à elle qu'il incombait de déterminer le poids à accorder à ces

  7   éléments au moment de ses délibérations finales. A ce stade, Monsieur le

  8   Président, nous aimerions inviter la Chambre à adopter la position qui a

  9   été celle de la Chambre dans l'affaire Haradinaj. Monsieur le Président,

 10   vous avez sur les écrans face à vous un extrait du jugement, paragraphe 18,

 11   dans l'affaire en question. Je n'ai pas l'intention de vous soumettre

 12   l'ensemble de cet extrait, mais simplement la dernière phrase. Je cite :

 13   "En règle générale, moins la Chambre de première instance a d'information

 14   au sujet d'un document, des circonstances de son élaboration et de la façon

 15   dont il a été utilisé, moins elle accordera de poids à ce document."

 16   J'aimerais également vous renvoyer au paragraphe suivant de cette décision

 17   rendue par la même Chambre de première instance, paragraphe 19. Encore une

 18   fois, je n'ai pas l'intention de lire tout l'extrait, mais de vous renvoyer

 19   à la démarche adoptée par la Chambre de première instance chargée de

 20   l'affaire Haradinaj, où nous lisons dans la décision ce qui suit, je cite :

 21   "En règle générale, la Chambre de première instance a précisé que si elle

 22   attache un certain poids à des avis non explicités et à des ouï-dire non

 23   vérifiés, elle n'attache qu'un poids modeste à ces éléments et qu'une

 24   accumulation de tels éléments de preuve ne rend pas la présentation des

 25   moyens nécessairement plus puissante."

 26   Et le dernier point au sujet de cette pièce P 0663, c'est qu'à mon avis,

 27   les Juges de la Chambre de première instance devant laquelle je me trouve

 28   pourraient considérer que la démarche de l'Accusation consistant à utiliser


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  1   des documents du SIS peut être insuffisante du point de vue pouvoir de

  2   l'argumentaire. Nous soutenons que lorsque l'Accusation présente un

  3   document du SIS à un témoin, si le contenu de ce document vient à l'appui

  4   de la thèse de l'Accusation, ceci ne prouve pas que le document en question

  5   est un élément de preuve fiable. Mais dans des conditions similaires, la

  6   Défense a essayé de s'appuyer sur un document du SIS, et je peux vous

  7   définir un cas particulier où M. Karnavas a présenté à un témoin un

  8   document du SIS pour essayer de récuser le Témoin Smajkic -- vous verrez

  9   une référence à cela à la page 2 802 du compte rendu d'audience. Une

 10   objection a été soulevée par l'Accusation, qui a déclaré que ce document

 11   aurait pu être fabriqué de toutes pièces, et n'était, en fait, pas fiable à

 12   première vue. Monsieur le Président, nous disons que cette démarche montre

 13   le double langage de l'Accusation.

 14   Nous n'avons aucun doute quant au fait que la tâche de la Chambre de

 15   première instance est gigantesque, étant donné la montagne de documents que

 16   les Juges auront à examiner dans les mois qui viennent. Vous parcourrez ces

 17   documents avec la plus grande attention, mais nous espérons que vous ne

 18   serez pas victime des propositions de l'Accusation qui vous invite à

 19   déclarer M. Pusic coupable sur la base de simples hypothèses, de

 20   conjectures ou de spéculations provenant de documents non corroborés tels

 21   que celui-ci. Par ailleurs, quel que soit le scénario, Monsieur le

 22   Président, Messieurs les Juges, je vous affirme que ces documents très

 23   nombreux ne sont, pour certains, que des ragots, et qu'ils sont exagérément

 24   dépourvus de fiabilité pour qu'ils puissent être utilisés à des fins de

 25   condamnation.

 26   Monsieur le Président, j'aimerais revenir sur les éléments de preuve

 27   d'avril 1993, une déposition très importante, car elle entre dans la

 28   théorie de l'Accusation avancée en l'espèce. C'est la date où M. Pusic est


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  1   censé être devenu membre de l'entreprise criminelle commune. Il est

  2   également affirmé dans le mémoire de l'Accusation qu'en avril 1993, M.

  3   Pusic occupait un poste de commandement avec un pouvoir important au sein

  4   du département de prévention du crime de la police militaire et qu'il a

  5   participé au traitement de certains dossiers de détenus et à des contacts

  6   avec les prisonniers. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous

  7   trouverez une référence à cela au paragraphe 1 194 du mémoire en clôture de

  8   l'Accusation. Nous ne contestons pas que les éléments de preuve démontrent

  9   que M. Pusic était employé du département de la prévention du crime de la

 10   police militaire à cette époque-là. Mais nous soutenons que l'Accusation

 11   n'est pas parvenu à démontrer quelles étaient les fonctions qui étaient les

 12   siennes à cette époque-là. Nous aimerions également insister sur le fait

 13   que les documents utilisés par l'Accusation à l'appui de son affirmation

 14   que M. Pusic occupait un poste de commandement déjà avant le mois d'avril

 15   1993, n'est pas exact, et je commenterais à ce sujet trois documents très

 16   rapidement.

 17   Le premier c'est la pièce P 1605. C'est un document qui, à notre avis, ne

 18   confirme guère plus que le simple fait que M. Pusic faisait partie des

 19   salariés de la police militaire en mars 1993. Ce document ne nous dit pas

 20   quel était son poste. Par ailleurs, la pièce P 1393 est un rapport qui

 21   provient du département de prévention du crime. Il date de février 1993, et

 22   il ne fait que montrer que M. Pusic était l'un des trois membres de la

 23   police militaire qui interrogeait les détenus du centre de détention de

 24   Ljubuski. Le troisième document date du 14 octobre 1992. Monsieur le

 25   Président, nous vous donnerons en temps utile la référence de ce document.

 26   Nous soutenons que ce document n'établit pas, contrairement à ce que dit

 27   l'Accusation --

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : La cabine française prend énormément de retard, et


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  1   donc moi j'ai du mal à suivre avec les numéros des documents. Donc

  2   ralentissez dans la mesure du possible, parce qu'il y a quasiment une demi-

  3   page de décalage.

  4   Bien. Poursuivez.

  5   M. SAHOTA : [interprétation] Nous affirmons, donc, que ce document

  6   n'établit pas, contrairement aux allégations de l'Accusation, que Pusic

  7   avait les pouvoirs d'ordonner à des détenus d'accepter des missions de

  8   travail forcées. Ce document ne fait pas référence à des prisonniers de

  9   guerre ou à des détenus capturés pendant le conflit, mais à des prisonniers

 10   de droit commun détenus par le HVO.

 11   Monsieur le Président, je vais récapituler. Le dernier point que j'ai

 12   élaboré devant vous était le suivant : nous disons que les éléments de

 13   preuve concernant le rôle de M. Pusic et ses fonctions en avril 1993 ne

 14   montrent pas que M. Pusic était autre chose qu'un employé de la police

 15   militaire, et ne spécifie pas son grade ou son degré de responsabilité.

 16   Monsieur le Président, Monsieur les Juges, en mai 1993, l'Accusation

 17   soutient que M. Pusic est devenu officier de liaison permanent avec la

 18   FORPRONU, ceci sur la base d'un ordre qui aurait été émis par Bruno Stojic

 19   le 11 mai 1993. Vous trouverez d'autres détails au sujet de ces allégations

 20   au paragraphe 13 de l'acte d'accusation. Nous affirmons que cette

 21   affirmation est inexacte et que, manifestement, elle a été contrée par les

 22   éléments de preuve et en particulier par un témoin à charge du Bataillon

 23   espagnol; le Témoin BJ.

 24   Le Témoin BJ a dit dans sa déposition que ce qui avait été décrit comme un

 25   ordre de Bruno Stojic n'avait rien à voir avec une quelconque nomination

 26   officielle de M. Pusic en qualité d'officier de liaison permanent. Que

 27   c'était simplement une manière de mettre M. Pusic en contact avec la

 28   FORPRONU dans un cas particulier. Et, Monsieur le Président, Messieurs les


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  1   Juges, vous trouverez d'autres éléments de ce débat au paragraphe 80 du

  2   mémoire en clôture de la Défense Pusic. Nous soutenons que c'est un exemple

  3   de plus qui montre à quel point la Chambre ne devrait pas s'appuyer sur les

  4   affirmations de l'Accusation. Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  5   en dépit du fait que ceci a été souligné dans notre mémoire en clôture,

  6   cette affirmation n'a pas été retirée par l'Accusation dans son mémoire en

  7   clôture.

  8   Cette allégation est également une cause de préoccupation, car nous

  9   affirmons, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'elle est un

 10   exemple parfait montrant que l'Accusation développe la présentation de sa

 11   thèse au-delà du cas de M. Pusic, parce que dans le mémoire en clôture de

 12   l'Accusation il est également indiqué, au paragraphe 1 204, que le rôle de

 13   M. Pusic en tant qu'officier de liaison allait plus loin que cela. Ses

 14   contacts ne se seraient pas limités au Bataillon espagnol. Monsieur le

 15   Président, cette allégation, qui n'a pas été présentée précédemment par

 16   l'Accusation, mais apparaît dans son mémoire en clôture, qui n'a pas non

 17   plus été avancée par l'Accusation pendant le débat dans le cadre de

 18   l'application de l'article 98 bis du Règlement, donc cette allégation selon

 19   laquelle le rôle de M. Pusic aurait été plus important que cela n'apparaît

 20   pas non plus dans l'acte d'accusation. Monsieur le Président, nous disons

 21   qu'il est injuste vis-à-vis de l'accusé d'agir de cette façon, car il ne

 22   peut plus répondre à ce qui représente, en fait, une nouvelle accusation,

 23   une accusation qui aurait dû être présentée à un moment antérieur du

 24   procès. Pour résumer, Monsieur le Président, nous disons que l'Accusation

 25   n'aurait pas dû être autorisée à se servir de l'acte d'accusation comme

 26   d'une cible mouvante.

 27   Point suivant dans la chronologie, c'est la date du 22 avril 1993. Autre

 28   date tout à fait importante eu égard à l'Accusation, puisque celle-ci


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  1   affirme qu'à partir de ce moment, M. Pusic est le premier responsable des

  2   échanges de prisonniers. Et vous trouverez cette affirmation au paragraphe

  3   1 196 du mémoire en clôture de l'Accusation. Cette allégation repose sur la

  4   pièce P 02020, que vous pouvez consulter sur les écrans devant vous grâce à

  5   PowerPoint, et vous y verrez qu'il est question d'un ordre de Valentin

  6   Coric dans lequel nous trouvons les mots suivants, je cite :

  7   "M. Pusic est accusé d'avoir participé pour la direction de la police

  8   militaire à l'échange de toutes les personnes arrêtées."

  9   Le mot le plus important ici, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 10   est le mot "participé". Et nous disons que la question se pose de savoir

 11   s'il est raisonnable de conclure au vu de ce document que M. Pusic avait

 12   pour première responsabilité l'échange des prisonniers ou s'il n'y aurait

 13   pas une autre conclusion à tirer, à savoir que M. Pusic n'a été investi

 14   d'aucun pouvoir de décision suite à l'établissement de ce document.

 15   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous disons que la Chambre

 16   aurait dû et devrait prendre en compte d'autres éléments de preuve à titre

 17   de corroboration, s'ils existent, pour déterminer l'importance exacte à

 18   accorder à cet ordre.

 19   S'agissant de cette allégation selon laquelle M. Pusic était le principal

 20   responsable des échanges, vous remarquerez qu'au paragraphe 288 de notre

 21   mémoire en clôture, nous soulignons le fait qu'il y avait un certain nombre

 22   d'autres instances du HVO qui participaient également aux échanges de

 23   prisonniers. Le plus important -- puisque ces instances étaient au nombre

 24   de quatre, mais la plus importante de ces instances était la Commission

 25   chargée des échanges au sein du HVO, dirigée par Maric. C'est la commission

 26   qui fonctionnait et existait depuis 1992, et ceci peut avoir une certaine

 27   pertinence, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Il peut importer

 28   pour vous de remarquer que Maric est l'homme qui dirigeait cette commission


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  1   et qu'il a assisté à davantage de réunions du cabinet de la Communauté

  2   croate d'Herceg-Bosna que Pusic n'a jamais pu le faire ou que Pusic

  3   n'aurait jamais pu le faire. Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  4   c'est un argument qui est développé plus amplement au paragraphe 228 de

  5   notre mémoire en clôture.

  6   Tout examen du rôle joué par M. Pusic dans la libération ou dans les

  7   échanges de prisonniers, qui est un des aspects les plus importants de la

  8   thèse de l'Accusation, ne saurait être pris en compte qu'avec la plus

  9   grande attention, c'est en tout cas ce que nous affirmons, avec la plus

 10   grande attention eu égard au contexte politique de l'époque. Notre position

 11   consiste à penser qu'un examen des faits révèle que les décisions

 12   concernant les échanges et les libérations de prisonniers, en particulier

 13   les décisions politiques du HVO dans ces domaines, que ces décisions, donc,

 14   étaient prises à un niveau hiérarchique plus important que celui très

 15   modeste où se situait M. Pusic.

 16   Et, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à ce stade nous aimerions

 17   interroger le rôle qu'a joué M. Pusic dans une réunion relative aux

 18   échanges de prisonniers qui s'est tenue le 4 mai 1993 à Jablanica, car un

 19   examen attentif du rôle de M. Pusic dans cette manifestation particulière

 20   démontre que son influence était réellement insignifiante. Selon

 21   l'Accusation, cette réunion était une réunion importante où M. Pusic aurait

 22   joué un rôle important. Nous avons examiné le déroulement de cette réunion,

 23   et nos conclusions figurent au paragraphe 223 de notre mémoire en clôture.

 24   Vous vous rappellerez peut-être que pendant la présentation du

 25   réquisitoire, l'Accusation a diffusé deux séquences vidéo. D'abord, la

 26   pièce P 0287 [comme interprété], où il est indiqué que M. Pusic aurait été

 27   vu assis à la même table que d'autres membres importants de l'ABiH.

 28   Toutefois, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous aurez peut-être


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  1   remarqué ou vous vous rappellerez peut-être que durant la diffusion de

  2   cette séquence, il n'a pas été contesté que M. Pusic ne faisait que

  3   participer à un débat qui portait sur l'échange de malades et de blessés.

  4   Cette réunion a son importance pour la Défense Pusic également, car elle

  5   semble être la première fois où M. Pusic a rencontré le général Petkovic.

  6   Le général Petkovic a parlé de cette réunion dans sa déposition. Vous avez

  7   une diapositive devant vous à l'écran dans laquelle il apparaît clairement

  8   que la première fois qu'il est entré en contact direct avec M. Pusic,

  9   c'était pendant cette réunion, pendant le débat qui a eu lieu dans le cadre

 10   de cette réunion. Le général Petkovic a également dit clairement que la

 11   nature même de son travail a empêché qu'il ait d'autres contacts avec M.

 12   Pusic par la suite. Et M. le Président, au moment de cette déposition, donc

 13   M. le Juge Antonetti, déclare, je cite :

 14   "Très bien. Dans ce cas-là, je n'ai aucune raison de vous demander si vous

 15   avez parlé de la Grande-Croatie, et cetera, parce que vous avez dit que

 16   vous l'aviez à peine rencontré. Donc la question ne tient plus."

 17   Cet extrait du dossier du procès peut se trouver en page 49 799 du compte

 18   rendu d'audience.

 19   Petkovic a également continué pendant sa déposition en parlant de

 20   cette réunion où il a confirmé que le rôle de M. Pusic était tout à fait

 21   insignifiant, se limitant à s'occuper des malades et des blessés de Sovici

 22   et de Doljani. Vous trouverez une référence à cela en page 49 501 du compte

 23   rendu d'audience. Nous disons, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 24   que M. Petkovic n'avait aucune raison de mentir et aucune raison de

 25   minimiser le rôle de Pusic pendant cette réunion.

 26   L'Accusation affirme que la réunion en question était une réunion de

 27   haut niveau, mais en fait, le général Petkovic contredit cette affirmation

 28   en disant clairement que la présence de M. Pusic n'a pas été considérée


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  1   comme importante par lui.

  2   La Chambre se rappellera peut-être aussi que la même vidéo montre des

  3   images d'un différend entre un représentant du HVO, un certain Bagaric, et

  4   le général Halilovic. Un débat animé s'engage, et il est clair à partir de

  5   ces images que M. Pusic n'a pas joué un rôle important dans ce débat.

  6   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si vous vous penchez sur la

  7   pièce P 0287 [comme interprété], entre le point horaire 3:31 et le point

  8   horaire 4:20, si vous vous penchez aussi sur les pages 1 à 32 du compte

  9   rendu d'audience relatives au même élément de preuve, vous verrez qu'on n'y

 10   trouve pratiquement aucune référence à M. Pusic dans ces documents.

 11   La deuxième vidéo utilisée par l'Accusation pendant son réquisitoire, elle

 12   concerne la date du 4 mai, date d'une réunion à Jablanica. Elle concerne

 13   donc la pièce P 0999. Durant la diffusion de cette vidéo, vous vous

 14   rappellerez que l'Accusation a souligné une référence faite par un

 15   journaliste de la télévision qui a parlé de M. Pusic, et il a qualifié M.

 16   Pusic de négociateur. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous ne

 17   sommes pas nécessairement d'accord sur le fait que M. Pusic ait été un

 18   représentant ou un négociateur du HVO, mais même s'il l'avait été, il ne

 19   s'ensuivrait pas qu'il ait été automatiquement investi du pouvoir de

 20   décision.

 21   Il appartiendra donc à la Chambre de première instance de déterminer

 22   où se situe la vérité, et cela, au-delà de tout doute raisonnable. Mais

 23   nous demandons aux Juges de la Chambre de prendre soin à la démarche

 24   attentive adoptée par la Chambre de première instance Milutinovic lorsqu'il

 25   s'est agi de déterminer l'importance et le poids à accorder aux éléments de

 26   preuve relatifs à la participation de Milutinovic à plusieurs réunions. Je

 27   ne dis pas qu'il y a des parallèles évidents entre l'affaire Milutinovic et

 28   le procès intenté à M. Pusic. Je suggère simplement que la démarche


Page 52758

  1   attentionnée de la Chambre de première instance Milutinovic devrait être

  2   adoptée en l'espèce.

  3   Au paragraphe 27 [comme interprété] du jugement Milutinovic, la Chambre de

  4   première instance fait remarquer que M. Milutinovic a prononcé deux

  5   allocutions destinées à élever le moral des troupes pendant les réunions

  6   auxquelles il a assisté. Toutefois, du point de vue de la Chambre de

  7   première instance, son comportement n'a pas constitué un apport

  8   significatif à l'entreprise criminelle commune, pas plus que la Chambre de

  9   première instance Milutinovic n'a adopté la position consistant à penser

 10   que le comportement de Milutinovic durant d'autres réunions ait pu avoir un

 11   effet important sur la commission d'autres crimes. Et, Monsieur le

 12   Président, Messieurs les Juges, j'aimerais vous renvoyer au paragraphe 281

 13   du jugement Milutinovic, où on trouve une nouvelle référence au

 14   comportement de Milutinovic qui prononce des discours destinés à élever le

 15   moral des troupes devant des officiers, et cette partie du jugement se lit

 16   comme suit, je cite :

 17   "Deux éléments du contexte qui impliquent un grand nombre de protagonistes

 18   devraient être pris en compte et ne suffisent pas à estimer que ces

 19   discours aient pu avoir un effet substantiel sur la commission de crimes ou

 20   le déplacement de personnes commis à partir de la fin mars 1999."

 21   J'aimerais maintenant que nous parlions des éléments de preuve relatifs aux

 22   événements survenus à Mostar entre les 7 et 9 mai 1993. Nous acceptons ce

 23   que disait Josip Praljak; le rôle joué par M. Pusic dans la détention et

 24   l'arrestation de Musulmans à Mostar et le renvoi à l'Heliodrom était

 25   limité. Il s'est contenté d'assurer leur libération ou la libération de

 26   certaines personnes qui avaient été internées pendant ces jours-là et par

 27   la suite durant le mois de mai.

 28   Josip Praljak était à la barre. Il a dit que Pusic l'appelait


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  1   régulièrement par téléphone pour avoir la liste des prisonniers à relâcher.

  2   L'Accusation semble conclure de ça qu'il avait le pouvoir de décider des

  3   personnes à relâcher. Est-ce vraiment la seule conclusion qu'on peut

  4   raisonnablement tirer de la déposition de Josip Praljak étant donné que

  5   Josip Praljak ne savait pas du tout quelle était la procédure interne que

  6   devait respecter M. Pusic ? A notre avis, même si vous acceptez ceci, même

  7   si on estime que Josip Praljak était un témoin digne de foi, tout ce que

  8   cela montre, c'est que Pusic a transmis des listes de noms de détenus qui

  9   devaient être relâchés, il les a transmises de la police militaire et les a

 10   remises à M. Praljak. Quoi qu'il en soit, même si vous estimiez que M.

 11   Pusic a participé à la procédure de libération de ces prisonniers, il l'a

 12   fait de façon tout à fait correcte. Il avait raison de le faire.

 13   Rappelez-vous, Messieurs les Juges, ce que disait M. Josip Praljak

 14   sur ce point s'agissant de la pièce P 02260, une note préparée par Stanko

 15   Bozic, qui se rappelle de cette conversation avec Pusic qui lui téléphone

 16   pour savoir ce qu'il faut faire pour libérer les détenus qui se trouvent à

 17   l'Heliodrom. Monsieur le Juge Antonetti, vous posiez une question, et voici

 18   ce que confirme en réponse M. Praljak : Effectivement, il y avait des gens

 19   détenus à l'Heliodrom, mais ils n'auraient pas dû être là, et ils devaient

 20   être relâchés. Pour être plus précis, vous lui demandez ceci :

 21   "Ce que je dis, si M. Pusic a bien fait ce qui est écrit dans la note de

 22   service, est-ce qu'il a bien agi lorsqu'il a dit --"

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 24   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Messieurs les Juges, il faudrait que ce

 25   soit bien dit que c'est bien "Josip Praljak", et pas moi-même qui est

 26   concerné chaque fois.

 27   M. SAHOTA : [interprétation] Excusez-moi. Je vais tenir compte de

 28   l'observation que M. le général Praljak vient de faire.


Page 52760

  1   Josip Praljak, disais-je, était à la barre, et il a dit ceci lorsque

  2   vous, Monsieur le Juge Antonetti, vous avez posé la question suivante. Il a

  3   répondu :

  4   "Bien sûr, mais il n'y avait personne d'autre qui aurait dû se

  5   trouver là."

  6   Ce sur quoi vous lui avez demandé ceci :

  7   "Puis, vous avez déclaré que les gens ont quitté l'Heliodrom très

  8   rapidement après le départ de ceux-là ?"

  9   Réponse de Josip Praljak : "Oui."

 10   Messieurs les Juges, les éléments de preuve montrent que pratiquement

 11   tous les civils qui avaient été détenus entre le 7 et le 9 mai 1993 ont été

 12   relâchés avant la fin du mois. Par la suite, après les événements des 7 et

 13   9 mai, il y a plusieurs réunions, plusieurs négociations entre des

 14   représentants du HVO et des représentants de la BiH, et ceci s'est

 15   poursuivi jusque fin juin. Dans notre mémoire en clôture, nous avons

 16   examiné les éléments concernant le rôle apparemment joué par M. Pusic lors

 17   de ces réunions. A notre avis, même s'il était peut-être présent à

 18   certaines de ces réunions portant sur des échanges, les faits concernant sa

 19   participation ne vont pas dans le sens de ce que dit l'Accusation, qui dit

 20   qu'il était la première personne responsable de l'échange de prisonniers.

 21   Au contraire, les éléments de preuve montrent que les réunions de haut

 22   niveau survenues après le 12 mai 1993 qui avaient pour objet d'assurer la

 23   libération des Musulmans arrêtés à Mostar et d'autres questions, par

 24   exemple l'assistance humanitaire, ces éléments, d'après les preuves,

 25   montrent que c'étaient Petkovic et Halilovic qui étaient les principaux

 26   négociateurs, jusqu'au moment où Delic a remplacé Halilovic en juin 1993.

 27   Nous disons aussi qu'il faut faire une distinction entre des

 28   pourparlers à haut niveau qui ont lieu à l'époque et des conversations et


Page 52761

  1   des pourparlers à moindre niveau qui se passent aussi. Cette distinction,

  2   un témoin à charge l'a faite, c'est le Témoin Watkins, mais aussi un autre

  3   témoin à charge, le Témoin Masovic. Nous, nous disons que M. Pusic a

  4   surtout participé à des conversations et des pourparlers de niveau

  5   inférieur lorsqu'il avait comme interlocuteur, par exemple, Alikadic, son

  6   homologue dans l'ABiH. Nous le disons aux paragraphes 56 à 58 de notre

  7   mémoire en clôture, ainsi qu'aux paragraphes 74 à 81. Mais à notre avis, il

  8   y a autre chose à mettre en exergue. Rien ne prouve que M. Pusic aurait

  9   assisté au moindre des pourparlers à haut niveau à Genève en 1993, à Genève

 10   ou à Sarajevo d'ailleurs, ces négociations se déroulant d'habitude à

 11   l'aéroport de Sarajevo si elles se tenaient à Sarajevo.

 12   Si on parle de négociations pour avoir un échange de prisonniers en

 13   1993, il faut inévitablement penser aux manipulations politiques qui se

 14   jouent aux niveaux politiques et diplomatiques les plus élevés. Il y a très

 15   peu d'éléments de preuve qui établissent un lien entre M. Pusic et ces

 16   réunions de très haut niveau pendant la période couverte par l'acte

 17   d'accusation. Par exemple, aucun lien entre M. Pusic et les pourparlers du

 18   20 juillet 1993 entre Galbraith et Boban. Ce même jour-là, Izetbegovic

 19   donne une décision ordonnant la libération de tous les civils capturés et

 20   de tous les soldats aussi. Nous disons ceci au paragraphe 243 de notre

 21   mémoire en clôture. Aucun lien non plus entre M. Pusic et l'accord conjoint

 22   signé par Tudjman et Izetbegovic le 14 septembre 1993, un des grands

 23   moments des négociations du HVO et de l'ABiH au cours de cet été 1993.

 24   Il est aussi pertinent de constater que le lendemain, le 15 septembre

 25   1993, Mate Boban donne un ordre qui est de veiller à ce que les conditions

 26   de détention prévalant dans les centres de détention administrés par le HVO

 27   soient compatibles avec les conditions qu'exige le droit international

 28   humanitaire. Il ajoute que le CICR doit pouvoir aller visiter toutes ces


Page 52762

  1   installations. Ce qui est particulièrement important ici s'agissant de cet

  2   ordre, en ce qui nous concerne, nous la Défense Pusic, c'est que ceci n'est

  3   pas envoyé à Berislav Pusic. C'est ce que nous disons aux paragraphes 240

  4   et 243. Et le document en question porte la cote P 5104.

  5   Un des principaux témoins à charge qui est venu parler du rôle

  6   apparemment joué par M. Pusic dans l'échange ou la libération de

  7   prisonniers, c'est M. Cupina, qui affirme que M. Pusic était la clé de tout

  8   en matière de libération et d'échange. L'Accusation, dans son mémoire, cite

  9   ceci au paragraphe 1 209. C'est une citation qu'on retrouve dans le

 10   réquisitoire de l'Accusation à la page 4 908 [comme interprété] du compte

 11   rendu d'audience.

 12   Nous parlons aussi de la déposition de Cupina dans notre mémoire en

 13   clôture, paragraphes 188 à 197. En résumé, nous disons que son témoignage

 14   n'est pas digne de foi. Et la Chambre a déjà compris qu'elle avait des

 15   doutes quant à sa crédibilité et que ceci va peut-être avoir une incidence

 16   sur le degré de fiabilité accordé à sa déposition. Rappelez-vous la

 17   décision que vous avez rendue le 3 novembre 2006 en réponse à une requête

 18   déposée par la Défense Praljak. A notre humble avis, Messieurs les Juges,

 19   il ne faut accorder aucun poids aux dires de M. Cupina.

 20   En ce qui concerne les événements antérieurs au 5 juillet, je consulterais

 21   un dernier document, c'est le document portant la cote P 02546.

 22   L'Accusation en a parlé pendant son réquisitoire. Vous trouverez ceci à la

 23   page du compte rendu d'audience 52 148. C'est un rapport concernant les

 24   activités de la police militaire du HVO en date du 28 mai 1993. Ce document

 25   dit ceci : Un ordre a été reçu, il vient de Berislav Pusic et de Coric et

 26   il ordonne le transfert des prisonniers à l'Heliodrom. L'Accusation

 27   interprète ce document pendant son réquisitoire, et elle place M. Coric et

 28   M. Pusic sur le même pied d'égalité en matière de responsabilité. Or, nous


Page 52763

  1   estimons que vous devez constater qu'il y a des contradictions, que ce soit

  2   dans le mémoire en clôture ou dans le réquisitoire de l'Accusation à

  3   l'audience, s'agissant des postes qu'elle impute aux deux co-accusés. La

  4   seule conclusion, la seule déduction qu'on peut tirer de ce document, c'est

  5   celle-ci, dit l'Accusation, c'est que M. Pusic était investi du pouvoir de

  6   décision. Y a-t-il uniquement cette possibilité ou une autre, à savoir que

  7   le rôle de M. Pusic se bornait à être celui d'un messager, d'un coursier,

  8   si vous voulez, dans ce cas de figure.

  9   Voyons maintenant la deuxième phase de notre plaidoirie, elle

 10   concerne les événements survenus après le 5 juillet 1993, date à laquelle

 11   M. Pusic est nommé à la tête du service chargé des échanges. Permettez-moi

 12   d'abord une remarque générale sur ce service chargé des échanges et à

 13   propos aussi de la désignation du 6 août 1993.

 14   Ce que nous disons, c'est ceci : M. Pusic n'avait aucun pouvoir, ni

 15   de jure ni de facto, à la suite de ses nominations, de l'une ou de l'autre.

 16   Il reçoit un titre qui semble peut-être assez grandiose, mais rappelez-vous

 17   ce que disait George McGovern, un homme politique américain, qui a dit que

 18   :

 19   "L'importance du poste est inversement proportionnelle à la longueur

 20   du titre."

 21   Le service chargé des échanges a été conçu le 6 [comme interprété]

 22   juillet 1993. Nous disons qu'à partir de cette date, il n'y a rien qui

 23   prouve que M. Pusic eut aucune autorité, en tout cas de jure, sur un

 24   service de l'appareil militaire du HVO ni sur du personnel militaire. Nous

 25   ajoutons que d'après les éléments de preuve, le service chargé des échanges

 26   ne faisait pas partie de la structure civile non plus. Les éléments de

 27   preuve ne montrent pas que le service chargé des échanges devait rendre

 28   compte au cabinet du HVO de la HZ HB, et c'est ce que nous avons dit au


Page 52764

  1   paragraphe 85. Les éléments de preuve ne montrent pas que, du fait qu'il a

  2   été nommé à la tête de ce service chargé des échanges, il se trouvait

  3   subordonné dans la voie hiérarchique et devait rendre compte à Jadranko

  4   Prlic. Ce que disent les éléments de preuve, c'est que ce service était un

  5   service autonome, indépendant, une conclusion qui est parfaitement conforme

  6   au rôle de ce service. C'était un service d'assistance technique.

  7   Tomljanovich, expert à charge, a confirmé que ce service n'avait finalement

  8   qu'un mandat très limité à l'époque et que ce mandat avait été défini au

  9   moment de sa création. Voici ce qu'il a dit précisément :

 10   "Ce service était chargé de fournir un soutien technique à la HZ HB, et

 11   surtout à la Commission chargée des échanges de prisonniers et d'autres

 12   personnes."

 13   A vous de juger, bien entendu. Pensez-vous que le fait d'avoir retiré de

 14   son contexte ce que dit un expert à charge est injuste ou pas ?

 15   Parlons de la commission du 6 août 1993, autre moment fort dans les

 16   accusations présentées par le bureau du Procureur. Elle vous dit que du

 17   fait de cette nomination, M. Pusic a commencé à libérer des détenus;

 18   référence au paragraphe 595 du mémoire en clôture de l'Accusation.

 19   L'Accusation ajoute que cette désignation lui donne un rôle plus étendu;

 20   paragraphe 1 202 du mémoire en clôture de l'Accusation. Pendant son

 21   réquisitoire, l'Accusation a dit ceci :

 22   "Bruno Stojic, il a dit à M. Pusic de se charger de cet échange de

 23   prisonniers lorsqu'il a établi cette commission le 6 août 1993. C'est la

 24   pièce P 3995. Il a exercé cette responsabilité en 1993. Mais il l'a fait

 25   sans suivre les procédures, nous l'avons vu, sans suivre les procédures

 26   prévues par le SIS ou par la police militaire."

 27   Page du compte rendu d'audience 52 156.

 28   Maintenant, ce qu'a dit Josip Praljak qui montre que cette commission, elle


Page 52765

  1   n'a jamais vraiment vu le jour, qu'elle n'existait que sur un bout de

  2   papier. Josip Praljak a parlé du rôle qu'il jouait dans cette commission

  3   puisqu'il a été un des cinq membres de cette commission. Voici ce qu'il a

  4   déclaré à ce propos, mais la question était celle-ci :

  5   "Revenons en arrière. Vous recevez cet ordre," qui l'avisait qu'il

  6   avait été nommé à cette commission, "vous dites que vous avez parlé à M.

  7   Pusic par téléphone du travail que devait faire cette commission, et M.

  8   Pusic aurait répondu : 'Oui, nous allons faire ce travail.'"

  9   Réponse de M. Josip Praljak : "Oui."

 10   "Question : Après cela, vous n'avez plus eu de contact avec M. Pusic

 11   à propos de cette commission, n'est-ce pas ? Vous n'en parlez pas du tout

 12   non plus dans votre journal personnel ? Je n'y trouve aucune rubrique à cet

 13   effet."

 14   Réponse de M. Josip Praljak : "Non, nous ne nous sommes jamais

 15   rencontrés."

 16   Page du compte rendu d'audience 14 974.

 17   M. Josip Praljak poursuit, il dit qu'il n'a plus eu de contact avec

 18   M. Pusic à propos du travail de cette commission et que M. Pusic ne lui a

 19   jamais parlé du fonctionnement du travail que cette commission devrait

 20   faire. Josip Praljak poursuit et confirme le fait qu'il n'a jamais

 21   rencontré ni parlé à aucun autre de cette commission à titre officiel. Nous

 22   en parlons au paragraphe 96 de notre mémoire en clôture.

 23   Il y a d'autres facteurs que vous souhaiterez peut-être prendre en

 24   compte lorsque vous allez vous demander quel poids donner au travail

 25   qu'aurait fait cette commission. Il n'y a aucun document qu'aurait produit

 26   cette commission. Dans des réunions du cabinet du HVO HZ HB, il n'est

 27   jamais question de cette commission. C'est ce que nous disons aux

 28   paragraphes 100 à 103 de notre mémoire en clôture.


Page 52766

  1   Autre fait intéressant à relever : ce que dit l'Accusation à propos

  2   de cette commission du 6 août semble être contradictoire. Au paragraphe 319

  3   du mémoire en clôture, l'Accusation affirme que :

  4   "En fait, la commission de Pusic n'a jamais eu de réunion, c'est un

  5   fait qu'un membre de la commission a apporté à la connaissance de Stojic."

  6   Les choses ne sont pas claires, vu la référence que je viens de

  7   citer; est-ce que l'Accusation est d'accord avec ce que nous disons, à

  8   savoir que cette commission n'a jamais véritablement fonctionné ou est-ce

  9   qu'elle n'est pas d'accord avec la Défense ? L'Accusation n'a d'ailleurs

 10   jamais contesté ce qu'a dit Josip Praljak sur ce point. A notre avis, on ne

 11   peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Et ceci montre que

 12   l'Accusation ne s'est pas acquittée de son devoir d'apporter la preuve de

 13   ce qu'elle avance, et elle a un petit peu laissé de côté ou perdu de vue M.

 14   Pusic pendant le travail qu'elle a fait.

 15   Le 12 août 1993, c'est ce qu'affirme l'Accusation, M. Pusic a préparé

 16   une proposition sur le travail que devrait faire cette commission. Il

 17   s'agit du document qui porte la cote P 04141. Ceci renvoie au paragraphe

 18   17.6(G) de l'acte d'accusation. Nous n'allons pas nous attarder sur ce

 19   document, parce que je pense qu'on lui a donné beaucoup trop -- en tout

 20   cas, l'Accusation lui a donné beaucoup trop de poids. Ce n'est rien qu'une

 21   proposition, sans plus. Rien ne prouve qu'elle aurait jamais été suivie de

 22   faits. A notre avis, ce document n'établit pas que Pusic aurait été investi

 23   du moindre pouvoir de décision. Si vous examinez les éléments du dossier,

 24   par exemple, quant au fait de répertorier et de catégoriser les

 25   prisonniers, vous verrez qu'il y avait d'autres instances, d'autres organes

 26   chargés de faire ce travail.

 27   Dans la deuxième partie de l'année 1993, en matière d'échanges de

 28   prisonniers, il y a deux piliers qui se rattachent l'un à l'autre dans la

 


Page 52767

  1   thèse de l'Accusation.

  2   Au paragraphe 1 249 du mémoire en clôture de l'Accusation,

  3   l'Accusation dit que M. Pusic a fait obstacle à empêcher les échanges. Et

  4   comment l'a-t-il fait, dit l'Accusation, c'est en prenant le fait

  5   d'échanger "un prisonnier contre un autre". Nous allons revenir d'abord sur

  6   le fait qu'il aurait fait obstacle à ces échanges.

  7   Pour ce faire, pouvons-nous passer à huis clos partiel, Monsieur le

  8   Président.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 11   Monsieur le Président.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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 10   [Audience publique]

 11   M. SAHOTA : [interprétation] Pour ce qui est de l'échange "un prisonnier

 12   pour un autre", nous détaillons notre propos aux paragraphes 62 à 70. En

 13   bref, nous disons que les éléments de preuve montrent que les deux parties

 14   au conflit n'avaient pas de position arrêtée lorsqu'il s'agissait de

 15   déterminer dans quelles conditions on allait échanger les prisonniers. Nous

 16   n'en avons pas parlé dans notre mémoire en clôture, mais nous disons que

 17   les deux parties aux négociations ont provoqué l'échec de ces négociations,

 18   et il est donc injuste de faire porter le blâme par M. Pusic, surtout à la

 19   lumière des éléments qui montrent qu'il n'avait pas de pouvoir de décision

 20   unilatéral, qu'il se contentait de transmettre des instructions qui

 21   venaient d'échelons supérieurs dans la voie hiérarchique. Voyez ce que

 22   disait la Chambre Milutinovic quand elle essayait de déterminer la

 23   responsabilité de Milutinovic dans l'échec de négociations. Je ne fais pas

 24   ici de parallèle indu entre ces deux affaires. Je me permets

 25   respectueusement de vous montrer comment une autre Chambre de première

 26   instance a su peser les éléments de preuve. Voici ce que dit le jugement

 27   Milutinovic :

 28   "S'agissant de sa contribution, la Chambre estime qu'il y a de nombreux

 


Page 52769

  1   exemples de la participation de Milutinovic à l'entreprise criminelle

  2   commune alléguée par l'Accusation qui n'ont pas été prouvés au-delà de tout

  3   doute raisonnable. Ainsi, la Chambre conclut qu'au cours des négociations

  4   entre les Albanais du Kosovo et les autorités de la RFY ou serbes, toutes

  5   les parties ont contribué à l'échec des négociations. Du coup, la Chambre

  6   n'a pas été en mesure de conclure que Milutinovic aurait eu un rôle

  7   d'obstacle au processus de négociation."

  8   Paragraphe 274 du jugement Milutinovic.

  9   L'Accusation essaie d'établir un lien entre M. Pusic, le rôle qu'il a joué,

 10   et l'échange et la libération de prisonniers, un lien entre ces libérations

 11   et l'affirmation de l'Accusation selon laquelle il y a la volonté de

 12   procéder au nettoyage ethnique au cœur même de l'entreprise criminelle

 13   commune, de nettoyer certaines parties de la Bosnie-Herzégovine de la

 14   population qui s'y trouvait. C'est une allégation formulée de diverses

 15   manières par l'Accusation, avec des termes à chaque fois différents. Vous

 16   avez ici le paragraphe 1 231, on dit que c'était un architecte technique

 17   permettant le départ de la population. Au paragraphe 1 243, on dit que M.

 18   Pusic a lancé un programme de déportation, d'expulsion avec M. Coric. Et il

 19   y a plusieurs variations sur le thème, c'est à géométrie variable, comme si

 20   par le simple fait de répéter quelque chose on allait le croire, et qu'on

 21   allait croire davantage ce qu'affirme l'Accusation.

 22   Nous, nous disons qu'il se peut que M. Pusic ait participé dans une

 23   certaine mesure à la libération de prisonniers, mais ce ne fut que pour

 24   certains prisonniers, et sûrement pas dans cette partie-là, fin 1993. Les

 25   éléments de preuve ne montrent pas qu'il aurait eu un quelconque mot à dire

 26   pour déterminer la destination que prendraient ces détenus une fois

 27   libérés. Nous disons que l'Accusation n'a pas apporté la preuve au-delà de

 28   tout doute raisonnable du fait que M. Pusic aurait, d'une quelconque façon,


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  1   participé en délivrant des lettres de garanties pour ceux qui quittaient

  2   les lieux de détention du HVO.

  3   Aux paragraphes 151 à 154 de notre mémoire en clôture, nous voyons les

  4   éléments de preuve qui montrent qui avait la responsabilité de la

  5   délivrance de ces visas de transit et de lettres de garanties. Inutile de

  6   répéter ce que nous avons déjà écrit. Voyons ce que disait Josip Praljak.

  7   Il montre que le seul rôle de M. Pusic était de vérifier si les détenus

  8   avaient reçu l'approbation du SIS et du CPD avant que lui, M. Pusic, soit

  9   autorisé à écrire une lettre de libération.

 10   A la page 14 713, voici la question posée à M. Josip Praljak :

 11   "Qu'est-ce qu'il fallait, à votre connaissance, pour avoir la libération

 12   d'un prisonnier en juillet/août 1993 ? Parcourez avec nous les mesures

 13   prises, si certaines mesures ont été prises, et aidez-nous, s'il vous

 14   plaît.

 15   "Le document qui nous arrivera en prison a été libellé plus ou moins comme

 16   ceci. Il n'y a aucune raison de maintenir la détention du prisonnier de

 17   guerre untel, et ça a été signé par Miroslav Music au nom du SIS et par

 18   Zvonko Vidovic au nom du service d'enquêtes criminelles. Et à ce moment-là,

 19   était donnée une approbation habilitant M. Pusic à libérer quelqu'un. Je

 20   pense que s'il n'y avait pas eu ces deux signatures, M. Pusic n'aurait pas

 21   eu l'autorisation ni la possibilité de libérer qui que ce soit."

 22   Cette citation du compte rendu, vous la trouverez au paragraphe 303 de

 23   notre mémoire en clôture.

 24   Rappelez-vous aussi un autre témoin, Vidovic, qui a confirmé que ce service

 25   d'enquêtes criminelles devait donner un certificat certifiant qu'ils ne

 26   s'opposaient pas à la libération d'un détenu. C'est la page du compte rendu

 27   d'audience 51 690.

 28   Pendant son réquisitoire, l'Accusation a évoqué plusieurs documents

 


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  1   provenant du SIS. A son avis, ces documents prouvent que M. Pusic avait le

  2   pouvoir de prendre des décisions unilatérales, sans demander l'approbation

  3   préalable du SIS et du service d'enquêtes criminelles pour libérer des

  4   prisonniers.Examinons un de ces documents. Le premier porte la cote P 6170.

  5   Il ne vient pas du SIS, ce document. C'est un rapport de Josip Praljak dans

  6   lequel il reconnaît qu'il s'était trompé au cours de sa déposition quant au

  7   rôle joué par M. Pusic dans le cadre de la libération de plusieurs détenus.

  8   Vous trouvez ceci à la page 14 980 du compte rendu d'audience et au

  9   paragraphe 312 de notre mémoire en clôture.

 10   Le deuxième document évoqué par l'Accusation, de nouveau, ce n'est pas un

 11   document du SIS, mais c'est un article de presse écrite en date du 19

 12   octobre 1993. C'est la cote P 5945. Dans cet article, apparemment, on

 13   compare les pouvoirs qu'aurait Pusic en matière de libération avec ses

 14   homologues de l'ABiH. Il n'avait pas ce genre de pouvoirs. Vous trouverez

 15   peut-être intéressant de comparer ce que Pusic dit de la portée de son

 16   influence dans le cadre de l'interview, donc de la pièce P 5945, de

 17   comparer ce que lui dit avec ce que dit un autre témoin.

 18   Est-ce que nous pouvons passer quelques instants à huis clos partiel.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Madame la Greffière.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 21   Monsieur le Président.

 22   [Audience à huis clos partiel]

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 12   [Audience publique]

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.

 14   Bien. La plaidoirie pour M. Pusic se poursuivra demain matin puisque nous

 15   commencerons à 9 heures notre audience.

 16   D'ici là, je souhaite à tout le monde une bonne fin de soirée.

 17   --- L'audience est levée à 18 heures 57 et reprendra le jeudi 24 février

 18   2011, à 9 heures 00.

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