Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 1er mars 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Pusic est absent]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,

  7   s'il vous plaît.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Affaire

  9   IT-04-74-T, le Procureur contre Jadranko Prlic et consorts.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.

 11   En ce lundi 1er mars 2011, je salue MM. les accusés. Je salue

 12   également M. Pusic, qui est toujours absent car malade. Il est représenté

 13   par son avocat et ses avocats. Je salue Mmes et MM. les avocats et tous les

 14   membres du bureau du Procureur.

 15   Je vais tout d'abord donner la parole à la Défense de M. Pusic, qui a

 16   quelques rectificatifs à faire par rapport au transcript précédent.

 17   Maître Ibrisimovic, vous avez la parole.

 18   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons

 19   quelques petits rectificatifs mineurs pour ce qui est du compte rendu du 23

 20   février 2011. Il s'agit de la page 52 743, ligne 17 à -- et page 53 704,

 21   ligne 7. Lorsque nous avons fait référence au P 00663, le "SIS" doit être

 22   remplacé par "l'administration de la police militaire".

 23   Puis, nous avons la page du compte rendu 52 743, ligne 18, où 1993 doit

 24   être remplacé par 1992.

 25   Page du compte rendu 52 748, lignes 1 et 2. Lorsqu'il a été fait référence

 26   au P 001514, il faut mettre 5 mars 1993, et non pas 14 octobre 1992.

 27   Page du compte rendu 52 754, ligne 15. Il faut mettre paragraphes 275, et

 28   non pas 25.


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  1   Page du compte rendu 52 759, ligne 7. Ça se rapporte au témoignage du

  2   Témoin Cupina. Page 4 908 au lieu de 44 908.

  3   Et un petit rectificatif au compte rendu du 24 février 2011, page 52 789,

  4   ligne 15. Il faut une note de bas de page 2 728 du mémoire en clôture du

  5   Procureur.

  6   Merci de votre attention.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Ibrisimovic, il me semble qu'il y a une

  8   erreur encore. Ligne 6, page 2, témoignage de Cupina. Au transcript en

  9   anglais, il y a 4 908, et je crois que vous avez dit une autre page.

 10   L'INTERPRÈTE : Micro pour M. Ibrisimovic.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Micro. Micro.

 12   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] J'ai mentionné la référence du Témoin

 13   Cupina 4 908 au lieu de 44 908, comme consigné au compte rendu. C'est 44

 14   908, non pas 4 498.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

 16   Je vais maintenant donner la parole à l'Accusation pour la réplique.

 17   La Chambre appelle et invite l'Accusation à indiquer à quel paragraphe et à

 18   quelle page de transcript se réfère la réplique afin qu'on puisse suivre la

 19   réplique.

 20   Monsieur Stringer, vous avez donc la parole.

 21   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à

 22   vous, Messieurs les Juges, Monsieur le Président. Bonjour au conseil de

 23   Défense et à toutes les personnes ici présentes. Merci de me donner la

 24   parole.

 25   Je vais vous présenter quelques arguments en l'espace de quelques 45

 26   minutes, après quoi ce sera M. Scott qui vous présentera certains éléments.

 27   Nous avons préparé une présentation par PowerPoint que nous allons utiliser

 28   ce matin.

 


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  1   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Scott vous l'avait dit la

  2   semaine dernière, parmi les sujets que nous voulions aborder dans le cadre

  3   de la réplique, nous voulions réagir à certains éléments de droit avancés

  4   par la Défense pendant les plaidoiries. Et, pour l'essentiel, je vais

  5   revenir sur les remarques faites par Me Alaburic et par Me Kovacic en ce

  6   qui concerne la question des territoires occupés.

  7   Premier sujet, ce seront quelques remarques qui portent sur le statut

  8   qu'avaient les prisonniers musulmans détenus dans des centres de détention

  9   du HVO. Page 52 550 du compte rendu d'audience, ce sont des références du

 10   compte rendu d'audience. C'est là que vous allez trouver ces références

 11   pendant toutes les remarques que je vais faire.

 12   La Défense a affirmé que des hommes en âge de combattre n'étaient plus

 13   considérés comme étant des civils à moins qu'on ait prouvé le contraire.

 14   Pour faire un récapitulatif de la position de l'Accusation, des hommes en

 15   âge de combattre, mais qui ne sont pas des combattants au titre de

 16   l'article 43 de la troisième convention de Genève ou en vertu de l'article

 17   43 du protocole additionnel, ce sont effectivement des civils. S'ils ne

 18   sont pas combattants au sens des définitions visées à ces articles, cela

 19   veut dire que ces hommes-là, même s'ils sont en âge de combattre, n'en

 20   demeurent pas moins des civils.

 21   Rappelez-vous, Messieurs les Juges, ce que la Chambre Celebici avait dit

 22   dans son jugement, c'est utile de s'en souvenir :

 23   "Le fait qu'un homme soit un homme et qu'il est l'âge de façon de service

 24   militaire ou de combattre ne justifie pas pour autant [le fait qu'il soit

 25   placé en détention]."

 26   Ceci dit, le fait d'emprisonner des hommes en âge de combattre pour des

 27   raisons de sécurité nécessite une évaluation au cas par cas du risque que

 28   pourrait représenter la situation où cette personne rejoint les forces


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  1   ennemies. A l'appui de ce que j'avance, vous verrez ceci sur cette planche.

  2   Vous verrez les paragraphes.

  3   Mais l'Accusation est d'accord pour dire que, bien sûr, c'est elle

  4   qui a la charge de la preuve, la preuve de prouver que ces prisonniers

  5   étaient des civils. Me Alaburic l'a affirmé, et nous l'acceptons. Mais

  6   l'Accusation n'accepte pas l'idée selon laquelle il y aurait une position

  7   par défaut, à savoir que des hommes musulmans qui sont en âge de combattre

  8   deviennent quelque chose d'autre que des civils simplement en vertu du fait

  9   que c'étaient des hommes et des Musulmans en âge de combattre.

 10   Planche suivante. Je poursuis mon propos. Ici, je reviens à ce que disait

 11   aussi Me Alaburic. En vertu du droit en Bosnie-Herzégovine, dans l'armée,

 12   on trouve des forces de réserve et d'active. Les réservistes étant sujet à

 13   conscription, alors que les hommes en âge de combattre devenir des

 14   conscrits en vertu du droit prévalant en Bosnie-Herzégovine. Ce qui veut

 15   dire que tous les hommes en âge de combattre, d'après la Défense,

 16   deviennent des réservistes, ou des "membres non-combattants des forces

 17   armées."

 18   Que disons-nous à cet effet en guise de réponse, c'est que d'abord nous

 19   vous invitons à considérer ce qu'affirme ici la Défense. Qu'affirme-t-elle

 20   ? Elle dit qu'il n'y a pas d'hommes civils en âge de combattre en Bosnie-

 21   Herzégovine. Dans le fond, c'est à cela que se résume la position de Me

 22   Alaburic, mais ce n'est pas corroboré par des faits quels qu'ils soient ni

 23   par le droit international humanitaire.

 24   En vertu du droit et de la loi de la réserve, donc ce sont des personnes

 25   qui ont suivi une formation militaire et qui sont réintégrées dans la vie

 26   civile, ces réservistes ce sont des civils jusqu'au moment où ils vont être

 27   mobilisés ou appelés sous les drapeaux pour un service d'active. Et nous

 28   vous présentons pour soutenir ce qu'a dit M. Melzer dans son article; il


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  1   est du CICR.

  2   Troisièmement, Me Alaburic parlait d'un statut qui, à son avis,

  3   s'appliquait à ces hommes musulmans en âge de combattre. Elle les appelait

  4   réservistes, "membres non-combattants des forces armées". Ce ne sont pas

  5   des membres des forces armées si ces hommes sont revenus dans la vie civile

  6   ou même si ce sont simplement des gens qui pourraient être appelés sous les

  7   drapeaux parce qu'ils ont un âge précis. Le statut de membre non-combattant

  8   de forces armées, il existe bien, mais il ne s'applique à des membres des

  9   forces armées qui n'ont pas de mission de combat; par exemple, des juges,

 10   des aumôniers, le personnel médical. Effectivement, si ces gens sont faits

 11   prisonniers, ça devient des prisonniers de guerre ou l'équivalent de

 12   prisonniers de guerre. Mais ce statut de membre non-combattant des forces

 13   armées, ce statut ne s'applique pas à des hommes qui sont Musulmans et qui

 14   sont en âge de combattre, mais qui n'étaient pas membres des forces armées.

 15   Je poursuis l'examen de ce sujet. Notre position c'est que, par conséquent,

 16   ceux qui ont été "internés" et qui sont des hommes Musulmans en âge de

 17   combattre, mais qui n'étaient pas dans service d'active dans les forces

 18   armées, nous disons que ces personnes n'étaient pas des "membres non-

 19   combattants des forces armées" en vertu du droit international humanitaire.

 20   C'étaient des civils lorsqu'ils ont été arrêtés et mis en détention. Ils

 21   ont conservé leur statut de civils.

 22   A ce propos, il est utile de le savoir, et peut-être que la Défense de M.

 23   Petkovic aurait dû consulter son client sur le statut des personnes qui

 24   n'avaient pas participé à des activités de combat. Rappelez-vous la

 25   déposition du général Praljak, page 50 785 du compte rendu d'audience, à

 26   cet endroit, il disait -- pardon, je disais Praljak, j'aurais dû dire

 27   Petkovic, c'était le général Petkovic qui déposait. La question suivante

 28   lui est posée :


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  1   "Si un général, par exemple, du HVO, qui était en permission, viole,

  2   disons, une femme musulmane, est-ce que c'est un crime qui est en rapport

  3   avec une activité de combat ?"

  4   Le général Petkovic répond :

  5   "Non, ce n'est pas un crime lié à un combat, parce qu'au cours de cette

  6   période, c'était un civil libre tant qu'il ne revenait pas sous les

  7   drapeaux, tant qu'il ne réintégrerait pas l'armée."

  8   Le général Petkovic, que semble-t-il dire ? Quelqu'un qui, à un moment

  9   donné, était membre des forces armées, qui a quitté les rangs de l'armée et

 10   qui est revenu dans la vie civile, cette personne reste un civil. Et si

 11   c'est bien ce qu'il affirmait alors qu'il était à la barre et qu'il

 12   témoignait, c'est exact, mais sauf le respect que je dois à Me Alaburic, ce

 13   qu'elle disait à ce propos ne l'était pas. C'était inexact.

 14   Une dernière chose à propos du statut des prisonniers. Dans son mémoire en

 15   clôture, vous le savez, Messieurs les Juges, l'Accusation soutient que des

 16   hommes musulmans qui avaient été membres du HVO, qui furent arrêtés au

 17   cours des jours qui ont suivi le 30 juin 1993, pour nous, ce ne sont pas

 18   des civils. Ce que nous disons, c'est que ces hommes ont le droit d'être

 19   protégés par les dispositions de l'article 75 du premier protocole

 20   additionnel, lequel s'applique à des personnes qui ne bénéficient pas d'un

 21   meilleur statut ou d'un meilleur traitement dans d'autres parties des

 22   conventions de Genève.

 23   Dans sa plaidoirie, le conseil du général Petkovic a affirmé que l'article

 24   75 du protocole additionnel numéro I se trouve dans la partie réservée à la

 25   population civile du protocole additionnel et que, par conséquent, ces

 26   dispositions ne s'appliquent qu'aux civils. Nous répondons que ce n'est pas

 27   exact. Nous vous invitons, Messieurs les Juges, à prendre connaissance de

 28   l'article 72 du protocole additionnel numéro I, lequel dit que cette


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  1   section est additionnelle, elle s'ajoute aux dispositions et aux articles

  2   concernant la protection des civils et des biens civils, et qu'il

  3   s'applique "aussi à d'autres règles applicables du droit international

  4   concernant la protection des droits de l'homme élémentaires lorsqu'il y a

  5   conflit armé international." Le texte français de ces dispositions est tout

  6   à fait conforme. En effet, il dit que la section dans laquelle se trouve

  7   l'article 75 s'applique non seulement aux civils, mais aussi à d'autres

  8   dispositions du droit international.

  9   De plus, le commentaire du protocole additionnel et de son article 75

 10   montre clairement que cet article peut s'appliquer à des personnes qui ne

 11   sont pas des civils, par exemple, des mercenaires ou ici, c'est important,

 12   à d'autres personnes qui auraient été privées du statut de prisonniers de

 13   guerre. A notre humble avis, Messieurs les Juges, l'article 75 du protocole

 14   additionnel numéro I s'applique bel et bien ici aux hommes musulmans qui

 15   avaient été membres du HVO même si ce ne sont pas des civils.

 16   Permettez-moi maintenant d'aborder ce qu'on appelle l'obligation de

 17   protection des prisonniers. C'est un corollaire qui vient du droit

 18   international humanitaire, mais qui vient aussi de la jurisprudence, par

 19   exemple, dans l'arrêt Mrksic.

 20   La Défense affirme que l'obligation de Mrksic ne s'applique qu'aux agents

 21   de la puissance détenant qui se trouve en situation -- qui ont des

 22   prisonniers, pas seulement les agents d'Etat, mais uniquement ceux qui

 23   avaient cette responsabilité parce que c'étaient des gardiens des

 24   prisonniers de guerre.

 25   Première remarque ou commentaire que nous aimerions vous soumettre c'est

 26   ceci : même si l'affaire Mrksic se limitait au niveau des faits à une

 27   situation de prisonniers qui étaient bien des prisonniers de guerre, le

 28   raisonnement, la logique qui sous-tend l'arrêt Mrksic se retrouve dans tout


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  1   le droit international. Il est clair, l'obligation qu'avait Mrksic

  2   s'applique non seulement aux prisonniers de guerre, mais à d'autres

  3   prisonniers qui se trouvent dans d'autres catégories, des civils, par

  4   exemple, ou même des hommes musulmans qui avaient été membres du HVO et qui

  5   pourraient relever de l'article 75 du protocole additionnel ou, même,

  6   pourraient relever de l'article commun numéro 3.

  7   Que disons-nous ? La responsabilité s'agissant de la protection de détenus,

  8   elle est tributaire des fonctions exercées par cette personne. La

  9   responsabilité, elle peut être encourue en vertu du droit interne, ou il se

 10   peut qu'une personne soit considérée responsable parce qu'elle a le devoir

 11   de protéger des prisonniers en raison de ses responsabilités de facto en

 12   raison du fait que la situation de détention ou de contrôle de prisonniers.

 13   Donc il y a un élément de jure et un élément de facto; de jure en vertu du

 14   droit interne, de facto en vertu d'une situation d'internement et de

 15   contrôle, comme le montrent les faits.

 16   A cet égard, par exemple, on pourrait dire -- et c'est ce que nous disons,

 17   c'est qu'en vertu du droit interne, M. Coric, police militaire, fait partie

 18   du département de la Défense, et donc c'était lui le premier responsable en

 19   matière de détention et de contrôle de prisonniers. Nous citons quelques

 20   pièces à l'appui, il y a notamment les instructions données par M. Boban,

 21   qui confie la responsabilité à la police militaire de la sécurité interne

 22   dans les prisons militaires du HVO et pour ce qui est aussi de la sécurité

 23   des prisonniers. Nous avons ici un exemple de législation interne qui

 24   impute la responsabilité du contrôle des prisonniers à M. Coric, à la

 25   police militaire, puisque ça fait partie du département de la Défense,

 26   cette police militaire au département.

 27   En dépit de ce que l'avocat de M. Pusic a dit, il a eu la responsabilité de

 28   jure des prisonniers parce qu'il a été nommé chef de la Commission chargée


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  1   des échanges et parce qu'il a été nommé à la commission Stojic constituée

  2   pour voir comment étaient traités les prisonniers en fin d'été 1993.

  3   Pour ce qui est de M. Pusic, Monsieur le Président, permettez-moi une

  4   petite digression. Examinez la pièce P 07411.

  5   M. Pusic, à la page 52 755 et à la page 52 760, et pendant toute la

  6   plaidoirie, il a dit : Je n'ai aucune autorité. Je n'étais qu'un petit

  7   rouage dans ce mécanisme. Je n'avais aucun pouvoir. Je ne faisais que

  8   transmettre des listes. Je n'avais pas l'autorité et la capacité de décider

  9   de qui allait être libéré. Je n'avais aucun véritable rôle.

 10   Page 4 du document que nous avons ici, c'est un rapport que M. Pusic

 11   établit sur le fonctionnement du service chargé des échanges de prisonniers

 12   et d'autres personnes, donc le sien, nous avons une bonne vue d'ensemble du

 13   type d'activités dont il était responsable puisqu'il était chef de ce

 14   service.

 15   Point 5, regardez, page 4 :

 16   "On voit que l'activité, le fonctionnement du personnel du service

 17   concernait surtout les Musulmans détenus. Comme le statut des prisons n'a

 18   toujours pas été réglé et réglementé," le service établit toutes les listes

 19   des prisonniers en coopération avec l'ODPR, le SIS, le service de police

 20   judiciaire de l'administration de la police militaire.

 21   "… mais aussi pour obtenir la libération des prisonniers s'ils ont tous les

 22   documents qu'il faut," lettres de garantie, visa de transit, certificat, et

 23   cetera. "De cette façon, 304 personnes ont été libérées…"

 24   Qu'est-ce que ceci montre ? L'Accusation n'affirme pas que M. Pusic ait été

 25   investi d'une autorité suprême sur les prisonniers. Lui et son service et

 26   compétences étaient, bien sûr, liés à d'autres organes, peut-être qu'ils

 27   sont indiqués ici, et il a joué un rôle substantiel lorsqu'il était

 28   question de la détention ou de la libération de prisonniers. Il ne faut pas


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  1   qu'il ait été le seul à jouer un rôle; nous ne disons pas qu'il ait eu un

  2   rôle exclusif. Mais le fait qu'il ait joué un rôle complémentaire à celui

  3   d'autres, un rôle qui se conjugue avec celui d'autres, eh bien, lui donne

  4   une responsabilité. Elle ne l'absout pas de toute responsabilité. Parce

  5   qu'ici, nous parlons de cette responsabilité, et il a à la fois un contrôle

  6   de facto et de jure sur les prisonniers. Il a l'obligation de les protéger.

  7   Un petit aparté. On a souvent mis en doute la crédibilité du Témoin E. La

  8   Défense Pusic, mais aussi la Défense Coric l'ont fait. Que voyons-nous ici

  9   ? Ici, on a expressément une référence faite par M. Pusic à un programme,

 10   et ça, c'est un rapport. On voit ici le témoignage du Témoin E et on voit

 11   qu'il y a un système, un programme avec des lettres de garantie qui

 12   permettent -- ça existait, ce programme, et ça faisait partie

 13   officiellement de la politique du HVO pour ramener tous les éléments dans

 14   ce programme : la police militaire; l'ODPR, qui est une entité reliée au

 15   président du gouvernement, M. Prlic; le SIS; l'administration de la police

 16   militaire.

 17   Un autre document lié à M. Pusic, c'est la pièce P 07124. Réunion d'un

 18   groupe de travail, une réunion qui s'est tenue le 13 [comme interprété]

 19   décembre 1993 et présidée par le colonel Biskic. A ce moment-là, il était

 20   ministre adjoint à la Défense de la République croate d'Herceg-Bosna. Il

 21   est venu déposer en l'espèce. Document très utile que celui-ci pour voir

 22   quel fut le rôle joué par M. Pusic en ce qui concerne le traitement réservé

 23   aux prisonniers, leur détention, la politique appliquée aux prisonniers.

 24   Page 3, M. Pusic prend la parole et il informe les personnes présentes de

 25   la situation dans les centres de détention. D'après lui, les directeurs de

 26   chacun de ces centres peuvent donner le nombre précis de détenus en

 27   détention, ainsi que le nombre des personnes qu'on utilise pour faire les

 28   travaux. Il dit qu'il n'a pas encore de chiffre précis parce qu'on ne cesse


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  1   d'aller "faire travailler les détenus", surtout sur la ligne de front pour

  2   la préparer.

  3   Page suivante, M. Pusic donne d'autres données chiffrées, combien il y a de

  4   détenus ici. A Gabela, il y en a 1 200 et quelques. M. Bozic est présent et

  5   parle des 2 000 détenus de l'Heliodrom.

  6   Un peu plus loin, c'est important pour établir le statut de prisonnier, M.

  7   Biskic a ajouté qu'ils avaient besoin de savoir combien il y avait de

  8   détenus qui étaient membres des forces musulmanes armées. Et M. Pusic dit

  9   qu'il n'y en a que cinq.

 10   Page suivante, M. Pusic croit qu'il faudrait tous les libérer, mais en même

 11   temps que toutes les mesures nécessaires à l'organisation, à la protection,

 12   à la sécurité doivent être prises, et plus particulièrement qu'il faut

 13   préparer des détenus pour qu'ils puissent être envoyés à l'étranger.

 14   Et enfin, là, nous sommes en fin de document, page 10, M. Pusic pense que

 15   les personnes qui ont plus de 50 ans devraient être envoyées, ou plutôt,

 16   remises à la partie musulmane, sur la rive gauche de la Neretva.

 17   Nous sommes en décembre 1993. Nous avons M. Pusic qui prend la parole à une

 18   réunion de haut niveau en matière de prisonniers et dit quelle devrait être

 19   la politique. Il exprime son propre avis, son avis personnel. Il dit que

 20   dans le fond, les jeunes qui sont encore détenus doivent être envoyés à

 21   l'étranger. Les plus vieux devraient être envoyés sur la rive est.

 22   Je reviens à la présentation, point 3. L'Accusation, et je l'ai déjà dit,

 23   nous rejetons ce qu'ont dit les avocats de Coric et de Pusic, et ils l'ont

 24   dit à maintes reprises, parce qu'il y avait peut-être d'autres personnes

 25   qui avaient des responsabilités de contrôle, qui avaient peut-être

 26   l'autorité nécessaire pour contrôler les prisonniers, mais eux ne l'avaient

 27   pas. Nous disons qu'il ne faut pas nécessairement un contrôle exclusif pour

 28   imputer la responsabilité. Les éléments de preuve montrent qu'il y avait


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  1   plusieurs entités ou individus qui avaient une position de contrôle sur les

  2   prisonniers et devaient les protéger. Cette obligation s'applique à toutes

  3   les personnes concernées.

  4   Le général Petkovic et le général Praljak disposaient d'un pouvoir de

  5   contrôle sur les prisonniers lorsque ceux-ci se trouvaient sous la garde

  6   d'unités du HVO faisant les travaux forcés. Praljak et Petkovic ont

  7   contrôlé les prisonniers lorsqu'ils ont donné des ordres et approuvé

  8   l'utilisation de prisonniers pour des travaux forcés et lorsqu'ils ont

  9   autorisé d'autres à aller dans les camps de prisonniers.

 10   Rappelez-vous, le général Petkovic en personne a participé aux négociations

 11   près de Sovici/Doljani, à proximité de Jablanica, à propos des prisonniers

 12   musulmans qui étaient en détention à l'école de Sovici.

 13   Planche suivante. La Défense dit que le droit international humanitaire ne

 14   parle pas de la question de la compétence, qu'il reste muet, qu'il a la

 15   responsabilité de jure. Chaque pays doit déterminer cette responsabilité de

 16   défense lorsqu'il s'agit de prisonniers de guerre.

 17   Nous sommes d'accord là-dessus. Cependant, c'est pour l'aspect de jure, la

 18   responsabilité de jure. Comme le dit le droit interne, ceci n'exclut pas

 19   l'existence supplémentaire d'une responsabilité de facto parce que

 20   quelqu'un aurait la garde et/ou le contrôle de prisonniers.

 21   Me Alaburic a affirmé que l'Accusation n'avait pas dit qu'il y aurait eu

 22   des actes législatifs qui auraient délégué cette obligation de protéger des

 23   détenus au chef de l'état-major principal. Nous montrons ici quelles sont

 24   les parties de l'acte d'accusation qui allèguent la responsabilité de M.

 25   Petkovic par rapport aux prisonniers. En effet, d'après nous, il a

 26   "contrôlé, collecté, assisté, permis." Vous verrez ce qui est allégué dans

 27   l'acte d'accusation.

 28   La Défense essaie d'éviter une responsabilité qu'on lui impute en raison du


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  1   contrôle qu'aurait de facto M. Petkovic sur les prisonniers. Même s'il

  2   n'avait pas été nommé spécifiquement par le droit de Bosnie-Herzégovine ou

  3   d'Herceg-Bosna pour avoir la responsabilité des prisonniers, manifestement

  4   ça n'exclut pas qu'il en ait la responsabilité s'agissant des prisonniers

  5   qu'il contrôlait ou dont il avait la garde.

  6   La Défense affirme aussi que rien ne prouve qu'il y aurait eu un acte

  7   législatif ou un ordre supérieur qui aurait délégué l'obligation de

  8   protéger les prisonniers au général Petkovic. Ce n'est pas exact. Regardez

  9   la pièce P 05104. C'est un ordre donné par M. Boban le 15 septembre 1993.

 10   J'y ai fait référence dans mon réquisitoire concernant le général Praljak.

 11   Si vous voulez, nous pouvons parcourir rapidement cet ordre qui est à

 12   l'écran.

 13   Point 3 :

 14   "S'il y a des centres de détention où toutes les conditions nécessaires ne

 15   sont pas remplies, il faut veiller aussitôt à accorder aux prisonniers de

 16   guerre un traitement conforme" aux dispositions du droit international.

 17   Donc c'est envoyé au département de la Défense.

 18   Point 7 : "L'état-major principal du HVO va informer tous les commandements

 19   et unités subordonnées de cet ordre et donner l'aide professionnelle

 20   nécessaire à son exécution."

 21   Monsieur le Président, l'Accusation dit que c'est ici une délégation donnée

 22   expressément par M. Boban à l'état-major principal. M. Petkovic était

 23   commandant adjoint de l'état-major principal. Et c'est adressé aussi à M.

 24   Praljak, qui, à l'époque, a été chef de l'état-major principal.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a Me Tomic qui est debout. Vous avez droit à la

 26   duplique. Alors, sauf s'il y a une erreur colossale qui justifie votre

 27   intervention, vous n'avez pas à intervenir alors que vous pouvez le faire

 28   lors de la duplique.


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  1   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. C'est

  2   une question technique. L'Accusation a reçu des instructions de la Chambre

  3   lui indiquant qu'il convenait d'aborder des sujets nouveaux. Or, ce dont le

  4   Procureur est en train de nous parler a été déjà abordé dans le mémoire en

  5   clôture de la Défense Coric, et il n'y a là rien de nouveau qui soit abordé

  6   par rapport à ce qui aurait été présenté par la Défense Coric et qui

  7   nécessiterait une réplique. Je souhaite simplement attirer votre attention

  8   sur le fait que vos propres instructions ne sont pas respectées.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 10   Monsieur Stringer, votre réplique, elle doit porter normalement sur ce qui

 11   a été dit lors des plaidoiries. Le sujet a été abordé ?

 12   M. STRINGER : [interprétation] Tout à fait, j'ai l'impression que c'est ce

 13   que je fais. Je parle des points abordés dans les plaidoiries, mais en ce

 14   moment, je porte principalement sur les arguments juridiques proposés par

 15   le conseil de la Défense, mais nous utilisons ces arguments pour parler de

 16   ce qui a été dit par les autres parties dans le cadre de leurs plaidoiries.

 17   Il est clair que les Défenses ont fait des affirmations, et nous sommes là

 18   pour y répondre, nous répondons aux affirmations de la Défense.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Si je puis prendre la parole. Il y a un

 20   problème entre la réplique lors d'un contre-interrogatoire et la réplique à

 21   des plaidoiries. Si c'était aux Etats-Unis, ce serait différent,

 22   évidemment. Mais ici, les règles sont claires, il y a une réplique

 23   uniquement lorsqu'il y a eu des surprises présentées lors des plaidoiries.

 24   Mais il n'y a pas eu de surprise. Puisque dans le cadre des plaidoiries, il

 25   n'y a pas eu de surprise pour l'Accusation, ou alors ils auraient dû le

 26   dire lors des plaidoiries. C'est pour ça que de mon humble avis, il ne

 27   s'agit pas d'une véritable réplique au titre de la jurisprudence du

 28   Tribunal. Il s'agit d'un abus de procédure.


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  1   M. KHAN : [interprétation] Si je puis prendre la parole moi aussi --

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- voilà le type même que je voulais

  3   absolument éviter. Le mieux aurait été que M. Stringer utilise ses 45

  4   minutes, puis le Procureur ses trois heures globalement, et quand vous

  5   alliez dupliquer, vous auriez dit M. Stringer a fait une erreur, et puis la

  6   Chambre en tirera des conclusions, parce que là, on perd du temps. Mais je

  7   vais consulter mes collègues.

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, la Chambre invite instamment

 10   l'Accusation à n'aborder que les sujets qui ont été ajoutés dans les

 11   plaidoiries orales, et non pas reprendre ce qui aurait été écrit dans les

 12   mémoires. Ce qui nous intéresse, nous, c'est ce qui a été ajouté. En

 13   rappelant à chaque fois les références aux paragraphes et aux dires, comme

 14   vous l'avez fait : Au transcript, Me X a dit ça, je ne suis pas d'accord,

 15   et puis voilà. Sinon, à chaque fois, on va avoir ce type de problème. Bien.

 16   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, si vous regardez les

 17   diapositives, il est écrit à gauche, n'est-ce pas, qu'il y a les

 18   affirmations de la Défense. Par exemple, voici ce que le général -- c'est

 19   ce qui a été ajouté lors de la plaidoirie. Ils disent qu'il n'y a pas

 20   d'élément de preuve comme selon il y aurait eu des ordres législatifs

 21   supérieurs déléguant l'obligation au général Petkovic. Or, je viens

 22   justement de montrer l'ordre de M. Boban qui, selon nous, donne cette

 23   délégation. Donc je réponds justement à ces affirmations qui ont été

 24   soulevées lors des plaidoiries de la Défense.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, nous verrons ça. Continuez.

 26   M. STRINGER : [interprétation] Bien. Passons à la diapositive suivante.

 27   Dans ce cas-là, je vais -- mais je pense que je manque de temps. Donc

 28   passons au point 5. Il s'agit encore d'un point qui a été soulevé par Mme


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  1   Alaburic. Il n'y a pas d'élément de preuve sur lequel le chef d'état-major

  2   principal Petkovic avait contrôle sur les installations de détention.

  3   Nous considérons que ceci n'a aucune pertinence. La question est de savoir

  4   si le général Petkovic exerçait un certain contrôle sur les prisonniers et

  5   si lui ou ses subordonnés avaient des prisonniers sous leur garde. C'est ça

  6   la question qui est importante. Et de notre avis, la réponse est oui, il

  7   avait, en effet, ce contrôle sur les prisonniers.

  8   Point suivant. D'après la Défense, l'Accusation n'aurait pas dit que

  9   Petkovic s'était trouvé avoir le contrôle de facto des prisonniers de

 10   guerre et/ou des autres détenus.

 11   Ici, à nouveau, nous référons au paragraphe de l'acte d'accusation où l'on

 12   énonce les allégations à propos de son contrôle de facto des prisonniers et

 13   où il est allégué dans l'acte d'accusation qui était responsable d'assurer

 14   le traitement correct des prisonniers au titre du droit international

 15   humanitaire.

 16   Point suivant. Il n'y aurait pas eu d'élément de preuve montrant que

 17   Petkovic avait le contrôle de facto des prisonniers de guerre.

 18   Nous avançons que ce n'est pas correct. En effet, Petkovic et Praljak

 19   avaient le contrôle et la garde des prisonniers lorsqu'ils étaient sous la

 20   garde des unités du HVO lorsqu'ils effectuaient des travaux forcés. Comme

 21   je l'ai dit, lorsque le général Petkovic et le général Praljak donnaient un

 22   ordre à propos d'employer les prisonniers pour l'emploi des travaux forcés,

 23   et cetera, ils avaient toujours le contrôle de ces prisonniers. Donc ces

 24   prisonniers étaient à ce moment-là sous la garde du HVO.

 25   Enfin, sur ce point, le conseil indique que même si l'obligation de Mrksic

 26   pouvait s'appliquer en l'espèce, elle ne s'appliquerait pas de toute façon

 27   à Petkovic, et la référence se trouve ici au compte rendu, vous l'avez à

 28   l'écran.


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  1   L'Accusation considère là encore, suite à ce qui a été dit précédemment,

  2   donc nous considérons qu'il faut aussi que la Chambre de première instance

  3   prenne en compte certains éléments : en remettant les prisonniers à la

  4   police militaire, qu'ont fait Petkovic et Praljak pour s'assurer et se

  5   convaincre que les prisonniers arrêtés et emprisonnés détenus par la police

  6   militaire seraient protégés ? Nous savons en vertu de l'arrêt Mrksic que

  7   lorsque les prisonniers sont remis à une autre entité, la personne qui

  8   remet les prisonniers doit s'assurer qu'ils seront traités correctement.

  9   Nous savons que Petkovic était au courant et que Praljak était au courant

 10   que la police militaire avait commis des crimes de façon répétée par le

 11   passé. Nous savons qu'en mai 1993, lorsque des centaines de personnes ont

 12   été arrêtées à Mostar et remises dans l'Heliodrom, ils savaient très bien

 13   qu'ils ne pourraient pas être nourris, par exemple, qu'ils n'allaient pas

 14   être traités correctement. Ils ont demandé aux organisations humanitaires

 15   internationales de les assister. Donc ça montre bien que dès début juillet,

 16   lorsqu'ils ont commencé à arrêter des milliers de personnes, ils avaient un

 17   gros problème.

 18   Nous savons aussi qu'ils étaient au courant, c'est une affirmation de

 19   l'Accusation, que les prisonniers étaient utilisés pour des travaux forcés,

 20   un programme qui était administré par la police militaire. Donc, alors

 21   qu'ils savaient tout cela, qu'ont fait les généraux Petkovic et Praljak

 22   pour s'assurer que les prisonniers seraient traités correctement ? Eh bien,

 23   de notre avis, ils n'ont rien fait.

 24   Ensuite, alors que les prisonniers étaient en détention, Praljak et

 25   Petkovic exerçaient un contrôle sur ces prisonniers puisqu'ils devaient

 26   donner ordre qu'on envoie ces prisonniers aux travaux forcés, et cetera.

 27   Donc on peut encore, là aussi, appliquer l'obligation Mrksic.

 28   Ensuite, en ce qui concerne le général Praljak, lors de mon réquisitoire,


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  1   nous avons suivi le déroulement des événements lorsque le monde a compris

  2   ce qui se passait, par exemple, à Dretelj où les prisonniers -- et à ce

  3   moment-là, il y eu énormément de pression pour que l'on ferme les camps.

  4   Nous savons que lorsqu'ils ont appris tout cela, Praljak et Petkovic

  5   étaient tenus de faire quelque chose et de s'assurer que les conditions

  6   correctes seraient fournies. D'ailleurs, vous trouverez les références au

  7   titre de l'article III de Genève et dans l'article IV aussi des conventions

  8   de Genève. Praljak était au courant, Petkovic était au courant, de notre

  9   avis, or ils n'ont rien fait. De ce fait, c'est encore l'une des

 10   obligations Mrksic qui s'appliquait à eux ici.

 11   Ensuite, ceci est repris, d'ailleurs, dans le rapport d'expert du général

 12   Pringle. Au paragraphe 77 de son rapport, il parle de l'obligation de

 13   reprendre les prisonniers sous leur autorité lorsqu'ils apprennent que les

 14   prisonniers ne sont pas traités correctement et en application du droit

 15   international.

 16   Toujours sur ce même point, comme je l'ai déjà dit, au point C ici, vous

 17   voyez, il y avait des rapports des médias, condamnation internationale des

 18   conditions régnant dans les camps et du traitement dans les camps. Tout

 19   ceci était parfaitement connu, et donc l'Accusation considère que les

 20   généraux Petkovic et Praljak étaient parfaitement au courant de ce qui se

 21   passait.

 22   Donc, étant au courant, au titre du droit international, ces personnes, le

 23   général Petkovic et le général Praljak, devaient intervenir pour s'assurer

 24   que les prisonniers seraient traités correctement. Ils doivent le faire

 25   s'ils sont au courant que la police militaire ne les traite pas

 26   correctement, puisque ce sont eux qui ont remis ces prisonniers à la police

 27   militaire au départ.

 28   Encore deux remarques à faire à propos des assertions de la Défense à


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  1   propos de l'occupation du territoire et des obligations qui en découlent au

  2   titre de la puissance occupante.

  3   Voici la position de la Défense : la Défense considère que le commandant du

  4   HVO peut exercer un contrôle sur le territoire pour emprisonner tous les

  5   hommes musulmans en âge de porter les armes, mais la Défense considère

  6   aussi, en même temps, que finalement le HVO n'a aucune responsabilité en ce

  7   qui concerne la protection des femmes, des enfants et des vieillards qui

  8   restent derrière et qui doivent subsister par eux-mêmes sur ces

  9   territoires.

 10   S'il y avait bien une affaire qui justifierait l'application de la doctrine

 11   du territoire occupé par le commandant militaire responsable, c'est bien le

 12   cas ici. Les généraux Petkovic et Praljak étaient les généraux en charge

 13   qui s'occupaient du territoire occupé, mais en fait, chacun a joué son

 14   propre rôle. Ils ont essayé de créer des conditions qui ont permis, en

 15   fait, la commission de crimes à grande envergure commis contre les

 16   Musulmans à Prozor, par exemple, Sovici/Doljani, Mostar est [comme

 17   interprété], et cetera, Ljubuski, Stolac, Capljina.

 18   La première assertion de la Défense porte d'abord sur le préavis. La

 19   Défense considère qu'ils n'avaient pas été prévenus suffisamment, que ce

 20   n'est pas suffisamment clair dans l'acte d'accusation, et cetera.

 21   L'Accusation n'est absolument pas d'accord avec cette affirmation. Nous

 22   aimerions que vous vous référiez à l'arrêt Mrksic, paragraphes indiqués

 23   ici, 136 à 144.

 24   Dans Mrksic, on considérait si la Défense avait eu un préavis suffisamment

 25   important -- il était suffisamment important, en fait, de l'obligation de

 26   Mrksic. Mais c'est pas du tout la même chose; nous considérons ici que la

 27   logique qui s'applique pour savoir s'il y avait un préavis suffisant

 28   convient, en fait, de prendre l'acte d'accusation dans son ensemble pour


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  1   déterminer si la Défense a bel et bien été avertie suffisamment de cette

  2   obligation qui aurait été la leur, l'obligation au titre de leur charge de

  3   commandant général en charge d'un territoire occupé.

  4   Donc nous avons montré certaines des dispositions qui traitent de ces

  5   points d'ailleurs sur cette diapositive. Je ne vais pas toutes les lire,

  6   bien sûr, mais remarquez surtout la référence répétée aux obligations, à

  7   l'aide et l'encouragement, ou complicité, le fait d'omettre aussi son

  8   obligation. Et au paragraphe 232, il y a deux références au fait qu'il y

  9   avait non seulement un conflit international en cours, mais aussi une

 10   occupation de territoire partielle.

 11   Ceci est répété dans le mémoire préalable au procès de l'Accusation.

 12   Donc on parle de "l'expansion territoriale", du fait qu'il y a une prise de

 13   contrôle de différentes municipalités où l'on capture la municipalité. Nous

 14   considérons que tout ceci est suffisant pour que la Défense comprenne bien

 15   quels sont les points soulevés à ce titre dans l'acte d'accusation portant

 16   sur le territoire occupé, par exemple paragraphe 232, et nous considérons

 17   que tout ceci forme la base de la responsabilité pénale qui est engagée de

 18   la part des accusés.

 19   Vous n'êtes pas la première Chambre de première instance à devoir

 20   savoir si un territoire était occupé ou non, en tout cas pas dans ce

 21   Tribunal. Dans l'affaire Blaskic, ce point a été traité, mais encore plus

 22   près de nous, dans l'affaire Sovici/Doljani, enfin dans l'affaire

 23   Naletilic-Martinovic. Là aussi, Sovici/Doljani était un territoire occupé,

 24   c'était en tout cas une conclusion de la Chambre de première instance. Or,

 25   ce sont les mêmes faits, en ce qui concerne la géographie en tout cas, que

 26   notre affaire. Donc la Défense ne peut pas dire qu'ils ne savaient pas que

 27   le territoire occupé allait être essentiel ici. Ici, le problème c'est que

 28   nous avons les généraux en charge qui sont accusés dans le box, alors que


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  1   dans l'autre affaire, dans l'affaire Stela-Tuta, ils n'étaient pas là.

  2   Nous vous invitons aussi à vous pencher sur la jurisprudence du

  3   Tribunal portant sur le contrôle et sur la prise de contrôle qui, bien sûr,

  4   a un certain impact lorsque l'on veut prouver que le HVO avait remplacé les

  5   autorités légales de la Bosnie-Herzégovine et se trouvait donc en position

  6   d'exercer son propre contrôle et sa propre autorité sur ces territoires, ce

  7   qui est le critère que nous énonçons dans notre mémoire lorsqu'on cherche à

  8   savoir si un territoire est occupé ou non.

  9   Ensuite, vous vous rappellerez très certainement de la carte que le

 10   général Praljak nous a présentée vers la fin de son témoignage. Il a été

 11   contre-interrogé d'ailleurs à ce propos, c'est moi qui m'en suis chargé, je

 12   tiens à le dire, et je lui ai posé des questions extrêmement directes à

 13   propos du rôle qu'il a joué et des responsabilités qu'il avait dans la

 14   protection des civils qui se trouvaient dans les zones bleues, zones

 15   contrôlées par le HVO, sur cette carte qu'il avait lui-même dessinée. Or,

 16   vous vous rappellerez sans doute qu'il y a eu un débat à ce propos, c'était

 17   assez animé d'ailleurs, au cours du contre-interrogatoire.

 18   Deuxième point soulevé par la Défense en ce qui concerne ce fameux

 19   territoire occupé, le fait que l'occupation doit être une occupation par

 20   les forces étrangères. La Défense semble dire que pour qu'un territoire

 21   soit occupé, il faut qu'il y ait une occupation classique, traditionnelle,

 22   style Deuxième Guerre mondiale, par des forces étrangères. Ce n'est pas le

 23   cas. Or, voici notre position : puisque Me Kovacic, dans ses plaidoiries, a

 24   déclaré que l'Accusation n'avait même pas indiqué qui était la puissance

 25   occupante, selon nous, c'est le côté HVO croate du conflit. C'est la même

 26   puissance occupante que celle qui contrôlait Sovici/Doljani dans l'affaire

 27   Stela-Tuta. Le côté du HVO de la Croatie, donc il s'agit d'un conflit armé

 28   international sur le territoire de Bosnie-Herzégovine et contre les forces


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  1   de la République de Bosnie-Herzégovine.

  2   Lorsque l'on regarde Blaskic et Naletilic, on voit qu'il n'y a pas besoin

  3   d'avoir une occupation à titre classique, et les forces armées croates

  4   n'ont pas besoin d'être la seule puissance exclusivement occupant le

  5   territoire. Naletilic, par exemple, c'est exactement les mêmes faits

  6   qu'aujourd'hui, c'est-à-dire que la Croatie a un contrôle global sur le HVO

  7   et, en même temps, le HVO a supplanté les autorités légales du territoire

  8   et peut donc exercer son autorité et son contrôle sur le territoire occupé.

  9   Il n'y a pas besoin d'avoir une occupation exclusivement étrangère.

 10   Référez-vous à l'article 47 de la quatrième convention de Genève. Vous

 11   voyez ici que dans l'ère après la Deuxième Guerre mondiale, il a été

 12   reconnu que les forces occupantes essayeraient de se soustraire à leurs

 13   responsabilités qui découlent de l'occupation du territoire. Or, l'article

 14   47 ici répond justement à cette préoccupation pour essayer de définir les

 15   situations qui pourraient arriver et qui pourraient être utilisées pour

 16   essayer de se soustraire aux obligations qui découlent de l'occupation.

 17   Dans le commentaire ici, ça c'est le premier paragraphe du commentaire, il

 18   est écrit :

 19   "Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, des populations entières ont été

 20   exclues de l'application des lois gouvernant l'occupation et n'ont donc pas

 21   pu bénéficier des protections fournies par ces lois…"

 22   Et ensuite, plus bas, deuxième paragraphe, le deuxième alinéa. C'est

 23   intéressant parce que nous considérons qu'ici ça rejoint énormément notre

 24   affaire.

 25   "Bien sûr, la puissance occupante essaie d'habitude de se donner un

 26   semblant de légalité et de donner de l'indépendance aussi aux nouvelles

 27   organisations qui ont été formées la plupart du temps avec la coopération

 28   de certains éléments de la population du pays occupé, mais il est évident


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  1   qu'en fait, ils ont toujours été sous la coupe de la volonté de la

  2   puissance occupante."

  3   Donc nous considérons qu'il est utile que vous vous référiez à ces

  4   textes, donc la quatrième convention de Genève et le commentaire selon

  5   lequel une occupation étrangère traditionnelle n'est pas nécessaire

  6   aujourd'hui pour définir et pour conclure qu'il y a bel et bien occupation

  7   étrangère.

  8   Ensuite, dans nos sources, nous avons inclus un extrait venant de M.

  9   Benvenisti. A la page 5, il reprend à nouveau cette opinion selon laquelle

 10   il peut y avoir occupation même si la puissance occupante utilise un relais

 11   ou un substitut pour exercer son occupation. Donc :

 12   "Cette pratique est une exception maintenant," il parle ici d'une

 13   déclaration d'occupation par la puissance occupante. "Maintenant c'est

 14   l'exception plutôt que la règle. Les occupants modernes préfèrent

 15   maintenant ne pas avoir à établir cette administration directe. Ils

 16   préfèrent, en fait, annexer ou établir des Etats fantoches ou des

 17   gouvernements fantoches en utilisant les structures du gouvernement

 18   existant afin de ne pas avoir à mettre en place leur propre

 19   administration."

 20   Ensuite, il poursuit pour parler qu'ils "ne prennent pas en compte

 21   l'application de la loi de l'occupation, en tout cas pas en ce qui concerne

 22   leur propre Etat fantoche qu'ils ont établi…"

 23   Donc nous considérons que ceci reflète bien la loi sur le territoire occupé

 24   tel qu'il existe aujourd'hui, puisque nous avons des Etats, des puissances

 25   qui sont occupantes, même si elles utilisent toujours des relais pour

 26   exercer cette occupation.

 27   Enfin, veuillez, s'il vous plaît, vous référer à l'article de M. Roberts.

 28   Vous le trouverez dans nos sources. Il parle ici de l'occupation militaire


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  1   : "Qu'est-ce qu'une occupation militaire ?" Nous, nous faisons référence

  2   ici à l'affaire Ansar, la prison Ansar. Puisqu'ici, il s'agit de savoir

  3   s'il y a bel et bien un camp de réfugiés. Israël considérait qu'il

  4   s'agissait d'un camp de réfugiés à Beyrouth, donc c'est une affaire qui se

  5   passe en Israël. Là, à nouveau, c'est encore une source que nous vous

  6   présentons dans le cadre du fait que l'occupation de la puissance

  7   belligérante classique n'a plus besoin d'être établie.

  8   Diapositive suivante, s'il vous plaît. La Défense dit que le conflit armé

  9   international et l'occupation s'excluent mutuellement, "ne peuvent

 10   coexister".

 11   Manifestement, c'est inexact. Même lorsqu'on prend le cas classique d'une

 12   obligation belliqueuse, occupation par l'Allemagne de la Pologne et de la

 13   France, il y avait quand même en cours un conflit armé international.

 14   Je pense que la Défense dit ici qu'il ne peut y avoir état d'occupation

 15   lorsqu'il y a des combats sur le territoire qui est supposé être occupé. Ce

 16   n'est pas exact. Regardez notre mémoire en clôture, paragraphe 92, note de

 17   bas de page 145.

 18   L'existence de poches de résistance n'exclut pas qu'il y ait occupation si

 19   les autres facteurs et conditions d'occupation sont réunis.

 20   Enfin, la Défense affirme au point 4 qu'un chef militaire n'a pas de

 21   pouvoir exécutif à moins qu'il n'en ait été investi expressément. Nous nous

 22   permettons de ne pas accepter cette affirmation. Regardez la page 1 272 de

 23   l'affaire des otages pour ce qui est de Nuremberg, l'obligation, du devoir

 24   qu'a un général commandant un territoire occupé.

 25   "Là, il y a le contrôle des habitants pour réaliser ces tâches, mais aussi

 26   le contrôle et la réglementation de toutes les personnes ou groupes qui

 27   sont hors-la-loi. On ne peut pas soustraire à cette responsabilité en

 28   disant qu'on n'a pas de pouvoir. Cette autorité et ce pouvoir sont


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  1   inhérents, intrinsèques à son poste de général commandant un territoire

  2   occupé. La responsabilité primordiale pour ce qui est de la prévention et

  3   de la sanction de crimes, elle repose entre les mains du général; il ne

  4   peut se soustraire à cette responsabilité en disant qu'il n'a pas

  5   d'autorité sur les auteurs."

  6   Dans l'affaire du commandement supérieur, page 544, nous trouvons un autre

  7   exemple : 

  8   "… mais nous estimons aussi qu'en droit international humanitaire et dans

  9   le droit de la coutume il y a une responsabilité qu'on ne peut pas écarter

 10   ou ignorer en raison d'activités qu'a son propre Etat dans son secteur.

 11   C'est lui qui a l'instrument par lequel l'occupation existe. Puisque c'est

 12   son armée à lui qui détient sous son joug la zone. C'est sa puissance qui

 13   empêche le territoire occupé d'être réoccupé par les armées de la nation à

 14   laquelle appartenait au départ ce territoire."

 15   De l'avis de l'Accusation, ce texte s'applique tout particulièrement aux

 16   faits de l'espèce. Rappelez-vous ce que déclarait le général Praljak qui

 17   disait qu'il n'avait pas d'autorité, affirmation répétée par son conseil

 18   pendant la plaidoirie. Il n'a la responsabilité, a-t-on dit, que de la

 19   ligne de front. Mais en fait, le général, il détient ce territoire, et

 20   c'est parce qu'il détient ce territoire qu'ici en l'espèce bon nombre des

 21   crimes commis sur des civils ont pu être commis.

 22   Une dernière chose, regardez les éléments abondants à notre avis qui

 23   montrent que le général Petkovic et le général Praljak exerçaient

 24   véritablement un contrôle étendu sur ces territoires.

 25   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en résumé, l'Accusation affirme

 26   que les faits et le droit établissent que le général Petkovic et le général

 27   Praljak avaient cette autorité de commandants occupant ce territoire. Le

 28   général Praljak, par le truchement de son conseil, a dit que l'Accusation a


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  1   exigé trop de choses de la Chambre de première instance et que la Chambre

  2   ne doit pas céder à la pression exercée par l'Accusation pour faire avancer

  3   le droit dans ce sens; pages 52 447 et 48 de la semaine dernière.

  4   Nous ne demandons pas à l'Accusation --

  5   L'INTERPRÈTE : Le micro, s'il vous plaît.

  6   M. STRINGER : [interprétation] Nous ne demandons pas à la Chambre de

  7   repousser les limites du droit. Nous demandons à la Chambre de l'appliquer

  8   à la lettre, fidèlement.

  9   Que vous demande la Défense quand elle vous demande de ne pas emprunter

 10   cette voie ? Vous avez un groupe d'individus qui essaie de se découper un

 11   nouveau territoire autonome, partant de principes ethniques. Ils s'emparent

 12   du contrôle de ce territoire, d'abord sur le plan politique, ensuite sur le

 13   plan militaire. Ils remplacent les puissances publiques légitimes. Ils

 14   défendent ce territoire dans le cadre d'un conflit armé contre les forces

 15   armées légitimes de ce territoire. Des lois sont adoptées par dizaines. Il

 16   y a des rafles de civils qui sont détenus en mai 1993. On dit qu'on les met

 17   en prison pour garantir leur propre sécurité. Ils sont internés, ces hommes

 18   en âge de combattre qui sont des civils. Ils sont détenus dans des prisons,

 19   ils sont évacués pour être ensuite transférés, et il y a une expulsion

 20   d'une grosse partie de la population civile. On réquisitionne et on

 21   s'approprie des biens civils. On contrôle les routes. Est-ce que personne

 22   n'a pas la responsabilité de protéger les civils dans un tel endroit ?

 23   Aucun des accusés n'a pris de mesures. Alors, si ce n'étaient pas eux, qui

 24   pouvait le faire ?

 25   Lorsque la Défense vous dit de ne pas vous intéresser à la question

 26   du territoire occupé, la Défense veut que vous éludiez une question

 27   pourtant essentielle : qui avait la responsabilité de la protection des

 28   civils ?


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  1   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de l'avis de

  2   l'Accusation, le HVO était à même d'assurer le contrôle de protection sur

  3   ces endroits qui sont, à notre avis, des territoires occupés. Ces endroits

  4   sont précisés dans notre mémoire, les périodes aussi. Il existait un état

  5   d'occupation dans ces secteurs, et si vous appliquez les faits et le droit,

  6   vous le verrez. C'était un conflit armé international. Ce sont là les

  7   raisons, Messieurs les Juges, pour lesquelles, à notre avis, en dépit de ce

  8   qu'affirme la Défense, il y avait une situation d'occupation dans un

  9   conflit armé international. Et c'est un devoir qui incombe au général

 10   commandant à l'époque.

 11   Merci.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Stringer.

 13   Il nous reste encore 20 minutes avant la pause. M. Scott va commencer.

 14   M. SCOTT : [interprétation] Est-ce que nous pouvons utiliser le système

 15   Sanction.

 16   Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour au

 17   conseil de la Défense et à toutes les personnes ici présentes et les

 18   personnes qui nous aident dans notre travail.

 19   Je vais réagir à plusieurs éléments apportés par la Défense, mais il

 20   se dégage trois grands thèmes en filigrane de plusieurs des plaidoiries. Je

 21   vous donnerai des exemples au fur et à mesure.

 22   Un de ces grands moments c'est par rapport à ce qu'on pourrait qualifier,

 23   de façon générale, l'idée qu'il y a une mythologie de l'Herceg-Bosna qui

 24   s'est édifiée, qui s'est bâtie autour de l'Herceg-Bosna pour essayer de

 25   justifier, d'expliciter, pour essayer d'expliquer ce qui se passait en

 26   Herceg-Bosna, et ceci, à tort, à notre avis. C'est donc une mythologie

 27   politique de l'Herceg-Bosna.

 28   La première dimension de ce mythe est le sentiment répété qu'on a droit à


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  1   une présomption d'exactitude, de validité -- c'est que si les Croates

  2   disent quelque chose, si l'Herceg-Bosna avance quelque chose, du seul fait

  3   que c'est représenté, c'est juste. Il y a une présomption d'exactitude, de

  4   justice, et ça a le même poids, la même légitimité qu'une décision ou une

  5   politique pourtant légitime préparée par un organe reconnu.

  6   Par exemple, le 15 février, page du compte rendu page 52 250, c'est ce que

  7   disait Me Karnavas :

  8   "S'il y a des documents, peut-être qu'on les verra quand eux [les

  9   Musulmans] avaient aussi des aspirations, ils voulaient parvenir à la mer."

 10   Mais qu'est-ce qu'il y a comme prémisse qui sous-tend ceci ? C'est que les

 11   Musulmans n'avaient pas le droit d'accès à la mer en vertu du droit

 12   international, et ce n'est qu'une présomption. C'est que quelque part, les

 13   Croates et les Musulmans avaient le droit d'exclure l'Etat de Bosnie-

 14   Herzégovine de son propre territoire.

 15   Deuxième exemple, c'est Me Alaburic qui parle le 21 février. Là je n'ai que

 16   la référence de "Livenote", page du compte rendu 25 ce jour-là.

 17   Il y un fait incontesté, a-t-elle dit, en avril 1993, l'ABiH a agrandi le

 18   territoire qu'elle contrôlait. Si nous laissons tout à fait de côté la

 19   question de savoir qui a démarré le conflit, qui l'a déclenché, nous serons

 20   d'accord pour dire que l'ABiH s'emparait de nouveaux territoires et que la

 21   zone marquée en vert ici s'agrandit, alors que les parties en bleu, qui

 22   sont contrôlées par le HVO, rétrécissent.

 23   Une fois de plus, Me Alaburic présuppose, prend pour argent comptant, que

 24   quelque part, un territoire -- ce territoire, il appartenait à l'Herceg-

 25   Bosna, au HVO, mais ce n'était pas le cas. Pas un seul instant ce ne fut le

 26   cas. Chaque parcelle de territoire qu'elle nous a montrée, qu'elle soit en

 27   vert, en bleu ou en rose, chaque morceau de territoire appartenait à l'Etat

 28   souverain de Bosnie-Herzégovine reconnu internationalement. Il n'y a pas un


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  1   centimètre carré de ce territoire qui appartenait à l'Herceg-Bosna.

  2   Et c'est pour revenir à ce que disait M. Stringer, le lien qu'il faut faire

  3   avec celui d'occuper des territoires occupés. L'idée que l'ABiH regagnait,

  4   récupérait du territoire, s'emparait de nouveaux territoires, ça implique

  5   intrinsèquement que le HVO avait occupé du territoire et que c'était l'ABiH

  6   qui regagnait du territoire, territoire occupé par le HVO.

  7   C'était l'Herceg-Bosna, le HVO et l'Etat parrain, la Croatie, l'Etat qui

  8   contrôlait ce territoire, et c'est bien la raison pour laquelle l'ABiH

  9   devait "s'emparer" de ce qu'on appelle un nouveau territoire alors que

 10   c'est le sien.

 11   Mais je reviens à l'essentiel. Cette attitude, cette présomption de droit,

 12   cette présomption de validité, c'est quelque chose qui vient du ciel. Le

 13   Juge Trechsel l'a remarqué pendant la déposition de M. Petkovic le 11

 14   février 2010. Voici ce que disait le Juge Trechsel à l'époque :

 15   "Juge Trechsel : Monsieur Petkovic, à vous entendre, on a l'impression que

 16   c'est évident que les autorités soient croates, mais c'est peut-être là que

 17   se pose le problème que [inaudible], on veut établir un régime croate même

 18   si avant, par exemple à Stolac, il n'y avait pas de régime croate et même

 19   si, comme là, il y avait une majorité clairement musulmane dans la

 20   population."

 21   Attitude un peu corollaire, ce que j'appelle "l'exception croate", à savoir

 22   l'idée que "les règles qui s'appliquent à d'autres ne s'appliquent pas à

 23   nous. Nous, on peut faire ce qu'on veut, les autres pas." Et c'était répété

 24   pendant les plaidoiries. Pas de problème si les Croates collectent des

 25   fonds à l'étranger. Pas de problème si les Croates amènent des volontaires,

 26   alors qu'on les appelle "combattants étrangers" quand ce sont des

 27   Musulmans. Lorsqu'on a des combattants étrangers, il y en a qui viennent de

 28   Croatie, de la diaspora Croate, ces combattants étrangers. Mais on dit :


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  1   Pas problème, nous, on peut le faire, mais les Musulmans, eux, ils n'ont

  2   pas le droit de faire venir des "combattants étrangers".

  3   Pas de problème que le HVO insiste pour avoir une seule armée sous un seul

  4   commandement avec un seul commandant suprême en Herceg-Bosna, mais ce n'est

  5   pas bon si les autorités légitimes de Bosnie-Herzégovine peuvent faire la

  6   même chose.

  7   Troisième grand thème qu'on retrouve dans beaucoup des plaidoiries, ce sont

  8   des contradictions qu'on a vues en fonction de l'opinion du moment.

  9   Un exemple, voyez ce que dit la Défense à propos des autorités de Sarajevo

 10   en Bosnie-Herzégovine. D'un côté, on dit parfois que c'était là, en fait,

 11   un groupe passif qui ne fonctionnait pas, qui ne faisait rien et ne savait

 12   rien faire et qui ne pouvait pas tirer à vue. Ça, c'étaient les autorités

 13   de Bosnie-Herzégovine, nous dit-on d'un côté. Par ailleurs, quand ça

 14   arrange la Défense, elle dit autre chose, elle dit qu'ici c'était une

 15   structure hautement structurée, parfaitement synchronisée, qui dirigeait

 16   tout de Sarajevo et qui menaçait tous les Croates. Alors, c'est où la

 17   vérité ? Est-ce que c'est celui qui ne sait même pas tirer à vue, qui ne

 18   sait pas tenir son fusil, ou bien est-ce que c'est cette super structure

 19   qui est dirigée du sommet ?

 20   Autre exemple dans la même veine, on dit que Sarajevo était coupée. Quand

 21   ça les arrangeait, Sarajevo était isolée, mais à de maintes reprises, quand

 22   on n'a pas abordé directement la question, on pressentait des éléments qui

 23   montraient qu'en fait, il y avait de façon fréquente et régulière des

 24   communications, des moyens de transport vers Sarajevo et à partir de

 25   Sarajevo quand il le fallait. Un exemple précis, par exemple la question de

 26   logiciels financiers qu'il fallait à Sarajevo. Pas de problème, M. Tomic,

 27   pages du compte rendu d'audience 33 745 et 33 746, l'a dit : Pas de

 28   problème, il nous fallait ce logiciel. Comment l'avez-vous obtenu ? Eh


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  1   bien, c'est Sarajevo qui nous l'a envoyé.

  2   Voyez, il y a eu ici des prises de position, des contre-pieds, on a un peu

  3   fait la danse de Saint-Guy, des fluctuations quand ça arrangeait la

  4   Défense.

  5   Je reviendrai dans quelques instants de façon plus approfondie sur certains

  6   de ces arguments, mais revenons d'abord à ce qu'ont dit les avocats de M.

  7   Pusic, notamment Me Sahota, il a parlé de sa formation. Il a dit qu'il a eu

  8   une formation d'historien, et ce faisant, il a dit que vraiment, dans un

  9   procès tel que celui-ci, on ne devrait pas le juger ici, qu'en fait, c'est

 10   l'Histoire qui doit juger ces événements et que ces faits ne se prêtent pas

 11   à des décisions de justice et qu'un tribunal international ne devrait pas

 12   se saisir de ces questions.

 13   Nous ne sommes pas du tout d'accord. Ici, c'est un plaidoyer

 14   d'impunité. Revenons au bon vieux temps. Ici, maintenant, on ne peut pas

 15   juger responsable des chefs. C'est bien trop difficile, ce procès. On va

 16   plutôt faire des procès de gardiens de camps, de petits chefs du cru, mais

 17   on ne peut pas juger les plus hauts dirigeants. C'est trop compliqué. Ce

 18   sont de trop gros procès. Ça ne se prête pas à ce travail; autant garantir

 19   à de telles personnes l'impunité. Nous nous permettons de rejeter cet

 20   argument présenté par la Défense.

 21   Nous plaidons l'entreprise criminelle commune, un objectif, un dessein

 22   commun, et c'est parfaitement dans le droit fil de la jurisprudence et de

 23   la pratique du TPIY. Je n'ai pas le temps de donner lecture de tous ces

 24   éléments, mais j'ai parcouru ce week-end certains des jugements et des

 25   arrêts sur la question de l'entreprise criminelle commune. Un simple

 26   rappel, vous avez ces citations, jugement Krajisnik, paragraphe 1 089. Je

 27   vais vous donner quelques citations :

 28   "Les dirigeants Bosno-Serbes voulaient une recomposition ethnique des


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  1   territoires qu'ils contrôlaient en chassant les Musulmans et les Croates de

  2   Bosnie, réduisant ainsi de façon spectaculaire la proportion qui

  3   représentait la population."

  4   "Les Musulmans et les Croates devraient être chassés de nos municipalités

  5   jusqu'au moment où l'autorité serbe peut être mise en place et maintenue

  6   sur son propre territoire dans chacune de ces municipalités."

  7   La Chambre Krajisnik a déclaré prouvés ces faits.

  8   Jugement Martic, paragraphe 442. Je vous laisse le soin de parcourir ce

  9   libellé, mais vous verrez que c'est très semblable à notre acte

 10   d'accusation.

 11   "… l'expulsion forcée d'une majorité de Croates, de non-Serbes et de

 12   Musulmans sur un tiers du territoire de la République de Croatie et de

 13   grandes parties de la Bosnie-Herzégovine afin qu'ils fassent partie d'un

 14   nouvel Etat dominé par les Serbes."

 15   Martic, paragraphe 443. Jugement Martic, paragraphe 445. Je m'arrête un

 16   instant à la fin de ce paragraphe 445. La Chambre dit ceci : il a été

 17   prouvé de l'avis de la Chambre que :

 18   "… l'exécution de l'objectif politique visant à établir un territoire serbe

 19   unifié dans ces circonstances, mais pour cela, il fallait exclure par la

 20   force la population non serbe de la SAO de Krajina et du territoire de la

 21   RSK. La Chambre estime au-delà de tout doute raisonnable juger que

 22   l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune c'était la création

 23   d'un territoire ethniquement serbe en déplaçant la population croate et non

 24   serbe…"

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi d'interrompre pour que ce soit

 26   acté au dossier, parce qu'un observateur raisonnable se verra forcé de

 27   conclure que la Chambre permet à l'Accusation de présenter un nouveau

 28   réquisitoire et d'aborder des domaines qui sont étrangers et extérieurs à


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  1   celui de la réplique, c'est un abus de la procédure régulière, mais ici on

  2   se rapproche dangereusement d'un abus de la discrétion judiciaire. Merci.

  3   M. SCOTT : [interprétation] Mais je réponds par des exemples concrets à ce

  4   que disait Me Sahota. Qu'on disait qu'ici, l'entreprise criminelle commune

  5   c'était quelque chose de trop gros, trop énorme et que ça ne devrait pas

  6   être pratiqué par ce Tribunal. Je réponds de façon concrète à cet argument.

  7   Je pense que la Défense, avec tout le respect que je dois à mes confrères,

  8   a une interprétation trop stricte. De bonne foi, l'Accusation a présenté

  9   une esquisse des sujets qu'elle voulait aborder. Nous les avons énoncés,

 10   nous les avons énumérés, puis il y a eu une discussion. La Chambre a décidé

 11   de nous accorder trois heures. C'est en fonction de cette décision de la

 12   Chambre et en fonction des arguments que nous avons présentés jeudi, je

 13   pourrais les répéter, que M. Stringer et moi-même, depuis jeudi, nous

 14   travaillons d'arrache-pied nuit et jour pour faire cette présentation. Pas

 15   parce qu'on a rien d'autre à faire. On essaie de vous aider, Messieurs les

 16   Juges, dans votre travail.

 17   Nous pensons que ce sont des réponses justes et équitables aux arguments

 18   soulevés par la Défense. Nous ne savions pas -- lorsque nous sommes arrivés

 19   ici il y a trois semaines, nous ne savions pas quels seraient les sujets

 20   soulevés spécifiquement par la Défense, nous ne savions pas comment le

 21   temps de la Défense allait être utilisé. Est-ce que la Défense allait

 22   utiliser cinq heures pour revenir à ce qui était dit dans le mémoire ou

 23   est-ce qu'on allait axer sur autre chose ? On ne savait pas exactement.

 24   Voilà, c'est exactement ce que veut dire la Défense maintenant. On l'a su

 25   lorsque la Défense a présenté ses arguments. Il est donc juste de nous

 26   donner l'occasion de répondre à ces arguments, et vous avez rendu une

 27   décision jeudi dernier. Nous nous sommes préparés en conséquence, et tout

 28   ce que nous avons dit jusqu'à présent est une réponse concrète aux


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  1   arguments de la Défense, notamment les citations que je viens de faire, y

  2   compris en réponse à ce qu'a dit M. Sahota.

  3   Je pense que je dois avoir le droit de poursuivre, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez, mais référez-vous à chaque fois à ce qu'a

  5   dit la Défense lors des plaidoiries en citant la page du transcript.

  6   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je termine ma

  7   réponse à ce que disait Me Sahota, et je vais vous donner effectivement les

  8   citations. Mme Winner me rappelle que je dois apporter une correction. Dans

  9   le jugement Krajisnik, j'ai donné une mauvaise référence. J'ai parlé du

 10   paragraphe 1 089, mais ce que j'ai lu, c'était dans le paragraphe 1 090.

 11   Excusez-moi, j'avais cité le mauvais paragraphe.

 12   Je vous réfère aussi au jugement Milutinovic, volume 3, paragraphe 95; et

 13   ne serait-ce que la semaine dernière, nous avons eu le jugement Djordjevic,

 14   23 février 2011, paragraphes 2 000 et 2 130. Les constatations sont faites

 15   par la Chambre, les conclusions sont les mêmes et elles s'appliquent à

 16   l'entreprise criminelle commune et les faits ressemblent fort aux nôtres

 17   ici en l'espèce.

 18   Je pense que nous pourrons, avant la pause, répondre à ce que disait

 19   notamment Me Karnavas, plus précisément à la page du compte rendu 52 254 et

 20   à d'autres endroits nombreux, mais je vais vous donner cet exemple

 21   lorsqu'il a parlé de M. Thornberry, mais il voulait dire quelque chose de

 22   plus vaste que cela, et je pense que l'Accusation doit y réagir, et ceci

 23   s'intègre dans cette idée d'apporter la preuve de l'entreprise criminelle

 24   commune.

 25   Plusieurs équipes de la Défense l'ont fait, mais surtout Me Karnavas, ils

 26   ont attaqué de façon générale les témoins internationaux, ceux de la

 27   FORPRONU, de la MOCE, les observateurs militaires, et d'autres membres

 28   d'organisations internationales. Il a dit que soit ils n'étaient pas


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  1   informés ou qu'ils avaient été mal informés ou induits en erreur et qu'ils

  2   avaient tous été prédisposés à adopter tel ou tel objet précis, notamment

  3   que l'Herceg-Bosna faisait partie d'une idée plus vaste de la Grande-

  4   Croatie dirigée par Zagreb.

  5   Un exemple précis en réponse, et puisque vous me demandez des références de

  6   compte rendu, 52 254, M. Karnavas dit ceci :

  7   "M. Thornberry, lui, il est vraiment en début de chaîne alimentaire pour ce

  8   qui est de la FORPRONU et des affaires civiles. Il pensait que tout le

  9   monde savait, et c'était un fait bien connu, que les Croates essayaient de

 10   se découper un petit morceau de la Bosnie-Herzégovine. Mais si c'est ce que

 11   ces gens avaient en tête avant même d'arriver, c'est par ce prisme-là

 12   qu'ils ont visionné, qu'ils ont perçu les événements. Il y en a eu très peu

 13   qui ont pu aller plus loin que le bout de leur nez."

 14   Mais ce n'est pas que M. Thornberry qui a été ainsi jugé. Nous estimons que

 15   tous les arguments de la Défense se reposent sur une prémisse erronée, à

 16   savoir que les représentants internationaux n'étaient pas bien informés. En

 17   fait, à notre avis, les éléments de preuve apportés ici de façon hyper

 18   convaincante soutiennent, étayent l'idée que précisément, ils avaient

 19   raison, les observateurs internationaux, depuis 1992 à 1995, lorsqu'ils ont

 20   dit ce qui se passait, lorsqu'ils ont expliqué ce que voulait l'Herceg-

 21   Bosna, ce que c'était que cette idée de l'ordre du jour de M. Tudjman de la

 22   Grande-Croatie. Ce n'est pas induire les gens en erreur. Ils n'avaient pas

 23   tort; ils avaient raison, ces témoins. Je ne vais pas vous importuner par

 24   un examen de tout ce qu'ils vous ont dit, mais je vais donner les

 25   références que vous voulez et vous pourrez ainsi les relire.

 26   Tudjman l'a dit lui-même, souvent d'ailleurs. Prlic aussi souvent. Il

 27   y avait un plan qui était dirigé depuis Zagreb. Praljak l'a dit lorsqu'il

 28   déposait : "Nous voulions des frontières. Nous voulions un secteur croate


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  1   permanent avec des frontières." Boban : "Nous sommes en guerre pour avoir

  2   un territoire et des frontières." Akmadzic : "L'Herceg-Bosna avec des

  3   frontières."

  4   L'idée fondamentale qu'on voudrait vous faire passer, à savoir que

  5   les témoins internationaux "avaient tort". Non, non, ils étaient bien

  6   informés.

  7   Je pense que le moment se prête bien à la pause.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Il faut qu'on arrête. On va faire 20 minutes.

  9   --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

 10   --- L'audience est reprise à 10 heures 54.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'audience est reprise. La Chambre

 12   indique à l'Accusation qu'il lui reste exactement une heure 38. Une fois

 13   qu'on aura terminé la réplique, la Chambre demandera à chaque Défense quel

 14   est le temps qu'elle compte utiliser pour sa duplique. Eventuellement, elle

 15   peut aussi y renoncer. Par ailleurs, nous rappelons que Me Karnavas aura 15

 16   minutes puisqu'on lui avait dit qu'il pourrait faire part de son point de

 17   vue suite aux audiences de la semaine dernière. Et nous demanderons

 18   également, si les Défenses pourront nous l'indiquer, si les accusés ont

 19   l'intention de prendre la parole. Puisque, comme vous le savez,

 20   normalement, les accusés ont la parole en dernier. Et donc, il faudra me

 21   dire si X, Y ou Z veut intervenir pour dire quelques mots à la Chambre.

 22   Nous rappelons également à M. Scott de prendre un soin particulier à nous

 23   citer des références du transcript où telle ou telle Défense a dit telle ou

 24   telle chose. Voilà.

 25   Monsieur Scott, je vous donne la parole.

 26   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 27   Je vais maintenant passer rapidement à la question des témoins de

 28   l'Accusation. Les six Défenses ont passé une grande période de leurs


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  1   plaidoiries pour attaquer les témoins de l'Accusation, pratiquement tous,

  2   pour attaquer leur crédibilité. Si je vais répondre à tout le monde, j'en

  3   aurais pour plus de trois heures, mais je vais quand même vous donner

  4   quelques exemples juste pour rappeler à la Chambre, tout comme la Défense

  5   l'a fait, qu'il ne faut pas accepter ou prendre les plaidoiries ou

  6   réquisitoires comme pour argent comptant. Il faut surtout se référer aux

  7   faits.

  8   Donc j'ai deux exemples à vous donner. M. Karnavas a passé énormément

  9   de temps à attaquer les éléments de preuve du Dr Ribicic, qui était un

 10   témoin de l'Accusation, pages 52 241 et suite.

 11   Nous considérons que ce qu'a dit M. Karnavas n'est pas correct. En

 12   effet, le Dr Ribicic était d'abord un témoin 92 bis. L'on présentait son

 13   compte rendu et son rapport venant de l'affaire Kordic, et on ne lui a pas

 14   demandé de faire de travail supplémentaire, puisque c'est justement la

 15   nature même d'un témoin 92 bis. Nous l'avons présenté à la Chambre et nous

 16   avons demandé à la Chambre de prendre en compte les éléments de preuve du

 17   Dr Ribicic comme ce qu'avait présenté le témoin viva voce, M. Tomljanovich.

 18   Et contrairement à ce qu'a dit la Défense, le Dr Ribicic a, en effet,

 19   présenté un rapport d'expert tout à fait comme --  donc le Dr Ribicic était

 20   quand même un universitaire constitutionnel, un juge aussi de la cour

 21   constitutionnelle de Slovénie, et il a étudié toute la législation

 22   d'Herceg-Bosna, travaux que M. Karnavas devait faire. Donc les documents

 23   présentés n'ont pas changé, quand même. Ce n'était pas une nouvelle loi de

 24   l'Herceg-Bosna entre ce qu'il a présenté dans l'affaire Kordic et dans

 25   l'affaire Prlic, absolument pas. Il a examiné et pris en compte tous les

 26   documents qui existaient sur le HVO et l'Herceg-Bosna et a donné les

 27   conclusions dans son rapport, c'est tout.

 28   Donc je vous demande d'utiliser les éléments de preuve du Dr Ribicic


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  1   en tant que témoin 92 ter et les éléments de preuve aussi de M.

  2   Tomljanovich, qui a témoigné de façon viva voce. Nous pensons qu'il faut

  3   prendre cela dans son ensemble.

  4   Autre exemple, le témoin international, M. Pellnas, Bo Pellnas,

  5   l'observateur militaire suédois, officier de la FORPRONU. Un grand nombre

  6   d'accusés ont attaqué les éléments de preuve apportés par M. Pellnas, je ne

  7   sais pas pourquoi. Je tiens à vous dire ce qu'a dit M. Filipovic, qui était

  8   un témoin de la Défense qui a rencontré M. Pellnas. Il a dit, d'ailleurs, à

  9   la page 47 770 et 71. M. Filipovic a déclaré, sans qu'on le lui ait

 10   demandé, à propos de M. Pellnas, et là je le cite : "Pellnas était un

 11   véritable professionnel." Un véritable professionnel.

 12   Passons à la crédibilité, en revanche, des témoins de la Défense.

 13   L'Accusation a dû utiliser le peu de pages dont elle disposait et le peu de

 14   temps dont elle disposait de la meilleure façon possible, bien sûr. Et

 15   peut-être nous nous sommes un peu trompés lorsque nous avons décidé de

 16   répartir notre temps de la meilleure façon possible. Donc nous n'avons pas

 17   passé énormément de temps ou de nombreuses pages à évaluer la crédibilité

 18   des témoins de la Défense. On l'a fait pour certains, mais pas pour tous.

 19   La Chambre, bien sûr, devra faire ses propres évaluations à propos de

 20   la crédibilité de ces témoins et du poids éventuel,  éventuel je répète,

 21   qu'il convient de donner à leurs éléments de preuve. Et avec tout le

 22   respect que nous vous devons, l'Accusation fait valoir qu'il n'y a pas un

 23   seul témoin de la Défense qui n'a pas été récusé, ou affaibli au moins,

 24   voire contredit au cours du contre-interrogatoire.

 25   M. KHAN : [interprétation] Je suis désolé d'interrompre, Monsieur le

 26   Président. J'ai essayé de rester tranquille pendant cette réplique. Mais à

 27   de nombreuses reprises, vous avez enjoint l'Accusation à être très précise.

 28   Or, malgré ces recommandations, ces consignes, mon éminant confrère essaie


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  1   à nouveau de faire des déclarations très générales. Il embrasse très large

  2   et il utilise un peu un couteau de boucher en ce qui concerne la réplique,

  3   alors qu'il ferait mieux d'utiliser un scalpel plutôt qu'une hache. Donc je

  4   vous demande -- pour la Défense Stojic, par exemple, tout ce que nous avons

  5   dit se retrouve dans notre mémoire en clôture, et si l'Accusation, à un

  6   moment ou un autre, tient à parler de M. Stojic, nous serons très stricts,

  7   parce que mis à part tout ce qui a trait à la peine, tout est dans notre

  8   mémoire en clôture.

  9   Mon éminent confrère M. Stringer a parlé de tout cela, de l'affaire

 10   Martinovic aussi, en ce qui concerne l'occupation en territoire occupé.

 11   Bien sûr, l'Accusation va utiliser cette affaire lorsque l'on parle de la

 12   jurisprudence du Juge Liu, et j'y ai fait référence d'ailleurs pendant le

 13   week-end. La réplique ce n'est pas ici pour renforcer la thèse présentée

 14   par l'Accusation, or c'est justement ce que l'Accusation semble faire.

 15   Donc je vous demande, Messieurs les Juges, plutôt que d'énoncer les

 16   platitudes ou des assertions extrêmement générales, demandez à l'Accusation

 17   d'être très précise et de reprendre tout ce qui a été présenté par la

 18   Défense en ce qui concerne leurs témoins, parce que comme j'ai dit

 19   précédemment, tout se trouve dans notre mémoire en clôture en ce qui

 20   concerne la crédibilité de nos témoins. Et donc l'Accusation ne peut rien

 21   dire à propos de M. Stojic qui légitimerait le fait d'être une réplique.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Il est exact, la Défense a cité des témoins à elle.

 23   Il y a au hasard, j'en cite deux, il y en a d'autres, Skender, Andabak et

 24   il y en a d'autres. Alors, comme vous abordez cette question, dans la

 25   mesure du possible, dites-nous : Le témoin X, telle page, la Défense a

 26   parlé de lui. Et vous, vous dites : Pour moi, Procureur, sa crédibilité est

 27   égale à zéro. Voilà. Mais indiquez les références exactes pour qu'on puisse

 28   vérifier, car comme vous le savez, les Juges ont pris des notes, ils vont


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  1   étudier le transcript. Donc indiquez exactement pour nous aider la page où

  2   vous critiquez tel témoin de la Défense, puisque, comme vous l'avez dit à

  3   juste titre, il incombera à la Chambre de déterminer la valeur accordée au

  4   témoignage des témoins de la Défense.

  5   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'étais sur le

  6   point de donner quelques exemples, mais en quelques mots, il m'est

  7   impossible de répondre à tout le monde. Je vous demande simplement et je

  8   vous rappelle, Messieurs les Juges, qu'effectivement, la crédibilité de

  9   tous les témoins à charge ou à décharge devrait être soupesée avec les plus

 10   grands soins en fonction de leurs dires. Rappelez-vous, il y a eu plusieurs

 11   cas -- par exemple, il y a eu quelques témoins à décharge qui sont venus à

 12   la barre. Il y en a un qui a dit qu'il n'y a pas eu des crimes d'Oustashi

 13   pendant la deuxième guerre mondiale, que Jasenovac n'existait pas et qu'il

 14   fallait minimiser ceci.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas,

 16   allais-je dire -- Monsieur Scott. Vous croyez qu'il faut que vous rappeliez

 17   aux Juges qu'ils doivent avoir regardé d'un œil critique la crédibilité de

 18   chaque témoin ? Je pense que c'est une lapalissade, c'est tellement

 19   évident. Je ne pense pas qu'au moment de la réplique il est nécessaire

 20   d'aborder ce genre de généralités, de platitudes et dire aux Juges comment

 21   ils doivent faire leur travail.

 22   M. SCOTT : [interprétation] Je ne voulais surtout pas vous donner de leçon.

 23   Je suis tout à fait d'accord avec vous, Monsieur le Juge Trechsel, mais je

 24   n'ai pas l'intention de le faire ici. Je ne voudrais pas ici vous donner de

 25   leçon, il n'y a pas lieu d'en faire. J'aurais voulu simplement prendre une

 26   minute pour rappeler que la Défense vous a imploré de le faire, et elle a

 27   parlé longuement de la crédibilité de témoins à charge. Moi, je voulais

 28   simplement, en passant, faire une référence, comme vous venez de le dire,


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  1   Monsieur le Juge Trechsel, ce qui vaut pour la Défense vaut pour

  2   l'Accusation aussi.

  3   C'est parce qu'il y a eu une réponse aussi, des allégations, des

  4   affirmations proférées ici pour dire que l'Accusation avait attaqué tous

  5   les témoins croates. Et la Défense a voulu vous faire croire que c'était là

  6   quelque chose que nous aurions fait. Jamais, jamais nous ne l'avons fait.

  7   D'ailleurs, l'Accusation renvoyait ou fait référence à plusieurs Croates

  8   modérés, dont Kljuic, Brkic, Pelivan, Markesic, Komsic, l'archevêque

  9   catholique Vinko Puljic de Sarajevo. Jamais l'Accusation, or c'est ce

 10   qu'affirme la Défense, l'Accusation vous dit de ne prêter foi à aucuns

 11   dires de Croates. Non, non, pas du tout.

 12   Pour ce qui est des initiés du HVO d'Herceg-Bosna, et là je reprends

 13   les mots mêmes de Me Sahota, il vous a dit : Vous savez, il y a certains

 14   témoins qui "veulent se venger". C'est vrai, il y a beaucoup de témoins qui

 15   sont venus et qui occupaient des postes de responsabilité dans le HVO de

 16   l'Herceg-Bosna, et eux, effectivement, aussi, ils cherchaient leur

 17   revanche.

 18   Je dois apporter une correction. Effectivement, comme vous l'a dit Me

 19   Alaburic, si nous avons fait une erreur, nous l'aurons accepté. Nous le

 20   reconnaissons, il y en avait s'agissant de Me Alaburic, effectivement. Au

 21   paragraphe 937 de notre mémoire en clôture concernant M. Petkovic, nous

 22   avons cité dans la note de bas de page 2 086 la pièce P 05308, et nous

 23   aurions dû citer la pièce    P 02950, qui concerne le même sujet qui est

 24   mentionné ailleurs dans le mémoire. Parce que ce sont deux documents qui se

 25   ressemblent à bien des égards, et comme on les a souvent cités, il y a eu

 26   une permutation dans les cotes. Mais à la note de bas de page 2 086, la

 27   citation devait être, non pas P 05308, même si la pièce P 02950 est exacte.

 28   M. Petkovic était parfaitement averti, parce qu'il y avait eu ce


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  1   rapport du CICR avant l'ordre qu'il donne pour que des travaux forcés

  2   soient effectués, ordre donné en juillet 1993.

  3   Je voudrais réagir à ce qu'a dit Me Karnavas aux pages du compte

  4   rendu 52 266 à 268 pour ce qui est de la légitimité de la présidence de

  5   Bosnie-Herzégovine et de M. Izetbegovic. Il consacre plusieurs pages à ce

  6   sujet. Il commence au début de la période et poursuit cet examen jusqu'à la

  7   troisième élection de M. Izetbegovic; donc des élections en 1990 jusqu'à

  8   son troisième mandat.

  9   Je vais essayer ici d'être plus succinct que ce que j'avais prévu. Vous

 10   allez examiner le dossier et vous verrez bon nombre de témoignages,

 11   notamment de témoins à décharge, qui montreront que la présidence de

 12   Bosnie-Herzégovine et le rôle qu'a joué M. Izetbegovic en présidence

 13   étaient une situation parfaitement légale, valable, légitime, en tout cas à

 14   partir des élections de décembre, la formation du premier gouvernement, et

 15   ce, jusqu'à, au moins, la fin de 1993. Je vais m'aventurer à dire ceci, car

 16   vous verrez lors de l'examen du dossier, je suis certain que vous verrez

 17   qu'en dépit de tout ce qui a été dit dans le sens contraire, ce que les

 18   témoins et les documents ont dit en l'espèce est que la présidence était

 19   une entité parfaitement légitime pendant toute cette période. M. Akmadzic,

 20   qui était pourtant un initié du premier cercle, qui était un homme qui, au

 21   départ, n'avait pas de poste politique, et puis qui est devenu premier

 22   ministre, il a suivi de très près ces événements. C'était quand même un des

 23   premiers témoins de l'Herceg-Bosna appelés par la Défense. Et il a dit --

 24   c'est moi qui l'ai contre-interrogé. On a parcouru cette période de 1990 à

 25   1992 et 1993.

 26   "Monsieur Akmadzic," je lui ai dit, "est-ce que je vous comprends

 27   bien; vous dites que pendant cette période, la présidence était légitime ?"

 28   La réponse d'Akmadzic : "Oui."


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  1   Question : "Et en 1992 ?"

  2   Réponse : "Oui."

  3   Nous allons parcourir la diapo rapidement. Vous aurez des citations. Vous

  4   avez la déposition de M. Akmadzic. Je ne vais pas vous faire de citations

  5   de témoignage -- mais un autre témoin important à cet égard c'est le Témoin

  6   1DAA. Je ne vais pas citer ce qu'il a dit, mais si vous examinez la

  7   déposition d'Akmadzic sur ce point ainsi que celle du Témoin 1DAA, vous

  8   constaterez que tout est limpide.

  9   Par exemple, il est incontestable que l'élection de M. Izetbegovic était

 10   parfaitement légale et valable. Il a été élu de décembre 1990 à décembre

 11   1991.

 12   J'aurais dû le faire avant de me perdre. Je vais revenir à une frise

 13   historique, si vous voulez, parce que nous sommes en 1991, 6 octobre, et

 14   pendant les plaidoiries, on l'a dit plusieurs fois, mais surtout Me Khan à

 15   la page 52 309. Voilà. M. Izetbegovic a dit : Ce n'est pas notre guerre à

 16   nous. Mais je voudrais --

 17   M. KHAN : [interprétation] Excusez-moi. Objection. Je dois faire objection,

 18   parce que manifestement, ici, ça ne pourrait pas être plus clair. Ça, nous

 19   le disons dans notre mémoire en clôture. Et dans l'ordonnance portant le

 20   calendrier, il est dit à l'Accusation qu'elle doit répondre à ce que nous

 21   disons dans notre mémoire en clôture. Ce n'est pas le moment de le faire.

 22   Elle ne peut pas maintenant revenir à la charge parce qu'elle n'a pas bien

 23   fait la première fois, simplement parce que nous, nous avons mis en exergue

 24   certains éléments qui posaient problème à l'Accusation et qu'elle essaie de

 25   réparer maintenant. Est-ce que M. Scott peut cesser de revenir à la charge

 26   et de refaire un réquisitoire sous le déguisement, sous le truchement d'une

 27   réplique ?

 28   M. SCOTT : [interprétation] Mais non, pas du tout. Pas du tout, parce que


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  1   si c'était dans le mémoire en clôture de la Défense, et si l'Accusation n'a

  2   pas abordé ce point dans son réquisitoire, parce qu'elle a commencé quand

  3   même, c'est elle qui a commencé, pourquoi est-ce que la Défense n'en a pas

  4   parlé dans ses plaidoiries ? Parce que c'est la même logique qui s'applique

  5   ici, à mon avis. Et effectivement, lorsqu'il y a une réaction,

  6   effectivement lorsqu'on insiste sur un point, si la Défense insiste sur un

  7   point, vous savez, nous n'avions que 400 pages et pas 1 200. Si

  8   l'Accusation décide d'en parler pendant ses plaidoiries, pourquoi est-ce

  9   que nous ne pouvons pas réagir ? Ce n'est pas juste. On ne peut pas

 10   interdire l'Accusation de réagir de cette façon. Je ne vois pas ce qu'il y

 11   a d'inéquitable dans tout cela.

 12   M. KHAN : [interprétation] Sauf le plus grand respect --

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, nous vous rappelons qu'il faut que

 16   vous disiez exactement ce qu'a dit, lors de la plaidoirie orale, la Défense

 17   sur tel ou tel sujet. Et puis, vous pouvez dire dans la réplique que vous

 18   n'êtes pas d'accord, et vous expliquez pourquoi de votre point de vue vous

 19   n'êtes pas d'accord, mais basez-vous sur ce qu'ils ont dit à l'oral.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Permettez-moi d'ajouter une chose.

 21   Je pense que Me Khan a tout à fait raison. Il interprète parfaitement bien

 22   la décision de la Chambre. La réplique sert à répondre à des questions

 23   soulevées à l'audience, pas à des questions qui se trouvent dans le mémoire

 24   en clôture, parce que cette opportunité-là de répondre aux arguments écrits

 25   est limitée, mais elle vous a été donnée avant. Vous deviez le faire au

 26   moment de votre réquisitoire. Concentrez-vous, s'il vous plaît, sur les

 27   points qui étaient soulevés à l'audience, mais qui n'étaient pas déjà dans

 28   le mémoire en clôture de la Défense.


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  1   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci, Monsieur

  2   le Juge. Je vais essayer de faire une sélection compte tenu de vos

  3   instructions. Je vous l'ai dit, nous avons préparé cette présentation

  4   partant de la décision que vous avez rendue jeudi dernier et nous pensions

  5   que cette réponse serait jugée équitable, mais je vais essayer ici de

  6   caviarder mon texte au fur et à mesure.

  7   Je voudrais vous rappeler ce qui a été dit à propos de cette déclaration.

  8   Je parle de la déclaration de M. Anton Tus, pièce       P 10462, un Croate

  9   occupant un poste de responsabilité qui montre clairement qu'en fait, la

 10   déclaration a été tout à fait déformée.

 11   Je vous avais dit que je voulais revenir à la présidence après cette

 12   question-là avant de m'en être écarté. C'est clair, il y a eu élection

 13   légitime pour un deuxième mandant de M. Izetbegovic. Ça a été confirmé par

 14   M. Akmadzic, compte rendu d'audience 29 473 et 74.

 15   Les événements continuent. La situation évolue. On arrive en avril 1992,

 16   déclaration de guerre imminente. A ce moment-là, il y avait dans la

 17   présidence le président, M. Izetbegovic; M. Kljuic; M. Boras; et M. Ganic.

 18   Vers cette période, bien entendu, les membres serbes, Koljevic et Plavsic,

 19   étaient déjà partis parce que la guerre avait, disons, éclaté avec les

 20   Serbes, et il s'agissait de remplacer ces membres serbes. Mais dans la

 21   présidence à l'époque, parce que c'était une présidence élargie, elle

 22   permettait d'avoir les membres ordinaires, mais aussi en plus le président

 23   de l'assemblée, le premier ministre et le chef militaire des forces armées

 24   de la BiH. Donc, à l'époque, M. Pelivan, premier ministre croate; le

 25   ministre de la Défense, M. Doko, Jerko Doko, un Croate; et puis, vient le

 26   chef militaire des forces armées de l'ABiH. Aucun litige, aucune

 27   contestation à cet égard.

 28   Excusez-moi, j'essaie d'élaguer au fur et à mesure.

 


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  1   Donc il y avait cette présidence, M. Akmadzic a dit. Mais à ce moment-là,

  2   je lui pose la question, je lui demande : Est-ce qu'elle était encore

  3   légitime, cette présidence ? Il répond par l'affirmative. Il en parle à

  4   plusieurs endroits, notamment à la page 29 638 et 29 641 du compte rendu

  5   d'audience.

  6   Je veux parler d'un témoin protégé; pouvons-nous passer quelques instants à

  7   huis clos partiel.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame le Greffier, huis clos --

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 10   Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 11   [Audience à huis clos partiel]

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  6   [Audience publique]

  7   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  8   Donc l'Accusation demande à la Chambre de se pencher sur les éléments de

  9   preuve apportés par M. Akmadzic, les éléments de preuve apportés par M.

 10   Okun aussi. Le document P 00829. En bref, tous ces éléments de preuve vont

 11   dans le même sens, un accord a été conclu à la fin 1992 par Tudjman et

 12   Boban pour dire O.K., qu'Izetbegovic fasse un nouveau mandat. Il y a des

 13   notes, d'ailleurs, qui datent de l'époque et qui montrent bien quel est cet

 14   accord, et on le trouve dans les notes de M. Okun aussi. Voici ce qu'a dit

 15   Okun : Tudjman a dit qu'il allait recommander à Boban de laisser

 16   Izetbegovic faire un autre mandat, mais nous savions tous exactement ce que

 17   cela voulait dire. Parce qu'il utilisait "Je recommandais à Boban", on

 18   savait exactement ce que cela voulait dire. Ça veut dire : J'ai donné des

 19   instructions à Boban à ce propos. Vous trouverez ça à la page 16 717 du

 20   témoignage de M. Okun.

 21   Et finalement, en ce qui concerne ces événements, la présidence de la BiH

 22   et le rôle d'Izetbegovic en tant que président étaient parfaitement valides

 23   et légitimes à partir de décembre 1990 au moins jusqu'à la fin 1993. Et

 24   donc c'est la période pertinente en ce qui concerne notre acte d'accusation

 25   en l'espèce.

 26   Je vais maintenant passer à un argument soulevé par la Défense selon

 27   lequel, au cours du printemps 1992, la Défense voulait vous faire croire

 28   que la branche militaire du HVO était la seule force militaire existante

 


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  1   pour combattre les Serbes et que l'Herceg-Bosna et le HVO ont dû

  2   s'organiser, ils ont bien été obligés de le faire, parce que d'après la

  3   Défense, les autorités de la BiH restaient les bras croisés à ne rien

  4   faire. Donc ceci a été déclaré le 17 février par M. Kovacic, et je n'ai que

  5   page 83 du compte rendu de ce jour, donc du 17 février. Me Khan aussi, page

  6   52 309, où il déclare : Mais pourquoi est-ce que la Bosnie-Herzégovine

  7   existe aujourd'hui ? Quelle était donc cette cavalerie, cette théorie qui

  8   était censée venir à la rescousse des populations de Bosnie-Herzégovine, et

  9   cetera, et cetera. Me Nozica aussi en a parlé en pages 16 [comme

 10   interprété], 27 et 28 du compte rendu du 16 février. Cela revient sans

 11   cesse.

 12   En réponse, nous considérons qu'ils se basaient sur des prémisses

 13   parfaitement fausses.

 14   M. KHAN : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre à nouveau,

 15   mais ceci est traité dans notre mémoire en clôture à de nombreuses

 16   reprises, et je vais vous donner un exemple. Regardez le chapitre 2.3.2,

 17   nous avons parlé de cette assistance et de l'importance qu'elle avait.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre insiste à nouveau sur le fait de faire

 19   une référence à ce qui a été dit à l'oral, pas dans les écrits.

 20   M. SCOTT : [interprétation] Mais c'est ce que je viens de faire, Monsieur

 21   le Président. Je vous donne les références aux plaidoiries -- aux pages de

 22   la plaidoirie, au compte rendu. Je peux le faire à nouveau d'ailleurs.

 23   M. KHAN : [interprétation] Oui, mais cela montre bien l'erreur dans

 24   laquelle s'enferme l'Accusation. A de nombreuses reprises, l'Accusation a

 25   essayé, mais ils se sont trompés. En fait, en réponse aux deux

 26   interventions que j'ai faites jusqu'à présent, l'Accusation a toujours dit

 27   : Mais écoutez, nous n'avons pas eu assez de pages pour nous exprimer.

 28   Enfin, non, n'exagérons rien. C'est inacceptable, parce que ce n'est pas à


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  1   prendre en compte. Me Kovacic l'a bien dit d'ailleurs. Ces points ont déjà

  2   été adjugés.

  3   Donc, pour ce qui est maintenant de la jurisprudence dont il a parlé

  4   jeudi, l'affaire Halilovic et l'affaire Naletilic, la jurisprudence est

  5   extrêmement claire. Et par le biais de vos juristes d'ailleurs, vous avez

  6   bien dit à l'Accusation qu'il fallait être très disciplinée, qu'elle se

  7   limite aux points qui n'avaient pas été soulevés, en tout cas dans le cadre

  8   des mémoires en clôture de la Défense. Et je tiens à dire, et je maintiens

  9   d'ailleurs, qu'à moins qu'un fait arrive comme ça, de façon inattendue, ils

 10   n'ont pas le droit de faire de nouvelles répliques ou de faire un

 11   rédhibitoire, en fait, en se dissimulant derrière une éventuelle réplique.

 12   Ils n'ont pas le droit de faire ça. Et donc, là, ils énoncent des

 13   platitudes en utilisant la réplique, en se dissimulant sous la réplique. Et

 14   donc nous avons parlé de cette assistance donnée par la Croatie dans notre

 15   mémoire en clôture. Cela revient sans cesse, d'ailleurs. Donc ils ne

 16   peuvent pas dire que l'époque Stojic vient tout d'un coup de sortir -- n'a

 17   pas été parfaitement cohérente à ce propos. Et il convient vraiment de

 18   recommander et de dire à nouveau à l'Accusation de faire une réplique en

 19   bonne et due forme. Vous avez été très généreux, vous lui avez donné trois

 20   heures supplémentaires, mais ça ne suffit pas, ils n'ont pas le droit de se

 21   servir de ces trois heures n'importe comment.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, essayez d'utiliser le temps

 23   qui vous reste de manière efficace. La Chambre pense que tous les avocats,

 24   qu'ils soient de l'Accusation ou de la Défense, essaient à leur niveau

 25   d'aider la Chambre. Donc essayez d'être efficace dans cette aide.

 26   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie. Je vais essayer de me livrer

 27   à cet exercice, mais j'ai peu de temps. Depuis deux semaines, l'Accusation

 28   a été insultée, on nous dit qu'elle manque d'éthique, elle n'a aucune


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  1   déontologie, et cetera. Ça revient sans cesse. On parle de sournois. On

  2   nous dit qu'on a déformé les éléments de preuve, mais il se peut qu'il y

  3   ait eu des désaccords, mais on n'arrête pas de nous insulter, de nous

  4   traiter -- et de nous insulter. Et maintenant, Me Khan vient de m'accuser

  5   de mauvaise foi, mais nous ne sommes pas d'accord, nous ne sommes pas de

  6   mauvaise foi.

  7   Nous essayons absolument de vous aider, Messieurs les Juges. Nous

  8   n'essayons pas d'utiliser la procédure, de tirer la couverture à nous,

  9   absolument pas. Donc nous avons été extrêmement clairs, nous considérons

 10   que nous utilisons parfaitement ce qui nous est autorisé au titre de la

 11   réplique. Et nous considérons que jusqu'à présent tout ce que vous -- nous

 12   avons des règles qui sont très contraignants, mais nous restons dans ces

 13   règles. Pourtant, elles sont extrêmement contraignantes.

 14   Alors, les conseils disent ils n'ont pas pu répondre, mais on a un

 15   tiers de leurs pages, en fait, on en a eu un tiers de leur temps. Ils

 16   avaient 1 200 pages pour soulever leurs arguments; nous n'avions que 400

 17   pages. Ils avaient 30 heures, et nous uniquement 15 heures. Donc nous

 18   considérons qu'il est juste normal qu'on ait un petit peu de temps. On n'a

 19   que trois heures finalement. On n'a pas demandé trois jours. On a trois

 20   heures. Trois heures pour répliquer à différents points qui ont été

 21   soulevés dans le cadre des plaidoiries. Nous considérons que c'est

 22   parfaitement juste, que c'est correct, que c'est tout à fait normal, et

 23   nous n'acceptons pas les insinuations de la Défense selon lesquelles nous

 24   sommes sournois et nous essayons de tirer la couverture à nous, absolument

 25   pas. Si la Chambre de première instance considère que ce que nous faisons

 26   n'est pas utile, nous nous asseyons, c'est tout. Mais si vous considérez

 27   que ce que nous apportons est utile, nous voulons poursuivre parce que nous

 28   sommes là pour aider la Chambre. Nous, nous considérons qu'il y a des


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  1   points que nous n'avons pas pu traiter correctement, et nous voulons vous

  2   aider pour comprendre un peu quels sont les éléments de preuve. Nous

  3   essayons de vous aider, de vous apporter le plus d'aide possible. Si vous

  4   n'avez pas besoin de notre aide, si vous n'en voulez pas, très bien, dites-

  5   le-nous. Nous sommes entre vos mains.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Scott, nous sommes très

  7   reconnaissants d'entendre tout cela, certes. Mais si on autorisait tout le

  8   monde à aider la Chambre jusqu'à ce qu'ils aient totalement épuisé leurs

  9   moyens, on en aurait encore pour un an. On entendrait des plaidoiries et

 10   des réquisitoires pendant encore un an, et il faut quand même que ça

 11   s'arrête à un moment ou un autre. Donc je suis un peu d'accord avec Me Khan

 12   sur ce point. Le règlement de cette étape du jeu est la suivante : il faut

 13   que vous répondiez aux points soulevés qui n'ont pas été soulevés dans les

 14   mémoires en clôture écrits, mais qui ont été présentés uniquement de façon

 15   orale dans les plaidoiries. C'est tout.

 16   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge Trechsel, et

 17   je vais garder cela à l'esprit. Mais sachez que nous ne voulons absolument

 18   pas que cette procédure dure éternellement. On a trois heures. D'accord,

 19   trois heures, ça nous suffit. Donc on a encore une heure et quelques. Rien

 20   de plus. Ne vous inquiétez pas, on ne va pas occuper le terrain pendant

 21   encore des jours. Il n'est pas juste de dire que l'on s'acharne et que l'on

 22   veut que cela continue pendant des jours.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai bien compris.

 24   M. SCOTT : [interprétation] Donc nous avons essayé d'être très sélectifs

 25   pour vraiment vous présenter les points qui pourraient vous aider,

 26   Messieurs les Juges.

 27   Je vais quand même conclure ce point. Donc il suffit, pour ce point

 28   d'ailleurs, de se pencher sur les éléments de preuve apportés par M.


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  1   Petkovic et M. Filipovic. Ils sont venus vous dire sous serment qu'il n'y

  2   avait pas, en fait, de branche militaire du HVO en avril. Ils sont arrivés

  3   et il n'y avait pas d'armée. Il n'y avait pas de branche armée, ni quoi que

  4   ce soit. Ils ont tout organisé, et ils vous ont dit d'ailleurs qu'à

  5   l'époque, l'ABiH est exactement dans la même situation. Donc le HVO n'avait

  6   pas vraiment d'avantage, puisqu'ils ont dit que l'ABiH était, en fait, plus

  7   importante, avait plus d'effectifs, et cetera. Donc, si vous étudiez ce

  8   qu'ont dit Petkovic et Filipovic, ils voudraient vous faire croire que le

  9   HVO était en avance et que c'est pour cela qu'ils ont dû rejoindre le HVO

 10   plutôt que l'autre armée. Mais ce n'est absolument pas le cas.

 11   En cours des plaidoiries, Me Kovacic a dit le 17 février, page 86 du compte

 12   rendu du jour, toujours à propos du fait que la branche militaire du HVO

 13   faisait partie légitime des forces de l'ABiH. Bien entendu, nous ne sommes

 14   pas d'accord sur ce point, c'est évident. Donc veuillez, s'il vous plaît,

 15   me permettre d'y répondre quand même. Ici, ce qui est essentiel, c'est ce

 16   qu'a dit Izetbegovic lors de la réunion du 21 juillet 1992, pièce P 00336,

 17   page 60. Izetbegovic a été très clair. D'un côté, il rejette totalement

 18   l'Herceg-Bosna. N'acceptons pas l'Herceg-Bosna. Nous ne l'accepterons

 19   jamais. Mais il dit : la branche militaire du HVO est "non seulement

 20   acceptable, mais aussi nécessaire et même désirable," c'est-à-dire si vous

 21   voulez rejoindre nos forces, soyez les bienvenues, mais il faut que vous

 22   faisiez partie de la même force armée.

 23   Alors, je vais être très clair ici, l'Accusation est d'accord avec ce qui

 24   est dit. Mais les éléments de preuve montrent bien lorsque l'on voie les PV

 25   des réunions, et cetera, on voit bien qu'Izetbegovic et la présidence de la

 26   BiH essayait sans cesse de faire venir le HVO pour qu'il rejoigne leurs

 27   rangs. Soyez les bienvenues, mais si vous vous rejoignez, nous serons une

 28   seule armée. Donc on ne peut pas avoir -- mais eux, ils disaient non, on


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  1   veut un commandant suprême Boban. Mais on veut vous rejoindre sans être

  2   sous le même commandant. Non, c'est ça le problème, en fait. Je tiens à

  3   attirer votre attention sur la pièce P 00336 à ce propos.

  4   Parlons des MTS. Tout le monde en a parlé. Me Khan le 15 février, Me

  5   Karnavas, Me Nozica.

  6   M. KHAN : [interprétation] J'ai été très prudent, mais je voudrais à

  7   nouveau la parole. Je connais bien la jurisprudence de ce Tribunal, donc

  8   cette jurisprudence de 2002. C'est quand même ancien, même avant les

  9   clarifications faites par les Juges de la Chambre ce jour, et hier

 10   d'ailleurs, en ce qui concerne l'équité, bien sûr, chaque partie à sa

 11   propre opinion, c'est normal, mais cela n'a aucune pertinence à l'heure

 12   actuelle. C'est vous qui êtes en charge de l'équité, ce n'est pas nous. En

 13   ce qui concerne les MTS, je répète, nous en avons parlé à l'envie dans

 14   notre mémoire en clôture. Par exemple, aux paragraphes 37, 38, et ça

 15   poursuit, la liste s'allonge. L'on en a parlé énormément dans notre mémoire

 16   en clôture. A nouveau, je vous demande de vous référer au paragraphe 2.3.2,

 17   où on parle encore des MTS.

 18   Donc l'Accusation n'a aucune base pour en parler aujourd'hui. C'est trop

 19   facile pour mon éminent confrère de dire que je me trompe, mais il faudrait

 20   que l'Accusation montre quel est le nouveau point qui aurait été soulevé

 21   dans notre plaidoirie oralement et qui n'aurait pas été inclus dans notre

 22   mémoire en clôture. Ils sont à dire, l'équipe Stojic a dit ceci. Me Khan a

 23   dit ceci lors de sa plaidoirie. Mais s'ils n'étayent pas leurs propos, il

 24   faudrait qu'ils arrivent à trouver un point que nous avons soulevé dans la

 25   plaidoirie qui n'était pas dans le mémoire en clôture. Mais ils ne le font

 26   pas. Ils ne le font pas. Pourtant, on leur a demandé à donner instruction.

 27   A de nombreuses reprises, ils continuent, ils s'acharnent à répéter la même

 28   chose, et ils continuent à répéter ce qu'ils ont déjà dit lors de leurs


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  1   propres liminaires d'ailleurs, et nous considérons que le problème ce n'est

  2   pas qu'ils n'ont que trois heures, absolument pas. Le problème c'est de

  3   savoir si les arguments soulevés par M. Scott sont bien couverts par la

  4   réplique, ou si délibérément, voire peut-être par inadvertance, il essaie

  5   juste de continuer son réquisitoire. Donc je tiens vraiment à vous demander

  6   d'enjoindre l'Accusation à présenter des arguments précis.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

  8   M. KOVACIC : [interprétation] Une chose. En ce qui concerne les MTS,

  9   puisque mon éminent confrère veut parler du MTS, sachez que même dans les

 10   mémoires préalables au procès, nous avons parlé du MTS. Cela a été discuté

 11   lors du procès et cela a été repris dans le mémoire en clôture. C'est rien

 12   de nouveau. Il n'y a absolument rien de nouveau qui a été soulevé à propos

 13   des MTS au cours des plaidoiries. Rien.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Monsieur Scott, le sujet MTS, on y a passé,

 15   j'allais dire, des centaines d'heures. Alors, ce qui intéresse, comme l'a

 16   dit Me Khan, c'est les éléments nouveaux lors des plaidoiries orales sur

 17   les MTS, qui amèneraient pour le Procureur veuille donner une réponse à

 18   cette argumentation qui est apparue lors des plaidoiries orales, pas à une

 19   argumentation dans les écritures que tout le monde connaît.

 20   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

 21   vais donc ne pas m'appesantir sur le sujet. Je ne peux pas vous donner de

 22   sources précises, mais je me souviens quand même être accusé au cours des

 23   dernières semaines par la Défense comme si on n'avait pas pris en compte

 24   ces éléments de preuve, comme si nous avions délibérément décidé d'écarter

 25   ces éléments de preuve. Or, nous considérions qu'il serait injuste et

 26   équitable que nous ne puissions y répondre, et visiblement ce n'est pas le

 27   cas.

 28   Je tiens à vous rappeler les deux réunions qui ont eu lieu avec M. Mladic


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  1   où les positions prises par les accusés lors de cette réunion étaient

  2   parfaitement contraires à ce qu'ils semblaient dire à propos des MTS. Des

  3   déclarations disant il faut amener -- il faut que les Musulmans soient à

  4   genoux, il ne faut pas leur donner de munitions, donc il s'agit quand même

  5   de positions qui sont parfaitement différentes de ce qui a été énoncé ici

  6   dans le prétoire. Mais vous disposez de tous ces éléments de preuve dans le

  7   mémoire.

  8   Je vais essayer de présenter un argument -- j'espère qu'il sera considéré

  9   comme équitable; nous verrons.

 10   Me Nozica, à un moment, lorsqu'elle disait que M. Stojic n'avait aucun

 11   pouvoir militaire, a fait référence à M. Prlic qui aurait cosigné un ordre

 12   de mobilisation. Vous trouverez ça à la page 52 319 à 52 322. Donc ça été

 13   soulevé lors de la plaidoirie de Me Nozica pour dire que M. Stojic n'avait

 14   aucun pouvoir militaire, en fait, puisque c'était M. Prlic qui avait dû

 15   signer l'ordre. Or, cela est très éloquent à propos de ce que pensait M.

 16   Stojic à propos du pouvoir que détenait M. Prlic en tout cas. Cela soulève

 17   un point plus important aussi qui, à mon avis, n'a pas encore été soulevé -

 18   -

 19   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre permission,

 20   je pense que c'est une interprétation erronée à laquelle nous avons

 21   affaire. La Défense Stojic n'a jamais affirmé que l'ordre de mobilisation

 22   aurait dû être cosigné par M. Prlic. C'est une interprétation erronée ici.

 23   J'ai devant moi la page correspondante, mais c'est visible également à

 24   partir de celle qu'a peut-être préparé le Procureur, s'il a préparé cette

 25   partie du compte rendu.

 26   La Défense de M. Stojic n'a pas affirmé ceci. Elle a dit que M.

 27   Stojic avait le droit de signer cet ordre qui concernait la mise en œuvre

 28   de la mobilisation. La Défense n'a pas affirmé que M. Prlic aurait eu


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  1   l'obligation de signer cela, ou respectivement, que M. Stojic n'aurait pas

  2   eu le pouvoir de le faire.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Scott, vous avez pris bonne note de ce que

  4   vient de dire Me Nozica.

  5   M. SCOTT : [interprétation] Oui, j'ai pris note, en effet, et c'est à vous,

  6   Messieurs les Juges, de prendre votre décision à propos des éléments de

  7   preuve dont j'ai parlé jusqu'à présent.

  8   Mais je vous demande instamment de prendre ceci en compte. Je ne

  9   pense pas que ceci ait été soulevé précédemment.

 10   Quelles sont les relations entre les différents accusés, l'opinion

 11   que les différents accusés avaient les uns des autres à l'époque des faits

 12   ? Quelle était leur opinion les uns des autres à l'époque des faits ? Je

 13   pourrais vous en dire long à propos des pouvoirs, des positions et des

 14   responsabilités qu'ils détenaient à l'époque.

 15   Si j'ai bien compris les éléments de preuve, si M. Stojic considérait

 16   qu'il n'y avait que M. Prlic qui avait le pouvoir de signer cet ordre, cela

 17   signifie quand même -- ça en dit long sur ce que M. Stojic pensait des

 18   pouvoirs détenus par M. Prlic. Il faudrait prendre en compte cela. Il faut

 19   prendre en compte que ces six hommes ici se traitaient comme des

 20   participants importants et éminents des échelons supérieurs de l'appareil

 21   politico-militaire d'Herceg-Bosna. Et c'est pour cela, d'ailleurs, que M.

 22   Stojic a demandé à Prlic de cosigner l'ordre de mobilisation. Mais ce n'est

 23   pas du tout à moi, je n'ai aucun pouvoir, je ne sais rien, je ne suis

 24   personne, je suis un petit gramme de papier. Absolument pas. Ils sont

 25   considérés tous comme étant et se traitaient les uns les autres comme étant

 26   des personnes ayant énormément de pouvoir.

 27   M. KHAN : [interprétation] Je prends le contrôle et je tiens à dire, et je

 28   ne vais pas répéter ce que j'ai dit puisque c'est déjà au compte rendu.


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  1   Mais notre éminent confrère, le raisonnement est très clair. L'Accusation -

  2   - au moment de la réfutation de ce que dit MTS qui n'a pas été écrit dans

  3   le mémoire en clôture.

  4   Page 52 320, à cet endroit, nous revenons à l'article 7 du décret portant

  5   sur les forces armées et à la question de la mobilisation. Cette question

  6   est abordée de façon générale au point 3.2.2.2 de notre mémoire en clôture.

  7   Il y a aussi la pièce P 03038, document évoqué dans le mémoire de

  8   l'Accusation au paragraphe 540. Il est fait référence à la page 41 du 8

  9   février. Donc je le répète ici, rien de neuf par rapport à ce qui a été dit

 10   dans notre mémoire en clôture. A vous de juger si Me Scott peut ainsi

 11   poursuivre de la sorte lorsqu'il dit que le règlement n'est pas clair. Il

 12   est limpide, ce règlement. L'Accusation doit plaider. Voilà, à la page 52

 13   320, la Défense a dit ceci, et ce qui n'avait pas été dit dans le mémoire

 14   écrit. Si l'Accusation n'est pas en mesure de vous prouver que ceci ne se

 15   trouvait pas par écrit, en vertu de la jurisprudence de ce Tribunal,

 16   l'Accusation n'a pas le droit de revenir à la charge.

 17   On ne peut pas simplement prendre ce qui vous plaît dans la jurisprudence

 18   et rejeter ce qu'il ne vous plait pas. Ce n'est pas comme ça qu'il faut

 19   faire.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, la procédure de réplique, ce n'est

 21   pas un droit de revenir à la charge. C'est une procédure très particulière.

 22   Donc répliquez aux arguments oraux lors des plaidoiries en contestant ce

 23   qui a été dit.

 24   Et je pense que toute la Chambre est unanime sur cette demande.

 25   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, j'avais oublié de brancher le

 26   micro. Oui, j'essayais de voir, Messieurs les Juges, si vous vouliez

 27   poursuivre vos consultations.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Vas-y.


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  1   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'avais

  2   l'intention de faire ceci - vous me direz si le sujet est équitable ou pas

  3   - je voulais revenir à la question de l'arrestation d'hommes musulmans le

  4   30 juin et revenir à ce qu'avait dit, en particulier à ce propos Me

  5   Alaburic. Elle voudrait vous faire croire que quelque part, le monde a

  6   commencé ce jour-là, que rien ne s'était passé auparavant. Mais si vous ne

  7   pensez pas que ce soit utile que j'aborde le sujet, je m'abstiendrai de le

  8   faire.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais consulter mes collègues.

 10   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

 11   permettez, une phrase seulement. Pour ce qui est de la date du 30 juin

 12   1993, la Défense Petkovic, dans son mémoire en clôture, a consacré beaucoup

 13   de temps et l'Accusation également a fait de même dans son mémoire en

 14   clôture, tout comme nous dans nos plaidoiries. Mais il n'y a pas eu un seul

 15   argument de nouveau présenté dans nos plaidoiries par rapport à ce qui

 16   figure dans notre mémoire en clôture et ce qui a été dit pendant tout le

 17   procès. Donc j'estime que nous avons absolument tout dit sur ces notes et

 18   que point n'est nécessaire maintenant en réplique de revenir sur le sujet

 19   d'une façon générale. Si notre confrère M. Scott estime qu'il y a des

 20   thèses nouvelles, j'aimerais qu'il nous dise concrètement quelle est la

 21   thèse précise sans pour autant aborder d'une façon générale le sujet du 30

 22   juin 1993.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Cela dit, je vais consulter mes collègues.

 24   [La Chambre de première instance se concerte] 

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, concernant le 30 juin, la Chambre

 26   vous demande en quoi il y a eu quelque chose de nouveau lors des

 27   plaidoiries orales ?

 28   M. SCOTT : [interprétation] Je voulais répondre précisément à l'accent qui


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  1   a été mis sur la présence présumée de membres musulmans dans le HVO. Je

  2   voulais vous rappeler ce qu'avait dit M. Filipovic à cet égard, ce qui est

  3   contraire à la position adoptée et présentée par la Défense.

  4   Mme ALABURIC : [interprétation] Je vais répéter que cela a été abordé en

  5   long et en large dans notre mémoire en clôture, et je crois que le sujet a

  6   été épuisé de façon absolue.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Scott, la présence de Musulmans dans

  8   le HVO, ça a déjà été abordé X fois. Ça a été abordé dans les écritures.

  9   Qu'est-ce que, lors de l'audience orale, la Défense a dit de nouveau ?

 10   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Vous savez la

 11   difficulté c'est, bien sûr, que les sujets ont été évoqués de façon

 12   générale. Pratiquement, il n'y a rien qui soit tout à fait nouveau après

 13   cinq ans de procès, mais j'essaie de répondre à des aspects, à des facettes

 14   précises de cette problématique sur lesquelles ont a insisté pendant les

 15   plaidoiries, et c'est ce que nous avons tenté de faire. Par exemple, la

 16   question du 30 juin, bien sûr qu'elle avait été abordée auparavant. Ça ne

 17   fait pas l'ombre d'un doute. Mais il y a certaines facettes que nous

 18   aurions voulu mettre en relief, mais nous ne le ferons pas.

 19   Mais permettez-moi de revenir à ce que vous a dit M. Stringer, et je vous

 20   invite à regarder ce qu'a déclaré M. Filipovic sur le statut et les droits

 21   qu'avaient les membres musulmans du HVO de partir, de quitter les rangs,

 22   comme lui avait quitté la JNA comme d'autres lorsqu'il a été décidé que la

 23   JNA était l'ennemi. Est-ce que les Musulmans n'avaient pas eux aussi le

 24   même droit de quitter les rangs du HVO ? M. Filipovic a répondu que si, et

 25   c'est une affirmation qu'il répète pendant toute la durée de son

 26   témoignage.

 27   Permettez-moi de répondre à une pièce de Petkovic, et c'est ainsi que je

 28   conclurai, si vous me le permettez.


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  1   Me Alaburic a passé un temps considérable à examiner la pièce  P 00279, et

  2   elle affirme que c'est là un discours --

  3   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, vraiment, je me dois

  4   d'intervenir. Ceci est un document qui se rapporte à un discours qui a été

  5   tenu. S'agissant de ce document, dans son mémoire en clôture, le Procureur,

  6   à plusieurs endroits, a essayé de démontrer que le général Petkovic avait

  7   été impliqué dans certains débats sur des sujets politiques, et c'est à

  8   chaque fois un document au sujet du discours qui n'a pas été tenu que l'on

  9   aborde à plusieurs reprises.

 10   Messieurs les Juges, ce n'est pas un sujet nouveau. J'ai, dans mon mémoire

 11   en clôture, abordé le sujet de façon très vaste, et on a expliqué tout ce

 12   qui était pertinent au sujet de ce document. Il n'a été dit rien de

 13   nouveau, absolument rien de nouveau. On n'a fait que répliquer au mémoire

 14   en clôture présenté par l'Accusation. Donc il s'agit d'un sujet déjà

 15   rabâché qui a été élaboré et réélaboré par l'Accusation et par la Défense.

 16   Donc, dans ce sujet, il n'y a absolument rien de nouveau, si je ne m'abuse,

 17   et peut-être mon confrère M. Scott pourrait nous indiquer ce qu'il y aurait

 18   de nouveau. Mais je pense qu'il est superflu de le voir représenter les

 19   positions de l'Accusation au sujet de ce discours qui n'a pas été tenu. Le

 20   fait qu'il n'ait pas été tenu, nous l'avons démontré dans la présentation

 21   de nos éléments à décharge. C'est un fait déjà prouvé, et on aurait pu

 22   élaborer la chose plus en avant si les confrères avaient estimé nécessaire

 23   auparavant.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document était un projet de discours qui n'a pas

 25   été tenu, d'après ce que la Défense nous a dit. Si vous, vous estimez que

 26   ce discours a été tenu, vous devez nous dire dans le cadre de la réplique

 27   que vous contestez l'approche de la Défense pour telle ou telle raison.

 28   Maintenant, si vous estimez que le discours n'a pas été tenu, vous n'avez


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  1   pas à revenir à la charge là-dessus, puisque le discours n'ayant pas été

  2   tenu, les propos sont censés ne pas avoir été prononcés.

  3   M. SCOTT : [interprétation] Mais cet échange même montre l'importance qu'il

  4   y a d'aborder la question. Nous ne pourrions pas être en plus parfait

  5   désaccord. Voici un nouvel exemple avec Me Alaburic qui profère ses propres

  6   affirmations, ce que nous n'acceptons pas. Elle dit que c'est vrai parce

  7   que c'est ce qu'elle dit, elle dit que jamais ce discours n'a été fait.

  8   Mais nous avons des éléments de preuve, et la seule personne qui pourrait

  9   le dire c'est Petkovic en personne. Et je ne vais pas insister, vous savez

 10   ce que nous pensons de sa crédibilité. Mais la seule autre personne qui a

 11   évoqué la question, ce fut M. Beneta, et en fin de compte -- est-ce que

 12   j'ai le droit de répondre, Monsieur le Président ? Parce que je vois que Me

 13   Alaburic veut se lever de nouveau. Et il dit à la fin : Je ne sais pas,

 14   mais -- page 46 606-07, après plusieurs questions directrices, et en fin de

 15   compte, ce que Beneta dit, c'est est-ce qu'il a lu la totalité du texte ou

 16   pas, je ne sais pas. Mais c'est ça la quintessence -- mais permettez-moi de

 17   terminer.

 18   C'est ce qui est dit. Nous ne sommes pas du tout d'accord, et en plus c'est

 19   un faux problème de dire que ce n'est important si le discours a été fait.

 20   Là non plus, nous ne sommes pas d'accord. Qui dit que ça n'a jamais été dit

 21   ? Parce que c'est un document signé par M. Petkovic et avec le sceau. Est-

 22   ce qu'on met un sceau, est-ce qu'on signe un discours qui n'a jamais été

 23   prononcé ? M. Petkovic savait que c'était un document important. Il l'a

 24   préparé. Que ce soit pour le délivrer oralement, par écrit ou pour faire

 25   les deux, il l'a signé et il y a apposé son cachet. On ne peut pas se

 26   contenter de dire ce n'est rien, faire comme si de rien n'était, ce n'était

 27   qu'un texte, un projet, une mouture. Non, non, nous ne sommes pas d'accord,

 28   et la seule preuve à l'appui de ce que nous avançons c'est le témoignage de


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  1   M. Petkovic en personne.

  2   Mme ALABURIC : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, vous allez prendre la parole, mais je vais

  4   vous dire, Maître Alaburic, après des dizaines d'années d'audience, jamais

  5   j'ai été trouvé dans une situation où, réquisitoires et plaidoiries, on

  6   aborde des problèmes de procédure. C'est une perte de temps colossale pour

  7   tout le monde. Alors, vous avez la possibilité, vous le laissez parler. Les

  8   Juges en tireront la conséquence, et dans votre duplique, vous pouvez très

  9   bien intervenir pour dire ce que vous avez dit. C'est ça le débat

 10   contradictoire. Si à chaque fois qu'il va parler vous vous levez pour dire

 11   : Je ne suis pas d'accord, on y serait là encore dans une année. Alors,

 12   qu'est-ce que vous voulez dire ?

 13   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 14   je voudrais vous rappeler le fait que mes confrères ont été beaucoup plus

 15   longs pour ce qui est de leur réaction, et vous ne les avez pas rabroués

 16   lorsqu'ils l'ont fait, ce qui n'est pas équitable à mon égard. Je voulais

 17   juste le dire.

 18   Pour ce qui est de mon confrère M. Scott, et pour ce qui est de

 19   l'argumentation avancée tout dernièrement, je voulais dire : Je me félicite

 20   du fait qu'il ait présenté cet argument, parce que ceci montre de façon

 21   claire le fait que la charge de la preuve tombe sur l'Accusation. M. Scott

 22   affirme que dans le cas concret, ceci est un discours qui n'a pas été tenu.

 23   Pour lui, il le considère comme étant tenu jusqu'à ce que la Défense ne

 24   prouve le contraire. Or, le confrère M. Scott n'a jamais prouvé que c'était

 25   un discours qui a été bel et bien tenu. Il s'attendait à ce que la Défense

 26   prouve le contraire, et c'est sur ceci que se fondent les faits admis dans

 27   cette affaire. Je voulais juste indiquer ce fait-là, à savoir qu'il n'y a

 28   aucune preuve disant que ce discours a bel et bien été tenu.


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  1   Dans mes plaidoiries, j'ai estimé que ceci avait eu du poids pour ce

  2   qui est du mens rea concernant M. Petkovic, et j'en ai parlé en long et en

  3   large. Or, ce discours, avec tous les arguments et toutes les observations

  4   qui y sont faits, nous l'avons abordé de façon très ample dans nos mémoires

  5   en clôture. Si M. Scott avait estimé nécessaire de dire quelque chose en

  6   plus, il aurait pu le faire dans son mémoire en clôture ou dans son

  7   réquisitoire, et non pas dans sa réplique. Et donc nous ne pouvons pas

  8   laisser M. Scott abuser de son droit à la réplique pour remâcher des thèses

  9   qui auraient dû être présentées dans une phase antérieure, puisque c'est

 10   dans notre affaire une argumentation équitable depuis très longtemps.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, qu'est-ce que M. Filipovic a pu dire

 12   qui contrebalance les propos de Me Alaburic lors de sa plaidoirie orale ?

 13   M. SCOTT : [interprétation] Si j'ai bien compris votre question, Monsieur

 14   le Président, ceci nous ramène à ce que je disais auparavant. Excusez-moi

 15   de revenir un peu en arrière, mais je voudrais vous donner cette citation

 16   tellement importante, et vous verrez, c'est vous qui allez prendre la

 17   décision, mais examinez le contexte. Nous avons des membres musulmans du

 18   HVO, et M. Filipovic, à la page 47 643 et page suivante, et aussi à 47 649

 19   et 47 650. Si j'ai mal compris votre question, Monsieur le Président, je

 20   m'en excuse. Vous pourriez peut-être m'aider si je me suis trompé pour ce

 21   qui est de ce point.

 22   S'agissant de ce soi-disant discours, là aussi nous n'acceptons pas la

 23   prémisse, parce qu'on faisait la référence au témoin Beneta. Vous trouverez

 24   ceci à la page 46 606 et 46 607. Regardez ce que disait M. Beneta, et même

 25   si Me Alaburic voudrait bien que ce ne soit pas un discours qui n'ait

 26   jamais été prononcé, ce n'est pas ce que ce témoin dit. Et en fin de

 27   compte, quand elle a été un petit peu acculée, il a dit : "Eh bien, je ne

 28   sais pas." Mais -- je le cite :


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  1   "Est-ce qu'il a vraiment donné lecture de la totalité du texte, je ne

  2   sais pas."

  3   C'est là la quintessence de la déposition de M. Beneta en la matière.

  4   Permettez-moi de conclure, je crois en avoir le temps, et je vais peut-être

  5   me permettre le luxe d'exprimer un dernier commentaire à la lumière de tout

  6   ce qui s'est dit ce matin.

  7   Je suis intervenu pour objecter pendant les plaidoiries au fait qu'on

  8   mentionnait des éléments qui n'étaient pas dans le dossier. Pour le dire

  9   simplement, on m'a rabattu le caquet. On m'a dit de me rasseoir, on m'a dit

 10   que je n'avais pas le droit de faire des objections. C'est ce que j'ai

 11   fait, j'ai obtempéré, et je ne me suis plus levé, même si à beaucoup de

 12   moments, j'aurais voulu le faire.

 13   Aujourd'hui, les règles du jeu étaient tout à fait différentes, elles

 14   avaient changé radicalement. J'ai été interrompu ad nauseam, incessamment.

 15   Nous avons essayé d'agir de bonne foi, nous avons donné une esquisse des

 16   sujets que nous voulions aborder dès jeudi dernier, la Chambre a délibéré

 17   et a rendu une décision par laquelle elle nous accordait trois heures. Nous

 18   nous sommes préparés en conséquence et nous croyions avoir compris la

 19   portée de notre réfutation. Si je me suis trompé, je m'en excuse. Mais rien

 20   de ceci ne s'est passé, il n'y a pas eu d'interruptions incessantes pendant

 21   les plaidoiries. La seule fois où je l'ai fait, d'ailleurs, on m'a dit sans

 22   faire de manières que je devais me rasseoir. Je pense qu'aujourd'hui,

 23   c'était vraiment spectaculairement différent.

 24   Si vous me le permettez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges -

 25   -

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Scott, permettez-moi de

 27   réagir sur ce point.

 28   M. SCOTT : [aucune interprétation]


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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pense que vous vous sentez

  2   injustement traité. Il ne le faut pas, car il y a une différence

  3   fondamentale entre les réquisitoires et plaidoiries et la réfutation. La

  4   réfutation, c'est quelque chose de corollaire, de subsidiaire,

  5   d'exceptionnel. C'est censé être vraiment des interventions d'une précision

  6   chirurgicale, et pas une redite, une rallonge à des réquisitoires

  7   pénitenciers. C'est comme ça que le Juge Liu a interprété l'article 86(A).

  8   Or, ici, vous avez une condition préalable qui est la liberté d'expression,

  9   mais à un moment donné la partie adverse peut dire : Vous dépassez les

 10   bornes. Alors qu'au moment des réquisitoires et plaidoiries, il n'y a pas

 11   de limites, d'où la démarche différente.

 12   La Chambre est parfaitement consciente du fait de cette différence

 13   aujourd'hui. Moi, j'avoue qu'aujourd'hui, je m'attendais à ça. Je l'avais

 14   prévu. Je ne suis pas surpris du tout.

 15   Sans doute y a-t-il eu mésentente, peut-être n'avons-nous pas été

 16   suffisamment clairs quant aux - comment dire ? - quant aux conditions pour

 17   dire que nous approuvions les points -- je pense que c'est surtout Me Khan

 18   qui l'a rappelé, pour dire que la réfutation doit se borner aux paramètres

 19   énoncés par le Juge Liu. Je suis prêt à endosser un certain degré de

 20   responsabilité pour la frustration que vous éprouvez sans nul doute. C'est

 21   fort regrettable, mais nous avons pour mission de veiller au respect du

 22   Règlement. Les parties adverses ont un droit; celui d'exiger le respect de

 23   ce Règlement.

 24   Nous comprenons parfaitement vos sentiments de frustration, mais je

 25   crois que ces sentiments, ils sont partagés par tous. Il est quasi-

 26   impossible de trouver une panacée quand vous avez six accusés et un

 27   parquet, une équipe. On ne peut pas en discuter de façon sempiternelle.

 28   Jamais on ne trouvera une solution idéale pour tous. Nous l'avons constaté


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  1   pendant toute la durée de ce procès.

  2   Désolé si j'ai donné des explications un peu longues, mais je nourris

  3   l'espoir qu'il sera possible de poursuivre l'audience dans une atmosphère

  4   un peu plus détendue jusqu'à la fin du procès.

  5   M. SCOTT : [aucune interprétation]

  6   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir pour dire

  7   la chose suivante. Nous avons, bien sûr, discuté de la question, et j'étais

  8   d'accord pour dire qu'il fallait appliquer certaines restrictions pour

  9   délimiter le champ de la réfutation de l'Accusation. Mais mon opinion

 10   dissidente concerne uniquement ceci : je pense que l'article 86(A),

 11   paragraphe (A), l'article est clair :

 12   "Après la présentation de tous les moyens, l'Accusation peut présenter un

 13   réquisitoire. La Défense pourra aussi le faire."

 14   Et là, on arrive à la réfutation :

 15   "S'il le souhaite, le Procureur peut répliquer, et la Défense

 16   présenter une duplique."

 17   A mon avis, l'article 86 en son paragraphe (A) n'évoque aucune restriction.

 18   Je respecte l'avis émis à bien des égards par M. le Juge Liu, mais à mon

 19   avis, ce n'est pas un article ou une disposition qui autorise une

 20   application universelle. Il doit tenir compte des paramètres d'un procès

 21   précis. Je me sens très mal à l'aise après avoir vu que l'Accusation n'a

 22   pas eu la possibilité de présenter et de terminer ses arguments en

 23   réfutation. Je reconnais aussi qu'après la décision de la Chambre, il n'a

 24   peut-être pas été dit suffisamment clairement que l'Accusation n'avait pas

 25   à reprendre ce qui avait été dit par écrit par la Défense.

 26   En conclusion, je dirais ceci : si nous n'écoutions pas toutes les parties,

 27   je pense qu'il serait préférable d'empêcher tout le monde de s'exprimer. Je

 28   suis, bien entendu, très favorable à l'idée qui veut que toutes les


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  1   équipes, toute les parties doivent être entendues, écoutées au niveau de

  2   leurs arguments et de leurs commentaires.

  3   Voilà ce que je voulais dire, mais je le répète, à mon avis,

  4   l'interprétation très restrictive qui a été donnée du paragraphe (A) de

  5   l'article 86 n'est pas une interprétation qui, à mes yeux, est définitive

  6   et ferait partie de la jurisprudence constante de ce Tribunal.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais ajouter ma voix à ce que viennent de dire

  8   mes collègues.

  9   Je partage entièrement le point de vue exposé tout à l'heure par mon

 10   collègue le Juge Trechsel. Le Règlement est très précis. Une fois que les

 11   éléments à décharge ont été présentés, le Procureur et les Défenses

 12   rédigent leurs mémoires finaux dans lesquels tout sera exposé, tant par le

 13   Procureur que par les Défenses, ce qui est une différence par rapport aux

 14   pays continentaux où il n'y a pas de mémoire final et tout est exposé à

 15   l'oral. Mais là, le Règlement a prévu le système où chacun s'exprime par

 16   écrit.

 17   Après quoi, le deuxième temps, chacun intervient oralement; le Procureur

 18   par son réquisitoire, la Défense par ses plaidoiries. Tout le monde est

 19   donc censé avoir vu tous les problèmes. Là-dessus, le Règlement a prévu

 20   qu'il puisse y avoir une réplique, mais une réplique par rapport,

 21   évidemment, à ce qui a été fait avant.

 22   La jurisprudence, notamment par le Juge Liu, est venue rappeler que les

 23   répliques, le "rebuttal" en anglais, sont strictement déterminées afin

 24   d'éviter d'aborder des sujets qui ont déjà été abordés. C'est dans ces

 25   conditions que nous avons estimé, le Juge Trechsel et moi-même, que le

 26   Procureur devait intervenir à partir de ce qui a été dit oralement. Et de

 27   telle façon que ce sont les circonstances telles qu'elle appelle la

 28   réplique, sinon il n'y avait pas nécessité de réplique.


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  1   Voilà. Je tiens à rappeler que ça fait cinq ans que nous sommes en procès,

  2   et qu'il y a un moment donné où il faut savoir terminer.

  3   Voilà. Alors, Monsieur Scott, vous alliez terminer au moment où le Juge

  4   Trechsel est intervenu, ce qui a appelé l'intervention d'autres Juges. Donc

  5   je vous cède la parole.

  6   M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  7   Ce seraient des sujets de discussion fascinants, peut-être en aurons-nous

  8   le temps à l'avenir, mais le moment ne s'y prête pas aujourd'hui. Il est

  9   intéressant de voir ce qu'est ou ce que devrait être la jurisprudence, mais

 10   nous n'en disons pas plus.

 11   Pourrais-je faire quelques dernières observations. Merci de me donner cette

 12   possibilité. Pour clore cette phase, je n'ai pas besoin de plus de trois

 13   minutes. Merci d'avance, Monsieur le Président.

 14   Je voudrais simplement vous rappeler, Monsieur le Président, Messieurs les

 15   Juges, les quatre piliers que nous avions évoqués en début de réquisitoire,

 16   et ce sont des piliers qui sont importants, car ils vont construire ce

 17   projet. Vous savez que c'est un projet qui vient du sommet; l'importance du

 18   territoire, l'importance de l'aspect démographique, l'importance de la

 19   croaticité ou de la croatitude.

 20   Le comportement de l'Herceg-Bosna tel qu'il est retenu dans l'acte

 21   d'accusation est trop systématique -- trop systématique, trop généralisé,

 22   trop cohérent, trop coordonné, trop systématisé pendant trop longtemps pour

 23   simplement être qualifié d'actes aléatoires. Il est trop clairement lié à

 24   une politique et à une stratégie de haut niveau émanant de Zagreb et de

 25   Mostar pour dire que ça n'a été qu'une série d'actes aléatoires.

 26   En clôture, l'Accusation dit qu'en fin de compte, il y a deux grandes

 27   thématiques présentées expressément ou pas par la Défense. Je dirais

 28   qu'elle l'a fait aussi pendant les plaidoiries. Première grande thématique,


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  1   c'est le déni de toute connaissance de tout pouvoir. Ce que Robert Jackson

  2   disait à Nuremberg en juillet 1946 pourrait être redit aujourd'hui avec

  3   autant d'effet et de justesse, à savoir que :

  4   "Se soustraire aux implications que ces hommes avaient à cause de leurs

  5   postes et de la déduction de la culpabilité en raison de leurs activités,

  6   la défense est pratiquement unanime pour dire une chose à sa défense. La

  7   litanie, c'est que ces hommes étaient dénués de tout pouvoir, de toute

  8   connaissance, de toute influence et de toute importance. On pourrait

  9   ajouter et de toute responsabilité."

 10   Albert Speer, accusé à Nuremberg, a été plus clair quant aux

 11   responsabilités du régime et des dirigeants nazis, même si c'était lui-même

 12   un accusant. Speer a parlé de ce déni lorsqu'il a parlé de la

 13   responsabilité nette incombant aux dirigeants nazis de l'entourage

 14   d'Hitler. Il a parlé de choses absolument décisives, de cette

 15   responsabilité totale, dit-il.

 16   "Il faut qu'il y ait une responsabilité totale dans la mesure où vous

 17   avez quelqu'un qui est un des dirigeants, parce que comment pourrait-on

 18   supposer la responsabilité pour l'évolution des événements si ce n'est les

 19   associés qui travaillaient autour du chef de l'Etat."

 20   Speer est allé plus loin, je le cite :

 21   "Il est important, après la catastrophe que nous avons vécue, de se

 22   soustraire à la réalité d'une responsabilité totale si la guerre avait été

 23   gagnée. Je suis sûr que les vainqueurs, les dirigeants auraient revendiqué

 24   leur responsabilité totale."

 25   Bien sûr, on pourrait reprendre ce qu'il disait :

 26   "La victoire, elle a mille pères, mais la défaite elle est

 27   orpheline."

 28   Je pense qu'effectivement, si l'Herceg-Bosna était parvenue à ses

 


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  1   fins, était devenue un Etat indépendant, je suis sûr qu'aucun de ces hommes

  2   n'aurait décliné sa responsabilité. Ils n'auraient pas revendiqué leur

  3   responsabilité, ils l'auraient niée comme l'ont fait les Nazis.

  4   Je reviens à ce que disait Robert Jackson :

  5   "Nous cherchons à punir chacun du fait du crime qu'il a commis en se

  6   joignant à un plan criminel commun auquel d'autres participent. L'aspect

  7   commun du plan est donc la responsabilité de chacun de ces participants.

  8   C'est la somme totale de ceux qui ont participé à l'exécution du camp, mais

  9   la quintessence de l'infraction, la participation à la formulation, à

 10   l'exécution du plan, ce sont là des règles que toute société estime

 11   nécessaire pour faire en sorte que des hommes tels que ceux-ci, qui ne

 12   veulent jamais se salir les mains, mais qui préparent, concoctent des plans

 13   qui vont entraîner la perte de vies humaines, soient punis."

 14   Ces hommes que vous avez ici au banc des accusés, si vous voyez le dossier,

 15   ils n'étaient pas étrangers, ignorants, de ce programme de crimes. Nous les

 16   trouvons au sommet de la hiérarchie.

 17   Voilà la position de l'Accusation en ce procès. Je pense que nous

 18   nous sommes acquittés de la charge de preuve qui nous incombait, et nous

 19   vous demandons de déclarer chacun de ces six hommes coupables.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la Chambre va faire la pause puisque c'était

 21   quasiment 20 minutes. Nous reprendrons après la pause. Me Karnavas, je

 22   crois, veut intervenir. C'est bien ça, Maître Karnavas ?

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Simplement pour vous mettre au courant, on

 24   m'a donné 15 minutes à la réfutation d'un seul point qui porte surtout sur

 25   des faits. Après avoir écouté l'Accusation, j'ai 15 points, et je suis prêt

 26   à en parler aujourd'hui si le temps m'en est donné. Et je pense que M.

 27   Prlic voudrait intervenir, il a besoin de 15 minutes, vu votre décision

 28   précédemment donnée.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, si je comprends bien, donc il y a les 15

  2   minutes accordées la semaine dernière. Vous voulez à nouveau intervenir

  3   pour dupliquer à ce qu'a dit le Procureur, et puis M. Prlic prendra la

  4   parole en dernier pendant 15 minutes. C'est bien ça ?

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. J'essaierai d'être très succinct. Ce

  6   sera vraiment point par point, style télégraphique, rien de neuf, pas de

  7   discours nouveau, pas de nouvelles plaidoiries. Je veux simplement contrer

  8   uppercut par uppercut.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Approximativement combien de temps ?

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Quinze minutes, 20 minutes maximum pour ça.

 11   Donc, disons en tout une demi-heure pour toute notre réplique.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, tant qu'on y est, pour la Défense Stojic.

 13   Mme NOZICA : [interprétation] Messieurs les Juges, nous vous demanderions

 14   également de nous laisser exposer nos positions après la pause, parce que

 15   d'après ce que M. Karnavas vient de dire, il se peut que nous pourrions

 16   peut-être faire pour la journée d'aujourd'hui et nous devons consulter

 17   notre client pour savoir s'il va prendre la parole, et nous allons pencher

 18   sur le temps qui nous serait nécessaire. Mais en tout état de cause, ça ne

 19   sera pas beaucoup de temps. On vous le dira après la pause.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour Maître Kovacic.

 21   M. KOVACIC : [interprétation] Messieurs les Juges, si vous le permettez,

 22   nous aimerions nous pencher sur la question. Nous n'allons pas le faire,

 23   nous baser sur des émotions. Nous voulons procéder de sang froid pour voir

 24   si quoi que ce soit mérite des réponses de notre part, réplique de notre

 25   part. Et nous allons consulter notre client, M. Praljak, et nous vous

 26   informerons de la chose après. Mais nous n'avons pas de gros planning en

 27   tout état de cause.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic.


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  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais également

  2   vous donner le temps précis une fois que j'aurai consulté le général

  3   Petkovic après la pause. Tout ce que je peux vous dire pour sûr maintenant,

  4   c'est que nous allons demander à prendre la parole au sujet d'une partie de

  5   ce que M. Stringer a dit. Il a mis quelque 50 minutes pour ce qui est de la

  6   présentation de ses arguments concernant la défense du général Petkovic.

  7   Nous estimons que nous aurions besoin d'une demi-heure pour ce que M.

  8   Stringer a dit, et l'on verra pour la suite de l'évolution des choses dans

  9   le prétoire.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 11   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je

 12   vais consulter mon client aussi, mais je pense que si M. Coric venait à

 13   s'adresser, pour ce qui est de notre duplique, je pense qu'au total ça ne

 14   devrait pas faire plus d'une demi-heure.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 16   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président,

 17   malheureusement je n'ai pas mon client ici pour le consulter puisqu'il

 18   n'est pas dans le prétoire, et je ne pense pas que je vais avoir besoin de

 19   m'adresser, j'aurais peut-être besoin de cinq minutes, au plus, pour

 20   répondre à des éléments avancés par le Procureur.

 21   Mme ALABURIC : [interprétation] Ligne 4, j'ai dit que j'estimais que nous

 22   n'allions pas avoir besoin de plus de 30 minutes, je n'ai pas dit 15

 23   minutes, mais 30 minutes. Je ne voudrais pas qu'il y ait une confusion

 24   quelconque.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est ce que j'avais noté. Je vous remercie, nous

 26   allons faire 20 minutes de pause.

 27   --- L'audience est suspendue à 12 heures 26.

 28   --- L'audience est reprise à 12 heures 47.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

  2   Je vais faire un nouveau tour de table puisque pendant la pause les

  3   Défenses se sont concertées avec leurs clients.

  4   Bien, alors pour la Défense Prlic, Me Karnavas s'est exprimé déjà sur le

  5   temps. Pour Stojic, qu'est-ce qui a été décidé ?

  6   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense de M.

  7   Stojic a décidé de ne pas faire de duplique pour ce qui est de la réplique

  8   avancée par le Procureur. Nous nous sommes prononcés sur le compte rendu

  9   d'audience pour un sujet qui nous importait beaucoup et qui concernait M.

 10   Stojic. Nous tenons donc à informer les Juges de la Chambre que M. Stojic

 11   seul voudrait s'adresser aux Juges de la Chambre, et nous pensons que ce

 12   serait une bonne chose de faire en sorte que la totalité des accusés prenne

 13   la parole une fois que nous en aurons fini nous-mêmes avec cette phase-ci

 14   du procès.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pour --

 16   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 17   M. Praljak voudrait mettre à profit ce que vous aviez prévu, à savoir

 18   s'adresser aux Juges de la Chambre à la fin. Ça prendra quelques minutes à

 19   peine.

 20   Pour ce qui est de notre duplique, j'estime que j'aurais besoin au

 21   maximum des maximums d'une quinzaine de minutes. Objectivement, je pense

 22   que ça fera dix minutes. Merci.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. D4.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, nous maintenons notre

 25   demande des 30 minutes pour ce qui est de la duplique vis-à-vis de ce que

 26   l'Accusation a déjà avancé, et notamment pour ce qui est de la partie

 27   avancée par M. Stringer, c'est-à-dire les sujets purement juridiques. Nous

 28   estimons qu'il a avancé des interprétations nouvelles et que ce serait une

 


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  1   bonne chose que d'entendre la Défense et son opinion.

  2   Le général Petkovic voudrait également s'adresser à la fin aux Juges de la

  3   Chambre, et j'appuie la proposition lancée par Mme Nozica, à savoir que les

  4   accusés s'adressent aux Juges de la Chambre une fois qu'on en aura fini

  5   avec les dupliques. Merci.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pour D5.

  7   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

  8   D'abord pour ce qui est de M. Coric, M. Coric ne va pas s'adresser aux

  9   Juges de la Chambre à part puisqu'il estime que tout ce qui avait été

 10   nécessaire a été déjà dit par le conseil de sa Défense.

 11   S'agissant maintenant de notre duplique, je serai très brève. Selon la

 12   façon lente de parler que je viserai d'avoir, c'est 15 minutes au plus pour

 13   ce que M. Stringer a dit. Deux petits sujets à aborder.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Et je vais terminer par la Défense de M. Pusic.

 15   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Nous nous sommes déjà prononcés tout à

 16   l'heure, Monsieur le Président. J'avais dit que nous aurions besoin de cinq

 17   minutes ou dix minutes au plus, parce que M. Pusic n'est pas là.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je vais consulter mes collègues pour qu'on

 19   rende une décision orale sur le temps.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, la Chambre, qui a délibéré, tient à

 22   rappeler que les dupliques obéissent également aux mêmes règles que la

 23   réplique.

 24   Deuxièmement, la Chambre, conformément aux demandes des Défenses,

 25   fait droit aux demandes et, donc, rappelle qu'outre les 15 minutes qu'aura

 26   la Défense Prlic pour répondre à une argumentation d'une autre Défense,

 27   aura 15 minutes pour répondre à la réplique, et on note du fait que M.

 28   Prlic interviendra 15 minutes pour s'adresser aux Juges.

 


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  1   Concernant la Défense Stojic, la Chambre constate qu'il n'y aura pas

  2   d'intervention, mais que M. Stojic s'adressera lui-même, pendant 15

  3   minutes, à la Chambre.

  4   Concernant la Défense D3, la Chambre, donc, octroie dix minutes au titre de

  5   la duplique et 15 minutes pour l'intervention de M. Praljak.

  6   Pour D4, la Chambre octroie 30 minutes à la Défense du général Petkovic et

  7   accorde également au général Petkovic lui-même 15 minutes pour sa prise de

  8   parole finale.

  9   Concernant D5, la Chambre accorde 15 minutes à la Défense de M. Coric et

 10   prend acte du fait que M. Coric n'interviendra pas.

 11   Enfin, concernant M. Pusic, la Chambre accorde cinq minutes à la Défense

 12   Pusic et constate que M. Pusic n'interviendra pas du fait de son absence.

 13   De ce fait, compte tenu du temps qui va rester, nous continuerons

 14   demain pour une partie, mais nous allons commencer tout de suite par

 15   l'intervention de Me Karnavas, puisqu'il est une heure moins cinq, et nous

 16   pourrons aller de l'avant avec Me Karnavas.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Bonjour à tous

 18   dans ce prétoire.

 19   Je vais commencer par reprendre les points que j'évoquais la semaine

 20   dernière, le point qui a été soulevé par la Défense Petkovic et qui

 21   concerne le centre de transit de Ljubuski. La page de compte rendu

 22   pertinente est 52 558 et ceci se poursuit à la page suivante, 52 559. Il y

 23   a deux éléments que je souhaite ici isoler. Je vais me référer à des

 24   documents que vous pourrez souhaiter examiner, Messieurs les Juges.

 25   Le premier élément est le suivant : la Défense Petkovic affirme que

 26   la finalité de ce centre de transit aurait été d'accueillir des prisonniers

 27   de guerre, et nous nous opposons de façon véhémente à cette

 28   caractérisation. Le deuxième élément consiste pour eux à dire que le centre


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  1   de transit de Ljubuski n'aurait pas reçu le soutien des représentants de la

  2   communauté internationale, ce que nous contesterons également.

  3   Alors, la Défense de M. Petkovic a avancé, je cite :

  4   "Puisque les hommes en âge de porter les armes appartenant au groupe

  5   ethnique musulman étaient considérés comme représentant l'armée de réserve

  6   de l'ABiH et que, conformément à cela, ils ont été des prisonniers de

  7   guerre, l'initiative consistant à mettre en place un centre de transit à

  8   Ljubuski était absolument légale et conforme aux dispositions de l'article

  9   12, paragraphe 2, de la Troisième convention de Genève."

 10   Mais les éléments de preuve montrent avec abondance que le centre de

 11   transit de Ljubuski n'a pas été mis en place pour assurer la détention des

 12   prisonniers de guerre. Il a été créé pour accueillir des personnes

 13   déplacées de Bosnie centrale suite à l'offensive de l'ABiH. C'était la

 14   seule finalité de ce centre de transit particulier. Le dossier montre par

 15   ailleurs qu'il existait un besoin urgent de mettre en place un tel centre

 16   de transit, compte tenu de l'afflux considérable de personnes déplacées

 17   originaires de Bosnie centrale et compte tenu également du fait qu'en

 18   Herzégovine et en Herceg-Bosna, il n'y avait que des infrastructures

 19   d'accueil très limitées. Nous vous rappelons les paragraphes 202 à 219 de

 20   notre mémoire en clôture à cet effet, où nous avons développé en détail les

 21   arguments correspondants. Mais à l'appui de notre argumentation, nous

 22   invitons également les Juges de la Chambre à consulter la pièce P 03394,

 23   qui est un rapport d'activité du bureau des personnes expulsées et des

 24   réfugiés de la HZ HB pour la période de janvier à juin 1993. En page 3 de

 25   ce rapport, il est indiqué, je cite :

 26   "Le nombre de Croates expulsés résidant en HZ HB a augmenté de 50 000

 27   personnes (c'est-à-dire de 100 %) pour atteindre un effectif total de 110

 28   061 personnes. Il est à prévoir que de nouvelles personnes expulsées


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  1   arriveront dans cette même zone."

  2   Nous attirons également votre attention sur la pièce 1D 00929, qui est une

  3   lettre adressée par Zubak à Rebic, 1D 00929. Elle porte la date du 23

  4   juillet 1993 et Zubak y informe Rebic de l'arrivée prévisible de 8 000

  5   Croates déplacés supplémentaires en Herzégovine, et ce, en provenance de

  6   Bosnie centrale. Alors, Rebic était l'interlocuteur de l'ODPR en République

  7   de Croatie et à cet homologue, Zubak dit, je cite :

  8   "Nous avons presque épuisé nos infrastructures d'accueil pour ces

  9   personnes déplacées, nous ne pouvons pas accueillir de nouveaux venus. A

 10   cet égard, nous vous prions de bien vouloir, dans le cadre de votre

 11   compétence, faire les efforts nécessaires pour nous permettre de transférer

 12   une partie des Croates de Kakanj et de Konjic en direction

 13   d'infrastructures situées sur le territoire de la République de Croatie."

 14   Nous invitons également les Juges de la Chambre à se pencher sur la

 15   pièce P 03796. Il s'agit du procès-verbal de la 48e Session d'une réunion

 16   du HVO de la HZ HB tenue le 29 juillet 1993. Encore une fois, il y est

 17   consigné que lors de cette réunion, Zubak aurait fait état de l'accueil de

 18   10 000 Croates expulsés de Bosnie-Herzégovine. Et dans ce rapport qu'il

 19   fait, Zubak souligne deux problèmes qui se posent : premièrement, le manque

 20   d'infrastructures d'accueil sur le territoire de la HZ HB; et deuxièmement,

 21   le nombre de véhicules insuffisant dont on dispose pour procéder à

 22   l'évacuation de la population des zones concernées."

 23   C'est là un élément que je souhaitais porter à votre attention, donc.

 24   Ensuite, la Défense de M. Petkovic a avancé un second élément qu'on

 25   retrouve à ces mêmes pages du compte rendu d'audience du 21 février 2011,

 26   et je cite :

 27   "Je pense qu'il s'agit là de faits amplement étayés par les éléments du

 28   dossier."


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  1   Autrement dit, que le centre de transit de Ljubuski aurait été mis en place

  2   pour accueillir des prisonniers de guerre. Mais le seul élément de preuve à

  3   cet effet est la déclaration en application de l'article 92 ter du Témoin

  4   BA, la pièce P 09712, paragraphe 50, qui a été repris dans le mémoire en

  5   clôture du Procureur au paragraphe 453 de ce dernier. Paragraphes 51 et 52

  6   également de cette déclaration, reprise au paragraphe 454 du mémoire en

  7   clôture du Procureur, ainsi que les paragraphes 54 et 46 [comme

  8   interprété].

  9   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Maître Karnavas, mais je ne sais

 10   pas si vous vous apprêtez à citer ces éléments de preuve --

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Non, non, non. Mais en tout cas, tout ceci a

 12   été repris au paragraphe 455 également du mémoire en clôture du Procureur.

 13   Pour ce qui concerne la déposition de ce Témoin BA, je ne peux que

 14   revenir sur mes commentaires précédents. A ce sujet, compte tenu de ce que

 15   nous avons entendu concernant la crédibilité des témoins internationaux, je

 16   crois que la semaine dernière, j'ai rappelé la façon dont la déclaration de

 17   ce témoin a été rédigée, avec l'aide des enquêteurs du bureau du Procureur.

 18   Donc je ne vais pas revenir sur ce point.

 19   Cependant, puisque nous trouvons cette remarque consistant à dire que

 20   les éléments de preuve étayeraient amplement ceci, je crois que j'ai droit

 21   au titre de la duplique de souligner à votre attention que les rapports

 22   étaient parfois inexacts et parfois, ils induisaient en erreur. A titre

 23   d'exemple, il est possible de se référer à la pièce P 09847. Nous avons là

 24   une organisation internationale qui fait état le 19 août 1993 d'actes de

 25   nettoyage ethnique allégués en Herzégovine de l'ouest. Le rapport est

 26   envoyé au bureau de Zagreb de cette organisation. Je cite :

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5   Cela figure en page 2. Cependant, si l'on place ceci en regard de, par

  6   exemple, la pièce 1D 01356, datée du 20 octobre 1993, dans ce document,

  7   nous avons une vue d'ensemble des retraités dans les communautés locales

  8   composant la municipalité de Mostar. Dans ce document nous pouvons voir

  9   qu'à cette étape-là, à ce moment, il y avait environ 2 107 retraités

 10   musulmans dans la partie ouest de Mostar.

 11   J'attire également à ce sujet particulier votre attention sur la

 12   déposition du Témoin BD, et notamment le contre-interrogatoire par moi-même

 13   de ce dernier. Je me réfère aux pages 20 880 à 20 883 du compte rendu

 14   d'audience où, notamment, j'ai abordé le contenu de la pièce 1D 01356,

 15   notamment lorsque j'ai remis en question l'organisation humanitaire dont

 16   faisait partie cette personne, et j'ai présenté l'aide humanitaire qu'elle

 17   fournissait comme une arme.

 18   Alors, j'attire votre attention également sur la pièce 1D 02813. Marinko

 19   Simunovic, qui était à la tête de la Croix-Rouge de Mostar, ce dernier dans

 20   son journal, à la date du 30 novembre 1993, s'est fondé sur des

 21   informations issues d'une réunion du comité de coordination de Mostar

 22   composé de membres appartenant tous à des organisations humanitaires à

 23   Mostar. Il a consigné donc qu'à ce moment-là il avait environ 47 558

 24   personnes à Mostar ouest, parmi lesquelles 9 928 Musulmans, c'est-à-dire

 25   20,84 %, et je vous donne ceci à titre d'illustration. Lorsque l'on

 26   s'intéresse donc à la crédibilité de ce témoin, je pense qu'il faut tenir

 27   compte également de ceci. Ce témoin a souligné que ceci a été fait à

 28   l'époque des faits, et donc n'a pas pu être fait pour le présent Tribunal.


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  1   Les pages du compte rendu correspondantes sont là; 33 629 à 33 638, au 22

  2   octobre 2008, et à la date suivante également, le 23 octobre 2008, pages 33

  3   673 à 33 676.

  4   Nous souhaitons également attirer votre attention sur la déposition

  5   de Martin Raguz, qui est donc venu déposer, et ceci vient contredire l'idée

  6   selon laquelle le dossier étayerait amplement la notion selon laquelle le

  7   centre de transit de Ljubuski aurait été mis en place pour accueillir des

  8   prisonniers de guerre et permettre leur transfert.

  9   Martin Raguz a été très clair pendant sa déposition. Il a été très

 10   longtemps interrogé de façon assez agressive par l'Accusation concernant la

 11   question du centre de transit de Ljubuski. Vous trouverez en page 31 522 à

 12   31 526 les passages correspondants de sa déposition, relatif à ce sujet.

 13   C'est à la date du 28 août 2008. J'attire tout particulièrement l'attention

 14   des Juges de la Chambre sur les pages 31 525 et 31 526 de ce même compte

 15   rendu d'audience. J'avais préparé les pages du compte rendu

 16   correspondantes, mais je crois qu'il devrait suffire de dire qu'il a

 17   indiqué quelle était la finalité de ces centres de transit. Il a tout

 18   simplement indiqué que leur finalité était de venir en aide à ceux qui

 19   souhaitaient partir sur une base volontaire, mais il s'agissait de Croates

 20   de Bosnie centrale, et ils n'avaient nulle part où aller.

 21   Un autre élément que je souhaitais avancer à ce même sujet est cette

 22   idée selon laquelle les représentants de la communauté internationale

 23   n'auraient apporté aucun soutien ni aucune aide par rapport à la mise en

 24   place de ce centre de transit de Ljubuski, mais en page 52 559 du compte

 25   rendu d'audience, la Défense Petkovic a indiqué :

 26   "Je vous rappelle que les représentants du HCR ont contacté la

 27   FORPRONU pour demander de l'aide dans le cadre de la mise en place du

 28   centre de transit et pour le transfert temporaire de prisonniers de guerre


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  1   vers des Etats tiers. Le HCR, suite à des consultations avec son quartier

  2   général, a conclu que cela reviendrait à contribuer au nettoyage ethnique

  3   et a donc refusé de fournir de l'aide, après quoi la FORPRONU s'est

  4   également retirée."

  5   Alors, nous réfutons ceci avec énergie, et nous souhaitons attirer

  6   votre attention, Messieurs les Juges, sur la déposition de Martin Raguz

  7   encore une fois. Cela figure aux pages 31 402 à 31 405 de sa déposition à

  8   la date du 26 août 2008, ainsi qu'aux pages 31 522 à 31 526 à la date du 28

  9   août 2008. Donc M. Raguz a été un peu plus clair en indiquant que rien de

 10   tout ceci n'aurait pu être fait sans l'aide des organisations humanitaires

 11   internationales.

 12   Pour finir sur ce sujet, je voudrais attirer votre attention

 13   également sur la pièce P 06324 en sa page 3. Il s'agit ici d'une partie

 14   d'un rapport d'activité du gouvernement de la HR HB et de ses ministères,

 15   correspondant à la période s'étendant de novembre 1993 à mars 1994. On peut

 16   y lire, je cite :

 17   "Heureusement, en octobre 1993, l'hôtel de Bistrica à Ljubuski, qui

 18   avait été et était encore en train d'être réaménagé par des organisations

 19   humanitaires internationales, fonctionnait comme centre de réception avec

 20   en son sein plusieurs milliers de personnes déplacées qui y ont séjourné

 21   pour des périodes plus ou mois longues."

 22   Ceci conclut ma réplique par rapport au point soulevé par la Défense

 23   Petkovic. Je voudrais maintenant aborder ma réplique suite à l'intervention

 24   du Procureur point par point.

 25   Tout d'abord, le Procureur a indiqué qu'il y aurait eu de la part de la

 26   Défense une forme d'objection consistant à dire que les Musulmans

 27   n'auraient pas eu le droit de pouvoir avoir accès à la mer. Cependant, il

 28   convient de replacer les choses dans leur contexte. Personne n'a jamais


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  1   suggéré que Neum n'aurait pas fait partie de la Bosnie-Herzégovine ou que

  2   les Musulmans ou les Serbes et les Croates n'auraient pas dû avoir accès à

  3   Neum. L'intérêt de cette notion même d'avoir accès à la mer a un lien avec

  4   la situation de la Croatie, et ce que nous avançons, c'est que les

  5   Musulmans n'avaient pas le droit d'aller en Croatie pour essayer d'occuper

  6   une partie du territoire qui leur permettrait d'avoir un port en eau

  7   profonde, et nous pensons en particulier à Ploce. Alors, nous prenons acte

  8   de l'idée avancée par l'Accusation selon laquelle Halilovic, qui était un

  9   Musulman serbe en quelque sorte, ou Ganic, qui était également originaire

 10   de Serbie, n'avaient pas droit à des territoires croates. Mais c'est de

 11   cela que nous parlions lorsque nous disions que les Musulmans n'avaient pas

 12   droit à un accès à la mer. Et nous en trouvons amplement de preuves

 13   également dans les carnets de Mladic, bien que cela n'ait pas été versé au

 14   dossier.

 15   Alors, je ne comprends pas très bien ce que le Procureur a voulu dire

 16   par une exception croate. Ce que la Défense a essayé de mettre en avant

 17   pendant toute la durée de ce procès était tout à fait différent. La Défense

 18   Prlic n'a jamais avancé quoi que ce soit indiquant que ce à quoi les

 19   Croates avaient droit était quelque chose à quoi les Musulmans n'auraient

 20   pas eu droit également. Donc je ne comprends pas de quoi il s'agit ici.

 21   Quant au commandement militaire unifié, ça n'a jamais été un

 22   problème. La Défense Prlic n'a jamais soutenu que l'ABiH n'aurait pas été

 23   une force armée légitime. Elle s'est simplement contentée de dire qu'elle

 24   n'était pas la seule. Il y a une différence entre dire qu'il y a des forces

 25   armées qui sont dans un rapport de coopération amicale et dire qu'il y a

 26   une seule force armée légitime dont l'ABiH et le HVO sont des parties

 27   distinctes. Je crois qu'il y a une différence. Si l'on se penche sur ce qui

 28   s'est passé le 15 janvier, l'intention sous-jacente, l'objectif recherché


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  1   est quelque chose qui a également fait l'objet de discussions à Genève.

  2   Dans cette région particulière, il aurait été préférable de disposer de

  3   deux forces armées distinctes plutôt que d'une seule; c'est ça qui a été

  4   discuté. Nous l'avons abordé en très grands détails dans notre mémoire en

  5   clôture, je ne vais pas donc revenir sur ce point, mais notre position

  6   était et reste la suivante : il n'y a jamais eu la moindre intolérance à

  7   l'égard de l'ABiH. Il n'y a que dans certaines zones où des conflits se

  8   sont produits que l'on a pu assister à une prédominance de l'une des deux

  9   armées, alors que l'autre s'est trouvée être subordonnée à la première. Les

 10   provinces à majorité musulmane, en vertu du plan de paix Vance-Owen,

 11   étaient régies par un accord au terme duquel le HVO devait y être

 12   subordonné à l'ABiH.

 13   Alors, passons à Sarajevo et à cette superstructure fonctionnant à

 14   partir du sommet, qui aurait été la superstructure musulmane. Je ne

 15   comprends pas très bien la formulation, mais je crois que je comprends à

 16   peu près de quoi il parle.

 17   Il n'y a aucun mystère quant au fait qu'à partir du début 1992, comme

 18   le dit M. Owen, le gouvernement de Sarajevo était en train de devenir de

 19   plus en plus représentatif exclusivement de la partie musulmane. Les Serbes

 20   avaient claqué la porte déjà, et c'est là la teneur de ses observations.

 21   Est-ce que Sarajevo a été coupée, oui. Mais, Messieurs les Juges, vous avez

 22   entendu la déposition, par exemple, de Primorac, qui a été sur place. Vous

 23   avez également entendu la déposition d'un certain nombre d'autres témoins,

 24   le Témoin 1DAA, Perkovic, Raguz également. Ils ont tous parlé de la façon

 25   dont Sarajevo a été coupée. Mais pour nous, ce qui compte, ce qui comptait

 26   et ce qui compte encore aujourd'hui, c'est que le gouvernement n'était pas

 27   en mesure de fonctionner normalement parce que le réseau électrique ne

 28   fonctionnait pas, les systèmes de télécommunication non plus.


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  1   Alors, le Procureur a parlé de ce logiciel. Mais encore une fois, je

  2   vous invite à examiner en détail la déposition de Tomic à l'époque, parce

  3   que je crois qu'il y a même eu un commentaire du Juge Trechsel. C'était un

  4   logiciel qui avait trait à la paix, un logiciel de paix, et le témoin a

  5   indiqué qu'il aurait été bien plus facile de s'adresser à la Croatie,

  6   d'aller y chercher un logiciel bien plus performant. Mais puisque justement

  7   ils ont cherché à rester dans le coup, dans le cadre du système et qu'ils

  8   ne s'attendaient pas à ce que la guerre s'éternise, ils ont considéré qu'il

  9   était préférable d'utiliser un logiciel qui serait compatible avec celui

 10   utilisé dans le reste du pays. Examinez le contexte, quelqu'un est tout

 11   simplement venu et leur a remis ce logiciel. Donc, si on parle de la façon

 12   dont Sarajevo a été coupée, n'oublions pas le contexte, et n'oubliez pas

 13   quels étaient les intentions et les objectifs poursuivis lorsqu'ils ont

 14   essayé de se procurer ce logiciel.

 15   Quant à l'impunité, je voudrais m'assurer que les choses sont bien claires

 16   après cinq ans, et j'ose espérer que la Défense Prlic ne vous aura jamais

 17   donné l'impression que nous serions en faveur d'une quelconque impunité. La

 18   Défense Prlic a été très claire dès le début, et je crois qu'à travers

 19   toutes les présentations de nos arguments, il n'y a pas eu le moindre

 20   incident où l'on pourrait nous accuser d'avoir souscrit à une culture de

 21   l'impunité. Nous avons été très clairs dans nos contre-interrogatoires des

 22   témoins également, et nous n'avons pas non plus essayé de présenter le

 23   moindre crime de façon à en minimiser l'importance. Nous avons simplement

 24   essayé de mettre les choses dans leur contexte.

 25   Concernant l'entreprise criminelle commune, je dois dire que j'ai entendu

 26   des choses qui m'ont plutôt perturbé aujourd'hui. Je pourrais dire que cela

 27   m'a "offensé", mais ce serait peut-être un peu exagéré. J'ai été perturbé

 28   parce que les exemples avancés proviennent d'autres affaires, qu'il y a eu


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  1   une tentative d'établir des comparaisons entre les Croates et les Serbes en

  2   Bosnie-Herzégovine. Tout simplement, je ne crois pas que ce soit ici le

  3   lieu pour des discussions de cette nature.

  4   L'espèce ne doit reposer ici que sur les faits. Dans notre mémoire en

  5   clôture, nous avons contesté la troisième force de l'entreprise criminelle

  6   commune, entre autres. Je persiste à maintenir aujourd'hui que cette

  7   troisième force de l'entreprise criminelle commune n'a jamais fait partie

  8   du droit international coutumier. Bien entendu, la décision à cet égard est

  9   entre les mains des Juges. Mais l'ensemble de cette argumentation

 10   concernant l'entreprise criminelle commune que nous avons entendue

 11   aujourd'hui, je vous inviterais, Messieurs les Juges, tout simplement à ne

 12   pas en tenir compte parce que cela n'a pas sa place dans notre débat

 13   d'aujourd'hui. Se référer à d'autres Juges ou à d'autres Chambres, je crois

 14   que ça revient à essayer d'exercer des pressions sur les Juges de la

 15   présente Chambre de première instance. Je ne crois pas que cela puisse

 16   fonctionner.

 17   Quant à M. Thornberry, je n'ai jamais entendu ceci avant de l'entendre de

 18   la bouche de Me Khan, mais il est vrai que lorsqu'on a la jaunisse tout

 19   paraît jaune. Je crois que cela est lourd de sens, en fait, parce que nous

 20   avons déjà parlé des témoins internationaux. Nous vous invitons tout

 21   simplement à examiner leurs dépositions dans leur totalité, de considérer

 22   cela comme un ensemble. Nous vous invitons à vous poser la question

 23   suivante : si les souvenirs de ces témoins sont si solides, si clairs,

 24   s'ils se rappellent si nettement de tous ces événements, pourquoi diable

 25   auraient-ils eu besoin de s'asseoir pendant quatre journées entières à une

 26   table avec quelqu'un pour enchaîner les moutures successives de leurs

 27   déclarations ? Pour se voir présenter des documents qu'ils n'avaient jamais

 28   vus précédemment, et cetera.


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  1   Je crois véritablement que tous les éléments de preuve sont à votre

  2   disposition, Messieurs les Juges, pour décider du poids à accorder à leurs

  3   dépositions.

  4   Si les témoins internationaux ont raison, comme le dit le Procureur, je ne

  5   sais pas, il y a de nombreux cas, mais revenons au cas de M. Lane, qui a

  6   dit que M. Prlic aurait eu son propre restaurant privé. Il a dit : Je m'y

  7   suis rendu, j'y ai été, un serveur est venu, et on finit par se rendre

  8   compte que ce n'est que le restaurant d'un hôtel. Alors, si c'est cela le

  9   fondement des éléments de preuve qu'avance l'Accusation, où cela nous mène-

 10   t-il ?

 11   Concernant les frontières, à présent. L'Accusation a parlé d'Akmadzic, et

 12   je crois que sa déposition figurait en pages 29 851 à 29 852 du compte

 13   rendu d'audience. Encore une fois, Messieurs les Juges, il vous suffira de

 14   consulter très attentivement les pages du compte rendu d'audience

 15   correspondantes et vous verrez que la seule chose dont parle Akmadzic c'est

 16   le plan Owen-Stoltenberg.

 17   Ce que nous soutenons, c'est que la HZ HB n'a jamais été créée en

 18   ayant à l'esprit des frontières, mais des zones. La question des frontières

 19   s'est présentée dans deux contextes précis. L'un était celui de la

 20   frontière entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie et la question de

 21   savoir qui était censé s'en occuper. Devait-ce être la HZ HB ? C'est alors

 22   que cette question a été soulevée. Donc, s'il y avait eu la volonté de

 23   procéder à une annexion, une fusion, pourquoi aurait-on parlé de frontières

 24   ? Les frontières n'auraient même pas existé. Premièrement.

 25   Deuxièmement, et de façon plus importante, la question des frontières est

 26   apparue dans le contexte des provinces en vertu du plan Owen-Stoltenberg et

 27   de la HR HB. C'est ce dont nous parlions, les provinces et la HR HB. Je

 28   vous prie de ne pas oublier que tout ceci est fondé sur les négociations


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  1   internationales qui sont alors en cours. Il ne s'agit pas ici d'une

  2   initiative de Croates de Bosnie-Herzégovine qui auraient leur propre plan.

  3   En fait, eux se sont contentés de continuer à signer tout ce qu'on leur

  4   proposait, y compris les cartes qu'on leur proposait.

  5   Donc n'oubliez pas de replacer, Messieurs les Juges, les choses dans

  6   leur contexte.

  7   Concernant le Témoin Ribicic. Certes, c'était un témoin en

  8   application de l'article 92 bis. Nous en prenons acte. Mais n'oubliez pas

  9   qu'au moment où il a préparé et rédigé son rapport, il n'avait pas accès à

 10   l'ensemble des procès-verbaux présidentiels. Alors, l'Accusation essaie de

 11   vous faire croire qu'il s'est livré à un exercice intellectuel honnête en

 12   seulement rédigeant son rapport. Mais moi, j'estime que cela n'a aucun

 13   sens, parce que l'analyse en termes constitutionnels à laquelle il procède

 14   ne se réfère absolument pas au procès-verbal présidentiel du 27 décembre

 15   1991, ni à ce que Tudjman a pu dire avant la mise en place d'une Bosnie-

 16   Herzégovine indépendante. Et, en se fondant sur cela, il dit que

 17   l'intention était la suivante : un rapport honnête, au contraire, aurait

 18   consisté pour lui à se pencher sur les documents pertinents, la

 19   constitution de la Bosnie-Herzégovine, plus le contexte historique. Mais ce

 20   n'est pas ce qu'a fait M. Rebic -- M.Ribicic, excusez-moi. Il s'est appuyé

 21   sur ce qu'il a pu lire dans les journaux, et lorsque les nouveaux

 22   documents, les nouveaux procès-verbaux présidentiels sont devenus

 23   accessibles, je me rappelle très bien qu'il y a eu un échange à ce sujet

 24   avec le M. le Juge Trechsel, parce que, Monsieur le Juge, vous avez dit que

 25   le témoin n'avait pas nécessairement à tout lire. Ce que j'essaie de dire,

 26   c'est que si des nouveaux documents pertinents apparaissent qui sont

 27   hautement pertinents par rapport à l'étude que vous venez juste de rédiger,

 28   je crois qu'il est honnête de se pencher sur ces documents. Et que si


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  1   jamais on constate qu'il y ait un repositionnement nécessaire, il est

  2   également honnête de faire évoluer son point de vue concernant Ribicic.

  3   C'est ce que j'avais à dire concernant Tomljanovich. Je crois que je

  4   n'ai pas le besoin de revenir sur ce point, c'est tout à fait clair.

  5   Quant à Pellnas, la seule chose que je souhaiterais dire, Messieurs

  6   les Juges, puisque vous avez la possibilité de réexaminer l'ensemble de sa

  7   déposition, vous pourrez vous rappeler et vous rendre compte de la façon

  8   dont il a caractérisé certaines personnes. Alors, il est regrettable que

  9   certaines parties des carnets de Mladic n'aient pas pu être versées au

 10   dossier, parce que dans l'ombre, nous voyons qu'il s'agit d'une éminence

 11   grise, d'un personnage obscur qui souhaitait jouer les uns contre les

 12   autres, et je me réfère notamment à la conversation qu'il a avec Mladic à

 13   Mont Jahorina. Alors, l'Accusation le qualifie de véritable professionnel,

 14   mais je crois que les Juges de la Chambre sont tout à fait capables, en

 15   leur qualité de professionnels, de se poser la question en la matière et de

 16   se demander si ce que figure dans les carnets de Mladic concernant Pellnas

 17   devrait ou non être versé. Il n'est jamais trop tard.

 18   Concernant les témoins Croates, oui, nous avons, certes, entendu

 19   Kljuic, et, certes, Kljuic a un certain passé, il s'est qualifié lui-même

 20   de dissident. Il s'est livré à des affabulations également. Mais ce qui

 21   compte, c'est que Kljuic quitte la présidence à un certain stade, puis il

 22   est à nouveau nommé. Et manifestement, les règlements ne prévoyaient pas

 23   cela. Alors, si vous vous repenchez sur le contre-interrogatoire, les

 24   quatre, cinq ou six heures du contre-interrogatoire, vous verrez quelles

 25   étaient les circonstances de l'époque. Mais il est question de Pelivan et

 26   d'autres à un moment. Ces individus sont-ils venus déposer ? Est-ce que

 27   Brksic et Pelivan ont été soumis à un contre-interrogatoire ? Non. Donc,

 28   lorsqu'on le qualifie de modéré, je me demande sur quoi s'est-il fondé.


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  1   Concernant la légitimité de la présidence, notamment d'Izetbegovic,

  2   je vous prie de vous repencher sur la déposition d'Akmadzic. Je vous en

  3   rappelle très clairement, je n'ai pas la page de compte rendu

  4   correspondante, mais Akmadzic, pendant l'interrogatoire principal, a parlé

  5   de la première élection, puis de la réélection d'Izetbegovic, puis il a dit

  6   qu'à la veille de l'expiration de son mandat, il devait se rendre à Genève.

  7   Et c'est Akmadzic lui-même qui lui dit : "Monsieur le Président, vous allez

  8   être obligé de quitter vos fonctions. Nous allons avoir à tenir des

  9   élections pour élire un nouveau président." Et il lui dit : Vous allez être

 10   à l'étranger, de surcroît. Ce à quoi Izetbegovic répond : "Je vais parler

 11   avec Tudjman."

 12   Alors, Messieurs les Juges, vous pourrez également vous pencher sur la

 13   pièce 1D 2940, la date du 18 juin 2008, également au compte rendu

 14   d'audience pages 29 514 à 517. Et pendant que vous y serez, je crois qu'il

 15   pourra vous être également très utile de vous repencher sur la constitution

 16   de la république socialiste de Bosnie-Herzégovine, notamment son article

 17   358, pièce 1D 02994, ainsi que sur le règlement de procédure de la

 18   présidence, article 19 dans la pièce P 10509.

 19   Mais revenons maintenant à ceci. Qu'est-ce que Tudjman a donc à voir avec

 20   la présidence de la Bosnie-Herzégovine ? Comment ? Quelle légitimité le

 21   gouvernement peut-il avoir ? Supposons que ce qui a été dit par Okun, à

 22   savoir qu'il aurait été recommandé à Boban par Izetbegovic, mais quelle

 23   légitimité peut donc avoir une telle présidence ? Sur quelle base ?

 24   Notre point de vue était et demeure qu'Izetbegovic a été élu de façon

 25   légitime la première fois, la seconde fois également, mais au-delà, sa

 26   responsabilité consistait simplement à se retirer, ce qu'il n'a pas fait.

 27   Et Lord Owen, comme il l'a d'ailleurs indiqué, a considéré qu'à un moment

 28   donné, la présidence est devenue représentative uniquement des Musulmans.


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  1   Donc l'Accusation maintenant dit Tudjman va arranger les choses avec Boban,

  2   absolument pas. C'est ridicule. Comment est-ce que cela peut faire du

  3   gouvernement de Sarajevo une présidence légitime ? Ce n'est pas possible.

  4   Je ne sais pas quels pays -- un autre pays où on pourrait faire ça,

  5   d'ailleurs. Imaginez le président Canadien disant : On va faire ça pour les

  6   Etats-Unis. Non, non, c'est complètement absurde.

  7   Maintenant, ce n'est pas notre guerre. Vous connaissez le contexte

  8   dans lequel ces paroles ont été proférées, on en a parlé. Mais ça été

  9   soulevé à nouveau par l'Accusation aujourd'hui. Mais rappelez-vous;

 10   pourquoi cette phrase est-elle si importante ? Elle est si importante à

 11   cause de la perception qu'elle donne. C'est tout. Et ça, c'est la

 12   perception des personnes qui ne faisaient pas partie du premier cercle

 13   d'Izetbegovic, voire de la nation d'Izetbegovic à laquelle il appartenait.

 14   Le Témoin 1DAA, vous l'avez entendu, il est resté presque sept jours à la

 15   barre, voire huit, si je me souviens bien. Donc tout ce que je peux vous

 16   dire, c'est le suivant : plutôt que de choisir ici ou là une petite phrase,

 17   et cetera, hors contexte, étudiez son témoignage dans sa totalité. Vous y

 18   trouverez énormément de choses en ce qui concerne ce point bien précis, et

 19   ce n'est pas sur une seule page que vous trouverez ces éléments. Donc,

 20   Messieurs les Juges, plutôt que de vous pencher sur cette seule phrase que

 21   l'Accusation a tiré de son contexte, étudiez la totalité de son témoignage.

 22   Et troisième mandat d'Izetbegovic. J'ai déjà dit qu'Izetbegovic ne méritait

 23   pas ce troisième mandat, il n'était pas en droit d'avoir un troisième

 24   mandat au titre de la loi qui existait à l'époque, et donc il est

 25   complètement inacceptable de dire qu'Izetbegovic avait droit à ce troisième

 26   mandat maintenant.

 27   En ce qui concerne le problème du HVO qui aurait été les seules forces

 28   armées existantes en 1992, au printemps 1992, la Défense Prlic n'a jamais


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  1   affirmé qu'il s'agissait de la seule force armée. Il y avait aussi la Ligue

  2   patriotique, les Bérets verts, qui s'étaient organisés de façon séparée,

  3   mais qui appartenaient, en fait, aux forces armées musulmanes sous l'égide

  4   du parti du SDA. Donc ils se sont organisés, et à un moment, les Croates de

  5   Bosnie-Herzégovine ainsi que les Musulmans de Bosnie-Herzégovine se sont

  6   attaqués à ce qu'ils percevaient comme étant leur ennemi commun, et nous

  7   avons entendu énormément de témoignages à ce propos.

  8   En ce qui concerne la proclamation de Stojic, tout est dans notre mémoire

  9   en clôture. Il n'y a rien de nouveau là.

 10   Pour finir, je tiens à dire que les dernières remarques de l'Accusation

 11   n'étaient absolument pas des répliques. Il s'agissait d'un nouveau

 12   réquisitoire. Parler d'Albert Speer à nouveau, cela paraît tout à fait

 13   perturbant. D'abord, Albert Speer est quand même un personnage extrêmement

 14   étrange et désagréable, mais je pense que tous les arguments de

 15   l'Accusation [inaudible] d'Albert sont contraires, rien d'autre. Donc dire

 16   que la guerre a pu se finir autrement, et cetera, mais l'important c'est la

 17   chose suivante : Jadranko Prlic, lorsqu'il y eu l'accord de Washington, a

 18   été mis à un poste important. Il était ministre de la Défense alors que la

 19   guerre était encore en cours, et ensuite il reste au sein du même

 20   gouvernement en position de responsabilité en tant que ministre des

 21   Affaires étrangères. Je n'irais pas plus loin. Je pense que toute

 22   comparaison entre les Nazis et les Croates sont parfaitement inacceptables

 23   dans ce prétoire.

 24   Je pense que j'ai abordé tous les points que j'ai désiré aborder, et si

 25   vous n'avez pas de questions, je n'ai plus rien à dire, Messieurs les

 26   Juges.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Karnavas. Alors, il est dans quelques

 28   minutes l'heure de terminer. Il vaudra mieux qu'on continue demain avec,


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  1   donc, D3. Ensuite, on passera à D4, D5 et D6, ce qui nous permettrait donc,

  2   avant la première pause, de terminer les dupliques. Et puis, nous -- après

  3   la pause, chacun des accusés qui ont déclaré qu'ils interviendraient auront

  4   la parole.

  5   Oui, Maître Alaburic.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, étant donné que la

  7   Défense de Jadranko Prlic a eu une duplique concernant une partie de ce que

  8   nous avions l'intention de dire ou ce que nous avions abordé dans notre

  9   mémoire en clôture, nous voudrions aussi avoir quelques minutes de plus

 10   pour ce qui est de présenter une duplique au sujet de ce que la Défense de

 11   Jadranko Prlic a dit sur ces points-là.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais consulter mes collègues.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, la Chambre, ayant délibéré, vous

 15   accordera donc cinq minutes, ce qui fait que vous aurez au total, demain,

 16   35 minutes.

 17   Je souhaite à tout le monde une bonne fin de journée, et nous nous

 18   retrouverons demain matin à 9 heures. Je vous remercie.

 19   --- L'audience est levée à 13 heures 35 et reprendra le mercredi 2

 20   mars 2011, à 9 heures 00.

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