Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi, 20 mars 2017

  2   [Audience publique]

  3   [Audience d'appel]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'appelant Pusic est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 32.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  8   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci et bonjour, Messieurs les Juges. Il

 10   s'agit de l'affaire IT-04-74-A, le Procureur contre Prlic et consorts.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vais commencer par une question à

 12   l'intention de -- je remarque qu'il y a une difficulté. Je souhaite

 13   m'assurer de ceci, Monsieur Praljak, votre microphone, je vous prie.

 14   L'APPELANT PRALJAK : [hors micro]

 15   PERSONNNE NON IDENTIFIEE : [interprétation] Oui, précisément, il n'y a pas

 16   de traduction.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc reprenons. Puis-je m'assurer que

 18   les appelants reçoivent une interprétation.

 19   Monsieur Praljak, recevez-vous l'interprétation maintenant ?

 20   Qu'entendez-vous dans vos écouteurs, Monsieur Praljak ? C'est ce qui

 21   m'intéresse. Peut-être qu'il faut changer ses écouteurs.

 22   Est-ce que vous entendez ce que je dis dans votre langue ? Vous

 23   devriez avoir l'interprétation sur le canal numéro 6. Le technicien est à

 24   vos côtés, c'est lui qui devrait vérifier. Bon. Ça marche.

 25   Alors faites un signe de la tête, s'il vous plaît, pour me dire que tout

 26   fonctionne et que vous entendez l'interprétation ? Bien. Merci.

 27   Donc je vais commencer par la présentation des partes, à commencer par

 28   l'Accusation.


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  1   Monsieur Stringer.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président et à vous,

  3   Messieurs les Juges. Je suis Douglas Stringer, Barbara Goy, Janet Stewart,

  4   et Katrina Gustafson du côté de l'Accusation.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

  6   A titre préliminaire avant de citer les parties de la Défense, je remarque

  7   que le conseil de M. Coric et le conseil de M. Stojic ont demandé, par

  8   courriel envoyé aux juristes hors classe de la Chambre d'appel, que leurs

  9   consultants juridiques désignés, Me Ivetic et Me Ellis respectivement,

 10   aient le droit d'assister à l'audience lors de l'audience consacrée à

 11   l'appel. Ces demandes n'ont pas fait l'objet d'une opposition.

 12   En outre, le Bureau d'aide juridique et des affaires liées à la Défense du

 13   TPIY nous a confirmé que Me Ivetic et Me Ellis sont des consultants

 14   juridiques qualifiés ou qui ont été assignés à leur équipe de Défense

 15   respective en vertu de l'article 45 du Règlement du Tribunal. Dans ces

 16   conditions, la Chambre d'appel fait droit à la demande d'assister à

 17   l'audience de Me Ivetic et Me Ellis. Merci.

 18   Je fais observer, en outre, que le 6 mars 2017, M. Pusic a demandé et a

 19   donné son consentement pour que l'audience en appel se tienne en son

 20   absence. Personne ne s'y est opposé et nous faisons donc, par conséquent,

 21   droit à sa demande.

 22   Je vais maintenant me tourner vers la Défense pour entendre la présentation

 23   des parties. La Défense de l'appelant Prlic en première lieu, s'il vous

 24   plaît.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur les

 26   Juges. Et bonjour à toutes les personnes présentes dans le prétoire. Je

 27   suis accompagné de Mme Susan Tomanovic, qui est co-conseil de M. Jadranko

 28   Prlic.


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  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Maître Karnavas et

  2   Mme Tomanovic.

  3   Et pour M. Stojic maintenant, s'il vous plaît.

  4   M. KHAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur les

  5   Juges. M. Stojic, qui est dans le prétoire, est représenté par le conseil

  6   principal Mme Senka Nozica, M. Ellis du barreau d'Angleterre et du Pays de

  7   Galles, et moi-même Karim Khan.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Maître Khan, M. Ellis et Mme

  9   Nozica.

 10   La présentation des parties pour M. Praljak, s'il vous plaît.

 11   Mme PINTER : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes dans

 12   le prétoire. Natacha Fauveau-Ivanovic et moi-même, Mme Nika Pinter,

 13   représentent les intérêts de M. Praljak.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour à vous, Madame Pinter et Madame

 15   Fauveau-Ivanovic.

 16   Et pour M. Petkovic, s'il vous plaît.

 17   Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

 18   toutes les personnes présentes dans le prétoire. Représentant les intérêts

 19   de M. Petkovic, Mme Vesna Alaburic et M. Davor Lazic et Slavko Mateskovic,

 20   notre assistant.

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Je vous souhaite la

 22   bienvenue à vous Madame et Monsieur Davor.

 23   Pour M. Coric, s'il vous plaît.

 24   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 25   Bonjour à toutes les personnes présentes dans le prétoire et à l'extérieur

 26   du prétoire. Représentant les intérêts de Valentin Coric, moi-même et Mme

 27   Tomasegovic-Tomic, Dan Ivetic, et Mme Plavec.

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un technicien, s'il vous plaît, pour


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  1   venir en aide à notre collègue, M. le Juge Meron, qui n'a pas de son.

  2   Monsieur le Juge Meron, est-ce que cela vient d'arriver,  vient de se

  3   produire ?

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je propose que vous continuez. Je peux

  5   suivre le compte rendu d'audience.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie de votre coopération.

  7   Bonjour à vous, et je vous souhaite la bienvenue, Maître Ivetic et Monsieur

  8   Plavec.

  9   Et pour finir, les conseils de M. Pusic.

 10   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] [via vidéoconférence] Bonjour, Monsieur

 11   les Juges. Représentant les intérêts de M. Pusic aujourd'hui, M. Sahota et

 12   moi-même, M. Ibrisimovic de Sarajevo, avocat.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Et je vous souhaite

 14   la bienvenue à tous deux.

 15   Je souhaite simplement confirmer pour m'assurer qu'il n'y a pas d'autres

 16   difficultés concernant le système du fonctionnement de la traduction et que

 17   vous entendiez l'interprétation. Je vois que vous hochez la tête.

 18   Les sept parties présentent ici aujourd'hui ont interjeté appels contre le

 19   jugement rendu en première instance par la Chambre d'appel numéro III le 29

 20   mai 2013. Conformément à l'ordonnance portant calendrier du 15 décembre

 21   2016 et l'ordonnance pour la préparation de l'audience consacrée à l'appel,

 22   le 1er mars 2017, la Chambre d'appel va entendre les appels cette semaine

 23   ainsi que lundi et mardi prochain. Avant de commencer, je vais vous fournir

 24   un bref résumé de l'espèce avant de vous dire comment va se dérouler

 25   l'audience consacrée à l'appel.

 26   Les événements qui ont donné lieu à cet appel en l'espèce se sont produits

 27   entre 1992 et 1994, dans huit municipalités et cinq camps de détention sur

 28   le territoire de la Bosnie-Herzégovine qui ont été revendiqués comme étant


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  1   des territoires faisant partie de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et de

  2   la République croate d'Herceg-Bosna.

  3   La Chambre de première instance a constaté que Jadranko Prlic a exercé les

  4   fonctions de président du gouvernement de la République croate d'Herceg-

  5   Bosna à partir du mois d'août 1993, ayant été nommé avant cela président de

  6   l'organe exécutif de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. En juin 1994, il

  7   est devenu vice-président du gouvernement et ministre de la Défense de

  8   Bosnie-Herzégovine, et de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.

  9   Bruno Stojic a également été un membre du gouvernement de la République

 10   croate d'Herceg-Bosna. Il était le chef du département de la Défense à

 11   partir du mois de juillet 1992, et ce, jusqu'au mois de novembre 1993, et

 12   par la suite il a dirigé le Département de la production du matériel

 13   militaire jusqu'en avril 1995.

 14   Slobodan Praljak était le ministre adjoint de la Défense de Croatie et,

 15   plus tard, il a été ministre adjoint de la Défense de Croatie. Entre le 24

 16   juillet 1993 et le 9 novembre 1993, il était commandant de l'état-major du

 17   Conseil de Défense croate, armée de des Croates de l'ABiH avant de revenir

 18   en Croatie en tant que conseiller auprès du ministre de la Défense de

 19   Croatie.

 20   Milivoje Petkovic a été chef de l'état-major principal du Conseil de

 21   Défense croate entre avril 1992 et juillet 1993, et par la suite, il a été

 22   commandant adjoint. En avril 1994, il est revenu à son poste initial de

 23   chef de l'état-major principal du Conseil de la Défense croate.

 24   Valentin Coric a été membre du gouvernement de la République croate

 25   d'Herceg-Bosna. Il était chef de l'administration de la police militaire en

 26   1992, et pour l'essentiel de l'année 1993. Ensuite, il est devenu ministre

 27   de l'Intérieur, un poste qu'il a occupé jusqu'au début de l'année 1994. En

 28   février 1994, il est devenu membre du conseil présidentiel.


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  1   Berislav Pusic a occupé différentes fonctions au sein de la police

  2   militaire du Conseil de Défense croate entre février et juillet 1993. A ce

  3   moment-là, il a également participé à la négociation pour l'échange des

  4   détenus ou des corps de personnes décédées. En mai 1993, il est devenu

  5   membre de la commission d'échange. Et en juillet 1993, il est devenu chef

  6   de l'organe exécutif de la commission d'échange. Le 6 août 1993, Pusic est

  7   devenu le chef de la commission des prisons du HVO et des centres de

  8   détention du HVO.

  9   La Chambre de première instance a constaté qu'en janvier 1993, une

 10   entreprise criminelle commune avait été créée qui avait pour objectif de

 11   créer une entité croate en Bosnie-Herzégovine qui faciliterait la

 12   réunification du peuple croate. D'après la Chambre de première instance,

 13   cette entreprise criminelle commune avait un objectif criminel commun qui

 14   visait "la domination par les Croates de la République croate d'Herceg-

 15   Bosna par le biais du nettoyage ethnique de la population musulmane". La

 16   Chambre de première instance a conclu que les six appelants ont participé à

 17   cette entreprise criminelle commune.

 18   La Chambre de première instance a condamné les appelants de différents

 19   crimes reprochés par l'Accusation. Ces crimes reprochés comprenaient :

 20   1. De graves violations des conventions de Genève de 1949, à savoir

 21   l'homicide intentionnel, les violences sexuelles, les expulsions illégales,

 22   transfert et détentions de civils, traitement inhumain, destruction massive

 23   et appropriation de biens non justifiée par des nécessités militaires et

 24   menée de façon illégale et arbitraire.

 25   2. Violation des lois et coutumes de la guerre, à savoir traitement cruel,

 26   travail illégal, destruction arbitraire de villes et de villages,

 27   destruction ou endommagement délibéré d'édifices consacrés à la religion ou

 28   à l'éducation, et pillage de biens publics ou privés.


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  1   3. Crimes contre l'humanité, à savoir persécutions, meurtre, viol,

  2   expulsion, transfert forcé, emprisonnement et actes inhumains.

  3   La Chambre de première instance a fondé toutes les condamnations des

  4   appelants sur la participation à l'entreprise criminelle commune et les a

  5   déclaré responsables en vertu de la forme initiale et élargie de

  6   l'entreprise criminelle commune. Coric a également une responsabilité

  7   importante pour certains crimes qui se sont déroulés en 1992.

  8   Nonobstant ses déclarations de culpabilité par rapport aux appelants pour

  9   traitement cruel et destruction arbitraire de villes et de villages, la

 10   Chambre de première instance n'a pas condamné les appelants pour ces crimes

 11   après avoir pris en compte les principes liés au cumul des déclarations de

 12   culpabilité.

 13   Praljak et Pusic ont été acquittés de viol en tant que crime contre

 14   l'humanité et de violence sexuelle en tant que grave violation des

 15   conventions de Genève. Pusic a également été acquitté d'appropriation

 16   massive de biens et de pillage de biens publics ou privés. Tous les

 17   appelants ont été acquittés du traitement cruel en tant que violation des

 18   lois ou coutumes de la guerre par rapport au siège de Mostar.

 19   La Chambre de première instance a condamné Prlic à 25 ans d'emprisonnement,

 20   Stojic, Praljak et Petkovic ont chacun été condamnés à 20 ans, Coric à 16

 21   ans, et Pusic à 10 ans d'emprisonnement.

 22   Toutes les parties ont interjeté appel du jugement en première instance, ce

 23   qui correspond au total à 146 moyens d'appel. L'Accusation fait valoir que

 24   la Chambre d'appel a commis une erreur en acquittant en partie les six

 25   appelants, et demande à ce que les peines soient augmentées. Les appelants

 26   font valoir qu'ils devraient être acquittés de tous les chefs; et à titre

 27   subsidiaire, les appelants Stojic et Petkovic, Pusic et Coric demandent à

 28   ce que leur culpabilité soit diminuée ainsi que leur peine, alors que


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  1   l'appelant Praljak demande à ce qu'un nouveau procès soit tenu.

  2   Je puis vous assurer que les parties, que la Chambres d'appel connaît

  3   bien vos écritures. Je demande donc à tous les conseils ici présents de ne

  4   pas répéter ou résumer de façon importante les arguments déjà présentés

  5   dans leur mémoire en appel. 

  6   J'invite les conseils, néanmoins, à citer des références précises aux

  7   documents qui étayent leurs arguments.

  8   Je souhaite également rappeler aux parties de parler lentement pour

  9   que leurs arguments puissent être interprétés correctement. En outre, je

 10   souhaite que les parties fassent particulièrement attention, et je vous

 11   demande de bien prêter attention à ce que je vais dire, de ne divulguer

 12   aucune information qui permettrait d'identifier un témoin protégé ou toute

 13   autre information protégée.

 14   Il a été demandé aux parties d'aborder un certain nombre de questions

 15   qui figuraient dans l'ordonnance du 1er mars 2017. Je souhaite que chacun

 16   d'entre vous m'indique pour que les choses soient tout à fait claires

 17   quelles sont les questions que vous allez aborder en lisant la question

 18   pertinente qui correspond au début de votre argument. J'espère que j'ai été

 19   clair sur ce point.

 20   Il faut rappeler que cet appel ne constitue pas un procès à nouveau, et les

 21   parties doivent s'abstenir de répéter leurs thèses qui ont été présentées

 22   lors du procès. L'article 25 du Statut prévoit que les arguments présentés

 23   en appel doivent être limités à des erreurs alléguées de droit qui

 24   invalident le jugement de première instance ou d'erreurs alléguées de fait

 25   qui ont donné lieu à un déni de justice.

 26   Je vais maintenant aborder le calendrier pour aujourd'hui. Il a été accordé

 27   aux parties un temps bien précis pour leur permettre de présenter leurs

 28  arguments cette semaine et tel qu'indiqué dans l'ordonnance du 1er mars 2017


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  1   que j'ai rendue. Je souhaite rappeler aux conseils qu'ils doivent organiser

  2   leurs arguments de telle sorte que cela corresponde à ce calendrier.

  3   Aujourd'hui, nous allons entendre les arguments du conseil de M. Prlic

  4   pendant deux heures au total. Cependant, nous aurons une pause de 15

  5   minutes après une heure de présentation des arguments. Après que le conseil

  6   de Prlic ait terminé la présentation de ses arguments, l'Accusation aura

  7   deux heures pour répondre. Et nous marquerons une pause au milieu de la

  8   réponse de l'Accusation, comme nous le ferons pour les arguments présentés

  9   par M. Prlic. Ceci durera une heure et 30 minutes. Après la réponse de

 10   l'Accusation, M. Prlic aura 30 minutes pour répondre.

 11   Enfin, je souhaite faire remarquer que la Chambre d'appel, en général,

 12   accorde aux appelants la possibilité de s'adresser personnellement à la

 13   Chambre d'appel, s'il le souhaite. Par conséquent, nous avons alloué du

 14   temps, le 28 mars, à cet effet, et chaque appelant aura dix minutes pour

 15   s'adresser au Tribunal.

 16   Je vais maintenant inviter le conseil de M. Prlic à présenter ses

 17   arguments.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

 19   Messieurs les Juges.

 20   Avant que d'entamer mon exposé, je voudrais faire remarquer que le Dr Prlic

 21   a exprimé le souhait de partager la présentation orale des arguments. C'est

 22   une décision qui a été prise à la fin de la journée de vendredi et pendant

 23   le week-end. Il s'agit d'une argumentation orale qui se basera sur les

 24   erreurs dans l'établissement des faits et des erreurs commises par la

 25   Chambre de première instance lors du prononcé du jugement.

 26   J'ai examiné la documentation et l'essentiel de la présentation du Dr

 27   Prlic. De mon avis professionnel, ceci est tout à fait conforme à

 28   l'argumentation orale telle que prévue. Il est donc juste et équitable de


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  1   présenter ce type de requête. J'informe les Juges de la Chambre d'appel à

  2   cet effet que la requête vient d'être présentée et le temps imparti pour la

  3   présentation des arguments de façon orale devrait être réparti entre les

  4   deux.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Karnavas.

  7   Oui, Monsieur Prlic.

  8   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Je vais parler dans ma langue, si vous

  9   n'y voyez pas d'inconvénient.

 10   Messieurs les Juges, suite au jugement rendu, j'ai lu toute la

 11   transcription du procès. J'ai collaboré avec ma Défense pour ce qui est de

 12   la rédaction des documents en appel, ce qui fait que pendant le week-end,

 13   nous avons décidé de me faire participer à la présentation de ces derniers.

 14   J'ai parcouru toute la documentation et les éléments de preuve que la

 15   Chambre de première instance a omis d'examiner, autrement, le jugement

 16   serait tout à fait autre. La Chambre de première instance n'a pas accepté

 17   ma dernière requête lors de mes propos en fin de présentation des éléments

 18   de preuve, compte rendu d'audience 52962/14-21 :

 19   "Messieurs les Juges, vous avez les éléments de preuve. Je vous demande de

 20   ne pas succomber aux documents présentés en fin de la présentation des

 21   éléments à charge. Je vous ai demandé d'examiner attentivement les éléments

 22   de preuve et les témoignages, et j'étais certain que cette approche vous

 23   permettrait d'aboutir à une décision objective."

 24   Je viens de terminer un livre en six chapitres, 1 800 pages, 9 000 notes de

 25   bas de page pour ce qui est de savoir ce que Herceg-Bosna était dans le

 26   contexte. Et cela sera publié prochainement par l'Académie des sciences et

 27   des arts de Bosnie-Herzégovine, avec des appréciations formulées par trois

 28   membres de l'académie. Et cela démontre qu'il y a eu des intentions tout à


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  1   fait opposées et des objectifs tout à fait autres à la création de

  2   l'Herceg-Bosna. C'est une étude scientifique et ce n'est pas un récit

  3   relatif à une responsabilité pénale quelle qu'elle soit.

  4   Alors, pour ce qui est de la Chambre de première instance, je vais parler

  5   de la Chambre en question, elle s'est penchée sur ce qu'était l'Herceg-

  6   Bosna. En automne, lorsque j'étais devenu conscient de l'objectif de

  7   l'entreprise criminelle commune, la présidence de la Communauté croate

  8   d'Herceg-Bosna, à l'occasion de sa session où au moins 22 représentants des

  9   municipalités sur les 30 de départ pour ce qui est de la décision

 10   fondamentale portant création de l'Herceg-Bosna, a pris une décision, le 18

 11   novembre 1991, pour ce qui est de l'association de toute les communautés

 12   croates, je cite : "Bosanska Posavina, Usura, Srenja Bosna [phon] et la

 13   communauté soli de Sarajevo." Il s'agit de la pièce 2D01262, page 16, et

 14   également la pièce P00128, pages 5 à 6.

 15   Partant des quelques documents présentés, il a été présenté une carte nous

 16   présentant les différentes municipalités faisant partie de la HZ HB où l'on

 17   a englobé la majeure partie de la Bosnie-Herzégovine. Et je demanderais à

 18   ce que soit montré le document 1D02843, et ce document-là, je voudrais que

 19   vous le gardiez sur vos écrans pendant le reste de ma présentation.

 20   A première vue, il est évident --

 21   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi d'intervenir, Monsieur le

 22   Président, mais nous sommes en train de nous embarquer pour ce qui est

 23   d'une procédure qui n'a pas été approuvée par la Chambre et qui n'est pas

 24   conforme au Règlement de procédure et de preuve, et le moins qu'on puisse

 25   dire, c'est que cela va examiner ou faire examiner des questions qui ne

 26   nous laissent pas savoir s'il s'agit des motifs d'appel et s'il s'agit là

 27   des moyens d'appel qui ont été présentés à la Chambre.

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Excusez-moi --


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  1   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Il s'agit du moyen 9, et ce n'est que

  2   de cela que j'ai parlé.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, Monsieur Prlic. Un instant.

  4   M. Stringer a évoqué une question, qui n'en est pas une, mais je me dois

  5   d'y répondre.

  6   Monsieur Stringer, il me semble que l'appelant, le Dr Prlic, et son

  7   conseil, sont tombés d'accord sur les modalités suivant lesquelles la

  8   Défense se propose de présenter les arguments de la Défense dans cette

  9   procédure d'appel. Pour ce qui est du Règlement de procédure et de preuve,

 10   il n'y a rien qui me ferait empêcher M. Prlic à prendre la parole et

 11   présenter, éventuellement en totalité, sa défense. En même temps, son

 12   conseil peut être présent dans la salle d'audience s'il veut lui demander

 13   son opinion. Mais pour ce qui est de la présentation des arguments en tant

 14   que telle, je ne peux en aucune façon affirmer que vous avez raison pour ce

 15   qui est de l'étrangeté de la situation. Il s'agit certainement d'une chose

 16   que notre Règlement de procédure et de preuve n'interdit pas.

 17   M. STRINGER : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président. Merci.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 19   Docteur Prlic, vous pouvez continuer. Mais s'agissant de certains points

 20   que vous avez mentionnés, je voudrais d'abord que vous fassiez référence à

 21   l'ordonnance du 1er mars.

 22   Monsieur Prlic, allez-y.

 23   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.

 24   Les bureaux chargés de la défense ont été créés dans 46 municipalités,

 25   pièce P00700. Plutôt que de prendre quelques citations à Tudjman datant de

 26   1991, pour l'essentiel hors contexte, la Chambre de première instance a

 27   formulé un objectif politique prétendu au paragraphe 43 et a omis de

 28   prendre en considération des dizaines de citations des autres transcripts


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  1   présidentiels, que je ne vais pas énumérer maintenant, parce que cela me

  2   prendrait trop de temps, mais vous pouvez voir ceci au moyen 9.

  3   Tudjman, dans sa continuité, indépendamment des acteurs - cercle des

  4   initiés, représentants internationaux, Musulmans ou Croates de Bosnie-

  5   Herzégovine - dit la même chose en soutenant l'indépendance de la Bosnie-

  6   Herzégovine et en se prononçant contre la modification des frontières, en

  7   faveur de la coopération avec les Musulmans, contre la guerre, en refusant

  8   l'annexion de l'Herzégovine proposée par Izetbegovic, et il se trouve être

  9   sous la pression de la communauté internationale pour ce qui est du

 10   changement des frontières. Et on a laissé de côté des milliers de

 11   documents. Or, pourquoi cela est-il important ? Parce que la Chambre de

 12   première instance a erré pour ce qui est de l'objectif criminel au

 13   paragraphe 43, pour ce qui est de la question numéro 4 que vous avez posée.

 14   On a omis de se pencher sur le fait que l'Herceg-Bosna n'avait pas englobé

 15   seulement les municipalités mentionnées dans la décision portant création

 16   du 18 novembre 1991. L'objectif territorial prétendu de l'entreprise

 17   criminelle commune, les frontières de la Banovina, se trouvent être

 18   erronées. Et on dit qu'à compter de septembre, Prlic était conscient du

 19   fait que cet objectif pouvait être réalisé par le déplacement des Musulmans

 20   seulement. La Chambre de première instance a omis de se pencher sur le fait

 21   qu'en janvier 1993, lorsqu'il y a création de cette HZ HB, on avait

 22   pratiquement tous les territoires libérés de la Bosnie-Herzégovine sans

 23   frontières définies et ceci s'est produit jusqu'à la création de la

 24   Fédération en 1994, comme nous le dit sa constitution, la totalité des

 25   territoires où il y a majorité croate ou bosnienne en Bosnie-Herzégovine,

 26   pièces P04611 et 4D01234.

 27   Comme le dit Izetbegovic en mars 1993, la partie allant de Tuzla à Neum,

 28   vous pouvez le voir sur la carte, se trouve à englober 2 500 000 personnes


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  1   sous la protection de l'ABiH, voire du HVO, pièce P01739, page 24.

  2   La Chambre ne s'est pas penchée sur le fait que le président du HVO HZ HB

  3   et le président du gouvernement ultérieur répondait de ses agissements

  4   auprès des présidents des HVO de municipalités qui étaient membres de la

  5   présidence du HZ HB, c'est-à-dire de la République croate et étaient

  6   originaires de 46 municipalités au large de la Bosnie-Herzégovine. Ce

  7   n'était pas une espèce de club d'élus qui étaient censés répondre auprès

  8   des supérieurs s'agissant d'objectifs d'une entreprise criminelle commune

  9   éventuelle. Je parle des documents 1D02816, P07410, pages 18 à 20 et

 10   1D02740.

 11   Il s'agit donc d'éléments importants pour ce qui est des déplacements de la

 12   population ou d'annexion de parties de territoires. Pour ce qui est de ces

 13   territoires, le président Mate Boban, et par la suite Zubak, ont négocié

 14   pour ce qui est des plans internationaux portant organisation interne de la

 15   Bosnie-Herzégovine et non pas d'un partage comme on le souligne si souvent.

 16   Il s'agit du plan Cutileiro qui faisait référence à trois unités

 17   constitutives, le plan Vance-Owen portant sur 10 provinces, union de trois

 18   républiques jusqu'à création d'une fédération, puis plan du groupe de

 19   contact et pour finir, la conférence de Dayton.

 20   La Chambre de première instance a omis de déterminer le fait que les

 21   communautés croates mentionnées ont été créées en tant que forme

 22   d'organisation à l'intérieur du parti pour la défense au fil de 1991, dans

 23   des conditions de démantèlement de la Yougoslavie. Si la Chambre avait jugé

 24   les éléments de preuve de façon correcte, elle aurait conclu du fait que

 25   les attaques serbes sur la Croatie et l'élargissement de la guerre sur le

 26   territoire de la Bosnie-Herzégovine avaient pour objectif la création d'une

 27   Grande-Serbie qui engloberait toute la Bosnie-Herzégovine, la carte 3D00871

 28   donc. Cela est tout à fait le contraire de ce qu'on a dit au sujet d'un


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  1   prétendu accord de Karadjordjevo et, par la suite, il y a eu une guerre.

  2   Donc, la Chambre n'a pas pris en considération le fait que le gouvernement

  3   de la république n'a pas empêché les attaques sur la Croatie et la Bosnie-

  4   Herzégovine et elle n'était pas capable d'organiser la Défense du pays,

  5   chose que reconnaît Izetbegovic parce que : "Au moment où la guerre a

  6   commencé, nous n'avions pas d'armée du tout", pièce P00336, page 8.

  7   Si la Chambre avait jugé des éléments de preuve à juste titre, elle aurait

  8   tiré la conclusion qui serait celle de dire que la communauté croate a été

  9   organisée à l'intérieur du parti du fait de l'incapacité de la République

 10   de Bosnie-Herzégovine à se défendre, pièce 1D02078, page 5. Alors, lors de

 11   ces réunions du HDZ en 1991, on montre les préparatifs pour la Défense où

 12   il y a régionalisation. On englobe 109 municipalités de la Bosnie-

 13   Herzégovine, 70 municipalités et huit communautés régionales : Travnik,

 14   Herzégovine, Sarajevo, Doboj, Zenica, Tuzla, Posavina, Bihac, Kladusa et le

 15   secteur de Banja Luka. Sur tous ces territoires, exception faite de Banja

 16   Luka, il y a eu création de forces armées. Pièces P00034, P00041, P00047,

 17   P00050 et P00052.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Prlic, vous êtes prié de

 19   ralentir.

 20   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Oui, mais ils ont mon texte.

 21   Alors, le caractère politique et lié au parti de la HZ HB a été confirmé

 22   trois jours après sa création.

 23   Et le gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine a tiré la

 24   conclusion qui était celle de dire qu'il s'agit d'une organisation liée aux

 25   parties, pièce 2D00594. La Chambre a omis de dire pour ce qui est de la

 26   détermination de prétendue intention criminelle et les objectifs

 27   territoriaux auxquels on visait s'agissant du HDZ de Bosnie-Herzégovine, il

 28   y a eu création de communautés et qui a toujours été favorable à


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  1   l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, avec l'égalité en droit du peuple

  2   croate en son sein, conformément à ce qui a été l'objet des négociations

  3   internationales, pièces 1D02699, P00022, P00031, P08748. Et peut-être

  4   n'est-il pas nécessaire de les citer tous, ces documents-là.

  5   La présidence de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine, par

  6   des votes des deux représentants croates, à la date du 20 décembre 1991, a

  7   demandé une reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine. La

  8   Chambre a omis de constater qu'il y avait deux conditions pour ce qui est

  9   de la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine, et il importe de le dire

 10   pour ce qui est de l'intention criminelle. Exception faite d'un référendum,

 11   il fallait qu'on s'entende au sein des peuples constitutifs pour ce qui est

 12   de l'aménagement interne de la république.

 13   La communauté internationale a rédigé un plan Cutileiro qui a été

 14   accepté par les trois parties en présence et on a convenu de dire que la

 15   Bosnie-Herzégovine serait composée de trois communautés compte tenu des

 16   aspects économiques, géographiques et autres. Et Izetbegovic reconnaît que

 17   les Croates ont été roulés dans la farine pour ce qui est de dire qu'on

 18   allait reconnaître leurs droits constitutifs au sein de cette Bosnie-

 19   Herzégovine. Et je fais référence ici aux documents P09616, P149 et P00149.

 20   La Chambre a omis de faire remarquer que la HZ HB n'avait pas du tout

 21   été active pendant au moins six mois jusqu'au début de la guerre le 8 avril

 22   lorsqu'il y a création d'une aile armée du HVO. Ça a été une première

 23   décision qui témoigne du fait que l'objectif de la communauté avait été un

 24   objectif de défense vis-à-vis de l'agression. Pièce 1D00155.

 25   La présidence, à savoir Izetbegovic, sans la présence des

 26   représentants croates, crée une Défense territoriale, par la suite armé de

 27   Bosnie-Herzégovine, qui est une armée musulmane au fond, et ceci est

 28   démontré par un document relatif à la création de la Défense territoriale


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  1   qui est composée de 44 unités où Izetbegovic note les commandants, dont 43

  2   sont des Musulmans et un commandant est Serbe.

  3   En raison de l'intention criminelle prétendue et/ou affirmée ici, la

  4   Chambre de première instance a omis de prendre en considération les raisons

  5   pour lesquelles la HZ HB a commencé à s'emparer de certaines attributions,

  6   parce qu'il y a eu un effondrement de l'autorité au sein de la Bosnie-

  7   Herzégovine. Trois documents suffisent pour voir et démontrer ceci. Tout le

  8   budget est financé par la planche à billets, pièce 1D03003. Il y a des

  9   départements non constitutionnels qui bénéficient de la totalité du

 10   pouvoir, document 1D00509. Et pour finir, les municipalités et les

 11   départements peuvent mettre en place les taxes, les impôts et les douanes,

 12   document 1D02047.

 13   La Chambre de première instance a omis de prendre en considération le fait

 14   que les municipalités à cette époque deviennent des états de fait. Et on

 15   dit qu'à partir de juin 1992, on visait à assurer l'approvisionnement, le

 16   commerce, la sécurité, les services de santé, la sécurité des biens de la

 17   population, et l'accueil des réfugiés. Et ces décisions ne remettent pas en

 18   question la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Bosnie-

 19   Herzégovine. 1D --

 20   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la référence.

 21   L'APPELANT PUSIC : [interprétation] On affirme que :

 22   "La vie doit être assurée, parce que la vie économique, financière et

 23   autres ne fonctionne plus, et le président du gouvernement de l'Herceg-

 24   Bosna est d'accord avec ce qui est affirmé à l'intérieur de ce document."

 25   La Chambre a omis de se pencher sur le fait que l'évolution du pouvoir peut

 26   être subdivisée en trois parties. Une première partie qui va jusqu'en

 27   septembre 1992 jusqu'à 1993, et puis jusqu'à novembre 1993 qui voit la

 28   création de municipalités du HVO et un gouvernement de HZ HB en fin 1993.


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  1   La Chambre a omis de constater qu'il y a eu une décision très

  2   contestée en 1992 pour ce qui est de la création des autorités en janvier

  3   1994, ce qui fait que la décision en question n'a pas été mise en œuvre,

  4   exception faite d'une décision très superficielle datant du juin 1992.

  5   Au paragraphe 44, la Chambre de première instance a conclu qu'au

  6   milieu du mois de janvier, l'entreprise criminelle commune avait commencé

  7   et a négligé le fait que le 15 janvier, Boban a déclaré à Izetbegovic et au

  8   co-président de la Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie, et je

  9   cite :

 10   "Il est important d'interdire aux Musulmans du SDA de participer à ce

 11   gouvernement. Nous attendons. Les Musulmans avaient auparavant rejeté une

 12   participation au sein du gouvernement et à l'administration à Mostar, par

 13   exemple, dans une proportion de 50:50. Et au niveau de l'Herceg-Bosna, à

 14   hauteur de 35 %."

 15   Je l'ai dit auparavant, dans cette région, il y avait davantage de

 16   Musulmans qui y vivaient qu'avant la guerre. Pièce P2046.

 17   Il y a pas mal de décisions qui parlent de la participation des Musulmans

 18   au gouvernement en Herceg-Bosna, mais je ne vais pas m'appesantir dans les

 19   détails. La Chambre de première instance a complètement négligé, et cela

 20   est un élément important dans l'intention criminelle, a totalement négligé

 21   le fait que le HVO n'avait qu'une formation militaire de défense dans ce

 22   secteur à l'époque. Cinq mois après l'entreprise criminelle commune, comme

 23   on l'appelle, dans la région de Mostar, le nombre de Musulmans s'élevait à

 24   environ 15 %, alors que dans la totalité de l'HVO, il y avait 16 % de

 25   Musulmans.

 26   La Chambre de première instance a négligé totalement la nature temporaire

 27   de l'Herceg-Bosna et ses activités au sein de la Bosnie-Herzégovine, ce qui

 28   est assez important pour pouvoir apprécier l'entreprise criminelle commune.


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  1   L'HVO est un organe temporaire, comme son document fondateur le précise,

  2   qui était là pour exercer ses pouvoirs jusqu'au moment de l'établissement

  3   d'un gouvernement plus régulier. Sa nature temporaire est mise en lumière

  4   non seulement dans chaque document, mais dans chaque intitulé de document,

  5   c'est-à-dire des décrets qui impliqueraient un caractère étatique.

  6   Dans son rapport à la présidence de HZRHB, le HVO lui-même se

  7   proclame un organe temporaire de pouvoir exécutif en attendant la création

  8   d'un gouvernement régulier. Sa nature temporaire est davantage mise en

  9   exergue dans toutes les apparitions publiques; pièce 1D02078, page 5;

 10   1D02225, pages 2 et 3. Et il convient de souligner que le système

 11   judiciaire de l'HZ HB a été activé sur une base temporaire et qu'il est

 12   resté dans le cadre de la législation républicaine de la structure

 13   républicaine.

 14   L'Herceg-Bosna était une communauté de municipalités qui

 15   fonctionnaient dans le système juridique de la Bosnie-Herzégovine, 1D0441,

 16   et cela a été confirmé par le président du HVO HZ HB dans un programme

 17   télévisuel, et je cite :

 18   "Ce pouvoir exécutif temporaire a été décidé par les présidents des

 19   présidences de Guerre, et de la sorte, la légitimité est assurée pour cette

 20   autorité temporaire. Dans tous ses documents, il fait remarquer que toutes

 21   les réglementations sont temporaires. Cet organe adopte des mesures

 22   temporaires, respecte le pouvoir judiciaire de la république, et dans le

 23   préambule de toutes ces décisions, il doit établir le lien avec des

 24   décisions portant sur l'imposition d'un état de guerre et d'un danger

 25   immédiat de guerre". 1D02078, pages 4 et 5.

 26   Les documents adoptés ont été fournis au gouvernement de Bosnie-

 27   Herzégovine, sous sa propre étiquette dans tous les documents et toutes les

 28   décisions.


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  1   La Chambre de première instance a également négligé mon discours qui

  2   a été prononcé auprès des médias de Sarajevo en mars 1993. Je cite : "La

  3   Communauté croate est l'une des pierres angulaires de l'évolution et de la

  4   création de la future Bosnie-Herzégovine et non pas un instrument de

  5   destruction. Et, en général, l'autorité centrale de la république n'existe

  6   pas. Et en créant tous les instruments d'autorité dans ces secteurs, nous

  7   avons apporté une contribution concrète à la création de l'Etat de Bosnie-

  8   Herzégovine. Et Izetbegovic était conscient de ce caractère en Herceg-Bosna

  9   qui, dans ses propres mots, ont été confirmés lors d'une conférence de

 10   presse à Mostar le 8 octobre 1992. Et je fais référence là à la pièce

 11   1D02238.

 12   La Chambre de première instance n'a pas tenu compte de l'élément

 13   suivant : en 1992, une autre décision du gouvernement de la République de

 14   Bosnie-Herzégovine publiée dans le journal officiel par le président du HVO

 15   HZ HB, c'est-à-dire moi, le président du gouvernement pour être clair, qui

 16   représentait le gouvernement de la République de la Bosnie-Herzégovine et

 17   l'organe exécutif. Et ce décret autorisait, je cite :

 18   "Une coordination de toutes les mesures de la part de la République

 19   de Bosnie-Herzégovine, et du Conseil de la Défense du HZ HB". Pièce

 20   1D02565.

 21   Et la Chambre de première instance a totalement négligé le fait que

 22   l'Herceg-Bosna, pour la première fois après plus de 100 ans, avait fixé une

 23   frontière avec la République de Croatie dans une région de Bosnie-

 24   Herzégovine où la population était pratiquement à 100 % croate. Et je cite

 25   là, les documents 1D2221, 1D2704, et beaucoup d'autres.

 26   La Chambre de première instance n'a pas tenu compte d'éléments de preuve

 27   selon lesquels la communauté croate et la république croate n'allaient

 28   jamais se constituer en Etats et ne voulaient pas non plus devenir des


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  1   Etats. Ils n'avaient pas de secteurs définis, ils n'avaient pas de régions

  2   définies. Comme vous pouvez le voir sur la carte, il n'y avait pas de

  3   frontières qui avaient été délimitées. Dans tous les documents fondateurs,

  4   par exemple, la décision statutaire du pouvoir exécutif stipule toujours et

  5   utilise toujours le terme "area" en anglais, "podrucje" en B/C/S, ce qui

  6   veut dire non pas "un territoire", qui impliquerait un Etat en lui-même,

  7   mais on est resté très générique. Et je m'appuie là sur la pièce 1D899.

  8   De plus, le décret qui reprenait avec force de loi les décrets précédents

  9   et celui portant sur la citoyenneté en Bosnie-Herzégovine n'a pas été mis

 10   en place. Nous étions tous des citoyens de Bosnie-Herzégovine. Pièce P7179

 11   et pièce P7082. L'Herceg-Bosna n'a jamais voulu une reconnaissance

 12   internationale.

 13   Alors, pour répondre à votre question numéro 4, où l'on cite les

 14   paragraphes 283 et 284 du jugement, je ne pense pas qu'il faille répéter et

 15   relire tous ces paragraphes, mais ces paragraphes portent sur la rédaction

 16   de l'ultimatum, et cetera. Il est important de remarquer à cet égard que le

 17   conseil, entre autres, et la Chambre de première instance n'a pas établi

 18   cela lorsqu'elle a voulu établir les responsabilités du président du HVO de

 19   HZ HB. Donc, le président d'un organe temporaire du pouvoir exécutif ne

 20   pouvait agir que lors de réunions qui avaient été officiellement

 21   convoquées. Il avait une voix au sein de cet organe, l'organe collectif

 22   composé d'environ 20 membres, le président des départements et des

 23   sections, et cetera. Et il signait toutes les décisions, même si en

 24   théorie, elles ne lui plaisaient pas, et la même chose s'applique à vous,

 25   Monsieur le Président, je pense. Donc, les documents P9530, 1D0117, P303,

 26   1D65 et 1D643 viennent étayer cela.

 27   La Chambre s'est trompée lorsqu'elle a conclu, s'agissant de l'option de la

 28   supervision des départements par le président du HVO HZ HB, s'est trompée


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  1   lorsqu'elle a estimé que les départements étaient indépendants vis-à-vis de

  2   la présidence du HZ HB, qui les avait nommés avant de nommer un président.

  3   Il s'agit là des pièces P303, article 202; pièce 1D01, pages 2 à 7; pièce

  4   P00434; pièce 1D00171; 1D0173; 1D0174; et 1D00010.

  5   Si la Chambre de première instance avait apprécié à juste titre les

  6   éléments de preuve, elle aurait conclu au-delà de tout doute raisonnable

  7   que la décision prise par le HVO HZ HB et le gouvernement n'impliquait pas

  8   de pouvoirs militaires ou cette possibilité d'avoir recours à des unités

  9   armées. Il s'agit là d'une partie d'un élément de notre deuxième moyen

 10   d'appel.

 11   La Chambre de première instance n'a pas pu tirer la seule conclusion

 12   raisonnable, même si elle l'a concédé au paragraphe 106 que je ne faisais

 13   pas partie de la filière hiérarchique, mais que ses décisions me traitaient

 14   de la sorte. La Chambre de première instance s'est fourvoyée parce qu'elle

 15   n'a pas pris note du fait qu'en modifiant le décret sur les forces armées

 16   en octobre 1992, le HVO avait perdu presque toute autorité s'agissant des

 17   formations armées, ce qui est logique, étant donné qu'il n'y avait plus la

 18   même personne à la tête du HVO. Je cite là les articles 30 et 34, et que le

 19   financement se faisait par les municipalités. Je m'appuie là sur les pièces

 20   P289, article 55; et la pièce P588.

 21   La sécurité elle-même était gérée de façon formelle au sein du département

 22   de la Défense et était financée par les municipalités. Il n'y a aucun

 23   document qui a été adopté portant sur le HVO HZ HB et il n'y avait aucune

 24   intention non plus d'opérer une défense du HZ HB. Le HVO ou son président

 25   n'ont jamais rendu une seule décision dans ce sens-là et aucun procès-

 26   verbal de réunion n'a parlé de ce décret sur la confidentialité. Tout se

 27   passait de façon totalement ouverte et transparente.

 28   La Chambre de première instance n'a pas tenu compte du fait non plus que le


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  1   président du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, à la fin du mois de mai

  2   1993, c'est-à-dire quatre mois après le début supposé de l'entreprise

  3   criminelle commune, donc qu'un président a été nommé avec l'approbation des

  4   Musulmans, ce qui est confirmé dans une lettre d'Alija Izetbegovic du 27

  5   mai 1993. Dans cette lettre le président Izetbegovic déclare que :

  6   "Nous devons mettre sur pied des organes efficaces, organes donnant une

  7   certaine autorité à la Bosnie-Herzégovine, dans l'intention d'appliquer le

  8   plan international de construction d'une Bosnie-Herzégovine normale afin

  9   d'inclure des parties tierces."

 10   Je ne vais pas vous citer l'intégralité du texte, mais ce processus

 11   incluait la transformation des institutions d'Herceg-Bosna en institutions

 12   provinciales de Bosnie-Herzégovine. Pièce 3D342.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Prlic, là encore, je voudrais

 14   attirer votre attention sur le fait que vous être en train de lire votre

 15   texte à vitesse véséprime [phon] et que nous avons du mal à vous suivre.

 16   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Merci. Je vais faire de mon mieux.

 17   Ce sont des éléments qui sont importants pour ce qui est de la réponse à

 18   vos questions 4, 5 et même 10, puisque la Chambre de première instance n'a

 19   pas tenu compte d'une explication à titre subsidiaire, que la décision du

 20   15 janvier 1993 a été prise après avoir pensé qu'il y avait un accord sur

 21   la formation d'un commandement conjoint après un grand nombre d'accords qui

 22   n'ont pas été exécutés. On a pensé que le conflit allait être évité et

 23   qu'après la démobilisation, il y aura également la démilitarisation, qui a

 24   été donc visée dans cet accord.

 25   La Chambre de première instance n'a pas fait observer que c'était

 26   réciproque et provisoire, comme cela est cité dans le document du chef de

 27   l'état-major principal, où il est dit : Les commandants des zones

 28   opérationnelles doivent entrer en contact avec les officiers de l'ABiH pour


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  1   trouver des solutions les meilleures pour former les commandements

  2   conjoints. Document P01156.

  3   Il ne s'agit que de la formation des commandements conjoints,

  4   puisqu'il ne serait pas logique de voir que le HVO accepte que ses propres

  5   forces soient subordonnées à une partie autre que le HVO considère comme

  6   étant une partie menaçante ou ennemie.

  7   Il y avait même 11 brigades du HVO qui combattaient ensemble avec l'ABiH

  8   dans des provinces qui n'avaient pas une majorité croate. C'est IC00047.

  9   Cette décision ne devait pas être exécutée par la force dans aucune de ses

 10   versions. P01215. D'ailleurs, cette décision repose sur des éléments

 11   presque identiques visés à la décision qui a été prise par le ministre de

 12   la Défense de Bosnie-Herzégovine.

 13   Mais la Chambre de première instance n'a pas tenu compte de cela et du fait

 14   que cette décision n'avait aucun effet pour ce qui est de la situation sur

 15   le terrain. Le seul conflit qui a eu lieu était le conflit à Gornji Vakuf,

 16   qui a commencé le 11 janvier.

 17   La Chambre n'a pas tenu compte de faire une conclusion, et cela a trait à

 18   vos questions 4 et 5, et on peut donc se rendre compte de cela en se

 19   penchant sur des documents, qu'à Gornji Vakuf, un ultimatum local a été

 20   lancé disant qu'avant le 17 janvier, les tranchées doivent être enterrées

 21   qui ont été creusées vers la direction de la HVO de la part de l'ABiH, ce

 22   qui n'était aucunement lié à la décision du HVO, HZ HB du 15 janvier 1993.

 23   L'ordre d'Andric était une simple réaction militaire à la situation sur le

 24   terrain puisque l'ABiH a creusé les tranchées orientées vers le HVO et a

 25   bloqué ses mouvements, même l'a entravé d'atteindre son commandement.

 26   P1195.

 27   Dans le document 4D00348, où cet ordre d'Andric est cité ainsi que cet

 28   ultimatum local, il réitère les éléments de l'accord de huit points


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  1   concernant les mesures internes, déjà sur lesquelles il y avait un accord,

  2   comme c'était le cessez-le-feu, l'organisation des patrouilles conjointes,

  3   la démilitarisation de la ville, et cetera, avec un délai d'exécution de 24

  4   heures le 17 janvier 1993. Les documents des deux côtés le confirment. Ce

  5   sont P1163, P1174, 1182, 1206, 1220, 1226, 1236, 1D00816.

  6   L'ordre d'Andric "avait pour objectif de faire appliquer les conditions de

  7   l'accord portant sur le cessez-le-feu du 13 janvier." Documents 4D00348 et

  8   00346. Donc cela n'avait rien à voir avec la décision du HVO HZ HB du 15

  9   janvier qui, pour ce qui est de tous ces aspects n'avaient aucunement la

 10   forme d'un ordre militaire, n'avaient rien à voir avec l'utilisation des

 11   forces armées, et qui a prévu la création des commandements conjoints à

 12   partir du 20 janvier 1993. P01146.

 13   Et l'élément-clé, la Chambre de première instance n'a pas tenu compte du

 14   fait que la décision du 15 janvier n'est jamais entrée en vigueur et ne

 15   pouvait aucunement produire un effet, puisque cette décision a été retirée

 16   avant l'expiration du délai de son exécution.

 17   Dans la lettre écrite par la main de Mate Boban, président du HZ HB, qui a

 18   fourni l'information concernant l'accord auquel ils ont été parvenu et

 19   l'ordre de l'appliquer, pour que cette décision susmentionnée soit rendue

 20   le 15 janvier, a écrit le 20 janvier, donc le jour lorsque cette décision

 21   devait être appliquée, je cite :

 22   "Je vous ordonne de convoquer une réunion extraordinaire du HVO HZ HB et de

 23   modifier le point 5."

 24   Le HVO HZ HB a fait justement ce que Boban et Izetbegovic avaient demandé

 25   dans leur lettre, c'est P01267, du 17 janvier, à savoir a pris la décision

 26   de proroger le délai du début de la mise en place de cette décision jusqu'à

 27   ce que les négociations de paix ne soient finies. 1D00820, 821.

 28   Donc si la Chambre de première instance avait tenu compte de ces preuves,


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  1   elle n'aurait jamais pu conclure, au-delà de tout doute raisonnable, que

  2   c'était un "accord concernant l'objectif criminel commun", le paragraphe 44

  3   du jugement de première instance.

  4   Si la Chambre de première instance avait tenu compte du fait qu'il n'y

  5   avait pas d'activité pour faire quoi que ce soit concernant la mise en

  6   place du présumé ultimatum en avril, la Chambre de première instance aurait

  7   rejeté cette construction basée sur quelques articles de presse. La Chambre

  8   de première instance a commis une erreur puisqu'elle a fait présenter la

  9   proposition de Boban à Izetbegovic comme étant le début de la formation des

 10   commandements conjoints en accord avec l'accord de Vance Owen, et

 11   Izetbegovic et Boban avaient pour obligation de réaliser cela dans un délai

 12   de deux semaines, ce qui est confirmé pour Owen.

 13   Mis à part de quelques articles de presse à l'origine douteuse, c'est dans

 14   notre moyen d'appel 16.2, il n'y a aucune preuve, il n'y a aucun ordre

 15   disant que cela allait être exécuté, et surtout il n'y avait pas d'ordre

 16   concernant d'éventuelle offensive. La Chambre de première instance n'a pas

 17   fait observer que la question concernant ce présumé ultimatum n'était pas à

 18   l'ordre du jour d'aucune des réunions ultérieures du HVO HZ HB en avril

 19   1993. Ni dans les transcriptions présidentielles, y compris les

 20   transcriptions des entretiens entre Tudjman et Boban avec Izetbegovic et

 21   avec les représentants dans la communauté internationale, P2059, P1883. Et

 22   cela n'a été mentionné non plus dans des documents de la conférence portant

 23   sur l'ancienne Yougoslavie dans des milliers de pages de ces documents ni

 24   dans le livre d'Owen. P008632, ni dans aucun des rapports militaires du

 25   HVO. P03642, 1D02159.

 26   Et tout cela a été réduit à un conflit dans deux villages de la

 27   municipalité de Jablanica, où le rapport de forces entre les soldats et les

 28   policiers était de 1,500 à 300 en faveur des forces musulmanes. La Chambre


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  1   de première instance n'a pas tenu compte du fait que l'armée BiH a donné

  2   des ordres et lancé des attaques déjà le 13 avril 1993, et encore une fois

  3   le 14 et le 15 avril sur sept endroits différents, ce qui veut dire qu'il

  4   ne s'agissait pas du tout d'ultimatum lancé par le HVO prévu pour le 15

  5   avril. Documents 4D01241, 4D83, 4D453, 4D599, et 4D1241.

  6   La Chambre de première instance aurait dû faire observer que le 24 avril,

  7   Boban et Izetbegovic ainsi que les commandants des armées, ainsi que Owen,

  8   ont fait une déclaration conjointe concernant la création et l'organisation

  9   des commandements conjoints de l'armée BiH et du HVO et n'ont pas du tout

 10   mentionné l'ultimatum qui devait être lancé à la mi-avril.

 11   Si la Chambre de première instance avait apprécié de façon correcte les

 12   moyens de preuve, la Chambre n'aurait pas pu conclure au-delà de tout doute

 13   raisonnable que le HVO et le gouvernement de HR HB n'avaient pas de

 14   pouvoirs militaires et la possibilité d'utiliser des unités militaires. Les

 15   documents 1D001, P946.

 16   La Chambre de première instance ne se penche pas du tout sur les

 17   preuves que la partie musulmane, malgré des déclarations mentionnées,

 18   n'était pas prête à appliquer cet accord et qu'à la place de cela, au

 19   printemps 1993, a fait instaurer des districts non constitutionnels et

 20   c'était un exemple typique de la mise en œuvre d'une politique parallèle.

 21   Il était impossible de faire appliquer le plan d'Owen de façon unilatérale.

 22   Si la Chambre de première instance appréciait de façon correcte les

 23   éléments de preuve, la Chambre de première instance aurait conclu que

 24   l'ABiH a donné des ordres concernant les attaques dans toutes les

 25   municipalités alors que le HVO n'a pas donné de tels ordres. Et c'était sur

 26   le territoire des provinces à la majorité croate. Les municipalités de

 27   Prozor, Travnik, Zenica, Fojnica, Vitez, Busovaca, Konjic, Jablanica,

 28   Mostar, Stolac, Bugojno, mais aussi Zenica, Kakanj, Vares, et Zepca. Dans


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  1   toutes ces municipalités, le HVO était une formation militaire qui était

  2   considérablement plus faible par rapport à l'autre.

  3   Par exemple, pour ce qui est de Prozor, les pièces à conviction P430,

  4   716, 687; Mostar et Stolac, 1970, 4D35, 4D2000, P02790, et là il s'agit des

  5   dizaines d'ordres concernant les attaques contre ces municipalités.

  6   La Chambre de première instance n'a pas tenu compte du tout du cours

  7   des occupations de l'ABiH, à savoir de l'exclusion des Croates et du HVO

  8   des provinces ayant la majorité croate. Donc, cela montre le développement

  9   chronologique des événements, 4D00561 jusqu'à 4D00567. C'est un exemple du

 10   cours chronologique de l'occasion par l'armée BiH des provinces avec la

 11   majorité croate. Il s'agit d'une carte également.

 12   Lorsque mi-janvier, à savoir lorsque la Chambre de première instance

 13   a déterminé qu'il y a eu début de réalisation d'un prétendu plan criminel

 14   croate pour ce qui est de diminuer le nombre des Musulmans dans les

 15   provinces où ils étaient majoritaires, le HBO avait, dit-on, contrôlé 88 %

 16   des provinces à majorité croate et en août 1993, comme le dit Kresimir

 17   Zubak, qui est devenu par la suite président de la République croate

 18   d'Herceg-Bosna, ne faisait que 50 %. Pièce 1D02340.

 19   La Chambre n'a pas examiné les possibilités réelles et les efforts déployés

 20   par le HVO de la HZ HB pour ce qui est de la lutte contre la criminalité,

 21   la condamnation des crimes et le sanctionnement [phon] des auteurs de

 22   crimes. Le jugement n'a pas pris en compte le fait qu'aux réunions du HVO

 23   HZ HB, leur seule forme d'activité où on ne parle pas de Banovina,

 24   d'annexion de territoires, d'expulsion forcée, de déplacement de population

 25   conformément à un objectif quelconque, ne parle pas non plus de

 26   discrimination sous quelque forme que ce soit et aucune législation n'a été

 27   à cet effet publiée dans les journaux officiels, dans les gazettes

 28   officielles. Rien donc de contraire aux conventions de Genève, rien de


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  1   discriminatoire vis-à-vis de qui que ce soit. P947 et P5166.

  2   Toutes les interventions, les discussions, les réunions internes du conseil

  3   exécutif et du gouvernement ont été consacrées au plein respect du droit

  4   humanitaire international et aux efforts déployés pour influer sur les

  5   personnes en poste de responsabilité afin que celles-ci se comportent

  6   conformément aux règles en vigueur. Il s'agit -- toutes les déclarations

  7   relatives aux déplacements de personnes, à la sécurisation de ces

  8   personnes, au libre déplacement des convois humanitaires. Donc, il n'y a

  9   aucun élément de preuve où il y aurait eu un rejet quelconque pour ce qui

 10   est de ce type de réglementation ou de respect de ces réglementations. Il a

 11   été question de la fermeture de centres de détention, chose qui a été

 12   décidée grâce aux instances compétences. Pièces 3560, 3673, 1336 et ainsi

 13   de suite.

 14   Le jugement n'a pas pris en considération la lutte contre les agissements

 15   illicites pour ce qui est des délits, des pillages, des escroqueries.

 16   Et grâce aux efforts déployés en continuité dans le cadre de

 17   l'opération Pauk, il a été procédé à des dizaines d'arrestations et on a

 18   transféré les responsabilités vers les institutions indépendantes de la

 19   justice de la HR HB intégrées à la Fédération pour poursuivre en justice

 20   les pires des activités criminelles, y compris les crimes de guerre.

 21   1D01249, 1256, 1251, 1252, 1256, 1173, 2069 et 2544.

 22   La Chambre de première instance a négligé les efforts déployés par le

 23   gouvernement de la HZ HB et son président visant à condamner les crimes et

 24   la mise en place d'un partage du pouvoir à trois niveaux, et il y a eu

 25   nomination de procureurs et de juges par le biais d'un conseil de juges

 26   indépendants. Et je parle là de la pièce P4611, 1D1976, P7165.

 27   Et les copies du Tribunal montrent que les tribunaux se sont penchés sur

 28   ces affaires. Le Tribunal militaire de Mostar, par exemple, 500 pages, où


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  1   on fait état de tout ce qu'a fait la justice pour ce qui est des archives,

  2   la continuité des procès en justice. Et j'ajoute qu'au sein de la

  3   Fédération, on a justement mis en œuvre d'abord les instances de justice

  4   grâce aux cadres venus de la République croate d'Herceg-Bosna. Je fais

  5   référence aux 1D2355, 5024, 5027 et 5032.

  6   Comme vous le savez, et il s'agit donc depuis 1996, le Procureur de ce

  7   Tribunal-ci a pris sur cela la responsabilité de juger le bien-fondé des

  8   actes d'accusation dressés.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez encore sept minutes.

 10   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Oui, mais est-ce que vous avez englobé

 11   les questions ?

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, c'est inclus.

 13   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Oui.

 14   Alors, la Chambre n'a pas pris la considération la différence entre

 15   les prisons et les centres de détention où la HVO HZ HB n'avait aucune

 16   compétence.

 17   On a mis en place quatre tribunaux de département, quatre parquets au

 18   niveau d'une prison à Mostar, à Orasje, Busovaca, Gabela, et cetera. Et il

 19   y a eu des prisons pour ce qui est des prisonniers de guerre, chose qui a

 20   été mentionnée aux réunions du HZ HB où l'on constaté que s'agissant de la

 21   situation, la responsabilité n'incombait pas le HVO HZ HB ou le

 22   gouvernement HZ HB, pièce P4841. Je vais sauter certaines parties

 23   maintenant.

 24   Quand il s'agit des conclusions relatives aux déplacements de la

 25   population, la Chambre a omis de prendre en considération le fait que les

 26   Croates avaient accepté la totalité des plans de paix. Ils avaient toujours

 27   voulu que la Bosnie-Herzégovine soit maintenue et conservée et ils ont

 28   accepté les plans de Cutileiro, Vance-Owen, Stoltenberg et ils n'ont pas


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  1   voulu qu'il y ait des déplacements de population. Tout se basait sur le

  2   recensement de 1991. Alors, si vous voyez la carte du début, on peut voir

  3   comment la communauté croate ou la République croate a fonctionné et

  4   comment par la suite a fonctionné la République de Bosnie-Herzégovine dans

  5   son intégralité.

  6   Et tous ceux qui ont quitté leur pays, et la Chambre a omis de le

  7   faire remarquer, indépendamment de tout ce qui s'est passé, grâce à mes

  8   activités au niveau du gouvernement, on a restitué les logements aux gens

  9   et on a fait revenir la population, à la différence de ce décret d'Herceg-

 10   Bosna qui ne l'avait pas prévu.

 11   Et la seule conclusion raisonnable à adopter, c'est ce à quoi vous

 12   avez fait référence dans votre question, à savoir coordination des

 13   agissements des différentes municipalités pour mettre un terme aux aspects

 14   discriminatoires de la loi de la république. Ça n'avait rien à voir avec

 15   des expulsions illégales, activités criminelles de ce type, et ainsi de

 16   suite. Et on a bien précisé qu'on ne pouvait pas donner un appartement à

 17   quelqu'un à titre provisoire si l'occupant précédant a été victime d'un

 18   nettoyage ethnique.

 19   Et il y a cinq livres qui comportent les décisions y relatives des

 20   différentes municipalités où certains appartements ont été attribués à des

 21   Musulmans, à Mostar par exemple. Je fais référence --

 22   L'INTERPRÈTE : A une pièce dont l'interprète n'a pas entendu la référence.

 23   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Alors, on parle de nettoyage ethnique,

 24   mais c'est dénué de sens. La politique officielle était celle de faire en

 25   sorte que chacun reste chez soi.

 26   Les évacuations ont été effectuées en raison de catastrophes humanitaires

 27   des attaques de l'ABiH, assistée ou aidée par les Moudjahidines. La

 28   nécessité de l'évacuation a été mentionnée par la lettre de l'évêque


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  1   Komarica qui parle de la nécessité de sauver les Croates de telle ou telle

  2   autre région. Et si certains voulaient faire en sorte que -- si quelqu'un

  3   voulait faire en sorte que les gens restent chez eux, c'était bien l'Église

  4   catholique. L'Herceg Bosnie avait garanti la restitution des biens aux

  5   vrais propriétaires. On a empêché les abus pendant la guerre, et nous avons

  6   pris les mesures pour que tout à chacun reviennent chez soi, le chez soi du

  7   1er avril 1992.

  8   Et par une décision de mon gouvernement, il était interdit de

  9   procéder à des ventes et achats de biens immobiliers, le document 1652 --

 10   6852. La Chambre a omis de faire remarquer que la création d'une république

 11   croate avait été une adaptation au plan international de la création de

 12   trois républiques et non pas un plan criminel.

 13   La HB HZ se trouvait là où il y avait la communauté croate, on omet

 14   de faire remarquer que des Musulmans ont créé une république musulmane de

 15   Bosnie, et ont signé un accord avec la partie serbe pour ce qui est d'un

 16   partage factuel de la Bosnie-Herzégovine, 1D140, 1D036 et 1D1778.

 17   Et pour ce qui est de la création d'accommodements conjoints datant de

 18   janvier et d'avril, la Chambre a omis de prendre en considération un bon

 19   nombre de documents que le fait que le HVO avait été une partie

 20   constitutive et officielle et légale des forces armées. Et il s'agit aussi

 21   de son engagement en faveur de la levée du blocus de Sarajevo. Il

 22   s'agissait d'un conflit interne de deux composantes, et ces deux

 23   composantes ont les mêmes droits, tant pour ce qui est des indemnisations,

 24   de ce qui des décernements attribués et tous les autres éléments.

 25   La Chambre de première instance a omis de faire remarquer qu'en application

 26   de la loi de la Fédération, 1D -- 2D1183, a considéré que cette guerre

 27   "était une guerre de défense et de libération à compter du 18 septembre

 28   1991". Et pendant toute cette période, le quart de la période a été englobé


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  1   par ce malheureux conflit.

  2   Les Juges de la Chambre de première instance n'ont pas fait

  3   remarquer, mais vous avez remarqué la chose vous-même, Monsieur le

  4   Président, à savoir que dans la première moitié de 1994, j'étais ministre

  5   et à la tête de l'armée. Et cette armée a libéré des territoires pour

  6   apporter au final la paix sur ces territoires-là. Malheureusement, j'ai eu

  7   des soldats à moi qui ont, hélas, péri à Srebrenica.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Prlic. Nous allons

  9   faire une pause de 15 minutes maintenant, et nous allons ensuite vous

 10   redonner la parole.

 11   --- L'audience est suspendue à 10 heures 55.

 12   --- L'audience est reprise à 11 heures 15.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Karnavas, vous avez une heure.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 15   Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes dans le prétoire et à

 16   l'extérieur du prétoire.

 17   Etant donné que le Dr Prlic a abordé les détails, je vais un tour d'horizon

 18   pour démontrer quelles erreurs importantes ont été commises par la Chambre

 19   de première instance.

 20   La Chambre de première instance a examiné tous les éléments de preuve

 21   objectivement lorsqu'elle rend un jugement, est un acte de foi que nous

 22   acceptons tous, c'est certain, mais dans le cas qui nous intéresse et en

 23   l'espèce ceci est manifestement erroné. Et sous ces six tomes

 24   impressionnants du jugement de première instance, il y a en fait un abandon

 25   calculé des éléments de preuve, un mépris abjecte du contexte et un abandon

 26   imprudent du principe d'équité.

 27   La Chambre de première instance a commis un nombre d'erreurs importantes,

 28   et ce, de façon systématique pendant le procès, et lorsqu'elle a prononcé


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  1   son jugement. La Chambre n'a pas appliqué le droit applicable comme il se

  2   doit; elle a sélectionné les éléments de preuve sur laquelle elle s'est

  3   reposée, elle a mal interprété certains des éléments de preuve qu'elle

  4   avait sélectionnés, et ce qui fait encore plus froid dans le dos, c'est que

  5   la Chambre a ignoré des éléments de preuve pertinents qui, au vu de ces

  6   éléments, invalide les conclusions de la Chambre de première instance au

  7   niveau des faits et des conclusions en matière de droit. Et notre appel

  8   repose exactement là-dessus.

  9   Il y avait trois Juges, quatre Juges en réalité, ils avaient 26 mois pour

 10   rédiger le jugement, et ils ont ignoré toute la défense de M. Prlic, et

 11   preuve en est faite au vu du jugement.

 12   Manifestement et arbitrairement, évitant de considérer les éléments de

 13   preuve, la Chambre de première instance n'a pas apprécié certains éléments

 14   de preuve. Et même si ces éléments de preuve semblent intéressants, ceci

 15   paraît attirant, mais si vous grattez un peu à la surface, eh bien, cela

 16   n'est pas du tout fiable. Alors que d'autres éléments de preuve qui, à

 17   première vue, ne semblent pas fiables, si vous les associez à d'autres

 18   éléments de preuve, ont tendance à être fiables.

 19   Qu'est-ce que j'entends par là ? Parce que je vais vous citer des exemples.

 20   Lorsqu'un Croate vient témoigner au nom de la Défense, et qu'il dit "je

 21   connais l'accusé", eh bien, cela est interprété comme le fait que c'est

 22   quelqu'un qui a un parti pris, qui n'est pas fiable, et qu'il est inutile

 23   d'analyser le témoignage d'un tel témoin. C'est ce que l'on constate dans

 24   le jugement de première instance. Le témoignage desdits témoins n'est

 25   absolument pas apprécié à leur juste valeur. Eh bien, il a été nommé ou il

 26   connaissait l'accusé, et donc c'est un Croate qui témoigne au nom de la

 27   Défense et, par conséquent, c'est un menteur. Voilà l'essentiel de nos

 28   arguments en appel.


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  1   Et sauf le respect que je vous dois, nous sommes ici devant un tribunal

  2   pénal international, et comme le Président Meron, le Juge Meron a précisé

  3   que nous devons respecter les normes les plus élevées en matière de droit,

  4   et cette Chambre de première instance a échoué et a échoué de façon répétée

  5   en l'espèce, et lorsqu'elle a prononcé son jugement qui lui a fallu 26 mois

  6   pour le rédiger.

  7   En n'appliquant pas la méthodologie adéquate et les critères

  8   juridiques adéquats, la Chambre de première instance a conclu de façon

  9   erronée, les conclusions de fait et de droit sont erronées. Elles ont

 10   ignoré quasiment toute la défense de Prlic, en dehors de ce contexte, en

 11   dehors d'autres éléments de preuve. Elle s'est prononcée de façon

 12   incorrecte.

 13   Et la Chambre de première instance n'a pas fourni d'opinion motivée,

 14   et c'est ce qu'un jugement est censé faire, un jugement est censé fournir

 15   une opinion motivée. Pourquoi est-ce essentiel ? C'est pour deux raisons.

 16   Parce que nous avons -- s'il n'y a pas de raisonnement motivé, c'est un

 17   Tribunal qui a deux Chambres, je parle de première instance et Chambre

 18   d'appel. Alors vous, Messieurs les Juges de la Chambre d'appel, comment

 19   pouvez-vous analyser la situation, comment pouvez-vous apprécier les

 20   éléments de preuve ?

 21   Quel est l'objectif ou le but des Nations Unies qui fournissent des

 22   fonds aux avocats de la Défense parce que les accusés ont le droit d'être

 23   représentés dans le cas où ils n'ont pas les ressources nécessaires, et

 24   donc il y a un compte rendu qui est fait, et ensuite de ne pas tenir compte

 25   du tout du compte rendu, de le sortir de ce contexte et de trier sur le

 26   volet les éléments qui vous intéressent de façon à construire un jugement.

 27   Cela étant dit, puisque j'y suis, puisque j'ai la parole, si vous

 28   vous penchez sur nos moyens d'appel, notre appel, nous avons eu du mal. En


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  1   fait, il y avait un comptage de mots, et pour chaque affirmation que nous

  2   présentons, il y a une note de bas de page correspondante. Et si vous

  3   regardez les notes de bas de page, il y a des citations, et il y a des

  4   citations sur toutes les pages qui citent en fait les numéros de pages et

  5   les lignes. En fait, il n'y a pas d'espace entre les deux. La raison en est

  6   que si vous avez un espace, cela est compté comme un mot, donc on peut

  7   avoir 20 à 30 citations consignées au compte rendu, et cela ne représente

  8   qu'un seul mot.

  9   Et pourquoi est-ce qu'un espace représente un mot ? Parce que nous

 10   souhaitions non pas vous donner, en fait, la meule de foin, mais les

 11   aiguilles dans la meule de foin, de façon à ce que vous puissiez aller vous

 12   pencher là-dessus et voir de quoi il s'agit, car nous faisons valoir que si

 13   vous lisez notre mémoire en appel, ainsi que les documents qui y sont

 14   cités, pour chaque affirmation, vous constaterez qu'il y a une note de bas

 15   de page correspondante, et les éléments sur lesquels vous devez vous

 16   concentrer qui établissent la validité de l'affirmation ainsi présentée,

 17   quelque chose que nous attendions de la part de la Chambre de première

 18   instance lorsqu'elle devait remplir son rôle.

 19   Alors, quelle est la difficulté qui se présente à vous actuellement, étant

 20   donné que vous ne disposez pas d'opinions motivées, de décisions motivées,

 21   simplement des déclarations, effectivement, ce que nous vous demandons

 22   maintenant, à regret, c'est de réexaminer tous les éléments à nouveau, des

 23   pages de compte rendu d'audience au nombre de 52 962, 818 décisions écrites

 24   et 5 926 pièces à conviction qui ont été versées au dossier lors du procès.

 25   C'est effectivement le rôle qui vous incombe ou, en tout cas, il va falloir

 26   vous pencher sur ce que nous avons cité pour déterminer si, oui ou non, la

 27   Chambre de première instance a correctement apprécié les éléments de

 28   preuve.


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  1   Oui, il est vrai, il y a une présomption [inaudible] indiquant que les

  2   éléments à la Chambre de première instance avait évalué tous les éléments

  3   de preuve. Mais comment a-t-on procédé dans le cas qui nous intéresse ?

  4   Citons un nom, par exemple. La Défense de Prlic cite un témoin à la barre,

  5   et nous allons le caser quelque part, peut-être une date que nous allons

  6   donner qui n'a rien à voir avec le fond, et donc, si on procède à une

  7   vérification par mots, on constate que ce nom de ce témoin a été mentionné,

  8   donc pris en compte, le témoignage dudit témoin a été pris. Alors qu'en

  9   réalité, je dois dire, Messieurs les Juges, il s'agit d'un subterfuge. En

 10   fait, vous saupoudrez tout cela avec des noms et vous saupoudrez tout cela

 11   avec des documents. Vous ne faites pas une appréciation correcte. Et

 12   ensuite, vous dites : Nous avons fait notre travail, nous avons apprécié

 13   les éléments de preuve. Moi, je vais vous citer des exemples concrets.

 14   C'est tout à fait choquant et c'est scandaleux.

 15   La Chambre de première instance a constaté à tort qu'il y a avait une

 16   entreprise criminelle commune qui était à l'origine de la création du

 17   HZRHB, la République croate d'Herceg-Bosna et, en fait, la Chambre de

 18   première instance fait un amalgame des deux et ne sait même pas la

 19   différente entre la Herceg-Bosna et la République croate d'Herceg-Bosna, et

 20   ne considère pas que ceci a été établi suite aux négociations en cours à

 21   l'époque.

 22   Alors, en se penchant maintenant sur les éléments de preuve et en

 23   n'appréciant pas correctement les éléments de preuve, ni la déposition des

 24   témoins, la Chambre constate qu'il s'agit d'un prolongement de l'entreprise

 25   criminelle commune, qui était censée avoir été créée en 1991, un 27

 26   décembre. Ils regardent les comptes rendus présidentiels, des documents de

 27   125 pages, sélectionnent un ou deux passages avant que l'ABiH ne soit

 28   déclarée indépendante, ils font venir un ou deux témoins, un soi-disant


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  1   expert, Ribicic, qui vient de Slovénie, que je vais aborder plus tard, et

  2   ils excluent tout le reste et ne se penchent pas sur les autres comptes

  3   rendus présidentiels.

  4   Ils ne regardent pas les autres événements qui ont suivi. Voilà, à cette

  5   date-là, les Croates parlent de l'ABiH et ce qui va se passer. Si vous

  6   regardez le groupe de près, c'est toutes sortes d'idées que l'on lance.

  7   Pourquoi ? Parce que le contexte que nous, nous avons présenté, et que la

  8   Chambre de première instance n'a pas examiné, à ce moment-là dans

  9   l'histoire du pays, on ne savait pas si l'ABiH allait survivre en tant

 10   qu'Etat. La question était celle de savoir si la Bosnie-Herzégovine venait

 11   à s'effondrer, fallait-il que la Croatie prenne soin de sa population et de

 12   ses frontières. Cela a fait l'objet d'un débat.

 13   Lorsque la Bosnie-Herzégovine a proclamé son indépendance, le premier

 14   Etat à reconnaître cette indépendance avait été la Croatie. La Croatie

 15   avait prétendument -- a fourni des armes. Mais, en fait, les Moudjahidines

 16   sont venus par le biais de la Croatie. Les armes, l'aide humanitaire, les

 17   réfugiés, tout cela a été l'œuvre de la Croatie. Pourquoi armeriez-vous une

 18   armée de la Bosnie-Herzégovine et pourquoi leur apporteriez-vous des armes

 19   si, en même temps, l'objectif avait été d'exterminer les Musulmans ou de

 20   procéder à un nettoyage ethnique de certains secteurs ? Cela ne fait pas de

 21   sens. Les Juges de la Chambre de première instance n'ont jamais pris la

 22   peine de se pencher sur tout ceci dans le contexte approprié.

 23   Ils ont négligé de le prendre en compte. Ils ont omis de se pencher

 24   sur les documents critiques ou cruciaux sur la façon dont a été créée la

 25   République croate d'Herceg-Bosna et ils n'ont pas pris en compte le

 26   contexte des événements sur les lieux. On a amené des témoins à cet effet.

 27   La Banque centrale ne fonctionnait pas, la distribution d'électricité ne

 28   fonctionnait pas. Il n'y a pas de paiements qui se font. On ne peut pas


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  1   envoyer de l'argent. Les municipalités sont dans un piège, et il fallait

  2   qu'elles se battent pour elles-mêmes.

  3   Qu'ont fait, donc, les Croates dans tout ce contexte, qu'y a-t-il de

  4   mauvais ou de criminel à tout cela ? Ils ont fait la même chose que les

  5   Musulmans, là où les Musulmans avaient été en majorité. Chaque municipalité

  6   a, en fait, créé une Défense territoriale à soi, conformément à la doctrine

  7   de la Défense populaire généralisée, il fallait prendre soin de tout ceci.

  8   Il fallait payer des salaires, il fallait garder les écoles en état de

  9   marche, payer les retraites, nettoyer les villes.

 10   Alors, l'Accusation a dit : "On croatise tout ceci." Les Juges de la

 11   Chambre ne sont pas allés si loin, mais ils ont certainement négligé un

 12   certain nombre d'éléments de preuve que nous avons présentés. Nous avons eu

 13   un expert qui a été amené pour former les membres de la Chambre de première

 14   instance à la connaissance du système et à son évolution.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Karnavas, excusez-moi de vous

 16   interrompre, mais je vais demander au Greffier de s'assurer que l'on fasse

 17   interrompre cette perceuse qu'on entend, parce que cela nous ennuie et je

 18   suis certain que cela perturbe tout un chacun. Alors, pendant que nous

 19   siégeons, on devrait cesser de faire fonctionner une perceuse.

 20   Excusez-moi, Monsieur Karnavas. Continuez, je vous prie.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] Pas de problème. Je vais vous dire que je ne

 22   l'ai pas remarqué, mais maintenant que vous venez de le dire, je le

 23   remarque.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est pour cela que vous n'êtes pas

 25   Juge.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne pense pas être suffisamment qualifié

 27   et ce n'est pas dans mon tempérament.

 28   Ce que nous voulions dire, Messieurs les Juges, c'est qu'aucune Chambre


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  1   raisonnable ne pouvait tirer les conclusions telles que tirées par les

  2   Juges de la Chambre de première instance vu que ces derniers ont dédaigné

  3   de prendre en considération les arguments de la Défense. Il lui était

  4   indépendant de se pencher sur la façon dont la République croate d'Herceg-

  5   Bosna a été créée, ce qui s'est passée, pourquoi cela a-t-il été créé.

  6   Mais ayant ignoré les éléments de preuve présentés, les Juges de la Chambre

  7   de Chambre de première instance ont monté de toutes pièces un faux récit

  8   disant que le Dr Prlic était au sommet politique d'une pyramide de pouvoir

  9   énorme sur le plan politique et militaire, et tout ceci a été la création

 10   d'une communauté croate ou d'une République croate d'Herceg-Bosna. Et ayant

 11   occupé ces fonctions, il a contribué grandement à l'entreprise criminelle

 12   commune, ce qui, d'après la Chambre de première instance, a été la genèse à

 13   l'origine de tout ceci, et ça se passe le 27 décembre 1991, déjà. Et on

 14   omet de prendre en compte tout ce qui se passe, y compris, par exemple,

 15   l'accord de coopération établi entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine,

 16   entre Tudjman et Izetbegovic.

 17   Et dès qu'il y a eu proclamation de l'indépendance de la Bosnie-

 18   Herzégovine, les deux leaders se sont rencontrés, ils ont convenu d'un

 19   accord. Et la finalité de tout ceci était de s'organiser, d'organiser les

 20   affaires intérieures, le côté administratif du fonctionnement interne de la

 21   Bosnie-Herzégovine.

 22   Et les Juges de la Chambre de première instance n'ont pas pris cela

 23   en compte. Ils ne l'ont pas reconnu, du moins pas pour ce qui est des

 24   Croates. Les trois nations constituantes en Bosnie-Herzégovine, ça toujours

 25   été reconnu comme telles. Avant la guerre et pendant la guerre. Mais il y a

 26   une espèce de piège pour ce qui est des Croates : ils ont toujours été

 27   minoritaires. Ils étaient 17,2 ou 17,3 % à l'époque.

 28   Comment organiser le fonctionnement interne de la Bosnie-Herzégovine


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  1   de façon à ne pas avoir une personne, un vote ? Parce que si les Musulmans

  2   qui sont majoritaires, et qu'on appelle désormais Bosniens, ils étaient

  3   majoritaires et contrôlaient tout. La présidence, l'assemblée. Ils

  4   pouvaient compléter tous les postes administratifs et de gestion, alors si

  5   l'on reconnaît le fait qu'il y a trois nations constituantes, pas minorité,

  6   je dis bien nations, alors ces nations sont censées partager les choses au

  7   niveau de la Bosnie-Herzégovine.

  8   On a vu quelque chose il y a une semaine ou deux, Izetbegovic

  9   d'aujourd'hui, le fils d'Alija, qui a hérité le trône de son père au parti,

 10   s'est adressé à la Cour internationale de justice en venant de la rue pour

 11   demander à réexaminer une décision rendue par ce Tribunal, cette Cour. Et

 12   il nomme quelqu'un comme si cette personne était le représentant de la

 13   Bosnie-Herzégovine. Et il y a un représentant ou deux représentants de la

 14   communauté internationale, par exemple, M. [inaudible] qui est ex-

 15   ambassadeur américain, qui devait le savoir parce qu'il l'a représenté --

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous demande de rester sur le sujet,

 17   Monsieur Karnavas.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, mais les Juges de la Chambre de

 19   première instance ont négligé les éléments de preuve démontrant que les

 20   Croates voulaient s'assurer de la protection de leurs droits. Il y avait un

 21   plan Cutileiro, il y avait un plan Vance-Owen, Vance-Stoltenberg, et ainsi

 22   de suite, et tous ces plans-là se ressemblaient entre eux. Les Juges de la

 23   Chambre de première instance n'ont jamais pris en considération le fait que

 24   les Croates n'ont jamais eu un plan unifié ou une carte à laquelle ils

 25   s'accrochaient pour affirmer que ce territoire ou cette région leur

 26   appartenait de droit. Les cartes et les plannings venaient des

 27   représentants de la communauté internationale. Ça n'a pas été établi par

 28   les Croates. Et c'est là l'élément crucial portant sur -- enfin relatif à


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  1   la décision du 15 janvier dont je me propose de parler dans quelques

  2   instants.

  3   Pour cela est-il important ? C'est important pour la question numéro 4, et

  4   aussi pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune. Parce que le plan

  5   de paix Vance-Owen a été d'une grande actualité vers la fin de 1992. Et au

  6   premier des mois qui a suivi, il y a eu des sessions plénières à Genève. Le

  7   plan a été rendu public, on en a parlé et on parlait de sept ou dix

  8   provinces, selon les majorités de population, et on avait pensé répartir

  9   les choses ainsi. Pour des raisons administratives, cela était censé être

 10   attribué de la sorte aux Croates, et les Croates auraient eu l'opportunité

 11   de se retrouver à la tête de certaines provinces. On n'a pas demandé de

 12   nettoyage ethnique. Aucun des plannings internationaux, à commencer par

 13   celui de Cutileiro, n'avait pas demandé des partages, des déplacements de

 14   la population ou du nettoyage ethnique. Quoi qu'il en soit, ça se passe

 15   entre le 2 et le 10 janvier quand on a débattu de ce plan.

 16   Entre-temps, quelles qu'aient été les raisons, vers le 2 ou 3, dans

 17   le secteur de Gornji Vakuf il y a eu des combats. C'était très localisé

 18   comme conflits. En raison de la nouvelle année ou des drapeaux brandis ou

 19   parce que tout simplement quelqu'un avait été saoul. Mais le 11 janvier,

 20   ces deux parties des forces en présence, en Bosnie-Herzégovine, parce que

 21   vous vous souviendrez qu'il y a eu l'accord d'amitié et de coopération où

 22   l'on disait que l'ABiH et le HVO seraient des parties constitutives et

 23   intégrales des forces armées de la Bosnie-Herzégovine. Et dans ce secteur

 24   très localisé, il y a eu deux segments de ces forces-là qui se sont battues

 25   les uns contre les autres, le 11, et on avait pensé qu'il allait y avoir

 26   une escalade. Donc il fallait trouver une solution.

 27   Et le 14 et 15 janvier lorsqu'ils sont partis à Genève, Izetbegovic a

 28   fait un déplacement sur Zagreb pour rencontrer Tudjman. Il y avait


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  1   Izetbegovic, il y avait Susak, et je crois que Praljak aussi était là-bas,

  2   et on est arrivés à un accord. C'est l'accord de Zagreb. Partant de cet

  3   accord de Zagreb, le HVO était censé se soumettre dans les parties où les

  4   Musulmans étaient majoritaires et vice versa, l'ABiH se subornerait elle-

  5   même au HVO, là où les Croates étaient majoritaires. C'était la teneur de

  6   l'accord. C'était la teneur de l'accord.

  7   Or Praljak quitte Zagreb pour aller à Mostar, et je crois que,

  8   Messieurs les Juges, vous vous êtes déplacés là-bas à un moment donné.

  9   Lorsque le général Praljak s'en est allé, l'accord était ce qu'il était.

 10   Est-ce qu'Izetbegovic va changer d'opinion par la suite, ça on ne pouvait

 11   pas le savoir. Mais lorsque le général Praljak est arrivé à Mostar, il a

 12   montré le texte de l'accord, et partant de ceci, on pouvait dire que

 13   pratiquement Boban était en commandement et on avait demandé une session

 14   extraordinaire pour mettre en œuvre l'accord en question. Pourquoi ? Parce

 15   qu'il y a eu des combats qui échappaient à tout contrôle dans le secteur de

 16   Gornji Vakuf.

 17   C'est l'aspect critique. Et c'est la raison pour laquelle, le 15

 18   janvier 1993, l'accord de Zagreb avait conduit à une décision et à des

 19   ordres. Et si on se penche sur la teneur de ces ordres, Monsieur le Juge,

 20   on y verra rien de ce qui s'est produit par la suite et qui permettrait de

 21   conclure d'un ultimatum. Tout ceci a été monté de toutes pièces. C'est une

 22   jolie phrase de parler d'ultimatum. Mais ultimatum sur quoi ? Le 20

 23   janvier, Boban avait donné un ordre, puis l'a retiré. Comment établir un

 24   lien ?

 25   Vous vous souviendrez que dans le jugement, les Juges de la Chambre

 26   de première instance ont parlé d'entreprise criminelle commune ayant

 27   commencé et ayant porté sur la reconstitution des frontières de la Banovina

 28   de 1939 de façon à ce que les Croates s'emparent de ces territoires-là et


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  1   qu'ils deviennent un Etat au sein d'un Etat. Ça commence avec le 27

  2   décembre 1991.

  3   Comment établir un lien maintenant entre ceci et la décision du 15

  4   janvier 1993 ? Ça n'a rien à voir. Il n'y a aucun lien. Cette décision se

  5   base sur l'accord de Zagreb qui parle des combats qui se produisent in

  6   situ. Et quelle est la partie que les Juges de la Chambre n'ont pas

  7   comprise ? Parce que nous avons présenté énormément d'éléments de preuve

  8   pour dire pourquoi ceci s'est produit, et ce qui s'est produit en réalité.

  9   Nous avons fait venir un témoin, un certain Batinic. Et qu'a-t-on dit à son

 10   sujet ? Je vais vous le montrer, c'est assez impressionnant, parce que cela

 11   en montre long pour ce qui est de ce sur quoi il fallait tomber d'accord au

 12   niveau de ce procès.

 13   Batinic était à Gornji Vakuf à l'époque des combats, il est venu pour

 14   témoigner pendant quatre jours. Les Juges de la Chambre de première

 15   instance ont affirmé qu'ils ont constaté que son témoignage n'était pas

 16   fiable et crédible sur certains points.

 17   Sur quels points ? On ne le sait pas. "Notamment pour ce qui est du

 18   rôle du HVO". Bon. Mais pour ce qui est des événements criminels que l'on

 19   affirme s'être produits en '93. Dans quelle partie ?

 20   Où se trouve cette estimation ou ce jugement ? Quelle est la partie

 21   non crédible ? Ou quel est le document qui a été montré pour que l'on dise

 22   il n'est pas crédible parce que cela est le fruit de son imagination ou le

 23   produit de son imagination, ou enfin toute une série d'éléments pour

 24   affirmer qu'il n'était pas crédible. Mais rien. Alors on parle de l'analyse

 25   de ce témoin qui a été sur les lieux, qui a parlé de Gornji Vakuf, qui a

 26   parlé de l'année '93. Et on en a arrive à la question numéro 4.

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Quel chapitre, je vous prie ?

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Volume 2, paragraphe 302 [comme interprété].


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  1   Ça vient du compte rendu d'audience.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Alors, il s'agit du moyen d'appel 2. Je vous

  4   convie à vous pencher attentivement sur ce moyen d'appel, parce que nous

  5   soulignons toutes les opportunités manquées qu'avaient eues les Juges de la

  6   Chambre de première instance pour établir un lien entre nos éléments de

  7   preuve et les crimes allégués à l'acte d'accusation.

  8   Parce que, par exemple, s'agissant de Perkovic, et ici, nous avons un

  9   bon nombre de paragraphes y relatifs, je l'ai mentionné, ça se trouve au

 10   moyen d'appel 2, il y a 17 secteurs ou 17 domaines différents sur lesquels

 11   il a témoigné et qu'on a complètement dédaigné de prendre en compte. Il

 12   s'agit du numéro 22. Et pour ce qui est d'un dénommé Buntic, qui a été

 13   convié par les Juges de la Chambre de première instance à témoigner, il

 14   s'agit d'une personne qui est décédée d'un cancer, mais il est resté ici

 15   neuf jours à témoigner.

 16   Qu'a-t-on fait de son témoignage ? Penchons-nous sur le paragraphe

 17   511, note de bas de page 1246. Les Juges de la Chambre de première instance

 18   ont affirmé qu'ils expliqueraient que le témoignage de Zoran Buntic au

 19   sujet de la structure du HZ HB n'a pas été considéré comme étant crédible.

 20   C'est tout.

 21   Alors, ils ont expliqué la chose ainsi. Je me suis penché dessus dans

 22   les six volumes. Et non seulement son témoignage a été complètement mis de

 23   côté, mais il n'a jamais été évalué et on n'a pas expliqué non plus

 24   pourquoi ce témoignage avait été jugé non crédible. Quelles sont les

 25   parties qui n'ont pas été trouvées crédibles ? Partant de quoi a-t-on

 26   considéré que ce n'était pas crédible ?

 27   Je vais vous donner un autre exemple et il me faudrait sept jours pour

 28   parcourir tout ceci et pour indiquer quelles sont toutes les opportunités


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  1   ratées ou toutes les erreurs commises.

  2   Un autre témoin crucial, Zelenika, il a témoigné ici pendant quatre

  3   jours.

  4   "De façon générale, la Chambre a omis de prendre en considération le

  5   témoignage de témoins en estimant que leur crédibilité était suspecte."

  6   C'est une déclaration tout à fait générale.

  7   Mais comment peut-on en arriver à ce type d'estimation quand vous

  8   affirmez que, d'une façon générale, ce témoignage n'est pas crédible ?

  9   Je vais vous donner un exemple : Mirko Zelineka. Les Juges de la

 10   Chambre ont considéré que seuls certains documents versés au dossier par le

 11   biais de son témoignage et qui ont été versés au dossier par la suite

 12   avaient une valeur probante déterminée. Ça se trouve au volume 1,

 13   paragraphe 286. C'est jusqu'à ce point que va leur évaluation.

 14   Donc, il a témoigné. On a dit que certains documents n'avaient pas la

 15   valeur probante qui était nécessaire. Mais quels étaient les documents

 16   qu'on voulait et quelles étaient les questions qu'on voulait évoquer, et

 17   qu'est-ce que cela avait à voir avec son témoignage ? Il est venu parler de

 18   ce qu'il a vu. Il est venu témoigner au sujet d'événements, ce qu'il a

 19   perçu. Pourquoi son témoignage n'a-t-il pas été pris en compte ? Et quels

 20   sont les documents qui ont été pris en compte pour dire qu'ils n'avaient

 21   qu'une valeur probante très relative ?

 22   Alors, ce n'est pas une façon transparente d'évaluer la valeur des

 23   éléments de preuve, Messieurs les Juges. Et au moyen numéro 2, nous pensons

 24   et nous estimons devoir dire que cela a été fait de façon systématique avec

 25   18 de nos témoins. Nous avons les chapitres, les lignes, les pages, et vous

 26   avez tout ceci dans nos écritures. Je ne vais donc pas dépenser le peu de

 27   temps imparti - vous avez déjà été suffisamment généreux à mon égard - et

 28   je ne vais pas énumérer toutes les erreurs commises parce qu'elles ont été


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  1   fort nombreuses.

  2   Alors, maintenant, les témoins de l'Accusation. Nous avons appris, du moins

  3   pour Batinic, qu'ils ne voulaient pas le prendre en considération parce

  4   qu'il était un proche de l'accusé.

  5   On vient, maintenant, à parler de Tomljanovich, l'expert de

  6   l'Accusation, un analyste, tel que qualifié par eux, est venu témoigner

  7   pendant plusieurs jours. Pendant une semaine, je dirais. Et Tomljanovich

  8   travaille pour le bureau de l'Accusation. Il a travaillé pour le bureau de

  9   l'Accusation pendant plusieurs années, depuis 1999. Peut-être que je me

 10   trompe au niveau des dates, mais il a travaillé pour eux pendant bon nombre

 11   d'années et il a aidé à la rédaction de l'acte d'accusation, et suite à la

 12   rédaction de l'acte d'accusation, il a pondu son rapport d'expert.

 13   Alors, dites-nous que ce n'est pas une confirmation de partialité. Il

 14   parle de choses données, puis il apporte des éléments pour étayer l'acte

 15   d'accusation rédigé par lui et aide ses chefs, c'est-à-dire le bureau du

 16   Procureur. Il a témoigné et je l'ai contre-interrogé. Cela a été un délice

 17   que de le contre-interroger. Et je vous convie à vous pencher attentivement

 18   sur cette partie-là du compte rendu d'audience, parce qu'à la fin de son

 19   témoignage, il s'est avéré, de façon absolue, qu'il n'avait aucune

 20   crédibilité. Il a fait preuve d'une ignorance profonde de ce qu'il était

 21   censé devoir rédiger pour parler de la création de la République croate

 22   d'Herceg-Bosna.

 23   Et qui voit-on ? Au jugement, on dit qu'on s'est penché sur le fait

 24   qu'il avait fait partie du bureau du Procureur, mais on ne dit pas qu'il

 25   était crédible ou pas. Ce qui est intéressant aussi, c'est que cet employé

 26   du bureau du Procureur n'est pas mentionné du tout s'agissant de son

 27   témoignage. On évoque son rapport. On fait référence à son rapport.

 28   Où est l'analyse ? Où est l'évaluation s'agissant de son témoignage


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  1   et les liens qu'il avait avec le bureau du Procureur ? Donc, je parle de

  2   deux poids et deux mesures. Il y a des normes pour la Défense, et quand

  3   quelqu'un vient témoigner alors qu'il a travaillé pour le bureau du

  4   Procureur, on ne prend pas cela en considération, et nous affirmons que

  5   cela est tout à fait incorrect.

  6   Je vais vous donner un autre exemple, l'exemple de Ribicic. Il a été

  7   convoqué en tant que témoin expert dans l'affaire Kordic. Il a préparé un

  8   rapport, qui a ensuite été publié sous la forme de livre.

  9   Et dans son analyse -- en fait, je dois dire que vraiment, le nœud de la

 10   question était sa lecture du compte rendu d'audience du 27 décembre 1991,

 11   et tout le monde peut lire ce compte rendu.

 12   Et à ce moment-là, lorsqu'il a rédigé ce rapport pour l'affaire

 13   Kordic, c'était le seul compte rendu disponible. Peut-être qu'il y en avait

 14   un ou deux autres. Mais plus tard, les enregistrements de Tudjman, les

 15   comptes rendus présidentiels, ont été rendus disponibles, ce qui veut dire

 16   qu'au moment où il est venu déposer en l'espèce, ces documents étaient

 17   disponibles au public. L'Accusation les a.

 18   Est-ce que vous pensez que le Procureur général lui a demandé

 19   pourquoi il faudrait revoir aussi ces autres comptes rendus pour

 20   éventuellement changer d'avis ? Non. Aucune question n'a été posée à cet

 21   égard. Rien du tout. Et cela e eu, effectivement, une incidence sur

 22   l'analyse de la Chambre de première instance du témoignage de Ribicic. Mais

 23   cette déposition de l'affaire Kordic a été versée au dossier, et nous, nous

 24   avançons que cela n'est pas la façon idoine de procéder.

 25   Mais, Monsieur le Président, je regarde l'heure. Il me reste combien de

 26   temps ?

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Quatorze minutes.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien. Je pensais qu'il me restait


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  1   environ une demi-heure. Je vais essayer de m'y tenir. Merci.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, désolé, c'est 24 minutes.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Ah, magnifique alors. Je commençais à doute

  4   de ma montre.

  5   Messieurs les Juges, le contexte est important, et la Chambre de première

  6   instance a commis une erreur, plusieurs erreurs, car elle n'a pas tenu

  7   compte du contexte politique, notamment, dans lequel les événements se sont

  8   déroulés. On ne peut apprécier des éléments de preuve isolément, sans

  9   contexte.

 10   Et les affaires que vous devez juger ne sont pas de simples affaires

 11   de délit. Il y avait énormément d'éléments en jeu. Voilà pourquoi, lorsque

 12   vous êtes sur le point de dire que si des personnes s'organisent dans des

 13   régions où elles vivent alors que l'Etat ne dispose même pas d'un système

 14   bancaire qui fonctionne bien, qu'il n'y a pas de système électrique, que

 15   rien n'est payé, on nous renie le droit de nous défendre, et de justifier

 16   cela en disant que tout le pays était coupé du reste du monde et que ce

 17   contexte est important, il manque quelque chose, il manque un élément. Et

 18   c'est ce qui s'est passé en l'espèce. On commence à diviser en silo ces

 19   différents éléments de preuve alors qu'ils doivent être pris dans leur

 20   intégralité. Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'ils disposaient de

 21   26 mois pour redresser la barre, 26 mois.

 22   Et au lieu de commencer à essayer de vous fournir la botte de foin

 23   qui est pleine d'aiguilles, je vais juste me concentrer sur les aiguilles

 24   qui constituent cette botte de foin. Et j'aimerais souligner les différents

 25   éléments que la Chambre de première instance n'a pas considéré, les

 26   documents qui devaient être appréciés pour pouvoir arriver à la bonne

 27   conclusion.

 28   Et vous avez entendu que le Dr Prlic s'est exprimé à cet égard tout à


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  1   l'heure. Il s'est contenté de dire qu'il fallait apprécier les éléments de

  2   preuve à leur juste valeur. Et en l'espèce, Messieurs les Juges, cela n'a

  3   pas été le cas. Vous ne pouvez donner aucune crédibilité à cet avis, à

  4   cette opinion raisonnée, tout simplement parce qu'il n'y a pas de

  5   raisonnement logique derrière tout cela et nous en avons besoin.

  6   Et la Chambre d'appel est justement là pour remédier à cela. C'est pour

  7   cela que nous avons interjeté appel. Nous avons mis le doigt sur les

  8   éléments de preuve qui avaient été consignés au compte rendu et qui ont été

  9   pris en considération, mais nous avons également ajouté d'autres éléments

 10   de preuve qui auraient pu mener à une autre conclusion et montrant qu'il y

 11   avait d'autres explications possibles, d'autres conclusions auxquelles nous

 12   pouvions arriver. Le Dr Prlic, par exemple, l'une de ses conclusions aurait

 13   été de dire que le Dr Prlic n'était pas membre d'une entreprise criminelle

 14   commune, qu'il n'y avait pas d'entreprise criminelle commune et, sans aucun

 15   doute, lorsqu'il s'agit de la décision du 15 janvier, que cette décision

 16   n'avait rien à voir avec les événements de Gornji Vakuf ou de ce qu'il se

 17   passait le 18 janvier 1993 ou aux alentours de cette date.

 18   Et n'aurait pas pu suggérer non plus que Praljak se soit rendu depuis

 19   Zagreb à Mostar avec cette décision, avec un blanc-seing, et que la

 20   population de la République croate d'Herceg-Bosna n'avait aucun pouvoir sur

 21   l'armée et ne pouvait rien faire. En fait, ils ont saisi l'opportunité qui

 22   leur était offerte. Mais essayons d'ajouter certains éléments à cette

 23   entreprise criminelle commune. C'est ce que la Chambre de première instance

 24   essaie de suggérer dans sa décision du 15 janvier 1993. Et c'est totalement

 25   ridicule.

 26   C'est d'autant plus ridicule qu'aucun juge du fait raisonnable ne

 27   peut arriver à cette conclusion si l'on gratte un petit peu en dessous de

 28   la surface et si l'on regarde les éléments de preuve avec attention, et pas


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  1   comme l'Accusation l'a suggéré. Et l'Accusation, elle, voulait rejeter

  2   toutes les allégations de M. Prlic parce que la Chambre de première

  3   instance avait déjà tiré des conclusions sur certains faits. Voyons comment

  4   ces faits ont été établis par la Chambre de première instance.

  5   J'aimerais me pencher à présent sur les carnets de Mladic, parce que

  6   c'est un autre drapeau qui nous signale que quelque chose cloche.

  7   Mladic se cache partout, se cache de tout le monde à ce moment-là,

  8   mais on arrive tout de même à mettre la main sur ses carnets. Et ceci après

  9   la fin du procès, pour que l'Accusation puisse rouvrir sa thèse, demander

 10   un réexamen des éléments de preuve afin d'y apporter certains éléments

 11   retrouvés dans les carnets de Mladic. Très bien. Faisons-le. Mais si

 12   l'Accusation a le droit d'ajouter certains éléments, nous devrions aussi

 13   avoir le droit de le faire. Et cela n'a pas été le cas.

 14   Nous avons mis en exergue certains passages du carnet de Mladic que nous

 15   voulions inclure.

 16   Monsieur le Juge Antonetti, malgré tous ses défauts, a tout de même

 17   analysé chaque passage des carnets et l'a étudié et l'a accepté. Je pense

 18   que nous avons obtenu environ 90 % de ce que nous avions demandé. Il a

 19   déclaré que cela était justifié et que si nous voulions nous opposer aux

 20   allégations de l'Accusation, nous devions avoir l'occasion de présenter des

 21   éléments de preuve. Les deux autres Juges ont dit non. Très bien.

 22   Alors, où est-ce que le bât a blessé dans les carnets de Mladic ? Eh

 23   bien, outre le fait que l'Accusation les a utilisés et pas la Défense,

 24   personne ne peut assurer la véracité de ce carnet, parce que ce carnet

 25   constitue des ouï-dire et il s'agit d'une déclaration faite en dehors d'un

 26   prétoire qui est utilisée pour affirmer certaines vérités concernant le

 27   général Praljak. Et j'aimerais vous apporter des éléments de preuve à cet

 28   égard, vous dire ce qu'il s'est passé exactement. Il y était. Il était


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  1   présent. Il s'est exprimé concernant la question des frontières de 39 pour

  2   la Banovina.

  3   Il a déjà déposé à cet égard. Et qu'a conclu la majorité des Juges ?

  4   Je vous invite à vous pencher sur les arguments et plaidoiries en clôture.

  5   Les juristes peuvent aussi demander au général Praljak directement ce qu'il

  6   a à dire concernant les plaidoiries et les mémoires en clôture.

  7   L'un des Juges a écrit un livre concernant "Les droits de l'homme et

  8   la procédure pénale". Ce même juge était un professeur de droit à Zurich et

  9   un professeur en matière de droits de l'homme. Et quiconque a des notions

 10   de droit saura que lorsqu'un juriste doit déposer au nom de son client

 11   alors que son client dit "J'ai des droits, je veux moi-même déposer" et

 12   qu'on refuse ce droit, eh bien, c'est scandaleux. Cela va trop loin. Et

 13   c'est ce qu'il s'est passé concernant les propos de Praljak sur la

 14   Banovina. Et ensuite, le jugement a été publié. Et nous voyons dans le

 15   jugement que la procédure n'a pas été bien suivie.

 16   Donc, non seulement nous nous sommes vu refusé le droit de pouvoir

 17   interroger et contre-interroger un témoin, une violation patente des droits

 18   élémentaires du Dr Prlic, mais de plus, des ouï-dire et des éléments de

 19   preuve qui n'ont pas été apportés dans le prétoire ont été utilisés,

 20   avalisés pour boucler et asseoir cette théorie de l'Accusation concernant

 21   l'entreprise criminelle commune. Et l'Accusation nous dit que l'objectif

 22   commun a démarré le 15 janvier 1993.

 23   Il ne s'agit pas là d'une appréciation des éléments de preuve,

 24   Messieurs les Juges. Il ne s'agit pas d'un procès équitable. Il y a des

 25   erreurs auxquelles on ne s'attend pas de la part d'une Chambre de première

 26   instance dans un Tribunal pénal international. Ce procès a pris cinq ans à

 27   se constituer.

 28   Bien sûr, vous pourriez arguer, Très bien, si nous laissons de côté


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  1   l'entreprise criminelle commune, il ne nous reste plus rien. Comment

  2   pouvons-nous apprécier les éléments de preuve et quels seraient les autres

  3   modes de responsabilité qu'il conviendrait de prendre en compte. Le débat a

  4   déjà été soulevé par le passé. Eh bien, je dois vous dire, et comme je l'ai

  5   dit déjà précédemment, nous n'avons pas vraiment le choix. Vous en avez

  6   déjà discuté. Je sais que M. le Juge Meron a apporté ses commentaires sur

  7   la décision Gotovina; M. le Juge Robinson également a apporté ses

  8   commentaires à cet égard.

  9   Et un nouveau procès n'aiderait pas en la matière. Mais après cinq

 10   ans de procédure, mon client, quant à lui, est déjà pris dans les filets de

 11   cette procédure depuis 10 ans. Le prochain procès prendra encore cinq ans.

 12   On peut raisonnablement s'attendre à cela. Le gouvernement néerlandais ne

 13   libèrera personne sur liberté conditionnelle, donc il serait cruel et cela

 14   constituerait une punition inhabituelle de passer par cette voie-là. La

 15   seule solution qui s'offre à vous, Messieurs les Juges, c'est de renverser

 16   la peine qui a été prononcée en raison des erreurs systématiques et trop

 17   nombreuses.

 18   Alors, il me reste un tout petit peu de temps, et j'aimerais profiter de ce

 19   temps qu'il me reste pour vous parler de Zeljko Siljeg et de ses rapports.

 20   Ses rapports ont été versés directement au dossier. Il a été interrogé

 21   avant le procès. Il était disponible, mais il n'a jamais été convoqué pour

 22   déposer à la barre.

 23   La Chambre de première instance ne l'a jamais convoqué pour voir s'il

 24   pouvait s'expliquer davantage sur ces rapports et pourquoi il a envoyé ces

 25   rapports à la République croate d'Herceg-Bosna. Quel est le lien ? Est-ce

 26   qu'il y avait subordination ? Il n'y a rien qui prouve qu'il y avait

 27   obligation de faire rapport à cette entité ou s'il y avait un lien de

 28   subordination qui existait. Il n'y a aucun élément de preuve indiquant que


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  1   ces rapports n'aient jamais été destinés à la République croate d'Herceg-

  2   Bosna.

  3   Vous devez vous souvenir, pour bien apprécier cela, des conditions qui

  4   prévalaient à l'époque. Et lors des réunions du gouvernement, ces rapports

  5   n'étaient pas discutés. Donc, je me permets de dire que d'essayer d'établir

  6   un lien entre les rapports de Siljeg et le Dr Prlic est absolument

  7   inconcevable.

  8   Le témoin était disponible. Ils ont décidé de consigner ou de faire

  9   admettre les éléments de preuve directement au dossier, sans interroger le

 10   témoin et lui poser des questions supplémentaires. Il aurait pu être

 11   convoqué. Nous aurions pu avoir l'occasion de le contre-interroger,

 12   documents à l'appui. Et il aurait pu nous dire si, effectivement, il

 13   existait des indices indépendants afin d'arriver à telles ou telles

 14   conclusions. Et pour toutes ces raisons, Messieurs les Juges, vous devez

 15   ignorer les éléments de preuve apportés par ce témoin.

 16   Et enfin, s'agissant de la question numéro 10, c'est une question assez

 17   intéressante. Intéressante dans le sens où nous partons du postulat qu'une

 18   entreprise criminelle commune a existé il y a 20 ans et qu'aujourd'hui nous

 19   essayons toujours d'établir un lien possible avec certains accusés.

 20   L'élément le plus fort dans cette entreprise criminelle commune, c'est le

 21   mode de responsabilité.

 22   Alors, je ne veux pas entrer dans les détails de toute l'affaire, mais

 23   j'aimerais juste vous rappeler que la Cour suprême des Chambres

 24   extraordinaires au Cambodge s'est prononcée à cet égard, le Juge Mumba plus

 25   précisément.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous l'avez déjà dit.

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, mais je voudrais insister, si vous me

 28   le permettez, Monsieur le Président.On a toujours débattu des paramètres,


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  1   de la limite, du curseur à placer à un endroit ou à l'autre.

  2   Dans l'affaire Brdjanin, vous vous souviendrez peut-être que le

  3   président de la Chambre de première instance à l'époque, bon, il y avait un

  4   problème avec une juriste, Joanna Korner, qui avait été assez osée et qui

  5   avait déclaré à l'époque que si l'on n'est pas dans le champ de

  6   l'entreprise criminelle commune en tant qu'auteur physique, eh bien, on ne

  7   peut être inculpé et condamné pour ces événements. La Chambre d'appel a

  8   renversé la décision. Cela a donné lieu à énormément de jurisprudence.

  9   Mais bref, acceptons cela. Même feu le Pr Cassesse était arrivé à la

 10   conclusion que lorsque l'on parle de prévisibilité, indubitablement et

 11   obligatoirement, on parle de possibilité, de grande possibilité d'action.

 12   Alors, si vous regardez le jugement Gotovina et l'appel, l'arrêt, la

 13   Chambre d'appel a déclaré que c'était "possible". Donc, il semble que même

 14   la jurisprudence permet ce genre de chose, et c'est pour cette raison que

 15   je crois que la Chambre de première instance en l'espèce avait déclaré que

 16   cela était probable, qu'il était probable qu'une entreprise criminelle

 17   commune ait existé.

 18   Cela me rappelle lorsque j'étais un fringant jeune juriste, je devais

 19   interroger un pathologiste, un expert. Et après lui avoir posé la même

 20   question la cinquième ou la sixième fois, il s'est un petit peu agacé et il

 21   m'a déclaré que je ne posais pas les bonnes questions. Mais il m'a dit :

 22   "Demandez-moi si c'est possible ou si c'est probable." Alors, j'ai réfléchi

 23   et je me suis dit que de toute façon, tout était possible, tout est

 24   probable.

 25   Et ce que nous avançons ici aux Juges de la Chambre, c'est que vous

 26   devez examiner tous les éléments de preuve dans leur ensemble. Il ne s'agit

 27   pas de dire simplement s'il y a acquittement ou s'il y a condamnation. Vous

 28   devez apprécier tous les éléments de preuve et nous faisons valoir que vous


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  1   devez aller au-delà des éléments qui ont déjà été appréciés par la Chambre

  2   de première instance, même si M. le Juge Robinson rappelle qu'on peut se

  3   contenter de faire cela.

  4   Nous suggérons que si vous n'appréciez pas les choses au-delà des

  5   éléments de preuve qui ont déjà été versés, eh bien, une injuste énorme

  6   aura lieu en l'espèce et touchera non seulement mon client, mais tous les

  7   autres accusés. Donc, je vous demande de faire preuve de bravoure de votre

  8   côté. Et si vous décidez de ne pas vous pencher sur l'héritage du Tribunal,

  9   que se passera-t-il ? Eh bien, je crois que cette bravoure sera prouvée et

 10   qu'on dira que ce Tribunal est crédible.

 11   Lorsque quelqu'un est accusé ou est condamné d'une peine capitale aux

 12   Etats-Unis, lorsque quelqu'un doit être exécuté, nous avons toujours

 13   énormément d'Etats qui maintiennent la peine de mort et d'autres qui

 14   objectent à ces pratiques. Que se passerait-il si l'on se rend compte que

 15   des résultats ADN n'avaient pas été pris en compte dans l'appréciation de

 16   la peine capitale de l'accusé ? Eh bien, dans ce cas-là, l'Etat demandera

 17   une suspension, de revoir les choses et libèrera si cela est justifié. Il

 18   me reste quatre minutes. Très bien. Si vous ne faites pas cette

 19   appréciation, vous devez alors évaluer tous les éléments de preuve versés

 20   au dossier.

 21   Et maintenant je vais vous surprendre, Monsieur le Président, je pense que

 22   j'en ai fini avec ma présentation. Je pourrais utiliser encore quatre

 23   minutes en tant qu'avocat, mais je pense que j'ai dit tout ce que je devais

 24   dire en l'espèce. Je m'excuse si je ne suivais pas, tout comme il le

 25   fallait pour ce qui est de ma présentation. Mais vous avez entendu la

 26   présentation du Dr Prlic. Il vous a parlé de détails concrets et moi j'ai

 27   parlé d'autres choses. J'ai mis l'accent sur les éléments dans notre

 28   mémoire d'appel, d'autres notes de bas de page où vous allez trouver des


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  1   éléments concernant les conclusions concernant l'annulation de déclaration

  2   de culpabilité.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

  4   Maintenant c'est la réponse de l'Accusation, qui a une heure. Après quoi,

  5   vous pourrez continuer après la pause.

  6   M. STRINGER : [interprétation] Nous avons une heure, mais je pense qu'on a

  7   un retard de 15 minutes.

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc il vaut mieux qu'on s'arrête à 13

 10   heures pour faire la pause. Après quoi, vous allez pouvoir obtenir 15

 11   minutes de plus, Monsieur Stringer.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur les

 13   Juges. Le temps passe vite. En fait, on est déjà dans l'après-midi. Bien

 14   que cette audience est organisée de façon à ce que tous les accusés

 15   présentent ses arguments. Il s'agit d'un procès unique.

 16   Et la plupart des crimes commis ont été commis dans le cadre de

 17   l'entreprise criminelle commune pour réaliser un seul objectif, à savoir

 18   l'établissement du territoire dominé par les Croates sur le territoire de

 19   la Bosnie-Herzégovine qui a été appelé en premier lieu la communauté

 20   croate, et plus tard la République croate d'Herceg-Bosna.

 21   Avant de répondre à des arguments relevés par M. Prlic aujourd'hui ainsi

 22   que d'autres appelants qui vont les présenter dans la semaine. J'aimerais

 23   donc dire pourquoi cela a mené à l'entreprise criminelle commune et

 24   pourquoi tous les appelants sont liés à une affaire unique. Bien que je

 25   vais répondre à des arguments soulevés par M. Prlic aujourd'hui, en sa

 26   défense.

 27   J'aurais besoin de 20 à 25 minutes pour le faire. Après quoi, je vais

 28   donner la parole à Mme Gustafson qui va parler de l'appel de Prlic.


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  1   Monsieur le Président, Monsieur le Juge, la Chambre de première instance a

  2   conclu que les appelants qui jouaient le rôle, exerçaient leurs fonctions

  3   dans le cadre des structures politiques et militaires de l'Herceg-Bosna

  4   sont responsables d'une série de crimes commis directement contre la

  5   population musulmane vivant sur ce territoire dans le cadre de l'entreprise

  6   criminelle commune à partir de janvier 1993 jusqu'à avril 1994. Il y avait

  7   le scénario manifeste de conduite pour ce qui est de ces crimes qui avaient

  8   pour but de nettoyer ethniquement les Musulmans de modifier la composition

  9   ethnique de l'Herceg-Bosna. C'est le volume, le tome 4, paragraphes 64 et

 10   44.

 11   Les conclusions faites par la Chambre de première instance sont

 12   corroborées par la déposition de plusieurs centaines de témoins oculaires

 13   par un grand nombre de documents et par les témoignages de beaucoup de

 14   représentants de la communauté internationale qui ont dit à la Chambre de

 15   première instance ce qu'ils ont vu sur le territoire en Bosnie-Herzégovine

 16   et entendu lors des réunions avec les personnes responsables, et comment

 17   les crimes commis sont englobés dans l'entreprise criminelle commune peut

 18   être vu dans les paragraphes 45 à 64 du tome 4 du jugement.

 19   Donc l'objectif était de modifier la composition ethnique de

 20   l'Herceg-Bosna en commettant des crimes. Cela a commencé en janvier 1993 à

 21   Gornji Vakuf. La communauté internationale venait de proposer le plan de

 22   Vance-Owen pour essayer de résoudre le conflit en Bosnie-Herzégovine.

 23   Mon collègue, Me Karnavas, a dit que c'était en janvier 1992. Et il

 24   s'agissait peut-être d'un lapsus. Je sais qu'il est au courant du fait

 25   qu'il s'agissait de janvier 1993.

 26   Le plan a attribué à certaines parties de la Bosnie-Herzégovine qui

 27   ont été appelées provinces des trois groupes ethniques, aux Croates, aux

 28   Serbes, et aux Musulmans. Mais --


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  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Le Juge Meron doit être absent.

  2   M. STRINGER : [interprétation] -- Prlic, Stojic, Praljak et Petkovic se

  3   sont servis de ce plan pour avancer un prétexte du nettoyage ethnique des

  4   Musulmans des zones qui ont été attribuées aux Croates d'après le plan

  5   Vance-Owen.

  6   Le 15 janvier 1993, Prlic, en tant que président du gouvernement de

  7   l'Herceg-Bosna, a lancé un ultimatum aux forces armées de Bosnie-

  8   Herzégovine en leur demandant de se subordonner au HVO dans des zones qui

  9   avaient été attribuées aux Croates, et cet ultimatum a été transmis par la

 10   chaîne de commandement par le biais de Stojic qui était chef du département

 11   de la Défense du gouvernement, ensuite par le biais de Milivoje Petkovic

 12   qui, à l'époque, était chef de l'état-major principal du HVO qui, par la

 13   suite, a distribué cela vers les zones opérationnelles du HVO.

 14   A l'époque, Praljak était adjoint du ministre de la Défense de la

 15   République de Croatie et le général de division dans l'armée croate à

 16   l'époque. Donc il agissait en tant que lien entre la Croatie à l'Herceg-

 17   Bosna Praljak était impliqué de façon active à la rédaction de l'ultimatum

 18   de Prlic. Vous avez déjà entendu cela lors de la matinée et je fais

 19   référence là au tome 4, paragraphes 553 à 556 et 482.

 20   Aujourd'hui, vous avez entendu des références et des affirmations selon

 21   lesquelles l'implication à ce processus de paix était quelque chose pour

 22   les Croates par lequel ils étaient engagés à la promotion de la paix.

 23   Herbert Okun a été co-président de la Conférence internationale sur

 24   l'ancienne Yougoslavie et a été impliqué à la création du plan Vance-Owen.

 25   Il a témoigné ici en disant que l'interprétation de ce plan Vance-Owen de

 26   la part du HVO était illégale et contraire à l'accord. Les pages du compte

 27   rendu 16 773. Il faut également faire référence à son témoignage à la page

 28   16 775.


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  1   Au lieu d'accepter donc l'accord de paix pour -- ils ont accepté ce

  2   plan de paix pour faire réaliser ce plan territorial. Lorsque l'ABiH a

  3   refusé d'accepter l'ultimatum et de se subordonner au HVO, le HVO les a

  4   attaqués et lors des jours qui ont suivi, les forces armées du HVO ont

  5   commis beaucoup de crimes contre les civils musulmans contre leurs biens en

  6   incendiant des maisons musulmanes et en expulsant la population musulmane

  7   de la municipalité de Gornji Vakuf.

  8   Valentin Coric qui était chef de l'administration de la police

  9   militaire du HVO a engagé la police militaire, les unités de la police

 10   militaire dans les opérations d'éviction à Gornji Vakuf, dans la

 11   municipalité de Gornji Vakuf. C'est le tome 4, paragraphe 1 000.

 12   Les crimes suivants ont été commis suivant le même scénario. Le 3 avril

 13   1993, Prlic et son gouvernement du HVO ont lancé un autre ultimatum, encore

 14   une fois en se référant au plan de Vance-Owen, et en demandant la

 15   subordination à d'autres forces au HVO avant le 15 avril 1993. Ce délai

 16   était passé et le HVO a attaqué Sovici et Doljani dans la municipalité de

 17   Jablanica le 17 avril 1993. Les Musulmans ont été par la suite arrêtés,

 18   détenus et expulsés de leurs villages.

 19   La référence a été faite par le Dr Prlic que son gouvernement ne

 20   lançait pas d'ultimatum, que son gouvernement avait de bonnes intentions.

 21   En fait, la réunion de la réunion du -- était en lien avec cet ultimatum

 22   qui a mené à des opérations à Sovici à Dojnali. Et la Chambre de première

 23   instance parle de cela au tome 4, paragraphe -- les forces, paragraphes

 24   138, 140 et 52.

 25   Le 17 avril, Borislav Pusic était avec Petkovic sur le terrain, à

 26   Sovici et à Dojnali au début du mois de mai 1993 après que les forces du

 27   HVO avaient occupé ces villages. Il a vu les mosquées ainsi que les maisons

 28   musulmanes qui avaient été détruites par le HVO après la prise de villages,


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  1   il a vu que la population musulmane était détenue dans des conditions

  2   difficiles. Avec Petkovic, il a facilité le déplacement de la population

  3   musulmane le 5 mai, y compris 450 femmes, enfants, et personnes âgées de

  4   Sovici et de Dojnali, qui se trouvaient sur le territoire contrôlé à

  5   l'époque par l'armée de BiH. Dans quatre paragraphes, 1103. 

  6   Le rôle de Pusic dans l'entreprise criminelle commune pour ce qui est

  7   des détenus a pris de l'ampleur. Aujourd'hui, le Dr Prlic a affirmé que la

  8   politique qui était adoptée voulait que tout le monde reste chez eux, mais

  9   ce n'est pas ce que les éléments de preuve montrent. Et la Chambre de

 10   première instance n'a pas tiré des conclusions là-dessus.

 11   Le même jour, Petkovic et Pusic, qui travaillaient sur l'éviction de

 12   la population, Prlic et Boban se sont réunis également le 5 mai avec les

 13   représentants des organisations humanitaires internationales, et cette

 14   réunion a eu lieu à Mostar. Ils ont demandé à cette organisation de les

 15   aider à organiser un échange d'ampleur de la population. Les Croates de la

 16   Bosnie centrale devaient venir à Mostar, et les Musulmans de Mostar, en

 17   échange, devaient être déplacés de Mostar vers la Bosnie centrale. Cette

 18   organisation a rejeté cette proposition et refusé de participer à ce qu'ils

 19   ont appelé, la création des zones ethniquement homogène. C'est à quoi M.

 20   Prlic était impliqué directement le 5 mai 1993. Je fais référence, Monsieur

 21   le Président, au tome 4, paragraphe 54, pour ce qui est de cela.

 22   Après les campagnes à Prozor et Jablanica et Gornji Vakuf qui ont été

 23   menées avec succès, les responsables de l'Herceg-Bosna et du HVO ont

 24   commencé l'attaque contre les Musulmans à Mostar, le 9 mai 1993. En été et

 25   en automne 1993, il y avait plusieurs évictions par la force de plusieurs

 26   milliers de Musulmans, qui ont été chassés de leur domicile, et ensuite

 27   détenus et forcés de passer la rivière Neretva pour passer à Mostar est.

 28   Les unités de la police militaire de Valentin Coric ont participé à


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  1   ces opérations d'éviction, et lui, il a fermé les yeux sur ces opérations.

  2   Tome 4, paragraphe 1000. Jadranko Prlic a fait la même chose, volume 4,

  3   paragraphes 121 et 171. Stojic a été impliqué de façon active à

  4   l'organisation et la conduite de ces campagnes d'éviction. Tome 4, 

  5   paragraphe 355.

  6   Il a également pris part dans ce que la Chambre de première instance

  7   a appelé, "système encourageant le déplacement à jamais des Musulmans de

  8   Mostar ouest à Mostar est". Tome 4, au paragraphe 1116.

  9   Monsieur le Président, la population de Mostar est a presque triplé.

 10   En mai 1993, il y avait 20 000 habitants, et en fin août 1993, il y en

 11   avait 55 000, et la campagne d'expulsion continuait. C'est au tome 2,

 12   paragraphe 1200. De nouvelles mesures et de nouveaux crimes devaient être

 13   commis pour résoudre le problème d'un grand nombre de la population

 14   musulmane qui s'est tranchée dans la partie est de ce que -- de la ville

 15   qui devait devenir la capitale d'Herceg-Bosna.

 16   En juin 1993, en outre, l'entreprise criminelle commune s'est

 17   élargie, et la Chambre de première instance a conclu que des crimes de

 18   terreur ou des attaques illégales dans la destruction des édifices

 19   consacrés à la religion, des pilonnages et des tirs isolés étaient dirigés

 20   contre Mostar est. Volume 4, au paragraphe 59. Et par ce fait, les

 21   appelants ont contribué à rendre la vie des Musulmans à Mostar est

 22   insupportable, et cela a duré pendant quelque dix mois jusqu'à avril 1994.

 23   Le 30 juin 1993, Petkovic a ordonné l'arrestation des hommes

 24   musulmans partout dans l'Herceg-Bosna, indépendant de leur statut civil ou

 25   soldat. Plusieurs milliers de prisonniers musulmans se sont trouvés dans ce

 26   que la Chambre de première instance a appelé le réseau des prisons du HVO

 27   des camps et des centres de détention. C'est le tome 4, paragraphe 980.

 28   Coric était l'un des architectes de ce réseau uni des prisons du HVO,


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  1   volume 4, au paragraphe 982.

  2   Ce réseau des prisons du HVO devait faire réaliser l'objectif qui

  3   était le déplacement des Musulmans de l'Herceg-Bosna. Les conditions dans

  4   ces prisons étaient effroyables, horribles, c'était le cas dans

  5   l'Heliodrom, dans les prisons de Ljubuski, les détenus, des centaines de

  6   prisonniers ont été utilisés en tant que bouclier humain ou ont été forcés

  7   de creuser des tranchées ou d'apporter des sacs avec du sable sur les

  8   lignes de front. Et pendant tout ce temps-là, ils ont été blessés ou tué.

  9   Dans d'autres centres de détention plus petits, la situation était

 10   identique.

 11   Le rapport de la police militaire du HVO de Prozor daté du 18 août

 12   1993 décrit les conditions terribles dans lesquelles se trouvaient les

 13   femmes musulmanes détenues dans des villages de Podgradje, Lapsung et Duge.

 14   Dans ce rapport, il est écrit : "Tous les jours, des femmes et des

 15   filles sont emmenées des centres de collections … où ils ne sont pas en

 16   sécurité. Elles sont emmenées dans des maisons où elles sont violées,

 17   malmenées et humiliées. Par exemple, des femmes nues sont battues jusqu'à

 18   ce qu'elles acceptent de faire des rapports sexuels, après quoi, ils leur

 19   rasent les crânes."

 20   C'est donc P4177, tome 2, paragraphe 235.

 21   Les prisonniers musulmans avaient les moyens pour obtenir la

 22   libération du réseau des prisons du HVO. Le HVO, comme la Chambre de

 23   première instance a conclu au tome 4, au paragraphe 64, a utilisé ces

 24   centres de détention en tant que base pour instaurer le système d'expulsion

 25   des prisonniers musulmans, qui pouvaient être libérés sous condition de

 26   quitter le territoire de l'Herceg-Bosna avec leurs familles. Le programme

 27   du HVO qui consistait à les expulser à condition de quitter l'Herceg-Bosna

 28   était donc appliqué par la police militaire de Coric.


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  1   D'après les rapports de l'attaché de l'ambassade de Bosnie-

  2   Herzégovine à Zagreb, 700 réfugiés musulmans de Ljubuski, de la

  3   municipalité de Ljubuski étaient arrivés à Zagreb, le 28 et le 29 août

  4   1993. Ils ont été libérés du centre de détention du HVO sous condition de

  5   quitter le territoire de l'ABiH dans un délai de 24 heures. C'est le tome

  6   2, paragraphe 1875.

  7   En emprisonnant les hommes musulmans dans ces cinq municipalités, le

  8   HVO pouvait expulser plus facilement ceux qui restaient derrière, qui

  9   étaient les personnes les plus vulnérables. C'est ce qui s'est passé

 10   ensuite.

 11   La Chambre de première instance donc a considéré les expulsions

 12   organisées par le HVO de la population musulmane de la municipalité de

 13   Caplinja et de la municipalité de Ljubuski; tome 2, à partir de la page

 14   515. Les statistiques du HVO ont montré que le nombre d'habitants musulmans

 15   dans ces municipalités a baissé dramatiquement en tant que résultat de ces

 16   activités.

 17   La Chambre, par exemple, a considéré que dans la municipalité de

 18   Stolac, où les Musulmans étaient en majorité avant le conflit, après, le

 19   nombre de la population musulmane a baissé à 8 093; tome 4, paragraphe 57.

 20   Le 23 octobre 1993, le massacre a eu lieu à Stupni Do, une

 21   municipalité de Vares où Prlic et Petkovic, les plus hauts commandants du

 22   HVO, ont essayé de dissimuler ce crime; tome 4, paragraphes 623 et 775.

 23   Et ce scénario de crime ne peut pas être présenté comme un prétexte de

 24   légitime défense, puisque les Musulmans ont été expulsés et leurs maisons

 25   ont été incendiées à Gornji Vakuf, à Sovici et à Doljani, et après que le

 26   HVO ait pris le contrôle de ces endroits. Ceux qui ont été expulsés de

 27   leurs appartements à Mostar ouest et dans les municipalités de Stolac,

 28   Capljina et Ljubuski n'ont posé de résistance. Il n'y avait pas de combats,


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  1   il n'y avait pas de présence de l'ABiH. Il n'y avait que les soldats du

  2   HVO. Ces crimes ont été commis pour servir l'objectif ultime, comme cela a

  3   été appelé par la Chambre de première instance. Le nettoyage ethnique

  4   n'était pas quelque chose qui était une conséquence latérale du conflit

  5   armé. Cela était l'objectif du plan criminel pour changer la composition

  6   ethnique de l'Herceg-Bosna. Les conclusions de la Chambre de première

  7   instance concernant cet objectif ultime sont exposées aux paragraphes 6 à

  8   23 du tome 4.

  9   Donc, l'objectif ultime était d'établir une entité croate qui, en

 10   partie, reprenait les frontières de la Banovina de 1939, qui devait

 11   permettre la réunification du peuple croate, et plus tard, pourrait relier

 12   directement la Croatie, au cas où la Bosnie-Herzégovine soit dissoute, ou

 13   d'être un Etat indépendant dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine.

 14   Alors, je vais vous expliquer en quelques mots ce qu'était la Banovina.

 15   Le territoire de la Banovina croate a été créé en vertu d'un accord

 16   en Yougoslavie en 1939. Ce qui est important, c'est que la Banovina de 1939

 17   est un territoire qui englobait pas seulement la Croatie, mais des parties

 18   importantes du territoire de Bosnie-Herzégovine.

 19   Nous allons voir des cartes sur la gauche. En fait, la partie de

 20   l'ABiH qui est devenue territoire de la Banovina en 1939 et que l'on voit

 21   ici hachurée en vert olive. La Banovina a duré simplement deux ans avant

 22   d'être éliminée pendant la Deuxième Guerre mondiale. La carte qui se trouve

 23   sur la droite montre 30 municipalités en Bosnie-Herzégovine qui ont été

 24   déclarées faire partie de l'Herceg-Bosna en novembre 1991.

 25   Messieurs les Juges, vous constaterez qu'il y a une similitude entre

 26   les deux territoires. Il n'y a pas de coïncidence ici. Cinquante ans après

 27   sa disparition, le territoire de la Banovina en Bosnie-Herzégovine devait

 28   être recréé sous l'appellation Herceg-Bosna.


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  1   Et la principale personne en faveur de la restauration du territoire

  2   de la Banovina sur le territoire de la BiH était le président croate de

  3   l'époque, Franjo Tudjman. La Chambre de première instance a constaté qu'il

  4   était raisonnable de conclure que Tudjman avait prôné une division de la

  5   BiH entre la Croatie et la Serbie et qu'il était "préoccupé" par les

  6   frontières de la Croatie et de la Banovina; tome 4, paragraphes 10 à 22.

  7   L'ambassadeur américain Galbraith, qui a rencontré Tudjman souvent au cours

  8   de l'année 1993, a témoigné pour dire que Tudjman pensait qu'une partie

  9   importante du territoire bosniaque devrait devenir territoire de la

 10   République de Croatie. Et comme l'a dit Galbraith, Tudjman faisait

 11   référence spécifiquement et très souvent à l'accord de 1939, qui avait vu

 12   la création de la Banovina de Croatie, qui comprenait des territoires en

 13   Bosnie-Herzégovine. Page du compte rendu d'audience 6428.

 14   La Chambre de première instance s'est également reposée sur de nombreuses

 15   déclarations faites par le président Tudjman lui-même, ce que nous appelons

 16   les comptes rendus présidentiels ou les procès-verbaux présidentiels. Il

 17   s'agissait en fait de réunions qui avaient été enregistrées, tenues par les

 18   bureaux du président Tudjman. Il existe un nombre très important qui nous

 19   ont permis de conserver des conversations importantes entre les acteurs

 20   très importants. Comme il l'a dit lors d'une réunion entre les dirigeants

 21   croates de Bosnie en décembre 1991 :

 22   "Il est temps de saisir cette opportunité pour rassembler le peuple

 23   croate à l'intérieur des frontières les plus grandes possibles; tome 1,

 24   paragraphe 248.

 25   Plus tard, le 17 septembre 1992, Tudjman a déclaré que la conservation de

 26   la Croatie en tant qu'Etat implique ou signifie qu'il y aura une Banovina

 27   croate; P498, page 69.

 28   Tudjman a cité à de très nombreuses reprises la Banovina, les frontières de


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  1   la Croatie et les territoires croates historiques pendant toute la période

  2   de l'entreprise criminelle commune.

  3   Et donc, cette Banovina croate de 1939 qui a servi de modèle et qui a

  4   été de très courte durée était à l'origine de l'Herceg-Bosna et servait

  5   d'instrument qui a facilité la réunification des Croates en Croatie avec

  6   les Croates en Bosnie-Herzégovine. Il s'agissait là du but ultime.

  7   Comment y a-t-il eu transformation de ce but ultime en entreprise

  8   criminelle commune à une échelle aussi importante ? La reconnaissance que

  9   la réalisation de cet objectif ultime exigeait en fait un remaniement

 10   ethnique des territoires revendiqués comme faisant partie de l'Herceg-

 11   Bosna. Et c'est la Chambre qui a établi ce lien, ce qui est inexact.

 12   Voici une autre carte qui montre l'essentiel du territoire de l'Herceg-

 13   Bosna qui, en fait, met en exergue les municipalités liées aux faits

 14   incriminés en l'espèce. Les municipalités qui sont irisées en bleu

 15   constituaient la majorité croate absolue ou relative. Les Croates n'avaient

 16   pas la majorité dans toutes les zones hachurées en jaune. Comme vous le

 17   constaterez, Messieurs les Juges, une large partie du territoire d'Herceg-

 18   Bosna sur laquelle vivait le peuple croate était censée être réunifiée

 19   mais, en réalité, les Croates de souche n'étaient pas majoritaires.

 20   La manière de faire en sorte que l'Herceg-Bosna soit créée et mise en

 21   place, une entité pour les Croates, consistait en fait à réduire la

 22   population non-croate et d'augmenter la population croate. Les dirigeants

 23   croates et les dirigeants d'Herceg-Bosna le savaient fort bien, même avant

 24   la mise en œuvre de cet objectif criminel commun.

 25   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : page 63, ligne 15 : dans la

 26   municipalité de Ljubuski, la population musulmane est passée de 8 093 à

 27   zéro.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Je vais conclure, Messieurs les Juges, en


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  1   citant un élément de preuve qui résume tout ceci, l'entreprise criminelle

  2   commune qui a été réalisée, à savoir une composition ethnique modifiée en

  3   Bosnie.

  4   Je vais me concentrer sur Stolac, qui avait été une municipalité

  5   majoritairement musulmane, où la population est passée de 8 093 à zéro. Au

  6   tome 2, paragraphe 2034, la Chambre de première instance a rappelé les

  7   propos d'Andejlko Markovic, qui était le président du HVO à Stolac. Lors

  8   d'une réunion avec le président Tudjman à Zagreb, le 21 septembre 1993,

  9   Markovic a informé le président Tudjman, il a dit : "Aujourd'hui, il n'y a

 10   plus un seul Musulman à Stolac. Stolac est maintenant habitée par nos

 11   réfugiés, qui viennent de Bosnie." Pièce P05237.

 12   Messieurs les Juges, la Chambre de première instance a conclu de façon

 13   raisonnable, et ce que vous allez entendre lors de la présentation des

 14   arguments cette semaine et références au jugement qui étayent cela, le

 15   nettoyage ethnique de la population musulmane, que ce soit à Stolac ou dans

 16   toutes les autres municipalités, tous ces crimes et le scénario qu'ils

 17   partagent montrent que ces crimes consistaient à modifier l'équilibre

 18   ethnique pour que les Croates s'assurent le contrôle de ce territoire et

 19   dominent le territoire de la communauté croate, la République croate. Les

 20   crimes à l'entreprise criminelle commune, comme constatés par la Chambre de

 21   première instance correspondaient bien à cet objectif.

 22   Et cela étant dit, je vais maintenant passer la parole à ma collègue

 23   Mme Gustafson.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Messieurs les Juges, en tant que président

 25   du gouvernement d'Herceg-Bosna, Prlic disposait de pouvoir très important,

 26   il a utilisé ce pouvoir pour faciliter l'objectif criminel commun plutôt

 27   que de l'infléchir.

 28   C'était l'ultimatum du 15 janvier du gouvernement ratifié par Prlic,


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  1   qui a été à l'origine de la mise en œuvre de l'entreprise criminelle

  2   commune. L'ultimatum a été mis en œuvre de long de la chaîne de

  3   commandement militaire et a mené une attaque coordonnée criminelle contre

  4   les Musulmans de Gornji Vakuf.

  5   Alors, il y a un deuxième ultimatum qui a été lancé et qui a été à

  6   l'origine des attaques criminelles lancées contre les Musulmans à Jablanica

  7   et Prozor, attaques qui suivaient le même scénario qu'à Gorjni Vakuf.

  8   Et Prlic n'était pas simplement un joueur-clé qui a mis en branle cet

  9   objectif criminel; c'était un acteur-clé qui a assuré la poursuite de cet

 10   objectif et a fait en sorte que les Musulmans continuaient à quitter

 11   l'Herceg-Bosna. Il a cautionné l'arrestation massive des hommes musulmans

 12   au début du mois de juillet 1993. Il a appuyé la campagne de tir et de

 13   pilonnage contre la population musulmane de Mostar est, tout en bloquant

 14   l'aide humanitaire qui était vitale.

 15   Il a également joué un rôle très important dans ce que la Chambre a

 16   appelé au tome 4, paragraphe 64, un système d'expulsion par le biais duquel

 17   les autorisé du HVO ont détenu des Musulmans en masse dans des conditions

 18   effroyables et ont subordonné leur mise en liberté à l'accord signé par eux

 19   permettant à leurs familles de quitter le territoire en direction de pays

 20   tiers. Prlic a justifié ces détentions et a omis de prendre les mesures

 21   nécessaires pour faire en sorte que les détenus soient libérés et améliorer

 22   leurs conditions de détention. Prlic a rencontré à plusieurs reprises des

 23   protestations au niveau international contre ces crimes, leur a donné de

 24   fausses assurances en indiquant qu'il prendrait les mesures nécessaires,

 25   mesures qu'il n'a pas prises.

 26   La Chambre de première instance s'est reposée sur un nombre

 27   d'éléments de preuve lorsqu'elle est parvenue à ses conclusions concernant

 28   la responsabilité de Prlic, différents procès-verbaux des séances du


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  1   gouvernement, des décisions gouvernementales, des documents militaires du

  2   HVO, des rapports émanant d'organisations internationales. Et la Chambre a

  3   entendu les dépositions de dizaines de témoin, de travailleurs d'aide

  4   humanitaire internationaux impartiaux et qui ont observé cette ligne de

  5   conduite du HVO se dérouler devant leurs yeux, faisant l'objet de

  6   protestations à l'intention de Prlic et ils ont entendu les mensonges de

  7   Prlic et ses réponses.

  8   Alors, quelle est la réponse de Prlic eu égard aux conclusions de la

  9   Chambre ? Eh bien, ce matin, vous avez entendu Prlic dire que l'essentiel

 10   de son appel repose sur le fait que le jugement en première instance, en

 11   fait, est un travail de conspiration conçu pour le condamner sous ce qui

 12   semble représenter une opinion motivée alors que cela n'est pas le cas. Il

 13   argue du fait que la Chambre s'est engagée dans un subterfuge en citant

 14   délibérément des témoins sur des questions frivoles pour créer l'illusion

 15   d'une opinion motivée.

 16   Et donc il s'agit de cette théorie du complot, qui est absurde, et

 17   qui est au centre de l'appel présenté par Prlic, parce que Prlic ne montre

 18   aucunement des erreurs justifiant une intervention de la Chambre d'appel.

 19   Comme nous l'avons présenté au moyen numéro 2 dans notre mémoire en

 20   réponse, aucune indication ne précise que la Chambre n'a pas tenu compte

 21   des témoins et encore moins qu'il s'agit là d'un complot au niveau du

 22   judiciaire. Comme nous l'avons indiqué à plusieurs reprises, les

 23   affirmations avancées par Prlic, il avance que la Chambre a ignoré des

 24   éléments de preuve importants de ses témoins, mais ils citent des éléments

 25   de preuve qui ont été expressément abordés par la Chambre, qui

 26   correspondent aux conclusions de la Chambre, et ce qu'il avance n'est pas

 27   pertinent. Notre mémoire en réponse, paragraphes 50 et 53.

 28   Je souhaite maintenant aborder un autre argument qui a été abordé par


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  1   Prlic au moyen numéro 2 dans son mémoire en réponse, paragraphes 41 à 44, à

  2   savoir la Chambre n'a pas fourni un raisonnement nécessaire lorsqu'elle a

  3   évoqué la crédibilité négative de ces trois témoins, Zenenica, Betenic

  4   [phon] et Buntic.

  5   Prlic ne cite aucune source juridique pour ces affirmations, mais il

  6   y a une source juridique qui correspond à cela, cela montre que la Chambre

  7   était en droit de rendre ces conclusions au sujet de la crédibilité de ces

  8   témoins. Arrêt Popovic, paragraphe 133. Aucune erreur ici, donc.

  9   Au moyen numéro 2, je vais parler des pouvoirs et de l'autorité de

 10   Prlic et des pouvoirs qu'il a utilisés pour contribuer à l'entreprise

 11   criminelle commune.

 12   En parlant des contributions de Prlic à l'entreprise criminelle

 13   commune, je vais répondre aux questions 3 et 4 présentées par les Juges de

 14   la Chambre d'appel.

 15   Alors, maintenant, les pouvoirs de Prlic.

 16   Les conclusions de la Chambre sur les pouvoirs de Prlic en tant que

 17   président du gouvernement de l'Herceg-Bosna sont fondées en grande partie

 18   sur les pouvoirs en vertu du statut de son pays et des éléments de preuve

 19   qui montrent qu'il exerçait en réalité ces pouvoirs.

 20   Et Prlic fait valoir, comme il l'a fait pendant le procès, que tout

 21   en étant président du gouvernement, il était, en somme, dénué de tout

 22   pouvoir.

 23   C'est le thème général qui sous-tend son affirmation, il a essayé de

 24   convaincre la Chambre de première instance de cela, mais il a échoué. Il

 25   précise qu'il était président d'un organe de prise de décision collective

 26   et que, par conséquent, il ne peut être tenu responsable des décisions

 27   prises.

 28   La Chambre a examiné ceci expressément au tome 4, paragraphe 89, et


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  1   l'a de façon raisonnable rejeté. La Chambre conclut en lieu et place de

  2   cela que le gouvernement est parvenu à ces décisions de manière collective

  3   et que le président de cet organe collectif, Prlic, a effectivement joué un

  4   rôle prépondérant au sein de ce gouvernement et comment il a exercé son

  5   pouvoir par l'intermédiaire de ce système de prise de décision collective.

  6   Tome 4, paragraphes 90 à 121.

  7   Prlic reconnaît qu'il a joué un rôle prépondérant en tant que

  8   président du gouvernement. Cela est clair au vu du paragraphe 325 de son

  9   mémoire en appel, où il affirme que son témoin, Zoran Perkovic, décrit de

 10   façon adéquate le fonctionnement de son gouvernement. Et il précise que

 11   Perkovic a expliqué que lors des réunions du gouvernement, Prlic a présenté

 12   chaque élément à l'ordre du jour. Prlic ouvrait les débats, Prlic concluait

 13   les discussions en proposant ou en fournissant des propositions, et ensuite

 14   Prlic a ordonné le vote. Si Prlic considérait qu'il y avait un consensus, à

 15   ce moment-là, il disait simplement : "Très bien, donc il n'y a plus de

 16   débat. Le règlement est adopté."

 17   Je souhaite insister là-dessus. Il s'agit des éléments de preuve sur

 18   lesquels se fonde Prlic lui-même s'agissant de ses pouvoirs et du rôle

 19   qu'il a joué, les mêmes éléments de preuve sur lesquels s'est fondée la

 20   Chambre au paragraphe 536 du tome 1, lorsqu'elle est parvenue à ces

 21   conclusions qui tiennent compte de ces témoignages.

 22   La différence est que Prlic fait valoir que malgré ce rôle

 23   prépondérant évident au sein du gouvernement, Prlic n'avait aucune

 24   responsabilité pour les décisions prises, la Chambre a raisonnablement et

 25   de façon logique conclut que c'était l'inverse.

 26   Je vais maintenant parler d'un seul élément des pouvoirs de Prlic,

 27   autrement dit le rôle-clé qu'il a joué dans ses rapports avec Tudjman et

 28   d'autres dirigeants croates. Au tome 4, paragraphes 119 à 121, contestation


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  1   du moyen d'appel 15 de l'appel Prlic. Je vais me concentrer en particulier

  2   sur ce thème, parce que les interactions de Prlic avec les dirigeants

  3   croates illustrent, en fait, l'intention partagée qui était la sienne de

  4   l'entreprise criminelle commune et montrent comment les membres de

  5   l'entreprise criminelle commune travaillaient ensemble pour formuler cet

  6   objectif commun et le mettre en mouvement.

  7   La conclusion que Prlic a joué un rôle prépondérant dans ces

  8   relations avec les dirigeants croates, elle se fonde essentiellement sur

  9   les comptes rendus des réunions que Tudjman a eues avec Prlic et d'autres

 10   dirigeants croates d'Herceg-Bosna, des réunions qui montraient que Prlic

 11   faisait partie du cercle d'initiés des dirigeants d'Herceg-Bosna qui ont

 12   débattu et décidé des stratégies visant à réaliser l'objectif commun, de

 13   mettre en preuve une entité dominée par les Croates en Bosnie-Herzégovine.

 14   En contestant ces conclusions au moyen numéro 15, Prlic avance que la

 15   Chambre s'est reposée simplement sur cinq comptes rendus présidentiels.

 16   D'après Prlic, il s'agit d'un nombre insuffisant de réunions pour que Prlic

 17   ait pu jouer un rôle prépondérant avec les autorités croates. Paragraphe

 18   439 du mémoire.

 19   Prlic ne montre pas comment la Chambre a agi de façon non raisonnable en

 20   concluant le contraire. Bien évidemment, le nombre de contacts qu'il a eus

 21   était très important en appréciant le rôle de Prlic. La Chambre a examiné

 22   la nature même des contacts qu'il a eus. Je vais aborder avec vous ces

 23   comptes rendus présidentiels sur lesquels s'est fondée la Chambre et le

 24   rôle-clé qu'il a joué, prépondérant parmi les dirigeants croates, et je

 25   vais faire des digressions pour aborder certaines questions abordées par la

 26   Défense concernant les questions qui étaient abordées.

 27   Pour ce qui est du rôle prépondérant joué par Prlic au niveau de ses

 28   relations avec les représentants officiels croates, la Chambre s'est


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  1   reposée, par exemple, sur le P498, le compte rendu d'une réunion du 17

  2   septembre 1992. Prlic et Mate Boban étaient parmi un groupe trié sur le

  3   volet de représentants officiels des Croates de Bosnie qui devaient

  4   assister à une réunion avec Tudjman, Susak et ainsi que d'autres dirigeants

  5   haut placés croates pour aborder "la situation en Bosnie-Herzégovine et les

  6   opinions des Croates sur les solutions à la crise". Page 1, la pièce P498.

  7   Lors de cette réunion, Tudjman a évoqué et exposé sa vision

  8   géopolitique pour l'ABiH. Il a clairement indiqué que le fait de prendre la

  9   Banovina était nécessaire pour préserver l'Etat croate, que la Croatie

 10   devait asseoir sa position territoriale en Bosnie-Herzégovine. Et à cette

 11   fin, le gouvernement de l'Herceg-Bosna, qu'ils avaient mis en place devait

 12   être maintenu, et que l'entité croate qu'ils cherchaient à mettre en place

 13   au sein de la Bosnie-Herzégovine ne devait pas comprendre trop de Musulmans

 14   ou trop de Serbes.

 15   Voici les extraits dans lesquels Tudjman fait valoir ces questions en

 16   présence de Prlic et d'autres personnes.

 17   Il insiste pour dire que la question en Bosnie-Herzégovine est une

 18   question essentielle aux relations avec le peuple croate en général. Il ne

 19   s'agit pas simplement d'une question relative aux Croates en Bosnie-

 20   Herzégovine, il s'agit d'une question qui est liée à l'Etat croate, au

 21   peuple croate en général. Pourquoi ? Parce que c'est très pertinent ou

 22   important pour la Croatie en termes historiques et géopolitiques, autant le

 23   résultat des frontières non naturelles de l'Etat croate actuel.

 24   Ensuite, Tudjman insiste sur l'importance du libellé dans le

 25   préambule de la constitution croate, à savoir "que la conservation de

 26   l'Etat croate implique également une Banovina croate". Page 67.

 27   Et il donne instruction aux personnes présentes et dit : "Nous avons

 28   défendu l'Herzégovine avec le HVO de façon à pouvoir y établir un


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  1   gouvernement croate que nous devons conserver."

  2   Tudjman insiste sur le fait que c'était dans les intérêts vitaux du

  3   peuple croate qu'un Etat croate soit créé, au sens national et territorial

  4   en Bosnie-Herzégovine. "Nous devons asseoir notre position."

  5   Ce matin, Messieurs les Juges, vous avez entendu M. Prlic arguer du

  6   fait que l'Herceg-Bosna était une entité provisoire, et que la Chambre de

  7   première instance n'en a absolument pas tenu compte. La Chambre de première

  8   instance n'a absolument pas exigé, elle en a expressément tenu compte au

  9   tome 4, paragraphes 7 et 15. Au vu d'éléments de preuve très clairs, où

 10   Tudjman a insisté pour dire qu'ils devaient conserver l'Herceg-Bosna parce

 11   que cela était vital aux intérêts nationaux et territoriaux de la Croatie.

 12   Et Tudjman a averti les personnes présentes que cela ne pouvait pas

 13   inclure tous les Croates de Bosnie-Herzégovine; autrement dit, cette entité

 14   territoriale. Pourquoi ? Parce que cette entité devait inclure toutes les

 15   régions de Bosnie-Herzégovine où vivaient les Croates et dans laquelle

 16   vivait un nombre très important de Musulmans et de Serbes. Et il a dit :

 17   "Il faut faire très attention. S'ils nous donnent une frontière le long de

 18   la Drina avec 2 millions de Musulmans et un million et demi de Serbes, cet

 19   Etat appartiendrait à qui ?" Donc Tudjman a clairement insisté pour dire

 20   qu'ils devaient sécuriser les zones en Bosnie qui représentaient un intérêt

 21   essentiel pour la Croatie.

 22   Ensuite, il a donné les instructions claires aux dirigeants de l'Herceg-

 23   Bosna. "Dans nos pourparlers, vos pourparlers, vous allez maintenant vous

 24   rendre à Genève, par conséquent, lors de ces pourparlers, prenez position.

 25   La Bosnie-Herzégovine est une communauté de trois nations constitutives.

 26   Les dispositions mentionnées plutôt concernant la sécurité et la

 27   souveraineté territoriale de la Croatie."

 28   Messieurs les Juges, je vois qu'il est l'heure de faire la pause. Je peux


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  1   conclure avec ces diapositives ou je peux poursuivre.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il est l'heure de faire la pause. Nous

  3   reprendrons à 14 heures 30.

  4   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 00.

  5   --- L'audience est reprise à 14 heures 31.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vérifie que tout le monde soit là,

  7   il ne manque personne. Très bien. Nous pouvons continuer.

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Messieurs les Juges, je vous ai montré des extraits du compte rendu

 10   présidentiel du 17 septembre 1992.

 11   Et pour résumer, l'importance de cette réunion qui s'est déroulée

 12   quelques mois avant que Prlic et d'autres membres de l'entreprise

 13   criminelle commune la mettent en œuvre ou, en tout cas, que cette

 14   entreprise était apparente. Tudjman a rassemblé Prlic et d'autres personnes

 15   de l'Herceg-Bosna pour leur dire qu'ils devaient ensemble être clairs et

 16   assurer le maintien d'une entité croate dominée en Bosnie-Herzégovine.

 17   Une petite digression en vertu de l'argument qui précisait que

 18   Tudjman supportait ou étayait l'indépendance de la BiH. Cet argument en

 19   grande mesure nous distrait de l'indépendance en tant que telle par rapport

 20   aux conclusions de la Chambre et ceci ne permet pas de contester, en fait,

 21   l'appui fourni par Tudjman et Prlic à l'objectif ultime de l'entreprise

 22   criminelle commune.

 23   Au tome 4, paragraphes 12, 16 et 11 [comme interprété], la Chambre a

 24   constaté que Tudjman s'était exprimé en public pour prôner ses soutiens à

 25   une Bosnie-Herzégovine intégrale, en sachant que la communauté

 26   internationale s'opposait à une division tout en créant une entité croate

 27   au sein de la BiH qui serait annexée à la Croatie. Et cette division entre

 28   ce qui était privé et ce qui était public était illustrée lors de cette


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  1   réunion du 17 septembre, car Prlic annonce qu'il est de l'intérêt vital de

  2   l'Etat croate de sécuriser notre position en Bosnie-Herzégovine, à la page

  3   74. Et ensuite, il donne des instructions aux personnes qui vont assister à

  4   la réunion à Genève de "prendre position, à savoir la Bosnie-Herzégovine en

  5   tant que communauté de trois nations constitutives avec les dispositions

  6   mentionnées plus avant concernant la souveraineté territoriale et la

  7   sécurité de la Croatie." Page 76.

  8   En d'autres termes, ils doivent négocier publiquement pour ces trois

  9   entités constitutives et lors de cette réunion privée, cette unité

 10   constitutive de l'Herceg-Bosna est censée défendre les intérêts nationaux

 11   et territoriaux de la Croatie, puisqu'on avait fait référence aux

 12   frontières. Tudjman avait parlé du problème des frontières non naturelles

 13   de la Croatie. Cette réunion montre comment Tudjman et Prlic ont

 14   publiquement évoqué cela et cet objectif ultime qui visait à la réalisation

 15   de cela. Quelques semaines au mois de septembre 1992 où Prlic et d'autres

 16   personnes, en privé, ont évoqué le fait d'assurer et de maintenir les

 17   intérêts territoriaux et nationaux en créant la Banovina.

 18   En octobre 1992, Prlic, avec Praljak, qui était alors ministre

 19   adjoint de la Défense, et Stojic se sont rencontrés à deux reprises avec le

 20   général Ratko Mladic. Et conformément aux objectifs qui avaient été énoncés

 21   expressément par Tudjman, ils ont parlé d'une division de la Bosnie qui

 22   permettait de réaliser leur objectif, autrement dit une entité croate

 23   reprenant les frontières de la Banovina, indiquant que les Musulmans

 24   devaient également avoir un canton "de façon à ce qu'ils aient un endroit

 25   où se rendre". P11376 et 11380, tome 4, paragraphe 119.

 26   Ceci montre que Prlic fait partie du cercle des initiés de Tudjman. Les

 27   réunions-clés auxquelles il assiste, ils mettent en place ces objectifs

 28   communs par le biais de négociations secrètes avec Mladic, et Prlic


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  1   maintient ce rôle-clé qu'il a joué. Prlic, avec Praljak, Petkovic et Boban

  2   ont assisté à la réunion du 5 novembre 1993, P6454, au tome 4, paragraphe

  3   119.

  4   Lors de cette réunion, Tudjman encore une fois insiste sur

  5   l'importance de cette entité croate en Bosnie-Herzégovine afin de protéger

  6   les intérêts à long terme de l'Etat croate et il dit :

  7   "Au sens militaire du terme, nous devons protéger les intérêts du

  8   peuple croate et l'Etat croate."

  9   Et qu'ils étaient en train de trouver une solution à "la destinée de

 10   l'Etat croate" pour les siècles à venir. Cela se trouve à la page 20.

 11   L'importance de la réunion, comme indiqué :

 12   "Je crois que cette réunion est fort importante. Les plus hauts

 13   gradés de la République de Croatie et de la République de l'Herceg-Bosna

 14   sont présents. C'est une occasion pour avoir un dialogue ouvert, la

 15   situation dans laquelle nous nous trouvons, ainsi que la possibilité que

 16   nous avons de corriger la situation qui est la nôtre aujourd'hui." Page 30.

 17   Et il ne s'agissait pas seulement de paroles vaines, parce que Prlic

 18   a ensuite parlé ouvertement de la stratégie de son gouvernement de déplacer

 19   les Croates de souche sur le territoire de Bosnie centrale contrôlé par

 20   l'Herceg-Bosna, ce qui était leur objectif.

 21   Encore une fois, je souhaite faire une digression pour répondre à une

 22   question qui a été soulevée ce matin. M. Prlic a argué du fait qu'il a

 23   facilité ce déplacement des Croates de Bosnie centrale pour qu'ils

 24   s'installent dans l'Herceg-Bosna, et ce, pour des raisons humanitaires. Je

 25   souhaite ajouter que nous répétons encore une fois, il s'agit encore une

 26   fois d'un argument présenté lors du procès. Tome 4, paragraphes 197 à 206.

 27   Et Prlic a dit :

 28   "Nous devons consolider nos territoires en tant que gouvernement. Le


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  1   printemps dernier, nous avons fait certaines propositions en conclusion

  2   concernant le déplacement de certaines brigades. Il s'agit de déplacer la

  3   population de certaines régions et de les concentrer à certains endroits

  4   qui, à notre sens, pourraient devenir des zones croates et rester des zones

  5   croates." Page 36.

  6   Et il a ajouté :

  7   "J'estime que nous devons maintenant avoir un appui manifeste qui

  8   nous permettra d'héberger les réfugiés de Vares. Dans cette zone libre, si

  9   nous avons une position politique et la bonne volonté, nous pouvons dire

 10   que tous les Croates doivent y résider." Page 38.

 11   Donc, d'après les propres paroles de Prlic, quand bien même un aspect

 12   humanitaire était lié à ce déplacement de la population, cela faisait

 13   partie de la stratégie qui visait à définir les frontières et concentrer

 14   les Croates dans des régions qui, à leurs yeux, devaient devenir et rester

 15   croates.

 16   La Chambre a conclu à juste titre au tome 4, paragraphe 55, que ce

 17   déplacement des Croates de souche visait à modifier l'équilibre des

 18   pouvoirs et cela favorisait les Croates. Et la Chambre s'est reposée

 19   également sur cette réunion à l'appui de ces conclusions indiquant que

 20   Prlic a joué un rôle prépondérant à la stratégie développée avec Tudjman et

 21   d'autres dirigeants concernant cet objectif partagé, à savoir un territoire

 22   dominé par les Croates en Herceg-Bosna.

 23   Quelques mois plus tard, lors d'une réunion du 13 février, Tudjman a

 24   évoqué ce qu'il pensait étaient les personnes qui dirigeaient l'Herceg-

 25   Bosna, page 1, il a parlé de stratégie politique. Lorsque Prlic a pris la

 26   parole au cours de cette réunion, il a dit :

 27   "Monsieur le Président, les informations qui ont été présentées

 28   aujourd'hui sont particulièrement importantes, d'une importance stratégique


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  1   et certains aspects modifient fondamentalement certaines positions." Page

  2   46.

  3   Et Prlic a déclaré :

  4   "Nous avons créé un Etat en Herceg-Bosna avec tous les systèmes.

  5   Aucune solution acceptable sans une République croate d'Herceg-Bosna.

  6   Autrement dit, la République croate et les frontières doivent englober

  7   autant de régions que possible sur l'ensemble du territoire de la Bosnie

  8   centrale. Je pense que nous sommes capables de réaliser ceci par des moyens

  9   militaires si nécessaire." Page 47, P7856.

 10   Ce matin, M. Prlic a avancé que l'Herceg-Bosna n'avait aucune visée

 11   étatique au niveau de ses frontières et a précisé que les Croates d'Herceg-

 12   Bosna et les dirigeants n'avaient pas l'intention de créer un Etat à

 13   l'intérieur d'un Etat. Mais c'est écrit noir sur blanc : Prlic a insisté

 14   là-dessus. Il souhaitait qu'il y ait une entité croate autonome avec un

 15   système de contrôle aux frontières et des douanes.

 16   Ceci contredit également son allégation dans le cadre de cet appel,

 17   autrement dit qu'il n'a pas joué un rôle prépondérant dans ses relations

 18   avec les dirigeants ni avec Tudjman. Prlic a expressément reconnu

 19   l'importance de cette interaction à l'époque. Aucune erreur de la part de

 20   la Chambre lorsqu'elle est parvenue à cette même conclusion. Le moyen

 21   d'appel numéro 15 devrait donc être rejeté.

 22   Avant d'aborder la contribution de Prlic à l'entreprise criminelle commune,

 23   je souhaite brièvement aborder un argument que Prlic présente au moyen 19,

 24   à savoir les interactions de Prlic avec Tudjman et d'autres représentants

 25   officiels croates.

 26   Au moyen 19, Prlic conteste les conclusions de la Chambre au tome 3,

 27   paragraphe 567, que les autorités croates exerçaient un contrôle total sur

 28   les autorités du HVO. Ceci concerne le caractère international du conflit.


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  1   Comme vous pouvez le constater au vu de ces comptes rendus présidentiels,

  2   eh bien, ils illustrent ce contrôle, Prlic et d'autres représentants

  3   officiels d'Herceg-Bosna qui rendent compte à Tudjman, et Tudjman qui dicte

  4   sa politique est celle qui doit être la politique d'Herceg-Bosna.

  5   Je vais aborder quelques points qui confirment le contrôle des dirigeants

  6   croates sur les dirigeants d'Herceg-Bosna.

  7   Ce contrôle n'est un secret pour personne. Comme l'a dit Galbraith, tous

  8   les diplomates, à l'exception de ceux peu regardants, avaient clairement

  9   compris que Tudjman et Susak contrôlaient l'entité politique bosno-croate,

 10   le HDZ en Bosnie et le HVO." Page du compte rendu d'audience 6470 et 6471.

 11   Eh bien, Prlic conteste en fait ce contrôle aujourd'hui. Mais ceci

 12   contredit ses propres affirmations qu'il a répétées à maintes reprises. Et

 13   Prlic l'a affirmé le 10 novembre 1993, lorsque lui et Mate Boban se sont

 14   rendus à Zagreb pour recueillir l'approbation de Tudjman pour les

 15   propositions qu'ils avaient présentés concernant les nominations des

 16   ministres du gouvernement de l'Herceg-Bosna. Page P6581, pages 26 à 29,

 17   tome 4, paragraphe 93.

 18   En d'autres termes, Prlic a affirmé que Tudjman avait effectivement le

 19   contrôle en 1998 lorsqu'il a dit à Tudjman : "J'ai mis en œuvre tout ce que

 20   vous m'avez dit pendant tout ce temps." Auquel Tudjman a répondu : "Eh

 21   bien, il est certain que vous étiez le plus intelligent au sein de cette

 22   structure." P8848, page 8.

 23   Prlic a même confirmé le contrôle de Tudjman directement lors d'un

 24   entretien avec un suspect, ce qu'il a dit à l'Accusation, que "si Tudjman

 25   souhaitait renvoyer Mate Boban, le président de l'Herceg-Bosna et le

 26   commandant suprême des forces armées, il aurait pu le faire." Parce que le

 27   centre de la prise de décision se trouvait à Zagreb. P978, page 125.

 28   Tudjman a finalement renvoyé Boban au début de l'année 1994. Tome 3,


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  1   paragraphe 564.

  2   Je souhaite être tout à fait clair maintenant. Ce n'est pas parce que

  3   Boban avait mis en place une campagne criminelle à grande échelle contre

  4   les Musulmans de Bosnie, mais parce que la communauté internationale et, en

  5   particulier le gouvernement américain, avait exercé une pression sur

  6   Tudjman pour qu'ils le renvoient. Tome 3, paragraphe 564, citant Galbraith,

  7   pages du compte rendu d'audience 6525, 6526. Tudjman lui-même a confirmé

  8   cela en mars 1994 lorsqu'il a dit à Prlic et d'autres personnes qu'il avait

  9   renvoyé Boban de la scène politique : "Non pas parce que je pensais que

 10   Boban était coupable." P1812, page 57.

 11   La présence de Prlic est notée à la page 3. Et Tudjman n'était pas

 12   sous pression pour renvoyer Boban. Il devait faire face à des pressions

 13   politiques très importantes, des menaces de sanction en particulier de la

 14   part des Etats-Unis, du Conseil de sécurité des Nations Unies pour la

 15   participation continue de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine. P7789. Le

 16   témoignage de Galbraith, page du compte rendu d'audience 6520.

 17   Confronté à ce que Galbraith a nommé un ultimatum de la part de la

 18   communauté internationale à la fin du mois de février 1994, Tudjman a dû

 19   changer de direction et mettre un terme à la guerre. Il a dû modifier ses

 20   plans ainsi visant à mettre en place une Grande-Croatie. Tome 4, paragraphe

 21   3, citant Galbraith, pages du compte rendu d'audience 6519, 6523. Et

 22   Galbraith, page du compte rendu d'audience 6529.

 23   Une fois que Tudjman a décidé de changer son fusil d'épaule, les

 24   combats entre l'ABiH et le HBO ont cessé immédiatement. Et le 1er mars 1994,

 25   les accords de Washington ont été signés. Tome 1, paragraphes 487 à 488;

 26   tome 3, paragraphe 566.

 27   En résumé, les dirigeants croates exerçaient un contrôle global sur

 28   les dirigeants de l'Herceg-Bosna. Ceci est manifestement étayé par les


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  1   affirmations répétées de Prlic de son contrôle et de la capacité de Tudjman

  2   à renvoyer le président de l'Herceg-Bosna et le commandant suprême et

  3   mettre un terme à l'ensemble du conflit lorsque cela correspondait à ses

  4   intérêts politiques. Le moyen d'appel numéro 19 devrait donc être rejeté.

  5   Je vais maintenant parler de la contribution de Prlic à l'entreprise

  6   criminelle commune. Et je vais me concentrer sur deux domaines en

  7   particulier, Vakuf et sa contribution à Gornji Vakuf et sa contribution à

  8   la mise en place de centres de détention et son manquement à empêcher et

  9   punir des crimes. Pour le restant, je vous renvoie à notre mémoire en

 10   appel.

 11   Les crimes commis à Gornji Vakuf et je répondrai aux questions 3 et 4

 12   concernant l'attaque contre le village de Dusa à Gornji Vakuf. La Chambre a

 13   conclu que la mise en œuvre de l'entreprise criminelle commune a commencé

 14   avec l'attaque criminelle du HVO contre Gornji Vakuf. La Chambre s'est

 15   reposée sur les éléments de preuve qui montrent que Prlic a joué un rôle

 16   prépondérant à toutes les étapes de l'attaque de Gornji Vakuf en lançant

 17   l'ultimatum du 15 janvier, ce qui a conduit aux attaques criminelles à

 18   Gornji Vakuf.

 19   Encore une fois, je vais répondre à un argument portant sur les

 20   pouvoirs dont disposait Prlic. Il a indiqué que ses pouvoirs étaient

 21   limités ou non existants en termes militaires. Prlic ne conteste pas que la

 22   décision du gouvernement du 15 janvier signée par Prlic a été mise en œuvre

 23   tout le long de la chaîne militaire de commandement. Cette décision P1146,

 24   qui exige que l'ABiH et les provinces 8 et 10 soient subordonnées au HVO en

 25   l'espace de cinq jours déclare :

 26   "Cette décision sera mise en œuvre par le chef du département de la

 27   Défense."

 28   Le même jour, Stojic, qui était à la tête du département de la


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  1   Défense, a mis en œuvre l'ultimatum avec un ordre émanant du chef de

  2   l'état-major principal Petkovic et le chef Coric. Petkovic à son tour a mis

  3   en œuvre l'ordre de Stojic, l'a exécuté le long de sa chaîne de

  4   commandement. P1156.

  5   La Chambre de façon raisonnable s'est fondée sur ces ordres, pas

  6   seulement sur la participation de Prlic à Gornji Vakuf, mais indique que

  7   Prlic avait non seulement des pouvoirs en termes militaires, notamment le

  8   pouvoir de prendre une décision qui avait une incidence directe sur les

  9   opérations militaires du HVO, tome 4, paragraphes 106 et 111.

 10   Ces documents clairement étayent ces conclusions et minimisent des

 11   arguments de Prlic aux moyens 11, 3 et 12, où il conteste les conclusions

 12   de la Chambre concernant ses pouvoirs militaires, parce que cela montre que

 13   Prlic à la tête du gouvernement dirigeait l'ensemble de l'appareil

 14   militaire du HVO.

 15   D'après la réponse apportée par Prlic s'agissant de cet ordre, il

 16   prétend que ça n'existe pas. Au paragraphe 342 de ces écritures, il affirme

 17   que ni le HVO, ni le HZ HB, ni Prlic ne pouvaient donner d'ordres aux

 18   représentants du département de la Défense. Mais l'ultimatum signé par lui

 19   dit : "Cette décision sera mise en œuvre par le chef du département de la

 20   Défense." D'autres ordres donnés par lui à l'intention du département de la

 21   Défense peuvent être retrouvés au paragraphe 212 de nos écritures en

 22   réponse.

 23   Alors, j'en viens maintenant aux indications contenues dans l'attaque

 24   de Gornji Vakuf.

 25   On dit qu'à Gornji Vakuf, une attaque a été lancée conformément à

 26   l'ultimatum du gouvernement. On ignore une grande quantité de preuve

 27   présentée aux Juges de la Chambre de première instance qui démontrent

 28   clairement qu'il y a un lien. Et Prlic fait mine de ne pas savoir qu'il y a


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  1   la pièce P1163 du 17 janvier qui est un rapport de l'OCMM, où il est dit

  2   que le colonel Andric, du chef d'état-major du HVO, a transmis l'ordre de

  3   Petkovic pour mettre en œuvre l'ultimatum du gouvernement et exiger la

  4   resubordination de l'ABiH à Gornji Vakuf.

  5   On fait comme s'il n'y avait pas la pièce P1125, citée au volume 4,

  6   paragraphe 125, où on voit le commandement du nord-ouest, de la partie

  7   nord-ouest envoyer un rapport le 18 janvier pour ce qui est de donner un

  8   délai de mise en œuvre des ordres. L'ABiH ne s'y est pas conformée, et

  9   ensuite le HVO a attaqué Gornji Vakuf. On fait comme s'il n'y avait pas

 10   également la date du 19, donc le lendemain de l'attaque lancée par Andric

 11   sur Gornji Vakuf. Et Stojic présente un rapport pour ce qui est de la mise

 12   en œuvre de l'ordre du 15 janvier. Et là, on y dit : "La situation à Gornji

 13   Vakuf est en train de se calmer."

 14   Et comme les Juges de la Chambre de première instance l'ont à juste

 15   titre remarqué au paragraphe 127, volume 4, je cite : "Ce document montre

 16   clairement que le HVO lui-même avait établi un lien entre l'ultimatum du 15

 17   janvier 1993 et les combats à Gornji Vakuf."

 18   Prlic ne dit rien au sujet de cette constatation. A la place, il affirme de

 19   façon erronée que ce procès-verbal indique qu'il y a "absence d'information

 20   au sujet des développements sur le terrain." Paragraphe 463 de ses

 21   écritures.

 22   Prlic n'a pas répondu à ses obligations en appel. Il a dédaigné de

 23   prendre en compte les pièces cruciales et il présente de façon erronée

 24   d'autres éléments de preuve.

 25   Moyen d'appel 16.1, ce moyen d'appel devrait être rejeté.

 26   La question suivante, la question 3 se rapporte aux exécutions de civils

 27   aux villages de Dusa, Gornji Vakuf, le 18 janvier 1993.

 28   Il n'est pas contesté le fait qu'à l'occasion de l'attaque du HVO à


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  1   Dusa, un obus du HVO est tombé sur la maison d'Enver Sljivo, où une

  2   douzaine de civils s'étaient abrités, et on y a tué sept civils : trois

  3   enfants âgés de 3 ans, 11 et 12 ans, trois femmes et un vieillard.

  4   Alors, s'agissant maintenant des constatations des Juges de la Chambre de

  5   première instance qui disent que le HVO avait tiré sur la maison de Sljivo

  6   en indiquant qu'on avait l'intention de nuire et de causer des blessures

  7   graves à des civils et qu'on a vu qu'il y a eu des décès.

  8   Nous avons cité ceci dans la présentation des éléments de Stojic et

  9   Praljak, Et la Chambre a caractérisé que c'était une attaque indiscriminée

 10   et on voit qu'on avait tiré directement un obus sur la maison d'Enver

 11   Sljivo, cette maison étant pleine de civils et il n'y avait que des civils

 12   dans cette maison. Et lorsque les survivants essayaient de s'enfuir, on a

 13   continué à leur tirer dessus. Par conséquent, il s'agissait d'une attaque

 14   délibérée lancée contre des civils et cela constitue un mens rea concernant

 15   les conclusions relatives aux meurtres. Et donc les conclusions relatives

 16   au mens rea sont bonnes.

 17   On voit que l'attaque a été délibérée et trois témoins de la Chambre

 18   ont confirmé de façon crédible cette attaque : le témoin BY, BW et Kemal

 19   Sljivo. Volume 2, paragraphe 344.

 20   Et je vais parcourir maintenant certains éléments dont certains sont

 21   confidentiels. Donc, je vais demander à en parler en audience publique,

 22   mais de façon à ne pas dévoiler l'identité des témoins protégés.

 23   Le matin du 18 janvier 1993, le HVO s'est attaqué au village de Dusa. Ils

 24   ont commencé par pilonner le village. Volume 2, paragraphe 2. Et quelque 20

 25   défenseurs locaux ont essayé de défendre le village de Dusa. Ils se

 26   trouvaient dans la forêt non loin du village et tous ensemble, ils avaient

 27   15 fusils en tout et pour tout. C'est qu'a dit Kemal Sljivo dans la pièce

 28   P10108.


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  1   Alors, je vais maintenant montrer une photographie qui ne doit pas être

  2   diffusée à l'extérieur du prétoire. Cette photo, qui est la pièce à

  3   conviction IC00058 [comme interprété], montre l'emplacement de la maison

  4   d'Enver Sljivo. C'est indiqué par le numéro 1. Cette maison n'existe plus.

  5   Il s'agit de ce champ vide. C'est là que les civils avaient essayé de

  6   trouver abri. Et à côté de ces défendeurs -- enfin l'emplacement des

  7   défenseurs du village se trouve au niveau des arbres qui sont indiqués par

  8   le numéro 2. Référence au compte rendu 8773.

  9   Le HVO a commencé à pilonner au matin aux mortiers et aux tirs

 10   d'artillerie. Les tirs ont été dirigés vers les défenseurs et vers le

 11   village en tant que tel. Page du compte rendu 8774.

 12   Au bout de quelques heures, vers midi, un char du HVO a tiré sur la

 13   maison d'Enver Sljivo, et c'est à cette occasion-là que sept civils ont été

 14   tués. Deux témoins ont confirmé que c'était un char qui avait tiré sur la

 15   maison de Kemal Sljivo. Il s'agit de la pièce BVT8775-8780 [comme

 16   interprété].

 17   Un autre témoin a confirmé les propos de Sljivo, et il a parlé des

 18   trous sur la maison et en indiquant que c'était soit un tir de char ou

 19   d'une arme antichar qui avait causé ces dégâts. Page du compte rendu 7141

 20   [comme interprété].

 21   Pourquoi cela est-il important ? Parce que cela signifie que le HVO

 22   avait directement tiré sur la maison. On avait ciblé la maison. L'équipage

 23   du char a tiré directement sur la maison.

 24   Et Philip Watkins, officier d'artillerie, a été d'un avis similaire,

 25   il a dit que "le canon d'un char est une arme précise qui tire directement

 26   sur la cible et ceux qui tirent depuis un char peuvent toujours voir

 27   visuellement la cible." Il a expliqué que les grenades ou les obus d'un

 28   char sont d'une forme qui permet une pénétration directe. Donc, il y a ce


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  1   type de tir direct et il y a des types de tirs indirects tels que les

  2   canons et les mortiers.

  3   En d'autres termes, les mortiers et les canons ne tirent pas

  4   directement sur la cible mais ils visent le secteur de la cible. Compte

  5   rendu d'audience 18861.

  6   Le compte rendu indique que cette maison avait été la cible du HVO et

  7   ils ont tiré cet obus pour toucher la maison. Et on peut voir depuis un

  8   char quelle est la trajectoire de l'obus en direction de la maison d'Enver

  9   Sljivo.

 10   Et je voudrais indiquer que cela n'est pas une pièce à diffuser vers

 11   le public. Il s'agit de IC0058. On voit l'emplacement de la maison d'Enver

 12   Sljivo qui est l'emplacement vide au niveau de ce terrain que nous avons vu

 13   tout à l'heure, et l'emplacement du char est indiqué par la lettre X en

 14   rouge. Compte rendu d'audience 8778. Ceci confirme le fait qu'il y avait

 15   une ligne de vision directe entre le char et la maison.

 16   Lorsque le char a tiré sur la maison, elle était pleine de civils et

 17   il n'y avait que des civils dedans. Il n'y avait ni soldat, ni arme, ni

 18   défenseurs du village. Et à partir de cette maison, il n'y a pas eu un seul

 19   coup de feu de tiré. BW, compte rendu d'audience 8775 à 8780; et BY, 9073.

 20   Donc, il n'y avait aucune activité militaire en provenance de la

 21   maison ce matin-là. Et il savait qu'à l'intérieur il y avait des gens,

 22   parce qu'on avait pu voir de la fumée sortir de la cheminée et c'était la

 23   seule maison à partir de laquelle on voyait une fumée sortir de la

 24   cheminée. Page du compte rendu d'audience 8779.

 25   Et bien qu'on n'ait mentionné qu'un seul obus ayant touché la maison,

 26   il y a eu deux témoins visuels qui ont indiqué que le char a tiré au moins

 27   deux obus. Il s'agit du compte rendu 9075; et Kemal Sljivo, P10108, page 2.

 28   Donc, l'obus ou les obus ont été tirés alors que les femmes et les enfants


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  1   ont essayé de fuir. Certaines des victimes ont péri alors qu'elles

  2   essayaient de se sauver. Pages du compte rendu d'audience 9073 à 9075.

  3   Par conséquent, les témoignages des témoins pour ce qui est des

  4   meurtres à Dusa indiquent que les gens du char avaient vu la maison,

  5   savaient qu'il y avait des gens dedans, et ils ont tiré directement avec

  6   une arme précise, et ont continué à tirer sur les civils alors qu'ils

  7   essayaient de s'enfuir. En d'autres termes, le HVO avait délibérément ciblé

  8   ces civils.

  9   Et je voudrais ajouter que cet incident n'est pas le seul. Il n'est

 10   pas isolé. Ça fait partie d'un modèle du comportement du HVO à l'égard des

 11   civils à quatre autres emplacements dans le secteur de Gornji Vakuf : Dusa,

 12   Hrasnica, Uzricje et Zdrimci. Ce sont là les sept villages où les attaques

 13   ont été lancées de la même façon. Le HVO a d'abord tiré sur les villages en

 14   détruisant des maisons musulmanes. Ensuite, le HVO a arrêté la totalité de

 15   la population, a séparé les hommes des femmes et a détenu les Musulmans en

 16   détruisant leurs maisons. Le HVO a ensuite déplacé la majorité des civils

 17   détenus de ce secteur.

 18   Donc, la Chambre a raisonnablement tiré la conclusion qui est celle

 19   de dire qu'il y a des similarités absolues entre ces attaques criminelles

 20   qui font partie d'un planning préconçu. Volume 4, paragraphe 704 et

 21   paragraphes 45 à 48.

 22   On peut voir ces similitudes si on compare les événements de Dusa et

 23   de Hrasnica le même jour. Lorsque le village de Hrasnica a été attaqué, un

 24   groupe de 50 civils s'était réuni dans une maison. Le HVO leur a tiré

 25   dessus à une distance de 300 mètres, alors qu'ils "pouvaient facilement

 26   voir les civils se rassembler et chercher abri dans le sous-sol de cette

 27   maison."

 28   Lorsque le HVO a rassemblé les civils de Hrasnica, ils ont envoyé un


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  1   message aux défenseurs du village en disant que la "population civile

  2   serait exécutée s'ils ne restituaient pas leurs armes." Il s'agit du témoin

  3   Senad Zahirovic, P10106, pages 3 à 4; volume 2, paragraphe 372.

  4   Donc, les crimes de la maison d'Enver Sljivo, ce n'était pas une anomalie.

  5   Ça fait partie d'un groupe assez important de victimes qui sont victimes

  6   d'attaques violentes lancées contre la population civile de quatre villages

  7   au total.

  8   Les équipes de la Défense proposent deux théories alternatives s'agissant

  9   de cette attaque, mais aucune de ces théories n'est raisonnable, ni

 10   justifiée par les éléments de preuve.

 11   La première théorie dit que le HVO avait tiré sur la ligne de défense des

 12   Musulmans et avait accidentellement touché le village et cette maison. Mais

 13   cette affirmation disant que l'opération de Dusa avait été lancée de façon

 14   conforme au droit international et qu'il s'agit de dégâts collatéraux, cela

 15   n'est pas conforme aux victimes de la population civile dans quatre

 16   villages.

 17   En tout et pour tout, et on peut voir que les attaques de Gornji

 18   Vakuf ont été lancées sans distinction et sans respect du fait qu'il y

 19   avait des civils dedans. Et on peut voir que les conclusions des Juges de

 20   la Chambre de première instance indiquent bien que ces victimes ont été des

 21   victimes d'une attaque indiscriminée.

 22   On ne peut donc pas justifier cela par la position des défenseurs ce

 23   jour-là. Ces défenseurs n'étaient pas sur la ligne de feu, et les obus ont

 24   été tirés à partir d'une arme qui permet de tirer, de cibler directement ce

 25   qu'elle vise.

 26   On peut voir l'emplacement du char, et si on se place devant le site

 27   de la maison d'Enver Sljivo, et si on se met face à l'emplacement du char,

 28   les défenseurs se trouvaient à gauche de cet endroit. On peut le voir sur


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  1   la photo qui montre le même emplacement, mais pris sous un autre angle, et

  2   on voit que les défenseurs du village ne se trouvaient pas du tout sur la

  3   ligne de tir.

  4   Qui plus est, les défenseurs se trouvaient éparpillés le long d'une ligne

  5   de 50 à 60 mètres de distance l'un de l'autre, et ils étaient à peu près à

  6   30 mètres ou 100 mètres ou 200 mètres de la maison. Pages du compte rendu

  7   d'audience 9127 et 9129. Ils se cachaient derrière des arbres. Compte rendu

  8   10108, page 3. Donc, il n'y avait pas de groupes de défenseurs qui

  9   pourraient être considérés comme une cible visible et logique pour le char.

 10   Donc il est impossible que d'affirmer que la théorie d'avoir tiré un ou

 11   deux obus de suite en direction de la maison, parce que si c'était fortuit,

 12   le HVO n'aurait pas tiré une deuxième fois.

 13   La deuxième théorie va à l'encontre de la première. On dit qu'Enver

 14   Sljivo était le commandant de la défense de ce village. Mais cela ne

 15   justifie pas l'attaque de la maison Enver Sljivo, et on ne sait pas si

 16   Enver Sljivo était dans sa maison, et le HVO n'avait pas d'information qui

 17   indiquerait que lui se serait trouvé dans la maison.

 18   Au contraire, les informations du HVO disaient le contraire. Un

 19   rapport opérationnel du HVO du 16 janvier dit que les défenseurs de Dusa se

 20   trouvaient dans une espèce de tranchée dans le village, et l'attaque de

 21   Dusa durait depuis plusieurs heures avant que le char ne vienne tirer sur

 22   cette maison. Et de plus, le début de l'opération, aucune balle n'a été

 23   tirée depuis la maison. A la différence de l'emplacement où se trouvaient

 24   les défenseurs du village qui, eux, ont tiré en direction du HVO. Kemal

 25   Sljivo, P10108, page 3.

 26   Donc, cela sous-entend que le HVO avait tiré un projectile de char en

 27   direction d'une maison de civil depuis laquelle il n'y avait aucune espèce

 28   d'activité militaire pour dire que le propriétaire de la maison, qui


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  1   dirigeait la défense, pouvait fort bien se trouver à l'intérieur, d'après

  2   les renseignements opérationnels du HVO, et on a continué à tirer sur la

  3   maison. Donc, il s'agit des conclusions des Juges de la Chambre Galic, qui

  4   disent :

  5   "En tirant sur tout ce qui bougeait dans un bâtiment résidentiel,

  6   avant que de déterminer si ce qui bougeait était un civil ou un combattant,

  7   est l'exemple le plus frappant indiquant que l'on ne faisait aucune

  8   distinction entre les civils," et cela se rapporte à ce scénario. Je parle

  9   de l'affaire Galic, paragraphe 254, et Strugar, paragraphe 275 [comme

 10   interprété].

 11   Et il s'agit d'une attaque moyennant utilisation d'une arme à grande

 12   force et puissance de destruction. Donc, ceci peut être qualifié d'attaque

 13   disproportionnée, parce qu'il était quasiment certain qu'il y aurait mort

 14   de civils, et on ne pouvait que supposer que cela pourrait générer un

 15   avantage militaire quelconque.

 16   Donc, les éléments de preuve disent que le HVO avait ciblé la maison

 17   d'Enver Sljivo et on ne peut pas affirmer que l'on voulait cibler Enver

 18   Sljivo lui-même parce qu'il n'y avait aucune activité militaire. Et quand

 19   les civils ont commencé à fuir, on leur a tiré dessus. Par conséquent,

 20   cette attaque contre les quatre villages en question est une opération

 21   illicite de nettoyage ethnique.

 22   Et, pour ces raisons-là, les Juges de la Chambre d'appel doivent

 23   conforter et confirmer la conclusion des Juges de la Chambre de première

 24   instance pour ce qui est des civils qui ont été tués par ces attaques du

 25   HVO à Dusa.

 26   A moins que vous n'ayez des questions s'agissant de la question

 27   numéro 3, je vais passer à la question numéro 4.

 28   Alors, à la question 4, on a dit que les Juges de la Chambre d'appel ont


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  1   constaté que les meurtres de Dusa ont constitué un crime de meurtre et de

  2   meurtre délibéré pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune et du

  3   mens rea pour ce qui est des appelants tombant sous la première catégorie

  4   de l'entreprise criminelle commune.

  5   Et dans ce scénario-là, cela ne saurait en aucune façon faire partie

  6   de l'entreprise criminelle commune 1 et du mens rea. Les Juges de la

  7   Chambre ont, quant à eux, constaté que les meurtres à l'occasion d'attaques

  8   militaires dans le cadre d'une entreprise commune faisaient partie d'un

  9   système complet de déportation de la population musulmane.

 10   Ça fait partie d'un modèle de comportement qui tombe sous la coupe de

 11   l'entreprise criminelle commune avec violence extrême, meurtre, mais aussi

 12   meurtre découlant d'un usage systématique de prisonniers sur les lignes de

 13   front qui ont servi de bouclier vivant. Ensuite, le traitement infligé aux

 14   prisonniers, passages à tabac, mauvaises conditions et travaux dangereux

 15   sur les lignes de front. Des victimes indénombrables ont été soumises à ces

 16   violences systématiques qui ont continué, mois après mois, après mois.

 17   Et renverser un seul meurtre ou assassinat n'aurait aucun effet

 18   tangible sur ce schéma de violence incroyable et, en conséquence, n'aurait

 19   aucun impact sur la conclusion de la Chambre de première instance quant à

 20   la portée de l'objectif criminel commun ou de l'élément moral, qui animait

 21   les membres de l'entreprise criminelle commune. Même si vous regardez juste

 22   le schéma qui a été utilisé pendant ces attaques militaires, il est clair

 23   que renverser les meurtres de Dusa ou la décision à cet égard n'aurait pas

 24   d'effet ou d'incidence particulière sur ce schéma.

 25   Pour commencer, et nonobstant la définition ou la notion que l'on donne à

 26   ces meurtres de Dusa, le comportement général des attaques de Gornji Vakuf

 27   en janvier 1993 montre que le HVO a employé des niveaux extrêmes de

 28   violence criminelle pendant ces attaques militaires. La nature de ces


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  1   attaques indique que les meurtres perpétrés pendant ces attaques militaires

  2   étaient un moyen accepté d'arriver à un nettoyage ethnique, à cet objectif

  3   dès le début.

  4   Comme je l'ai déjà mentionné, le même jour que l'attaque de Dusa, le

  5   HVO a également attaqué Hrasnica, un village, et a délibérément tiré le feu

  6   sur un groupe de 50 civils qui étaient réunis dans une maison. Après les

  7   avoir rassemblés, le HVO a menacé les civils de morts, aussi les défenseurs

  8   du village refusaient de se rendre. Je fais référence ici à la pièce

  9   P10106, pages 3 et 4 et au volume 2, paragraphe 372.

 10   Lorsque le même schéma de violence criminelle s'est répété lors de la

 11   prochaine étape des attaques militaires du HVO dans le village de Prozor et

 12   Jablanica en avril 1993, ces attaques ont été suivies des mêmes

 13   caractéristiques violentes qu'à Gornji Vakuf et incluait le meurtre de deux

 14   hommes âgés civils dans le village de Tuskanica. Volume 2, paragraphes 89 à

 15   91; volume 3, paragraphe 656.

 16   Et au mois de juin 1993, alors que les bombardements et la campagne de tirs

 17   isolés contre la population de l'est de Mostar étaient en cours, les

 18   meurtres pendant les attaques militaires sont devenus de plus en plus

 19   routiniers et faisaient partie de cet objectif criminel commun. Pendant

 20   neuf mois, le HVO a soumis la population musulmane de l'est de Mostar à une

 21   "attaque militaire intense, à des tirs d'armes continus de bombardements, y

 22   compris des tirs isolés sur une zone résidentielle dense, habitée de façon

 23   dense, et en ayant pour conséquence que beaucoup d'habitants de l'est de

 24   Mostar ont été blessés ou tués." Volume 4, au paragraphe 59; voir aussi

 25   volume 2, paragraphes 1378 et paragraphes 1016 à 1018.

 26   Alors pour l'intention commune, la Chambre de première instance a tiré des

 27   conclusions particulières selon lesquelles l'un des six appelants a

 28   contribué aux crimes associés au siège de Mostar et que sur la base de ses


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  1   connaissances et de sa participation, chacun d'entre eux, chacun des

  2   accusés a essayé, a accepté et a encouragé ces meurtres à Mostar. Volume 4,

  3   aux paragraphes 176, 363, 586, 750, 938 et 1122. Ces conclusions qui

  4   seraient indépendantes des meurtres de Dusa renforcent cette idée d'une

  5   intention partagée de la part des appelants pour les attaques et les

  6   meurtres. Ces conclusions ainsi que les tirs intenses et prolongés opérés

  7   sur des civils à l'est de Mostar mettent également en lumière l'utilisation

  8   de meurtre sous la forme d'attaque comme étant un moyen intentionnel de

  9   poursuivre l'objectif commun.

 10   En août 1993, pendant l'attaque au village de Rastani, le HVO a

 11   exécuté quatre Musulmans. Volume 2, paragraphes 948 à 963; volume 3,

 12   paragraphe 720.

 13   Et le 28 octobre, le HVO a attaqué Stupni Do et a tué, a assassiné 28

 14   villageois en leur tirant dessus, en leur tranchant la gorge, en les

 15   incendiant dans leurs maisons. Pour dissimuler ce massacre impliquant les

 16   membres de l'entreprise criminelle commune, Petkovic, Praljak et Boban, ces

 17   meurtres étaient ou constituaient un moyen acceptable d'arriver à cet

 18   objectif commun.

 19   Et comme je l'ai dit tout à l'heure, ce modèle ou ce schéma de meurtres et

 20   d'attaques sous la forme de meurtre parmi les forces du HVO consistait à,

 21   de façon routinière, tuer des prisonniers en les utilisant sur la ligne de

 22   front comme main d'œuvre ou comme boucliers humains. Les Juges de la

 23   Chambre ont analysé ce type de meurtre ou d'assassinat indépendamment

 24   d'autres attaques constituant également un meurtre ou un assassinat et a

 25   conclu que s'ils formaient partie de l'objectif commun et que les appelants

 26   partageaient cette intention pour ce type de meurtre, eh bien, alors, il

 27   devait y avoir condamnation. Volume 4, aux paragraphes 66 et 67. Là encore,

 28   ces conclusions seraient indépendantes du volet des affaires de meurtre ou


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  1   d'assassinat à Dusa.

  2   En conclusion, la Chambre de première instance sur la portée de

  3   l'objectif commun et l'intention, l'élément moral des membres qui ont

  4   participé à l'entreprise criminelle commune n'aurait aucun impact.

  5   Question 4(c), élément moral pour l'élément de meurtre, entreprise

  6   criminelle commune de première catégorie. J'aborderai cette question

  7   uniquement par rapport à Prlic. Mes collègues répondront à cette question

  8   pour les cinq autres appelants dans les jours qui viennent.

  9   Il y a deux parties à cette question 4(c) : tout d'abord, l'impact

 10   sur les conclusions de la Chambre de première instance concernant

 11   l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie pour Prlic; et

 12   deuxièmement, l'impact des arguments de l'Accusation au titre de la branche

 13   une de notre premier moyen d'appel. Eh bien, je vais les aborder l'une

 14   après l'autre, mais l'essentiel pour vous, Messieurs les Juges, est de

 15   retenir qu'il n'y a aucune incidence. L'élément moral de Prlic au titre de

 16   l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie pour la détention et

 17   pour l'expulsion et les meurtres est amplement étayé par son rôle central

 18   dans la poursuite de cet objectif criminel commun et son intention partagée

 19   pour l'entreprise criminelle commune de catégorie 1 pour toute une série de

 20   crimes violents.

 21   Renverser la conclusion sur les meurtres de Dusa n'aurait pas

 22   d'impact sur ces conclusions, parce que le raisonnement de la Chambre de

 23   première instance ne porte pas sur la constitution par les meurtres de Dusa

 24   du crime de meurtre ou d'assassinat. Pour le meurtre d'expulsion, par

 25   expulsion à Mostar, la conclusion de la Chambre de première instance se

 26   fonde uniquement sur les connaissances qu'avait Prlic sur son implication

 27   dans les crimes de Mostar. Volume 4, paragraphe 284. Ces conclusions ne

 28   sont donc pas impactées par les meurtres de Dusa.


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  1   S'agissant des meurtres de Jablanica en avril 1993, les Juges de la

  2   Chambre de première instance ont conclu qu'ils étaient prévisibles pour

  3   Prlic en raison de deux facteurs : tout d'abord, Prlic avait rédigé

  4   l'ultimatum du mois d'avril dans les mêmes termes que l'ultimatum du mois

  5   de janvier; et deuxièmement, Prlic était informé du climat de violence

  6   contre la population musulmane à Gornji Vakuf en janvier et n'a rien fait

  7   pour empêcher ou prévenir les crimes. Volume 4, au paragraphe 283.

  8   Cette conclusion n'est pas impactée par cet incident de Dusa. Prlic

  9   était clairement informé du climat de violence à Gornji Vakuf, nonobstant

 10   le meurtre de Dusa par le truchement de trois rapports du commandant Zjelko

 11   Siljeg qui était envoyé au gouvernement. Le 19 janvier, les rapports de

 12   Siljeg au gouvernement disant que plusieurs bâtiments à Gornji Vakuf dans

 13   la ville et dans les villages "étaient en feu, l'hôtel est en flammes".

 14   Pièce P1206.

 15   Le 28 janvier, à la pièce P1351, Siljeg fait rapport au gouvernement

 16   sur sept civils qui ont été tués par des obus à Dusa, mais il ajoute dans

 17   son rapport que des dizaines de maisons ont été incendiées ou détruites par

 18   des tirs d'obus à Uzricje, Dusa et Trnovaca. Il ajoute que du côté de

 19   l'ABiH, on demande une enquête sur les meurtres de Dusa ainsi que

 20   l'exécution de deux civils dans un autre village de Gornji Vakuf, Pajic

 21   Polje, et des mauvais traitements affligés aux prisonniers de Trnovaca. Il

 22   ajoute que certains prisonniers avaient été emmenés à Trnovaca et que

 23   certains avaient fui à Grnica. P1357.

 24   Le climat de violence entourant l'attaque de Gornji Vakuf est épatant

 25   à la lecture de ces rapports, quelle que ce soit la façon dont on définit

 26   ce meurtre de Dusa. Les rapports de Siljeg parlent du fait que des foyers

 27   ont été incendiés de façon systématique, de la détention du meurtre et de

 28   la fuite des civils et des mauvais traitements infligés aux détenus.


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  1   L'allégation de mauvais traitement sur des prisonniers à Trnovasa,

  2   les allégations qui étaient exactes soutiendraient ou étayeraient par

  3   elles-mêmes la conclusion de la Chambre selon laquelle Prlic aurait pu

  4   prévoir les meurtres qui ont eu lieu pendant les détentions à Jablanica par

  5   rapport à un même schéma de crimes, mettant en œuvre un ultimatum similaire

  6   au mois d'avril.

  7   Les Juges de la Chambre ont fait remarquer que Prlic avait rencontré

  8   Stojic qui était également l'un des destinataires du rapport de Siljeg sur

  9   la mise en œuvre de l'ultimatum. De façon plus générale, les éléments de

 10   preuve sur lesquels s'est fondée la Chambre de première instance montrent

 11   que Gornji Vakuf était la question la plus urgente pour Prlic et le

 12   gouvernement à l'époque et que Prlic avait joué un rôle central dans toutes

 13   les étapes des événements qui ont eu lieu.

 14   Lors du procès, Prlic n'a pas affirmé qu'il n'avait pas reçu ni lu

 15   les rapports de Siljeg. Au contraire, dans sa déclaration conformément à

 16   l'article 84 bis du Règlement de procédure et de preuve, il a déclaré :

 17   "La période qui a suivi le 15 janvier est la seule période pendant

 18   laquelle le HVO est ressortie comme l'un des destinataires à qui les

 19   informations étaient envoyées sur la situation qui était en train de se

 20   développer à Gornji Vakuf."

 21   Donc, il a concédé que ces rapports avaient été en fait soumis au

 22   gouvernement et dire que Prlic ne s'inquiétait pas du fait qu'il devait se

 23   familiariser avec des rapports militaires officiels est totalement

 24   impossible. La Chambre a conclu, et ce, de façon raisonnable, que cela

 25   n'était pas le cas.

 26   Il est également important de revenir au contenu spécifique de ces rapports

 27   pendant un instant parce que, comme nous l'avons avancé dans notre mémoire,

 28   le fait que Prlic était conscient de l'existence d'un risque de crimes au


Page 227

  1   titre de l'entreprise criminelle commune numéro 3 ne devait pas dépeindre

  2   de ses connaissances sur des crimes spécifiques à des endroits bien précis.

  3   La capacité de Prlic à prévoir la commission probable de meurtres relevant

  4   de la troisième catégorie découle dans une large mesure de son rôle central

  5   qu'il a joué dans la planification et la mise en œuvre d'une campagne de

  6   violence contre la population musulmane d'Herceg-Bosna. A partir du mois

  7   d'octobre 1992, Prlic était l'un des dirigeants qui avait cherché à changer

  8   la composition ethnique d'Herceg-Bosna, notamment en faisant se déplacer la

  9   population musulmane. Volume 4, paragraphe 43.

 10   Pendant l'année suivante ou les 18 mois qui ont suivi, à plusieurs

 11   postes importants en Herceg-Bosna, Prlic a soutenu une vaste campagne

 12   criminelle, une campagne par laquelle les forces du HVO ont de façon

 13   systématique attaqué les Musulmans par le truchement de toute une série,

 14   toute une palette de crimes violents. L'étendue de cette violence visait à

 15   apporter une transformation démographique et cela est ressorti dans ce

 16   schéma de crimes justement qui était inhérent à l'objectif lui-même,

 17   l'objectif étant de forcer des milliers de Musulmans à quitter leurs

 18   maisons et leurs villages et à quitter l'Herceg-Bosna.

 19   De plus, comme nous l'avons dit dans notre mémoire, Prlic a reçu plusieurs

 20   rapports directs sur des crimes violents. Donc pour conclure notre réponse

 21   à la question 4(c) par rapport à Prlic, l'élément moral de Prlic relevant

 22   de la troisième catégorie pour les meurtres est fortement étayée par son

 23   rôle central dans la mise en œuvre et dans la poursuite d'un objectif

 24   criminel commun et de son intention partagée de commettre les crimes

 25   faisant partie de cet objectif. Et il est encore plus mis en exergue par

 26   les rapports directs de crimes violents qu'il a reçus.

 27   Alors si vous me permettez à présent, Messieurs les Juges, j'aimerais

 28   revenir aux contributions de Prlic à cette entreprise criminelle commune.


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  1   Je vais tout d'abord parler des conditions de détention qui étaient

  2   sommaires. Et je vais passer en revue chronologiquement certains

  3   comportements de Prlic sur lesquels s'est fondée la Chambre de première

  4   instance, comportements qui illustrent le pouvoir qu'il avait dans cette

  5   région, sa connaissance des conditions qui prévalaient et ses contributions

  6   au système de détention, du mauvais traitement et d'expulsion.

  7   Le 8 juin 1993, Prlic signe les décisions gouvernementales créant la prison

  8   de Gabela à Capljina et a nommé Bosko Previsic comme directeur de la

  9   prison.

 10   Gabela a ensuite été utilisée pendant les six mois suivants environ

 11   pour accueillir des milliers de Musulmans dans des conditions horribles, et

 12   ensuite pour les faire sortir d'Herceg-Bosna. Des conditions de détention

 13   étaient également sommaires au point où certains détenus avaient eu recours

 14   à boire leur propre urine. Volume 3, paragraphe 221.

 15   Les détenus de Gabela étaient, de façon routinière, abusés. Certains ont

 16   été assassinés, notamment par Bosko Prevesic, que Prlic avait nommé, qui

 17   rouait de coups régulièrement les détenus et qui a tué un détenu après

 18   avoir découvert qu'il avait caché sur lui un quignon de pain. Volume 3,

 19   paragraphes 237 et 251.

 20   Prlic était bien au courant du fait que des Musulmans étaient détenus de

 21   façon illégale et étaient soumis à des conditions de détention sommaires.

 22   Le 6 juillet 1993, des jours après le début de la mise en œuvre de la part

 23   du HVO de l'ordre de Petkovic d'arrestation en masse, Prlic a rencontré des

 24   représentants de la communauté internationale. Il a reconnu que 6 000

 25   hommes avaient été détenus simplement en raison de leur âge qui avait été

 26   un âge de porter les armes. Il a également admis que le HVO était incapable

 27   de s'occuper de tellement de détenus. Son admission est encore plus

 28   soutenue par toute une série de constatations factuelles démontrant la


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  1   surpopulation et les privations auxquelles étaient soumis ces détenus dans

  2   les centres du HVO.

  3   Lors de cette réunion du 6 juillet 1993, Prlic a déclaré aux représentants

  4   internationaux que le HVO avait décidé de relâcher les détenus. Mais comme

  5   la Chambre de première instance l'a conclu, ces libérations ont été

  6   transformées en un système d'expulsion forcée. Les détenus pouvaient

  7   assurer leur libération de la détention dans des conditions horribles s'ils

  8   étaient d'accord de s'en aller pour des pays tiers.

  9   Prlic n'était pas seulement conscient du système d'expulsion, il a

 10   travaillé en plus de façon très active à sa mise en œuvre. Le 16 juillet,

 11   dix jours après la réunion dont je viens de vous parler, Prlic, avec deux

 12   autres représentants officiels d'Herceg-Bosna, a informé une organisation

 13   internationale qu'ils allaient négocier avec l'ODPR en Croatie pour obtenir

 14   10 000 visas de transit pour des Musulmans, qu'ils quittent, "désiraient

 15   s'en aller" mais qui incluaient des hommes qui avaient été détenus.

 16   Quelques jours plus tard, Prlic présidait une des réunions du gouvernement

 17   le 19 et le 20 juillet où ont discuté des problèmes de surpeuplement dans

 18   les prisons de Capljina, à Dretelj et à Gabela. Et dans le procès-verbal,

 19   le gouvernement a reconnu qu'il existait des conditions qui violaient le

 20   droit international. Pendant que le gouvernement abordait la question

 21   d'identifier de nouveaux centres de détention, 700 prisonniers à peu près

 22   ont été envoyés de Dretelj à l'Heliodrom et la Chambre a fait remarquer que

 23   pendant cette opération ces deux centres de détention étaient déjà

 24   surpeuplés. C'est Dretelj et Gabela. Sur cette photographie, on peut voir

 25   les conséquences des conditions qui prévalaient dans ces centres. C'est

 26   248. La P4588, page 9.

 27   Il s'agit des détenus de Dretelj qui étaient transférés sur le

 28   territoire contrôlé par l'armée BiH fin août, juste deux mois après la


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  1   libération de la détention. C'est le tome 3, paragraphe 71 où on voit

  2   quelles étaient les conditions dans ces prisons. Et Prlic aurait pu donc

  3   améliorer cette situation s'il avait répondu de façon appropriée à des

  4   rapports qui ont été apportés à son attention.

  5   Presque un mois après ces réunions du gouvernement, le 16 août 1993,

  6   les représentants de la communauté internationale ont informé Prlic que les

  7   détenus de l'Heliodrom étaient envoyés sur le front pour y effectuer des

  8   travaux et que pendant ces travaux, certains d'entre eux étaient blessés.

  9   Et qu'est-ce que Prlic a fait concernant ce rapport alarmant ? Rien. C'est

 10   le tome 4, paragraphe 232.

 11   Avant la réunion du gouvernement à la date du 5 septembre, c'est-à-dire

 12   quelques semaines plus tard, des images des détenus de Dretelj, comme

 13   celles-là que vous venez de voir, ont été diffusées sur le plan

 14   international. Tome 3, paragraphe 71.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez encore dix minutes, Madame

 16   Gustafson.

 17   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Les dirigeants donc de l'Herceg-Bosna et

 18   de la Croatie donc ont fait l'objet de la pression de la communauté

 19   internationale pour ce qui est de ces centres de détention. Tome 4,

 20   paragraphe 604, P9507.

 21   Et on peut également voir que cela a été discuté à la réunion du

 22   gouvernement en septembre où le gouvernement a conclu que donc les

 23   conditions prévalant dans les centres de détention ont commencé à être

 24   "nuisibles à la réputation et aux intérêts" de l'Herceg-Bosna. P4841, tome

 25   4, paragraphes 219 et 244.

 26   Lors de cette réunion, le gouvernement a dit qu'il n'était pas

 27   responsable de cette situation, mais décide pourtant de prendre des mesures

 28   pour éviter que "cette situation soit utilisée de façon à ce que cela nuise


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  1   aux intérêts politiques et d'autres intérêts de l'Herceg-Bosna."

  2   Ensuite, le gouvernement a donné des tâches à différents départements

  3   et il s'agit des tâches qui, à première vue, sont destinées à améliorer les

  4   conditions dans des centres de détention. Pourtant la Chambre a conclu de

  5   façon raisonnable que ces conditions n'étaient pas adéquates puisque ces

  6   conditions ont été déplorables pendant plusieurs mois, en fait jusqu'au

  7   jour où ces centres ont été fermés. C'est tome 4, paragraphes 219, 220.

  8   Ces procès-verbaux des réunions du gouvernement sont indicatifs que Prlic

  9   était au courant pendant des mois et c'est ce que les documents démontrent,

 10   que les conditions dans ces centres de détention étaient inadéquates et

 11   déplorables et il a pris des mesures, mais des mesures inadéquates, parce

 12   qu'il y avait la pression de la communauté internationale qui auraient pu

 13   nuire aux intérêts politiques de l'Herceg-Bosna.

 14   Et dans l'appel de Prlic donc, Prlic n'aborde pas la conclusion de la

 15   Chambre selon laquelle cette session du gouvernement traduit donc la

 16   réponse insuffisante et inappropriée de Prlic pour ce qui est des crimes

 17   commis dans les centres de détention. A la place de cela, il essaie

 18   d'affirmer qu'il s'est appuyé sur ces procès-verbaux comme sur un exemple

 19   des efforts déployés par lui-même et par le gouvernement pour combattre les

 20   crimes. Il méprise donc les conclusions contraires de la Chambre. C'est

 21   paragraphe 621.

 22   Dans la réponse de Prlic pour ce qui est des crimes commis dans les

 23   centres de détention, il a écrit une lettre le 2 décembre 1993, à Cedric

 24   Thornberry. P7008 et il s'est appuyé sur le tome 4, paragraphe 262. Prlic

 25   donc a exprimé le fait qu'il est prêt à établir les faits concernant "ce

 26   traitement incorrect éventuel des détenus", mais nous savons, bien sûr,

 27   qu'il savait que ce n'étaient pas des conditions possibles ou éventuelles,

 28   mais réelles.


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  1   Et après cette promesse faite à Thornberry, son gouvernement a reçu

  2   une série de rapports de Berislav Pusic qui a fait exécuter la décision de

  3   Boban du 10 décembre concernant la fermeture des centres de détention.

  4   Les statistiques dans ces rapports démontrent que la plus grande

  5   majorité de soi-disant détenus libérés avaient été envoyés sur le

  6   territoire contrôlé par l'armée de BiH ou vers les pays tiers. Ce sont les

  7   pièces P7178, P7185, P7245 et 7468, tome 4, paragraphe 1131.

  8   Ces éléments de preuve que je viens de présenter corroborent les

  9   conclusions de la Chambre au tome 4, paragraphe 273, selon lesquelles Prlic

 10   était au courant des conditions déplorables qui prévalaient dans les

 11   prisons du HVO, et pourtant, il a justifié ces détentions et nié la

 12   situation réelle dans laquelle se trouvaient les détenus, qu'elle était

 13   déplorable et de temps en temps prenait des mesures inappropriés. Prlic

 14   donc a facilité le transfert de ces détenus sur le territoire contrôlé par

 15   l'armée de BiH ou vers les pays tiers via la Croatie.

 16   Aujourd'hui, je vais ne parler que d'un seul élément concernant cela. Prlic

 17   a dit qu'il n'avait pas de pouvoir, mais à l'époque, lors des réunions du

 18   gouvernement, il n'a pas affirmé cela lorsqu'on discutait des centres de

 19   détention. Le gouvernement ne disait pas qu'il n'avait pas de pouvoir pour

 20   agir, mais qu'il n'était pas responsable, mais en fait, le gouvernement

 21   exerçait ses pouvoirs d'intervenir, mais ces mesures prises n'étaient pas

 22   adéquates.

 23   Lorsqu'il s'agissait des interactions avec les représentants de la

 24   communauté internationale qui protestaient pour ce qui est des centres de

 25   détention et des crimes qui y ont été commis, il n'a pas dit, Je n'ai pas

 26   le pouvoir. Au contraire. Il a promis d'agir, de faire libérer les détenus

 27   et de traduire en justice les auteurs des crimes, mais il n'a pas tenu ses

 28   promesses. Donc, il disait constamment qu'il avait le pouvoir de résoudre


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  1   cette situation concernant les crimes commis aux centres de détention.

  2   Les moyens d'appel 13 et 16.7 jusqu'à 16.11 devraient être rejetés.

  3   Monsieur le Président, est-ce que vous avez d'autres questions, puisque

  4   j'en ai fini avec mes arguments ?

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

  6   Maître Karnavas, vous avez 30 minutes. Vous pouvez commencer votre

  7   réplique.

  8   Est-ce que vous allez encore une fois partager votre temps avec votre

  9   client ?

 10   [Le conseil de la Défense se concerte]

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais prendre la parole en premier à

 12   présent.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez 30 minutes, mais je ne vais

 14   pas arrêter votre client -- arrêter de parler. Et lorsqu'un accusé a un

 15   conseil de Défense, il faudrait qu'il laisse à son conseil de Défense sa

 16   défense.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Cet après-midi, on a vu que parfois les non-vérités nuisent à certaines

 19   histoires. Je vais commencer par ce que mon éminente collègue a dit à la

 20   fin de sa présentation : 

 21   "Citoyens, peuple de Mostar, vous devez comprendre qu'il est arrivé un jour

 22   décisif pour commencer le combat. J'invite les citoyens qui sont aptes à

 23   porter les armes ou à prendre une pierre pour tuer les Oustachi. Nous

 24   n'allons pas nous arrêter jusqu'à ce qu'un seul Oustachi ne reste."

 25   Pour ceux qui ne savent peut-être pas l'acception du terme "Oustachi", il

 26   s'agit du terme péjoratif pour les Croates et à l'origine dans la Deuxième

 27   Guerre mondiale.

 28   Qui a prononcé ces mots et quand ? Donc, c'était en juin, le 30 juin 1993.


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  1   C'était à Mostar. Ces mots ont été prononcés à Mostar et c'étaient les mots

  2   prononcés par le commandant Pasalic. Halilovic était l'un qui a en fait dit

  3   : "Nous allons continuer à combattre jusqu'à ce qu'il ne reste un seul

  4   Oustachi." Et c'était le 30 juin et cela a été diffusé à la Radio Mostar.

  5   Tout le monde était en mesure d'entendre cela, tous les Croates étaient en

  6   mesure d'entendre cela. L'armée BiH pacifique. Il s'agissait donc de

  7   l'approche de cette armée BiH pacifique, mais en même temps, cette armée

  8   était censée coopérer avec le HVO. Il s'agissait donc de ce type de

  9   remarques qui ont été évoquées.

 10   Vous devez comprendre que d'autres vont parler de ce fait, du fait

 11   qu'il y avait la trahison de la part de nos collègues musulmans qui ont tué

 12   un membre du HVO et beaucoup d'événements se sont ensuivis par la suite,

 13   donc après le 30 juin.

 14   Il y a des éléments de preuve qui démontrent clairement cela, mais je

 15   vais revenir à ce que je viens de dire. Le HVO HZ HB ne pouvait pas donner

 16   d'ordres à l'armée. Mate Boban était le président de la présidence. Donc

 17   lui, il était au-dessus du gouvernement. Seulement lui seul pouvait donner

 18   des ordres à l'armée.

 19   Le Dr Prlic n'a jamais donné d'ordres à qui que ce soit. Le fait

 20   qu'il présidait des réunions, bien, qu'est-ce que cela voulait dire ? Ce

 21   n'est pas au Dr Prlic de décider les points de l'ordre du jour. Tout le

 22   monde propose des points de l'ordre du jour. Il n'a pas le pouvoir de faire

 23   inclure des points à l'ordre du jour. Où est son pouvoir dans ce sens-là ?

 24   Non, il n'a pas ce pouvoir-là. Il n'a pas l'autorité de nommer qui que ce

 25   soit. Le fait qu'il signe ces décisions portant sur les désignations, cela

 26   ne veut pas dire qu'il n'était pas d'accord avec une certaine désignation

 27   ou nomination. Lorsque le président du conseil signe une décision ou un

 28   jugement, s'il est contre ce jugement -- enfin, il ne s'agit pas de son


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  1   jugement mais du jugement de la Chambre. Donc, tout ce qui est dit par

  2   rapport aux ordres donnés par Prlic ou des décisions signées par Prlic,

  3   tout ça n'a aucun sens.

  4   Mais je vais revenir maintenant au début à la modification de la

  5   composition ethnique. Le nom du pays est la Bosnie-Herzégovine. Il y en a

  6   qui disent seulement Bosnie ou seulement Herzégovine. Il s'agit de deux

  7   différentes régions et vous ne pouvez pas transformer des Croates de la

  8   Bosnie centrale en Croates de l'Herzégovine. Cela n'a aucun sens,

  9   puisqu'ils ont une mentalité différente. C'est comme comparer quelqu'un de

 10   New York avec quelqu'un de l'Amérique du Sud.

 11   Cela n'avait aucun sens de dire qu'il s'agissait de l'homogénéisation

 12   de l'Herzégovine, et sur le territoire de 95 % de l'Herzégovine était

 13   peuplée par les Croates. Mais l'Accusation ne dit pas que la Chambre de

 14   première instance ignorait complètement le fait que les Croates de la

 15   Bosnie centrale étaient encerclés par les Moudjahidines. Oui, ils voulaient

 16   les faire sortir de la Bosnie centrale. Et selon la théorie de l'Accusation

 17   et les conclusions de la Chambre de première instance, il s'agissait -- en

 18   fait, si on annule ces conclusions, il s'agissait de nettoyage ethnique des

 19   Croates de la Bosnie centrale qui étaient partis en Croatie, puisqu'en

 20   Herzégovine, il n'y avait pas suffisamment de place à ce moment-là. Il y

 21   avait beaucoup de réfugiés de partout qui affluaient en Herzégovine et

 22   puisqu'il n'y avait plus de place en Herzégovine, ils partaient en Croatie.

 23   Il ne s'agissait pas d'un complot consistant à les faire sortir d'un

 24   endroit pour les installer dans un autre endroit en Bosnie pour que ces

 25   gens deviennent des Herzégovéniens [phon] une fois installés en

 26   Herzégovine. Donc, cela n'a aucun sens.

 27   Pour ce qui est de Tudjman et de son idée de la Banovina, c'est une

 28   obsession. Lorsque je regarde la carte de la Grèce, je peux dire que


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  1   Constantinople ou Istanbul est grec et que cette côte est grecque. Mais

  2   cela n'est plus notre territoire et cela ne sera pas plus nôtre demain.

  3   Tudjman donc parlait de la Banovina et pensait à une situation éventuelle,

  4   au cas où la Bosnie-Herzégovine serait dissolue.

  5   L'Accusation revient toujours sur ce compte rendu présidentiel

  6   concernant cela. Mais avant ce compte rendu présidentiel, le 17 août 1992,

  7   le Dr Prlic a accordé un entretien. C'est 1D02078. C'était à Split. Et Jure

  8   Pelivan était avec lui, il était président du gouvernement de la Bosnie-

  9   Herzégovine à l'époque. Il était Croate vivant à Sarajevo. Il était de

 10   Sarajevo, et je ne sais pas s'il est toujours en vie. Mais dans cet

 11   entretien accordé par le Dr Prlic, il dit clairement :

 12   "Le Conseil de Défense croate est une autorité civile, à savoir

 13   l'organe du pouvoir exécutif provisoire du gouvernement de la Communauté

 14   croate d'Herceg-Bosna, cela devrait être clair."

 15   Et ensuite, il continue à dire que :

 16   "Le gouvernement provisoire a été élu par les assemblées municipales

 17   et, de ce fait, cet organe du pouvoir exécutif provisoire est légitime.

 18   Dans tous les documents, il est souligné qu'il s'agit d'un organe

 19   provisoire, et ils ont appliqué la législation de la république. Et dans

 20   les préambules de toutes les décisions, il est fait référence à des

 21   décisions concernant la proclamation de l'état de danger imminent de guerre

 22   et de l'état de guerre en Bosnie-Herzégovine. Ici, on revient à ce que le

 23   Dr Prlic a dit ce matin.

 24   Il s'agit donc de l'entretien accordé le 17 août 1992, un mois avant

 25   cet entretien connu du mois de septembre où à Zagreb, mais je vais y

 26   revenir.

 27   Il dit :

 28   "Je crois qu'il y a une voie menant au maintien de l'Etat de Bosnie-


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  1   Herzégovine et au maintien des intérêts des Croates et d'autres peuples

  2   constitutifs qui y vivent."

  3   Il ne s'agit pas ici de la division, de quoi que ce soit ou de joindre quoi

  4   que ce soit à la Croatie.

  5   "La République croate d'Herceg-Bosna respecte complètement la

  6   proposition de la constitution. Nous devons organiser la vie de tous les

  7   jours."

  8   Vous allez vous souvenir de ce que j'ai dit, il s'agit d'un Etat qui

  9   n'existe plus. C'est donc un Etat qui ne fonctionne pas. C'est pour cela

 10   que les municipalités devaient rendre des mesures, organiser la vie de tous

 11   les jours, les affaires économies, financières et autres affaires faisant

 12   partie du système qui fonctionnait en Bosnie-Herzégovine, puisque cela ne

 13   fonctionnait plus.

 14   Et maintenant, voyons cet entretien du 17 septembre 1992, où c'est

 15   intéressant. Et pendant le procès, l'Accusation a -- et c'était à cause de

 16   leurs ressources limitées, a fait traduire seulement une partie de cet

 17   entretien, et cette partie qui a été traduite donne une image unilatérale.

 18   Et c'est là où j'ai le problème concernant ce jugement. Si j'avais su tout

 19   par rapport à cela, j'aurais accepté cela.

 20   Il y a donc un autre côté de cette histoire. Donc, Prlic assiste à

 21   cette réunion. Le président Tudjman parle de choses et d'autres. Vous

 22   pouvez accepter cela ou pas et dire que vous avez donc acquiescé cela du

 23   seul fait que vous étiez présent, ça ne veut rien dire. Mais regardons ce

 24   que Prlic y a dit.

 25   C'est le document 1D00397. Si je me suis trompé au niveau des

 26   chiffres, je vais corriger cela. Il s'agit du P00489, paragraphes 28 et 29. 

 27   "Depuis que j'ai commencé à participer à cela et depuis que je suis à

 28   ce poste, il m'est apparu clairement que le but est la formation et la mise


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  1   en place d'une Bosnie-Herzégovine conformément au principe de la communauté

  2   européenne."

  3   Et il dit ceci devant Tudjman.

  4   "Autrement dit, trois unités constitutives. Cela convient aux

  5   Croates, mais la composition nationale de la population ne doit pas être le

  6   seul critère retenu. Je souhaite dire que nous avons en général réussi à

  7   défendre les zones croates, à l'exception de la Posavina bosniaque."

  8   Qu'est-ce que cela entend, défendre les zones croates de personnes

  9   qui y vivent depuis des générations ? Voici les régions, à l'instar des

 10   Serbes et des Bosniens y vivent, et donc, ils défendent ces régions où se

 11   trouve la Posavina, la Bosnie centrale. Et toutes ces régions sont

 12   différentes, même si elles appartiennent au même pays. Comme quelqu'un de

 13   New York qui est différent d'un habitant du Mississipi. Poursuivons.

 14   "Nous avons organisé les pouvoirs. Ceci ne fait que commencer. Nous

 15   avons une gazette officielle."

 16   Pourquoi est-elle nécessaire ? C'était pour que chacun soit au

 17   courant des lois. Chaque municipalité avait un journal officiel et une

 18   gazette avant la guerre. Et Ribicic, l'expert constitutionnel venu de

 19   Slovénie, et la Slovénie faisait partie de la Yougoslavie, il a avancé

 20   qu'en ayant un journal officiel, la communauté croate et la république

 21   croate a endossé les habits d'un Etat. Chaque municipalité avait un journal

 22   officiel et ceci vous montre comment cet homme a été discrédité, mais rien

 23   de tout cela n'a été pris en compte.

 24   Poursuivons encore.

 25   "Différents décrets sont adoptés. Nous tentons de nous occuper des

 26   citoyens dans les territoires libérés. Pourquoi cet appui est-il nécessaire

 27   ? Parce que la situation est désorganisée. Il y a les personnes qui

 28   rejoignent les personnes organisées. Mettre en place des institutions --"


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  1   Pardonnez-moi.

  2   "Si nous créons des institutions, le bureau des règlements et

  3   l'argent était transféré des municipalités à l'Etat et de l'Etat à ses

  4   postes budgétaires alloués à l'éducation, et cetera."

  5   Et ceci s'est arrêté et nous avons fait venir un témoin qui a

  6   témoigné sur le sujet. Par exemple, s'il n'y a pas de courant électrique,

  7   ni de lignes téléphoniques, ceci ne fonctionne pas. C'est la raison pour

  8   laquelle il faut prendre les dispositions nécessaires.

  9   Donc, si vous allez analyser ce compte rendu, je vous invite à

 10   l'examiner très minutieusement et les parties que nous citons également,

 11   pas seulement voir les choses que d'un côté. Le budget était limité. Il est

 12   vrai qu'ils ne peuvent traduire que ce qui leur convient. C'est la raison

 13   pour laquelle de nombreux documents n'ont été traduits qu'en partie,

 14   pendant le procès.

 15   Mais avant d'oublier, il y a quelque chose sur laquelle je souhaitais

 16   réagir, mais pas devant une Chambre d'appel. J'essaie de rester calme. J'ai

 17   tendance à m'emporter un petit peu. A un moment donné, mon confrère a dit

 18   que "c'est quelque chose qui n'a jamais été avancé lors du procès." La

 19   charge de la preuve ne repose pas sur nous.

 20   S'ils avaient souhaité faire venir Siljeg, ils auraient pu le faire.

 21   Maintenant, ils parlent de ses rapports, ils disent que cet homme était si

 22   bien. Alors pourquoi ne l'avoir pas fait venir à la barre ? S'il s'agit là

 23   de la genèse, du début de l'entreprise criminelle commune et que ce type

 24   est celui qui apporte la vérité et que ses rapports sont les plus

 25   importants ou acceptés, pourquoi n'ont-ils pas été envoyés au gouvernement

 26   ? Pourquoi n'ont-ils pas fait venir cet homme à la barre ? Cet homme était

 27   disponible. On dispose de ses carnets.

 28   Alors, peut-être que si on ne peut pas passer par la porte d'entrée,


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  1   on peut les faire entrer par la fenêtre du sous-sol et donc, documents

  2   versés directement à l'audience sans preuve que ceci ait vraiment été

  3   délivré à l'époque.

  4   Je souhaite maintenant parler du 15 janvier. Je vais revenir en

  5   arrière un petit peu. Nous avons déjà dit que les 2 et 3 janvier, les

  6   combats ont commencé à Gornji Vakuf. Ont commencé tout de suite après le

  7   nouvel an, parce que les Croates pendant Noël et la nouvelle année aiment

  8   arborer leurs drapeaux, chose qu'ils n'ont pas pu faire lors de l'ère

  9   communiste. Et les bérets verts en privé parce que Tito était un grand

 10   supporter de cela.

 11   Alors, tout ceci est ressorti.

 12   Et vers le 6, les soldats croates sont en train de boire et perdent

 13   le contrôle. Et à la date du 11, il y a eu véritablement des combats. Je

 14   vous ai déjà dit ce qui s'est passé le 2 et le 10 à Genève, lorsque M.

 15   Izetbegovic a dit -- bien, nous n'allons qu'à nous rendre à Genève. Il y a

 16   une composante politique qui est importante, il y a des généraux qui y

 17   seront. M. Asari [phon] dirigeait les débats et il y avait donc un aspect

 18   militaire.

 19   Le général Nambiar était là aussi, et donc ils évoquaient des

 20   questions militaires. Mais le 10 -- donc, le 11 correspond aux combats à

 21   Gornji Vakuf.

 22   Le 10, dans le procès de Hadzihasanovic, le commandant du 3e Corps de

 23   Zenica, a fait une annonce et a exercé des pressions sur les dirigeants

 24   musulmans aux fins de rejeter l'organisation interne de la Bosnie-

 25   Herzégovine en trois unités constitutives. A ce moment-là, le plan de paix

 26   Vance-Owen avait déjà été exposé et il est contre cela. 4D0123. Et je crois

 27   que nous avons cité cela dans notre mémoire en appel, paragraphe 16.1.3.

 28   Voici ce que dit ce monsieur lors des négociations politiques à Genève :


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  1   "Il y a la demande d'un nombre très important d'unités de combattants du 3e

  2   Corps de l'armée de la BiH. Nous vous proposons notre appui inconditionnel

  3   pour empêcher la division de la Bosnie-Herzégovine sur des principes

  4   ethniques ou tout autre principe. Ne permettez pas cela, nous ne

  5   permettrons pas non plus, que le sang répandu jusqu'à présent et les

  6   sacrifices faits par les combattants, les enfants, les pères et les mères

  7   soient en vain."

  8   Nous parlons du 10. Nous sommes le 10, donc. Est-il surprenant que le 11,

  9   il y ait des combats ? Est-ce une simple coïncidence ou y a-t-il une

 10   quelconque convergence ?

 11   Le 13 janvier, deux jours après les combats, un document a été émis, c'est

 12   le P0115, dans lequel le général Petkovic -- et je suis sûr qu'ils vont en

 13   parler et je ne vais pas leur enlever la primeur, mais je crois qu'à ce

 14   moment-là, il avait demandé à ce que la situation reste calme. Il

 15   souhaitait analyser les raisons du conflit.

 16   Le 11, les choses commencent :

 17   "L'ennemi, ce sont les Serbes. Il s'agit en fait de peuples amis. Ils

 18   font partie des forces armées de l'ABiH."

 19   Et le général Petkovic dit qu'il nous faut comprendre ce qui se passe

 20   en ce moment et calmer la situation.

 21   Et ensuite, le 15 janvier, comme je l'ai indiqué, les accords de

 22   Zagreb. Mais Boban, le 15 janvier, par un concours extraordinaire de

 23   circonstances, P00158, nous en parlons dans notre mémoire en appel 16.1.1,

 24   Boban qui dit ceci : Il nous faut écouter les raisons à tout prix, faire

 25   des compromis et faire des concessions pour empêcher une guerre et faire en

 26   sorte que la Bosnie-Herzégovine, l'Etat envisagé par Izetbegovic dans son

 27   allocution, que le pays devrait être un pays de libre circulation des

 28   personnes et des capitaux et donc, toute organisation territoriale signifie


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  1   donner quelque chose à quelqu'un, alors que la Bosnie-Herzégovine est une

  2   entité pleine et entière. On ne peut rien donner à qui que ce soit. Chacun

  3   a les mêmes droits et ces droits ont été déterminés en fonction des

  4   arguments. Et donc, il s'agit de Boban le 15, lorsque les accords de Zagreb

  5   ont été signés et que le général Praljak se rend à Mostar.

  6   La situation à Gornji Vakuf, donc. Et nous faisons valoir qu'au vu des

  7   éléments de preuve, la situation à Gornji Vakuf est hors de contrôle. Cet

  8   accord du 15 consistait justement à mettre un terme à cela et non pas à ce

  9   qu'il y ait une escalade de l'entreprise criminelle commune. Les éléments

 10   de preuve sont très importants à ce moment-là, très convaincants. A cette

 11   époque, en Bosnie-Herzégovine, il y avait le HVO et l'ABiH qui coopéraient.

 12   Il y avait des commandements conjoints, ils combattaient ensemble dans

 13   d'autres régions et que de monter en épingle Gornji Vakuf pour dire que

 14   cela était représentatif de ce conflit entre les deux armées et les deux

 15   peuples, eh bien, qu'il y avait -- tout commençait à être hors de contrôle

 16   n'est pas exact, puisqu'il y avait les commandements conjoints. C'est un

 17   petit peu ce qui se passe en Syrie : différentes factions qui combattent

 18   entre elles; personne ne sait quelle voie emprunter. Mais ceci n'est pas

 19   représentatif d'une entreprise criminelle commune.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous n'avez que sept minutes.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] Vous me fendez le cœur. Je vais avancer

 22   rapidement.

 23   Le 18 janvier, 1D0521, une lettre a été envoyée par Boban où il est précisé

 24   que : "En nous fondant sur un ordre donné par M. Izetbegovic", donc le plus

 25   haut dirigeant du pays, "l'armée a préparé, planifié et mené l'attaque des

 26   unités du HVO contre la population civile de Gornji Vakuf." C'est quelque

 27   chose, bien sûr, sur lequel il faut se pencher, mais il y a donc des

 28   éléments de preuve qu'il faut regarder, non pas ce que l'Accusation vous


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  1   demande de regarder.

  2   Et quelques remarques en guise de conclusion et peut-être que M.

  3   Prlic pourra présenter certains éléments lui-même aussi.

  4   Cela me rappelle que notre plus grand défi consistait à vous

  5   présenter l'ensemble de cette situation. Cela fait cinq ans que le procès a

  6   duré; c'est un procès très complexe. Comment vous faire part des omissions,

  7   des erreurs qui ont été commises et comment vous donner l'image d'ensemble

  8   ?

  9   C'est ce que l'Accusation a fait dans son mémoire en appel et a

 10   indiqué : eh bien, écoutez, voilà ce que la Chambre d'appel a trouvé, mais

 11   la Chambre d'appel ne s'est fondée que sur certains éléments de preuve. Je

 12   vous prie de ne pas adopter la même approche; veuillez regardez l'ensemble

 13   des éléments de preuve. La moindre résistance. Lisez simplement le

 14   jugement. Je crois qu'il s'agit d'une injustice manifeste.

 15   Le Juge Stewart de la Cour suprême dans l'affaire Jackson contre

 16   Virginia, c'est une citation courte, cela porte sur les propos :

 17   "Tout élément de preuve pertinent qui permet de rendre un élément

 18   constitutif de crime plus probable qu'il ne le serait sans l'élément de

 19   preuve en question serait en quelque sorte un élément de preuve. Mais on ne

 20   pourrait avancer qu'un élément de preuve même minime pourrait étayer une

 21   déclaration de culpabilité au-delà de tout doute raisonnable."

 22   Pourquoi ces paroles ? Ce que nous disons, c'est qu'il faut

 23   simplement regarder tous les autres éléments de preuve au dossier, pas

 24   seulement ce que l'Accusation cite, parce que l'Accusation cite simplement

 25   ce que dit la Chambre de première instance. Ils ont écarté, ignoré nos

 26   éléments de preuve et, comme je l'ai dit plus tôt, nous vous avons donné

 27   toutes les citations. Et ils avancent que nous n'avons pas fourni de

 28   citations, nous avons simplement présenté des arguments. Il y a plus de


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  1   2 600 notes de bas de page et plus de 10 000 à 15 000 citations, références

  2   au compte rendu.

  3   Et donc nous vous demandons, s'il vous plaît, de ne pas emprunter la

  4   voie la plus simple comme vous le demande l'Accusation, mais de vous

  5   pencher sur tous les éléments de preuve. Et nous sommes certains que vous

  6   allez parvenir à la bonne décision, c'est-à-dire infirmer le jugement.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

  8   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Ecoutez, je souhaitais avoir quelques

  9   minutes pour consulter mon conseil.

 10   La prise de décision collective a été mentionnée. Je suis à l'origine de

 11   toutes les décisions qui ont été prises et si vous me le permettez, je vais

 12   demain apporter la liste des 80 procès verbaux. C'est la seule manière qui

 13   me permet de rendre une décision et vous, de rendre votre jugement.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc je dois vous accorder le temps

 15   nécessaire demain pour ce faire.

 16   Donc l'audience est aujourd'hui levée, nous reprendrons demain à 9 h

 17   30, comme aujourd'hui. Et le calendrier pour demain sera un petit peu

 18   différent, puisque la première pause sera plus longue. Sinon, nous

 19   maintenons le même calendrier que celui qui vous a été communiqué. Donc 9

 20   heures 30 demain matin et c'est la Défense de M. Stojic qui prendra la

 21   parole.

 22   Je vous remercie.

 23   --- L'audience est levée à 16 heures 09 et reprendra le mardi, 21 mars

 24   2017, à 9 heures 30.

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