Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 7 avril 2006

2 [Audience sentencielle]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 15 heures 03.

6 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Madame la Greffière

7 d'audience, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Monsieur les

9 Juges. Affaire IT-95-12, le Procureur contre Ivica Rajic.

10 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie.

11 Monsieur Rajic, est-ce que vous me comprenez dans une langue qui est la

12 vôtre, que vous comprenez ? Le microphone fonctionne ? Je vous remercie.

13 Vous pouvez vous asseoir.

14 Les parties peuvent-elles se présenter pour le compte rendu

15 d'audience, s'il vous plaît.

16 L'Accusation tout d'abord.

17 M. SCOTT : [interprétation] Bonjour, Madame le Président. Je suis Kenneth

18 Scott. Je représente ici le bureau du Procureur. Avec moi aujourd'hui, Mme

19 Josée d'Aoust, ainsi que notre commis à l'affaire, Mme Skye Winner.

20 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie.

21 La Défense.

22 Mme KOSTA : [interprétation] Bonjour. Je suis Doris Kosta. Je suis le

23 conseil de M. Ivica Rajic.

24 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie.

25 Avant de commencer l'audience, je tiens à vous transmettre la

26 satisfaction de la Chambre puisque les points soulevés lors de la dernière

27 audience semblent avoir été résolus d'une manière satisfaisante, puisque

28 nous voyons M. Rajic présent ici dans le prétoire.

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1 Permettez-moi de rappeler l'accord entre les parties portant sur

2 l'agenda de l'ordre du jour de cette audience. Nous entendrons d'abord

3 l'Accusation pendant une quinzaine de minutes. Par la suite, nous

4 entendrons les questions de la part de la Chambre. Par la suite, la Défense

5 aura 15 [comme interprété] minutes à sa disposition, et à la suite de cela,

6 les Juges poseront leurs questions. Ensuite, nous entendrons la déclaration

7 prononcée par M. Rajic, qui sera suivie elle aussi de questions. L'audience

8 se terminera en entendant les discours de clôture des deux parties. Nous

9 allons avoir une petite pause après les arguments présentés par

10 l'Accusation. Je pense que les parties sont d'accord pour procéder de cette

11 manière-là.

12 Tout d'abord, permettez-moi de résumer de quoi il s'agit en l'espèce.

13 Cette affaire concerne les attaques du 22/23 octobre 1993, sur les villages

14 de Stupni Do et la colline de Bogos dans différentes municipalités, ce qui

15 a causé la mort d'hommes, de femmes, de personnes âgées et d'enfants, qui

16 étaient des Musulmans de Bosnie. L'affaire concerne également le fait qu'un

17 grand nombre de Musulmans de Bosnie étaient rassemblés dans la ville de

18 Vares, et par la suite qu'ils aient subi des traitements inhumains dans

19 deux écoles; Ivan Goran Kovacic et une deuxième école de Vares. En tant que

20 commandant qui était basé à Kiseljak, M. Rajic a donné l'ordre de

21 rassembler ces civils en sachant que des conséquences criminelles étaient

22 susceptibles de résulter de l'émission de ces ordres.

23 En octobre, le 26 octobre, M. Rajic a plaidé coupable des chefs 1, 2

24 [comme interprété], 7 et 9, de l'acte d'accusation modifié. Chacun de ces

25 chefs d'accusation constitue une infraction grave aux conventions de Genève

26 de 1949, chacun est punissable au terme de l'article 2 du Statut de ce

27 Tribunal. Son accord de plaidoyer a été passé le 25 octobre avec le

28 Procureur, c'est sur cela que se base son plaidoyer de culpabilité.

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1 L'exposé des faits figure à l'annexe de son plaidoyer de culpabilité. Le

2 lendemain, le 26 octobre, la Chambre de première instance a prononcé une

3 déclaration de culpabilité de ces quatre chefs d'accusation.

4 L'Accusation a fait valoir qu'elle demanderait que les chefs

5 d'accusation de l'acte d'accusation modifié qui restaient soient abandonnés

6 pendant la conférence portant sur la fixation de la peine. Je suppose que

7 ceci se produira aujourd'hui.

8 Suite à l'audience du 26 octobre, il y a eu une décision portant

9 clarification sur les déclarations de culpabilité qui ont été prononcées,

10 parce qu'une certaine confusion aurait pu avoir lieu, due à la manière dont

11 a été formulé l'accord sur le plaidoyer. Suite à cette décision portant

12 clarification, il est tout à fait clair que la déclaration de culpabilité a

13 été prononcée en tant que déclaration de culpabilité au terme de l'article

14 7(1) de notre Statut et non pas 7(3) du Statut.

15 Pour ce qui est de l'aperçu chronologique de l'affaire, il est

16 également important de noter qu'en juillet de l'année dernière,

17 l'Accusation a déposé une requête devant l'Information de renvoi pour

18 demander que l'acte d'accusation modifié soit transféré à la Bosnie-

19 Herzégovine conformément à l'article 11 bis du Règlement de procédure et de

20 preuve. M. Rajic s'y est opposé. Suite au plaidoyer de culpabilité, le 10

21 novembre de l'année dernière, l'Accusation a informé l'Information de

22 renvoi de son intention de retirer sa requête aux fins du transfert suite à

23 la fin de la procédure portant sur la fixation de la peine.

24 Aujourd'hui nous sommes réunis afin d'entendre la présentation orale

25 des deux parties. Nous n'allons pas discuter des faits puisque les faits

26 font l'objet de l'accord de plaidoyer et de la déclaration de culpabilité

27 qui a déjà été prononcée. Je vous prie, M. Scott, nous allons entendre vos

28 arguments qui concernent votre mémoire portant sur la fixation de la peine.

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1 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie. Avant de vous présenter

2 nos commentaires ou nos arguments, je voudrais simplement soulever quelques

3 questions de procédures --

4 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je ne peux pas débrancher

5 mon microphone, je devrais être capable de le faire.

6 M. SCOTT : [interprétation] Je reprendrai depuis le début Madame le

7 Président.

8 Deux photographies seront présentées aujourd'hui pendant notre présentation

9 au cours de cet après-midi. Pour qu'il n'y ait pas de confusion, je précise

10 que ces deux photographies ont été placées sous pli scellé suite à une

11 demande de l'Accusation. Cependant à la réflexion, nous ne pensons pas

12 qu'il y ait nécessité qu'on les garde sous pli scellé, nous pensons que ces

13 photos peuvent être montrées. Il s'agit de photographies qui sont

14 difficiles sur le plan émotionnel, mais il n'y a pas lieu de les protéger

15 parce qu'elles ne sont pas confidentielles pour ce qui est des victimes

16 aujourd'hui.

17 Deuxièmement, pour qu'il n'y ait pas de malentendus, lorsque je vais me

18 référer à quelques déclarations de témoins qui sont toujours protégés, j'ai

19 paraphrasé ou j'ai omis quelques références aux noms, juste pour les

20 protéger, pour maintenir les mesures de protection. Si jamais vous notez

21 des incohérences, c'est parce que j'ai paraphrasé des propos.

22 Madame le Président, Madame, Monsieur les Juges, le 23 octobre 1993 a été

23 une journée infernale pour la population de Stupni Do. Il n'y a pas d'autre

24 façon de décrire cela. Ce jour-là, le village de Stupni Do est devenu un

25 lieu de mort et de destruction infernale. Des bruits de balles, de rafales,

26 d'explosions, de bombes ont été remplacés par la suite par des cris des

27 femmes et des enfants, et je suis certain aussi des hommes qui pleuraient

28 et qui imploraient. Malheureusement, Stupni Do a été l'un des événements

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1 typiques des guerres des Balkans, avec le siège de Sarajevo, Ahmici,

2 l'hôpital de Vukovar, Mostar et Srebrenica. Seulement cinq jours après le

3 massacre, le 28 octobre 1993, cette atrocité a fait l'objet du débat du

4 Conseil de sécurité des Nations Unies, qui a demandé qu'une enquête soit

5 lancée.

6 Est-ce que je peux voir l'image à l'écran, s'il vous plaît. A en juger

7 d'après le rapport du secrétaire général des Nations Unies, nous avons cet

8 extrait du rapport :

9 "Des crimes terribles commis par le HVO à Vares et à Stupni Do en octobre

10 1993 ont été immédiatement diffusés de par le monde, et l'attention du

11 Conseil de sécurité des Nations Unies s'y est portée immédiatement. Le 28

12 octobre," -- encore une fois, comme j'ai dit, ce n'était que cinq jours

13 après ces événements terribles -- "le président du Conseil de sécurité a

14 demandé que le rapport du secrétaire général sur ce massacre soit produit

15 aussi vite que possible. Le rapport a été présenté le 10 février 1994 avec

16 les résultats de l'enquête qui avait été menée par la police militaire de

17 la force de protection des Nations Unies ou la FORPRONU," qui déclarait en

18 partie :

19 "Les enquêtes menées jusqu'à ce jour ont montré que des crimes perpétrés

20 contre les civils innocents de Stupni Do se sont produits le 23 octobre

21 1993. Vingt trois victimes ont été identifiées clairement jusqu'à ce jour.

22 Treize villageois sont portés disparus et on suppose qu'ils sont morts. Le

23 nombre préliminaire de victimes montait à 36. Les suspects principaux pour

24 la commission de ces crimes semblaient être des éléments extrémistes du

25 Conseil de défense croate de Kiseljak, Travnik et Kakanj, sous le

26 commandement d'Ivica Rajic. La Brigade Bobovac du HVO, qui agissait sous le

27 commandement du commandant en second, Kresimir Bozic, a empêché les unités

28 de la FORPRONU d'entrer dans le village après l'attaque."

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1 Paragraphe 13 du rapport du secrétaire général, je cite : "Les enquêtes se

2 poursuivent afin de rassembler autant d'éléments de preuve que possible

3 pour identifier les auteurs et éventuellement les traduire devant la

4 justice, les traduire devant le Tribunal pénal international pour l'ex-

5 Yougoslavie. Le Conseil de sécurité sera tenu informé des progrès faits

6 dans le cadre de l'enquête."

7 Madame le Président, nous voici ici 12 ans plus tard, 12 ans après ce

8 rapport présenté aux Nations Unies, et M. Rajic se tient devant nous,

9 reconnu coupable pour ces crimes. Les victimes ont attendu très longtemps

10 pour que la justice soit faite.

11 Avant de rentrer dans les faits qui concernent la fixation de la

12 peine, je voudrais soulever quelques aspects concernant la fixation des

13 peines devant le TPIY. Les principes principaux et les objectifs de

14 déclaration de culpabilité dans le cadre de la justice pénale

15 internationale sont d'abord la rétribution, et cela veut dire donner une

16 voix à une condamnation publique et internationale, rejeter publiquement le

17 comportement condamné, qui est totalement inacceptable aux yeux de la

18 communauté internationale.

19 Le deuxième principe majeur ou objectif de déclarer coupable un

20 individu, c'est la dissuasion, non seulement pour ce qui est de l'accusé,

21 mais ce qui est peut-être même plus important, aux yeux des autres

22 commandants, autres responsables qui pourraient être tentés ou pourraient

23 envisager de s'engager dans un comportement comparable à l'avenir. Le

24 principe de la dissuasion exige que la peine imposée par la Chambre, par le

25 Tribunal ait une valeur de dissuasion suffisante pour garantir que ceux qui

26 envisageraient de commettre des crimes semblables soient dissuadés de le

27 faire.

28 Pour ce qui est des éléments portant sur la fixation de la peine, le

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1 Tribunal a estimé de manière conséquente que la gravité du comportement

2 pénal est l'élément le plus important à prendre en considération lorsqu'il

3 s'agit de la fixation de la peine. Bien entendu, il s'agit là d'envisager,

4 de prendre en compte toutes les circonstances de l'espèce au cas par cas.

5 Comme vous l'avez déjà indiqué il y a un instant, M. Rajic est

6 déclaré coupable ici des quatre chefs, à savoir, l'homicide intentionnel,

7 traitement inhumain, appropriation de biens et destruction non justifiée

8 par des nécessités militaires. Il s'agit là dans chacun des cas de

9 violations graves des conventions de Genève. Il ne fait aucun doute que les

10 crimes, pour lesquels Ivica Rajic a été déclaré coupable, constituent parmi

11 les crimes les plus atroces qu'un être humain peut commettre contre un

12 autre être humain. Tandis que le nombre de victimes dans cette affaire, en

13 particulier, peut être inférieur que celui dans certaines autres affaires

14 dont a connu ce Tribunal, le fait est qu'en aucun cas, il ne doit détourner

15 notre attention de la nature terrible des crimes eux-mêmes, qui ont été

16 commis et des souffrances terribles de leurs victimes.

17 Permettez-moi de vous présenter un aperçu très, très bref des faits

18 de l'espèce pour ce qui est de la fixation de la peine. Le territoire de la

19 municipalité de Vares, qui comprend la ville de Vares et le village de

20 Stupni Do, le 18 novembre 1991, a fait partie d'une déclaration faite par

21 Boban, Kordic et d'autres qui, ce jour-là, ont établi ce qu'on a appelé la

22 communauté croate d'Herceg-Bosna. Comme d'autres l'ont affirmé, l'Herceg-

23 Bosna s'est emparée du pouvoir à Vares début juillet 1992. Le 23 octobre

24 1993, sur ordres de l'accusé Rajic, les forces du HVO, y compris des

25 membres d'Apostoli, l'unité spéciale de la police militaire du HVO, ont

26 entouré et encerclé 250 hommes musulmans dans la ville de Vares. Pendant ce

27 processus, des soldats du HVO sont entrés dans des maisons et

28 systématiquement infligeaient des mauvais traitements aux habitants. Ils

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1 les ont insultés et frappés. Ils les ont forcés de sortir de leurs maisons.

2 Parfois ces individus étaient à peine habillés et ils ont systématiquement

3 volé leurs biens et leur argent. Ces hommes musulmans ont été détenus à

4 l'école Ivan Kovacic et Vladimir Nazor jusqu'au 3 novembre 1993. Pendant

5 leur détention, les soldats du HVO sont entrés dans ces écoles et les ont

6 soumis à de mauvais traitements physiques. Souvent les différents membres

7 d'une famille étaient forcés de se frapper les uns les autres.

8 Dans la matinée du 23 octobre 1993, sur les ordres de l'accusé, les

9 forces du HVO, y compris l'unité spéciale de Maturice, ont attaqué le

10 village de Stupni Do. Plus de 200 civils se sont trouvés dans le village au

11 moment où le HVO a lancé l'attaque, qui s'est poursuivie jusqu'à tard dans

12 l'après-midi. Les civils ont été forcés par les soldats du HVO de sortir de

13 leurs maisons et de leurs abris. On leur a volé leurs biens. On a tué des

14 hommes musulmans, des femmes, des personnes âgées, des enfants. On a commis

15 des abus sexuels sur des femmes musulmanes. C'était un cauchemar.

16 Lorsque neuf femmes musulmanes et trois enfants ont essayé de

17 s'enfuir, un homme a été tué. On lui a tiré dessus. Son corps, à moitié

18 calciné, a été retrouvé au même endroit où on lui a tiré dessus. Deux de

19 ces femmes et tous les trois enfants ont été tués devant leurs maisons.

20 Trois jeunes femmes musulmanes, qui se sont enfuîtes pendant cette première

21 rencontre avec les soldats HVO, ont été trouvées dans une petite cave.

22 Elles ont été tuées. Je reviendrai au cas de ces femmes. J'en reparlerais.

23 Sept membres d'une famille musulmane ont été brûlés dans leurs maisons, y

24 compris deux enfants, âgés de 2 et 3 ans. Il y en a eu d'autres, mais je ne

25 voudrais pas en mentionner d'autres, puisque je voudrais être bref.

26 Le massacre commis par le HVO à Stupni Do a eu pour résultat 37 victimes

27 dans les rangs de la population musulmane; hommes, femmes, personnes âgées

28 et enfants tués. L'Accusation affirme qu'environ six de ces personnes

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1 pourraient être décrites comme ayant été des combattants avant qu'elles

2 aient été tuées.

3 L'accusé a affirmé -- et on en entendra peut-être aujourd'hui qu'il y

4 avait davantage de combattants. Il a dit que dix des victimes étaient des

5 "combattants" et six membres de la "Défense civile".

6 Voyons maintenant quelques exemples, comment ces personnes ont été tuées.

7 La première personne, Refik Likic, a été forcée de sortir de sa maison avec

8 d'autres personnes. Toutes les autres personnes se sont entendues dire

9 qu'il fallait qu'elles remettent aux soldats du HVO leurs biens de valeurs.

10 Pendant que ceci était en train de se produire, ils ont coupé la gorge de

11 Likic avec un couteau. Il est tombé par terre, ils lui ont tiré dessus, ils

12 l'ont tué à bout portant. Ce n'était vraiment pas une mort dans le cadre

13 d'un combat.

14 Mais Mehmed Likic, c'est une autre victime. Après que Likic a été

15 tué, Edin Mahmutovic [phon] et Mehmet Likic, il s'est vu donner l'ordre de

16 s'allonger par terre et ils l'ont tué à bout portant.

17 Ramiz Likic, on lui a tiré plusieurs fois à bout portant parce qu'il

18 a refusé de donner son argent à un soldat du HVO.

19 A partir du moment où quatre Musulmans ont été tués sous leurs yeux,

20 12 autres villageois musulmans ont été forcés de rentrer dans une cabane

21 qui a été incendiée par les soldats du HVO. Heureusement, 12 Musulmans ont

22 pu s'enfuir, mais entendez ce qu'en dit l'une des victimes :

23 "Je me suis approchée de la fenêtre, j'ai regardé dehors. Je pouvais

24 à peine voir quelque chose parce qu'il y avait plein de fumée. J'ai vu

25 juste un soldat en bas dans le village, il était en train de courir et de

26 tirer d'une arme à feu. Puis, d'un endroit un peu plus haut, j'ai vu tout

27 le village en flammes. Certaines maisons étaient déjà complètement brûlées,

28 d'autres étaient en train de brûler. Aucune maison n'a été épargnée.

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1 Soudain, j'ai senti que la maison où j'étais enfermée était en train de

2 brûler et cela venait du toit. Elle était pleine de fumée. La fenêtre par

3 laquelle j'étais en train de regarder, on lui a tiré dessus. Les fenêtres

4 étaient chaudes et le verre a commencé à se briser. Chacun de nous pensait

5 qu'il fallait faire quelque chose pour sortir, les enfants pleuraient. J'ai

6 été la première à suggérer qu'il fallait faire quelque chose pour s'en

7 sortir et le seul moyen c'était par la porte. Mais tout le monde pensait

8 qu'il y avait des soldats à l'extérieur et qu'ils allaient nous tuer.

9 Alors, j'ai pris une hache, je me suis approchée de la porte. Je voulais la

10 casser, mais j'ai hésité et tout le monde m'a supplié de ne pas le faire.

11 Ils ont dit que nous avions de l'eau et que nous allions éteindre le feu et

12 que nous allions pouvoir sortir. On avait tous très peur, on pensait qu'ils

13 allaient nous tuer si on brisait la porte, si on sortait. Finalement, on a

14 brisé la porte. J'ai regardé à l'extérieur pour voir s'il y avait des

15 soldats, mais je n'en ai pas vu. Je suis sortie, j'ai vu deux corps qui ont

16 été jetés dans le feu d'une maison qui appartenait à quelqu'un. Je voulais

17 chercher d'autres corps pour voir si le corps de mon époux avait été

18 épargné."

19 Les soldats du HVO étaient en train d'incendier d'autres maisons. Le

20 24 octobre, Madame le Président, les soldats du HVO avaient détruit

21 pratiquement tout le village. C'était une scène de destruction ultime où

22 étaient éparpillées les victimes d'Ivica Rajic.

23 S'il y a quelque soit qui soit nécessaire d'ajouter pour confirmer

24 que le massacre de Stupni Do était quelque chose d'intentionnel et

25 planifié, permettez-moi de mentionner les déclarations des soldats du HVO

26 qu'ils ont faites à quelques victimes. Le 22 octobre 1993, le jour avant

27 l'attaque, un membre de l'unité spéciale de Maturice a dit à un non-

28 Musulman, qui avait été détenu précédemment dans la zone : "Demain, nous

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1 allons attaquer ton village et nous allons tuer tout ce qui est en vie,

2 tout ce qui bouge."

3 Puis, le 3 novembre 1993, quatre soldats du HVO sont arrivés à un des

4 endroits de Vares où étaient détenus les hommes musulmans. Ils ont parlé en

5 musulman : "Est-ce qu'il y a là Likic ? S'il y en a, je voudrais lui

6 présenter mes condoléances parce que j'ai égorgé Rama Likic à Stupni Do."

7 Puis, il a coupé la barbe de l'un des prisonniers, il l'a forcé à la

8 manger.

9 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas eu tous les détails de la scène.

10 M. SCOTT [interprétation] Avant la soirée du 23 octobre -- excusez-

11 moi, entre la soirée du 23 octobre et le 26 octobre, Ivica Rajic et ses

12 subordonnés ont refusé plusieurs tentatives faites par les forces de

13 protection des Nations Unies, à savoir, la FORPRONU, de pénétrer dans

14 Stupni Do et dans les deux écoles de Vares où ils cherchaient à lancer

15 l'enquête sur ce qui s'y produisait. Pendant que l'accusé a dit que ceci a

16 été fait parce qu'il y avait une certaine inquiétude, à savoir que les

17 forces musulmanes allaient pouvoir essayer de se servir de la présence de

18 la FORPRONU comme d'un prétexte pour réaliser un avantage militaire, il n'y

19 avait aucune justification pour leur refuser l'accès aux écoles ou les

20 environs de Stupni Do. Le fait est que les forces du HVO ont tiré sur les

21 transports blindés de troupes de la FORPRONU qui servait de poste

22 d'observation dans la ville de Vares. Au moins l'un de ces véhicules a été

23 de manière tout à fait insensible marquée par une Croix-Rouge et, à trois

24 mètres, en fait, il s'y trouvait du QG général du HVO.

25 L'Accusation fait valoir l'élément suivant : cette conduite était

26 tout à fait délibérée. Il s'agissait de bloquer et d'empêcher les

27 observateurs internationaux d'être sur le lieu et de découvrir le crime à

28 Stupni Do et Vares jusqu'à ce qu'ils puissent, en tous cas, en partie,

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1 entrer.

2 Le 26 octobre 1993, la FORPRONU affirme un accès et a pu entrer. Ils

3 ont constaté que certaines maisons avaient servi de crématoire. Certains

4 corps étaient tellement détruits qu'ils avaient été calcinés à plusieurs

5 reprises pour les réduire à un tel état.

6 En gardant tous ces éléments à l'esprit, Madame le Président, Madame,

7 Monsieur les Juges, nous souhaitons maintenant vous montrer une séquence

8 vidéo pour que les Juges de la Chambre comprennent mieux ce qui s'est

9 déroulé à Stupni Do. Cette vidéo durera 12 minutes environ.

10 Est-ce que vous entendez quelque chose ? Est-ce que vous entendez

11 quelque chose ?

12 [Diffusion de la cassette vidéo]

13 M. SCOTT : [interprétation] Il n'y a pas de son. Je ne voulais pas que cela

14 vous gêne. Par conséquent, je voulais simplement que vous puissiez

15 visionner le film.

16 Ici, nous voyons la ville de Vares car j'ai parlé non seulement du

17 village, mais de la ville. C'est ce qu'on voit ici dans le fond de la

18 vallée la ville de Vares. Ce que vous voyez sur ces séquences vidéo ce sont

19 des corps calcinés, ce sont les dépouilles de ces corps, de ces gens qui

20 ont été brûlés dans le village.

21 Voilà la vidéo.

22 Je voudrais vous montrer très brièvement quelques arrêts sur image

23 sur lesquels je vais revenir dans quelques instants. J'aimerais en reparler

24 rapidement.

25 [Photos exposées]

26 M. SCOTT : [interprétation] J'ai dit, il a quelques instants, Madame

27 le Président, que trois jeunes femmes musulmanes ont été tuées, ont été

28 massacrées dans une petite cave. Je souhaite revenir sur ces dernières

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1 pendant quelques instants. Ce sont ces deux premiers arrêts sur image sur

2 lesquels j'aimerais revenir.

3 [Photos exposées]

4 M. SCOTT : [interprétation] Trois femmes musulmanes qui se cachaient

5 dans une petite cave. Une d'entre elles -- quelqu'un, a-t-on déclaré,

6 qu'une de ces femmes était une "combattante."

7 C'est ce qu'a dit un témoin à propos de l'assassinat de Medina Likic

8 ainsi que des deux autres femmes : "Les bruits se rapprochaient de plus en

9 plus. Cela devenait de plus en plus fort. Y a-t-il quelqu'un ici dans le

10 sous-sol ? Une voix d'homme qui venait de l'autre côté de la porte. Nous

11 n'avons pas répondu. Nous avons gardé le silence. Quelqu'un est entré par

12 la porte du sous-sol, le même homme qui nous avait appelées et qui avait

13 demandé si quelqu'un était dans le sous-sol. Il répondait au nom de

14 Kakanjac et on lui a demandé d'entrer dans le sous-sol.

15 "Kakanjac a demandé : Quoi ? Et il y a eu une réponse. J'ai trouvé

16 trois femmes balija. Les soldats étaient en train de jurer. Il y avait deux

17 soldats à l'intérieur du sous-sol, et ensuite j'ai entendu une rafale de

18 coups de feu. C'était simplement le bruit des coups de feu et je n'ai pas

19 entendu de bruits de voix; Nevzeta, ni Medina, ni Hatidza. Ensuite, on ne

20 pouvait pas entendre les voix et les voix qui juraient et criaient ont

21 cessé.

22 "Tout était calme à l'intérieur du sous-sol. Je me suis rendue compte

23 que les voix avaient disparu. J'ai ouvert les yeux. J'ai appelé Hatidza,

24 Medina et Nevzeta, et il n'y a pas eu de réponse. J'ai appelé Medina une

25 nouvelle fois. Je lui ai touché la main."

26 C'est ce qu'on voit dans la photo ici,

27 "Elle ne réagissait pas. Nevzeta, Hatidza et Medina étaient toujours

28 accroupies dans la cave. Les têtes renversées et ici le visage sur leurs

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1 poitrines. J'ai essayé de le secouer, le corps de ma Medina, mais elle

2 était morte. Les trois femmes étaient mortes également."

3 Nous pouvons regarder d'autres photographies hormis celles que les

4 Juges de la Chambre ont déjà vues. Je souhaitais parler de ces corps

5 calcinés que nous avons vus dans ce film et sur ces arrêts sur image.

6 Un des enquêteurs des Nations Unies a dit ceci : "Le troisième corps était

7 celui d'un enfant. J'ai pu déduire cela d'après la taille de la hanche.

8 L'enfant était une jeune fille qui était en 13 et 15 ans, ou d'un garçon

9 entre 10 et 12. Encore une fois, c'était au niveau la taille de la hanche

10 que j'ai pu déduire cela. La taille du crâne également paraissait être

11 celui d'un enfant. Le crâne semblait avoir été écrasé par quelque chose,

12 par un instrument pointu, car les os crâniens avaient été fragmentés. Je ne

13 voyais pas d'essence, mais je croyais que le corps avait été à dessein

14 calciné, compte tenu de la destruction que j'ai pu voir."

15 Le deuxième rapport qui a été fait à propos d'un deuxième corps : "Les

16 corps ont également été trouvés à l'intérieur du bâtiment, en haut du toit.

17 Les corps étaient très fortement calcinés, mais je ne voyais pas de traces,

18 ni de suie ni d'autres choses sur les briques autour de ces corps. Etant

19 donné que le corps se trouvait au-dessus du toit, ceci semblait indiquer

20 que ce corps avait été placé à cet endroit-là une fois le toit détruit, que

21 quelqu'un avait trouvé les corps sous le toit, les avait déplacés et les

22 avait placés à cet endroit-là et ensuite les avait brûlés."

23 De surcroît, Mesdames et Monsieur les Juges, je crois que ce qui s'est

24 passé à Stupni Do, à la suite des événements de Stupni Do et de Vares,

25 qu'il s'agit d'un élément tout à fait terrible et épouvantable, quelque

26 chose qui s'est produit à cet endroit-là, il y a eu également l'intention

27 d'étouffer toute cette affaire. Ceci a été fait tout de suite après et de

28 façon coordonnée, au niveau les plus élevés du HVO. Une fausse enquête a

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1 été menée, qui était censée apaiser les membres de la communauté

2 internationale, qui ont immédiatement exigé qu'une enquête soit menée sur

3 ce qui s'était passé. Comme vous avez pu le constater vous-même, cinq jours

4 plus tard ou après cet événement, cet événement que vous venez de voir sur

5 ces images, cinq jours plus tard ceci a été débattu par le Conseil de

6 sécurité à New York. En réalité, une partie de cet élément étouffé, la

7 FORPRONU n'a pas pu pénétrer dans la région, et n'a pas pu voir que tout

8 ceci a été nettoyé. Comme nous l'avons déjà vu, les corps ont été quasiment

9 calcinés. Il n'en restait rien. Le commandant du HVO, Milivoj Petkovic, un

10 haut placé, Ivica Radjic, a pris le nom de Viktor Andric. Ivica Rajic a été

11 démis de ses fonctions et remplacé par Viktor Andric, ce qui était une

12 manœuvre. En réalité, ni les autorités de Croatie, ni Herceg-Bosna, ni le

13 HVO, ont puni ou fait subir des sanctions disciplinaires à un seul

14 commandant ou soldat, y compris l'accusé pour les crimes commis à Vares et

15 Stupni Do. En réalité, au contraire, c'est quelques jours plus tard, au

16 mois de novembre 1993, que ces crimes ont été sus de tous et discutés au

17 Conseil de sécurité des Nations Unies, et découvert par la FORPRONU. Ceci a

18 été diffusé dans la presse mondiale le 1er novembre. Ivica Rajic a été promu

19 au contraire au rang de général après le déroulement de ces événements et

20 après que ces événements soient connus de tous.

21 Ensuite, le 10 novembre 1993, à une réunion à laquelle assistait le

22 président de la République de Croatie, Tudjman, à Zagreb, on a décidé qu'à

23 cause des les événements de Stupni Do, que Rajic serait remplacé et muté à

24 un autre endroit et qu'une déclaration publique devait être faite en

25 indiquant qu'une enquête judiciaire serait menée. Au cours de cette

26 réunion, le président Tudjman a parlé de tout ceci en disant qu'il

27 s'agissait d'un jeu politique. Bien sûr, Rajic en réalité n'a pas été

28 remplacé si ce n'est son nom qui a été remplacé simplement. Une enquête

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1 judiciaire n'a jamais été ouverte. Tout ceci était simplement pour tromper

2 les personnes qui souhaitent s'en enquérir davantage.

3 Le 30 décembre 1993, le commandant du HVO, Tihomir Blaskic, a été renvoyé.

4 Je dis "renvoyé" - Ivica Rajic de son poste de commandement. D'après

5 l'ordre donné par Blaskic : "En raison d'un certain nombre de faiblesses

6 apparentes au niveau du commandement et du contrôle et d'une influence

7 néfaste exercée sur les unités en menant ses opérations de combat." En même

8 temps, le commandant Blaskic a donné un autre ordre en nommant Viktor

9 Andric à cette même position, au poste de commandement des mêmes troupes,

10 des mêmes soldats que ceux qui avaient commis les crimes de Vares et Stupni

11 Do, et Viktor Andric n'était d'autre que l'accusé, le même Ivica Rajic qui

12 venait d'être renvoyé par ce même ordre.

13 Comme nous l'avons indiqué le 10 février 1994, le secrétaire général dans

14 son rapport au Conseil de sécurité des Nations Unies a clairement indiqué

15 que les suspects principaux comprenaient Ivica Rajic.

16 Le 23 octobre [comme interprété] 1995, l'accusé Rajic a été mis en

17 accusation par le TPIY sur six chefs d'accusation et violations graves du

18 droit international. Un mandant d'arrêt a été lancé par le TPIY à

19 l'encontre de M. Rajic et a été remis au ministre de la Justice de la

20 Croatie, le 8 décembre 1995. C'est plus de dix ans, voire même 11 ans.

21 Le 23 janvier 1993 [comme interprété], le Greffe a demandé à la République

22 de Croatie et la République de Bosnie-Herzégovine d'organiser la

23 publication de l'acte d'accusation. Ivica Rajic, en sachant qu'il avait été

24 mis en accusation, sachant qu'il était recherché par le TPIY et la

25 communauté internationale, a délibérément évité l'arrestation, et ce,

26 pendant quasiment huit ans avec l'aide d'un certain nombre de personnes et

27 d'organisations au sein de la République de Croatie. L'accusé a utilisé

28 plusieurs fausses identités, faux papiers, y compris des papiers qui

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1 avaient été remis par la République de Croatie usant d'un autre nom encore,

2 Jakov Kovac jusqu'au 30 juin 1994. Entre le 30 juin 1994 et le 30 juin

3 1996, Ivica Rajic a été soutenu financièrement et figurait sur les

4 bulletins de salaire du ministère de la Défense croate. Il habitait en tout

5 cas en partie en Croatie et le président Tudjman savait qu'il y avait un

6 acte d'accusation contre lui et qu'il était recherché par la communauté

7 internationale.

8 Pour finir, après de pressions très fortes exercées avec l'aide du

9 TPIY, pour finir le 5 avril 2003, M. Rajic a été arrêté en Croatie et

10 transféré au Tribunal peu de temps après.

11 Simplement en guise de conclusion, deux ou trois facteurs que je

12 souhaite dire étant donné le caractère épouvantable des crimes commis

13 devant les moyens de preuve, l'exposé des faits et des différents documents

14 qui vous ont été présentés, Mesdames et Monsieur les Juges, inutile de

15 parler de circonstances aggravantes. Quoi qu'il en soit, je souhaite en

16 évoquer deux. Premièrement, la position qu'exerçait l'accusé. Il était en

17 position de supérieur hiérarchique. C'était un privilège et un honneur que

18 d'occuper ce poste. Lorsqu'on est à ce poste, cela implique qu'il y a des

19 responsabilités également, car très souvent les comportements sont

20 multipliés par ceux de leurs subordonnés. Ils sont censés donner l'exemple,

21 ils sont censés donner des ordres et approuver ou désapprouver le

22 comportement de leurs subalternes. Dans ce cas, l'accusé Rajic a abusé de

23 la confiance du poste qu'il occupait. Il envoyait sans cesse des criminels

24 et des soldats accomplir certaines missions.

25 Ivica Rajic est malheureusement, à certains égard, considéré comme

26 étant un héros. C'était une source d'émulation et ses soldats voulaient lui

27 plaire, c'était un héros. Le fait que certains actes répréhensibles n'ont

28 pas été condamnés a envoyé un message erroné à ses hommes et ses soldats le

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1 23, le 24 novembre [comme interprété]. Et donc ils n'ont pas compris ce que

2 l'on attendait d'eux.

3 Les soldats du HVO, Miroslav Anic, qui avant les atrocités de Stupni

4 Do, ont mutilé les Musulmans de Bosnie. Ils ont attachés leurs têtes sur

5 des pics dans la ville de Kiseljak. L'accusé néanmoins a donné l'ordre que

6 ce même Firga, quelques jours plus tard, entre à Stupni Do.

7 De telles circonstances ont un lien direct avec les crimes commis, le

8 fait qu'il ait omis de punir, le fait que de fausses enquêtes ont été

9 menées pour endosser tous ces crimes. Encore une fois, ceci envoie un

10 message très clair. L'accusé et ses subordonnés quels que soient les crimes

11 qui aient été commis, ces crimes n'ont jamais été exposés et ont été très

12 fortement dénoncés par la communauté internationale, les auteurs seraient

13 encore protégés et n'auraient pas été punis, faisant en sorte que

14 l'impunité soit le mot d'ordre. Effectivement, ses subalternes du HVO

15 connaissaient l'identité de Rajic et savaient que c'était Viktor Andric,

16 qu'il s'agissait d'une blague. On ne peut qu'aujourd'hui se retrouver dans

17 ce prétoire et penser que c'était une blague et qu'on se moquait de la

18 communauté internationale et qu'on avait dit à la communauté internationale

19 qu'Ivica Rajic devait être remplacé, qu'ils le savaient tous. Il utilisait

20 un autre nom, il utilisait le nom de Viktor Andric.

21 Ceci aurait encore accentué le manque de respect pour les

22 observateurs internationaux puisque c'est le commandant Petkovic, qui était

23 le commandant du HVO, ainsi que Blaskic et Rajic qui avaient pris part

24 directement à cette tentative frauduleuse de mascarade devant la communauté

25 internationale.

26 Un autre facteur aggravant, Mesdames et Monsieur les Juges, en termes

27 d'incidents sur les victimes et la participation de victimes très jeunes.

28 Dans le village de Stupni Do, les blessures qui ont été provoquées par

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1 l'accusé et ses soldats, ces blessures ont eu des effets délétères

2 longtemps après le 23 octobre 1993. Ces individus et toutes leurs familles

3 ont été traumatisés. Certains d'entre eux n'avaient plus de maris, de

4 pères, de femmes, de mères ou d'enfants. Parmi les victimes, il y avait au

5 moins cinq enfants dont un âgé de 13 ans, un âgé de 8, un âgé de 3 ans et

6 un de 2 ans. Il y avait au moins 14 femmes. Certaines femmes et certains

7 hommes ont été exécutés devant leurs parents proches. De jeunes femmes ont

8 dû rentrer dans certaines maisons et ont été abusées sexuellement. Une de

9 ces victimes a perdu toute sa famille; l'un d'entre eux a perdu sa femme,

10 ses enfants, ses parents en une seule et même journée. Alors que bon nombre

11 d'entre eux pleurent encore la mort de leurs maris et de leurs enfants. Le

12 village a été complètement détruit, la plupart des villageois ont tout

13 perdu, ce pourquoi ils avaient travaillé toute leur vie.

14 Dans la ville de Vares, plus loin dans la vallée, les hommes

15 musulmans ont été rassemblés et détenus dans deux écoles où ils ont été

16 passés à tabac très sévèrement. On les a obligés de se frapper les uns les

17 autres, parfois devant des membres de leur propre famille. Un frère devait

18 passer à tabac son propre frère, un père devait faire de même. Quelquefois,

19 des hommes avaient été tellement maltraités qu'ils en souffrent encore

20 aujourd'hui et les certificats médicaux vous ont été remis, Mesdames et

21 Monsieur les Juges. Ce qui signifie des blessures avec des effets délétères

22 à long terme.

23 Madame le Président, avant de conclure, je dois dire que d'un autre

24 côté, il y a effectivement aussi des circonstances atténuantes. En toute

25 justice, l'accusé s'en est tenu à son plaidoyer de culpabilité et ceci est

26 conforme aux exigences de la Chambre, qui a été tenu informée de tous les

27 faits et des circonstances qui entourent la conduite sous-jacente. La

28 Chambre a été tenue au courant de tout ceci.

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1 Un plaidoyer de culpabilité, -- je cite ici certaines autres affaires

2 du Tribunal. Un plaidoyer de culpabilité est toujours important parce qu'il

3 s'agit d'établir la vérité par rapport au crime commis. Le fait de faire

4 ressortir la vérité est une mesure essentielle si l'on veut empêcher que de

5 telles choses se reproduisent. Il s'agit d'empêcher également toute forme

6 révisionnisme pour les personnes qui, aujourd'hui, savent que ces

7 événements se sont produits, pour ces personnes qui, aujourd'hui, sont

8 encore à Stupni Do, et qui disent que ces choses ne se sont pas passées

9 ainsi. Ce plaidoyer de culpabilité, ce plaidoyer de M. Rajic est comme

10 suit, il a effectivement dit : Les choses se sont passées ainsi et je suis

11 responsable pour les défaites et ceci permet de passer outre le

12 révisionnisme. Plus personne ne peut se lever et dire : Ces choses-ci ne

13 sont pas produites.

14 Comme l'a noté une Chambre de première instance : Les plaidoyers de

15 culpabilité peuvent contribuer au progrès et permettre aux gens de Bosnie-

16 Herzégovine de se réconcilier. L'Accusation ne minimise en rien cela. Je

17 suis sûr que dans mes commentaires vous comprendrez cela. Ce que je vous ai

18 présenté cet après-midi, nous ne souhaitons absolument pas minimiser les

19 crimes terribles concernant cet accusé qui a plaidé coupable et qui est

20 condamnable. Je dois dire que l'accusé est le seul concerné par ces crimes

21 qui, au jour d'aujourd'hui, s'est levé et a dit : Je suis coupable et

22 j'accepte et j'endosse la responsabilité pour ce que j'ai fait.

23 L'Accusation fait valoir que le plaidoyer culpabilité de l'accusé est en

24 fait un facteur qui sera pris en compte par la Chambre et qui devra lui

25 permettre de déterminer une peine appropriée.

26 Le dernier facteur est celui de la coopération. Conformément à

27 l'Article 101(B)(ii) plus particulièrement, on reconnaît que : "La

28 coopération essentielle avec le bureau du Procureur constitue une

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1 circonstance atténuante qui doit être pris en compte lors du prononcé de la

2 peine."

3 Le poids accordé à cette coopération : "Dépend de l'étendue de la

4 qualité de l'information fournie à l'Accusation."

5 Nous informons la Chambre de ce qui suit, nous avons d'après les

6 documents, que M. Rajic a effectivement coopéré de façon substantielle avec

7 le bureau du Procureur et il continue de le faire. Il a répondu présent

8 dans un certain nombre de circonstances. Il nous a fourni les documents et

9 il a été fort utile à l'Accusation. Comme je le dis, sa coopération se

10 poursuit toujours. Par conséquent, l'Accusation devrait informer la Chambre

11 de ce facteur. Il s'agit d'une circonstance atténuante dont la Chambre

12 pourra tenir compte lorsqu'il s'agira de déterminer la peine.

13 Je dois dire, néanmoins, que je souhaite qu'il n'y ait pas de

14 confusion : en faisant la recommandation qui est celle d'une peine de 15

15 ans, l'Accusation a pris tout ces facteurs en compte, à savoir, le

16 plaidoyer de culpabilité de M. Rajic et sa coopération. Je puis dire,

17 Mesdames et Monsieur les Juges, que sans ces facteurs, notre recommandation

18 au niveau de la peine aurait certainement été plus sévère que cela, plus

19 lourde.

20 Madame le Président, j'ai quelques commentaires supplémentaires à faire

21 mais je les garderai pour la fin, si vous me le permettez, s'il reste du

22 temps.

23 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci, Monsieur Scott. J'ai

24 un certain nombre de questions à vous poser, au nombre de six.

25 La première question porte sur le facteur que vous considérez comme

26 la gravité du crime commis. Si je vous ai bien comprise, vous semblez dire

27 que le fait que ces crimes aient été portés à l'attention du Conseil de

28 sécurité, vous avez dit de l'assemblée générale, je crois, contribue aux

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1 gravités du crime parce que cela souligne le fait que la communauté

2 internationale a été indignée par cela. Mais j'ai une autre question à ce

3 sujet parce que je vous suggère alors que si ceci n'avait pas été connu de

4 la communauté internationale, la gravité n'aurait pas été moindre si les

5 crimes n'avaient pas été connus. J'appelle cela là, si vous voulez, le

6 facteur CNN. Est-ce que ces crimes seraient moins graves simplement pas

7 parce qu'ils n'auraient pas été rendus publics. Cela c'est ma première

8 question.

9 Est-ce que je peux vous citer mes questions les unes après les autres

10 ?

11 M. SCOTT : [interprétation] Oui.

12 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Ma deuxième question porte

13 sur la liste et les circonstances aggravantes. En particulier, le fait que

14 M. Rajic a omis de punir les personnes qui ont pris part à cette attaque à

15 Stupni Do, et surtout une certaine personne, Miroslav Anic, par exemple.

16 Ma question est comme suit : cela ne constituerait-il pas un élément

17 pertinent que d'évaluer la responsabilité de ce dernier conformément à

18 l'article 7(3), étant donné qu'il y a eu déclaration de culpabilité

19 conformément au 7(1). C'est quelque chose dont cette Chambre peut tenir

20 compte. On peut considérer qu'il s'agit d'une circonstance aggravante,

21 étant donné que la Chambre d'appel dans l'affaire Nikolic vient de nous

22 rappeler que nous ne pouvons pas compter des éléments deux fois, d'un coté

23 pour évaluer la gravité et d'un autre, considérer qu'il s'agit d'un facteur

24 aggravant supplémentaire lorsque l'on détermine la peine.

25 La troisième question porte sur les deux circonstances aggravantes que vous

26 avez évoquées. La participation à l'étouffement de ceci, le fait de

27 soustraire à la justice ou la justice pénale. D'après ce que je peux voir,

28 c'est quelque chose qui n'a pas encore été déterminé par cette Chambre. Je

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1 souhaite savoir si dans vos mémoires supplémentaires vous avez donné des

2 exemples de ce type, et si c'est quelque chose dont vous avez tenu compte,

3 et si vous avez considéré qu'il s'agissait d'une circonstance aggravante, à

4 savoir, si c'est suffisant pour cette Chambre de première instance de

5 décider qu'il s'agit là d'un principe général de droit, et un sur lequel

6 nous pourrions éventuellement conclure et décider qu'il s'agit d'une

7 circonstance aggravante.

8 Ma quatrième question porte sur quelque chose qui n'a rien à voir avec

9 cela, mais quelque chose que vous avez évoqué dans vos mémoires, vos

10 mémoires présentés par écrit. Je souhaite passer à huis clos partiel, si

11 vous le souhaitez, s'il y a un lien entre la procédure 11 bis, et savoir si

12 vous avez retiré votre demande, conformément au 11 bis en attendant les

13 conclusions de cette procédure ou de cette fixation de peine puisqu'il y a

14 un lien ici avec l'accord de plaidoyer.

15 Je vais renoncer à ma cinquième question parce que sinon, ce sera

16 trop long.

17 Ma sixième question, nous souhaitons peut-être passer à huis clos

18 partiel, vous pouvez en tout cas nous dire ce que vous souhaitez faire :

19 est-ce que vous pouvez obtenir davantage d'information sur la coopération

20 avec l'Accusation à l'avenir et dans d'autres affaires.

21 Pardonnez-moi si je vous pose toutes ces questions.

22 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Madame le Président. Je vais

23 essayer de répondre à toutes celles-ci en audience publique, et ensuite à

24 la fin peut-être que nous pouvons passer à huis clos partiel.

25 Pour ce qui est du fait que ces crimes étaient connus, par exemple, par le

26 Conseil de sécurité dès 1993 déjà, et les Nations Unies, je suis sûr qu'il

27 ne s'agit pas de circonstances aggravantes, mais au sens technique du

28 terme, au niveau du prononcé de la peine, que ceci a été étouffé. En

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1 réalité, ceci est une question, cette question d'étouffer ces affaires, je

2 peux répondre à ces deux questions en même temps. Cela porte sur l'état

3 d'esprit de l'accusé, sa connaissance qu'il avait à ce moment-là, et le

4 fait d'avoir voulu étouffer toutes ces choses terribles qui se sont passées

5 à cet endroit-là. Vous savez très bien que les efforts ont été faits pour

6 étouffer cela. Tout de suite, immédiatement, je pense que et j'avance,

7 Mesdames et Monsieur les Juges, qu'il y a des moyens de preuve qui font

8 état de son était d'esprit à ce moment-là, c'est un étant d'esprit

9 coupable. On n'a pas besoin d'étouffer quelque chose si on est innocent,

10 ces choses-là ne se font pas. Je crois que ceci a été rapporté au Conseil

11 de sécurité et les médias internationaux qui y ont concentré toute leur

12 attention là-dessus, sur ces événements à tous les nivaux, que ce soit à

13 Stupni Do, à Vares, à Kiseljak où se trouvait M. Rajic, ou à Zagreb où M.

14 Tudjman était. Comme c'était néanmoins sous les feux de la rampe, c'était

15 quelque chose de très sérieux, et des différentes mesures ont été prises

16 pour étouffer tout cela : que ce soit des corps calcinés, au-delà de toute

17 reconnaissance possible à un nom d'emprunt, Viktor Andric, à une fausse

18 enquête menée alors qu'il savait très bien que ceci induirait les gens en

19 erreur, tout ceci constitue des facteurs aggravants au sens large du terme.

20 Il ne s'agissait pas simplement de morts au combat, et il ne s'agissait pas

21 de dommages collatéraux. C'étaient des gens qui ont été exécutés. Ensuite,

22 on a étouffé cela. C'est dans ce contexte-là qu'il faut croire.

23 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Oui, je souhaite vous

24 interrompre quelques instants. Comment pouvez-vous évaluer l'état d'esprit

25 de l'accusé ? C'est quelque chose dont vous avez pris en compte après la

26 perpétration du crime ? Pour évaluer l'état d'esprit lorsqu'un accusé a

27 commis un crime ? Comment envisagez-vous cela ?

28 M. SCOTT : [interprétation] C'est quelque chose dont j'ai certainement tenu

Page 205

1 compte, Madame le Président, il s'agit d'un état d'esprit qui est resté le

2 même. Encore une fois, j'étais procureur au Etats-Unis, peut-être que vous

3 avez compris cela. Lorsque j'ai commencé à traiter ce crime, il s'agit d'un

4 état d'esprit qui n'a pas changé dans le sens que l'état d'esprit est le

5 même, au premier niveau, deuxième niveau ou troisième niveau du crime.

6 C'est quelque chose dont je tiens compte. Lorsque je parle du comportement

7 de M. Rajic, qui reste inchangé ainsi que ceux qui l'entouraient, qui ont

8 été engagés dans ces crimes-là, et ceci est contraire aux dommages

9 collatéraux, lorsque deux armées se battent entre elles d'une façon plus

10 légitime si vous voulez. Inutile de parler d'une affaire étouffée dans ces

11 cas-là. Il n'est pas nécessaire de mener une fausse enquête non plus. Il

12 n'est pas nécessaire de prendre un nom d'emprunt non plus car ces facteurs

13 auraient pu être, à ce moment-là, analysé par un Tribunal.

14 Votre deuxième question, Madame le Président, le manquement, le fait

15 d'avoir omis de punir au sens traditionnel du terme, je crois que ceci a

16 trait directement à l'article 7(3). Encore une fois, nous avons essayé sans

17 cesse dans nos pratiques de prononcé de peine, et je m'habitue à ce système

18 adopté par ce Tribunal, nous voulons toujours avoir le plus d'information

19 possible sur l'individu, sur les antécédents de l'individu, sur ce qui

20 s'est passé, sur les crimes qui ont été commis, sur l'accusé et sur ses

21 crimes. Nous avons simplement pris cette position-là et nous essayons de

22 tenir la Chambre au courant de tous les éléments d'information dont nous

23 disposons le plus possible. Peut-être que si nous utilisons ce terme, un

24 terme technique au sens jurisprudentiel du terme, le terme de "circonstance

25 aggravante," ceci peut effectivement être source d'inquiétude. Mais je

26 crois qu'il faut véritablement vous présenter des éléments pertinents et

27 nous faisons valoir le fait que les événements pertinents dans leur

28 intégralité sont les circonstances que la Chambre peut effectivement

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1 analyser si nous lui soumettons.

2 Comme je l'ai dit au niveau de la jurisprudence du TPIY, il reconnaît

3 qu'il y a un lien direct entre le 7(1) et 7(3). Bien sûr, le manquement et

4 le fait de n'avoir puni au terme du 7(3) deviennent le 7(1). L'incitation

5 7(1), l'encouragement, l'approbation, quel que soit le terme utilisé, si

6 vous avez des hommes, des troupes, et que vous avez des subordonnés qui

7 vous suivent et que vous omettez à chaque fois de les punir, et que leur

8 comportement se répète, après un certain temps ceci envoie un message

9 particulier et un message d'approbation. Autrement dit, vous êtes d'accord

10 et c'est la conduite à laquelle on s'attend. Ceci se transforme en

11 incitation au terme du 7(1). Je crois que je me souviens de ceci dans

12 l'arrêt rendu dans l'affaire Blaskic, par le Juge Jorda qui, je ne le

13 citerai pas, car je ne m'en souviens pas de mémoire, mais il a très

14 clairement mis cela en lumière.

15 Encore une fois, se soustraire à la justice, Madame le Président, fait

16 partie de ces circonstances que je viens de décrire. Le fait est que nous

17 avons vu bon nombre de gens passer devant ce Tribunal, que ce soit Ratko

18 Mladic ou Karadzic ou Gotovina, M. Rajic ou les autres, de grands efforts

19 ont été déployés pour éviter d'être traduits devant ce Tribunal. De gros

20 efforts ont été faits pour soustraire à la justice. Encore une fois, la

21 Chambre le sais.

22 M. Rajic a eu l'occasion de revenir. L'acte d'accusation était

23 quelque chose qui avait été porté à sa connaissance, a été publié dans les

24 médias de la région. Il a été employé par le gouvernement de la Croatie à

25 l'époque où des mandats d'arrêt avaient été lancés contre lui par son

26 propre gouvernement. M. Rajic a eu de multiples occasions sur une période

27 de huit ans, de multiples occasions pour venir se présenter. Encore une

28 fois, il a été arrêté finalement après une période de huit ans. Il ne s'est

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1 pas rendu devant le Tribunal.

2 Mesdames, Monsieur les Juges, aux termes de la procédure 11 bis,

3 peut-être que nous pouvons répondre de façon générale sans devoir passer à

4 huis clos partiel. Encore une fois, si la Chambre souhaite avoir davantage

5 d'éléments, nous pouvons à ce moment-là passer à huis clos partiel.

6 Il n'y a pas de lien à proprement parler entre la procédure 11 bis et

7 le plaidoyer de culpabilité. J'espère que ceci n'est pas trop difficile à

8 comprendre. Simplement, il s'agit de deux voies parallèles. C'est quelque

9 chose qui a pu être envisagé à une certaine époque. Comment vous dire

10 cela ? Lorsqu'on se préoccupait de façon significative sur le banc des

11 accusés ou les personnes au banc des accusés dans ce Tribunal, et que ce

12 Tribunal avait un bon nombre d'affaire à gérer, qu'il était important de

13 renvoyer certaines affaires devant des juridictions nationales. Dans le cas

14 de M. Rajic, ce qui pourrait être le cas, on a considéré que M. Rajic

15 pouvait faire partie de cette catégorie-là, et je crois que les crimes

16 parlent d'eux-mêmes. M. Rajic était un officier de haut rang dans le HVO.

17 Quoi qu'il en soit, cette affaire a révélé que c'était quelqu'un qui

18 pouvait répondre aux exigences de l'article 11 bis.

19 Alors que tout ceci se passait, les différentes conversations ont été

20 échangées, et on a évoqué la possibilité d'un plaidoyer de culpabilité, ce

21 qui a abouti. Il n'y avait pas de lien entre les deux. Les choses se sont

22 passées ainsi. C'est simplement, il y a eu deux voies parallèles ici, et

23 finalement nous avons pu parvenir à un plaidoyer de culpabilité. Bien sûr,

24 nous avons des raisons pour croire que l'article 11 bis peut être appliqué

25 ici.

26 Je vais répondre maintenant à votre dernière question, Madame le Président,

27 sur la coopération. Je crois que nous devons passer à huis clos partiel.

28 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Huis clos partiel.

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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

2 [Audience à huis clos partiel]

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6 [Audience publique]

7 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci beaucoup.

8 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Madame le Président.

9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Scott.

10 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Madame le Président.

11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Nous sommes actuellement en

12 audience publique, mais encore une fois, je souhaite reparler de la

13 question évoquée par Mme le Juge Van den Wyngaert.

14 Puis-je demander au Président si nous pouvons repartir à huis clos partiel

15 ?

16 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Huis clos partiel.

17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

18 [Audience à huis clos partiel]

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10 [Audience publique]

11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Nous parlons de

12 circonstances aggravantes, la question d'éviter la responsabilité et

13 d'échapper à la justice. D'après votre argument, vous avez dit que l'accusé

14 a essayé de se soustraire la justice pendant huit ans, je crois un certain

15 nombre d'années. Vous avez enquêté là-dessus. Est-ce que vous avez des

16 éléments de preuve sur le fait que l'acte d'accusation a été porté à sa

17 connaissance et qu'il a été mis en accusation et qu'un mandat d'arrêt avait

18 été lancé contre lui ? Est-ce que vous avez des informations là-dessus ?

19 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Madame le Juge. Des informations

20 fort concrètes sur ce point. Le 23 août 1995, M. Rajic a été mis en

21 accusation par un acte d'accusation initial le 23 août. Nous savons que le

22 19 janvier 1996, M. Rajic a signé une délégation de pouvoir. A l'époque, il

23 était à Kiseljak, et non pas en Bosnie, et non pas en Croatie. Il était de

24 nouveau en Bosnie, il a signé cette délégation de pouvoir et il a remis

25 ceci entre les mains d'un -- car ceci concernait l'acte d'accusation contre

26 lui. Ensuite, il a disparu.

27 Ensuite, il y a un autre document qui a été signé. Je ne l'ai pas

28 sous la main, ce document, cet après-midi, Madame le Juge, mais il a signé

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1 un document, qui est daté du 19 janvier 1996, dans lequel M. Rajic indique

2 clairement qu'il a connaissance de cette procédure contre lui.

3 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci beaucoup. C'est quelque

4 chose qui me soucie un petit peu.

5 Pour ce qui est des arrêts sur image, je souhaite revoir cela, s'il vous

6 plaît.

7 M. SCOTT : [interprétation] Très bien.

8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Bien. Photographie numéro 0332706,

9 les trois femmes musulmanes qui ont été tuées, qui étaient ensemble.

10 M. SCOTT : [interprétation] Oui.

11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Nevzeta, Medina, Hatidza.

12 M. SCOTT : [interprétation] Oui.

13 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pardonnez-moi pour ma

14 prononciation. Mais cette première photographie, cet arrêt sur image, est-

15 ce que nous pouvons la trouver ?

16 M. SCOTT : [interprétation] Oui, pardonnez-moi. Nous avons quelques

17 difficultés à retrouver cette photographie-là.

18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] [hors micro]

19 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande d'allumer le microphone.

20 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pardonnez-moi. Je n'ai pas allumé

21 le microphone.

22 Numéro 00332076 [comme interprété]. Celle où l'on voit ces trois femmes qui

23 sont rassemblées.

24 M. SCOTT : [interprétation] Il y a deux photographies de ces femmes. La

25 jeune femme musulmane -- pardonnez-moi, j'ai essayé d'aider la Chambre

26 autant que faire se peut -- la première, peut-être. La première

27 photographie est un peu plus loin.

28 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Ne vous inquiétez pas,

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1 Monsieur Scott, nous l'avons trouvée.

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que je peux vous aider à

3 retrouver cette photographie, puisque Mme le Président m'a aidée en la

4 matière ? Avec le petit manuel que nous avons fourni, c'est 00332910. Merci

5 beaucoup, Madame le Président.

6 M. SCOTT : [interprétation] Je pense que la photographie que nous avons

7 montrée, c'était 2910. Est-ce que vous voyez ce qui est à l'écran ?

8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui.

9 M. SCOTT : [interprétation] C'est bien ce que vous recherchez ?

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui.

11 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie.

12 C'est la cave où ont été tuées les trois femmes, et c'est juste à une

13 distance un peu plus grande. Si vous regardez vers la partie centrale, un

14 peu vers le bas de la photo, vous voyez ces trois femmes, les mêmes femmes

15 dans un petit trou. Enfin, derrière les deux tonneaux qui semblent contenir

16 des patates.

17 La photographie qui suit, c'est une prise de vue plus rapprochée du même

18 contexte.

19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie, parce que pour

20 la première, je n'ai pas compris. Je n'ai pas vu les trois corps. Je vous

21 remercie.

22 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie.

23 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Alors, ma dernière question qui

24 concerne le contexte de mon exercice du droit, c'est la raison pour

25 laquelle je vous pose la question. Je ne sais pas si les autres membres de

26 la Chambre ont la même difficulté à comprendre cela, mais vous avez

27 mentionné à un moment donné qu'un membre de l'unité spéciale de Maturice

28 avait dit que le sang était doux au sujet de la gorge qu'il avait coupé, et

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1 il a coupé la barbe d'un des prisonniers et l'a forcé à la manger. C'était

2 la barbe d'un des prisonniers ?

3 M. SCOTT : [interprétation] Oui, d'un des prisonniers musulmans.

4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Mais il aurait dû avoir deux

5 barbes.

6 M. SCOTT : [interprétation] Je pense qu'il y avait plusieurs prisonniers

7 musulmans à l'époque à cet endroit-là et c'est de l'un de ces prisonniers

8 musulmans qu'il a coupé la barbe.

9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie. Il faudra me

10 corriger.

11 M. SCOTT : [aucune interprétation]

12 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je voudrais juste une précision

13 avant que j'en termine avec mes questions. En début de la page 3, au

14 milieu, il y a une référence faite par Mme le Président aux chefs

15 d'accusation 1, 3, 7 [comme interprété]. Il faudrait corriger cela puisque

16 cela a été relevé comme 1, 2, 7 et 9.

17 Je vous remercie, Monsieur Scott.

18 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie.

19 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie, Madame le

20 Juge Nosworthy.

21 Le Juge Hoepfel.

22 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Une question de plus, s'il vous

23 plaît.

24 Le compte rendu d'audience, page 11, lignes 7 à 9, vous avez cité

25 quelque chose. Vous avez dit : "Le 22 octobre 1993, la veille avant

26 l'attaque, un membre de l'unité spéciale de Maturice avait dit à un homme

27 musulman qui avait été précédemment détenu dans la zone : 'Demain,

28 Balija,'" puis il y a quelque chose qui manque, "Nous allons attaquer ton

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1 village et tuer tout ce qui est en vie et tout ce qui bouge."

2 Pourriez-vous s'il vous plaît compléter ce qui manque ? Pourriez-vous

3 m'expliquer ce que cela signifie dans ce contexte "Balija," et cetera ?

4 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Le mot qui manque dans

5 le compte rendu d'audience, je pense que c'est simplement une erreur dans

6 la transcription. Mais attendez, je reviendrai au texte original, puis je

7 vais essayer de compléter.

8 "Demain, Balija, nous attaquerons ton village."

9 Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit qui a été omis. J'ai

10 probablement mal prononcé l'un des mots ou plutôt le mot "Balija."

11 D'expérience, je dois dire que c'est un terme qui est très difficile

12 d'expliquer, le terme de "Balija." C'est un terme extrêmement péjoratif

13 pour désigner les Musulmans. C'est ce que je peux vous dire. Je ne sais pas

14 quelle est la traduction littérale, Monsieur le Juge. Je me suis adressé à

15 des Musulmans pour leur poser la question. Apparemment, c'est plus

16 péjoratif que d'appeler quelqu'un "cochon." C'est très, très péjoratif

17 lorsqu'on désigne les Musulmans ainsi.

18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai pas

19 d'autres questions.

20 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie.

21 Nous allons faire à présent une suspension d'audience pendant 20 minutes et

22 nous reprendrons à 5 heures moins 10.

23 --- L'audience est suspendue à 16 heures 29.

24 --- L'audience est reprise à 16 heures 55.

25 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Nous entendrons la Défense

26 à présent. Madame Kosta.

27 Mme KOSTA : [interprétation] Madame le Président, chers confrères, suite

28 aux arguments de l'Accusation, je prendrai la parole moi aussi afin

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1 d'aborder les questions pertinentes de l'espèce et en particulier, les

2 circonstances atténuantes, bien entendu, en reprenant les circonstances

3 atténuantes telles qu'exposées par l'Accusation.

4 Je suis tout à fait d'accord pour confirmer ici que ce sont les chefs

5 1, 3, 7 et 9 qui sont les chefs d'accusation au terme desquels mon client a

6 plaidé coupable et tout ceci aux termes des articles 2 (A), 2(B) ainsi que

7 2(D) du Statut de ce Tribunal.

8 Pour ce qui est de la responsabilité et de l'imputabilité, il est

9 reconnu coupable au terme de 7(3) du Statut de ce Tribunal.

10 Je me permets également d'évoquer ici l'article 7 en son alinéa 4 et

11 ce, pour des raisons auxquelles je viendrai par la suite, à savoir, si un

12 auteur du crime a suivi les ordres lors de la commission du crime, ceci ne

13 le relève pas de sa responsabilité pénale, mais sera pris en compte afin de

14 prononcer une peine plus douce à son encontre.

15 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Madame Kosta, si je me

16 réfère aux clarifications qui ont été exposées, nous sommes tout à fait

17 d'accord, je suppose, sur le fait que la déclaration de culpabilité a été

18 faite au terme de l'article 7(1) et non 7(3). J'espère que ceci est tout à

19 fait clair. Je n'ai pas été tout à fait certaine en vous entendant. C'est

20 bien au terme de l'article 7(1) et non 7(3).

21 Merci.

22 Mme KOSTA : [interprétation] Oui, 7(1).

23 Tout d'abord, je dirais que tout ce qui s'est produit à Stupni Do se

24 situe dans le contexte de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Stupni Do n'est

25 pas un événement isolé, n'est pas un lieu isolé où se seraient produites

26 certaines opérations de guerre. Cela se situe au moment où l'armée de

27 Bosnie-Herzégovine et l'armée de la République serbe étaient actives dans

28 ce secteur. La veille de l'action de Stupni Do, le village de Kopljari est

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1 tombé, un village croate, et également en juin 1993, dans la ville même de

2 Kakanj, il y a eu une opération menée par l'ABiH, qui a expulsé 13 000

3 croates de la ville. Dans leur ensemble, c'est 13 000 --

4 Mme LE JUGE NOSWORTHY: [interprétation] Excusez-moi, Maître Kosta, j'ai

5 quelques difficultés à vous suivre, je vous demanderais de ralentir un

6 petit peu, s'il vous plaît. Faites-le pour moi.

7 Mme KOSTA : [interprétation] Oui, je vois. Je vous présente mes excuses, je

8 le ferai.

9 Mme. LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] De rien.

10 Mme KOSTA : [interprétation] Ont chassé ces 13 000 Croates de Kakanj, qui

11 se sont retrouvés tous à Vares. Ivica Rajic ne se rend pas à Vares parce

12 qu'il l'a souhaité, mais parce que dans son ensemble, la situation sur le

13 plan des opérations militaires exigeait qu'il y ait une intervention dans

14 le secteur de la ville de Vares. Mon client ne s'est pas rendu à Vares

15 parce qu'il l'a souhaité, mais suite à un ordre et suite également à un

16 appel, un appel à l'aide lancé par la population de Vares.

17 Il s'y est rendu avec les unités de Maturice et d'Apostoli quelques

18 jours après que ces unités aient essuyé quelques pertes, sept hommes ont

19 été tués. Je dois dire aussi que, dans le cadre de ces événements, on a

20 également entendu un des commandant de Maturica. Cela sonne mal lorsque je

21 parle "d'unités spéciales," mais ce sont en effet des unités spéciales,

22 Maturice et Apostoli.

23 Au sens judiciaire du terme, il convient de préciser que ces unités

24 devaient se trouver à tout moment à disposition pour que le commandant, en

25 fonction de la situation sur le terrain, les dépêche là où leur

26 intervention était nécessaire. Par exemple, s'il y avait une percée, si on

27 ne pouvait pas maintenir la ligne de front, c'est dans ce cas-là qu'elles

28 intervenaient et uniquement, uniquement dans ces situations-là.

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1 On a entendu l'un des commandant de cette unité, vous avez vu qu'il

2 est mentionné dans notre accord sur le plaidoyer, c'était Dominic [phon]

3 Ilijasevic Como. Et au moment où l'Accusation l'a interrogé, ou Mme Josée

4 l'a interrogé, il a dit qu'ils sont partis, qu'ils n'avaient reçu aucune

5 instruction particulière leur précisant ce qu'ils allaient faire, qu'ils

6 étaient très troublés par ce qui s'était produit précédemment et qu'il

7 n'avaient pas d'armement spécifique.

8 Si j'en parle, c'est parce qu'Ivica Rajic, ainsi que ses 200 hommes à peu

9 près, et ce, sur ordre du général Petkovic, ne savait pas à quoi il devait

10 s'attendre. Il ne savait ce qu'il allait faire une arrivé à Vares. A son

11 arrivée à Vares, qui a été précédée par quelques traces écrites parce qu'on

12 avait demandé de l'aide, puisque le village de Kopljari était tombé. A son

13 arrivée à Vares, Ivica Rajic est informé de la part de ceux qui avaient à

14 leur charge la défense de Vares. Il est informé de la situation qui prévaut

15 et il apprend qu'il y aurait toute une série de problèmes si la colline de

16 Bogos venait à tomber ou le village de Stupni Do.

17 Compte tenu de toutes les informations qu'on lui a données, Ivica Rajic

18 prend une décision. Il décide qu'il faut s'emparer de la commune de Bogos

19 et cette colline est considérée comme un point stratégique très important.

20 Et en même temps, ils ont estimé que si la colline de Bogos venait à

21 tomber, les habitants de Stupni Do allait abandonner la localité de Stupni

22 Do, et par conséquent, il n'y aurait pas lieu de lancer des interventions

23 importantes.

24 Cependant, suite à la chute de Bogos, Stupni Do n'a pas été

25 abandonné, ni par ses habitants, ni par l'armée. Tout au contraire, une

26 intervention a été nécessaire, mais la population, il y avait là environ 40

27 et nous avons eu des entretiens là-dessus et ceci fait l'objet d'un accord

28 entre l'Accusation et la Défense. Il y avait environ 36 personnes aptes à

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1 combattre, enfin nous parlons de soldats. D'ailleurs, il s'agit là de

2 personnes, et les documents à l'appui existent, qui avaient à leur

3 disposition des moyens de communication, communication par paquet, un

4 certain nombre d'armes. Au sens militaire du terme, ils étaient bien armés.

5 Pendant nos entretiens, au moment où nous avons élaboré l'accord sur

6 le plaidoyer, et j'ai l'impression que l'Accusation l'a fait également

7 aujourd'hui, elle a manqué de présenter un document très important. Il me

8 semble qu'il n'ait pas appartenu uniquement aux yeux de la Défense, mais

9 aussi pour établir ce qui en est des circonstances, à la fois aggravantes

10 et atténuantes. La colline de Bogos, ainsi que Stupni Do, constituaient un

11 élément très important pour l'ABiH. Si vous examinez plus en détail notre

12 analyse, qui figure dans les mémoires soumis par la Défense lorsque nous

13 évoquons les faits importants dans le cadre de la fixation de la peine,

14 vous verrez que précisément au mois de juin, Ivica Rajic avait lancé un

15 appel à la population de Stupni Do et de Dastanski, les deux villages étant

16 musulmans, à rendre leurs armes. Les habitants de Dastanski l'ont fait.

17 Cependant ceux de Stupni Do ne l'ont pas fait tout simplement parce que

18 l'ABiH leur avait dit que si l'armée croate insistait là-dessus, que la

19 ville de Vares allait subir un bombardement, si ses armes étaient rendues.

20 Nous avons vu des documents photographiques, nous avons vu à

21 l'instant également un extrait vidéo qui nous permet de voir précisément ce

22 que je suis en train de souligner. Bogos et Stupni Do étaient très

23 importants aux yeux de l'ABiH par rapport à leur situation en fonction de

24 la ville de Vares.

25 Pour ce qui est des défaites, tout comme l'Accusation a présenté un

26 aperçu des faits, je souhaite moi aussi le faire à mon tour. Qu'est-ce que

27 ce qui s'est produit à Stupni Do ? Je voudrais également citer quelques

28 déclarations qui ressortent des entretiens d'information qui ont lieu avec

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1 des soldats ou avec les personnes qui se sont trouvées à Stupni Do, plus

2 précisément avec --

3 Je pense que dans ce contexte il faudrait passer à huis clos partiel

4 puisque telle a été l'une des observations de la Chambre et de

5 l'Accusation. à savoir qu'il s'agit de déclarations de nature

6 confidentielle.

7 Je m'en remets à la Chambre

8 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Passons à huis clos

9 partiel.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

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13 [Audience publique]

14 Mme KOSTA : [interprétation] Je poursuis. S'agissant des hommes qui étaient

15 placés sous les ordres d'Ivica Rajic.

16 Il est nécessaire de souligner que c'était une situation de guerre.

17 Ivica Rajic n'a fondé ni les Maturice, ni les Apostoli. Les Maturice on été

18 créés par M. Tihomir Blaskic. Rajic les a hérités, et après la mort de

19 Lucic, il a changé leurs noms. D'ailleurs, c'étaient des militaires de

20 carrière. Il y avait un certain nombre d'informations connues à leur sujet,

21 à savoir qu'ils étaient responsables de certaines infractions. L'un d'entre

22 eux auraient coupé des oreilles. Comme l'affirme le Procureur, l'autre

23 aurait coupé trois têtes. Cependant, Ivica Rajic n'était pas l'individu qui

24 a empêché des poursuites à leur égard pour éviter qu'ils ne soient

25 sanctionnés. L'Accusation sait, sur la base des documents, des preuves, que

26 c'est précisément Ivica Rajic et la deuxième zone opérationnelle, qui ont

27 été les seuls, à l'époque, à poursuivre pour certaines infractions ou actes

28 délictueux. Ivica Rajic a poursuivi en temps voulu, lorsqu'il était mis au

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1 courant des infractions.

2 Il convient cependant de préciser que c'est un collège qui a décidé de ne

3 pas engager des poursuites lorsque cette décision a été prise. Ce n'était

4 pas une décision prise par Ivica Rajic seul.

5 Lorsque l'ordre à été donné à Maturice de lancer cette opération vers

6 Stupni Do, il convient de savoir et de souligner qu'Ivica Rajic n'a

7 nullement donné l'ordre d'outrepasser leur mission.

8 Voyons ce qui a été fait, ce qui s'est produit à Stupni Do.

9 Lorsque nous parlons de crimes de guerre, lorsque nous parlons de

10 commission d'actes qui ont à voir avec les crimes de guerre, il faut savoir

11 qu'à chaque fois, il s'agit d'un acte atroce. Je me félicite de la question

12 qui a été posée par Mme le Président de la Chambre, lorsqu'elle s'est

13 adressée à l'Accusation, et lorsqu'elle lui a demandé si elle considérait

14 que, compte tenu de la couverture médiatique de cet acte-là, que c'est

15 précisément à cause de cela que la qualification de l'acte a été telle

16 qu'elle a été par l'Accusation. Le Procureur a répondu que cela n'a

17 certainement pas été le cas.

18 J'ajoute qu'immédiatement après les événements de Stupni Do, dans la

19 localité de Donja Grabovica, un massacre a été commis contre la population

20 civile croate. C'est un fait largement connu. Dix-neuf femmes, personnes

21 âgées et enfants ont été massacrés, égorgés par des Musulmans. Chaque tête

22 a été coupée et empalée par la suite.

23 Je me suis intéressée à tous les crimes commis sur le territoire de Bosnie-

24 Herzégovine, mais je vois que là, c'est un crime qui n'a jamais été

25 poursuivi. Je pense que Stupni Do précisément, compte tendu de la manière

26 dont il a été présenté au public, a permis que l'Accusation en parle,

27 notamment aujourd'hui comme étant l'un des crimes les plus graves commis

28 dans l'ex-Yougoslavie.

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1 Je tiens aussi à attirer votre attention sur quelques autres détails,

2 par exemple, le nombre de victimes de Stupni Do. Nous avons accepté qu'il

3 s'agissait de 36 individus. Lorsque nous avons parlé de la fixation de la

4 peine dans notre mémoire, j'ai pensé qu'il était utile d'ajoute deux listes

5 de victimes. Une liste de victimes de Stupni Do, qui a été dressée

6 immédiatement après les événements, le moment où les photographies et la

7 vidéo, qu'on a vues aujourd'hui, ont été faites. Il n'a absolument pas été

8 signalé, à ce moment-là, que la question se posait pour d'autres personnes,

9 mais ils ont dit que le 23 octobre 1993, on a identifié et enterré les

10 personnes suivantes, qui figurent par leurs noms, prénoms, l'année de

11 naissance, et le lieu de résidence de 1 à 17 sur la liste.

12 Pratiquement un an plus tard, une nouvelle liste a été dressée. La

13 liste des victimes, où l'on peut compter 38 victimes. C'est ce que je tiens

14 à faire observer au sujet de leur nombre. Dans cette deuxième liste, vous

15 verrez la majorité des morts ont été désignés comme combattants et non pas

16 leur lieu de résidence déclaré à Stupni Do.

17 J'ajoute que par la signature de l'accord et la reconnaissance de la

18 culpabilité, nous avons reconnu également tout ce qui a été trouvé sur

19 place comme élément à Stupni Do. Il convient de prendre en compte les

20 déclarations des témoins oculaires et de certains représentants de la

21 FORPRONU qui ont déclaré, comme l'a mentionné aujourd'hui le Procureur,

22 qu'il y avait des corps, par exemple, brûlés mais qui ne sentaient pas

23 l'essence. A certains endroits, il est dit qu'il y avait des ossements de

24 corps brûlés mais qu'à ce moment-là, ni encore aujourd'hui, il n'a été

25 possible de déterminer s'il s'agissait d'os appartenant à des animaux ou à

26 des êtes humains.

27 Indépendamment du fait que les combats ont eu lieu de maisons en

28 maisons. Certes. Dans certaines maisons, et nous le trouvons dans les

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1 déclarations de certains témoins, dans certaines maisons, il y a eu des

2 tonneaux de carburant ou de mazout et elles ont pu brûler et elles ont

3 brûlé à causé de cela. Puis la question des victimes collatérales se pose

4 également. L'un des témoins oculaire, par exemple, qui a vu les cadavres, a

5 déclaré qu'il n'était pas possible de déterminer si la blessure au cou de

6 la victime était une blessure due au fait que la victime a été égorgée ou

7 due à une balle qui est passée par le cou.

8 Pourquoi la Défense en parle-t-elle ? Elle ne parle parce qu'il

9 s'agit là de faits dont nous sommes tous au courant en l'espèce et il

10 convient de les prendre en considération parce qu'ils nous permettent de

11 savoir l'incertitude qui plane sur certaines des causes des morts.

12 Je pense que je dois aussi --

13 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Un instant, s'il vous

14 plaît, Maître Kosta, je regarde l'heure, il vous reste encore jusqu'à

15 l'heure pleine moins le quart.

16 Vous savez que ce qui est contraignant pour nous c'est l'accord sur

17 le plaidoyer. Un certain nombre de choses ne sont plus pertinents pour vous

18 malheureusement. Je vous demanderais de vous polariser sur la fixation de

19 la peine, la gravité du crime et également les circonstances aggravantes et

20 atténuantes. Merci.

21 Mme KOSTA : [interprétation] Je souhaite maintenant dire quelque chose à

22 propos de ma défense. Ceci a été préparé de façon complètement différente

23 jusqu'au moment où j'ai entendu vos quatre questions, Madame le Président.

24 Je dois dire que ceci m'a amenée à dire quelque chose que je n'avais pas

25 l'intention de dire à l'origine. Je crois que ceci est un élément très

26 important lorsqu'il s'agit de circonstances atténuantes.

27 Etant donné qu'il ne me reste plus que 15 minutes, permettez-moi

28 maintenant, s'il vous plaît, de parler des circonstances suivantes. Je vais

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1 être très brève.

2 Ivica Rajic ne s'est pas rendu à Vares pace qu'il le souhaitait.

3 Ivica Rajic s'est rendu à Vares parce qu'il a reçu l'ordre qui lui a été

4 donné par son supérieur hiérarchique, le commandant Petkovic. Ivica Rajic

5 y a été envoyé pour évaluer la situation et prendre certaines dispositions.

6 Ivica Rajic ne souhaitait certainement pas que les conséquences dont il est

7 accusé, que ces conséquences se produisent. Il est ensuite retourné à

8 Kiseljak. Il a rédigé un rapport. Je dois dire que ce rapport a été rédigé

9 sur la base des connaissances qu'il avait à l'origine lorsqu'il est entré

10 dans le village de Stupni Do. Il a pu constater qu'une force plus

11 importante d'un côté que de l'autre avait été utilisée. En se fondant là-

12 dessus, lorsqu'il a rédigé son rapport, il a inclus un certain nombre

13 d'éléments qui auraient dû mener à une enquête. Ses supérieurs

14 hiérarchiques auraient dû mener cette enquête.

15 Lorsqu'Ivica Rajic est arrivé à Kiseljak, compte tenu du fait que je

16 souhaite présenter, (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé), s'il vous plaît. Merci.

19 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Huis clos partiel.

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel

21 [Audience à huis clos partiel]

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11 [Audience publique]

12 Mme KOSTA : [interprétation] Ivica Rajic, après cela, a été promu par

13 Tihomir Blaskic, le 1er novembre 1993. Le HVO l'a promu au rang de

14 brigadier. Il faisait partie de l'armée à ce moment-là. Il faut savoir que

15 les dirigeants hauts placés en Croatie savaient tout ce qu'il se passait.

16 Bien que ceci n'ait pas été présenté, nous avons nos propres comptes rendus

17 d'audience dont dispose également l'Accusation. A cette réunion-là, le

18 président Tudjman et le ministre des Affaires étrangères a dit ce qui suit

19 à l'intention du public qu'il ne suffisait pas seulement de le remplacer,

20 mais qu'il fallait mener une enquête.

21 Je dis ceci par rapport à ce qu'a dit l'Accusation, car l'Accusation

22 a dit qu'Ivica Rajic souhaitait étouffer ceci et que c'était la raison pour

23 laquelle il avait changé d'identité. Ceci ne tient pas debout. Il n'a pas

24 tenté d'étouffer l'affaire. Il n'a pas changé d'identité parce qu'il le

25 souhaitait, mais parce qu'on lui a ordonné de le faire. Je crois que nous

26 avons fourni tous les éléments nécessaires pour étayer cela, pour les

27 montrer à l'Accusation. Je crois qu'il s'agit là des circonstances

28 atténuantes concernant l'accusé.

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1 Ivica Rajic est arrivé en Croatie d'après un ordre qui lui avait été

2 intimé par les autorités croates. Il est resté en Croatie entre 1994 et

3 vers la mi-décembre 1996. Il est vrai ce que M. Scott a dit aujourd'hui,

4 mon confrère de l'Accusation, en répondant à une de vos questions, a dit

5 juste, lorsqu'on lui a posé la question quand a-t-il su pour la première

6 fois qu'un acte d'accusation avait été dressé contre lui ? Il a répondu en

7 disant que c'était vers le 9 janvier 1996.

8 Vous savez ce qui s'est passé à ce moment-là ? Il a donné tout

9 pouvoir à son avocat Hodak et s'en est remis à lui. Ce dernier lui a dit

10 qu'il devait préparer sa défense et qu'il devait non pas se protéger lui-

11 même, mais protéger la Croatie, et ne pas dire tout ce qui s'était passé,

12 ne pas dire toute la vérité.

13 Après quoi, Ivica Rajic a mis fin à sa collaboration avec son avocat

14 Hodak, et je dois dire qu'à ce moment-là, il s'est caché et a réussi à

15 rassembler un certain nombre de documents qu'il a mis à la disposition du

16 bureau du Procureur.

17 C'est ce que je voulais dire à propos des circonstances aggravantes.

18 Maintenant, le fait qu'il soit en fuite, je dois dire que les

19 conséquences de sa fuite ont été très difficiles à supporter pour Ivica

20 Rajic lui-même. Vous allez sans doute me dire pourquoi. Le fait qu'il ne se

21 soit pas présenté devant le Tribunal de La Haye, c'est quelque chose qu'il

22 a fait, car il a suivi les ordres qui lui avaient été donnés par ses

23 supérieurs hiérarchiques. A l'époque, il y avait des procédures devant ce

24 Tribunal qui étaient des procédures très dures contre le général Tihomir

25 Blaskic. Comme il n'a pas comparu, il n'a pas pu contester bon nombre des

26 affirmations faites par cet accusé. Cet accusé, par la suite, a été

27 condamné pour un certain nombre de crimes.

28 C'est que je voulais dire par rapport aux circonstances aggravantes

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1 qui ont été citées ici.

2 Pour ce qui est des circonstances atténuantes, je souhaite dire ce

3 qui suit. Ivica Rahic a été d'accord pour coopérer avec le Tribunal de La

4 Haye et le bureau du Procureur du Tribunal de La Haye. Il a reconnu sa

5 culpabilité, et la raison en est qu'il souhaitait directement, sans faire

6 souffrir davantage les victimes, expliquer exactement au Tribunal ce qui

7 s'était passé en Bosnie centrale, ou plutôt ce qui s'était passé dans sa

8 zone de responsabilité.

9 De surcroît, Ivica Rajic, après avoir changé de nom, car c'est

10 quelque chose qu'on lui a commandé de faire, on lui a demandé de s'appeler

11 Viktor Andric et de rester commandant du poste de commandement avancé. Il a

12 participé à la percée du couloir de Busovaca, mais aucun crime n'a été

13 commis à ce moment-là.

14 J'en ai terminé.

15 Pardonnez-moi, il y a une autre circonstance que je souhaite évoquer, à

16 savoir, l'entrée dans Stupni Do par la FORPRONU et le fait que la FORPRONU

17 n'a pas eu accès à la ville et n'a pas pu entrer. Je dois dire qu'Ivica

18 Rajic, encore une fois, répondait aux ordres de M. Blaskic, et ceux-ci sont

19 portés en annexe à ces documents. Ce n'est pas quelque chose qui était

20 caractéristique de cet homme, Ivica Rajic.

21 L'autre partie faisait la même chose. L'ABiH faisait ce genre de

22 chose aussi. Nous verrons, dans les documents 01813328, que ceci n'est pas

23 contesté. Rasim Delic a également empêché la FORPRONU d'entrer dans les

24 villages croates sur le territoire où l'ABiH menait ses opérations.

25 Ivica Rajic, et c'est quelque chose qui a été porté à la connaissance

26 de l'Accusation, la question qui se pose, c'est : pourquoi la FORPRONU

27 n'était pas entrée dans Stupni Do ? Précisément, parce qu'à Stupni Do, les

28 citoyens n'étaient pas protégés, mais que si les membres de la FORPRONU

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1 pénétraient dans le village, les soldats qui se trouvaient à Stupni Do

2 devaient partir. Ceci peut être constaté à la lecture d'un document qui a

3 été remis à ce Tribunal, document 00793182, où précisément un des membres

4 de l'ABiH a Stupni Do a précisé ce qui suit : "Par un moyen de

5 transmission, on nous a avertis que les soldats seraient transportés par la

6 FORPRONU. Nous sommes trois, nous avons des armes. Nous allons laisser nos

7 armes dans les bois et enlever les insignes militaires."

8 Et j'ai répondu : "J'ai pris mon insigne, j'ai enlevé mon uniforme et

9 je me suis habillé en civil."

10 Donc, ce que dit M. Rajic, c'est ce qui suit : lorsque les opérations

11 de guerre étaient déployées, cela ne relevait pas de sa volonté, le fait

12 d'empêcher la FORPRONU de rentrer dans le village. Mais c'étaient les

13 circonstances qui dictaient cela, et on aurait pu abuser la FORPRONU si

14 elle était entrée.

15 La Défense et M. Rajic ont signé l'accord de plaidoyer, et il a

16 déclaré qu'il était coupable des différents chefs cités dans l'acte

17 d'accusation. Il a fait preuve d'un véritable remords, et c'est la raison

18 pour laquelle nous suggérons à cette Chambre de fixer une peine de 12 ans

19 pour mon client.

20 Je souhaite également dire que dans les arguments que j'ai présentés

21 par écrit, j'ai évoqué un certain nombre de faits et de chiffres qui

22 permettent à la Chambre d'avoir une vue d'ensemble et que les Juges

23 pourront ainsi soupeser la peine en ayant connaissance de tous ces

24 éléments.

25 Je pense qu'une peine de 12 ans servirait cet objectif, la

26 dissuasion, et qu'elle permettrait de rendre justice.

27 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Est-ce que vous

28 pouvez éteindre votre microphone, s'il vous plaît.

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1 Merci, Maître Kosta. J'ai une objection d'ordre général à faire et

2 peut-être une question à poser.

3 Mon observation d'ordre général est celle-ci : dans vos arguments,

4 vous avez signalé un certain nombre de choses qui contredisent les faits,

5 les faits sur lesquels vous êtes tombé d'accord dans l'accord sur le

6 plaidoyer. Vous devez savoir que nous, Juges de la Chambre, sommes tenus de

7 respecter ces faits, d'en tenir compte, et par conséquent nous allons

8 ouvrir le débat sur un certain nombre de points que vous souhaitez

9 maintenant soulever ou porter à notre attention ou des faits que vous

10 souhaitez présenter sous un angle différent. Ceci ne peut pas être fait à

11 ce stade de la procédure. Par conséquent, je ne vais pas aborder ceci dans

12 le détail. Je souhaite simplement que vous soyez au courant de cela.

13 J'ai une question à vous poser, mais c'est peut-être quelque chose

14 que je peux poser directement à M. Rajic lorsqu'il fait sa déclaration plus

15 tard.

16 La Chambre de première instance a très peu d'éléments sur les

17 circonstances personnelles entourant M. Rajic. Vers la fin, vous avez parlé

18 de ce que vous évoquez dans votre mémoire. Est-ce qu'il y a quelque chose

19 que vous pourriez rajouter pour aider les Juges de la Chambre à bien

20 comprendre les circonstances personnelles entourant l'accusé ? Peut-être

21 que lui-même peut répondre.

22 L'INTERPRÈTE : Maître Kosta, microphone, s'il vous plaît.

23 Mme KOSTA : [interprétation] Madame le Président, pour ce qui est des

24 circonstances personnelles concernant l'accusé, je dois dire que l'accusé,

25 jusqu'au moment où il a été traduit devant ce Tribunal, n'a jamais été

26 condamné pour aucun crime, qu'il n'a jamais formé de coalition pendant la

27 guerre. C'était un homme respecté au sein de la communauté dans laquelle il

28 vivait. Dans sa jeunesse, c'était un homme respecté qui venait d'une

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1 famille défavorisée, et tout ce qu'il a fait, il l'a fait de lui-même.

2 C'est un père de trois enfants et il attend un quatrième enfant. Sa

3 femme travaille également. C'est un homme qui a toujours été respecté par

4 son entourage.

5 C'est tout ce que je puis dire à son sujet.

6 Pour ce qui est des autres circonstances personnelles, je pense qu'il

7 sera mieux à même d'en parler lui-même. Mais c'est ce que je puis dire en

8 tant qu'homme et en tant que membre d'une communauté.

9 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci beaucoup, Madame

10 Kosta.

11 Madame le Juge Nosworthy.

12 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Kosta, j'avais remarqué la

13 même chose que Mme le Président. Vous n'avez pas tenu compte des

14 circonstances de l'accusé. C'est quelque chose que vous avez omis de

15 mentionner.

16 Vous dites qu'il vient d'un milieu défavorisé. Autrement dit, il était

17 pauvre lorsqu'il était jeune. Est-ce que vous pouvez nous en parler

18 davantage, nous parler de ces circonstances-là ? Quel type de relation

19 avait-il avec ses parents ? Ceci fait partie de ces circonstances

20 personnelles ? Y a-t-il autre chose que vous pourriez nous dire et qui

21 pourrait aider les Juges de la Chambre en la matière ?

22 Mme KOSTA : [interprétation] Pour ce qui est de son passé, je crois qu'il

23 s'agit d'éléments qui s'appliquent à tout être humain, et c'est la raison

24 pour laquelle j'estimais qu'il n'était pas nécessaire d'apporter avec moi

25 les documents pour vous signaler cela. C'est peut-être une erreur de ma

26 part et j'espère que ceci n'aura pas d'incidence sur mon client.

27 Il était un très bon élève, un très bon étudiant. Il a fait son service

28 militaire jusqu'au bout, et sa famille était très pauvre. Il devait devenir

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1 prêtre. Il n'a pas été membre des forces sur le terrain. C'était un

2 ingénieur. Il travaillait surtout au niveau des radars. Malheureusement, la

3 guerre a éclaté et tout ce qui s'est passé s'est passé.

4 Pour ce qui est des circonstances atténuantes, je souhaite ajouter quelque

5 chose que nous avons omis de parler. Nous, équipe de la Défense, lorsque

6 nous voulions vérifier les déclarations de certaines personnes, comme Nenad

7 Rajic, qui vivait à Kiseljak et qui a parlé des relations qu'ils avaient

8 avec les Musulmans, au mois de juin, le village de Rotilj, qui se trouve à

9 côté de Kiseljak, et ce en 1993, la population était quasiment à 100 %

10 musulmane. Il y avait 1 500 Musulmans qui ont été chassés.

11 Ce témoin, Nenad Rajic, a dit qu'Ivica Rajic a rendu visite quotidiennement

12 à ces personnes pour demander qu'on ne touche à aucun cheveux de ces

13 personnes en question, que ces personnes fassent l'objet d'un échange ou

14 non.

15 Il y avait une autre déposition faite par le témoin Jakov Bienfeld, qui,

16 sans avoir été convié pour le faire, et un article de presse est sorti à

17 cet égard, et qui précisait qu'Ivica Rajic, pendant le siège des Juifs à

18 Sarajevo en 1993, avait organisé le départ de 2 000 Juifs de Sarajevo sans

19 autre forme de compensation ou rémunération financière. Il a permis à 2 000

20 Juifs de quitter la ville de Sarajevo.

21 Voici les circonstances atténuantes que je souhaitais ajouter.

22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je souhaite vous remercier. Votre

23 compétence n'a absolument pas été mise en doute, simplement un effort pour

24 obtenir davantage d'éléments sur les circonstances qui nous intéressent ici

25 et qui permettraient aux Juges de la Chambre de mieux fixer la peine en

26 fonction des différentes questions qui leur sont présentées.

27 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je n'ai pas de questions

28 particulières à vous poser.

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1 Maître Kosta, simplement, vous avez souligné ceci : "Nous avons fait preuve

2 d'un remords véritable." Avant de nous adresser directement à l'accusé,

3 pourriez-vous nous dire comment s'est traduit ce remords jusqu'à présent ?

4 Mme KOSTA : [interprétation] Mesdames et Monsieur les Juges, ce remords

5 s'est exprimé d'une façon qui peut vous sembler absurde, mais ceci s'est

6 fait dès le départ, dès qu'Ivica Rajic a compris qu'un acte d'accusation

7 avait été dressé contre lui. A ce moment-là, il était disposé à se rendre,

8 à venir devant le Tribunal pour expliquer ce qui s'est passé. Pourquoi

9 l'enquête n'avait pas été menée ? Pourquoi les choses se sont passées comme

10 elles se sont passées ? Une fois qu'il avait reçu ces instructions et qu'on

11 lui avait demandé de garder le silence, et qu'on lui avait demandé de dire

12 qu'une guerre n'avait jamais eu lieu sur le territoire de la Bosnie-

13 Herzégovine, ce sont les instructions qu'il a reçues. Ceci peut vous

14 paraître absurde, mais il a commencé à rassembler des documents, documents

15 qu'il a remis récemment au bureau du Procureur, et il s'est mis à la

16 disposition de l'Accusation en tant que témoin dans les futures affaires.

17 Je dois également vous dire qu'après son arrestation, et c'est quelque

18 chose qui peut être confirmé par M. Scott - je n'étais pas le conseil

19 principal de M. Rajic; j'étais simplement co-conseil au début de sa

20 défense. Mais en 2003, M. Rajic a dit au conseil qui le représentait alors,

21 M. Olujic, qu'il était disposé à témoigner dans l'affaire Blaskic en appel

22 pour réfuter tout ce qui avait été dit et qui ne correspondait pas à la

23 vérité dans cette procédure-là.

24 Lorsque j'ai posé la question à M. Scott et je lui ai demandé s'il le

25 savait, car M. Olujic a toujours dit qu'il en avait informé M. Scott et

26 qu'il pouvait réagir, et je dois dire que cela m'a laissé sans voix.

27 Donc, le remords a clairement été exprimé dès le premier jour de son

28 arrivée ici, et mon client n'a jamais essayé d'échapper à ses

Page 241

1 responsabilités. Il ne souhaitait pas simplement coopérer à cause de la

2 menace qui pesait sur lui en vertu de l'article 11 bis. Il a décidé de

3 coopérer dès le départ.

4 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

5 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je suppose, Maître Kosta,

6 que vous n'avez plus d'autres éléments à ajouter sur ce que vous venez de

7 déclarer aujourd'hui ? Vous n'avez plus d'autres moyens à présenter ?

8 Mme KOSTA : [interprétation] Non, je n'ai pas d'autres documents à vous

9 soumettre.

10 Mais puisque nous parlons de ces circonstances atténuantes et aggravantes,

11 permettez-moi de vous parler d'une autre circonstance atténuante. Parmi les

12 documents qui nous ont été communiqués, à vous-même et à nous, par le

13 bureau du Procureur, il est clair que Stupni Do comportait une cinquantaine

14 de maisons et 250 habitants, et 50 maisons ont été détruites. Ceci a été

15 prouvé. Quoi que ce soit, à la page 00332872A, nous voyons une photographie

16 ici qui nous montre le cimetière. Le cimetière qui existait dans le village

17 de Stupni Do est resté intact, était complètement préservé.

18 De surcroît, nous avons montré des photographies, ce sont nos pièces à

19 conviction, pour vous montrer que la mosquée musulmane est restée intacte.

20 Pourquoi est-ce que je parle de ceci maintenant ? J'en parle pour vous

21 montrer quel type d'opération a été mené à Bogos et à Stupni Do, pour vous

22 dire de quel type d'attaque il s'agissait.

23 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Nous allons maintenant nous

24 tourner vers M. Rajic.

25 Monsieur Rajic, vous avez l'occasion de faire une déclaration maintenant,

26 et ceci va porter sur vos propres sentiments. Vous allez parler de ces

27 événements du mois d'octobre 1993 et vous allez parler de votre

28 participation à ces événements. Je ne vais pas vous demander de faire des

Page 242

1 déclarations solennelles. Est-il exact que vous allez nous parler de vos

2 sentiments ?

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] [aucune interprétation]

4 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Vous pouvez prendre la

5 parole, Monsieur Rajic.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite vous dire quelques mots de tout ce

7 qui s'est passé dans cette guerre malheureuse. Je vous remercie de la

8 compréhension que vous m'avez témoignée en reportant l'audience précédente,

9 en constatant l'état dans lequel je me suis trouvé à ce moment-là.

10 Je dois vous dire que l'une des raisons pour lesquelles je me suis

11 trouvé dans cette situation-là a disparu entre-temps, n'existe plus, mais

12 je ne sais pas quelle sera l'évolution de la situation. Je tiens néanmoins

13 à vous remercier de la compréhension que vous m'avez témoignée.

14 Notre audience se prolonge aujourd'hui. Des choses sont dites,

15 graves, qui détermineront mon destin à l'avenir. Vous comprendrez que je ne

16 suis plus aussi concentré qu'au début. Vous me permettrez peut-être de me

17 référer à mes notes pour vous parler de mon cœur, pour vous dire ce que je

18 pense en ce moment.

19 Madame le Président, Madame, Monsieur les Juges, je vous remercie de

20 m'avoir offert l'occasion, lors de cette rencontre avec la vérité, de

21 prendre la parole enfin, moi aussi, et de dire quelques mots au sujet de

22 moi-même et de la guerre à laquelle j'ai pris part, de ces causes, de ces

23 conséquences tragiques et du rôle que j'ai joué réellement dans les

24 événements qui m'ont fait venir dans ce Tribunal.

25 Je suis né dans un pays où, au moment où j'ai grandi, où je suis allé à

26 l'école, on a cherché à nous convaincre que toutes les raisons historiques

27 avaient trouvé leur solution, toutes les raisons qui avaient, de par le

28 passé, causé des conflits entre les petits peuples de ce pays. Je me

Page 243

1 souviens de ce que j'ai pensé au moment de ma jeunesse. Je me disais que

2 j'avais de la chance de faire partie de cette génération qui ne connaîtrait

3 jamais de guerre, qu'une responsabilité envers soi et envers la société

4 allait nous garantir un avenir heureux.

5 J'ai grandi dans cette conviction-là. J'étais conscient néanmoins de

6 la pauvreté de la famille dont j'étais membre. A l'époque où j'étais encore

7 à l'école secondaire, j'ai su me battre pour obtenir une bourse pour

8 pouvoir poursuivre mes études à l'académie militaire, l'académie militaire

9 de l'armée de l'air où j'ai pu réaliser des résultats très considérables.

10 J'ai acquis des connaissances très poussées dans le domaine des

11 radars et des communications. Je me suis intéressé à tous les acquis dans

12 le domaine, ce qui m'ouvrait des perspectives très solides dans mon

13 domaine. Une jeune fille qui n'appartenait pas au même peuple et à la même

14 confession, mais qui avait des ambitions comparables aux miennes, elle est

15 devenue mon épouse, et sans aucun préjugé, nous avons bâti une famille qui

16 pouvait servir d'exemple.

17 Nous étions convaincus que rien ne pouvait être meilleur, ni plus

18 heureux. Mais des moments de clivage confessionnel, ethnique sont venus sur

19 une grande échelle, et ceci n'offrait pas à l'individu beaucoup

20 d'alternatives. J'ai été forcé de répondre à l'appel de mes voisins, de mes

21 amis, et d'aider à la défense de notre peuple qui était minoritaire. J'ai

22 décidé de rester aux côtés de mon peuple. Cela a toujours été considéré

23 comme le choix qui s'imposait à un homme honorable. Mais malheureusement,

24 le dénouement a été très néfaste.

25 Tous les jours, on avait moins et moins la possibilité de s'extraire

26 à cet enfer. Mes compatriotes souhaitaient que je reste à leurs côtés, et

27 leurs exigences n'ont fait que croître. C'est ainsi que je suis devenu un

28 des protagonistes de la plus terrible des guerres qui a eu lieu dans cette

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1 région. Les plans des grandes puissances et les aspirations des petits

2 peuples visant à structurer la Bosnie-Herzégovine d'après leurs souhaits ne

3 correspondaient pas. Le conflit est né de cela. Du jour au lendemain, des

4 alliances se faisaient et se dénouaient sur ordre des grands. Je savais que

5 mon peuple, le peuple croate, minoritaire en Bosnie-Herzégovine, avait de

6 profondes racines en Bosnie-Herzégovine et qu'il fallait les préserver.

7 Suite à l'agression menée contre la Bosnie-Herzégovine, il était déjà

8 exposé aux grands dangers. J'éprouvais un tel amour pour mon peuple que je

9 suis arrivé à la conclusion que je ne pouvais pas faire d'erreur si je

10 décidais de rester auprès de mon peuple.

11 Encore aujourd'hui, c'est ce que je maintiens.

12 Madame le Président, Madame, Monsieur les Juges, je n'ai jamais été

13 actif dans la vie politique. Je n'ai jamais fixé d'objectifs politiques. Je

14 pensais que nos dirigeants le faisaient de manière suffisamment compétente,

15 ceux que nous avons élus et désignés pour le faire. Hélas, l'évolution des

16 choses a montré que certaines décisions n'étaient ni sages, ni prises en

17 toute responsabilité. Le conflit entre les Croates et les Musulmans

18 n'aurait jamais dû avoir lieu. Des témoins existent, j'ai fourni des

19 preuves d'ailleurs à l'Accusation, montrant de manière convaincante que,

20 dès l'été 1992, de manière déterminée, je me suis opposé aux décisions

21 délirantes de Tihomir Blaskic et de ses protecteurs qui ont amorcé ce

22 conflit en Bosnie centrale.

23 A cause de la position que j'ai prise face à ce conflit, au début de

24 l'année 1993, j'ai été relevé de toutes mes fonctions, pour que cet homme,

25 avec l'appui des mêmes individus, immédiatement par la suite, lance sa

26 deuxième guerre contre les Musulmans. Au sein des deux peuples, j'ai

27 bénéficié d'une autorité, mais au péril de ma vie. J'ai joué un rôle

28 décisif afin d'empêcher ce conflit, ce conflit qui ne pouvait pas avoir de

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1 vainqueurs.

2 Madame le Président, de nombreux témoins ont témoigné à l'appui de

3 cela. Il existe de nombreux documents qui le prouvent et qui grâce à ma

4 coopération, ont été remis au bureau du Procureur. Malgré tout cependant,

5 ces mêmes structures m'ont pratiquement chassé de ma ville natale de

6 Kiseljak.

7 En avril 1993, au moment où ma famille est venue en visite à

8 Kiseljak, je me suis trouvé pris par le tourbillon des événements, où cette

9 même équipe a lancé sa troisième guerre contre les Musulmans. A ce moment-

10 là, il n'était plus possible de faire quoi que ce soit qui aurait pu

11 empêcher ces souffrances inutiles des hommes, de leurs foyers, de leurs

12 localités. Ce qui a été mise en œuvre, c'était un scénario dont j'ignorais

13 tout, moi comme de nombreuses personnes avec qui j'ai pu m'entretenir.

14 Mais ce qu'on a pu voir et ce que j'ai pu apprendre me permettait de

15 comprendre assez facilement ce qui était en train de se dérouler. Il n'y

16 avait absolument pas une double chaîne de commandement. Elle n'a pas

17 existé. Il n'y a pas eu de rupture de communication entre le donneur

18 d'ordres et les événements. Tout se déroulait précisément comme Blaskic

19 l'avait exigé. C'était sur sa décision ou sur ordre émanant de quelqu'un

20 d'autre. J'espère qu'il sera appelé à l'expliquer.

21 Ce sont des lâches qui se sont mis à parler d'une seconde ligne de

22 commandement lorsqu'ils ont souhaité fuir leur responsabilité pour des

23 conséquences catastrophiques. Affirmer qu'il n'y avait pas suffisamment

24 d'information sur les événements sur le terrain, qu'il y avait une

25 isolation physique, que les lignes n'étaient pas stables, c'est une

26 supercherie qui nous dit qu'il n'avait pas de bon sens. Comme tout être

27 raisonnable aurait pu le prévoir, la chance a vite tourné dans la guerre.

28 L'ABiH, en riposte, s'est mise rapidement à attaquer tout ce qui était

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1 croate. La position du peuple croate en Bosnie centrale est devenue

2 catastrophique. On s'est mis à dresser des plans afin que le peuple croate

3 puisse partir. J'ai fourni des preuves à l'appui, des preuves convaincantes

4 au bureau du Procureur.

5 Puis, ces auteurs de la guerre se sont rappelés mon existence. Ils se sont

6 rappelés l'autorité dont je bénéficiais dans le peuple musulman et ces

7 commandants militaires, alors ils m'ont confié le rôle de négociateur. Par

8 la suite, ils m'ont également nommé au poste de commandant. Ils m'ont

9 confié la mission de sauver ce qui pouvait encore être sauvé. Il a été

10 difficile de négocier et de convaincre la partie adverse de quelque chose

11 qui ne correspondait pas à la vérité. J'étais conscient des conséquences

12 tragiques qui allaient se produire si la guerre se prolongeait, donc j'ai

13 fait tout ce que j'ai pu pour arrêter la guerre.

14 Je suis parti au commandement de l'ABiH à Visoko sans préavis. J'ai couru

15 le risque de me faire capturer. Mais encore une fois, j'ai essayé de

16 négocier la fin de la guerre. J'ai fait tout ce qu'ils m'ont demandé, voire

17 même ce qu'ils considéraient eux comme étant impossible. Mais l'escalade de

18 la violence a été telle qu'on n'a plus pu envisager un cessez-le-feu. A

19 partir du moment où c'est l'instinct de survie qui se déclenche, parce

20 qu'on a perdu son foyer ou un membre de sa famille, il était impossible,

21 partout, à tout moment, s'assurer que le comportement de tous les hommes

22 correspondra à ce qui est prescrit. C'est la raison pour laquelle des

23 crimes ont été commis. C'est la raison pour laquelle cette guerre n'aurait

24 jamais dû avoir lieu. Comment faire respecter les limites dans une

25 situation qui de fait est inadmissible, comme l'a été cette guerre.

26 Madame le Président, Madame, Monsieur les Juges, je savais qu'un grand

27 nombre d'hommes que je devais commander avaient perdu leurs foyers, avaient

28 perdu un membre de leurs familles. Je savais que ces hommes avaient leurs

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1 qualités, avaient également leurs défauts. Mais je n'ai pas pu savoir,

2 deviner à l'avance comment ils allaient se comporter dans telle ou telle

3 situation de guerre. J'ai exécuté des missions avec des hommes que j'avais

4 à ma disposition et non pas avec ceux que j'aurais souhaité avoir à ma

5 disposition. Je n'ai jamais commandé qu'un crime soit commis. J'ai toujours

6 ordonné des missions nécessaires dans le cas d'une attaque ou d'une

7 défense.

8 Dans le cadre de mes capacités, j'ai sanctionné immédiatement

9 certains actes sur avis de mes collaborateurs et des instances supérieures.

10 Certains actes ont été répertoriés pour que des actions soient engagées par

11 la suite, au moment où ceci ne serait pas contreproductif, n'aurait pas

12 d'effet néfaste sur la défense. Je me suis opposé à des actes

13 répréhensibles au péril de ma vie. La preuve, les criminels dans mon propre

14 peuple m'attaquaient, et à plusieurs reprises ils ont même tenté de

15 m'assassiner. Des documents à l'appui existent, et ils ont été communiqués

16 par moi au bureau du Procureur.

17 Si je cite tout cela, c'est pour vous illustrer le contexte dans

18 lequel j'ai été amené à agir. Mon départ pour Vares n'avait pas pour

19 objectif la commission d'un crime, aucun crime qui aurait pu susciter

20 l'attaque de l'ABiH sur Vares, suite à quoi le peuple croate, dans le cadre

21 de tel ou tel scénario, aurait dû quitter cette zone.

22 L'attaque menée par l'ABiH sur Vares était en cours depuis plusieurs

23 jours. Le HVO de Vares avait demandé de l'aide, et moi, en exécutant des

24 ordres émis par mes supérieurs, j'ai tenté de faire tout ce que j'ai pu.

25 Hélas, des individus ou des groupes n'ont pas respecté les instructions

26 données par leurs commandants. Dans ce contexte difficile et imprévisible,

27 un crime a été perpétré. Cependant, il n'aurait pas dû justifier des crimes

28 graves commis dans ce secteur contre le peuple croate par la suite.

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1 Madame le Président, il ressort de tout ce qui vous a été présenté,

2 que ce crime, je ne l'ai pas commis et qu'il n'a pas été perpétré avec mon

3 approbation ou alors que j'ai été mis au courant. Ce crime, en revanche, a

4 été commis par des individus et des groupes que je devais commander, dont

5 j'étais supérieur, et c'est la raison pour laquelle j'en suis coupable.

6 Le commandant est celui qui est reconnu à partir du moment où des

7 gestes positifs ont été commis par lui et par des hommes qu'il commande. De

8 même, la déontologie, l'éthique militaire et l'honneur militaire lui

9 commandent de reconnaître la responsabilité pour ce qui n'a pas été fait

10 correctement.

11 Il doit accepter, et j'accepterai la sentence que vous prononcerez à

12 mon encontre. Je regrette qu'il y ait eu des victimes à Stupni Do et à

13 Vares. Ces victimes ont été inutiles, tout comme la guerre entre deux

14 peuples amis.

15 Quant aux familles des victimes, je leur adresse mes excuses et mes plus

16 sincères condoléances pour la douleur qu'ils ont dû éprouver par la perte

17 de leurs plus proches. Je m'exprime de manière tout à fait sincère. Je

18 comprends leur douleur. Cette guerre a causé la même douleur dans ma

19 famille ainsi que dans nombreux d'autres familles, indépendamment de leur

20 appartenance ethnique. Toutes ces victimes ont droit à la vérité et à la

21 justice. Je coopère avec le bureau du Procureur pour contribuer à ce que la

22 vérité se manifeste. Je suis un homme responsable et non pas un homme

23 brisé, comme l'affirme, dans les médias, mon ancien conseil.

24 Je suis convaincu que ce grain de vérité saura être reconnu dans l'océan de

25 mensonges que l'on diffuse depuis des années en Bosnie-Herzégovine et en

26 République de Croatie contre moi. Ce sont des mensonges placés par des

27 individus et par des agents de différents services de Renseignement et

28 autres, pour me forcer à garder le silence et pour occulter la vérité les

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1 concernant, les concernant eux, ainsi que la politique qui m'a transformé,

2 moi et mon peuple, en une victime et en un agresseur dans mon propre pays.

3 Seule la vérité peut aider les générations futures. Je la défendrai. Je la

4 dirai, indépendamment des menaces, voire même des attaques physiques dont

5 j'ai été l'objet à l'Unité de Détention. Ces menaces ne sont pas dirigées

6 uniquement contre moi personnellement, mais contre toute ma famille et

7 aussi contre mon avocate. Par conséquent, je demande à cette Chambre

8 d'utiliser de son autorité pour faire en sorte qu'une protection nous soit

9 assurée.

10 Ceux qui défendent la vérité sont exposés à des méthodes très

11 subtiles utilisées par des gens prêts à tout. Une campagne médiatique, une

12 campagne de renseignement a été lancée sur une grande échelle en République

13 de Croatie contre moi à partir du moment où j'avais passé un accord avec le

14 Procureur. Comment pourrait-on expliquer autrement ce qu'écrit un

15 hebdomadaire très influent croate, qui cite des mensonges et des rapports

16 des services secrets croates, disant que je suis responsable du crime

17 terrible commis au marché de Markale à Sarajevo ? C'est une menace lancée

18 contre ma famille. C'est un mensonge monstrueux. A l'appui, ils publient

19 une photographie de mon épouse, l'adresse de mon appartement, ainsi que la

20 plaque d'immatriculation de notre véhicule. N'est-ce pas une invitation à

21 peine déguisée aux familles des victimes de ce crime pour lyncher ma

22 famille ? Ce qui est encore pire, des mensonges encore plus monstrueux ont

23 été lancés contre moi à la télévision croate dans le cadre d'une émission

24 qui est très suivie, suite à la signature de mon accord de plaidoyer, suite

25 au moment où il a été rendu public.

26 Faut-il préciser que mon ancien conseil a pris part à ce programme

27 télévisé, mon avocat au sujet duquel je n'avais que deux mots à dire de par

28 le passé. Il s'agit de duperie, supercherie, de menaces en Croatie, de la

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1 part de certains qui avaient coopéré de par le passé avec ce Tribunal. Ceci

2 m'incite à faire preuve de prudence et à me préoccuper de la sécurité de ma

3 famille. Il s'agit de méthodes bien connues. Il s'agit de personnes qui

4 sont au service du régime dans les rangs des services de sécurité croates,

5 du renseignement croate, services d'information et de sécurité croates, des

6 différents clans qui avaient orchestré les événements de guerre et qui

7 avaient dirigé nos destins, afin de se protéger, afin de protéger leur

8 donneur d'ordre. Ils l'occultent. Ils dissimulent la réalité, tout en

9 falsifiant des preuves, en produisant de nouvelles qui sont fausses pour

10 incriminer les innocents et pour tromper l'opinion publique croate ainsi

11 que ce Tribunal.

12 Je sais que le bureau du Procureur prend des mesures concrètes pour révéler

13 des constructions fausses et mensongères qui avaient été placées devant ce

14 Tribunal, et sincèrement, j'espère avoir l'occasion de prendre part à cela.

15 Madame le Président, voilà, j'ai fait tout ce qui a été à mon pouvoir pour

16 que la vérité toute entière se manifeste. Vous avez entre vos mains des

17 preuves solides de tout ce qui s'est produit. Je fais confiance à votre

18 sagesse et à votre courage, qui vous permettront de déterminer une peine

19 juste. Je prie Dieu pour qu'il me donne le courage et la santé de purger ma

20 peine de manière intègre et honnête pour pouvoir retrouver ma famille qui

21 depuis longtemps, de manière indue, est victime de ces événements et qui en

22 souffre au premier chef.

23 Je vous remercie.

24 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie beaucoup

25 pour votre déclaration, Monsieur Rajic.

26 Après les arguments de votre conseil, j'ai une observation également

27 à faire, ainsi que deux questions à vous poser.

28 Mon observation est la même que celle que j'ai faite par rapport au point

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1 évoqué par votre conseil, à savoir que vous, dans votre déclaration, vous

2 vous êtes écarté d'un certain nombre de points et des faits sur lesquels

3 vous êtes tombés d'accord au niveau de l'accord sur le plaidoyer, et la

4 Chambre ne peut tenir compte que des faits contenus dans ce plaidoyer

5 lorsqu'elle se prononcera sur la peine.

6 Je vais maintenant aborder ces deux questions que je souhaite vous poser.

7 Vous pouvez nous demander de passer à huis clos partiel si vous le

8 souhaitez, si vous pensez que la réponse le justifie.

9 Ma première question porte sur votre remords, et je pense à ce que votre

10 conseil vienne de nous dire, à savoir que vous avez, pour la première fois,

11 exprimé du remords lorsque vous avez été arrêté. Vous avez manifesté votre

12 remords à ce moment-là. Donc, la question que je vous pose est celle-ci :

13 pourquoi avez-vous mis autant de temps pour plaider coupable ? Pourquoi

14 n'avez-vous pas traduit dans la réalité ce remords plus rapidement ?

15 La deuxième question est une question que j'ai également posé au Procureur

16 déjà, à savoir, le lien qui pourrait éventuellement exister entre la

17 procédure qui consistait à vous renvoyer devant un tribunal de Bosnie-

18 Herzégovine, auquel vous vous êtes opposé, si je comprends bien. Et votre

19 plaidoyer de culpabilité a été présenté à ce moment-là, qui était un moment

20 très important au cours de ces trois mois en l'année 2005. Est-ce qu'il y a

21 un lien entre les deux ou pas ?

22 C'est la question que je souhaite vous poser. Vous pouvez rester

23 assis.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame le Président, les faits qui vous ont été

25 exposés et présentés ici par la Défense et moi-même et l'Accusation sont

26 les résultats d'un compromis et de la présentation d'arguments

27 contradictoires des deux côtés.

28 Ce que je dis, c'est que je ne souhaite absolument pas remettre en

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1 cause l'exposé des faits que vous avez sous les yeux, qui est un document

2 qui a été signé. Je souhaitais saisir cette occasion pour parler des

3 événements au sens large et du rôle que j'ai joué au niveau de ces

4 événements, et je ne pense pas que ce soit mal de faire cela.

5 Etant donné que j'ai été un maillon dans la chaîne de commandement,

6 puisque je suis, par là même, lié à mon commandement, je souhaitais

7 brièvement décrire le rôle que j'ai joué dans tout ce qui s'est passé. Je

8 souhaitais vous décrire la situation et vous parler de la vie à ce moment-

9 là.

10 Deuxièmement, pour ce qui est de mon remords, le remords dont je fais

11 preuve maintenant, je souhaite vous dire que je ne souhaitais pas me

12 soustraire à la vérité, jamais, même pas le premier jour. J'ai parlé à mes

13 supérieurs hiérarchiques de tout ce qui se passait. Comme vous le savez, il

14 y avait des intérêts contradictoires à l'époque, et des instances

15 supérieures ont pris certaines décisions et m'ont demandé de me comporter à

16 la manière dont je me suis comporté. Je n'ai pas eu le choix. On m'a

17 demandé, l'Accusation est tout à fait au courant de cela et les preuves ont

18 été apportées à cet égard, on m'a demandé de me comporter d'une certaine

19 manière. Ceci n'était pas de mon fait. On m'a demandé d'être en fuite et de

20 changer de nom.

21 Deuxièmement, dès que l'acte d'accusation a été dressé contre moi, il y a

22 des preuves écrites à cet égard pour étayer cela, j'ai demandé à pouvoir

23 préparer ma défense pour pouvoir comparaître devant ce Tribunal. On m'a dit

24 que j'allais recevoir de l'aide, mais que je devais défendre la politique

25 menée par Zagreb. Il y a des documents à l'appui de cela, documents qui

26 sont en la possession de l'Accusation. Je n'ai pas pu donner mon accord sur

27 ce point-là.

28 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Souhaitez-vous passez à

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1 huis clos partiel ?

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, pas en ce qui me concerne. Cela n'est pas

3 utile. Comme je vous l'ai dit, je n'étais pas d'accord pour faire cela, que

4 j'allais me défendre et que j'allais me défendre moi-même, car je suis seul

5 accusé. Pour ce qui est des autres accusés, ils pouvaient choisir l'avocat

6 de leur choix.

7 Donc, j'ai été menacé face à cette situation. Je souhaitais me

8 préparer, et la préparation de mon procès a été compromise. J'ai fait

9 l'objet de manipulation, car une autre affaire allait se dérouler contre

10 l'accusé Blaskic. Il savait que je n'allais pas cacher la vérité, puisque

11 le procès de Blaskic allait se terminer. Ils savaient que je n'allais pas

12 cacher la vérité et que ceci pouvait porter préjudice à M. Blaskic. C'est à

13 ce moment-là que j'ai réalisé que j'étais manipulé. Je me suis rendu compte

14 qu'il se passait certaines choses dans les coulisses pour sauver la vie de

15 certaines personnes au détriment d'autres. C'est à ce moment-là que j'ai

16 réagi de façon active. J'ai rassemblé des éléments de preuve. J'ai été

17 arrêté à un moment donné, et je ne souhaitais plus rester caché, ni être en

18 fuite. Telle est la vérité.

19 Mon remords existe depuis le premier jour. Ils ont essayé de me manipuler.

20 Je n'aurais pas pu dire la vérité comme cela, car ceci allait à l'encontre

21 des intérêts de certaines institutions et de certains individus. Ceci

22 aurait été à leur avantage, et je n'ai pas souhaité le faire.

23 Quelle était la troisième question, s'il vous plaît ?

24 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] La troisième question était

25 celle-ci : y avait-il un rapport entre votre plaidoyer de culpabilité et le

26 fait que vous ne souhaitiez pas être renvoyé devant un tribunal de Bosnie-

27 Herzégovine ? C'est quelque chose qui a été envisagé par l'Accusation

28 l'année dernière puisque ceci était porté à l'attention de la Formation de

Page 255

1 renvoi. Ensuite, vous avez présenté votre plaidoyer de culpabilité, et

2 après cela, l'Accusation a décidé de surseoir à la procédure dans l'attente

3 du prononcé du jugement et du prononcé de la peine dans l'affaire Blaskic.

4 Donc, est-ce que qu'il y a un lien entre les deux, ou est-ce une

5 coïncidence ?

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas de coïncidence. Il n'y a pas de

7 lien entre les deux. Car j'ai exprimé mon souhait de parler à l'Accusation

8 dès mon arrivée à La Haye, et l'avocat Olujic m'a empêché de le faire.

9 Avant que les discussions ne soient entamées sur mon retour éventuel

10 à Sarajevo, il y a eu une conversation avec l'Accusation et Me Kosta. Ces

11 échanges étaient quasiment terminés. Il s'agissait simplement de se mettre

12 d'accord sur les derniers points de cet accord de plaidoyer. Etant donné

13 que ces messieurs de l'Accusation se ont été placés ici par des instances

14 supérieures pour préparer un programme et décider de qui serait envoyé dans

15 quel pays, ils ont entamé une procédure formelle sans que je le sache. A

16 partir du premier jour, et ceci peut être corroboré par M. Scott, il n'y a

17 jamais eu de lien entre les deux événements. Je me tourne vers Me Scott

18 pour qu'il puisse corroborer cela. Je dis la vérité.

19 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie.

20 Mme LE JUGE NOSWORTHY: [interprétation] Vous avez dit à plusieurs reprises

21 au cours de votre déclaration, en réponse à des questions qui vous ont été

22 posées, qu'on vous a obligé et ordonné de commettre ces actes pour lesquels

23 vous avez plaidé coupable, et vous avez accepté de prendre part au fait

24 d'étouffer tout ceci.

25 Quelles auraient été les conséquences si vous aviez refusé de

26 commettre ces actes et si vous aviez refusé d'étouffer tout cela ?

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois qu'il est maintenant difficile pour

28 moi d'expliquer toutes les raisons qui ont conduit à cela. Quoi qu'il en

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1 soit, à l'époque, quand ceci a commencé, lorsqu'il s'agissait d'étouffer

2 tout cela et que ce jeu a commencé, on m'a expliqué qu'il y avait des

3 intérêts plus importants en jeu. Très clairement, on m'a dit, de façon très

4 explicite, qu'ils savaient que je n'étais pas responsable pour ce qui

5 s'était passé. Néanmoins, ils souhaitaient me faire jouer un rôle

6 différent. C'est cela qu'ils avaient à l'esprit. Ils souhaitaient que --

7 Mme LE JUGE NOSWORTHY: [interprétation] Pardonnez-moi, mais je vous

8 demande ce qui serait advenu pour l'essentiel ? Quelles auraient été les

9 conséquences si vous n'auriez pas fait ce qu'on vous avait demandé de

10 faire ? Si vous pourriez répondre à cette question pour moi, s'il vous

11 plaît. Pardonnez-moi si je vous interromps, mais je vous demande de

12 répondre directement à ma question.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aurais été démis de mes fonctions. Je

14 n'aurais plus fait partie du HVO, et ceci aurait mis ma vie en danger et

15 celle de ma famille. Telles étaient les circonstances à l'époque. Je crois

16 que notre sort aurait été très incertain.

17 Mme LE JUGE NOSWORTHY: [interprétation] Vous dites avoir épousé

18 quelqu'un qui appartenait à un autre groupe ethnique. A quel groupe

19 ethnique appartenait votre femme, ou à quel groupe ethnique appartient

20 votre femme ? Quelle est sa religion ?

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort heureusement, c'est toujours ma

22 femme. C'est la mère de mes trois enfants, et nous attendons notre

23 quatrième enfant. Elle vient de Macédoine, et je l'ai épousée alors que je

24 faisais mon service militaire dans la JNA à Skopje.

25 Mme LE JUGE NOSWORTHY: [interprétation] Vous avez dit que, peu à peu,

26 vos chances de quitter cet enfer diminuaient. Lorsque vous parliez de votre

27 participation à la guerre et que vous parliez de l'enfer, vous faisiez

28 allusion à quoi ? Pourriez-vous brièvement nous parler un peu plus de ce

Page 257

1 que vous avez décrit comme étant l'enfer ?

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'avais d'autres projets et ma carrière

3 professionnelle n'était pas destinée à se dérouler dans l'armée. Je

4 souhaitais trouver un travail à l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine.

5 Mais comme vous le savez, la Bosnie-Herzégovine est vite devenue un

6 enfer. Les routes sont devenues très rapidement impraticables. Elles

7 étaient bloquées. On ne pouvait pas partir. On ne pouvait pas partir avec

8 l'ensemble de sa famille.

9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous avez évoqué le fait qu'un

10 nombre de personnes qui étaient placées sous votre commandement avaient

11 souffert aussi, avaient subi des pertes à cause de la guerre. Vous-même,

12 avez-vous également eu des pertes ? Est-ce que vous avez connu des

13 tragédies à cause de la guerre que vous avez menée ? Veuillez en parler aux

14 Juges de la Chambre, s'il vous plaît.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Mon frère aîné a perdu son fils, son seul

16 fils, son seul enfant. Mon plus jeune frère est handicapé. Il est handicapé

17 à 60 %. Un autre de mes parents proches a perdu son enfant. C'était un

18 enfant mineur à l'époque.

19 De surcroît, parmi les membres de ma famille éloignée, il n'y avait pas un

20 seul foyer dans toute ma famille ou un seul ménage qui n'ait pas subi des

21 pertes importantes.

22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vais maintenant vous demander

23 de répondre de façon très précise. Je souhaite savoir, si vous vous portez

24 en arrière et que vous pensez un petit peu à votre enfance, y a-t-il eu des

25 événements ou quelque chose qui vous aurait traumatisé dans votre enfance,

26 dans les premières années de votre vie, avant votre passage à l'âge adulte,

27 qui aurait eu une incidence sur la manière dont vous vous seriez comporté

28 en tant qu'adulte plus tard pendant la guerre et la manière dont vous

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1 auriez répondu aux commandements ou assurer le commandement par rapport aux

2 hommes qui étaient placés sous votre commandement, et à la manière dont

3 vous auriez rempli vos obligations en temps de guerre ?

4 Je vous demande de répondre de façon très précise à cette question que je

5 viens de vous poser.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je viens d'une famille pauvre et patriarcale

7 traditionnelle.

8 Pour ce qui est d'un événement particulièrement traumatisant qui se serait

9 produit dans mon enfance, je ne m'en souviens pas. J'étais un garçon, un

10 jeune homme, et plus tard, comme officier, lorsque j'étais adulte, on m'a

11 toujours félicité pour tout ce que j'avais réalisé, à la fois à l'école et

12 sur mon lieu de travail.

13 Je crois que rien ne peut vous préparer à la guerre. Aucune école ne peut

14 vous préparer à la guerre. Je souhaite que vous compreniez cela. Une guerre

15 vous met dans une position où vous êtes obligé de prendre des décisions

16 dans une fraction d'une seconde, et dans une situation normale, vous n'êtes

17 pas obligé de faire un choix comme cela, à brûle-pourpoint, entre le bien

18 et le mal.

19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Rajic. Je

20 n'ai plus de questions à vous poser.

21 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Monsieur le Juge Hoepfel.

22 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

23 Simplement, je souhaite compléter le tableau. J'ai une question à

24 vous poser. Vous venez de dire qu'aucune école ne peut vous préparer à la

25 guerre. Je souhaite néanmoins savoir quelque chose sur votre formation.

26 Pourriez-vous nous donner un aperçu de cela ? Vous dites avoir fait vos

27 études à l'école secondaire. Pendant combien de temps et où, s'il vous

28 plaît ? Quelle autre formation avez-vous suivie ? Quelles autres études

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1 avez-vous suivies ?

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai terminé mes études à l'école secondaire à

3 Sarajevo. J'ai reçu une formation de mécanicien. J'étais un excellent

4 étudiant, et j'ai obtenu mon diplôme tout de suite.

5 Après quoi, j'ai obtenu une bourse au sein de l'armée. J'ai postulé à

6 l'académie de l'armée de l'air et j'ai travaillé aux services

7 informatiques. C'était un des domaines de spécialisation le plus difficile

8 au sein de l'armée de l'air et de cette académie. Egalement, j'étais le

9 meilleur élève de ma classe.

10 J'étais un officier exemplaire, et plus tard également lorsque j'ai

11 fait partie de la JNA. J'ai travaillé également comme contrôleur aérien

12 dans le civil. C'est ce que j'aurais fait si j'avais pu m'extraire de cet

13 enfer et de cette guerre dans laquelle a été plongée la Bosnie-Herzégovine.

14 Ma profession n'avait rien à voir avec la guerre. En temps de guerre,

15 on n'avait pas besoin de mes capacités professionnelles. Ma formation est

16 plutôt celle qui m'aurait permis d'avoir un emploi dans le civil, à savoir,

17 contrôleur aérien.

18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

19 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci beaucoup. Nous sommes

20 dans les temps, car nous devons lever l'audience à 19 heures. C'est

21 maintenant à l'Accusation de faire quelques remarques.

22 Vous avez la parole, Monsieur Scott. Cinq minutes de part de d'autre.

23 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Madame le Président, Madame, Monsieur

24 les Juges. Je vais essayer de ne pas parler trop lentement, mais je vais

25 essayer d'être bref.

26 Il y a deux points que je souhaite soulever par rapport aux questions

27 posées par les Juges pour ce qui est des circonstances aggravantes. Dans

28 l'affaire Delalic et Celebici, l'arrêt qui a été rendu, ceci a précisé que

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1 lorsqu'un individu a été condamné aux termes du 7(1), l'abus de leur rôle

2 en tant que supérieur hiérarchique consistait un facteur aggravant.

3 Dans l'arrêt Stakic rendu le 1er juillet [comme interprété] 2003, le

4 paragraphe 9.12 précise qu'en réalité : "Si quelqu'un est déclaré coupable

5 en vertu du 7(1) seulement, la position de l'accusé en tant que supérieur

6 hiérarchique, au-delà de tout doute raisonnable, doit être pris en compte

7 comme une circonstance aggravante. "

8 Je souhaitais évoquer ces deux points et les porter à l'attention de la

9 Chambre. Egalement, rapidement, j'ai pu retrouver ce document, si vous

10 souhaitez avoir ce document. Pour gagner du temps, il y a un exemplaire du

11 document qui a été signé par M. Rajic, daté du 19 janvier 1996, précisant

12 qu'il avait connaissance des charges portées contre lui et qu'il y avait

13 une acte d'accusation contre lui. J'en dispose ici.

14 Si vous souhaitez avoir un exemplaire ou un CD, le greffe en dispose, et je

15 peux vous remettre une vidéo également très rapidement pour que ceci soit

16 consigné au compte rendu d'audience.

17 Pour ce qui est de l'accusé à Stupni Do, l'Accusation n'a jamais dit que

18 Stupni Do était un village sans défense. Je crois que dans l'exposé des

19 faits, nous avons clairement expliqué cela. Au paragraphe 20, je crois,

20 nous avons précisé exactement quelle était la situation. Il y avait des

21 gens qui défendaient le village. Pardonnez-moi ce croquis, je ne suis pas

22 vraiment un artiste. Si vous avez le village ici et si vous avez des

23 positions autour du village qui sont tournées vers l'extérieur, il s'agit

24 d'une position défensive. Si vous défendez le village et si vous encerclez

25 le village, à ce moment-là, la position qui est celle-ci est une position

26 offensive.

27 Stupni Do a été défendu. Il y a des gens qui ont fait de leur mieux pour

28 empêcher que ces événements terribles ne se produisent. Mais

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1 malheureusement, ils n'ont pas pu l'empêcher.

2 Deuxièmement, nous n'avons jamais dit qu'il n'y avait que six combattants

3 dans l'ensemble du village. Nous avons dit que nous estimons que d'après

4 nos calculs, parmi les gens tués, six pouvaient être des combattants. Nous

5 n'avons pas dit qu'il n'y avait que six personnes pour défendre le village.

6 C'était important de préciser cela.

7 M. Rajic a précisé qu'il a poursuivi des gens pour mauvaise conduite

8 lorsque ceci a été porté à son attention. Vous vous souviendrez

9 certainement que nous avons répondu à cette question-là dans notre mémoire

10 supplémentaire qui est daté du 6 mars 2006. Nous n'allons pas répéter tout

11 ceci maintenant. Nous avons fourni des éléments supplémentaires à la

12 Chambre contrairement à cette allégation et notre dépôt d'écriture du 6

13 mars 2006.

14 En rapport avec cela, et les corps dont on n'a pas prouvé que c'était

15 des corps d'êtres humains et non pas des animaux, tous ces corps ont été

16 autopsiés par des professionnels, et ceci a fait partie de l'enquête. On a

17 clairement précisé et identifié de façon formelle qu'il s'agissait de

18 dépouille d'êtres humains.

19 Malheureusement, ce que M. Rajic a dit dans sa participation pendant la

20 guerre, ce n'est pas l'Ivica Rajic connu des Musulmans en Kiseljak en 1993.

21 Et dans l'intérêt du temps, je souhaiterais reporter les Juges de la

22 Chambre à l'arrêt dans l'affaire Kordic, qui donne les détails des crimes

23 commis à Kiseljak dans la région par les soldats de M. Rajic au cours du

24 mois de juin 1993 en particulier.

25 Pour ce qui est de la coopération proposée à partir de l'arrêt Blaskic, à

26 un certain moment il n'y a eu aucune communication avec les conseils de M.

27 Rajic. Il y a eu également des moments où certains éléments d'information

28 ont été proposés à l'Accusation, mais en des termes qui n'étaient pas

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1 acceptables pour nous. Nous avons simplement dit que cela ne nous

2 intéressait pas de parler avec lui sur cette base-là, et ce n'est que de

3 nombreux mois plus tard que les choses ont changé. Il y a eu un malentendu

4 là-dessus.

5 Pour ce qui est du 11 bis, M. Rajic m'a demandé de confirmer son récit là-

6 dessus, et je suis heureux de dire qu'effectivement ceci concorde. Il n'y a

7 pas eu de lien entre les deux, mais que nous avons adopté des voies

8 parallèles. Donc, il n'y a pas de désaccord sur ce point-là.

9 Je vais conclure en disant, Madame le Président, Madame et Monsieur les

10 Juges, pour ce qui est de cette dernière déclaration, comme nous l'avons

11 dit dès le départ, cette Chambre de première instance doit imposer une

12 peine à l'accusé pour les crimes qu'il a commis, les crimes très graves.

13 Lui, en tant que commandant, a pris part à tout ceci de très près et de

14 façon importante. Le Tribunal doit encore envoyer ce message au reste du

15 monde comme dit cet adage latin : "En temps de guerre la loi ne se fait

16 plus entendre," et ceci n'est pas le cas, et ceci ne devrait pas être le

17 cas lorsqu'il s'agit de droit international pour ces criminels qui, pendant

18 la guerre, et particulièrement pendant la guerre, doivent être tenus pour

19 responsables pour ce qu'ils ont fait.

20 Pour les raisons invoquées ci-dessus, la recommandation de

21 l'Accusation reste inchangée. Nous demandons à la Chambre que les Juges

22 condamnent M. Rajic à une peine d'emprisonnement et en tenant compte des

23 circonstances aggravantes et atténuantes à la fois.

24 Mon dernier commentaire que je souhaite faire à cet égard, encore une fois,

25 je souhaite parler des victimes. C'est assez erroné que de dire que vous

26 avez entendu ces termes et que ceci semble assez doux par opposition à ce

27 qui s'est passé le 23 octobre.

28 "Il était 2 heures du matin, 2 heures du matin, et on avait décidé

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1 que dans le sous-sol il restait ces gens à l'extérieur. Il avait cessé de

2 pleuvoir et la nuit noire avait commencé à être éclairée par les flammes

3 qui commençaient à ronger le bois de ces maisons. Le silence de la nuit

4 s'est fait entendre, et entrecouper par le bruit de l'incendie, des flammes

5 qui s'étaient emparées du bois et le bruit des munitions que l'on entendait

6 qui prenaient feu."

7 Ce silence a été très rapidement remplacé par des pleurs.

8 Merci, Mesdames, Monsieur les Juges.

9 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Maître Kosta, est-ce que

10 vous souhaitez dire quelque chose ?

11 Je vais me tourner vers M. Rajic pour lui demander s'il a quelque chose à

12 ajouter.

13 Maître Kosta, excusez-moi.

14 Mme KOSTA : [interprétation] [hors micro]

15 Pendant que vous m'avez posé la question, j'étais encore en train d'écouter

16 l'interprétation, donc je n'ai pas pu vous répondre. Bien entendu, je

17 permettrai à mon client de s'exprimer. L'Accusation vient de dire qu'elle a

18 présenté toutes les preuves à l'appui et qu'elle a cherché par là à vous

19 convaincre qu'une peine de prison de 15 ans est tout à fait appropriée.

20 Pour ma part, je tiens à dire que la Défense a présenté suffisamment de

21 fondements à travers ses preuves pour justifier d'une peine de 12 ans comme

22 étant une peine tout à fait adéquate, compte tenu de la gravité du crime et

23 de toutes les conséquences. Je pense aussi que le principe et la règle de

24 l'intention délictueuse doivent être prise en conséquence.

25 Enfin, permettez-moi de me dire qu'un malentendu a causé des souffrances.

26 Mon client a fini par se confronter à ses propres actes. Si cette affaire

27 doit servir d'exemple, je dois dire que mon client a montré qu'il fallait

28 éprouver des remords suite à des erreurs qu'on a commis, que l'on doit être

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1 capable de pardonner même si on ne doit jamais oublier.

2 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie, Maître

3 Kosta.

4 Monsieur Rajic, à ce stade, est-ce que vous avez quelque chose à dire ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai pris part à tous ces événements, mais même

6 pour moi il est difficile d'expliquer certains événements qui se sont

7 produits à l'endroit où je me trouvais où a proximité. En si peu de temps,

8 il est difficile d'être convaincant, même si j'ai fourni à M. Scott et au

9 bureau du Procureur beaucoup de preuves qui attestent de mon comportement

10 envers des membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine et les membres d'autres

11 groupes ethniques à Kiseljak et ailleurs. Encore une fois, je regrette

12 toutes les victimes. Je regrette que cette guerre ait eu lieu et que j'aie

13 eu à y prendre part. La guerre qui s'est produite en Bosnie-Herzégovine est

14 d'une telle nature qu'aucune école militaire ne peut vous y préparer, et

15 c'est ce que je souhaitais dire ici. On ne peut pas expliquer ce genre de

16 phénomène. Moi-même, je ne l'aurai compris d'ici à la fin de ma vie.

17 Je vous remercie. Je n'ai plus rien à ajouter.

18 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

19 Rajic. Vous pouvez vous asseoir.

20 Ainsi se termine cette audience. La Chambre de première instance lèvera

21 l'audience et nous allons délibérer en temps voulu. Nous prononcerons notre

22 jugement. Je ne peux pas vous dire de date pour le moment, mais ce sera le

23 plus vite possible.

24 Je vous remercie.

25 --- L'audience sentencielle est levée à 18 heures 52.

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