Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 17 août 2007

2 [Audience publique]

3 [Conférence de mise en état]

4 --- L'audience est ouverte à 16 heures 29.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En ce vendredi, je salue toutes les personnes

6 présentes. Je salue l'Accusation et particulièrement Mme Dahl. Je salue M.

7 Seselj et je salue également toutes les personnes présentes qui nous

8 assistent en cette journée pour cette Audience de mise en état.

9 Alors, tout d'abord, cette Audience de mise en état va se dérouler jusqu'à

10 19 heures 00, mais si l'ordre du jour n'est pas épuisé, je compte

11 poursuivre cette audience lundi après-midi. Alors, je ne sais pas si M.

12 Seselj a des visites lundi après-midi ou est-ce M. Seselj est disponible

13 lundi après-midi.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis libre lundi.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Alors, peut-être que nous n'aurons pas besoin

16 de ce lundi après-midi, mais on ne sait jamais.

17 Alors, tout d'abord, à l'ordre du jour, je compte aborder successivement

18 trois principaux points; la procédure d'outrage; le deuxième point sera la

19 décision que j'ai rendue sur le financement de la défense de l'accusé; le

20 troisième point sera la date du procès. Mais avant cela, comme M. Seselj se

21 défend seul, je lui indique que l'assemblée plénière du Tribunal a modifié

22 le Règlement au mois de juillet sur les articles 62, 72, a supprimé

23 l'article 71 bis, a institué un article 81 bis et a modifié l'article 75.

24 Alors, je vais donner à M. Seselj les textes en anglais et en français,

25 car, comme vous le savez, le Règlement est fait dans ces deux langues et il

26 n'y a pas une traduction immédiate en B/C/S.

27 Alors, en deux mots l'article 62, ça ne vous concerne pas directement

28 Monsieur Seselj, car c'est relatif à la comparution initiale d'un accusé

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1 avec la question d'un avocat.

2 L'article 72 est relatif aux exceptions préjudicielles, mais

3 l'article 72 n'a pas été profondément modifié, sauf par le rajout que

4 lorsque l'accusé n'a pas d'avocat, à ce moment-là le délai des 30 jours ne

5 commence à courir que lorsqu'il a un avocat ou lorsqu'il a lui-même indiqué

6 au greffier en application de l'article 45 (F), qu'il se défendra seul.

7 L'article 80 bis, c'est sur la vidéoconférence. Et, de ce fait, cet

8 article permet d'office à une Chambre d'ordonner que les débats se tiennent

9 par vidéoconférence.

10 L'article 75 concerne la protection des témoins, notamment quand il y

11 a une autre juridiction qui est saisie d'un dossier, et qu'à ce moment-là

12 il y a toute une procédure qui est mise en œuvre.

13 Alors, normalement, Monsieur Seselj, vous devez avoir en B/C/S la

14 traduction du Règlement, mais je ne pense pas qu'aujourd'hui vous ayez eu

15 la traduction de ces articles. Si vous l'avez eue, vous me le dites, si

16 vous ne l'avez pas eue, à ce moment-là je vous donnerai copie en anglais du

17 Règlement.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] [hors micro] Monsieur le Président, je ne crois

19 pas que j'ai mémorisé tous les articles que vous venez de citer, mais j'ai

20 reçu des articles amendés du Règlement il y a une semaine, et je suppose

21 que ce sont bien ces amendements-là.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc je voulais vérifier cela.

23 Alors, concernant la procédure d'outrage, la plainte que vous aviez déposée

24 à l'encontre du bureau du Procureur, comme vous le savez la Chambre a rendu

25 une décision au mois de ce juillet rejetant votre demande de re-examen de

26 la décision initiale de la Chambre. Alors, en deux mots, ce que la Chambre

27 a décidé c'est ceci : la plainte que vous avez formulée à l'encontre de Mme

28 Carla Del Ponte et de ses collaborateurs n'a pas été rejetée, car si elle

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1 avait été rejetée nous aurions rendu une décision de rejet. Nous avons

2 décidé, moi et les deux autres Juges de la Chambre, que la Chambre de

3 jugement statuerait sur les mérites de votre plainte une fois que la

4 Chambre aura entendue les divers témoins concernés. Les témoins que vous

5 avez cités dans votre plainte selon lesquels ces témoins auraient subi des

6 pressions pour faire certains témoignages.

7 Alors, l'avantage pour vous de cette procédure est la suivante : c'est que

8 lorsque ces témoins viendront, soit les témoins de l'Accusation soit vos

9 propres témoins, vous aurez la possibilité à l'heure même qu'ils auront

10 prêté serment, de leur poser des questions directement sur la façon dont

11 leurs déclarations ont été recueillies. Puisque comme vous le savez, dans

12 le cas du contre-interrogatoire, vous pouvez poser des questions sur la

13 crédibilité d'un témoin, et à ce moment-là, comme ils seront sous serment,

14 ils répondront aux questions.

15 Par ailleurs, s'il y a des témoins qui ne sont pas cités par le Procureur,

16 mais que vous, vous avez sur votre liste, puisque vous nous avez communiqué

17 toute une série de noms de témoins, à ce moment-là, dans le cadre de vos

18 moyens de Défense vous ferez venir ces témoins, et dans le cadre de

19 l'interrogatoire principal auquel vous vous livrerez, vous leur ferez dire

20 à ce moment-là sous la fois du serment qu'est-ce qui s'est réellement passé

21 lorsqu'on a recueilli leur témoignage. Et, c'est à la lumière de ce qui en

22 résultera que la Chambre de jugement en tirera les conclusions.

23 Alors même que l'autre solution aurait été de rejeter purement et

24 simplement votre plainte, c'est la voie dans laquelle la Chambre ne s'est

25 pas engagée. L'autre solution que l'article 77 du Règlement aurait permis

26 était celle de nommer un amicus curiae qui aurait fait l'enquête, mais à ce

27 moment-là il n'y aurait pas des témoins qui auraient pu être entendus

28 n'auraient pas été entendus sous la foi du serment, comme ça se fait à

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1 l'audience. Alors, même que la procédure que la Chambre a décidée

2 sauvegarde entièrement vos droits et vous permettra à vous directement,

3 puisque vous assurez vous-même la conduite de votre défense, de poser au

4 témoin les questions, qui eux, ces témoins, seront obligés de répondre à

5 vos questions, car s'ils ne répondent pas, ils s'exposeront à des

6 poursuites pour outrage à la Cour. Et en plus, ils témoigneront sous la foi

7 du serment, ce qui a une autre valeur que de faire une déclaration devant

8 un notaire, un avocat, ou une autre personne. Et c'est pour cela que la

9 Chambre a maintenu sa décision, estimant que vos droits sont entièrement

10 sauvegardés. Et qu'à ce moment-là, si une vérité doit jaillir, elle

11 rejaillira devant l'ensemble des juges qui auront entendu ces témoins.

12 Voilà ce que je voulais vous dire sur cette question, parce que la Chambre

13 n'a pas fait droit à votre demande de réexamen de notre décision initiale.

14 Alors, est-ce que vous voulez intervenir sur ce point ou pas, Monsieur

15 Seselj ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai déjà déposé une requête

17 pour me plaindre de cette décision de la Chambre numéro III. Car la

18 question qui se pose ici, c'est de savoir contre qui émanait cette

19 procédure d'outrage ? Est-ce que cette procédure émanait contre moi ou

20 contre les représentants du bureau du Procureur, à savoir le Procureur

21 général et ses principaux collaborateurs qui ont travaillé à la présente

22 affaire ? Pour autant que je le sache, aucuns des 34 témoins qui ont donné

23 des déclarations sous serment à mes collaborateurs ne sont des témoins de

24 l'Accusation, qu'ils devraient intervenir dans la procédure contre moi.

25 Aucuns de ces 34 témoins.

26 Deuxièmement, j'ai l'intention quand je citerais les témoins de la Défense

27 et les témoins experts, j'ai l'intention de mettre en cause l'Accusation,

28 et c'est la raison pour laquelle je dois disposer du même temps que

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1 l'Accusation et d'un nombre de témoins équivalant.

2 Je ne peux pas, dans la présentation des moyens de la Défense, consacrer

3 mon temps à faire venir des témoins qui vont accuser le Procureur et qui ne

4 seront absolument pas liés par rapport à ma défense. Ils feront des

5 déclarations pour dire ce qu'ils ont vécu, quel comportement inacceptable,

6 quel comportement désagréable de la part du bureau du Procureur.

7 Peut-être que sur ces 34 témoins, il y en a un ou deux que j'ai l'intention

8 de citer comme témoins de la Défense, mais en tout cas pour la grande

9 majorité d'entre eux ce n'est pas le cas, et je n'ai pas le temps

10 nécessaire pour ce faire.

11 Autre chose, si le procès commence au mois de novembre, l'Accusation va

12 présenter ses moyens jusqu'au mois mai ou juin. Mais aucun des témoins de

13 l'Accusation ne sera parmi les 34 dont je suis en train de parler, car ces

14 34 témoins m'ont tous dit qu'ils refuseraient d'être témoin de

15 l'Accusation. Après quoi il y aura une interruption de trois mois, ce qui

16 est toujours le cas dans tous les procès, cela nous amène au mois de

17 septembre. Si donc le procès commence au mois de novembre, je pense que

18 c'est seulement à partir du mois de septembre de l'année suivante que la

19 présentation des moyens de la défense pourra commencer. Ce laps de temps

20 est beaucoup trop long. Carla Del Ponte part au mois de septembre. Si même

21 on devait lui prolonger son mandat jusqu'au mois de décembre, elle

22 partirait en décembre. Hildegard Uertz-Retzlaff a déjà fui le bureau du

23 Procureur.

24 Qu'est-ce qui va arriver à la troisième personne contre laquelle j'ai

25 déposé ma plainte, j'en oublie le nom, ah, Daniel Saxon, je ne sais pas,

26 mais en tout cas je vois qu'il n'est plus dans la présente affaire. Quel

27 serait le but de mener une procédure pour mépris du Tribunal ? Mépriser le

28 Tribunal c'est un point qui doit avoir la priorité sur tous les autres

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1 aspects, car c'est la chose la plus difficile qui peut arriver dans le

2 travail de ce Tribunal. C'est quelque chose qui démolit le pouvoir du

3 Tribunal, et en l'absence de reconnaissance le Tribunal ne peut pas faire

4 éclater la vérité. Voilà quel est mon point de vue.

5 Sur la base des principes, et puisque ce qui est en cause c'est le mépris

6 du Tribunal, je crois qu'il n'y a rien d'autre à invoquer. Cette procédure

7 doit se mener de façon indépendante par rapport au procès qui m'a été

8 intenté. Dans deux salles d'audience différentes, c'est possible, et si on

9 devait arriver à engager un amicus curiae ou un procureur spécial, ou si la

10 Chambre de première instance intervient seule dans cette affaire. Vous avez

11 déjà évoqué la dernière fois quelles sont les options possibles. Mais, en

12 tout cas, cela ne nuit en rien au procès intenté contre moi. Il y a une

13 nouvelle équipe de procureurs ici. Pour autant que je sache, je ne me suis

14 pas encore plaint du comportement de l'un quelconque des nouveaux

15 procureurs, donc aucun obstacle pour que le procès se déroule. L'Accusation

16 peut travailler normalement. Quant à ceux pour qui j'ai des preuves qu'ils

17 ont commis le délit de mépris du Tribunal, il faut qu'ils répondent de leur

18 responsabilité, à moins que l'on me montre que ma déclaration est inexacte.

19 Mais si je ne me trompe, vous ne m'avez pas dit que ma déclaration est

20 inexacte. Mais pour trouver une solution vous avez cherché les meilleures

21 modalités pour examiner cette affaire.

22 Moi, je considère que ces modalités ne sont pas les bonnes. Il

23 faudrait agir le plus rapidement possible. Ces personnes se sont rendues

24 coupables d'un délit d'outrage au Tribunal. Il faut qu'elles répondent de

25 leur responsabilité. Lorsque Carla Del Ponte sera partie, vous ne pourrez

26 pas vous attendre à ce qu'elle vienne ici. Elle partira en Suisse. Si je ne

27 me trompe la Suisse n'est pas encore membre des Nations Unies - dites-moi

28 si je me trompe - donc elle n'a pas obligation de respecter ce Tribunal.

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1 J'ai entendu dire qu'elle allait à l'ambassade d'Argentine ensuite. Donc,

2 elle serait inaccessible, absolument inaccessible. Et si elle est

3 inaccessible, ses principaux collaborateurs seront inaccessibles également

4 et toute cette affaire tombera d'elle-même.

5 C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de déposer une requête pour

6 faire appel de cette décision devant la Chambre d'appel. Si vous ne

7 m'autorisez pas à faire appel, alors ne comptez pas que je consacrerai tout

8 le temps qui m'est imparti pour la présentation de mes moyens de la Défense

9 à démontrer que les représentants du bureau du Procureur ont commis un

10 délit d'outrage au Tribunal. Je dois absolument utiliser le temps qui m'est

11 imparti pour me défendre contre les allégations contenues dans l'acte

12 d'accusation. Je ne vois pas pourquoi je devrais dépenser le temps qui

13 m'est imparti pour me défendre afin de me plaindre de Daniel Saxon, Carla

14 Del Ponte, ou Mme Uertz-Reszlaff. Je suis venu ici pour vaincre le

15 Tribunal. Comment est-ce que je vais le vaincre ? Je vais briser le faux

16 acte d'accusation retenu contre moi. Pour moi, c'est cela la priorité; tout

17 le reste est secondaire. Si je regarde les choses du point de vue de mes

18 intérêts, y compris la plainte que j'ai déposée est secondaire, mais le

19 fait qu'elle soit secondaire ne signifie pas qu'elle n'est pas importante.

20 Elle est secondaire par rapport à mon procès et à ce que je dois faire dans

21 mon procès, mais elle est très importante pour ce Tribunal international et

22 pour la justice internationale de façon générale.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous informez que vous allez faire une

24 demande de certification d'appel. Bon, la Chambre statuera sur la

25 certification d'appel que vous allez formuler. Donc là-dessus, je ne peux

26 pas m'engager puisque c'est une décision collégiale de la Chambre.

27 Sur deux points que vous avez évoqués, une petite précision de ma

28 part. La procédure d'outrage n'est pas engagée contre vous. C'est peut-être

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1 une mauvaise traduction, mais il a été indiqué tout à l'heure que vous

2 posiez la question de savoir si la procédure vous concerne. Non, la

3 procédure ne vous concerne pas. Vous êtes plaignant. Vous êtes plaignant

4 contre les membres de l'Accusation. Donc, vous n'êtes pas accusé en la

5 matière. Donc cela soyez rassuré sur ce plan. Cette procédure ne vous

6 concerne pas vous en tant qu'accusé d'outrage.

7 Deuxièmement, vous avez fait état du fait qu'il y a 34 témoins dont vous

8 avez effectivement envoyé les déclarations, et vous nous dites que si les

9 34 témoins viennent déposer au Tribunal, vous allez perdre du temps sur

10 cette question qui n'est pas mineure, alors même que les témoins pouvaient

11 venir témoigner sur le fond du dossier. Alors là aussi, sur un plan

12 technique, en réalité dans le cadre de questions posées, cela va très vite.

13 C'est, comment votre audition a été recueillie ? Que vous a-t-on dit ?

14 Avez-vous eu des promesses, et cetera, et cetera ? En 15 minutes, quelqu'un

15 peut répondre aux questions fondamentales que vous posez. Donc là-dessus,

16 il n'y a pas a priori d'inquiétude à avoir sur le temps. Il me semble que

17 vous avez une autre inquiétude, c'est sur la répartition du temps.

18 Le principe dans ce Tribunal, c'est que quand l'Accusation a, par

19 exemple, 100 heures, la Défense a 100 heures. Vous aurez le même temps que

20 l'Accusation.

21 Deuxièmement, si l'Accusation cite 100 témoins, vous avez le droit de citer

22 100 témoins. Donc, c'est l'égalité des armes. Donc, vous inquiétudes

23 peuvent être en la matière subjectives, mais la pratique me permet là aussi

24 de vous rassurer en disant qu'il n'y aura pas de préjudice.

25 Alors, vous faites une certification d'appel. Je ne sais pas ce que

26 pensent mes collègues. Donc, nous rendrons une décision également sur cette

27 demande de certification.

28 Dernier point, dernier point qui est important. Vous dites que si la

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1 procédure ne démarre pas maintenant, Mme Carla Del Ponte et les autres

2 auront quitté le Tribunal et/ou disparaîtront. Là aussi, non. Pourquoi ?

3 Parce que la Chambre peut demander à un témoin de venir, y compris Mme

4 Carla Del Ponte, et si le témoin ne vient pas, la Chambre peut discerner un

5 mandat d'arrêt. Donc il n'y a aucune immunité. Si la nécessité se fait

6 sentir un jour d'entendre ceux dont vous avez cité les noms, ils viendront,

7 quelque soit leurs futures positions. Il n'y a en l'espèce aucune immunité.

8 Voilà.

9 Alors, je vais passer au deuxième sujet, qui est un sujet fondamental, qui

10 est la décision que j'ai rendue concernant le financement de votre défense.

11 Alors, pendant les vacances, j'ai -- j'allais dire, heure par heure, suivi

12 la question de la traduction de la décision qui a été rendue qui fait une

13 vingtaine de pages, et on m'a dit pas plus tard, en début d'après-midi, que

14 vous n'avez pas eu encore la décision traduite dans votre langue. Est-ce

15 bien le cas ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai reçu la décision. Je l'ai reçue hier.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, tant mieux. Alors donc, vous avez reçu la

18 décision. Alors, je vais brièvement la commenter, parce que je me suis

19 rendu compte qu'à la suite de cette décision, des commentaires divers ont

20 eu lieu, notamment dans la presse de Belgrade, ou par certains "juristes"

21 qui ont commenté la décision. Manifestement, les commentaires de la

22 décision n'ont pas pris en compte certains fondements touchant aux droits

23 de l'accusé.

24 Tout d'abord, j'ai tenu à rappeler dans cette décision que le droit

25 d'assurer votre propre défense est un droit reconnu par le statut, et par

26 ailleurs confirmé par la Chambre d'appel à deux reprises.

27 Sur le fondement du fait que vous vous défendez seul, il convient

28 d'avoir dans l'esprit que cette procédure devant ce Tribunal est une

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1 procédure de type "common law", à savoir que l'enquête qui est faite par le

2 bureau du Procureur est faite totalement sous la conduite du bureau du

3 Procureur, or la vue du contrôle d'un juge. A l'heure même que dans la

4 procédure romano-germanique, il y a des contrôles de juges sur les

5 enquêtes, et il y a, par exemple, un juge d'instruction ou un procureur qui

6 a un statut de magistrat. Ce qui fait que la Défense à ce moment-là attend

7 tranquillement les résultats de l'enquête pour pouvoir se défendre

8 ultimement.

9 Alors même qu'ici, l'enquête est diligentée entièrement par le

10 Procureur, qui réunit des éléments à charge contre l'Accusé, et l'Accusé

11 qui a, au titre de l'égalité des armes, la possibilité de faire venir ses

12 propres témoins, ses propres experts, doit engager des frais pour

13 rechercher ces témoins, et cetera.

14 Donc, la procédure ici amène inévitablement qu'il y a des frais à la

15 charge de l'Accusé s'il a les moyens, ou à la charge du Tribunal. Qui plus

16 est, le statut a donné à un accusé des droits. Dans le statut, il me semble

17 que cela a échappé à beaucoup, il y a les termes "au moins." Ce qui veut

18 dire qu'une chambre peut estimer que dans les droits énumérés dans le

19 statut, ces droits peuvent être complétés par d'autres droits.

20 Et j'estime que vous avez le droit pour vous défendre d'avoir à votre

21 disposition une équipe intime qui vous permettra de faire face aux enjeux

22 du procès, et qu'à ce moment-là les personnes qui vous assistent doivent

23 être rémunérées. Tout cela pour garantir un procès équitable, sinon, il n'y

24 aurait pas de procès équitable, car dans le procès équitable, vous avez le

25 droit d'interroger ou de faire interroger les témoins de l'Accusation, et

26 de produire vos propres témoins, cela, c'est un droit. Et ce droit pour

27 qu'il soit effectif, encore faut-il que vous en ayez les moyens. C'est

28 cela, le procès équitable. Ce procès équitable passe bien entendu lorsqu'un

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1 accusé se défend seul par la prise en compte de certains frais occasionnés.

2 Apparemment, ceci échappe à certains qui ne voudraient en quelque sorte que

3 vous n'ayez pas à votre disposition des moyens de vous défendre.

4 Par ailleurs, il y a la bonne administration de la justice. Cette

5 bonne administration de la justice passe par le fait que votre défense, et

6 dans l'intérêt même des Juges, doit être assurée de manière cohérente,

7 efficace et précise, et que la gestion de centaines de milliers de

8 documents, de millions de pages de déclarations, de documents divers

9 appelle que vous ayez autour de vous des personnes qui vous aident, car

10 seul vous ne pouvez pas faire face à cette déferlante des moyens de preuve

11 et pour cela il faut que vous soyez aidé. Donc, c'est ce que j'ai expliqué

12 dans la décision.

13 Mais cette décision a pris en compte des modalités d'application qui

14 sont sur deux facteurs, les suivants. Dans la mesure où les frais sont pris

15 en charge par les finances du Tribunal, encore faut-il que vous prouviez

16 que vous n'avez pas les moyens personnels d'assurer ce coût, coût qui est

17 important et qui peut se chiffrer par des centaines de milliers d'euros.

18 Donc, j'ai rappelé dans la décision que vous devez, mais vous nous l'avez

19 dit à l'audience, et je l'indique dans la décision, vous devez indiquer au

20 greffier votre situation. C'est ce que vous nous avez dit, vous nous l'avez

21 dit à plusieurs reprises, mais en produisant des documents à l'appui de vos

22 dires, par exemple, déclaration fiscale, état de fortune certifié par un

23 notaire. Je ne sais moi. Ça cela relève du rapport que vous allez avoir

24 avec le greffe sur ce plan.

25 Vous nous avez, et je n'ai aucun doute en la matière, expliqué votre

26 état de fortune. Bon, l'état de fortune que vous m'avez décrit justifie,

27 d'après vos dires, que vos frais soient pris en charge par le greffe. Mais

28 là encore, faut-il que vous complétiez auprès du greffe certaines

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1 informations que vous m'avez données verbalement. Alors, je sais que déjà

2 il y a e un certain nombre de courriers, mais cela, vous voyez ça avec le

3 greffe.

4 Deuxième modalité d'application, j'ai indiqué dans la décision que parmi

5 tous les collaborateurs que vous avez et vous en avez un certain nombre, il

6 faut qu'il y en est au moins un, voire plusieurs, qui réponde aux

7 prescriptions de l'article 45 du Règlement qui concerne les qualifications

8 exigées dans le cadre des commissions d'office, c'est-à-dire, expérience du

9 droit international, humanitaire, droit pénal, années d'expérience, et

10 cetera.

11 Compte tenu des états de service de vos collaborateurs, je pense que

12 vous n'aurez aucune difficulté à indiquer qu'au moins un de vos

13 collaborateurs répond aux exigences.

14 Alors concernant le montant des sommes, ceci ce n'est pas à moi de dire que

15 c'est 10 000, 20 000, 30 000, 40 000 euros. C'est au greffe en la matière

16 de décider des sommes. Mais de manière empirique et pour rassurer ceux qui

17 peuvent s'inquiéter, les frais qui seront occasionnés par votre Défense

18 seront de toute évidence inférieurs aux frais qui auraient été occasionnés

19 si vous aviez un avocat, un co-conseil, le cas échéant, un ami de la Cour,

20 avec toute leur équipe. Si on fait le total, cela reviendrait certainement

21 à une somme largement supérieure au coût que vous allez occasionner. Mais

22 c'est au greffe de voir avec vous comment cela sera pris en compte.

23 Par ailleurs, j'ai indiqué également dans la décision qu'il appartient au

24 greffe en vertu de la directive et de la politique de paiement de procéder

25 au versement des sommes allouées dans le cadre de l'aide juridictionnelle

26 et d'assurer le contrôle de leur utilisation. Bien, donc cela, c'est au

27 greffe de faire le nécessaire.

28 Alors, j'ai indiqué dans la décision que vous avez depuis hier que ceci

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1 doit être mis en place immédiatement. Immédiatement. Alors, je crois que le

2 greffe attendait que vous ayez la décision dans votre langue pour vous

3 rencontrer rapidement et voir avec vous la mise en œuvre de tout cela.

4 Parce que, comme je vous l'ai expliqué, votre procès qui n'a pas pu

5 commencer jusqu'à présent en raison de certaines difficultés était entravé

6 de mon point de vue par deux questions fondamentales. La première était la

7 communication des documents dans votre langue, documents à charge et à

8 décharge. Ceci est en voie de résolution, puisque pendant les vacances

9 l'Accusation m'a envoyé des classeurs et je pense que les classeurs que

10 j'ai eus vous les avez eus également.

11 Et le deuxième obstacle était le financement de vos collaborateurs.

12 Donc ceci étant réglé, cela va me permettre d'aborder le troisième

13 point qui est la date du procès.

14 Alors, Monsieur Seselj, je vais vous donner la parole maintenant pour vos

15 commentaires éventuels sur cette question de financement.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je n'ai jamais de quelle que

17 façon que ce soit entravé le début du procès par ma situation financière

18 devant ce Tribunal international. Bien sûr j'ai déposé des requêtes afin

19 d'obtenir un financement parce que j'estimais que c'était mon droit, mais

20 je n'ai jamais dit : Si cela ne m'est pas accordé, je ne me défendrai pas,

21 je ne ferai pas ceci et je ne ferai pas cela. La condition que j'ai

22 demandée pour que le procès puisse commencer c'était simplement d'obtenir

23 les documents dans ma langue et qu'un conseiller juridique qui m'aidera

24 soit enregistré. Bien sûr, il doit être enregistré pour ne pas être rejeté

25 du prétoire. Mais je n'ai jamais fait intervenir la question du

26 financement.

27 Je pense bien entendu que la décision que vous avez rendue va avoir une

28 grande importance pour le développement ultérieur de la justice

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1 internationale. C'est la première décision concrète de cette nature dans le

2 système juridique international, même si le droit garantissant le

3 financement de la défense existe depuis bien longtemps, y compris dans le

4 Statut de ce Tribunal.

5 Malheureusement, dans la présente affaire, votre décision est impossible à

6 appliquer. Elle est inapplicable, car vous avez décidé qu'au moins l'un des

7 mes associés remplissait les conditions prévues à l'article 45 du

8 Règlement, article qui régit la commission d'office des conseils. Au

9 paragraphe 1 de cet article, nous lisons qu'il faut d'abord que soient

10 remplies les conditions, que soient respectées les conditions de l'article

11 44. Aucuns de mes collaborateurs ne remplira les conditions fixées à

12 l'article 44. Mes collaborateurs sont des personnes qui ont fait des études

13 universitaires, cela fait plus d'un an que je me bats sur cette question

14 avec le greffe, que j'insiste pour qu'un conseiller juridique soit

15 enregistré qui pourra m'aider. Le greffier insiste pour que toutes les

16 conditions qui sont imposées au conseil de la Défense soient respectées par

17 mes collaborateurs. Or, j'ai insisté pour dire qu'un conseiller juridique

18 n'est pas la même chose qu'un avocat, et que dans ces conditions un

19 conseiller juridique n'est pas tenu de remplir les conditions imposées à un

20 avocat. Il suffit qu'ils aient un diplôme de droit; autrement dit, qu'ils

21 aient terminé leur étude de droit et que je leur fasse confiance.

22 Dans ce débat avec le greffe, j'ai gagné la bataille en décembre de l'année

23 dernière, date à laquelle le greffier a enregistré trois de mes conseillers

24 juridiques. Puis après un certain temps, le greffe, dans des écritures où

25 le greffe s'exprimait sur la question du financement, le greffe déclare

26 que, sur pression exercée par moi par voie de grève de la faim, il a pris

27 la décision qu'il a prise. Je n'utilise pas les termes utilisés par le

28 greffe, mais c'est ce que cela veut dire.

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1 Bien, mes conseillers juridiques resteront mes conseillers

2 juridiques jusqu'à la fin du procès. Il n'y aura pas de changement à cet

3 égard. Mes conseilleurs juridiques ne peuvent ni écrire ni parler l'anglais

4 ou le français, et n'apprendront jamais ces deux langues. Mes conseillers

5 juridiques ne seront jamais membres de l'association des avocats qui est

6 imposée par le Tribunal, et ce, pour deux raisons. D'abord, parce que ce ne

7 sont pas des avocats, donc ils n'ont aucune raison d'adhérer à cette

8 association; et deuxièmement, parce que personnellement je leur interdis

9 d'adhérer à cette association, car je considère que cette association se

10 rend coupable d'un certain nombre d'actes mafieux, notamment lorsqu'on voit

11 que Me Karnavas en fait partie. Alors que pendant la guerre déjà il avait

12 des agissements de contrebande de cigarettes et autres encore, et il a même

13 accepté d'être avocat dans l'affaire contre Vidoje [phon] Blagojevic, alors

14 que Blagojevic était opposé à cela. J'interdis à mes conseillers juridiques

15 d'avoir le moindre contact, la moindre relation avec des personnes de ce

16 genre.

17 Cette association des avocats n'a jamais examiné l'infraction au droit de

18 leurs clients. Cette association ne s'intéresse exclusivement qu'aux

19 questions d'argent, c'est-à-dire, combien les avocats vont gagner en

20 travaillant ici. Vous pouvez compter le nombre de lettres envoyées par les

21 avocats pour demander de l'argent au greffe, et penser à tout le temps qui

22 a été perdu à écrire ces lettres plutôt qu'à défendre les clients.

23 Donc, je considère que mes conseillers juridiques n'ont jamais été mis en

24 accusation devant un quelconque tribunal, qu'ils ne sont coupables de rien,

25 et cetera, et cetera, puis j'arrive au paragraphe (vi) de l'article 44, où

26 nous voyons que dans l'exercice de leurs professions, ou dans toutes autres

27 circonstances, il leur est interdit d'avoir adopté un comportement

28 malhonnête ou autrement, déshonoré, vis-à-vis des conseils qui pourraient

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1 être préjudiciable à la bonne administration de la justice."

2 Mes conseillers juridiques ont, pendant toute leur vie jusqu'à

3 présent, fait tout ce qu'ils pouvaient dans mon intérêt de façon à faire

4 croître la confiance en ce Tribunal dans l'opinion, et ce, sur consignes

5 données par moi ils continueront de le faire. Tous les arguments qu'ils

6 auront à leur disposition pour détruire la confiance que l'on peut avoir

7 dans l'opinion vis-à-vis de ce Tribunal, ils le feront. Ce n'est pas fait

8 aucun doute.

9 Puis maintenant je passe à l'article 45. Dans son premier paragraphe,

10 l'article 45 reprend l'ensemble des dispositions de l'article 44,

11 globalement, mais des conditions supplémentaires sont imposées dans cet

12 article 45, au paragraphe 4, notamment. Il faut qu'ils aient fait savoir

13 qu'ils accepteraient d'être commis d'office par le Tribunal pour

14 représenter toute personne n'ayant pas les moyens de rémunérer un conseil

15 est détenue sur l'autorité du Tribunal, ainsi que les noms [imperceptible]

16 relatifs à la commission d'office. Mes conseilleurs juridiques ne

17 permettront jamais au Tribunal ou au greffe de leur imposer de représenter

18 qui que ce soit d'autre. Ils sont exclusivement mes conseillers juridiques

19 et ils ne travailleront que pour moi.

20 J'ai le plus grand respect, Monsieur le Juge, pour votre décision. Je

21 considère que vraiment elle a une très grande importance pour la justice

22 internationale et qu'elle sera très fréquemment citée devant ce Tribunal,

23 mais également devant d'autres tribunaux pénaux, ainsi que devant d'autres

24 tribunaux internationaux. Mais, malheureusement, en l'espèce, cette

25 décision telle qu'elle l'est ne pourra pas être appliquée. Je vais donc,

26 moi aussi, déposer une requête pour obtenir une certification d'appel.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous parlez de certification d'appel. Je vais

28 répondre à vos inquiétudes. Je vous ai écouté, et si vous le voulez bien,

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1 on va examiner l'article 44 du Règlement.

2 Contrairement à ce que vous avez indiqué là -- d'abord,

3 rappelons que vous aviez donné trois noms au greffe et le greffe les avait

4 acceptés. Alors, je ne vois pas pourquoi le greffe, les ayant acceptés, ne

5 les accepterait plus maintenant, puisqu'ils avaient déjà été acceptés. Bon.

6 Donc déjà, prenez bien cela en compte. Les trois noms que vous avez cités,

7 le greffe les avait pris en compte. Donc, ça, cet élément, il est

8 important. Et je ne vois pas pour quelle raison le greffe changerait de

9 positions.

10 Deuxièmement, sur les conditions de l'article 44, l'article 44 s'applique

11 fondamentalement à quelqu'un qui est avocat, de plein titre. Et concernant

12 la question de la langue, contrairement à ce que vous dites, le paragraphe

13 (B) de l'article 44 permet une dérogation. Il peut y avoir la situation de

14 quelqu'un qui ne méprise pas ni l'anglais ni le français, qui ne pratique

15 que le B/C/S, et à ce moment-là le greffier peut l'accepter. Donc il y a

16 une dérogation qui est prévue par le paragraphe (B). Donc, la question de

17 la langue n'est pas une question qui risquerait de mettre à néant la teneur

18 de la décision.

19 Par la suite, vos collaborateurs, à ma connaissance, n'ont jamais été

20 sanctionnés nulle part, donc le (iv) du paragraphe A de s'applique pas. Ils

21 n'ont pas été déclarés coupables dans un procès pénal. Donc, il n'y a

22 aucune raison de les empêcher de vous assister. Ils n'ont jamais eu, à ma

23 connaissance, de comportement malhonnête, et cetera; donc, le 6 ne

24 s'applique pas. Ils n'ont pas communiqué d'information fausse; donc, le 7

25 ne s'applique pas, et l'ensemble des dispositions de l'article 44 ne font

26 pas obstacle aux trois personnes que vous aviez désignées.

27 Il pourrait y avoir une discussion sur le paragraphe I que je lis : Etre

28 habilité à exercer la profession d'avocat dans un Etat ou professeur de

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1 droit dans une université. Alors là, il suffit de faire une interprétation

2 large de cette disposition en estimant que parmi les trois noms que vous

3 avez proposés au greffe, l'un pourrait demain être avocat à Belgrade, et ça

4 règle le problème. Alors, vous êtes en train de vous inquiéter sur le fait

5 que le greffier va faire des obstacles, alors même que quand vous avez

6 indiqué vos trois noms, il n'y a pas eu d'obstacle. Si jamais il y avait un

7 obstacle, vous aurez toujours la possibilité de me ressaisir et l'obstacle

8 sera levé. Alors, avant de parler de certification d'appel, prenez votre

9 temps de réfléchir, d'examiner la question, de voir avec le greffier la

10 mise en œuvre de cette disposition.

11 Qui, je le rappelle, la décision qui a été rendue est la première dans

12 l'histoire de la justice internationale, voire des justices nationales.

13 Donc, elle fera date. Puisqu'elle consacre le fait pour la première fois

14 qu'un accusé qui se défend seul a le droit d'avoir des collaborateurs

15 rémunérés, sans que ses collaborateurs soient avocats de plein exercice.

16 Voilà. Alors, avant de faire des demandes de certification, voyez le greffe

17 pour régler ces problèmes. Je suis convaincu, je vous l'ai déjà dit, que le

18 greffe est tout disposé à faire le maximum pour que vous ayez à votre

19 disposition vos propres collaborateurs qui vous aident.

20 La dernière fois, je vous avais dit, mais nous aurons l'occasion d'y

21 revenir, je vous avais dit que, de mon point de vue, mais vous n'êtes pas

22 obligé de partager mon point de vue, mais de mon point de vue, dans votre

23 propre intérêt, il m'apparaissait utile pour vous. Parce qu'en tant que

24 Juge, moi, je dois veiller à ce que la balance entre l'Accusation et la

25 Défense soit égale, pour ne pas que vous soyez placé dans une situation

26 d'infériorité. C'est là où le Juge joue pleinement son rôle. Pourquoi ?

27 Parce que, et vous en apercevrez très vite, lorsque le Procureur mène son

28 interrogatoire principal, avec ses documents, parfois des centaines de

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1 documents qui sont présentés à un témoin. Ces documents peuvent représenter

2 des milliers de pages, et qu'à ce moment-là vous seul.

3 Nonobstant les qualités éminentes de juriste que vous avez, pour

4 faire face à cela. Alors même que le bureau du Procureur s'est préparé

5 depuis des années, bien sûr le bureau du Procureur a changé, ce sont des

6 têtes nouvelles. Mais il y a tout le travail de fond qui est derrière. Eux,

7 ils n'auront aucune difficulté à faire venir leurs témoins, à interroger et

8 à présenter des documents. Et comme ces documents sont en anglais, mais

9 également en B/C/S, n'oubliez pas que l'interrogatoire se fera en anglais,

10 parce que l'Accusation pratique l'anglais, et qu'à ce moment-là, bien

11 entendu, tout va être traduit, et qu'à ce moment-là vous ayez auprès de

12 vous des collaborateurs qui sont capables de manier l'anglais, le français

13 et votre langue. C'est pour vous un attouche supplémentaire. Alors, même

14 que si vous n'avez que des collaborateurs qui ne travaillent qu'en B/C/S,

15 oui, c'est faisable, mais pour vous ça peut être un handicap. Alors, c'est

16 pour ça que la dernière fois je vous avais dit que parmi le nombre de

17 personnes qui vont nous assister et qui seront rétribuées par le Tribunal,

18 il serait souhaitable que l'une puisse au moins manier l'anglais. Mais si

19 vous ne voulez pas, libre à vous, mais je pense qu'il était de votre

20 intérêt que quelqu'un puisse manier l'anglais.

21 Alors, c'est pour ça que cette disposition est dans l'article 44,

22 mais il y a une dérogation, puisque l'article 44 dit que le greffier peut,

23 à la demande de l'accusé, lorsque l'intérêt de la justice admettre un

24 conseil, mais là on remplace "conseil" par "collaborateur", ne parlant

25 aucune des langues de travail du Tribunal. Voilà. Donc, c'est possible.

26 Alors, avant de vous lancer dans des certifications d'appel,

27 réfléchissez, rencontrez les greffiers. Tous les contacts que j'ai eus avec

28 l'administration de ce Tribunal m'ont permis de penser qu'il n'y a aucune

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1 volonté de vous lire en quoi que ce soit. Si ça avait été le cas, j'aurais

2 mis l'eau là. De ce fait, voyez avec eux comment ils envisagent de mettre

3 en œuvre ces modalités, et ce n'est qu'en cas de difficulté que vous aurez

4 toujours la possibilité de me ressaisir pour -- par requête pour régler le

5 problème.

6 Voilà. Alors, c'est ce que je voulais vous indiquer, d'une part pour

7 vous rassurer, deuxièmement pour bien mettre en évidence que cette décision

8 n'est pas spécialement faite pour vous, Monsieur Seselj. C'est une décision

9 qui a été prise en faveur de quelqu'un qui se défend seul dans le cadre

10 d'une procédure de type "common law", où le Procureur mène indépendamment

11 son enquête sans aucun contrôle d'un juge, et que la Défense doit également

12 mener sa contre-enquête, et également doit faire venir ses propres experts,

13 ses propres témoins. Et tout cela, ça a un coût, un coût que l'accusé peut

14 faire face s'il a les moyens, mais comme ce coût est faramineux, dans la

15 justice internationale ce coût doit être assuré par le Tribunal lui-même.

16 C'était tout le sens de la décision que j'ai prise.

17 Je pense en la matière que vous ne rencontrerez aucune difficulté.

18 Monsieur Seselj, je vous donne la parole.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, comme vous l'avez annoncé,

20 vous m'avez rassuré. Je renonce à demander une certification d'appel, mais

21 je tire profit de l'occasion qui m'est donnée pour vous informer de ce qui

22 suit. Aujourd'hui, je nomme Zoran Krasic, mon conseiller juridique, au

23 poste de principal conseiller juridique. Il n'est pas avocat et, comme vous

24 le savez, 90 % de mes requêtes pratiquement ont été rédigées par lui. Sa

25 présence dans mon équipe est irremplaçable pour moi, et il n'y aura pas

26 moyen de faire que quelqu'un le remplace dans mon équipe. Il est absolument

27 impossible qu'on veuille placer quelqu'un à sa place qui aurait plus de

28 qualifications et qui serait avocat, et qu'on le laisse de côté parce qu'il

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1 n'est pas avocat.

2 Après ma requête au greffe, je suppose que le greffe a créé des

3 problèmes à ce sujet. Peut-être que mes craintes sont exagérées. Vous venez

4 de me convaincre de la possibilité qu'elles ne soient. C'est la raison pour

5 laquelle je ne vais pas demander une certification d'appel, mais je dois

6 vous dire que je ne renoncerais à aucun prix à la présence de Zoran Krasic

7 dans mon équipe. Je me battrais plutôt seul que de renoncer à sa présence

8 comme conseiller juridique principal à mes côtés.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, concernant M. Zoran Krasic, que je

10 n'ai pas l'honneur de connaître, mais j'ai lu avec intérêt tout le travail

11 qu'il a fait dans les requêtes. Ce travail est excellent, et effectivement

12 il serait tout à fait impensable que cette personne ne vous assiste pas, et

13 je ne vois pas en quoi le greffe pourrait s'y opposer. Donc, si vous

14 indiquez au greffe que M. Zoran Krasic sera votre collaborateur principal,

15 bon, je ne pense pas que M. Krasic a fait l'objet d'un procès pénal, et

16 cetera, et cetera. Il a, d'après tout le travail qu'il a fait, les

17 compétences qui me semblent, d'ailleurs, très étendues. Donc, il n'y a, de

18 mon point de vue, aucun obstacle à ce que M. Zoran Krasic soit votre

19 collaborateur principal. S'il y avait un obstacle quelconque, faites-moi

20 une requête et je rendrais une décision à ce sens.

21 Donc voilà, et effectivement vous avez tout à fait raison. Pour vous, il

22 est important, et effectivement, d'après ce que je lis sous sa plume, oui,

23 il est important pour vous. Et ne pas l'avoir pourrait être un handicap, et

24 à ce moment-là, l'égalité des armes pourrait être rompue.

25 Voilà concernant cette question de financement, et je tenais donc à faire

26 le point avec vous, parce que l'avantage d'une audience de mise en état

27 c'est que ça permet un échange et parfois d'aplanir des difficultés.

28 Alors, je n'ai pas donné la parole à Mme Dahl, parce que sur cette

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1 question de financement, ça n'entre pas dans le champ particulier de

2 l'Accusation, puisque ceci relève d'une question purement financière, qui

3 relève de la compétence du greffier.

4 Alors, comme nous allons aller jusqu'à 19 heures 00, je vous propose

5 que nous fassions une courte pause, puisqu'il est maintenant 17 heures 30.

6 Nous allons faire une pause de 20 minutes, et nous reprendrons dans 20

7 minutes, et nous irons jusqu'à 19 heures 00. Voilà, et comme cela, nous

8 aborderons après les autres sujets.

9 --- L'audience est suspendue à 17 heures 28.

10 --- L'audience est reprise à 17 heures 51.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'Audience de Mise en état se poursuit. Alors,

12 je voulais aborder avec l'Accusation et puis M. Seselj la question de la

13 date du procès. Alors, je reviens sur l'audience précédente de mise en

14 état.

15 Lors de l'audience précédente, Monsieur Seselj, vous m'aviez dit à

16 l'époque un certain nombre d'arguments comme quoi, de votre point de vue,

17 le procès ne pourrait commencer qu'au mois de mars, au meilleur. Et puis,

18 vous avez également développé une argumentation juridique qui était la

19 suivante, que je rappelle. Vous avez indiqué que le Conseil de sécurité

20 dans sa résolution avait indiqué que les travaux de ce Tribunal concernant

21 les procès, devaient, en ce qui concerne les procès, devaient se terminer

22 en 2008. Et vous m'avez dit qu'il y aura un problème parce que votre procès

23 ne pourra se terminer en 2008, et que de ce fait, il y aura des

24 conséquences.

25 Alors, je n'étais pas intervenu sur le coup afin de me donner du temps pour

26 la réflexion sur cela, car comme vous le savez, j'ai la responsabilité de

27 saisir la Chambre, pour dire que la Mise en état est terminée et que le

28 procès peut commencer. Donc, j'ai passé une partie des vacations

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1 judiciaires à réfléchir à cette question, et le fruit de ma réflexion est

2 le suivant : Je pense que ce procès doit commencer au mois de novembre pour

3 les raisons suivantes : Un premier procès avait commencé l'année dernière

4 au mois de novembre, puis il y a eu la question de la grève de la faim qui

5 a interrompu le procès, et depuis donc presque huit mois nous sommes en

6 phase de Mise en état. Et en règle générale, à ma connaissance, rares ont

7 été des interruptions de procès qui ont duré très longtemps. En règle

8 générale, quand il y a des problèmes de ce type, les procès reprennent

9 assez rapidement.

10 Deuxièmement, je me suis posé la question de savoir quel pourrait être le

11 préjudice pour vous si le procès commençait au mois de novembre par rapport

12 à la masse des documents. Car c'est une évidence vous n'avez pas pris

13 connaissance totale des centaines de milliers de pages, voire même des

14 millions de pages concernant votre affaire.

15 A partir de là, j'ai examiné l'acte d'accusation, je vais y revenir,

16 puis la programmation des témoins du Procureur.

17 Et là, Madame Dahl, je vous dis, je ne suis absolument pas d'accord

18 avec le planning que vous avez donné. Alors, c'est un planning

19 confidentiel, mais je ne vais pas aborder des noms, et cetera, je reste

20 publiquement, et cela, ça peut être abordé.

21 Parce que le problème de fond est le suivant : D'après ce que je

22 comprends, des écritures de l'Accusation, l'Accusation voudrait faire venir

23 des témoins en premier sur la responsabilité de M. Seselj, puis après faire

24 venir, j'allais dire, les témoins factuels. Alors ceci heurte l'essence

25 même d'un procès pénal. Parce qu'avant d'aborder, Madame Dahl, la question

26 de la responsabilité d'une personne, faut-il savoir de quoi est responsable

27 cette personne et de quoi l'événement criminel ou délictuel qui est

28 intervenu, et ce n'est qu'après que l'on doit savoir en quoi l'accusé est

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1 responsable du crime qui a pu survenir.

2 Et vous suivre dans votre proposition serait de mon point de vue une

3 hérésie totale. Parce qu'aborder directement des témoins qui viendront dire

4 : "Il est responsable de ci, de cela," et cetera, alors même qu'on sait

5 absolument pas ce qui s'est passé au niveau des destructions, des pilages,

6 des persécutions, enfin de tout ce qui s'est passé, de tout ce qui a pu se

7 passer dans des municipalités, il y aurait quelque chose d'incohérent. Mais

8 qui plus est, indépendamment de cette incohérence, il y a le respect des

9 droits de la Défense et des droits de M. Seselj.

10 M. Seselj, avant qu'il puisse, lui, contre-interroger les témoins qui

11 viendront déposer sur son altercation directe soit dans l'entreprise

12 criminelle, soit au titre du 7.1 dans les faits qui se sont déroulés soit

13 au titre de la planification, soit au titre des ordres qu'il a pu donner,

14 soit au titre de l'incitation à la haine par des discours. Encore faut-il

15 savoir ce qui s'est réellement passé sur le terrain. Et cela, ce qui s'est

16 passé sur le terrain, vous pouvez le mettre en évidence en suivant les

17 points que vous vouliez aborder sur les crimes commis à Hrtkovci, ensuite à

18 Vukovar, ensuite en Slavonie occidentale, ensuite à Bijeljina, Brko, et

19 Bosanski Samac, à Zvornik, à Novi Sanji et Mostar, et dans la région de

20 Sarajevo.

21 Et ceci présenterait l'avantage suivant tant pour les Juges que pour

22 vous et pour M. Seselj, c'est-à-dire, des témoins viendraient dire :

23 "Voilà, dans la région de Vukovar, voilà ce qui s'est passé." Et c'est cela

24 le quoi, le quoi susceptible d'être imputé à l'accusé.

25 Après quoi, les témoins suivants viendraient à ce moment-là dire

26 c'est imputable à X, Y, ou Z, puis à M. Seselj. Cela aurait l'avantage

27 fondamental de permettre à M. Seselj dans sa Défense une montée en

28 puissance. A savoir que son équipe et lui-même au départ pourraient se

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1 concentrer sur le factuel, à savoir des témoins vont venir dire : "Voilà,

2 j'étais dans ma maison, il s'est passé ci, des individus sont arrivés. Ils

3 ont brûlé la maison," et cetera, et cetera. Bon.

4 Et ceci, il y a la part pour l'accusé, cela ne va pas entraîner de sa

5 part un préjudice parce qu'il sera à même, à ce moment-là, à contre-

6 interroger. Parce que ce qu'il faudra mettre en évidence, c'est le factuel,

7 l'événementiel. Et cela permettra à ce moment-là à M. Seselj de mieux se

8 préparer pour la suite.

9 Parce que comme je l'ai dit à de multiples reprises, votre acte

10 d'accusation est une fusée à trois étages. Première étage, ce qui s'est

11 passé, deuxième étage, ceux qui ont commis les crimes, identification de

12 cela, et troisième étage, la responsabilité, le lien qu'il y a entre les

13 auteurs des crimes et M. Seselj. Et ceci dans le temps lui permettra, alors

14 même qu'il a à faire face à une Défense importante, lui permettra de

15 préparer au mieux sa Défense.

16 Parce que si je vous suis dans votre argumentation, en commençant

17 tout de suite par des témoins sur sa responsabilité pénale tout de suite,

18 vous le placez dans une situation où il sera en difficulté parce qu'il

19 n'aura pas eu le temps de mon point de vue à se préparer à cela, même si

20 cela va faire cinq ans qui s'y prépare. Mais dans les cinq ans, j'ai la

21 nette impression que beaucoup de temps a été consacré à la procédure plutôt

22 qu'au fond du dossier. Et pour qu'il soit dans les meilleures conditions,

23 il faut procéder comme cela.

24 Alors, vous allez me dire qu'il appartient à l'Accusation le fardeau de la

25 preuve, bien entendu, et que vous avez la possibilité de choisir vos

26 témoins. Alors, là-dessus, je vous dirais non, parce que l'article 90(F) du

27 Règlement permet aux Juges d'exercer un contrôle sur les modalités de

28 l'interrogatoire des témoins et de la présentation des éléments de preuve,

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1 ainsi que sur l'ordre dans lequel ils interviennent.

2 Donc, la thèse de l'Accusation de dire : "Nous faisons ce que nous

3 voulons," à cette thèse, je réponds non, car c'est de la responsabilité des

4 Juges et du Juge de la Mise en état de dire comment ces témoins vont venir

5 apporter leurs témoignages. Et ce, pour deux raisons que le Règlement a

6 bien spécifiées : D'une part, pour rendre l'interrogatoire et la

7 présentation des éléments de preuve efficaces pour l'établissement de la

8 vérité; et deuxièmement, pour éviter toute perte de temps inutile.

9 La vérité que moi je recherche, que mes collègues rechercheront,

10 c'est la vérité avec un grand "V", pas la vérité du Procureur, pas la

11 vérité de M. Seselj. La vérité tout court avec un grand "V". Et cette

12 vérité, pour qu'il n'y ait pas d'erreur judiciaire, encore faut-il que dans

13 l'ordre des témoins, c'est ce que le Règlement a prévu, il y ait une

14 cohérence.

15 Et je vous indique tout de suite que la cohérence compte tenu des

16 difficultés de ce dossier, compte tenu des péripéties qui font qu'une

17 personne attend depuis presque cinq ans d'être jugée, ce qui est

18 exceptionnel. Alors même que ce dossier, de mon point de vue, ne présentait

19 aucune difficulté particulière, il faut cesser maintenant de perdre du

20 temps. Et je vous dis, comme je le pense, ce procès lorsqu'il commencera de

21 mon point de vue au mois de novembre doit commencer par des témoins qui

22 viennent simplement relater le quoi, c'est-à-dire, ce qui est arrivé, et

23 qu'ensuite qu'il y ait une progression.

24 Ce qui me permet de dire à M. Seselj que je prends en compte vos

25 propres difficultés concernant la gestion de la Défense, car il ne m'a pas

26 échappé que beaucoup de documents ne vous avaient pas été communiqués,

27 qu'un certain nombre de documents n'ont pas été traduits, ou sont en cours

28 de traduction. Et qu'à juste titre, vous pouvez dire : "Oui, mais moi, est-

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1 ce que je peux me préparer ?" Je vous dis concernant les crimes en

2 question, oui, parce qu'il n'y aura que des témoins qui viendront dire

3 voilà ce qui est arrivé. Bien souvent ce qu'ils vont dire est quasiment de

4 notoriété publique. Et vous aurez, à ce moment-là, dans le même temps

5 imparti au Procureur, la possibilité de contre-interroger les témoins et

6 ceci sans aucune difficulté.

7 Pour la suite des événements, s'il y a une accélération soit parce

8 qu'il y a un nombre de témoins beaucoup plus réduit que prévu, et

9 l'expérience montre qu'en règle générale l'Accusation voit très large, et

10 puis effectivement, ils ont moins de témoins que prévu, et qu'à ce moment-

11 là arrive le passage à des témoins importants au niveau soit des auteurs

12 qui ont commis les crimes, et soit concernant votre propre responsabilité,

13 à ce moment-là, vous pourriez, le cas échéant, demander à la Chambre de

14 jugement une courte suspension afin de vous permettre de vous préparer de

15 quelques semaines, ce qui permettra la sauvegarde totale de vos droits.

16 Mais il faut commencer au mois de novembre, parce que ceci a assez duré.

17 Je ne sais pas en définitive quel sera votre sort. Votre sort sera

18 fixé en fonction des éléments qui seront rapportés par le Procureur,

19 contredits par vous et les éléments que vous allez apporter. Il résultera

20 de cela, et pour le moment je n'ai aucun élément, soit votre acquittement,

21 soit votre condamnation, mais je n'en sais strictement rien. Cela ne sera

22 qu'à la fin, ou avec l'évaluation des éléments de preuve en ce qui concerne

23 la pertinence et la valeur probante que les Juges en tireront les

24 conclusions. Mais pour le moment, moi, je pars de l'idée, et je vous l'ai

25 déjà dit, contrairement à ce que vous pensez, ou parfois vous donnez

26 l'impression que vous êtes condamné d'avance. Moi, je vous dis que vous

27 aurez face à vous, devant vous des Juges qui apprécieront en tout

28 impartialité, en toute honnêteté, les éléments de preuve, et qui en

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1 fonction des éléments de preuve rendront une décision soit d'acquittement,

2 soit de culpabilité, mais il est impossible de dire aujourd'hui que vous

3 serez condamné. Et chaque fois que vous dites que vous serez condamné, et

4 cetera, je vous dirai non, Monsieur Seselj, non, parce qu'un procès, c'est

5 une histoire dans le temps. Il y a des preuves, des contre-preuves, et ce

6 n'est qu'à la fin qu'on se déterminera.

7 Et quand je vous ai rencontré la première fois, je vous ai dit :

8 Faites confiance à ce Tribunal, parce que ce Tribunal a déjà rendu des

9 décisions acquittant les accusés, à rendu aussi des décisions condamnant

10 des accusés. Ce n'est pas un Tribunal qui automatiquement condamne.

11 Je rappelle à tout le monde que les Juges doivent se prononcer sur

12 des déclarations de culpabilité au-delà de tout doute raisonnable, ce qui

13 veut dire que rien n'est joué d'avance, que tout doit être prouvé par le

14 Procureur, qui a le fardeau de la preuve, et que la Défense, et c'est cela,

15 le procès équitable, et vous-même, vous aurez la possibilité de contredire

16 l'argumentation du Procureur, de contre-interroger, d'apporter vos éléments

17 de preuve, et c'est au vu de cela que la Chambre décidera.

18 Mais au jour d'aujourd'hui, moi, et encore moi et mes collègues qui

19 ne sont pas là, nous n'avons pas un document dans un sens ou dans l'autre.

20 Ce n'est que quand ces documents viendront en audience, seront débattus,

21 que les témoins expliqueront, que nous pourrons nous déterminer, et pour

22 cela il faut que le procès se tienne. Il faut qu'il ait lieu.

23 Il faut que vous ayez la capacité de vous défendre. Vous l'avez déjà

24 fait à de nombreuses reprises. Vous serez assisté par des personnes qui

25 m'apparaissent apparemment compétentes, et le procès ne sera pas un procès

26 tronqué. Ce sera un véritable procès. Mais pour cela, il faut qu'il

27 commence.

28 Après avoir réfléchi ces dernières semaines, je pense que le

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1 calendrier du mois de novembre est le bon calendrier, à savoir que dans la

2 première semaine de novembre, le Procureur fera sa présentation. Le cas

3 échéant, vous aurez la parole pour contredire ce qu'a dit le Procureur, et

4 la semaine suivante, on commencera par les témoins factuels qui viendront

5 relater ce qui s'est passé.

6 Alors, Monsieur Seselj, vous allez me dire autre chose. Vous allez me dire

7 : "Oui, mais il y a l'acte d'accusation que je conteste ?" Alors, et vous

8 allez me dire comment commencer un procès, alors même qu'il y a une

9 contestation sur l'acte d'accusation. Alors, sur ce point qui est un point

10 aussi important, je vous réponds ceci : Vous avez fait des requêtes sur

11 l'acte d'accusation initial, et sur l'acte d'accusation modifié. La Chambre

12 de la Mise en état, avec le Président Robinson, le Juge Bonomy, et moi-

13 même, nous statuerons sur la question. J'espère que nous statuerons avant

14 novembre. C'est bien évident. Alors, statuons sur la question. Vous pouvez

15 ne pas être après d'accord avec la décision, et à ce moment-là, en appeler

16 à la Chambre d'appel. Mais une contestation de l'acte d'accusation

17 n'empêche pas pour autant la tenue du procès.

18 Parce que pourquoi y aurait-il un préjudice de votre part ? Non. Pour

19 quelle raison ? Parce que la contestation de l'acte d'accusation ne peut

20 pas entraîner à votre égard des incriminations supplémentaires. De ce fait,

21 les décisions qui interviendront, soit elles viendront en votre faveur,

22 soit elles maintiendront l'acte d'accusation. En aucun cas, il y aura un

23 préjudice nouveau.

24 Par ailleurs, et vous le savez aussi bien que moi, parce que vous

25 êtes un expert en la matière, vous savez aussi bien que moi que le

26 Règlement prévoit qu'un acte d'accusation peut être modifié à tout moment,

27 alors même que le procès a commencé. Donc, il y a des exemples où les actes

28 d'accusation soient modifiés en cours de route. Donc, le fait même qu'un

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1 acte d'accusation n'est pas consolidé n'empêche pas le fonctionnement de ce

2 Tribunal.

3 Il est vrai que dans les pays romano-germaniques, comme le vôtre et

4 comme le mien, des procès commencent avec des actes d'accusation

5 définitifs, consolidés. Il n'y a plus de discussion. Mais il se trouve que

6 nous sommes dans une procédure mixte, où mes prédécesseurs ont estimé qu'il

7 pouvait y avoir des modifications d'acte d'accusation en cours de route, et

8 de ce fait on est dans un système différent.

9 Alors, en tant que ressortissant d'un pays de droit romano-germanique,

10 votre réaction, je la comprends parfaitement, mais à ceci, je vous dis oui,

11 mais on est dans un système ici ou l'acte d'accusation peut être modifié au

12 cours de route. Mais la Chambre rendra sa décision avant le début du

13 procès. Alors après se posera la question de l'appel, évidemment, ce qui ne

14 relève plus, si vous faites appel ou si l'Accusation fait appel, je n'en

15 sais rien, relèvera de la compétence de la Chambre d'appel. Mais cela c'est

16 un autre problème.

17 Donc l'obstacle de l'acte d'accusation n'est pas un véritable

18 obstacle. Donc, moi, à ce stade, j'estime dans votre propre intérêt qu'il

19 faut que ce procès commence au mois de novembre.

20 Vous allez me dire que je suis peut-être optimiste. En la matière, il

21 faut toujours être optimiste. Je sais qu'il y a des difficultés. Je sais,

22 par exemple, que je ne connais même pas l'identité des deux Juges qui

23 m'assisteront. Je ne connais même pas la composition des Juristes de la

24 Chambre. Car comme vous le savez, pour le moment, je n'aie été assisté que

25 d'un juriste de la Chambre et d'une stagiaire, voilà, et avec cette équipe,

26 combien réduite, j'ai géré depuis le commencement de l'année la Mise en

27 état. Ce qui, comme vous le pensez bien, a occasionné de ma part et de

28 celles de mes collaborateurs beaucoup de travail.

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1 La solution facilitée serait de dire oui, attendons tranquillement le

2 mois de mars, mais là, ce serait ne pas remplir mon rôle, parce que je ne

3 vois maintenant aucun obstacle au commencement de ce procès, car les

4 obstacles je les ai résolus. Je vous dirai même que ce procès aurait dû

5 commencer quand vous vous êtes rendu volontairement à La Haye, dans les six

6 mois qui ont suivi votre arrivée. Il n'y avait aucune raison de mon point

7 de vue à vous faire attendre tous ces mois, toutes ces années. Parce

8 qu'ultérieurement certains compareront l'acte d'accusation initial et le

9 nouveau et se diront mais pourquoi tout ce temps.

10 Donc, je déplore tout ce temps qui a été perdu. J'essaie à mon humble

11 niveau de rattraper le temps perdu. Et pour cela, je dis à l'Accusation

12 qu'il faut qu'elle travaille en tenant compte des circonstances

13 particulières et en me faisant pas tout ce qui lui passe dans la tête.

14 L'Accusation doit présenter ces éléments de preuve en application de

15 l'article 90(F) et en fonction des directives données par la Chambre.

16 Ce qui fait que votre document du 25 juillet, je peux en approuver

17 les points (ii), (iii), et cetera, mais par contre, le point "i", celui-là,

18 je vous demande de le basculer tout à la fin. Et je rendrai une décision en

19 ce sens.

20 Alors M. Seselj -- oui, Maître.

21 Mme DAHL : [interprétation] Avant de rendre cette ordonnance et vous avez

22 dit que vous estimez que c'était un argument de l'Accusation, j'aimerais

23 avoir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui en la matière.

24 En ce qui concerne l'ordre de comparution des témoins, deux éléments

25 que j'aimerais signaler. Tout d'abord, l'essentiel de cette affaire, cette

26 responsabilité pénale imputée à M. Seselj, nous estimons que les éléments

27 de preuve venant des témoins qui étaient les plus proches de lui devraient

28 être entendus en première lieu. Il ne semble pas y avoir de raison valable

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1 pour contester bon nombre des incidents criminels qui sont à la base de

2 l'acte d'accusation, à savoir qu'en raison de leur appartenance ethnique

3 des gens ont été tués, chassés de leur maison, que des hommes, des femmes

4 ont été violés, torturés, que des lieux de culte, des centres d'éducation

5 ont été détruits. Les éléments clé parmi les éléments de preuve seraient

6 d'établir un lien entre ces événements et M. Seselj.

7 Deuxième élément que je voulais signaler, il y a des risques très

8 sérieux de sécurité dans le cadre des témoignages de personnes pour

9 lesquelles nous avons demandé une communication tardive et mesures de

10 protection. L'Accusation a l'obligation de présenter des éléments de preuve

11 par le truchement de ces témoins protégés le plus vite possible, une fois

12 que les mesures de protection concernant leurs identités auront été levées.

13 La question essentielle la plus urgente en ce qui concerne l'ordre de

14 comparution des témoins à charge, c'est la forme sous laquelle ces éléments

15 vont être entendus par la Chambre. Est-ce que ça va être fait par écrit ou

16 viva voce ? Nous avons estimé la durée de la présentation de nos moyens à

17 partir d'éléments qui seront surtout écrits. Si la Chambre rejette ces

18 requêtes ou elle préfère que les éléments soient présentés à l'audience

19 sans pour autant allonger la période de temps consacrée à l'Accusation pour

20 la présentation de ses moyens, il faudra ajuster le tir, prendre des

21 mesures.

22 La décision concernant les requêtes de présentation d'éléments de

23 preuve par forme écrite devrait être prise d'abord avant que la Chambre ne

24 cherche à réaménager l'ordre de comparution des témoins.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl, je vais répondre tout de suite à

26 ce que vous dites. La sécurité des témoins, ces témoins attendent depuis

27 cinq ans. Alors cinq ans plus quelques mois, cela ne va pas changer

28 fondamentalement quelque chose au problème de sécurité. Je ne vois pas en

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1 quoi ils seraient moins sécurisés aujourd'hui qu'il y a cinq ans. Premier

2 commentaire.

3 Deuxième commentaire, et là vous abordez un problème de fond qui

4 intéresse au plus haut point M. Seselj, qui va intéresser au plus haut

5 point M. Seselj. C'est la question de savoir en réalité comment ce procès

6 va se dérouler.

7 Je crois que vous êtes partie du principe qu'une grande partie des

8 éléments de preuve va être introduite par écrit. Et vous l'avez dit,

9 expliqué. Et c'est pour cela que vous avez fait de multiples requêtes pour

10 que la Chambre admette d'ores et déjà toute une série d'éléments de preuve

11 soit au titre de l'article 92 bis, soit à d'autres titres, ne serait-ce

12 déjà que la déclaration, l'audition de M. Seselj dans le procès Milosevic.

13 Alors, je vous ai dit déjà que, moi, je ne peux pas m'engager pour

14 mes collègues qui vont juger, parce que cela serait les mettre devant un

15 fait accompli. Une Chambre aurait décidé souverainement l'admission de tel

16 et tel document, telle déclaration et vous le savez bien que lorsque

17 quelque chose est établi, cela a une pertinence et cela a une certaine

18 valeur probante. Alors même que l'accusé ne pourrait pas contre-interroger

19 les témoins en question et ne pourrait pas dans cette phase faire valoir

20 son point de vue sauf par des écritures.

21 Et cela, je me refuse à ce stade et c'est pour cela qu'il n'y a

22 aucune décision qui a été rendue, alors même que je suis capable de rendre

23 une décision dans les minutes ou les heures qui suivent, j'ai eu toute

24 décision en la matière en renvoyant cela à la Chambre de jugement, parce

25 que la Chambre de jugement elle est constituée de trois juges, et moi, je

26 ne peux pas me substituer à mes collègues pour dire : Tel témoin au titre

27 du 92 bis est admis.

28 Par ailleurs, je vous l'ai déjà dit, un procès c'est une architecture. Il y

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1 a des fondements, il y a des murs et il y a un toit.

2 Les fondements ? Cela va être les premiers témoins viva voce qui vont

3 venir et qui viendront viva voce expliquer ce qui s'est passé, tant en ce

4 qui concerne les crimes, qui a fait les crimes, qui est responsable, et

5 cetera. Et cela ce sont les témoins viva voce. Il y a les témoins 92 ter où

6 le Procureur fait venir un témoin, demande l'admission de la déclaration

7 écrite, pose quelques questions et demande à l'accusé de contre-interroger.

8 Et puis, après cela, il y a les témoignages du 92 bis qui viennent

9 corroborer ce que déjà les Juges ont entendu.

10 Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs. Vous me

11 pardonnerez cette image, mais elle veut bien dire ce qu'elle veut dire.

12 Et de ce fait, des témoins viennent, déposent au titre viva voce, ensuite

13 vous complétez avec du 92 ter, et puis après vous faites une requête au

14 titre du 92 bis en expliquant que les témoins 92 bis viennent compléter ce

15 que le témoin X, Y, ou Z a dit sur tel et tel point.

16 De ce fait, votre approche de penser que ce procès va être un procès ficelé

17 de telle façon, que tout va se faire par écrit, et qu'à ce moment-là, M.

18 Seselj ne pourra rien dire, moi, je m'y refuse, parce que je ne suis pas le

19 jouet de l'Accusation. Ma mission, c'est de rendre la justice en toute

20 impartialité par examen des éléments de preuve.

21 Alors j'espère que vous avez bien compris ce que je veux dire. Et avant de

22 vous donner la parole, je vais conclure.

23 Par la déclaration Milosevic dans le procès Milosevic, M. Seselj, il est

24 d'accord. Il ne fait pas d'obstacle, sauf pour l'annexe A. Vous voyez bien

25 que je connais bien mon dossier. Mais là, bien sûr, je pourrais rendre une

26 décision tout de suite admettant, mais moi, je veux que mes collègues

27 examinent cela pour décider qu'effectivement la déclaration que M. Seselj a

28 faite au procès Milosevic, qu'il revendique parce que dans ses écritures,

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1 il a même dit, et je cite de mémoire : "J'en suis fier." Bien sûr, cela

2 n'aurait aucune difficulté de ma part à rendre une décision. Mais moi, je

3 veux que cette décision soit aussi endossée par mes collègues. C'est pour

4 cela que je n'ai pas pris de décision, alors même qu'il est d'accord, sauf

5 par l'annexe A, qui elle, évidemment, pose des problèmes que mes collègues

6 doivent aussi appréhender.

7 Alors c'est pour cela, Madame Dahl, que la façon dont vous voulez que ce

8 procès se déroule, je peux en partager certaines parties, mais il y en a

9 d'autres sur lesquelles je ne peux pas être d'accord.

10 Je vous donne la parole.

11 Mme DAHL : [interprétation] Merci. Me permettrez-vous peut-être de signaler

12 un problème de traduction. Ce n'est pas l'approche de l'Accusation qui est

13 d'avoir un procès par écrit pour empêcher M. Seselj de contester les

14 éléments de preuve proposés par un contre-interrogatoire.

15 Vous avez dit que vous ne vous intéressez pas à la version qu'avait

16 l'Accusation ou M. Seselj de la vérité. Vous vouliez avoir la vérité avec

17 un "V" majuscule, et qu'en fait ce que je vous dis, c'est qu'il y a

18 plusieurs expériences, appréhensions de la vérité, et nous cherchons, nous,

19 la même vérité que la Chambre. La Chambre n'est pas le jouet de

20 l'Accusation. Je m'oppose à cette qualification du rôle que nous jouons

21 dans ce procès.

22 Je pense également que l'ordre de comparution des témoins, c'est quelque

23 chose qui est de l'apanage du bureau du Procureur qui doit voir comment

24 présenter au mieux ces éléments de preuve dans la façon la plus

25 convaincante et elle est de même nature que le fait que c'est la Chambre de

26 première instance en tant que collège de juges qui doit rendre une décision

27 finale au vu des éléments de preuve.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Madame Dahl, je vous ai bien écoutée. Je me

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1 réjouis de savoir que vous recherchez comme moi la vérité avec un grand

2 "V", en anglais, un grand "T". Très bien. Là-dessus et je pense que M.

3 Seselj aussi recherche la vérité.

4 Il y a un consensus général. Mais, en revanche, où je diffère de vous,

5 c'est que l'article 90 ne donne pas au Procureur la liberté de faire ce

6 qu'il veut. C'est la Chambre qui a cette responsabilité. Alors peut-être

7 que dans ce Tribunal, cela n'a pas été la règle générale, mais moi, en ce

8 qui me concerne vu l'expérience que j'ai de plusieurs procès, je peux vous

9 indiquer qu'il incombe au Juge de dire comment il pense que les témoins

10 doivent venir pour ne pas que cela soit un cafouillis où personne n'y

11 comprend rien. Et cela, ça doit être fait dans un ordre logique.

12 Depuis que vous avez pris la responsabilité de ce dossier, j'ai noté avec

13 un grand plaisir tous les efforts qui ont été faits. Et sur ce plan, je

14 n'ai aucune critique à formuler. Mais, simplement, je vous dis pour la

15 question des témoins et la présentation, c'est très important. D'autant, je

16 rappelle que lorsque le procès avait commencé, à ce moment-là, la Chambre

17 précédente avait dit que vous aviez le droit de citer 102 témoins en 81

18 heures 30 minutes. Ce qui veut dire, Madame, que d'autres Juges que moi

19 estiment que c'est la Chambre qui détermine le nombre des témoins et le

20 temps. C'est la règle générale. Et je peux vous renvoyer à la jurisprudence

21 récente de la Chambre d'appel, ou dans l'autre procès que je préside la

22 Chambre a fixé, a réduit le temps de l'Accusation, l'Accusation n'était pas

23 contente. Elle a fait appel, et la Chambre d'appel m'a confirmé. Ce qui

24 veut bien dire que les Juges ont la maîtrise.

25 Deuxièmement, suite à la décision de la Chambre I en date du 8 novembre

26 2006, vous avez fait le 27 mars 2007, une liste révisée de 105 témoins.

27 Alors la Chambre de Mise en état que j'ai l'honneur de présider, et qui est

28 assistée de deux collaboratrices, s'est livrée à un examen horaire de vos

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1 105 témoins, et en faisant le total des heures prévues pour ces 105

2 témoins, nous sommes arrivés au constat qu'il vous faudrait 269 heures, ce

3 qui n'a rien à voir avec les 81 heures 30 imposées par la Chambre, présidée

4 à l'époque par mon collègue le Juge Orie.

5 Les 269 heures. Il semblerait que vous dites que là-dedans il y a du

6 92 bis et du 92 ter. Alors, il faut clarifier cela, Madame. Il faut que je

7 sache quels sont les témoins viva voce, avec le temps que vous envisagez

8 pour l'interrogatoire principal, ce qui me permettra de dire que si pour le

9 témoin X vous avez prévu trois heures, M. Seselj aura trois heures. Egalité

10 des armes.

11 Si pour le témoin Y vous avez prévu quatre heures, M. Seselj aura

12 quatre heures. Libre à lui de ne pas utiliser les quatre heures, mais il

13 aura ce volet de quatre heures comme vous.

14 Témoins viva voce. Deuxièmement, témoins 92 ter. Là aussi faut-il que

15 je sache quels vont être les témoins 92 ter. Parce que dans les 92 ter vous

16 aurez 15, 20 minutes pour poser les quelques questions sacramentelles :

17 "Est-ce bien vous qui avez fait la déclaration écrite ? Confirmez-là vous

18 ?" et cetera, et cetera, et puis présenter quelques documents. Et ensuite

19 que la Chambre fixe à M. Seselj pour le témoin Z du 92 ter un temps, mais

20 le temps sera celui qui figurait dans la liste 65 ter.

21 Une fois que tout cela sera fait, la Chambre déterminera le volant

22 total d'heures qui vous seront accordés pour présenter vos moyens.

23 Et vous avez compris tout de suite que ce volant se situera dans la

24 fourchette 81, 269 heures.

25 Oui, Madame Dahl.

26 Mme DAHL : [interprétation] La liste des témoins que nous avons déposé en

27 mars 2007 comporte toutes ces données que vous venez de décrire s'agissant

28 de l'estimation pour les viva voce et le temps qu'il faudra pour les

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1 témoins qui présenteront une déposition abrégée, étayée par une déclaration

2 préalable. Effectivement, là je ne vois pas comment on est arrivé aux 269

3 heures. Il faudra que je fasse -- que je travaille ma copie d'ici à lundi,

4 si nous avons une audience pour voir comment on est arrivé à cela. J'ai

5 étudié les comptes rendus précédents, les décisions précédentes, et j'étais

6 arrivée au premier chiffre que vous aviez donné, à savoir entre 80 et 100

7 heures. C'est dont je me souviens, mais je n'ai pas mes notes ici sur moi.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, merci, Madame Dahl. Il faudra que vous revoyiez

9 le calcul.

10 Moi, à titre personnel, j'ai déjà fait une première évaluation. J'ai

11 regardé de manière empirique, parce que je n'ai pas les documents, mais

12 j'ai vu que vous avez prévu largement un certain nombre d'heures, et je me

13 suis dis, c'est une prévision très optimiste, et nous pourrons réduire.

14 Mais cela, ça pourra se faire au cours d'une audience de mise en état

15 prochaine, où l'on passera cela en évidence.

16 Mais le véritable problème, c'est la question du 92 bis. Alors, pourquoi

17 c'est une question ? M. Seselj, dans ses écritures, s'oppose au versement

18 des déclarations 92 bis. Je vous renvois aux multiples écritures qui ont

19 été rédigées en la matière. Je résume, et M. Seselj me reprendra si je fais

20 une erreur, je résume sa position. M. Seselj rappelle dans ses écritures

21 qu'il a le droit de contre-interroger les témoins, et ce droit, il veut

22 l'exercer en demandant à ce que les témoins viennent, et qu'il n'y ait pas

23 une admission écrite. Alors, sur cette question, bien entendu ça mérite un

24 débat avec mes collègues.

25 Mais de mon point de vue, le règlement résout déjà cette question en

26 permettant au titre de l'article 92 bis l'admission de déclaration écrite

27 lorsque celles-ci sont cumulatives, parce que d'autres témoins vont déposer

28 ou ont déjà déposé sur des faits similaires, ou bien se rapportent au

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1 contexte historique, politique ou militaire, ou concernent une analyse

2 statistique de la composition ethnique, ou se rapportent à l'effet des

3 crimes sur les victimes, ou portent sur la moralité de l'accusé, ou

4 concernent des éléments en compte pour la détermination de la paix. Mais on

5 n'en est pas là.

6 En réalité, le seul problème pour la Chambre, c'est de savoir quels sont

7 les éléments cumulatifs, mais dans sa grande sagesse, le règlement explique

8 qu'il y a des facteurs qui s'opposent quand l'intérêt général commande que

9 ces éléments soient présentés oralement. Parce qu'une partie en l'espèce,

10 M. Seselj, s'oppose, parce qu'il dit et il démontre que ces éléments ne

11 sont pas fiables, mais ça, c'est à lui de l'indiquer, ou qu'il existe tout

12 autre facteur qui justifie la comparaison -- la comparution du témoin pour

13 contre-interrogatoire.

14 Alors, dans la pratique, et je le dis pour M. Seselj, dans la pratique

15 comment les Juges procèdent ? Ils ont des requêtes 92 bis. Donc,

16 d'ailleurs, vous-même, Monsieur Seselj, quand votre tour viendra, vous

17 pouvez aussi faire des requêtes 92 bis. Et les Juges lisent la déclaration

18 et vérifient à ce moment-là que ce qui est dans la déclaration corrobore ou

19 est cumulatif avec les déclarations d'autres témoins.

20 Prenons un exemple ultra simple. Imaginez qu'il y a un témoin viva voce qui

21 vient expliquer que dans le village où il habitait, sa ferme a été

22 détruite, et le témoin rajoute, les fermes voisines ont été détruites, viva

23 voce. 92 bis. Un témoin voisin fait la même déclaration en disant que sa

24 ferme a été détruite dans ce village. Voilà. C'est ça le fonctionnement du

25 92 bis.

26 Mais pour cela, encore faut-il qu'on ait des éléments sur déjà des faits

27 mis en exergue par un témoin de manière viva voce.

28 C'est pour cela, Madame Dahl, que moi, en état, je ne peux pas me prononcer

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1 sur toutes les requêtes 92 bis. Parce que, un, je ne sais pas ce qu'ont dit

2 les témoins viva voce, parce que je ne les ai pas entendus; et

3 deuxièmement, je ne sais pas quelle est la position de mes collègues, parce

4 que peut-être eux, ils seront d'un avis différent au mien. Et à ce moment-

5 là, s'ils veulent, ils prendront une décision -- mais il appellera la

6 majorité, si je ne suis pas d'accord, mais à ce moment-là, il y aura une

7 admission majoritaire, mais ça, je ne peux pas préjuger.

8 Alors, je sais que des Chambres ont déjà statué pendant la mise en

9 état sur des requêtes 92 bis. Parce que comme vous imaginez bien, étant

10 spécialiste, je me suis posé la question de savoir si ça avait déjà été

11 fait, et effectivement, dans l'affaire Boskoski et Ljubicic il y a eu des

12 admissions, mais dans cette affaire, parce que la Chambre a renvoyé ces

13 affaires devant les juridictions nationales. Et dans d'autres affaires, ce

14 sont les Chambres de jugement qui ont statué. Donc voilà les raisons pour

15 lesquelles le 92 bis ne peut pas d'ores et déjà être mis en œuvre.

16 Alors concernant l'argumentation de M. Seselj sur le droit qu'il a de

17 contre-interroger, oui, bien sûr, vous avez ce droit, Monsieur Seselj, mais

18 vous comprenez bien que la Chambre a aussi la responsabilité de l'économie

19 du temps. Si je reprends mon exemple précédent sur un témoin qui explique

20 que sa ferme a été détruite, et que l'Accusation me fait une requête 92 bis

21 pour admettre une deuxième déclaration disant la même chose. Bien entendu

22 que moi, à ce moment-là, j'admettrais cette requête, parce que votre

23 contre-interrogatoire sur le deuxième ça n'apportera rien de plus par

24 rapport au premier. Parce que, le premier, vous aurez la faculté lors du

25 contre-interrogatoire lui dire : "Mais Monsieur ou Madame, vous avez dit

26 tout à l'heure que plusieurs fermes ont été brûlées. Pouvez-vous me dire le

27 nombre ?" et cetera, puis elle vous dira, oui, la ferme de mon voisin

28 monsieur X a été brûlée. Voilà. Et puis monsieur X pourra revenir en 92

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1 bis.

2 Bien entendu, là aussi, Monsieur Seselj, l'expérience montre que les

3 Juges ne font pas tout et n'importe quoi. Il y a des témoins que le

4 Procureur aura la tentation de faire venir en 92 bis, mais comme les Juges

5 regardent la déclaration et se rendant compte que, non, il faut que le

6 témoin soit contre-interrogé, nous refuserons à ce moment-là l'admission en

7 spécifiant dans la décision que le témoin sera contre-interrogé.

8 Et n'oubliez pas les uns et les autres que les Juges ont le droit de

9 poser des questions. Nous ne sommes pas dans un procès de type 100 %

10 "common law" où les Juges se croisent les bras et n'interviennent pas. Le

11 règlement permet aux Juges de poser des questions et, en ce qui me

12 concerne, je n'hésite jamais à poser des questions à un témoin. De ce fait,

13 il se peut que certaines déclarations au titre du 92 bis appellent la venue

14 du témoin.

15 Donc, Monsieur Seselj, pour me résumer, j'ai lu vos multiples

16 écritures en matière de 92 bis. Vous avez raison. Ce droit de

17 contre-interroger est un droit qui est au cœur même du droit de la Défense

18 et du Statut de ce Tribunal. Mais contre-interroger, oui, quand le témoin

19 est important, quand le témoin va évoquer des questions sur le comportement

20 de X, Y ou Z. Mais comme le prévoit le règlement, contre-interroger

21 quelqu'un qui, au titre du 92 bis, fait une analyse statistique de la

22 composition ethnique, vous pouvez ne pas être d'accord, bien entendu,

23 d'ailleurs dans la procédure comme vous avez le droit de dire : "Je ne suis

24 pas d'accord. Je demande l'audition de ce témoin. Je conteste parce que ce

25 qu'il dit sur la composition ethnique, il se trompe." Bon, à ce moment-là,

26 vous faites déjà valoir votre position, et évidemment la Chambre, voyant la

27 contestation, peut à ce moment-là décider de le faire venir. Mais la

28 Chambre peut dire, bon, il y a une contestation, parce que sur la

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1 composition ethnique il y a des divergences. Il y aura d'autres témoins qui

2 viendront éclaircir. Et puis l'Accusation fera venir également son propre

3 témoin pour contester cela. Sinon, on aurait des centaines de témoins à

4 chaque fois, et cela n'est pas possible.

5 Et là aussi, je m'adresse à Madame Dahl. Parce que mon expérience de

6 ce Tribunal, des procès, me permet de vous dire dans le choix de vos

7 témoins, faites venir les témoins importants. C'est à vous de faire votre

8 choix et de proposer à la Chambre les témoins. Important pour vous, mais

9 important pour la vérité. Et ne pas occulter certains témoins pour faire

10 venir des témoins qui viendront dire des éléments importants pour le

11 témoin, mais peut-être moins importants pour la vérité tout court.

12 Cette question des témoins, elle est fondamentale parce qu'elle est

13 au cœur même du procès, puisque c'est ce qui sous-tend le fardeau de la

14 preuve. Mais elle est importante aussi pour la Défense et pour M. Seselj,

15 qui a le droit aussi de contester ce que va dire un témoin.

16 Donc il y a un équilibre à trouver et un équilibre. Cet équilibre,

17 c'est à la Chambre de le déterminer au mieux des intérêts de la justice.

18 Alors, ce n'est pas ce soir, en fin de semaine, que cette affaire

19 doit être tranchée. Monsieur Seselj, la semaine prochaine, donc, nous nous

20 retrouverons lundi après-midi. Je vous donnerai la parole pour que vous

21 interveniez sur les sujets que j'ai abordés, que Mme Dahl a abordés. Donc,

22 vous me donnerez votre position, votre sentiment, et ensuite --

23 Oui, alors ma collaboratrice m'a dit que ça sera dans cette Chambre

24 ici et ça commencera à 14 heures 15.

25 Et puis une fois que nous aurons abordé cela, j'aborderai donc les

26 questions relatives à certaines requêtes pendantes à la communication des

27 pièces, et puis j'aborderai également la question qui est relative aux

28 moyens de Défense spéciaux. Parce que là aussi il y a des éclaircissements

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1 à apporter.

2 Alors dans les prochains jours, les prochaines semaines, je vais me

3 heurter à une difficulté colossale, Monsieur Seselj, c'est-à-dire que

4 toutes les salles d'audience sont maintenant surbookées, parce que dans les

5 trois salles d'audience il y a sept procès en cours et je vais avoir

6 énormément de mal à trouver un jour d'une audience de mise en état. Alors,

7 mes collaboratrices ont saisi le service de l'audiencement de cette

8 question, qui font le maximum, et dès qu'on aura une fenêtre nous

9 permettant une audience, à ce moment-là on remplira cette fenêtre. Il se

10 peut qu'au dernier moment je sois amené à faire une ordonnance portant

11 fixation d'un calendrier d'une audience de Mise en état parce que je n'ai

12 plus de créneaux. Si jamais je n'ai plus de créneaux, j'ai deux autres

13 possibilités. Une première qui serait à ce moment-là de faire une audience

14 de Mise en état à 8 heures 00 le matin. Mais malheureusement, nous n'aurons

15 qu'une demi-heure, parce qu'on est obligé d'avoir une interruption de 30

16 minutes entre deux affaires pour le changement des bandes. Donc, en cas de

17 nécessité, je pourrais faire une audience le mardi 8 heures 00, mercredi 8

18 heures 00, jeudi 8 heures 00. Moi, à titre personnel, je suis disponible.

19 Je peux faire une audience à 10 heures 00 du soir jusqu'à 4 heures 00 du

20 matin si on veut. J'en ai l'habitude.

21 Mais le problème, c'est qu'il y a des problèmes liés à votre transport au

22 Tribunal. J'ai cru comprendre que la police néerlandaise ne voulait pas

23 assumer des transports hors certains horaires. Il y a des problèmes

24 concernant les interprètes, le personnel, et cetera, ce qui fait qu'on ait

25 limité dans le temps, ce qui est un inconvénient majeur, mais sachez que de

26 ma part, je suis disponible. Et c'est pour cela que j'ai profité du fait

27 que lundi prochain à l'heure même que je devais avoir une audience avec un

28 témoin dans le procès que je préside. Cela a été supprimé, j'en ai profité

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1 tout de suite pour nous permettre de nous retrouver dans la foulée.

2 Alors, avant de conclure, parce que je vois qu'il est 19 heures, et je sais

3 qu'on s'agite dans les cabines.

4 Très rapidement, Madame Dahl et Monsieur Seselj.

5 Madame Dahl, très rapidement.

6 Mme DAHL : [interprétation] Un point d'intendance rapidement, Monsieur le

7 Président. J'aimerais faire remarquer aux sténotypistes la nécessité d'une

8 correction au compte rendu d'audience en anglais à la page 25, ligne 7. En

9 effet, la parole est attribuée à l'Accusation alors qu'en fait c'était le

10 Juge de la Mise en état qui parlait.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, très vite.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, ce point de l'ordre du jour

13 est traité déjà depuis une heure et dix. J'aurais besoin d'au moins dix

14 minutes pour revoir quels sont les points les plus importants qui ont été

15 abordés, car pour l'instant je n'ai pas encore participé à la discussion.

16 D'abord, je n'ai jamais exprimé la moindre crainte par rapport à la

17 conclusion de ce procès. J'ai même dit à plusieurs reprises que cette

18 conclusion ne m'intéressait pas. Ce qui m'importe ce n'est pas de

19 l'emporter aux yeux de l'opinion.

20 Je n'ai aucune raison de mettre en doute votre objectivité, votre

21 équité, car jusqu'à présent vous ne m'avez donné aucune raison d'en douter,

22 mais je doute de l'impartialité de ce Tribunal, car pas mal d'occasions

23 m'ont donné le pouvoir de mettre en doute l'impartialité de ce Tribunal. Je

24 pense qu'il est anti-serbe par nature et que de nombreux Serbes ont été

25 condamnés devant ce Tribunal.

26 Je sais bien que le processus est un processus historique. Un tel

27 processus n'a jamais existé devant un Tribunal international, et ce qui est

28 important pour moi c'est de gagner.

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1 J'ai déjà vécu assez longtemps. Je ne m'intéresse pas au jugement. Ce

2 qui m'intéresse c'est la trace que je laisserai derrière moi. Pour être

3 très franc avec vous, je souhaite sortir de ce procès en pleine gloire.

4 Donc gagner m'importe, est la seule chose.

5 Deuxièmement, je n'ai jamais demandé que le début du procès soit reporté au

6 mois de mars. J'ai simplement dit que, compte tenu de la situation, de la

7 progression de l'affaire, il ne me serait pas possible de commencer avant.

8 Mais j'ai toujours dit que ce qui m'intéressait c'était de commencer le

9 plus tôt possible.

10 Je voudrais revenir sur ce qu'a dit Refik Hodzic, porte-parole de ce

11 Tribunal. A Belgrade, il a dit que c'est moi qui étais coupable parce que

12 ce procès n'avait pas encore commencé, et que j'avais demandé le report du

13 début du procès au mois de mars 2008. Ceci est un mensonge pur et simple,

14 un mensonge notoire. Il a déclaré que j'avais demandé un délai

15 supplémentaire pour pouvoir me préparer. Je n'ai jamais demandé de délai

16 supplémentaire. J'ai simplement mis le doigt sur un certain nombre de

17 problèmes qui ont été créés par l'Accusation, parce que le Procureur

18 n'était pas prêt, malgré un travail entamé il y a plus de cinq ans. Il

19 déclare que le procès aurait dû commencer en novembre 2006 et que je suis

20 responsable de son report parce que j'ai fait une grève de la faim. Mais ce

21 n'est pas tout de même sans quelques souffrances que j'ai mis ma vie en

22 danger.

23 Je pense qu'il faudrait tout de même faire savoir à M. Hodzic, il y a

24 encore toutes sortes de mensonges qu'il a proféré dans sa déclaration du 6

25 août. Je n'ai pas besoin de tout citer. C'est un article qui a paru dans le

26 quotidien Pres [phon]. Je suis d'accord pour que le procès commence au mois

27 de novembre. Mais est-ce que tout est prêt pour que ce procès commence ?

28 L'année dernière, la Slavonie occidentale, Samac [phon], Bijeljina, Brcko

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1 ont été éliminés de l'acte d'accusation. On n'en trouve plus de trace à

2 l'acte d'accusation, mais dans la liste des témoins, on voit que des

3 éléments de preuve liés à ces événements figurent. Alors est-ce que c'est

4 enlevé ou est-ce que ce n'est pas enlevé de l'acte d'accusation ? On m'a

5 dit que c'était enlevé et je vois que des éléments de preuve concernent ces

6 points. Est-ce que par hasard ce qui a été décidé, c'est qu'on ne pouvait

7 pas en parler en tant que faits, mais qu'on pouvait en parler dans d'autres

8 circonstances. Il faut tout de même préciser les choses. Il y a plein de

9 témoins qui viendront parler de crimes qui auraient été commis dans des

10 régions qui ont été éliminées de l'acte d'accusation. Il faut tout de même

11 qu'il y ait un peu de coordination.

12 Je pense que vous-même, en tant que Juge de la Mise en état, vous

13 pourriez déjà trancher dans le vif de ce point de vue. Parce que, ou bien,

14 on revient à l'ancien acte d'accusation et on reparle de tout cela, ou bien

15 on décide de ne plus parler de cela. Et il faut appeler l'attention de

16 l'Accusation sur ce point et on travaille sur un acte d'accusation

17 modifiée, parce que tout de même pour moi, cela a des conséquences.

18 Deuxième point. Je reçois des écritures. L'Accusation, dans des

19 écritures récentes, a fait savoir que la majorité des éléments de preuve

20 qu'elle avait l'intention de présenter, le ferait par écrit. D'abord,

21 l'application de l'article 89(F) est exclue parce que c'était un article

22 qui était appliqué lorsqu'on n'appliquait pas l'article 92 bis et l'article

23 92 ter. Le 92, dans toutes ses formes, est un complément du 89(F). Je ne

24 vois pas comment on peut continuer à présenter des éléments sur la base du

25 89(F), alors que les autres 92 bis et ter existent. Les interventions de

26 l'article 92 bis, de l'article 92 ter et de l'article 92 quater ne peuvent

27 être que des méthodes de présentation de moyens de preuve exceptionnels.

28 Regardez toutes les déclarations recueillies de la bouche des témoins

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1 potentiels. Ce ne sont pas les témoins qui rédigent ces déclarations, c'est

2 le Procureur. Quelquefois le témoin n'a même pas jeté les yeux sur le

3 résultat final que l'on trouve dans la déclaration. On a vu je ne sais

4 combien de témoins dans les prétoires dirent qu'ils niaient l'exactitude ce

5 qui était écrit dans ces déclarations préalables, ces déclarations écrites.

6 Je trouve que ceci est inacceptable.

7 Ensuite, dans la requête du Procureur qui date du mois de juin 2007,

8 et qui m'a été remise le 14 juillet, c'est une requête de l'Accusation en

9 vue d'obtenir que le Juge de la Mise en état passe en revue les éléments

10 que le Procureur voudrait utiliser.

11 Alors, je lis un paragraphe : "J'indique que plus de 4 000 pages

12 d'écritures présentées par le Procureur ont déjà été rejetées par les

13 Juges. Si les choses continuent à ce rythme, on atteindra un total de pages

14 dont le coût de l'examen reviendra à plus de 75 000 euros." Dans quel délai

15 tout cela se passera ? On m'a présenté 50 classeurs pour le moment qui

16 contiennent 10 000 documents peut-être, peut-être plus, je ne sais pas. Je

17 ne les ai pas comptés un par un. Mais qu'en est-il des 390 000 autres ?

18 Quand ils me seront communiqués ? Ils doivent m'être communiqués avant le

19 début du procès. Ce sont des documents que l'Accusation a l'intention

20 d'utiliser et elle a cette intention depuis l'année 2003. Je répète que

21 l'Accusation n'était tout simplement pas prête, semble-t-il.

22 C'est le problème de l'Accusation. Comment est-ce que moi je peux

23 résoudre tout cela ? Si vous voulez résoudre les choses avant le mois de

24 novembre, je ne vais poser aucun problème. Bien entendu, je suis tout à

25 fait impatient de me retrouver dans le rôle d'un accusé jugé dans un

26 prétoire. Très franchement, j'attends le début du procès avec impatience.

27 Le 25 juin, le bureau du Procureur m'a remis 35 déclarations écrites

28 de témoins sur décision de la Chambre en date du 4 juillet et du 16 mai.

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1 Deux d'entre elles étaient en langue serbe. Toutes les autres étaient en

2 anglais et je les ai renvoyées. Suite à votre décision tout doit m'être

3 communiqué en serbe et sur papier. Malgré cela, le Procureur continue à me

4 signifier des documents en anglais.

5 Puis le document relatif à Vuk Draskovic et à la garde serbe auxquels

6 sont imputés des crimes commis en Herzégovine. La déclaration d'un certain

7 Ibrahim Sutar [phon], en anglais. Qu'est-ce que je peux en faire en langue

8 anglais, moi ?

9 M. LE JUGE ANTONETTI : [chevauchement] -- je ne sais pas si c'est des

10 témoins protégés ou pas.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] La vérification a été faite. Ils ne sont

12 pas protégés. Je n'aurais pas cité de nom s'il avait été un témoin protégé.

13 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Juge, conformément à la proposition

14 que j'ai faite à la dernière Conférence de mise en état, à chaque fois que

15 des noms doivent être prononcés, il faudrait passer à huis clos partiel

16 pour éviter toute divulgation inévitable.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne prononcerai plus un seul nom. Plus un

18 seul nom. Mais le nom que je viens de prononcer, je suis certain qu'il ne

19 s'agit pas d'un témoin protégé. Ensuite, la question de la pertinence des

20 documents qui me sont communiqués. Le Procureur annonce 4 000 éléments de

21 preuve à peu près pour le procès. Jusqu'à présent, j'ai reçu les éléments

22 de preuve numéros 1 à 500, en dehors d'un certain nombre de documents qui

23 sont encore sous embargo, qui sont encore sous pli scellé. Mais leur nombre

24 n'est pas très important.

25 Alors, la question se pose de savoir si ces documents sont

26 pertinents. Vous savez ce que j'ai reçu ? J'ai reçu des registres de

27 naissances, de baptêmes, de mariages de Hrtkovci depuis 1945 jusqu'à l'an

28 2000. J'ai reçu des manuels du commandement de l'académie militaire

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1 yougoslave, le règlement régissant l'action des corps d'armée et des

2 brigades. J'ai reçu des manuels qui régissent l'action des forces

3 terrestres. J'ai reçu les textes stratégiques en cas de guerre. Le

4 Procureur a plus de 4 000 éléments de preuve, dont 10 % peut être est

5 pertinent. Tout le reste ne l'est pas.

6 J'appelle votre attention sur le fait que j'interdirais qu'un seul

7 élément de preuve soit versé au dossier de l'affaire tant que le Procureur

8 n'aura pas démontré ici où est la pertinence de ce document. C'est une

9 obligation selon le Règlement de procédure et de preuve. Il y a nombreux

10 avocats qui, ici, jusqu'à présent, n'ont pas fait attention à cela. Ils se

11 disaient cela ne concerne pas mes témoins, pas de problème si c'est

12 consigné au compte rendu d'audience. Dans mon cas, il en ira autrement. Si

13 un document, par exemple, un manuel stratégique régissant l'action des

14 corps d'armées a une pertinence parce que peut-être que j'ai commandé un

15 corps d'armée, je ne sais pas, j'accepterais, mais sinon, non.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : On va arrêter, parce que le personnel commence à me

17 tirer les oreilles, parce qu'on dépasse les 7 heures du soir. On doit

18 terminer. Alors, je vous redonnerai la parole lundi.

19 Mais d'ici lundi, Madame Dahl, il faudra répondre à un certain nombre de

20 points que M. Seselj vient de soulever. Donc regardez le transcript, et je

21 vous donnerai la parole pour y répondre.

22 Alors, Monsieur Seselj, c'est avec intérêt que j'aurais bien voulu

23 continuer l'audience, mais pour des raisons diverses, je suis obligé

24 d'interrompre.

25 Alors, nous nous retrouverons lundi, et d'ici là je souhaite à tous un bon

26 week-end. Je vous remercie.

27 --- L'audience est levée à 19 heures 11 et reprendra le lundi 20 août

28 2007, à 14 heures 15.