Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 7 novembre 2007

2 [Déclaration liminaire de l'Accusation]

3 [Audience publique]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

7 l'affaire, s'il vous plaît.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Et bonjour, Madame, Messieurs les

9 Juges. Il s'agit de l'affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav

10 Seselj.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : En ce mercredi 7 novembre 2007, je salue la

12 représentante de l'Accusation en la personne de Mme Dahl. Je salue M.

13 Seselj et je salue également toutes les personnes qui nous assistent dans

14 notre mission, M. le Greffier, Mme l'Huissière, Mme la Juriste de la

15 Chambre ainsi que les interprètes et les officiers de sécurité. Comme vous

16 le savez, aujourd'hui, c'est l'audience qui va être consacrée à la

17 déclaration liminaire de l'Accusation. Mais avant cela, la Chambre va

18 rendre une décision orale concernant une question de liste de témoins.

19 Donc, je vais lire lentement cette décision orale.

20 Décision orale sur la demande en réexamen de la décision relative à la

21 demande de reconsidération de l'Accusation de la décision portant adoption

22 de mesures de protection du 30 août 2007. Vu la requête orale présentée par

23 l'Accusation lors de la Conférence préalable d'hier, aux fins de demander

24 le réexamen de la décision relative à la demande de reconsidération de

25 l'Accusation, de la décision portant adoption de mesures de protection du

26 30 août 2007 qui avait été rendue par le Juge de la mise en état le 16

27 octobre 2007 à titre confidentiel. Attendu que l'Accusation a demandé hier

28 que la divulgation tardive de 30 jours avant le commencement du procès soit

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1 calculé 30 jours à partir du premier témoin à déposer après les vacations

2 judiciaires de la fin de l'année et non 30 jours avant le premier témoin

3 cité à comparaître par l'Accusation tel qu'ordonné le 16 octobre 2007.

4 Vu la requête orale présentée hier par l'accusé lors de la Conférence

5 préalable au procès, afin de demander que lui soit divulguée avant la

6 déclaration liminaire de l'Accusation l'identité de tous les témoins que

7 l'Accusation entend citer à comparaître y compris les témoins qui se sont

8 vu attribuer la divulgation tardive 30 jours avant leur témoignage.

9 Attendu que concernant la requête de l'Accusation, la Chambre

10 considère que l'Accusation n'a pas présenté de changement de circonstances

11 ou d'erreurs manifestes qui permettraient à la Chambre de réexaminer sa

12 décision à cet égard.

13 Attendu que concernant la requête de l'accusé, la Chambre souhaite réitérer

14 que la divulgation tardive d'identité de 30 jours avant la déposition des

15 témoins n'a été accordée que dans sept cas, et que lorsque le Juge de la

16 mise en état a considéré que c'était absolument nécessaire pour protéger la

17 sécurité desdits témoins tout en respectant les droits de la Défense.

18 Attendu que la Chambre souligne que l'article 69(C) du Règlement permet la

19 non divulgation d'identité à l'accusé mais que celle-ci doit être divulguée

20 avant le commencement du procès et dans des délais permettant à la Défense

21 de se préparer, mais que la jurisprudence de ce Tribunal a interprété

22 l'article 69(C) du Règlement comme permettant la divulgation d'identité à

23 l'accusé après le commencement du procès, sous réserve que le délai

24 permette à la Défense de se préparer.

25 Je souligne la phrase : sous réserve que le délai permette à la Défense de

26 se préparer.

27 Attendu ainsi que l'accusé n'a démontré l'existence d'aucun changement de

28 circonstances ou d'erreurs manifestes qui permettrait le réexamen des

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1 décisions du 30 août 2007 et du 16 octobre 2007 sur les mesures de

2 protection. Par ces motifs, en application de l'article 69 du Règlement,

3 ordonne qu'en application de la décision du 16 octobre 2007 pour les

4 témoins qui se sont vu accorder la divulgation tardive d'identité 30 jours

5 avant le commencement du procès, l'Accusation divulguera leur identité à

6 l'accusé au moins 30 jours avant le 11 décembre 2007, jour où l'Accusation

7 citera son premier témoin. Voir ordonnance portant calendrier du 6

8 novembre.

9 Ordonne que les décisions du 30 août 2007 et du 16 octobre 2007 accordant

10 la divulgation tardive d'identité 30 jours avant le témoignage de certains

11 témoins soit maintenu.

12 Voilà donc le sens de notre décision que je résume comme suit, de manière

13 très rapide. La Chambre donc maintient toutes les décisions antérieures qui

14 avaient été rendues en la matière. Ce qui fait que l'Accusation divulguera

15 l'identité pas la liste des témoins que M. Seselj a déjà, 30 jours avant le

16 11 décembre 2007, c'est-à-dire dans quelques jours le 11 novembre 2007, la

17 liste des témoins protégés à l'exception des témoins, des sept témoins qui

18 eux bénéficient de mesures de protection avec la circonstance que la

19 divulgation de leur identité ne sera portée à la connaissance du témoin que

20 30 jours avant leur venue dans la salle d'audience.

21 Ceci étant dit, je vais maintenant donner la parole à Mme Dahl pour qu'elle

22 puisse - attendez, Monsieur Seselj, je vais vous donner la parole - pour

23 qu'elle puisse donc prendre la parole pour la déclaration liminaire.

24 Oui, Monsieur Seselj.

25 L'ACCUSÉ : [hors micro]

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Micro, micro.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Étant donné que vous venez de nous communiquer

28 ou de rendre une décision orale de la Chambre de première instance

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1 s'agissant d'une question de la pure haute importance, j'exige oralement

2 qu'il me soit permis de déposer une plainte contre cette décision parce que

3 cela met en péril mes droits prévus par le Règlement et cela perturbe le

4 bon déroulement du procès.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, nous considérons que vous avez formé une

6 requête orale en vue de certification d'appel de cette décision orale. La

7 Chambre bien entendu statuera sur votre requête.

8 Madame Dahl, je vais donc vous donner la parole. La Chambre souhaiterait --

9 vous avez quatre heures, mais si vous terminiez à 13 heures 30, ça serait

10 très bien.

11 Mme DAHL : [interprétation] Plaise à la Chambre.

12 En la date de 1992 [comme interprété] des milliers civils dans les Balkans

13 avaient été tués, des milliers ont été de surcroît détenus, passés à tabac

14 et pour finir, chassés; leurs maisons et leur culture ont été détruites.

15 Un des témoins, qui va venir témoigner et parler et dire au monde ce qui

16 lui est arrivé, illustre la souffrance infligée à certaines personnes par

17 ceux qui souhaitaient créer un grand Etat dominé par les Serbes. Cette

18 femme va venir témoigner et va dire qu'elle vivait dans une ville en Bosnie

19 avec son mari, deux jeunes enfants. Elle avait très peu de conscience

20 politique. Elle était heureuse, elle s'occupait de ses enfants, elle

21 élevait un jeune enfant, et elle avait commencé et attendait parler de

22 certaines rumeurs. Elle vivait dans une ville d'ethnicité mixte. Il y avait

23 des Serbes, ces Croates, et des Musulmans qui vivaient de façon pacifique

24 ensemble. Elle ne s'identifiait pas à son propre groupe religieux et elle

25 ne choisissait pas ses amis par rapport à leur appartenance ethnique. Elle

26 vivait dans un quartier des bourgeois. Il y avait des gens riches, des gens

27 pauvres, comme dans toute ville.

28 Pendant les élections, le chaos a commencé à s'instaurer. Dans la

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1 télévision et les médias, les groupes ethniques étaient écartelés dans tous

2 les sens. On demandait à chacun de rester dans son propre groupe ethnique :

3 les Serbes devaient voter pour leur parti, les Musulmans de même, et les

4 Croates de même. Lorsque -- à la fin des élections, elle a remarqué que ses

5 voisins serbes ont commencé à partir. Tout d'abord, ils lui ont dit qu'ils

6 partaient pour quelques jours, mais il semblait de plus en plus clair

7 qu'ils partaient pour toujours. Les intellectuels ont été les premiers à

8 partir, et ils ont réussi à convaincre la population serbe à partir aussi.

9 Les Croates dans son voisinage étaient des gens calmes, et chacun, en fait,

10 se réfugiait chez soi; les gens ont commencé à rester entre eux et à éviter

11 ce chaos politique. Les personnes plus âgées, ceux qui avaient survécu aux

12 guerres précédentes, qui avaient déchiré les Balkans, ont commencé à se

13 préparer à la guerre. Lorsque le conflit en Croatie a commencé, les gens de

14 son quartier semblaient encore pouvoir s'entendre. Les réserves militaires

15 serbes ont commencé à arriver dans sa ville à la fin de l'année 1991 et au

16 début de l'année 1992. Ils portaient des uniformes militaires et à bord de

17 leurs véhicules circulaient et intimidaient les gens. Tout un chacun savait

18 que les conflits étaient en train d'éclater.

19 En avril 1992, les Serbes avaient fui sa ville et il n'y avait plus de

20 Croates ni de Musulmans dans la caserne militaire de sa ville; ils avaient

21 été remplacés par des Serbes. Les gens avaient peur dans sa ville. Les gens

22 se cachaient dans leurs maisons, ils n'osaient pas sortir. Il y avait des

23 massacres ou des personnes tuées de façon isolée, des gens que l'on

24 emmenait de chez eux. Ce type de rumeurs circulait et les enfants

25 n'allaient pas à l'école, on les gardait à la maison. Elle a parlé de ce

26 qu'elle devait faire avec son mari. Ils ont décidé ensemble qu'ils allaient

27 peut-être se rendre dans une maison chez des parents proches dans un

28 village voisin, et ce parent proche lui avait indiqué que les choses

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1 étaient encore calmes à cet endroit-là. Elle est donc partie avec son mari

2 et ses deux enfants. A cet endroit-là, ils y ont séjourné plusieurs

3 semaines. La maison était surchargée, ils manquaient de nourriture. Ils ont

4 essayé de savoir ou essayer de comprendre ce qu'ils devaient faire.

5 Elle était préoccupée pour la sécurité de ses deux jeunes enfants, et ils

6 ont évoqué l'idée de partir en Croatie. Ils se sont organisés pour pouvoir

7 faire cela, mais cette femme avait peur de laisser son mari derrière elle.

8 Elle craignait de ne plus jamais le revoir. Ils ont décidé de rester

9 ensemble pour que la famille soit unie et se rendre dans un village voisin

10 où sa belle-mère lui disait que les Serbes traitaient les Musulmans encore

11 gentiment. Sa belle-mère pensait qu'ils seraient en sécurité à cet endroit-

12 là. Et maintenant, elle nous dit que c'était la pire décision qu'elle n'a

13 jamais prise de sa vie. Il n'y a qu'elle qui a survécu.

14 En avril, le 4 avril 1992, il y a eu des attaques militaires d'envergure

15 dans sa ville. Elle et ses deux jeunes enfants ainsi que d'autres parents

16 proches, qui pouvaient monter à bord de sa voiture, ont fui. Ils ont

17 traversé une région montagneuse, et ensuite, se sont cachés pour essayer

18 d'arriver jusqu'au village de sa belle-mère. Elle avait un jeune enfant et

19 un autre enfant à base âge qui devaient être portés. Ils ont réussi à

20 passer à un point de contrôle qui était dirigé par des Serbes. Ils étaient

21 polis, lui ont indiqué comment elle devait -- quelle route elle devait

22 emprunter pour arriver jusqu'au village de sa belle-mère. Ceci l'a assurée,

23 elle avait l'impression que tout allait bien, et qu'ils seraient en

24 sécurité. Malheureusement, ce village était un village à 100 % Musulmans,

25 et je dis "malheureusement" parce qu'ils sont devenus la cible du nettoyage

26 ethnique.

27 La situation s'est détériorée au mois de juin 1992. Ils commençaient à

28 entendre des rumeurs épouvantables de mort et de destruction. Ils étaient

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1 dans un petit village et ils ont commencé à céder à la panique. Elle s'est

2 rendue compte, à ce moment-là, qu'il était peut-être trop tard pour aller

3 ailleurs. Ils sont restés dans des abris, ils ont essayé de creuser des

4 tranchées pour avoir un endroit où se cacher, près des villages voisins

5 étaient pilonnées par des tirs d'artillerie. Ils ont décidé de se réfugier

6 dans la montagne, et avec un groupe de 200 personnes environ, ont commencé

7 à partir à pied. Ils ont vu que le village qu'ils avaient quitté, par

8 lequel ils étaient revenus la nuit, avait été détruit et rasé jusqu'à sol,

9 brûlés. Ils ont essayé de rassembler les rares vivres et vêtements qu'ils

10 pouvaient encore trouver. En marchant dans la montagne, ils essayaient de

11 trouver un refuge, ils ont laissé derrière eux tous leurs biens, et

12 s'étaient rendus compte du fait que ceci les ralentissait.

13 Ils voyageaient avec un groupe de personnes âgées et ceci posait problème.

14 Les personnes âgées leur ont dit : "Ecoutez, essayez de sauver vos propres

15 vies, laissez-nous." Les parents étaient conscients du danger, ils

16 essayaient de protéger leurs enfants. Et les grands-parents disaient :

17 "Sauvez nos petits enfants."

18 Ils ont laissé derrière eux 16 personnes âgées. Cette femme a découvert que

19 ces 16 personnes âgées avaient été tuées, les corps se sont décomposés à

20 l'air libre. Et lorsqu'ils se sont réfugiés dans la montagne, ils étaient

21 complètement perdus. Ils n'avaient ni vivre ni eau parce qu'ils étaient en

22 hauteur dans la montagne. Ils ont trouvé de la neige qu'ils ont pu faire

23 fondre et boire et devenaient chaque jour de plus en plus épuisés. Des obus

24 tombaient et explosaient, ce qui semait la panique et la confusion parmi

25 eux. Ce qui fait que ce groupe a cédé à la panique et s'est divisé en deux.

26 La moitié de ce groupe a survécu à la guerre et sont arrivés dans un lieu

27 sûr. Le groupe, dans lequel est resté le témoin avec d'autres membres de sa

28 famille et son mari et ses enfants, est rentré dans leur village qui, à ce

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1 moment-là, avait été pris par des Chetniks serbes. Sept Serbes, ces

2 plusieurs Serbes armés leur ont demandé de se rendre. Le petit groupe était

3 terrifié et épuisé. On pensait qu'il se rendait sans aucune résistance, on

4 ne leur ferait pas de mal. Certains hommes disposaient de pistolets qu'ils

5 ont jeté à terre, mais ils ont été néanmoins arrêtés et emmenés dans un

6 autre petit village voisin. Et comme nous le dira ce témoin, c'est là que

7 l'horreur a commencé.

8 Lorsque j'ai, pour la première fois, lu la déclaration de ce témoin, je

9 n'ai rien -- je n'ai pas pu imaginer quelque chose de pire mais, en

10 réalité, les choses se sont empirées. C'est à ce moment-là qu'ils ont

11 séparé les hommes, des femmes et des enfants. Dans leur groupe, il y avait

12 29 hommes et 20 enfants. La plupart des enfants étaient en âge préscolaire.

13 Il y avait même un bébé qui avait sept jours.

14 Ils ont été emmenés dans une école. Les femmes et les enfants ont été

15 placés d'un côté de la route et les hommes de l'autre. Son mari a été

16 emmené par un homme qui portait un uniforme serbe. D'autres membres de

17 l'armée serbe ont commencé à les insulter et les menacer de viol, et leur

18 dire qu'ils allaient les massacrer, elle ainsi que ses enfants, et on les a

19 fait avancer comme du bétail. Il y avait une telle haine et peur dans leurs

20 yeux qu'elle craignait que, si l'armée se rapprochait d'eux, qu'ils

21 allaient les dépiauter. A un moment donné, elle a demandé à un soldat serbe

22 : "Qu'est-ce que nous avons fait ?" Et il lui a répondu : "Tais-toi, ton

23 péché c'est que tu es Musulmane." Plusieurs heures plus tard, elle a vu son

24 mari, il hochait la tête en lui indiquant que ceci n'était pas bon signe.

25 Elle a entendu des soldats dire qu'est-ce qu'on doit faire de ces hommes.

26 Et il y en a un qui a dit à un autre qu'ils allaient attendre l'arrivée de

27 leur commandant pour savoir ce qui allait advenir de ces hommes-là. Plus

28 tard, elle a entendu que le commandant était un commandant du 5e Bataillon

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1 de la JNA.

2 Les soldats se sont occupés des hommes et les ont emmenés à bord de

3 véhicules de l'armée verts. Elle ne les a jamais revus. Le reste du groupe

4 a dû se placer sur la route à côté de l'école toute la journée jusqu'à la

5 tombée de la nuit. Un bus est arrivé, et à ce moment-là, on les a emmenés

6 dans le sous-sol d'une usine de chauffage. Là, ils ont l'usine thermique.

7 Ils ont dû se coucher à même le sol en béton. Il faisait noir et il y avait

8 des barreaux aux fenêtres et il n'y avait pas de toilettes et ils ont dû

9 faire leurs besoins sur le sol. Ils sont restés là pendant quatre jours et

10 quatre nuits sans nourriture et sans eau. Les plus jeunes enfants ont le

11 plus souffert. Elle a encouragé son fils à uriner dans une petite

12 bouteille, et parce qu'elle ne pouvait plus allaiter son enfant, lui a

13 donné de l'urine à boire pour éviter qu'il se déshydrate. Elle a dit qu'un

14 petit garçon serbe est venu à la fenêtre, elle lui a demandé -- l'a supplié

15 de lui apporter de l'eau pour les enfants. Elle a dit qu'il était revenu

16 avec une bouteille d'eau et que ce garçon l'avait -- avait vidé la

17 bouteille sur le sol devant eux. Au milieu de la nuit, ils ont entendu des

18 coups à la porte, quelqu'un qui essayait de rentrer. Les femmes ont

19 commencé à crier. Quatre ou cinq hommes qu'elle a reconnu comme étant des

20 Chetniks sont entrés dans la pièce et ils portaient des bas sur leurs

21 visages et avaient les visages peints. "Ils hurlaient, ils les insultaient,

22 et nous menaçaient de nous massacrer nous et nos enfants en nous appelant

23 des balijas."

24 La pièce était sombre. Ils ont essayé de prendre une femme, celle qui avait

25 un nouveau né, et un des Serbes a dit : "Elle ne sert à rien, elle vient

26 d'avoir un enfant." Ils ont pris d'autres femmes, jeunes femmes ainsi

27 qu'elle, et elle a été interrogée. Ils lui ont posé des questions sur ce

28 qu'elle savait. Et elle a dit d'où elle venait, d'où elle était originaire.

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1 Elle leur a supplié de pouvoir retourner auprès de ses enfants. Celui qui

2 l'a interrogé lui a dit que les informations lui parviendraient pendant son

3 interrogatoire. Elle ne savait rien.

4 Des actes qu'il n'est pas possible de nommer sont s'ensuivis. Elle a été

5 interrogée à propos de son mariage, de sa religion, on lui a demandé si

6 elle avait de l'argent; des choses qu'il ne faudrait jamais -- jamais faire

7 à des femmes leur ont été infligées. Ils l'ont ramené dans la pièce où se

8 trouvaient les autres prisonniers. Elle ne pouvait pas s'arrêter de

9 pleurer. Le lendemain, un des hommes est revenu la chercher. Elle avait

10 peur qu'on l'exécute. Elle a supplié de pouvoir rejoindre ses enfants mais

11 elle ne les a plus jamais revus. Son calvaire s'est poursuivi. Nous allons

12 en reparler au cours du procès, et finalement, elle a été relâchée et,

13 depuis 15 ans, elle est à la recherche des corps de ses enfants, du corps

14 de son mari. La destruction de sa communauté, la destruction de sa vie, de

15 sa famille illustre le produit du nationalisme belligérant et belliqueux

16 qui fut propagé -- qui est propagé par l'accusé.

17 Des éléments de preuve vont montrer que M. Seselj a commis des crimes

18 pendant les guerres des Balkans avec les structures dirigeantes du pouvoir

19 en Serbie. Il a poursuivi de façon active la création d'une entité qu'il a

20 appelé la Grande-Serbie. Slobodan Milosevic partageait ce but, mais

21 Milosevic n'osait pas appeler haut et fort à la libération de territoire

22 serbe, pourtant Seselj lui n'hésitait pas à le faire. Il l'a fait et c'est

23 de façon répétée qu'il a incité à la "libération" de ce qu'il nommait des

24 terres serbes. Malheureusement, il y avait des gens, qui vivaient sur ces

25 terres, des gens dont Seselj n'avait rien à faire.

26 Les éléments de preuve vont le prouver que Milosevic a d'abord essayé de

27 maintenir l'unité de la Yougoslavie. Il a essayé de garder la Croatie au

28 moment où la Slovénie faisait sécession, et lorsque ceci a échoué, il a

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1 essayé de séparer la Krajina de la Croatie puis de diviser -- de se

2 répartir -- ou de répartir la Bosnie-Herzégovine entre la Croatie et la

3 Serbie.

4 Seselj a rejoint sa cause qui était celle de la création d'une Grande-

5 Serbie. Même si la définition le dit, il faudrait pour se faire prendre par

6 la force une grande partie de la Bosnie-Herzégovine, une grande partie de

7 la Croatie, et chasser pour toujours leurs habitants non-Serbes.

8 Pour parvenir à ces fins, Milosevic et d'autres ont mis sur la touche des

9 hommes politiques modérés et ont déclenché des guerres dans tous les

10 Balkans. Des guerres ont détruit des villes, ont provoqué le déplacement de

11 centaine de milliers de personnes, ont tué des centaines de milliers de

12 personnes, ils ont essayé d'éliminer des groupes entiers en raison de leur

13 appartenance ethnique de ces groupes, en raison de la religion de ces

14 groupes et de ce qu'on percevait comme une menace et en raison de la haine

15 à laquelle invitait la propagande belliqueuse de M. Seselj.

16 Le résultat de cette recherche entamée par M. Seselj pour créer une Grande-

17 Serbie, ça a été la destruction en série de communautés, de ravage

18 économique et la démoralisation des peuples qui avaient jusqu'à alors

19 constitué la Yougoslavie. Ces crimes ce n'étaient pas simplement des crimes

20 perpétrés comme les communautés qui avaient constitué la Yougoslavie,

21 c'était des crimes d'une envergure telle que toute la communauté

22 internationale doit s'en émouvoir.

23 J'espère et je prie que les jours du nationalisme belliqueux soient

24 révolus. Mais finalement, donc, Seselj n'a pas réussi à créer une Grande-

25 Serbie; tout ce qu'il a pu faire, c'est de créer une toute petite -- une

26 moindre Serbie et il a donné au monde cet terme -- cette appellation :

27 "Nettoyage ethnique."

28 Comment est-ce que ceci s'est passé ? Nous allons, avec l'aide des éléments

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1 de preuve, découvrir les faits.

2 C'est un maître politicien. C'est un homme malin, calculateur, un homme qui

3 aime le scandale, un homme marqué de scandale arrive. Il s'appelle -- il

4 dit de lui qu'il est le plus grand nationaliste serbe vivant, mais il a

5 tort, il se trompe. La fierté nationale n'a pas besoin de la peur, de la

6 haine, de la destruction d'autres cultures et de religions. Les éléments de

7 preuve vous montreront, cependant, que c'est bien ici la marque ou le type

8 de nationalisme que M. Seselj a prôné pendant cette période couverte par

9 l'acte d'accusation entre 1991 et 1993. Et il n'en a pas d'excuse même

10 aujourd'hui, il ne cherche pas d'excuse. Le type de nationalisme qu'il a

11 défendu a vraiment été un poison pour tous, et les éléments de preuve le

12 montreront alors que les choses changeaient vite alors que la Yougoslavie

13 se divisait le fait de prôner la violence contre les non-Serbes, et le fait

14 que pendant le conflit, il est devenu un commandant paramilitaire qu'il a

15 levé ses propres armées de volontaires. Ces éléments de preuve vont montrer

16 qu'il a endoctriné ces gens avec ses idées empoisonnées et qu'il a, avec

17 d'autres -- ou que ces hommes du coup, avec d'autres, ont commis des crimes

18 innommables.

19 Certains diront qu'il y a finalement tellement de guerres dans les Balkans

20 que c'est dans leur nature de le faire ces guerres, que c'est dans leur

21 sang, dans leur gêne, qu'ils ne peuvent pas s'en empêcher, mais c'est faux.

22 L'Accusation va vous soumettre des éléments de preuve qui démontrent et qui

23 vous montrent des exemples de pays qui, en phase de mutation politique, ont

24 affiché un nationalisme civique qui vous ont préféré au nationalisme

25 ethnique, et que si on a des dirigeants politiques responsables, ils

26 encouragent à la paix, à la réconciliation et à une politique d'inclusion.

27 Donc, ceci ne devait pas forcément se produire, ce n'était pas quelque

28 chose d'inévitable.

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1 Mais, M. Seselj s'est présenté, au cours du conflit de cette façon, c'était

2 un faiseur de guerre, armé, équipé de son fusil, habillé de façon

3 traditionnelle avec un couvre-chef doté d'une cocarde. Et son outil

4 principal pour parvenir à ses fins, la création d'une Grande-Serbie, ce fut

5 son parti politique, le Parti radical Serbe. Et à travers ce parti, il a

6 promu l'idée d'un Etat plus grand pour les Serbes. C'est lui qui a dit que

7 la frontière occidentale devrait suivre la ligne : Karlobag-Ogulin-

8 Karlovac-Virovitica. Vous voyez ceci ici; la frontière, la limite

9 occidentale dépasse même la Bosnie-Herzégovine, passe par la Croatie ou

10 entre en Croatie et que cette Grande-Serbie que veut Seselj nécessite, en

11 fait, la prise de territoire se trouvant dans d'autres républiques.

12 M. Seselj a organisé le Parti radical et le Mouvement chetnik-serbe dans

13 ces partis. Il a créé des comités et il avait une structure élargie qui

14 incluait des membres se trouvant dans beaucoup de municipalités, d'autres

15 pays et dans le monde aussi, mais c'était un homme qui avait une main de

16 fer. Il voulait être informé du moindre détail et c'est lui qui prenait

17 toutes les décisions. Les éléments de preuve vous le prouveront, c'est un

18 autocrate. Et des témoins vous diront quand il parlait à ses associés que

19 ce soit des associés du Mouvement chetnik ou du Parti radical, il le

20 faisait toujours en élevant la voix, pour montrer clairement que c'était

21 lui qui était à la barre et que ce qu'il proposait, il fallait le faire.

22 Le Mouvement chetnik-serbe faisait partie du Parti radical serbe, un

23 mouvement, qui, en vertu de ce Parti radical serbe, devait être le bras

24 armé -- le bras militaire pendant le conflit. Et c'est lui qui a organisé

25 les volontaires qu'il a intégré dans une structure de commandement et pour

26 ces volontaires, c'était lui leur chef. Voici comment il se décrit, il dit

27 de lui qu'il est le seul Vojvoda, duc serbe ou chetnik, qui est partie

28 prenante directement dans un mouvement de libération du peuple serbe, dans

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1 la foulée de la tradition des Chetniks Serbes.

2 L'Accusation va vous prouver qu'avec d'autres, Seselj a mis en œuvre

3 l'objectif commun qui était de chasser de façon définitive les non-Serbes

4 de territoires dont il disait qu'ils appartenaient aux Serbes. Il a promu

5 l'expulsion de non-Serbes dans des territoires convoités expressément. Et

6 il a incité ceux qui l'étaient à chasser les Serbes, et il a endoctriné des

7 Serbes pour qu'ils participent à l'effort de guerre, servent dans l'armée

8 et aussi, essaient de réaliser ces objectifs guerriers par la force

9 brutale.

10 Et sa rhétorique extrémisme a attiré beaucoup de jeunes hommes qui se sont

11 portés volontaires pour défendre sa cause. Et ce sont quelques-uns -- ce

12 sont des volontaires qui, parmi d'autres milliers de volontaires, ont

13 combattu sur les lignes de front en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Vous

14 le verrez comme un militaire de carrière dans l'armée professionnelle,

15 c'était des voyous. Ils avaient la réputation de manquer de discipline,

16 d'être violent, d'être des bandits, des criminels, mais ceci a eu une

17 justification, ceci servait une fin précise. Les volontaires de Seselj ont

18 fait ce que personne n'osait dire clairement, nous est trouvé nécessaire le

19 disant clairement.

20 Sa rhétorique extrémiste a attiré des hommes et des femmes, les ont poussés

21 à participer en tant que volontaires à la guerre, mais sa rhétorique a

22 aussi influencé d'autres soldats et des volontaires qui travaillaient, qui

23 se sont retrouvés dans les forces territoriales et a semé, a instauré la

24 peur chez les Serbes, et la haine aussi des Croates et des Musulmans et la

25 volonté d'avoir une patrie soit serbe, une Grande-Serbie.

26 Mais nous allons aussi voir comment sa rhétorique extrémiste a eu un

27 effet immédiat et fort sur les Croates et les Musulmans parce qu'ils ont

28 entendu ces discours incendiaires, ces menaces qu'il proférait, ce qui fait

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1 que ces gens ont quitté leurs foyers, ont essayé de se retrouver en lieux

2 sûrs.

3 Au cours de cette procédure, M. Seselj se plaint de se voir accuser

4 d'un nouveau crime qu'il dit inventer. Malheureusement, la propagande de

5 guerre, les discours appelant à la haine ne sont rien de neuf. Les éléments

6 de preuve vont le démontrer, Seselj s'est servi de techniques de propagande

7 bien éprouvée pour empoisonner l'esprit de ceux qui l'écoutaient afin que

8 ceux-ci exécutent ses objectifs criminels.

9 Avant les années 1990, les rapports ethniques entre voisins étaient

10 des rapports stables. Le passé c'était le passé. La façon de penser, la

11 mentalité du citoyen lambda c'était l'idée d'avoir une vie normale. La

12 Yougoslavie c'est une mosaïque de peuples divers, une Yougoslavie de

13 quartier mélangé, mixte. La Bosnie-Herzégovine était fière de sa tradition

14 de mariage mixte et de vie paisible. Et Seselj a retourné le couteau dans

15 les plaies du passé pour inciter à la création d'une mentalité de crise.

16 Les liens qui maintenaient cette république ont commencé à s'effilocher et

17 le communisme -- n'avait plus l'emprise qu'il avait eu sur l'ex-

18 Yougoslavie, ce qui fait que des hommes tels que Milosevic et le président

19 croate Franjo Tudjman savait que le nationalisme extrémiste pouvait être

20 une force politique qui allait les hisser au pouvoir.

21 Et cette guerre, elle a été d'abord menée avec des paroles, des mots.

22 J'aimerais vous montrer un extrait vidéo datant d'avril 1991, on y voit M.

23 Seselj et dans une atmosphère qui montre fort bien tout le soutien qu'il a

24 réussi obtenir, l'énergie qu'il a réussi à solliciter du public pour créer

25 une patrie serbe.

26 [Diffusion de la cassette vidéo]

27 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

28 "Voja ! Voja! Serbie! Serbie! Serbie! Serbie!

Page 1799

1 "C'est ici que le peuple serbe vie, c'est la terre serbe et elle

2 restera à jamais serbe.

3 C'est juste.

4 Journaliste : Plutôt que de les calmer, ce message appelait

5 finalement les gens à ceci -- dit le journaliste.

6 'Frères et sœurs, nous envoyons un message à ce nouveau régime

7 oustachi. Ce sera le plus difficile pour vous.'

8 Journaliste : Il promet aussi à ces gens qu'ils ne resteront pas

9 seuls et que tous les Serbes se retrouveront dans un seul parti, le Parti

10 radical serbe."

11 L'INTERPRÈTE : les interprètes précisent qu'il est très difficile de rendre

12 la transcription.

13 "Seselj : vous avez ce héro, Milan Babic au gouvernail. Et c'est lui qui

14 sépare les traîtres du peuple serbe. Ante Markovic et d'autres services

15 secrets pensent aujourd'hui qu'il y a des problèmes plus importants que

16 votre défense et votre protection. Ils vous sacrifient, ils vous donnent à

17 Tudjman. Il veut vous -- ils veulent vous livrer à Tudjman mais ça ne se

18 passera pas.

19 'Nous adressons un message au nouveau chef Oustachi de l'Etat, au régime

20 Oustachi de Croatie : les têtes serbes sont tombés, elles ont été frappées

21 par l'Oustachi en Krajina serbe. Une tête serbe est tombée en Slavonie Srem

22 occidentale et nous allons venger ce sang serbe qui a coulé.

23 En dépit de ces avertissements en disant qu'ils allaient utiliser les armes

24 à feu -- et plusieurs milliers de personnes -- interrompu --'"

25 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

26 Mme DAHL : [interprétation] M. Seselj lance une prophétie. Il parle de

27 têtes qui vont tomber et la raison et son nationalisme belliqueux. Sa

28 persistance dans cette promotion de la violence et de la peur, de la menace

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1 a permis de réaliser ce qu'il fallait pour qu'il parvienne à ses objectifs.

2 Sans lui, sans la capacité et la volonté qu'il a de remplir la tête des

3 gens avec sa vision des choses et de la réalité, il y aurait eu peu

4 d'outils. Il n'y aurait pas eu d'hommes armés capables d'exécuter ces

5 objectifs violents des chefs politiques et militaires de la Serbie,

6 objectifs qui étaient de créer une Grande-Serbie.

7 [Diffusion de la cassette vidéo]

8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

9 "Pour ce qui nous concerne, ils peuvent quitter la Yougoslavie quand

10 ils veulent, quand ils le souhaitent, on leur fait savoir ouvertement que

11 pas un seul pouce du territoire serbe ne sera emporté, pas un seul bout de

12 terre où il y a des villages serbes, des églises, des forces serbes, des

13 campements serbes et des Jasenovac serbes parce que, si nous permettions

14 cela, nous serions indignes de nos ancêtres et nous devrions avoir honte

15 devant notre congéniture [comme interprété]. Que les Croates créent leur

16 nouvel Etat mais uniquement à l'ouest de la ligne Karlobag-Ogulin-Karlovac-

17 Virovitica. Tout ce qui se trouve à l'est de cette ligne est serbe. Nous ne

18 permettrons pas aux Croates de manipuler avec les Serbes de Bunjevci et de

19 Sokci. Ce sont des serbes catholiques, ces gens, et nous espérons qu'ils

20 verront clair qu'ils comprendront quel est le rôle qui leur a été destiné

21 par le Vatican et la direction croate à l'encontre du peuple serbe."

22 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

23 Mme DAHL : [interprétation] Vous avez entendu ce discours dont nous allons

24 remarquer plusieurs techniques de propagande et nous allons avoir un témoin

25 expert qui va nous permettre d'inscrire ou de circonscrire le discours

26 politique de M. Seselj. Il envoie un message de menace, il dit que les gens

27 étaient menacés. Il utilise les blessures du passé. Il glorifie son propre

28 groupe, et il pratique le dénigrement de ceux qui ne sont pas dans ce

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1 groupe. Son alliance, le fait qu'il a travaillé main dans la main avec M.

2 Milosevic lui donne la possibilité de diffuser de propager sa propagande

3 dans les médias publics et de lui laisser exercer son influence dans les

4 milieux politiques et militaires en même temps. Il a pu ainsi recruter,

5 endoctriner des gens prêts à faire la guerre pour qu'il établisse sa

6 Grande-Serbie. Il a été prolifique dans ses discours.

7 [Diffusion de la cassette vidéo]

8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

9 "Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica se doit d'être notre option,

10 c'est la frontière où l'armée doit placée ses troupes s'ils ne peuvent pas

11 les retirer de Zagreb, il faut bombarder Zagreb parce que l'armée a encore

12 des moyens qu'elle n'a pas encore utilisés. Elle a le droit de se servir de

13 napalm mais de tout ce qu'elle a dans ses stocks. On ne joue pas avec cela.

14 Il convient, il est préférable de sauver nos gens plutôt que d'avoir peur

15 de victimes accidentelles. Ils voulaient la guerre, ils vont l'avoir."

16 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

17 Mme DAHL : [interprétation] Vers le milieu de l'année 1991,

18 M. Seselj avait peaufiné ses capacités rhétoriques. Il avait convaincu des

19 membres d'autres groupes ethniques surtout les Croates et convaincu que les

20 Croates étaient le danger le plus grave à la survie des Serbes. Il

21 qualifiait les Croates d'oustachi, les associer ainsi au régime croate

22 fasciste qui avait collaboré avec l'Allemagne Nazi pendant la Deuxième

23 Guerre mondiale. Il n'a eu de cesse de rappeler à la population serbe que

24 les Serbes étaient des victimes du passé, et des crimes commis en ce

25 moment-là par les Croates et d'autres, et il a très bien utilisé ce sens de

26 la victime de la victimisation comme justification des actes de violence et

27 de revanche, de vengeance.

28 [Diffusion de la cassette vidéo]

Page 1802

1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

2 "Le nouveau responsable oustachi et général Franjo Tudjman et les

3 nouvelles autorités oustachi en Croatie, une fois de plus ont présenté un

4 couteau pour égorger les Serbes. Mais nous ne permettrons plus la

5 perpétration d'un génocide. S'ils essayent de re-perpétrer un génocide à

6 l'encontre du peuple serbe, on leur communique qu'on vengera toute vie

7 serbe et qu'on leur fera payer tous les crimes. Et pour les crimes

8 perpétrés récemment, rien ne restera sans punition. Nous ne permettrons pas

9 qu'il y ait occupation des terres serbes et du peuple serbe."

10 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

11 Mme DAHL : [interprétation] Les discours de Seselj ont diabolisé et

12 déshumanisé les Croates, les Musulmans et les autres groupes en les

13 présentant de façon stéréotypie, caricaturale, en reliant tous les Croates

14 au régime oustachi fasciste, en qualifiant les Bosniens de partisans d'un

15 mouvement panislamique intégriste qui apparemment chercherait à s'emparer

16 de la Bosnie-Herzégovine.

17 Il a publié ces discours, ces entretiens, ces interviews, et il y a une

18 interview qu'il a reprise dans un livre intitulé : "La politique en tant

19 que défi conscient," et où il dit aussi que la revanche : "La vengeance

20 chetnik sera aveugle," nous le voyons. "Alors, comment est-on censé

21 négocier avec vous ? Est-ce que vous voyez aujourd'hui que le peuple croate

22 est tout à fait oustachi ? Il y a très peu d'exception."

23 En utilisant ces caricatures, ces stéréotypes déshumanisants, il n'a plus

24 besoin de justifier les crimes commis contre les Croates et les Musulmans

25 en les déclarant comme relevant de la morale et de légalité, et en même

26 temps, ses discours glorifient le peuple serbe. Le comportement des Serbes

27 en temps de guerre, ce qui fait qu'aggraver l'agression et la violence à

28 l'encontre d'autres groupes nationaux.

Page 1803

1 Voyons un exemple de la glorification serbe, une fois de plus, je vais me

2 pencher sur un autre livre que M. Seselj a publié qui s'appelle : "Le

3 Mouvement chetnik-serbe." Et sa lecture nous donne notamment un article de

4 presse qui est de nouveau publié où il salue les dirigeants héroïques Milan

5 Babic qui était sur la première ligne de défense de la Serbitude et dont

6 l'intelligence et le courage en ont fait un des plus grands fils du peuple

7 serbe. Et nous allons lui dire que des milliers de Chetniks se rueront pour

8 l'aider chaque fois qu'il a besoin d'aide. Et nous saluons également le SDS

9 de Bosnie-Herzégovine et son dirigeant très intelligent, le Dr Karadzic qui

10 a été sur la première ligne de défense des intérêts nationaux grâce à la

11 volonté du peuple serbe. Nous voulons leur dire à tous qu'ils ne seront pas

12 seuls tant que les Chetniks serbes sont prêts à emboîter le pas de leurs

13 ancêtres glorieux."

14 M. Seselj a prononcé des discours innombrables, perpétuant ainsi ce

15 processus qui consistait à dire à beaucoup de parties de la population

16 serbe qu'elle était en danger et qu'il fallait peur des Croates, des

17 Musulmans et qu'il fallait prendre vite des mesures extrêmes et violentes

18 pour se prémunir de cette grande menace qui pesait sur les Serbes. Les

19 termes qu'il utilise, le langage dont il se sert font de ses discours des

20 discours criminels. Nous sommes dans une période très instable, il y a des

21 bouleversements politiques, ce qui fait que les gens sont encore plus

22 prônes à un message de peur et de haine. Seselj a utilisé ses pouvoirs et

23 ses compétences extraordinaires en essayant à l'aide de ses paroles

24 d'influer sur les gens. On a interviewé pour un documentaire qui est

25 désormais bien connu et il a fait des déclarations au cours de son audition

26 en tant que témoin dans le procès Milosevic. Ceci illustre le pouvoir, la

27 puissance de sa rhétorique.

28 [Diffusion de la cassette vidéo]

Page 1804

1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

2 "Le peuple l'a sifflé et moi, j'ai tenu un discours enflammé et la

3 population a commencé à applaudir. Milan Babic a voulu se réconcilier avec

4 Raskovic, et Raskovic a refusé sur-le-champ. Donc, politiquement, il est

5 tombé en désuétude."

6 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

7 [Diffusion de la cassette vidéo]

8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

9 "Je suis allé pour la première fois là-bas le 9 mars, lorsque Vuk

10 Draskovic voulait faire tomber Belgrade dans ses manifestations contre le

11 régime, et je suis allé en Slavonie pour organiser l'insurrection du

12 peuple. Je suis fier de ce rôle en 91. Les Serbes m'ont demandé là-bas, ils

13 m'ont convié. Ils ne croyaient pas tellement Milosevic, il leur faisait des

14 promesses mais il ne les tenait pas tout le toujours, alors ils sentaient

15 menacer ces gens. Et comme dans ce Mouvement chetnik-serbe nous avions

16 rassemblé pas mal de gens déterminés, capables et courageux, ils avaient

17 demandé de l'aide."

18 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

19 Mme DAHL : [interprétation] A l'occasion de son témoignage de M.

20 Seselj au procès de M. Milosevic, le Juge Bonomy lui a demandé : "Combien

21 de volontaires y avait-il eu dans du Parti radical serbe ?"

22 M. Seselj a répondu : "Et bien pour des raisons de propagande nous

23 avons affirmé qu'ils étaient à peu près 30 000, mais le chiffre véritable

24 était d'à peu près 10 000."

25 Cela suffisait. Dans la présentation de ces éléments de preuve

26 l'Accusation se propose de prouver qu'à chaque fois que M. Seselj s'est

27 servi de discours politique pour générer la peur et la haine, ces activités

28 étaient calculées, étaient délibérées. Ces discours de haine mettaient en

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1 péril la dignité humaine des communautés qu'il ciblait. Et le bureau du

2 Procureur se propose de présenter des éléments de preuve pour confirmer,

3 pour étayer ces allégations au terme desquelles il avait persécuté les gens

4 par ses discours.

5 Lorsqu'il s'agit des chefs d'accusation à l'acte d'accusation, nous

6 nous proposons de présenter des preuves disant que des discours de M.

7 Seselj il avait directement incité les hommes serbes et les femmes serbes à

8 commettre des actes de violence à l'encontre de non-Serbes musulmans et

9 croates tels que Vukovar en 1991, ensuite Zvornik au printemps 1992 et

10 Hrtkovci en printemps et été 1992. Les discours de Seselj constituent une

11 partie importante de la contribution qu'il a faite aux activités des chefs

12 militaires et politiques de haut niveau qui ont pris part à cette

13 entreprise criminelle commune visant à chasser par la force un grand nombre

14 de non-Serbes de leurs domiciles.

15 A l'occasion de notre présentation des éléments de preuve, nous

16 démontrerons qu'en raison de ces discours les gens fuyaient leurs

17 domiciles, et c'est ce qui a constitué des éléments de crime contre

18 l'humanité et crimes de déportation et transfert forcé. Les formes

19 criminelles d'expression publique de la part de M. Seselj ont été

20 extrêmement efficaces dans la province de Vojvodine, en Serbie, où il y

21 avait plus de 70 000 [comme interprété] ou de personnes d'origine croate

22 avant le début de la guerre.

23 La Vojvodine est une province en Serbie qui est limitrov de la

24 Croatie, à savoir de ces parties qui s'appellent la Slavonie occidentale,

25 la Baranja, et le Srem occidentale. Bon nombre de volontaires du Parti

26 radical serbe ont été recrutés en Vojvodine, et Seselj a rendu visite à bon

27 nombre de sites dans la Vojvodine à maintes reprises. Vous entendrez le

28 témoignage démographe de l'expert de l'Accusation, Ewa Tabeau, sur lequel

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1 dans le courant de 1991 et 1992 près de 250 000 réfugiés d'origine ethnique

2 serbe sont arrivés de la Croatie et de certaines parties de Bosnie-

3 Herzégovine. Plus de 95 000 de ces réfugiés du groupe ethnique serbe sont

4 arrivés en Vojvodine, certain sont venus en autocars avec l'organisation

5 des membres du Parti radical serbe. Aux fins de faire leur place pour ces

6 réfugiés et aux fins de réaliser ses objectifs propres, Seselj a pris part

7 au rassemblement, à des "meetings" privés, et au parlement serbe, en

8 appelant à faire expulser les Croates de la Vojvodine. Il a déclaré que les

9 Croates en Serbie étaient des citoyens déloyaux qu'il fallait expulser.

10 Je me propose à présent de vous montrer un discours du parlement.

11 [Diffusion de la cassette vidéo]

12 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

13 "Si les Croates chassent les Serbes de Zagreb à quoi s'attendent-ils à

14 Belgrade et en Serbie ? Et d'après lui c'était une rétorsion normale et il

15 y a eu réaction de la part de Mahmud Mehic et Ahmet Skenderovic qui ont dit

16 --"

17 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

18 L'INTERPRÈTE : Trop rapide pour être interprété.

19 Mme DAHL : [interprétation] Seselj a une fois de plus fait réimprimer son

20 discours devant l'assemblée serbe en avril 1992. Il y a dit : "Autre

21 question : si les Croates expulsent les Serbes de chez eux qu'attendent

22 donc les Croates ici à Belgrade, qu'attendent donc les Croates en Serbie ?

23 Echange de population : autant Tudjman a chassé de Serbes de Zagreb, autant

24 on en chassera de Croates de Belgrade. A chaque fois qu'une famille serbe

25 arrive de Zagreb, on lui donnerait une adresse de Croate à Belgrade en lui

26 donnant les clés, et l'autre on l'enverrait à Zagreb en échange… Les

27 Croates à Slankamen et Zemun et autres localités ne dormiront pas

28 tranquille tant qu'ils ne seront pas partis d'ici… On ne vous tuera pas,

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1 cela s'entend, mais nous allons vous mettre dans des camions ou à bord de

2 trains et à vous de vous débrouiller à Zagreb."

3 En fait, ils ont tué les Croates, et des Croates ont effectivement été

4 installés à bord de véhicules pour être renvoyés de là-bas. Les Croates,

5 vivant dans le village de Hrtkovci, à une heure à peu près en voiture au

6 nord-ouest de Belgrade, ont été certaines des victimes de cette campagne de

7 M. Seselj visant à faire expulser les Croates de Serbie. A Hrtkovci les

8 tensions ont commencé à croître dans la deuxième moitié de 1991 avec

9 l'arrivée des réfugiés serbes.

10 Les Serbes, à l'extérieur de Hrtkovci, tout comme les habitants serbes de

11 ce village qui étaient membres du Parti radical serbe, ont menacé les

12 résidents croates et leur ont dit de quitter le village. Le 6 mai 1992,

13 Seselj s'est adressé à la population à un "meeting" de Hrtkovci dans

14 l'organisation du Parti radical serbe. Les témoins de l'Accusation vous

15 diront comment Seselj a appelé à faire expulser les Croates de cette

16 communauté-là.

17 M. Seselj se trouve être fier de son discours et il a réimprimé dans encore

18 un des livres qu'il a publié. C'est intitulé : "Importance vitale des

19 élections du mois de mai - "meeting" électoral du Parti radical serbe à

20 Hrtkovci." Daté du 6 mai 1991. Cela a été publié dans le livre intitulé :

21 "L'apprenti du diable - le pape criminel de Rome Jean Paul II."

22 Et il a dit au peuple : "Dans ce village de Hrtkovci, dans cette localité

23 serbe, il n'y a pas de place pour les Croates. Quels sont les Croates pour

24 qui il y a de la place parmi nous ? Seuls les Croates et leurs familles qui

25 à nos côtés ont versé leur sang sur le front. De toute façon, ils ne font

26 que s'appeler Croates. Certains d'entre eux ont été des volontaires aux

27 côtés des nôtres. Ils ont conscience du fait qu'ils étaient en fait des

28 Serbes catholiques. Ils resteront avec nous, alors que les autres devront

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1 quitter la Serbie, y compris ceux qui se trouvent ici, à Hrtkovci, qui ont

2 fermé leurs domiciles à clé et sont partis, en se disant, qu'ils

3 reviendront tôt ou tard, mais notre message à leur intention est celui de

4 dire : 'Non, il n'y a pas moyen de revenir. Vous n'aurez pas où revenir.

5 Les réfugiés serbes vont s'installer dans leurs maisons.'

6 "Frères et sœurs serbes, maintenant que Tudjman a expulsé plus de 200 000

7 Serbes, une partie de ces Serbes retournera vers le secteur de la Krajina

8 serbe, mais une autre partie ne serait trouvée de la place ici. Nous devons

9 fournir à ces Serbes un toit et nous devons les nourrir. Nous n'avons pas

10 l'argent qu'il faut pour construire de nouvelles maisons. Nous n'avons pas

11 la possibilité de leur assurer de nouveaux emplois. Alors si nous ne

12 pouvons pas faire cela, nous devrions fournir à toute famille de réfugiés

13 serbes l'adresse d'une famille croate. La police leur donnera ces adresses,

14 et la police fera ce que le gouvernement leur dira de faire, et le

15 gouvernement ce sera bientôt nous. Bien. Alors à chaque famille serbe il y

16 aura quelqu'un qui frappera à des portes de Croates et donnera à ces

17 Croates une adresse à Zagreb ou dans une autre localité croate. Oh, oui,

18 ils vont le faire. Il y aura suffisamment d'autocars. Nous les allons les

19 emmener jusqu'à la frontière des territoires serbes et de là ils pourront

20 marcher, s'ils ne s'en vont pas de leur propre gré."

21 Alors, je passe une partie.

22 Puis il dit : "Je crois fermement que vous, autres Serbes de Hrtkovci et

23 autres villages des environs sauraient comment préserver l'harmonie et

24 l'unité que vous allez rapidement vous débarrasser des Croates restant dans

25 votre village et dans les villages environnants…"

26 Des témoins de l'Accusation vous décriront la peur, la terreur occasionnée

27 par la présence de Seselj et par les discours qu'il a tenus dans cette

28 communauté, ce qui explique la raison pour laquelle ils ont décidé

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1 d'abandonner leurs domiciles, leurs maisons. Ces peurs étaient justifiées.

2 Des témoins vous parleront de la campagne violente qui a été entamée après

3 les discours de Seselj visant à expulser les résidents d'origine ethnique

4 croate de Hrtkovci. Cette campagne d'expulsion a en grande mesure été le

5 reflet des instructions fournies par Seselj dans ses discours : les

6 résidents croates ont fait l'objet de poursuite, d'intimidation. Ils ont

7 reçu des menaces téléphoniques, ils ont été tabassés, on a jeté des

8 grenades dans leur propriété, et il y a eu des échanges forcés de maisons,

9 il y a eu des confiscations ouvertes de domiciles.

10 Dans les discours ultérieures tenus par Seselj suite à Krtkovci et dans le

11 reste de la Vojvodine. Il est constaté que la présence d'exemples

12 d'utilisation d'une propagande qu'il leur convient : ils ont parlé

13 d'expulsion de Croates de Hrtkovci et dans d'autres localités de Vojvodine,

14 en disant que c'était là un échange volontaire de biens immobiliers entre

15 Serbes et Croates. En répondant à des questions, à des critiques pour ce

16 qui est des expulsions de Croates, Seselj a parlé de ce qui suit - et là je

17 me réfère à des extraits d'un autre de ses livres. Dans un programme radio

18 diffusé en décembre 1993, M. Seselj a dit : "Nous nous sommes employés en

19 faveur d'un échange civilisé de la population avec la Croatie. Si vous vous

20 en souvenez, nous avons insisté sur cette nécessité il y a deux ans déjà.

21 Et nous avons déployé des efforts essentiellement des efforts pour

22 faciliter les échanges. Des Croates de Hrtkovci sont partis en Croatie et

23 les Serbes expulsés précédemment par Tudjman de la Croatie sont arrivés à

24 Hrtkovci. Et après ça s'est passé à Kukujevci, Petrovaradin, Slankamen,

25 Beska et en partie dans d'autres localités. Vous savez, nous sommes un

26 parti d'opposition et il me semble que nous avons abouti à un maximum en la

27 matière. Dans ces échanges de biens, les Croates ont obtenu bien davantage

28 de biens en Croatie que les Serbes n'en n'ont obtenus ici en Serbie pour ce

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1 qui est de ce que les Croates leur ont laissé en échange."

2 Le Dr Seselj a précisé que : "Cela aurait dû se faire de façon plus

3 civilisé que cela n'a été le cas, mais toujours est-il que l'on est

4 satisfait des résultats. Des milliers de familles serbes se trouvent être

5 casées quelque part. Ils ont obtenu des maisons et des appartements dans

6 Hrtkovci, et les Croates n'ont pas été endommagés du tout. Ils en ont

7 obtenu davantage, ils sont partis dans leur propre pays et ils ont eu des

8 maisons meilleures que celles qu'ils ont laissé derrière."

9 Alors, ceci a été connu comme le phénomène de nettoyage ethnique dans

10 d'autres parties de la Yougoslavie, de l'ex-Yougoslavie. Et dans le

11 discours de M. Seselj - c'est ce qu'on appelle ou on qualifie "d'échanges

12 civilisés de la population" - le Procureur se propose de montrer que ces

13 mensonges-là ont été placés au service d'un objectif important, à savoir

14 permettre aux gens d'éviter les dilemmes moraux assez troublants pour ce

15 qui est du comportement des Serbes vis-à-vis des autres. Ces distorsions de

16 l'histoire ont fourni aux Serbes un cadre simplifié sur le plan moral

17 permettant la situation et la perpétration d'actes de violence à l'encontre

18 de leurs propres voisins. Seselj a ainsi effectué un pas crucial pour ce

19 qui est de la réalisation de son objectif de Grande-Serbie et ces discours

20 de haine ont psychiquement préparé la population à des violences

21 collectives.

22 Alors, je voudrais maintenant vous demander si vous pensez que le moment

23 serait venu de faire une pause.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Si vous le demandez, il n'y a pas de

25 problème. Nous allons faire une pause de 20 minutes et nous reprendrons

26 dans 20 minutes.

27 --- L'audience est suspendue à 10 heures 17.

28 --- L'audience est reprise à 10 heures 39.

Page 1811

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise.

2 Madame Dahl, je vous donne la parole.

3 Mme DAHL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais

4 donc revenir brièvement aux discours de M. Seselj et de son utilisation des

5 médias, ensuite, je vais parler de ce qui s'est passé sur le terrain.

6 M. Seselj, comme nos éléments de preuve vont l'indiquer, a utilisé

7 toutes les ressources des médias pour transmettre son message. Il a fait

8 des apparitions à la télévision et à la radio, dans les quotidiens y

9 compris deux journaux qui ont été publiés par son propre parti politique,

10 un qui est publié à Belgrade et l'autre qui est publié à Banja Luka a donc

11 ainsi disséminé son idéologie. Il y avait donc des hebdomadaires qui

12 relayaient son message et il a fait de nombreuses apparitions en public

13 afin de disséminer son discours de haine.

14 En juillet 1993, la question de la Serbie occidentale qui était un

15 des journaux radicaux a publié cette bande dessinée insultante. Ici on

16 décrit l'église orthodoxe serbe, on voit un homme avec un balai qui balaye

17 sur le côté des débris de mosquée aux alentours de l'église. Cette bande

18 dessinée a été publiée accompagnée d'un article intitulé : "Il n'y a pas de

19 coexistence possible avec l'Islam."

20 Au moment où cet article a été publié accompagné de cette bande

21 dessinée, le message qu'il visait avait été entendu. Les Serbes avaient

22 détruit des biens musulmans, des lieux culturels, c'était une façon de

23 détruire l'identité musulmane et la présence musulmane dans différentes

24 communautés en Bosnie-Herzégovine.

25 M. Seselj a publié à nouveau six discours, six interviews, six

26 articles, toute une série de livres qui continuaient à être imprimés ou ont

27 continué à en faire la publicité vendus, lus, et passé en revue dans les

28 Balkans. Nous allons vous faire entendre certains extraits et analyses de

Page 1812

1 66 ouvrages publiés de Seselj.

2 Et dans cette affaire nous devons nous demander comment ceci peut

3 arriver ? Comment la violence collective peut-elle faire

4 surface ? Comment un voisin peut-il se retourner contre un autre voisin ?

5 Et ceci fait partie des fondamentaux de la nature humaine que l'on trouve

6 la réponse. Nous allons présenter des éléments de preuve qui vont expliquer

7 comment chaque personne peut ou est susceptible d'être conditionné par une

8 qui incite à la peur et commande dans les conditions de crises, comme

9 c'était la cas en ex-Yougoslavie, faire passer le pas à quelqu'un,

10 quelqu'un passe à autre chose. On voit dans une communauté normale et on

11 passe à une communauté où on sème la crainte et la violence et ceci est

12 destructeur. L'histoire nous a appris maintes fois que le mal est banal et

13 comment les gens ordinaires, dans les circonstances qui sont peu

14 imaginables, peuvent commettre les pires atrocités, que ce soit l'Allemagne

15 Nazi, que ce soit le Cambodge, que ce soit l'ex-Yougoslavie que ce soit le

16 Rwanda, ces actes abominables ne sont pas les actes isolés de quelques

17 psychopathes, mais plutôt le résultat de dirigeants militaires et

18 politiques qui, au lieu d'enseigner la paix et le nationalisme civique, au

19 lieu de cela enseignent une idéologie brutale et belliqueuse, fournissant

20 ainsi au public une propagande en continue qui prône cette idéologie,

21 organise la population et fait en sorte que la population accepte qu'un

22 groupe plus petit fasse l'objet d'auteurs, fasse l'objet d'attaques

23 violentes de la part d'auteurs qui s'engagent à exterminer leurs voisins.

24 La couverture médiatique dans la presse à l'époque, parlait des raisons

25 pour lesquelles ces volontaires sont partis faire la guerre.

26 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

27 [Diffusion de la cassette vidéo]

28 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

Page 1813

1 "Il n'y aura plus d'Oustachas. Il n'y aura plus de fascisme. On ne se

2 laisserait faire. Pendant 50 ans, on a supporté tout cela. On a attendu. On

3 nous a détesté.

4 On ne peut que les combattre."

5 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française précise que la version

6 française est imprimée au bas du film.

7 "Avec eux, discuté, jamais. Seulement les battre jusqu'à la fin. La

8 dernière balle pour le dernier Oustacha."

9 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

10 Mme DAHL : [interprétation] Cet extrait vidéo provenait des milices du

11 Vukovar.

12 Au-delà des mots, M. Seselj a également contribué à cela par ses actes. Lui

13 et ses collaborateurs ont dû financer, mettre à la disposition et diriger

14 des actes menées par les volontaires qui ont rejoint d'autres forces serbes

15 pour je cite : "Libérer les territoires serbes et en chasser les

16 populations." Nous allons présenter des éléments de preuve qui montrent que

17 quand bien même ces volontaires étaient subordonnés à des commandants

18 militaires sur le terrain, très souvent, ils restaient ensemble, étaient

19 regroupés dans des unités et des détachements qui étaient commandés par les

20 dirigeants d'escouades du SRS. Nous allons vous montrer des éléments de

21 preuve qui indiquent que ces dirigeants devaient rendre des comptes aux

22 commandants qui se trouvaient sur le front ainsi qu'à Seselj et ses

23 collaborateurs ainsi que dans les bureaux du parti à Belgrade.

24 Seselj et ses collaborateurs ne sont pas resté tout simplement à Belgrade.

25 Ils ont aidé à planifier et préparer les mises de contrôle d'endroits

26 stratégiques en Croatie et Bosnie-Herzégovine. Je vais maintenant parler

27 dans les détails de la structure militaire des forces armées qui étaient

28 engagées dans la guerre.

Page 1814

1 Le fondateur de la Yougoslavie, Tito, a établi une structure double, une

2 structure militaire double. Ce qui comprenait à la fois l'armée populaire

3 Yougoslavie, la JNA et une Défense territoriale appelée armée populaire

4 généralisée. La Défense territoriale devait protéger l'armée d'être écrasée

5 par les forces soviétiques qui étaient supérieures en nombre.

6 Nous allons démontrer que la JNA représentait la force armée nationale,

7 c'était une armée conventionnelle qui était centralisée, contrôlée depuis

8 Belgrade, qu'il possédait des armements, des véhicules de combat motorisés

9 et de l'artillerie lourde. Sa mission consistait à repousser toute invasion

10 et regarder l'ennemi pour autant que et suffisamment longtemps lorsque la

11 Défense territoriale était en place.

12 En inverse, la Défense territoriale avait une structure de commandement

13 décentralisée qui ne pouvait pas simplement être annulée d'un seul coup et

14 placée sous le commandement des autorités politiques de chaque république.

15 La Défense territoriale, par conséquent, reposait pour beaucoup en terme de

16 formation des structures de l'armée et disposait d'amas ou de réserves de

17 petites armes et de caches d'armes et de munitions dont il disposait. Il

18 s'agissait de la mission militaire de la Défense territoriale était pour

19 ainsi dire de monter une ou préparer une guerre de type partisane, guerre

20 retardé contre toutes forces qui allaient envahir le territoire même si la

21 plupart du pays était occupé. Le véritable objectif était de dissuader

22 toute invasion en indiquant que les pertes seraient tellement lourdes que

23 l'ennemi n'allait pas avancer davantage.

24 Les Défenses territoriales ont mis en place un système militaire semi

25 autonome dans toutes les républiques. A la fin de l'année 1980, ils

26 pouvaient être perçu comme une menace à l'armer yougoslave parce que

27 c'était un commandement centralisé depuis Belgrade.

28 Pour comprendre le conflit, il nous faut regarder comment l'ex-Yougoslavie

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1 qui était en train d'être démantelée, s'est transformée. La présidence

2 socialiste était le commandement le plus élevé au niveau du commandement et

3 du contrôle des forces armées. Et si on devait déclarer un état d'urgence

4 ou un état de guerre ou une menace éminente de guerre, dans ce cas, la

5 présidence socialiste jouerait le rôle du commandant Suprême et assisté en

6 cela par l'état-major.

7 L'acte d'accusation cite les noms des membres de la entreprise criminelle

8 commune, M. Veljko Kadijevic, qui était ministre de la Défense et général

9 de l'armée entre 1988 et 1992, et le colonel- général, Blagoje Adzic. Il a

10 succédé au général Kadijevic en 1992, était secrétaire fédéral de la

11 Défense populaire.

12 Avant le conflit, la loi en Yougoslavie permettait aux personnes qui

13 n'étaient pas déjà des recrus, de proposer leurs services et de faire leur

14 service militaire au sein de la JNA ou de la Défense territoriale. Mais,

15 cette loi ne permettait pas à la formation d'unité de volontaires par des

16 partis nationalistes politiques ainsi que d'autres groupes en dehors du

17 cadre des forces armées de la Yougoslavie que ce soit au sein de la JNA ou

18 au sein de la Défense territoriale. Hormis l'état, personne d'autre n'était

19 autorisée par la loi à organiser, renforcer, armer, équiper ou former des

20 forces armées.

21 Néanmoins, la JNA savait que les volontaires de Seselj peuvent être

22 en Croatie. Et pendant le conflit en Croatie, les partis politiques

23 nationalistes de Serbie, comme le Parti radical de Seselj, ont organisé la

24 formation et l'envoi de volontaires dans les zones de conflits. Ils ont

25 même mis en place leur propre formation de volontaires, de paramilitaires.

26 Les éléments de preuve indiqueront que ceci s'est fait avec l'accord tacite

27 du gouvernement de la République de Serbie. Les volontaires étaient

28 affiliés au Parti radical de Seselj ou le Mouvement chetnik et ont utilisé

Page 1816

1 le terme de "Chetnik" ou "homme de Seselj," et c'est les appellations qui

2 se sont données.

3 En même temps, il y avait également d'autres groupes tels que les

4 Tigres d'Arkan, qui étaient commandés par Zeljko Raznatovic, surnommé

5 Arkan; et des volontaires qui opéraient sous le commandement de Dragan

6 Vasiljkovic, également connu sous le nom de capitaine Dragan qui, d'après

7 les éléments de preuve que nous allons vous présenter et d'après les

8 rapports de renseignements préparés par les services de Sûreté de la JNA,

9 de l'administration des services de Sécurité, ces groupes avaient

10 entretenus des liens étroits avec le ministère de l'Intérieur et le

11 ministère de la Défense de la République de Serbie.

12 L'acte d'Accusation identifie des membres de l'entreprise criminelle

13 commune, comme les dirigeants de ces organes étatiques, le chef de la

14 service de Sûreté, Jovica Stanisic; et le chef de la police secrète serbe,

15 le ministre des Affaires intérieures, Franko Simatovic; et sous leur

16 autorité, il y avait Radovan Stojcic, également connu sous le nom de Badza,

17 qui était -- travaillait au sein du ministère de l'Intérieur, responsable

18 des opérations en Slavonie orientale.

19 Le commandement Suprême de la JNA et les autorités serbes savaient

20 que des volontaires participaient à ce conflit en Croatie, et ils savaient

21 qu'ils encourageaient les partis -- encourageaient les membres des partis

22 politiques nationalistes à s'engager dans ces unités. Après la Slovanie --

23 après que la Slovanie et la Croatie aient déclaré leur indépendance, la

24 mission des forces armées de la JNA a commencé à changer. La JNA a, à ce

25 moment-là, fait l'objet d'un certains nombre de désertions, les soldats

26 n'étant pas disposés à s'engager dans une guerre civile. Lorsque la JNA

27 s'est retirée de la Croatie et s'est petit à petit transformée, il n'était

28 plus une armée yougoslave et est devenue une armée serbe. Nous allons

Page 1817

1 montrer des éléments de preuve que ceci a changé et n'a plus -- ne s'est

2 plus portée garante de l'intégrité territoriale mais a souhaité asseoir le

3 contrôle serbe dans des zones qui avaient été ciblées afin de protéger la

4 population serbe.

5 Seselj a très explicitement été d'accord avec ce changement de rôle

6 de la JNA et il a souligné la complémentarité de la JNA par rapport à ses

7 propres volontaires parce qu'ils estimaient qu'ils partageaient les mêmes

8 objectifs. Nous allons démontrer qu'à partir du printemps de 1991, Seselj a

9 lancé plusieurs appels à l'unification de tous les territoires qu'il

10 considérait serbe le long de cette ligne Karlobag-Ogulin-Karlovac-

11 Virovitica. Plus tard, lorsqu'il a constaté que les forces serbes n'avaient

12 pas réussi à tenir cette ligne et qu'ils n'avaient pas pu reprendre ce qui

13 se trouvait à l'ouest, les territoires serbes, il en a fait porté la faute

14 au secrétaire fédéral de la Défense populaire, de l'armée, le Général

15 Kadijevic, et c'est à lui qu'incombait la responsabilité de cet échec.

16 Les statuts qui sont à l'origine de la fondation du Parti radical et

17 ses objectifs identifient ceci comme étant un combat pour l'unification de

18 tous les territoires serbes, on lançait les mêmes Etats à la protection des

19 serbes sur ces territoires, même s'ils appartiennent à d'autres Etats. Lors

20 de ces apparitions en public, Seselj a insisté sur le rôle qu'il a joué et

21 par rapport à ces volontaires et le rassemblement et l'envoi de ces

22 volontaires. Les documents fournis par le Parti radical, y compris des

23 articles qui avaient été publiés dans le magazine de parti de Seselj

24 "Velika Srbija" montre que le rôle de Seselj et le rôle de ses volontaires

25 dans la guerre étaient beaucoup plus importants.

26 Nous allons vous montrer des éléments de preuve qui montre que le

27 Parti Radical et son état-major a maintenant des liens étroits avec le

28 Parti Radical des volontaires, même après qu'ils aient été envoyés ailleurs

Page 1818

1 sous le commandement soit de la JNA ou soit sous les unités de la Défense

2 territoriale. Les rapports étroits entretenus par le rapport, par le Parti

3 radical et l'état-major de guerre se traduit par l'envoi d'ordres,

4 d'instructions, l'échange d'opérations, d'informations opérationnelles, le

5 fait de garder des registres sur les volontaires qui avaient été déployés

6 sur le terrain. Selon l'accomplissement de différentes missions, il

7 s'agissait de recueillir les éléments importants par des membres haut

8 placés du Parti radical et de leur cabinet de guerre. Dans ses déclarations

9 publiques, Seselj a clairement indiqué qu'il savait ce que faisaient ses

10 volontaires lorsqu'ils étaient engagés dans des activités de combat.

11 On constate d'après la promotion ultérieure de ces dirigeants au sein

12 de ces Unités de volontaires qu'il approuvait leurs agissements. Nous

13 allons vous fournir des éléments de preuve qui indiquent qu'entre 1993 et

14 1994 il a promut des hommes qui s'étaient distingués dans les conflits

15 armés en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Il les a promu et leur a donné

16 le titre de Vojvoda. Un Vojvoda Chetnik, d'après les documents du Parti

17 radical serbe, est en général donné au commandant supérieur au niveau de la

18 chaîne hiérarchique des ces unités de volontaires.

19 Les volontaires de Seselj ont fait coulé le sang pour la première fois en

20 Croatie, nous allons vous montrer des éléments de preuve qui indiquent que

21 le 2 mai 1991, un groupe des Unités de volontaires de Seselj ont posé une

22 embuscade à des policiers croates à Borovo Selo, c'était la première action

23 armée menée par ces volontaires qui, d'après Seselj, et je cite : "Se sont

24 avérés être des gens compétents pendant la défense de Borovo Selo," ont été

25 promus au titre de Vojvoda, le 12 mai 1991. La coordination des différentes

26 structures militaires et politiques est visible à partir de la création par

27 le Parti Radical de la première cellule de Crise en avril 1991, ensuite, de

28 sa transformation le 1er octobre 1991. Ceci est devenu un cabinet de guerre.

Page 1819

1 Ceci, nous allons montrer que cet état-major de guerre -- ou ce cabinet de

2 guerre a joué un rôle clé dans le recrutement et l'envoi de volontaires

3 afin d'accomplir sa tâche, et ce cabinet de guerre a coopéré avec le

4 ministre de l'Intérieur, le ministère de la Défense de la République de

5 Serbie ainsi qu'avec la JNA. Nous allons montrer par nos preuves que les

6 volontaires recrutés par Seselj ou son parti ont été formés, équipés. On

7 leur a remis des armes et des munitions au sein de la JNA où c'était le

8 ministère de l'Intérieur qui s'en chargeait et ont reçu autre forme

9 d'assistance par des structures militaires existantes, le Parti radical et

10 son cabinet de guerre a également organisé le versement de soldes des

11 volontaires ainsi que de l'argent qui a été versé à leurs parents, et ce,

12 en coordination avec le ministère des relations avec les Serbes en dehors

13 de la Serbie.

14 Je souhaite maintenant passer à la Croatie et la bataille de Vukovar.

15 L'Accusation va présenter des éléments de preuve qui indiquent qu'avant

16 l'éclatement du conflit en Croatie la police et la Défense territoriale

17 dans la République de Croatie a progressivement divisé le pays en

18 structures croates et locales dans les régions où les Serbes étaient en

19 majorité ou une minorité importante. Ils ont pris le contrôle des

20 structures existantes, puisque les non-Serbes étaient partis ou étaient

21 encouragés à partir, en tout cas, ne reconnaissaient pas la République

22 socialiste, ne reconnaissaient plus la République socialiste et ont cessé

23 de coopérer avec la JNA, ou plutôt des Serbes locaux ont mis en place leur

24 propre police et unités de Défense territoriale et ces personnes et les

25 personnes qui en sont devenues membres sont ceux qui ne répondaient plus ou

26 ne respectaient plus les autorités républicaines de Croatie, mais sont

27 restés loyaux envers la République fédérale socialiste et la Serbie.

28 Et pendant la guerre en Croatie, la JNA a mis en place des Groupes

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1 opérationnels et tactiques afin de remettre sur pied et de maintenir un

2 commandement unique et unifié comme système de commandement et de contrôle

3 entre la JNA, la Défense territoriale serbe, la police locale serbe, la

4 Défense territoriale de la République de Serbie et avec les Unités de

5 Détachement des volontaires.

6 En septembre 1991, la JNA s'est efforcée de maintenir Vukovar au sein de la

7 Fédération plutôt que de permettre à la Croatie de faire sécession. Les

8 groupes opérationnels qui couvraient la zone de Vukovar étaient composés

9 d'unités de la JNA, de Défense territoriale locale, et de volontaires

10 serbes, y compris ceux qui étaient affiliés ou envoyés par le Parti radical

11 et les Tigres d'Arkan. Les Tigres d'Arkan ont surtout participé dans les

12 zones opérationnelles qui se trouvaient au nord, les volontaires de Seselj

13 étaient surtout actifs au sein de deux détachements à Vukovar connu sous le

14 nom de Petrova Gora et Leva Supoderica.

15 Le Parti radical et son cabinet de guerre a maintenu des rapports étroits

16 avec les commandements territoriaux de Vukovar. Ceci était dirigé par un

17 homme répondant au nom de Kameni, qui était considéré comme un Détachement

18 Chetnik et un commandant de ce détachement. Nous allons entendre des

19 éléments de preuve qui indiquent que le 9 novembre 1991, le chef du cabinet

20 de guerre du SRS a donné des instructions au commandant de ce détachement

21 pour qu'il nomme des commandants subordonnés et de mettre tous les

22 volontaires sous son autorité, son commandement. Seselj a rendu visite à

23 ses volontaires à Vukovar.

24 Les ordres très stricts donnés par la JNA essayaient de maintenir le

25 contrôle sur les volontaires. Le commandant chetnik de Vukovar le 9

26 décembre 1991, a demandé la promotion de ses guerriers. Il a demandé au

27 chef du cabinet de guerre de le faire, et il mentionne les commandants de

28 Vukovar. A ce moment-là les massacres d'Ovcara et de Velepromet s'étaient

Page 1821

1 déjà produits. Seselj a promu Kameni et d'autres en 1993 et en 1994 pour

2 les remercier et les féliciter des services fournis à Vukovar.

3 Les exactions en matière de droits de l'homme produites à Vukovar sont bien

4 connues dans le monde entier. Ainsi le 21 janvier 1992, Helsinki Watch

5 envoie une lettre qui avertit Slobodan Milosevic des exactions commises en

6 matière de droits de l'homme. Il y a un rapport en annexe qui mentionne

7 explicitement l'exécution sommaire des personnes qui avaient été évacuées

8 de l'hôpital de Vukovar à Ovcara dans la soirée du 20, dans la nuit du 20

9 au 21 novembre 1991.

10 Nous allons présenter des éléments de preuve qui démontrent que le 18

11 novembre '91 lorsque Vukovar est tombée devant les forces serbes, il y a un

12 homme âgé et son épouse, qui craignaient le pire, qui sont allés se

13 protéger à l'hôpital. Le lendemain, les forces serbes ont emmené des non-

14 Serbes, qu'ils ont menacés, qu'ils ont injuriés, finalement ces personnes

15 sont arrivées à la ferme d'Ovcara. C'est là qu'ils ont été battus par des

16 soldats et soumis à toutes sortes d'actes cruels. Certains ont été tués sur

17 place dans le hangar ou devant le hangar. L'homme âgé que vous allez avoir

18 comme témoin a survécu parce qu'il connaissait un des soldats. C'est ce qui

19 lui a sauvé la vie. Les autres hommes et les quelques femmes qui ont été

20 massacrés ont été jetés dans un charnier.

21 L'Accusation vous le montrera que Seselj a décidé que le Parti radical

22 devait envoyer le plus grand nombre possible de volontaires à Vukovar. Nous

23 allons vous présenter des documents, qui montrent la structure

24 hiérarchique, l'envoie de volontaires, la présence de leur détachement, et

25 le rôle que ces volontaires ont joué. Vous entendrez le témoignage de

26 soldats qui vont parler de la coordination de Kameni avec les commandants

27 de la Défense territoriale et avec les brigades de la JNA ou de l'armée

28 yougoslave à Vukovar. Seselj lui-même l'a dit à la télévision le 23

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1 novembre 1991, il a dit que : "Kameni, notre commandant principal à Vukovar

2 planifiait ses actions le soir avec les commandants de l'armée, actions qui

3 étaient exécutées le lendemain. L'armée n'avait pas assez d'hommes pour

4 capturer chacune des maisons en raison des désertions. C'est ce que nos

5 hommes faisaient," dit-il.

6 Quelques jours avant le massacre d'Ovcara Seselj s'est rendu à Vukovar pour

7 rendre visite à ses volontaires pour remonter leur moral. L'Accusation vous

8 présentera des éléments de preuve montrant qu'il a participé à une réunion

9 avec les commandants de la Défense territoriale et avec la JNA et Seselj a

10 déclaré : "Nous ne sommes qu'une seule armée. Cette armée est un grand test

11 pour les Serbes. Ceux qui le réussissent seront des vainqueurs. Les

12 déserteurs ne resteront pas impunis. Il n'y a pas un seul Oustachi qui doit

13 quitter Vukovar vivant."

14 Effectivement, les soldats ont fait ce que Seselj exigeait qu'il fasse.

15 Lorsque les forces serbes ont occupé la ville, des centaines de Croates ont

16 été tués par les Serbes. Il y a eu les massacres d'Ovcara et ailleurs et

17 chaque fois se trouvaient les volontaires de Seselj, commandés par Kameni.

18 Vous avez maintenant une photo de M. Seselj qui est vu dans les ruines de

19 Vukovar, à sa gauche vous voyez Kameni. Des témoins présents à l'hôpital de

20 Vukovar, à la caserne de Vukovar, à Ovcara vous diront que les volontaires

21 de Seselj dirigés par Kameni voulaient se venger de ceux qui avaient été

22 emmenés, ils voulaient se venger de ces gens. Et les éléments de preuve

23 vont montrer que beaucoup de volontaires de Seselj ont participé aux

24 tueries d'Ovcara. Des témoins vous diront que Kameni a été très proche de

25 Seselj. Il pouvait le consulter personnellement, directement et il lui

26 rendait des comptes. Récemment Kameni a été condamné à 20 ans

27 d'emprisonnement à Belgrade pour les atrocités commises à Ovcara.

28 Sur cette photo, vous voyez Kameni avec plusieurs autres Vojvoda en 1993.

Page 1823

1 Seselj a promu Kameni. Il est devenu Vojvoda en 1993 en raison de ce qu'il

2 avait accompli pendant la campagne de Vukovar et ailleurs. Vakic a

3 également été promu par lui; c'est lui qui avait pris en embuscade les

4 policiers à Borovo Selo, et il a aussi distingué les autres participants

5 membres d'Unités chetniks qu'il a décrit comme étant des hommes qui avaient

6 opéré en Herzégovine serbe en mai et en juin 1992.

7 Et dans ce même ordre de promotion, Seselj retient Milan Lancuzanin. Il dit

8 que c'est le meilleur de tous, que c'est un excellent commandant de ce

9 détachement -- de cette Unité de volontaires Leva Supoderica du Parti

10 radical à Vukovar. Ce qui n'est pas dit dans cet ordre de promotion, mais

11 ce que les éléments de preuve vont vous montrer, c'est que ces deux hommes

12 étaient des hommes actifs et que les non-Serbes avaient été assassinés.

13 Ce n'était pas les seuls auteurs de crimes contre l'humanité qui ont été

14 promus par Seselj. Il y a eu un autre volontaire, Topola, présent à Ovcara

15 qui a tué des Croates notamment à Vukovar mais aussi à Velepromet

16 installation proche de la caserne de la JNA qui avait été utilisée comme

17 lieu de détention par les forces serbes pour y détenir des Croates et

18 d'autres. Après la chute de Vukovar, Topola ainsi que d'autres volontaires

19 ont emmené des volontaires, qu'ils ont faits sortir de cette pièce pour les

20 tuer.

21 Les éléments de preuve attesteront du fait que lorsque Seselj a été informé

22 des crimes commis par Topola, il a dit : "Mais qu'est-ce que je peux faire

23 ? Désarmez-le, renvoyez-le chez lui, il est fatigué."

24 Seselj et ses collaborateurs n'ont pas rapporté ces crimes aux autorités

25 serbes; au contraire, ils l'ont envoyé en tant que volontaire en Bosnie-

26 Herzégovine où il a répété ses agissements et a commis des crimes encore

27 plus graves à l'encontre de la population non-serbe.

28 Après Vukovar, il y a eu Vocin. Décembre 1991, vous le voyez, si vous

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1 regardez la série de villes qui se trouvent le plus à l'ouest si Seselj

2 voulait créer une Grande-Serbie homogène, il lui fallait prendre Vocin.

3 C'était une ville avec une population croate d'environ 1 500 personnes.

4 Lorsque les forces serbes se sont emparés de Vocin, ils ont massacré la

5 population lorsque ces forces se sont retirées, les gens qui sont entrés en

6 Vocin ont trouvé des civils qui avaient été assassinés à la hache, un coup

7 de hache à la tête par des coups de feu tirés dans les yeux, des balles

8 tirées dans le dos. Les éléments de preuve, que nous allons montrer, vous

9 diront que cette campagne, cette dévastation de Vocin, cette destruction de

10 l'église catholique qui se trouvait, avait pour objet de terroriser et de

11 provoquer, et elle a provoqué la fuite de la population civile.

12 Seselj a transféré ses volontaires à Vocin et c'est là qu'ils ont terrorisé

13 la population non-serbe. C'est là qu'ils ont persécuté cette population en

14 raison de son apparence -- appartenance ethnique. Vous verrez la

15 coopération entre la force -- la Défense territoriale en Slavonie

16 occidentale et le Parti SRS à Belgrade. Il y a notamment des demandes

17 d'envois de volontaires qui viennent de la région et l'approbation et

18 l'envoi de ces volontaires par le Parti radical serbe.

19 Le siège du SRS, nous allons vous le montrer travaillait main dans la main

20 avec la JNA et les autorités locales pendant toute la durée du conflit en

21 Croatie comme en Bosnie-Herzégovine. Permettez-moi de revenir à

22 l'organisation militaire fondamentale que Seselj a maintenue pour les

23 volontaires de son parti. Ces volontaires avaient des commandants recrutés

24 dans les rangs du parti. L'article 7, cette organisation fondamentale

25 disait que : "Les Unités de volontaires du SRS sont engagées dans des

26 combats ou d'autres activités apparentées à des combats indépendamment ou

27 en tant qu'éléments versés dans les unités appropriées de la JNA de l'armée

28 de la Republika Srpska ou de l'armée de la Krajina Serbe en application du

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1 plan établi par les commandants de ces dites armées.

2 "Les unités de volontaires sont engagées dans ces armés uniquement de façon

3 intégrale dans leur intégrité et sous le commandement des commandants de

4 volontaires sauf exception possible et convenue."

5 A cet égard, un commandant de volontaires délègue ses autorités au

6 commandant chargé de la coordination pour assurer aussi le commandement et

7 la sécurité des Unités de volontaires.

8 Les règles du Parti radical font également référence à la structure

9 hiérarchique de commandement. Elle dit ceci : "Les commandements des

10 volontaires du SRS sont organisés comme étant des organes de commandement

11 pour toutes les forces de volontaires, leurs unités, et leurs activités de

12 combat. Ils sont formés en copiant la structure de commandement des organes

13 du parti."

14 Et des témoins vous diront qu'à l'époque le SRS a transféré des volontaires

15 de son parti et d'autres volontaires venant d'ailleurs ensemble sur les

16 lignes de front. Et pour la population locale, les volontaires étaient tous

17 les mêmes parce que leur présence causait la peur, du fait de leur pillage,

18 des menaces, des exactions commises par ces volontaires et du fait qu'ils

19 tuaient des civils. Ce qui compte c'est que comme le montreront les

20 éléments de preuve, ces volontaires pensaient, eux-mêmes, qu'ils étaient

21 des Chetniks et qu'ils étaient approuvés par l'objectif de Seselj qu'ils

22 poursuivaient avec lui pour créer une Grande-Serbie.

23 Je voudrais vous lire ce qu'un des volontaires a dit en parlant d'un

24 rassemblement du Mouvement chetnik-serbe à Ravna Gora en mai 1990. Je cite

25 : "Tous les partis étaient -- toutes les parties présentes étaient

26 pratiquement les mêmes. Il y avait Vojislav Seselj, Mirko Jovic et Vuk

27 Draskovic qui ont fait des discours pendant ce rassemblement et les choses

28 qui se sont dites au cours de ces discours étaient pratiquement toutes les

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1 mêmes."

2 Un peu plus tard, ce témoin a rejoint le SRS parce qu'à son avis, je cite :

3 "Draskovic était un modéré, et Seselj avec ses positions plus radicales m'a

4 plus impressionné."

5 En novembre 1991, Seselj va à Vocin pour rencontrer ses volontaires. Des

6 témoins locaux nous diront qu'après cette réunion des volontaires avec

7 Seselj, ces volontaires sont devenus plus agressifs et qu'il y a eu une

8 forte recrudescence des crimes commis contre les civils croates.

9 Le comportement criminel des volontaires, c'était quelque chose que

10 savaient les observateurs, défenseurs des droits de l'homme, ainsi que des

11 armées qui ont plus tard pris le contrôle en Bosnie. Un exemple, il y a un

12 rapport préparé en juillet 1992 qui s'intitule : "Rapport sur les

13 formations paramilitaires se trouvant sur le territoire de la République

14 serbe de Bosnie-Herzégovine, et ceci vient du Grand état-major de la VRS;

15 voici ce qu'il dit à propos des volontaires :

16 "Ce sont surtout des individus de peu d'envergure morale et dans bien des

17 cas ce sont des personnes qui ont déjà été condamnées pour des infractions

18 et des crimes et même ont été condamnés pour crimes, vols, et bien souvent

19 on compte dans ces unités des criminels pathologiques, des criminels de

20 guerre, et ce sont des hors la loi…"

21 Je continue la poursuite de ce rapport : "Beaucoup de ce genre de

22 formations montrent -- on voit la haine des non-Serbes et on peut dire sans

23 réserve en guise de conclusion que ce sont les éléments génocidaires dans

24 ces forces et qu'ils sont poussés pour la plupart d'entre eux par le

25 profil, la part du gain et le pillage. Dans ces formations paramilitaires,

26 on voit un dénominateur commun, ils ne participent pas directement au

27 combat contre l'ennemi, ils opèrent derrière les lignes des forces

28 régulières de la République de Bosnie-Herzégovine, ils brûlent, ils pillent

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1 la population civile et ses biens."

2 Ce rapport donne le nom de bon nombre d'unités qui sont décrites, on parle

3 notamment des hommes de Seselj, les Seseljevci, un terme utilisé par les

4 volontaires. Seselj, et l'Accusation va le prouver savait parfaitement de

5 quel calibre étaient ces hommes qui avaient rejoint les rangs des

6 volontaires du SRS et des autres volontaires qu'il a aidés à passer dans la

7 région ou dans les régions de Croatie, de Bosnie-Herzégovine, c'étaient des

8 membres du parti et des fonctionnaires du SRS qui ont dit à Seselj et à ses

9 collaborateurs dans les bureaux du SRS à Belgrade que ses volontaires se

10 comportaient de façon désordonnée et cruelle sur le terrain, et la seule

11 réaction qu'il y a eu c'est l'indifférence, l'hostilité.

12 Les collaborateurs de Seselj le tenaient au courant et il a effectué

13 d'ailleurs bon nombre de visites sur les lignes de front et il a vu de ses

14 propres yeux la destruction provoquée par les forces serbes à l'encontre

15 des villages croates et musulmans, des communautés croates et musulmanes.

16 C'était un homme politique de premier plan, c'était un député au parlement

17 serbe; en tant que tel, bien sûr, il avait beaucoup de filières

18 d'informations à sa disposition, et bien, bon nombre d'informations étaient

19 à sa disposition, et de toute façon, il y avait beaucoup d'informations

20 publiques, et il ne peut sûrement pas affirmer qu'il était ignorant. Nous

21 allons prouver qu'il était au courant et qu'il a insisté et persisté dans

22 la poursuite de ses objectifs, tout en connaissant le fait que des crimes

23 d'une envergure considérable étaient commis.

24 Parlons maintenant de la Bosnie-Herzégovine.

25 Les Serbes avaient des objectifs de guerre qu'ils ont poursuivi en

26 Bosnie-Herzégovine en 1992, ils voulaient créer un Etat serbe de Bosnie qui

27 soit adjacent sur le plan de territoire. Il y a eu des préparatifs de

28 guerre considérables en vue de la sécession par rapport à la Bosnie alors

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1 que la Slovénie et la Croatie essaient de faire sécession, la Bosnie-

2 Herzégovine le voulait aussi. Mais à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine,

3 les Serbes de Bosnie voulaient faire eux-mêmes sécession tout en restant

4 attachés au groupe de populations serbes le plus important se trouvant dans

5 la république voisine. Les éléments de preuve vont montrer que la JNA a

6 soutenu les Serbes, début 1991 et a transformé les Unités de la JNA en

7 Unités de l'armée serbe de Bosnie, VRS, facteur crucial pour que les Serbes

8 puissent continuer à combattre et à faire des conquêtes territoriales.

9 Au cours de l'hiver 1991, ceux qui restaient des dirigeants --

10 structures dirigeantes de la Yougoslavie ont discuté de l'avenir de la JNA

11 en Bosnie-Herzégovine, vu que la Slovénie et la Croatie avaient été

12 reconnues en tant qu'Etat. Et nous allons ici montrer que des dirigeants

13 politiques et militaires de haut niveau ont discuté du nouveau rôle que

14 pouvait jouer la JNA en Bosnie-Herzégovine et ces dirigeants ont décidé que

15 les recrues militaires nées en Bosnie-Herzégovine qui se trouvaient dans

16 des Unités de la JNA en Serbie, en Macédoine, au Monténégro allaient être

17 redéployés en Bosnie-Herzégovine.

18 Des éléments de preuve vous montreront qu'à partir de janvier 1992,

19 il y a eu une convergence et une collaboration entre des unités de -- les

20 commandements d'unité et le principal parti des Serbes en Bosnie, le Parti

21 démocrate serbe, dans des parties stratégiques qui étaient sur le plan de

22 la population dominées par les Serbes en Bosnie-Herzégovine.

23 Début 1992, vous verrez des éléments de preuve attestant du contrôle

24 de plus en plus important assurer par les Serbes et sur les défenses

25 territoriales dans les zones où il y a beaucoup de populations serbes avec

26 l'assistance de la JNA et des forces contrôlées par ou reliées à ce

27 ministère de l'Intérieur en Serbie.

28 A ce moment-là, les objectifs stratégiques des Serbes de Bosnie ont

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1 été annoncés officiellement à l'occasion de la 16e Session de la République

2 de l'assemblée de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, le 12 mai

3 1992, ce sont des décisions tristement célèbres qui énoncent clairement six

4 objectifs qui sont dit essentiels à la création de ce qui sera finalement

5 la Grande-Serbie. Il faut d'abord séparer les Serbes des deux autres

6 communautés nationales; deuxièmement, établir un corridor entre Semberija

7 et Krajina; troisièmement, établir un corridor dans la vallée de la Drina,

8 éliminant ainsi la Drina en tant que frontière séparant les états serbes;

9 quatrièmement, établir une frontière sur les rivières Una et Neretva;

10 cinquièmement, diviser la ville de Sarajevo; sixièmement, établir un accès

11 à la mer.

12 Radovan Karadzic a dirigé les chefs politiques serbes pour qu'ils

13 forment leur propre entité et partent en guerre. Il a été établi six

14 principes qui s'ils étaient réalisés aboutiraient à la création d'une

15 République indépendante qui pourrait en phase ultime rejoindre l'Etat

16 tronqué -- l'Etat tronqué de Yougoslavie. Mais il y a quelque chose qui

17 n'est pas dit tout en étant essentiel pour la réalité et à la réalisation

18 de ces objectifs géopolitiques, c'est, effectivement, d'avoir un Etat

19 débarrassé des Musulmans. Et on dit implicitement que ce nouvel Etat doit

20 être purement serbe ou pratiquement. Et ça ne peut être que leur objectif

21 si on voit les éléments de preuve qui montrent que de façon systématique

22 les Serbes de Bosnie se sont livrés au nettoyage ethnique.

23 Lorsque Seselj a parlé de l'idée de parvenir à une Grande-Serbie, il

24 y a d'autres membres parmi les dirigeants de Serbes de Bosnie aussi qui

25 étaient d'accord tout en n'utilisant pas les mêmes mots pour le dire.

26 Milosevic insiste pour dire que les Serbes restent dans un tel Etat, et il

27 disait que les divisions de la Yougoslavie, qui se divisait en plusieurs

28 Etats, allait séparer la peuple serbe, allait les forcer à vivre dans des

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1 Etats souverains, et ça c'était quelque chose qui excluait. Officiellement,

2 Milosevic semblait être favorable à l'idée de la vieille Yougoslavie en

3 1991 encore. Pour Seselj, cet Etat fédéral n'était qu'une solution

4 provisoire dans le combat qu'il voulait mener pour parvenir à une Grande-

5 Serbie. Nous allons vous montrer notamment cette discussion qu'il y a eue

6 dans un groupe de discussions où il y avait des invités de Tanjug. Il est

7 interviewé et il évoque son concept de la Grande-Serbie et il dit comment

8 le réaliser c'est en rassemblant des populations serbes qui ont été

9 séparées par un ordre politique; cependant, en 1991, Milosevic et les

10 membres serbes et monténégrins de la présidence socialiste, eux voulaient

11 parvenir à la création d'un nouvel Etat serbe qui était plus conforme à ce

12 que voulait Seselj. Borisav Jovic a écrit ceci, et nous allons vous

13 présenter le livre qu'il a écrit sur les derniers jours de la Republika

14 fédérative socialiste du Yougoslavie, il dit ceci : "En oeuvrant à la

15 destruction et au démantèlement de la Yougoslavie, la Croatie et la Bosnie

16 elles-mêmes oeuvrent à la création d'une Grande-Serbie."

17 La carte vous le montre. C'est une carte qui montre que le parti de

18 Milosevic convoitait les mêmes territoires. Ici, sur cette carte, vous le

19 voyez, il y a la région autonome de la Krajina c'est le numéro 1; la

20 Slavonie occidentale, le numéro 2; la région autoproclamée autonome de

21 SBSO, Slavonie occidentale, Baranja, et Srem occidental; et puis, ça c'est

22 le numéro 4, le corridor de Posavina. Il y a une ligne courbe c'est la

23 meilleure ligne de frontière occidentale qu'on peut espérer en tenant

24 compte des contés serbes, et c'est effectivement ce que prêchait Seselj, il

25 voulait la ligne Karlovac-Ogulin-Karlobag-Virovitica.

26 Vous le voyez grâce aux cartes, Milosevic et son parti les utilisait et la

27 Grande-Serbie de Seselj couvrait le même territoire. Les dirigeants

28 politiques et militaires en Croatie et en Bosnie-Herzégovine étaient dans

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1 le droit fil du concept de Milosevic et de Seselj qui était de créer un

2 Etat serbe dominé par les Serbes en prenant des territoires qu'avaient la

3 Croatie et la Bosnie-Herzégovine.

4 Nous en avons déjà parlé, les éléments de preuve ont démontré que les

5 dirigeants serbes dans les régions autoproclamées de Croatie ainsi qu'en

6 collaboration avec Belgrade et la Bosnie-Herzégovine ont établi les

7 structures militaires et policières, politique nécessaire, pour pouvoir se

8 livrer à une guerre en vue de l'obtention de ces territoires et en vue de

9 la création de cette frontière occidentale de nouvel Etat. Seselj était là

10 sur ces territoires du début à la fin. Il était là le 25 juillet 1990, près

11 de Knin, Milan Babic et d'autres dirigeants de la Krajina ont établi une

12 assemblée serbe et un Conseil national serbe, et ont adopté une déclaration

13 portant souveraineté et autonomie de la nation serbe en Croatie. Seselj

14 était là au moment des premiers affrontements violents dans la région

15 autoproclamée autonome de Krajina en mars 1991. Les hommes de Seselj ont

16 participé à la violence de Borovo Selo, de la Slavonie occidentale. Seselj

17 était là à Vukovar avant la prise de Vukovar par les forces serbes, et il

18 était là aussi à Vocin.

19 Les éléments de preuve vont montrer qu'il était en contact constant avec

20 les dirigeants serbes de Croatie dans toutes les régions autoproclamées, il

21 a même soutenu Babic en 1991 lorsque celui-ci était opposé au plan Vance-

22 Owen qui proposait la paix pour les territoires croates qui avait été

23 accepté par Milosevic, Tudjman, et par le général Kadijevic de façon à

24 permettre la venue de forces internationales.

25 Des éléments de preuve par écrit que nous nous proposons de présenter

26 montreront qu'il y a eu un degré important de coordination au travers de

27 toute cette région ce qui ne peut signifier qu'une chose, à savoir que les

28 responsables politiques et militaires ont œuvré en commun et de concert

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1 pour accomplir leur objectif commun. Au départ, la direction militaire

2 s'est opposée au démantèlement de la Yougoslavie, et certains éléments de

3 preuve montreront qu'ils n'ont pas été favorables à la création d'un nouvel

4 Etat serbe, mais ils ont voulu assurer la continuation de l'ancienne

5 Yougoslavie. Toutefois, en juillet 1991, il y a des éléments de preuve qui

6 montreront que sous pressions de Milosevic et autres dirigeants de la

7 présidence, les généraux ont fini par renoncer à cette idée d'une

8 Yougoslavie unitaire et ont déplacé leurs forces vers les futurs frontières

9 de ce nouvel Etat serbe le long de la frontière occidentale que je vous ai

10 déjà montrée.

11 Lorsque la direction serbe-et-monténégrine s'est emparée de la présidence,

12 et par conséquent, le commandement Suprême, à l'égard de la JNA à la date

13 du 1er octobre 1991, nous, nous proposerons de montrer des éléments de

14 preuve que la JNA s'est mise du côté de la direction serbe et a averti le

15 gouvernement croate et autres instances concernées qu'il y aurait

16 représailles pour toute action militaire.

17 La date importante est celle du 1er octobre parce que bon nombre de pas ou

18 de mesures ont été prises dans la région. La direction monténégrine a agi

19 en coordination et a mobilisé ses forces de police spéciale pour lancer une

20 attaque sur Dubrovnik le jour d'après, pour ce qui est du Parti radical

21 serbe celui-ci a agi conformément aux ordres de Seselj.

22 Il a été établi un état-major de guerre à la date du

23 1er octobre, le nom de l'organe était cellules de Crise, et Seselj ainsi que

24 ses associés ont déjà complètement coopéré à part entière avec la JNA pour

25 continuer à envoyer leurs volontaires vers les zones de combat.

26 L'objectif de création d'un Grande-Serbie n'a pas été accompli, ce qui

27 était accompli c'est le nettoyage ethnique. Nous allons maintenant parler

28 des experts en matière de démographie qui indiquent quels sont les

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1 changements démocratiques survenus en Croatie et qui indiquent que ces

2 secteurs ont été libérés de non-Serbes, en particulier, de Croates.

3 Seselj lui-même a dit, à la date du 6 mars 1992, dans une interview

4 télévisée à Belgrade, que de son avis : "Nous n'avons pas réussi à mettre

5 en place cette frontière occidentale idéale : Karlobag-Ogulin-Karlovac-

6 Virovitica. Nous n'avons pas réussi pour ce qui est de Karlobag mais nous

7 sommes arrivés non loin de là au point de Maslenicki à quelques kilomètres.

8 Nous n'avons pas réussi à aboutir jusqu'à Ogulin, mais nous en sommes tout

9 près. Pour ce qui est de Karlovac, nous n'avons pas non plus réussi mais

10 nous sommes dans la banlieue de Karlovac. Et nous n'avons pas réussi avec

11 Virovitica, mais nous sommes dans les banlieues de Pakrac, une partie de

12 Pakrac et une partie de la Slovanie occidentale."

13 Vers la fin de 1991, la République -- non, désolé. A la fin de 1991,

14 disais-je, la situation militaire et politique prévalant sur le terrain

15 fait que l'attention principale de ces entreprises criminelles communes

16 s'est centrée sur la Bosnie-Herzégovine une Conférence organisée par cette

17 présidence tronquée à Belgrade de la date du 3 janvier 1992. En présence

18 des représentants des directions des régions autonomes où dont l'autonomie

19 était autoprogrammée en Croatie, ces serbes de Bosnie et membres du SRS et

20 ainsi que membres de d'autres partis ont revu la carte des zones ciblées.

21 En 1992, nous avons cette carte intitulée : "Epoha". En janvier, en

22 date du 9 janvier 1992, l'Assemblée des serbes de Bosnie proclame la

23 République serbe de Bosnie-Herzégovine. Et pour ce qui est du territoire,

24 il est dit que cela englobe : "Les secteurs où le peuple serbe est en

25 minorité également en raison du génocide perpétré à son égard pendant la

26 Deuxième Guerre mondiale."

27 Cette terminologie est très similaire à celle à laquelle a recours

28 Seselj lorsqu'il fait référence aux tombes serbes qui tracent les

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1 frontières de la Grande-Serbie, et on verra au fil de la présentation de ce

2 qui constitue l'acte d'Accusation et ses cadres temporels que Seselj et la

3 direction des Serbes de Bosnie ont poursuivi au fond les mêmes objectifs

4 pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine. Seselj, ayant poursuivi ses

5 contacts avec les régents des Serbes de Bosnie, pour ce qui est de la

6 période couverte par l'acte d'Accusation, et en 1993, il a été en

7 opposition à Slobodan Milosevic pour ce qui est du plan Vance-Owen, qui

8 avait prévu une proposition de paix pour la Bosnie-Herzégovine et la

9 division de ce pays en dix différentes zones ethniques.

10 Par exemple, dans un discours du 11 mars 1993, Seselj dit : "Que

11 personne n'a le droit d'accepter ce plan Vance-Owen et leur ultimatum au

12 nom du peuple serbe pour ce qui est des frontières internes du territoire

13 en Bosnie-Herzégovine. Nous pensons en particulier que personne n'a le

14 droit de donner aux musulmans ou à la Croatie le corridor entre la Krajina

15 serbe et Semberija et le reste de nos territoires. Et le Parti radical

16 serbe a estimé que la seule frontière entre la Bosnie-Herzégovine se

17 pourrait, elle, celle des lignes de front sur le terrain."

18 Et sur ce point-là, Seselj se sépare de Slobodan Milosevic du moins

19 temporairement. C'est là que je termine la période couverte par l'acte

20 d'Accusation.

21 Ce qui découle clairement des dires de la direction des Serbes de

22 Bosnie, c'est qu'au cas où les musulmans continueraient à essayer de mettre

23 en place un Etat unifié de Bosnie-Herzégovine, ils auraient à faire face à

24 une extermination.

25 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

26 Mme DAHL : [interprétation] Je voulais vous montrer un enregistrement, mais

27 je ne sais pas si nous allons pouvoir le retrouver.

28 "Ici, il est question de la voie que suivra la Bosnie-Herzégovine, et

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1 il est dit que ce serait une autre route vers l'enfer et la souffrance tout

2 comme c'est le cas de la Slovénie et la Croatie. Et si vous pensez que vous

3 allez suivre cette voie, la Bosnie-Herzégovine ira en enfers et le peuple

4 musulman fera face à une extinction possible."

5 Les points de vue de Seselj pour ce qui est de la diversité ethnique

6 au sein de sa Grande-Serbie sont les suivantes : il s'est employé en faveur

7 de la nécessité de voir les groupes minoritaires ethniques ne pas dépasser

8 8 % de la population totale. Au chapitre 10 de son livre, intitulé :

9 "Philippics de Vojvoda chetnik," au titre qui se lit : "Traitement de noms

10 serbes dans ce processus d'unification…" Seselj décrit le rôle des

11 différents groupes ethniques dans ce nouvel Etat serbe. Il dit : "Il est

12 inévitable de procéder à la création d'un Etat civil, d'un Etat où les

13 citoyens serbes seraient égaux en droit (la loyalité est implicite) et où

14 se trouve sur pieds d'égalité avec les Serbes, les membres des autres

15 groupes ethniques et minorités ethniques. Au cas où cet Etat viendrait à

16 être formé, les minorités nationales et autres groupes ethniques ne

17 devraient pas excéder plus de 8 % de la population et il devrait pas avoir

18 un pourcentage plus grand dans aucune région ou aucune agglomération ou

19 unité administrative, et il ne faudrait pas qu'il y ait possibilité de

20 changer ce pourcentage au travers de la natalité de ces groupes ethniques."

21 Alors, ce qui a donné lieu à de grands déménagements de groupes

22 ethniques, il y a eu division sur le terrain tel que demandé par Karadzic

23 et Seselj et cela impliquait nécessaire l'expulsion de nos serbes de

24 territoires entiers. Et même dans les territoires où il y avait

25 prédominance serbe, les musulmans et les croates ont dû s'en aller, ce qui

26 fait que les non-Serbes ont dû être expulsés afin que les territoires

27 soient rendus homogènes.

28 Je pense que j'ai parlé pendant plus d'une heure, et si les juges de

Page 1836

1 la Chambre estiment cela approprié, peut-être pourrions-nous prendre une

2 pause en raison des besoins des interprètes. Alors, j'ai ici un aperçu de

3 ce qui constitue la base de crime et démonstration de la recomposition des

4 groupes ethniques.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Selon votre convenance, on peut faire la pause

6 maintenant ou à 12 heures 20, comme vous voulez.

7 Mme DAHL : [interprétation] Je crois que peut-être il serait préférable de

8 faire une pause maintenant.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire une pause de vingt minutes.

10 --- L'audience est suspendue à 11 heures 52.

11 --- L'audience est reprise à 12 heures 13.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

13 Madame Dahl, vous avez la parole.

14 Mme DAHL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaite tout

15 d'abord corriger une erreur que j'ai faite lorsque j'ai montré une

16 photographie. Une photographie qui ne montrait pas la bonne personne. Je

17 souhaite maintenant afficher la photographie appropriée de Milan

18 Lancuzanin, connu sous le nom de Kameni.

19 Je vais maintenant revenir aux objectifs qui étaient ceux de parvenir

20 à une Grande-Serbie.

21 Nous allons montrer des éléments de preuve qui indiquent qu'en Bosnie-

22 Herzégovine, avant la guerre, il y avait toute une mosaïque de communautés

23 très diverses sur le plan ethnique. Pardonnez-moi, j'attends l'affichage,

24 que le système informatique me rattrape. Vous pouvez le voir, d'après cette

25 carte, c'est une carte très colorée. On y voit les Croates, les Musulmans,

26 les Serbes répartis comme dans un patchwork partageant les mêmes

27 communautés et vivant ensemble. L'autre élément démographique dont dispose

28 le bureau du Procureur après la guerre lorsque les choses ont commencé à

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1 être plus normales dont dispose le bureau du Procureur. On constate qu'à

2 partir de 1997, notre expert démographe va démontrer que ce patchwork

3 n'existe plus. J'attends toujours que l'ordinateur nous affiche l'image. Le

4 nettoyage ethnique ayant été réalisé. C'est une organisation dans les

5 grandes lignes qui a été faite et les populations ont été placées dans des

6 zones homogènes. Et lorsque nous avons regardé cette carte et que nous

7 avons préparé la légende, nous n'avions même pas besoin d'autant de

8 couleurs ou de catégories. Les communautés mixtes et cette superbe

9 diversité, le fait que les cultures s'imbriquent les unes dans les autres,

10 tout ceci avait été détruit.

11 J'ai déjà évoqué le discours de Radovan Karadzic, le 12 mai 1992, qui

12 insistait sur l'importance de la prise de contrôle de territoires

13 stratégiques. Les scènes de crimes dans cette affaire reflètent bien

14 l'objectif stratégique qui visait ces endroits en particulier. La

15 planification à un niveau élevé, au niveau des institutions et dans les

16 rangs les plus élevés de la chaîne hiérarchique militaire et politique.

17 C'est la seule raison qui permet de comprendre comment les Serbes de Bosnie

18 ont pu de façon stratégique et méthodique préparer et cibler --

19 sélectionner leurs cibles pour mettre à exécution leurs opérations

20 militaires. Ici nous voyons Bosanski Samac, Brcko, Bijeljina. Et nous

21 allons montrer ici que ceci se faisait selon un modèle bien défini et la

22 mise à exécution relevait d'une entreprise criminelle généralisée. Les

23 trois municipalités qui se trouvaient dans le corridor de Posavina. Avant

24 la guerre, la population, qui était à Bosanski Samac, était majoritairement

25 Croate; Brcko était majoritairement Musulmane; et Bijeljina était

26 majoritairement Serbe. A partir de 1992, les non-Serbes ont été chassés de

27 ces municipalités par la force. Les éléments de preuve que nous vous

28 présenteront indiqueront que les attaques contre les populations non-serbes

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1 en Bosnie-Herzégovine a commencé par Bijeljina a fait ressurgir un système

2 de crimes qui malheureusement, aux yeux du monde entier, qui en a constaté

3 l'horreur a été repris en Bosnie-Herzégovine.

4 Dans ces trois municipalités, les autorités locales ainsi que les

5 dirigeants serbes de Bosnie ont demandé au SRS d'envoyer des volontaires

6 dans ces municipalités. Par exemple, Biljana Plavsic, par exemple, a écrit

7 à Seselj, à Arkan ainsi qu'à Mirko Jovic, pour lui demander son aide.

8 Seselj a répondu. Ses volontaires sont arrivés et ont participé aux

9 premières attaques dans ces localités et aux crimes qui ont suivi. L'état-

10 major du SRS a envoyé des SRS à la tête desquels se trouvait un homme

11 répondant au nom de Debeli à Bosanski Samac. A Brcko et à Bijeljina, Mirko

12 Blagojevic était responsable des volontaires du Parti radical.

13 Les volontaires du Parti radical se sont battus au sein des Unités de la

14 JNA, la Défense territoriale serbe, les membres du MUP serbe, ainsi que les

15 Tigres d'Arkan. L'Accusation va fournir des éléments de preuve qui

16 indiquent que Seselj était au courant de ces attaques violentes, de ces

17 événements violents et à la lumière de cela, il a promu les commandants du

18 Parti radical qui étaient impliqués.

19 Par exemple, au point 15, dans l'ordre de promotion, Srecko Radovanovic est

20 cité comme étant un colonel chetnik qui a organisé et formé des Unités

21 chetniks. On admet que cet homme a été impliqué dans différentes opérations

22 dans des régions de Croatie et à partir d'avril 1995, il était constamment

23 sur le terrain et, entre autres, à Samac et Brcko.

24 De même, pour ce qui est de Mirko Blagojevic, on indique qu'il a diffusé le

25 message du Mouvement chetnik-serbe sur toute -- dans toute la région de

26 Semberija. Il a commandé les Unités chetniks, et dans d'autres endroits

27 également, Bijeljina, Zvornik et Brcko.

28 C'étaient les catalyseurs qui ont imposé la guerre en Slovénie et en

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1 Croatie, la paranoïa, les référendums qui avaient un caractère ethnique,

2 l'armement qui se faisait sous couvert, la formation des unités

3 paramilitaires, le nettoyage ethnique, sont allés en Bosnie dans les

4 premiers mois du mois d'avril. Bijeljina a été divisé sur un plan ethnique,

5 il était composé de 36 000 personnes. Cela se trouve à 15 kilomètres de la

6 frontière serbe à l'endroit -- à l'intersection de deux routes importantes.

7 Cette ville était un élément clé pour la Semberija autoproclamée et la

8 région autonome Majevica et des efforts conséquents avaient été déployés

9 par le SDS pour faire en sorte que la police -- les forces de police serbe

10 s'y installent. Les hommes de Seselj étaient là et ont participé à la prise

11 de contrôle de Bijeljina qui répondait aux objectifs stratégiques, un, deux

12 et trois.

13 Les rapports émanant de la police serbe de Bosnie indiquent

14 clairement que les volontaires de Seselj ont participé à des crimes au

15 préalable avant et après la prise de contrôle de Bijeljina. En 1993, Seselj

16 a promu Blagojevic au rang de Vojvoda à cause de sa participation aux

17 événements de Bijeljina.

18 Ce système a été appliqué une nouvelle fois à Zvornik au mois d'avril

19 1992. A cette date, Zvornik était composé de 15 000 personnes dont 60 %

20 étaient musulmans. Ceci se niche sur la rive ouest de la Drina. Il y a un

21 pont à deux voies qui relie cette petite partie de la ville à Mali Zvornik

22 sur la rive opposée du fleuve qui est en Serbie.

23 Au moment du référendum sur l'indépendance, la violence interethnique

24 s'est installée à Zvornik. Le 16 mars, les Serbes de Zvornik ont proclamé

25 que s'il y avait une partie indépendante qui faisait partie de la

26 municipalité serbe de Zvornik. A la fin du mois de mars les forces de

27 police s'étaient divisées en deux factions rivales et les déclarations

28 d'indépendance de la République le 6 avril à ce moment-là, au moment de la

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1 déclaration de l'indépendance le 6 avril les émotions étaient à leur

2 comble. Les forces serbes qui se sont levées pour attaquer Zvornik étaient

3 un méli-mélo d'hommes professionnels ultra nationalistes, y compris les

4 éléments de la Défense territoriale de Zvornik, l'Unité d'Arkan, les hommes

5 de Seselj et les Unités d'opération spéciales de Sûreté d'Etat serbe, y

6 compris les troupes régulières de la JNA, ont toutes commencé par apporter

7 leur soutien avec les tirs d'artillerie de la JNA.

8 Les premiers combats ont éclaté à Zvornik vers le 8 avril et la JNA a

9 commencé à pilonner Zvornik depuis l'intérieur, depuis la Serbie de l'autre

10 côté du fleuve. Arkan est arrivé et a délivré son ultimatum en donnant

11 l'ordre aux Musulmans de la municipalité de Zvornik de remettre leurs armes

12 le lendemain ou de subir le même sort que ceux qui étaient restés à

13 Bijeljina. Les forces serbes ont encerclé la ville et quelques minutes

14 après l'expiration de l'ultimatum ils ont attaqué, en l'espace de quelques

15 heures ils ont occupé la ville. La résistance musulmane finalement est

16 tombée à la tombée de la nuit.

17 Seselj lui-même s'est vanté enfin de l'efficacité de ses unités

18 d'élite, ce qui est arrivé après ne peut être -- on ne peut pas utiliser de

19 terme si ce n'est que de parler de quelque chose épouvantable.

20 Très honnêtement, ce qui me préoccupe dans ce procès c'est que plus

21 nous en voyons qu'il y a eu violence, expulsions, files de réfugiés, et

22 plus nous constatons qu'il y a eu destruction de mosquées, d'églises, nous

23 resterons insensibles à ces choses épouvantables si nous en voyons

24 davantage comme nous le présentons ici, j'espère que ceci restera graver

25 dans la mémoire et continuera j'espère à l'avenir à choquer l'humanité

26 toute entière.

27 Les forces serbes se sont établies, ont contrôlé Zvornik, à ce

28 moment-là les hommes musulmans ont été arrêtés. Ils ont été emmenés dans

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1 des centres de détention et je les appelle centres de détention, on a

2 l'impression, en réalité, bon, qu'il s'agissait de prison mais ceci était

3 des bâtiments civils, des lycées techniques, le Drinjaca Dom, l'abattoir.

4 Les personnes qui ont été retenues dans ces centres de détention ont fait

5 l'objet de -- ont dû avoir supporté des conditions d'hygiène inexistantes

6 et cruelles. On ne leur a pas remis la nourriture nécessaire, leur

7 détention était arbitraire et n'avait aucun lien avec des poursuites

8 pénales. On les a obligés à travailler, des milliers de personnes, la

9 plupart des Musulmans ont été chassés de la municipalité. Nous allons

10 présenter des éléments de preuve qui indiquent que leurs maisons ont été

11 pillées et détruites, que les forces serbes ont détruit leurs monuments

12 religieux et culturels.

13 Pour ce qui est des crimes qui se sont déroulés à Zvornik,

14 l'Accusation va apporter la preuve qu'il y a eu des massacres des hommes

15 musulmans à la maison de la culture de Drinjaca, entre le

16 30 et le 31 mai 1992. L'assassina de 150 hommes dans le lycée technique

17 dans la première moitié du mois de juin. Le massacre de 150 hommes

18 musulmans à Gero qui était un abattoir pendant la même semaine. Et le

19 meurtre de quelque 40 personnes ou détenus non-serbes pendant le mois de

20 juin à Celopek.

21 Ces chiffres sont -- défient l'imagination. Ils illustrent la

22 brutalité extraordinaire infligée à la population de la municipalité de

23 Zvornik parce qu'ils n'étaient pas serbes.

24 Et la route mène à Seselj. Nous allons montrer qu'au mois de mars

25 1992, pendant que les Serbes de Bosnie préparaient leur attaque, Seselj a

26 prononcé un discours de l'autre côté du fleuve, à Mali Zvornik et a déclaré

27 : "Chers frères Chetniks et surtout à vous de l'autre côté de la Drina,

28 c'est vous qui êtes les plus courageux, nous allons nettoyer la Bosnie de

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1 païens et nous allons leur montrer la route vers l'est, c'est là qu'ils

2 doivent aller."

3 Le président de la cellule de Crise de Zvornik, Branko Grujic, a

4 demandé au SRS à Belgrade d'envoyer des volontaires au mois d'avril 1992,

5 et Seselj a autorisé cela. Nous constatons que les membres du Parti radical

6 ont fait venir leurs volontaires de Loznica commandés par Dragan -

7 pardonnez-moi, j'ai quelque difficulté à prononcer les noms quelquefois, je

8 m'en excuse - Cvetinovic à Zvornik. Lorsque la guerre a éclaté, les Serbes

9 locaux ont rejoint les unités de volontaires à Zvornik. Ils ont combattu

10 ensemble et après, Seselj les a promus.

11 L'Accusation va démontrer que les volontaires de Seselj ont participé

12 au massacre en masse en brutalisant les détenus dans les centres de

13 détention et en obligeant à les aider à piller. Bon nombre de témoins vont

14 également évoquer des crimes commis par les Guêpes jaunes. L'Accusation va

15 fournir des éléments de preuve et indiquer que les soi-disant Guêpes jaunes

16 de Vuckovic dirigés par Repic étaient en réalité les volontaires de Seselj.

17 Ils avaient rejoint le SRS en 1991 et avaient été endoctrinés par la

18 propagande, incitative de haine de Seselj. Ils l'avaient rejoint en Croatie

19 et le quartier général du SRS à Belgrade les avait envoyés à Zvornik. Et,

20 pendant toute la période des combats à Zvornik, Seselj a été tenu au

21 courant par ses collaborateurs et nous allons constater que certains

22 produits du pillage de Zvornik ont permis le financement du Parti radical.

23 Le schéma s'est répété à Bosanski Samac, à Brcko, conformément à la

24 réalisation des objectifs stratégiques des Serbes de Bosnie. Je vais

25 maintenant parler de Mostar et Nevesinje. Celle-ci se trouve dans la partie

26 sud de la Bosnie-Herzégovine. Ces municipalités sont pertinentes eu égard à

27 certains objectifs stratégiques des Serbes de Bosnie, le corridor de Drina,

28 les frontières le long des fleuves Una et Neretva, et l'ouverture sur la

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1 mer. De surcroît, Mostar était important parce qu'elle disposait de deux

2 casernes militaires importantes dans l'aéroport et d'autres installations

3 militaires.

4 Il y avait un garçon qui vivait dans un petit village dans la municipalité

5 de Nevesinje, dont le monde s'est écroulé au mois de juin 1992. Sa famille

6 n'avait jamais fait de politiques, ils se sentaient en sécurité. Nevesinje

7 était une municipalité qui était majoritairement Serbes, sous le contrôle

8 déjà des forces serbes. Ils se sentaient en sécurité, quand bien même

9 d'autres personnes avaient commencé à se cacher dans le bois et à s'enfuir.

10 La famille de ce garçon était un des derniers à partir en juin 1992

11 lorsqu'ils se sont rendus compte du fait que les Musulmans n'étaient plus

12 en sécurité à Nevesinje, il n'y avait que des civils innocents qui étaient

13 tués, que les maisons étaient détruites, et que les villages étaient rasés.

14 Ce garçon a fui avec ses parents, ses grands-parents, et sa fratrie et sa

15 famille élargie. Ils ont essayé de s'enfuir jusqu'à Mostar, mais ils ont

16 été capturés par des soldats serbes qui les ont amenés dans ce qui a été

17 appelé un centre de détention dans le village de Zijemlje.

18 Là, les enfants terrifiés ont vu les membres de leur famille être frappés

19 et torturés. Ces enfants ont été séparés de leurs parents et grands-parents

20 et ne les ont jamais revus. Leurs corps ont été retrouvés dans une fosse.

21 Ils ont été déplacés d'un centre de détention à un autre. Et après 15 jours

22 environ, un petit groupe d'enfants terrifiés et deux vieilles femmes ont

23 été amenés en direction de Stolac et déposés par les forces serbes au

24 milieu de nulle part. Des soldats croates les ont pris avec eux. Ce garçon

25 a perdu ses parents et ses grands-parents et a été élevé dans un

26 orphelinat. Ceci nous rappelle la souffrance des personnes à Nevesinje et

27 Mostar.

28 Nous allons vous soumettre des éléments de preuve des victimes, des

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1 soldats, des experts sur les meurtres en masse et commis dans le voisinage

2 de ces municipalités en juin 1992; 88 hommes musulmans ont été massacrés à

3 Ubarak, mis dans la décharge de la ville de Ubarak à Mostar le 13 juin; 18

4 civils non-serbes ont été massacrés dans le cimetière de la ville de

5 Sutina; plus de 70 civils ont été capturés et massacrés parmi eux, des

6 femmes, des enfants et des personnes âgées. Deux femmes ont été détenues et

7 également tuées à Boracko Jezero.

8 Pour finir, l'Accusation va également fournir des preuves sur les forces

9 serbes.

10 Seselj est responsable de ces crimes y compris les sévices sexuels.

11 Seselj est responsable de ces crimes. Et avant la guerre, que ce soit le

12 Parti radical serbe ou le Mouvement chetnik, ils n'avaient une quelconque

13 présence à Mostar. Mais pour ce qui est de Nevesinje qui était la

14 municipalité voisine, l'idéologie serbe chetnik a été prôné par Arsen

15 Grahovac. Son bar était devenu le lieu de rassemblement de différents

16 sympathisants du SCP [phon], et Arsen Grahovac avait mis en place un

17 système de barrage routier pour harceler la population non-serbe et pour

18 faire détoner des engins explosifs déjà en 1991. Et cette unité était

19 composée entre 80 et 100 membres de sympathisants du Mouvement chetnik-

20 serbe et du Parti radical serbe et ils oeuvraient à Mostar et à Nevesinje

21 principalement.

22 Le groupe commandé par Grahovac n'était pas le seul groupe de volontaires

23 qui étaient associés à Seselj. A partir de l'automne 1991 et plus

24 particulièrement en 1992, les volontaires de Seselj de Serbie et de

25 Monténégro et des champs de bataille de Croatie sont arrivés. Le Parti

26 radical et les volontaires chetniks étaient commandés par Branislav Vakic

27 et Radovan Radovic. En mai 1992, Mostar a été pris par les forces serbes

28 qui comprenaient la JNA, la Défense territoriale serbe, le Parti radical

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1 serbe et leurs volontaires et les Bérets rouges de la DB des forces de

2 sécurité serbe dans une offensive lancée par le général Perisic.

3 Nous allons entendre de différents participants à ces attaques que un des

4 commandants à la tête du Parti radical, Oliver Baret, qui avait des liens

5 étroits avec les dirigeants du Parti radical est arrivé depuis Belgrade et

6 était présent au QG militaire de la JNA à Mostar. Lors de son séjour à cet

7 endroit, il était en contact direct avec les volontaires du Parti radical

8 qui avaient pris part à l'offensive.

9 Dans chaque meurtre et exactions que j'ai évoquées à Nevesinje, les

10 volontaires chetniks et le Parti radical à Mostar et Nevesinje avaient

11 participé encore une fois, selon le même schéma mis en œuvre par Seselj, il

12 venait se rendre sur les lieux du conflit et avait promu les commandants

13 qui avaient participé aux crimes.

14 Vakic avait reçu une promotion après en rapport avec Vukovar. Radovic et

15 Oliver Baret ont été promus également au rang de Vojvoda en 1994.

16 Je souhaite repasser à Sarajevo. Sarajevo est le cinquième objectif

17 stratégique des Serbes de Bosnie, qui porte sur la division de la ville. En

18 avril et mai de 1992, les forces serbes y compris les volontaires du Parti

19 radical ont attaqué le contrôle de certaines municipalités ou certaines

20 parties de certaines municipalités dans une région qui comprenait la ville

21 de Sarajevo au sens large. Nous allons entendre de la bouche des témoins

22 que, suite à la prise de contrôle de ces quartiers, les forces serbes ont

23 mis en œuvre une campagne de persécution contre les non-Serbes,

24 principalement les musulmans.

25 Les crimes reprochés dans l'acte d'accusation comprennent ou portent sur la

26 municipalité d'Ilijas et de la municipalité de Vogosca. A la fin de l'année

27 1991 et début de l'année 1992, les serbes dans la Sarajevo au sens large

28 ont pris certainement mesures pour asseoir leur contrôle sur plusieurs

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1 quartiers de la ville. Ratko Adzic, qui était président du Parti SDS, a été

2 nommé à la tête de la cellule de Crise serbe de la Défense territoriale à

3 Ilijas.

4 A la fin du mois d'avril 1992, les Serbes d'Ilijas ont repris le poste de

5 police et ont tiré sur tous les policiers musulmans et croates. Les

6 Musulmans et les Croates ont essayé en vain de mettre en place leur propre

7 poste de police à proximité, les forces serbes se sont saisies de toutes

8 les munitions et les ont laissés sans défense.

9 Vasilje Vidovic était un des volontaires de Seselj qui venait d'Ilijas. Il

10 avait été avec le SRS à Knin et c'était un membre de l'état-major de Ratko

11 Adzic, ils sont retournés à Ilijas. C'était un membre de l'état-major de

12 Ratko Adzic connu pour leur brutalité. Il conduisait une voiture avec un

13 crâne humain sur la voiture et devant la maison dans laquelle il habitait,

14 se trouvait sur des poteaux deux crânes humains. Les forces serbes ont

15 attaqué dans la nuit du 4 au 5 juin 1992, mais les éléments de preuve

16 montreront que les hommes de Vidovic, les policiers locaux et d'autres

17 hommes armés qui appartenaient à la Défense territoriale sont entrés dans

18 la ville et ont commis des crimes.

19 Ils ont été placés en détention de nouveau. C'est une situation

20 systématique nous retrouvons en filigrane de tous les crimes dont nous

21 avons parlé jusqu'à présent. Et nous allons vous montrer que les hommes de

22 Seselj ont détenus des hommes, les ont battus, les ont placés à bord de

23 bus, les ont placés en détention dans un entrepôt pendant plusieurs mois

24 avant de les faire circuler dans d'autres endroits. Et nous verrons des

25 preuves de torture, de viol, de meurtres et les prisonniers étaient

26 utilisés, on les sortait des centres de détention pour les conduire à des

27 lieux où ils faisaient des travaux forcés notamment pour creuser des

28 tranchées et faire du travail sur les lignes de front. Le commandant de ces

Page 1847

1 hommes, Vidovic, a assassiné 27 détenus au cours de l'été 1993 pour se

2 venger des pertes subies par les Serbes. A partir du mois d'avril 1992, les

3 Serbes d'Alija ont pris le contrôle à la place de police et ont licencié

4 les policiers musulmans et croates et n'ont pas tiré sur --

5 C'est un schéma qui s'est répété dans d'autres quartiers de Sarajevo et

6 autour de Sarajevo. Parlons de Slavko Aleksic. Avec ses volontaires du

7 Parti radical, il contrôlait la zone de Grbavica, le cimetière juif. Son

8 unité s'appelait Ravna Gora, Détachement chetnik. En 1993, Seselj l'a promu

9 au rang de Vojvoda. L'ordre de promotion le salue pour le fait qu'il a

10 essayé de prôner les idées de parti et le mouvement à Sarajevo et

11 l'identifie comme étant le commandant du Détachement de Novo Savez.

12 Après la guerre, Seselj l'a félicité une fois de plus lui et ses hommes de

13 Grbavica en disant qu'ils avaient rendu un grand service au Parti radical

14 serbe et à la cause du nationalisme. Qu'est-ce qu'il a fait Aleksic pour la

15 cause serbe ? Avec ses hommes il a persécuté les non-Serbes de Grbavica, à

16 procéder à des perquisitions arbitraires de domiciles, à des viols, à des

17 passages à tabac, à des assassinats. Ils ont forcé les femmes et les hommes

18 à travailler dans des conditions dangereuses. Il y a plus de 80 civils qui

19 ont trouvé la mort alors qu'ils étaient obligés de faire des travaux

20 forcés. Et c'est une structure systématique que l'on retrouve à Ilidza dans

21 cette municipalité.

22 Branislav Gavrilovic est surnommé Brne, il est lui aussi actif dans cette

23 région de Sarajevo. Il est devenu le dirigeant du mouvement de la jeunesse

24 serbe pour la Bosnie-Herzégovine. Une organisation qui a rejoint le

25 mouvement chetnik de Seselj après que Gavrilovic a rencontré Seselj à

26 Bijeljina en 1991. Plus tard, Seselj a nommé Gavrilovic au poste de

27 commandant des volontaires pour la Slavonie, Baranja, et le Srem

28 occidental. Vous avez à l'écran un certificat élaboré par Seselj pour ce

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1 qui est de cette mise en fonction.

2 Gavrilovic était aussi un des dirigeants du Parti SRS à Ilidza. Pendant la

3 guerre, il avait la responsabilité d'une unité importante de volontaires

4 chetnik. L'Accusation va prouver que Gavrilovic, alors qu'il était en

5 Croatie et plus en Bosnie-Herzégovine, recevait des ordres du bureau du SRS

6 à Belgrade et qu'il rencontrait Seselj aussi bien à Belgrade qu'à Sarajevo.

7 Seselj l'a nommé Vojvoda en mai 1993. Pour l'excellence de ses services

8 [inaudible] en Croatie et à Sarajevo.

9 Qu'est-ce qu'il a fait à Sarajevo ? Nous allons vous prouver que le 17

10 juillet 1993, Branislav Gavrilovic et ses volontaires chetnik ont capturé

11 quatre membres de la Défense territoriale de Sarajevo qui étaient en

12 position sur le mont Igman face à Ilidza. Ils ont abattu un de ces hommes,

13 un garçon de 17 ans, sur place. Ils ont emmené les autres prisonniers en

14 contrebas vers un champ où Gavrilovic et d'autres à lui attendaient.

15 Gavrilovic et un de ses subordonnés ont interrogé les prisonniers, les ont

16 frappés, les ont battus, et leur ont donné des coups de pied. Deux des

17 prisonniers ont été assassinés après cet interrogatoire.

18 Les crimes que je viens de décrire ont été commis par Seselj et d'autres

19 membres de l'entreprise criminelle commune au motif que ces hommes

20 poursuivaient un objectif commun celui de la domination des Serbes dans les

21 territoires convoités en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Seselj et ses

22 associés voulaient chasser les Croates et les Musulmans. Pour y parvenir,

23 ils ont mené une campagne de persécution qui a coûté la vie à un nombre

24 extrême de personnes innocentes.

25 Et ceci m'amène à la fin de ma présentation de ce matin. A la fin de la

26 présentation de ce procès vous allez bien sûr soupeser les éléments que

27 nous allons présenter et ceux que va peut-être présenter M. Seselj et vous

28 verrez si nous avons apporté la preuve de ces chefs. Trois chefs contre

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1 l'humanité, persécution, transfert forcé et actes inhumains sous forme de

2 transfert forcé, trois chefs de violations des lois et coutumes de la

3 guerre à l'encontre de personnes, à savoir meurtre, torture, et traitement

4 cruel, il y a aussi trois chefs de violation des lois et coutumes de la

5 guerre en l'encontre de bien, à savoir la destruction sans motif de

6 villages qui n'est pas justifié par la nécessité militaire, les dégâts

7 causés à des lieux de culte, ainsi que des actes de pillage.

8 De l'avis de l'Accusation les éléments de preuve vous montreront en fin de

9 procès que la responsabilité pénale de M. Seselj est engagée en raison de

10 ce qu'il a fait. Nous affirmons qu'il a planifié, incité, ordonné, commis,

11 ou sous une autre forme aidé et contribué à la commission de ces crimes. De

12 l'avis de l'Accusation, Seselj lui-même a commis le crime de persécution

13 par le dénigrement direct et public à l'occasion de discours tenus à

14 Vukovar, Mali Zvornik, et Hrtkovci. Et aussi est coupable de déportation et

15 transfert forcé eu égard au discours qu'il a tenu à Hrtkovci.

16 Nous estimons aussi qu'en vertu de la loi il est responsable pénalement de

17 ces crimes car il a participé à une entreprise criminelle commune qui avait

18 pour objectif de chasser de façon permanente et par la force les habitants

19 croates, musulmans, et non-serbes de grande portion de la Croatie et de la

20 Bosnie-Herzégovine qui étaient revendiquées comme étant un territoire serbe

21 et que cet objectif pour qu'il se réalise nécessitait que des crimes soient

22 commis.

23 Nous allons vous montrer que les crimes retenus dans l'acte d'accusation

24 s'inscrivaient dans l'objectif de l'entreprise criminelle commune. En vertu

25 de l'acte d'accusation les crimes de transfert forcé et de déportation ont

26 constitué l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune dès le

27 début. Les autres crimes tel que le meurtre, la détention, les passages à

28 tabac, les violences sexuelles, et la destruction de biens étaient au bât

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1 mot prévisible, et peuvent être considérés comme s'inscrivant dès le départ

2 dans le cadre de l'objectif de cette entreprise criminelle commune.

3 L'Accusation va prouver que ces crimes ont été adoptés par les membres de

4 l'entreprise criminelle commune au cours de ces événements et incorporés

5 dans leur plan criminel. Les éléments de preuve vont montrer que l'objectif

6 commun de l'entreprise criminelle commune n'a jamais changé, mais que les

7 méthodes utilisées pour appliquer cet objectif commun ont évolué, et qu'en

8 fait, les crimes retenus dans l'acte d'accusation sont devenus les moyens

9 criminels permettant de réaliser cet objectif commun entre 1991 et 1993.

10 Il ne fait pas l'ombre d'un doute que ces crimes étaient prévisibles.

11 Je reprends les termes mêmes de M. Seselj. Il avait fourni une interview,

12 il avait donné une interview en mai 1991 après avoir rencontré Karadzic en

13 Bosnie-Herzégovine. Voici ce qu'il a

14 dit : "Nous avons déjà déployé plusieurs groupes chetniks à Zagreb et dans

15 d'autres villes de la Croatie et qui sont aguerris à des activités de

16 sabotage et des activités terroristes. Si on commence à massacrer des

17 civils serbes, les Chetniks vont frapper à Zagreb et dans d'autres lieux où

18 se concentrent les Croates, de pleine force. Vous savez, quand on procède à

19 des représailles, la vengeance est aveugle. Il y aura des victimes

20 innocentes, et qu'est-ce qu'on peut y faire. Que les Croates, ils

21 réfléchissent d'abord. Nous n'allons pas être les premiers à frapper, mais

22 s'ils nous frappent, s'ils portent le premier coup nous n'allons pas nous

23 embarrasser de savoir où nous pouvons atterrir. Déjà, à moins que l'armée

24 ne désarme les Oustachi sur le champ il y aura beaucoup de sang versé."

25 Puis, il y a une interview dans un programme radio. Un des auditeurs

26 demande à M. Seselj s'il se préoccupe d'autres personnes que des Serbes,

27 sachant que des populations innocentes peuvent souffrir des avis qu'il

28 véhicule. Et il répond ceci : "Pourquoi est-ce que je me sentirais coupable

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1 ? Il y a tellement de Serbes innocents qui souffrent dans cette guerre et

2 vous voulez que je m'inquiète de ceux qui font partie de l'ennemi, s'il n'y

3 avait un innocent qui aurait souffert ? Vous savez, dans la guerre tout est

4 perturbé, les troubles sont profonds, et moi en guerre je m'inquiète

5 surtout de ceux qui font partie de mon propre peuple."

6 En conclusion, je crois que cette voie qui mène en enfer c'est un

7 manque d'empathie. Et je pense que les éléments de preuve viendront

8 justifier ces charges retenues contre l'accusé, et je pense que vous verrez

9 que ces éléments de preuve apportent effectivement la preuve.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Seselj, donc, demain, vous aurez la

11 parole pour votre intervention. Comme je veille à ce qu'il y ait l'égalité

12 des armes, est-ce que vous aurez besoin d'un pupitre si vous parlez assis

13 ou debout ? Et en regardant, je me suis demandé si vous aviez également un

14 verre d'eau ou une carafe d'eau, je ne le vois pas. Je ne sais pas. Alors,

15 la seule question d'ordre technique, c'est de savoir si vous, de même, vous

16 parlez assis ou debout. Si vous parlez debout, il faudra vous mettre un

17 pupitre.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, j'aimerais vous dire trois

19 choses. D'abord, j'ai le droit et c'est la pratique de ce Tribunal de

20 m'adresser à ce Tribunal en restant assis. M. le Juge Richard May l'a

21 confirmé, au début du procès de M. Slobodan Milosevic, et pour moi, c'est

22 plus facile de faire ainsi.

23 Deuxièmement, j'ai de l'eau, mais dans des verres en verre. Peut-être, ont-

24 ils peur de me donner un verre en verre, et je suis le seul peut-être dans

25 ce prétoire à avoir un verre en matière plastique pour boire de l'eau. Je

26 veux bien. Peut-être, si cela vous fait vous sentir plus en sécurité je n'y

27 vois pas d'inconvénient.

28 Troisième chose, et étant donné que le Procureur a raccourci son

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1 allocution, j'espère que vous n'allez pas réduire mes quatre heures. J'ai

2 compté sur quatre heures et je me suis préparé pour quatre heures entières,

3 et j'aurais pendant quatre heures à parler. Merci.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Pas de problème. Vous resterez assis puisque vous le

5 demandez. Et puis, bien entendu, vous aurez donc vos quatre heures demain.

6 Voilà.

7 L'audience est donc terminée. Nous nous retrouverons demain à

8 9 heures puisque l'audience aura lieu à 9 heures. Je vous remercie.

9 --- L'audience de la Déclaration liminaire de l'Accusation est levée

10 à 12 heures 58 et reprendra le jeudi 8 novembre 2007, à

11 9 heures 00.

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