Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 4881

1 Le mardi 18 mars 2008

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 14 heures 46.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire, s'il vous plaît.

7 L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-03-67-T, le Procureur

9 contre Vojislav Seselj.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

11 Je salue tous les représentants de l'Accusation présents. Je salue M.

12 Seselj ainsi que toutes les personnes qui nous assistent. Nous allons avoir

13 un témoin. Je sais que l'Accusation a demandé un huis clos partiel avant de

14 commencer.

15 Mais avant cela, je vais interroger M. Mundis sur plusieurs questions de

16 nature administrative. A partir du planning que nous avions, il a été

17 évoqué la semaine dernière que, compte tenu du fait qu'un témoin qui était

18 prévu demain et jeudi ne viendrait pas, il pourrait être envisagé de

19 diffuser des vidéos. A cet effet, je vous ai demandé la semaine dernière de

20 faire une liste des vidéos, de l'envoyer à M. Seselj pour que M. Seselj

21 puisse dire s'il est d'accord, ou il n'est pas d'accord. Voilà. Et la

22 Chambre n'a eu aucun retour et je ne sais absolument pas où on en est.

23 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à toutes

24 et à tous dans ce prétoire et à l'extérieur de ce prétoire. La liste des

25 vidéos on y a mis la dernière main au début de l'après-midi seulement, et

26 elle est en phase de distribution, en phase d'envoi au juriste de la

27 Chambre et en phase de traduction en serbe pour M. Seselj. Ça nous a pris

28 un peu plus longtemps que prévu, la préparation de cette liste et

Page 4882

1 l'organisation de cette liste d'une manière logique.

2 Je vous présente mes excuses pour ce retard mais maintenant le travail est

3 fait. Mon assistante, au début de l'après-midi, a procédé à la distribution

4 de la liste et elle fait l'objet d'une traduction urgente [imperceptible]

5 pour M. Seselj -- pour le Dr Seselj.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que M. Seselj pourra avoir la traduction dans

7 le courant de l'après-midi ?

8 M. MUNDIS : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, la traduction est

9 réalisée de manière urgente et je crois que la date butoir adoptée était

10 celle de 18 heures. Et donc, si on reçoit le document par courrier

11 électronique ici dans le prétoire, on l'imprimerait immédiatement pour

12 remettre le document en copie papier à M. Seselj avant la fin de

13 l'audience.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Deuxième question de nature administrative. Le

15 témoin qui était prévu pour mercredi et jeudi - dont je ne cite pas le nom

16 dans le cas où il y aurait eu des questions relatives à des mesures de

17 protection - pour quelles raisons ce témoin, qui était prévu pour venir, ne

18 vient pas ?

19 M. MUNDIS : [interprétation] Il faut que je retrouve le planning où figure

20 les informations concernant le témoin. Est-ce que vous souvenez de la date

21 à laquelle vous faites référence sur le planning ?

22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- planning, c'est le témoin qui devait venir demain

23 et jeudi, VS-45.

24 M. MUNDIS : [interprétation] Pendant que mon collègue s'adressera à vous,

25 si vous avez encore des questions à me poser, je vais me renseigner au

26 sujet de ce témoin en particulier.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : -- la semaine prochaine, normalement, est prévu

28 l'expert Strinovic qui est un expert médico-légal qui a fait des autopsies,

Page 4883

1 et cetera. Nous avons constaté -- j'ai constaté que la Chambre n'a été

2 saisie d'aucun rapport d'expertise. On n'a pas son rapport. Tout ce que je

3 sais c'est que cet expert a déjà témoigné dans deux autres procès et j'ai

4 cru comprendre que vous vouliez faire admettre, comme rapport d'expertise,

5 un rapport qu'il avait déjà rédigé dans une affaire plus le transcript de

6 son audition dans la deuxième affaire. Pouvez-vous nous éclairer ?

7 M. MUNDIS : [interprétation] Merci de me donner la possibilité de vous

8 donner des explications. Je sais qu'il y a de nombreuses informations qui

9 ont été fournies à M. Seselj et au juriste de la Chambre au sujet de ce

10 témoin la semaine dernière. D'abord, ce témoin ne va pas comparaître la

11 semaine prochaine, comme nous espérions que ce serait possible, si bien

12 qu'à l'heure actuelle, nous sommes en train d'essayer de finaliser le

13 planning pour la semaine prochaine. Mais le Pr Strinovic, je peux vous le

14 dire, d'ores et déjà, ne témoignera la semaine prochaine.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il ne témoignera pas la semaine prochaine.

16 Qui va témoigner à sa place ? Vous avez prévu d'autres témoins ?

17 M. MUNDIS : [interprétation] Je sors à l'instant d'une réunion avec la

18 Section des Victimes et des Témoins, et d'après ce que j'ai compris, ils

19 ont été en mesure de prévoir la déposition du Témoin VS-33 pour jeudi 27 et

20 il est probable que sa déposition continuerait le mardi 1er avril. Mais pour

21 l'instant, nous ne sommes pas en mesure de trouver des témoins pour le 25

22 et le 26 mars. Je suis en train d'y travailler, en ce moment même, et

23 j'espère que, d'ici la fin de la journée ou d'ici demain matin, je serai en

24 mesure de vous fournir des informations supplémentaires au sujet des

25 audiences du 25 et du 26.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : -- bon, pour le Pr Strinovic, vous comptez le

27 programmer à quel moment ?

28 M. MUNDIS : [interprétation] Je pense qu'il devrait normalement déposé au

Page 4884

1 tour de la semaine du 22 avril. Je peux -- je peux vous donner quelques

2 informations au sujet du Témoin 45 maintenant, mais est-ce que nous sommes

3 encore à huis clos partiel ou non ? Il faut que je passe à huis clos

4 partiel pour en parler.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, avant de passer en huis clos partiel, je vais

6 donner la parole à M. Seselj uniquement pour la -- parce qu'il a demandé la

7 parole, et je pense que c'est pour la venue des témoins.

8 Monsieur Seselj.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

10 Juges, un problème bien plus grave se pose ici, bien plus grave que ce que

11 cela semble être d'emblée, à savoir l'expert Davor Strinovic, mais son

12 travail d'expertise n'existe absolument pas; même moi, je ne l'ai pas reçu.

13 A plusieurs reprises, j'ai reçu un document de la part du Procureur

14 intitulé : "Le Procureur communique le rapport d'expertise de Davor

15 Strinovic."

16 Puis on me fournissait en fait toute une série de documents : auxiliaires,

17 des autopsies, des rapports de médecine légale, mais pas de rapport

18 d'expert. Donc, pendant le week-end, puisque je n'ai pas vraiment bien

19 beaucoup de problème à me préparer pour ce témoin qui doit venir déposer,

20 donc, je me suis consacré pendant le week-end uniquement à cela, à donc le

21 rapport de [imperceptible] de Davor Strinovic n'existe pas et, apparemment,

22 ça n'a pas existé non plus dans d'autres affaires. Mais ce tas de papier --

23 de documents a été simplement glissé, les avocats n'ont pas prêté attention

24 et ça a été accepté comme rapport d'expert.

25 Juste une espèce de sondage a été menée par le Procureur auprès de

26 Strinovic sur une dizaine de pages où il a répondu à une série de questions

27 mais ce n'est pas un rapport d'expert. Donc, j'insiste - je souligne tout

28 d'abord ce travail - ce rapport d'expertise de Davor Strinovic doit tout

Page 4885

1 d'abord être communiqué et c'est uniquement par la suite qu'il peut être

2 cité comme expert parce que je ne vois pas ce que je peux consulter --

3 enfin, contester. Vos collègues n'étaient pas encore ici mais, moi, je vous

4 ai envoyé par écrit une réaction sur le fait qu'on a annoncé la comparution

5 de Strinovic, en vous disant qu'on n'a pas communiqué son travail. Mais ce

6 n'est pas le seul problème qui se pose; les trois autres posent problème

7 également.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : On va régler d'abord cette question.

9 Monsieur Mundis, est-ce que vient de dire M. Seselj, il a tout à fait

10 raison parce que j'ai constaté, effectivement, qu'il y avait un document

11 d'une dizaine de pages, mais on ne peut pas considérer que c'est un rapport

12 d'expert. Alors, la question qui se pose : est-ce que nous allons avoir un

13 rapport d'expert, et ce rapport d'expert va-t-il être communiqué en temps

14 utile à M. Seselj dans la mesure où vous avez prévu de faire venir cet

15 expert à compter, du 22 avril, quelque chose comme cela ? Voilà la question

16 qui est posée.

17 M. MUNDIS : [interprétation] Je crois que le document fait, en fait, 13 à

18 14 pages. C'est un rapport qui a été versé au dossier dans l'affaire

19 Milosevic. C'est le rapport de l'expert Strinovic -- du Témoin Strinovic,

20 et conformément aux informations fournies le

21 14 mars, nous avons demandé étant donné que ce rapport, il datait de 2003,

22 nous avons demandé que le Témoin Strinovic le mette à jour pour faire état

23 de nouvelles informations éventuellement au sujet des exhumations qui

24 auraient eu lieu entre-temps. Et nous pensons -- nous espérons que cette

25 mise à jour sera réalisée et qu'elle sera disponible en serbe et en anglais

26 dès qu'il aura terminé cette mise à jour. Voilà une des raisons également

27 qui explique pourquoi nous avons reporté la déposition de ce témoin. C'est

28 pour lui donner la possibilité de réviser, de mettre à jour son rapport.

Page 4886

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, ce qui s'est passé dans l'affaire

2 Milosevic, c'est sur leur responsabilité. En ce qui nous concerne, nous,

3 cette Chambre, le rapport de 14 pages, je les ai sous les yeux. En réalité,

4 il y a -- je vais vous dire, il y a une première page qui est un résumé de

5 sa formation et de son activité. Il y a ensuite trois pages qui abordent le

6 rôle des pathologistes, comment on utilise les pathologistes, les problèmes

7 médicaux pour identifier les corps, et cetera. Il y a trois pages. Et tout

8 le reste n'est -- ne sont que des tableaux. Ce sont des tableaux. Là, je

9 vous les montre. Ce sont des tableaux. Donc, en quelque sorte, le rapport

10 d'expert est résumé en trois pages. C'est trois pages. Alors, est-ce que

11 vous avez l'intention de nous donner la même chose, ou bien, cet expert va

12 refaire un travail d'expert tel qu'on peut le concevoir ? Parce que, le

13 voilà, le rapport, hein, je vous le montre. Il est là.

14 M. MUNDIS : [interprétation] Oui, effectivement, c'est bien le rapport

15 auquel je faisais référence, Monsieur le Président. C'est le rapport

16 préparé par le Pr Strinovic. Un rapport qui a été versé au dossier dans

17 d'autres affaires entendues par le Tribunal. Comme je vous l'ai dit, on lui

18 a demandé de réviser ce rapport et nous tiendrons compte des observations

19 de la Chambre de première instance lorsque nous demanderons à ce témoin de

20 procéder à une mise à jour ou à une révision de ce rapport.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, avec tous mes respects,

22 quant aux souvenirs du feu Slobodan Milosevic, je me dois néanmoins de dire

23 que M. Milosevic pendant la présentation des moyens de l'Accusation

24 connaissait si mal la procédure, et en particulier dans -- pour ce qui est

25 du droit anglo-saxon un train Simplon express aurait pu être glissé dans le

26 dossier sans qu'il s'en aperçoive. Il y a eu un abus grave de la part de

27 l'Accusation et ça a été toléré par la Chambre de première instance. On a

28 versé au dossier un rapport d'expert inexistant. J'ai reçu, pour ma part,

Page 4887

1 au sujet de ce rapport inexistant de Davor Strinovic, des résultats

2 d'autopsies individuelles pour chacun des corps. Plusieurs centaines de

3 photographies couleur de cadavres, de grandes photographies, je dois être

4 tout à fait franc, j'ai jeté tout ça parce que ça ne m'intéresse pas. Je ne

5 vais pas contester qu'il y a eu, ou qu'il n'y ait pas eu des cadavres, mais

6 le rapport d'expert n'existe pas.

7 Donc, en [imperceptible] améliorer, peaufiner quelque chose qui n'existe

8 pas, je ne vois pas comment on peut compléter -- on peut faire compléter

9 par Strinovic quelque chose que le Procureur a pu glisser dans le dossier

10 dans l'affaire Milosevic. Soit Davor Strinovic doit se mettre au travail et

11 rédiger un véritable travail d'expert, ou bien, il ne peut pas comparaître

12 ici comme expert. C'est par l'entremise de son travail -- de son rapport

13 d'expert qu'il devient expert. Nous avions Oberschall, plusieurs sont

14 pleines pages; Yves Tomic, plus de centaines ou de pages; 400 pages de

15 Theunens; et maintenant, nous voici avec Strinovic sous aucun rapport

16 d'expert. Moi, je me prépare pour le contre-interrogatoire, mais pour qu'il

17 y ait contre-interrogatoire pour que ce soit possible, et bien, il faut

18 d'abord qu'il rédige un rapport d'expert. Lui ou un autre X, Y, peu

19 importe. Mais s'il n'y ait pas de rapport d'expert communiqué en temps

20 voulu lui ne peut pas comparaître dans le prétoire.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Par ailleurs, Monsieur Mundis, et ma collègue, je la

22 remercie, me fait remarquer qu'aux termes du Règlement le rapport doit être

23 communiqué 30 jours avant. Or, là aussi, il y a un problème. Il faut que ce

24 rapport soit communiqué

25 30 jours avant la venue de l'expert afin que l'accusé puisse faire valoir

26 ses observations. Pendant que M. Seselj parlait, je regardais les tableaux,

27 et je constatais la chose suivante : il y a trois localités qui sont

28 concernées : Vukovar, Vocin, et Ovcara. Bon. Dans ces tableaux, il y a des

Page 4888

1 chiffres, par exemple, le "shooting," il y a établi 212, probable;

2 [imperceptible], 86; explosions 236; préalable, 115. Bon. Mais ça nous dit

3 rien de plus. Alors, normalement, l'expert, dans son rapport, il doit

4 aborder à fond Vukovar, expliquer quand ils ont déterré les cadavres,

5 qu'est-ce qu'ils ont fait exactement, quelles ont été les conclusions des

6 experts de lui-même, et cetera. Combien de gens sont morts suite à des tirs

7 ? Mais des tirs, lesquels» ? Entre un tir avec une balle dans la nuque et

8 puis un tir qui vient d'un combat, ce n'est pas la même chose, et en plus,

9 pour aggraver tout cela, il y a également des causes naturelles. Par

10 exemple, il y aurait 17 personnes qui seraient mortes de causes naturelles.

11 Alors, voilà le type de problèmes.

12 Monsieur Mundis.

13 M. MUNDIS : [interprétation] Oui, je comprends bien, Monsieur le Président.

14 Mais comme je l'ai dit, nous allons tenir compte des observations de la

15 Chambre de première instance lorsque nous demanderons à l'expert de

16 modifier son rapport, et si M. Seselj a besoin des 30 jours que lui accorde

17 le Règlement, le témoin sera prévu au-delà des 30 jours.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : -- je crois que vous vouliez aborder d'autres

19 problèmes.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Pendant ce week-end

21 et tout le temps, je me suis consacré à la question des pathologistes et

22 des médecins légistes. Un problème semblable se pose pour les trois autres

23 experts, Ivan Grujic, Osman Kadic et Zoran Stankovic. Ce sont des

24 pathologistes des spécialistes de médecine légale que le Procureur a

25 l'intention de présenter en tant qu'expert. Pour aucun de ces trois hommes

26 il n'y a de rapport d'expert. Mais à la différence du cas d'avant

27 Strinovic, il n'y a rien du tout. Pour les trois autres, ce qui existe ce

28 sont les déclarations qu'ils ont données au Procureur comme si c'étaient

Page 4889

1 des témoins ordinaires.

2 Pour ce qui est d'Osman Kadic, d'autre pages, il décrit l'autopsie à

3 laquelle il a procédé et il dit qu'il ne sait pas qui a tué les gens en

4 question, ce qui est tout à fait honnête de sa part.

5 Puis Grujic et Stankovic, également, uniquement leur audition par le

6 bureau du Procureur. S'ils doivent venir ici en tant qu'experts, aussi, ils

7 doivent déposer un rapport d'expert. Le Procureur ne peut pas se contenter

8 de les entendre en tant que témoins ordinaires, et puis, par la suite, nous

9 les présenter comme des témoins experts. Ce n'est pas un rapport d'expert,

10 une déclaration.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Mundis, les trois autres

12 experts, entre guillemets, Grujic, Kadic, Stankovic, il semblerait que, là

13 aussi, il n'y a pas de rapports d'expert. Il y a simplement des

14 déclarations écrites.

15 M. MUNDIS : [interprétation] Il faudra que je vérifie la chose avant

16 de confirmer ce qui a été dit par M. Seselj. Je sais, cependant, conforme

17 de l'article 94 bis (a), il est question de rapport et/ou déclaration.

18 Donc, je ne sais pas si, véritablement, ce rapport est nécessaire. Dans

19 l'article, il est question de déclaration et/ou rapport. Je ne vais pas

20 entrer dans ce débat pour l'instant, on pourra y revenir peut-être plus

21 tard quand nous aurons vérifié exactement quels sont les documents qui sont

22 disponibles actuellement. Je ne peux pas pour l'instant répondre à tous les

23 éléments qui ont été évoqués par M. Seselj.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je rappelle sur la question de ces quatre

25 personnes, Strinovic, Grujic, Kadic, Stankovic qui, apparemment, sont des

26 personnes qui ont examiné des corps de personnes qui ont été tuées sans que

27 certains puissent dire exactement la façon dont ils ont été tués. Je crois

28 comprendre que l'Accusation veut faire venir ces quatre témoins experts

Page 4890

1 juste pour prouver que des personnes ont été tuées par balles, par

2 explosions ou par tout autre moyen. J'avais cru comprendre, d'après vos

3 propos, que vous ne contestez pas le fait que des personnes ont été tuées;

4 en revanche, ce que vous contestez c'est votre propre responsabilité dans

5 ces décès. Alors, si vous ne contestez pas la matérialité de ces décès,

6 est-il utile de faire un tir de barrage sur ces experts, entre guillemets ?

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, sur ces quatre

8 experts, je ne m'opposerai uniquement pas à Dr Osman Kadic, contre lui, je

9 ne ferai pas de tir de barrage. Lui, il a fait une déclaration sur une

10 exhumation en Herzégovine ou Ubopak, je crois, ou à proximité, mais les

11 trois autres, il faut qu'ils se préparent pour faire face au tir de

12 barrage. Car je contesterai leur moralité, leur professionnalité également,

13 et j'ai beaucoup d'arguments si ces trois viendront ici, ils seront exposés

14 au tir de barrage. J'ai beaucoup d'éléments qui me permettent.

15 Pour ce qui est de Zoran Stankovic, cela fait plusieurs années que

16 j'ai annoncé cela au Procureur dans une écriture portant sur un moyen de

17 Défense spécial. J'ai exposé là beaucoup d'éléments portant sur

18 l'immoralité de Stankovic; ses manipulations, son comportement immoral.

19 Donc, parmi les pathologies serbes, ils ont choisi le pire. Alors, il faut

20 bien qu'il soit victime de tir de barrage. S'ils avaient choisi un homme

21 intègre, hélas, il a été ministre de la Défense de Serbie et de Monténégro,

22 quand on songe à tous les ministres de la Défense qu'on a eus, ce ministre

23 de la Défense, effectivement, il serait exposé au tir de barrage véritable

24 ici.

25 Maintenant, Monsieur le Président, quel est le problème essentiel qui

26 se pose ? C'est de manière trop étendue, trop élargie qu'agit le Procureur.

27 Je ne conteste pas que 200 personnes ont été tuées à Ovcara. Et lorsque

28 j'ai auditionné les -- lorsque j'ai interrogé les témoins, je n'ai pas

Page 4891

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

13 pagination anglaise et la pagination française.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 4892

1 contesté cela. C'étaient des prisonniers de guerre, ces victimes, ils ont

2 été tués, pour la plupart, exécutés certains à l'arme blanche. Je ne

3 conteste pas qu'il y ait eu des assassinats ou meurtres à différents autres

4 endroits, mais il revient au Procureur de présenter cela, de manière

5 appropriée, à la Chambre. Pourquoi est-ce qu'il inonderait la Chambre de

6 nombreux documents portant sur chacune des autopsies si cela peut se faire

7 de manière plus raisonnable et plus modérée ? Je sais qu'il vous faut des

8 preuves, mais il appartient au Procureur de choisir des choses pertinentes

9 et rationnelles, et il ne s'agit pas de perdre du temps en examinant des

10 témoins factices, parce que Grujic, Strinovic, ils ont fait des autopsies

11 de victimes serbes également. Beaucoup de questions techniques doivent leur

12 être posées, et Stankovic, tout ce qu'il a fait manque de professionnalité;

13 ça également est incontestable. Donc, je ne sais pas comment il faudrait

14 faire, peut-être que le Procureur pourrait remplacer ces experts par des

15 personnes intègres, des honnêtes hommes. Il en suffirait un et, je dirais,

16 je n'ai pas d'objection et je n'ai pas de raison de contester la moralité

17 ou la professionnalité de cette personne, ou bien, effectivement, il

18 choisit de présenter des gens que je vais contester entièrement dans la

19 totalité du temps qui m'est imparti. Donc, c'est vrai pour une solution

20 rationnelle mais pas à tout prix.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Est-ce qu'il n'y a pas d'autre sujet à

22 évoquer.

23 Alors, on va passer pendant quelques instants à huis clos parce que M.

24 Mundis va nous donner les raisons pour lesquelles le Témoin 45 ne vient

25 pas, et également pour le témoin à venir.

26 Alors, huis clos.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

28 [Audience à huis clos partiel]

Page 4893

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Pages 4893-4905 expurgées. Audience à huis clos partiel

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 4906

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 [Audience publique]

27 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, bonjour, Monsieur. Pouvez-vous vous

Page 4907

1 lever, s'il vous plaît ?

2 Alors, Monsieur, pouvez-vous me donner votre nom, prénom et date de

3 naissance ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 5 janvier 1934, Emil Cakalic.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Monsieur, déjà témoigné devant ce

6 Tribunal ou un autre Tribunal sur les faits qui se sont déroulés dans votre

7 pays ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis déjà venu participer à un procès à La

9 Haye.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Est-ce que vous vous souvenez du nom de ce

11 procès ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, il y a eu Slavko Dokmanovic,

13 puis Slobodan Milosevic. Et puis, Slavko Dokmanovic.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et avez-vous déjà témoigné dans votre pays ou

15 jamais ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais pas portant sur les mêmes sujets.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Et c'était devant quel tribunal ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Devant un tribunal croate.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous souvenez du nom des accusés à l'époque ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens plus. C'était il y a

21 longtemps.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous demande, Monsieur, de lire la

23 déclaration solennelle que Madame vous présente.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je déclare solennellement que je

25 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

26 LE TÉMOIN : EMIL CAKALIC [Assermenté]

27 [Le témoin répond par l'interprète]

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur. Vous pouvez vous asseoir.

Page 4908

1 Bien. Alors, Monsieur, quelques éléments d'information de ma part sur la

2 façon dont va se dérouler cette audience. Vous allez devoir répondre à des

3 questions qui vont vous être posées par M. le Procureur que vous avez

4 rencontré hier dans le cadre de la préparation de cette audience. Le

5 Procureur vous présentera peut-être également des documents. A l'issue de

6 cette phase, M. Seselj, qui se trouve à votre gauche, qui est accusé vous

7 posera également des questions dans le cadre de ce qu'on appelle le contre-

8 interrogatoire. Et il aura le même temps que nous avions prévu, à savoir

9 une heure et demie -- une heure et demie pour l'Accusation, une heure et

10 demie pour M. Seselj.

11 Les trois Juges, qui sont devant vous, pourront aussi à tout moment vous

12 poser également des questions. Essayez d'être précis dans vos réponses. Si

13 vous ne comprenez pas la question, demandez à celui qui vous pose la

14 question de la reformuler. Si vous ne vous souvenez pas très bien de

15 certains événements, n'hésitez pas à dire à celui qui vous pose la question

16 que vous ne vous en souvenez pas.

17 Si à un moment donné, vous voulez vous reposer parce que vous êtes

18 fatigué, vous avez un problème quelconque, levez la main, et à ce moment-

19 là, nous interromprons l'audience.

20 En règle générale, nous nous arrêtons toutes les heures et demie, et

21 à ce moment-là on s'arrête, mais si votre état de santé nécessite qu'on

22 s'arrête, n'hésitez pas à nous le dire. A tout moment, vous pouvez, si vous

23 le souhaitez, poser une question aux Juges et nous répondrons à toute

24 question posée.

25 Voilà, de façon très générale, la façon dont cette audience va se dérouler,

26 mais comme vous êtes déjà venu à plusieurs reprises devant ce Tribunal,

27 vous savez comment les audiences se passent, en règle générale.

28 De ce fait, je vais maintenant donner la parole à M. le Procureur qui va

Page 4909

1 commencer son interrogatoire principal.

2 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Avant que je ne commence, je n'ai pas eu

3 l'occasion de vous présenter Mme Divya Prasad, ma consoeur, qui est à ma

4 droite. C'est la première fois qu'elle intervienne dans ce prétoire. Nous

5 avons également ici notre stagiaire, Kevin Grigsby, qui est ici derrière

6 moi.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, la Chambre salue Mme Prasad, qui vient

8 donc pour la première fois en salle d'audience, et la Chambre salue

9 également le stagiaire qui vous assiste.

10 Interrogatoire principal par M. Mussemeyer :

11 Q. [interprétation] Monsieur Cakalic, je vais commencer par parler de

12 votre parcours personnel et professionnel. Pouvez-vous nous dire quelle est

13 votre nationalité et votre appartenance ethnique ?

14 R. Je suis croate, né en 1934 à Fericanci. C'est près de Nasice. Voilà,

15 c'est ça, les choses essentielles.

16 Q. Merci. Est-ce que vous êtes marié ? Est-ce que vous avez des enfants ?

17 R. Oui, je suis marié et j'ai une fille.

18 Q. Pouvez-vous nous dire à quelle école vous êtes allé après l'école

19 élémentaire ?

20 R. J'ai fait l'école élémentaire. Tout d'abord, je suis allé à l'école

21 médicale du niveau secondaire, puis quand j'ai terminé cela, je suis allé à

22 une école post-secondaire à Belgrade, et j'ai terminé mes études là-bas.

23 Q. Pouvez-vous nous dire quand vous avez commencé à

24 travailler ?

25 R. Ça fait longtemps. J'ai terminé mon école secondaire et j'ai commencé à

26 travailler tout de suite. Egalement l'école post-secondaire, je l'ai

27 terminée tout en travaillant.

28 Q. Quel était le nom de la ville où vous avez eu votre premier emploi, où

Page 4910

1 vous avez commencé à travailler ?

2 R. J'ai commencé à travailler à Zagreb. Après Zagreb, quand je me suis

3 marié, je suis parti travailler à Vukovar. Tout d'abord, j'étais chef du

4 laboratoire médical central pour des transfusions sanguines, puis par la

5 suite j'ai été inspecteur sanitaire dans la municipalité de Vukovar.

6 Q. Vous nous avez déjà dit que vous avez ensuite été diplômé. Est-ce que

7 vous vous souvenez de l'année ?

8 R. C'était dans les années 70 j'ai eu mon diplôme. J'ai eu de bonnes notes

9 aux examens. J'ai eu l'honneur d'avoir d'excellents professeurs. J'étais

10 très satisfait d'avoir ces professeurs. Ils m'ont beaucoup aidé.

11 Q. Est-ce que j'ai bien compris : est-ce que vous avez combiné étude et

12 travail avant l'obtention de votre diplôme à l'université ?

13 R. Oui. J'ai fait des études tout en travaillant.

14 Q. Je souhaiterais maintenant que nous parlions des événements qui ont eu

15 lieu au début de la guerre. Est-ce que vous vous souvenez du moment où la

16 guerre a débuté à Vukovar ?

17 R. Ça a commencé à un moment très peu commode. Les forces militaires

18 serbes ont attaqué la puissance militaire de Croatie, et cette puissance

19 était très modeste. Sur le plan de l'armement, il n'y avait pratiquement

20 pas, donc il fallait, aux forces croates, s'en emparer auprès de l'ennemi.

21 Vukovar est tombée, et moi aussi je me suis trouvé à l'hôpital de Vukovar,

22 où j'avais travaillé jadis.

23 Q. Excusez mon interruption, Monsieur Cakalic, mais je vous ai demandé si

24 vous vous souveniez quand la guerre a commencé. Est-ce que vous vous

25 souvenez du mois et de l'année du début de la guerre à Vukovar ?

26 R. Je ne saurais pas vous donner la date exacte.

27 Q. Vous vous souvenez de l'année ?

28 R. Je dirais -- je ne sais pas. Je ne peux pas me souvenir maintenant de

Page 4911

1 cela.

2 Q. Ce n'est pas grave. Est-ce que vous avez participé à la défense de

3 Vukovar ?

4 R. Oui.

5 Q. De quel côté ?

6 R. Du côté croate.

7 Q. Quelle était votre mission dans le cadre de la défense de Vukovar ?

8 R. Lorsque l'armée croate s'est constituée, il y avait d'autres activités

9 à faire, non seulement mettre sur pied une armée. J'étais inspecteur

10 sanitaire et en ma qualité d'ingénieur sanitaire j'ai donné l'ordre que

11 l'on prépare des aliments spécialement pour les défenseurs croates, et

12 qu'on leur fournisse cette nourriture là où ils étaient déployés en

13 positions.

14 Q. Est-ce que ces activités étaient différentes de celles que vous aviez

15 en temps de paix, ou est-ce que c'était à peu près la même chose que ce que

16 vous faisiez avant le début de la guerre ?

17 R. C'était comparable.

18 Q. Où habitiez-vous pendant la guerre ?

19 R. A Vukovar.

20 Q. Est-ce que vous avez dû changer de logement, d'appartement à cause de

21 la guerre ?

22 R. A ce moment-là, on n'étaient pas encore obligés de déménager, mais

23 comme les combats se sont intensifiés, mon épouse et moi-même, nous avons

24 quitté l'appartement, et temporairement nous nous sommes installés à

25 l'hôpital de Vukovar, et c'est là que je travaillais à l'époque.

26 Q. Pouvez-vous nous dire pendant quel mois cela s'est

27 produit ?

28 R. Le mois de novembre.

Page 4912

1 Q. Est-ce qu'il était dangereux de se rendre de votre appartement jusqu'à

2 l'hôpital ?

3 R. Oui. Ils tiraient vers nous. Nous étions plutôt près de l'hôpital, à

4 500 mètres à peu près, et il fallait faire un détour, à trouver des

5 passages pour ne pas attirer l'attention sur nous. Nous étions les derniers

6 Croates qui ont quitté leurs foyers, mon épouse et moi-même.

7 Q. Est-ce que vous êtes arrivé sain et sauf et à l'hôpital ?

8 R. [aucune interprétation]

9 Q. Est-ce que vous avez eu des difficultés à entrer dans l'hôpital ?

10 R. Pas moi, mais ce n'était pas le cas de mon épouse, mais on a réussi à

11 résoudre son problème.

12 Q. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous, vous n'avez eu aucun problème

13 pour entrer ?

14 R. C'est parce que j'avais été employé de cette institution, du centre

15 médical Vukovar.

16 Q. Est-ce que le personnel de l'hôpital de Vukovar vous connaissait ?

17 R. Ils me connaissaient, tous.

18 Q. Est-ce la raison pour laquelle ultérieurement votre femme a pu

19 finalement entrer dans l'hôpital sans problèmes ?

20 R. C'est cela.

21 Q. Pourriez-vous nous décrire la situation à l'intérieur de l'hôpital ?

22 R. L'hôpital était plein de blessés, de malades. Sur le plan chirurgical,

23 il y avait énormément de travail, en particulier le

24 Dr Njavro, qui était l'un des chirurgiens en chef.

25 Q. En matière d'hygiène, quelle était la situation à Vukovar

26 -- ou plutôt, à l'hôpital, excusez-moi ?

27 R. Nous faisions ce que nous pouvions pour que, sur le plan de l'hygiène,

28 les conditions soient les meilleures qui soient, mais c'était très

Page 4913

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

13 pagination anglaise et la pagination française.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 4914

1 difficile. Il y avait beaucoup de blessés et des morts de part et d'autre.

2 Je peux vous dire que les soldats du côté adverse ont été traités de la

3 même façon que les soldats croates.

4 Q. Est-ce qu'à l'intérieur de l'hôpital il y avait seulement des réfugiés

5 et des patients ?

6 R. Non. Il y avait aussi des malades réguliers qui étaient véritablement

7 malades.

8 Q. Oui, mais uniquement des patients, et des malades et des réfugiés à

9 l'hôpital; c'est cela ?

10 R. Il y avait là des soldats blessés également.

11 Q. Vous souvenez-vous si plus tard, quand vous étiez déjà à l'hôpital, si

12 plus tard d'autres personnes sont arrivées ?

13 R. Toute la cour de l'hôpital de Vukovar était pleine de gens de Vukovar

14 et des alentours.

15 Q. Est-ce que des soldats sont arrivés à l'hôpital, oui ou

16 non ?

17 R. Des soldats croates sont venus, tant que la ville n'est pas tombée,

18 donc, Vukovar n'est pas tombée.

19 Q. Est-ce que des soldats serbes sont également arrivés à l'hôpital ?

20 R. Oui, après la chute de l'hôpital, lorsque l'hôpital était capturé.

21 Q. Je souhaiterais revenir sur un point que j'avais oublié. A l'hôpital,

22 où étiez-vous logés, vous et votre femme ?

23 R. A côté de la salle des radios, dans ce cabinet de radiologie où

24 travaillaient mes collègues qui m'ont accueilli, moi et mon épouse, et bien

25 d'autres personnes.

26 Q. Au moment de la chute de Vukovar, vous nous avez expliqué qu'à ce

27 moment-là des soldats serbes sont entrés à l'hôpital; est-ce que vous les

28 avez reconnus ?

Page 4915

1 R. C'était un peu plus difficile. Dès que les soldats serbes sont entrés,

2 nous tous qui étions à l'hôpital, on nous a fait sortir dans une partie de

3 la cour. Il y avait là, oui --

4 Q. Monsieur Cakalic, est-ce que le nom de Marin Vidic vous dit quelque

5 chose ?

6 R. Oui, ça me dit quelque chose.

7 Q. Quelles étaient ses fonctions et que lui est-il arrivé ?

8 R. Lui, il s'occupait de la protection. Il était chargé de cela. Il devait

9 surveiller la situation sur le terrain entre Vukovar et Borovo. On faisait

10 cela ensemble. Lorsqu'on allait à Borovo, on nous tirait dessus. Lorsqu'on

11 revenait, on nous tirait dessus, mais voilà, on est resté en vie.

12 Q. Est-ce qu'il est arrivé quelque chose à Marin Vidic à l'intérieur de

13 l'hôpital ?

14 R. Oui. Il est passé de la municipalité, de la mairie à l'hôpital. Il

15 avait son bureau. J'ai coopéré avec lui. Nous étions en bons termes pendant

16 longtemps. Deux officiers de l'armée yougoslave sont arrivés, M.

17 Sljvancanin et M. Radic. Je pense que c'était Radic. Ils l'ont arrêté et

18 l'ont emmené.

19 Q. D'où connaissiez-vous le commandant Sljvancanin ?

20 R. Je l'avais vu sur des centaines d'images et je le connaissais. Je le

21 connaissais, son image, son visage. Il est venu souvent à l'hôpital de

22 Vukovar après la chute. Ils sont venus emmener des personnes que je n'ai

23 pas revues par la suite.

24 Q. Vous souvenez-vous de la date de l'arrestation de Marin Vidic ?

25 R. C'était vers la fin du mois de novembre. Je ne peux pas vous donner la

26 date exacte.

27 Q. Au moment de l'arrestation de Marin Vidic, est-ce que vous même et les

28 autres réfugiés avaient pu rester à l'hôpital ?

Page 4916

1 R. Nous sommes restés à l'hôpital pendant quelque temps encore.

2 Q. Avez-vous pu rester tout le temps ?

3 R. Pas tout le temps. On n'a pas pu rester tout le temps parce que Dr

4 Bosanac exigeait, à ce moment-là, que toutes les personnes qui n'étaient

5 pas des employés du centre médical quittent les locaux de l'hôpital.

6 Q. Est-ce qu'il est arrivé un moment où vous-même et les autres réfugiés

7 avaient dû quitter l'hôpital, sortir de l'hôpital. Est-ce qu'on vous a

8 demandé cela à un moment donné ?

9 R. Oui, ça aussi on m'a demandé cela. On a exigé cela mais ça n'a pu se

10 réaliser parce que toute la cour était pleine de gens. C'étaient des gens

11 qui pensaient pouvoir se sauver à l'hôpital.

12 Q. Qui vous a demandé de quitter l'hôpital ?

13 R. Dr Vesna Bosanac.

14 Q. Vous souvenez-vous si on vous a demandé d'aller dans la cour et si vous

15 y êtes effectivement allé ?

16 R. Oui, nous sommes sortis dans la cour.

17 Q. Qui vous a demandé d'aller là ?

18 R. Dr Vesna Bosanac a reçu un ordre de quelqu'un à savoir que toutes les

19 personnes qui n'étaient pas employées du centre médical devaient quitter

20 les locaux.

21 Q. Savez-vous qui a ordonné au Dr Bosanac de faire cela ?

22 R. [aucune interprétation]

23 Q. A combien de personnes a-t-on demandé de quitter l'hôpital pour aller

24 dans la cour ?

25 R. Je ne saurais pas vous citer des chiffres exacts, je dirais au moins

26 30, 40 personnes qui étaient en bonne santé. Mais les blessés, ils sont

27 restés à l'hôpital.

28 Q. Une fois que vous étiez dans la cour, qu'est-ce que vous avez dû faire

Page 4917

1 ?

2 R. Il y avait là pas mal de cadavres des soldats d'un côté comme de

3 l'autre, et il fallait procéder à une certaine sélection et prendre les

4 mesures qui s'imposaient pour qu'on prenne en charge d'une certaine façon

5 ces morts.

6 Q. Quant aux autres réfugiés qui n'étaient pas décédés, qu'est-ce qu'ils

7 ont dû faire dans cette cour ?

8 R. Après, ils ont été obligés de quitter cette cour parce que l'armée

9 ennemi est arrivée en -- s'est emparée de l'hôpital et ils ont dû quitter

10 la cour, sortir. Une grande colonne s'est constituée composées de personnes

11 qu'on a emmené du tribunal vers la ville, vers la Vuka. Voilà, disons.

12 Q. Qu'est-il advenu de vous-même et des autres dans la cour ? Est-ce qu'on

13 vous a fait former des files, des colonnes pour quitter cette cour ?

14 R. Oui. Nous aussi on a quitté la cour, et c'est là qu'une sélection à

15 commencer. Des militaires, des soldats serbes sont arrivés et ils ont

16 demandé que tous ceux qui n'étaient pas des employés du centre médical

17 sortent.

18 Q. Sortir d'où ?

19 R. Je ne vous comprends pas. Excusez-moi.

20 Q. Partir du centre médical ou partir de la cour de

21 l'hôpital ?

22 R. Oui, c'est ça. Les deux. L'un comme l'autre ont eu lieu. Donc certains

23 sont restés encore quelque temps à l'hôpital, ceux qui étaient malades ou

24 pour lesquels on supposait que leur état était grave, ils sont restés à

25 l'hôpital pour être soigné. Et puis, les autres sont partis. Je dois dire

26 qu'il y avait là un soldat serbe capturé et il a été mieux soigné que ne

27 l'ont été les soldats croates.

28 Q. Pouvez-vous nous expliquer dans quelles circonstances vous avez dû

Page 4918

1 sortir de la cour de l'hôpital ?

2 R. Il y avait là un dénommé Pero. Il était originaire de Bosnie. C'est

3 comme ça qu'il s'est présenté, et il s'est mis à injurier. C'était vraiment

4 pas -- pas très agréable à injurier notre père, notre mère, et cetera. Nous

5 n'aimions pas ça. Je n'aime pas lorsqu'on injure mes parents, donc, ça nous

6 a blessé. Au bout de quelque temps, il a fallu qu'on quitte l'endroit et il

7 fallait qu'on monte dans des autobus.

8 Il avait un contrôle de ces autobus et de nous tous. C'est

9 M. Sljivancanin qui a tout contrôlé. Et je pense oui, c'est

10 M. Sljivancanin qui est passé par tous les autobus pour voir qui était

11 dedans.

12 Q. Avant d'embarquer à bord des autocars, de quelle manière aviez-vous été

13 -- avait-on procédé à une vérification ?

14 R. Tout ce qu'on avait sur soi, tout ce qui était objet un peu plus grand,

15 il fallait tout fouiller, tout enlever et il y a eu beaucoup de situation

16 très désagréable et en particulier en citant des noms.

17 Q. Est-ce que ce sont uniquement des soldats serbes qui vous ont insulté

18 de la sorte, qui vous ont ordonné de donner tous vos effets personnels ?

19 R. Oui, ils ont demandé que l'on remettre tout ce qu'on avait. Ils ont

20 même plié beaucoup de choses. Ils savaient ce qui allait très probablement

21 nous arriver et après ils nous ont emmené à la caserne de Vukovar, et c'est

22 à la caserne de Vukovar que nous avons attendu pendant quatre ou cinq

23 heures.

24 Q. Monsieur Cakalic, excusez cette interruption. On y reviendra plus tard.

25 Mais vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question. Je vous ai demandé

26 si c'était uniquement les soldats qui s'étaient livrés à ce genre de chose,

27 où on visait d'autres militaires. Est-ce qu'il y avait que des soldats dans

28 la cour de l'hôpital ?

Page 4919

1 R. Il y avait le commandant Sljivancanin à ce moment-là et il y avait --

2 ce sont eux qui sont venus nous voir. Son adjoint. Je n'arrive pas à

3 retrouver le nom de famille.

4 Q. Connaissez-vous l'expression "les volontaires" ?

5 R. Oui, oui. Ce sont des personnes qui vont participer à la guerre de leur

6 propre gré.

7 Q. Est-ce qu'il y avait des volontaires également dans la cour de

8 l'hôpital, ou est-ce qu'il n'y avait que des soldats ?

9 R. Il y avait aussi des volontaires qui proféraient des jurons et qui en

10 fait étaient plus dangereux que les soldats.

11 Q. Oui, qu'est-ce que vous voulez dire par "plus dangereux" ?

12 R. Les soldats respectaient sans doute une certaine morale car c'était de

13 vrais soldats, et ceux qui n'étaient pas des soldats, ils frappaient, bien

14 qu'il y avait aussi ici des soldats qui frappaient.

15 Q. Vous souvenez-vous du nombre de bus, qu'il y avait six autobus à bord

16 desquels nous nous trouvions et ils étaient pleins. Et une fois que ces

17 autobus ont été remplis, ils sont restés encore une demi-heure, une heure

18 devant l'hôpital, puis ils ont fait demi-tour et ils ont pris la route de

19 la ville jusqu'à la caserne de Vukovar.

20 Q. Vous souvenez-vous dans quel bus vous étiez assis vous-même ?

21 R. Dans le troisième, je crois. Je ne m'en souviens pas exactement, mais

22 je crois que j'étais dans le troisième.

23 Q. Pouviez-vous choisir votre bus ?

24 R. Oui.

25 Q. Maintenant, dites-nous ceci, vous nous avez déjà dit qu'ils vous ont

26 conduit jusqu'à la caserne, est-ce que vous pourriez nous dire s'il y avait

27 des gardes dans les bus ?

28 R. Oui. Les soldats circulaient dans les bus. Il y avait parmi eux aussi

Page 4920

1 des personnes qui n'étaient pas des soldats et qui exigeaient : "Cakalic,

2 donnez-moi ceci, donnez-moi cela," et cetera. C'est devenu un grand

3 désordre. Je pense que les choses ne se sont pas passées comme elles

4 auraient dû se passer, parce que l'armée qui occupait Vukovar aurait dû

5 prendre sur elle cette responsabilité.

6 Q. Veuillez nous expliquer ceci, où ceci est-il arrivé, devant l'hôpital

7 ou devant la caserne ?

8 R. C'était dans la caserne. A ce moment-là dans, cette caserne, il y avait

9 un état-major qui nous donnait des ordres, à nous qui nous trouvions dans

10 les autobus.

11 Q. Vous a-t-on également menacé, et de quelle manière ?

12 R. Non. Eux ne se montraient pas. Les ordres étaient transmis simplement,

13 et les exécutants étaient d'autres personnes.

14 Q. Vous nous avez dit que vous deviez attendre devant la caserne dans les

15 autocars, et les personnes qui étaient à l'extérieur vous faisaient des

16 signes et vous menaçaient; est-ce exact ?

17 R. Oui. Il y avait même M. Sljvancanin parmi eux. Lui est venu, je l'ai

18 vu. Mais il était parmi les derniers. Est-ce que quelqu'un l'a amené en

19 voiture jusque-là ou pas, ça nous ne l'avons jamais appris. Je ne sais pas

20 pourquoi il est venu.

21 Q. Y avait-il quelqu'un à l'intérieur de l'autocar dans lequel vous vous

22 trouviez qui a été menacé personnellement ?

23 R. Oui. Ils proféraient des menaces contre tout le monde, contre ceux qui

24 étaient en dehors des autobus, certains d'entre eux étaient dans les

25 autobus. Ils disaient : "Donnez-moi celui-là. Je vais le tuer. Donnez-moi

26 cet autre. Je vais le tuer," et cetera.

27 Q. Vous souvenez-vous d'une personne répondant au surnom de Veliki Boljer

28 ?

Page 4921

1 R. Oui, oui, je m'en souviens. Je me souviens de lui. Ils l'ont tué dans -

2 - à Ovcara.

3 Q. Cette personne, se trouvait-elle à bord du même autocar que vous alors

4 que vous attendiez devant la caserne ?

5 R. [aucune interprétation]

6 Q. A-t-il fait l'objet de menaces aussi ?

7 R. Davantage que les autres.

8 Q. Pourriez-vous nous décrire de quelle manière, s'il vous plaît ?

9 R. Ils disaient qu'ils allaient le tuer, et finalement, dans le hangar

10 d'Ovcara, c'est ce qui s'est passé. Ils l'ont tué à coups de pied, à coups

11 de poing. Ils l'ont roué de coups. Et quand ils se sont déplacés un peu,

12 j'ai --

13 Q. Monsieur Cakalic, pardonnez-moi. Nous allons y venir un peu plus tard.

14 Nous sommes toujours devant la caserne.

15 Connaissez-vous un homme qui répond au nom de Vlado Kosic ?

16 R. Oui, je le connais. Nous travaillions ensemble à la mairie de Vukovar.

17 Q. Etait-il là aussi devant la caserne ?

18 R. Oui. Lui et son épouse étaient devant la caserne.

19 Q. Est-ce qu'ils se sont adressés à vous ?

20 R. Oui. Il est passé devant l'autobus à bord duquel je me trouvais et il a

21 dit : "Hé, dis donc, Emil, tu vois ce qui t'arrive, tu vois ce que tu es en

22 train de vivre." Et j'ai répondu : "Je ne suis pas le seul. Il y a aussi

23 bien d'autres personnes qui ont vécu ce que je suis en train de vivre. Mais

24 tout ce que vous êtes en train de faire, vous le faites en contravention à

25 la morale."

26 Q. Est-ce qu'il a dit quelque chose qui avait trait à l'autocar dans

27 lequel vous étiez assis ?

28 R. Il m'a dit : "Tu as pris place dans cet autobus, mais tu n'as pas

Page 4922

1 vraiment choisi la bonne place." Je lui ai dit : "Quelle est la meilleure

2 place ?" Il m'a dit : "Ça n'a pas d'importance, vous allez tous vivre la

3 même chose à égalité." Et à ce moment-là, on commence à se faire des idées.

4 Q. Pourriez-vous nous dire combien de temps vous avez attendu à

5 l'intérieur des autocars, environ, alors que vous attendiez devant la

6 caserne ?

7 R. Cela a duré à peu près deux heures, trois heures. Mais il y a une chose

8 que je n'ai pas encore dite, lorsque par hasard ça m'était sorti de

9 l'esprit. Il y a un autre autobus qui est arrivé plus tard, après les

10 autres, devant la caserne, et il était séparé de nous par 200 à 300 mètres,

11 de sorte qu'il nous était impossible de déterminer qui se trouvait à bord

12 de cet autobus, d'où il venait tant que quelqu'un n'a pas dit, ceux qui

13 sont dans cet autre autobus sont aussi à fusiller.

14 J'avais oublié de dire ça.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, j'en reviens à M. Vlado Kosic

16 que vous connaissiez et qui vous a tenu des propos qui vous ont inquiété.

17 Vlado Kosic, était-il membre de la JNA, membre de la Défense territoriale

18 ou appartenait-il à une autre unité ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était un soldat. Il portait un uniforme. Je

20 ne me souviens plus exactement, je pense qu'il avait un insigne de grade,

21 mais je ne sais pas lequel.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : C'était un uniforme de la JNA, de la Défense

23 territoriale, ou qu'est-ce que vous pouvez vous souvenir ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me rappelle que c'était un uniforme de

25 l'armée, le couvre-chef, les pantalons, et les autres parties de

26 l'uniforme.

27 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

28 Q. Lorsque les autocars ont quitté la caserne, dans quelle direction se

Page 4923

1 sont-ils rendus ?

2 R. Nous sommes sortis de la cour, nous sommes arrivés sur la route et nous

3 avons pris la direction de Negoslavci, mais nous n'avons pas pénétré dans

4 le village. Au lieu de cela, ils nous ont emmenés à Jakobovac, et à côté de

5 Jakobovac se trouvaient des soldats qui nous ont envoyés dans le hangar.

6 Q. Monsieur Cakalic, j'aimerais savoir, nous sommes toujours à Vukovar, et

7 vous êtes partis en direction d'Ovcara, d'après ce que j'ai compris.

8 Veuillez me corriger si je me trompe. Est-ce que vous avez aussi traversé

9 le fleuve Vuka ? Vous souvenez-vous du pont que vous avez traversé ?

10 R. Oui.

11 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce que nous

12 pourrions avoir le numéro 65 ter 2521 à l'écran, s'il vous plaît. C'est la

13 sixième image dont le numéro ERN est le 00531235.

14 Q. Monsieur Cakalic, reconnaissez-vous cette photographie, et pourriez-

15 vous nous dire sur quel pont vous êtes passés ?

16 R. Nous avons passé un pont qui enjambe la Vuka. Il y a plusieurs ponts

17 enjambant la Vuka vous savez, mais c'était un pont qui se trouvait au

18 niveau du centre-ville.

19 Q. Est-ce que vous vous êtes aperçu qu'il y avait quelque chose d'anormal

20 lorsque vous avez passé le pont ? Est-ce que vous avez remarqué qu'il y

21 avait des gens à cet endroit-là ?

22 R. Il y avait des soldats. Il y avait des soldats et quelques autres

23 personnes. Mais notre autobus, celui dans lequel nous étions, ne s'est pas

24 arrêté. Il a continué sa route vers la caserne de Vukovar.

25 M. MUSSEMEYER : [interprétation] J'aimerais montrer au témoin la séquence

26 vidéo dont le numéro ERN 65 ter est le 6039, et je souhaite demander au

27 témoin s'il reconnaît cette scène.

28 [Diffusion de la cassette vidéo]

Page 4924

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

13 pagination anglaise et la pagination française.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 4925

1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

2 "Donc, nous n'allons pas faire le montage. Non, ce n'est peut-être

3 pas bon.

4 J'étais -- quel est le problème ?

5 J'ai été habitué à une meilleure collaboration avec la JNA que celle

6 que j'obtiens aujourd'hui. J'étais habitué à une meilleure collaboration

7 avec l'armée.

8 Traduisez cela.

9 Il attendait une meilleure collaboration avec la JNA que celle qu'il

10 obtient aujourd'hui.

11 Qu'aujourd'hui ? De quoi s'agit-il ? Quel est le problème ?

12 Le colonel connaît tous les problèmes.

13 Le colonel connaît tous les problèmes.

14 Et bien, il n'y a pas de problème. Je sais seulement que eux --

15 C'est le colonel, le voici."

16 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

17 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

18 Q. Monsieur le Témoin --

19 R. Oui. On était en train de franchir le pont sur la Vuka et on a vu M.

20 Sljvancanin et cet autre homme. Je ne me rappelle pas son nom de famille.

21 J'avais une conversation assez animée, et

22 M. Sljvancanin, lui, a dit : "Cette ville ne vous appartient pas. Désormais

23 elle m'appartient à moi, elle nous appartient à nous." Autrement dit,

24 l'armée s'en était emparée. Et ils ont dû partir, ces autres personnes, ces

25 soldats de la paix.

26 Le commandant Sljvancanin était manifestement très agité. Enfin, il aurait

27 pu manifester son agitation s'il en avait eu davantage la possibilité, mais

28 il a dû prendre des mesures qui s'imposaient. Et je ne sais pas d'où venait

Page 4926

1 celui qui parlait avec le commandant Sljvancanin. Je ne sais pas s'il était

2 autrichien. Et il y avait là-bas encore un autre homme que j'ai rencontré

3 dans l'hôpital, M. Vance.

4 Q. Monsieur Cakalic, comment savez-vous quelle était la teneur de leurs

5 propos puisque vous étiez dans l'autocar ?

6 R. Ils parlaient simplement, mais de quoi ils parlaient je ne sais pas.

7 Q. Mais vous nous avez dit il y a quelques instants ce qu'ils disaient :

8 "Ceci n'est pas notre ville," et, "Ils doivent s'en aller."

9 R. Oui, ça, c'étaient des mots qui ont été prononcés si fort. Je crois que

10 c'est M. Sljvancanin qui a dit cela. Ces mots ont été dits si fort qu'on

11 les a bien entendus.

12 Q. Est-il exact de dire que vous n'avez pas tout compris, mais que vous

13 avez pu comprendre ces phrases-là ?

14 R. Mais oui, il est certain que je n'ai pas pu tout entendre, mais ça, je

15 l'ai entendu.

16 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons revoir la première

17 image que nous avons vue à l'écran, numéro 65 ter 2521, et je souhaite

18 qu'il nous montre à quel endroit ceci s'est passé.

19 Q. Monsieur le Témoin, vous voyez cette photographie. Pourriez-vous nous

20 indiquer - on va vous remettre un stylet - à quel endroit vous avez

21 remarqué ceci ?

22 R. Que voulez-vous dire exactement, excusez-moi ?

23 Q. Là où vous avez vu la scène que nous venons de voir sur la séquence

24 vidéo il y a quelques instants, lorsque vous avez vu

25 M. Sljvancanin.

26 R. Voilà, il franchissait le pont, et cette histoire entre lui et l'autre,

27 ce qui s'est passé entre eux, ça s'est passé devant une pâtisserie sur la

28 rive de la Vuka.

Page 4927

1 Q. Etes-vous en mesure d'indiquer ceci sur la photographie ?

2 R. C'était, voilà, à peu près là. Enfin, plus près, plus près d'ici.

3 Donc, par là. Là, il y avait une pâtisserie, et tout ce qui s'est passé,

4 tout ce qu'ils se sont dit a eu lieu devant cette pâtisserie de M. Njegic.

5 Mais la pâtisserie était fermée parce que tout était fermé à l'époque.

6 Q. Merci, Monsieur le Témoin. Ceci suffit. Je demande le versement au

7 dossier de cette photographie ainsi que de la séquence vidéo, s'il vous

8 plaît.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : -- donner deux numéros, la vidéo et la photo.

10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, la photographie

11 annotée aura le numéro P283, et la séquence vidéo, P284.

12 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

13 Q. [aucune interprétation]

14 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai une question à poser au témoin.

15 Monsieur le Témoin, on vient de voir une vidéo où on voit un membre du CICR

16 en train de discuter avec le capitaine ou colonel - je ne sais plus -

17 Sljvancanin. Je vous ai écouté attentivement. Vous dites que cet officier

18 avait l'air agité. Bon, c'est pas l'impression que j'ai en regardant la

19 vidéo. Mais vous-même, vous étiez présent au moment où il y a la discussion

20 ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'une conversation qui a eu lieu

22 entre M. Sljvancanin et cet autre homme.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous, vous étiez présent ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non, je n'étais pas présent. Nous ne

25 pouvions que les voir, et nous avons franchi le pont vers la caserne de

26 Vukovar.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous n'étiez pas à côté de ces deux personnes,

28 mais vous avez pu le -- vous les avez vus ? Vous avez vu --

Page 4928

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je les ai vus, je les ai vus, oui.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez à combien de mètres ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, 35 ou 40 mètres. Mais

4 M. Sljvancanin parlait très fort. On l'entendait très bien, lui.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il y a quelque chose que je ne comprends pas

6 et peut-être vous allez me permettre de mieux comprendre.

7 On a l'impression, en écoutant la conversation entre les deux, que M.

8 Sljvancanin s'oppose ou ne veut par permettre à la communauté

9 internationale d'aller où elle veut. Mais, par contre, tout de suite après,

10 on voit qu'il y a un convoi avec le véhicule du CICR avec son -- qui suit

11 le convoi, et là, je ne comprends pas très bien ce qui s'est passé. Est-ce

12 que vous pouvez nous dire comment on doit interpréter ce convoi, si vous en

13 êtes capable ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, ce convoi, je ne l'ai pas vu non plus,

15 parce que nous étions déjà arrivés de l'autre côté du pont surplombant la

16 Vuka et nous nous dirigions vers la caserne de Vukovar, donc moi non plus

17 je n'ai pas vu ce convoi.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

19 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

20 Q. Monsieur Cakalic, je souhaite maintenant évoquer les événements

21 d'Ovcara. Qu'est-il arrivé lorsque vous êtes arrivés à Ovcara ? Pourriez-

22 vous nous décrire ceci, s'il vous plaît ?

23 R. Le premier autobus a fait halte et tous ceux qui se trouvaient à son

24 bord sont descendus et sont entrés dans le hangar d'Ovcara. Même chose pour

25 le deuxième, le troisième, le quatrième, le cinquième et le sixième

26 autobus. Moi, j'étais dans le troisième autobus, et nous sommes entrés dans

27 le hangar devant lequel se trouvait y compris le maire de Vukovar. Il était

28 là et il frappait de coups de pied et de coups de poings tous les détenus

Page 4929

1 qui tombaient sous sa main, Slavko Dokmanovic. Moi aussi, il m'a dit :

2 "Tiens, regardez-moi ça, notre inspecteur, toi aussi, tu es là." J'ai dit :

3 "Oui, je suis là aussi. Mais personne n'est venu ici de son propre gré.

4 Nous sommes venus ici sous la contrainte, et je vais prononcer le mot,

5 d'une armée ennemie."

6 Q. Lorsque vous avez quitté l'autocar, est-ce que vous vous êtes rendus

7 directement dans le hangar ?

8 R. D'abord, nous avons dû nous défaire de tout ce que nous avions y

9 compris de nos vestes, de notre argent, tout ce que nous avions, ils nous

10 l'ont volé.

11 Q. Que voulez-vous dire par "eux," et qui leur donnait des ordres ?

12 R. Ils ont commencé à voler. C'étaient des gens qui portaient l'uniforme

13 de l'armée yougoslave. Mais ils ne portaient pas l'uniforme complet.

14 Certains n'avaient que les parties de l'uniforme du haut, d'autres du bas,

15 de sorte que, moi, je ne dirais même pas que c'étaient vraiment de vrais

16 soldats. Je pense que c'étaient plutôt de jeunes gens d'une autre sorte qui

17 étaient venus ici pour voler différentes choses.

18 Q. Vous a-t-on également fouillé ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous nous avez dit il y a quelques instants que vous aviez déjà été

21 fouillé dans l'hôpital de Vukovar, avant de partir. Est-ce que les gens

22 avaient encore sur eux des objets -- avaient encore leur portefeuille sur

23 eux ?

24 R. Oui, oui. Moi, j'ai été fouillé dès mon arrivée à Velepromet, donc, ce

25 n'était pas au premier et au deuxième endroit. C'était au troisième endroit

26 que j'ai été fouillé, moi. Il y en a un qui a dit : "Ah, ça c'est du vrai

27 argent. Une bonne somme."

28 Q. Avez-vous perdu de l'argent seulement ou avez-vous également perdu

Page 4930

1 autre chose ?

2 R. J'ai perdu mon argent. J'ai reçu des coups. On nous a poussés de force

3 --

4 M. LE JUGE ANTONETTI : A ce stade, je me dois de vous poser une question.

5 En vous écoutant très attentivement et en regardant la vidéo qu'on a

6 vue, on a l'impression - et vous, dites-moi le contraire si je me trompes -

7 qu'au départ, la JNA semble contrôler la situation. Et puis, dans ce que

8 vous nous dites, on voit apparaître des éléments, des gens qui viennent se

9 rajouter ou accompagner l'armée, et à ce moment-là, il y a des gens qui

10 vont vous prendre vos portefeuilles, qui vont taper les gens.

11 Alors, moi, ce qui m'intéresse, ces gens-là, c'est qui ? Qui sont ces

12 gens qui viennent, en plus de l'armée, s'occuper des prisonniers, les

13 maltraiter, les voler ? Est-ce que vous pouvez nous dire qui sont ces gens-

14 là ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] A Velepromet, quand on entrait là, il y avait

16 là des soldats réguliers. Ce sont eux qui nous ont fouillés, et tout ce

17 qu'on avait, de l'argent, et cetera, ils prenaient tout et ils mettaient

18 dans leurs poches. Il y en a un qui m'a dit : "Tiens, celui-là, il a pas

19 mal d'argent," et ils ont pris ça.

20 C'étaient des soldats réguliers. Ils ne nous ont pas donné de coups.

21 Ils se sont contentés de voler.

22 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

23 Q. Est-ce qu'il s'est passé quelque chose avec vos lunettes ?

24 R. Oui. Oui, ça s'est produit plus tard. C'est à Ovcara que c'est arrivé.

25 Q. Dites-nous ce qui est arrivé à vos lunettes, s'il vous plaît.

26 R. Il y en a un qui m'a enlevé mes lunettes, qui se les a mises sur le

27 nez. Il a vu que ça ne lui allait pas, et il les a jetées par terre, il a

28 piétiné.

Page 4931

1 Q. Mais est-ce que vous pouviez toujours voir -- observer sans vos

2 lunettes ?

3 R. Je pouvais voir mais je ne voyais plus aussi nettement.

4 Q. Avant d'entrer dans le hangar, que s'est-il passé ? Pouvez-vous nous le

5 décrire, s'il vous plaît ?

6 R. Nous sommes descendus des autobus le premier, le deuxième, le

7 troisième, quatrième, cinquième, dans l'ordre, et on est entré dans le

8 hangar. Il y avait, à côté du hangar, des personnes qui avaient un uniforme

9 militaire mais il y avait aussi des gens qui n'étaient pas en uniforme

10 militaire. Lorsque je suis entré, moi, dans le hangar, Slavko Dokmanovic,

11 qui était à la tête de la municipalité, le maire de Vukovar, d'ailleurs,

12 c'était mon ami. On se fréquentait. Il a dit : "Tiens, tiens, voici notre

13 inspecteur. Mais, Emil, que fais-tu ici ?"

14 Et je lui ai dit : "Tu vois, je fais la même chose que tous les autres."

15 Voyez-vous, nous sommes entrés dans le hangar. Si ceci lui était arrivé à

16 lui, je l'aurais sorti du hangar, lui, et bien d'autres. Si je m'étais

17 trouvé dans cette situation; cependant, Slavko a fini par comprendre qu'il

18 a commis quelque chose d'immoral, et après, il a disparu rapidement.

19 Q. Monsieur Cakalic, est-ce que des gens ont été passés à tabac avant

20 d'entrer le hangar, ou est-ce que ça s'est passé à l'intérieur du hangar,

21 ou est-ce que personne n'a été frappé ? Pouvez-vous nous en parler, s'il

22 vous plaît ?

23 R. On a battu ceux qui descendaient des autobus et également ceux qui

24 entraient dans le hangar, et également ceux qui étaient déjà dans le

25 hangar.

26 Q. Et où les a-t-on frappés avant leur entrée dans le hangar, et où est-ce

27 que ça s'est produit ? Comment ça s'est produit ? Pouvez-vous l'expliquer ?

28 R. Quand ils descendaient des autobus, on les battait immédiatement. Et

Page 4932

1 puis, en allant vers le hangar, il fallait qu'ils enlèvent leurs vêtements,

2 leurs chaussures et c'est là qu'on les battait également. Et puis, en

3 entrant dans le hangar, là aussi, on les rouait de coups même à l'intérieur

4 du hangar, ils arrivaient dedans et c'est là aussi qu'ils leurs assénaient

5 des coups.

6 Q. Est-ce que vous aussi vous avez été frappé avant d'entre dans le hangar

7 ?

8 R. Oui. Oui.

9 Q. Vous souvenez-vous si des personnes âgées ont également été frappées et

10 vous souvenez-vous de leurs noms, si c'est le cas ?

11 R. Oui. Il y avait, par exemple, Dr Bosanac -- Dr Bosanac et son époux.

12 Lui, il a été placé à côté de la porte d'entrée, là, pour entrer dans le

13 hangar, et c'est là qu'ils l'ont roué de coups. C'était un homme âgé. Il

14 avait plus de 80 ans. Il pouvait à peine bouger quand ils l'ont placé là,

15 ils l'ont installé, il était assis et il est resté assis là où on l'a posé

16 --

17 Q. Est-ce que c'était l'époux du Dr Bosanac ?

18 R. Non, c'était le père de son époux.

19 Q. Quand vous êtes entré dans le hangar, est-ce que vous avez encore été

20 battu ?

21 R. Oui, ils ont continué de nous rouer de coups et c'est là

22 qu'apparaissent de nouveaux individus. Il y avait, par exemple, Milan

23 Bulic. J'ai témoigné contre lui à Belgrade. Il y avait aussi d'autres

24 personnes dont je ne connaissais pas le nom de famille. Mais Milan je le

25 connaissais car il fut un temps où il a travaillé dans la cuisine de

26 l'hôpital de Vukovar, et moi, je venais là en tant qu'inspecteur. Donc,

27 c'est ce qui m'a permis de l'identifier.

28 Q. Est-ce qu'il vous a frappé ?

Page 4933

1 R. Oui. Il m'a frappé moi avec un bâton ou une barre métallique et il m'a

2 cassé deux vertèbres. J'ai encore des problèmes à cause de cela. Et plus je

3 suis âgé, plus c'est un problème. Ça empire. J'ai du mal avec le sommeil

4 parce que ce sont ces parties-là.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que Milan Bulic vous a frappé et

6 vous avez témoigné contre lui à Belgrade. Bon. Voilà une information --

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- importante pour les Juges. Vous avez témoigné il

9 y a longtemps ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était à peu près deux ans. Et ils m'ont

11 appelé il y a une quinzaine de jours aussi mais non pas 15 jours, un mois,

12 mais je n'ai pas pu répondre enfin je n'ai pas pu accepter car il y avait

13 des choses qui ne me plaisaient pas.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Vous avez témoigné il y a deux ans à Belgrade

15 contre Milan Bulic. A votre connaissance, ce Bulic il a été condamné par le

16 tribunal ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il a été condamné par le tribunal mais on

18 a reçu des informations disant qu'il circulait librement à Belgrade et

19 qu'en fait, il n'était pas en prison. Je ne sais pas si c'est vrai ou pas.

20 Mais c'étaient des histoires que j'ai entendues.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Il avait été condamné à combien d'années de prison,

22 si vous vous en souvenez ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois 15 ans. Je ne sais pas. Je ne peux

24 pas vous dire certainement. Je ne suis pas certain.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Il a été condamné à 15 ans, et maintenant, il

26 se promène dans Belgrade. Bon. Ça on y verra peut-être plus clair plus

27 tard.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

Page 4934

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Par ailleurs, M. Milan Bulic, il appartenait à

2 quelle unité ? A la JNA, à la Défense territoriale, à une unité autre ?

3 C'était un soldat, c'était qui au juste ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était membre d'une autre unité, mais il

5 avait un couvre-chef chetnik, par deux fois, il est arrivé dans le hangar.

6 Une première fois, lorsque j'étais dedans, dans le hangar, et puis la

7 deuxième fois, lorsqu'on m'avait déjà sauvé, sorti du hangar. Mais il avait

8 une sorte de cocarde; c'était grand. Ça je l'ai vu avec ça, et il se

9 vantait de cela. Mais, moi, je regrette qu'il se soit comporté ainsi.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites qu'il avait un chapeau chetnik --

11 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

12 M. LE JUGE ANTONETTI : -- pour vous, c'est quoi un Chetnik ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une unité composée d'hommes qui ont fait

14 beaucoup de mal à beaucoup de gens.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Et pour vous, cette unité se distinguait par le

16 chapeau ou le bonnet qu'ils avaient sur la tête.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, par ces chapeaux.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

19 Oui, continuez, Monsieur le Procureur.

20 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

21 Q. Monsieur Cakalic, pouvez-vous nous dire si les prisonniers qui se

22 trouvaient à l'intérieur du hangar ont été frappés au moyen de divers

23 instruments uniquement à coup de pied, à coup-de-poing ?

24 R. Il y avait des matraques, des barres métalliques, bâtons en bois, des

25 poings, des pieds, ce dont ils pouvaient s'emparer pour asséner des coups.

26 Tout ce qui pouvait trouver.

27 Q. Qu'est-il arrivé à Damjan Samardzic ?

28 R. Oui. C'était un homme. Il était plus âgé que moi, d'une dizaine

Page 4935

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

13 pagination anglaise et la pagination française.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 4936

1 d'années peut-être. Ils l'ont emmené dans le hangar, ils l'ont jeté par

2 terre. Il y avait là Bulic également et quelques autres. Je ne connais pas

3 leurs noms. Ils l'ont roué de coups tant qu'il n'ait pas décidé.

4 Et quand ces soldats se sont écartés, je me suis précipité auprès de

5 Damjan j'ai cherché à sentir son pouls pour voir s'il y avait encore signe

6 de vie, car s'il y en avait encore j'aurais pu le réanimer. Vous savez, je

7 suis quelqu'un qui travaille dans le domaine médical. Mais il était mort.

8 En fait, il a été tué. Excusez-moi. En fait, tué, il a été tué.

9 Q. Savez-vous s'il est le seul à avoir été tué, ou avez-vous pu assisté à

10 un autre meurtre ?

11 R. Oui, ils ont tué d'autres personnes mais je ne connais pas leurs noms

12 ni leurs prénoms. De toute évidence, c'étaient des gens que je ne

13 connaissais pas.

14 Q. Pourriez-vous nous dire comment vous avez pu quitter ce hangar ?

15 R. Il y avait un soldat. Attendez, j'essaie de retrouver le nom de

16 famille.

17 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Est-ce que je peux aider le témoin ?

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il vous plaît, est-ce qu'on peut m'aider?

20 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

21 Q. Est-ce que le nom de "Cevo" vous dites quelque chose ?

22 R. Oui. Stevan Zoric. Stevan Zoric. Lui, il avait un uniforme chetnik. Il

23 est entré dans l'hangar. Il m'a vu. Il a dit : "Viens par ici." On se

24 connaissait. Je suis sorti, je lui ai dit : "Non, je ne vais pas le faire

25 puisque tu vas me tuer." Il a dit : "Non, je vais te sauver." Et c'est

26 vrai, il m'a sauvé. Il m'a montré où je devais me tenir, à quel endroit.

27 Q. Avez-vous pu voir ce qui se passait à l'intérieur du hangar une fois

28 qu'on vous a fait sortir ?

Page 4937

1 R. C'était à travers une porte qui s'ouvrait légèrement. Mais on

2 entendait, là, il y avait déjà beaucoup de -- à ce moment-là, il y avait

3 beaucoup de soldats et des Chetniks, ils rouaient de coups. C'était atroce.

4 Je ne sais pas combien de jeunes hommes se sont faits tuer, mais c'était

5 vraiment beaucoup.

6 Q. Si bien que vous avez pu de l'extérieur du hangar regarder, voire ces

7 passages à tabac, en regardant à l'intérieur du hangar ?

8 R. De temps à autre, la porte s'entrait puis se re-sortait, donc, on

9 pouvait voir. Et puis, la porte était mal faite aussi, donc, on pouvait

10 voir par les interstices.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, d'après ce que vous nous dites vous avez

12 été témoin oculaire du meurtre de Samardzic puisque, sous vos yeux, il a

13 été tué. Très bien. Vous avez été témoin oculaire d'autres coups portés sur

14 d'autres personnes, et vous-même, vous avez été battu. Nous le savons. Vous

15 nous l'avez dit. Mais ce qui nous intéresse c'est nous les Juges c'est de

16 savoir qui a fait cela, quels sont les auteurs, et vous venez de dire qu'un

17 Chetnik, que vous connaissiez, Stevan Zoric, vous a sauvé, en vous enlevant

18 du hangar.

19 Alors, la question qu'un Juge raisonnable, à ce stade de votre déposition,

20 se pose c'est de savoir : qui a l'intérieur du hangar dirigeait les

21 opérations contre les détenus ? Qui était ces gens-là ? Est-ce que vous

22 pouvez nous apporter des éléments pour nous dire qui à l'intérieur se

23 livrait à ces exactions ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pourrais pas vous citer de nom parce

25 qu'il n'y avait beaucoup de gens qu'on ne connaissait pas, qui n'étaient

26 pas du coin, mais les soldats de l'armée populaire yougoslave, ils se sont

27 retirés à ce moment-là. Ils ne faisaient pas ça. C'était fait par des

28 Chetniks.

Page 4938

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Vous nous dites les soldats de la JNA

2 s'étaient retirés. Il y avait donc des gens que vous ne connaissiez pas,

3 qui venaient, semble-t-il, d'ailleurs, et vous dites c'étaient des

4 Chetniks.

5 Alors, quel élément pouvez-vous nous apporter d'information sur ces

6 Chetniks ? D'où venaient-ils ? Qu'est-ce que vous pouvez nous donner comme

7 élément ? Comment étaient-ils habillés ? Comment s'exprimaient-ils ? Y

8 avait-il un chef ? Qu'est-ce que vous pouvez nous dire ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils sont venus de manière organisée. D'où ils

10 sont venus je ne le sais pas, mais ils sont entrés dans le hangar et ils

11 ont roué de coups. Ça c'est la vérité. Mais il faut savoir quelle était la

12 situation, elle était très difficile parce que tout un chacun essayait de

13 s'en sortir à moindre frais.

14 Ceux qui sont restés, on les a roué de coups de manière très sévère. Je ne

15 l'ai pas vu, et apparemment, il y en a eu d'autres qui sont morts.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans l'intérêt de la justice, je vais citer une

17 partie de la déclaration écrite que vous aviez faite en 1995. Mais dans --

18 le Procureur ne vous pose pas la question, mais, moi, je suis obligé de

19 vous la poser compte tenu de l'importance de ces Chetniks.

20 Dans votre déclaration écrite, vous aviez dit qu'il y avait des Chetniks

21 qui étaient du Monténégro et qu'ils avaient des chapeaux traditionnels et

22 que vous les avez reconnus à cause de leur dialecte.

23 Alors, est-ce que les Chetniks, qui étaient dans le hangar, étaient ces

24 Chetniks peut-être venus du Monténégro ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà. Je dois remonter un petit peu pour

26 parler de Velepromet. Ils sont arrivés pour la première fois à Velepromet,

27 ils ont proféré beaucoup d'injures contre nous et j'ai -- ça me dérange de

28 dire ça : "On va vous régler votre compte." Et ils sont venus à Ovcara.

Page 4939

1 Mais, maintenant, je n'étais plus là car, nous, on était quelques-uns qui

2 avons été sauvés, et il faisait déjà nuit, vous savez, on nous a emmenés.

3 C'était jadis une école. C'est une exploitation agricole, c'est cela. A

4 côté de cette école, on attendait. On attendait que des soldats viennent et

5 qu'ils nous emmènent d'Ovcara.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Moi, ma question, c'est les Chetniks qui sont dans

7 le hangar, qui tuent Samardzic, qui vous tapent, qui frappent d'autres.

8 Vous les avez entendus parler ? Vous les avez entendus dire certainement

9 des phrases. Vous nous avez dit qu'ils n'étaient pas du coin.

10 Alors, d'après vous, d'où venaient-ils, si vous êtes capable de le

11 dire; sinon, dites-nous vous ne savez pas.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je ne sais pas d'où ils

13 étaient venus. Je suppose qu'ils étaient venus de Serbie, d'après le

14 dialecte. Vous savez, on ne pensait pas à eux. On pensait à ceux qui nous

15 battaient. Il y avait les uns et les autres qui battaient d'un côté comme

16 de l'autre. Donc, je pense que c'était organisé, une manière organisée de

17 procéder pour rouer de coups tout le monde.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, organisé par qui ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose ceux qui assénaient des coups.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous ne savez pas qui avait

21 organisé ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Et pourquoi le Chetnik que vous connaissiez, Zoric,

24 vient vous sauver, pour quelle raison ? Que vous a-t-il dit ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] "Emil, sort. Je vais te sauver. Tu m'as rendu

26 service. Voilà, je vais te le rendre."

27 Que s'est-il passé ? A un moment donné, je l'ai perdu de vue. Il a

28 disparu, voyez-vous, et je me suis dit que j'allais être obligé de revenir

Page 4940

1 dans le hangar. Mais, à ce moment-là, on a vu arriver trois officiers de

2 l'armée yougoslave, et eux, ils ont assumé le contrôle à partir de ce

3 moment-là. Ils ont pris les choses en main. A partir de ce moment-là, il y

4 a eu un ordre qui s'est établi. C'étaient des gens qui n'étaient pas très

5 grands. Je ne les connais pas. Je ne sais pas leurs noms. Et nous, qu'on a

6 sauvés, on était six Croates et un Serbe. On nous a sauvés.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez six Croates et un Serbe. Parce qu'il y

8 avait aussi un Serbe qui était prisonnier en même temps que vous ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ça, qui a été capturé et qu'on a

10 roué de coups.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Et comment se fait-il, qu'étant Serbe, il était pris

12 par des Serbes ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà. Il se trouvait dans la colonne, je

14 suppose, et on l'a sauvé avec nous en quittant Ovcara. Il y a eu sa mère,

15 puis je ne me souviens plus exactement, et il est rentré chez lui.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Une dernière question avant de redonner la parole à

17 l'Accusation. M. Zoric, est-ce qu'il était habillé, est-ce qu'il était

18 habillé comme les autres qui étaient dans le hangar ou il était habillé

19 différemment ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ses vêtements en haut, la partie du haut

21 c'était militaire, et la partie du bas, je ne sais pas. Je ne me souviens

22 plus est-ce qu'il avait un uniforme complet ou pas, mais le haut c'était un

23 uniforme, j'en suis certain, et il avait un couvre-chef.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Et il avait un couvre-chef chetnik ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais un petit couvre-chef avec un symbole, un

26 insigne.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Et c'est quoi cet insigne ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce qu'ont d'habitude les Chetniks.

Page 4941

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Et ceux qui étaient dans le hangar, qui frappaient

2 les autres, ils avaient le même couvre-chef avec le même insigne ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas tous. Ils ne l'avaient pas tous.

4 Certains, mais la plupart non.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause, parce que c'est

6 6 heures moins 20. On va faire une pause de 20 minutes. Je crois qu'il

7 reste au Procureur 20 à 25 minutes. Le greffier nous le dira. Donc, après

8 la pause, on terminera l'interrogatoire principal. Peut-être qu'on pourrait

9 commencer le contre-interrogatoire, je ne sais pas, mais là, pour le

10 moment, on va faire une pause de 20 minutes.

11 Mais comme le temps est précieux, Monsieur Seselj, je vous avise

12 qu'on a interrogé le service de Traduction qui nous dit que pour le

13 jugement Mrksic, qui fait 500 pages, la traduction dans votre langue sera

14 prête fin avril. Voilà ce qu'on nous dit officiellement. Vous l'aurez fin

15 avril.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, alors j'insiste

17 les témoins que j'ai mentionnés, il faut que le Procureur prévoit leur

18 comparution à partir du moment où j'aurais reçu le jugement. Parce que pour

19 ces quelques témoins, ça m'est important. Ce n'est pas très important pour

20 les victimes; c'est important pour les autres témoins du côté serbe, pour

21 être plus précis.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Mundis, il faudra que vous

23 envisagiez cette question. Le témoin aura en sa possession le jugement

24 Vukovar fin avril. Il a cité les noms de trois témoins dont il l'aura

25 l'occasion de contre-interroger, mais il souhaite qu'il puisse contre-

26 interroger une fois qu'il aura lu le jugement. Est-il possible pour

27 l'Accusation de prendre en compte cela ?

28 M. MUNDIS : [interprétation] J'en tiendra compte, Monsieur le Président,

Page 4942

1 mais je tiendrai compte également de tous les autres facteurs dont il faut

2 je tienne compte pour le planning, c'est-à-dire la disponibilité de nos

3 témoins, leur volonté de venir, la nécessité éventuellement de les

4 contraindre à venir. Il y a énormément de facteurs qui entrent en jeu

5 lorsqu'il s'agit de la planification des témoins. Je prendrai

6 indéniablement ce qui a été dit en compte ainsi que tous les autres

7 facteurs, mais je ne peux pas vous donner de garantie. Je ne peux pas vous

8 garantir que ces témoins seront appelés dans l'ordre que M. Seselj

9 souhaite.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire une pause de 20 minutes et nous

11 reprenons dans 20 minutes.

12 --- L'audience est suspendue à 17 heures 45.

13 --- L'audience est reprise à 18 heures 12.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur le Procureur, le greffier m'a

15 dit qu'il vous restait 25 minutes.

16 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je suis en

17 mesure de vous dire ce qui est arrivé à M. Bulic. Nous en avons parlé. Il

18 est toujours disponible. Nous sommes un peu

19 -- on m'a dit qu'il a été condamné à huit ans, mais la cour suprême de

20 Serbie a réduit de deux ans sa peine. Voici les éléments dont nous

21 disposons pour l'instant.

22 Puis-je demander au greffier de nous montrer à l'écran, s'il vous plaît, le

23 numéro 65 ter 2848, s'il vous plaît.

24 Q. Monsieur Cakalic, reconnaissez-vous cette photographie ?

25 R. Oui.

26 Q. Vous voyez une annotation en rouge ici, une inscription. Est-ce que

27 vous pouvez nous dire qui a inscrit cela ?

28 R. C'est moi qui ai apposé cette annotation.

Page 4943

1 Q. Quand avez-vous fait cela ?

2 R. A l'époque ? Non, je ne me souviens plus exactement. Je ne sais pas. Je

3 ne peux pas me rappeler.

4 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Procureur, pardonnez-moi,

5 mais je dois m'opposer à la présentation de pièces annotées devant la

6 Chambre.

7 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Pardonnez-moi.

8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous demande de bien vouloir

9 changer votre pratique.

10 M. MUSSEMEYER : [interprétation] J'en ai tenu compte, mais dans des

11 circonstances que je vous ai déjà décrites -- si cela ne vous plait pas, à

12 ce moment-là je vais lui montrer la photographie originale. J'avais décidé

13 de procéder ainsi, mais bon. Nous allons afficher le numéro 65 ter 2521.

14 C'est la photographie numéro 22.

15 Je ne vais pas refaire cela --

16 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

17 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

18 Q. Monsieur Cakalic, pourriez-vous nous dire ce que représente cette

19 inscription sur la photographie ?

20 R. Cette annotation désigne un bâtiment, un immeuble.

21 Q. De quel bâtiment s'agit-il ? Maintenant, nous avons une photographie

22 sans annotation. C'est la même photographie. Pourriez-vous nous dire ce que

23 l'on peut voir sur cette photo, s'il vous plaît ?

24 R. Oui, on voit là-bas deux maisons. On voit ces trois bâtiments. Là, il y

25 a une maison.

26 Q. Monsieur Cakalic, où se trouvent ces bâtiments ? Connaissez-vous cet

27 endroit ?

28 R. Ça devrait être Ovcara.

Page 4944

1 Q. Pourriez-vous nous montrer le hangar dans lequel étaient retenus les

2 prisonniers ?

3 R. Voilà, c'est ici.

4 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, c'est la

5 raison pour laquelle je lui ai montré l'autre photographie.

6 Q. En êtes-vous tout à fait certain, Monsieur Cakalic ?

7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] C'est la raison précisément pour

8 laquelle j'estime qu'il est peu approprié de présenter des photographies ou

9 des pièces à conviction qui ont déjà été annotées.

10 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

11 Q. Monsieur Cakalic, êtes-vous tout à fait certain qu'il s'agit bien du

12 hangar dans lequel ont été retenus les prisonniers ?

13 R. Il y a tellement de temps qui s'est écoulé depuis déjà que même si j'y

14 allais aujourd'hui, je ne crois pas que je reconnaîtrais ce hangar. Ça

15 tellement changé.

16 Q. Merci, Monsieur Cakalic.

17 R. Excusez-moi, mais --

18 Q. Une autre question : alors que vous attendiez à l'extérieur, vous nous

19 avez dit que d'autres personnes, et vous avez dit que six personnes environ

20 ont quitté le hangar et étaient avec vous; est-ce exact ?

21 R. Oui. C'est la réalité.

22 Q. Avez-vous également vu d'autres personnes qu'on a laissé sortir et qui

23 ont dû retourner dans le hangar après ?

24 R. Cela s'est probablement produit après mon départ d'Ovcara.

25 Q. Vous vous en souvenez pas, vous ne savez pas si d'autres personnes --

26 si on a laissé sortir d'autres personnes et que certaines ont dû retourner

27 dans le hangar ?

28 R. J'étais déjà parti d'Ovcara, à ce moment-là.

Page 4945

1 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, et nous décrire comment vous

2 avez quitté Ovcara, et dans quelle direction vous rendiez-vous, à ce

3 moment-là ?

4 R. Nous étions huit ou sept nous avons été extraits du hangar, et emmenés

5 jusqu'à un bâtiment, c'était une ancienne école d'agriculture, et là nous

6 avons attendu. Une camionnette est arrivée pour nous chercher. Nous sommes

7 montés à bord et on nous a emmené à Velepromet.

8 A Velepromet ils m'ont reconnu moi, ainsi que Berghofer et quelques autres,

9 de sorte que -- bon, bien, voilà. Ils nous ont reconnus nous sept ou nous

10 huit qui étions en train de repartir en arrière, et à ce moment-là, nous

11 sommes retournés de Velepromet vers une usine où on cousait des pièces de

12 vêtements féminins. Là, on nous a retenu trois ou quatre jours. Des gens

13 connus et inconnus sont venus. Et cet endroit était plein de machines à

14 coudre, donc nous nous sommes un peu cachés là-bas aussi.

15 Vous savez, il y avait toutes sortes de gens très différents qui

16 arrivaient, et qui arrivaient et qui repartaient, et puis une jeune fille

17 est arrivée. La fille d'un de nos collègues qui était aussi inspecteur et

18 qui avait disparu de Vukovar, à ce moment-là, de son plein gré. Il était

19 parti pour un pays étranger.

20 Elle m'a regardé. J'ai cru qu'elle aurait honte quand elle a frappé

21 Berghofer et un ou deux autres, pas du tout, elle était mineur d'âge et

22 c'est pourquoi elle n'a pas été sanctionnée.

23 Q. Y a-t-il un incident avec un couteau, est-ce que vous pourriez nous le

24 décrire, s'il vous plaît ?

25 R. Oui. Il y a quelqu'un qui a planté un couteau dans le corps de

26 quelqu'un d'autre, mais cela s'est passé à un endroit qui n'était pas dans

27 les locaux, qu'il n'était pas dans mon champ visuel. Donc, je sais que ça

28 s'est passé, mais je n'ai pas vu la chose au moment où elle s'est passée.

Page 4946

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

13 pagination anglaise et la pagination française.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 4947

1 Q. Vous souvenez-vous d'un événement qui serait produit avec un couteau et

2 Berghofer ?

3 R. Je crois que oui.

4 Q. Veuillez nous dire ce dont vous vous souvenez.

5 R. Quand nous étions à cet endroit dans ce bâtiment, qui s'appelle

6 Modateks, ce bâtiment où on nous a emmené. Et on nous y a sans doute emmené

7 pour nous y garder.

8 Et un soldat est arrivé il venait tous les jours à plusieurs reprises.

9 C'était un employé. Il parlait avec nous. Il nous demandait comment nous

10 allions, ce qui nous était arrivé, et cetera, et cetera. Et à un moment

11 donné, une jeune fille est arrivée. Korda Sladjana, la fille de mon

12 collègue, inspecteur, qui avait fui Vukovar. Elle n'était pas majeure. Mais

13 enfin, bien formée, et je lui ai dit : "Ma petite, je te connais et je

14 connais ta mère. Je te connais depuis que tu es toute petite. Ne fais ça."

15 Et à ce moment-là, elle a pris ces clics et ces claques et elle est partie.

16 Q. Vous a-t-elle menacé vous ou Berghofer d'une manière ou d'une autre ?

17 R. Elle a menacé Berghofer et peut-être deux ou trois mais, moi, elle ne

18 m'a pas menacé.

19 Q. Avait-elle un couteau ou pas ?

20 R. Je crois qu'elle portait un couteau. Je crois qu'elle portait un

21 couteau. Je ne pourrais vous le jurer, mais je crois qu'elle portait un

22 couteau.

23 Q. Vous souvenez-vous si, oui ou non, elle s'est servie de ce couteau ?

24 R. Je ne saurais me rappeler ça.

25 Q. Savez-vous -- connaissez-vous une personne qui répond au nom de Topola

26 ?

27 R. Oui.

28 Q. Ce nom a-t-il été prononcé par cette petite fille lorsque vous étiez à

Page 4948

1 Motadeks ?

2 R. Oui, oui, elle a dit qu'elle allait faire venir sur place Topola et que

3 lui allait tout régler.

4 Q. Vous souvenez-vous précisément de ses paroles que ferait Topola de vous

5 ?

6 R. Qu'ils allaient me tuer.

7 Q. Pourriez-vous nous dire ceci : n'avez-vous jamais rencontré M. Topola ?

8 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : me couper le cou.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

10 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

11 Q. Veuillez nous dire où et quand ?

12 R. Ça je ne pourrais pas vous le dire à quel endroit je l'ai vu ni quand.

13 C'était des moments de stress dont je ne peux me souvenir.

14 Q. Vous étiez à Modateks pendant un certain temps ensuite vous avez quitté

15 Modateks sans nulle doute et donc où êtes-vous allé après cela ?

16 R. Oui. A partir de Modateks s'ils nous ont [imperceptible] emmené à bord

17 de véhicules jusqu'à Velepromet dans la pièce.

18 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce que nous

19 pourrions avoir le numéro 65 ter 4103 à l'écran, s'il vous plaît ?

20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] En attendant l'affichage de la pièce

21 suivante, je souhaite que vous abordiez avec le témoin la question du

22 soldat qui est venu le voir lorsqu'ils étaient à Modateks pendant ces

23 quelque trois ou quatre jours. Le témoin nous a dit qu'un soldat était venu

24 le voir et s'était occupé d'eux. Qui était ce soldat ? A qui appartenait-il

25 ? A quelle unité?

26 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

27 Q. Monsieur Cakalic, vous souvenez-vous de ce que vient d'évoquer le Juge

28 et vous souvenez-vous du soldat qui était venu à Modateks pour s'occuper de

Page 4949

1 vous ?

2 R. Oui. Un soldat venait, mais pas pour s'occuper de nous, pas pour

3 prendre soin de nous, pour se moquer de nous.

4 Q. Pourriez-vous nous décrire cela. Il se moquait de vous, qu'est-ce que

5 vous entendez par là ? Qui était-ce ? Est-ce que vous souvenez d'un nom ?

6 R. Je ne sais pas comment il s'appelait. D'après moi, il ne s'est même pas

7 présenté, mais il venait nous voir deux et quelquefois même trois fois par

8 jour pour voir comment nous réagissions. Il ne nous préparait pas quoi que

9 ce soit de vraiment bon. Mais comme il était membre de l'armée populaire

10 yougoslave, il est probable que ce qu'il souhaitait pour nous ne pouvait

11 pas être autorisé.

12 Q. Comment vous a-t-on décrit, vous et votre groupe ? Comment les Serbes

13 vous décrivaient-ils lorsque vous étiez à Modateks ? Vous en souvenez-vous

14 ?

15 R. Excusez ? Pouvez-vous répéter, je vous prie ?

16 Q. Dans votre déclaration précédente, vous avez dit aux Juges de la

17 Chambre que vos groupes avaient une certaine réputation, en tout cas c'est

18 ainsi que c'était --

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Objection. Cette question n'est pas

20 licite. Le Procureur n'a pas à s'intéresser à ce que ce témoin a dit dans

21 d'autres affaires. Le témoin ici témoigne sur la base de sa mémoire, quel

22 que soit l'état de sa mémoire. Nous avons de la compréhension pour ses

23 problèmes de mémoire, mais le comportement du Procureur actuel est

24 absolument illicite.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Objection admise.

26 Mais, Monsieur le Procureur, ne lui rappelez pas ce qu'il a pu dire

27 ailleurs, sauf que par --

28 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Je crois que je n'étais pas très précis,

Page 4950

1 parce que je n'avais pas l'intention de poser des questions directrices au

2 témoin. Je souhaitais simplement lui rafraîchir la mémoire.

3 Q. Monsieur Cakalic, est-ce que votre groupe, le groupe de prisonniers, le

4 groupe de personnes qui étaient venues d'Ovcara, est-ce que ce groupe a été

5 décrit d'une manière particulière par les autres Serbes qui vous

6 attendaient, qui vous ont vu à Modateks; est-ce que vous vous en souvenez ?

7 R. Je n'ai pas compris la question.

8 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Je ne vais pas insister sur cette

9 question, parce que ce serait une question directrice.

10 Q. Est-ce que le nom de "Dedica" vous dit quelque chose par rapport à

11 Modateks ?

12 R. Oui, Dedica, c'est un homme qui s'occupait de Modateks, car il y avait

13 là plein de machines à coudre. Il gardait ça. Lui, il s'est débrouillé pour

14 qu'on reçoive la nourriture.

15 Q. [aucune interprétation]

16 R. C'est lui qui nous a conduits de Modateks à Velepromet. Maintenant, on

17 revient de nouveau à Velepromet.

18 Q. Je vous demande de bien vouloir regarder l'écran. Voyez-vous cette

19 photographie ? Pourriez-vous nous dire ce qu'elle représente ?

20 R. Oui. On voit des hangars de Velepromet et des bâtiments dans la cour de

21 Velepromet.

22 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Je demande le versement au dossier de

23 cette photographie, s'il vous plaît.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro P285.

26 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

27 Q. Est-ce que Dedica vous a protégé d'une certaine manière ?

28 R. Dedica a utilisé un fusil pour tirer dans les luminaires, puis

Page 4951

1 apparemment il a changé un petit peu, puis à un moment donné on a même reçu

2 à manger. Mais il nous a aussi protégés à un moment donné, lorsqu'il nous a

3 emmenés de Modateks à Velepromet. C'est ça. Avant qu'on ne rentre dans

4 Velepromet, il y avait un groupe de jeunes hommes bien élevés qui ont

5 proféré toutes sortes d'injures contre nous et qui disait : "Donne-moi

6 Cakalic. Donne-moi, passe-moi Brkoher [phon] ou untel," et cetera.

7 Q. Comment Dedica a-t-il réagi ?

8 R. Dedica a réagi humainement, honnêtement. Il nous a escortés à

9 Velepromet, dans ce qu'on a appelé chambre de la mort. De cette pièce, on a

10 emmené de jeunes hommes et on en a tués juste sous la fenêtre. Mais ces

11 fenêtres étaient très hautes, donc on ne pouvait pas le voir et ils sont

12 encore là.

13 Q. Pourriez-vous nous décrire la taille de cette chambre de la mort. A

14 quel endroit cela se trouvait-il environ à Velepromet ?

15 R. C'était situé dans la partie arrière de Velepromet. C'était, disons,

16 40, 50 personnes, mais très près les uns des autres. On a vu venir là

17 d'autres personnes en plus qui voulaient nous voir. Ils sont décédés, donc

18 il n'y a pas lieu que je m'aventure à deviner.

19 Ils étaient ivres, et à un moment donné un capitaine est arrivé, un

20 petit sympathique. Il a dit : "Allez, préparez-vous. Les Chetniks vont

21 arriver. Ils vont tous vous tuer. Je suis là avec un autobus et je vais

22 vous emmener à la caserne de Vukovar."

23 Q. Monsieur Cakalic, nous allons y venir dans quelques instants.

24 Veuillez nous dire qui étaient ces personnes qui faisaient sortir les gens

25 de la chambre de la mort ?

26 R. Je les connais de vue, mais je ne connais pas leurs noms. Je

27 pense qu'ils sont tous décédés depuis. C'était des personnes d'un certain

28 âge qui travaillaient à Vuteks. Ils avaient bu.

Page 4952

1 Q. Savez-vous si Topola était à Velepromet ?

2 R. Je pense qu'il a été, mais je ne souhaite pas jurer. Je pense que oui,

3 qu'il s'y est trouvé.

4 Q. Pourriez-vous brièvement nous décrire l'apparence physique de cette

5 personne ?

6 R. Topola ?

7 Q. Oui.

8 R. Je dirais qu'il avait à peu près ma taille, peut-être un peu plus

9 petit. C'était quelqu'un de très problématique. Il menaçait. Voilà, c'est

10 tout.

11 Q. Etait-il violent ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous souvenez-vous d'une personne qui répondait au nom de Crk ?

14 Monsieur Cakalic, je vous ai posé une question. Vous souvenez-vous ?

15 R. Oui, Crk, Karlo. Il était directeur de l'exploitation agricole de

16 Vukovar. Il avait la responsabilité de la viande. Crk Karlo, on l'a extrait

17 du hangar et lui aussi il a été tué là-bas, devant le hangar.

18 Q. "Eux", c'est qui ?

19 R. Eux, on ne les a pas vus.

20 Q. Vous avez vu qui l'a fait sortir de la chambre de la mort ?

21 R. Je pense que c'était un homme qui travaillait à Vuteks qui l'a sorti de

22 là, mais il est décédé depuis et j'ai oublié son nom de famille, si c'est

23 lui qui l'a emmené.

24 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Pouvons-nous afficher le numéro 65 ter

25 2017 à l'écran, s'il vous plaît.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- Monsieur -- que votre temps est

27 quasiment épuisé.

28 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Pardonnez-moi, mais avant d'en arriver là,

Page 4953

1 je souhaite visionner la vidéo 65 ter qui est le numéro 2017 [comme

2 interprété]. C'est une pièce qui a déjà été versée au dossier et admise et

3 qui a le numéro P58. Ceci n'a encore jamais été montré devant les Juges de

4 la Chambre, et je souhaite le montrer au témoin pour qu'il puisse nous

5 donner ses commentaires.

6 Q. Veuillez regarder ceci, Monsieur Cakalic, s'il vous plaît.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant que l'on ne visionne ça, j'ai une

8 objection. Comment est-ce que l'on a pu verser au dossier sans le présenter

9 précédemment dans le prétoire ? Quand est-ce qu'on a versé ça au dossier ?

10 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Le 30 octobre 2007, ceci a été admis parce

11 que ceci a déjà été montré lorsque vous avez déposé dans l'affaire

12 Milosevic. Tous les documents dans l'affaire Milosevic ont été admis. Je

13 crois que cette décision a été rendue le 30 octobre 2007, si je ne me

14 trompe pas.

15 Donc je souhaite voir cette séquence vidéo.

16 Q. Monsieur Cakalic, veuillez regarder ceci et nous dire ce que l'on y

17 voit ?

18 [Diffusion de la cassette vidéo]

19 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

20 "Les troupes irrégulières fêtaient ceci dans la rue et --"

21 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

22 LE TÉMOIN : [interprétation] -- "Slobo, Slobo, envoie de la salade. Il va y

23 avoir de la viande. On va égorger des Croates."

24 M. LE JUGE ANTONETTI : On pourrait -- on pourrait revoir la vidéo parce que

25 là ça a été tellement vite.

26 M. MUSSEMEYER : [interprétation] C'est très court, en fait. J'en suis tout

27 à fait conscient, mais je souhaite que le témoin nous dise s'il a vécu la

28 même chose.

Page 4954

1 [Diffusion de la cassette vidéo]

2 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

3 "Les troupes irrégulières étaient en train de fêter dans les rues, car

4 elles étaient contentes d'avoir -- s'être combattues pour cela et ils

5 chantaient des chants tribaux contre les Croates."

6 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

7 M. MUSSEMEYER : [aucune interprétation]

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de poser la question, dans la traduction, le

9 journaliste qui commente dit : "les troupes irrégulières." Alors même qu'on

10 voie des soldats avec casques, alors je ne sais pas d'où le journaliste

11 tire le fait que ce sont des troupes irrégulières ? Mais peut-être que le

12 témoin va nous éclairer.

13 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

14 Q. Monsieur Cakalic, est-ce que vous vous êtes trouvé dans une situation

15 semblable, et si oui, quand ?

16 R. Vous parlez là de ces soi-disant militaires ?

17 Q. Ces groupes qui entonnaient : "Slobo, Slobo," et cetera.

18 R. Oui, oui, je vois. C'était des gens de Vukovar, et il y avait aussi des

19 gens venus d'ailleurs, parce que je ne les connaissais pas tous. Je

20 connaissais ce premier qui dit : "Slobo, Slobo, envoie-nous," et cetera.

21 Ils étaient brutaux, assez désagréables. Les gens, en les entendant,

22 s'enfuyaient, se cachaient, quittaient les rues en courant. Les gens

23 avaient peur. Que ce soit des Croates ou des Serbes, ils avaient peur, car

24 on n'avait pas épargné les Serbes non plus si ces gens s'étaient mis à

25 faire ce qu'ils faisaient.

26 Q. Avez-vous vu également un groupe de soldats de ce type qui entonnaient

27 ce genre de chose et qui se sont approchés de vous ?

28 R. Je ne me souviens pas -- oui, oui, c'était en ville. Ce chant, ce chant

Page 4955

1 c'est quelque chose qui a retenti dans Vukovar, en particulier de la part

2 de ces volontaires qui chantaient ça.

3 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Est-ce que je peux poser encore une

4 question ou est-ce que mon temps s'est écoulé ?

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Le temps est terminé.

6 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Mussemeyer, vous n'avez pas

8 répondu à la question qui vous a été posée par le Président de la Chambre,

9 à savoir comment le témoin -- ou plutôt, si le témoin était en mesure de

10 nous expliquer pourquoi les soldats qu'on voyait à l'écran étaient des

11 soldats irréguliers, pour reprendre le terme qui a été utilisé ?

12 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Je souhaitais le faire, mais le temps

13 qu'on m'a imparti s'est écoulé. Si vous souhaitez poser cette question --

14 Questions de la Cour :

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, qu'est-ce qui vous permet de

16 dire que les soldats, c'étaient des soldats irréguliers, parce que vous-

17 même, vous l'avez dit aussi. Qu'est-ce qui vous permet de dire que

18 c'étaient des soldats irréguliers ?

19 R. Parce qu'ils n'étaient pas -- ils n'avaient pas le même comportement

20 que les vrais militaires. Personnellement, je pense que c'était un groupe

21 qui s'est autoproclamé d'une certaine façon et qui a estimé que c'était à

22 eux de régler ces choses-là.

23 Ce groupe, assez rapidement il s'est dispersé.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, à Vukovar, l'armée serbe,

25 l'armée disons officielle, la JNA, ils étaient combien en nombre,

26 approximatif ?

27 R. Vous voulez dire -- là vous parlez de la question de ceux qui

28 chantaient "Slobo, Slobo" ?

Page 4956

1 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- l'armée serbe, la JNA qui était à

2 Vukovar, qui ont pris le contrôle de Vukovar. Ils étaient combien; 100,

3 500, 1 000, 10 000 ? Quel ordre de grandeur ?

4 R. Je ne sais pas. Je ne saurais pas vous le dire, car à ce moment-là nous

5 étions à l'hôpital.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Et --

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pouvais pas --

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Les groupes irréguliers qui chantaient "Slobo,

9 Slobo," d'après vous, ils étaient combien ces gens-là ?

10 R. Disons, c'était un groupe de -- il n'y avait pas la moitié d'un

11 peloton. Il y avait peut-être une dizaine, une quinzaine. C'étaient des

12 chansons qui étaient censées faire peur à la population.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Et 15 personnes peuvent faire régner la terreur dans

14 une ville comme Vukovar ?

15 R. Oui, c'était possible. C'était possible. Voyez-vous, ça s'est passé,

16 voyez-vous à Vukovar c'était une situation de panique généralisée. Vous

17 savez, lorsqu'une ville tombe, quoi que ce soit où que ce soit, des choses

18 les pires qui soient se produisent. Tout d'abord, on ne sait pas où on va

19 aller, comment on va y aller, avec qui ?

20 C'est très difficile pour personne, c'était ni bien, ni juste, ni

21 pour les Serbes, ni pour les Croates qui sont restés sur place. Mais vous

22 voyez, c'est un élément nouveau.

23 Je ne sais pas si vous avez déjà entendu ça. La population serbe,

24 elle a commencé à quitter Vukovar, à s'enfuir, et ils sont partis soit à

25 Backa Palanka soit ailleurs en Serbie, parce que ces chansons qu'on

26 chantait, qu'on vient de voir, c'était compromettant pour l'armée serbe.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous aurons certainement l'occasion de revenir sur

28 cela demain lors du contre-interrogatoire.

Page 4957

1 Alors, Monsieur, parce qu'il nous faut régler d'autres problèmes

2 administratifs pour les jours prochains.

3 Oui, Monsieur le Procureur.

4 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Oui, un élément d'information. Le document

5 que je souhaitais vous présenter c'est le rapport d'exhumation de Karlo

6 Crk. C'est le nom de la personne dont nous parlait le témoin et qui d'après

7 le témoin a été tué. Le rapport d'exhumation le prouve. Je n'avais pas

8 l'intention de demander le versement au dossier de cette pièce, je

9 souhaitais simplement en informer la Chambre, j'espère que ce document sera

10 versé au dossier et admis plus tard.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

12 Alors, Monsieur, vous allez revenir demain. Alors, demain et

13 j'informe M. Seselj qui n'est peut-être au courant, nous aurons l'audience

14 demain matin, pas demain après-midi comme prévu, mais demain matin. On peut

15 avoir cette disponibilité parce que la Chambre Delic ne siège pas, et de ce

16 fait, nous siégerons donc demain, et demain nous commencerons donc à 9

17 heures et nous irons jusqu'à 13 heures 45. Et jeudi également, jeudi matin,

18 nous aurons audience à 9 heures et nous irons jusqu'à 13 heures 45. Ça

19 c'est pour le programme de demain et jeudi.

20 Par ailleurs, Monsieur, vous avez prêté serment, ce qui veut dire que

21 jusqu'à demain, vous ne rencontrez personne. Donc vous n'avez pas à

22 rencontrer l'Accusation sur votre témoignage. Vous allez être donc pris en

23 main par la Section des Victimes qui va s'occuper de vous et qui vous

24 ramènera donc dans nos locaux demain à 9 heures. Donc Mme l'huissière va

25 vous raccompagner.

26 [Le témoin quitte la barre]

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, pour les quelques minutes qui nous restent.

28 J'informe donc, Monsieur Seselj, que demain vous commencerez votre

Page 4958

1 contre-interrogatoire et vous aurez une heure et demie, ce qui fait que

2 nous aurons terminé avec ce témoin demain.

3 Après quoi, nous pourrions dans la foulée regarder les vidéos dont le

4 Procureur a dressé la liste. Alors, j'ai fait le calcul des vidéos. Il y en

5 a une quarantaine. La plupart du temps les vidéos sont assez courtes.

6 Certaines durent une, deux, voire même parfois 30 secondes. Il y a quelques

7 vidéos qui durent plusieurs minutes. Donc il y a 40 vidéos. Au total, il y

8 aura à peu près une heure de vision de ces vidéos.

9 Dans le document, le Procureur a donné les numéros, l'origine, la

10 date, la durée, et l'objet de la vidéo. Voilà.

11 L'ensemble des vidéos, il y en a donc 40.

12 Alors, je ne sais pas, Monsieur Seselj, vous avez vu la liste. Est-ce

13 qu'à ce stade vous avez des observations ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'en ai, Monsieur le Président. C'est un

15 grand problème lorsque le Procureur offre 20 secondes d'enregistrement

16 vidéo. Véritablement, par avance, on peut dire que ça a été arraché à son

17 contexte, en particulier lorsqu'il s'agit d'émissions diffusées à la

18 télévision où j'ai participé. Il faut connaître l'intégralité, et le

19 Procureur a à sa disposition la transcription de toutes les émissions

20 télévisées ou radios auxquelles j'ai participé, puisque ça a été publié

21 dans mon livre.

22 Donc tout ce qui est prévu pour demain, il demande juste quelques

23 secondes par enregistrement, il faut qu'il propose le texte intégral

24 transcrit, et puis vérifier si la phrase est bien dedans, et puis à partir

25 du moment où ils sont sûrs que la phrase y figure il faut nous fournir le

26 contexte.

27 Je ne sais pas comment la Chambre peut apprécier un extrait de 20

28 secondes. Vous ignorez complètement ce qui précède, ce qui suit. Tout

Page 4959

1 simplement, le Procureur choisit un extrait. D'après que Cardinal Richelieu

2 a dit : "Donnez-moi juste une phrase de n'importe qui, et je trouverai

3 suffisamment de raisons pour le faire pendre." Et voilà c'est ce que le

4 Procureur fait maintenant. Il nous montre 20 secondes d'extrait et il

5 demande que ce soit une preuve. Si ces preuves vous agréent. Donc ce n'est

6 pas l'authenticité qui est problématique, c'est le contexte que je

7 conteste. Donc à quoi ça vous servira si vous avez que 20 secondes ?

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Seselj, tout d'abord,

9 plusieurs choses. Concernant le droit applicable et la jurisprudence, la

10 Chambre d'appel a dit dans plusieurs décisions que l'admission des pièces

11 pouvait se faire indépendamment de la présentation à un témoin.

12 Donc de ce fait, une vidéo peut juridiquement être admise même si

13 aucun témoin ne vient pour dire : "Voilà, voilà la vidéo. J'y étais. C'est

14 moi qui a tourné," et cetera.

15 Par exemple, à titre d'exemple, je vous donne la vidéo 6040, c'est

16 une vidéo qui dure 56 secondes, c'est une vidéo d'un amateur. C'est à la

17 page 3 du document. Ça a été pris le 20 novembre 1991.

18 Et apparemment sur cette vidéo, il y a le célèbre Arkan et il y a

19 Kameni. Bon. Arkan il est mort, Kameni il est ailleurs.

20 Bon. Donc voilà même le type de document qui peut être admis sans la

21 nécessité d'avoir l'un des deux témoins, et d'ailleurs là il y aurait une

22 impossibilité puisqu'il y en a un qui est mort.

23 Bon. Voilà le type, puis je pourrais citer autre exemple.

24 Deuxième point : le contexte, vous avez à 100 % raison, le contexte

25 est important et le Procureur pourrait en montrant un bout induire en

26 erreur un jury. Bon. La seule différence c'est que nous, nous ne sommes pas

27 un jury, nous sommes des Juges professionnels. Donc déjà, pour nous induire

28 en erreur, c'est beaucoup plus compliqué que cela, et donc les Juges sont

Page 4960

1 capables d'évaluer la pertinence et la valeur probante.

2 Si le Procureur a la tentation de nous faire passer des vessies pour

3 des lanternes en nous présentant un petit bout de vidéo, c'est à ses

4 risques et périls, parce qu'à ce moment-là valeur probante quasi égale à

5 zéro.

6 Deuxièmement : vous-même, qui avez eu le temps de regarder l'ensemble

7 de la vidéo, si vous vous rendez compte qu'il y a une manipulation ou qu'on

8 présente un fait hors contexte, vous aurez l'occasion de faire 1, vos

9 remarques, et de toute façon, il y a des vidéos qui seront représentés à

10 des témoins inévitablement, et à ce moment-là vous aurez l'occasion de

11 revenir à la charge.

12 Par ailleurs, dans le fonctionnement des vidéos, voilà comment ça pourra se

13 passer : la vidéo évidemment, tout le monde la regarde. Le Procureur

14 l'introduit en disant : "C'est la vidéo numéro 1, telle date, telle

15 origine, on la regarde." "A ce moment-là, vous, vous avez la parole, vous

16 pourrez dire : Pas d'objection. Objection. Je conteste. Je ne suis pas

17 d'accord. Il y a le contexte, il y a ci, il y a cela." Et hôpital, on

18 repasse vidéo suivante.

19 Le cas échéant, la Chambre peut dire sur cette vidéo comme on a vu

20 tout à l'heure, je pourrai dire le journaliste dit une troupe irrégulière.

21 Comme ça c'est au transcript, et en disant ça, ça montre que déjà nous, on

22 se pose également des questions sur le commentaire. Voilà. Voilà comment

23 tout ça peut se dérouler.

24 Oui, Monsieur Seselj.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je ne conteste pas le

26 droit qu'a la Chambre de première instance de verser directement un

27 document ou une vidéo. Donc, j'ai déjà parlé de ça, c'est votre droit, en

28 particulier s'il s'agit d'enregistrements vidéo où je figure. Mais je vous

Page 4961

1 ai envoyé des écritures rédigées par mes conseillers juridiques. Vous

2 pouvez prendre connaissance, là, de l'ensemble du système de manipulation

3 des vidéos de la part du bureau du Procureur. Je pense que ce système vous

4 est démontré, révélé dans le moindre détail là-dedans. Toute la

5 méthodologie y est présentée, c'est la raison pour laquelle j'estime qu'un

6 enregistrement qui ne dure que quelques secondes, 20 à 30 secondes, deux

7 minutes, que cet enregistrement vidéo ne peut avoir aucun sens. Mais bien

8 entendu, si vous l'acceptez en tant que preuve, ça vous regarde, mais je ne

9 concède pas leur authenticité ni votre droit de les verser directement au

10 dossier.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, par exemple, la vidéo 6066, le

12 clip, la vidéo F, qui dure 2 minutes et 17 secondes, apparemment c'est vous

13 qui intervenez. Et dans le document, il est marqué : "Seselj : Nos

14 volontaires étaient à Zvornik." Donc apparemment dans cette vidéo vous

15 donnez une interview, et l'interview ça doit être donnée dans le cadre de

16 ce grand reportage sur la mort de la Yougoslavie, qui a été faite par la

17 BBC si je ne fais pas d'erreur, et vous êtes interviewé. Et, pendant deux

18 minutes, vous semblez, d'après ce que je vois, parler des volontaires à

19 Zvornik. Alors, on verra pendant deux minutes votre interview, et à ce

20 moment-là vous aurez la parole et vous direz : "Oui, j'ai dit cela, mais le

21 contexte était le suivant." Et comme ça c'est au transcript.

22 Alors bien entendu on va avec intérêt lire vos deux écritures sur la

23 manipulation des vidéos. Evidemment ça nous intéresse au plus haut point.

24 Donc alors qui plus est, si l'Accusation avait l'intention de

25 manipuler quoi que ce soit, la meilleure preuve en sera donnée par la

26 diffusion de cette vidéo et par vos commentaires publics en la matière.

27 Voilà ce qu'est un procès équitable, de mon point de vue.

28 Il est 19 heures, l'heure donc de terminer. Je vous souhaite une

Page 4962

1 bonne soirée, et nous nous retrouvons tous demain à 9 heures.

2 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mercredi 19 mars

3 2008, à 9 heures 00.

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28