Page 5167
1 Le mardi 25 mars 2008
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 8 heures 32.
5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
7 l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges,
9 bonjour à tous et à toutes. Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre
10 Vojislav Seselj. Merci, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce mardi, 25 mars
12 2008, je salue les représentants de l'Accusation, je salue M. Seselj ainsi
13 que le témoin qui est présent.
14 Je vais d'abord demander que nous passions à huis clos.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Monsieur le
16 Président.
17 [Audience à huis clos]
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 5168
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Pages 5168-5181 expurgées. Audience à huis clos
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5182
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 [Audience publique]
28 M. MARCUSSEN : [interprétation] Tout d'abord, s'il vous plaît, j'aimerais
Page 5183
1 parler du temps qui nous est imparti. L'Accusation avait considéré que ce
2 témoin serait interrogé pendant trois heures, et le suivant pendant deux
3 heures. Il me semble que vous avez rendu une ordonnance portant calendrier
4 qui va dans l'autre sens, c'est-à-dire deux heures pour ce témoin et trois
5 heures pour ce témoin.
6 Donc je vais essayer de terminer l'interrogatoire principal en deux heures
7 pour ce témoin, je voulais d'abord le rappeler, donc je demande votre
8 indulgence au cas où.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : On nous a dit la semaine dernière, je crois que
10 c'était M. Mundis, que le premier témoin devait venir mardi et le deuxième
11 témoin mercredi et jeudi. Et dans ces conditions si le deuxième témoin
12 devait venir mercredi et jeudi, il valait mieux pour le deuxième témoin
13 trois heures et pour le premier deux heures. Mais si en revanche vous
14 estimez que celui-ci peut rester mardi et mercredi et le deuxième témoin
15 juste un jour, on rebascule. C'est comme vous voulez.
16 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, de toute façon
17 nous essaierons d'aller le plus vite possible.
18 Interrogatoire principal par M. Marcussen :
19 Q. [interprétation] Témoin, s'il vous plaît, pouvez-vous nous dire quelle
20 est votre appartenance ethnique ? Désolé, j'ai oublié mon micro, donc je
21 répète.
22 Monsieur le Témoin, quelle est votre appartenance ethnique ?
23 R. Je suis Musulman de Bosnie.
24 Q. Avez-vous fait votre service national ?
25 R. Oui.
26 Q. Dans quelle partie des forces armées, s'il vous plaît ?
27 R. Dans les unités d'artillerie antiaériennes. Unité d'importance
28 particulière, spéciale.
Page 5184
1 Q. Merci.
2 M. MARCUSSEN : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, avoir la
3 pièce 65 ter 2869 à l'écran.
4 Il s'agit d'une carte, Mesdames, Messieurs les Juges. Pourrions-nous, s'il
5 vous plaît, zoomer sur le milieu cette carte, l'endroit où se trouve -- en
6 fait c'est très bien. Je vous remercie.
7 Q. Témoin, s'il vous plaît, voyez-vous la ville de Zvornik et la ville
8 Karakaj sur cette carte ?
9 R. Oui.
10 Q. Pourriez-vous nous dire quelle est la distance entre Zvornik et Karakaj
11 ?
12 R. Je crois que la distance est de 3 kilomètres à peu près.
13 Q. La zone de Karakaj, pouvez-vous nous la décrire, s'il vous plaît ?
14 Pouvez-vous nous décrire la région de Karakaj et ce qui se trouve à Karakaj
15 ?
16 R. A Karakaj il y avait une zone industrielle, c'est là que se trouvaient
17 toutes les usines, parce que comme Zvornik est dans une vallée, toutes les
18 usines étaient à Karakaj.
19 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, nous avons terminé avec cette carte.
20 J'aimerais la verser au dossier.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette carte recevra la cote 00302. Merci.
23 M. MARCUSSEN : [interprétation]
24 Q. Témoin, s'il vous plaît, pourriez-vous nous dire quelles étaient les
25 relations entre les Musulmans et les Serbes pendant votre enfance ?
26 R. Elles étaient bonnes, en particulier -- excusez-moi. Les relations
27 étaient bonnes. J'ai grandi dans une famille où on ne tenait pas tellement
28 compte de ce genre de chose. Mon grand-père était un homme de religion, mon
Page 5185
1 père ne prêtait pas tellement attention à tout cela, de sorte que nous
2 avons grandi avec 90 % de mes amis qui étaient des Serbes, d'ailleurs j'ai
3 encore des contacts avec eux aujourd'hui.
4 Q. Dans quelle ville avez-vous grandi, s'il vous plaît ? J'aurais peut-
5 être dû vous demander d'abord.
6 R. J'ai grandi à Zvornik.
7 Q. Est-ce qu'à un moment ou à un autre les relations entre les Serbes et
8 les Musulmans ont été modifiées ?
9 R. Les rapports ont commencé à changer au début de ce que j'appellerais
10 l'évolution de la conscience nationale serbe. Je ne sais pas exactement
11 Gazimestan, un certain nombre de manifestations, les chants où était mis en
12 valeur la serbité. Mais je n'ai tout de même jamais cru que les choses en
13 arriveraient à la guerre chez nous.
14 Q. Pouvez-vous nous dire de quelle année on parle ?
15 R. Nous parlons à peu près -- je pense que tout cela a commencé en 1988,
16 c'est à ce moment-là, dirais-je, que les rapports ont commencé lentement à
17 changer avec un certain nombre de réunions publiques au Kosovo et l'éveil
18 de la conscience nationale serbe dans tout ce qui constitue le territoire
19 de l'ancienne Serbie, avec premier signe des chanteurs qui ont été célébrés
20 par l'Académie des sciences et des arts, donc célébrés pour des raisons qui
21 me sont inconnues. C'était un début, me semble-t-il, et un début du plan,
22 d'après moi.
23 Q. Merci. Passons à un moment ultérieur, donc au printemps 1992.
24 J'aimerais savoir si vous habitiez dans la région de Zvornik à l'époque ?
25 R. Oui, oui.
26 Q. Y avait-il à l'époque des signes de conflit armé qui menaçait ?
27 R. Il y avait des signes précurseurs envoyés. Sans cesse passaient des
28 camions chargés à ras bord de réservistes ainsi qu'un certain nombre de
Page 5186
1 convois militaires qui passaient par Zvornik et par Mali Zvornik, et ces
2 réservistes qui rentraient des champs de bataille tiraient des coups de
3 feu. Mais dans la ville en tant que telle, je dirais que les relations
4 avaient empirées, mais n'en étaient pas arrivées au stade d'un conflit
5 ouvert, car tout de même en ville nous continuions à avoir des rapports les
6 uns avec les autres, on plaisantait les uns avec les autres, on disait si
7 jamais tu poses un problème aux miens, moi je t'arrêterai et vice versa. Et
8 vous savez nous nous connaissions depuis l'enfance et il était impossible
9 d'imaginer que quelqu'un qui vit à vos côtés et que vous connaissez depuis
10 votre enfance peut se retourner contre vous et devenir un ennemi. Puis des
11 chars ont été installés au pont de Karakaj, et des réunions politiques ont
12 commencé à durer nuit et jour avec expressions des différentes identités
13 nationales, et juste avant la guerre, des camions de réservistes sont
14 arrivés également qui allaient à un endroit où se déroulaient des
15 entraînements militaires à Celopek et Rocevic.
16 Moi, ça m'intéressait, j'en entendais parler donc j'ai voulu voir ce qui se
17 passait, et un jour, accompagné d'un voisin qui voulait acheter quelque
18 chose, il m'a dit : Bien, allons voir là-bas pour voir si tout est vrai.
19 Effectivement, quand nous sommes arrivés là-bas, nous avons vu un très
20 grand nombre de soldats à Celopek. Nous y avons passé quelques instants.
21 Nous avons bu un jus de fruit, nous avons regardé ce qui se passait,
22 personne ne nous a adressé la parole, mais il y avait des entraînements
23 militaires qui déroulaient là-bas.
24 Q. Merci. Pouvez-vous nous dire environ à quel moment ceci est arrivé ?
25 R. Tout cela s'est passé à peu près, que pourrais-je dire, début du mois
26 de mars. Enfin je ne suis pas certain que c'était au début du mois de mars
27 ou à la mi-mars, mais je crois que c'était au début du mois de mars. Ce qui
28 nous intéressait c'était ce qui se passait parce que nous ne pouvions pas
Page 5187
1 concevoir que la guerre allait éclater, nous étions tout de même au XXe
2 siècle.
3 Q. Avez-vous vu des signes indiquant que la population serbe de Zvornik se
4 préparait ou prenait des mesures éventuelles en vue d'un conflit armé ?
5 R. Si nous parlons de paix, un week-end avant l'apparition des barricades
6 la majorité des Serbes n'était plus à Zvornik déjà. Ils sont partis tout
7 simplement. Ils ont entassé leurs objets de valeur à bord de leurs voitures
8 et ils sont partis vers les zones où se trouvaient les réservistes.
9 Personne ne comptait sur une guerre de longue durée, les gens qui
10 réfléchissaient se disaient : Ils vont peut-être essayer de prendre le
11 contrôle, mais ils n'y arriveront pas. Nous nous défendrons d'une façon ou
12 d'une autre.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, une question de suivi. Vous
14 dites que les Serbes ont quitté Zvornik. A votre connaissance ils ont
15 quitté parce qu'ils ont eu l'ordre de quitter la ville, ou bien c'était un
16 mouvement spontané parce qu'ils avaient peur, et quand on a peur, eh bien,
17 on s'en va, ou bien y a-t-il une troisième hypothèse ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que c'était un
19 exercice général, et qu'ils en ont reçu l'ordre, parce qu'en un week-end le
20 nombre des personnes qui sont parties était si important il est impossible
21 que ce soit autrement. Et même, si je puis ajouter quelques mots, même
22 s'agissant d'amis à moi avec lesquels j'avais encore des relations
23 d'amitié, nous ne voyions pas pourquoi nous n'aurions plus de relations,
24 certains m'ont dit : "Nous ne savons pas ce qui est en train de se
25 préparer, mais ce ne sera pas bon et ce sera important."
26 M. MARCUSSEN : [interprétation]
27 Q. Monsieur le Témoin, s'il vous plaît, avez-vous vu des équipements
28 militaires cantonnés sur place et dans le but de défendre, par exemple, les
Page 5188
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5189
1 ponts sur la Drina ?
2 R. Sur le pont de Karakaj il y avait un char. Un char était là en
3 position.
4 Q. Est-ce que c'était avant la prise de la ville ?
5 R. Oui.
6 Q. A votre connaissance, dans ce sens, y a-t-il eu des mesures prises côté
7 musulman pour se préparer aussi au conflit et, dans ce cadre-là, avez-vous
8 participé à ces mesures ?
9 R. Des mesures prises à très haut niveau il n'y en pas eues. Simplement
10 les gens se sont organisés, chacun essayant de défendre le mieux possible
11 sa famille. Voilà ce que je pourrais dire.
12 Pendant la nuit, en ville, par exemple, puisqu'on parlait de plus en plus
13 de risques d'irruptions, vous savez les gens racontent toutes sortes de
14 choses quand ils ont peur. Donc pour éviter que quoi que ce soit n'arrive,
15 les gens ont commencé à s'organiser et à patrouiller la nuit. Les
16 patrouilles étaient très mixtes, très diversifiées jusqu'au dernier moment,
17 l'objectif étant de protéger, de défendre au cas où quelque chose
18 arriverait.
19 Personnellement, j'ai pris des mesures de protection parce que ma maison
20 était juste à côté de la forêt. Donc je me suis acheté moi-même, au noir,
21 une arme; c'était une Kalachnikov, une arme d'assaut.
22 Q. Merci.
23 R. Quand il y avait des patrouilles, je prêtais mon arme au cas où il y
24 aurait eu une attaque. Mais une organisation à haut niveau ou dans d'autres
25 conditions, non, il n'y en a pas eue. C'était simplement des gens, des
26 particuliers qui se protégeaient.
27 Je continue ?
28 Q. J'attends juste la fin de la traduction c'est pour ceci qu'il y a
Page 5190
1 parfois une petite pause entre nos questions et nos réponses. Ça fait un
2 petit peu artificiel comme discussion mais on est obligé de passer par là.
3 Donc, avez-vous souvenir d'articles dans les journaux, dans les
4 médias portant sur la situation à Zvornik avant les attaques ?
5 R. Oui. On essayait à tout prix de trouver une solution pour éviter la
6 guerre. Vous savez, personne ne souhaitait la guerre, puisque la guerre ça
7 signifie mort et souffrance.
8 Mais la veille du jour où des coups de feu ont été tirés à Zvornik, à la
9 télévision de Belgrade, on a vu une annonce indiquant qu'il y avait eu des
10 coups de feu sporadiques à Zvornik et que 11 000 Bérets verts se trouvaient
11 sur la tour à Zvornik.
12 Q. Merci. Nous reviendrons aux Bérets verts dans une minute, mais
13 j'aimerais savoir où vous vous trouviez lorsque l'attaque sur Zvornik a été
14 lancée ?
15 R. J'étais à la maison, je dormais.
16 Q. Donc, comment avez-vous appris qu'il y avait une attaque ?
17 R. Mon père m'a réveillé, et terrorisé, il m'a dit : il y a des coups de
18 feu. J'étais à moitié réveillé. Je me suis retourné dans mon lit et j'ai
19 dit : "Mais c'est impossible. C'est une impression. Tu entends les coups de
20 feu dans ta tête." Et il m'a dit : "Non, non, c'est vrai. Il y a eu
21 vraiment des coups de feu."
22 Alors je me suis levé et effectivement j'ai entendu, à partir de Karakaj,
23 des bruits de tir. Vous savez, c'est une impression qu'on ne connaît pas.
24 Alors on a un peu peur, on est un peu curieux, donc je suis sorti pour voir
25 ce qui se passait.
26 On entendait des coups de feu qui venaient de Karakaj et de Vidakova Njiva,
27 et j'ai entendu ce que je croyais être le bruit de trois obus. Puis les
28 pilonnages ont commencé, les tirs de canon.
Page 5191
1 Q. Le tir de canon a-t-il atteint la ville ?
2 R. Non loin du quartier où j'habitais, un obus est tombé sur la maison de
3 Pero le peintre. C'était un homme qui était d'appartenance ethnique serbe.
4 Et pour les autres, je ne sais pas exactement ce qui se passait. Je crois
5 que des tentatives ont été faites pour endommager au minimum la ville de
6 façon à en profiter davantage une fois qu'il s'en serait emparé.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous parlez d'un obus. Est-ce à
8 dire qu'il y a eu un tir d'artillerie préalable à l'entrée des forces ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui. Cet obus est tombé. D'où il a été
10 tiré je ne sais pas. Je ne suis tout de même pas un expert militaire.
11 Ensuite il y a eu des explosions continues qui, je crois, étaient dues à
12 des charges d'obus destinées à créer la peur. Cela a semé la panique dans
13 la population et la plupart du temps les gens prenaient leurs enfants par
14 la main, les mettaient dans les voitures et s'enfuyaient le plus rapidement
15 possible vers les ponts. Ceux qui étaient loin des ponts se dirigeaient
16 vers Kula et Divici pour fuir.
17 M. MARCUSSEN : [interprétation]
18 Q. Témoin, s'il vous plaît, est-ce que je vous ai bien compris lorsque
19 vous avez dit que vous êtes sorti ? Répondez-moi, s'il vous plaît, par oui
20 ou par non.
21 R. Oui.
22 Q. Avez-vous vu les forces attaquantes ou est-ce que vous avez uniquement
23 entendu ces forces ?
24 R. Au début on les entendait. Chez nous, ce que j'appellerais les voisins,
25 nous nous sommes tous réunis, nous étions tous devant nos portes, devant
26 les portes de nos maisons, et à un moment nous avons vu qu'un sniper tirait
27 dans notre direction à l'aide d'un Z-16. A ce moment-là nous avons pris la
28 fuite en nous protégeant dernière les murs des autres maisons. Nous pouvons
Page 5192
1 être contents d'être restés en vie. Nous avions peur et pour avoir un peu
2 moins peur --
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la traduction en français, vous avez parlé d'un
4 sniper qui avait un Z-16, et dans la version anglaise, le type d'arme
5 n'apparaît pas.
6 Alors, pouvez-vous bien confirmer qu'un sniper utilisait une arme
7 dont vous avez donné les caractéristiques ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans mon souvenir et pour autant que j'ai bien
9 observé les choses à ce moment-là, il n'y avait que les snipers dans les
10 bâtiments, à ce moment-là. Vous savez les distances à vol d'oiseau sont
11 très difficiles à déterminer. Je parlerais de 800 mètres à 1 kilomètre. Il
12 est difficile pour une arme normale, d'après ce que je sais, une arme de
13 soldat, il serait difficile qu'une arme nous vise avec une telle précision.
14 Nous avons supposé donc qu'il s'agissait d'une arme de sniper.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Quel type d'arme de sniper ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] De quel type d'arme s'agissait-il ? Ça je ne
17 saurais vous le dire. Ce que je sais, c'est qu'on a vu que depuis cet
18 immeuble, c'était un homme avec un fusil à la main qu'on pouvait voir. Ça
19 n'avait pas l'apparence d'une arme automatique d'après ce qu'on a pu
20 remarquer, on a supposé que c'était un sniper.
21 M. MARCUSSEN : [interprétation]
22 Q. Si je vous ai bien compris, vous n'avez pas vu les forces qui venaient
23 de Karakaj; est-ce exact ?
24 R. Non.
25 Q. Aviez-vous entendu parler avant l'attaque des forces qui se trouvaient
26 à Karakaj ?
27 R. Ce que j'ai appris, je ne l'ai pas vu, j'ai ouï dire trois jours avant
28 l'attaque sur Zvornik.
Page 5193
1 Q. De qui ?
2 R. C'était les hommes à Arkan, les hommes à Seselj et quelques personnes
3 du cru, des adeptes d'Arkan et autres.
4 Q. Et qui vous a dit cela ?
5 R. J'ai appris cela de plusieurs sources et mon père aussi me l'a dit. Il
6 les avait reconnus. Ils avaient des cocardes, des barbes, et ils portaient
7 des insignes sur leurs uniformes.
8 Q. Merci. Pour en revenir à l'attaque, vous avez été pris pour cible par
9 un tireur embusqué. Vous vous êtes enfui. Vous étiez donc à un autre
10 endroit. Est-ce que l'on vous a tiré dessus à cet endroit-là également ?
11 R. Oui. J'ai plaisanté avec ce voisin à moi, et j'ai dit : "Tu as bien
12 trouvé le moment de te marier ? Moi, au moins, j'ai eu ma lune de miel,
13 toi, tu n'en as pas eu du tout." Ensuite, il m'a un peu bousculé et il m'a
14 dit : "Mais tu n'as la tête qu'à ça ?" Et en me bousculant, à ce moment
15 même, là où il y avait ma tête l'instant d'avant, il y a eu un impact de
16 balle. Nous, on était derrière les maisons, à l'abri, aussi nous sommes-
17 nous mis à fuir.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Une question d'ordre technique.
19 Vous êtes en train de discuter avec votre voisin, et à ce moment-là,
20 il vous bouscule et vous constatez un impact de balle. Vous étiez habillé
21 comment ? Vous étiez en civil ? En tenue de camouflage ? Comment étiez-vous
22 vêtu ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais un blouson en cuir, mon blue-jean et
24 des chaussures. Des vêtements civils.
25 M. MARCUSSEN : [interprétation]
26 Q. Et à ce moment-là, vous vous êtes mis à courir. Simplement parce que
27 nous n'avons pas beaucoup de temps, où pour finir vous êtes-vous rendu ce
28 jour-là ?
Page 5194
1 R. Je me suis mis à courir en premier, et je suis arrivé à une clôture.
2 C'est une femme qui avait posé une clôture autour d'un potager où elle
3 avait planté des légumes. Je n'ai pas eu le temps d'ouvrir, j'ai arraché
4 cela par peur et je me souviens courir vers la vallée. Autour de nous il y
5 avait tout le temps des balles qui sifflaient. On sentait des éclats de
6 cailloux, de pierres nous frapper au visage. Et en passant à côté d'une
7 autre maison, on a pu voir que ce sniper avait tiré depuis Mali Zvornik et
8 ce bâtiment Krecana [phon] -- cette usine à chaux. Et on a couru le long de
9 la route pour aller vers Kula Grad.
10 Q. Vous êtes-vous rendu à Kula Grad vous-même ?
11 R. Oui.
12 Q. Vous êtes retourné à Zvornik après cela ?
13 R. Oui. Cette nuit je suis retourné à Zvornik, je suis rentré chez moi
14 pour prendre des affaires avec plusieurs voisins qui dans la panique
15 avaient oublié de prendre leurs affaires. Comme on entendait tirer de
16 partout, on est retournés à Kula Grad par la forêt.
17 Q. Est-ce que vous êtes reparti à Kula Grad le lendemain ?
18 R. On est rentrés dans le courant de la nuit même. On a passé la nuit à
19 Kula Grad.
20 Q. Est-ce que vous aviez votre fusil lorsque vous étiez à Kula Grad ?
21 R. Oui. Toutefois, ce matin-là, mon père m'a pris avec lui et j'ai remis
22 mon fusil à un ami.
23 Q. Lorsque vous étiez à Kula Grad, avez-vous vu 11 000 Bérets verts ?
24 R. C'est ridicule. Non, jamais.
25 Q. En avez-vous vu ou pas du tout ?
26 R. Non. Il y avait quelques hommes qui d'une façon ou d'une autre
27 s'étaient procuré des armes. Il y avait plusieurs policiers de réserve et
28 c'est le chiffre total, d'après mes souvenirs. Peut-être y avait-il une
Page 5195
1 quarantaine d'hommes en armes que j'ai eu l'occasion de voir.
2 Q. Kula Grad a-t-il été défendu, en quelque sorte, pendant un certain
3 temps ?
4 R. Oui. Kula Grad a été défendu. Ce premier matin, je suis allé avec mon
5 père vers un hameau, on avait de la famille là-bas, puis on a vu que ça
6 n'allait pas très bien côté nourriture chez eux non plus. Je suis allé vers
7 Divic. J'ai passé quelques journées là-bas. Puis je suis revenu une fois de
8 plus vers ce hameau sur les hauteurs, puis je suis retourné à Kula Grad un
9 jour avant que Kula Grad ne tombe.
10 Q. J'espère que je pourrai poser une question directrice sur cette
11 question, cela ne devrait pas être contesté.
12 Ai-je raison de croire qu'à Kula Grad il y a une colline, et qu'au-
13 dessus de cette colline il y a une ancienne forteresse ?
14 R. C'est ça.
15 Q. Etait-ce la position qui a été défendue pendant un certain temps ?
16 R. Oui. Dans une partie de Kula il y a cette vieille forteresse, et dans
17 une autre partie il y a ce village appelé cité. Cette cité et la forteresse
18 ont été défendues.
19 Je dirais encore, si vous le permettez, que ce premier jour -- ou plutôt ce
20 matin où nous avons fui vers ledit hameau, des chars en provenance de
21 Serbie ont tiré sur Kula Grad. Il y en avait trois qui étaient stationnés à
22 Mali Zvornik, dans un village. Etant donné que la forteresse était grande
23 et très solide, ça n'a pas fait de gros dégâts. Je ne sais pas combien de
24 coups on avait tirés, mais je sais qu'il y en a eu pas mal.
25 Quand on regarde depuis Divic, on a pu voir les impacts et les éclats
26 de pierres voler partout.
27 Q. Lorsque Kula Grad est tombé, avez-vous essayé de vous enfuir, et si
28 oui, dans quelle direction ?
Page 5196
1 R. Nous avons essayé de fuir. C'était plutôt infernal. On tirait de
2 partout. Nous, on n'avait pas d'armes; mon ami et moi, on a commencé à
3 fuir.
4 Etant donné que les chars avaient débouché de l'autre côté de Kula
5 Grad en direction de Tuzla, à vol d'oiseau c'était en direction de Tuzla,
6 nous, on a commencé à fuir vers le village de Kamenica. La population a fui
7 aussi. Comment expliquer ? C'est comme si vous regardiez un film de guerre.
8 Chacun mettait à bord de voitures ou sur des montures tout ce qu'ils
9 pouvaient embarquer ou faire entasser pour fuir.
10 Nous avons fui également en direction de Kamenica. On a été pilonné
11 tout le temps.
12 Je dirais que cette nuit-là on est arrivé dans un grand village qui
13 s'appelle Cerska.
14 Q. Pardonnez-moi si je vous interromps, mais est-ce que pour finir,
15 vous avez essayé d'arriver jusqu'à Tuzla ?
16 R. Nous en avions eu l'intention, mais il y avait un groupe de gens qui
17 étaient à Kula Grad et qui avaient des armes, et qui s'étaient frayés un
18 passage jusqu'à Tuzla. Mais nous, on n'avait pas d'armes, donc on n'osait
19 pas y aller parce qu'on tirait là-bas, et puis on a vu des chars et on a vu
20 des maisons en train de brûler.
21 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire les régions que vous avez
22 traversées, de façon générale, j'entends. Avez-vous vu des villages dans
23 les régions que vous avez traversées, et si oui, est-ce que ces villages
24 avaient été attaqués ?
25 R. Le village qui se trouvait derrière Kula Grad quand on fuyait vers la
26 vallée en contrebas -- je dirais qu'avant la guerre je ne connaissais pas
27 tellement bien ces villages, c'est pendant la guerre que je les ai connus.
28 Derrière Kula, il y avait un village, Marchcici, ou un hameau, que sais-je.
Page 5197
1 En haut il y avait des maisons qui brûlaient et des chars étaient en train
2 de tirer sur Kula parce qu'ils étaient placés un peu plus haut que Kula. Et
3 nous, on a fui vers Josanica, il y a plusieurs villages et plusieurs
4 collines. Et de tous ces villages-là, il y avait des gens qui fuyaient, qui
5 se cachaient dans les bois, et nous, on a fui, et en fuyant on a trouvé des
6 petits bois où 100 ou 200 personnes s'étaient cachées avec des enfants, des
7 vieillards.
8 Et on est tombé sur un autre groupe de gens qui s'étaient battus sur Kula.
9 Ils avaient un blessé qui a succombé par la suite.
10 Mais nous on a fui. Je vous dirais que tous ces villages avaient plié
11 bagage et on a pu voir depuis les collines d'après tous ces villages qui
12 commençaient à être pilonnés, et tout le monde fuyait en direction de
13 Cerska.
14 Q. Pour finir, avez-vous été capturé ?
15 R. Oui.
16 Q. Etiez-vous tout seul lorsque vous avez été capturé ?
17 R. Non, je n'étais pas seul, on était cinq.
18 Q. Pourriez-vous nous donner le nom des autres personnes, des quatre
19 autres ?
20 R. Est-ce qu'on peut passer à huis clos partiel, je n'aimerais pas
21 dévoiler l'identité.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer à huis clos partiel.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous sommes
24 actuellement à huis clos partiel.
25 [Audience à huis clos partiel]
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 5198
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 [Audience publique]
18 M. MARCUSSEN : [interprétation]
19 Q. A quelle date avez-vous été capturé environ, si vous le savez ?
20 R. Le 4 mai, 1992. Bien sûr, c'est ce jour-là que Tito est mort.
21 Q. Je crois qu'il nous faut avancer un petit peu dans le temps. Est-ce
22 qu'au cours de cette même journée vous avez été emmené quelque part où vous
23 avez été détenu ?
24 R. On nous a emmenés ensuite -- je vais essayer, excusez-moi, d'aller
25 chronologiquement, vous voulez que je vous dise où on nous a emmenés ou où
26 est-ce qu'on a abouti en fin de journée ?
27 Q. Tout simplement, pour aller plus vite, il faut très simplement que vous
28 nous disiez où, pour finir.
Page 5199
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5200
1 R. On a abouti à Standard, une usine de chaussures à Zvornik, dans le
2 bâtiment de la direction au deuxième étage.
3 L'INTERPRÈTE : Les interprètes entendent mal le témoin et lui demandent de
4 se rapprocher du micro.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, pouvez-vous vous rapprocher du
6 micro quand vous parlez parce que les interprètes ont du mal -- ou parlez
7 plus fort ?
8 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je souhaite afficher maintenant le numéro
9 65 ter 4052, s'il vous plaît. Voilà.
10 Q. Est-ce qu'il s'agit là de l'usine de chaussures Standard ?
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. J'ai été assez patient, Monsieur le
12 Président, lorsqu'il s'agit de relations personnelles ou familiales et je
13 ne suis pas intervenu pour ce qui est des questions suggestives qui ont été
14 posées, mais pour ce qui est de cette photo, la question à poser était
15 celle de savoir : "Qu'est-ce que c'est ?" plutôt que de dire : "Est-ce que
16 ceci est bien cela ?" Il faut prévenir le Procureur de la façon dont il
17 convient de conduire son interrogatoire.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur le Procureur, vous présentez la
19 photo, puis demandez-lui c'est quoi cette photo. Je sais que vous avez
20 essayé de gagner du temps.
21 M. MARCUSSEN : [interprétation]
22 Q. Je pensais que c'étaient des questions qui n'étaient pas contestées par
23 l'accusé, mais -- savez-vous ce que c'est ?
24 R. C'est l'usine de chaussures appelée Standard, mais nous, on a été
25 enfermés dans le bâtiment de la direction.
26 Q. Est-ce qu'on voit cette partie de l'usine sur la photo ?
27 R. Oui. Non, non, on ne voit pas cette partie-là de l'usine.
28 Q. Etiez-vous toujours avec vos quatre amis à ce moment-là ?
Page 5201
1 R. Oui.
2 Q. Dans ce bâtiment où il y avait la direction, ou plutôt, il y avait
3 l'administration, dans quelle partie du bâtiment vous a-t-on placé ?
4 R. On nous a casés au deuxième étage. Lorsque vous vous mettez face au
5 bâtiment, c'est le deuxième étage juste en face. Et en montant l'escalier,
6 quand vous êtes au deuxième étage, vous prenez à droite et une porte tout
7 droit, une grande salle.
8 Q. La pièce dans laquelle on vous a emmenés, est-ce qu'il y avait eu
9 d'autres personnes qui étaient détenues à cet endroit-là lorsque vous y
10 êtes arrivé ?
11 R. Oui. D'abord on nous a fouillés. On nous a mis contre le mur puis on
12 nous a fait entrer dans la pièce. Dans la pièce il y avait plusieurs
13 personnes que je connaissais déjà. Certains étaient originaires de Divic,
14 d'autres de Zvornik.
15 Q. Lorsqu'on vous a fouillés, est-ce qu'on vous a enlevé certains objets
16 ou est-ce qu'on vous a simplement fouillé ?
17 R. Devant le poste du SUP à Zvornik, on m'a confisqué mon bracelet et ma
18 chaîne en or.
19 Q. Ai-je raison de dire que ceci fait partie de la séquence chronologique
20 que nous n'avons pas abordée ?
21 R. C'est cela. Oui.
22 Q. Donc à l'usine Standard, ils vous ont fouillés à nouveau, mais on ne
23 vous a rien enlevé; est-ce exact ?
24 R. Non.
25 Q. Donc on vous a fouillé et ensuite on vous a enlevé des objets; c'était
26 comme ça ?
27 R. On nous a fouillés, puis on nous a fait entrer dans cette pièce, et
28 ensuite il est venu un membre de la police militaire qui se trouvait être
Page 5202
1 là. Je ne me souviens plus de son grade. On le surnommait Mrki, et il en a
2 pris deux d'abord pour qu'ils rédigent une déclaration. Ensuite, il est
3 venu et il m'a pris moi et un autre ami pour qu'on fasse nos déclarations.
4 Lorsqu'on est entré dans la pièce, il y avait une feuille de papier et un
5 stylo. Il allait et venait dans la pièce. Il nous a dit d'écrire : quand
6 est-ce qu'on est né, où est-ce qu'on est né, et pourquoi on est né, où est-
7 ce qu'on était depuis le début depuis qu'on a commencé à échanger des tirs
8 jusqu'au jour d'aujourd'hui.
9 Q. Lorsque vous avez fait votre déclaration, est-ce que vous avez été
10 maltraité d'une manière ou d'une autre ?
11 R. Non. Il nous a dit que c'était un homme juste, honnête, et qu'il ne
12 battait personne, mais qu'il avait des ordres pour ce qui est des personnes
13 qu'on emmenait là et ces ordres disaient qu'il fallait tabasser les gens et
14 s'il fallait tabasser il fallait cogner dans les reins, alors il percutait
15 un peu contre la porte et nous on faisait du bruit, on poussait des cris
16 pour qu'à l'extérieur les gens aient l'impression qu'on nous battait, mais
17 il ne nous a pas touchés.
18 Q. Mais est-ce qu'il vous a dit qu'il avait reçu des consignes et qu'il
19 devait vous frapper ?
20 R. Oui. Il a dit qu'il avait des ordres disant que toute personne
21 appréhendée à l'occasion de l'interrogatoire était censée être battue pour
22 lui.
23 Q. Les gens qui montaient la garde devant l'usine Standard et qui devaient
24 monter la garde là où il y avait les prisonniers, est-ce qu'ils portaient
25 un uniforme ?
26 R. Ils portaient des uniformes vert olive portés par l'armée populaire
27 yougoslave. Ils avaient des ceinturons blancs, tels que ceux portés par la
28 police militaire.
Page 5203
1 Q. Savez-vous qui était leur chef à l'usine Standard ?
2 R. Je ne peux pas l'affirmer avec une certitude à 100 %, mais je suppose
3 que d'après les situations, j'ai l'impression que c'était Niski pour toute
4 la police militaire. Mais je ne peux pas être absolument certain, dire que
5 c'était pour la police militaire en entier.
6 Q. Niski, comment avez-vous appris son nom ?
7 R. Tout le monde l'appelait comme ça. Je ne sais pas s'il a fait du mal à
8 quiconque. Pendant toute la durée de mon séjour là-bas, je l'ai ouï dire.
9 Je n'en suis pas sûr, donc j'ai ouï dire que c'était un homme à Arkan.
10 D'autres disaient que c'était un homme Seselj. Moi, j'ai entendu dire que
11 c'était un homme à Arkan. En principe il s'efforçait tout le temps de
12 protéger les détenus. C'est ce que nous avons perçu. Pour ce qui est des
13 autres endroits, je ne peux pas vous en parler, je n'ai pas été présent là-
14 bas, mais pour l'essentiel s'il y en a qui mérite une opinion positive de
15 ma part, c'est bien lui.
16 Q. Niski, c'est un véritable nom ou est-ce un surnom ?
17 R. C'est un surnom, mais c'est ainsi que tout le monde l'appelait.
18 Q. Lorsque vous étiez dans l'usine Standard, est-ce qu'on vous a donné du
19 travail ?
20 R. Nous avons nettoyé les locaux. C'est dans ces pièces que je trouvais
21 différentes unités. Il me semble que sur la droite il y avait les membres
22 du groupe de sabotage, à gauche il y avait les éclaireurs et en montant à
23 l'étage, quand je dis qu'on monte, on monte au premier étage et sur la
24 droite, il y avait les gens de Loznica, à gauche la police militaire; et au
25 deuxième étage, à droite il y avait nous, les détenus, et à gauche les
26 hommes à Seselj.
27 Q. L'interprète vous a demandé de ralentir, s'il vous plaît. Ils ont du
28 mal à vous suivre.
Page 5204
1 R. Je m'excuse.
2 Q. Pourriez-vous simplement répéter, s'il vous plaît, quelles unités se
3 sont trouvées à cet endroit-là parce que je crois que ceci n'a pas été bien
4 entendu.
5 R. Il y avait les éclaireurs et les membres du groupe de sabotage au rez-
6 de-chaussée. Au premier étage, il y avait les gens originaires de Loznica
7 parce qu'on leur portait les lits là-bas et il y avait la police militaire
8 aussi. C'est ce qu'il me semble. Je pense que c'était la police militaire.
9 Et au deuxième étage, en accédant par l'escalier, à droite il y avait nous
10 les détenus, et à gauche il y avait les hommes à Seselj, originaires de
11 Kraljevo.
12 M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous allons
13 aborder plus en détail l'identité d'un certain nombre de ces unités et
14 donner des détails des membres de ces unités, mais l'heure est peut-être
15 venue de faire la pause.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire une pause de 20 minutes.
17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 00.
18 --- L'audience est reprise à 10 heures 21.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Continuez. Oui.
20 M. MARCUSSEN : [interprétation] Il nous manque un acteur principal.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors l'audience est reprise.
22 Alors, Monsieur Marcussen, donc j'ai compris que vous aviez besoin
23 donc de trois heures avec celui-là, ce témoin, et deux heures avec l'autre
24 témoin. Ce qui fait que les trois heures que vous utilisez, M. Seselj aura
25 trois heures aussi pour le contre-interrogatoire.
26 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant de
27 poursuivre, je voudrais demander le versement de cette photographie
28 montrant l'usine de chaussures Standard, la pièce 4052.
Page 5205
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, ce sera la
3 pièce P00303. Merci.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Président, le Procureur
5 devrait plutôt nous trouver la photographie du bâtiment administratif de
6 Standard pour verser au dossier, puisque le témoin a déclaré que les
7 détenus étaient placés dans ce bâtiment administratif et que c'est là qu'il
8 y avait les membres de l'armée, maintenant il nous verse au dossier une
9 photographie qui manque totalement de pertinence. S'ils n'ont pas la
10 photographie du bâtiment administratif de Standard, ils peuvent envoyer
11 l'un de leurs hommes sur place pour prendre une photo.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez pas la photo du bâtiment administratif ?
13 M. MARCUSSEN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
14 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez fourni une déclaration au
15 bureau du Procureur en 1996 ?
16 R. Je l'ai fait.
17 Q. Lorsque vous avez fourni cette déclaration, est-ce que vous avez aussi
18 dessiné plusieurs croquis de façon à indiquer les différents endroits où
19 vous vous êtes trouvé ?
20 R. Oui, je l'ai fait.
21 Q. Et ces croquis, est-ce que vous les avez signés et datés au moment de
22 les dessiner ?
23 R. Oui, je l'ai fait.
24 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais maintenant demander que soit
25 affichée la pièce 2208.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Madame, Messieurs les Juges, je vois
27 qu'à plusieurs reprises c'est de manière très minutieuse et consciencieuse
28 que vous êtes intervenus lorsque le Procureur demandait au témoin
Page 5206
1 d'identifier quelque chose qu'il avait marqué précédemment sur une
2 photographie. Et à présent, le Procureur nous présente quelque chose qui
3 avait été dessiné il y a bien longtemps par le témoin. Il me semble que
4 ceci est inadmissible, indépendamment du fait que cela ne me gêne peut-être
5 pas vraiment, peut-être que c'est fidèle à la réalité des choses. Je n'ai
6 pas raison de douter de ce que le témoin a dit jusqu'à présent, mais je
7 pense que c'est tout à fait inacceptable car, depuis 1996, 12 années se
8 sont écoulées, les employés du bureau du Procureur étaient libres de tout
9 photographier, de procéder à des esquisses précises que le témoin aurait pu
10 être appelé à identifier ici, au lieu de nous présenter un croquis vieux de
11 12 ans que l'on demande au témoin d'identifier ici.
12 J'aimerais que le Procureur dise tout d'abord à quoi correspond cette vue.
13 Une vue aérienne ou quel genre de vue ?
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Le témoin a fait ce croquis le 29 septembre 1996. Je
15 présume que l'enquêteur qui était avec lui dont le nom doit figurer sur la
16 déclaration, qui est donc Mazhar Inayat, qui était l'enquêteur, a dû lui
17 demander d'indiquer ce bâtiment administratif et de localiser les
18 différentes personnes, unités, et cetera, alors même qu'ils n'avaient pas
19 de photo. S'ils avaient une photo, ça aurait été beaucoup plus simple, et
20 de sa main il a dessiné cela.
21 Alors ce qui nous intéresse, nous, c'est qui se trouvait au deuxième
22 étage, droite. Voilà, c'est le plus important pour vous.
23 Alors, Monsieur le Procureur.
24 M. MARCUSSEN : [interprétation]
25 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais d'abord vous demander ceci, est-ce que
26 c'est un croquis que vous vous souvenez avoir tracé ?
27 R. Oui, c'est ça.
28 Q. Je vois qu'il y a des annotations manuscrites dans votre langue, mais
Page 5207
1 qu'il y a aussi quelques mentions à la main en anglais. Qui a apporté les
2 annotations dans votre langue ?
3 R. C'est moi qui ai écrit cela.
4 Q. Et s'agissant des mentions en anglais, qui les a inscrites ?
5 R. Je pense que c'était l'enquêteur de l'époque; il posait des questions
6 et, en tant qu'explications, il ajoutait par exemple les mentions d'étages.
7 Q. Merci. On voit une croix, je pense qu'elle se trouve dans le bâtiment
8 administratif. On voit une espèce de case avec une croix à l'intérieur.
9 Qu'est-ce que c'est ?
10 R. Ça, c'était nous, c'est là qu'on était placés, nous, les détenus.
11 Q. Qu'est-ce qu'on voit à côté de cette croix ?
12 R. C'est l'abréviation pour marquer "prisonniers".
13 Q. Puis il y a un numéro 1, qu'est-ce que dit ce mot ?
14 R. Ça, c'est les hommes à Seselj, et Kraljevcani.
15 Q. Et au numéro 2 ?
16 R. C'est des hommes de Loznica [phon], à la police.
17 Q. Le numéro 3 ?
18 R. Au 3, c'est la police militaire.
19 Q. Au numéro 4 ?
20 R. Les éclaireurs et les membres de l'unité de sabotage au 5.
21 Q. Quand vous dites les autres, c'est le numéro 5, ou qu'est-ce que c'est
22 que le numéro 5 ?
23 R. Ça, c'étaient les membres de l'unité de sabotage.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, comment saviez-vous que tous ces
25 gens-là étaient répartis au rez-de-chaussée, premier étage, et vous-même,
26 au deuxième étage ? Vous, on le comprend puisque vous étiez prisonnier.
27 Mais comment vous saviez qu'il y avait l'unité de sabotage qui était au
28 rez-de-chaussée ? Comment saviez-vous tout ça ?
Page 5208
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Plusieurs fois on m'a emmené balayer les
2 locaux à l'intérieur du bâtiment. Et à chaque fois que j'entrais dans ces
3 pièces, il était écrit sur une grande feuille, "membres de l'unité de
4 sabotage", "éclaireurs", "police militaire", "police".
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Et alors, les hommes de Seselj, c'était écrit sur
6 une feuille aussi, "les hommes de Seselj" ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Là, ce n'était pas écrit. Mais c'était à eux
8 les pièces. Je le sais parce que premièrement ils venaient là, parfois ils
9 venaient nous voir et aussi parce qu'ils ont emmené un de mes amis là-bas
10 pour l'entendre. C'était leurs pièces, que je n'ai pas nettoyées. Mais j'ai
11 nettoyé toutes les autres pièces.
12 M. MARCUSSEN : [interprétation]
13 Q. Est-ce que plus tard pendant le temps que vous avez passé dans cette
14 usine et dans d'autres endroits dont nous allons parler plus tard, est-ce
15 que vous avez eu l'occasion d'apprendre plus de choses quant à l'identité
16 du groupe de ces hommes de Seselj ?
17 R. Est-ce que ça vous serait possible de répéter la question ? Je n'ai pas
18 très bien, ou bien Mme n'a pas très bien compris -- les identités qui vous
19 intéressent, est-ce que j'ai appris à ce moment-là ou plus tard ?
20 Q. Je vous demandais ceci : vous étiez au courant de cette pièce-là dans
21 l'usine Standard, mais est-ce que vous avez eu aussi des contacts plus ou
22 moins rapprochés avec les hommes du groupe de Seselj à divers moments
23 pendant tout le temps dont nous avons parlé au cours de cette audience ?
24 R. Oui, je vois. Oui, c'était le cas. Le commandant Toro est venu. Il
25 nous a enregistrés avec une caméra vidéo. Il fallait qu'on donne notre nom,
26 notre prénom. Et plus tard, j'ai appris que cet enregistrement a été
27 diffusé à la télévision de Serbie et qu'on a dit qu'un groupe de sabotage
28 avait été capturé qui avait tenté de s'infiltrer dans Zvornik.
Page 5209
1 Une fois, il y a eu des gens qui sont venus nous voir, mais qui ne nous
2 assénaient pas de coups. Le Vojvoda Cele est venu une fois. Et il me semble
3 qu'à ce moment-là, il avait un ou deux grands couteaux accrochés à sa
4 ceinture, il riait et il touchait son couteau. Puis Sasa du groupe de
5 Kraljevo est venu et il a dit : "Maintenant un homme tout à fait à part
6 viendra. C'est quelqu'un de très rare qui va vous parler. Vous n'avez pas
7 le droit de le regarder droit dans les yeux. Il faut lui dire honorable M.
8 Vojvode, si vous vous adressez à lui, et s'il y en a parmi vous qui savent
9 qui à Zvornik a fait du trafic ou autres, il faut le dire à cet homme." Et
10 l'un d'entre nous s'est présenté, il est allé dans ces pièces avec eux et
11 il y a passé une heure et demie.
12 Q. Lorsque vous avez fait votre déclaration en 1996, avez-vous eu
13 l'occasion de revoir cette déclaration avant de venir déposer ici ?
14 R. Oui, j'ai eu l'occasion de la revoir.
15 Q. Dans cette déclaration préalable, est-ce que vous faites la description
16 de plusieurs hommes du groupe de Loznica ainsi que du groupe de Seselj ?
17 R. Oui. Bien sûr, c'est en fonction de ce que j'ai vu. Et en principe,
18 j'ai toujours essayé de comparer leur taille à la mienne donc quelques
19 centimètres plus ou moins. Mais tout ça, c'était dû à mon évaluation, au
20 pif.
21 Q. Vous vous êtes préparé à l'audition d'aujourd'hui, est-ce qu'au cours
22 de cette préparation on vous a montré un extrait de votre déclaration, cet
23 extrait étant la liste des différents membres des deux groupes dont vous
24 avez parlé dans votre déclaration préalable ?
25 R. Oui, c'est cela, on m'a montré.
26 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de revoir cette liste, de la
27 vérifier pour voir si elle était exacte ?
28 R. Oui.
Page 5210
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5211
1 Q. Est-ce que vous avez apporté des corrections à cette liste ?
2 R. Oui, j'ai tenté de me rappeler au mieux, d'après mes souvenirs, mais
3 dans la mesure du possible parce que beaucoup de temps s'est passé. Je l'ai
4 fait, comment dirais-je, au mieux de ce que je sais.
5 M. MARCUSSEN : [interprétation] Puis-je demander à Mme l'Huissière de
6 m'aider, je voudrais montrer au témoin une copie de ce document.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Président, on présente
8 maintenant au témoin, non pas un document qu'il a signé, mais un document
9 qui a été établi par le Procureur, paraît-il, sur la base de sa
10 déclaration. Et on suggère au témoin qu'il faut répéter tout ce qu'il avait
11 dit au sujet de ces différents individus, leurs surnoms. Je pense que c'est
12 absolument inadmissible.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur le Procureur.
14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Cette liste, en fait, a été signée par le
15 témoin. La liste à proprement parler a été saisie dans le système, elle a
16 été communiquée à l'accusé, elle porte le numéro de la liste 65 ter, 7184.
17 Et au moment du récolement, c'est d'ailleurs la question que j'allais poser
18 au témoin, comme il l'a dit, il a réexaminé cette liste, il y a apporté
19 quelques corrections à partir de ses souvenirs. Cette liste, il l'a signée
20 et il a daté chacune des directions qu'il a apportées. Et j'allais lui
21 demander confirmation de la signature et demander le versement de ce
22 document au dossier.
23 C'est ce que j'allais faire, et je ne pense pas que ceci justifie une
24 objection.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, si je comprends bien, dans sa
26 déclaration écrite, il a décrit un, deux, trois, quatre, cinq, six membres
27 des hommes de Seselj. Le Vojvode Cele, le major Toro, Pufta, Zoks, Sasa et
28 Sava. Et donc cette description vous l'avez répertoriée intégralement dans
Page 5212
1 ce document avec quelques petites modifications; c'est ça ?
2 M. MARCUSSEN : [interprétation] Voici ce que nous avons fait, c'est exact.
3 Nous avons retiré de la déclaration les descriptions et nous avons enlevé -
4 - il n'y avait pas grand-chose mais il n'y avait que -- qui n'étaient pas
5 que des descriptions. Nous avons donc la description de ces personnes,
6 établi une liste qui a été examinée par le témoin qui a confirmé que ceci
7 correspondait à ses souvenirs. Cette liste il l'a signée hier, et parce
8 qu'il voulait apporter quelques ajouts et quelques modifications, il les a
9 incorporés dans la liste, liste qu'il a signée.
10 C'est une liste en deux moments. Il y a le groupe de Loznica, c'est
11 aussi pertinent en l'espèce ainsi que le groupe des hommes, enfin, de ce
12 qu'on appelle les hommes de Seselj.
13 C'est simplement de façon à déterminer l'identité rapidement, c'est
14 tout. Je suis tout à fait prêt à examiner ce document avec le témoin.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. La liste qui est à la pièce 2195 est donc
16 la liste corrigée par rapport à la déclaration écrite; c'est bien ça ?
17 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je pense que la cote que vous avez dans
18 votre classeur c'est 7184.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Excusez-moi, j'ai fait une erreur. C'est 7184.
20 Bien. Alors quels sont les détails qu'il a changés ?
21 M. MARCUSSEN : [interprétation] Il est peut-être utile de vous distribuer
22 une copie de cette liste. Je voulais d'abord établir une justification à
23 cette base par une question posée au témoin, mais on peut le faire
24 inversement.
25 Tout ceci a été fait hier soir, malheureusement les modifications et
26 les traductions sont apportées à la main, mais j'ai un exemplaire pour tout
27 le monde, pour la Chambre, pour l'accusé.
28 Madame et Messieurs les Juges, si vous regardez le bas de la première
Page 5213
1 page, vous verrez une signature et une date. Si vous prenez la seconde
2 page, vous allez voir les corrections qui ont été apportées et dans la
3 version en anglais, vous verrez quelles sont ces corrections.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que c'est un
5 scandale. Tout d'abord --
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Ne dites pas que c'est un scandale. Il y a un
7 enquêteur qui rencontre le témoin en 1996, au mois de septembre, et il lui
8 demande de décrire les gens qu'il a vus quand il balayait ou qui se
9 trouvaient dans ce bâtiment. A ce moment-là, le témoin relate et décrit
10 exactement de son point de vue qui étaient ces gens, par exemple, le
11 Voïvode Cele, qui était le leader du groupe, il venait de Kraljevo. Il
12 mesurait un mètre 72, il pesait 100 kilos, il avait un estomac proéminent,
13 les cheveux noirs, et cetera. Voilà le détail qu'il donne. Et pendant le
14 "proofing", il a rajouté quelques corrections qui sont peu nombreuses et
15 qui sont dans la version anglaise en page 2 et dans la version B/C/S en
16 page 2. Voilà, c'est tout.
17 Donc ne dites pas que c'est un scandale. C'est un moyen d'obtenir des
18 éléments d'identification sur les gens qui étaient là. Et plutôt que de
19 dire que c'est un scandale, j'appelle votre attention sur le paragraphe qui
20 concerne le major Toro, où il semblerait qu'il ait une carte
21 d'identification militaire qui pouvait peut-être laisser supposer qu'il
22 membre de la JNA.
23 Alors, avant de critiquer, écouter d'abord les questions du
24 Procureur, et pendant le contre-interrogatoire vous aurez le temps à ce
25 moment-là de démolir si vous le voulez.
26 Ce que nous sommes en train d'essayer de comprendre sur la présence
27 d'individus dans ce bâtiment administratif dont le témoin dit qu'il y avait
28 des membres des hommes de Seselj. Alors, qui sont ces hommes, on va essayer
Page 5214
1 d'y voir clair.
2 Alors, continuez, Monsieur le Procureur.
3 M. MARCUSSEN : [interprétation]
4 Q. Monsieur le Témoin, est-il exact que vous avez apporté des corrections
5 et que vous avez signé le document que vous avez corrigé ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant vous tolérez une question
7 incroyablement directrice. Est-ce qu'il a raison ? Bien sûr le Procureur a
8 toujours raison devant ce Tribunal. Et là, vous me direz que ce n'est pas
9 un scandale.
10 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je pense que ceci a déjà été dit à
11 plusieurs reprises autant par M. Le Président de la Chambre que par vous-
12 même, c'est vous-même qui avez soulevé la question. Ce document a été
13 signé. Donc je pense que maintenant on est dans des formalités assez
14 puriles [phon] où il n'y pas de questions directrices si je pense que c'est
15 bien une signature et une date. Je pense que là on perd vraiment du temps.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, oui on perd du temps parce qu'il a signé le
17 document, donc il l'authentifie les modifications qui sont vraiment
18 minimes.
19 Continuez, Monsieur le Procureur.
20 M. MARCUSSEN : [interprétation]
21 Q. Monsieur le Témoin, essayons de voir quelle est la base, le socle sur
22 lequel vous vous basez pour faire ces descriptions. Vous avez décrit ces
23 gens qui sont énoncés ici. Est-ce que ça part des observations que vous
24 avez faites à l'usine de chaussures ou est-ce que vous avez revu ces
25 personnes à d'autres moments dans des endroits où vous avez été en
26 détention ?
27 R. Ça correspond à toute la période de mon séjour à différents endroits,
28 c'est-à-dire à différents camps de concentration. Et à travers tout ce que
Page 5215
1 j'ai vécu, j'ai tiré des conclusions. Et si parfois j'ai eu l'occasion
2 d'être face ou côté d'eux, j'essayais de me rappeler leur taille et leur
3 poids par rapport au mien.
4 Q. Et quand avez-vous été relâché de ce que vous appelez ces camps de
5 concentration?
6 R. Le 4 décembre 1992.
7 Q. Est-ce que je vous ai bien compris, à partir du mois de mai et jusqu'en
8 décembre 1992, vous vous êtes trouvé dans plusieurs endroits et vous avez
9 eu l'occasion de voir ces personnes ?
10 R. C'est cela. Jusqu'en juillet, 15 juillet, c'est là qu'on nous a
11 transportés à Batkovici.
12 Q. Excusez-moi, jusqu'au mois de juillet.
13 Mme LE JUGE LATTANZI : [chevauchement] les prétendus hommes de Seselj qu'il
14 a vus dans l'usine Standard, parce qu'autrement je ne me retrouve pas. Si
15 cette liste correspond à toute la période ? Mais maintenant on est sur
16 l'usine. Est-ce qu'on peut s'arrêter là et voir ce qu'il sait sur les
17 hommes de -- les hommes prétendus de Seselj qui étaient là ?
18 M. MARCUSSEN : [interprétation] Tout à fait, Madame le Juge. Je voulais
19 poser quelques questions supplémentaires sur l'identification, puis au fur
20 et à mesure vous allez voir plusieurs de ces noms que vous allez retrouvés
21 dans divers contextes au cours de cette période dont nous venons de parler.
22 Vous allez en trouver certains à l'usine Standard, d'autres dans d'autres
23 endroits dont nous allons parler. Mais je pensais qu'il serait utile de
24 présenter ces personnes dès maintenant de façon à ce que nous sachions tous
25 de qui nous parlons, puis nous allons parler des différentes actions.
26 Permettez-moi de poser juste quelques petites questions.
27 Q. Si nous parlons du groupe des hommes de Seselj, à propos de Toro, vous
28 dites qu'il avait une carte d'identification militaire qui montrait que
Page 5216
1 c'était un des hommes de Seselj ou l'un des hommes de l'armée de Seselj,
2 comme c'est dit dans la traduction. Est-ce qu'à un moment donné vous avez
3 vu cette pièce d'identité militaire ?
4 R. Je n'ai pas vu de carnet militaire. Un ami m'a dit qu'il l'a vu. Moi,
5 plus tard en travaillant, en pillant dans la ville pour eux, pour leur
6 compte, à un moment donné lorsque le commandant Toro transmettait des
7 grandes sommes d'argent de main en main, en envoyant cela à Kraljevo près
8 d'un camion, il lui est resté une carte d'identification noire dans sa
9 main, et il me semble que les lettres étaient un peu argentées ou dorées,
10 il y avait une cocarde qui était dessinée, et ce qui était écrit, c'était
11 "Parti radical serbe." J'ai supposé que c'était une carte de membre. Nous
12 avions comme des cartes d'identité. Je ne sais pas si c'était une véritable
13 carte d'identité. Je ne peux pas vous le dire avec certitude parce que
14 j'étais sur le camion, j'étais en train de charger, j'ai vu l'argent. Vous
15 savez, quand on transmet une somme très importante, une liasse, c'étaient
16 des liasses de billets de marks qu'on transmettait. Il lui a dit : "Prends
17 ça, et tu sais ce qu'il faut faire."
18 Q. Et pour ce qui est de Sasa et Sava, savez-vous s'ils avaient un grade,
19 avez-vous entendu dire qu'ils avaient un grade au sein du groupe de Seselj
20 ?
21 R. Pour Sasa je ne me souviens pas, et pour Sava, ils ont raconté, je
22 crois que c'était au mois de juin, que Seselj était venu à Zvornik et qu'il
23 avait promu Sava au grade de commandant. Et Sava, cette nuit-là, nous a
24 dits qu'il y avait une grande fête parce que Zoks et Pufta avaient été
25 promus au grade de capitaine.
26 Q. Qui étaient les deux autres ?
27 R. Pufta et Zoks, ils sont décrits ici également, ils ont été promus.
28 Q. Et vous, vous avez entendu cette conversation; c'est cela ?
Page 5217
1 R. Oui, Zoks, cet un ami à moi. J'avais de bons rapports avec lui, donc je
2 lui ai dit : "Félicitations, et le lendemain il l'a remercié. Je lui ai dit
3 : "Félicitations pour la promotion." Et il a répondu : "Merci, merci."
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Zoks, vous dites : "C'est un ami à moi." Donc vous
5 le connaissiez avant ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Il y a eu une erreur
7 d'interprétation. Je n'ai pas dit qu'il était mon ami, mais un ami à moi
8 l'a félicité pour sa promotion. Et il a dit : "Merci," à un de mes amis
9 avec qui j'ai été capturé des le début.
10 M. MARCUSSEN : [interprétation]
11 Q. Monsieur le Témoin, s'il vous plaît, il faut absolument que vous
12 parliez plus fort parce que sinon les interprètes arrivent absolument pas à
13 vous entendre, n'arrivent pas à interpréter.
14 Donc sur cette liste, vous avez aussi le groupe Loznica. Donc est-ce que
15 vous connaissiez les membres de ce groupe avant la guerre ?
16 R. Oui.
17 Q. Comment les avez-vous connus ?
18 R. Je les connaissais parce que nous, nous allions souvent à Loznica, eux
19 venaient quelquefois à Zvornik. C'était un groupe d'hommes qui étaient
20 connus de la police et ils avaient pas mal d'antécédents et quand ils
21 arrivaient dans une ville, comme d'habitude on essaie de savoir qui on doit
22 respecter et c'étaient ces gens-là. On cherche à voir si d'une façon ou
23 d'une autre on peut leur payer un verre pour qu'ils -- nous fassent rien de
24 mal.
25 Donc nous nous connaissions de vue. Et il y en avait même un parmi
26 eux que je connaissais un peu mieux. C'était le dirigeant Stuka. Je ne le
27 connaissais pas particulièrement bien, mais il nous est arrivé à plusieurs
28 reprises de boire un verre ensemble. Nous avons fait connaissance par le
Page 5218
1 truchement d'une jeune fille, et je n'aimerais pas raconter les détails qui
2 sont un peu intimes.
3 Q. Ce groupe, est-ce que vous saviez qui était leur chef à Zvornik ?
4 R. C'était toujours Stuka qui les amenait, mais leur vrai dirigeant était
5 Gogic. C'est ce qui se racontait. C'est ce qu'on a entendu. Gogic, lui, ne
6 venait pas, n'est pas venu au moment où on nous a chargés à bord du
7 véhicule, mais il avait une Gulf rouge. Il nous a menés --
8 Q. Avez-vous jamais appris de quoi -- entendu une conversation pour savoir
9 à qui il rendait compte en dehors de l'usine Standard ?
10 R. -- puisse y prendre un certain nombre d'objets.
11 Oui, oui.
12 Q. Mais à qui donc rendait-il compte ?
13 R. Alors on parle bien maintenant du jour où ils nous ont frappé, ces
14 hommes de Loznica. Alors Niski a fait irruption, il a arrêté le passage à
15 tabac, il s'est disputé avec eux, et à ce moment-là Stuka lui a dit : "S'il
16 y a quelque chose que tu ne comprends pas bien, tu peux t'adresser à Marko
17 Pavlovic, c'est le seul homme qui me donne des ordres."
18 Q. Savez-vous quel était le poste de Marko Pavlovic à Zvornik ?
19 R. D'après ce que j'ai appris dans des conversations entre les gardiens,
20 il dirigeait à ce moment-là la défense de la ville, si j'ai bien compris,
21 la défense de la ville par les Serbes.
22 M. MARCUSSEN : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, maintenant
23 passer à huis clos partiel pour une question.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Huis clos.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
26 [Audience à huis clos partiel]
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 5219
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page 5219 expurgée. Audience à huis clos partiel
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5220
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 [Audience publique]
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, avant que tout cela se
13 termine, je voudrais simplement vous dire qu'il n'y pas de contestation au
14 sujet du nom mais au sujet de la précision du Procureur et de son
15 implication dans l'affaire. Quant à cette histoire de nom elle est claire
16 pour le Procureur d'ici et pour le tribunal de Belgrade, il n'y a pas de
17 contestation au sujet du nom. (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, c'est au transcript. Alors on va passer en
21 audience publique, si c'est fait déjà, oui.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pour le compte rendu, je tiens à dire que
23 nous sommes maintenant en audience publique.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, il faut faire une ordonnance là pour effacer la
25 ligne -- les lignes concernant celui qui a été jugé à Belgrade.
26 M. MARCUSSEN : [interprétation] Cela dit, il me semble que cela a été dit
27 en audience à huis clos partiel, non ?
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Il n'y a que le Greffier qui peut le savoir.
Page 5221
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5222
1 En "open session" il y a à la ligne 12 de la page 55.
2 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je ne pense pas que la mention de
3 l'identité de cette personne n'est pas vraiment un problème en l'espèce. Si
4 vous êtes inquiété à propos de l'identification de cette personne qui a été
5 jugée devant le tribunal des crimes de guerre à Belgrade, nous n'avons --
6 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre préfère effacer à titre de précaution.
7 M. MARCUSSEN : [interprétation]
8 Q. Témoin, s'il vous plaît, je pense que nous devons un petit peu avancer.
9 Le cinquième jour de votre détention à l'usine Standard, avez-vous été
10 maltraité ce jour-là, subi des sévices ?
11 R. Oui. Le cinquième jour de notre séjour, les hommes de Loznica sont
12 arrivés. Stuka les a fait entrer et il a demandé : "Est-ce que quelqu'un me
13 connaît." Nous avons baissé la tête, certains d'entre nous le
14 connaissaient. Il a dit : "Bon, personne ne me connaît." A ce moment-là ils
15 se sont répartis parmi nous et ils ont commencé à nous frapper.
16 Il y en avait un que je connaissais sous le prénom de Dejan. Il s'est
17 tenu debout à côté de moi, et a dit : "Moi, je le prends lui." A ce moment-
18 là, il m'a donné plusieurs coups. Il y avait un homme évidemment qui nous
19 tenait en joue avec son fusil pendant tout le temps au cas où l'un d'entre
20 nous aurait essayé de se défendre.
21 Après avoir reçu plusieurs coups, bien que je n'aie rien tenté, il a
22 dit : "Celui-là, apparemment joue à des petits jeux." A ce moment-là, l'un
23 des boxeurs est arrivé et quand lui m'a frappé, je me suis carrément envolé
24 dans l'espace comme dans un film.
25 Donc ils nous ont frappés à ce moment-là, en se relayant. Je mettrais
26 en exergue comme étant ceux qui frappaient le plus, Lale, un des hommes de
27 Loznica qui m'a dit d'enlever mes chaussures et mes chaussettes et qui a
28 utilisé un gros câble électrique pour me frapper les talons et la plante
Page 5223
1 des pieds; pendant que je hurlais, il me disait : Est-ce que ça fait mal ?
2 J'ai dit : Oui, ça fait mal. Il a dit : "Ça, ça fait pas mal, ça rend fou."
3 Puis je mettrais en exergue également un homme du groupe des
4 éclaireurs qui s'appelait Macak. Il portait une moustache. Il s'est
5 approché de nous et je vais essayer de vous montrer en faisant des gestes.
6 Il nous prenait par les reins, puis il nous tordait en nous tirant vers
7 l'arrière. Vous imaginez avec quelqu'un devant qui donnait des coups, vous
8 imaginez combien ça pouvait faire mal. Stuka leur disait de faire tout ça
9 pendant ce temps.
10 Q. On vous battait, en même temps quelqu'un vous tenait et quelqu'un vous
11 battait; c'est cela ?
12 R. Oui, oui. C'était très douloureux parce qu'on était tirés vers
13 l'arrière et à ce moment-là, il y avait quelqu'un qui se jetait sur vous et
14 vous frappait deux fois de suite. Pendant tout ce temps, Stuka leur disait,
15 pas dans la tête, pas dans la tête, que ça ne se voit pas. Et s'il y avait
16 quelqu'un qui poussait un cri ou qui hurlait de douleur, il était jeté au
17 sol, appuyé contre le sol avec le genou et frappé sur le dos avec une
18 matraque de police.
19 Il y avait une jeune fille avec lui qui était pied nu. Elle avait les
20 cheveux noirs, longs, attachés en queue de cheval. De toute évidence, elle
21 s'entraînait pour montrer son aptitude au combat. Elle s'est entraînée sur
22 nous. Moi, elle ne m'a pas frappé.
23 Ces séances se sont répétées toute la nuit. La première fois qu'ils ont
24 quitté la pièce, ils nous ont donné un morceau de papier et un stylo.
25 Q. Je vous arrête, s'il vous plaît. Vous nous avez parlé de Lale, vous
26 avez dit qu'il vous avait frappé sur la plante des pieds. Vous a-t-il
27 frappé ailleurs ?
28 R. Oui, oui, j'avais oublié. Il m'a frappé au genou gauche, un peu en
Page 5224
1 dessous du genou, de sorte que ma jambe n'avait plus de sensibilité parce
2 qu'il n'a pas arrêté de frapper au même endroit. J'ai essayé par toutes
3 sortes de moyens de protéger mon genou avec mes mains parce qu'il frappait
4 toujours au même endroit, mais en tout cas ma jambe est devenue totalement
5 insensible. Je ne la sentais plus. Je sentais simplement des
6 fourmillements. D'ailleurs encore aujourd'hui j'ai ce genre de sensation
7 quand le temps change brutalement.
8 Q. Vous dites que vous avez finalement arrêté d'être maltraité, puis on
9 vous a donné un morceau de papier. Etiez-vous le seul à être battu ou est-
10 ce que tout le monde s'est fait battre ?
11 R. Tous étaient frappés, ils les ont tous frappés.
12 Q. Combien d'entre vous se trouvaient dans cette pièce à l'époque ?
13 R. Six. J'ai l'impression qu'on était huit.
14 Q. Combien de temps a duré ce passage à tabac, s'il vous plaît ? Ce
15 passage à tabac dont vous venez de nous parler, combien de temps a-t-il
16 duré ?
17 R. Ça a duré jusqu'à ce qu'ils se fatiguent, je ne saurai vous dire
18 combien de temps, mais jusqu'à ce qu'ils se fatiguent. La première fois
19 qu'ils se sont interrompus, ils nous donné un crayon pour nous dire
20 d'écrire ce que nous savions au sujet des hommes qui avaient des
21 antécédents judiciaires très lourds, ceux de Zvornik. Donc il fallait qu'on
22 écrive qui ils étaient. Chaque fois qu'ils s'interrompaient, il y avait
23 Niski qui arrivait et qui nous disait cela ne se reproduira pas. On lui a
24 dit que eux nous avaient donné ce papier et ce crayon pour qu'on écrive et
25 il nous a dit : Ce n'est pas la peine d'écrire.
26 Puis, une heure ou deux plus tard, je ne sais plus très bien, ils sont
27 revenus. Ils ont recommencé à nous rouer de coups et le même scénario s'est
28 répété. A la fin, une fois qu'ils se sont de nouveau fatigués, Niski est de
Page 5225
1 nouveau arrivé, il s'est de nouveau disputé avec eux. Il hurlait sur les
2 gardiens. Mais à ce moment-là, parmi nous, si quelqu'un savait quelque
3 chose il l'avait déjà écrit sur son papier. D'ailleurs même si on ne savait
4 rien, on avait écrit quand même.
5 Quand ils sont venus la dernière fois, on pensait qu'ils n'allaient plus
6 frapper puisqu'on avait écrit, mais Stuka a pris tous ces papiers il les a
7 déchirés en disant que ça ne l'intéressait pas du tout en proférant des
8 mots que je préfère ne pas répéter devant la Chambre. Tout cela a duré
9 toute la nuit, Niski venant sans arrêt. Le matin, la dernière fois qu'on
10 nous a roués de coups, Niski nous a présenté ses excuses pour tout ce qui
11 s'était passé et il nous a priés de n'en parler à personne. Il fallait que
12 cela reste entre nous. Bien sûr, on a dit d'accord très rapidement parce
13 que ce qu'on voulait c'est éviter que quelqu'un d'autre nous frappe. Il
14 nous a dit qu'il a pris des renseignements sur nous, que tout allait bien
15 et qu'on allait nous relâcher. Et puis --
16 Q. Je vous arrête à nouveau. On vous a passé à tabac à plusieurs reprises,
17 pourriez-vous nous dire à combien de reprises environ, si vous vous en
18 souvenez, bien sûr ?
19 R. Je dirais cinq à peu près, je n'en suis pas tout à fait sûr, en tout
20 cas, ça s'est répété à plusieurs reprises. Je n'en suis pas sûr à 100 %.
21 Mais c'est ce que je crois. Je ne sais pas. Trois, cinq fois, à peu près.
22 Je crois que c'était cinq fois.
23 Q. Et les passages à tabac étaient-ils toujours de la même nature à chaque
24 fois ?
25 R. Chaque fois la même chose. Il arrivait que parmi eux certains aient des
26 chouchous, si je peux employer ce terme, et à ce moment-là ils se ruaient
27 immédiatement sur l'homme en question. Mais en tout cas quand ils
28 frappaient, on volait dans les airs.
Page 5226
1 Q. Etait-ce le même groupe qui revenait pour vous passer à tabac à chaque
2 fois ou y avait-il des personnes différentes ?
3 R. Cette nuit-là, c'était toujours le même groupe qui revenait. Niski a
4 même hurlé à plusieurs reprises sur les gardiens, en leur disant qu'ils
5 n'avaient pas le droit de les laisser entrer, qu'ils devaient faire usage
6 de leurs armes, mais eux, chaque fois c'était le même scénario tout
7 simplement. Le lendemain matin, ils nous ont ramassés, ils nous ont fait
8 montrer dans un minibus. Et ils nous ont emmenés jusqu'au bâtiment régional
9 de l'armée à Zvornik. Il y avait Mrki qui était là aussi, celui qui nous
10 avait interrogés en premier. Il s'est excusé devant nous, il a dit aussi
11 qu'il n'avait rien pu faire.
12 Et finalement -- j'ai oublié, pardon. Après le dernier passage à tabac, ces
13 hommes de Loznica nous ont dit : "On se retrouva plus tard" --
14 Q. Vous avez dit que Niski avait dit que vous alliez être libérés. Que
15 s'est-il passé ? Vous êtes allés à Ekonomija ou est-ce que vous avez été
16 libérés ?
17 R. Ils nous ont emmenés jusqu'au bâtiment de l'armée. Ils ont commencé à
18 nous donner des laissez-passer. Les hommes de Loznica sont arrivés à ce
19 moment-là, ils ont repris nos laissez-passer et ont ordonné à la police
20 militaire de nous conduire jusqu'à Ekonomija. Et Ekonomija, pendant qu'on a
21 séjourné à Standard, on a entendu des choses terribles. Les gardes ne
22 cessaient de répéter que quelqu'un qui allait là-bas n'en revenait pas
23 vivant et donc on avait peur.
24 Quand on est arrivé à Ekonomija, on nous a pris nos ceintures, nos lacets,
25 nos papiers d'identité, et le peu de bijoux que certains avaient encore sur
26 eux, et un gardien nous a dit : "De toute façon, vous n'en aurez plus
27 besoin."
28 Puis on nous a fait entrer dans le bâtiment d'Ekonomija. Ekonomija, c'est
Page 5227
1 une entreprise agricole non loin de Zvornik, je crois qu'au moment où on
2 nous y a détenus, c'était un entrepôt. Parce que là-bas il y avait un
3 espace bétonné avec très haut des fenêtres grillagées. Il y avait une porte
4 métallique. Et dans la grande porte métallique, il y avait un petit
5 portillon qui servait à nous remettre de la nourriture et à vérifier qui
6 était à l'intérieur.
7 C'est là qu'on nous a emmenés, nous étions combien, je ne saurais vous le
8 dire exactement, mais je dirais 15 à 20 personnes à l'intérieur.
9 M. MARCUSSEN : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, regarder
10 la pièce 65 ter 4147.
11 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si vous reconnaissez cet
12 endroit ?
13 R. Ce sont les bâtiments de l'entreprise agricole Ekonomija à Karakaj. A
14 côté du bâtiment allongé, il y a le bâtiment qu'on voit moins bien et c'est
15 celui où on était enfermés. Celui qui est à droite du grand bâtiment dont
16 on ne voit que le toit.
17 M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, c'est
18 malheureusement la meilleure photographie que nous ayons, donc je vous le
19 dis juste avant qu'il y ait une objection éventuelle.
20 J'aimerais aussi que cette photographie soit versée au dossier, s'il vous
21 plaît.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Numéro.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote P00304.
24 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais aussi verser au dossier la pièce
25 6208 [comme interprété] de la liste 65 ter, c'était le croquis de l'usine
26 Standard.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote P00305.
28 M. MARCUSSEN : [interprétation] Puisque nous en sommes à des points
Page 5228
1 administratifs, j'aimerais aussi verser la pièce 7184. Il s'agit de la
2 liste des hommes de Seselj et des hommes de Loznica. Voici ce que je
3 propose que nous fassions, on pourrait conserver le numéro 65 ter mais
4 télécharger dans le système électronique la version amendée et modifiée que
5 nous avons vue aujourd'hui. Donc si nous pouvions avoir une cote tout de
6 suite et ensuite nous téléchargerons le bon document.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote P00306.
8 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci.
9 Q. Témoin, on vous a fait rentrer dans cette pièce où se trouvaient
10 environ 15 à 20 personnes. Quand vous êtes rentré dans cette pièce, est-ce
11 que vous avez reconnu qui que ce soit, est-ce que vous connaissez les noms
12 de ces gens ?
13 R. Je connaissais quelques-unes de ces personnes, et j'ai fait la
14 connaissance de toutes ces personnes pendant mon séjour. J'ai appris leurs
15 noms et prénoms. Mais au départ je connaissais quelques-unes de ces
16 personnes qui se trouvaient à l'intérieur.
17 M. MARCUSSEN : [interprétation] Pourrions-nous peut-être passer à huis clos
18 partiel afin que le témoin puisse parler de l'identité des personnes --
19 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
21 [Audience à huis clos partiel]
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 5229
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 [Audience publique]
20 M. MARCUSSEN : [interprétation]
21 Q. Lorsque vous étiez dans cette ferme coopérative Ekonomija, est-ce que
22 les prisonniers ont été passés à tabac à cet endroit-là ?
23 R. Oui. Ekonomija c'est la période la plus dure que j'ai connue pendant
24 toute la durée de nos détentions, et je ne le souhaite à personne, pas même
25 au pire des ennemis comme le dirait notre peuple. Ekonomija, c'était un
26 endroit où venaient tous ceux qui avaient envie de donner des coups. Et
27 comme c'était un domaine agricole, vous pouviez hurler pendant trois jours
28 sans que personne n'entende. C'était à l'écart de la ville, à l'écart de la
Page 5230
1 route, pas trop loin de la route mais quand même à l'écart, ce qui fait
2 qu'on pouvait faire tout ce qu'on voulait sans que personne ne le remarque
3 ou ne le sache. C'est à Ekonomija qu'on nous a régulièrement tabassés.
4 C'est surtout le groupe de Loznica qui venait là-bas et qui nous
5 battait. A leur côté il y avait aussi un dénommé Roki, c'est ainsi qu'on
6 l'appelait, et il venait. J'ai donné son descriptif parce qu'à l'occasion
7 de la première déclaration je pense avoir dit cela, il a dû avoir eu des
8 ordres, il a probablement eu des entraînements en arts martiaux parce que
9 quand il venait seul il y avait autant de sang que quand ils étaient six à
10 huit à venir pour asséner des coups.
11 Parfois il y avait des gens de Kraljevo qui venaient également, mais c'est
12 surtout des gens de Loznica qui venaient pour tabasser. Ils venaient à des
13 moments différents, le jour, la nuit. Pour ce qui est de l’endroit où on nous
14 maintenait, que voulez-vous que je vous dise, il y avait juste quelques
15 cartons étalés au sol, une nuit ils ont même versé de l’eau par terrre pour
16 qu’on ne puisse pas s'asseoir ni s'allonger, mais nous, moi, je suis resté
17 debout, j’ai dormi debout, dans une sorte de confusion. Et vous ne saviez
18 jamais... ils venaient à toute heure du jour et de la nuit et nous
19 battaient. Et ils nous forçaient aussi à nous battre entre nous. Le deuxième
20 jour à l'Ekonomija on m'a brisé l'os de l'épaule. C'est le dénommé Roki et
21 on m'a dit qu'il venait de Borina, après j'ai appris qu'il était de Rocevici,
22 en somme je ne sais pas trop. J'ai été battu par deux hommes, et je l'ai vu
23 prendre son élan pour me taper à la tête, alors machinalement j'ai esquivé,
24 et ça l'a rendu fou de colère. Il a pris un pieu en bois d'acacia, on avait
25 préparé ça pour faire une clôture autour de l'Ekonomija. Et il a commencé à
26 me frapper avec ce pieu sur l'épaule gauche. Il m'a tant et si bien frappé
27 qu'à un moment donné je n'ai plus senti mon épaule du tout. Je suis tombé
28 dans les pommes trois fois. Et on m'a arrosé d'eau, il y avait un sceau là,
Page 5231
1 et à chaque fois il injuriait ma mère. Je ne vais pas vous donner les
2 détails. Et il me disait : "Non, tu ne vais pas encore crever, non, tu ne
3 crèveras pas encore." A la fin, il m'a demandé si je voulais qu'il me frappe
4 à mon épaule droite. Et j'ai dit oui. Alors il s'est mis à me frapper avec
5 ce pieu à mon épaule droite. Il m'a donné plusieurs coups, puis il a dit :
6 "Je préfère le côté gauche" et il s'est remis à me frapper du côté gauche.
7 Je ne sais pas combien de temps ça a duré. Ce que je sais, c'est que
8 le pieu s'est brisé à la fin. Suite à ces coups, j'ai eu l'épaule brisée et
9 les séquelles sont durables. Elles sont encore là. Je ne peux pas lever ce
10 bras en l'air, et pour ce qui est par exemple de la force que j'ai dans le
11 bras droit, je n'ai que 30 % de cette force dans le bras gauche. Alors
12 comment --
13 Q. Vous dites que vous ne pouvez pas lever le bras gauche. Est-ce que vous
14 pouvez nous montrer cela. Le témoin a dit qu'il ne peut lever son bras
15 qu'un tout petit peu au-dessus du niveau horizontal. Voilà. C'est ça, son
16 bras gauche.
17 R. Je ne peux pas le lever davantage parce que ça s'est cicatrisé en
18 biais.
19 Je ne sais pas comment j'ai eu la force le matin d'après, et je vais
20 passer certains détails, mais entre Cele et Niski il y avait eu un accord
21 pour aller travailler. Ceux qui pouvaient lever les bras iraient travailler
22 -- ceux qui pouvaient lever les deux bras pouvaient aller travailler et
23 ceux qui ne pouvaient pas aller travailler étaient vraiment ennuyés, et
24 j'ai réussi à lever mes deux bras.
25 Q. Arrêtons-nous pendant quelques instants. La personne qui vous a frappé
26 au niveau de l'épaule, qui était-ce ?
27 R. C'était Roki.
28 Q. Il appartenait à quel groupe ?
Page 5232
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5233
1 R. Je ne saurais pas vous dire à quel groupe il appartenait. Il venait
2 avec les gens de Loznica. Des fois il venait seul. Au tout début de ses
3 venues à Ekonomija - je me demande si je parle trop vite - il portait des
4 cheveux frisés, on appelle ça mi-val. Et il avait les cheveux châtains.
5 Puis après on l'a vu quand on nous a transférés vers la briqueterie, il
6 avait des cheveux noirs et une moustache noire. Il était versé en arts
7 martiaux, parce qu'il pouvait donner des gifles avec ses pieds bottés à un
8 homme, par exemple, qui était plus haut que lui-même d'une tête.
9 Q. Vous avez également dit qu'il y avait le groupe de Kardelj qui venait.
10 Vous les avez cités un peu plus tôt. Est-ce que c'est ce groupe-là que vous
11 avez décrit comme étant le groupe de Seselj à l'usine Standard ?
12 R. Kardelj était membre de ce groupe de Loznica.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Une fois de plus il y a une question
14 directrice et le Procureur a fait un ratage de taille. Nulle part ailleurs
15 on ne mentionne le groupe à Kardelj. Kardelj est mentionné comme étant l'un
16 des membres du groupe de Loznica, alors on pose une question directrice et
17 le témoin, s'il n'est pas concentré, pourrait dire, oui, c'est quelqu'un du
18 groupe de Kardelj. Or c'est inadmissible.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai pas très bien compris, Monsieur Marcussen.
20 M. MARCUSSEN : [interprétation] Non, il va falloir que je reprenne le
21 compte rendu, mais je suis quasiment certain que le témoin a parlé des
22 hommes de Seselj et qu'il a dit un peu plus tôt aujourd'hui que ces hommes
23 faisaient partie du groupe de Kardelj. Je ne suis pas en train de faire
24 dire certaines choses au témoin. Simplement j'aimerais retrouver le passage
25 du compte rendu qui le précise.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : -- enfin moi, je n'ai pas entendu ça.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président --
28 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre n'a pas entendu ça, alors --
Page 5234
1 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française précise qu'il s'agit
2 probablement de Kraljevo.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'estime qu'il faudrait
4 prendre des mesures en vue de sanctionner le Procureur parce qu'il est en
5 train d'inventer des choses. On n'a pas mentionné les groupes à Seselj ou
6 le groupe à Kardelj. Or j'ai estimé que Seselj et Kardelj, c'était la même
7 chose, il s'agit de personnalités historiques pour ce qui est de l'un et de
8 l'autre, mais ça ne mène à rien ceci.
9 Il faut laisser le témoin raconter tout seul ce qui lui est arrivé et
10 sans qu'il y ait des questions directrices de la part de l'Accusation pour
11 nous jeter dans la confusion.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je crois que --
13 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vais reformuler ma phrase.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : -- ce n'est pas Kardelj, ça doit être Kraljevo.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Est-ce que je peux vous le dire ? Kardelj
16 était le membre d'un groupe des gens de Loznica. Il y a peut-être confusion
17 avec les gens de Kraljevo. Il portait des vêtements verts. Il était petit
18 de taille, membre de ce groupe de Loznica. Et lui, il m'a battu lorsque
19 j'avais esquivé le coup de Roki. Le type de Rocevic ou de je ne sais plus
20 de quelle localité. Il portait un surnom qui était un patronyme qui était
21 le nom d'un homme politique de l'époque.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, si vous permettez. Il
23 s'est passé dix ans depuis le jour où VS-1013 a fait sa déclaration. En 13
24 ans le Procureur a eu suffisamment de temps pour identifier toutes ces
25 personnes, pour nous donner leurs noms, prénoms et adresses, le Procureur
26 n'a pas conduit d'enquête. Le témoin a fait sa déclaration, et tout ça a
27 attendu pendant dix ans.
28 On fait venir le témoin et le Procureur n'a rien fait pour étayer les
Page 5235
1 choses et il a étayé sa vérité. Il fait des hypothèses ici. Il présente des
2 -- Qu'est-ce que c'est cette vérité ? Où est-ce qu'ailleurs dans le monde
3 on peut diligenter des enquêtes de ce genre ? Il a eu le temps de tout
4 vérifier et déterminer l'identité de toutes ces personnes, si tant est que
5 ces personnes ont bel et bien existé.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Marcussen.
7 M. MARCUSSEN : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une objection. Il
8 s'agit d'un commentaire sur l'enquête menée par l'Accusation.
9 Je vais reformuler ma question et la question sera la suivante :
10 Q. Alors que vous étiez à l'Ekonomija, le groupe que vous avez identifié
11 un peu plus tôt comme étant le groupe de Seselj, ont-ils participé au
12 passage à tabac des prisonniers ?
13 R. A notre deuxième journée du séjour, on a emmené Bubica, Buljubasic
14 [phon], Abdul Rahman [phon], lorsqu'ils l'ont fait entré, c'est les gens de
15 Loznica qui l'ont fait venir. Lui il disait qu'il fallait appeler Jefto
16 Subotic, que c'était ridicule, qu'il y avait forcément erreur. Nous lui
17 avons dit : "Tais-toi donc, calme-toi, à Dieu plaise qu'on sorte vivant,
18 nous autres." Alors il a commencé à se rire de nous. Enfin je ne vais pas
19 vous donner tous ces détails. Je ne sais pas si j'ai le temps de tout vous
20 raconter.
21 Q. Je vais vous arrêter. Avant d'aborder ce sujet, pourriez-vous décrire
22 en quelques mots qui était cette personne surnommée Bubica, s'il vous plaît
23 ?
24 R. C'était un chauffeur du directeur de cette usine d'exploitation des
25 mines à Zvornik. C'était un homme en vue. C'était donc le chauffeur de
26 cette personnalité. Et eux deux déambulaient ensemble souvent, ils avaient
27 des relations qui n'étaient pas des relations de service ou d'affaire. Les
28 uns connaissaient les petits secrets de l'autre et vice versa. Bubica tout
Page 5236
1 le monde le connaissait. C'était un homme qui présentait très bien.
2 Q. Et comment s'appelait le directeur dont il était le conducteur ?
3 R. Jefto Subotic, c'était le directeur de cette usine Glinica. Il a été
4 élu manager de l'année en 1991, enfin je suppose que c'est avec ses propres
5 deniers qu'il a dû financier certaines choses, et Bubica en savait long de
6 façon évidente parce qu'il avait séjourné en Allemagne et avec sa famille
7 il avait eu un contact permanent avec Jefto, et c'est Bubica qui nous l'a
8 raconté tout ça. Jefto lui aurait dit que tout irait bien, qu'il pouvait
9 rentrer et Bubica est rentré. Il a passé quelques journées à Belgrade chez
10 l'autre, puis il était censé déclarer ses biens, et pour ne pas perdre de
11 son appartement, il a convenu avec Jefto d'aller à Zvornik pour déclarer
12 qu'il avait là-bas un appartement. Jefto lui avait assuré que tout irait
13 bien. Lorsqu'il a fait la queue, on l'a pris dans la queue, et les gens de
14 Loznica l'ont passé à tabac, puis ils l'ont emmené là, et ils lui ont dit
15 maintenant on va aller s'amuser un peu avec ta femme.
16 Q. Ont-ils passé à tabac Bubica ?
17 R. Pas devant nous. Ensuite, c'est le commandant Toro qui est venu, lui et
18 Sava. Sava avait eu fusil à pompe, me semble-t-il, de couleur noire. Il a
19 sorti une feuille de papier et il a dit : "Qui est Bubica Buljubasic [phon]
20 ?" L'autre a dit : "C'est moi," et il a dit : "Quel espèce d'animal es-tu
21 donc si c'est moi qui suis censé t'interroger ?" L'autre lui a dit qu'il
22 fallait qu'il mette sur papier qui avait été son contact à Sarajevo au sein
23 du SDA et partant de quel endroit, enfin de laquelle ville il était censé
24 recevoir des explosifs pour faire sauter Jefto. L'autre a ri, il a dit :
25 "C'est un malentendu. Jefto et moi on est les meilleurs copains du monde,
26 au-delà des affaires, au-delà de toutes choses. Appelez-le et posez-lui la
27 question." Et l'autre lui a dit : "Ne m'interromps pas. Si tu es coupable,
28 je vais te tuer. Je ne bats pas les gens, moi, je tue. Je n'aime pas battre
Page 5237
1 les gens." L'autre lui a dit : "Tu marqueras ça, ça, ça."
2 Bubica a trouvé cela ridicule. Il ne pouvait pas comprendre qu'on pouvait
3 l'accuser de telles choses. Il suppliait qu'on appelle Jefto ou qu'on le
4 laisse lui parler à Jefto. A un moment donné, Toro a commencé à le frapper,
5 d'après ce que j'ai pu jeter comme coup d'œil de travers pour ne pas me
6 faire remarquer, il a été frappé à la main, et quand il allait tomber on le
7 prenait en plein vol avec le pied ou la jambe pour lui donner un coup de
8 pied et il lui disait : "Je t'ai bien dit de ne pas interrompre." A ce
9 moment-là Sava a vu Bubica et on lui avait dit il avait encore sa chaîne en
10 or, son bracelet et sa montre en or, on lui avait bien dit de cacher cela
11 mais il ne voulait pas nous croire, et Sava lui a enlevé son bracelet et sa
12 chaîne en lui disant : "Tu n'en auras plus besoin de toute façon."
13 Il est devenu conscient à ce moment-là de l'heure qu'il était, et de
14 l'endroit où il était arrivé, il a même enlevé sa montre et il a dit :
15 "Ecoute, s'il arrive quelque chose à mes enfants, si tu survis, donne ceci
16 à mes enfants." Cette montre a été confisquée par Toro au prisonnier --
17 enfin au détenu en question, je ne voudrais pas en audience publique donner
18 le nom de ce détenu-là.
19 Q. Il nous faut avancer. Alors j'aimerais vous poser cette question-ci :
20 avez-vous vu le voïvode Cele à l'Ekonomija ?
21 R. Oui. Il est venu le deuxième jour. Ils sont venus lui et Zoks et Pufta,
22 je crois, mais lui, il y était à coup sûr parce que je me souviens qu’ils se
23 moquaient de la façon dont les gens de Loznica nous battaient, puis
24 ils ont dit: "Ça fait rien, nous, on peut aussi bien revenir plus tard."
25 Et dans la nuit, ils ont revenus. Tard dans la nuit. Avant cela les gens
26 de Loznica nous battaient encore une fois de plus. Excusez-moi, je vais
27 trop vite. Il est venu avec deux grands couteaux qu'il avait mis à sa
28 ceinture. Il les a sortis en frottant l'un contre l'autre, histoire de les
Page 5238
1 acérer. Il a dit : "Ne craignez rien ça va durer très peu de temps, j'ai
2 des assistants avec moi." Ils nous ont obligés à nous déshabiller.
3 D'abord ils ont commencé à accuser le père de l'un des détenus, un homme
4 âgé qui était là, en disant que c'était un Oustachi pendant la Deuxième
5 Guerre mondiale, et ils ont dit qu'il devait forcément avoir une lettre U
6 tatouée sous l'aisselle gauche. Ils l'ont donc déshabillé, et ils ont pu
7 voir que rien de tout cela n'existait, puis ils ont affirmé qu'il y a eu
8 forcément une opération esthétique pour enlever cela.
9 Et nous autres, on nous a tout le temps battus à Ekonomija, et on nous a
10 obligés à faire signe de croix. Nedjo, un Serbe qui a été détenu à nos côtés,
11 nous disait comment il fallait lire ou réciter notre Père qui êtes aux cieux.
12 Q. Je vous interromps. L'homme plus âgé, est-ce qu'on l'a fait sortir de
13 la pièce ?
14 R. Oui, je voulais revenir tout à l'heure, un peu plus tard sur ce point-
15 là.
16 Q. Je pense qu'il faut arriver à cet instant ultérieur.
17 Il y a un autre prisonnier qu'on a fait sortir en même temps que l'homme
18 plus âgé ? Répondez par oui ou par non, parce que si vous vous donnez un
19 nom, il faut passer à huis clos partiel.
20 R. Oui.
21 M. MARCUSSEN : [interprétation] Est-ce qu'on peut passer à huis clos
22 partiel, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Huis clos.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
25 le Président.
26 [Audience à huis clos partiel]
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 5239
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 [Audience publique]
11 M. MARCUSSEN : [interprétation]
12 Q. Pourriez-vous tout d'abord nous dire ce qui est arrivé à cet homme plus
13 âgé à l'extérieur ?
14 R. Cet homme âgé, ils l'ont fait sortir et ils l'ont battu. Ils frappaient
15 devant nous, on pouvait entendre les coups parce que nous étions torse nu
16 et à genou.
17 Ils ont fait sortir l'autre personne et l'ont ramenée par la suite.
18 La personne âgée a été battue et cet homme a rampé pour rentrer dans la
19 pièce à quatre pattes. Il ne pouvait pas marcher du fait des coups qu'il a
20 reçus. A un moment donné, lorsqu'il entrait dans son petit coin à gauche
21 par rapport à la porte, il a dit: "Ecoutez le enfants, bénissez-moi, moi je
22 vais vous quitter." Et il est mort.
23 Q. L'autre personne qu'on a fait sortir, que lui est-il arrivé, le savez-
24 vous ?
25 R. Lui, ils l'ont battu aussi mais ils l'on ramené à l'intérieur.
26 Q. Vous avez dit que vous étiez à genou, pourquoi ?
27 R. Voïvode Cele nous a obligés à nous mettre torse nu tous et a prié Dieu,
28 mais il a dit qu'il ne fallait pas qu'on prie Allah. Parce que nous étions
Page 5240
1 Serbes, il fallait que nous priions Jésus et que cela déciderait de notre
2 sort. Je vais revenir maintenant sur Nedjo qui a été détenu à nos côtés,
3 parce que lui nous a donné le texte de notre Père qui êtes aux cieux, parce
4 que nous on ne le savait pas. On ne connaissait pas ces paroles. J'ai prié
5 Dieu véritablement pour que ça ne se fasse pas mal et que tout se passe
6 très vite. A un moment donné, je ne sais pas combien de temps ça a duré au
7 juste, Niski est venu avec ses hommes. Il a commencé à se disputer avec
8 voïvode Cele dehors. Il lui a dit: "Qu'est-ce que tu fais, j'ai besoin de
9 ces hommes-là pour des travaux." Cele lui a dit: "Tu vas aller chercher
10 ailleurs." Niski lui a dit: "Mais où veux-tu que je trouve puisque vous
11 avez tué tout le monde, vous avez tout égorgé." L'autre a dit: "Je m'en
12 fiche, ceux-là ils sont à moi." Une fois de plus, le voïvode a dit:
13 "Véritablement, il est question de votre sort, vous n'avez qu'à prier
14 Dieu." A un moment donné ils sont tombés d'accord pour que ceux qui
15 pouvaient encore travailler, donc lever les bras, aillent travailler et que
16 ceux qui ne pouvaient pas soient laissés abandonnés au voïvode.
17 Ce matin-là, j'ai réussi d'une façon plutôt difficile à lever les bras,
18 mais toujours est-il qu'on nous a emmenés vers l'usine, la briqueterie à
19 Karakaj, non loin de Zvornik, qui se trouvait non loin de là d'ailleurs.
20 Q. Des hommes qui s'étaient trouvés dans la pièce, il y en a combien qui
21 sont allés travailler ?
22 R. Je pense que nous étions 23, le chiffre a varié, ça a donné 24 ou un
23 peu plus selon les besoins. Je crois qu'au départ on était 22. Je n'en suis
24 pas tout à fait certain mais je sais qu'on a dû faire une liste de noms et
25 c'est à partir de cette liste qu'il me semble qu'on était 22. Je crois
26 qu'après on était 24 ou 25, et a posteriori ils ont fait venir de Celopek
27 d'autres hommes pour qu'il y ait plus de bras. Mais en arrivant à Novi
28 Izvor, donc à cette briqueterie, nous on est allés charger des tuiles et
Page 5241
1 d'autres étaient dans la pièce où on nous amènerait, et le soir Niski est
2 venu. Il a reconnu certains d'entre nous qui avions été dans le bâtiment de
3 Standard, il nous a dit qu'il était désolé et qu'il ne pouvait pas en faire
4 beaucoup, mais qu'il ferait en sorte qu'on ne touche pas, que nous serions
5 des prisonniers conformément aux conventions de Genève et qu'on recevrait
6 cinq à dix cigarettes par jour et cinq marks parce que c'était ce qui était
7 notre dû en application des conventions de Genève.
8 Q. Permettez-moi de vous interrompre pour revenir un peu en arrière.
9 Comment s'appelait cet endroit où vous êtes allé, quel était le nom de
10 cette usine ?
11 R. C'était l'usine Novi Izvor qui fabriquait des tuiles, et on appelait
12 cela la briqueterie.
13 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais montrer au témoin la pièce de la
14 liste 65 ter 4101.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, montrez la liste et puis on fera la pause
16 après.
17 M. MARCUSSEN : [interprétation]
18 Q. Monsieur le Témoin, que voit-on sur cette photo ?
19 R. C'est cette briqueterie, ou plutôt, usine de tuiles qu'ils appelaient
20 Novi Izvor.
21 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vous remercie.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Donnez un numéro.
23 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00307.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors on va faire une pause de 20 minutes, on
26 reprendra à 12 heures 10, et puis après on ira jusqu'à 1 heure 15. Il me
27 semble, Monsieur le Procureur, que vous avez dû utiliser presque deux
28 heures, mais M. le Greffier va vérifier.
Page 5242
1 --- L'audience est suspendue à 11 heures 50.
2 --- L'audience est reprise à 12 heures 12.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Marcussen.
4 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vous remercie. Visiblement ce n'est pas
5 mon jour aujourd'hui pour les pièces. J'aimerais que la P05, la P06 -- non
6 je reprends, que la P305 et la P306 soient placées sous pli scellé, en
7 effet elles portent la signature du témoin.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Je tiens juste à dire que la pièce P00305
10 et P00306 seront sous pli scellé.
11 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci.
12 Q. Témoin, quels travaux avez-vous fait au départ à Ciglana, c'est-à-dire
13 à l'usine de brique ?
14 R. Au début pour la plupart on a chargé des tuiles, ensuite -- et aussi on
15 a nettoyé, certains devaient dégagés des déchets plastiques. Je pense que
16 c'étaient des moules dans lesquels on coulait les tuiles. C'est ce qu'on
17 nettoyait. C'est qu'on attachait. Et lorsque les hommes de Kraljevo nous
18 ont repris, on a commencé à charger du matériel de construction à Zvornik -
19 -
20 Q. Je vous interromps, s'il vous plaît. Avant d'en venir à cela,
21 j'aimerais savoir la chose suivante : vous étiez détenu et vous travailliez
22 dans une briqueterie. Y avait-il d'autres personnes qui travaillaient dans
23 cette briqueterie ?
24 R. Oui, c'étaient des employés habituels de l'usine.
25 Q. Etiez-vous gardés par qui que ce soit puisque vous dites que vous étiez
26 prisonniers ?
27 R. Oui. Dans un premier temps, là où on travaillait dans cette même
28 partie, il y avait des gardes, généralement c'était la police militaire.
Page 5243
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5244
1 Q. -- un uniforme ?
2 R. Ils avaient l'uniforme gris vert olive. L'uniforme SMB de la JNA avec
3 le ceinturon blanc.
4 Q. Arboraient-ils des insignes ?
5 R. Au début il me semble que non. C'était l'armée régulière et ils avaient
6 des ceinturons blancs pendant qu'on était dans l'enceinte de l'usine,
7 pendant qu'on y travaillait.
8 Q. Vous nous dites que par la suite vous avez été amenés ailleurs et vous
9 avez fait un autre travail. Vous dites "vous avez été emmenés", qu'est-ce
10 que ça veut dire exactement ?
11 R. On a été repris -- d'après les instructions, je ne sais pas lesquelles,
12 c'est le commandant Toro, et Zoks et Pufta, le trio qui se trouvait là le
13 plus souvent. C'est eux qui nous emmenaient pour charger du matériel de
14 construction à Zvornik. Au départ, c'était juste Zvornik. Au début, c'était
15 juste du matériel de construction.
16 Q. Où êtes-vous allés pour charger tout cela ?
17 R. Il y avait deux transporteurs routiers de Loznica, et ils avaient leurs
18 camions, de très grands camions remorques, on chargeait tout ça dedans et
19 tout ce qu'on avait chargé et monté, c'était pour la briqueterie. Je pense
20 que le directeur Misco [phon] faisait toute la paperasse, et ensuite
21 c'était à Loznica, l'entreprise de Jadar, c'est ce que nous avons entendu -
22 -
23 Q. Vous --
24 R. -- vendus là-bas.
25 Q. Est-ce que des documents ont été émis comme si les matériaux venaient
26 de l'usine Ciglana. Pouvez-vous nous dire exactement d'où venaient ces
27 matériaux ?
28 R. En réalité, c'était volé. C'était volé dans des maisons musulmanes qui
Page 5245
1 avaient été abandonnées, d'où les gens avaient été chassés, ou ils avaient
2 pris la fuite, c'était volé. Donc on chargeait un camion par exemple, et on
3 était assis sur le camion et quelqu'un était installé à côté du chauffeur
4 devant. Au départ, il y avait une voiture qui escortait et on nous amenait
5 à la briqueterie. C'était très clair que c'est là qu'on donnait d'autres
6 papiers, parce que je ne vois pas comment autrement on aurait pu
7 transporter tout ça en Serbie ? Je pense que c'est de là qu'on a financé la
8 guerre.
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Procureur, j'aimerais
10 poser une question directement au témoin, s'il vous plaît.
11 Avez-vous participé au chargement de ces camions avec ces matériaux de
12 construction dont vous nous avez parlé ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais j'ai cru comprendre que vous
15 aviez l'épaule cassée à l'époque, donc vous n'auriez jamais pu porter quoi
16 que ce soit.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Comment vous êtes-vous débrouillé ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai chargé avec les autres, ils dissimulaient
20 le fait que je travaillais plus lentement et que je portais moins. C'est en
21 travaillant que mon épaule a cicatrisé mais a cicatrisé mal.
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais combien de temps s'était écoulé
23 entre ce moment-là et le moment où votre épaule s'était fait casser ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai eu l'épaule cassée, quand est-ce que ça a
25 été, vers le 11, 12 mai, quand on était à Ekonomija, et puis les hommes de
26 Kraljevo nous ont repris je pense fin mai. Et pendant qu'on travaillait à
27 la briqueterie, on chargeait des tuiles et tous les autres en prenaient
28 davantage et ils m'ont donné juste quelques tuiles placées sur les mains
Page 5246
1 pour que je les charge et ils me couvraient. Comme ça mon épaule a
2 cicatrisé parce que s'ils avaient découvert que je ne pouvais pas
3 travailler, on m'aurait ramené à Ekonomija.
4 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.
5 M. MARCUSSEN : [interprétation]
6 Q. Lorsque vous sortiez pour prendre des matériaux de construction, qui
7 décidait où aller ?
8 R. Toro.
9 Q. Vous ne vous rendiez que dans les maisons musulmanes ?
10 R. Au début oui. Cependant, avec le temps les Serbes écrivaient en grandes
11 lettres "maison serbe", et il est arrivé plusieurs fois qu'ils sonnent à la
12 porte et à partir du moment où personne n'ouvrait, il disait : "Casse la
13 porte", donc on rentrait par effraction. Et s'il trouvait des objets qui
14 lui plaisaient, on les chargeait rapidement à bord du camion et on
15 repartait.
16 Q. Vous avez pris que du matériel de construction ?
17 R. Au début, c'était le cas. Par la suite, on a vidé des ateliers, des
18 entrepôts de différents entrepreneurs. Au début, c'était juste des
19 matériaux de construction. Il est arrivé souvent que l'on aligne ces outils
20 par exemple des ateliers, des machines, qu'on les aligne en bas, et par
21 dessus on mette des tuiles, et comme ça on avait l'impression que c'étaient
22 que des tuiles. Et puis, ils vendaient ça, je ne sais pas ce qu'ils
23 faisaient. On faisait comme on nous disait de faire. Un exemple, tout un
24 atelier de Fikret Lovric avec des barbecues, tout cela ça a été chargé et
25 emporté.
26 Q. Quelle était la fréquence de ces petites promenades ?
27 R. Tous les jours. On y est allé tous les jours. Tous les jours on
28 chargeait. Tous les jours.
Page 5247
1 Q. Vous êtes-vous jamais rendu dans votre propre maison ?
2 R. J'y suis allé, j'ai chargé -- en fait Zoks et Pufta nous ont emmenés
3 juste en voiture. Et quand on est arrivé là bas, il y avait les hommes de
4 Loznica avec un camion, et ces objets de ma propre maison, je les ai
5 chargés pour Lale, donc les hommes de Loznica, Lale, celui qui m'a battu
6 sur la plante des pieds et le genou gauche. Puis il y avait sa femme,
7 Sneza, qui portait un bébé dans les bras, mais elle allait choisir des
8 meubles qui lui plaisaient. Et de ma maison ils ont pratiquement tout
9 emporté.
10 Puis un détail aussi, si vous souhaitez qu'on passe à huis clos parce que
11 j'ai peur de révéler mon identité.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Huis clos.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
14 [Audience à huis clos partiel]
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 5248
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 [Audience publique]
16 M. MARCUSSEN : [interprétation]
17 Q. Pendant combien de temps avez-vous continué à travailler pour le groupe
18 de Seselj à faire ce genre de déplacements ?
19 R. Pratiquement jusqu'à la fin de mon séjour à Zvornik. Je ne saurais pas
20 vous donner la date, était-ce vers le 1er juillet ou vers le 7, lorsque les
21 hommes de Loznica nous ont repris de nouveau. Mais les hommes de Loznica,
22 par la suite, nous ont plus souvent emmenés charger à Kozluk d'où la
23 population était vidée. Même si ce sont les hommes de Loznica qui nous ont
24 repris, c'était Sava et Sasa qui faisaient qui passaient. C'était
25 pratiquement tous les jours, je ne sais pas. On faisait ça pratiquement
26 tous les jours. Je ne saurais pas vous dire exactement, était-ce le 1er
27 juillet ou le 7 juillet, mais je sais que le 15 on nous a transportés à
28 Batkovici.
Page 5249
1 Q. Pourriez-vous nous dire à quoi ressemblait Kozluk à l'époque ?
2 R. A l'époque, il n'y avait plus de population à Kozluk, et ce sont les
3 Serbes déplacés d'autres endroits qui venaient s'installer à Kozluk, ils
4 venaient s'installer dans différentes maisons, et nous, avec les hommes de
5 Loznica, on essayait de travailler le plus vite avant que quelqu'un d'autre
6 ne s'installe. Donc on essayait de charger les matériaux. Et si les gens
7 avaient caché des postes de télévision ou je ne sais pas, il est arrivé que
8 l'on dise à quelqu'un, creuse dans la cours, si on suspectait qu'il y ait
9 de l'or, de l'argent caché là dedans.
10 Mais Kozluk s'est vidé très rapidement, parce que de nouvelles personnes
11 venaient s'installer dans ces maisons abandonnées.
12 Q. Pendant que vous étiez à Ciglana, avez-vous subi les mêmes mauvais
13 traitements que ceux que vous aviez subis à l'Ekonomija et à Standard ?
14 R. Oui. Au début, pendant les quelques premiers jours, ils ne m'ont pas
15 fait ça, pendant que Niski était encore là, et petit à petit, les gardes se
16 sont mis à nous rouer de coups, puis il venait des gens qui étaient de
17 passage, de l'extérieur. Et puis Roki qui m'avait cassé l'épaule, il s'est
18 mis à venir régulièrement. Il nous forçait à chanter des chansons chetniks.
19 On était obligé de les connaître par cœur. Chaque fois qu'il venait, il
20 fallait qu'on se mette debout et il nous désignait, nous qui avions bien
21 appris cela rapidement, nous étions quelques uns -- ils nous appelaient les
22 chanteurs. Et on était obligés de chanter ces chansons chetniks pendant
23 qu'il rouait de coups les autres. Il y prenait du plaisir. Je ne sais pas
24 si vous voulez que je vous reparle des soldats qui nous ont frappés ou lui
25 ?
26 Q. Je crois qu'il nous faut avancer. Je vais évoquer des incidents précis.
27 Je pense que la Chambre a saisi l'idée générale de ce comportement.
28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Procureur,
Page 5250
1 mais pas tout à fait. Il y a une chose qui reste peu claire. C'est la
2 passation du contrôle -- on passe du groupe de Loznica au groupe que vous
3 appelez le groupe des hommes de Seselj. Ce n'est pas très clair à mes yeux.
4 Je ne sais pas qui de ces deux groupes faisaient quoi. Parfois on nous dit
5 qu'ils sont venus avec le groupe de Loznica, pourtant c'est un des hommes
6 de Seselj qui contrôlait les événements. J'aimerais que le témoin nous
7 explique comment cette passation du contrôle s'est effectuée dans la
8 pratique.
9 M. MARCUSSEN : [interprétation]
10 Q. Monsieur le Témoin, quel est le premier groupe qui vous a fait sortir
11 pour ces excursions que vous avez décrites ?
12 R. C'est le groupe des hommes de Kraljevcani qui nous emmenait, mais je ne
13 me rappelle pas les dates exactes. Ce groupe nous a emmenés depuis la fin
14 mai à peu près jusqu'au début du mois de juin. Donc pendant cette période
15 nous étions sous leur contrôle.
16 Q. Et le second groupe ?
17 R. Et ensuite nous avons été sous le contrôle des hommes de Loznica. Qui
18 prenait des décisions, dans quelles conditions, malheureusement, nous ne
19 l'avons pas su. Nous savons seulement qu'ils sont arrivés un certain jour
20 et que désormais, ils ont été responsables de nous.
21 Q. Si je peux me permettre de synthétiser ce que vous dites, quand vous
22 parliez de cette passation, vous disiez au fond qu'il y avait un nouveau
23 groupe de gens qui ont commencé à être ces gens qui vous faisaient sortir.
24 C'est bien comme ça qu'il vous comprendre ?
25 R. C'est ça.
26 Q. Est-ce que vous connaissez ou connaissiez un certain Ismet Cirak ?
27 R. Oui. Je l'ai rencontré pour la première fois quand on nous a emmenés à
28 Ekonomija. Il faisait partie du groupe qui ensuite a été transféré depuis
Page 5251
1 Ekonomija vers la briqueterie. Et à un certain moment, est-ce que c'était
2 un gardien, c'était qu'on appelait Djoko, surnommé Kobra de Trsic, à moins
3 que ce ne soit l'un des gardiens, je ne suis pas sûr parce qu'il circulait
4 avec le groupe des hommes de Krajevcani par la suite, en tout cas, il avait
5 un surnom. Et on disait qu'il avait un fusil et sur ce fusil qu'il était
6 écrit : "Cette dame tire toute seule," puis ensuite, quelqu'un a ajouté un
7 adjectif : "Cette dame tire toute seule sur les Serbes."
8 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous l'avez vu subir un mauvais traitement
9 de la part de quelqu'un ?
10 R. Oui. Ils venaient, ils nous frappaient tous, comme d'habitude. Mais une
11 fois, c'est Zoks qui nous a fait sortir pour laver sa voiture qui était
12 couverte de sang, de marque Stojadin. Ils étaient tous couverts de sang,
13 ils se sont lavés les mains au robinet. Puis cet homme qu'on appelait
14 Djoko, et qu'on surnommait Kobra, a fait sortir Ismet et il a pris une
15 paire de tenailles et a essayé de lui enlever une dent à Ismet. Il n'a pas
16 réussi alors il s'est attaqué à une autre dent. Il n'a pas réussi non plus.
17 Et à ce moment-là Zoks l'a fait partir. Je ne sais pas exactement ce qu'il
18 lui a dit mais en tout cas, l'autre a dit : on se reverra, ce genre de
19 chose.
20 Q. Est-ce que quelqu'un est revenu voir Ismet ?
21 R. Oui. Un jour Pufta est arrivé, accompagné de Savo et de Sasa. Il me
22 semble que Toro n'était pas là ce jour-là mais je n'en suis pas sûr.
23 En tout cas, Pufta s'est comporté d'une façon assez bizarre toute cette
24 journée-là, il a essayé de se faire mousser devant les autres en donnant
25 l'impression qu'il pouvait tout faire. Et à un certain moment, il a proféré
26 des menaces à l'encontre de Fikret. Je crois qu'il l'a d'abord fait vis-à-
27 vis de Fikret et ensuite de Cirak. Et à ce moment-là, il a fait sortir
28 Cirak et il lui a dit qu'il allait l'égorger. Nous ne pouvions pas croire
Page 5252
1 ce que nous entendions. Nous étions assez près. Moi j'étais pas loin de la
2 fenêtre et Savo et Sasa ont passé tout ce temps-là à rire l'un avec l'autre
3 en disant : "Mais il n'est pas normal celui-là," et toutes sortes d'autres
4 choses. "Arrête de faire l'imbécile," lui a dit Savo, si je ne me trompe. A
5 moins que ce ne soit Sasa, je n'en suis pas sûr. "Arrête-toi avec qu'il ne
6 soit trop tard."
7 Et à ce moment-là Sasa est entré et s'est assis parmi nous. Il a approché
8 une chaise de la porte et il s'est assis, et il a dit qu'il ne pourrait
9 jamais torturer personne. Qu'il pouvait tuer quelqu'un, mais pas torturer.
10 Et il a dit que Pufta était un imbécile. Il a dit : "Regarde-moi cet
11 imbécile. Il voulait lui couper la gorge avec un couteau émoussé alors je
12 lui ai donné un couteau aiguisé." A un certain moment, Pufta a fait son
13 apparition, il portait un couteau couvert de sang, il l'a donné à un
14 prisonnier qui était près de la porte et je ne vais pas dire son nom parce
15 que nous sommes en audience publique, mais en tout cas, il est sorti pour
16 laver son couteau, il est revenu très pâle, il avait les yeux qui roulaient
17 dans les orbites et il a chuchoté qu'il avait effectivement coupé la gorge
18 de quelqu'un.
19 Ensuite, il a fait sortir un autre prisonnier qui avait un tatouage dont je
20 ne connais pas le nom --
21 Q. Permettez-moi de vous interrompre. Qui est-ce qui a sorti ce couteau et
22 l'a nettoyé ? Pas de nom, mais dites-nous si c'était un prisonnier ?
23 R. Pufta a fait entrer le couteau, il l'a remis à un prisonnier en lui
24 ordonnant de sortir pour laver le couteau.
25 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je pense qu'il sera utile de passer
26 quelques instants à huis clos partiel, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur le Greffier.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
Page 5253
1 [Audience à huis clos partiel]
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 [Audience publique]
14 M. MARCUSSEN : [interprétation]
15 Q. Monsieur le Témoin, savez-vous ce qu'on a fait du corps d'Ismet Cirak ?
16 R. Ils l'ont chargé dans une voiture. Je n'ai pas vu ça, je dois vous
17 dire, parce que nous étions à l'intérieur, mais nous avons entendu la
18 voiture partir. Je crois qu'ils ne sont pas allés très loin. Ils sont allés
19 à Karakaj un peu en dessous de la zone industrielle. Ils n'ont pas dû aller
20 loin parce qu'ils sont entrés en une dizaine ou quinzaine de minutes. Ça
21 n'a pas duré longtemps. Je ne peux pas vous dire précisément combien de
22 temps. Est-ce que c'était 10, 20 minutes. Enfin c'était à peu près cela.
23 Puis --
24 Q. Vous avez mentionné un homme qui portait un tatouage. Qu'est-ce qui est
25 advenu de lui ?
26 R. Pufta lui a dit qu'il fallait qu'il le mette de côté, sinon il allait
27 le couper. Et que s'il entendait un cri pendant qu'il le coupait, il allait
28 lui trancher la gorge.
Page 5254
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5255
1 Q. Est-ce que cette personne a essayé d'ôter ce tatouage ?
2 R. Oui. Je crois qu'il lui a donné un briquet, nous on lui a donné un
3 briquet aussi.
4 Q. Qu'a-t-il fait de ce briquet ?
5 R. Il s'est fait brûler la peau avec ce briquet. Et finalement Pufta n'a
6 pas été satisfait. Il l'a fait sortir, enfin il l'a emmené dans une autre
7 pièce et il lui a coupé ce fragment de peau au couteau. Quant à lui, il n'a
8 pas poussé un cri. Ensuite Pufta l'a fait revenir, et on lui voyait la
9 transpiration sur le front, et à ce moment-là, l'un d'entre nous a utilisé
10 des morceaux de son tee-shirt pour le panser et sa plaie a fini par
11 cicatriser.
12 Et après tout cela, il y avait un prisonnier que Pufta appelait le
13 Suisse, parce que cet homme avait un emploi temporaire en Suisse. Il était
14 venu en vacances et Pufta lui a dit qu'il serait le suivant.
15 Q. Je vous demande ceci avant de passer à autre chose. Qu'est-ce qui
16 représentait ce tatouage, vous le savez ?
17 R. Une demi-lune et une étoile.
18 Q. Et le Suisse, il a été tué ?
19 R. Non. Ce soir-là, ils travaillaient en équipe de nuit, eux, et le Suisse
20 sans rien dire aux autres hommes de l'équipe, nous n'avions jamais posé de
21 problèmes aux gardiens, en tout cas il a décidé d'appeler un gardien, il
22 l'a frappé, il lui a pris son arme et il s'est évadé. Et avec lui se sont
23 évadés trois autres prisonniers.
24 Ce qui montre qu'il n'avait rien planifié, c'est que la moitié des gens qui
25 travaillaient avec eux sont restés à leur travail sans rien remarquer dans
26 l'usine.
27 Q. Merci. Vous avez passé combien de temps à Ciglana ?
28 R. A Ciglana, la briqueterie, nous y sommes restés, si je me souviens
Page 5256
1 bien, jusqu'au 15 juillet. Je ne sais trop pourquoi cette date m'est restée
2 en mémoire. Il me semble que c'était le 15 juillet.
3 Q. Pour aller où ?
4 R. Après Ciglana, on nous a emmenés au camp de Batkovic. Est-ce que je
5 pourrais simplement faire un commentaire au sujet de la période antérieure
6 à notre transfert ? Est-ce que je peux le faire rapidement ?
7 Q. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Soyez très bref.
8 R. Huit cents personnes ont disparu dans les villages avoisinants Zvornik.
9 C'est de cela que je voulais parler. Un matin, un jeune homme a été amené
10 du village de Kaldurani, si je ne me trompe. Il avait dit à quel endroit
11 certains villageois avaient enterré des armes, donc ce matin-là il a été
12 amené. Ce jour-là, des autobus pleins de passagers qui avaient la tête
13 baissée et les mains sur la nuque chantaient des chants chetniks. Un
14 autobus s'est arrêté. Le jeune homme est monté à bord et nous l'avons
15 entendu dire : "Ils nous emmènent pour un échange." Et j'ai entendu moi,
16 quelqu'un qui disait : "Bien, tant mieux pour eux." Et Toro a ajouté : "Ils
17 vont tous être tués. Vous devriez être contents. Vous avez la chance d'être
18 ici." Et on ne sait pas ce que sont devenus tous ces hommes à l'heure
19 d'aujourd'hui.
20 Q. Je vous remercie. Vous êtes arrivé à Batkovic, est-ce qu'il y avait
21 d'autres personnes déjà détenues à cet endroit ?
22 R. Pendant qu'on nous transportait à Batkovic, il y avait, bien sûr, des
23 gens qui venaient de différents endroits où ils étaient enfermés à Zvornik.
24 Et quand on est arrivé à Batkovic il s'y trouvait déjà des prisonniers
25 originaires de Vlasnica, de Papraca, de Brezevo Polje, de Bijeljina, Brcko.
26 Et ensuite des gens de Rogatica ont été amenés, et finalement des gens qui
27 venaient d'un autre camp. Est-ce que c'était Manjaca ? En tout cas, c'était
28 dans les environs de Prijedor, il me semble.
Page 5257
1 Q. Au compte rendu, ligne 10, on voit le nom de Petkovic. En fait, c'est
2 Batkovic, comme on voit l'orthographe deux lignes plus loin.
3 A Batkovic, est-ce que les autres prisonniers vous ont dit quel sort on
4 leur réservait ?
5 R. Comme on nous a regroupés avec les gens de Divic, ce sont surtout ces
6 gens-là qui nous ont dit ce qui leur était arrivé à la maison de la
7 culture. Nous avions déjà quelques renseignements parce que certains,
8 originaires de ce village, avaient déjà travaillé avec nous. Ils avaient
9 raconté ce que faisait Toro, Pufta, Zoks, là-bas, mais ils ne nous avaient
10 pas tout dit. On a donc entendu aussi ce qu'avait fait Repic avec son
11 groupe et, bien sûr, on essayait d'obtenir autant de renseignements que
12 possible. Evidemment à condition de croire ce qu'on nous disait, parce que
13 personne ne savait qui allait survivre. Donc on pensait qu'il était bon
14 d'avoir le plus de renseignements possible en cas de survie pour les
15 transmettre.
16 Q. Et qu'est-ce qu'on vous a dit à propos de ce qui s'est passé à Celopek
17 ?
18 R. On nous a dit, par exemple, que Repic et son équipe, Toro, Zoks et
19 Pufta également, venaient là-bas pour tuer des gens, couper les organes
20 sexuels des hommes, contraindre certains hommes comme, par exemple, un père
21 et un fils à avoir des rapports sexuels les uns avec les autres. Ils nous
22 disaient que ces hommes jouissaient de toute humiliation qu'ils pouvaient
23 faire subir aux prisonniers.
24 Et qu'un jour un vieil homme, ils ont demandé s'il avait un fils de
25 16 ans et d'autres jeunes enfants. Cet homme a dit : Non, et donc ils lui
26 ont dit : Bien, tu n'en auras plus, et ils lui ont tiré dans la tête. Et si
27 je ne me trompe, Repic lui a tiré une rafale dans la tête et a tué l'homme
28 qui était à côté de lui aussi.
Page 5258
1 Q. -- combien de temps à Batkovic ?
2 R. J'y suis resté jusqu'au 4 décembre 1992. A ce moment-là, je suis
3 sorti de Batkovic.
4 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et
5 Messieurs les Juges, j'ai ainsi terminé l'interrogatoire principal.
6 Questions de la Cour :
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'aurais une question, Monsieur le Témoin, à
8 vous poser, qui n'avait pas été abordée, mais qui est dans l'acte
9 d'accusation. Vous habitiez Zvornik. A côté, il y a une autre localité qui
10 s'appelle Mali Zvornik; est-ce bien ça ?
11 R. Oui, juste en face.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est indiqué dans l'acte d'accusation que M.
13 Seselj serait venu prononcer un discours dans la localité qui est face.
14 Aviez-vous été au courant de cela ?
15 R. J'en ai entendu parler, mais je n'ai pas assisté à cette allocution. Je
16 ne l'ai pas entendue moi-même. Je sais que ce meeting a été parsemé de
17 certains incidents, mais personnellement je ne les ai pas vécus.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Au moment où il y a eu ce discours vous étiez
19 présent à Zvornik, vous ?
20 R. Je ne me rappelle pas la date exacte de ce meeting, mais pratiquement
21 toute l'année qui a précédé le début de la guerre j'étais à Zvornik en
22 permanence.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vos voisins ou les gens qui habitaient Zvornik
24 parlaient de ce discours ou bien personne n'en parlait ?
25 R. On en parlait, mais il y a une chose. Personne parmi nous ne pouvait
26 concevoir que la guerre allait éclater chez nous, voyez-vous. On prenait ça
27 pour des mots, pour une façon d'obtenir des électeurs. Mais même
28 aujourd'hui quand je repense à tout cela, je ne peux pas croire vraiment à
Page 5259
1 la réalité de tout ce que j'ai vécu.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : sur le plan de répartition ethnique, Zvornik était
3 majoritairement serbe ou musulman ?
4 R. Zvornik en tant que ville était une ville majoritairement peuplée de
5 Musulmans. Il y a une partie de Zvornik qu'on appelait Srpska Varos la
6 ville serbe où des Serbes s'étaient déjà installés en occupant les maisons,
7 mais la majorité des habitants serbes de Zvornik habitaient tout de même
8 dans des appartements qui leur étaient concédés par l'Etat. Il est certain
9 que 60 à 70 % de la population de Zvornik était musulmane.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais juste terminer une question. Par l'action
11 que vous avez menée pour charger sur les camions des produits, des
12 matériaux qui avaient été pris aux maisons musulmanes, et j'ai écouté avec
13 attention ce que vous avez dit.
14 Alors si je comprends bien, vous mettiez dans le camion les matériaux qui
15 étaient pris à droite et à gauche.
16 R. Monsieur le Président, ces matériaux de construction étaient devant les
17 maisons d'où les Musulmans avaient été chassés donc c'était là, et nous,
18 nous contentions d'aller prendre ces matériaux et de les charger à bord des
19 camions. A la mi-juillet --
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous dites que vous les chargiez à bord des
21 camions. Il y avait donc plusieurs camions. Ces camions ils venaient de
22 Serbie ou c'étaient des camions locaux ?
23 R. La plupart du temps c'étaient des camions qui appartenaient à ces deux
24 entreprises de transport, des gros camions remorques qui emportaient tout
25 cela vers la Serbie. Quelquefois --
26 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est -- vous dites ces camions appartenaient aux
27 deux entreprises de transport. Ces entreprises de transport étaient des
28 entreprises locales ou des entreprises de transport de Belgrade ou de
Page 5260
1 Serbie ?
2 R. C'étaient des entreprises de transport, l'une s'appelle Ljubisa de
3 Loznicka Polje, qui avait un vrai camion. Et l'autre c'était un certain
4 Dragan, surnommé Mrgud, et je crois que lui aussi il avait une entreprise
5 de transport à Loznica.
6 Et si vous le permettez, Monsieur le Président, j'ajouterais --
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Ces deux entreprises de transport ne sont
8 pas des -- venaient pas de Belgrade mais des environs.
9 R. En effet.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le matériel était sur ces camions. Où
11 partaient-ils ces camions ?
12 R. Ils partaient vers l'entreprise communale Jadar à Loznica.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ils allaient donc à l'entreprise communale
14 dans cette localité Lozica, mais qui vous a dit que de là ça partait après
15 en Serbie ? Qui vous a dit ça ?
16 R. Excusez-moi, Monsieur le Juge, mais Loznica c'est déjà en Serbie c'est
17 de l'autre côté de la Drina.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Mais enfin quand je vous -- quand je disais la
19 Serbie je pensais à Belgrade. Ça allait à Loznica ou ça partait vers
20 Belgrade ?
21 R. Pour autant que je sache d'après ce que j'ai ouï dire de la bouche des
22 chauffeurs, ça allait vers Loznica. Je sais qu'une fois Dragan, le surnommé
23 Mrgud, a porté ou transporté des choses vers Kraljevo. Il était fâché, il
24 était en colère, il a dit qu'il ne le ferait plus jamais. Je ne sais pas ce
25 qui se trouvait à bord de ce camion.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce pillage, dont vous-même avez été victime puisque
27 vous nous avez expliqué l'anecdote du parapluie et de l'appareil CD acheté
28 en Allemagne. Vous-même vous avez été victime de cela. Quand vous étiez sur
Page 5261
1 place, est-ce que vous aviez le sentiment que c'était un pillage organisé
2 ou bien des personnes profitaient de la situation pour s'enrichir ? Quel a
3 été votre point de vue ?
4 R. A mon avis, Monsieur le Juge, si on peut les qualifier de la sorte, ces
5 petits vols, ces pillages à petite échelle où on volait des effets
6 particuliers dans les maisons, c'était à titre privé qu'on le faisait. Les
7 gros vols, tels qu'engins, matériaux de construction, ça a été à caractère
8 organisé. Je vais étayer ma thèse en avançant un fait, lorsqu'il y a eu un
9 contrôle de la police militaire pour voir qui nous étions et ce qu'on
10 faisait là, le commandant Toro a sorti une feuille de papier où il y avait
11 probablement autorisation de faire tout cela, parce que les autres s'en
12 allaient tout de suite.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc le commandant Toro avait une feuille de papier
14 sur lequel il y avait marqué ce qui devait être fait ?
15 R. Probablement était-ce une autorisation, le plein pouvoir. Enfin, je
16 n'ai peut-être pas eu le temps de le dire. Une fois qu'on a chargé dans un
17 magasin de tôlerie qui se trouvait non loin du marché à Zvornik, on a
18 trouvé à l'intérieur des sacs pleins de vêtements humains, donc des
19 vêtements utilisés pleins de sang. Je crois que j'en ai vu 192 ou 198. Le
20 numéro de la maison où on a trouvé ça. Il est venu des membres d'une unité
21 spéciale qui ont dit qu'il ne fallait pas y toucher, que c'était ce qu'ils
22 ont appelé des archives. Et Toro a montré un papier. On a donc laissé les
23 sacs de côté mais on a chargé le reste, et eux sont repartis.
24 Donc il devait forcément avoir des pouvoirs assez importants.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : J'en termine avec une dernière question. Vous avez
26 longuement parlé du voïvode Cele, et je me suis posé la question de savoir
27 pourquoi vous lui attribuez le titre de voïvode à ce Cele ? Comment le
28 saviez-vous, qui vous l'a dit ? Vous pouvez m'apporter des précisions ?
Page 5262
1 R. C'est des cocombattants qui l'ont dit, ça c'est d'un. Parce qu'eux ils
2 l'appelaient voïvode. Et quand Sasa est arrivé à Standard c'est ce qu'il a
3 dit. Qui plus est, je ne sais pas si c'est à ce moment-là ou à un autre
4 moment qu'il aurait raconté qu'un meeting au Monténégro lorsque quelqu'un a
5 jeté une grenade sur Seselj, il aurait donné un coup de pied pour
6 l'écarter, et il a sauvé la vie à Seselj et c'est pour cela qu'il a été
7 nommé voïvode. Je ne peux pas le confirmer pour sûr parce que je n'y étais
8 pas.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : D'après vous il aurait été nommé voïvode en quelle
10 année ?
11 R. Ça je ne saurais pas vous le dire. Parce que lorsque nous les avons
12 rencontrés par la première fois, ces gens-là l'appelaient déjà voïvode.
13 Alors de là à savoir quand est-ce qu'il est devenu voïvode, ça je ne sais
14 vraiment pas vous le dire.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc en 1992, puisque c'est en 1992 dans le deuxième
16 semestre que vous avez rencontré Cele, ceux qui étaient avec lui
17 l'appelaient voïvode ?
18 R. Excusez-moi, Monsieur le Juge. Nous étions en train de parler du mois
19 de mai de 1992, donc nous étions détenus dans le bâtiment de Standard.
20 C'est là que Sasa est venu nous dire que c'était un monsieur distingué
21 qu'il fallait prendre avec considération et lui faire preuve et montre de
22 considération en l'appelant voïvode.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous pose cette question parce qu'il y a un
24 témoin dont je ne vous dirais pas le nom mais qui est mentionné dans les
25 écritures du Procureur dans son mémoire préalable, qui indique que ce Cele
26 a été nommé voïvode chetnik en mai 1993.
27 Donc si ce témoin ne se trompe pas, en 1992 il n'était pas voïvode.
28 R. Ce que je peux vous dire c'est ce que je sais et ce que j'ai ouï dire.
Page 5263
1 Malheureusement, si Sasa nous a menti à ce moment-là, je suis également en
2 train de vous véhiculer une information erronée, mais c'est ce que j'ai
3 reçu comme information à l'époque.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors il nous reste un quart d'heure, M. Seselj,
5 vous voulez commencer le contre-interrogatoire ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, ne perdons pas de temps.
7 Contre-interrogatoire par M. Seselj :
8 Q. [interprétation] Monsieur VS-1013, c'est ainsi que je vais vous appeler
9 puisque c'est le nom de cote qu'on vous a attribué. Je ne conteste pas du
10 tout le fait qu'il y ait eu des crimes importants de commis à Zvornik. Je
11 n'ai aucune raison non plus de contester le fait que vous avez été victime
12 de ces crimes, et vous avez fini par un hasard, heureux hasard à vous
13 sauver. Mais je vais essayer de contester des identifications de personnes,
14 d'événements et de périodes dans le temps. Nous allons commencer par ce que
15 vous avez évoqué en dernier, à savoir le meeting de Mali Zvornik.
16 Vous avez dit qu'il y a eu là-bas des incidents, d'après ce que vous avez
17 ouï dire, n'est-ce pas ?
18 R. C'est ce que j'ai ouï dire, oui.
19 Q. Vous souvenez-vous de détails au sujet desdits incidents ? Il serait
20 arrivé un grand groupe du Grand Zvornik, ils nous auraient jeté des pierres
21 dessus, et cetera, le saviez-vous cela ?
22 R. Pour être tout à fait sincère, je sais qu'il y a eu des incidents, mais
23 de là à savoir de quel type d'incidents il s'agissait, je ne sais pas vous
24 en parler. Je ne sais pas qui les a commencés, à qui la faute.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Les interprètes me rappellent que quand vous posez
26 la question, éteignez le micro, votre micro afin que lui parle et réponde,
27 et puis quand vous reprenez la parole, vous rallumez le micro. C'est ça que
28 M. Marcussen voulait me dire ? Bien, très bien. J'ai lu dans ses pensées.
Page 5264
1 Bien, continuez, Monsieur Seselj.
2 M. SESELJ : [interprétation]
3 Q. Savez-vous à quel endroit dans Mali Zvornik j'ai tenu ce meeting ?
4 R. Je ne sais pas vous répondre, je n'étais pas présent.
5 Q. Est-ce que ça pouvait être la maison de la culture au centre même de la
6 ville ?
7 R. Je ne pourrais pas vous parler de ce meeting, je n'arrive pas à m'en
8 souvenir, je ne sais pas. Cela se peut mais je ne peux pas vous répondre ni
9 par oui ni par non.
10 Q. Ce qui est important c'est que vous ayez le souvenir d'avoir entendu
11 parler de l'incident, alors si vous ne pouvez pas parler de détails, tant
12 pis je ne vais pas insister.
13 R. Excusez-moi, je regrette vraiment, je n'étais pas présent. J'ai ouï
14 dire qu'il y a eu quelque chose, mais je ne sais pas. Il y aurait eu une
15 bagarre, une rixe, mais je ne sais pas vous dire ce qui s'est passé
16 vraiment parce que je n'ai pas été présent.
17 Q. Savez-vous en quelle année s'est tenu ce meeting ?
18 R. Etait-ce en 1990 ou en 1991, je ne sais pas.
19 Q. Bon, c'est ce qui importe, Monsieur VS-1013, ce meeting s'est produit
20 en début août 1990 et non pas comme l'acte d'accusation le dit en mars
21 1992. J'en suis satisfait de votre réponse.
22 R. Je peux ajouter qu'en 1990, début 1992, j'ai eu un malade grave dans ma
23 famille, ce qui fait que 90 % de mon temps je l'ai consacré aux soins.
24 Malheureusement cette personne est décédée par la suite, ce qui fait que le
25 reste, croyez-moi bien, ne m'intéressait pas tant.
26 Q. Moi, ce qui est important pour moi, c'est que vous ayez situé la
27 période de temps de façon correcte. Je vous ai quelque peu aidé, donc il
28 s'agissait du début août 1990 et non pas mars 1992. Je ne vais pas m'y
Page 5265
1 attarder davantage.
2 Quelles ont été les raisons qui vous ont incité à demander des
3 mesures de protection pour ce qui est de ce témoignage, ça m'intéresse ?
4 M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer aux mesures de protection,
5 certainement à huis clos mais je reviens au discours.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas de raison, je retire ma
7 question. Dans ce cas, je retire ma question ou alors je la reformulerai.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce n'est pas sur ce sujet que j'intervenais.
9 La question qui me paraît très importante, c'est le discours que tient M.
10 Seselj apparemment au mois d'août 1990.
11 Les événements graves qui vont se dérouler ne se déroulent pas en
12 1990. Vous êtes bien d'accord.
13 Si M. Seselj tient un discours en août 1990, il doit y avoir un
14 retentissement en principe. Dans votre mémoire, août, septembre, octobre,
15 novembre, la fin de l'année 1990, est-ce que ce discours a eu un
16 retentissement parce que vous, vous parlez d'incidents. Alors les incidents
17 que vous aviez en mémoire, est-ce qu'ils sont consécutifs immédiatement au
18 discours, et là, c'est 1990, mais pas en 1991, pas en 1992. Quelles
19 précisions pouvez-vous nous donner ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos partiel
21 pour que je vous explique la situation qui était la mienne à l'époque.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : On passe à huis clos partiel.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes à huis
24 clos partiel.
25 [Audience à huis clos partiel]
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 5266
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 [Audience publique]
21 M. SESELJ : [interprétation]
22 Q. Je n'aime pas poser de questions à huis clos partiel, j'espère que vous
23 me comprenez. Monsieur VS-1013, est-ce que vous estimez que de mon côté à
24 moi, vous êtes menacé de représailles pour ce qui est de votre témoignage
25 dans le procès qui est conduit à mon encontre et que cela pourrait être la
26 raison des mesures de protection ?
27 R. Si je puis répondre, je dirais que dans une vie normale on n'est jamais
28 trop prudent.
Page 5267
1 Q. Si je vous ai bien compris, vous n'avez aucun indice concret disant que
2 vous êtes menacé de ma part dans le concret. Est-ce que vous pouvez être
3 plus précis dans votre réponse ?
4 R. Je n'ai pas reçu de menaces directes.
5 Q. Merci.
6 R. Je vous en prie.
7 Q. Vous vous souviendrez du début des conflits.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Pas de menaces directes, mais un esprit logique
9 pense aux indirectes. Il y aurait eu quelque chose sur le plan indirect ?
10 On peut peut-être passer à huis clos. Bien, alors on va passer à huis clos.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous sommes
12 à huis clos partiel.
13 [Audience à huis clos partiel]
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 5268
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 [Audience publique]
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une recommandation. Vous êtes maintenant
24 témoin de la Justice. Ce qui veut dire que vous n'avez pu aucun contact
25 avec le bureau du Procureur, et donc nous nous retrouverons demain pour la
26 suite du contre-interrogatoire qui a juste commencé. Mais M. Seselj aura
27 donc quasiment trois heures demain pour vous contre-interroger. Donc, en
28 principe, nous devrions terminer avec vous demain. Demain, nous reprenons
Page 5269
1 l'audience à 8 heures 30 parce que mes collègues sont également partie
2 prenante dans un autre procès, donc nous commencerons demain à 8 heures 30.
3 Je vous remercie.
4 --- L'audience est levée à 13 heures 16 et reprendra le mercredi 26 mars
5 2008, à 8 heures 30.
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28