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1 Le mercredi 9 avril 2008
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 8 heures 32.
5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, pouvez-vous appeler le numéro
7 de l'affaire, s'il vous plaît.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.
9 Il s'agit de l'affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.
11 En ce mercredi 9 avril 2008, je salue tous les représentants de
12 l'Accusation, je salue M. le Témoin et je salue M. Seselj, ainsi que toutes
13 les personnes qui nous aident dans notre tâche.
14 Aujourd'hui, cette audience est consacrée à l'audition du témoin dans le
15 cadre de la procédure 92 ter. Etant précisé que la semaine dernière, et pas
16 plus tard qu'hier, M. Seselj nous a fait part de sa volonté de ne pas
17 contre-interroger. Peut-être que la nuit portant conseil, il contre-
18 interrogera, je n'en sais strictement rien.
19 Quoi qu'il en soit, cette procédure va se dérouler de la manière
20 suivante : le Procureur fera un bref résumé de la déclaration écrite, lui
21 posera les questions traditionnelles sur le contenu, la véracité de ce
22 qu'il a pu dire, et par ailleurs le Procureur pourra lui poser des
23 questions et lui présenter quelques documents. Suite à cela, les Juges
24 poseront donc des questions au témoin.
25 De ce fait, je vais procéder donc à la déclaration solennelle en
26 demandant au témoin de se lever.
27 Alors, Monsieur, pouvez-vous me donner votre nom, prénom, date de
28 naissance.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Kopic Fadil. Je suis né le
2 5 mars 1966.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous une profession ou une activité, que
4 faites-vous actuellement ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis au chômage pour le moment.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous êtes au chômage depuis combien de mois,
7 combien d'années ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis au chômage depuis la guerre, 15 ans.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Et depuis 15 ans, comment faites-vous pour vivre,
10 vous avez des revenus, une pension, des aides, une fortune ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon épouse travaille, et je touche des
12 prestations sociales de la part de la municipalité.
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2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors dernière question avant de vous faire
3 prêter serment. Vous avez été entendu par le bureau du Procureur. Mais
4 avant cela, avez-vous été entendu par d'autres enquêteurs, d'autres
5 policiers ?
6 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Jamais ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous demande de lire votre déclaration
10 solennelle.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
13 LE TÉMOIN : TÉMOIN VS-1014 [Assermenté]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur, vous pouvez vous asseoir.
16 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors avant de donner la parole à M. le Procureur,
18 quelques éléments d'information de ma part dont va se dérouler cette
19 audience. Je vais donner la parole après à M. Seselj qui veut intervenir.
20 Vous allez devoir répondre d'abord, Monsieur, à des questions que M. le
21 Procureur va vous poser. Vous avez dû le rencontrer ce week-end dernier ou
22 il y a quelques jours en vue de préparer cette audience. A l'issue de cela,
23 je vous poserai et mes collègues vous poseront des questions, et je
24 demanderai le cas échéant à M. Seselj s'il a l'intention de vous poser des
25 questions.
26 Une fois que toutes les questions auront été posées, à ce moment-là, vous
27 pourrez repartir dans votre pays.
28 Monsieur Seselj, je crois que vous avez levé la main, vous vouliez
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1 intervenir. A quel sujet ?
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai souhaité avant que le témoin ne fasse sa
3 déclaration solennelle évoquer une question administrative. Si c'est
4 possible, peut-être pourrions-nous le faire après la première pause, ce
5 sera assez bref. Ça n'a rien à voir avec ce témoin-ci.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Aucun problème.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a cinq minutes, mes collaborateurs de
8 Belgrade m'ont envoyé une photocopie d'un article extrait d'un journal à
9 haut tirage à Belgrade qui s'appelle "Blitz". Ça a été publié le 6 avril.
10 Dans cet article, on poursuit la guerre de propagande de la part du
11 Greffier ou de la part du bureau du Procureur contre moi. Ici, sur plus
12 d'une moitié de page, on dit des mensonges affirmant que dans l'unité de
13 détention j'ai rencontré les avocats de Ramush Haradinaj et que j'aurais
14 été visité par des avocats britanniques du bureau du cabinet de Tony Blair.
15 Je n'ai pas la possibilité de m'adresser au public, je ne peux pas faire de
16 déclaration à l'intention des journalistes, et j'exige que le Greffe
17 démente ceci d'urgence et nous dise si c'est de leurs rangs ou des rangs du
18 bureau du Procureur que ce mensonge est sorti. Parce que l'administration
19 de la prison sait fort bien que je n'ai jamais rencontré ni les avocats de
20 Ramush Haradinaj, ni quelque autre avocat que ce soit, et si j'ai rencontré
21 au passage un avocat serbe, ce sera à peu près tout que ce j'ai fait. Je
22 pense que c'est quelque chose de tout à fait incroyable et cela n'est que
23 la première des fausses nouvelles lancées par le Tribunal de La Haye de la
24 part de ceux qui sont gênés par ma Défense fructueuse et ils veulent me
25 calomnier de toutes les façons possibles.
26 Ceci me porte détriment sur le plan moral. Je peux remettre ceci au
27 représentant du Greffe pour que des copies soient faites pour les Juges de
28 la Chambre, le Greffe et le bureau du Procureur. Je voudrais qu'on me rende
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1 un exemplaire, mais j'estime que vous devriez prendre ma défense.
2 Parce que tout ce qui est lié à ce Tribunal et qui est placé comme
3 mensonge par le biais des médias et que je n'ai pas la possibilité de
4 répondre ou de riposter, il faut que quelqu'un réponde au nom du Tribunal.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire donc des copies, on fera les traductions
6 et puis nous demanderons des renseignements au Greffier, à savoir si ces
7 informations sont sorties à partir de la prison. Donc on va faire des
8 photocopies, en donner une aussi à M. le Procureur. Très bien. Et nous vous
9 tiendrons informé de la position de la direction de la prison à cet égard.
10 Alors, Monsieur le Procureur, je vous donne la parole pour cette procédure.
11 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président. Est-ce que nous
12 pourrions passer très rapidement en "private session" pour une question
13 assez courte.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous passons en audience à huis clos
15 pendant quelques instants. Madame la Greffière.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous
17 sommes à huis clos partiel.
18 [Audience à huis clos partiel]
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18 [Audience publique]
19 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je me
20 propose maintenant, comme vous m'y avez invité, à lire le résumé de
21 l'audition du présent témoin, M. Fadil Kopic. Je commence et je prie les
22 interprètes de me faire savoir si je vais trop vite :
23 [interprétation] Le témoin est un Musulman qui est né en mars 1966 à
24 Caparde dans la municipalité de Kalesija. Il a terminé sa formation
25 professionnelle pour devenir serveur. Il a également terminé son service
26 militaire en 1985 à 1986 à Zagreb, en Croatie. Il est marié, il a deux
27 enfants.
28 Il avait 26 ans et vivait toujours à Caparde lorsque le conflit a éclaté.
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1 Le 5 mai 1992, le témoin et environ 30 autres personnes ont essayé de
2 s'enfuir de Cerska en direction d'un territoire libre. Lorsqu'ils sont
3 arrivés au village de Planinci, une partie de ce groupe, y compris le
4 témoin, a été arrêtée et détenue par plusieurs officiers de police. Le
5 témoin et ses compagnons ont été emmenés dans le village serbe de Vidovici.
6 Là, le témoin a vu des hommes qui portaient des vêtements civils, des
7 vêtements de policiers et des uniformes et des vêtements militaires. Les
8 détenus ont été fouillés et leur argent, documents, montres et objets en or
9 leur ont été enlevés. Ensuite on leur a donné l'ordre de se coucher à terre
10 et ils ont été passés à tabac. Une des personnes qui les avait capturés, un
11 homme plus âgé avec un "subara" - c'est un chapeau de fourrure assez haut -
12 et portant une longue barbe, leur a dit qu'il allait les tuer. Une autre
13 personne a déclaré qu'ils avaient reçu l'ordre d'emmener les détenus à
14 Zvornik.
15 Les policiers ont lié les mains des détenus et des témoins et leur ont
16 demandé de monter à bord d'un camion qui se rendait en direction de
17 Zvornik. Le camion s'est tout d'abord arrêté à l'usine d'Alhos à Karakaj,
18 où les policiers qui les avaient capturés ont parlé d'un groupe de soldats
19 serbes qui portaient des uniformes verts et gris. Les soldats ont retiré la
20 bâche du camion pour pouvoir les frapper. Le témoin est arrivé à Zvornik et
21 le camion s'est arrêté au bâtiment du SUP, où ils ont été interrogés sur ce
22 qu'ils avaient fait et ils ont été menacés.
23 Après un interrogatoire, ils ont été ramenés à Karakaj à la ferme
24 Ekonomija. A la ferme Ekonomija, le témoin a été placé dans une pièce en
25 béton qui faisait 15 mètres sur 20 et qui comportait des traces de sang sur
26 les murs. Il y avait une fenêtre de 50 centimètres qui avaient des
27 barreaux.
28 Les premiers jours, le témoin n'avait pas d'endroit où se coucher. Il y
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1 avait du foin et du carton qui lui ont été fournis après. Il n'y avait pas
2 de savon et il n'y avait pas de serviettes. Quelques gardiens ont permis
3 aux détenus d'utiliser les toilettes. C'étaient des hommes qui portaient un
4 uniforme gris vert olive de la JNA qui montaient la garde.
5 Deux heures après être arrivés à la ferme de l'Ekonomija, un groupe de
6 soldats portant des uniformes de camouflage sont entrés. Ils avaient chacun
7 des pistolets et des armes automatiques ainsi qu'un couteau. Ils ont menacé
8 les détenus et les ont insultés. Ils ont insulté le président Milosevic et
9 glorifié leur chef qui, d'après eux, était Vojislav Seselj. Bientôt les
10 soldats ont commencé à les passer à tabac. On les a roués de coups et on
11 leur a donné des coups de batte. Certains détenus ont perdu connaissance,
12 et on a versé de l'eau sur eux pour qu'ils soient réanimés. Le témoin plus
13 tard a appris que ces hommes venaient de Kraljevo. Parmi ces hommes il y
14 avait le commandant Dragan Toro, Zoks, Pufta, Savo, et Repak.
15 Quelques jours plus tard, d'autres détenus de l'usine de Standard de
16 Karakaj l'ont rejoint. En réalité, de nouveaux détenus sont souvent arrivés
17 et d'autres repartaient. A un moment donné, il y avait 40 détenus à
18 l'Ekonomija. Tous les détenus étaient régulièrement passés à tabac par le
19 groupe de Kraljevo et un groupe de cinq ou six policiers militaires de
20 Loznica, y compris Rogonja, Brko et Cupo. Le témoin a vu un témoin faire
21 l'objet de sévice sexuel. Ce détenu a été tué par la suite. Les gardiens
22 n'ont rien fait pour empêcher ce traitement.
23 Compte tenu de ce que ces hommes de Kraljevo ont dit, le témoin pense
24 qu'ils rendaient compte directement à Seselj. Pivarski a rejoint ces hommes
25 plus tard et a participé aux passages à tabac également. Dans un cas,
26 Niski, un des hommes de Loznica, a demandé aux détenus de se mettre en rang
27 et a choisi ceux qui étaient en très bonne condition physique. Le groupe
28 sélectionné a ensuite été placé à bord d'un camion et emmené à la
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1 briqueterie de Novi Izvor, également connue sous le nom de Ciglana. Le
2 témoin n'a pas fait partie de ce groupe qui avait été sélectionné.
3 Plus tard ce jour-là, le témoin a été contacté par Pivarski et on lui a
4 demandé s'il avait de l'argent sur lui et si quelqu'un était prêt à verser
5 de l'argent pour sa remise en liberté. Le témoin a proposé 700 marks
6 allemands qu'il avait soigneusement cachés. En conséquence, le témoin a été
7 emmené à Ciglana. Il ne sait pas ce qui est advenu des autres personnes qui
8 sont restées dans cette pièce où ils étaient détenus à la ferme Ekonomija.
9 A Ciglana, le témoin a travaillé avec les hommes de Loznica et Kraljevo et
10 a pillé les maisons vides des Musulmans dans la ville de Zvornik et des
11 villages voisins. Les camions ont transporté tous ces objets vers la
12 Serbie. D'autres détenus travaillaient à Ciglana dans la briqueterie.
13 Les passages à tabac ont repris à Ciglana. C'était le même groupe qui avait
14 passé à tabac le témoin à l'Ekonomija, mais ils ne venaient pas aussi
15 souvent. Le témoin se souvient d'un passage à tabac au cours duquel on leur
16 a dit d'enlever leurs vêtements jusqu'à la taille. On a inspecté leurs
17 corps pour voir s'ils comportaient des tatous. Un homme avait un tatouage
18 en fait au niveau de son bras. Le témoin pense qu'on pouvait y voir une
19 étoile et un croissant de lune.
20 Pufta lui a dit de faire enlever ce tatouage d'ici le lendemain matin.
21 L'homme a essayé de l'enlever en le brûlant, mais cela se voyait toujours.
22 Pufta a ensuite enlevé le tatouage à l'aide d'un couteau. Pufta a également
23 coupé l'oreille d'un détenu nommé Ismet Cirak. Pufta a ensuite tué Cirak.
24 Alors qu'il était à Ciglana, un groupe de personnes est arrivé. Ils ont dit
25 qu'ils avaient été détenus à la Dom Kulture de Celopek et qu'ils y avaient
26 été torturés.
27 A la mi-juillet ou vers la fin du mois de juillet, le témoin a été
28 transféré à Batkovic. Il y est resté jusqu'au mois de novembre 1992
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1 lorsqu'il a été remis en liberté dans le cadre d'un échange de prisonnier.
2 [en français] Fin du résumé de l'audition enfin du témoin.
3 Page 10 ligne 12, on me signale une erreur de traduction. J'avais dit :
4 "Les gardes ne firent rien pour stopper ces traitements", et en anglais on
5 peut lire : "Les Croates ne firent rien pour stopper ces traitements."
6 C'est bien le mot "gardes" que j'avais utilisé et non le terme "Croates."
7 Je peux, si vous voulez bien maintenant soumettre l'audition du témoin
8 selon la procédure 92 ter. J'ai confié à Mme l'Huissière un petit classeur
9 avec l'audition du témoin. Et on peut également parallèlement afficher
10 cette audition sur les écrans. C'est la pièce qui porte le numéro 65 ter
11 7190. Je répète 7190. Et j'aimerais plus précisément la version en serbe du
12 document, pour que le témoin puisse l'avoir.
13 Interrogatoire principal par M. Dutertre :
14 Q. Monsieur Kopic, est-ce que vous vous souvenez avoir donné une audition
15 à un enquêteur de ce Tribunal en 1997 plus précisément les 13 et 14 juillet
16 1997 ?
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, la Chambre vous demande de
18 nous préciser quelle est la différence entre déclaration et audition.
19 M. DUTERTRE : Je vais vérifier le terme que j'ai employé, Monsieur le
20 Président. C'est une déclaration écrite, pour être plus précis. J'utilisais
21 des termes un peu génériques pour le témoin, mais c'est une déclaration
22 écrite.
23 Q. Donc est-ce que, Monsieur Kopic, vous vous souvenez avoir donné une
24 déclaration écrite à un enquêteur du Tribunal en 1997, et plus précisément
25 les 13 et 14 juillet ?
26 R. Oui, je m'en souviens.
27 Q. Monsieur Kopic, vous avez un classeur et un document qui apparaît sur
28 l'écran devant vous. A ce stade j'ai trois questions.
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1 Première question : est-ce que le document qui apparaît devant vous et dont
2 vous avez une copie papier est bien la déclaration écrite que vous avez
3 donnée les 13 et 14 juillet 1997 à un enquêteur du Tribunal ?
4 R. Oui.
5 Q. Je vous remercie. Est-ce que cette audition écrite, Monsieur Kopic,
6 cette déclaration écrite représente de façon exacte votre témoignage ou vos
7 propos à l'enquêteur qui vous avait interrogé à l'époque ?
8 R. Oui. Est-ce que je peux ajouter juste quelque chose, suite à ce que
9 vous avez exposé précédemment ? Est-ce que je peux ?
10 Q. Bien sûr, bien sûr.
11 R. Vous avez parlé de ce monsieur qu'on a abusé sexuellement à Ekonomija,
12 je ne sais pas comment vous entendez ça, on l'a enfourché sur un pieu. Il
13 n'y a pas eu de contact avec une autre personne, vous savez. Et par la
14 suite, il a été tué.
15 Q. Je vous remercie de cette précision utile.
16 R. Et un autre point. Ismet Cirak, non pas Sirak. Je ne sais pas comment
17 vous écrivez ces lettres que nous avons avec des accents, mais c'est
18 "Cirak" chez nous.
19 Q. Entendu, je vous remercie. C'est effectivement utile pour tout à
20 chacun. On reviendra éventuellement sur ces précisions. Je vous remercie
21 pour cela, Monsieur Kopic.
22 R. Est-ce que je pourrais avoir un crayon sur moi pour pouvoir prendre des
23 notes ? Pour ne pas vous interrompre, lorsque vous parlez et pour que je
24 puisse réagir par la suite si une erreur s'est glissée dans ce que vous
25 avez dit. Je peux avoir juste un petit crayon, parce que je ne voudrais pas
26 mémoriser ça, à l'avenir il y aura peut-être d'autres points comme ça.
27 Merci.
28 Q. Bien sûr. Troisième question, Monsieur Kopic : est-ce que vous
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1 donneriez aujourd'hui devant ce Tribunal, les mêmes réponses que celles que
2 vous avez données à l'époque à l'enquêteur, si on vous interrogeait à
3 nouveau sur tous ces points aujourd'hui ?
4 R. Oui, certainement. Je ne parle que de ce que j'ai vécu et que j'ai vu.
5 Q. Je vous remercie.
6 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, je souhaite verser l'audition du
7 témoin comme élément de preuve, et sollicite un numéro d'"exibit".
8 M. LE JUGE ANTONETTI : On donnera un numéro après qu'on ait posé des
9 questions.
10 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.
11 Je souhaite maintenant afficher la pièce portant le numéro 65 ter 7188. Il
12 s'agit d'une carte.
13 Q. Monsieur Kopic, de manière très générale, est-ce que vous pouvez nous
14 indiquer ce que cette carte représente ? Quelle est la région montrée par
15 cette carte ?
16 R. Ce que je vois ici c'est Zvornik, Karakaj, la rivière Drina, et les
17 villages alentours.
18 M. DUTERTRE : Je vous remercie. Monsieur le Président, j'aimerais verser
19 cette pièce comme élément de preuve pour avoir une carte vierge à la
20 disposition. Ça pourrait être utile pour les témoins futurs éventuellement.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Un numéro, Madame la Greffière, pour cette carte.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P358.
23 M. DUTERTRE :
24 Q. Monsieur Kopic, vous avez indiqué dans votre audition 92 ter, avoir été
25 arrêté à Planinci. J'aimerais, si vous voulez bien, que vous puissiez
26 localiser cet endroit sur la carte qui est devant vous ? Avec une croix,
27 l'entourer cette croix d'un cercle, et mettre la lettre A à côté. Mme
28 l'Huissière va vous assister dans cette exercice avec le crayon tactile.
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1 Donc si vous pouvez mettre une croix à côté de Planinci, encercler cette
2 croix, et mettre la lettre A.
3 R. C'est cela.
4 Q. Mettre la lettre "A", s'il vous plaît.
5 R. [Le témoin s'exécute]
6 Q. Je vous remercie. Monsieur Kopic, vous avez également indiqué dans
7 votre audition avoir été détenu à la ferme Ekonomija à Karakaj. Pouvez-vous
8 marquer sur cette carte l'endroit où la ferme Ekonomija de Karakaj est
9 située, mettre une croix, l'encercler et apposer la lettre "B" ?
10 R. Je vais essayer de faire cela de manière approximative puisque je
11 n'arrive pas à déterminer exactement où cela se situe. Je n'ai jamais eu
12 l'occasion de voir cette vue. Je pense que c'est une vue aérienne ici, je
13 pense que c'est à peu près ici que cela se situe. A peu près ici.
14 Q. Entendu. Est-ce que vous pourriez faire le même exercice pour la
15 fabrique de Ciglana, où vous avez été ensuite emmené, mettre une croix,
16 l'encercler, et mettre la lettre "C."
17 R. Oui, je vais tenter de le faire de nouveau de manière approximative.
18 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur Kopic. Je souhaiterais verser cet
19 élément de preuve au dossier, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Un numéro, Madame la Greffière.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 359.
22 M. DUTERTRE : Je souhaiterais maintenant, Monsieur le Président,
23 éventuellement vos instructions sur le point suivant. Peut-être M. Kopic
24 peut enlever ses écouteurs pour quelques secondes.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Kopic, enlevez vos écouteurs.
26 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, en 1997 le témoin a fait un dessin de
27 l'endroit où il avait été détenu à la ferme de Karakaj. Je souhaite vos
28 instructions sur ce point. Ce dessin porte un numéro d'"exibit", je peux le
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1 faire apparaître sur l'écran et le présenter au témoin pour reconnaissance,
2 mais peut-être souhaiteriez-vous qu'en fait il fasse aujourd'hui un dessin
3 nouveau. Je ne sais pas quel est votre choix, et je me remets à votre
4 appréciation.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur le Procureur, vous pouvez
7 utiliser l'ancien dessin. Ce n'est pas la peine de recommencer, et puis
8 vous lui posez vos questions à partir du dessin.
9 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président. M. Kopic peut
10 remettre ses écouteurs.
11 M. LE JUGE HARHOFF : C'est bien le témoin qui a fait ce dessin.
12 M. DUTERTRE : Tout à fait.
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. Merci.
14 M. DUTERTRE : D'après ce que je peux en dire.
15 Je souhaite afficher la pièce portant le numéro 65 ter 2526. Le réduire.
16 Peut-être encore un tout petit peu.
17 Et pour l'information de la Chambre, il y a une traduction qui est attachée
18 dans l'e-court.
19 Q. Monsieur Kopic, de manière très générale, qu'est-ce que ce dessin
20 représente, est-ce que vous pouvez nous le dire ?
21 R. Je suis un profane, je ne suis pas un artiste. Donc j'ai dessiné
22 Ekonomija où nous avons passé deux jours.
23 Q. Entendu. Donc c'est vous qui êtes l'auteur de ce dessin et c'est votre
24 signature qui est en bas du dessin; est-ce exact, est-ce que j'ai bien
25 compris ?
26 R. Oui.
27 Q. Sur ce dessin, il y a un certain nombre de bâtiments. Est-ce que vous
28 pouvez nous indiquer le bâtiment où vous étiez détenu ? Est-ce qu'il est
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1 visible sur --
2 R. C'est ce premier bâtiment à la droite à partir de l'entrée, et on voit
3 la porte. Vous voulez que je dessine quelque chose ?
4 Q. Vos explications orales suffisent dans la mesure où il y a une légende.
5 Parfait. Je vous remercie.
6 Je souhaite, Monsieur le Président, soumettre cette pièce comme élément de
7 preuve et la verser au dossier.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Un numéro, Madame la Greffière.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P360.
10 M. DUTERTRE : Je vous remercie.
11 Q. Pour l'étape suivante, je n'ai pas de dessin préalable, mais j'aimerais
12 - et on peut peut-être mettre une page blanche sur le projecteur -
13 j'aimerais que le témoin fasse un dessin de l'endroit où il était ensuite
14 détenu à la fabrique de Ciglana, si Mme l'Huissière peut l'assister.
15 Monsieur Kopic, si vous pouvez dessiner, faire une représentation de
16 l'endroit où vous étiez détenu à Ciglana ?
17 R. Je dois donner quelques explications.
18 Ce que je suis en train de dessiner, c'est la route Karakaj-Bijeljina, et
19 puis au fur et à mesure que je dessinerai, je donnerai des explications.
20 Là, à peu près, se situerait l'entrée de Ciglana, la briqueterie.
21 L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.
22 M. DUTERTRE :
23 Q. Est-ce que vous pouvez mettre la lettre "A" à côté de l'entrée pour
24 qu'on se souvienne ?
25 R. Oui. Là, c'est à peu près la pièce où on était détenus, et là c'est la
26 porte d'entrée. Et à coté de la porte d'entrée, il y a une fenêtre.
27 L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.
28 M. DUTERTRE :
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1 Q. Vous pouvez mettre la lettre "B" pour indiquer la pièce où vous étiez
2 détenu ?
3 R. [Le témoin s'exécute]
4 Q. Merci.
5 R. [Le témoin s'exécute]. Ce que je viens de dessiner, c'était l'usine où
6 ils fabriquaient leurs produits; des briques, des tuiles, je ne sais pas
7 tout ce qu'ils fabriquaient là.
8 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous pouvez mettre la lettre "C" pour
9 indiquer cette usine.
10 R. [Le témoin s'exécute]
11 Q. Merci.
12 Je souhaite verser ce dessin comme élément de preuve, Monsieur le
13 Président.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, un numéro pour cette pièce.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela sera la pièce P361.
16 M. DUTERTRE : Si on peut la récupérer pour --
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame l'Huissière, allez récupérer le dessin.
18 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur Kopic.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, faites une copie de ce dessin
20 pour M. Seselj.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux ajouter quelque chose ? Je
22 peux ?
23 Il y avait là d'autres bâtiments qui ne sont pas très importants sur
24 la droite par rapport à l'usine. Il y avait aussi un endroit où on
25 chargeait des produits en béton et c'est là qu'ils nous assénaient des
26 coups lorsqu'on était trop fatigués, lorsqu'on ne pouvait pas continuer de
27 travailler.
28 M. DUTERTRE : Je vous remercie pour cette précision, Monsieur Kopic.
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1 Q. Monsieur Kopic, je passe à un tout autre sujet maintenant et je
2 retourne à votre audition. Page 3 de votre déclaration écrite en anglais,
3 vous indiquez avoir été mis dans une pièce à la ferme Ekonomija à Karakaj
4 le jour de votre arrestation, et vous indiquez que deux heures après, des
5 hommes sont entrés et qu'ils ont glorifié leur leader, Vojislav Seselj.
6 Est-ce que vous pouvez dire en quels termes, est-ce que vous pouvez
7 détailler les propos qu'ils ont tenus par rapport à M. Seselj ?
8 R. Là, je ne peux pas vous préciser la date ou l'heure, je ne sais pas si
9 c'est exactement deux heures plus tard ou une heure plus tard qu'ils sont
10 venus nous voir. Mais quand ce groupe est arrivé, de l'extérieur, l'un des
11 gardes a dit : "Voilà les militaires qui arrivent." Je ne sais pas s'ils
12 ont dit Aigles blancs ou quelque chose de comparable, puis ils sont entrés
13 et ils ont commencé à nous rouer de coups en utilisant toutes sortes
14 d'objets. Et puis ils ont injurié notre président, Alija. Ils nous disaient
15 : pourquoi avez-vous voté pour Alija. Et Milosevic, lui non plus, on
16 n'aurait pas dû voter pour lui. On aurait dû voter pour Seselj. C'est ce
17 genre de chose qu'ils disaient.
18 Q. Et comment ont-ils décrit M. Seselj, vous vous souvenez ?
19 R. Vous comprenez, ils ont dit que c'était un dieu, donc c'était quelqu'un
20 de très important à leurs yeux, pour eux, je veux dire.
21 Q. Je vous remercie. Autre question, autre point : est-ce que vous pouvez
22 nous dire, Monsieur Kopic, qui est la personne qui porte le nom de Marko
23 Pavlovic ?
24 R. Je ne peux pas vous dire précisément. Je connais le nom. Je pense que
25 c'était quelqu'un à Zvornik. Je pense qu'à une occasion il est arrivé à
26 Ekonomija lorsqu'ils ont voulu nous sélectionner, nous quelques-uns qui
27 étions plus aptes à travailler, et qu'ils faisaient partie de cette équipe-
28 là. Je suis à 90 % certain qu'il se trouvait là.
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1 Q. Vous indiquez : "Je pense qu'il était là." Qu'est-ce qui vous fait
2 penser qu'il était là, quel élément factuel vous fait penser qu'il était là
3 ? Vous l'avez vu, vous avez entendu son nom, vous avez -- qu'est-ce qui
4 s'est passé ?
5 R. Oui, j'ai entendu l'un des gardes dire : "Marko va maintenant régler ce
6 qu'il faut faire avec eux, où il faut les mettre" lorsqu'il disait eux, ils
7 pensaient à nous, donc à moi et les autres personnes qui étaient détenues
8 avec moi.
9 Q. Et quand le garde a dit ça, à quelle distance étiez-vous du garde ?
10 R. Je peux même montrer sur cette image. Ils sont passés devant ce
11 bâtiment où nous étions détenus. Nous étions dans cette petite pièce qui
12 avait peut-être à peu près 20, 25 mètres carrés en tout. Et on les
13 entendait parler lorsqu'ils passaient devant parce que nous, on n'osait
14 même pas parler ni les regarder. On entendait pratiquement les gens
15 respirer. On n'avait pas le droit de parler, on n'avait même pas le droit
16 de tousser, encore moins de faire des commentaires.
17 Q. Quelle a été la réaction des gens, si toutefois vous avez pu
18 l'observer, lorsque le garde a prononcé le nom de Marko Pavlovic ?
19 R. Vous faites référence à quelles personnes, là ?
20 Q. Les personnes qui vous gardaient ou les militaires qui vous gardaient,
21 quelle a été la réaction de ces personnes, si toutefois vous avez pu
22 l'observer, lorsque le nom de "Marko Pavlovic" a été prononcé ?
23 R. J'ai dit qu'on n'osait même pas regarder dans cette direction, on
24 entendait. Et uniquement quand quelqu'un rentrait dans la pièce, on osait
25 le regarder un petit peu. Généralement, on était obligés de regarder par
26 terre quand quelqu'un arrivait parce que sinon ils nous assénaient des
27 coups. Donc je ne sais pas quelle a été leur réaction, mais d'après la
28 voix, j'ai compris que c'était je suppose un supérieur, quelqu'un
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1 d'important.
2 Q. Je vous remercie. Autre point, Monsieur Kopic, qui est Meco ?
3 R. Meco ?
4 Q. [hors micro]
5 R. C'était un monsieur qui a vécu à Zvornik avant la guerre, il faisait
6 partie de ce groupe où je me suis trouvé à Ekonomija pendant quelque temps.
7 Q. Et que lui est-il arrivé ?
8 R. Meco, je ne sais pas exactement quel était son nom, c'était son surnom,
9 "Meco". Je peux vous trouver et vous le faire savoir après si c'est
10 nécessaire. J'ai juste cité le nom Petko Hajdukovic quelque part dans ma
11 déclaration. Petko Hajdukovic et Meco sont tous les deux de Zvornik. Petko,
12 il venait, et souvent il donnait des coups avec un bâton ou avec la crosse
13 de son fusil. Et il a quasiment cassé son bâton ou son pieu sur Meco et
14 puis il l'a emmené. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de lui. Après la
15 guerre, j'ai appris qu'il a été tué.
16 Q. De qui avez-vous appris qu'il avait été tué ? Qui vous a dit cela ?
17 R. J'ai vu beaucoup de gens qui le connaissaient. J'ai même vu le père de
18 son épouse et des amis à lui, des voisins, et c'est ce qu'ils ont dit. Je
19 ne sais pas de quelle manière il l'a tué.
20 Q. Entendu. Après qu'il avait été emmené, est-ce que vous l'avez vous-même
21 revu en une quelconque circonstance, entre le moment où il a été emmené et
22 le moment ou vous avez appris par son beau-père qu'il avait été tué ?
23 R. Non, je ne l'ai plus revu.
24 Q. Je vous remercie. Monsieur Kopic qui est Muhamed -- peut-être je
25 prononce mal le mot, vous me corrigerez, le cas échéant.
26 R. "Muhamed", je ne suis pas tout à fait certain si c'est "Hamo" ou
27 "Muhamed", si c'était un surnom. C'était un jeune homme qui a été amené
28 chez nous lorsqu'on était dans la pièce de Ciglana que j'ai montrée,
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1 lorsqu'ils ont emmené un groupe de personnes, il y avait des centaines de
2 personnes qui travaillaient là, un voisin, un Serbe, a essayé de sauver cet
3 homme. Il l'a amené chez nous et il est resté pendant quelque temps chez
4 nous. Par la suite, lorsque ce groupe est revenu -- tout d'abord on a amené
5 un groupe de Sapna, de Bijeljina, vers Karakaj sur la gauche. Puis de
6 retour dans les autobus quand ils emmenaient des personnes, un militaire
7 est venu prendre Muhammad et puis ils l'ont emmené ailleurs.
8 Q. Vous avez mentionné un groupe de personnes dans des bus. Est-ce que
9 vous pouvez être plus précis ? Vous pouvez aller étape par étape ? Qui
10 étaient les personnes dans les bus dont vous avez parlé, c'étaient qui les
11 personnes dans les bus ?
12 R. Ce jeune homme qui était avec nous, il a dit qu'ils étaient de Sapna,
13 Bijeli Potok, Djulici, de ces localités-là, il y en avait à peu près 700,
14 et lorsqu'ils ont emmené ces gens, nous avons vu ces pièces, les autobus se
15 sont arrêtés pour faire monter Muhammad, et nous les avons vus les têtes
16 baissées dans le bus. Et tous ces noms que j'ai cités dans ma déclaration,
17 on a vu qu'ils étaient battus, qu'ils étaient injuriés. On voyait ce qui se
18 passait sur la route quand ils passaient parce que c'était très près de
19 l'endroit où on était à Ciglana.
20 Q. A ce moment-là, vous étiez à quel endroit exactement par rapport --
21 excusez-moi, d'abord où était exactement -- sur quelle route étaient
22 exactement les bus dont vous parlez ?
23 R. J'ai dessiné à l'instant un croquis, quand on était à Ciglana à la
24 briqueterie, on était dans une pièce qui avait une fenêtre et cette fenêtre
25 donne sur la route, la route Karakaj-Bijeljina. Et nous, on était dans
26 cette pièce, je l'ai dessinée il y a un instant là où on était détenus.
27 Q. Entendu. Et les bus étaient sur la route. J'ai bien compris ce que vous
28 avez dit ?
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1 R. Oui.
2 Q. Combien de temps est-ce que les bus sont restés sur cette route ?
3 R. Je n'en suis pas trop sûr, 15 à 20 minutes.
4 Q. Est-ce que vous savez pourquoi ils se sont arrêtés à cet endroit ?
5 R. Je pense qu'ils se sont arrêtés pour récupérer ce jeune homme qui était
6 avec nous, et peut-être y avait-il eu une autre raison, mais je ne la
7 connais pas.
8 Q. Quand vous dites "ce jeune homme", c'est Muhammad ou enfin cette
9 personne dont on a parlé avant ?
10 R. C'est cela, oui.
11 Q. Qui gardait, qui escortait ces personnes qui étaient dans les bus ?
12 Est-ce que vous avez pu le voir ?
13 R. Il y avait là des soldats vêtus d'uniformes de camouflage, et il y en
14 avait qui étaient vêtus de vêtements civils. Il y avait ces groupes que
15 j'ai déjà mentionnés dans mes déclarations qui ont escorté.
16 Q. Quand vous dites : les groupes que j'ai mentionnés dans mes
17 déclarations, est-ce que vous pouvez le répéter pour l'information de tout
18 le monde ?
19 R. Certes. Il y a eu ces deux groupes originaires de Serbie. Ceux de
20 Loznica et ceux de Kraljevo. Quand je parle de "ceux de Kraljevo", c'est
21 nous qui les appelions toujours ainsi, et ils ne sont pas présentés eux.
22 Certains avaient dit qu'ils étaient originaires de Kraljevo. Et je pense
23 que si l'autre était surnommé Niski, il devait venir de Nis. C'est par
24 l'accent que nous identifions certains d'entre eux. Ils nous ont obligés à
25 chanter une chanson : "Au-dessus de Kraljevo, on voit des flammes vives, et
26 l'on verra où ne sont pas les Chetniks," et il était question d'un certain
27 Igor qui est mort, qui a été tué parmi ces combattants.
28 Q. Merci de cette précision. Quel était, si vous avez pu l'observer, le
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1 comportement des gardes par rapport aux personnes qui étaient dans les bus
2 ?
3 R. Ceux qui étaient dans l'autocar, ceux qui se sont trouvés là, je dirais
4 qu'il entrait plusieurs personnes pour les battre. Je ne pouvais pas tout
5 voir de 50 mètres de distance, qui c'était au juste, mais c'était pour la
6 plupart les deux groupes que j'ai mentionnés, ceux de Kraljevo et de
7 Loznica, et il y avait Petko parmi eux.
8 Q. Je vous remercie. Et quelle était l'attitude des personnes dans les bus
9 qui étaient frappées ? Est-ce que vous pouvez le décrire ?
10 R. Vous parlez des victimes ?
11 Q. Oui.
12 R. Mais comment voulez-vous qu'ils se comportent ? Ils avaient baissé la
13 tête. Ils regardaient vers le sol. On ne les voyait pas. Pour moi, ils
14 avaient un aspect plutôt piteux, pitoyable.
15 Q. Et au bout de 15 à 20 minutes, vous dites qu'ils sont restés quelques
16 minutes, dans quelle direction ces bus sont partis, est-ce que vous le
17 savez ?
18 R. Oui. Ils sont allés de Karakaj, vers la droite en direction de
19 Bijeljina. Mais avant Bijeljina il y a bien des carrefours, je ne sais pas
20 où ils ont abouti. Ils ont pris cette direction. J'ai pu peut-être suivre
21 du regard une centaine de mètres, et après je n'ai plus pu voir du fait des
22 bâtiments.
23 Q. Je vous remercie.
24 M. DUTERTRE : Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le Président,
25 Madame, Monsieur les Juges.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci, Monsieur le Procureur.
27 Alors, Monsieur, j'ai toute une série de questions à vous poser qui vont
28 être tout à fait différentes. Tout d'abord, on va remonter dans le passé.
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1 Questions de la Cour :
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la déclaration écrite, vous aviez indiqué
3 qu'avant la guerre, avant le conflit, vous étiez chauffeur de camion.
4 D'après vous, le conflit il a commencé à quelle date exactement ?
5 R. En Bosnie c'est début avril, que ça a commencé.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Et quand le conflit a débuté début avril, vous étiez
7 chauffeur de camion ou pas ?
8 R. Non. J'ai des permis pour toutes les catégories de véhicule moi. Je
9 conduisais si besoin était pour les besoins de certaines personnes. J'ai
10 été garçon de café. Je faisais un job pendant plusieurs mois, puis j'allais
11 ailleurs. Voilà.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand le conflit commence, vous avez indiqué dans la
13 déclaration écrite que vous avez été à Kula Grad pour vous joindre à la
14 résistance. Ceci est fort ambigu. Est-ce que vous avez été intégré dans la
15 Défense territoriale ou pas ?
16 R. J'ai d'abord été mis dans les forces de réserve de la police, c'était
17 une police mixte, il y avait des gens de Serbie et il y avait des
18 Bosniaques, des Musulmans.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous voyez qu'on progresse, parce que ça, ça
20 n'apparaissaient pas dans la déclaration.
21 Donc vous avez été mis dans les forces de réserve de la police, unité
22 mixte; c'est bien ça ?
23 R. Oui.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous aviez un uniforme, une arme ?
25 R. Oui, c'est ce qui m'a été donné par la police.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors qui vous dit d'aller à Kula Grad ?
27 R. Bon nombre de jeunes gens sont allés là-bas, ils étaient de Kalesija,
28 et comme j'ai travaillé à Zvornik, je séjournais souvent là-bas. Ma mère
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1 est originaire de Zvornik, j'ai de la famille là-bas, et j'ai appris de la
2 bouche de plusieurs personnes, et pour des raisons personnelles à eux, je
3 n'aimerais pas mentionner les noms pour des raisons de sécurité.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : A Kula Grad y a-t-il eu des combats entre les
5 belligérants serbes et croates ?
6 R. Oui, voyez-vous, Kula c'est habité à 100 % par une population
7 musulmane. J'ai de la famille et j'ai des amis là-bas. Je ne sais pas ce
8 qu'ils sont allés chercher en Serbie. Donc j'ai ressenti, en ma qualité de
9 membre de ce peuple et en ma qualité de citoyen de Bosnie-Herzégovine, je
10 me suis senti obligé d'aller aider mon Etat et mon peuple.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Votre ethnie, vous êtes Musulman ?
12 R. Oui.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
14 Alors à Kula Grad, y a-t-il eu des combats avec des échanges de tirs, des
15 blessés et des tués ?
16 R. Je pense qu'il y a eu aussi des tués, parce que je vous ai dit tout à
17 l'heure, que Kula c'était habité par des Musulmans, et lorsque les Chetniks
18 se sont emparés de cette partie, les Bosniens ont fui. Ceux qui n'ont pas
19 fui n'ont plus refait surface donc ils ont dû être tués.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors ça me permet d'aller aux circonstances de
21 votre arrestation.
22 Vous êtes dans un groupe de 30 personnes, et vous allez au village de
23 Planinci. Ce groupe, vous étiez en civil, en tenue de camouflage, il y
24 avait des armes ? Expliquez-nous un peu.
25 R. J'étais en vêtements civils. C'est sûr.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez en vêtements civils. Pouvez-vous nous
27 dire qu'est-ce que vous aviez, un couteau, un portefeuille ? Qu'est-ce que
28 vous -- quelle était votre tenue à ce moment-là, et qu'avez-vous en votre
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1 possession ?
2 R. J'avais un blue-jean, des espadrilles. Je n'avais aucune arme.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez été arrêté, est-ce que les -- ceux
4 qui vous ont arrêté vous ont fouillé ?
5 R. Oui, oui.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils vous ont fouillé de la tête aux pieds ?
7 R. Oui.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur, expliquez-moi, comment se fait-il
9 que longtemps après vous aviez 700 marks que vous avez pu donner à Pivarski
10 ?
11 R. Oui, c'était des billets de banque que j'avais caché dans mes sous-
12 vêtements. Ils nous ont fouillés, c'était resté, ils ne nous ont pas
13 obligés à tout enlever tout ce qu'on avait sur nous.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous aviez caché vos deutsche marks dans votre
15 slip ?
16 R. Oui.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc on vous a mal fouillé ?
18 R. Eh bien, voilà c'est tout ce qui était resté, c'était du papier. Le
19 reste ils ont tout pris.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce qu'au moment où on vous a fouillé on vous a
21 pris des choses, montre, bague, je ne sais ?
22 R. Oui.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc je vous pose ces questions parce que le fait
24 que vous aviez 700 marks en votre possession, ça me pose des questions,
25 mais vous donnez une explication qui vaut ce qu'elle vaut. Mais vous nous
26 dites que vous aviez caché les 700 marks sur vous. Sept cents marks c'est
27 une grosse somme. D'où venait cet argent ?
28 R. Ma famille était moyenne. Il suffisait de vendre un veau pour avoir cet
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1 argent, et c'est quand on vivait à la campagne, je vivais à la campagne. Je
2 ne pense pas que cela doive prêter à confusion.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors le groupe qui vous contrôle à Planinci, il
4 serait une douzaine. Vous dites qu'il y avait des civils et des policiers.
5 Bon, comme nous savions que vous étiez dans la réserve de la police, vous
6 savez identifier des policiers. Ces douze hommes, ils appartenaient à
7 quelle autorité, c'étaient qui au juste les gens qui vous arrêtent ?
8 R. Nous étions douze, douze capturés. Eux, je n'ai pas pu les compter,
9 ceux qui nous ont capturés. Au début, là où ils nous avaient arrêtés, ils
10 étaient cinq ou six, lorsque nous sommes arrivés en contrebas au village,
11 ils étaient plus nombreux. Ils portaient aussi des uniformes de police, des
12 uniformes bleus, des couvre-chefs, et sur leur couvre-chef le tricolore, le
13 rouge, le bleu et le blanc, à la place de l'étoile à cinq branches qui
14 était portée auparavant sur les couvre-chefs.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : D'après vous ils relevaient de quelle autorité ? De
16 l'armée, de la police, des autorités civiles, municipales, qui étaient ces
17 gens qui vous arrêtent ?
18 R. Le surnommé Cevap, il portait un uniforme de police. Mais il y en avait
19 qui portaient des uniformes de camouflage, des uniformes militaires vert
20 olive. Nous, on baissait la tête, il fallait qu'on regarde vers le sol. On
21 nous a fouillés, ils nous ont fait tomber à même sol et ils nous ont
22 ligotés les mains mais il y avait toutes sortes d'uniformes. Il y avait
23 toutes sortes d'armes, des fusils, des pistolets, et cetera.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : A un moment donné vous allez être conduit au village
25 de Vidovici, et là il y a trois personnes que vous allez reconnaître :
26 Dusan, Cevap, Cizmo. Excusez, ma prononciation. Qui sont ces trois
27 individus que vous reconnaissez ?
28 R. Les deux, Cevap et Dusan, Dusan il a fait le service militaire avec
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1 moi, il était de Grbavica, de Vidovici, c'est un même village pratiquement.
2 Cevap, il avait deux ans de plus, c'était quelqu'un qui était dans
3 l'hôtellerie. L'homme plus âgé qu'on surnommait Cizmo, je crois qu'il
4 s'appelait Milorad. C'était un agriculteur, sa mère était originaire de là,
5 du village voisin, en contrebas, c'est ainsi que je l'avais connu.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors ces gens que vous connaissiez qui étaient là,
7 ils étaient eux en tenue militaire de camouflage, que faisaient-ils là ?
8 R. Cevap et l'autre, Dusan, eux, ils avaient des uniformes militaires. Les
9 autres, Cizmo, à mon avis n'avait qu'une chemise militaire sur soi, cette
10 chemise vert olive. Et il avait une espèce de fusil à la main. Je ne sais
11 pas trop vous dire lequel.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous aviez fait votre service militaire avec
13 Dusan, vous avez discuté avec lui ?
14 R. Vous voulez dire au moment de la capture ?
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
16 R. Non, rien. Lui, il tenait son fusil à la main, il regardait. Il faut
17 que vous soyez conscient du fait que c'était il y a 15 ans, je n'arrive pas
18 à vous donner tous les détails. Mais je me souviens des visages et de
19 certaines particularités, ceux qui sont restés gravés. Pour ce qui est
20 d'autres détails, je puis me tromper. Alors je sais qu'il s'agit de ces
21 gens-là et je sais qu'il s'agit de cette période-là.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans votre déclaration, vous dites que vous aviez
23 été ligoté par les policiers, et puis après vous aviez été conduit à
24 Zvornik. Les policiers, ils avaient pas de menottes, en général, un
25 policier il a des menottes, il n'a pas des cordes pour attacher. Vous avez
26 été ligoté comment ?
27 R. De la ficelle. Ils s'étaient procurés de la ficelle et ils nous avaient
28 ligotés les mains. Il y en avait trois ou quatre, ces policiers, je ne sais
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1 pas si l'un quelconque d'entre eux avait des menottes, ils étaient sur une
2 route où les Musulmans passaient pour aller à Tuzla. Il se peut qu'ils
3 aient utilisé ce qu'ils avaient à portée de la main pour attacher les gens.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Ces policiers, c'étaient des policiers civils ou des
5 policiers militaires ?
6 R. Ceux-là, c'étaient des civils.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Et qui commandait le groupe, les policiers, les
8 militaires ?
9 R. Je pense que jusqu'à Zvornik lorsqu'on nous a conduits là-bas,
10 c'étaient ces policiers, les policiers que j'ai cités.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors les policiers. Vous êtes conduit au
12 bâtiment du SUP. Alors c'est quoi le SUP ? Moi, j'avais entendu parler du
13 MUP, mais le SUP, c'est peut-être pareil. C'est quoi le SUP ?
14 R. C'est la même chose. SUP, ça veut dire secrétariat ou poste de police.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors donc vous êtes conduit dans ce bâtiment
16 où vous allez être interrogé; oui ou non ?
17 R. Oui. Ils nous ont d'abord mis dans des garages, là où ils avaient mis
18 leur voiture, et puis ensuite ils nous ont fait sortir un par un vers une
19 pièce pour prendre des notes et pour interrogatoire.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors comme ils vous ont interrogés, quelle question
21 vous posaient-ils ?
22 R. D'où on venait, pourquoi on était là, pourquoi étions-nous Musulmans.
23 Je crois qu'il y en avait un qui avait sorti son pistolet et il m'a dit :
24 "Pourquoi vous ne passez pas de notre côté, pourquoi vous ne seriez pas des
25 nôtres ?" Je ne savais pas quoi répondre à ce type de questions. Alors ils
26 disaient : "Bon, on en finira avec vous, vous allez aller plus loin et que
27 Dieu vous vienne en aide." Enfin, quelque chose de ce genre.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors il semblerait que parmi les policiers, il y a
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1 un nommé Boja. Qui c'est ce Boja ?
2 R. C'était quelqu'un qui était policier avant la guerre et à ce moment-là,
3 il était un policier plus haut placé que les autres. Il était une espèce de
4 chef à l'époque.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : C'était le chef du bureau de police de ce bâtiment
6 ou pas ?
7 R. Je pense qu'il devait être officier, il se peut qu'il ait été
8 commandant de ces hommes. Il avait un grade plus élevé que les autres.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors après quoi, vous êtes conduit à la ferme
10 Ekonomija; c'est bien ça ?
11 R. Oui.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous nous avez montré le plan que vous avez tracé
13 des lieux. Alors moi ce qui m'intéresse, parce que là maintenant mes
14 questions vont au cœur du sujet, tout le reste n'était que du hors-d'œuvre,
15 maintenant je vais au cœur du sujet.
16 Je résume la situation. Vous êtes combattant musulman à Kula. Vous partez
17 avec un groupe, vous êtes arrêté par des individus, des policiers
18 notamment, qui vous interrogent et ensuite vous êtes conduit dans un lieu
19 de détention qui est la ferme d'Ekonomija. Alors ce qui m'intéresse c'est
20 de savoir : qui vous gardait sur place, quelle autorité ? Et le cas échéant
21 quel lien avec l'accusé ? Alors dans cette ferme, qui d'après vous gardait
22 les lieux ?
23 R. Je pense que c'était des soldats de la réserve, des gens qui étaient
24 plus âgés, 40 à 50 ans, certains en avaient même plus. Ils portaient des
25 uniformes militaires vert olive et ils avaient un fusil à la main. Eux, ils
26 étaient là pour sécuriser les bâtiments lorsque les autres groupes
27 n'étaient pas là, les groupes que j'ai mentionnés dans ma déclaration.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous dites de la réserve, de la réserve de la
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1 JNA ?
2 R. Oui. Parce que quand on a 50, 60 ans, ce n'est plus un soldat régulier
3 à l'époque chez nous, ou même à 30 ou 40 ans.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous-même, vous avez fait votre service militaire à
5 la JNA en 1985, 1986, à Zagreb ?
6 R. Oui.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors ce sont des réservistes qui gardent les lieux
8 ? Ils étaient armés et ils avaient un uniforme ?
9 R. Oui, je vous ai dit qu'ils avaient des uniformes et des armes.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme ils gardaient les lieux, vous n'aviez, vous,
11 pas la possibilité de vous déplacer librement, ni de vous évader. On est
12 bien d'accord ?
13 R. Mais bien sûr. On n'avait pas la liberté d'aller aux toilettes avant
14 que de les prier de nous laisser sortir lorsque ceux qui nous tabassaient
15 n'étaient pas là. Et j'ai déjà indiqué où les toilettes se trouvaient et on
16 y allait un par un pour revenir aussitôt.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous aviez été détenu sur place, aviez-vous le
18 sentiment ou l'impression - bien sûr, ça remonte à plus de 15 ans et c'est
19 très difficile peut-être de se rappeler - mais aviez-vous le sentiment
20 qu'il y avait dans ce lieu un commandement, un chef, ou bien c'était le
21 chaos général ?
22 R. Il y avait tout de même quelqu'un qui contrôlait, mais le chaos était
23 là.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous dites qu'il y avait quelqu'un qui
25 contrôlait ? Vous pouvez nous dire qui ou vous n'en saviez rien ?
26 R. Je ne sais pas vous dire dans le concret qui c'était. Sur les deux
27 groupes qui étaient de Serbie et que je vous ai déjà cités, dans un groupe
28 il y avait ce commandant Toro et le dénommé Pivarski qui étaient aux
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1 commandes. Pour ce qui est de l'autre, je ne sais pas trop vous dire, ils
2 étaient tout à fait à part.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors on approche du sujet central. Vous êtes
4 donc détenu, vous avez expliqué que vous aviez été battu, mais je ne rentre
5 pas dans ces détails, parce que ce n'est pas le but de mon questionnement.
6 Moi, je veux savoir qui vous a battu, qui dirigeait, qui est responsable ?
7 Il y a apparemment un groupe qui vient, le groupe dit de Kraljevo. Vous
8 avez cité des noms ou surnoms, ou prénoms : Toro, Zoks, Pufta, Savo et
9 Repak. Et ce petit groupe d'individus, ce ne sont pas les mêmes que ceux
10 qui gardent les lieux ?
11 R. Tout à fait. Ils ne gardaient pas les bâtiments. Ils venaient de temps
12 en temps pour nous tabasser. Et il y avait d'autres personnes dont je ne me
13 souviens pas des noms, des fois ils venaient avec, des fois non.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors ils venaient pour vous tabasser. Ils venaient
15 d'où ? Ils étaient localisés à quel endroit, à Zvornik ? Ils venaient d'où
16 ces gens-là ? Ou ils habitaient sur place ? D'où venaient-ils ?
17 R. Je ne sais comment répondre à cette question. Ils venaient à la porte.
18 Je ne sais pas du tout d'où ils venaient, de quelle direction, de la route.
19 Nous n'avions aucun contact avec le reste du monde.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils venaient à pied, en vélo, à cheval, à voiture,
21 en camion ? D'après vous ?
22 R. On entendait une voiture quand on était à Ekonomija. Quand on était à
23 Ciglana, on pouvait voir par la fenêtre, on pouvait voir les voitures.
24 Cupo, du groupe de Loznica, des fois il venait sur une moto.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, est-ce que vous aviez le sentiment
26 qu'ils venaient avec uniquement l'objectif de vous battre ou ils venaient
27 pour vérifier que vous n'aviez plus d'argent, plus d'or, plus d'objets pour
28 vous dévaliser ou ils ne venaient uniquement qu'afin de vous battre ?
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1 R. Au début, quand nous étions sur Ekonomija, ils ne venaient que pour
2 nous battre.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-nous dire la façon dont ils étaient équipés ?
4 Etaient-ils bien équipés, mal équipés ? Quelle impression donnaient-ils ?
5 R. Ils étaient très bien équipés. Ils avaient des uniformes de camouflage,
6 deux ou trois pistolets, des fusils automatiques. Ils avaient des matraques
7 de policier pour pouvoir tabasser. Toro avait une batte de baseball à un
8 moment donné. Et les uniformes étaient bien. Ils étaient spécialement bien
9 équipés.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc ils étaient spécialement bien équipés.
11 Sur la tête, ils avaient un béret ? Comment -- qu'est-ce qu'ils avaient sur
12 la tête ?
13 R. Pour ce qui est des couvre-chefs, je ne suis pas sûr du fait qu'ils en
14 aient tous portés, parce qu'ils faisaient assez chaud ces jours-là. Ils
15 venaient têtes nues, des fois ils avaient des bérets.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors question maintenant essentielle. Avez-vous vu,
17 à un moment donné, sur ces individus un insigne ?
18 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire. Vous voulez parler de grade ou
19 vous voulez parler d'insigne ?
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Pas de grade, insigne. Alors je vais vous en
21 montrer. Je vais vous en montrer trois.
22 Je vais demander à Mme l'Huissière de mettre sur le rétroprojecteur la page
23 109, 110 et 111.
24 Alors 109 d'abord. Voilà. Alors ça, c'est un insigne. Aviez-vous vu un
25 insigne comme celui-là ?
26 R. Ils avaient des insignes, mais maintenant je ne me souviens pas. Je ne
27 peux pas vous dire exactement ce que c'était, mais ils avaient des choses à
28 l'épaule et aux bras en haut, mais pas tous. Ils n'en avaient pas tous et
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1 c'était il y a longtemps, je dois redire.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : On va vous faire voir la page suivante, 110. Voilà
3 un autre insigne.
4 R. Je vous ai dit qu'ils avaient quelque chose, mais je ne peux pas dire
5 précisément.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : [chevauchement] -- 111. Ça ne vous dit rien non plus
7 ?
8 R. Mais tout ça, il m'est arrivé de les voir, mais je ne peux pas vous
9 dire sur qui et à quel moment. Tout ça je connais, j'étais au camp à
10 Karakaj, à Batkovic, je ne peux pas vous dire concrètement un tel avait tel
11 insigne, et un autre, autre chose. C'était il y a longtemps.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Je viens de vous montrer trois insignes
13 potentiellement attribués aux Aigles blancs. Dans votre déclaration écrite,
14 vous avez mentionné qu'ils appartenaient aux Aigles blancs, ces individus.
15 Alors les trois -- les insignes que je vous ai montrés, les aviez-vous vus
16 là ou ailleurs, ou pour la première fois de votre vie aujourd'hui ?
17 R. Non, ce n'est pas la première fois. Il m'est arrivé de voir ces
18 insignes, mais quand j'ai mentionné les Aigles blancs quand ils venaient à
19 la porte, quand ils faisaient des commentaires avec les gardes à Ekonomija.
20 Vous savez les gardes disaient -- l'un d'entre eux a dit à la porte : "Les
21 Aigles blancs vont venir, là."
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors je vais récupérer ce document.
23 R. Je connais ça, ces emblèmes, et je lis ce qui est écrit ici. Mais ça
24 fait longtemps, je ne peux pas dire que Toro ou Zoks avait tel ou tel
25 insigne, mais ils avaient certainement quelque chose.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous venez de dire quelque chose
27 d'important. Un garde vous a dit : "Les Aigles blancs vont venir." Ça vous
28 vous rappelez de cela ? Et donc les individus qui sont arrivés bien
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1 équipés, armés, dont quelques-uns, vous nous l'avez dit, avaient un
2 insigne, pour vous c'étaient les Aigles blancs ?
3 R. Les personnes qui sont arrivées avaient des insignes, les gardes ont
4 annoncé des Aigles blancs qui allaient venir. Mais ils ne se sont pas
5 présentés en tant qu'"Aigles blancs" quand ils sont arrivés. Est-ce que
6 c'était bien des Aigles blancs, quand ils nous rouaient de coups, ils nous
7 injuriaient, ils glorifiaient Seselj.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : J'en arrive progressivement au cœur du sujet.
9 Vous avez dit que ces individus, quand ils sont arrivés, vous auraient dit
10 : "Pourquoi n'avez-vous pas voté ?" Ils ont manifesté une hostilité à
11 l'encontre de Milosevic, et semble-t-il, en répondant au Procureur, ils ont
12 parlé de M. Seselj. Alors je vais faire un retour en arrière.
13 En 1992, au moment où vous vous êtes policier de réserve, le nom de M.
14 Seselj vous l'aviez déjà entendu ?
15 R. Oui, en passant par les médias.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors mon collègue me fait remarquer qu'il
17 faut qu'on fasse la pause, alors on va faire la pause, et je continuerai
18 ces questions après la pause, donc on va faire une pause de 20 minutes.
19 --- L'audience est suspendue à 10 heures 05.
20 --- L'audience est reprise à 10 heures 27.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur, juste avant la pause je vous posais
22 des questions sur M. Seselj, et je vous avais demandé en faisant un retour
23 dans le passé si vous aviez entendu parler de M. Seselj, et vous m'aviez
24 dit : "Oui". Alors pouvez-vous dire à la Chambre, à quelle occasion le nom
25 de M. Seselj avait été porté à votre connaissance et qui était-il pour vous
26 M. Seselj avant le conflit ?
27 R. J'ai dit qu'avant le conflit, j'ai entendu son nom dans les médias, et
28 après au camp, des groupes que j'ai cités ils le glorifiaient, ils disaient
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1 qu'il allait être quelqu'un, qu'il est dieu à leurs yeux.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous dites "dans les médias", à l'époque vous
3 aviez la radio, la télévision, vous achetiez les journaux ? Comment aviez-
4 vous de l'information ?
5 R. Il y avait la télévision, le journal du soir, le journal d'information.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Et au journal d'information, on parlait de M. Seselj
7 ?
8 R. Oui, parce qu'avant le conflit en Bosnie-Herzégovine, il y a eu des
9 conflits en Croatie, et les médias ils expliquaient un petit peu ce qui se
10 passait là-bas. Plusieurs fois j'ai entendu ce nom prononcé.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : La télévision que vous aviez sur votre récepteur,
12 c'était la télévision de Belgrade, Sarajevo ou Zagreb ?
13 R. La plupart du temps c'était Sarajevo.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors dans la ferme Ekonomija, il y a ces
15 individus, dont un garde vous dit ce sont les Aigles blancs, et vous dites
16 que ces individus glorifiaient M. Seselj disant que c'était un dieu.
17 Pouvez-vous nous apporter, dans la mesure où vos souvenirs vous le
18 permettent, des éléments sur cette question ?
19 R. Je ne sais pas quoi vous dire. Eux ils glorifiaient ce nom et ils nous
20 battaient et on supposait donc comme il était dieu qu'il était leur chef.
21 C'était ça dans notre esprit, nous qui étions détenus.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous nous dites parce qu'ils glorifiaient M.
23 Seselj, vous pouviez en tirer la conclusion que ce groupe pouvait avoir un
24 lien avec lui ou pas ?
25 R. Bien, naturellement ils ne glorifiaient que lui, alors qui allait être
26 leur supérieur ? Ils n'ont pas glorifié une autre personne.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors ça c'était le premier groupe et puis il
28 y a un autre groupe, ceux de Loznica. Alors ces gens-là, c'étaient qui ?
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1 R. J'ai énoncé plusieurs noms. C'était comme une sorte de police de
2 réserve peut-être. Ils étaient armés et bien équipés. Ces deux groupes,
3 plus que la moitié de leurs membres, étaient des vauriens ou des gens qui
4 étaient conduits par la rage. Je n'avais pas l'impression que c'étaient des
5 gens ordinaires, normaux.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le groupe de Loznica, vous avez cité dans votre
7 déclaration écrite, trois personnes, vous me pardonnerez la prononciation.
8 Il y a un Cupo, un Brko et un Rogonja ou quelque chose comme ça. Alors ces
9 trois personnes --
10 R. Oui, oui, c'est ça. Rogonja, on l'appelait comme ça d'avant la guerre,
11 parce qu'il avait travaillé dans une brasserie près de Loznica en Serbie.
12 Et Cupo et Brko, c'est nous qui les avons surnommés. Cupo avait des cheveux
13 un peu plus longs et Brko avait une moustache, donc entre nous on leur a
14 attribué ces noms, ces surnoms.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors ces gens qui venaient de Loznica, d'après
16 vous, ils appartenaient à l'armée, à la police civile, à la police
17 militaire, à un groupe non identifié ? Que pouvez-vous nous dire ?
18 R. C'était très divers. Il y en avait qui avait l'uniforme militaire de
19 réserve, d'autres avaient un uniforme policier. Cupo avait un uniforme de
20 camouflage, une sorte d'uniforme de camouflage militaire, et les autres
21 avaient un uniforme de la police, alors qui les a équipés, à quel groupe
22 ils appartenaient, ça je ne le sais pas exactement.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand ces deux groupes rentraient pour vous battre.
24 Fallait-il encore que les gardes soient d'accord. Sinon, ils n'auraient pas
25 pu rentrer. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire là-dessus ?
26 R. Je pense que les gardes étaient là tout simplement pour qu'on ne quitte
27 pas la pièce quand il n'y avait personne. Mais quand ils venaient, ils
28 faisaient comme ils leur plaisaient, je ne pense pas que les gardes
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1 pouvaient avoir un impact là-dessus.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a eu un petit épisode dans votre déclaration
3 écrite, qui est la télévision de Novi Sad, qui est venue vous filmer.
4 Pouvez-vous nous dire précisément ce qui s'est passé ?
5 R. C'était pendant qu'on était à Ekonomija. Ils sont venus, il y avait un
6 caméraman et des journalistes, et avant de rentrer, en branchant les micros
7 et la caméra pour nous filmer, ils ont dit qu'ils allaient nous filmer,
8 mais qu'on n'avait pas le droit de dire qu'on se soit mal conduits à notre
9 égard, qu'on ait été roués de coups. Et ils nous ont dit qu'il fallait
10 qu'on se présente comme des membres d'unités paramilitaires et qu'on était
11 bien traités, qu'on était bien installés là. Donc ils nous ont préparés.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et vous-même, vous avez été filmé, vous avez
13 fait une déclaration, vous ?
14 R. Ils nous ont enregistrés. Ils nous ont filmés. Je ne sais pas
15 exactement ce que j'ai dit. Ça n'a duré que quelques minutes, après j'ai
16 entendu dire que ça a été diffusé à la télévision de Novi Sad et qu'ils ont
17 dit qu'ils avaient capturé des Bérets verts musulmans, quelque chose comme
18 ça.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous, vous avez dit quelques mots au micro, vous
20 avez dit des choses au micro ?
21 R. Oui, j'ai dit quelque chose, mais je ne me souviens plus exactement
22 quoi.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur les Bérets verts, vous n'apparteniez pas à cette
24 unité dit des Bérets verts, vous ?
25 R. Non. Non. Je pense que cette unité de Bérets verts n'a même pas existé
26 dans la région où j'ai vécu. Je ne sais pas s'il y en avait ailleurs.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors j'ai deux autres questions concernant Niski et
28 Pivarski.
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1 J'ai écouté avec attention ce que vous avez dit en répondant au Procureur.
2 En disant que ce Niski d'après vous venait de la localité de Nis parce qu'à
3 l'accent vous aviez reconnu cela, alors ça m'a vivement intéressé. Et je
4 vais vous poser la question suivante :
5 Dans votre région à l'époque, vous étiez capable de reconnaître l'origine
6 des gens en fonction de l'accent qu'ils avaient ?
7 R. Mais dans toute la Bosnie-Herzégovine, il y a beaucoup d'accents
8 différents, également en Serbie. Vous voyez, donc on peut distinguer les
9 gens d'après les différents accents. Par exemple, à Sarajevo, on parle la
10 même langue, mais ce n'est pas le même accent en Herzégovine, dans la
11 Krajina, et également dans les différentes parties de la Serbie.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors le groupe de Kraljevo, Toro et les autres,
13 est-ce qu'ils avaient un accent permettant de les reconnaître et de dire
14 qu'ils venaient de Kraljevo ?
15 R. Eux ils avaient un accent typiquement serbe, normal. Je pense.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Et le groupe de Loznica ?
17 R. Je pense que c'était un accent comparable. Je ne connais pas exactement
18 leurs accents. Je sais qu'en Vojvodine c'est un petit peu rallongé, par
19 rapport à Nis où on parle un peu plus rapidement, et au centre de Serbie ça
20 ressemble plutôt. Même si je ne vis pas là-bas j'entends ça dans les médias
21 et je m'y rends parfois.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la déclaration écrite, vous mentionnez à un
23 moment Pivarski, et vous dites qu'il venait de Vukovar. Sur quel élément
24 vous vous êtes basé pour dire qu'il venait de Vukovar ?
25 R. C'est lui qui m'a dit qu'il était de Vukovar.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Et d'après vous, pourquoi était-il venu de Vukovar
27 dans la région de Zvornik ?
28 R. Je pense en fait qu'à un moment donné il m'a dit que lui et Niski se
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1 sont trouvés au champ de bataille à Vukovar et que de là ils étaient passés
2 en Bosnie. Je ne sais pas exactement pourquoi, c'est son histoire, son
3 récit.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avant-dernière question.
5 Dans votre déclaration écrite, vous relatez le meurtre de Cirak par Pufta.
6 Vous décrivez ce qui s'est passé. Pendant le temps où vous avez été détenu,
7 il y a combien de personnes qui ont été tuées ?
8 R. J'en ai vu trois, trois meurtres.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : De vos propres yeux ?
10 R. De mes propres yeux j'ai vu trois hommes morts.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors ma dernière question. Vous avez dit à la fin
12 des questions du Procureur, que vous aviez été par la suite libéré dans le
13 cadre d'un échange de prisonniers. Dans le cadre de cet échange, c'étaient
14 des prisonniers de guerre, ou on a échangé des civils contre des civils, ou
15 des civils contre des militaires ? Vous avez des éléments ou pas ?
16 R. J'ai été échangé le 24 novembre 1992, dans la localité de Satorovici.
17 Je me suis trouvé avec 1 600 autres personnes à Batkovici, c'est là que
18 nous avons reçu une visite de la Croix-Rouge internationale. Je ne sais pas
19 si c'est le CICR qui a organisé l'échange. La plupart des personnes dans le
20 camp étaient des civils, et quand il y avait des échanges, nous, on allait
21 dans une direction, les autres dans l'autre, on se croisait. Tous étaient
22 en vêtements civils, nous comme les autres.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Après la -- après la guerre, après 1995, est-ce que
24 vous vous êtes fait enregistrer comme ancien combattant afin d'avoir droit
25 à une pension d'ancien combattant ou vous ne vous êtes pas fait enregistrer
26 ?
27 R. Oui, je suis enregistré en tant que combattant de l'ABiH.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Et on s'arrête -- vous êtes libéré le 24 novembre
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1 1992. Après quoi, vous avez rejoint l'ABiH ? Qu'est-ce que vous avez fait
2 après ?
3 R. Premièrement, j'ai été soigné pendant plusieurs mois, puis j'ai rejoint
4 l'armée.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous avez été affecté à quel corps, quelle
6 brigade ?
7 R. Le Corps de Tuzla, la 28e Division.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Alors, je crois que mes collègues ont
9 également des questions à vous poser.
10 Mme LE JUGE LATTANZI : Essentiellement une question.
11 A part le fait que vous avez entendu parler de Seselj par les gens qui vous
12 battaient et glorifiaient Seselj, vous demandaient de voter Seselj, avez-
13 vous jamais entendu par eux-mêmes, par ces gens mêmes qui vous battaient ou
14 par d'autres, en ce qui concerne les gens qui vous battaient, qu'ils
15 étaient des Seseljevci ?
16 R. Là, vous pensez aux hommes de Kraljevo, vous demandez si c'étaient des
17 hommes à Seselj ou vous me demandez si ces unités auraient jamais existé ?
18 Je ne comprends pas très bien votre question.
19 Mme LE JUGE LATTANZI : Je vous demande si les gens qui vous battaient, ceux
20 de Kraljevo ou de Loznica, vous avez jamais entendu par eux-mêmes -- eux-
21 mêmes dire, ou par d'autres, dire à leur égard qu'ils étaient des hommes de
22 Seselj, Seseljevci ?
23 R. C'est eux-mêmes qui l'ont dit. C'est ce que j'ai déclaré dans ma
24 déclaration écrite, et à l'instant je dis la même chose, qu'ils
25 glorifiaient Seselj, qu'ils nous disaient qu'on aurait dû voter pour lui.
26 Mme LE JUGE LATTANZI : On doit être un peu plus précis dans les réponses,
27 peut-être c'est ma faute. Je ne vous ai pas demandé si ces gens
28 glorifiaient Seselj. Cela vous l'avez dit, c'est clair, ils glorifiaient
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1 Seselj et ils ont dit que vous devez voter Seselj. C'est autre chose. Et
2 vous ne --
3 R. Non pas qu'il fallait qu'on vote, mais qu'on aurait dû. Excusez-moi.
4 Mme LE JUGE LATTANZI : Oui, attendez. Vous nous avez dit, à part la
5 question de la déclaration, ici, vous nous avez parlé seulement de gens qui
6 glorifiaient Seselj et qui vous auraient dit que vous devriez le voter.
7 C'est seulement cela à propos de Seselj que vous nous avez dit ici.
8 Maintenant, je vous demande à propos de ces gens qui vous battaient, vous
9 n'avez jamais entendu dire par eux ou par d'autres qu'ils étaient
10 Seseljevci, hommes de Seselj, volontaires de Seselj ?
11 R. Je ne suis pas tout à fait certain qu'ils aient dit qu'ils étaient des
12 hommes à lui, voyez-vous, mais ils le glorifiaient. Ils ont toujours dit
13 tout le meilleur de lui.
14 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.
15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Kopic.
16 J'ai quelques questions à vous poser moi aussi, questions qui portent sur
17 les différences entre les différents groupes qui sont venus pour vous
18 passer à tabac dans la ferme Ekonomija.
19 Vous nous avez parlé du groupe qui venait de Loznica. Vous nous avez parlé
20 du groupe qui venait de Kraljevo et vous avez parlé aussi à un moment
21 d'Aigles blancs. Tout d'abord, je voudrais m'assurer d'une chose, le groupe
22 de Kraljevo, est-ce que c'était ce fameux groupe des Aigles blancs dont
23 vous avez parlé ou s'agit-il d'un autre groupe ?
24 R. Il s'agit de deux groupes, le groupe de Loznica et le groupe de
25 Kraljevo, mais ceux de Kraljevo appartenaient à cette unité militaire.
26 L'INTERPRÈTE : La dernière remarque du témoin est inaudible.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien, donc je vois. Les Aigles
28 blancs qui sont venus vous passer à tabac à un moment bien précis étaient à
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1 votre connaissance des membres du groupe de Kraljevo ?
2 R. Ils étaient de Kraljevo, ce premier groupe qui a commencé à nous
3 battre. C'est comme cela qu'ils se sont présentés. Ce qui ne veut pas dire
4 que parmi eux il n'y en a pas de Belgrade ou Nis.
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je ne m'exprime peut-être pas très
6 clairement. J'aimerais savoir si le groupe de Kraljevo est le même groupe
7 que celui auquel vous avez fait référence en les nommant les Aigles blancs
8 ?
9 R. Oui.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. J'ai une autre question à
11 vous poser à propos des visites qui ont été rendues par le comité de la
12 Croix-Rouge, le CICR, à Batkovici. J'aimerais savoir si vous avez pu parler
13 aux membres du CICR en privé, en tête-à-tête, ou si vous vous êtes adressé
14 aux représentants du CICR en groupe, et si les gardes étaient présents lors
15 de ces entretiens ?
16 R. Quand ils sont venus à Batkovic pour nous voir, la Croix-Rouge
17 internationale, il y avait, devant le hangar, une tente. Il y avait un banc
18 où on s'installait, et c'est là qu'ils nous enregistraient. Puis derrière
19 la toile, on voyait à travers la toile les gardes serbes qui nous
20 gardaient. Donc, ils pouvaient tout entendre ce qu'on racontait. Mais quand
21 ils devaient venir nous voir la première fois et les fois suivantes, à
22 chaque fois, les mineurs et les personnes plus âgées étaient toujours mis
23 de côté, séparés du camp de Batkovici. On les a emmenés dans les bois, on
24 les cachait, et puis on les ramenait quand le CICR était reparti.
25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc le CICR n'a jamais vu les
26 enfants ni les personnes âgées ?
27 R. Je pense que non, parce que ces enfants ont été emmenés, et il me
28 semble qu'à un moment on les avait relâchés à Bijeljina pour qu'ils aillent
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1 chez des parents, de la famille. Puis ensuite, j'ai ouï dire qu'on les a
2 transportés via la Hongrie vers d'autres Etats, ces jeunes.
3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie. Pour en revenir à
4 ma question portant sur les entretiens avec le CICR, est-ce que vous avez
5 été amené à cette tente de façon individuelle ou en groupe ?
6 R. Un par un.
7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, juste pour terminer, une question qui
9 n'est pas liée aux faits, mais qui est liée plutôt à la procédure.
10 Après les accords de Washington en 1995 et la paix qui est intervenue, dans
11 quelles conditions vous avez été sollicité pour apporter votre témoignage
12 au bureau du Procureur ? En d'autres termes, est-ce vous-même qui vous êtes
13 manifesté ou bien un jour votre téléphone a sonné et un enquêteur du bureau
14 du Procureur vous a appelé pour vous rencontrer ? Pouvez-vous nous dire
15 comment ça s'est exactement passé ?
16 R. J'ai d'abord fait des déclarations une fois rentré du campement à
17 Kalesija, non loin de Tuzla où je séjournais. On m'a appelé et on m'a dit
18 que des internationaux viendraient recueillir des déclarations. Je n'ai
19 rien demandé, mais je n'ai pas refusé non plus. J'ai accepté de coopérer.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, c'est dans ces conditions que vous avez été
21 entendu par le bureau du Procureur.
22 Alors, autre question : est-ce qu'à un moment donné vous avez été
23 approché par les services secrets de votre pays qui vous auraient préparé à
24 de futures auditions ou ça n'est jamais intervenu ?
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6 M. LE JUGE ANTONETTI : Ah. Alors, vous voyez, je fais bien de poser des
7 questions.
8 Vous allez donc à Belgrade. Alors, il va falloir expurger parce que c'est
9 dans la suite de ce que nous avons dit tout à l'heure. Alors là, on va
10 passer à huis clos.
11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
12 partiel.
13 [Audience à huis clos partiel]
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13 [Audience publique]
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
15 Alors, les Juges ayant terminé leurs questions, se tournent vers M.
16 Seselj et lui demande s'il veut ou pas contre-interroger.
17 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
19 Alors, Monsieur le Procureur, y aurait-il des questions supplémentaires ?
20 M. DUTERTRE : Pas de questions supplémentaires, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Procureur. Bien.
22 Alors, Monsieur Kopic, au nom de mes collègues, je vous remercie d'être
23 venu à La Haye apporter votre témoignage, et nous formulons nos meilleurs
24 vœux pour votre retour dans votre pays.
25 Et donc, je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous
26 raccompagner jusqu'à la porte de la salle d'audience.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie aussi et je vous souhaite
28 beaucoup de succès dans vos travaux.
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1 [Le témoin se retire]
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il y a une décision à rendre, orale, qui va
3 être un peu longue, mais nous avons du temps pour une fois.
4 Décision orale sur la levée de la confidentialité du compte rendu du 1er
5 avril 2008.
6 Vu la requête orale de l'accusé en date du 2 avril 2008 aux fins de lever
7 la confidentialité de passages du compte rendu d'audience du 1er avril 2008,
8 attendu que la Chambre considère que la confidentialité des passages ci-
9 dessous peut être levée car ils ne permettent pas d'identifier le témoin
10 protégé ayant déposé le 1er et le 2 avril 2008, alors de manière précise je
11 vais indiquer les pages et les lignes. Page 5 541, lignes 6 à 23; page 5
12 542, ligne 21, à page 5 544, ligne 24; page 5 545, lignes 14 à 25; page 5
13 546, lignes 13 à 24; page 5 553, ligne 14, à page 5 554, ligne 2; page 5
14 554, ligne 7, à page 5 556, ligne 9; page 5 556, ligne 20, à page 5 562,
15 ligne 17; page 5 569, ligne 14, à page 5 571, ligne 12; page 5 571, ligne
16 17, à page 5 571, ligne 18; page 5 580, ligne 11, à page 5 581, ligne 4;
17 page 5 569, ligne 12, à page 5 590, ligne 17; et enfin, dernière page, page
18 5 597, ligne 20, à page 5 598, ligne 11.
19 Voilà, c'était long, mais il fallait le faire. Alors ces pages sont celles
20 du compte rendu en français. Il faut qu'il n'y ait pas d'erreur. Les pages,
21 c'est celles du compte rendu en français et non pas du compte rendu en
22 anglais.
23 Monsieur le Procureur.
24 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, suite à l'audition du témoin Kopic,
25 est-ce que l'on peut recevoir un numéro d'"exibit" pour le "statement" 92
26 ter ?
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Vous avez bien fait d'y penser.
28 Madame la Greffière, pour la déclaration de M. Kopic, un numéro, s'il vous
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1 plaît.
2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, cela sera la pièce P362.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons repasser à huis clos pendant quelques
4 instants, parce qu'il y a une autre décision que la Chambre doit rendre à
5 titre confidentiel.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience à
7 huis clos partiel.
8 [Audience à huis clos partiel]
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17 [Audience publique]
18 M. LE JUGE ANTONETTI : En audience publique, demain il y a un témoin qui
19 est prévu. Malheureusement, pour des raisons administratives, ce témoin n'a
20 pas pu être présent aujourd'hui. S'il avait été là nous aurions pu
21 commencer avec lui, mais nous commencerons avec lui demain.
22 Il y a un risque que malheureusement on ne puisse pas terminer avec lui
23 demain parce que nous avons prévu pour l'Accusation deux heures
24 d'interrogatoire principal et pour M. Seselj également deux heures. Mais
25 comme bien souvent il y a une perte de temps liée à des problèmes de
26 procédure, il serait extraordinaire que nous puissions terminer demain, on
27 ne sait jamais. On a prévu deux heures pour le Procureur, mais si le
28 Procureur utilise une heure ou une heure et demie, on pourrait peut-être y
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1 arriver, à la condition qu'il n'y ait pas de problème de procédure,
2 d'objections, qui font perdre du temps.
3 Mais si le Procureur utilise ses deux heures et s'il y a des questions
4 supplémentaires, bien il faudra que le témoin reste jusqu'à la semaine
5 prochaine. Je ne vois pas comment nous pourrions faire autrement.
6 En tout cas, nous sommes sûrs donc d'avoir ce témoin.
7 Et pour la semaine d'après, je préfère qu'on règle les problèmes des
8 témoins à venir en début d'audience plutôt que d'aborder cela au dernier
9 moment, à 18 heures 25 ou à 13 heures 20, au moment où on doit terminer
10 l'audience.
11 Alors, Monsieur Mundis, pour la semaine prochaine, y a-t-il des problèmes ?
12 Y aura-t-il des problèmes ?
13 M. MUNDIS : [interprétation] A ce jour, Monsieur le Président, il n'y a pas
14 de problème particulier. Il faut toujours attendre et voir s'il n'y a pas
15 quelque chose d'inattendu qui arrive, mais pour l'instant, non, en fait
16 nous allons entendre les témoins qui sont prévus pour la semaine prochaine.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
18 Monsieur Seselj, compte tenu des transferts de cellules pour les travaux,
19 est-ce que la direction de la prison a fait en sorte de résoudre tous les
20 problèmes que vous nous avez évoqués la dernière fois ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Les problèmes ne sauraient être résolus tant
22 que les travaux ne seront pas terminés. Ça prendra une vingtaine de jours,
23 trois semaines, peut-être d'ici à la fin du mois. J'ai reçu deux cellules
24 complémentaires, et c'est là que j'ai placé, dans des cartons, tous mes
25 documents. Je ne vais pas déballer mes cartons, et d'ailleurs ce serait
26 impossible de ranger tout ça si je sortais ça des cartons parce que je n'ai
27 pas d'étagères. Je n'ai pas où les placer. Donc j'ai des cartons qui sont
28 entreposés là, mais j'ai sorti les documents dont j'ai besoin pour les deux
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1 témoins à venir, la semaine prochaine et la semaine d'après. S'il n'y a pas
2 de changement pour ce qui est des témoins, je n'aurai pas de problème. Et
3 je suppose que la situation va se normaliser en mai et que je retrouverai
4 la vitesse de croisière lorsque les travaux auront été terminés.
5 Mais si le Procureur change les noms de témoins, je serai face à des
6 problèmes insurmontables.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Pour le moment, le Procureur nous dit
8 qu'il n'y a pas de changement prévisible. Nous lui en donnons acte, mais on
9 ne sait jamais. Il y a tellement de surprises qu'on peut s'attendre parfois
10 à tout alors. Mais là, pour le moment, tout est bien programmé.
11 Et par ailleurs, alors, Monsieur Mundis, ayez toujours à titre de bouée de
12 sauvetage la liste des vidéos qui pourraient être diffusées en cas de
13 besoin. Alors, vous aviez promis de faire cela. Je ne l'ai toujours pas.
14 M. MUNDIS : [interprétation] Oui, j'ai bien compris. Nous sommes encore en
15 train d'y travailler. Comme je vous l'ai dit hier, nous essayons de réduire
16 la liste des vidéos afin que la Chambre de première instance n'ait à voir
17 que les vidéos absolument essentielles en ce qui concerne la présentation
18 des moyens du Procureur. Je vais vérifier cet après-midi où nous en sommes.
19 J'ai des membres de mon équipe qui travaillent là-dessus et, bien sûr, on
20 va faire de notre mieux pour que cette liste soit communiquée à la fois aux
21 Juges et à l'accusé le plus rapidement possible.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans mon esprit, ces vidéos, et je pense que c'est
23 également dans l'esprit de mes collègues, les vidéos qui seront diffusées
24 dans les conditions pourront, le cas échéant, être aussi présentées à
25 d'autres témoins qui viendront. Ça, c'est une possibilité. Mais l'utilité
26 des vidéos, c'est lorsque dans vos écritures finales il y aura des
27 références explicites aux vidéos avec donc des notes de bas de page qui
28 viendront appuyer votre démonstration, ou bien parce que ces vidéos sont
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1 pour vous -- corroborent ce que peut dire un témoin dans un sens ou dans
2 l'autre. C'est ça l'utilité des vidéos.
3 Donc la Chambre est d'accord, et je pense que M. Seselj est également
4 d'accord, sur le fait que ces vidéos doivent être celles qui sont les plus
5 efficaces et les plus utiles à tout le monde. Ce n'est pas la peine de
6 passer une vidéo qu'on n'utilisera pas en final. Bien entendu, et je tiens
7 à rassurer M. Seselj, quand son tour viendra, s'il a des vidéos à montrer,
8 la Chambre évidemment visionnera dans les mêmes conditions les vidéos de M.
9 Seselj, et notamment sur le point que vous avez évoqué, à savoir lorsque
10 l'on voit un extrait de vidéo, cet extrait peut ne pas dire grand-chose si
11 on ne voit pas le contexte. Alors si vous-même, vous avez décelé ce type de
12 problème, raison de plus de nous montrer les compléments à partir donc
13 d'une vidéo intégrale ou de parties de vidéos qui viendront contrecarrer le
14 point de vue de l'Accusation. Et à ce moment-là, on pourra organiser
15 également des audiences spécialement consacrées aux vidéos de la Défense.
16 Donc, la Chambre est tout à fait ouverte sur cette question, elle n'exclut
17 pas donc dans le futur de visionner d'autres, d'autres vidéos. S'il n'y a -
18 -
19 Oui, Monsieur Seselj.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] On n'a pas résolu le problème de fond, à savoir
21 comment se procurer des vidéos. Le greffe n'a pas trouvé de solution. Il y
22 a plusieurs jours, je vous ai présenté le problème, je l'ai évoqué.
23 Lorsqu'une personne externe au Tribunal apporte un DVD, ce sont les
24 autorités de la prison qui doivent recevoir ce DVD pour l'examiner, et au
25 bout de quelque temps je le reçois, moi. Mais pourquoi est-ce que
26 j'accepterais que qui que ce soit le visionne avant moi ? Je ne l'accepte
27 pas. C'est à moi de décider si un extrait sera visionné dans le prétoire ou
28 non. Je ne veux pas que l'administration pénitentiaire l'examine, fasse des
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1 copies éventuellement, ou le Greffe, ou je ne sais pas quel service, et
2 puis que ça m'atteigne en dernière instance et qu'il m'appartienne de
3 choisir ce que je vais présenter dans le prétoire. Il faut que je sois
4 privilégié pour ce qui est du maniement de ces DVD. Que mes conseilleurs
5 juridiques me l'apportent, que ça me soit remis en main propre et que les
6 autorités pénitentiaires ne puissent pas le prendre, et que ce soit à moi
7 de décider ce qui sera visionné ici ou non, sinon ça n'a pas de sens.
8 Je n'ai pas peur pour ce qui est de la teneur, mais je veux que le principe
9 soit respecté jusqu'au bout.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Cette question ne m'a pas échappé et il y a
11 plusieurs mois, je crois, je m'en étais entretenu à un moment donné avec le
12 Greffe, mais la Chambre n'a pris aucune position. Mais je peux reposer le
13 problème de fond.
14 Le problème de fond est le suivant : l'accusé qui se défend seul peut, à
15 l'occasion de la venue des témoins de l'Accusation ou de ses propres
16 témoins, faire diffuser des vidéos. Pour cela, l'accusé nous a dit, à
17 plusieurs reprises, qu'il fallait qu'il visionne lui-même à l'avance ces
18 vidéos pour savoir comment les utiliser. Dans la mesure où M. Seselj a
19 affirmé à maintes reprises que c'est lui qui dirigeait sa propre défense,
20 ses collaborateurs exécutant ses instructions. A partir de là, M. Seselj
21 nous a demandé de faire en sorte que l'administration de la prison lui
22 permette d'avoir accès à des DVD sans contrôle préalable de
23 l'administration, étant précisé -mais là j'interprète peut-être la pensée
24 de M. Seselj - que s'il y a un contrôle, il y aurait donc une interférence
25 dans les droits de la Défense.
26 Ceci étant dit, la position du Greffe et de la prison est la suivante, je
27 résume : ils ont, par le Statut et le Règlement, la responsabilité du bon
28 ordre et de la sécurité de la prison et qu'ayant cette responsabilité ils
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1 doivent contrôler tout ce qui rentre dans la prison, à l'exception
2 évidemment du contrôle d'un avocat avec son client. Mais hors contrôle de
3 l'avocat et son client, ils sont en droit de contrôler tout ce qui rentre.
4 A titre d'exemple, imaginons qu'un accusé aurait envie de voir une vidéo de
5 dessin animé et sous le prétexte que ça rentre dans les droits de la
6 Défense, cette vidéo n'aurait pas été soumise à un contrôle préalable, donc
7 ça pourrait poser, au niveau de la prison, un problème. Voilà -- voilà la
8 situation qui est, comme tout le monde le voit, extrêmement délicate et
9 compliquée.
10 Donc, pour le moment, nous n'avons pas pris de décision. Nous
11 réfléchissons à une procédure qui permettrait de donner satisfaction tant à
12 l'accusé et à l'administration de la prison. Mais là, je dois vous avouer
13 que pour le moment nous n'avons pas encore trouvé de solution. Nous
14 connaissons le problème. Nous n'avons pas la solution.
15 Alors, peut-être que la Chambre sera amenée à rendre une décision
16 écrite susceptible de faire un appel et peut-être que la Chambre d'appel
17 dans sa grande sagesse trouvera, elle, la solution comme elle semble
18 trouver parfois dans d'autres problèmes.
19 Il est donc l'heure de terminer. Je vous remercie, et nous nous
20 retrouverons demain à 8 heures 30.
21 Je me tourne vers mes collègues pour bien avoir confirmation. Donc, demain
22 8 heures 30.
23 --- L'audience est levée à 11 heures 49 et reprendra le jeudi 10 avril
24 2008, à 8 heures 30.
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