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1 Le mercredi 28 mai 2008
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.
5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
7 l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, il s'agit
9 de l'affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
11 En ce mercredi, 28 mai, je salue les représentants du bureau du Procureur,
12 je salue M. Seselj, je salue également Mmes et MM. qui nous assistent dans
13 notre tâche, et notamment les interprètes qui nous sont d'une aide très
14 précieuse.
15 Nous devons poursuivre aujourd'hui le contre-interrogatoire, mais avant
16 cela je vais interroger M. Mundis, parce que la Chambre s'est rendu compte
17 qu'il y avait dans le "slide the show" deux photos qui n'apparaissaient pas
18 dans le rapport de l'expert.
19 Alors, Monsieur Mundis, pouvez-vous nous donner des explications
20 complémentaires ?
21 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Bonjour, Messieurs les Juges, Pr Seselj, et Pr Riedlmayer, et toutes
23 les personnes dans le prétoire.
24 Cette question, Messieurs les Juges, porte sur les photographies qui se
25 trouvent dans le diaporama qui était le numéro 65 ter 00463 alpha, les
26 diapos portant sur la mosquée d'Ahatovici. Il y a deux photographies sur le
27 diaporama qui sont décrites comme représentant cet endroit. J'ai omis
28 d'attirer l'attention des Juges de la Chambre sur ce point, et je vous
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1 remercie de m'en donner l'occasion maintenant.
2 Lorsque M. Riedlmayer a préparé sa base de données, il y avait une seule
3 photographie en blanc et noir, associée à cette mosquée détruite, qui se
4 trouve dans l'annexe qui a trait à cette mosquée. Un peu plus tard le
5 Procureur a reçu de M. Riedlmayer quatre [comme interprété] photographies
6 supplémentaires en couleur relatives à ce site, qui comportent le numéro 65
7 ter 2188A. Ces cinq photographies ont été communiquées à M. Seselj, le Pr
8 Seselj, le 20 mai 2008.
9 Au moment où le diaporama a été compilé, plutôt que de se reposer sur
10 la photographie en noir et blanc qui était dans la base de données, les
11 deux photographies couleur en réalité ont été incérées dans le diaporama.
12 Donc le témoin a expliqué ceci, sa déposition a porté sur la mosquée
13 détruite jeudi dernier.
14 Par conséquent, nous vous demandons à ce que ces photographies, qui
15 faisaient partie du document 65 ter 2188A, puissent être versées au dossier
16 pour qu'il n'y ait pas de confusion, que ceci soit consigné au compte
17 rendu. Encore une fois, nous demandons le versement du rapport complet avec
18 toutes ces annexes au dossier, le numéro 65 ter 463, ainsi que le diaporama
19 numéro 65 ter 4683A, ainsi que les deux photographies portant sur la
20 mosquée d'Ahatovici, qui faisait partie précédemment du 2188A.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : -- la question de ces deux photos ?
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, tout ce que j'avais à
23 dire sur ces photographies je l'ai déjà dit. A vous maintenant de faire ce
24 que vous voulez, je ne m'intéresse plus du tout en fait de savoir si ces
25 photos seront versées au dossier ou pas.
26 Je n'ai aucun doute quant au fait qu'un grand nombre de mosquées a
27 été détruit pendant la guerre, et d'ailleurs je n'ai pas tenté de démontrer
28 le contraire. Il est vrai qu'un grand nombre de mosquées a été détruit. Et
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1 un grand nombre aussi d'églises orthodoxes serbes a été détruit mais il n'a
2 pas été possible d'en parler ici de façon adéquate, et c'est cela qui me
3 pose problème.
4 Quant au fait de savoir si les photographies seront versées au
5 dossier, c'est à vous d'en décider, mais j'ai aussi une question
6 administrative à poser, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors quelle est la question
8 administrative ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Hier, j'ai protesté contre le fait que ne
10 m'a pas été communiqué la transcription de la déposition de M. Riedlmayer
11 au Congrès américain. Le Procureur, au départ, n'a pas su dire si ce
12 document m'avait été communiqué ou pas, mais après la pause M. Mundis m'a
13 dit et vous a fait savoir que le 2 avril, j'avais reçu un certain nombre de
14 documents au nombre desquels se trouvait, entre autres, la transcription de
15 la déposition du témoin devant le Congrès américain.
16 Hier, j'ai affirmé que dans la masse de documents qui m'avaient été
17 communiqués à cette date-là, ces documents ne figuraient pas, et je le
18 confirme aujourd'hui.
19 Car si vous regardez la page 3 de la lettre d'accompagnement, vous
20 verrez que le dernier document mentionné dans cette page, est intitulé
21 comme suit : "Génocide en Bosnie-Herzégovine : audition devant la
22 Commission de la sécurité et de la coopération européenne, page
23 pertinentes." Ensuite la même chose en langue anglaise. Puis hier, on m'a
24 remis le document que je tiens ici à la main. Ce document que je tiens à la
25 main, je l'avais déjà reçu, mais dans ce document il n'est écrit nulle part
26 qu'il s'agit de la déposition de M. Riedlmayer devant le Congrès américain.
27 Et d'ailleurs, dans la liste des documents communiqués ne figure pas
28 la mention du Congrès américain, donc je sais de quoi je parle. Je sais ce
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1 que je dis et je sais ce que j'ai dit hier. Je n'aurais d'ailleurs aucune
2 raison de vous affirmer que je n'ai pas reçu un document que j'aurais reçu,
3 je ne l'ai effectivement pas reçu avec l'intitulé exact.
4 Et quand j'ai vu qu'il était question du fait que M. Riedlmayer avait
5 déposé devant le Congrès américain, et qu'il en était fait mention dans
6 certains documents, j'ai immédiatement noté pourquoi ce document ne m'a pas
7 été communiqué. Si ce document m'avait été communiqué sous le bon intitulé,
8 je n'aurais pas protesté hier.
9 Donc si nous avons perdu un peu de temps hier à cause de cela, c'est
10 le Procureur qui est coupable et pas moi.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Mundis, M. Seselj vient d'expliquer.
12 Apparemment il a eu des documents, mais ceux relatifs au Comité pour la
13 sécurité et la coopération en Europe, et non pas le Congrès américain. Donc
14 il semblerait que les documents relatifs à l'audition devant le Congrès
15 américain, ça n'a pas été communiqué.
16 N'y aurait-il pas une erreur de votre part ? C'est vrai qu'avec tous ces
17 documents on peut s'y perdre, mais est-ce que l'Accusation n'aurait pas
18 confondu l'OSCE et le Congrès américain.
19 M. MUNDIS : [interprétation] Non, Monsieur le Juge.
20 Je regarde la page de couverture, le document qui vient du gouvernement de
21 presse américain, qui relève du gouvernement américain, et ceci s'appelait
22 autrefois en fait la Commission chargée de la coopération et de la
23 sécurité. C'est l'intitulé de cette commission. Il ne s'agit pas du tout de
24 l'OSCE, qui est un organe international qui a ce sigle, en fait c'est une
25 Commission du Congrès américain sur la sécurité et la coopération.
26 Mais on peut poser la question à M. Riedlmayer, parce que c'est lui qui est
27 plus à même de dire devant quel organe il a témoigné précédemment. Je crois
28 que ce serait une façon logique de procéder.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : --éclairer. Je vais vous donner la parole mais le
2 témoin va nous peut-être apporter des précisions.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais Monsieur le Président, ceci ne concerne
4 pas le témoin. Tout est clair. Je crains simplement que l'interprétation de
5 ce que j'ai dit n'ait pas été tout à fait exacte à en juger par votre
6 interprétation.
7 J'ai reçu le bon document, ce que je tiens ici à la main c'est l'audition
8 de M. Riedlmayer devant le Congrès américain. Mais dans ce document que je
9 tiens à la main, il n'est écrit nulle part que cela s'est passé devant le
10 Congrès américain. Et dans la liste des documents qui m'ont été communiqués
11 le 2 avril, et que j'ai reçus, figure la mention suivante : "Audition
12 devant la Commission de sécurité et coopération en Europe, pages
13 pertinentes." Mais là non plus, il n'est pas fait mention du Congrès
14 américain. Donc il y a manifestement un malentendu. J'ai reçu effectivement
15 ce document, je l'ai reçu le 2 avril. Mais quand je l'ai reçu, dans la
16 liste des documents que j'ai reçue, je ne pourrai pas savoir que c'était
17 une audition devant le Congrès américain. J'ai cru que c'était une audition
18 devant l'OSCE parce que c'était ce qui figurait dans la lettre
19 d'accompagnement. Donc cela ne concerne pas le témoin, mais cela concerne
20 le bureau du Procureur qui n'a pas mentionné le document comme il faut.
21 Dans la liste d'accompagnement, non plus, il n'est écrit Congrès américain
22 nulle part. Je ne pouvais pas savoir que j'avais reçu cette audition si
23 cela ne figurait pas dans la liste des documents qui m'ont été communiqués.
24 Maintenant nous venons de comprendre qu'il s'agit d'une erreur sur le
25 titre, l'intitulé du document.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous avez témoigné j'ai cru
27 comprendre devant le Congrès américain, mais pas devant l'OSCE ou également
28 devant l'OSCE ?
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1 LE TÉMOIN : ANDRAS RIEDLMAYER [Reprise]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Malheureusement, je crois qu'il y a une
4 méprise en fait qui se confond, c'est une question de terminologie. L'OSCE
5 est un organe international qui comprend des représentants de différents
6 gouvernements. La Commission chargée de la sécurité et de la coopération en
7 Europe est une commission américaine qui comporte les membres des deux
8 chambres du Congrès, ainsi que des représentants du département d'Etat et
9 d'autres départements du gouvernement. En fait c'est un organe qui relève
10 du gouvernement américain qui n'a rien à voir avec l'OSCE. Ceci n'est pas
11 non plus en fait une branche du Congrès américain, bien que le Congrès
12 américain leur fournisse un bon nombre de ses membres.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien la Commission sur la sécurité
14 et la coopération en Europe est une commission du gouvernement américain,
15 et dans cette commission du gouvernement américain il y a des membres du
16 Congrès ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a une confusion, Monsieur le Juge,
18 veuillez répéter s'il vous plaît.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je répète. D'après ce que j'ai entendu, la
20 Commission sur la sécurité et la coopération en Europe est une commission
21 du gouvernement américain. Cette commission du gouvernement américain est
22 composée des membres du Congrès et également des représentants du "state
23 departement", ainsi que d'autres départements du gouvernement américain.
24 C'est ça la structure, c'est bien ça ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez compris ? C'est assez compliqué, mais
27 grâce à ma question le témoin a levé des ambiguïtés, ce qui veut dire que
28 le document que vous avez est de provenance de cette commission, mais qui
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1 dépend du gouvernement américain.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'en suis rendu compte hier soir déjà dès
3 que j'ai relu le document et la lettre d'accompagnement. Je me suis rendu
4 compte que j'avais reçu ce document avant mais qu'il n'avait pas été
5 intitulé comme il convient puisqu'il n'était fait mention nulle part du
6 Congrès américain.
7 Donc j'ai précisé tout cela, j'ai fait la clarté sur ce point, je voulais
8 la faire devant vous. Je ne sais pas ce qui s'est passé dans
9 l'interprétation. Je ne suis pas parvenu à le faire immédiatement, mais
10 j'ai tiré tout cela au clair et le témoin maintenant parle d'autre chose.
11 Mais tout est clair pour moi maintenant, en tout cas, je ne suis pas
12 coupable de cette confusion, c'est le bureau du Procureur qui en est
13 responsable.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : L'essentiel c'est que le document vous l'avez.
15 Alors maintenant deuxième chose, le Greffier m'a indiqué qu'il vous
16 restait pour le contre-interrogatoire 26 minutes, donc je vous donne la
17 parole.
18 Contre-interrogatoire par M. Seselj : [Suite]
19 Q. [interprétation] Monsieur Riedlmayer, j'ai lu également ce
20 document du Congrès américain ainsi qu'un autre article dont vous êtes
21 l'auteur qui s'intitule "Présent et avenir du patrimoine culturel de la
22 Bosnie-Herzégovine sorti des cendres." Et un détail a appelé mon attention,
23 vous parlez de convertis dans ces deux documents, convertis du temps de
24 l'occupation turque qui ont donc adopté la religion chrétienne à partir de
25 la religion islamique, et vous dites que l'un de ces convertis, Mehmed Pasa
26 Sokolovic, qui est un homme assez connu de l'époque, qui a joué un rôle
27 important dans l'Empire ottoman, ce qui est exact, mais je crois qu'il y a
28 un point que vous avez délibérément omis de dire, à savoir qu'il ne s'est
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1 pas converti de son plein gré à la foi islamique. Alors, je vous demande si
2 c'est exact, Monsieur Riedlmayer, je vous demande si Mehmed Pasa Sokolovic
3 a décidé à un moment déterminé à partir de l'identité qui était la sienne,
4 à savoir serbe et chrétienne, de se convertir à Islam ?
5 R. [chevauchement]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre estime que la question que vous
7 posez n'est pas pertinente et n'a rien à voir avec les questions qui ont
8 été posées pendant l'interrogatoire principal. Alors pouvez-vous nous
9 expliquer pourquoi vous vous lancez sur ce terrain ?
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, hier j'ai déjà dit que
11 mon objectif était de démolir complètement la crédibilité de ce témoin, et
12 en particulier sa crédibilité morale. Je veux m'occuper de ce sujet pour
13 démontrer que ce témoin présente de façon mensongère l'histoire de la
14 Bosnie-Herzégovine devant le monde.
15 Les rapports interreligieux en Bosnie jusqu'à la dernière guerre, il les
16 présente à peu près comme des rapports idylliques; des gens de religions
17 diverses vivent dans le même territoire, dans la paix, dans le respect,
18 dans la coexistence pacifique, et ceci est bien loin de la vérité. Les
19 Turcs étaient des occupants très durs de la Bosnie pendant près de cinq
20 siècles. Une partie de la population a effectivement adopté la foi
21 islamique de son propre gré, mais il y a aussi une grande partie de cette
22 population qui l'a fait sous la contrainte. Il existait une institution qui
23 s'appelait le "Don du sang". Et ce don du sang se faisait de la façon
24 suivante : tous les trois ou quatre ans un groupe d'officiers turques
25 faisaient la tournée de tous les villages serbes en Bosnie pour attraper
26 les jeunes garçons et les vieillards hommes. A partir de 5 à 10 ans, ils
27 enlevaient ces petits garçons de l'école. Ils les prenaient à leurs
28 parents. Ils les enfermaient dans des écoles où ils les transformaient en
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1 ce qu'il est convenu d'appeler des "Janissaries", c'est-à-dire des
2 combattants. Les Serbes étaient choisis parce que c'étaient les jeunes gens
3 les plus compétents et les plus aptes, et à un âge très jeune, 5 à 10 ans.
4 Donc depuis l'enfance, on les transformait en soldats turcs.
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Seselj, tout ceci est fort
6 bien, mais cela va bien au-delà de l'expertise du témoin. Il va bien au-
7 delà du rapport d'expert de ce témoin. Je pense qu'à ce stade vous devriez
8 vous en tenir aux questions qui figurent dans son rapport et dans sa
9 déposition.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai couvert le rapport
11 et la déclaration de ce témoin et j'ai montré que sur le plan de
12 l'expertise de ce témoin, il n'est pas question de la moindre valeur. Ce
13 témoin n'est pas un expert, c'est un voyageur écrivain. Ceci n'a rien à
14 voir avec ce qu'il affirme, à savoir qu'il a rédigé un rapport d'expert. Et
15 puisqu'il n'a été témoin oculaire de pratiquement aucun des événements dont
16 il parle, il est incapable de témoigner au sujet des faits. Maintenant ce
17 que je souhaite, devant vous et devant l'opinion, c'est détruire sa
18 crédibilité morale. J'y suis déjà parvenu en partie, puisque je vous ai
19 montré qu'il présentait de façon mensongère, à l'opinion mondiale,
20 certaines époques bien déterminées de l'histoire bosniaque.
21 J'ai encore ici d'autres preuves. J'ai sous les yeux le texte de son
22 engagement en faveur de l'armement des Musulmans de Bosnie, c'est-à-dire de
23 la suppression de l'embargo sur les armes, ce qui veut dire que ce témoin
24 ne peut en aucun cas être un témoin objectif en dehors du fait qu'il n'est
25 expert en rien. Donc si vous me permettez de poursuivre comme je l'ai
26 prévu, je vous indique que chacune de mes questions a un sens bien précis.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que
28 vous continuez sur le terrain de la crédibilité et vous voulez démontrer
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1 que cet expert n'est pas impartial, au sens où, et vous avez un document,
2 il aurait pris position contre l'embargo. Ça c'est un autre problème. Mais
3 on va voir les questions que vous allez poser. Mais pour qu'il n'y ait pas
4 de méprise, Monsieur Seselj, sur le rapport de l'expert, ce qui va être
5 important pour la Chambre, c'est de déterminer s'il y a eu des églises et
6 des mosquées détruites. Voilà, c'est la question que nous avons. Et pour
7 répondre à cette question, comme éléments de preuve en l'état, ce sont les
8 photos. Ce sont les photos. Voilà le champ du travail de la Chambre après
9 cette audience. C'est de savoir, y a-t-il eu des mosquées avec minarets,
10 des églises catholiques, des biens culturels, détruits, et à partir des
11 photos. Voilà le problème central que mon collègue vous a rappelé.
12 Alors maintenant que vous êtes sur le terrain de l'expertise ou de la
13 crédibilité, et vous voulez démontrer que le terrain -- que le témoin n'est
14 pas impartial, donc continuez.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, le fait que des mosquées
16 et des églises aient été détruites pendant cette guerre est un fait
17 notoire. En droit, il n'est pas nécessaire d'apporter la preuve de faits
18 notoires. Il est ridicule de vouloir démontrer que des églises et des
19 mosquées ont été détruites en Bosnie-Herzégovine pendant la guerre. Il est
20 ridicule de vouloir démontrer qu'un grand nombre de ces mosquées ont été
21 détruites par des gens d'appartenance ethnique serbe, puisque c'est un fait
22 notoire. Il est incroyable que le rapport d'expert de ce témoin n'ait pas
23 couvert, y compris des éléments de preuve démontrant que des églises et des
24 couvents serbes ont été détruits également, et que ceci s'est fait en
25 raison de cette guerre, de façon généralisée.
26 Je ne crois pas qu'il appartienne aux Juges de la Chambre de
27 constater que des églises catholiques romaines et des mosquées ont été
28 détruites puisqu'il existe un nombre très important de preuves qui montrent
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1 que c'est bien le cas. Je pense que ce qu'il convient de démontrer, c'est
2 est-ce que j'ai la moindre part de responsabilité vis-à-vis de ces actes.
3 Et d'après le rapport de cet expert, vous ne disposez pas d'une infime
4 trace de preuve du fait que j'aurais la moindre responsabilité dans cet
5 événement résultant de la guerre.
6 Alors pourquoi continuer à en parler ? Moi, ce que je veux, c'est
7 continuer à mettre en cause sa crédibilité.
8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interromps
9 encore, Monsieur Seselj, mais si votre position consiste à dire que des
10 églises serbes orthodoxes ont également été détruites, vous êtes libre de
11 citer à la barre des témoins lorsque ce sera à votre tour, et vous pourrez
12 démontrer cela. Pour l'instant, nous avons devant nous un témoin expert qui
13 a témoigné sur le sujet de la destruction des mosquées et des églises
14 catholiques, et sa déposition porte là-dessus, et rien de plus. Donc
15 tenons-nous-en à son domaine d'expertise. Si vous n'avez pas d'autres
16 questions à lui poser, à ce moment-là, terminons-en et terminons le contre-
17 interrogatoire.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que vous ne
20 m'autorisez pas à démolir la crédibilité de ce témoin ?
21 M. LE JUGE ANTONETTI : On vous autorise à poser des questions sur la
22 crédibilité, oui, mais n'abordez pas des sujets qui sont hors du champ de
23 l'expertise. C'est ça que mon collègue vous dit.
24 Maintenant, vous voulez démontrer que ce n'est pas un expert via le
25 fait qu'il ne peut être crédible parce qu'il est partial, et c'est cela que
26 vous voulez montrer, alors allez-y.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici, le témoin s'est présenté comme historien.
28 Il a dit que c'était la profession qui résultait de sa formation. J'ai
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1 saisi un détail à fait historique notoire, qui est bien connu de tous les
2 habitants des régions balkaniques, et je me suis servi de cet élément pour
3 démontrer que ce témoin n'a pas informé objectivement l'opinion publique
4 occidentale au sujet des événements historiques survenus en Bosnie, et ça
5 j'en ai terminé.
6 Maintenant ce que je veux, c'est demander au témoin s'il est exact qu'il
7 s'est engagé activement en faveur de l'envoi de requêtes à l'administration
8 Clinton pour obtenir la fin de l'embargo sur les armes envoyées aux
9 Musulmans de Bosnie.
10 Si vous m'interdisez cette question, qu'est-ce que je peux faire ? Moi, je
11 crois que j'ai le droit de la poser. Si vous me dites non, j'arrête, j'en
12 ai fini, et c'est fini.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Posez-la.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà, je l'ai posée, ma question.
15 M. SESELJ : [interprétation]
16 Q. Ceci est-il exact, Monsieur Riedlmayer ?
17 R. Je suppose que vous voulez faire référence au document qui a été
18 communiqué dans l'affaire Milosevic, le volet Bosnie. C'est une lettre que
19 j'ai rédigée en juillet 1995, demandant à l'administration Clinton de lever
20 l'embargo des armes, et ce, de façon urgente. La logique qui sous-tendait
21 cela, c'était l'article 51 de la charte des Nations Unies, qui stipule que
22 chaque Etat a le droit à l'autodéfense jusqu'au moment où le Conseil de
23 sécurité prend les mesures aux fins de garantir la paix.
24 A ce moment-là, cela faisait trois ans que la guerre en Bosnie faisait
25 rage. Sarajevo venait de tomber, et je crois que je n'étais pas le seul à
26 être préoccupé, en tant que citoyen international, de ce qui se passait, et
27 je demandais à ce que des mesures soient prises, et ce, de façon urgente.
28 Je ne pense pas que cela a à voir avec mon rapport en fait, qui a été fait
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1 avec des objectifs différents et à un moment donné différent.
2 Q. Est-ce que ceci a le moindre rapport avec votre rapport ou pas, ce
3 n'est pas à vous de le dire ici. J'ai votre texte entre les mains parce que
4 le Procureur me l'a communiqué, et c'était son obligation. Vers la fin de
5 ce texte, je vais vous le rappeler, Monsieur Riedlmayer, vous dites, je
6 cite :
7 "La seule chose dont Karadzic et ses bandits ont encore peur, c'est
8 que leurs victimes vont peut-être trouver le chemin pour obtenir des moyens
9 de défense."
10 Est-ce que vous vous rappelez avoir dit cela ?
11 R. Je ne me rappelle pas de cette phrase exacte, mais il est vrai
12 qu'après la chute de Srebrenica, c'est une phrase de toute façon qui, selon
13 moi, n'est absolument pas --
14 Q. Dans une déclaration publique de votre part, est-ce que vous
15 auriez jamais utilisé l'expression "Izetbegovic et ses bandits" ?
16 R. [aucune interprétation]
17 Q. Et vous ne savez pas que plus de 6 000 civils serbes ont été tués à
18 Sarajevo sous le gouvernement d'Izetbegovic ?
19 R. Non, je ne sais pas cela.
20 Q. Je savais que vous n'étiez pas au courant, mais il s'agit de civils
21 dont les noms sont tous écrits noir sur blanc, à la différence des victimes
22 de Srebrenica, où les chiffres varient entre quelques milliers et quelques
23 dizaines de milliers.
24 Alors, Monsieur Riedlmayer, nous avons également ici votre texte qui
25 s'intitule : "L'holocauste et le livre," et s'agissant des éléments de
26 Srebrenica, vous dites dans ce texte que la radio serbe de Pale a diffusé
27 une chanson dont les paroles sont les suivantes : "Les Serbes sont des
28 champions. Sortez sur les balcons et faites appel à la race blanche serbe."
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1 Est-ce que vous avez écrit cela dans le texte dont vous êtes l'auteur ?
2 R. Si vous regardez bien ce document, il s'agit d'une citation directe
3 prise d'un article de magazine, donc ce ne sont pas mes propres mots.
4 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète au début du chant : "Teneur la
5 racaille--"
6 M. SESELJ : [interprétation]
7 Q. Ce n'était pas une citation directe parce que c'est en fait une version
8 qui vient de vous. Mais admettons que vous citiez, avec des guillemets,
9 vous parlez d'un chant qui est diffusé par la radio de Pale. Et en note en
10 bas de page 37, vous faites référence au livre d'une certaine Charlotte
11 Iver [phon] intitulé, "Du paradis à l'enfer." Ou plutôt, ce serait un
12 article de "L'Observer," de 1995; c'est bien cela ? Donc c'est d'elle que
13 vous avez repris ces paroles ?
14 R. Article de magazine, en effet, du "London Observer."
15 Q. -- en considérant que cet article était véridique. Mais vous n'avez
16 rien fait pour vérifier si un tel acte était possible, en dépit des
17 nombreux contacts que vous aviez dans la région des Balkans et en dépit du
18 fait que vous vous y êtes rendu à de nombreuses reprises. Vous avez repris
19 une invention qui figurait dans un article de presse, sans la vérifier, et
20 vous l'avez introduite dans votre travail présumé scientifique, votre
21 travail scientifique qui a été publié par "University of Massachusetts
22 Press." C'est à Amherst, n'est-ce pas ? C'est bien cela ? Ceci montre quel
23 genre de scientifique vous êtes et de quoi vous vous servez. Parce que si
24 je prenais dans la presse française, anglaise ou autres n'importe quel
25 article et que je les citais dans mes œuvres scientifiques comme étant
26 véridiques, je ferais comme vous. Voilà le genre d'expert que vous êtes.
27 Et maintenant, voyons ce que vous avez fait dans votre audition devant la
28 Cour internationale de justice de La Haye.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, laissez-le répondre. Vous passez
2 maintenant à autre chose. Laissez-le répondre, puisque vous dites qu'il
3 n'est pas expert parce que, et vous citez l'article, qu'il réponde.
4 Répondez, Monsieur le Témoin.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas exactement quelle était la
6 question dans cette déclaration.
7 M. SESELJ : [interprétation]
8 Q. La question, et vous y avez répondu d'ailleurs, était la suivante.
9 Monsieur Riedlmayer, en répondant devant la Cour de justice internationale,
10 au paragraphe 8 de votre déclaration, vous avez dit que l'Islam était
11 arrivé en Bosnie il y a presque six siècles; c'est ça ?
12 R. En effet.
13 Q. Lorsque l'armée des sultans ottomans a traversé la région en allant
14 vers la Hongrie, est-ce que ça veut dire que l'armée des sultans ottomans a
15 traversé, en courant, la Bosnie, en allant vers la Hongrie ?
16 R. Enfin, ce n'est pas tout à fait ce terme-là que j'ai employé,
17 "traverser," "breezed" en anglais. Mais c'est quand même comme cela que les
18 choses se sont déroulées. A la fin du XIVe siècle et au milieu du XIVe
19 siècle, les armées ottomanes ont plus ou moins conquis ce qui maintenant
20 sont les Balkans. Et à ce moment-là, ils étaient aux frontières de la
21 Hongrie, c'est-à-dire à la rivière Sava.
22 Q. Aux paragraphes 30 et 31 de votre déclaration, vous avez fait une
23 déclaration mensongère en disant que le vieux pont sur la Neretva, que sa
24 construction avait été gravement endommagée par les soldats de la JNA, ce
25 qui a simplement été achevé par les Croates, et vous avez dit aussi que
26 toutes les mosquées de Mostar avaient été détruites, mais que les dégâts
27 principaux avaient été infligés pendant le siège de la JNA, et le plus que
28 les forces croates ont pu faire contre les bâtiments de la vieille ville,
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1 qui étaient déjà largement détruits, c'était tout simplement de les réduire
2 en cendres. C'est ce que vous avez déclaré, n'est-ce pas ?
3 Et ça, c'était un mensonge aussi, car toutes les mosquées de la rive
4 ouest de Mostar ont été détruites par les Croates, et Stari Grad, la
5 vieille ville, se trouvait du côté est de Mostar, et les Croates du côté
6 ouest tiraient sur cette partie pendant que la JNA y était encore. Vous
7 avez fait des mensonges devant la Cour internationale de justice, et
8 malheureusement la Serbie ne s'est pas bien défendue, (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 Monsieur le Témoin, répondez à la question que vous a posée M. Seselj sur
18 les destructions de mosquées à Mostar, et notamment le fait - c'est
19 qu'allègue M. Seselj - que les mosquées auraient été détruites par les
20 Croates, et non pas par les Serbes, et que vous auriez témoigné en sens
21 contraire devant la Cour internationale de justice.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, devant la CIJ et devant ce
23 Tribunal, je suis sous serment, à la fois devant les deux Tribunaux, et je
24 fais extrêmement attention à ce que je dis pour dire la vérité du mieux que
25 je peux.
26 Pour ce qui est du vieux pont, j'en ai parlé en détail au cours de
27 l'interrogatoire principal. J'ai parlé des dégâts qui ont été infligés à ce
28 pont. Il est vrai qu'il a été endommagé au cours du siège de la JNA, et
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1 c'était la principale victime d'ailleurs du siège croate de la vieille
2 ville de Mostar en 1993-1994.
3 Ensuite, je n'ai connaissance d'aucun élément de preuve crédible
4 prouvant que les mosquées de Mostar ont été bombardées par les Croates au
5 cours du siège de la JNA. De plus, je tiens à dire que la mosquée dont on a
6 parlé en détail, celle de Sevri Hadji Hasan, se trouve sur la rive ouest de
7 la Neretva et les dégâts que l'on a vus sur les photos datent de 1992.
8 C'est dans le quartier Donja Mahala de Mostar, rive ouest, juste sous la
9 colline Home, tout comme le monastère franciscain et le monastère et cette
10 mosquée ont été endommagés tous les deux au cours du printemps 1992 pendant
11 le siège de la JNA dans la ville de Mostar. Donc, ce que j'ai dit est vrai.
12 De plus, je tiens à dire que je ne suis pas le seul à dire cela. Les
13 rapports du rapporteur du Conseil de l'Europe, le Dr Colin Kaiser, sont
14 assez détaillés aussi. D'ailleurs, je le cite dans mon rapport. Il parle en
15 détail de la destruction de Mostar. Il dit que toutes les mosquées sauf une
16 de la vieille ville ont été sérieusement endommagées, et décrit les dégâts,
17 donne beaucoup de détail. Donc, je ne suis pas le seul à être de cette
18 opinion -- un autre expert est exactement de la même opinion que moi. Un
19 autre expert qui était là en 1992 et qui a vu les choses de visu. Avant le
20 siège des Croates, tout dégât qu'il a observé ne pouvait pas venir du siège
21 des Croates puisque c'était fait avant.
22 Cela répond-il à votre question ?
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est la réponse à votre question, Monsieur le
25 Président, et j'espère que ceci ne sera pas décompté contre mon temps, car
26 c'était vous qui avez posé cette question. Donc, s'il vous plaît, ne
27 comptez pas cela.
28 M. SESELJ : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Riedlmayer, à quel moment est-ce que les mosquées de Bijeljina
2 ont été détruites ? Brièvement.
3 R. Elles ont été détruites au printemps 1993.
4 Q. Est-ce que ce que vous avez dit dans votre rapport est exact; c'est en
5 mars 1993 qu'elles ont été détruites ? Car dans votre rapport, il est écrit
6 que c'était en mars 1993.
7 R. Oui, mars c'est le début du printemps, donc mars 1993.
8 Q. Moi aussi je sais que c'était en mars 1993 qu'elles ont été détruites.
9 Mais pourquoi est-ce qu'au paragraphe 45 de votre déposition devant la Cour
10 internationale de justice vous avez fait un mensonge en disant qu'elles
11 avaient été détruites le 13 mai 1993 et que peu de temps après, lorsque les
12 bulldozers nettoyaient les décombres, l'assemblée de la Republika Srpska à
13 Bijeljina siégeait. C'était un mensonge que vous avez dit au paragraphe 45
14 de votre déposition devant la Cour internationale de justice.
15 M. MUNDIS : [interprétation] Objection pour ce qui est du fait que le
16 témoin aurait menti.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous allez très vite en disant
18 c'est un mensonge. D'abord, posez lui la question. Attendez la réponse
19 avant de faire des conclusions. Avant même qu'il réponde, vous affirmez. A
20 ce rythme-là, ce n'est plus la peine de continuer si, pour vous, c'est un
21 faux témoin. Vous posez votre question, vous le laissez répondre et si la
22 réponse ne vous plaît pas ou vous semble erronée, vous posez d'autres
23 questions. Mais dès le départ, vous lui dites, vous avez menti. Alors, on
24 ne sait même pas d'abord quelle était la question qui lui a été posée à la
25 Cour internationale de justice, qu'est-ce qu'il a répondu et vous en tirez
26 la conclusion tout de suite.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai devant moi ce
28 compte rendu d'audience et c'est là qu'il fait sa déposition, très
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1 détaillée, d'ailleurs et qui est marquée suivant les paragraphes. Ici il a
2 confirmé ce qu'il a écrit dans son rapport d'expert et ce qui est un fait
3 non contestable, c'est-à-dire les mosquées de Bijeljina ont été détruites
4 en mars 1993. Or, lors de sa déposition devant la Cour internationale de
5 justice à La Haye, il a dit de façon mensongère que ça a eu lieu le 13 mai
6 1993, afin d'établir un lien artificiel entre cela et la session de
7 l'assemblée nationale. Et nous savons qui avaient détruit les mosquées de
8 Bijeljina. Mais j'ai très peu de temps pour pouvoir attendre patiemment
9 qu'il me fournisse des réponses détaillées et pour aller ensuite vers le
10 fond de l'affaire.
11 Le fond, c'est que devant la Cour internationale de justice il avait
12 dit que c'était le 13 mai, et c'est là qu'il a dit un mensonge. Mais ça ce
13 n'était pas ma question, moi j'en ai terminé pour ce qui est de cette
14 question-là.
15 M. SESELJ : [interprétation]
16 Q. Monsieur Riedlmayer --
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous, répondre, puisque --
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, tout à fait. J'aimerais répondre
19 à cette question.
20 Lorsque j'ai témoigné devant la CIJ, on m'a donné le brouillon du
21 compte rendu auquel j'ai apporté des corrections. C'était une des
22 corrections que j'ai apportées d'ailleurs. Il y avait plusieurs erreurs
23 dues à la sténotypie. Les mosquées de Bijeljina ont été détruites le 13
24 mars, et au compte rendu il était écrit "13 mai". Je n'avais jamais dit
25 mai, c'était mars. Il y avait d'autres coquilles qui se trouvaient dans le
26 brouillon et j'ai apporté ces corrections moi-même.
27 Mais malheureusement, à la CIJ on publie immédiatement les brouillons
28 de compte rendu sur le site Web pour que la presse puisse en prendre
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1 connaissance. Malheureusement, ils n'ont jamais publié les corrections.
2 C'est resté sur le Web avec les erreurs brouillons, les coquilles, les
3 erreurs de dactylographie, et cetera.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.
5 M. SESELJ : [interprétation]
6 Q. Monsieur Riedlmayer, pourquoi --
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voyez qu'il faut être très prudent quand on
8 accuse quelqu'un de mentir. Le témoin vient de donner une explication
9 disant qu'il y a eu une erreur de transcript, que lui-même en a demandé la
10 correction, que ça n'a pas été fait. Voilà.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, si ceci était vraiment
12 vrai, alors il n'aurait pas mentionné la session de l'assemblée nationale
13 de la Republika Srpska qui a eu lieu soit vers la fin du mois de mai ou
14 début juin 1993. Donc, après la session fameuse de Pale où le plan Vance-
15 Owen a été rejeté, ça a été deux ou deux mois et demi après la destruction
16 des mosquées.
17 Si vous le croyez lorsqu'il dit que c'est une erreur de compte rendu
18 d'audience, c'est votre affaire. Mais vous savez, ici aucun témoin n'a
19 admis qu'il mentait, sauf celui qui a été attrapé dans son mensonge par
20 l'Accusation dès le récolement. Donc, je ne m'attends pas à ce qu'il
21 admette avoir menti.
22 Mais je veux dire publiquement ce qui figure au compte rendu
23 d'audience officieux. Ce n'est pas moi qui ai rédigé ce compte rendu
24 d'audience. Pourquoi ça n'a pas été corrigé, ce n'est pas mon affaire, ça
25 c'est la transcription officielle. Bien sûr, personne ne va admettre qu'il
26 est un grand menteur et le dire publiquement devant vous. Je ne m'attends
27 pas à cela de la part des témoins de l'Accusation.
28 M. SESELJ : [interprétation]
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1 Q. Pourquoi, Monsieur Riedlmayer, avez-vous menti en disant que les forces
2 serbes après avoir pris le contrôle de Srebrenica avaient tué environ 8 000
3 hommes et jeunes hommes, alors que d'après le fait fiable où il a été
4 établi que seulement 2 500 cadavres ont été retrouvés, dont 1 200 ont été
5 fusillés, effectivement, et les autres ont été tués lors des combats.
6 Pourquoi avez-vous menti qu'il s'agissait de 8 000 personnes ?
7 M. MUNDIS : [interprétation] Objection, encore une fois il affirme que le
8 témoin est en train de mentir.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, pourquoi, Monsieur Seselj, vous affirmez que le
10 témoin a menti, parce qu'il aurait parlé de 8 000 personnes tuées. Peut-
11 être qu'il s'est trompé, peut-être qu'il a été induit en erreur. Ce n'est
12 pas pour autant parce qu'il donne un chiffre qu'il ment. Dans le terme
13 "mentir," il y a l'intention. On peut dire quelque chose par erreur sans
14 pour autant mentir. Je peux dire que vous avez une cravate rouge alors que
15 vous avez une cravate bleue, mais peut-être que j'ai mal vu et ce n'est pas
16 pour autant que je mens en disant que vous avez une cravate rouge.
17 Il y a des personnes qui disent des choses, qui font des erreurs de
18 bonne foi.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, s'agissant de ce
20 mensonge, je suppose que ce n'est pas la faute de M. Riedlmayer tout seul.
21 C'est un mensonge généralement répandu. Certaines Chambres de première
22 instance devant ce Tribunal, et certains Procureurs répandent ce mensonge.
23 Ce mensonge a été accepté par tous les médias occidentaux et ceci a servi
24 de fondement pour le jugement incroyable de la CIJ disant que ce génocide
25 avait été perpétré à Srebrenica et les juristes sérieux sont absolument
26 scandalisés, mais un mensonge doit être stigmatisé. Ce n'est pas la faute
27 de M. Riedlmayer si ces mensonges existent, mais bien d'autres personnes
28 au-dessus de lui ont été coupables. Mais c'est un mensonge que de dire que
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1 8 000 personnes y ont été fusillées. Tout le monde sait maintenant que
2 c'est un mensonge, mais ce mensonge est accepté et par la CIJ et par
3 certaines Chambres de première instance de ce Tribunal et par bien
4 d'autres. Il a été constaté de façon mensongère qu'un génocide avait été
5 commis à Srebrenica.
6 Or, selon la convention sur le génocide, on ne peut pas dire qu'un
7 génocide a été perpétré à Srebrenica même si 8 000 avaient été fusillés,
8 car il ne s'agissait que des hommes. Or, seulement 1 000 hommes ont été
9 fusillés là-bas et ça on va le voir plus tard aussi.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors oui, Monsieur Mundis, vous avez fait une
11 objection. Je vous écoute.
12 M. MUNDIS : [interprétation] Messieurs les Juges, peut-être pourrons-nous
13 argumenter sur cela par la suite. Mais il est clair pour ce qui est de la
14 jurisprudence du Tribunal en ce qui concerne le génocide de Srebrenica,
15 mais il est tout à fait incorrect que le Dr Seselj accuse ce témoin de
16 mentir pour ce qui est de Srebrenica puisque ici, au Tribunal, nous avons
17 quand même des preuves et nous avons fait des conclusions finales à propos
18 de Srebrenica. Avec tout le respect que je dois à M. Seselj, ce n'est pas
19 l'endroit où il doit réfuter le génocide de Srebrenica, ça n'a rien à voir
20 de toute manière avec notre affaire en l'espèce. Il n'est pas normal ici de
21 faire des discours politiques et d'accuser M. Riedlmayer de mentir en ce
22 qui concerne ce qui s'est passé à Srebrenica.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, M. Seselj a avancé certains
24 propos à votre égard. Vous voulez répondre ou ne pas répondre ? Libre à
25 vous.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me contenterai de lui rappeler de ce qu'il
27 a dit sur les faits réputés est assez connu du public lorsque le TPIY et la
28 Cour internationale de justice ont fait des conclusions qui sont de
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1 notoriété publique. Je ne fais là que répéter ces conclusions, les
2 conclusions de ces deux institutions puisque, maintenant, je répète ce qui
3 est maintenant un fait établi. Toutes décisions de la CIJ en ce qui
4 concerne Srebrenica n'ont pas été faites, en tout cas, sur la base de mon
5 témoignage, ça c'est sûr.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
7 Monsieur Seselj.
8 M. SESELJ : [interprétation]
9 Q. Monsieur Riedlmayer, à la page 39 du compte rendu d'audience, je vois
10 que vous avez menti en disant la chose suivante, vous dites que : "Le fait
11 est que depuis 1992 et par la suite, pour autant que je le sache, Mostar a
12 été pilonnée seulement de la part de la JNA, depuis 1992 et par la suite."
13 Ça aussi, vous avez menti, car la JNA s'est retirée de Mostar avant le 19
14 mai 1992 et les combats entre les Musulmans et les Croates à Mostar ont
15 duré presque jusqu'en 1995. Est-ce exact ? Ici, c'est écrit à la page 39,
16 premier paragraphe.
17 R. Je suis désolé, je n'ai pas le compte rendu sous les yeux.
18 Q. L'Accusation l'a.
19 R. Si on me le donnait, je pourrais sans doute voir d'où vous avez pris la
20 citation et j'imagine qu'elle est hors contexte. Je sais bien qu'il y a eu
21 deux sièges à Mostar bien distincts. J'en ai parlé déjà dans ce prétoire et
22 j'en ai aussi parlé lorsque j'ai témoigné devant la CIJ. La JNA a siégé
23 Mostar avec les forces serbes d'avril au début juin, alors que pour ce qui
24 est des forces croates, le siège a eu lieu en 1993, 1994. Donc il s'agit de
25 deux événements bien séparés, séparés dans le temps, et je n'ai pas pu
26 faire d'erreur là et je n'ai pas essayé non plus d'induire qui que ce soit
27 en erreur à ce propos.
28 Q. Il est écrit ici depuis 1992, par la suite, que Mostar n'était pilonnée
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1 que de la part de la JNA. L'Accusation dispose de ce compte rendu
2 d'audience, vous pouvez discuter de cela avec eux. Maintenant, vous retirez
3 cela. Bon, mieux vaut tard que jamais.
4 Monsieur Riedlmayer, savez-vous qu'une agence américaine appelée "Rather
5 and Thin", tout d'abord, avez-vous entendu parler de cette agence, une
6 agence chargée des relations publiques ?
7 R. J'en ai entendu parler. Je crois que c'est "Ruder and Thin". Mais j'en
8 ai entendu parler, rien de plus.
9 Q. Savez-vous que le gouvernement musulman, tout au long de la guerre,
10 avait engagé cette agence pour qu'elle mène une guerre de propagande dans
11 son intérêt, et notamment pour ce qui est des thèses liées à la destruction
12 du patrimoine culturel ? Le savez-vous ?
13 R. Je ne sais pas.
14 Q. Vous ne savez pas. Bon. Si vous ne le savez pas, Monsieur Riedlmayer,
15 savez-vous que de nombreuses mosquées sur le territoire de la Bosnie-
16 Herzégovine ont été construites sur les fondations des anciennes églises
17 orthodoxes serbes ?
18 R. Non, je ne le sais pas.
19 Q. Avez-vous entendu dire s'agissant de la mosquée Atic à Bijeljina au
20 sujet de laquelle vous avez mentionné des données concernant sa
21 destruction, mais est-ce que les travaux de la reconstruction de cette
22 mosquée, est-ce que vous avez entendu dire que les fondations d'une vieille
23 église orthodoxe serbe et les tombes serbes ont été retrouvées à cet
24 endroit et autour de cet endroit et que c'est la raison pour laquelle les
25 travaux ont été interrompus ? Le savez-vous ?
26 R. Je sais que la presse a été très mécontente à ce propos et j'ai suivi
27 cela du mieux que j'ai pu. Si je me souviens bien, la seule partie
28 controversée de tout ça c'est qu'on a en effet trouvé des stèles médiévales
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1 près de la mosquée.
2 La Commission des monuments historiques a envoyé des experts et, à ma
3 connaissance, on n'a jamais pu confirmé qu'auparavant sur ce site-là, il y
4 avait un autre bâtiment qui existait. Cela dit, la presse en a parlé et a
5 dit que c'était ainsi.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur l'Expert, M. Seselj vient de vous poser des
7 questions que je découvre parce que ça ne m'était absolument pas venu à
8 l'idée. Il semblerait, d'après ce qu'il dit, mais je sais pas à partir de
9 quel document il a ou de quelle étude, mais certainement il doit en avoir,
10 que des mosquées en Bosnie-Herzégovine ont été construites sur
11 l'emplacement d'anciennes églises orthodoxes. Donc si je comprends bien, ça
12 doit remonter à plusieurs siècles, il y avait des églises orthodoxes qui
13 ont dû être rasées et on a construit à la place des mosquées. Alors, c'est
14 un élément architectural ou historique important, vous en avez eu vent de
15 cela ou pas ? Et si vous en avez eu vent, pourquoi vous ne l'avez pas
16 indiqué dans votre rapport ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.
18 Tout d'abord, dans mon rapport, je ne parlais pas de l'histoire de
19 l'architecture médiévale en Bosnie. Je parlais de ce qui s'était passé au
20 XXe siècle, à la fin du XXe siècle. C'est pour ça que je n'en ai pas parlé.
21 Cela dit, je sais bien, je suis très au courant de l'histoire de
22 l'architecture dans les Balkans puisque c'est un sujet que j'étudie depuis
23 très longtemps. Il est vrai, ça ne s'est pas passé uniquement dans les
24 Balkans, mais dans toute l'Europe, des églises chrétiennes et des
25 sanctuaires chrétiens ont été construits sur des sites païens. Ça arrive
26 tout le temps en fait.
27 Puis parfois aussi les structures sont transformées; d'une mosquée,
28 elle devient église, et d'église, elle devient mosquée. En Espagne, la
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1 cathédrale de Cordoue était la grande mosquée de Cordoue précédemment. Ça
2 arrive. C'est l'histoire.
3 Pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, malgré toutes les
4 allégations, qui normalement d'ailleurs sont avancées par des profanes, la
5 plupart des mosquées en Bosnie étaient bâties sur des sites nouveaux.
6 L'église orthodoxe de Sarajevo est très près de la grande mosquée de
7 Sarajevo, mais c'est un bâtiment bien séparé, comme elle est bien
8 distincte. Les deux structures, telles qu'elles sont à l'heure actuelle,
9 ont été bâties au XVIe siècle, toutes les deux, mais on pense qu'il y avait
10 peut-être une église orthodoxe là où se trouve maintenant la nouvelle
11 église orthodoxe. Donc auparavant il y avait une autre église orthodoxe.
12 Et la grande mosquée de Sarajevo, je parle de la plus grande ville
13 des Balkans, n'a absolument pas été construite sur les ruines d'une église
14 orthodoxe. Pour ce qui est des autres grandes villes de Bosnie, je ne vois
15 pas de cas où ce serait arrivé d'ailleurs. Donc je pense que l'allégation
16 faite par M. Seselj n'est pas correcte. Ça n'exclut pas la possible que
17 quelque part en Bosnie il peut y avoir peut-être une mosquée qui aurait été
18 construite sur les ruines d'une église en ruine, d'une autre église, d'un
19 autre culte. Je ne l'exclus pas, mais je ne connais pas vraiment de cas
20 spécifique pour ce qui est de la Bosnie.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
22 Juges, je dois m'adresser à vous une nouvelle fois.
23 En page 43 des transcriptions de l'audition de M. Riedlmayer devant
24 la CIJ, il dit, je cite :
25 "Je suis scientifique et je m'occupe de l'histoire ottomane. Je suis
26 conscient du fait que lorsque les Ottomans s'emparaient des villes, ils
27 commençaient d'abord en général par s'emparer de la principale église de la
28 ville pour la transformer en mosquée, en laissant les églises de plus
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1 petite taille aux communautés chrétiennes qui subsistaient."
2 Il l'a dit devant la Cour internationale de justice, et ici, en
3 répondant à votre question, Monsieur le Président, il répond de façon tout
4 à fait différente.
5 Je n'exige pas de vous que vous disiez en public que ce témoin ment,
6 mais je peux supposer ce que vous êtes en train de penser.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur le Témoin, dans ma question
8 antérieure, j'avais abordé, ignorant totalement ce que vous avez dit devant
9 la Cour internationale de justice, la question, et ma question était de
10 savoir si, en Bosnie-Herzégovine, des mosquées avaient été construites sur
11 l'emplacement d'anciennes églises orthodoxes, ou peut-être même églises
12 catholiques, je ne sais. Vous avez fait une réponse assez alambiquée où
13 vous n'avez pas très bien répondu à ma préoccupation. Mais voilà que
14 maintenant M. Seselj lit intégralement ce que vous avez dit devant la Cour
15 internationale de justice, où vous avez expliqué que pendant la période
16 ottomane, les Turcs prenaient le contrôle d'une ville, et l'église
17 principale était à ce moment-là remplacée par une mosquée, laissant les
18 autres églises pour la communauté chrétienne.
19 Alors, j'ai du mal à comprendre votre position. Pouvez-vous
20 repréciser cela ? C'est peut-être une mauvaise compréhension de ma
21 question.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'il y a eu un malentendu. Je ne
23 suis pas très sûr qui en est responsable. Mais j'ai compris votre question
24 précédente comme étant que des mosquées avaient été construites sur
25 l'endroit où il y avait d'autres églises. L'autre élément fait référence au
26 fait que l'on s'approprie un bâtiment qui reste intact et qui est converti
27 à autre chose, on en fait un usage différent. Ceci est arrivé dans des cas
28 assez peu nombreux; au Kosovo, par exemple, lorsque la principale église
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1 orthodoxe, l'église de Ljeviska a été convertie en mosquée. Ceci était une
2 tendance générale au Moyen Age en Europe, où les lieux de culte dans les
3 grandes villes étaient considérés comme étant les lieux de culte de la
4 personne qui dirigeait la ville, ceci arrivait assez souvent, ou l'Etat.
5 Je connais deux exemples de ce type. A Jajce, où l'église catholique a été
6 convertie en mosquée, et depuis, cet édifice est en ruine. Il y a une
7 controverse en la matière. On ne sait pas si ceci doit être restauré, et
8 une fois restauré est-ce que cela doit être une église catholique ou une
9 mosquée.
10 L'autre exemple se trouve à Bihac, au nord-ouest de la Bosnie. Encore
11 une fois, c'est une église médiévale qui a été convertie en mosquée, qui a
12 encore les fenêtres gothiques et le clocher, mais ça fait des centaines
13 d'années que ceci fonctionne comme une mosquée. C'est un phénomène assez
14 rare.
15 Lorsque de nouvelles mosquées sont construites, elles sont en général
16 construites dans de nouveaux endroits.
17 Et ceci peut être dû au fait, en partie, que la Bosnie au Moyen Age
18 n'était pas une région urbaine. La plupart des villes en Bosnie se sont
19 développées à l'ère ottomane.
20 M. SESELJ : [interprétation]
21 Q. Quand vous avez séjourné à Bijeljina, et je vois que vous y êtes resté
22 un certain temps, vous avez obtenu des renseignements quant à l'identité de
23 ceux qui avaient détruit la mosquée. Avez-vous entendu dire, Monsieur
24 Riedlmayer, que le Parti radical serbe, qui avait sa branche à Bijeljina,
25 comme il en avait dans très peu de localités de Bosnie-Herzégovine, et la
26 première de ces localités était Bijeljina, a protesté publiquement en
27 raison de la destruction de la mosquée de Bijeljina déjà en 1993 ? Est-ce
28 que vous l'avez entendu dire ?
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1 R. Si vous regardez en fait ce que j'ai dit à propos de Bijeljina, où j'ai
2 passé le plus clair d'une journée entière, les seules références détaillées
3 indiquées ici, qui étaient responsables, c'étaient les soldats serbes, ou
4 les ruines, parce qu'on voit qu'il y a une bulldozer qui a été utilisé par
5 les autorités municipales, en fait ceci est une citation des différents
6 récits trouvés dans la presse. Je n'ai évoqué ceci personnellement avec
7 personne à Bijeljina et je me suis surtout concentré sur le fait de
8 documenter ce qui était arrivé à ces bâtiments et essayé de comprendre
9 quand ceci était arrivé.
10 Q. Etes-vous au courant du fait qu'aujourd'hui le Parti radical serbe est
11 le parti au pouvoir à Bijeljina ?
12 R. Je ne sais pas cela.
13 M. SESELJ : [interprétation] Ayez l'amabilité, je vous prie, Madame
14 l'Huissière, de mettre sur le rétroprojecteur le dernier document que j'ai
15 évoqué hier. J'ai ici la lettre d'Izet Salihbegovic, né en 1943, qui vient
16 de la grande famille Begovic. C'est donc une vieille famille musulmane, et
17 c'est lui qui a fondé le Parti radical serbe là-bas. Voyons ce qu'il dit au
18 sujet de la destruction des mosquées de Bijeljina. J'ai sa déclaration
19 écrite, qui est authentifiée dans les services compétents de la
20 municipalité de Bijeljina. Il dit, je cite Salihbegovic :
21 "Je suis membre du Parti radical serbe depuis sa création, créé avec M.
22 Mirko Blagojevic de Bijeljina. Je suis l'un des fondateurs du Parti radical
23 serbe à Bijeljina. Pendant toute cette période, j'ai appartenu à la
24 direction du secrétariat exécutif du parti à Bijeljina et j'ai rempli des
25 fonctions importantes. Aujourd'hui, occupe le poste de vice-président du
26 secrétariat exécutif du Parti radical serbe le Dr Vojislav Seselj à
27 Bijeljina.
28 "Je tiens à souligner également que mon parti politique est l'un des partis
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1 au pouvoir au niveau municipal à Bijeljina, et je dis avec fierté que c'est
2 ce parti qui m'a nommé au poste de suppléent du maire de la municipalité de
3 Bijeljina, à savoir le poste numéro deux du point de vue hiérarchique dans
4 le pouvoir municipal à Bijeljina.
5 "Je tiens à souligner que je fais partie d'une vieille famille
6 d'Herzégovine, Salihbegovic, et qu'à Bijeljina nous avions une mosquée
7 appartenant à notre famille Salihbegovic, qui se trouvait dans le centre de
8 Bijeljina et qui a été détruite également en mars 1993. C'est l'une des
9 plus anciennes mosquées dans cette région.
10 "Mon parti politique et moi-même avons protesté publiquement contre
11 cet acte de destruction d'une mosquée à l'époque, et nous le faisons encore
12 aujourd'hui.
13 "En tant que membre important du Parti radical serbe, il est
14 inacceptable pour moi qu'aujourd'hui quelqu'un tente à La Haye d'établir un
15 lien entre mon président, le Dr Vojislav Seselj, et mon parti, le Parti
16 radical serbe, entre eux et cet acte de destruction, car je sais que nous
17 nous sommes toujours distingués très clairement de tels actes. Aujourd'hui,
18 les mosquées de Bijeljina sont en cours de reconstruction sur la base des
19 contributions volontaires de la population, et je suis fier que Mirko
20 Blagojevic, président de mon parti à Bijeljina, et Radislav Kanjevic,
21 suppléant du président, contribuent à cette action de façon importante,
22 ainsi que la municipalité de Bijeljina."
23 Et il dit dans ce texte également qu'il est prêt à témoigner à La
24 Haye, et cetera, mais le reste n'est pas capital.
25 Comment commentez-vous cette déclaration, Monsieur Riedlmayer ?
26 R. Je suis ravi d'entendre que la mosquée est en cours de reconstruction.
27 Je ne sais pas très bien ce que je peux dire à ce propos.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas entendu la dernière partie de la
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1 réponse de M. Riedlmayer, car mes écouteurs ne fonctionnent pas bien et
2 j'ai été obligé de changer d'écouteur.
3 L'INTERPRÈTE : Remplacer "les mosquées de Bijeljina" à la fin.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] -- répéter ce que j'ai dit. Je suis fier que
5 cette mosquée soit en reconstruction. Hormis cela, il n'y a pas
6 d'observation particulière que je puisse faire à cet effet. Ce monsieur
7 n'est pas quelqu'un avec lequel j'étais en contact lorsque j'étais à
8 Bijeljina.
9 M. SESELJ : [interprétation]
10 Q. Et il s'agit d'Izet Salihbegovic, qui vient de la famille Salihbegovic
11 et qui ne rencontre pas des voyageurs occidentaux sur les routes
12 poussiéreuses de Bijeljina. Il a mieux à faire, Monsieur Riedlmayer. Il est
13 d'une famille de Beys.
14 Aga Kahn est bien un homme qui finance certains de vos projets dans
15 l'université pour laquelle vous travaillez, n'est-ce pas ?
16 R. Non, il ne finance aucun de mes projets, comme vous nous le dites.
17 Karim Aga Khan est un diplômé du collège de Harvard. Il a obtenu son
18 diplôme à la fin des années 1950, et comme bon nombre de diplômés de
19 Harvard, on lui a demandé de mettre en place une chaire, une chaire avec
20 dotation, pour dédier aux études d'architecture. Et cette dotation a été
21 remise à l'Université de Harvard dans les années '70. J'y travaille depuis
22 1985, et ceci permet de financer le centre de documentation et ma position
23 de professeur en fait. Ceci ne finance pas mes projets, simplement ceci me
24 permet de recevoir un salaire lorsque j'y travaille.
25 Ce que je fais ici au Tribunal, je le fais de façon personnelle. En fait,
26 on me rembourse mes dépenses, mais c'est tout. Je fais ceci sur mes propres
27 deniers, lorsque je viens au Tribunal.
28 Q. Monsieur Riedlmayer, lorsque vous avez commencé à travailler sur la
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1 destruction des monuments du culte au Kosovo-Metohija, vous vous êtes
2 adressé au bureau du Procureur de ce Tribunal en demandant s'ils
3 s'intéressaient à votre travail. Le bureau du Procureur a répondu que oui,
4 mais qu'ils n'étaient pas prêts à financer votre travail de recherche,
5 n'est-ce pas ? C'est ce que vous avez dit en témoignant dans l'affaire
6 Milosevic ?
7 R. [aucune interprétation]
8 Q. Donc il vous a fallu trouver vous-même des moyens financiers pour
9 financer cette recherche. Mais lorsque vous êtes arrivé avec les résultats
10 de vos travaux, le bureau du Procureur était tellement content qu'il a, à
11 ce moment-là, étendu l'acte d'accusation dressé contre Slobodan Milosevic,
12 n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Donc lorsque vous avez mené vos recherches avec vos propres moyens sur
15 les destructions au Kosovo-Metohija, vous vous êtes occupé aussi bien des
16 destructions affectant les bâtiments du culte musulmans que les bâtiments
17 du culte orthodoxes serbes, n'est-ce pas ?
18 R. [aucune interprétation]
19 Q. Et par la suite, le Procureur vous charge d'une mission liée à l'acte
20 d'accusation dressé contre Slobodan Milosevic et contre Krajisnik en vous
21 demandant de travailler sur plusieurs municipalités, et cetera, et à ce
22 moment-là, le bureau du Procureur vous finance, n'est-ce pas ?
23 R. [aucune interprétation]
24 Q. Donc lorsque vous travailliez avec vos propres moyens, vous vous êtes
25 efforcé d'être objectif et vous avez étudié les destructions affectant les
26 monuments islamiques ainsi que les monuments du culte orthodoxe au Kosovo.
27 Mais dès lors que le bureau du Procureur a commencé à vous financer, alors
28 il n'était plus question d'objectivité, et vous ne vous êtes occupé que de
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1 ce que les Serbes avaient détruit pendant la dernière guerre, en laissant
2 de côté ce qui avait été détruit chez les Serbes, n'est-ce pas ? Donc votre
3 méthodologie a changé du tout au tout à ce moment-là, n'est-ce pas ?
4 R. Simplement, les catégories de mon rapport ont changé. Tous les
5 monuments ou édifices du patrimoine culturel ont continué à m'intéresser,
6 c'est certain. Mais parce que je manquais de temps, il y avait un domaine
7 important à couvrir. Je me suis donc concentré sur les catégories qui
8 faisaient partie de ma mission.
9 Je ne pense pas que cela relève de mon objectivité. Je crois que ceci
10 n'avait trait qu'aux éléments que je devais couvrir.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, il vous reste une minute, donc
12 posez votre dernière question.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai encore deux questions courtes pour cette
14 minute-là, Monsieur le Président.
15 M. SESELJ : [interprétation]
16 Q. Monsieur Riedlmayer, vous savez que j'ai attendu ici cinq ans le début
17 de mon procès, donc vous avez disposé d'un temps suffisant, vous-même et le
18 Procureur, pour enquêter à fond sur toutes ces questions. Vous n'étiez pas
19 pressé à cause de moi, n'est-ce pas ? Moi, je n'étais pas pressé. J'ai dû
20 attendre plus de cinq ans. Répondez-moi par oui ou par non, je vous prie.
21 Et puis, deuxième question : êtes-vous au courant du fait que durant la
22 Seconde Guerre mondiale n'ont été détruits que les monuments du culte
23 orthodoxe serbe sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, hormis ici ou
24 là une rare exception incarnée par la destruction d'un monument du culte
25 catholique ou musulman ? Est-ce que vous êtes au courant de ce fait ? Vous
26 n'êtes pas au courant. Cet aspect des choses, il vous aurait fallu
27 l'étudier et l'inclure, pour ressentir d'une certaine façon les causes de
28 cette sorte de revanchisme qui se manifestait dans cette dernière guerre.
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1 Mais la question qu'il convient de poser, c'est qui a commencé à détruire
2 les monuments du culte de l'autre dans cette guerre ? Est-ce que vous vous
3 êtes posé cette question ? Les Croates ont commencé à détruire les
4 premiers, sur le territoire de la Krajina serbe ainsi que sur le territoire
5 de la Bosnie-Herzégovine. Et dès lors que quelqu'un commence de tels actes
6 et que l'autre réagit, il n'y a plus de fin.
7 Etes-vous au courant du fait que notre pays a passé pratiquement plus de 50
8 ans sous un régime communiste ?
9 R. [aucune interprétation]
10 Q. Etes-vous informé du fait que ce drame de l'athésiation [phon] a touché
11 la population d'une façon très générale ?
12 R. Oui.
13 Q. Est-ce que ceci pourrait être l'une des causes permettant d'expliquer
14 la façon tout à fait insensée dont les monuments du culte ont été traités,
15 parce que des gens qui ont eu un cerveau transformé par l'athéisation
16 communiste ne voyaient pas ce qu'il y avait de mal à le faire ? Est-ce que
17 ceci pourrait être une des causes ?
18 R. Tout d'abord, vous avez fait une déclaration plus tôt à propos de la
19 Deuxième Guerre mondiale, et je ne pense pas que ceci soit exact. Je pense
20 que le patrimoine culturel de toutes les communautés de Bosnie-Herzégovine
21 a souffert pendant la Deuxième Guerre mondiale. J'ai vu un certain nombre
22 de mosquées et d'églises catholiques qui auraient été détruites pendant la
23 Deuxième Guerre mondiale par les différentes forces en présence. Il y avait
24 une occupation ainsi qu'une guerre civile, et il y avait des mosquées qui
25 ont été détruites, bon nombre d'églises orthodoxes ont été détruites, ainsi
26 que des églises catholiques.
27 Pour ce qui est de votre question sur l'athéisme, ça c'est quelque chose
28 sur laquelle je me suis livré à des conjectures souvent dans le sens où,
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1 dans l'ère pré-communiste, les gens étaient au courant des religions des
2 uns et des autres parce que ceci faisait partie de la vie publique; c'était
3 avant le communisme. Mais pendant le communisme, l'instruction religieuse
4 aussi était soit interdite, soit limitée à l'heure du communisme et les
5 gens ont grandi en pensant que la religion était quelque chose de sombre,
6 de dangereux, empreints de superstition qui les auraient peut-être induits
7 à se livrer à ce type de destruction davantage.
8 Mais je ne suis pas d'accord avec votre déclaration lorsque vous
9 dites qui a commencé en Bosnie. Je vais vous donner un exemple de ceci. La
10 destruction la plus importante de biens orthodoxes en Bosnie étaient à
11 Mostar, à Saborna Crkva, où la grande cathédrale serbe orthodoxe, ainsi que
12 l'ancienne orthodoxe et le palais de l'évêque ont explosé, et après que le
13 siège de la JNA ait détruit les églises catholiques dans cette ville. Oui,
14 il est vrai que c'était une réaction de la part des extrémistes croates, je
15 ne pense pas qu'il s'agissait là de quelque chose qui avait été préparé à
16 l'avance ou dit à l'avance.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Le temps est donc expiré.
18 Est-ce que l'Accusation a des questions supplémentaires ?
19 M. MUNDIS : [interprétation] Nous n'avons pas d'autres questions, Messieurs
20 les Juges. Nous souhaitons remercier M. Riedlmayer pour le temps qu'il a
21 passé ici qui était assez long pour sa déposition.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, au nom de mes collègues et, je vous prie,
23 d'excuser l'absence du Juge Lattanzi qui n'est pas là aujourd'hui, mais qui
24 sera là demain, je tiens à vous exprimer nos remerciements. Vous avez
25 effectivement passé quasiment deux semaines ici. Et je vous souhaite donc
26 un bon voyage de retour.
27 Nous allons donc faire le "break" de 20 minutes. Je demanderais après à M.
28 le Greffier, lors de la reprise, de baisser le rideau pour qu'on puisse
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1 introduire le témoin qui viendra tout à l'heure.
2 Donc nous faisons une "break" de 20 minutes.
3 [Le témoin se retire]
4 --- L'audience est suspendue à 15 heures 35.
5 --- L'audience est reprise à 16 heures 05.
6 [Audience à huis clos]
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15 --- L'audience est levée à 19 heures 15 et reprendra le jeudi 29 mai 2008,
16 à 14 heures 15.
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