Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 21 octobre 2008

  2   [Audience publique]

  3   --- L'audience est ouverte à 8 heures 31.

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro

  6   de l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie. Bonjour à tous. Il

  8   s'agit de l'affaire IT-03-67-T, l'Accusation contre Vojislav Seselj.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 10   En ce mardi 21 octobre 2008, je salue Mme Biersay, M. Mundis ainsi

 11   que leur collaboratrice, et je salue M. Seselj.

 12   Je vais tout d'abord lire une déclaration que je vais faire et je

 13   demande à M. Seselj d'être très attentif.

 14   La semaine dernière, nous avions abordé publiquement la requête de

 15   l'Accusation pour outrage à la cour relative à la publication d'un ouvrage

 16   de M. Seselj où selon l'Accusation des témoins protégés auraient été

 17   identifiés. L'Accusation a évoqué à diverses reprises la mise en cause de

 18   l'accusé dans d'éventuelles menaces ou intimidations de témoins de

 19   l'Accusation. Il s'agit d'une infraction définie à l'article 77(A)(iii) du

 20   Règlement. Ces allégations du Procureur doivent, bien entendu, être

 21   vérifiées avant qu'un acte d'accusation éventuel soit établi à l'encontre

 22   de l'accusé ou de tout autre personne.

 23   A la lecture des diverses écritures de l'Accusation sur ce sujet, je me

 24   suis en tant que Juge posé la question de savoir si je ne devais pas me

 25   récuser en application de l'article 15(A) du Règlement pour les procédures

 26   d'outrage à la cour. En effet, il m'apparaît que si les allégations du

 27   Procureur sont ultérieurement confirmées par une enquête, la question du

 28   motif des agissements de l'accusé doit être posée. Pourquoi l'accusé Seselj


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  1   aurait-il tenté de menacer ou intimider des témoins sinon pour éluder sa

  2   responsabilité pénale dans le dossier dont il est accusé ?

  3   Partant de ce constat, il m'apparaît que je ne pourrais juger sereinement

  4   l'accusé Seselj dans le dossier principal si j'ai la conviction qu'il a

  5   participé à une entreprise de menace et d'intimidation de témoins, et

  6   qu'ainsi je pourrais avoir un préjugé sur sa responsabilité pénale dans le

  7   dossier principal. Ce lien potentiel entre le dossier principal et les

  8   dossiers annexes d'outrage à la cour concernant le même accusé Seselj

  9   m'empêchent donc de traiter en toute impartialité les dossiers d'outrage à

 10   la cour reprochés à l'accusé. Pour cette raison, j'ai informé dernièrement

 11   le Président du Tribunal de ma décision personnelle de me récuser des

 12   dossiers d'outrage à la cour et je lui ai demandé de désigner un autre Juge

 13   pour siéger à ma place.

 14   Je tiens à préciser qu'à ce jour, mes collègues, les Juges Harhoff et

 15   Lattanzi, n'ont pas fait en ce qui les concerne la même démarche.

 16   Outre cette récusation, j'ai en ma qualité de Président de la Chambre

 17   dirigeant les travaux de cette Chambre en application de l'article 14 du

 18   Statut demandé au Président du Tribunal de désigner une autre Chambre pour

 19   traiter les requêtes d'outrage.

 20   En effet, la gestion parallèle de deux dossiers par au moins deux

 21   Juges de la Chambre est de nature à ralentir de manière importante le

 22   procès qui je le rappelle doit être rapide en application de l'article 20

 23   du Statut.

 24   Les investigations qui doivent être entreprises dans le cadre des

 25   requêtes d'outrage à la cour peuvent prendre des mois si elles sont faites

 26   avec sérieux et compétences.

 27   De même, si des personnes font ultérieurement l'objet d'actes d'accusation

 28   et de procès, il y a de mon point de vue un risque très sérieux que


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  1   l'actuel procès soit paralysé. Dans la mesure où ce Tribunal est composé de

  2   16 Juges permanents et actuellement de 14 Juges ad litem, il n'y aurait

  3   aucune difficulté à constituer une Chambre ad hoc pour le traitement de ces

  4   requêtes d'outrage.

  5   L'accusé a droit en application de l'article 21 du Statut à être jugé sans

  6   retard excessif. C'est indiqué dans le Statut. Etant donné que l'accusé est

  7   détenu depuis six ans, il y a actuellement un retard qui me paraît

  8   excessif. Le fait de gérer de nouvelles requêtes qui viendraient allonger

  9   les délais rendrait encore plus excessif ce retard. C'est donc la raison

 10   pour laquelle j'ai demandé au Président de désigner une nouvelle Chambre.

 11   Donc pour me résumer en deux mots, en ce qui me concerne, je me suis récusé

 12   dans tous les dossiers concernant les requêtes pour outrage; et pour que ce

 13   procès soit rapide, j'ai invité le Président à désigner une autre Chambre

 14   pour s'occuper d'outrage.

 15   Etant précisé que cette Chambre peut dans des meilleurs délais juger

 16   l'affaire en cours dans la mesure où il reste pour le Procureur environ 40

 17   heures pour terminer la présentation de ses témoins et qu'il n'y a aucune

 18   raison de paralyser ce procès par des procédures annexes ou accessoires.

 19   Voilà, Monsieur Seselj, ce que je voulais vous dire. Ça n'a pas été

 20   décision simple à prendre mais j'ai estimé que, dans l'intérêt de la

 21   justice, l'intérêt de votre procès, il ne fallait pas que je sois moi-même

 22   préoccupé par la gestion d'autres dossiers qui risqueraient d'entraîner un

 23   retard excessif dans votre procès.

 24   Etant précisé que ça va faire plus d'un an que nous sommes déjà dans le

 25   procès et que vous attendez votre procès depuis six ans. Voilà le sens de

 26   ma demande au Président articulée en deux branches : ma récusation et la

 27   désignation d'une autre Chambre pour que les procédures d'outrage à la cour

 28   soient instruites.


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  1   Si vous avez quelque chose à dire, vous le dites; sinon, nous allons passer

  2   à d'autres sujets.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que votre

  4   décision du point de vue légal se trouve être tout à fait justifiée parce

  5   qu'il est évident que le bureau du Procureur recourt à des méthodes

  6   politiques de règlements de comptes avec moi étant donné qu'il est

  7   incapable s'agissant de ce procès de le conduire à son terme de façon

  8   juridique telle que conçue par les Statuts.

  9   Je vous rappelle qu'à plusieurs reprises, les représentants du bureau du

 10   Procureur ont publiquement reconnu qu'ils avaient envisagé de faire en

 11   sorte que 90 % des témoins dans ce procès se passent en application du 92

 12   ter; puis pendant quatre ans, ils se sont efforcés à tout prix de m'imposer

 13   un conseil de la Défense choisi par eux afin que ce procès se conduise en

 14   dehors de mon contrôle et afin que je n'ai aucune possibilité d'exercer un

 15   contrôle. Etant donné que ça n'a pas marché et étant donné que j'ai des

 16   possibilités tel quel de me défendre, et loin de là d'être content de mes

 17   possibilités de me défendre puisqu'il y a toujours de nouveaux obstacles

 18   qu'on pose devant moi, le Procureur ne sait pas comment s'extirper de ce

 19   procès. A présent, il voudrait diligenter une campagne à mon encontre en

 20   affirmant que je procède à de l'intimidation des témoins. Je n'ai jamais

 21   intimidé aucuns témoins, je n'ai exercé aucune pression à l'encontre des

 22   témoins. Ça fait des années que je ne connaissais -- depuis des années je

 23   ne connaissais pas les noms des témoins; et il y a eu une procédure

 24   d'outrage que j'ai entamée en me fondant sur des dépositions de personnes

 25   qui ont été entendues par le Procureur, mais qui n'ont jamais été d'accord

 26   pour être des témoins de l'Accusation, à partir de Jovo Ostojic et autres.

 27   Je ne veux pas tous les citer.

 28   Quand j'ai dit cela en public, ils se sont -- il y a eu des gens qui se


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  1   sont précipités, qui étaient sur la liste de l'Accusation, et qui ont

  2   affirmé avoir été manipulés, qu'ils ont fait l'objet de chantage et qu'ils

  3   ont signé des choses qui n'étaient pas en réalité leur véritable

  4   déclaration. C'est cela la substance.

  5   Pour ce qui est de ce livre relatif à (expurgé), il y a une grande

  6   mystification en cours partant de ce livre, il y a eu une étude faite par

  7   mes collaborateurs pour être ajouté aux dernières objections à l'acte

  8   d'accusation. Etant donné que c'était volumineux, 300 pages, vous avez dit

  9   qu'il n'était pas nécessaire de le faire traduire en anglais. Moi, ja0

 10   demandé à ce que ce soit fait mais qu'on sorte les noms du texte et que

 11   l'on se sert de codes et vous allez voir tout ceci avec les noms de codes.

 12   Le fait que quelqu'un de conscient et d'intelligent peut comprendre de qui

 13   il s'agit, bien, que voulez-vous que j'y fasse ?

 14   Maintenant le Procureur --

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a M. Mundis qui s'est levé.

 16   Monsieur Mundis.

 17   M. MUNDIS : [interprétation] Bonjour à tous.

 18   A nouveau, nous, avec tout le respect que nous vous devons, on vous demande

 19   à dire à M. Seselj de faire très attention en ce qui concerne les

 20   commentaires qu'il fait à propos de ce livre, étant donné que nous avons

 21   indiqué dans ce prétoire, nous l'avons déjà indiqué ici que nous avons

 22   déposé quand même une requête d'outrage à la cour, et qui parle de ce -- M.

 23   Seselj parle de ce livre dans ce prétoire, il pourrait très bien en fait

 24   s'incriminer lui-même. Il faut qu'il fasse très attention quand même à ces

 25   propos parce qu'on peut -- tout cela pourrait très bien se retourner contre

 26   lui.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, évitez d'aborder le contenu du

 28   livre. Vous l'avez dit déjà la semaine dernière. Bon, tout le monde sait ce


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  1   que vous avez dit, ne parlez pas du contenu du livre.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je suis fier de ce

  3   livre. Ce livre a été rédigé absolument conformément à mes instructions

  4   strictes, envoyées depuis La Haye vers mes collaborateurs; et tout ce qui

  5   est contenu dans ce livre, je le maintiens. Mes collaborateurs ont été mon

  6   bras rallongé, pour ce qui est de la rédaction de ce livre.

  7   On ne saurait pas me faire peur procès d'outrage au Tribunal, on ne va pas

  8   me faire peur en me disant que je suis menacé, étant que je suis menacé

  9   d'une prison à perpète. Maintenant on me menace de sept ans. Que voulez-

 10   vous que j'en fasse ? C'est avec plaisir que je vais participer à ce procès

 11   et je vais démasquer jusqu'au bout tout ce qui est fait parce qu'on ne peut

 12   pas me faire peur de la sorte. Ceux que j'ai dit à quelque moment que ce

 13   soit, je le maintiens de nos jours, je n'ai jamais renoncé à quelques

 14   propos de ma part que ce soit tout ce que j'ai déclaré dans ma vie, et si

 15   j'ai pu, je l'ai publié dans mes livres, et j'en suis fier de cela aussi.

 16   Point n'est nécessaire donc d'en débattre au-delà.

 17   En quoi où est ici la substantifiquement [comme interprété] ? Le Procureur

 18   cherche à acheter du temps, à gagner du temps, et il s'efforce de rallonger

 19   ce procès-là. La semaine passée, on a perdu une journée parce qu'il n'avait

 20   pas de témoin. Cette semaine, on va, de façon évidente, perdre une autre

 21   journée parce que, quand on aura terminé ce témoin expert, on aura encore

 22   un témoin et plus rien. On a donc perdu un mois parce qu'ils ont demandé à

 23   ce qu'on fasse une pause en attendant que l'on décide de l'avocat commis

 24   d'office ou pas.

 25   Alors on a vu ici 43 témoins de l'Accusation, et l'Accusation a connu un

 26   fiasco avec ces témoins. Ils n'ont rien à quoi ils pourraient s'accrocher

 27   pour étayer les thèses de l'acte d'accusation. Ils n'ont rien du tout,

 28   l'opinion publique toute entière le voit, et vous en tant que Juges de la


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  1   Chambre, vous le voyez aussi parce que vous avez également été présents aux

  2   séances à huis clos partiel.

  3   Maintenant ils sont en train d'adhérer dans l'obscurité pour se trouve une

  4   issue, il n'y a qu'une issue possible pour une capitulation totale, et plus

  5   vite et plutôt ils capituleront, plus ils sauveront la face. Il vaut mieux

  6   qu'ils capitulent, et ils ont voulu empêcher leur propre capitulation, ils

  7   ont donc ouvert des fronts accessoires. Mais si je les bats sur le front

  8   principal, je serais encore plus en mesure de débattre sur les fronts

  9   accessoires.

 10   Madame et Messieurs les Juges, dans ce Tribunal, nous avons vu des procès

 11   où il y a eu des témoins de l'Accusation qui ont été abattus, il y a eu des

 12   kidnappings, des enlèvements. Dans l'affaire Milosevic, on a enlevé le fils

 13   et la fille d'un témoin et on les a liquidés. Maintenant pour ce qui est

 14   des témoins de la Défense.

 15   Dans ce procès-ci, jamais aucun témoin n'a perdu un cheveu de sa tête.

 16   Aucun témoin n'a connu des désagréments. Le seul désagrément peut consister

 17   à une condamnation morale, lorsque l'opinion publique apprend qu'un tel a

 18   témoigné et il est démasqué dans ces mensonges et on le condamne de cette

 19   façon. C'est une condamnation morale, mais ce n'est pas une intimidation.

 20   Ce n'est pas non plus des pressions à l'encontre du témoin. Tout le monde

 21   peut faire l'objet d'une condamnation morale, les Juges de la Chambre, les

 22   membres de l'Accusation, et moi-même, si nous faisons quelque chose qui

 23   serait répréhensible sur le plan moral. Tout ce qui est contraire au droit,

 24   bien entendu, dans un point de vue plus vaste est également moralement

 25   impropre.

 26   Je pense qu'en substance, ce procès ne devrait être obstrué par quoi que ce

 27   soit, et sans collaborateur, sans personne pour m'aider, si je suis obligé

 28   à y participer, à y prendre part, et l'Accusation doit être capable d'y


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  1   prendre part aussi.

  2   Maintenant pour ce qui est des outrages au tribunal - et je pense que les

  3   auditions dans le cadre de ces procès doivent être tenues hors du temps

  4   prévu pour le procès en tant que tel - ça peut être dans l'après-midi, ça

  5   peut être dans le matin, ça peut être la nuit, ça peut être le week-end. Je

  6   ne veux pas le savoir, j'insiste pour que toutes procédures auxiliaires ne

  7   viennent pas entraver le procès en tant que tel, parce que tous les délais

  8   raisonnables pour conduire à son terme ce procès sont passés, tous les

  9   délais raisonnables. Cela fait longtemps que nous sommes dans des délais

 10   déraisonnables, il n'y a pas de précédent à une chose pareille dans ce

 11   monde civilisé.

 12   Que peut prouver le bureau du Procureur ? Rien du tout. Ils peuvent trouver

 13   personne à qui j'aurais envoyé des menaces, qui aurait fait l'objet

 14   d'intimidation ou de pression de ma part. Cet homme n'existe pas. Ils ne

 15   peuvent pas prouver --

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, je vais vous interrompre.

 17   Comme je l'ai dit, moi, je ne suis pas maintenant dans les procédures pour

 18   outrage, donc je n'ai pas capacité à vous entendre sur la procédure pour

 19   outrage. Je tenais à vous informer de ma décision qui est personnelle parce

 20   que mon intérêt est que vous soyez jugé le plus rapidement possible dans le

 21   dossier principal. Il m'est apparu que je ne pouvais pas considérer

 22   également que vous étiez potentiellement coupable dans l'affaire d'outrage,

 23   alors même que vous êtes jugé sur un dossier principal. Moi, je me consacre

 24   uniquement sur votre dossier principal. Bien, maintenant j'attends la

 25   décision du Président sur la désignation d'une autre Chambre. Ou le

 26   Président pour le dossier accessoire considère que mes deux collègues

 27   peuvent être dans cette branche, et il nommera un autre Juge, et ils

 28   géreront le dossier accessoire comme ils le voudront. Moi, je ne gère que


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  1   le dossier principal qui est l'objet de toutes mes préoccupations.

  2   Pour ce dossier principal, je suis obligé de passer à huis clos parce que

  3   je dois interroger le Procureur sur un élément aussi important.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  5   partiel.

  6   [Audience à huis clos partiel]

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  4   [Audience publique]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors je rappelle que, Madame Biersay, vous

  6   aurez une demi-heure pour poser vos questions afin d'introduire le rapport

  7   de cet expert, après quoi M. Seselj aura pour son contre-interrogatoire

  8   deux heures, et les Juges poseront des questions; et en cas de nécessité,

  9   vous avez le droit donc à poser des questions supplémentaires. On vous a

 10   octroyé une heure pour les questions supplémentaires éventuelles. Mais,

 11   bon, si le contre-interrogatoire est complet et si les questions des Juges

 12   sont complètes, il n'y aura peut-être pas nécessité de questions

 13   supplémentaires, mais ça on verra en fonction du déroulement de l'audience.

 14   [Le témoin est introduit dans le prétoire]  

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Bonjour, Madame. Pouvez-vous me donner votre

 16   nom, prénom et date de naissance ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Ewa Tabeau; je suis née

 18   le 26 avril 1958.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- votre profession ou qualité actuelle

 20   ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis démographe au sein du bureau du

 22   Procureur au TPIY.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, Madame, j'ai déjà eu l'occasion de vous voir

 24   déposer devant moi dans le cadre d'un autre procès, et je sais que vous

 25   avez déjà témoigné. Pouvez-vous donner la liste de tous les procès dans

 26   lequel vous avez déposé en qualité d'expert ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] La liste se trouve dans mon rapport dans la

 28   partie correspondant à mon C.V. Je vais vous donner les affaires dans


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  1   lesquelles j'ai déposé récemment : l'affaire Lukic, l'affaire Dragomir

  2   Milosevic, j'ai témoigné dans l'affaire Prlic, dans l'affaire Milosevic,

  3   dans l'affaire concernant le général Galic. J'ai déposé dans l'affaire

  4   Popovic, dans l'affaire Simic et consorts, et dans l'affaire Vasiljevic

  5   aussi, me semble-t-il. Je crois que ça couvre à peu près la totalité des

  6   procès dans lesquels j'ai déposé.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  9   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   LE TÉMOIN : EWA TABEAU [Assermentée]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12    M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous nous l'avez dit, vous avez déjà témoigné

 15   à plusieurs reprises. Je crois d'ailleurs que vous êtes certainement

 16   l'expert qui a le plus témoigné devant ce Tribunal; donc ce que je peux

 17   vous dire n'a aucun mystère pour vous.

 18   Vous savez que vous allez devoir répondre à des questions qui vont d'abord

 19   vous être posées par Mme Biersay; après quoi, M. Seselj, qui est accusé

 20   dans ce dossier, vous posera des questions dans le cadre du contre-

 21   interrogatoire. Les trois Juges qui sont devant vous pourront également

 22   vous poser des questions sur le contenu de votre rapport. Voilà ce que je

 23   voulais vous dire à titre liminaire.

 24   Essayez d'être très précise dans les réponses que vous apportez aux

 25   questions posées. Si vous ne comprenez pas le sens d'une question,

 26   n'hésitez pas à demander à celui qui vous la pose, même si c'est un Juge de

 27   la reformuler.

 28   Nous faisons des pauses toutes les heures et demies mais si, à un


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  1   moment donné, vous voulez qu'on s'arrête pour une raison ou pour une autre,

  2   n'hésitez pas à nous le demander.

  3   Comme vous avez prêté serment et qu'il y a certainement la

  4   possibilité que demain votre audience se poursuive. Vous êtes maintenant

  5   témoin de la justice, ce qui implique à partir de maintenant, vous n'avez

  6   plus aucuns contacts avec le bureau du Procureur, la hiérarchie du bureau

  7   du Procureur. Si vous retournez dans votre bureau, vous restez dans votre

  8   bureau mais vous n'avez pas de contacts avec les collègues du bureau du

  9   Procureur pour éviter des interférences entre le témoin et l'Accusation.

 10   Mais vous le savez aussi bien que moi, on a dû déjà vous le dire, et la

 11   Chambre vous fait totalement confiance pour cela.

 12   Madame Biersay, je vous donne la parole.

 13   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Je me réfère à la décision de la Chambre du 15 octobre 2008, au terme de

 15   laquelle Mme Tabeau est considérée comme témoin expert et dans le cadre de

 16   la préparation du rapport sur Hrtkovci, je ne vais pas poser énormément de

 17   questions au sujet du parcours professionnel de Mme Tabeau.

 18   Interrogatoire principal par Mme Biersay :

 19   Q.  [interprétation] Je voudrais simplement vous poser une question, Madame

 20   Tabeau : quel est le diplôme le plus important qui soit le vôtre et où

 21   l'avez-vous obtenu ?

 22   R.  Je suis diplômée de l'école d'Economie de Varsovie et j'ai un diplôme

 23   en démographie mathématique.

 24   Q.  Depuis combien de temps travaillez-vous au bureau du Procureur au

 25   service chargé de la Démographie ?

 26   R.  Depuis septembre 2000, c'est-à-dire à peu près huit ans.

 27   Q.  Pouvez-vous nous dire quelle est la nature de votre travail à peu près

 28   ?


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  1   R.  La section dans laquelle je travaille doit fournir des statistiques.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai entendu que vous étiez diplômée de Varsovie et

  3   là, on a marqué de "Moscou." Alors où avez-vous obtenu votre diplôme ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] A Varsovie, à Varsovie, Pologne, pas à Moscou.

  5   Je ne suis jamais allée à Moscou d'ailleurs.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors c'est à la ligne 9, page 23, "Varsovie"

  7   remplace "Moscou."

  8   Bien.

  9   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Q.  Vous nous avez dit, tout à l'heure, qu'il y a un exemplaire de votre

 11   C.V. qui est en annexe au rapport qui a été fourni en l'espèce ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce qu'il s'agit de l'annexe B du rapport ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que vous avez également préparé une version mise à jour de votre

 16   curriculum vitae ?

 17   R.  Effectivement, c'est une version abrégée dans laquelle je fais figurer

 18   mes dernières activités.

 19   Q.  Est-ce que ceci se trouve dans votre classeur, sous le numéro 65 ter

 20   2859B ?

 21   R.  Effectivement.

 22   Q.  J'aimerais vous demander, Madame, de consulter le rapport que vous avez

 23   préparé pour l'espèce; un rapport qui porte la date du 29 juin 2006, n'est-

 24   ce pas ?

 25   R.  Effectivement.

 26   Q.  Un document qui s'intitule : "Emigration externe des Croates et

 27   d'autres non-Serbes à partir du village de Hrtkovci en Vojvodine en 1992,"

 28   n'est-ce pas ? 


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  1   R.  Oui, c'est exact.

  2   Q.  Afin de simplifier nos échanges, quand je parlerai de ce rapport, je

  3   parlerai soit de votre rapport, soit du rapport de Hrtkovci. 

  4   Permettez-moi de vous signaler qu'il s'agit du premier document dans votre

  5   classeur et il s'agit du document qui porte la cote 2859 sur la liste 65

  6   ter.

  7   R.  Effectivement.

  8   Q.  Est-ce qu'il s'agit, Madame, du rapport que vous avez préparé pour

  9   l'affaire qui nous intéresse ici ?

 10   R.  Effectivement.

 11   Q.  J'aimerais vous demander maintenant de nous parler de la méthodologie

 12   employée, des sources que vous avez utilisées pour préparer votre rapport

 13   en l'espèce. Cette méthodologie, ces sources, cette démarche que vous avez

 14   employée pour préparer ce rapport, comment -- est-ce que vous pouvez les

 15   comparer aux méthodologies, sources et autres que vous avez utilisés pour

 16   préparer d'autres rapports d'expert ?

 17   R.  Ça concorde tout à fait avec les méthodologies, sources et approches

 18   que j'ai employés pour la préparation d'autres rapports. Il y a concordance

 19   totale.

 20   Q.  A partir de votre expérience, de votre formation, pouvez-vous nous dire

 21   si cette méthodologie, ces sources, cette démarche qui ont été les vôtres

 22   sont acceptables vu les normes qui s'appliquent dans le domaine de la

 23   démographie portant sur les conflits armés ?

 24   R.  Oui, tout à fait. Oui, il s'agit d'ailleurs d'approches, de démarches,

 25   qui sont utilisées plus largement dans le domaine de la statistique.

 26   Q.  J'aimerais maintenant que nous examinions ensemble l'annexe A de votre

 27   rapport. Qu'est-ce que c'est l'annexe A de votre rapport ?

 28   R.  Il s'agit d'une liste de personnes qui sont au total 722, ce sont des


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  1   personnes dont je sais qu'elles ont quitté Hrtkovci dans le cadre des

  2   événements de mai à août 1992.

  3   Q.  Cette annexe, elle correspond à quelle période de temps ?

  4   R.  Ça correspond à peu près à l'été 1992, c'est une période qui va de mai

  5   à août 1992, mais il y a également des enregistrements, des informations

  6   ici --

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Je me permets d'intervenir tout de suite parce que

  8   je vous écoute avec attention.

  9   Concernant cette liste, vous avez indiqué que c'est une liste qui

 10   concerne les gens qui ont quitté ce village entre mai et août 1992. Or,

 11   regardez le premier nom, "Akrap," vous avez fait une colonne "départ," et

 12   je vois que son départ est le 15 décembre. N'y a-t-il pas un problème ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il n'y a pas de problème. C'est justement

 14   ce que j'allais vous expliquer.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : [Hors micro]

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] La liste est intitulée : "Personnes qui ont

 17   quitté Hrtkovci dans le cadre ou en relation avec les événements de mai à

 18   août 1992," mais cette liste il faut considérer que c'est une liste qui va

 19   plus loin, c'est-à-dire que ça ne correspond pas au départ pendant cette

 20   période limitée de mai à août 1992; non, ce sont les départs de personnes

 21   d'Hrtkovci pendant essentiellement cette période, mais ça correspond

 22   également aux départs qui ont eu lieu avant au début de l'année et à la fin

 23   de l'année. Puis il y a également 13 personnes qui sont mentionnées ici

 24   dans cette annexe A et qui ont quitté Hrtkovci au cours du premier semestre

 25   de l'année 1993.

 26   Donc je le répète, cette liste c'est une liste qu'il faut voir de

 27   manière plus large que la simple période mai à août 1992, il s'agit des

 28   départs qui sont en rapport avec les événements qui ont lieu pendant cette


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  1   période, mais la majorité des départs se sont déroulés entre mai et août

  2   1992.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Doit-on, pour être très précis, comprendre qu'il y a

  4   des départs qui ont eu lieu avant le mois de mai 1992, mais ces départs

  5   seraient causés par anticipation aux événements de mai jusqu'à août ? Est-

  6   ce que c'est cela que vous voulez nous dire ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas ce que j'essais de vous

  8   dire. Je pense que j'ai dit que c'est une liste qui est plus large, plus

  9   étendue. Les départs qui ont commencé à partir de mai et qui ont eu lieu

 10   plus tard, ils ont incontestablement un lien avec les événements qui ont

 11   lieu début mai et ensuite. Mais je crois que la situation dans cette région

 12   était déjà très affectée, très touchée, très influencée par la situation en

 13   Yougoslavie, en Croatie par le conflit en Croatie qui a commencé comme on

 14   le sait en 1991. Donc les départs à Hrtkovci pendant cette période ne sont

 15   pas en relation stricte avec les événements de mai. Il y avait une

 16   situation générale qui a eu un impact et qui a causé d'autres départs

 17   également.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc si je comprends bien, il se peut que

 19   quelqu'un qui parte au mois de mai de ce village puisse partir non pas pour

 20   les événements qui se sont déroulés au mois de mai, notamment peut-être le

 21   discours de M. Seselj qui a eu lieu le 6 mai, mais pour des raisons autres

 22   qui pourraient être liées, comme vous l'avez dit, à la situation générale

 23   de l'époque ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans mon rapport, je n'ai pas parlé des causes

 25   et des motivations en fait pour quantifier ces facteurs. Je ne veux pas

 26   dire pourquoi ces gens sont partis, je ne peux pas dire à chacun il est

 27   parti pour [imperceptible]. Mais j'ai étudié le moment où ils sont partis,

 28   et donc j'ai remis cela, j'ai vu ça dans un cadre plus long, n'est-ce pas,


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  1   de 1949 jusqu'à 2000, donc cela permet de voir toute sorte de différents

  2   schémas de départ. D'autre part, je montre -- quand j'ai étudié l'année

  3   1992, j'ai étudié ces schémas de départ et j'ai vu quand même qu'il y avait

  4   des irrégularités, et j'y reviendrai. Je n'ai pas étudié les causes, mais

  5   on peut en tirer des conclusions certes. Quand on voit un peu le moment où

  6   ces départs sont intervenus, on peut arriver à chercher les causes.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'ai posé ces questions afin que l'on soit

  8   très précis. C'est parce que nous avons eu un certain nombre de témoins qui

  9   sont venus témoigner et nous savons par leurs dires et par des documents

 10   que certains Croates ont quitté ce village avant le mois de mai 1992 et

 11   qu'un certain nombre - quelques-uns, pas des dizaines, pas des centaines -

 12   mais quelques-uns ont, par exemple, rejoint la garde nationale croate, et

 13   ça c'était des départs volontaires. Je me demande si statistiquement vous

 14   les prenez en compte ces départs volontaires ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous ai dit, dans mon rapport, je

 16   n'ai pas fait la différence entre les gens qui partent volontairement et

 17   les gens qui partent de façon involontaire puisque je n'ai pas étudié les

 18   causes des départs, je ne me suis pas penché là-dessus. Certaines des

 19   sources que j'ai employées dans mon rapport peuvent servir à appuyer le

 20   fait que les gens sont partis de façon involontaire des réfugiés, par

 21   exemple, qu'on a retrouvé en Croatie. Ces personnes qui ont en fait un

 22   statut légal de réfugié, ça signifie bien qu'ils ne sont pas partis d'eux-

 23   mêmes, ils ont été forcés de partir. Mais il y a d'autres listes que

 24   j'emploie, les personnes [imperceptible], donc ceux-là n'ont pas le statut

 25   de personnes chassées d'Hrtkovci, donc ceux-là, bien sûr, ne sont pas des

 26   personnes déplacées dans le pays en tant que tel et cetera, mais on les

 27   appelle chassées quand même. Donc je n'ai pas étudié cela dans mon rapport.

 28   Mais je pense quand même que la plupart des personnes qui ont quitté


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  1   Hrtkovci l'ont quitté involontairement.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

  3   Mme BIERSAY : [interprétation]

  4   Q.  Passons maintenant à la pièce 2859A dans le classeur. S'agit-il d'une

  5   version abrégée de l'annexe A de votre rapport ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Modifiée de votre annexe A ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Pouvez-vous nous décrire comment vous l'avez modifiée ?

 10   R.  Oh parfois on a eu de petites erreurs de format au niveau de la date de

 11   naissance. Il y a certaines dates de naissance où il y a des erreurs, un

 12   "9," un "8," ou un "5,". En fait, ça veut dire 4546 -- afin il y a eu un

 13   petit problème de compilation informatique, et donc ça été corrigé dans la

 14   version corrigée puisqu'au départ un certain nombre de dates de naissance

 15   n'avait pas été correctement compilées et elles ont été corrigé dans la

 16   version amendée; c'est pour ça que j'ai fait cette correction -- cette

 17   version corrigée.

 18   Q.  On peut dire que dans votre version de départ, normalement les dates de

 19   naissance auraient dû commencer par au moins un mille -- pour mille et pas

 20   "8" ou "9".

 21   R.  Oui, en effet.

 22   Q.  Très bien.

 23   Mme BIERSAY : [interprétation] Maintenant l'Accusation aimerait demander

 24   l'admission de la pièce 2859 de la liste 65 ter, il s'agit du rapport de

 25   base avec ses annexes A et B.  Nous voudrions aussi demander l'admission de

 26   la pièce 2859A qui est l'annexe A corrigée, et la pièce 65 ter 2859B, qui

 27   est le CV mis à jour de Mme Tabeau.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais consulter mes collègues. Mais d'abord M.


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  1   Seselj.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense qu'avant cela, l'expert serait censé

  3   nous dire qui est-ce qui a composé cette liste. Cela est joint au rapport

  4   d'expert, oui, mais est-ce que cela est établi par l'expert lui-même ou

  5   est-ce que cela a été fait par quelqu'un d'autre et repris par l'expert ?

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Tabeau, la liste qui a l'annexe A, c'est vous

  7   qui l'avez rédigée vous-même, ou ça été fait par quelqu'un d'autre ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce rapport a été rédigé dans mon service, y

  9   compris la liste qui se trouve à l'annexe A. Deux membres du service de

 10   Démographie m'ont aidée -- deux de mes collègues, Mme Arve Hetland et Mme

 11   Neda Loncaric. On a fait la liste ensemble, si je puis dire, chacune

 12   d'entre nous ont fait une partie du travail. Donc c'est un travail

 13   collégial mais ce n'est pas une liste qui vient d'une autre source.

 14   C'est une lite qui vient de la combinaison de plusieurs sources sous

 15   adjacentes, si je puis dire, donc une compilation. Je vais vous dire

 16   quelles sont les sources. La liste des réfugiés tout d'abord dont j'ai

 17   parlé il y a une seconde, que j'ai obtenue auprès des autorités croates en

 18   Croatie, qui porte sur 160 personnes. Ensuite les registres des paroisses

 19   catholiques aussi. Donc là, nous avons trouvé des noms, c'était les noms où

 20   les gens avaient demandé des demandes de baptême -- de certificats de

 21   baptême et des demandes de certificats de mariage, tout ça a été bien sûr

 22   noté dans les registres des paroisses. Ensuite la liste des réfugiés

 23   d'Hrtkovci, ça nous vient d'un livre de Marko Kljajic, qui parle de tout

 24   cela. Mais cette liste des 280 familles, en fait, vient principalement des

 25   registres catholiques.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- mes collègues --

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : On va donner un numéro aux fins d'identification, et


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  1   puis après le contre-interrogatoire, on donnera ou on ne donnera pas un

  2   numéro définitif.

  3   Monsieur le Greffier, donnez-nous des numéros aux fins d'identification.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Tout à fait. La pièce 2859, qui est le

  5   rapport d'expert, recevra la cote P565 MFI; le document 2859A de la liste

  6   65 ter, c'est-à-dire l'annexe A modifié, recevra la cote P566 MFI; et le

  7   2859B, c'est-à-dire le résumé mis à jour de Mme Tabeau, sera la pièce 567

  8   MFI.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay.

 10   Mme BIERSAY : [interprétation]

 11   Q.  Dans votre rapport, Madame Tabeau, est-ce que vous étudiez la façon

 12   dont l'annexe A a été compilé, c'est-à-dire avec la fusion de différentes

 13   sources ?

 14   R.  Oui, tout à fait. Il y a une description des méthodes employées pour

 15   compiler ces différentes listes, on a l'évaluation des sources, savoir s'il

 16   y avait des doublons, par exemple, ou non. On a bien sûr éliminé les

 17   doublons. Tous les rapports qui étaient en double ont été aussi éliminés.

 18   Donc il s'agit d'une fusion de trois sources, une compilation de trois

 19   sources. Au sein de ces trois groupes, il y a cinq sources bien précises,

 20   et la liste ensuite a été compilée par mon service. Cela ne vient pas de

 21   source externe.

 22   Q.  Puis-je maintenant attirer votre attention sur l'intercalaire 4100 dans

 23   votre classeur, il s'agit de la pièce 4100 de la liste 65 ter, c'est en

 24   fait après toute la série des pièces cotées 2859. S'agit-il, s'il vous

 25   plaît, de l'une des sources que vous avez employée dans ce document 4100,

 26   une des sources que vous avez employée pour compiler votre rapport ?

 27   R.  Oui, tout à fait. C'est le tableau des réfugiés, enfin c'est comme ça

 28   qu'on l'appelle. Il s'agit d'une liste qui liste tous les régions de


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  1   Hrtkovci qui ont été enregistrés auprès du système croate de personnes

  2   déplacées et de réfugiés. Dans cette liste, on trouve les personnes qui à

  3   la mi-2005 se trouvaient encore dans le système, il y en a beaucoup

  4   d'ailleurs et tout ça date de 1992. Il y a 116 personnes sur cette liste.

  5   Ils sont tous énumérés comme venant de Croatie de Hrtkovci, la plupart

  6   d'entre eux sont arrivés en Croatie en 1992, 113 sont arrivés en 1992, et

  7   13 autres en 1993. J'ai même fait un petit tableau où on voit la

  8   distribution chronologique des arrivées en me basant sur cette liste, bon -

  9   -

 10   Q.  Je vous arrête, je vous arrête.

 11   Mme BIERSAY : [interprétation] L'Accusation aimerait demander l'admission

 12   de la pièce 4100, auquel il est fait référence dans le rapport comme étant

 13   le tableau des réfugiés.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- Un numéro MFI.

 15   Oui, Monsieur Seselj.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection. Nous n'avons aucune

 17   identification officielle pour ce document. Il y a juste un tableau, sans

 18   plus. De qui vient ce document ? Vous voulez qu'on croit sur parole

 19   l'expert ? Moi, je ne crois pas, je ne la croix pas. ON dit que c'est un

 20   document officiel de la part des autorités croates. Où cela peut-il être vu

 21   ? Il n'y a qu'un tableau sans aucune identification officielle quelque quel

 22   soit.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Ceci ne m'avait pas échappé. C'est pour ça que -- de

 24   toute façon on va donner un numéro MFI.

 25   Madame l'Expert, le tableau 4100, d'après ce que vous nous dites, ce sont

 26   les autorités croates qui vous ont communiqué ce tableau. Je présumé que le

 27   bureau du Procureur a dû envoyer une lettre officielle aux autorités

 28   croates, en leur demandant de fournir la liste de toutes les personnes qui


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  1   avaient été enregistrées en Croatie en 1992 en provenant de la Serbie ou du

  2   village de Hrtkovci; et les autorités ont dû par retour de courrier, peut-

  3   être quelques mois après, vous communiquer cela.

  4   Le tableau que nous avons sous les yeux, est-ce bien le tableau des

  5   autorités ou c'est vous qui l'avez reformaté ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il s'agit du tableau que j'ai d'origine

  7   qui n'a pas été reformaté, ni rien, c'est ce que j'ai obtenu des autorités.

  8   Mais il est vrai en effet qu'on a fait une demande d'assistance officielle

  9   auprès du gouvernement de la Croatie, si je me souviens bien, c'était en

 10   2005; à un moment quelconque, et en réponse en effet par retour du

 11   courrier, nous avons reçu cette liste. Il y a référence d'ailleurs à la

 12   demande d'assistance faite, c'est à la première page, je crois. Si je me

 13   souviens bien, il y a le numéro en fait de la RFI de la demande

 14   d'assistance officielle, je peux la retrouver si vous voulez. Je pense

 15   qu'il y a des exemplaires de cette demande qui ont été communiqués à toutes

 16   les parties.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : En la matière, je vous fais confiance, et je n'ai

 18   aucun élément permettant de penser que ça ne s'est pas passé comme vous le

 19   dites.

 20    Donc les autorités vous ont donné ce document très bien, mais est-ce

 21   que vous vous êtes interrogée sur la procédure qui était suivie en Croatie

 22   quand quelqu'un arrivait en 1992 ? A qui devait-il s'adresser, que devait-

 23   il donner comme document pour dire qu'il était Croate ? Parce que ça

 24   pouvait être un Albanais, un Tahitien ou je ne sais pas, qui voulait

 25   profiter de la reconnaissance d'un statut quelconque; donc quelle était la

 26   procédure suivie, qui tenait les registres récapitulatifs de tous ces gens-

 27   là ?

 28   Ça dépendait de quel ministère, de quel département, de quel service,


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  1   et cetera. Est-ce que vous vous êtes posée ces questions ? Je présume que

  2   oui ? Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. Nous nous sommes

  4   intéressés en fait depuis très longtemps, au bureau d'Enregistrement, des

  5   personnes déplacées et des réfugiés. Il y a un bureau qui existe. Nous

  6   avons été leur rendre visite à plusieurs reprises en 2003 déjà pour

  7   l'affaire Milosevic.

  8   Donc il s'agit quand même d'une source d'information très importante pour

  9   nous. C'est un système qui a été mis en place en Croatie, au départ ça a

 10   été mis par le Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, avec l'aide

 11   bien sûr du gouvernement de Croatie, un système qui a été mis en œuvre

 12   aussi dans d'autres pays de l'ex-Yougoslavie, en Bosnie-Herzégovine, en

 13   Serbie. Donc c'est une procédure standard qui est basée sur des normes

 14   d'une organisation internationale puisque vous connaissez le Haut-

 15   commissariat aux Réfugiés des Nations Unies. Donc c'est en fait -- on a

 16   utilisé en fait toute la compétence qui était rassemblée au sein du HCR.

 17   Il y avait un ministère quand même aussi en Croatie qui s'occupait de tout

 18   cela. Je crois que ce ministère s'appelait le ministère du Travail au

 19   départ, enfin il n'y avait pas que le travail, il y avait un grand nombre

 20   d'autres substantifs, je ne me souviens plus très bien du nom de ce

 21   ministère. Je l'ai, je peux le retrouver si vous voulez. Donc je me suis

 22   rendu auprès de ces personnes, je me suis entretenu avec ces personnes.

 23   Je leur ai demandé comment ces informations étaient obtenues à la

 24   base et comment les documents ont été ensuite stockés, comment ils étaient

 25   informatisés aussi. J'ai pu me rendre dans les archives aussi où l'on

 26   retrouve tous les dossiers personnels des personnes déplacées et des

 27   réfugiés. Donc il y a quand même des documents qui sont exigés de la

 28   personne avant qu'elles ne soient saisies dans le système, si je puis dire;


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  1   et en se basant sur ces documents et sur les déclarations des personnes qui

  2   demandent à être incorporées dans le système, ensuite les autorités

  3   compétentes rendent leur décision.

  4   Pour ce qui est d'Hrtkovci, les documents qui avaient été demandés

  5   étaient assez simples, en fait, il y a certificat de naissance,

  6   justification de domicile quelconque, ensuite une déclaration des documents

  7   portant sur persécution éventuelle ou motivation d'un départ afin d'avoir

  8   une bonne idée de la situation de la personne pour pouvoir savoir en toute

  9   connaissance de cause si cette personne méritait d'être catégorisée comme

 10   étant personne déplacée ou personne réfugiée, parce qu'il y a quand même

 11   des implications financières qui sont là. Parce que ces personnes en fait

 12   qui reçoivent ce statut ont droit à certaines indemnités. Donc les

 13   autorités qui tiennent les registres doivent les aider ensuite à trouver un

 14   logement, et cetera, et cetera.

 15   Pour ce qui est d'Hrtkovci, la situation était plus compliquée, parce

 16   qu'il était difficile pour un grand nombre de ces personnes d'obtenir leur

 17   certificat de naissance ou leur justification de domicile. Il était

 18   difficile d'obtenir tout ça des autorités en Vojvodine.

 19   Évidemment, je n'étais pas en Croatie moi-même en 2005, quand les

 20   données nous ont été données en ce qui concerne ces réfugiés venant

 21   d'Hrtkovci, mais je sais que très souvent au lieu d'un certificat de

 22   naissance ou d'une certification de domicile, on acceptait d'autres types

 23   de documents, principalement des documents fournis par l'église catholique

 24   d'Hrtkovci. Là, je parle des registres de paroisses, des registres de

 25   baptême, parce que quand on a un registre de baptême, un certificat de

 26   baptême, on obtient immédiatement une date de naissance. Il y a d'autres

 27   types de documents qui étaient utilisés, c'étaient les certificats de

 28   mariage. Parce que là aussi, c'est un document optionnel qui était accepté


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  1   par les autorités croates à l'époque.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Le principal, c'est l'office des réfugiés et des

  3   personnes déplacées en Croatie, situé à Zagreb, qui a établi le document

  4   que nous avons sous la cote 4100. Ce sont eux qui ont établi cela.

  5   Je crois que vous avez rajouté un détail. En 1992 et 1993, ils étaient

  6   informatisés, ils ont pu recueillir tous ces éléments à partir d'un

  7   traitement informatique et numérique ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Excellente question, Monsieur le Président, en

  9   1992 --

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme toutes mes questions, j'espère.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Désolée d'avoir fait ce petit commentaire au

 12   passage.

 13   Donc il faut bien comprendre qu'a l'époque, il n'y avait pas de système

 14   électronique, on est vraiment en 1992-1993. Enfin le système balbutiait, si

 15   je puis dire, le système électronique balbutiait à l'époque. Donc les

 16   premières données n'étaient pas informatisées, mais il y a des dossiers qui

 17   sont conservés par les autorités croates sur ces personnes et il faudrait

 18   peut-être aller voir dans les archives pour retrouver en fait les traces

 19   des dossiers papiers.

 20   En 1994, plus tard, il y a eu une étude qui a été faite, et là, il y a eu

 21   en fait un fichier informatisé portant sur toutes les personnes qui avaient

 22   bénéficié du statut des personnes déplacées et des réfugiés. C'est le

 23   premier dossier informatisé, en 1994. Mais le système en fait est

 24   dynamique, donc quand on décide de donner à quelqu'un le statut de personne

 25   déplacée ou personne réfugiée, on le rentre dans le système, on le saisit

 26   et il y a un nouveau dossier qui est fait, qui est créé. Si la personne

 27   s'est établie en Croatie, quelque part, il perd son statut de réfugié ou de

 28   personne déplacée. On l'enlève du système si je puis dire.


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  1   C'est pour ça qu'en 2005, il n'y avait plus que 116 dossiers dans le

  2   système électronique sur cette personne venant d'Hrtkovci.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- ce que vous venez de dire.

  4   Alors le document qu'on a sous les yeux, le 4100, il a été

  5   confectionné à quelle date exactement par les autorités croates ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Mi-2005, à peu près. C'est justement

  7   après avoir reçu notre demande d'assistance, j'imagine. C'est pour répondre

  8   à la demande d'assistance du Tribunal, les données ont été extraites du

  9   système et la liste a été compilée.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Le deuxième élément important, que vous avez

 11   indiqué, il faut que vous me donniez la confirmation : quand quelqu'un se

 12   voyait accorder le statut de réfugié ou de personne déplacée, lorsque après

 13   il changeait de statut, il devenait Croate, il avait un passeport croate ou

 14   il partait à l'étranger, à ce moment-là, il était retiré du fichier. C'est

 15   ce que vous avez dit ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, c'est ce que j'ai dit, c'est

 17   ce que j'ai dit. C'est pour cela que ce système est dynamique. Ça change

 18   tout le temps en fait.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- la liste que nous avons qui a été

 20   faite en 2005, est-ce qu'elle n'appréhende uniquement que les situations de

 21   ceux qui ont gardé le statut de réfugié ou de déplacé; et qu'il n'y a pas

 22   dans cette liste des gens, par exemple, qui seraient arrivés en juin 1992 ?

 23   On leur a donné tout de suite le statut, et trois mois après, ils viennent

 24   dire : "Voilà, ils partent au Canada," et ils ne veulent plus être réfugiés

 25   ou déplacés parce qu'ils ont trouvé une autre solution; ou bien que

 26   d'autres disent : "Nous, on va retourner en Serbie," parce qu'on a eu des

 27   cas où des gens qui sont retournés en Serbie ? 

 28   Alors est-ce que la liste de 2005 est une liste complète ou/et exhaustive,


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  1   ou bien une liste qui ne retrace pas toutes les situations des gens qui ont

  2   pu peu après avoir un autre statut ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] "This is" la liste des réfugiés exclusivement

  4   donc les gens d'Hrtkovci en dehors de Croatie qui se sont retrouvés

  5   finalement en Croatie qui sont encore réfugiés en 2005. Donc ils sont

  6   encore là, les personnes qui sont encore en Croatie qui n'ont pas demandé

  7   résidence permanente, qui n'ont pas obtenu la résidence permanente en

  8   Croatie, qui ne sont pas partis ailleurs.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- ce qui veut dire qu'un réfugié, qui

 10   est arrivé en juin 1992 à Zagreb, par exemple, qui a eu le statut de

 11   réfugié, quelques mois après, il a indiqué aux autorités qu'il partait au

 12   Canada ou il allait refaire sa vie, et à ce moment-là, il n'est pas dans la

 13   liste de 2005, lui ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, c'est comme ça que ça marche.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est bien ce que j'avais compris et il valait

 16   mieux que ça soit --

 17   Oui, Monsieur Seselj.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection. Ceci est tout à fait

 19   arbitraire fourni comme explication par ce prétendu expert parce que cela

 20   n'est visible nulle part dans ce document. L'expert le dit maintenant sans

 21   avoir dit cela auparavant, qu'il s'agit là d'un état de 2005 et qu'il

 22   s'agit ici de personnes qui en 2005 aussi avaient un statut de réfugié.

 23   Nous n'avons aucuns éléments de preuve disant que c'était des personnes qui

 24   avaient le statut de réfugié à quelque moment que ce soit. Mais on a tout

 25   de même détruit des documents de 1992, 1993. Cela était certainement

 26   accessible aux gens qui ont fait ces registres et il y a une supercherie

 27   pour les besoins de ce procès.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Je sais que vous avez de grandes compétences, mais


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  1   madame aussi a des grandes compétences en matière de démographie et de flux

  2   migratoire. Elle nous a dit tout à l'heure que ce fichier a été corroboré

  3   avec également l'examen d'autres, d'autres sources. Elle ne s'est pas

  4   contentée de ce document.

  5   Est-ce bien cela, Madame, vous ne vous êtes pas contentée du document de

  6   2005 pour aboutir à vos conclusions ? Vous avez essayé de corroborer ces

  7   informations avec d'autres, d'autres sources ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, en effet. J'aimerais aussi

  9   ajouter que je travaille sur ce type de données des personnes déplacées

 10   réfugiés depuis longtemps. Pas uniquement les données croates, aussi les

 11   données bosniaques venant du conflit en Bosnie-Herzégovine. J'ai beaucoup

 12   d'expertise dans la façon dont on a compilé ces données dans la nature même

 13   que si des données qui se modifient sans cesse dans le temps, et je sais

 14   exactement quel type de décisions est pris et comment elles sont prises.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On aura certainement l'occasion de revenir

 16   tout à l'heure sur ces questions.

 17   Bon. Il est 10 heures. Il est temps de faire la pause, donc nous allons

 18   faire --

 19   Oui. Alors, Monsieur le Greffier, à qui rien n'échappe aussi m'a demandé,

 20   donc on va donner un numéro MFI pour la pièce 4100, et après, on fera la

 21   pause.

 22   Monsieur le Greffier.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. Cela recevra la cote P568.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire une pause de 20 minutes et nous nous

 25   retrouverons dans 20 minutes.

 26   --- L'audience est suspendue à 10 heures 00.

 27   --- L'audience est reprise à 10 heures 23.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.


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  1   Madame Biersay, vous avez la parole.

  2   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  J'aimerais maintenant vous demander de vous reporter à la pièce 2154A

  4   dans votre classeur. Ça se trouve tout de suite après la pièce 4100 sur la

  5   liste 65 ter. J'aimerais, pour l'instant, qu'on parle très brièvement des

  6   deux dernières sources qui se trouvent aux deux intercalaires suivants que

  7   vous avez sous les yeux.

  8   La pièce 2154A, est-ce que c'est une des sources que vous avez utilisées

  9   pour préparer votre rapport ?

 10   R.  Oui, 2154A ?

 11   Q.  Oui.

 12   R.  Oui, c'est une des autres sources que j'ai utilisées, c'est la liste

 13   des personnes expulsées de Hrtkovci, il y a 280 familles qui figurent sur

 14   cette liste, et cette liste correspond en total à 805 personnes. Il y a

 15   également une lettre qui accompagne cette liste et une lettre qui se trouve

 16   dans le livre de Marko Kljajic.

 17   Mme BIERSAY : [interprétation] Nous demandons le versement au dossier de la

 18   pièce 65 ter 2154A, c'est l'extrait d'un ouvrage qui porte le numéro 65 ter

 19   2154. Nous demandons simplement le versement au dossier de cet extrait pour

 20   l'instant.

 21   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, Monsieur Seselj.

 23   Madame, une petite précision. Je viens de voir la liste et la lettre

 24   d'accompagnement. Alors, si je comprends bien, vous avez demandé à M. Marko

 25   Kljajic de vous faire parvenir cette liste, comment ça s'est passé ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas demandé à Marko Kljajic de

 27   m'envoyer cette liste. Je dispose de l'ouvrage de M. Marko Kljajic qui

 28   s'intitule : "Comment mon peuple se mourait ?" J'ai ce livre dans mon


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  1   bureau, et dans ce livre, nous avons trouvé cette lettre, cette liste, et

  2   cette liste il faut le savoir, elle nous a également été fournie, elle m'a

  3   également été fournie dans le cadre de la demande d'assistance qui avait

  4   été envoyée aux autorités croates. Il s'agissait d'informations relatives

  5   aux migrations externes en provenance d'Hrtkovci en 1992. Dans la réponse

  6   que j'ai reçue en 2005 suite à cette demande d'assistance, j'ai trouvé

  7   cette liste. La lettre ne s'y trouvait pas, mais j'ai pu voir que dans le

  8   livre de Marko Kljajic c'était la même liste qui m'avait été envoyée, et

  9   dans ce livre, j'ai également trouvé la lettre d'accompagnement.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est plus qu'impertinent ce qui est fait ici

 12   parce qu'on ne parle pas d'une lettre d'accompagnement, qui accompagne la

 13   liste. Il s'agit d'une lettre qui a été envoyée par l'évêque de Djakovo et

 14   Srem, Ciril Kos, au patriarche serbe, le 6 -- Pavle, le 6 juillet 1992.

 15   Cette lettre n'a rien à voir avec la liste, c'est tout à fait par hasard

 16   que dans le livre, la lettre se trouve à la page 45 et la liste débute à la

 17   page 46. Moi, je pense que le livre tout entier devrait être versé au

 18   dossier pour qu'à l'avenir on ne fasse pas de telles erreurs.

 19   Moi, je vais contester le livre tout entier parce que c'est plus

 20   qu'impertinent que de se voir proposer cette lettre par un prétendu expert

 21   en disant que c'est une lettre d'accompagnement alors que ce n'est pas le

 22   cas parce qu'ici vous avez un évêque catholique qui a entendu parler de

 23   certaines exécutions et ensuite il s'adresse au patriarche, mais ce n'est

 24   pas lui qui a écrit la liste, la liste a été fait par Marko Kljajic par la

 25   suite.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai essayé d'y voir clair avec cette lettre. Il

 27   apparaît que c'est Ciril Kos qui écrit au patriarche serbe qui est à

 28   Belgrade. Mais cette lettre quand on la voit, elle semble un peu


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  1   déconnectée de la liste. Comment vous faites le lien entre cette lettre et

  2   la liste, vous ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a un lien. Il s'agissait d'un séminaire

  4   de prêtres qui a eu lieu en juillet 2002. Lors de cette réunion, on a parlé

  5   de la situation de la population à Hrtkovci, mais pas seulement Hrtkovci,

  6   dans une région plus étendue dans ce secteur de la Vojvodine. Donc on a

  7   parlé de cela. Au cours de ce séminaire, de cette réunion - et je dois dire

  8   à ce propos que ce séminaire fait l'objet d'un compte rendu dans le livre

  9   de Marko Kljajic - et cette lettre et la liste font partie des documents

 10   qui ont été ensuite présentés après le séminaire. Donc je ne peux pas

 11   vraiment faire un lien -- enfin, d'autres liens. Il y avait -- je les

 12   associe de la sorte.

 13   Alors s'il y a manipulation comme le dit M. Seselj, non, je ne suis

 14   pas d'accord, je ne suis pas d'accord parce que ces trois documents ils

 15   sont concordants. Il y a d'abord le rapport sur le séminaire au cours

 16   duquel ce type de questions est expressément mentionné. On dit qu'il y a eu

 17   déplacement forcé de la population à partir de Hrtkovci, il y a la liste et

 18   la lettre.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Désolé de vous interrompre.

 20   Je regarde cette lettre, et donc il y a eu donc des échanges de courriers

 21   entre un catholique et un orthodoxe. Dans cet échange de courrier, la

 22   lettre que nous avons est du 6 juillet, mais quand vous regardez le

 23   contenu, il est fait référence à déjà une première réponse du 10 juin, mais

 24   qui était une réponse à une lettre du 10 mars, donc le 10 mars 1992, c'est-

 25   à-dire avant les événements du mois de mai.

 26   Le prêtre catholique écrit à son homologue orthodoxe pour lui parler,

 27   on ne sait pas de quoi. Son homologue orthodoxe lui répond le 10 juin, et

 28   le 6 juillet, le prêtre catholique réécrit à nouveau, pour là


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  1   effectivement, et vous avez raison, c'est peut-être le lien parce qu'au

  2   paragraphe 4, il attire l'attention de son homologue orthodoxe sur la

  3   situation à Hrtkovci. Mais ce qu'on ne sait pas avec cette lettre, pourquoi

  4   au mois de mars il lui écrit pour lui parler de quoi, on ne sait pas. Par

  5   contre - et là vous avez raison - le lien peut être fait avec le quatrième

  6   paragraphe où le prêtre catholique, au mois de juillet, c'est-à-dire

  7   quelques semaines après le mois de mai, attire l'attention sur ce qui est

  8   en train de se passer à Hrtkovci. Mais par contre, ce que vous me dites sur

  9   le colloque de 2002, ça c'est après, c'est un autre événement, le colloque

 10   de 2002.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Une observation d'abord au sujet de

 12   cette lettre. Il apparaît clairement au premier paragraphe de cette lettre

 13   qu'il y a eu correspondance, échange de correspondance entre ces deux

 14   dignitaires religieux, et cette lettre elle n'a pas été rédigée pour

 15   évoquer un sujet particulier, en fait elle s'inscrit dans le cadre d'une

 16   correspondance, ça je suis d'accord effectivement. Le quatrième paragraphe

 17   comme vous venez de le dire, permet de faire le lien avec la liste. Afin,

 18   moi ça me semble assez clair, il semble assez clair de faire le lien entre

 19   la liste et la lettre.

 20   Comme je l'ai dit, avant la lettre dans le livre, il y a quelques

 21   pages qui n'ont pas été reproduites ici dans laquelle on parle du colloque

 22   des prêtres de la région, et il y a résumé de ce colloque. Mais même en

 23   faisant abstraction de ce colloque et des discussions qui ont eu lieu et

 24   qui étaient en partie liées à la situation de la population dans la région,

 25   même sans cela je pense que l'évêque devait avoir de bonnes raisons

 26   d'envoyer cette lettre au patriarche. Pourquoi l'aurait-il fait sinon ? Il

 27   s'agit d'une correspondance de haut niveau selon moi.

 28   Mme LE JUGE LATTANZI : A part le fait de la possibilité de trouver une


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  1   quelque liaison entre cette lettre et la liste, mais si j'ai bien compris,

  2   vous ne pouvez pas confirmer que cette lettre accompagnait cette liste,

  3   était une lettre qui accompagnait la liste annexée ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ça, vous avez raison. Effectivement, je

  5   ne peux pas vous confirmer que ces deux documents ont été envoyés en même

  6   temps. C'est effectivement vrai.

  7   Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je considère que c'est absolument

 10   inacceptable, à savoir qu'un prétendu expert en démographie du Procureur

 11   dit ici, je cite : "Je pense que l'évêque avait des bonnes raisons pour

 12   s'adresser au patriarche."

 13   Mme BIERSAY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] -- elle a pensé. Elle doit dire quelles étaient

 15   les méthodes de statistique qui lui ont permis de faire le lien entre la

 16   lettre et la liste. Où se trouve son expertise scientifique ? Elle ne peut

 17   pas nous dire ce qu'elle pensait. Elle pense que l'évêque avait des bonnes

 18   raisons. Est-ce qu'on l'a fait venir ici parce qu'elle pense, pour qu'elle

 19   puisse penser ici ? C'est la chose la plus ridicule qui nous est arrivée

 20   jusqu'alors avec les prétendus experts du Procureur. C'est absolument

 21   incroyable. Elle pense, elle pense qu'elle doit nous le dire, en plus ce

 22   qu'elle pense. Bien.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, deux observations.

 24   A plusieurs reprises, vous dites "Le prétendu expert." Vous savez que Mme

 25   Tabeau a été reconnue expert par un nombre considérable de Chambres de ce

 26   Tribunal. Plusieurs personnes ont reconnu qu'elle avait des connaissances

 27   en matière de démographie, donc ce n'est pas la peine à chaque fois de dire

 28   "prétendu expert."


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  1   Deuxième observation, la lettre : d'après ce que j'ai compris, mais vous

  2   avez dû certainement aussi comprendre cela, il apparaît que cette lettre

  3   est dans le livre du prêtre qui a écrit un livre sur divers événements, et

  4   notamment la question des Croates d'Hrtkovci. Cette lettre est dans le

  5   livre. Dans le livre, il y a également la liste. Le problème, certainement,

  6   avec en liaison avec Mme Tabeau, a estimé que cette lettre peut être

  7   intéressante, dans la mesure où au quatrième paragraphe, on constate qu'au

  8   mois de juillet 1992, l'évêque qui est à Djakovo, signale à son homologue

  9   orthodoxe qu'il y a un problème. C'est au paragraphe 4, et qu'à partir de

 10   là, c'est quoi le problème ? Le problème c'est certainement lié au départ

 11   des Croates d'Hrtkovci. Voilà.

 12   Qu'à ce moment-là, entre la lettre, la liste, le livre, et les événements,

 13   il y a un lien. Alors peut-être que l'évêque s'est trompé dans son analyse,

 14   et Mme Tabeau vous a dit tout à l'heure que peut-être que cet évêque avait

 15   des bonnes raisons. Car, nous, nous ne savons, et vous non plus, d'où

 16   tenaient les informations de cet évêque sur les événements, on en sait

 17   strictement rien. Peut-être que vous aurez la possibilité de faire venir

 18   cet évêque comme témoin, peut-être s'il y a une nécessité.

 19   Mais en l'étant, on a une lettre du mois de juillet entre deux autorités

 20   religieuses importantes, qui évoquent un sujet à Hrtkovci. Alors peut-être

 21   que le patriarche orthodoxe a répondu, certainement il a dû lui répondre,

 22   on n'a pas la réponse, il a certainement répondu. Il serait peut-être

 23   intéressant de savoir ce qu'il a dit, et peut-être que vous pourriez lui

 24   demander copie de la lettre. Voilà. 

 25   On va continuer; on va donner simplement un numéro aux fins

 26   d'identification.

 27   Oui. Je vais vous redonner la parole, mais on va donner un numéro aux fins

 28   d'identification, et la Chambre statuera définitivement après votre contre-


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  1   interrogatoire.

  2   Qu'est-ce que vous voulez rajouter ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout d'abord, je veux dire que je ne veux plus

  4   dire que Mme Tabeau est un prétendu expert. Je vais imaginer que c'est un

  5   vrai expert.

  6   Quel rapport entre cette lettre et son rapport d'expert ? C'est ça la

  7   question de fond qui se pose. Cette lettre pourrait être versée par le

  8   biais d'un autre témoin, un témoin tout simple. Marko Kljajic, l'auteur du

  9   livre, aurait pu venir ici. Ça aurait été la cerise sur le gâteau. Pour des

 10   raisons qui me sont inconnues, incompréhensibles, le procureur ne voulait

 11   pas faire venir l'auteur du livre, alors qu'il continue à citer son livre.

 12   Je veux bien qu'on cite ce livre par le biais des témoins simples, mais pas

 13   par le biais d'un témoin expert en démographie, puisque cette lettre n'a

 14   absolument rien à voir avec les statistiques avec la démographie; elle

 15   aurait pu peut-être nous faire la statistique, nous démontrer quel est le

 16   nombre de lettres envoyées par an par cet évêque --

 17   Mme BIERSAY : [interprétation] Je m'oppose à ce type de discours --

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] -- bien, la correspondance entre le patriarche

 19   orthodoxe et l'évêque catholique. Dans ce cas-là, on pourrait dire que là

 20   il s'agit de statistiques.

 21   Mais avoir une lettre toute seule que l'on fait glisser comme ça en appui

 22   d'un rapport d'expert sur les statistiques et la démographie, c'est

 23   absolument impossible. Cet expert n'a rien à voir avec cette lettre, elle

 24   ne peut pas parler de cette lettre, ou ne peut pas l'expliquer, elle ne

 25   peut pas nous raconter ce qu'elle pense elle au sujet de cette lettre. On

 26   n'en a rien à faire.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vos observations sont transcrites

 28   au transcript, donc elle figure, il se trouve qu'il faut que nous donnions


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  1   donc un numéro, donc on va donner un numéro aux fins d'identification.

  2   Comme je vous l'ai dit, la Chambre statuera en définitive après vous avoir

  3   écouté lors du contre-interrogatoire et des questions supplémentaires.

  4   Monsieur le Greffier, il faut un numéro pour la pièce en question.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 65 ter 2154A devient la pièce

  6   MFI P569.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour les besoins du transcript, il faut indiquer que

  8   la pièce 2154A est composée de deux documents; une lettre de l'évêque Kos,

  9   en date du 6 juillet 1992, ça c'est le première document. Le deuxième

 10   document, c'est une liste de Croates de la localité, liste que nous

 11   retrouvons dans le livre du prêtre catholique. Ce numéro recouvre deux

 12   documents. La Chambre verra ce qu'on fera nous de la lettre par la suite.

 13   Continuez, Madame Biersay.

 14   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Q.  Madame Tabeau, j'aimerais maintenant vous demander de vous pencher sur

 16   l'intercalaire suivant, le numéro 65 ter 4225. Est-ce qu'il s'agit, Madame,

 17   d'une autre source dont vous vous êtes servie pour préparer votre rapport

 18   en l'espèce ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce que vous pourriez en quelques mots nous dire de quoi il s'agit ?

 21   R.  Il s'agit d'une autre liste qui a été utilisée pour préparer la liste

 22   récapitulative qu'on trouve à l'annexe A de mon rapport. C'est une liste

 23   que nous avons obtenue suite à une demande d'assistance envoyée par le

 24   bureau du Procureur au gouvernement croate en l'an 2005. Cette liste a été

 25   envoyée ou a été présentée avec la liste des réfugiés dont on vient de

 26   parler à l'instant, et avec d'autres documents. Donc dans cette liste vous

 27   avez des informations concernant environ 200 personnes.

 28   Ces personnes pour l'essentiel figuraient déjà dans le livre de Marko


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  1   Kljajic parmi les 280 familles. Il y a 97 chefs de famille qui figurent

  2   dans le livre de Marko Kljajic que l'on retrouve dans cette liste, une

  3   liste qui nous a été fournie de manière totalement indépendante par les

  4   autorités croates en réponse à notre demande d'assistance. La liste que

  5   l'on trouve dans le livre de Marko Kljajic n'est pas complète. On y trouve

  6   uniquement les chefs de famille. C'est la raison pour laquelle on trouve

  7   280 entrées dans cette liste. Cependant dans le livre, il est indiqué que

  8   ces 280 familles représentent 805 personnes, donc, bien entendu, nous

  9   voulions avoir des informations complètes concernant ces 805 personnes.

 10   Les autorités croates dans une période assez brève ont été en mesure de

 11   nous fournir la liste concernant ces 205 personnes, dont 97 sont des chefs

 12   de familles figurant dans les 280. Donc il s'agit on pourrait le dire d'un

 13   développement d'une liste qui complète celle de Marko Kljajic. Mais, malgré

 14   tout, elle n'est pas complète cette deuxième liste parce que nous étions

 15   pressés par le temps à l'époque si bien que nous n'avons tenu qu'une liste

 16   de 202 entrées malheureusement. C'est regrettable mais il vaut mieux avoir

 17   des informations au sujet de 200 personnes que la seule liste tirée de

 18   l'ouvrage de Marko Kljajic.

 19   Les informations figurant ici sont beaucoup plus complètes que celles qui

 20   figurent dans le livre de Marko Kljajic. Il y a beaucoup plus

 21   d'informations que le simple nom de famille. Le nom du père, il y a le

 22   premier -- le nom de famille et le prénom. On a également ici le nom du

 23   père; la date de naissance; l'adresse; la date du départ; la nouvelle

 24   adresse en Croatie; dans cette nouvelle liste donc beaucoup plus complète.

 25   Mme BIERSAY : [interprétation] En ce moment --

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais que vous éclaircissiez un mystère.

 27   Pouvez-vous regarder cette liste et regarder le numéro 1, Ivan Akrap ?

 28   Bien. Alors on sait qu'il est né le 28 avril 1960. Nous savons que le nom


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  1   de son père c'était Ante. Nous connaissons l'adresse qu'il avait à Hrtkovci

  2   est inconnue. Alors le mystère il vient de la ligne suivante; qu'est-ce que

  3   je découvre ?

  4   Je vois qu'il est indiqué : "Premier enregistrement en Croatie, 2 février

  5   1982, Zagreb," et il y a l'adresse de la rue au 16, rue Jure Kastelana.

  6   Alors M. Akrap apparemment il avait habité en Croatie en 1982 ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est possible. Il y a beaucoup de gens

  8   dans l'ex-Yougoslavie qui avaient leur lieu de résidence permanente dans

  9   une des ex-républiques alors qu'ils travaillaient dans une autre

 10   république. Par exemple, les Croates de Vojvodine, pour certains d'entre

 11   eux, travaillaient en Croatie et ils faisaient la navette entre leurs deux

 12   lieux de résidence. C'était la même chose pour les Bosniaques. Ceux qui de

 13   déplaçaient donc pour travailler ou qui étaient en Croatie de manière

 14   temporaire, pour eux, dans une période difficile, il a donc été beaucoup

 15   plus facile de retourner en Croatie pour y être accepté, vu la situation

 16   dans leur lieu de résidence permanent.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors votre réponse entraîne un autre problème

 18   juridique.

 19   Si je me réfère à ce Ivan Akrap, on a donc l'impression qu'il habitait lui

 20   légalement en Croatie. Puisqu'on a l'adresse de sa rue et on voit même

 21   qu'il est enregistré parce qu'il a un nom. Il a un numéro 6251. Alors on a

 22   donc la situation avec le numéro 1 d'un Croate, citoyen de la République de

 23   Croatie, qui se trouve à Hrtkovci, on ne sait pas comment peut-être pour

 24   travailler mais qui en réalité est un Croate, est un, est un Croate qui a

 25   la citoyenneté croate et il revient chez lui en 1992, a priori suite aux

 26   événements.

 27   Est-ce bien l'analyse concernant ce cas ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, moi, je ne l'interpréterais pas de la


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  1   sorte. Pour moi, Ivan Akrap c'est quelqu'un qui était de Hrtkovci dont le

  2   lieu de résidence permanent était à Hrtkovci. Monsieur le Président, si

  3   vous comparez ceci au numéro 1 ou dans la liste dont vous nous parlez qui

  4   correspond à 280 familles, vous constaterez à l'entrée numéro 1 qu'on voit

  5   Ivan Akrap qui est de Hrtkovci, rue Lenjinova, Ulica Lenjinova. On indique

  6   que la famille compte trois membres. Les deux listes concordent.

  7   La même personne se retrouve dans deux sources : on le retrouve d'abord

  8   dans la liste des personnes expulsées de Hrtkovci, en tant que chef de

  9   famille, numéro 1 dans la liste; et puis nous avons l'autre liste qui nous

 10   a été fournie par les autorités croates et qui nous indique que cette

 11   personne faisait la navette entre la Croatie et Hrtkovci pour une raison X

 12   ou Y, probablement parce qu'il avait un emploi en Croatie. En 1992, cette

 13   personne et sa famille ont décidé de quitter Hrtkovci comme cela est

 14   indiqué dans la liste des personnes qui ont décidé de quitter le village

 15   dans la liste de Marko Kljajic. Voilà comment j'interprète cet élément.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une remarque.

 17   Monsieur le Président, je voudrais attirer votre attention sur le

 18   fait que ce document n'a aucun sceau officiel. Peut-on croire l'expert

 19   quand elle dit que c'est quelqu'un des autorités croates qui lui a fourni

 20   cela ? Ensuite, l'expert se permet de se livrer à des conjectures.

 21   Je m'excuse puisque j'ai dit que c'est un "expert." Si je devais

 22   utiliser le terme féminin pour l'expert en serbe, cela correspondrait --

 23   Mme BIERSAY : [interprétation] -- c'est totalement inacceptable.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, [hors micro] l'expert que

 25   nous avons devant vous.

 26   Mais, Madame, j'allais vous poser la question. Je vous fais

 27   entièrement confiance dans ce que vous dites. Vous nous dites que les

 28   autorités croates vous ont envoyé ce document, qui est beaucoup plus


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  1   complet effectivement, il y a des renseignements qui ne figurent pas dans

  2   les autres documents. Mais là aussi, quelle autorité ? C'est l'office, le

  3   ministère du Travail, le ministère de l'Intérieur ? Qui vous a envoyé ces

  4   documents ? Puis à partir de quoi ils se sont fondés pour faire toutes ces

  5   mentions ? Parce qu'on voit une multitude de renseignements, ne serait-ce

  6   le fait que ces gens-là avaient déjà été enregistrés en République de

  7   Croatie ? Donc il doit y avoir des fichiers. Alors qui a envoyé ces

  8   documents ? 

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Le nom de cette organisation c'est l'Office ou

 10   le bureau des Personnes détenues et portées disparues à Zagreb. C'est le

 11   colonel Grujic qui dirige cet organisme. Cette liste elle a été préparée

 12   par son bureau, je crois, je ne le sais pas avec certitude, mais je crois

 13   que cette liste ils l'ont préparée à partir de leur propre recherche dans

 14   les registres démographiques officiels de Croatie en utilisant les noms des

 15   chefs de familles qui figuraient dans la première liste. Selon moi, c'est

 16   de cette manière dont ils ont procédé parce que toutes les personnes qui

 17   sont enregistrées officiellement en Croatie figurent dans cette liste avec

 18   toutes sortes de détails.

 19   Je voulais insister sur le fait que, dans notre demande d'assistance, nous

 20   avons expressément demandé des informations concernant les personnes

 21   expulsées d'Hrtkovci, des personnes qui ont quitté Hrtkovci en 1992, et ce

 22   que nous avons ici fait partie de la réponse à notre demande d'assistance.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors donc on apprend qu'à Zagreb, il y a l'office

 24   des Personnes détenues et des personnes disparues dirigé par le colonel

 25   Grujic et c'est cet office qui vous a envoyé cela. Bien. Peut-être aurait-

 26   il été utile de joindre évidemment à la liste les courriers et autres. Mais

 27   bon. Ça n'a pas été fait et nous savons donc maintenant d'où vient ce

 28   document, ce qui n'était pas évident à première vue.


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  1   Madame Biersay.

  2   Oui. 

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Je dois, Monsieur le Président, dire

  4   que puisqu'on a mentionné le colonel Grujic, il s'agit d'Ivan Grujic qui

  5   plus que cinq ans a comparu ici en tant qu'expert du Procureur en d'autres

  6   matières. Mais il a été retiré récemment parce qu'on a jugé que sa

  7   crédibilité a été contestée dans d'autres procès. Il a été remplacé par

  8   Anna Maria Bilic, un autre expert. Donc voyez-vous, vous avez une

  9   circonstance suspecte qui est suivie d'une autre.

 10   Dès que l'on permette d'utiliser un document qui n'est absolument pas

 11   officiel, nous avons toute une série de problèmes qui apparaissent.

 12   Là, je viens d'être pris au dépourvu, moi aussi, parce que je dispose

 13   d'un très bon service de Renseignements et je n'étais aabsolument pas au

 14   courant de cela. Je suis surpris moi-même, je vous l'avoue.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce colonel Grujic, était-ce le même qu'Ivan Grujic

 16   qui avait été prévu comme expert et qui a été retiré. C'est le même ?

 17   Mme BIERSAY : [interprétation] Il va falloir, Monsieur le Président, que je

 18   consulte mes collaborateurs pour voir si c'est véritablement la même

 19   personne. Je crois que ce n'est pas la même personne, mais avant de me

 20   prononcer officiellement pour le compte rendu d'audience, je voudrais

 21   consulter mes collègues et mes supérieurs.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 23   Mme BIERSAY : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

 24   dossier de la pièce 4225 sur la liste 65 ter.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Numéro MFI, pareillement.

 26   Monsieur le Greffier.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

 28   pièce P570 MFI.


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  1   Mme BIERSAY : [interprétation]

  2   Q.  Bien. Maintenant, j'aimerais vous demander de vous reporter à un

  3   document que vous trouverez dans votre classeur sous la cote 65 ter 2859 E.

  4   Ça se trouve tout de suite après votre rapport, dans le premier classeur.

  5   Il y a une chose que j'aimerais que vous expliquiez aux Juges de la

  6   Chambre, c'est en l'occurrence ce qui figure à la figure 7 : "Demande de

  7   certificat de baptême par année de demande." 2859 E, ça se trouve dans

  8   votre classeur.

  9   R.  Je suis un peu perdue.

 10   Q.  Est-ce que vous avez bien le classeur 1, ou est-ce que vous êtes en

 11   train de regarder le classeur 2 ?

 12   R.  Classeur 1. C'est dans la suite de la liste dont on vient de parler ?

 13   Q.  Est-ce que vous pouvez trouver votre rapport dans le classeur ?

 14   R.  Oui, oui. Oui, oui, ça y est, j'ai trouvé. 02859 E.

 15   Q.  Ensuite il s'agit de la page 21 de votre rapport, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Il s'agit d'un extrait de ce rapport, mais nous avons décidé de le

 18   mettre à part pour pouvoir le consulter plus facilement. J'aimerais, s'il

 19   vous plaît, vous demander de regarder le numéro 7, figure 7; qu'est-ce que

 20   ça représente ?

 21   R.  Il s'agit du moment où les demandes ont été présentées, demandes de

 22   certificat de baptême. On le voit ici, en fonction de l'année et de la

 23   demande. La période concernée, c'est une période qui va de l'année 1949

 24   jusqu'à l'année 2001. Les naissances que l'on trouve ici plutôt les barres

 25   qu'on trouve ici représentent le nombre de certificats de baptême pour

 26   chaque année concernée, chaque barre indique le nombre de certificats

 27   demandés. On voit donc c'est la première chose que, pour 1992, il y a un

 28   nombre considérable de demandes avec une barre, une colonne qui correspond


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  1   à 180 demandes, pour cette seule année. Donc un chiffre considérable si on

  2   compare aux autres années, si on compare ces colonnes aux autres années,

  3   par exemple, donc en 1992, 180 demandes, et les autres années un nombre

  4   minime, pratiquement insignifiant.

  5   Alors il y a deux couleurs qui sont utilisées ici, bleu et rouge, il y a

  6   une distinction en effet entre les demandes qui sont faites pour des

  7   personnes qui sont décédées - ça c'est en rouge - et puis il y a les

  8   demandes concernant des personnes vivantes au moment de la demande - bleu.

  9   Généralement, quand une personne décède, on fait une telle demande de

 10   certificat de baptême pour organiser ses obsèques dans le cadre de la

 11   religion catholique. Donc normalement, quand les personnes sont vivantes,

 12   on ne fait pas ce genre de demande de certificat, sauf s'il y a une raison

 13   qui l'explique.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais une demande de quoi ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Un certificat de baptême -- une demande de

 16   certificat de baptême.

 17   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais on demande un certificat de

 18   baptême pour des gens qui sont décédés ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, dans la liste des obsèques catholiques,

 20   il faut demander le certificat de baptême; quand c'est un autre prêtre

 21   catholique qui doit organiser les obsèques dans une autre paroisse, il faut

 22   demander le certificat de baptême de cette personne.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, le tableau à la figure 7 est très parlant,

 24   d'autant plus qu'il est en couleur et c'est une bonne chose. Le constat que

 25   je fais, moi-même - et tous ceux qui sont dans cette salle d'audience

 26   peuvent faire le même constat - nous voyons que, de 1949 à 1971, il y a eu

 27   des demandes de certificats de baptême, mais pour des personnes qui étaient

 28   décédées parce qu'à l'époque, il n'y avait aucune demande de certificat de


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  1   baptême pour des gens qui étaient vivants. Un témoin nous a expliqué - je

  2   dis ça de mémoire - que sous le régime communiste, il n'était pas bon de

  3   faire savoir qu'on était catholique. Donc de ce fait, ça peut expliquer

  4   qu'on ne demandait pas de certificat de baptême. Mais en revanche - et

  5   c'est là où j'ai un problème, Madame - vous avez raison 1992, il y a 180

  6   demandes et il est évident qu'il s'est passé quelque chose.

  7   Mais comment se fait-il qu'en 1989, 1990 et 1991, il y a des demandes ?

  8   Comment vous expliquez cela ? 1992, oui, il y a les événements, on peut

  9   comprendre, mais avant, pour quelle raison car il y a quelques demandes,

 10   vous le voyez bien ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet, je ne peux pas vraiment vous

 12   l'expliquer en vous donnant des raisons bien concrètes parce que je n'ai

 13   pas étudié les motifs. Je vous ai dit je n'ai pas étudié les raisons pour

 14   lesquelles ces demandes ont été faites. Cela dit, à mon avis - mais c'est

 15   mon avis uniquement - je pense que c'est parce que la situation politique

 16   avait changé dans l'ex-Yougoslavie. A partir de 1989, vers 1989, ce qui

 17   s'est passé au Kosovo, le discours de Milosevic à Kosovo-Polje, enfin la

 18   situation changeait. On savait bien que la situation politique devenait

 19   instable, on le sentait. Il y avait de plus en plus de tension ethnique.

 20   Enfin, moi, ce n'est pas une opinion d'expert ici, c'est mon opinion

 21   personnelle. Je n'ai pas étudié les raisons sous-jacentes qui ont poussé

 22   les gens à demander des certificats de baptême.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est à l'expert que je m'adresse. Si on voit ces

 24   chiffres de gens qui quittent le village, à partir de 1989, est-ce à dire

 25   qu'il y a déjà dès 1989 un flux migratoire qui se met en place parce que

 26   ces gens ils partent en Croatie car on nous a expliqué ? Il y a des témoins

 27   qui nous l'ont dit que, pour aller en Croatie, ne serait-il déjà pour

 28   franchir la frontière, il fallait prouver qu'on était Croate ou catholique


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  1   croate et que le fait d'avoir un certificat de baptême attestait qu'on

  2   était catholique ?

  3   Est-ce qu'il n'y avait pas donc un flux migratoire dès 1989 peut-être

  4   lié à ce que vous avez dit au discours en 1989 de Milosevic ? Je n'en sais

  5   rien. Mais vous qui êtes l'expert qui par votre rapport veut nous démontrer

  6   qu'en 1992, il y a eu des Croates qui sont partis. Moi, les questions que

  7   je vous pose : mais est-ce qu'il n'y a pas des Croates qui étaient aussi

  8   partis avant ? Tel qu'on le voit là.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, certains sont partis avant 1992 et

 10   d'ailleurs, c'est ce qu'on voit sur le tableau. Mais n'oubliez pas qu'il y

 11   a toujours des mouvements de population partout, dans tous les pays, il y a

 12   des flux. Les gens quittent le pays, entrent dans le pays, enfin il y a

 13   toujours des flux. Il y avait très certainement un flux migratoire déjà

 14   avant 1992. La seule différence c'est qu'en 1992, on sait précisément que

 15   les personnes qui ont quitté le village, à ce moment-là, sont parties en

 16   Croatie, on sait où ils sont allés, c'est ça la différence.

 17   On aurait pu étudier la destination de ceux qui sont partis

 18   précédemment, mais je pense que, dans ce cas-là, on se rendrait compte

 19   qu'ils sont très certainement partis dans d'autres pays tout simplement

 20   puisqu'il y avait énormément de flux migratoires à partir de l'ex-

 21   Yougoslavie; ça n'a pas commencé avec le conflit.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Le tableau 8 me permet évidemment d'approfondir la

 23   question parce qu'en 1992, vous faites -- il y a 180 départs. Bon, très

 24   bien. Maintenant c'est le tableau 8 qui affile et qu'est-ce qu'on constate

 25   ? On constate, à ce moment-là, qu'avant le mois de mai, avant le 6 mai,

 26   déjà il y a des départs. En janvier 1992, il y a peut-être une ou deux

 27   demandes. En février, il y en a deux fois plus. En mars, encore deux fois

 28   plus. En avril, avant le discours, il y en a au moins cinq, six, qui


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  1   demandent. Ensuite les "peak" mai, juin et ensuite ça décroît.

  2   Donc, est-ce que vous en tant qu'expert, pouvez dire qu'il y avait avant le

  3   mois de mai 1992 des demandes de certificats de baptême concernant quelques

  4   dizaines d'individus ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, exactement, c'est ce que je dis. Je ne

  6   suis pas en train de dire que la migration extérieure a commencé en mai et

  7   ne s'est poursuivi qu'en mai et juin jusqu'en août. La région était

  8   affectée par des facteurs quels qu'ils soient qui ont poussé les gens à

  9   partir pendant toute l'année 1992. Mais il est évident, et ça on ne peut

 10   pas le remettre en cause, il est évident que c'est mai et juin où on vu le

 11   plus de gens partir.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Ça, le tableau montre qu'en mai, en juin, il y a

 13   environ à chaque fois 70 personnes concernées par les certificats de

 14   baptême.

 15   Madame Biersay, M. le Greffier me dit qu'il vous reste dix minutes.

 16   Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 17   Q.  Donc pour vous poursuivre et passer maintenant à la page 23 de votre

 18   rapport, le Président de la Chambre a parlé déjà des figures 7 et 8;

 19   maintenant j'aimerais que nous étudiions le tableau numéro 9 de la page 23.

 20   Avez-vous pu, en regardant ce tableau, identifier un mois record où il y

 21   aurait une demande de record de certificats de baptême ?

 22   R.  En fait, là -- en fait, on fait la décomposition par jour des demandes

 23   en mai et juin. A gauche c'est l'information pour le mois de mai, à droite

 24   les informations pour le mois de juin, et c'est le nombre de demandes

 25   quotidiennes. En mai, on voit que la première demande a été fait le 8 mai,

 26   et ça s'est poursuivi de façon assez nourrie jusqu'à la fin mai avec un

 27   "peak" le 15 mai, 16, 19 aussi, on a des nombres assez importants. Sur la

 28   figure de droite, on voit que pendant la première quinzaine de juin, là


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  1   aussi, il y a un grand nombre de demandes.

  2   Donc ce n'est pas pendant les deux mois entiers. Ça commence le 8 mai

  3   et ça se termine le 15 juin, c'est là qu'il y a le "peak" de demandes.

  4   Q.  Dans ce rapport, vous parlez aussi de l'utilisation que vous avez faite

  5   des certificats de mariage venant des paroisses ?

  6   R.  En effet.

  7   Q.  Avez-vous fait une comparaison identique ou similaire en ce qui

  8   concerne donc le déroulement chronologique de ces demandes ?

  9   R.  Oui, en effet.

 10   Q.  Pouvez-vous nous dire quelle était la correspondance entre les demandes

 11   faites pour les mariages et les demandes faites pour les baptêmes ?

 12   R.  Mais ça correspond pratiquement. La plupart des demandes de certificats

 13   de mariage ont été faites en 1992; 1992 les 84 demandes ont été faites à ce

 14   moment-là, je me souviens bien. Donc c'est l'année 1992 où il y a le

 15   "peak," et les quelques demandes supplémentaires, afin le solde des

 16   demandes s'est fait dans les années suivantes, toujours au cours des années

 17   1990. Là, c'est l'une des observations que j'ai faites. En 1992, c'est le

 18   mois de juin qui a connu le "peak" de demandes.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, avant d'aborder la question des certificats

 20   de mariage, on va rentrer, si vous le permettez, dans la technique, on va

 21   approfondir le problème. Je reviens à la figure 9. On voit qu'il y a donc,

 22   le 8 mai, trois demandes de certificats de baptême. Ensuite, le 10 mai,

 23   deux demandes; le 12 mai, deux; le 13 mai, quatre; le 14, deux - et là, il

 24   y a un "peak," vous l'avez dit - le 15, nous en avons dix.

 25   Quand je me reporte à la figure 7 où je vois qu'il y avait en mars,

 26   février, janvier, avril, également des demandes, je ne perçois pas, à ce

 27   moment-là, une accélération du processus. Peut-être que le discours du 6

 28   mai a eu un effet, mais s'il y a eu un effet, l'effet peut être différé


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  1   dans le temps, et là, l'effet aurait été différé à 15 jours, à dix jours,

  2   au 15 mai. Mais après, après le 15 mai, on voit qu'il y a toujours un même

  3   nombre de demandes jusqu'au 10 juin, il y a un tableau permanent.

  4   Alors, partant de là, je me suis posé la question suivante et je me demande

  5   si vous vous avez investigué en cette direction parce qu'au-delà des

  6   chiffres, il faut donner des explications car, sinon, ça sert à rien de

  7   donner des chiffres, il faut essayer de comprendre.

  8   Nous avons -- on nous a dit que les gens qui passaient les frontières

  9   devaient avoir des documents, des certificats peut-être de baptême. Alors,

 10   les gens qui obtiennent cela, est-ce que vous avez vérifié s'ils partaient

 11   immédiatement, ou ils différaient leur départ ? Prenons l'exemple de

 12   quelqu'un qui demande, le 10 mai, son certificat de baptême, il va partir

 13   quand au juste, le 15 mai; au mois de juin ? Ça vous ne pouvez pas le

 14   savoir, et je ne pense pas que vous avez été dans le détail.

 15   Donc nous ne savons pas si les gens qui obtiennent des certificats de

 16   baptême sont partis tout de suite ou pas. Mais si nous prenons, Madame,

 17   l'hypothèse où ils sont partis très rapidement, est-ce que vous vous êtes

 18   posée la question de savoir s'ils partaient en convois groupés ou bien ils

 19   partaient de manière personnelle ? Car je présume que ces familles devaient

 20   partir avec leurs valises, leurs biens, leurs chats, leurs chiens ou je ne

 21   sais quoi, et il fallait au moins des autobus, des camions, ou des voitures

 22   particulières ?

 23   Y avait-il des départs organisés, ou bien ça totalement échappé au

 24   bureau du Procureur on ne s'est pas penché sur la question des départs ?

 25   Car si la Croatie avait régulé l'arrivée des réfugiés, et on peut le

 26   comprendre, ça peut expliquer que des demandes de certificats de baptême

 27   étaient échelonnées selon un plan très établi. Est-ce que vous avez

 28   envisagé ces hypothèses ou non, ou pas du tout ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je n'ai pas -- je dois dire que je n'ai

  2   pas étudié les modes de départ, si je puis dire, et moi, j'appelle ces

  3   demandes de certificats des demandes pour ces procurations; ça permet de

  4   savoir que les gens sont partis. Ça donne l'intention de la personne. Si

  5   elle demande un certificat c'est qu'elle veut partir. Je ne sais pas

  6   comment ils sont partis. Je ne sais pas s'il y avait des convois, s'il y

  7   avait des autocars et, bien sûr, il doit y avoir un petit délai entre le

  8   moment où on obtient un certificat et le moment tout d'un coup on part.

  9   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Tabeau, j'ai une autre

 10   question à vous poser pour un suivi de la question du Président.

 11   Si on se penche sur le tableau 9, on voit qu'il y a un "peak" les 15, 16,

 12   et 19 mai c'est là qu'il y a un "peak" dans ces demandes de certificats de

 13   baptême, et on retrouve un autre "peak" en juin, le 10 juin, un nouveau.

 14   Avez-vous essayé de comprendre pourquoi il y avait ces "peaks," à ces

 15   jours-là ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 17   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je puis ajouter quelque chose, je ne pense

 19   pas que toutes les demandes de certificats de baptême ont été enregistrées

 20   dans les livres de la paroisse. Il y en a d'autres qui ont été faites mais

 21   pas toujours sur papier. Certains avaient peur d'être enregistrés comme

 22   ayant demandé un certificat. Ils ne voulaient pas qu'il y ait de trace

 23   écrite. Si on compare le nombre de requêtes de demandes de certificats de

 24   mariage et de certificats de baptême avec le nombre de personnes que l'on

 25   trouve dans la liste du livre de Marko Kljajic, il y a beaucoup plus de

 26   personnes dans le livre de Marko Kljajic.

 27   Ils étaient 805 en tout, donc si toutes ces personnes avaient demandé un

 28   certificat de baptême, on aurait quand même beaucoup plus de personnes, ou


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  1   s'ils avaient demandé un certificat de mariage. Mais que ça a un impact sur

  2   les "peaks," non pas vraiment parce que je pense que, de toute façon, c'est

  3   un échantillon représentatif qu'on a obtenu des livres des paroisses, des

  4   registres des paroisses. Ça représente quand même la tendance.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, est-ce que vous vous êtes posée la question

  6   de savoir quelle était l'utilité de ces certificats de baptême ? Je présume

  7   que vous avez eu des réunions de travail avec les éminents substituts du

  8   Procureur. Est-ce que vous vous êtes demandée si ces certificats de baptême

  9   avaient été imposés par les autorités croates, qui avaient fait savoir :

 10   "Nous voulons bien recevoir des citoyens serbes catholiques qui peut-être

 11   d'origine croate mais à la condition qu'ils aient des certificats de

 12   baptême," et ce qui pourrait expliquer à ce moment-là tous ces certificats

 13   de baptême ? Est-ce que ça a été une piste de réflexions et de recherches

 14   dans vos travaux ?

 15   Parce que votre travail montre qu'il y a -- il s'est passé quelque chose.

 16   Tous ces certificats de baptême ce n'est pas de la génération spontanée.

 17   Bon, il s'est passé quelque chose, mais pourquoi est-ce que ce sont les

 18   individus eux-mêmes qui ont décidé pour des raisons personnelles d'avoir un

 19   certificat de baptême, on ne sait jamais, ou bien ils répondaient à des

 20   demandes très précises des autorités croates ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas que les autorités croates ont

 22   dénié que l'on ait demandé ce type de document aux gens de cet endroit-là

 23   pour les accepter; mais ils n'ont pas fourni toujours les copies.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je vous dis qu'un témoin nous a dit cela, qu'est-

 25   ce que vous diriez ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Comment répondre ? Je n'ai pas de document

 27   émanant des certificats des autorités croates. C'est tout. (expurgé)

 28   (expurgé)


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  1   (expurgé)

  2   Mme BIERSAY : [interprétation] Pouvons-nous, s'il vous plaît, passer à huis

  3   clos partiel ?

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer à -- oui, audience à huis clos.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  6   [Audience à huis clos partiel]

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 22   [Audience publique]

 23   Mme BIERSAY : [interprétation]

 24   Q.  Bien. Maintenant j'aimerais vous demander de vous reporter à

 25   l'intercalaire suivant dans votre classeur, 2859F numéro 65 ter, et en fait

 26   cela correspond à la page 10 de votre rapport.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, j'ai oublié de vous demander : est-

 28   ce que vous demandez un numéro pour les tableaux qu'on vient de voir, les


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  1   tableaux 7, 8, 9, qui sont ou bien vous considérez que c'est dans le

  2   rapport général ?

  3   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, nous pensons que ça fait partie du

  4   rapport du témoin. La seule question que je poserais à la Chambre est la

  5   suivante : est-ce que vous estimez que la couleur -- que les couleurs --

  6   les codes couleurs pourraient vous aider pour vos délibérations ? Parce que

  7   si c'est le cas, je pourrais demander le versement au dossier de ces

  8   extraits, ou vous fournir une version colorée qui vous permettrait de mieux

  9   lire les graphiques.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- la question à mes collègues, mais

 11   c'est vrai que quand il y a de la couleur, c'est mieux. Oui. Bien. "Of

 12   course," donc on va donner un numéro au document précédent.

 13   Monsieur le Greffier.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 2859E recevra le numéro P571.

 15   Mme BIERSAY : [interprétation]

 16   Q.  Dans le cadre de vos travaux de préparation de ce rapport, est-ce que

 17   vous avez consulté les données issues des recensements ?

 18   R.  Oui. Il y a eu deux recensements en 1991 et 2002, que nous avons

 19   utilisés, il s'agit de statistiques obtenues auprès des autorités de Serbie

 20   et nous nous en sommes servis effectivement.

 21   Q.  J'aimerais que nous parlions du recensement de 1991. Combien de

 22   personnes selon ce recensement vivaient à Hrtkovci à ce moment-là ?

 23   R.  Tout ceci vous le trouvez au tableau numéro 1, vous pourrez aisément y

 24   voir les chiffres correspondants. Hrtkovci, c'était un petit village qui

 25   comptait 2 500 habitants à l'époque du recensement de 1991, et sur ces 2

 26   500 personnes, il y avait environ 500 Serbes,

 27   1 000 Croates, 500 Hongrois et d'autres, des Yougoslaves et d'autres. On

 28   peut dire qu'à Hrtkovci, la majorité de la population était croate, pas une


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  1   "majorité" absolue mais une "majorité" relative. Ils composaient 40 % de la

  2   population de Hrtkovci en 1991, les Croates. Les Serbes, eux,

  3   représentaient 21 % de la population; les Hongrois, 19 %; les Yougoslaves,

  4   environ 17 %. Donc c'était manifestement un village multiethnique; tous les

  5   groupes ethniques principaux étaient représentés enfin tous les groupes

  6   ethniques que l'on trouve généralement en Vojvodine.

  7   Q.  Dans le cadre de votre comparaison entre le recensement de 1991 et

  8   celui de 2002, est-ce que vous avez été en mesure de mettre en évidence des

  9   augmentations ou des diminutions dans le nombre d'habitants non-Serbes de

 10   ce village ?

 11   R.  La population non-Serbe - et en particulier les Croates, les Hongrois

 12   et les Yougoslaves - la population composée par ces groupes a énormément

 13   diminué entre les deux recensements, le recensement de 1991 et celui de

 14   2002. Ceci on peut le voir au tableau 1 ainsi qu'à la figure numéro 2. La

 15   figure 2 reflète les données figurant au tableau numéro 1. Les Croates, les

 16   Hongrois et les Yougoslaves ont vu leur nombre diminué considérablement

 17   entre ces deux recensements. Globalement, ces trois groupes ont vu leur

 18   présence diminuée pour un total de 1283 personnes, ce qui correspond à une

 19   diminution de 76 % environ. Les autres groupes, en particulier les Serbes,

 20   ont vu une augmentation de leur importance entre ces deux recensements. Ils

 21   sont passés de 500 personnes environ à 2 400, en 2002, ce qui correspond à

 22   une augmentation très importante de 357 %.

 23   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Tabeau, afin que les choses

 24   soient bien claires, j'aimerais vous demander si un Yougoslave est défini

 25   comme étant un non-Serbe, ou est-ce qu'un Yougoslave c'est quelqu'un qui

 26   n'a fourni aucune information au sujet de son appartenance ethnique ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Les Yougoslaves, ce sont des personnes qui se

 28   déclaraient ainsi comme yougoslaves, lorsqu'on leur posait la question de


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  1   leur appartenance ethnique dans les deux recensements parce que, dans les

  2   deux recensements, cette question était une question ouverte, c'est-à-dire

  3   que les gens pouvaient répondre comme ils le souhaitaient à cette question.

  4   Donc les Yougoslaves ce ne sont pas des gens qui n'ont donné aucune réponse

  5   à leur appartenance ethnique; ils ont simplement dit qu'ils étaient

  6   yougoslaves. C'est ainsi qu'ils se sont définis. Pour l'essentiel, il

  7   s'agit de personnes issues de mariage mixte, par exemple, ce groupe, il est

  8   considéré distinctement ici parce que c'est un groupe qui était dégagé, qui

  9   se dégageait du recensement de 1991 et du recensement de 2002.

 10   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous le demande parce que, dans

 11   votre rapport, vous parlez d'autres non-Serbes comme étant, par exemple,

 12   des Hongrois ou des Yougoslaves; qui m'a entraîné ou m'a poussé à vous

 13   demander si, pour vous, les Yougoslaves étaient des non-Serbes ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je considérais qu'ils étaient des non-

 15   Serbes parce qu'on leur a donné la possibilité de se déclarer, de

 16   s'enregistrer en tant que Serbes au cours du recensement. Ils ont décidé de

 17   ne pas le faire. Ils se sont définis comme étant des Yougoslaves. Ils

 18   avaient décidé de ne pas se définir comme Serbes, Croates, Hongrois,

 19   Allemands ou et cetera, mais comme Yougoslaves. C'est une question qui

 20   revient souvent sur le tapis et je pense -- je suis convaincue même qu'ils

 21   constituaient un groupe à part, un groupe distinct, un groupe ethnique

 22   distinct, les Yougoslaves.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, le tableau qui figure en trois dimensions,

 24   c'est bien où on a en rouge le recensement de 2002, et en noir, le

 25   recensement de 1991; c'est un tableau parlant et tout le monde peut voir

 26   les bâtonnets et peut se reporter à la table 1 où on a dans le détail les

 27   habitants selon qu'ils sont hommes, femmes, Croates, Serbes, Hongrois,

 28   Yougoslaves ou autres. Ce tableau voit sans conteste que les Serbes sont en


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  1   masse en 2002, puisque nous voyons qu'en 2002, les Serbes sont au total de

  2   2396 alors qu'ils étaient que 531 avant. Mais saviez-vous, Madame, que les

  3   Serbes, qui sont arrivés dans ce village, avaient été expulsés, eux, par

  4   les Croates, notamment de la Krajina ? Est-ce que vous saviez cela ? On a

  5   dû vous le dire.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a probablement dans la population de

  7   2002, des gens qui sont arrivés d'ailleurs. Il y a aussi des Serbes de

  8   Croatie qui sont enterrés dans ce village comme ailleurs en Vojvodine. Il

  9   est impossible de justifier par une augmentation démographique normale une

 10   telle augmentation, un passage de 500 à 2 000 personnes, ce n'est pas

 11   possible. En dix ans, ce n'est pas possible.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Etait-il impossible d'étudier l'arrivée de ces

 13   Serbes expulsés en l'étalant dans le temps en 1992 pour voir à quel moment

 14   ils sont arrivés en grand nombre. Parce que je présume que quand ils sont

 15   arrivés, ils ont dû être pour le moins enregistrés dans la localité de

 16   Hrtkovci. Ça, vous n'avez pas fait d'étude là-dessus ou vous en avez fait,

 17   je ne sais pas.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, indéniablement, ils ont été enregistrés

 19   en Serbie. Les autorités serbes ont également procédé au recensement ou à

 20   l'enregistrement des personnes déplacées et des réfugiés. A l'époque déjà,

 21   ce système de recensement ou d'enregistrement existait et toutes les

 22   personnes venant de Croatie figurent dans le système. Je ne dispose pas des

 23   données correspondantes mais il est exact qu'il y a des documents qui

 24   existent et qui permettraient de procéder à l'étude de l'arrivée des Serbes

 25   de Croatie en Vojvodine ainsi que dans d'autres régions de la Serbie. J'ai

 26   demandé ces données dès 2003, mais je n'ai jamais reçu d'information parce

 27   qu'on m'a donné le prétexte qu'il s'agissait d'information confidentielle

 28   qui ne pouvait pas être communiquée. C'est faux, bien entendu. Parce que je


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  1   dispose exactement des mêmes données pour la Bosnie-Herzégovine, par

  2   exemple.

  3   Alors comme je n'ai pas ces données, ça ne veut pas dire forcément que je

  4   ne puisse mener à bien aucune analyse. Parce que je disposais malgré tout

  5   de statistiques globales que j'ai fait figurer dans mon rapport. Vous

  6   trouverez dans mon rapport un tableau numéro 6, page 18, page 18 dans la

  7   version en anglais du rapport. C'est un tableau qui est issu d'une revue

  8   officielle publiée par les autorités serbes, où vous avez toute sorte

  9   d'articles scientifiques sur toute sorte de questions avec notamment les

 10   données relatives à l'enregistrement des personnes déplacées et des

 11   réfugiés en Serbie, en Serbie, au Monténégro plutôt puisque c'est comme ça

 12   que s'appelait le pays à l'époque.

 13   Ces données, elles sont issues d'enquêtes extrêmement vastes menées

 14   en 1996, c'était le moment idéal après la guerre en Bosnie, après la fin de

 15   la guerre en Bosnie, on a vu arriver une vague très importante de Serbes de

 16   Croates en Serbie, après l'opération Tempête et l'opération Eclair. Ici,

 17   vous avez le moment de l'arrivée des intéressés qui est indiqué, mais pas

 18   seulement ça, c'est seulement un des aspects qui est envisagé, le moment de

 19   l'arrivée de ces personnes en Serbie. L'autre élément qui est indiqué ici

 20   c'est le pays d'origine, l'un des pays d'origine des personnes arrivantes,

 21   des réfugiés et des autres personnes affectées par la guerre puisque c'est

 22   ainsi qu'on les appelle c'est la Croatie.

 23   La Croatie, comme on peut le voir ici, il y a deux chiffres à la fin

 24   1991 et puis il y a 1992. Les réfugiés venant de Croatie, réfugiés et

 25   personnes affectées par la guerre parce que c'est une distinction

 26   importante qu'il convient de maintenir, à la fin 1991 ils étaient 56 194

 27   enregistrés donc des gens qui sont arrivés de Croatie, de tous les

 28   territoires de la Croatie pas uniquement de la Republika Srpska Krajina


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  1   mais des autres territoires de la Croatie; puis en 1992, on voit qu'ils

  2   sont 34 119, ceux qui arrivent, donc en tout ça nous donne à peu près 90

  3   000 arrivés. Ceci repose sur des sources extrêmement fiables.

  4   On peut en conclure d'autre part que c'est le chiffre maximal que

  5   l'on peut atteindre en Vojvodine. Mais toutes ces personnes ne se sont pas

  6   installées en Vojvodine. Vous avez un autre tableau dans ce rapport,

  7   tableau 5, page précédente, page 17, et là, j'ai indiqué où se trouvaient

  8   les personnes arrivantes et celles qui se trouvent en Vojvodine et celles

  9   qui se trouvaient en Serbie. Il y a environ 40 % des personnes qui sont

 10   arrivées qui se retrouvaient en Vojvodine. Je parle du total, du total des

 11   personnes qui est beaucoup plus important parce que ça correspond à toute

 12   la période du conflit à partir de 1991 jusqu'en 1996 même.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous permettez, Madame, je reviens à la question

 14   qu'a posée mon collègue et je me pose le problème suivant au niveau

 15   statistique. En 1991, il y a 426 personnes qui se déclarent Yougoslaves. En

 16   2002, il y en a 67 qui se déclarent Yougoslaves. Donc en dix ans, il y en a

 17   quand on fait la soustraction, il y en a à peu près 360 qui ont changé

 18   d'appartenance. Alors les 360 soit ce sont des Croates soit ce sont des

 19   Serbes soit ce sont des Hongrois. Donc les 360 seraient partis dans ces

 20   trois catégories. Si on considère que les 360 étaient tous des Croates - ce

 21   qui est impossible, statistiquement, c'est impossible - mais, à ce moment-

 22   là, les Croates, qui étaient 504 en 1991, ils étaient plus nombreux si on

 23   prend les 360, au moins le tiers dans les 360. Mais en 2002, là, on voit

 24   que les Croates tombent à 256, et la population croate a diminué de

 25   quasiment 50 %; vous me suivez ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr. Tout à fait, oui.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Un Croate sur deux qui a quitté le village en 2002,

 28   alors qu'ils étaient là avant et il y a quelque chose qui m'étonne. Sur les


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  1   256 Croates qui sont là, on a 110 hommes et 146 femmes. Or, vous voyez que

  2   tous les autres chiffres, fait que statistiquement hommes et femmes, c'est

  3   50/50, il y a moitié/moitié. Preuve en est, les Croates, 504 hommes et 502

  4   femmes, et ça, on le comprend parce que, dans le ratio des naissances, il y

  5   a un garçon, une fille en règle générale.

  6   Comment se fait-il qu'il y a un déficit de 30 hommes par rapport aux femmes

  7   en 2002 ? Est-ce que vous voyez une explication démographique ou

  8   statistique à nous indiquer car, en principe, il devrait y avoir autant

  9   d'hommes que de femmes ? Or là, il y en a 30 en moins, lors que, par

 10   contre, les Serbes ils sont le même nombre 1997 hommes et 1199 femmes; est-

 11   ce que vous avez une explication ou aucune ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai quelques observations à faire à ce sujet.

 13   Premièrement, la population telle qu'elle apparaît dans ce tableau à deux

 14   moments dans le temps : c'est-à-dire en 1991 au moment du recensement de

 15   1991 puis au moment du recensement de 2002. On voit que l'appartenance

 16   ethnique repose sur les déclarations faites au moment du recensement. Mais

 17   rien n'indique qu'il y a une garantie que les personnes qui s'étaient

 18   déclarées Croates au cours du premier recensement le sont restées. Ceci est

 19   vrai, il est vrai surtout parmi les Yougoslaves les gens avaient tendance à

 20   changer leur déclaration, leur appartenance ethnique suivant la situation

 21   politique pour l'essentiel au moment où le recensement avait lieu.

 22   Il est possible que certains Yougoslaves se soient déclarés Serbes au cours

 23   du recensement de 2002. Les chiffres que vous voyez ici donc ce que vous

 24   voyez ici ça présente une scène de partialité à cause de la perception qui

 25   a changé d'appartenance ethnique parmi les personnes qui faisaient l'objet

 26   du recensement.

 27   Idéalement, cette modification de l'appartenance ethnique devrait être

 28   évaluée en adoptant une attitude différente, ce que nous avons essayé de


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  1   faire ici, mais pour le faire, il faudrait que j'aie les éléments : les

  2   détails du recensement, les détails individuels. En recoupant les

  3   déclarations individuelles de chacune des personnes recensées, je pourrais

  4   comparer les groupes ethniques en utilisant les résultats du recensement de

  5   1991 en tant que ré-référence. Je n'ai pas pu le faire parce que les

  6   autorités chargées de la statistique en Serbie ont refusé de me les

  7   communiquer, en disant, que c'était confidentiel. Or on peut tout à fait

  8   prendre des précautions permettant de préserver l'anonymat des personnes

  9   tout en fournissant ces chiffres. Mais bon.

 10   Je ne peux pas vous expliquer ce qui est de l'évolution entre le

 11   recensement 1991 et le recensement de 2002 à cet égard.

 12   Maintenant pour ce qui est de la ventilation entre les sexes, on voit que,

 13   par exemple, pour les Serbes, effectivement il y a à peu près autant

 14   d'hommes que de femmes. Mais tout ceci dépend aussi de l'âge de la

 15   population, plus vous avez une population âgée, plus moins il y a d'hommes;

 16   et au sein de l'ex-Yougoslavie, la population -- la structure de l'âge de

 17   la population n'était pas la même. On savait bien que les Croates il y

 18   avait plus de personnes âgées parmi les Croates, donc ce qui peut expliquer

 19   votre question.

 20   Puis il y a peut-être aussi le fait qu'il y ait un nombre plus

 21   important d'hommes qui aient quitté le village. On voit que le nombre de

 22   Croates en 2002 qui manque c'est de 750 par rapport au recensement de 1991.

 23   Donc la population n'a pas retrouvé le même niveau en 2002. On constate

 24   l'opposé pour les Serbes. Pour ce qui est des Hongrois, on voit qu'il y a

 25   une forte baisse de la population, pour les Yougoslaves aussi, en partie à

 26   cause d'une manière différente de déclarer son appartenance ethnique au

 27   cours du recensement de 2002.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va être obligé de faire la dernière


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  1   pause. On reprendra après la pause.

  2   Je crois qu'il doit rester cinq minutes à Mme -- deux minutes.

  3   Mme BIERSAY : [interprétation] Il me reste une question.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.

  5   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci.

  6   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, pour le bénéfice des Juges de la

  7   Chambre, comparer la baisse de la population croate, entre les deux

  8   recensements avec l'annexe A que vous avez préparé ?

  9   R.  A l'annexe A, vous avez des informations concernant 722 personnes,

 10   disons 700 personnes; et on voit qu'entre 1991 et 2002 on voit qu'il y a

 11   diminution de 7650 personnes. Pour moi, ce n'est pas uniquement une

 12   coïncidence, ce n'est pas une simple coïncidence. Il est indéniable que la

 13   population des Croates a diminué entre les deux recensements et il est

 14   manifeste que les gens partaient du village. La question c'est de savoir à

 15   quel moment, et l'analyse qui a été réalisé à ce sujet, pour toute la

 16   période, même pour 2002, nous montre que c'est en 1992 que la grande

 17   majorité des gens ont quitté le village. La raison de leur départ, je ne

 18   sais pas. Ce n'est pas une question à laquelle j'ai pu répondre dans ce

 19   rapport, pour toutes sortes de raisons. D'abord, je n'ai pas expressément

 20   examiné les causes de ces départs, en utilisant les sources qui auraient

 21   permis de le faire.

 22   Mme BIERSAY : [interprétation] L'Accusation demande le versement au dossier

 23   de la pièce 2859F sur la liste 65 ter.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- numéro.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce MFI P572, et je

 26   précise, que la pièce 2859E sur la liste 65 ter recevra la cote MFI P571.

 27   Mme BIERSAY : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au témoin.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Une pause de 20 minutes. Ensuite nous reprendrons


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  1   aux environs de midi 15, et M. Seselj pourra commencer le début de son

  2   contre-interrogatoire, et il se poursuivra, bien entendu, demain.

  3   Alors on fait une pause de 20 minutes.

  4   --- L'audience est suspendue à 11 heures 55.

  5   --- L'audience est reprise à 12 heures 20.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors l'audience est reprise.

  7   Madame Biersay.

  8   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, je vous devais

  9   quelques informations à propos d'Ivan Grujic, et je peux maintenant vous

 10   dire et vous confirmer qu'il s'agit bien de la même personne. Donc la

 11   personne, qui a été remplacée sur la liste des témoins, est bel et bien la

 12   même personne que celle à qui l'on a envoyé cette demande d'assistance.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 14   Monsieur Seselj.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je le savais déjà, Monsieur le Président, comme

 16   vous le voyez, j'avais raison.

 17   Contre-interrogatoire par M. Seselj :

 18   Q.  [interprétation] Madame Tabeau, vous êtes née en Pologne, n'est-ce pas

 19   ?

 20   R.  En effet.

 21   Q.  De quelle appartenance ethnique êtes-vous ?

 22   R.  J'ai deux nationalités, je suis à la fois Polonaise et Néerlandaise.

 23   Q.  -- de quelle citoyenneté étiez-vous ? La question actuelle je ne vous

 24   pose pas la question au sujet de votre "nationalité." Quand on parle en

 25   serbe de "nationalité," cela parle "d'appartenance ethnique." Quelle est

 26   votre appartenance ethnique, disais-je ?

 27   R.  Ma réponse serait absolument identique, Polonaise et Néerlandaise.

 28   Q.  Mais votre père et mère étaient des Hollandais ?


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  1   R.  Non. Mes parents étaient tous les deux Polonais.

  2   Monsieur le Juge, puis-je faire une remarque, s'il vous plaît ? S'il va y

  3   avoir des questions d'ordre privé, j'ai le droit de protéger mon intimité

  4   et je ne tiens pas à discuter ceci en audience publique. Il s'agit de ma

  5   vie privée et j'ai envie de la protéger et je pense qu'il ne sert à rien

  6   d'en discuter en audience publique.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous voulez aborder des sujets très, très privés,

  8   concernant le témoin, le témoin demande à passer en audience privée. Voilà

  9   bon.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, la vie personnelle de ce

 11   témoin ne m'intéresse absolument pas. Je ne sais pas pourquoi le témoin a

 12   pris si peur que cela. Je n'ai plus rien à demander après ceci. Moi,

 13   j'avais demandé quelle était son appartenance ethnique, et j'avais voulu

 14   savoir quelle était sa confession, rien de plus, et cela ça doit être dit

 15   en public, rien de plus. Donc quelles sont sa nationalité et son

 16   appartenance religieuse ?

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, il y a peut-être eu un problème de

 18   traduction. Il semblerait que c'est votre appartenance religieuse qu'il

 19   voulait demander. Alors est-ce que vous estimez que ça relève de la vie

 20   privée ou vous voulez répondre en audience privée sur la religion ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'a déjà demandé quelle était la

 22   nationalité de mes parents et pour ce qui est de ma confession; ça aussi

 23   c'est tout à fait privée, à mon avis, je ne veux pas répondre à ce type de

 24   questions en audience publique, je veux un huis clos partiel pour ça.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais consulter mes collègues.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Seselj, la Chambre, qui a délibéré

 28   sur la question, estime que, concernant la religion si le témoin ne veut


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  1   pas répondre, elle ne répond pas. C'est sa liberté totale de choix. Voilà.

  2   Donc elle a dit qu'elle ne voudra pas répondre, elle ne répond pas.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais retirer cette question parce que

  4   j'estime qu'il y a des raisons pour lesquelles le témoin a honte dire

  5   quelle est son appartenance ethnique et quelles sont ses croyances

  6   religieuses, mais ça ne m'intéresse plus du tout. Je constate seulement que

  7   le témoin ne l'a pas dit, il doit y avoir une forte raison de ne pas le

  8   dire. Donc elle doit avoir honte de son appartenance ou de sa citoyenneté

  9   ou de ses croyances.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, le témoin n'a pas à avoir honte ou

 11   pas. Bon, elle a dit qu'elle était de parents polonais, très bien, et sur

 12   la religion, elle ne veut rien dire. Bon, c'est tout, donc passez à autre

 13   chose.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, ce qui est arrivé, c'est

 15   que j'ai demandé : quelle était son appartenance ethnique ? Le témoin a

 16   insisté sur sa citoyenneté. Je vous rappelle que nous avons eu un cas

 17   similaire avec Anthony Oberschall et Andrash [phon] Riedlmayer, tout à fait

 18   la même chose, la même situation. Ils sont persévéré à refuser quelles

 19   étaient leur appartenance ethnique et leur citoyenneté, et je ne vais pas

 20   insister, je vais passer à ma question suivante.

 21   M. SESELJ : [interprétation]

 22   Q.  Cela fait huit ans que vous travailler au bureau du Procureur à La

 23   Haye, n'est-ce pas ?

 24   R.  [aucune interprétation]

 25   Q.  Comment se fait-il que vous soyez venue à être employée par le bureau

 26   du Procureur à La Haye ?

 27   R.  J'ai posé ma candidature, et sur 60 candidats, c'est moi qui étais

 28   choisie.


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  1   Q.  Etait-ce un concours public ?

  2   R.  Oui, c'était une offre qui se trouvait sur le site Web des Nations

  3   Unies, donc c'était en effet une offre d'emploi tout à fait publique.

  4   Q.  [aucune interprétation] -- demandés par ce concours public ?

  5   R.  Il y a un profil de poste qui avait été affiché sur le site Web des

  6   Nations Unies, et on y trouve tous les critères, il y avait toute sorte de

  7   critères, et visiblement je les remplissais tous.

  8   Q.  Du point de vue des critères, il n'y a qu'une chose qui m'intéresse.

  9   Est-ce que, par ce concours, le bureau du Procureur de La Haye avait

 10   demandé un expert en matière démographique ? Est-ce qu'on a demandé à un

 11   démographe, ou est-ce que c'était un concours pour des professions variées

 12   ?

 13   R.  C'était une offre d'emploi pour des démographes.

 14   Q.  Sur 60 démographes, c'est vous qu'ils ont choisie. C'est ainsi que je

 15   dois comprendre votre réponse, n'est-ce pas ?

 16   R.  Je ne sais pas quels étaient les autres 59 candidats, je ne sais pas

 17   s'ils étaient tous démographes ou s'ils étaient plutôt spécialistes des

 18   sciences humaines, je ne sais pas. En tout cas, j'ai été visiblement le

 19   meilleur candidat puisqu'ils m'ont choisie.

 20   Q.  Mais le concours demande un démographe, cela sous entend que tous les

 21   candidats qui se sont présentés sont censés être des démographes. S'ils

 22   veulent répondre aux conditions requises, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, en tout cas, moi, je suis démographe et c'est le titre que

 24   j'utilise ici au sein de ce Tribunal.

 25   Q.  Mais vous n'en êtes pas sûre ?

 26   R.  Comment puis-je savoir ce qui se passait au niveau des autres candidats

 27   ? Je ne faisais pas partie du collège des personnes qui procédaient aux

 28   interviews des candidats, j'étais juste un candidat parmi d'autres.


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  1   Q.  Mais vous avez dû suivre la réalisation des éléments du concours, vous

  2   devez avoir connu des gens au niveau du bureau du Procureur qui vous ont

  3   fourni des informations à ce sujet, n'est-ce pas ?

  4   R.  Non, je ne connaissais pas les gens du bureau du Procureur, c'était en

  5   fait mon mari qui avait trouvé cet appel de la candidature sur le site des

  6   Nations Unies, c'est lui qui m'en a fait part.

  7   Q.  Comment expliqueriez-vous la notion de réfugiés ? Comment définissez-

  8   vous un "réfugié" ?

  9   R.  Ça dépend de la définition que l'on emploi. Il y a une définition

 10   juridique employée par des pays de l'ex-Yougoslavie ou les autres pays qui

 11   recueillent des informations et qui enregistrent les personnes déplacées et

 12   les réfugiés et puis la définition statistique que j'ai déjà employée dans

 13   le cadre de plusieurs rapports que j'ai faits pour ce Tribunal.

 14   Q.  Fournissez-nous enfin cette définition ?

 15   R.  Laquelle, la légale ou la statistique ?

 16   Q.  Celle que vous connaissez, Madame.

 17   R.  La définition juridique est la suivante : un réfugié c'est quelqu'un

 18   qui a quitté son domicile et son pays de résidence et qui n'est pas parti

 19   de façon volontaire, mais qui est parti du fait de persécutions ou par peur

 20   de persécution pour raisons ethniques, raciales, ou autres. Mais ce qui est

 21   important en fait c'est la peur d'être persécuté ou la persécution en tant

 22   que tel.

 23   En statistique en revanche, la définition est un peu différente. Par le

 24   passé, dans le cadre de plusieurs projets, nous avons comparé en fait le

 25   domicile des différentes personnes entre avant le conflit et après le

 26   conflit. En nous basant sur cette comparaison entre leurs domiciles, on en

 27   a tiré la conclusion qu'ils avaient été soit déplacés, soit réfugiés ou

 28   non.


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  1   Q.  Vos collègues au niveau du bureau du Procureur vous ont très bien

  2   instruit et je crois que vous avez acquis une grande expérience au niveau

  3   des autres procès pour ce qui est de faire dépenser le plus possible de

  4   temps alors qu'ils ont des contre-interrogatoires. Vous auriez pu répondre

  5   plus facilement.

  6   Mme BIERSAY : [interprétation] Il s'agit encore d'une qualification, c'est

  7   un commentaire qui est sans cesse, que M. Seselj fait sans cesse.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Ne faites pas de commentaires. Vous lui avez posé

  9   une question sur la définition de réfugié. Elle a donné la définition au

 10   sens des conventions de Genève de 1951 que tout le monde connaît. Après

 11   quoi elle a donné la définition de réfugié au sens statistique. Donc elle a

 12   répondu, pourquoi vous intervenez pour rajouter quelque chose ?

 13   M. SESELJ : [interprétation]

 14   Q.  Bon, essayons de simplifier, suivez-moi attentivement. Un réfugié c'est

 15   une personne, en terme simple, qui sent, pressent un danger et fuit ce

 16   danger. Donc, dans le nom même de "réfugié," il cherchait refuge. Donc un

 17   réfugié c'est une personne qui fait face à un danger, à un péril, un péril

 18   réel ou imaginaire, peu importe, mais il fuit son pays; vous êtes d'accord

 19   ?

 20   R.  Le danger, la peur, c'était une chose, mais il faut -- il peut aussi y

 21   avoir une personne qui est véritablement persécutée. Donc il est vrai, soit

 22   la personne est véritablement persécutée ou a peur de l'être, et je n'ai

 23   reçu aucune consigne de la part du bureau du Procureur si je peux faire un

 24   commentaire sur votre allégation.

 25   Q.  Bien. Je mets à profit une définition atténuée. Mais quand on parle de

 26   "réfugiés," on parle d'un problème de danger. Mais il suffit qu'on sente un

 27   danger de persécution ou de persécution potentielle. Pour cette peur -- du

 28   fait de cette peur le réfugié fuit son pays, n'est-ce pas ? C'est donc la


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  1   formulation la plus atténuée de ce que l'on pourrait qualifier de phénomène

  2   de réfugié parce que quand il y a persécution il n'est point nécessaire de

  3   mettre trop de mots et on peut parler d'une peur vis-à-vis d'un péril.

  4   J'atténue les choses au point de dire qu'il ne peut pas forcément y

  5   avoir et il ne doit pas forcément y avoir un danger réel, il peut y avoir

  6   un danger imaginaire ?

  7   R.  Je ne peux pas imaginer que la peur est imaginaire. Soit on a peur, on

  8   sent la peur ou on n'a pas peur. Donc, moi, c'est comme ça que j'envisage

  9   les choses.

 10   Q.  Je n'ai pas dit que la peur était imaginaire, j'ai dit que le danger

 11   était peut-être imaginaire. La peur c'est une catégorie subjective,

 12   l'autre, le danger est objectif.

 13   Donc quand on fuit, on laisse quelque chose derrière soi. D'abord on

 14   laisse les biens immobiliers mais souvent on laisse même des biens

 15   mobiliers après soi, parce qu'on ne peut pas tout emporter avec soi, n'est-

 16   ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Peut-on alors, d'après vous en qualité de démographe et d'expert, qui

 19   connaît la définition démographique et juridique de "réfugié," peut-on

 20   qualifier de réfugié une personne qui pour des raisons déterminées,

 21   quelques qu'elles soient, a le temps de trouver une autre personne pour

 22   échanger ses biens puis signer un contrat, enregistre ce contrat auprès du

 23   tribunal compétent, et en application de ce contrat organise ce

 24   déménagement ? Est-ce qu'on peut qualifier cette personne-là de réfugié ?

 25   R.  Si l'échange se fait de façon volontaire des deux côtés, dans ce cas-

 26   là, c'est volontaire, et là, il n'y a de peur. Mais tout dépend de la

 27   volonté d'échanger; en fait la propriété des échanges a bel et bien été des

 28   volontaires en Vojvodine.


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  1   Q.  Pour vérifier si ça s'est fait sur des bases de bénévolat, il fallut de

  2   se pencher sur ces contrats et vérifier un peu quels sont les biens, la

  3   valeur des biens qui sont échangés ? C'est la seule façon exacte de

  4   procéder à une vérification; ai-je raison de le dire ou pas ?

  5   R.  Je n'ai pas étudié les échanges. Si on m'avait demandé d'étudier les

  6   échanges de propriété, j'aurais utilisé d'autres sources que celles que

  7   j'ai employées dans le cadre de mon rapport. Je n'ai pas étudié cela, parce

  8   qu'on ne m'a pas demandé d'étudier les échanges de propriété.

  9   Q.  C'est justement pour ça que je vous pose la question parce que ça ne

 10   fait pas l'objet de votre rapport; mais vous, vous permettez, dans votre

 11   rapport, de parler de réfugiés et de personnes déplacées, et vous n'avez

 12   pas un seul élément de preuve disant qu'il y aurait eu un seul Croate

 13   originaire de Hrtkovci ou de Vojvodine en général pour être considéré comme

 14   étant réfugié. Il faut avoir des éléments de preuve objectifs et matériels

 15   du fait qu'il s'agit effectivement d'un réfugié, n'est-ce pas ?

 16   R.  Les documents officiels dont je dispose, c'est la liste des 116

 17   réfugiés que j'ai obtenue auprès des autorités croates. C'est la liste des

 18   personnes qui ont le statut de réfugiés, un statut légal de réfugié en

 19   Croatie. Quand on étudie cette liste, on voit qu'il y a quelques remarques

 20   qui sont faites à propos des propriétés, et on parle de propriétés perdues,

 21   on parle de propriétés échangées de façon involontaire aussi. Mais il est

 22   vrai que je ne dispose pas des contrats, des documents attestant du

 23   transfert de propriétés ou quoi que ce soit.

 24   Q.  Laissez les instances officielles de la Croatie de côté, si c'était une

 25   source pertinente de renseignement. Le bureau du Procureur convoquerait

 26   leur représentant à eux ici à témoigner et avec son assistance essayer de

 27   prouver qu'il y a eu des réfugiés croates originaires de la Vojvodine.

 28   C'est vous l'expert de l'Accusation, et c'est à vous que je demande de me


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  1   fournir quel élément de preuve que ce soit partant duquel vous pourriez

  2   avec certitude constater ou affirmer qu'une telle ou un tel, une seule

  3   personne, un seul réfugié de ce point de vue-là aurait fui un danger par

  4   peur, et qui aurait laissé ses biens pour aller chercher refuge dans un

  5   autre Etat. Cet élément de preuve vous ne l'avez pas, n'est-ce pas ?

  6   R.  Mis à part la liste des 116, et l'analyse des recensements de 1991 par

  7   rapport à 2002, où là on voit bien qu'il y a des personnes qui ont dû tout

  8   laissé derrière eux. Mis à part d'autre donnée portant sur les départs

  9   d'Hrtkovci, il est vrai que je ne dispose de rien d'autre.

 10   Q.  S'il vous plaît, vous ne pouvez pas tirer une conclusion disant que les

 11   gens ont dû abandonner leurs biens. Personne n'a abandonné ses biens. Tous

 12   ceux qui sont partis ont procédé à des échanges. Il se peut qu'on ait

 13   trouvé quelqu'un qui aurait vendu au préalable ses biens et serait parti en

 14   Autriche, Allemagne, Hongrie, que sais-je, mais il n'y a pas un élément de

 15   preuve disant qu'il y aurait eu un seul Croate originaire de Vojvodine qui,

 16   en application de sa définition juridique en application du droit

 17   international pourrait être qualifié de réfugié

 18   R.  Nous pouvons parler des sources que j'ai employées dans mon rapport, ce

 19   sont des sources dont je dispose et que j'ai étudiées. Le reste --

 20   Q.  On reviendra aux sources.

 21   Mme BIERSAY : [interprétation] Le témoin pourrait-il répondre ? M. Seselj

 22   est sans cesse en train de l'interrompre et lui interdit de finir ses

 23   réponses.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous aviez commencé à répondre, c'est aux lignes 22,

 25   23, 24, 25; et il -- qu'est-ce que vous vouliez compléter ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais dire que je n'ai pas de source qui

 27   porte sur les propriétés échangées ou des propriétés vendues ou propriétés

 28   qui n'ont pas été vendues. Je n'ai pas ces données, et c'est très clair


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  1   dans mon rapport d'ailleurs, je n'en dispose pas.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame l'Expert, on a eu des témoins. Vous vous

  3   imaginez bien que depuis que ce procès a commencé, il y a eu un grand

  4   nombre de témoins qui sont venus. Alors, de mémoire, il y a des témoins qui

  5   nous ont dit qu'ils ont échangé leurs appartements - et on a vu des

  6   contrats d'échange d'appartements - c'est un fait que nous avions constaté.

  7   Deuxièmement, certains ont dit que l'échange avait été encouragé ou suscité

  8   - on ne sait pas trop - par les Croates et les Serbes. Il y a même un

  9   témoin qui nous a dit que, d'après lui, il y avait un accord entre Tudjman

 10   et Milosevic pour organiser ces mouvements de population. Alors ce sont des

 11   événements, des faits qu'on nous a indiqués.

 12   Si cette situation que je viens de vous décrire c'était réellement -- est

 13   vraie, est-ce que ça aurait changé quelque chose dans votre étude et dans

 14   vos conclusions ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'aurais rien modifié, je ne pense

 16   pas. Mon rapport resterait tel quel, je répondais juste à la question, on

 17   m'a demandé si j'avais des preuves supplémentaires portant sur les échanges

 18   de propriété. Je n'en ai pas. C'est tout ce que j'ai répondu. Ça ne va pas

 19   plus loin.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez répondu sur la définition de "réfugiés."

 21   En vous écoutant, je me suis dit, mais pourquoi les démographes ne prennent

 22   pas dans leurs travaux, la même approche que la définition des "réfugiés"

 23   au sens de la convention de Genève ? Pourquoi ils ont une autre perception

 24   ?

 25   Je ne sais pas. Je ne suis pas démographe. Je ne sais pas quelles sont les

 26   études en la matière, mais pourquoi vous n'avez pas calé votre champ sur la

 27   définition des "réfugiés" définition reconnue en droit international ?

 28   Pourquoi vous avez une autre approche ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] -- une autre démarche en démographie. Nous

  2   respectons parfaitement la définition juridique de la convention de Genève.

  3   Il n'y a pas -- on n'emploie pas une définition différente, il y a des

  4   sources d'ailleurs dans tous les pays où on rencontre en fait du nombre de

  5   réfugiés selon la définition juridique ou demandeur d'asile aussi. Mais

  6   dans la science démographique, on étudie la migration, et là, on n'utilise

  7   pas uniquement les données portant sur les réfugiés et les demandeurs

  8   d'asile. On utilise d'autres sources aussi.

  9   Il y en a beaucoup d'ailleurs qui puissent être utilisées. Les études qui

 10   portent sur certains groupes de migrants -- d'émigrants ou d'immigrants,

 11   une personne partant, personne arrivant. Mais la définition statistique

 12   dont j'ai parlé, c'est la définition que j'ai employée dans le cadre de mon

 13   rapport d'expert ici.

 14   Puisque je n'avais pas assez de sources en fait pour vraiment cadrer avec

 15   la définition juridique, donc j'ai dû travailler avec ma propre définition

 16   qui me donnerait les conclusions dont j'avais besoin, en fait. Donc c'est

 17   pour ça qu'on a cette décision statistique qui est employée très souvent

 18   d'ailleurs dans le cadre d'étude démographique.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous vous écrivez "réfugié," dans votre

 20   rapport, le terme "réfugié," si je comprends bien, le sens que vous donnez

 21   au terme "réfugié," ça peut être le sens donné par la convention de Genève

 22   mais ça peut aussi avoir un autre sens; est-ce que c'est ça qu'on doit

 23   comprendre ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas dans ce rapport-là parce que, dans ce

 25   rapport, ces conventions de Genève, il y a une source, le "tableau des

 26   réfugiés," et ça s'appuie sur la définition juridique. Les autres je ne les

 27   appelle pas "réfugiés" parce que je ne sais pas ce qu'il en est d'eux. Ce

 28   sont des gens qui ont quitté le village, et pour beaucoup de ces personnes,


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  1   on sait qu'ils ont été "chassés et expulsés," mais, moi, je n'oserais pas

  2   utiliser le terme juridique de "réfugié" parce que j'ignore combien d'entre

  3   eux au bout du compte ont été reconnus comme réfugiés en Croatie et combien

  4   n'ont pas bénéficié de ce statut. Je ne le sais pas.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Je comprends ce que vous venez de dire.

  6   M. SESELJ : [interprétation]

  7   Q.  En tant que scientifique, vous devez constater que quelqu'un a le

  8   statut de réfugié en fonction que l'on peut ou on ne peut pas appliquer la

  9   définition des conventions de Genève et du droit international en général,

 10   et pas sur la base de la façon dont la personne a été enregistrée par les

 11   autorités croates. Qu'est-ce que vous en avez à faire de l'enregistrement

 12   des autorités croates ? Est-ce que vous faites confiance entièrement aux

 13   autorités croates ?

 14   R.  Ce n'est pas moi qui celle qui peut décider si un migrant qui arrive

 15   dans un pays est un réfugié ou pas. Je n'ai pas cette autorité moi. Dans

 16   tous les pays du monde, vous avez une instance qui dans le cadre de ses

 17   attributions doit prendre ce type de décision juridique. Moi, je suis tenue

 18   de m'appuyer sur les données et les statistiques fournies par ces

 19   instances, ces autorités, c'est ce que j'ai fait dans ce cas-là. Je ne peux

 20   pas repousser, rejeter, toutes les sources parce que telle ou telle

 21   personne, telle ou telle instance me plait ou pas. Il y a une autorité. Il

 22   y a une instance officielle qui est tenue de procéder à ce genre de travail

 23   dans le cadre de ces attributions et qui me donne des données que

 24   j'utilise, que je me contente d'utiliser.

 25   Q.  Vous, en tant que démographe, vous avez pu remarquer le déplacement de

 26   la population, ceci n'est pas contesté. Il y a eu des déplacements de la

 27   population en segment de ces mouvements de la population et ces mouvements

 28   de la population croate de Serbie en direction de la Croatie. Mais vous, en


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  1   tant que scientifique et en tant qu'expert du bureau du Procureur, vous

  2   deviez avoir une preuve irréfutable qu'il s'agissait là des réfugiés. Le

  3   document fourni par les autorités croates ne suffisait pas, le document sur

  4   lequel ils ont écrit que telle ou telle personne est réfugiée; comment

  5   pouviez-vous accepter cela ?

  6   Donc là, vous êtes devenue partiale dans cette guerre civile. Pour vous, ce

  7   que vous recevez des autorités croates, et vous le prenez comme un fait

  8   accompli.

  9   Mme BIERSAY : [interprétation] J'ai du mal à déterminer quelle est la

 10   question qui ressort du monologue que nous venons d'entendre.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'était pas une question que je posais au

 12   Procureur. C'est une question que je posais à l'expert du Procureur.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- vous a posé une question que j'ai

 14   compris, alors vous pouvez répondre ou pas ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je pense que oui. Moi, je n'ai pris

 16   partie pour personne. J'ai déployé des efforts considérables pour être

 17   aussi objective que possible. J'ai pris contact avec les autorités serbes.

 18   J'ai demandé des données issues du recensement de 1991 et 2002. J'ai

 19   demandé des données relatives aux réfugiés et aux personnes déplacées, j'ai

 20   fait la même chose en Croatie, et cetera. Donc mon approche a été

 21   exactement la même. Je n'ai pris partie pour personne.

 22   M. SESELJ : [interprétation]

 23   Q.  Vous avez dit que vous n'aviez pas à votre disposition les informations

 24   officielles sur les échanges de propriété. Mais puisqu'il s'agit là des

 25   contrats enregistrés auprès des tribunaux et les administrations que l'on

 26   peut trouver, si on le souhaite, pourquoi n'avez-vous pas essayé de les

 27   obtenir ? Regardez à Hrtkovci, il y avait des milliers de Croates qui y

 28   habitaient. Aujourd'hui, il y en a bien moins que cela. Vous avez le


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  1   recensement de la population de 1991. Vous voyez qu'aujourd'hui, il y a

  2   moins de Croates qui y habitent. Vous allez vous présenter au cadastre du

  3   tribunal de Ruma et vous demandez toutes les informations concernant les

  4   titres de propriété, ensuite c'est l'ordinateur qui vous fournit toutes ces

  5   informations.

  6   Vous voyez bien que quelqu'un a échangé ses biens avec quelqu'un et

  7   vous voyez les titres de propriété, vous voyez les contrats; pourquoi

  8   n'avez-vous pas fait cela ?

  9   R.  Moi, ce qu'on m'a demandé c'est de faire un rapport sur les migrations

 10   externes. Initialement, il s'agissait des migrations ou des migrations en

 11   provenance de la Vojvodine, de la province. Puis au fil du temps la

 12   mission, qui m'a été confiée, a évoluée à cause de manque de données

 13   correspondantes. On a fini par faire une étude sur Hrtkovci, et finalement,

 14   c'est la même chose qu'on me demandait de faire d'étudier les migrations et

 15   le départ des Croates et des non-Serbes en particulier. Si on m'avait

 16   demandé de faire un rapport sur les échanges, le rapport produit aurait été

 17   bien différent de celui que nous avons sous les yeux. On peut, bien

 18   entendu, faire le lien entre ces deux éléments, mais on ne peut pas dire --

 19   on ne peut pas me reprocher de ne rien à voir fait dans mon rapport à ce

 20   sujet parce que mon rapport ne portait pas sur les échanges.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez fait votre rapport, est-ce que vous

 22   saviez ou le bureau du Procureur vous avait dit qu'il y avait eu des

 23   échanges d'appartements ? Vous le saviez, ou bien vous ne le saviez pas, et

 24   vous avez fait une étude en ne tenant pas compte de ce facteur ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Au moment où on m'a demandé de procéder à ce

 26   travail, je n'étais pas informée des échanges de biens entre ces deux

 27   groupes de la population, j'ai appris qu'il en était ainsi au cours de mon

 28   projet. Mais mon travail est resté exactement le même, ce qu'on m'a demandé


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  1   dès le départ c'était de procéder à un travail de démographe, une étude des

  2   migrations, des flux migratoires. Bien entendu, il y a un lien, il y a un

  3   certain lien avec les biens immobiliers. Si on regarde le contexte plus

  4   général dans lequel s'inscrivent ces flux migratoires mais ce n'est pas

  5   quelque chose qu'on m'a demandé d'étudier particulièrement. On m'a demandé

  6   de procéder à une étude descriptive pas de trouver les causes des flux

  7   migratoires.

  8   M. SESELJ : [interprétation]

  9   Q.  Madame Tabeau, est-ce que vous savez que la personne qui, d'après

 10   toutes les règles en vigueur, procède à un échange de biens et ensuite

 11   déménage, et bien qu'on ne peut pas dire que c'est un réfugié conformément

 12   au droit international ?

 13   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Seselj, avant de laisser le

 14   témoin répondre à votre question, je dirais que, selon moi, le témoin ne

 15   peut répondre à cette question car le témoin n'est pas juriste.

 16   La position qu est la vôtre semble être la suivante, du fait que des

 17   personnes aient procédé à un échange volontaire de leurs biens, ces

 18   personnes ne peuvent pas être considérées comme des réfugiés au sens

 19   juridique du terme, et je ne vois pas très bien comment vous faites le lien

 20   ou pourquoi vous faites le lien entre ces deux éléments, le fait que d'une

 21   part des personnes aient échangé leurs biens immobiliers volontairement

 22   d'une part; et d'autre part, le fait que ces personnes peut-être avaient

 23   peur et étaient menacées ou persécutées. Mais le simple fait que quelqu'un

 24   ait procédé à l'échange volontairement de biens immobiliers ne permet pas

 25   de conclure que cette personne est partie volontairement. Donc je pense que

 26   la question que vous posez au témoin n'est pas une question à poser à

 27   quelqu'un qui n'est pas experte en matière de droit international.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge Harhoff, chaque jour j'ai peur


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  1   en venant ici dans ce prétoire. Je continue à venir pourtant. Il existe une

  2   différence entre l'intensité des différentes peurs. Vous avez des gens qui

  3   craignent la pluie, le vent, mais ce n'est pas la même peur. Ce n'est pas

  4   la peur qui doit faire que vous allez vous enfuir, que vous allez devenir

  5   un réfugié, que vous allez tout quitter, tout laisser. Fuyant devant le

  6   danger, c'est cela qui importe, cette différence entre l'intensité de la

  7   peur. C'est cela qui montre si les gens ont tellement peur qu'ils

  8   s'enfuient en quittant tout, en laissant tout derrière pour se sauver,

  9   sauver leurs enfants, ou bien est-ce que c'est juste une certaine peur qui

 10   règne, des incidents, la peur d'un avenir incertain ? Dans ce cas-là, il

 11   vaudrait peut-être mieux procéder à l'échange de nos biens et déménager.

 12   Ce n'est pas la même chose. Vous avez d'un côté la peur qui fait de

 13   vous un réfugié, et puis de l'autre côté vous avez la peur qui fait qu'il y

 14   ait un échange de populations, mais là, ce ne sont pas les réfugiés. Moi,

 15   je dis qu'aucun Croate de Vojvodine n'a été réfugié en Croatie parce

 16   qu'aucun d'entre eux n'ait parti en laissant tout derrière. Moi, je veux

 17   bien croire que la situation n'était pas agréable pour eux.

 18   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Seselj, merci de ce

 19   cours magistral. Mais, moi, ce que je voulais dire c'est que ce n'est pas

 20   une question qui peut être posée à un témoin qui n'est pas un expert dans

 21   le domaine, en matière de droit international. Voilà.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Mais justement le témoin parle de listes

 23   des réfugiés, des personnes persécutées. Elle mentionne ces personnes dans

 24   son rapport d'expert. C'est cela qui me pose problème, puisque le témoin

 25   parle des choses pour lesquelles il n'est même pas en mesure de prouver

 26   qu'elles aient existé. C'est pour cela que je doute de la validité de ce

 27   rapport d'expert. Si le témoin expert n'est pas capable de définir la

 28   catégorie même de réfugié croate de Vojvodine, et comment peut-on accepter


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  1   son rapport d'expert ?

  2   Est-ce que je peux poursuivre ?

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez.

  4   M. SESELJ : [interprétation]

  5   Q.  Dites-moi, Madame Tabeau : comment définirez-vous les personnes

  6   déportées et chassées ? Qu'est-ce que c'est qu'un réfugié, quelqu'un qui

  7   s'est fait chasser ?

  8   R.  Ma définition, personnellement, c'est que la personne soit expulsée,

  9   chassée pour toute sorte de raisons, en raison d'un certain nombre de

 10   facteurs qui se manifestent dans son lieu de résidence. La personne se sent

 11   chasser, expulser, enfin, à cause des circonstances.

 12   Q.  Mais je ne vous demande pas votre définition à vous. Je vous demande la

 13   définition de démographe qui vous a gouverné, il faut que ceci soit une

 14   définition acceptée par le monde entier, par tout le monde, pas votre

 15   définition privée. Le droit international a une définition de la personne

 16   expulsée.

 17   Il y a quelques jours, les autorités de Belgrade ont expulsé

 18   l'ambassadeur du Monténégro et de Macédoine. Ils avaient que quelques jours

 19   pour quitter la Serbie, donc ils ont été expulsés. Celui qui se voit

 20   menacer par un soldat qui lui dit : "Ça y est, tu t'en vas," et bien, on

 21   l'accompagne à la frontière et ensuite il est expulsé, il est expulsé par

 22   une certaine force. Ce n'est pas juste un sentiment de ne pas être accepté

 23   par l'entourage. Ce n'est pas ce sentiment individuel d'ailleurs d'un homme

 24   qui fait de quelqu'un un réfugié.

 25   Voilà, moi, je ne me sens pas bien ici, je ne me sens pas bien du

 26   tout ici mais, d'un autre côté, cela ne me vient même pas à l'esprit de

 27   penser que je suis un réfugié ou bien tenter de m'évader. Au contraire,

 28   j'essaie de profiter de la situation.


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  1   Donc donnez-moi, s'il vous plaît, votre définition du point de vue

  2   scientifique, la définition qui vous a gouvernée.

  3   R.  Les définitions se trouvent dans les sources de données que j'ai

  4   utilisées pour préparer mon rapport. Le terme de "réfugié," c'est un terme

  5   utilisé dans les données par les autorités croates, c'est le tableau des

  6   réfugiés comme je l'ai appelé. Puis le terme d«e "expulsé," il est utilisé

  7   dans le titre de la liste de 280 familles que l'on doit lire en conjonction

  8   avec la lettre et d'autres documents relatifs aux événements d'Hrtkovci à

  9   l'époque. Je pense que l'utilisation de ce terme me semble justifier. Moi,

 10   j'utilise le terme en fonction des sources dont je me suis servi pour

 11   préparer ce rapport. Mais je n'utilise pas ce terme lorsque je parle des

 12   registres paroissiaux que j'ai utilisés également, mais je l'ai fait

 13   figurer les éléments qui figurent dans ces registres dans la liste que vous

 14   trouvez à l'annexe A de mon rapport.

 15   Parallèlement, ce qui me fait penser que les départs de Hrtkovci n'étaient

 16   pas uniquement des départs volontaires dus à des facteurs économiques, qui

 17   se sont déroulés parce que les gens voulaient aller étudier ailleurs ou que

 18   sais-je encore, si on regarde la composition ethnique et sa modification

 19   entre 1991 et 2002, on voit qu'il y a eu un changement considérable. Donc

 20   on ne peut pas expliquer ça par une évolution démographique normale ou par

 21   des facteurs économiques, il doit bien y avoir quelque chose. Il y a des

 22   éléments qui expliquent cette modification. Tout cela me fait penser, et

 23   bien qu'il ne s'agit pas là uniquement de flux économiques normaux ou dus à

 24   l'éducation, et cetera, il y a des forces -- d'autres forces qui sont

 25   entrées en ligne de compte ici, qui expliquent cette modification

 26   considérable.

 27   Q.  Maintenant nous allons discuter de vos tableaux. Je vous mets en garde,

 28   vous êtes ici en tant qu'expert du bureau du Procureur. Vous êtes ici pour


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  1   prouver qu'un crime a été commis, c'est un crime qui a été défini par le

  2   statut de ce Tribunal comme un crime contre l'humanité. Ce crime contre

  3   l'humanité comprend différentes actions très précises, entre autres, la

  4   déportation.

  5   Vous devez connaître la définition de la déportation pour pouvoir la

  6   reconnaître ou ne pas la reconnaître. Vous ne pouvez pas vous baser sur des

  7   listes venues des sources croates mal intentionnées qui n'ont même pas

  8   essayé de se donner la peine de prouver qu'il s'agissait là véritablement

  9   de déportation, puisque vous n'avez aucune preuve d'un seul cas de

 10   déportation de la Serbie vers la Croatie. Vous n'avez pas aussi la preuve

 11   de l'existence d'un seul Croate qui pourrait être défini comme un réfugié

 12   venu de la Serbie.

 13   Selon le droit international privé, c'est la charge qui vous

 14   incombait, vous deviez être en mesure de le prouver.

 15   R.  Non, moi, on m'a demandé de faire un rapport pas forcément d'étayer

 16   l'acte d'accusation. On m'a demandé de préparer un rapport au sujet de

 17   Hrtkovci. J'ai pu avoir accès à un certain nombre de sources, et dans ces

 18   sources, dans deux de ces sources, on mentionnait expressément les mots de

 19   "réfugié et de personnes expulsées."

 20   Donc je ne dispose d'aucun autre élément m'indiquant si ces personnes ont

 21   été transportées en convoi dans des autocars, si elles étaient escortées

 22   par des soldats, et cetera, et cetera. Je ne dispose pas de ces éléments,

 23   je ne m'en suis pas servi pour préparer mon rapport. Mais j'ai, cependant,

 24   produit un rapport qui me paraît intéressant, qui me paraît contenir des

 25   informations utiles et qui permettent de comprendre ce qui s'est passé sur

 26   ces territoires.

 27   Q.  Je ne sais pas qui pourrait trouver cela utile; en tout cas, ce n'est

 28   pas dans l'intérêt de la juste de noircir les choses, de les cacher au lieu


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  1   de jeter de la lumière sur ce qui est au cœur de l'acte d'accusation. Vous

  2   devez prouver et montrer s'il y a eu des réfugiés, oui ou non, s'il y a eu

  3   des personnes déportées, oui ou non, et vous avez à votre disposition une

  4   certaine méthodologie que vous n'avez pas utilisée.

  5   Puisque cela fait huit ans que vous travailliez au bureau du

  6   Procureur, pourriez-vous me dire quel est votre salaire mensuel, Madame

  7   Tabeau ?

  8   Mme BIERSAY : [interprétation] Objection. Ceci n'a aucune pertinence.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est ce type de question qui a déjà été posée à un

 10   autre expert. Vous devez être classée dans une échelle P-2, P-3, P04. Je ne

 11   sais pas. Tout ça est connu. Vous avez un statut spécifique, Madame, ou

 12   vous êtes dans la hiérarchie des emplois de l'ONU ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis fonctionnaire du Tribunal et des

 14   Nations Unies, je suis P-3 -- un stade administrateur, P-3.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Bien. Elle est P-3. Regardez les

 16   documents de l'ONU, et vous aurez la réponse.

 17   Continuez, Monsieur Seselj.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Où voulez-vous que je vérifie cela, Monsieur le

 19   Président ? La dernière fois que j'avais posé la question, je n'ai pas pu

 20   trouver la preuve. Personne ne m'a expliqué à quoi correspond ces échelles,

 21   P-1, 2 et 3, 4, 5, je ne le sais pas; alors que je devrais le savoir.

 22   M. SESELJ : [interprétation] 

 23   Q.  Dans votre pays, le pays de votre origine et le pays qui est votre

 24   patrie naturalisée, un expert, quand il vient déposer devant un Tribunal,

 25   ne peut comparaître en tant qu'expert uniquement s'il n'a aucune attache

 26   avec le Procureur. Est-ce que vous le savez ?

 27   R.  Je ne comprends pas quels sont les points communs pour vous. C'est

 28   parce que mon bureau, mon service ça fait partie du bureau du Procureur.


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  1   Mais il est très indépendant mon service; je suis tout à fait autonome

  2   quand je prends des décisions dans le cadre de mon travail. Personne ne me

  3   donne de consigne, ne me dit ce qu'il faut que je fasse. Je suis experte

  4   indépendante de ce point de vue; mais si on regarde l'endroit où je

  5   travaille, effectivement mon bureau se trouve dans les locaux du bureau du

  6   Procureur, oui.

  7   Q.  Mais vous faites votre travail en fonction de ce que le Procureur

  8   désire, parce que si ce n'était pas le cas, vous ne seriez pas à leur solde

  9   pendant huit ans, mais vous auriez été licenciée avant. Vous ne pouvez pas

 10   être impartiale du point de vue scientifique; est-ce exact ?

 11   R.  Non, je ne pense pas que cela soit exact. Vous allez vraiment très

 12   loin. Vous êtes en train de dire que l'Accusation me dicte le type de

 13   résultats que je dois produire. Je l'ai déjà dit je suis indépendante,

 14   personne ne me dicte ma conduite et ne me dit ce qu'il faut que je fasse

 15   quels résultats il faut que j'obtienne. Les résultats ils découlent de

 16   l'étude des sources, de traitement des données, et de l'étude de documents

 17   connexes, et correspondants. Voilà comment nous procédons. Pourquoi est-ce

 18   qu'ils me gardent depuis huit ans ? Ça il faut leur poser la question à

 19   eux. Pas à moi.

 20   Q.  Pourquoi, alors, n'avez-vous pas fait un vrai rapport d'expert, un

 21   rapport sérieux, au contraire, vous avez basé votre rapport sur trois

 22   sources au total : la liste de 116 Croates soi-disant réfugiés, donnés par

 23   les autorités croates non identifiés; ensuite les registres d'une paroisse;

 24   et du livre de Marko Kljajic ? Ce sont vos trois sources, vous n'avez rien

 25   d'autre.

 26   La base de ces trois sources mal identifiées vous faites votre rapport

 27   d'expert et vous venez ici vous présenter en tant qu'expert. C'est vraiment

 28   exagéré que de dire que vous êtes ici en tant qu'expert du Procureur, alors


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  1   que vous fondez votre rapport d'expert sur ces trois sources et rien

  2   d'autre.

  3   R.  Quelle est votre question ? Qu'est-ce que vous voulez savoir exactement

  4   ?

  5   Q.  Pourquoi vous n'avez pas fait un vrai rapport d'expert sur le tome qui

  6   vous a été donné ? Vous avez fait votre rapport en vous fondant sur trois

  7   sources dont aucune fiable du point de vue de statistique, aucune de ces

  8   sources.

  9   D'ailleurs, je vais poser la question de façon plus simple. Vous êtes

 10   docteur de statistiques, donc c'est une méthode de mathématique utilisée

 11   appliquée aux sciences sociales; et vous deviez appliquer une méthode

 12   stricte, rigoureuse imposée par la science qui est la vôtre, pour établir

 13   une vérité scientifique. Au contraire, ce que vous avez fait, c'était de

 14   faire appel à une méthode incorrecte qui n'est pas acceptable dans la

 15   science qui est la vôtre et tout ceci pour corroborer cet acte d'accusation

 16   qui est complètement faut.

 17   R.  Je ne pense pas que cela soit exact; c'est tout à fait faux. D'abord,

 18   l'étude que j'ai faite sur Hrtkovci est extrêmement sérieuse. Je dois dire

 19   que j'estime que c'est une excellente étude. Alors ça c'est la première

 20   chose. Deuxièmement, si vous critiquez les sources, je n'irais pas dans

 21   votre sens, pas du tout. Par exemple, si j'avais utilisé uniquement les

 22   registres paroissiaux, je serais déjà très satisfaite. Parce que les

 23   registres paroissiaux c'est une source qui est utilisée partout dans le

 24   monde en matière de démographie. C'est une source excellente de données.

 25   Pendant des centaines d'années, pendant des siècles entiers, ces registres

 26   ont été tenus ça commence au XVIe siècle en Angleterre. Donc l'étude de ces

 27   registres c'est une source extraordinaire pour étudier l'évolution

 28   démographique. C'est une source qui a toujours été utilisée au cours de


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  1   l'histoire de la démographie, et c'est ce que j'ai fait à Hrtkovci.

  2   S'agissant des sources, je les trouve excellentes. Vous parlez de

  3   votre étude sérieuse. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Moi, j'ai une

  4   vision différente de mon travail, au début on m'avait demandé de procéder à

  5   une étude sur la totalité de la province de Vojvodine à partir des

  6   recensements, de l'enregistrement des réfugiés en Croatie et en Serbie, et

  7   cetera. Mais je ne suis pas parvenu à réaliser ce travail parce que je n'ai

  8   pas pu avoir accès aux sources appropriées pour ce faire. Je ne pense pas

  9   que cela ôte l'intérêt de l'étude de Hrtkovci, je pense qu'elle est très

 10   intéressante cette étude.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- on va terminer parce que nous devons

 12   terminer à 13 heures 15. L'audience donc reprendra demain avec la poursuite

 13   du contre-interrogatoire de M. Seselj.

 14   Je vous renouvelle mes consignes, à savoir, bien entendu, vous ne

 15   vous entretenez pas avec le Procureur sur la teneur de votre déposition

 16   aujourd'hui.

 17   Nous nous retrouverons tous demain à 8 heures 30 parce qu'on est du

 18   matin. Je vous remercie.

 19   --- L'audience est levée à 13 heures 14 et reprendra le mercredi 22 octobre

 20   2008, à 8 heures 30.

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