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1 Le mardi 21 octobre 2008
2 [Audience publique]
3 --- L'audience est ouverte à 8 heures 31.
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro
6 de l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie. Bonjour à tous. Il
8 s'agit de l'affaire IT-03-67-T, l'Accusation contre Vojislav Seselj.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
10 En ce mardi 21 octobre 2008, je salue Mme Biersay, M. Mundis ainsi
11 que leur collaboratrice, et je salue M. Seselj.
12 Je vais tout d'abord lire une déclaration que je vais faire et je
13 demande à M. Seselj d'être très attentif.
14 La semaine dernière, nous avions abordé publiquement la requête de
15 l'Accusation pour outrage à la cour relative à la publication d'un ouvrage
16 de M. Seselj où selon l'Accusation des témoins protégés auraient été
17 identifiés. L'Accusation a évoqué à diverses reprises la mise en cause de
18 l'accusé dans d'éventuelles menaces ou intimidations de témoins de
19 l'Accusation. Il s'agit d'une infraction définie à l'article 77(A)(iii) du
20 Règlement. Ces allégations du Procureur doivent, bien entendu, être
21 vérifiées avant qu'un acte d'accusation éventuel soit établi à l'encontre
22 de l'accusé ou de tout autre personne.
23 A la lecture des diverses écritures de l'Accusation sur ce sujet, je me
24 suis en tant que Juge posé la question de savoir si je ne devais pas me
25 récuser en application de l'article 15(A) du Règlement pour les procédures
26 d'outrage à la cour. En effet, il m'apparaît que si les allégations du
27 Procureur sont ultérieurement confirmées par une enquête, la question du
28 motif des agissements de l'accusé doit être posée. Pourquoi l'accusé Seselj
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1 aurait-il tenté de menacer ou intimider des témoins sinon pour éluder sa
2 responsabilité pénale dans le dossier dont il est accusé ?
3 Partant de ce constat, il m'apparaît que je ne pourrais juger sereinement
4 l'accusé Seselj dans le dossier principal si j'ai la conviction qu'il a
5 participé à une entreprise de menace et d'intimidation de témoins, et
6 qu'ainsi je pourrais avoir un préjugé sur sa responsabilité pénale dans le
7 dossier principal. Ce lien potentiel entre le dossier principal et les
8 dossiers annexes d'outrage à la cour concernant le même accusé Seselj
9 m'empêchent donc de traiter en toute impartialité les dossiers d'outrage à
10 la cour reprochés à l'accusé. Pour cette raison, j'ai informé dernièrement
11 le Président du Tribunal de ma décision personnelle de me récuser des
12 dossiers d'outrage à la cour et je lui ai demandé de désigner un autre Juge
13 pour siéger à ma place.
14 Je tiens à préciser qu'à ce jour, mes collègues, les Juges Harhoff et
15 Lattanzi, n'ont pas fait en ce qui les concerne la même démarche.
16 Outre cette récusation, j'ai en ma qualité de Président de la Chambre
17 dirigeant les travaux de cette Chambre en application de l'article 14 du
18 Statut demandé au Président du Tribunal de désigner une autre Chambre pour
19 traiter les requêtes d'outrage.
20 En effet, la gestion parallèle de deux dossiers par au moins deux
21 Juges de la Chambre est de nature à ralentir de manière importante le
22 procès qui je le rappelle doit être rapide en application de l'article 20
23 du Statut.
24 Les investigations qui doivent être entreprises dans le cadre des
25 requêtes d'outrage à la cour peuvent prendre des mois si elles sont faites
26 avec sérieux et compétences.
27 De même, si des personnes font ultérieurement l'objet d'actes d'accusation
28 et de procès, il y a de mon point de vue un risque très sérieux que
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1 l'actuel procès soit paralysé. Dans la mesure où ce Tribunal est composé de
2 16 Juges permanents et actuellement de 14 Juges ad litem, il n'y aurait
3 aucune difficulté à constituer une Chambre ad hoc pour le traitement de ces
4 requêtes d'outrage.
5 L'accusé a droit en application de l'article 21 du Statut à être jugé sans
6 retard excessif. C'est indiqué dans le Statut. Etant donné que l'accusé est
7 détenu depuis six ans, il y a actuellement un retard qui me paraît
8 excessif. Le fait de gérer de nouvelles requêtes qui viendraient allonger
9 les délais rendrait encore plus excessif ce retard. C'est donc la raison
10 pour laquelle j'ai demandé au Président de désigner une nouvelle Chambre.
11 Donc pour me résumer en deux mots, en ce qui me concerne, je me suis récusé
12 dans tous les dossiers concernant les requêtes pour outrage; et pour que ce
13 procès soit rapide, j'ai invité le Président à désigner une autre Chambre
14 pour s'occuper d'outrage.
15 Etant précisé que cette Chambre peut dans des meilleurs délais juger
16 l'affaire en cours dans la mesure où il reste pour le Procureur environ 40
17 heures pour terminer la présentation de ses témoins et qu'il n'y a aucune
18 raison de paralyser ce procès par des procédures annexes ou accessoires.
19 Voilà, Monsieur Seselj, ce que je voulais vous dire. Ça n'a pas été
20 décision simple à prendre mais j'ai estimé que, dans l'intérêt de la
21 justice, l'intérêt de votre procès, il ne fallait pas que je sois moi-même
22 préoccupé par la gestion d'autres dossiers qui risqueraient d'entraîner un
23 retard excessif dans votre procès.
24 Etant précisé que ça va faire plus d'un an que nous sommes déjà dans le
25 procès et que vous attendez votre procès depuis six ans. Voilà le sens de
26 ma demande au Président articulée en deux branches : ma récusation et la
27 désignation d'une autre Chambre pour que les procédures d'outrage à la cour
28 soient instruites.
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1 Si vous avez quelque chose à dire, vous le dites; sinon, nous allons passer
2 à d'autres sujets.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que votre
4 décision du point de vue légal se trouve être tout à fait justifiée parce
5 qu'il est évident que le bureau du Procureur recourt à des méthodes
6 politiques de règlements de comptes avec moi étant donné qu'il est
7 incapable s'agissant de ce procès de le conduire à son terme de façon
8 juridique telle que conçue par les Statuts.
9 Je vous rappelle qu'à plusieurs reprises, les représentants du bureau du
10 Procureur ont publiquement reconnu qu'ils avaient envisagé de faire en
11 sorte que 90 % des témoins dans ce procès se passent en application du 92
12 ter; puis pendant quatre ans, ils se sont efforcés à tout prix de m'imposer
13 un conseil de la Défense choisi par eux afin que ce procès se conduise en
14 dehors de mon contrôle et afin que je n'ai aucune possibilité d'exercer un
15 contrôle. Etant donné que ça n'a pas marché et étant donné que j'ai des
16 possibilités tel quel de me défendre, et loin de là d'être content de mes
17 possibilités de me défendre puisqu'il y a toujours de nouveaux obstacles
18 qu'on pose devant moi, le Procureur ne sait pas comment s'extirper de ce
19 procès. A présent, il voudrait diligenter une campagne à mon encontre en
20 affirmant que je procède à de l'intimidation des témoins. Je n'ai jamais
21 intimidé aucuns témoins, je n'ai exercé aucune pression à l'encontre des
22 témoins. Ça fait des années que je ne connaissais -- depuis des années je
23 ne connaissais pas les noms des témoins; et il y a eu une procédure
24 d'outrage que j'ai entamée en me fondant sur des dépositions de personnes
25 qui ont été entendues par le Procureur, mais qui n'ont jamais été d'accord
26 pour être des témoins de l'Accusation, à partir de Jovo Ostojic et autres.
27 Je ne veux pas tous les citer.
28 Quand j'ai dit cela en public, ils se sont -- il y a eu des gens qui se
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1 sont précipités, qui étaient sur la liste de l'Accusation, et qui ont
2 affirmé avoir été manipulés, qu'ils ont fait l'objet de chantage et qu'ils
3 ont signé des choses qui n'étaient pas en réalité leur véritable
4 déclaration. C'est cela la substance.
5 Pour ce qui est de ce livre relatif à (expurgé), il y a une grande
6 mystification en cours partant de ce livre, il y a eu une étude faite par
7 mes collaborateurs pour être ajouté aux dernières objections à l'acte
8 d'accusation. Etant donné que c'était volumineux, 300 pages, vous avez dit
9 qu'il n'était pas nécessaire de le faire traduire en anglais. Moi, ja0
10 demandé à ce que ce soit fait mais qu'on sorte les noms du texte et que
11 l'on se sert de codes et vous allez voir tout ceci avec les noms de codes.
12 Le fait que quelqu'un de conscient et d'intelligent peut comprendre de qui
13 il s'agit, bien, que voulez-vous que j'y fasse ?
14 Maintenant le Procureur --
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a M. Mundis qui s'est levé.
16 Monsieur Mundis.
17 M. MUNDIS : [interprétation] Bonjour à tous.
18 A nouveau, nous, avec tout le respect que nous vous devons, on vous demande
19 à dire à M. Seselj de faire très attention en ce qui concerne les
20 commentaires qu'il fait à propos de ce livre, étant donné que nous avons
21 indiqué dans ce prétoire, nous l'avons déjà indiqué ici que nous avons
22 déposé quand même une requête d'outrage à la cour, et qui parle de ce -- M.
23 Seselj parle de ce livre dans ce prétoire, il pourrait très bien en fait
24 s'incriminer lui-même. Il faut qu'il fasse très attention quand même à ces
25 propos parce qu'on peut -- tout cela pourrait très bien se retourner contre
26 lui.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, évitez d'aborder le contenu du
28 livre. Vous l'avez dit déjà la semaine dernière. Bon, tout le monde sait ce
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1 que vous avez dit, ne parlez pas du contenu du livre.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je suis fier de ce
3 livre. Ce livre a été rédigé absolument conformément à mes instructions
4 strictes, envoyées depuis La Haye vers mes collaborateurs; et tout ce qui
5 est contenu dans ce livre, je le maintiens. Mes collaborateurs ont été mon
6 bras rallongé, pour ce qui est de la rédaction de ce livre.
7 On ne saurait pas me faire peur procès d'outrage au Tribunal, on ne va pas
8 me faire peur en me disant que je suis menacé, étant que je suis menacé
9 d'une prison à perpète. Maintenant on me menace de sept ans. Que voulez-
10 vous que j'en fasse ? C'est avec plaisir que je vais participer à ce procès
11 et je vais démasquer jusqu'au bout tout ce qui est fait parce qu'on ne peut
12 pas me faire peur de la sorte. Ceux que j'ai dit à quelque moment que ce
13 soit, je le maintiens de nos jours, je n'ai jamais renoncé à quelques
14 propos de ma part que ce soit tout ce que j'ai déclaré dans ma vie, et si
15 j'ai pu, je l'ai publié dans mes livres, et j'en suis fier de cela aussi.
16 Point n'est nécessaire donc d'en débattre au-delà.
17 En quoi où est ici la substantifiquement [comme interprété] ? Le Procureur
18 cherche à acheter du temps, à gagner du temps, et il s'efforce de rallonger
19 ce procès-là. La semaine passée, on a perdu une journée parce qu'il n'avait
20 pas de témoin. Cette semaine, on va, de façon évidente, perdre une autre
21 journée parce que, quand on aura terminé ce témoin expert, on aura encore
22 un témoin et plus rien. On a donc perdu un mois parce qu'ils ont demandé à
23 ce qu'on fasse une pause en attendant que l'on décide de l'avocat commis
24 d'office ou pas.
25 Alors on a vu ici 43 témoins de l'Accusation, et l'Accusation a connu un
26 fiasco avec ces témoins. Ils n'ont rien à quoi ils pourraient s'accrocher
27 pour étayer les thèses de l'acte d'accusation. Ils n'ont rien du tout,
28 l'opinion publique toute entière le voit, et vous en tant que Juges de la
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1 Chambre, vous le voyez aussi parce que vous avez également été présents aux
2 séances à huis clos partiel.
3 Maintenant ils sont en train d'adhérer dans l'obscurité pour se trouve une
4 issue, il n'y a qu'une issue possible pour une capitulation totale, et plus
5 vite et plutôt ils capituleront, plus ils sauveront la face. Il vaut mieux
6 qu'ils capitulent, et ils ont voulu empêcher leur propre capitulation, ils
7 ont donc ouvert des fronts accessoires. Mais si je les bats sur le front
8 principal, je serais encore plus en mesure de débattre sur les fronts
9 accessoires.
10 Madame et Messieurs les Juges, dans ce Tribunal, nous avons vu des procès
11 où il y a eu des témoins de l'Accusation qui ont été abattus, il y a eu des
12 kidnappings, des enlèvements. Dans l'affaire Milosevic, on a enlevé le fils
13 et la fille d'un témoin et on les a liquidés. Maintenant pour ce qui est
14 des témoins de la Défense.
15 Dans ce procès-ci, jamais aucun témoin n'a perdu un cheveu de sa tête.
16 Aucun témoin n'a connu des désagréments. Le seul désagrément peut consister
17 à une condamnation morale, lorsque l'opinion publique apprend qu'un tel a
18 témoigné et il est démasqué dans ces mensonges et on le condamne de cette
19 façon. C'est une condamnation morale, mais ce n'est pas une intimidation.
20 Ce n'est pas non plus des pressions à l'encontre du témoin. Tout le monde
21 peut faire l'objet d'une condamnation morale, les Juges de la Chambre, les
22 membres de l'Accusation, et moi-même, si nous faisons quelque chose qui
23 serait répréhensible sur le plan moral. Tout ce qui est contraire au droit,
24 bien entendu, dans un point de vue plus vaste est également moralement
25 impropre.
26 Je pense qu'en substance, ce procès ne devrait être obstrué par quoi que ce
27 soit, et sans collaborateur, sans personne pour m'aider, si je suis obligé
28 à y participer, à y prendre part, et l'Accusation doit être capable d'y
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1 prendre part aussi.
2 Maintenant pour ce qui est des outrages au tribunal - et je pense que les
3 auditions dans le cadre de ces procès doivent être tenues hors du temps
4 prévu pour le procès en tant que tel - ça peut être dans l'après-midi, ça
5 peut être dans le matin, ça peut être la nuit, ça peut être le week-end. Je
6 ne veux pas le savoir, j'insiste pour que toutes procédures auxiliaires ne
7 viennent pas entraver le procès en tant que tel, parce que tous les délais
8 raisonnables pour conduire à son terme ce procès sont passés, tous les
9 délais raisonnables. Cela fait longtemps que nous sommes dans des délais
10 déraisonnables, il n'y a pas de précédent à une chose pareille dans ce
11 monde civilisé.
12 Que peut prouver le bureau du Procureur ? Rien du tout. Ils peuvent trouver
13 personne à qui j'aurais envoyé des menaces, qui aurait fait l'objet
14 d'intimidation ou de pression de ma part. Cet homme n'existe pas. Ils ne
15 peuvent pas prouver --
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, je vais vous interrompre.
17 Comme je l'ai dit, moi, je ne suis pas maintenant dans les procédures pour
18 outrage, donc je n'ai pas capacité à vous entendre sur la procédure pour
19 outrage. Je tenais à vous informer de ma décision qui est personnelle parce
20 que mon intérêt est que vous soyez jugé le plus rapidement possible dans le
21 dossier principal. Il m'est apparu que je ne pouvais pas considérer
22 également que vous étiez potentiellement coupable dans l'affaire d'outrage,
23 alors même que vous êtes jugé sur un dossier principal. Moi, je me consacre
24 uniquement sur votre dossier principal. Bien, maintenant j'attends la
25 décision du Président sur la désignation d'une autre Chambre. Ou le
26 Président pour le dossier accessoire considère que mes deux collègues
27 peuvent être dans cette branche, et il nommera un autre Juge, et ils
28 géreront le dossier accessoire comme ils le voudront. Moi, je ne gère que
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1 le dossier principal qui est l'objet de toutes mes préoccupations.
2 Pour ce dossier principal, je suis obligé de passer à huis clos parce que
3 je dois interroger le Procureur sur un élément aussi important.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
5 partiel.
6 [Audience à huis clos partiel]
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4 [Audience publique]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors je rappelle que, Madame Biersay, vous
6 aurez une demi-heure pour poser vos questions afin d'introduire le rapport
7 de cet expert, après quoi M. Seselj aura pour son contre-interrogatoire
8 deux heures, et les Juges poseront des questions; et en cas de nécessité,
9 vous avez le droit donc à poser des questions supplémentaires. On vous a
10 octroyé une heure pour les questions supplémentaires éventuelles. Mais,
11 bon, si le contre-interrogatoire est complet et si les questions des Juges
12 sont complètes, il n'y aura peut-être pas nécessité de questions
13 supplémentaires, mais ça on verra en fonction du déroulement de l'audience.
14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Bonjour, Madame. Pouvez-vous me donner votre
16 nom, prénom et date de naissance ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Ewa Tabeau; je suis née
18 le 26 avril 1958.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- votre profession ou qualité actuelle
20 ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis démographe au sein du bureau du
22 Procureur au TPIY.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, Madame, j'ai déjà eu l'occasion de vous voir
24 déposer devant moi dans le cadre d'un autre procès, et je sais que vous
25 avez déjà témoigné. Pouvez-vous donner la liste de tous les procès dans
26 lequel vous avez déposé en qualité d'expert ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] La liste se trouve dans mon rapport dans la
28 partie correspondant à mon C.V. Je vais vous donner les affaires dans
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1 lesquelles j'ai déposé récemment : l'affaire Lukic, l'affaire Dragomir
2 Milosevic, j'ai témoigné dans l'affaire Prlic, dans l'affaire Milosevic,
3 dans l'affaire concernant le général Galic. J'ai déposé dans l'affaire
4 Popovic, dans l'affaire Simic et consorts, et dans l'affaire Vasiljevic
5 aussi, me semble-t-il. Je crois que ça couvre à peu près la totalité des
6 procès dans lesquels j'ai déposé.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
10 LE TÉMOIN : EWA TABEAU [Assermentée]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous nous l'avez dit, vous avez déjà témoigné
15 à plusieurs reprises. Je crois d'ailleurs que vous êtes certainement
16 l'expert qui a le plus témoigné devant ce Tribunal; donc ce que je peux
17 vous dire n'a aucun mystère pour vous.
18 Vous savez que vous allez devoir répondre à des questions qui vont d'abord
19 vous être posées par Mme Biersay; après quoi, M. Seselj, qui est accusé
20 dans ce dossier, vous posera des questions dans le cadre du contre-
21 interrogatoire. Les trois Juges qui sont devant vous pourront également
22 vous poser des questions sur le contenu de votre rapport. Voilà ce que je
23 voulais vous dire à titre liminaire.
24 Essayez d'être très précise dans les réponses que vous apportez aux
25 questions posées. Si vous ne comprenez pas le sens d'une question,
26 n'hésitez pas à demander à celui qui vous la pose, même si c'est un Juge de
27 la reformuler.
28 Nous faisons des pauses toutes les heures et demies mais si, à un
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1 moment donné, vous voulez qu'on s'arrête pour une raison ou pour une autre,
2 n'hésitez pas à nous le demander.
3 Comme vous avez prêté serment et qu'il y a certainement la
4 possibilité que demain votre audience se poursuive. Vous êtes maintenant
5 témoin de la justice, ce qui implique à partir de maintenant, vous n'avez
6 plus aucuns contacts avec le bureau du Procureur, la hiérarchie du bureau
7 du Procureur. Si vous retournez dans votre bureau, vous restez dans votre
8 bureau mais vous n'avez pas de contacts avec les collègues du bureau du
9 Procureur pour éviter des interférences entre le témoin et l'Accusation.
10 Mais vous le savez aussi bien que moi, on a dû déjà vous le dire, et la
11 Chambre vous fait totalement confiance pour cela.
12 Madame Biersay, je vous donne la parole.
13 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Je me réfère à la décision de la Chambre du 15 octobre 2008, au terme de
15 laquelle Mme Tabeau est considérée comme témoin expert et dans le cadre de
16 la préparation du rapport sur Hrtkovci, je ne vais pas poser énormément de
17 questions au sujet du parcours professionnel de Mme Tabeau.
18 Interrogatoire principal par Mme Biersay :
19 Q. [interprétation] Je voudrais simplement vous poser une question, Madame
20 Tabeau : quel est le diplôme le plus important qui soit le vôtre et où
21 l'avez-vous obtenu ?
22 R. Je suis diplômée de l'école d'Economie de Varsovie et j'ai un diplôme
23 en démographie mathématique.
24 Q. Depuis combien de temps travaillez-vous au bureau du Procureur au
25 service chargé de la Démographie ?
26 R. Depuis septembre 2000, c'est-à-dire à peu près huit ans.
27 Q. Pouvez-vous nous dire quelle est la nature de votre travail à peu près
28 ?
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1 R. La section dans laquelle je travaille doit fournir des statistiques.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai entendu que vous étiez diplômée de Varsovie et
3 là, on a marqué de "Moscou." Alors où avez-vous obtenu votre diplôme ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] A Varsovie, à Varsovie, Pologne, pas à Moscou.
5 Je ne suis jamais allée à Moscou d'ailleurs.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors c'est à la ligne 9, page 23, "Varsovie"
7 remplace "Moscou."
8 Bien.
9 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 Q. Vous nous avez dit, tout à l'heure, qu'il y a un exemplaire de votre
11 C.V. qui est en annexe au rapport qui a été fourni en l'espèce ?
12 R. Oui.
13 Q. Est-ce qu'il s'agit de l'annexe B du rapport ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que vous avez également préparé une version mise à jour de votre
16 curriculum vitae ?
17 R. Effectivement, c'est une version abrégée dans laquelle je fais figurer
18 mes dernières activités.
19 Q. Est-ce que ceci se trouve dans votre classeur, sous le numéro 65 ter
20 2859B ?
21 R. Effectivement.
22 Q. J'aimerais vous demander, Madame, de consulter le rapport que vous avez
23 préparé pour l'espèce; un rapport qui porte la date du 29 juin 2006, n'est-
24 ce pas ?
25 R. Effectivement.
26 Q. Un document qui s'intitule : "Emigration externe des Croates et
27 d'autres non-Serbes à partir du village de Hrtkovci en Vojvodine en 1992,"
28 n'est-ce pas ?
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1 R. Oui, c'est exact.
2 Q. Afin de simplifier nos échanges, quand je parlerai de ce rapport, je
3 parlerai soit de votre rapport, soit du rapport de Hrtkovci.
4 Permettez-moi de vous signaler qu'il s'agit du premier document dans votre
5 classeur et il s'agit du document qui porte la cote 2859 sur la liste 65
6 ter.
7 R. Effectivement.
8 Q. Est-ce qu'il s'agit, Madame, du rapport que vous avez préparé pour
9 l'affaire qui nous intéresse ici ?
10 R. Effectivement.
11 Q. J'aimerais vous demander maintenant de nous parler de la méthodologie
12 employée, des sources que vous avez utilisées pour préparer votre rapport
13 en l'espèce. Cette méthodologie, ces sources, cette démarche que vous avez
14 employée pour préparer ce rapport, comment -- est-ce que vous pouvez les
15 comparer aux méthodologies, sources et autres que vous avez utilisés pour
16 préparer d'autres rapports d'expert ?
17 R. Ça concorde tout à fait avec les méthodologies, sources et approches
18 que j'ai employés pour la préparation d'autres rapports. Il y a concordance
19 totale.
20 Q. A partir de votre expérience, de votre formation, pouvez-vous nous dire
21 si cette méthodologie, ces sources, cette démarche qui ont été les vôtres
22 sont acceptables vu les normes qui s'appliquent dans le domaine de la
23 démographie portant sur les conflits armés ?
24 R. Oui, tout à fait. Oui, il s'agit d'ailleurs d'approches, de démarches,
25 qui sont utilisées plus largement dans le domaine de la statistique.
26 Q. J'aimerais maintenant que nous examinions ensemble l'annexe A de votre
27 rapport. Qu'est-ce que c'est l'annexe A de votre rapport ?
28 R. Il s'agit d'une liste de personnes qui sont au total 722, ce sont des
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1 personnes dont je sais qu'elles ont quitté Hrtkovci dans le cadre des
2 événements de mai à août 1992.
3 Q. Cette annexe, elle correspond à quelle période de temps ?
4 R. Ça correspond à peu près à l'été 1992, c'est une période qui va de mai
5 à août 1992, mais il y a également des enregistrements, des informations
6 ici --
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me permets d'intervenir tout de suite parce que
8 je vous écoute avec attention.
9 Concernant cette liste, vous avez indiqué que c'est une liste qui
10 concerne les gens qui ont quitté ce village entre mai et août 1992. Or,
11 regardez le premier nom, "Akrap," vous avez fait une colonne "départ," et
12 je vois que son départ est le 15 décembre. N'y a-t-il pas un problème ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il n'y a pas de problème. C'est justement
14 ce que j'allais vous expliquer.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : [Hors micro]
16 LE TÉMOIN : [interprétation] La liste est intitulée : "Personnes qui ont
17 quitté Hrtkovci dans le cadre ou en relation avec les événements de mai à
18 août 1992," mais cette liste il faut considérer que c'est une liste qui va
19 plus loin, c'est-à-dire que ça ne correspond pas au départ pendant cette
20 période limitée de mai à août 1992; non, ce sont les départs de personnes
21 d'Hrtkovci pendant essentiellement cette période, mais ça correspond
22 également aux départs qui ont eu lieu avant au début de l'année et à la fin
23 de l'année. Puis il y a également 13 personnes qui sont mentionnées ici
24 dans cette annexe A et qui ont quitté Hrtkovci au cours du premier semestre
25 de l'année 1993.
26 Donc je le répète, cette liste c'est une liste qu'il faut voir de
27 manière plus large que la simple période mai à août 1992, il s'agit des
28 départs qui sont en rapport avec les événements qui ont lieu pendant cette
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1 période, mais la majorité des départs se sont déroulés entre mai et août
2 1992.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Doit-on, pour être très précis, comprendre qu'il y a
4 des départs qui ont eu lieu avant le mois de mai 1992, mais ces départs
5 seraient causés par anticipation aux événements de mai jusqu'à août ? Est-
6 ce que c'est cela que vous voulez nous dire ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas ce que j'essais de vous
8 dire. Je pense que j'ai dit que c'est une liste qui est plus large, plus
9 étendue. Les départs qui ont commencé à partir de mai et qui ont eu lieu
10 plus tard, ils ont incontestablement un lien avec les événements qui ont
11 lieu début mai et ensuite. Mais je crois que la situation dans cette région
12 était déjà très affectée, très touchée, très influencée par la situation en
13 Yougoslavie, en Croatie par le conflit en Croatie qui a commencé comme on
14 le sait en 1991. Donc les départs à Hrtkovci pendant cette période ne sont
15 pas en relation stricte avec les événements de mai. Il y avait une
16 situation générale qui a eu un impact et qui a causé d'autres départs
17 également.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc si je comprends bien, il se peut que
19 quelqu'un qui parte au mois de mai de ce village puisse partir non pas pour
20 les événements qui se sont déroulés au mois de mai, notamment peut-être le
21 discours de M. Seselj qui a eu lieu le 6 mai, mais pour des raisons autres
22 qui pourraient être liées, comme vous l'avez dit, à la situation générale
23 de l'époque ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans mon rapport, je n'ai pas parlé des causes
25 et des motivations en fait pour quantifier ces facteurs. Je ne veux pas
26 dire pourquoi ces gens sont partis, je ne peux pas dire à chacun il est
27 parti pour [imperceptible]. Mais j'ai étudié le moment où ils sont partis,
28 et donc j'ai remis cela, j'ai vu ça dans un cadre plus long, n'est-ce pas,
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1 de 1949 jusqu'à 2000, donc cela permet de voir toute sorte de différents
2 schémas de départ. D'autre part, je montre -- quand j'ai étudié l'année
3 1992, j'ai étudié ces schémas de départ et j'ai vu quand même qu'il y avait
4 des irrégularités, et j'y reviendrai. Je n'ai pas étudié les causes, mais
5 on peut en tirer des conclusions certes. Quand on voit un peu le moment où
6 ces départs sont intervenus, on peut arriver à chercher les causes.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'ai posé ces questions afin que l'on soit
8 très précis. C'est parce que nous avons eu un certain nombre de témoins qui
9 sont venus témoigner et nous savons par leurs dires et par des documents
10 que certains Croates ont quitté ce village avant le mois de mai 1992 et
11 qu'un certain nombre - quelques-uns, pas des dizaines, pas des centaines -
12 mais quelques-uns ont, par exemple, rejoint la garde nationale croate, et
13 ça c'était des départs volontaires. Je me demande si statistiquement vous
14 les prenez en compte ces départs volontaires ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous ai dit, dans mon rapport, je
16 n'ai pas fait la différence entre les gens qui partent volontairement et
17 les gens qui partent de façon involontaire puisque je n'ai pas étudié les
18 causes des départs, je ne me suis pas penché là-dessus. Certaines des
19 sources que j'ai employées dans mon rapport peuvent servir à appuyer le
20 fait que les gens sont partis de façon involontaire des réfugiés, par
21 exemple, qu'on a retrouvé en Croatie. Ces personnes qui ont en fait un
22 statut légal de réfugié, ça signifie bien qu'ils ne sont pas partis d'eux-
23 mêmes, ils ont été forcés de partir. Mais il y a d'autres listes que
24 j'emploie, les personnes [imperceptible], donc ceux-là n'ont pas le statut
25 de personnes chassées d'Hrtkovci, donc ceux-là, bien sûr, ne sont pas des
26 personnes déplacées dans le pays en tant que tel et cetera, mais on les
27 appelle chassées quand même. Donc je n'ai pas étudié cela dans mon rapport.
28 Mais je pense quand même que la plupart des personnes qui ont quitté
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1 Hrtkovci l'ont quitté involontairement.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
3 Mme BIERSAY : [interprétation]
4 Q. Passons maintenant à la pièce 2859A dans le classeur. S'agit-il d'une
5 version abrégée de l'annexe A de votre rapport ?
6 R. Oui.
7 Q. Modifiée de votre annexe A ?
8 R. Oui.
9 Q. Pouvez-vous nous décrire comment vous l'avez modifiée ?
10 R. Oh parfois on a eu de petites erreurs de format au niveau de la date de
11 naissance. Il y a certaines dates de naissance où il y a des erreurs, un
12 "9," un "8," ou un "5,". En fait, ça veut dire 4546 -- afin il y a eu un
13 petit problème de compilation informatique, et donc ça été corrigé dans la
14 version corrigée puisqu'au départ un certain nombre de dates de naissance
15 n'avait pas été correctement compilées et elles ont été corrigé dans la
16 version amendée; c'est pour ça que j'ai fait cette correction -- cette
17 version corrigée.
18 Q. On peut dire que dans votre version de départ, normalement les dates de
19 naissance auraient dû commencer par au moins un mille -- pour mille et pas
20 "8" ou "9".
21 R. Oui, en effet.
22 Q. Très bien.
23 Mme BIERSAY : [interprétation] Maintenant l'Accusation aimerait demander
24 l'admission de la pièce 2859 de la liste 65 ter, il s'agit du rapport de
25 base avec ses annexes A et B. Nous voudrions aussi demander l'admission de
26 la pièce 2859A qui est l'annexe A corrigée, et la pièce 65 ter 2859B, qui
27 est le CV mis à jour de Mme Tabeau.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais consulter mes collègues. Mais d'abord M.
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1 Seselj.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense qu'avant cela, l'expert serait censé
3 nous dire qui est-ce qui a composé cette liste. Cela est joint au rapport
4 d'expert, oui, mais est-ce que cela est établi par l'expert lui-même ou
5 est-ce que cela a été fait par quelqu'un d'autre et repris par l'expert ?
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Tabeau, la liste qui a l'annexe A, c'est vous
7 qui l'avez rédigée vous-même, ou ça été fait par quelqu'un d'autre ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce rapport a été rédigé dans mon service, y
9 compris la liste qui se trouve à l'annexe A. Deux membres du service de
10 Démographie m'ont aidée -- deux de mes collègues, Mme Arve Hetland et Mme
11 Neda Loncaric. On a fait la liste ensemble, si je puis dire, chacune
12 d'entre nous ont fait une partie du travail. Donc c'est un travail
13 collégial mais ce n'est pas une liste qui vient d'une autre source.
14 C'est une lite qui vient de la combinaison de plusieurs sources sous
15 adjacentes, si je puis dire, donc une compilation. Je vais vous dire
16 quelles sont les sources. La liste des réfugiés tout d'abord dont j'ai
17 parlé il y a une seconde, que j'ai obtenue auprès des autorités croates en
18 Croatie, qui porte sur 160 personnes. Ensuite les registres des paroisses
19 catholiques aussi. Donc là, nous avons trouvé des noms, c'était les noms où
20 les gens avaient demandé des demandes de baptême -- de certificats de
21 baptême et des demandes de certificats de mariage, tout ça a été bien sûr
22 noté dans les registres des paroisses. Ensuite la liste des réfugiés
23 d'Hrtkovci, ça nous vient d'un livre de Marko Kljajic, qui parle de tout
24 cela. Mais cette liste des 280 familles, en fait, vient principalement des
25 registres catholiques.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- mes collègues --
27 [La Chambre de première instance se concerte]
28 M. LE JUGE ANTONETTI : On va donner un numéro aux fins d'identification, et
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1 puis après le contre-interrogatoire, on donnera ou on ne donnera pas un
2 numéro définitif.
3 Monsieur le Greffier, donnez-nous des numéros aux fins d'identification.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Tout à fait. La pièce 2859, qui est le
5 rapport d'expert, recevra la cote P565 MFI; le document 2859A de la liste
6 65 ter, c'est-à-dire l'annexe A modifié, recevra la cote P566 MFI; et le
7 2859B, c'est-à-dire le résumé mis à jour de Mme Tabeau, sera la pièce 567
8 MFI.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay.
10 Mme BIERSAY : [interprétation]
11 Q. Dans votre rapport, Madame Tabeau, est-ce que vous étudiez la façon
12 dont l'annexe A a été compilé, c'est-à-dire avec la fusion de différentes
13 sources ?
14 R. Oui, tout à fait. Il y a une description des méthodes employées pour
15 compiler ces différentes listes, on a l'évaluation des sources, savoir s'il
16 y avait des doublons, par exemple, ou non. On a bien sûr éliminé les
17 doublons. Tous les rapports qui étaient en double ont été aussi éliminés.
18 Donc il s'agit d'une fusion de trois sources, une compilation de trois
19 sources. Au sein de ces trois groupes, il y a cinq sources bien précises,
20 et la liste ensuite a été compilée par mon service. Cela ne vient pas de
21 source externe.
22 Q. Puis-je maintenant attirer votre attention sur l'intercalaire 4100 dans
23 votre classeur, il s'agit de la pièce 4100 de la liste 65 ter, c'est en
24 fait après toute la série des pièces cotées 2859. S'agit-il, s'il vous
25 plaît, de l'une des sources que vous avez employée dans ce document 4100,
26 une des sources que vous avez employée pour compiler votre rapport ?
27 R. Oui, tout à fait. C'est le tableau des réfugiés, enfin c'est comme ça
28 qu'on l'appelle. Il s'agit d'une liste qui liste tous les régions de
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1 Hrtkovci qui ont été enregistrés auprès du système croate de personnes
2 déplacées et de réfugiés. Dans cette liste, on trouve les personnes qui à
3 la mi-2005 se trouvaient encore dans le système, il y en a beaucoup
4 d'ailleurs et tout ça date de 1992. Il y a 116 personnes sur cette liste.
5 Ils sont tous énumérés comme venant de Croatie de Hrtkovci, la plupart
6 d'entre eux sont arrivés en Croatie en 1992, 113 sont arrivés en 1992, et
7 13 autres en 1993. J'ai même fait un petit tableau où on voit la
8 distribution chronologique des arrivées en me basant sur cette liste, bon -
9 -
10 Q. Je vous arrête, je vous arrête.
11 Mme BIERSAY : [interprétation] L'Accusation aimerait demander l'admission
12 de la pièce 4100, auquel il est fait référence dans le rapport comme étant
13 le tableau des réfugiés.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- Un numéro MFI.
15 Oui, Monsieur Seselj.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection. Nous n'avons aucune
17 identification officielle pour ce document. Il y a juste un tableau, sans
18 plus. De qui vient ce document ? Vous voulez qu'on croit sur parole
19 l'expert ? Moi, je ne crois pas, je ne la croix pas. ON dit que c'est un
20 document officiel de la part des autorités croates. Où cela peut-il être vu
21 ? Il n'y a qu'un tableau sans aucune identification officielle quelque quel
22 soit.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Ceci ne m'avait pas échappé. C'est pour ça que -- de
24 toute façon on va donner un numéro MFI.
25 Madame l'Expert, le tableau 4100, d'après ce que vous nous dites, ce sont
26 les autorités croates qui vous ont communiqué ce tableau. Je présumé que le
27 bureau du Procureur a dû envoyer une lettre officielle aux autorités
28 croates, en leur demandant de fournir la liste de toutes les personnes qui
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1 avaient été enregistrées en Croatie en 1992 en provenant de la Serbie ou du
2 village de Hrtkovci; et les autorités ont dû par retour de courrier, peut-
3 être quelques mois après, vous communiquer cela.
4 Le tableau que nous avons sous les yeux, est-ce bien le tableau des
5 autorités ou c'est vous qui l'avez reformaté ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il s'agit du tableau que j'ai d'origine
7 qui n'a pas été reformaté, ni rien, c'est ce que j'ai obtenu des autorités.
8 Mais il est vrai en effet qu'on a fait une demande d'assistance officielle
9 auprès du gouvernement de la Croatie, si je me souviens bien, c'était en
10 2005; à un moment quelconque, et en réponse en effet par retour du
11 courrier, nous avons reçu cette liste. Il y a référence d'ailleurs à la
12 demande d'assistance faite, c'est à la première page, je crois. Si je me
13 souviens bien, il y a le numéro en fait de la RFI de la demande
14 d'assistance officielle, je peux la retrouver si vous voulez. Je pense
15 qu'il y a des exemplaires de cette demande qui ont été communiqués à toutes
16 les parties.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : En la matière, je vous fais confiance, et je n'ai
18 aucun élément permettant de penser que ça ne s'est pas passé comme vous le
19 dites.
20 Donc les autorités vous ont donné ce document très bien, mais est-ce
21 que vous vous êtes interrogée sur la procédure qui était suivie en Croatie
22 quand quelqu'un arrivait en 1992 ? A qui devait-il s'adresser, que devait-
23 il donner comme document pour dire qu'il était Croate ? Parce que ça
24 pouvait être un Albanais, un Tahitien ou je ne sais pas, qui voulait
25 profiter de la reconnaissance d'un statut quelconque; donc quelle était la
26 procédure suivie, qui tenait les registres récapitulatifs de tous ces gens-
27 là ?
28 Ça dépendait de quel ministère, de quel département, de quel service,
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1 et cetera. Est-ce que vous vous êtes posée ces questions ? Je présume que
2 oui ? Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. Nous nous sommes
4 intéressés en fait depuis très longtemps, au bureau d'Enregistrement, des
5 personnes déplacées et des réfugiés. Il y a un bureau qui existe. Nous
6 avons été leur rendre visite à plusieurs reprises en 2003 déjà pour
7 l'affaire Milosevic.
8 Donc il s'agit quand même d'une source d'information très importante pour
9 nous. C'est un système qui a été mis en place en Croatie, au départ ça a
10 été mis par le Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, avec l'aide
11 bien sûr du gouvernement de Croatie, un système qui a été mis en œuvre
12 aussi dans d'autres pays de l'ex-Yougoslavie, en Bosnie-Herzégovine, en
13 Serbie. Donc c'est une procédure standard qui est basée sur des normes
14 d'une organisation internationale puisque vous connaissez le Haut-
15 commissariat aux Réfugiés des Nations Unies. Donc c'est en fait -- on a
16 utilisé en fait toute la compétence qui était rassemblée au sein du HCR.
17 Il y avait un ministère quand même aussi en Croatie qui s'occupait de tout
18 cela. Je crois que ce ministère s'appelait le ministère du Travail au
19 départ, enfin il n'y avait pas que le travail, il y avait un grand nombre
20 d'autres substantifs, je ne me souviens plus très bien du nom de ce
21 ministère. Je l'ai, je peux le retrouver si vous voulez. Donc je me suis
22 rendu auprès de ces personnes, je me suis entretenu avec ces personnes.
23 Je leur ai demandé comment ces informations étaient obtenues à la
24 base et comment les documents ont été ensuite stockés, comment ils étaient
25 informatisés aussi. J'ai pu me rendre dans les archives aussi où l'on
26 retrouve tous les dossiers personnels des personnes déplacées et des
27 réfugiés. Donc il y a quand même des documents qui sont exigés de la
28 personne avant qu'elles ne soient saisies dans le système, si je puis dire;
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1 et en se basant sur ces documents et sur les déclarations des personnes qui
2 demandent à être incorporées dans le système, ensuite les autorités
3 compétentes rendent leur décision.
4 Pour ce qui est d'Hrtkovci, les documents qui avaient été demandés
5 étaient assez simples, en fait, il y a certificat de naissance,
6 justification de domicile quelconque, ensuite une déclaration des documents
7 portant sur persécution éventuelle ou motivation d'un départ afin d'avoir
8 une bonne idée de la situation de la personne pour pouvoir savoir en toute
9 connaissance de cause si cette personne méritait d'être catégorisée comme
10 étant personne déplacée ou personne réfugiée, parce qu'il y a quand même
11 des implications financières qui sont là. Parce que ces personnes en fait
12 qui reçoivent ce statut ont droit à certaines indemnités. Donc les
13 autorités qui tiennent les registres doivent les aider ensuite à trouver un
14 logement, et cetera, et cetera.
15 Pour ce qui est d'Hrtkovci, la situation était plus compliquée, parce
16 qu'il était difficile pour un grand nombre de ces personnes d'obtenir leur
17 certificat de naissance ou leur justification de domicile. Il était
18 difficile d'obtenir tout ça des autorités en Vojvodine.
19 Évidemment, je n'étais pas en Croatie moi-même en 2005, quand les
20 données nous ont été données en ce qui concerne ces réfugiés venant
21 d'Hrtkovci, mais je sais que très souvent au lieu d'un certificat de
22 naissance ou d'une certification de domicile, on acceptait d'autres types
23 de documents, principalement des documents fournis par l'église catholique
24 d'Hrtkovci. Là, je parle des registres de paroisses, des registres de
25 baptême, parce que quand on a un registre de baptême, un certificat de
26 baptême, on obtient immédiatement une date de naissance. Il y a d'autres
27 types de documents qui étaient utilisés, c'étaient les certificats de
28 mariage. Parce que là aussi, c'est un document optionnel qui était accepté
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1 par les autorités croates à l'époque.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Le principal, c'est l'office des réfugiés et des
3 personnes déplacées en Croatie, situé à Zagreb, qui a établi le document
4 que nous avons sous la cote 4100. Ce sont eux qui ont établi cela.
5 Je crois que vous avez rajouté un détail. En 1992 et 1993, ils étaient
6 informatisés, ils ont pu recueillir tous ces éléments à partir d'un
7 traitement informatique et numérique ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Excellente question, Monsieur le Président, en
9 1992 --
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme toutes mes questions, j'espère.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Désolée d'avoir fait ce petit commentaire au
12 passage.
13 Donc il faut bien comprendre qu'a l'époque, il n'y avait pas de système
14 électronique, on est vraiment en 1992-1993. Enfin le système balbutiait, si
15 je puis dire, le système électronique balbutiait à l'époque. Donc les
16 premières données n'étaient pas informatisées, mais il y a des dossiers qui
17 sont conservés par les autorités croates sur ces personnes et il faudrait
18 peut-être aller voir dans les archives pour retrouver en fait les traces
19 des dossiers papiers.
20 En 1994, plus tard, il y a eu une étude qui a été faite, et là, il y a eu
21 en fait un fichier informatisé portant sur toutes les personnes qui avaient
22 bénéficié du statut des personnes déplacées et des réfugiés. C'est le
23 premier dossier informatisé, en 1994. Mais le système en fait est
24 dynamique, donc quand on décide de donner à quelqu'un le statut de personne
25 déplacée ou personne réfugiée, on le rentre dans le système, on le saisit
26 et il y a un nouveau dossier qui est fait, qui est créé. Si la personne
27 s'est établie en Croatie, quelque part, il perd son statut de réfugié ou de
28 personne déplacée. On l'enlève du système si je puis dire.
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1 C'est pour ça qu'en 2005, il n'y avait plus que 116 dossiers dans le
2 système électronique sur cette personne venant d'Hrtkovci.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- ce que vous venez de dire.
4 Alors le document qu'on a sous les yeux, le 4100, il a été
5 confectionné à quelle date exactement par les autorités croates ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Mi-2005, à peu près. C'est justement
7 après avoir reçu notre demande d'assistance, j'imagine. C'est pour répondre
8 à la demande d'assistance du Tribunal, les données ont été extraites du
9 système et la liste a été compilée.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Le deuxième élément important, que vous avez
11 indiqué, il faut que vous me donniez la confirmation : quand quelqu'un se
12 voyait accorder le statut de réfugié ou de personne déplacée, lorsque après
13 il changeait de statut, il devenait Croate, il avait un passeport croate ou
14 il partait à l'étranger, à ce moment-là, il était retiré du fichier. C'est
15 ce que vous avez dit ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, c'est ce que j'ai dit, c'est
17 ce que j'ai dit. C'est pour cela que ce système est dynamique. Ça change
18 tout le temps en fait.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- la liste que nous avons qui a été
20 faite en 2005, est-ce qu'elle n'appréhende uniquement que les situations de
21 ceux qui ont gardé le statut de réfugié ou de déplacé; et qu'il n'y a pas
22 dans cette liste des gens, par exemple, qui seraient arrivés en juin 1992 ?
23 On leur a donné tout de suite le statut, et trois mois après, ils viennent
24 dire : "Voilà, ils partent au Canada," et ils ne veulent plus être réfugiés
25 ou déplacés parce qu'ils ont trouvé une autre solution; ou bien que
26 d'autres disent : "Nous, on va retourner en Serbie," parce qu'on a eu des
27 cas où des gens qui sont retournés en Serbie ?
28 Alors est-ce que la liste de 2005 est une liste complète ou/et exhaustive,
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1 ou bien une liste qui ne retrace pas toutes les situations des gens qui ont
2 pu peu après avoir un autre statut ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] "This is" la liste des réfugiés exclusivement
4 donc les gens d'Hrtkovci en dehors de Croatie qui se sont retrouvés
5 finalement en Croatie qui sont encore réfugiés en 2005. Donc ils sont
6 encore là, les personnes qui sont encore en Croatie qui n'ont pas demandé
7 résidence permanente, qui n'ont pas obtenu la résidence permanente en
8 Croatie, qui ne sont pas partis ailleurs.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- ce qui veut dire qu'un réfugié, qui
10 est arrivé en juin 1992 à Zagreb, par exemple, qui a eu le statut de
11 réfugié, quelques mois après, il a indiqué aux autorités qu'il partait au
12 Canada ou il allait refaire sa vie, et à ce moment-là, il n'est pas dans la
13 liste de 2005, lui ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, c'est comme ça que ça marche.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est bien ce que j'avais compris et il valait
16 mieux que ça soit --
17 Oui, Monsieur Seselj.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection. Ceci est tout à fait
19 arbitraire fourni comme explication par ce prétendu expert parce que cela
20 n'est visible nulle part dans ce document. L'expert le dit maintenant sans
21 avoir dit cela auparavant, qu'il s'agit là d'un état de 2005 et qu'il
22 s'agit ici de personnes qui en 2005 aussi avaient un statut de réfugié.
23 Nous n'avons aucuns éléments de preuve disant que c'était des personnes qui
24 avaient le statut de réfugié à quelque moment que ce soit. Mais on a tout
25 de même détruit des documents de 1992, 1993. Cela était certainement
26 accessible aux gens qui ont fait ces registres et il y a une supercherie
27 pour les besoins de ce procès.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Je sais que vous avez de grandes compétences, mais
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1 madame aussi a des grandes compétences en matière de démographie et de flux
2 migratoire. Elle nous a dit tout à l'heure que ce fichier a été corroboré
3 avec également l'examen d'autres, d'autres sources. Elle ne s'est pas
4 contentée de ce document.
5 Est-ce bien cela, Madame, vous ne vous êtes pas contentée du document de
6 2005 pour aboutir à vos conclusions ? Vous avez essayé de corroborer ces
7 informations avec d'autres, d'autres sources ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, en effet. J'aimerais aussi
9 ajouter que je travaille sur ce type de données des personnes déplacées
10 réfugiés depuis longtemps. Pas uniquement les données croates, aussi les
11 données bosniaques venant du conflit en Bosnie-Herzégovine. J'ai beaucoup
12 d'expertise dans la façon dont on a compilé ces données dans la nature même
13 que si des données qui se modifient sans cesse dans le temps, et je sais
14 exactement quel type de décisions est pris et comment elles sont prises.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On aura certainement l'occasion de revenir
16 tout à l'heure sur ces questions.
17 Bon. Il est 10 heures. Il est temps de faire la pause, donc nous allons
18 faire --
19 Oui. Alors, Monsieur le Greffier, à qui rien n'échappe aussi m'a demandé,
20 donc on va donner un numéro MFI pour la pièce 4100, et après, on fera la
21 pause.
22 Monsieur le Greffier.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. Cela recevra la cote P568.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire une pause de 20 minutes et nous nous
25 retrouverons dans 20 minutes.
26 --- L'audience est suspendue à 10 heures 00.
27 --- L'audience est reprise à 10 heures 23.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
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1 Madame Biersay, vous avez la parole.
2 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. J'aimerais maintenant vous demander de vous reporter à la pièce 2154A
4 dans votre classeur. Ça se trouve tout de suite après la pièce 4100 sur la
5 liste 65 ter. J'aimerais, pour l'instant, qu'on parle très brièvement des
6 deux dernières sources qui se trouvent aux deux intercalaires suivants que
7 vous avez sous les yeux.
8 La pièce 2154A, est-ce que c'est une des sources que vous avez utilisées
9 pour préparer votre rapport ?
10 R. Oui, 2154A ?
11 Q. Oui.
12 R. Oui, c'est une des autres sources que j'ai utilisées, c'est la liste
13 des personnes expulsées de Hrtkovci, il y a 280 familles qui figurent sur
14 cette liste, et cette liste correspond en total à 805 personnes. Il y a
15 également une lettre qui accompagne cette liste et une lettre qui se trouve
16 dans le livre de Marko Kljajic.
17 Mme BIERSAY : [interprétation] Nous demandons le versement au dossier de la
18 pièce 65 ter 2154A, c'est l'extrait d'un ouvrage qui porte le numéro 65 ter
19 2154. Nous demandons simplement le versement au dossier de cet extrait pour
20 l'instant.
21 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, Monsieur Seselj.
23 Madame, une petite précision. Je viens de voir la liste et la lettre
24 d'accompagnement. Alors, si je comprends bien, vous avez demandé à M. Marko
25 Kljajic de vous faire parvenir cette liste, comment ça s'est passé ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas demandé à Marko Kljajic de
27 m'envoyer cette liste. Je dispose de l'ouvrage de M. Marko Kljajic qui
28 s'intitule : "Comment mon peuple se mourait ?" J'ai ce livre dans mon
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1 bureau, et dans ce livre, nous avons trouvé cette lettre, cette liste, et
2 cette liste il faut le savoir, elle nous a également été fournie, elle m'a
3 également été fournie dans le cadre de la demande d'assistance qui avait
4 été envoyée aux autorités croates. Il s'agissait d'informations relatives
5 aux migrations externes en provenance d'Hrtkovci en 1992. Dans la réponse
6 que j'ai reçue en 2005 suite à cette demande d'assistance, j'ai trouvé
7 cette liste. La lettre ne s'y trouvait pas, mais j'ai pu voir que dans le
8 livre de Marko Kljajic c'était la même liste qui m'avait été envoyée, et
9 dans ce livre, j'ai également trouvé la lettre d'accompagnement.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est plus qu'impertinent ce qui est fait ici
12 parce qu'on ne parle pas d'une lettre d'accompagnement, qui accompagne la
13 liste. Il s'agit d'une lettre qui a été envoyée par l'évêque de Djakovo et
14 Srem, Ciril Kos, au patriarche serbe, le 6 -- Pavle, le 6 juillet 1992.
15 Cette lettre n'a rien à voir avec la liste, c'est tout à fait par hasard
16 que dans le livre, la lettre se trouve à la page 45 et la liste débute à la
17 page 46. Moi, je pense que le livre tout entier devrait être versé au
18 dossier pour qu'à l'avenir on ne fasse pas de telles erreurs.
19 Moi, je vais contester le livre tout entier parce que c'est plus
20 qu'impertinent que de se voir proposer cette lettre par un prétendu expert
21 en disant que c'est une lettre d'accompagnement alors que ce n'est pas le
22 cas parce qu'ici vous avez un évêque catholique qui a entendu parler de
23 certaines exécutions et ensuite il s'adresse au patriarche, mais ce n'est
24 pas lui qui a écrit la liste, la liste a été fait par Marko Kljajic par la
25 suite.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai essayé d'y voir clair avec cette lettre. Il
27 apparaît que c'est Ciril Kos qui écrit au patriarche serbe qui est à
28 Belgrade. Mais cette lettre quand on la voit, elle semble un peu
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1 déconnectée de la liste. Comment vous faites le lien entre cette lettre et
2 la liste, vous ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a un lien. Il s'agissait d'un séminaire
4 de prêtres qui a eu lieu en juillet 2002. Lors de cette réunion, on a parlé
5 de la situation de la population à Hrtkovci, mais pas seulement Hrtkovci,
6 dans une région plus étendue dans ce secteur de la Vojvodine. Donc on a
7 parlé de cela. Au cours de ce séminaire, de cette réunion - et je dois dire
8 à ce propos que ce séminaire fait l'objet d'un compte rendu dans le livre
9 de Marko Kljajic - et cette lettre et la liste font partie des documents
10 qui ont été ensuite présentés après le séminaire. Donc je ne peux pas
11 vraiment faire un lien -- enfin, d'autres liens. Il y avait -- je les
12 associe de la sorte.
13 Alors s'il y a manipulation comme le dit M. Seselj, non, je ne suis
14 pas d'accord, je ne suis pas d'accord parce que ces trois documents ils
15 sont concordants. Il y a d'abord le rapport sur le séminaire au cours
16 duquel ce type de questions est expressément mentionné. On dit qu'il y a eu
17 déplacement forcé de la population à partir de Hrtkovci, il y a la liste et
18 la lettre.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Désolé de vous interrompre.
20 Je regarde cette lettre, et donc il y a eu donc des échanges de courriers
21 entre un catholique et un orthodoxe. Dans cet échange de courrier, la
22 lettre que nous avons est du 6 juillet, mais quand vous regardez le
23 contenu, il est fait référence à déjà une première réponse du 10 juin, mais
24 qui était une réponse à une lettre du 10 mars, donc le 10 mars 1992, c'est-
25 à-dire avant les événements du mois de mai.
26 Le prêtre catholique écrit à son homologue orthodoxe pour lui parler,
27 on ne sait pas de quoi. Son homologue orthodoxe lui répond le 10 juin, et
28 le 6 juillet, le prêtre catholique réécrit à nouveau, pour là
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1 effectivement, et vous avez raison, c'est peut-être le lien parce qu'au
2 paragraphe 4, il attire l'attention de son homologue orthodoxe sur la
3 situation à Hrtkovci. Mais ce qu'on ne sait pas avec cette lettre, pourquoi
4 au mois de mars il lui écrit pour lui parler de quoi, on ne sait pas. Par
5 contre - et là vous avez raison - le lien peut être fait avec le quatrième
6 paragraphe où le prêtre catholique, au mois de juillet, c'est-à-dire
7 quelques semaines après le mois de mai, attire l'attention sur ce qui est
8 en train de se passer à Hrtkovci. Mais par contre, ce que vous me dites sur
9 le colloque de 2002, ça c'est après, c'est un autre événement, le colloque
10 de 2002.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Une observation d'abord au sujet de
12 cette lettre. Il apparaît clairement au premier paragraphe de cette lettre
13 qu'il y a eu correspondance, échange de correspondance entre ces deux
14 dignitaires religieux, et cette lettre elle n'a pas été rédigée pour
15 évoquer un sujet particulier, en fait elle s'inscrit dans le cadre d'une
16 correspondance, ça je suis d'accord effectivement. Le quatrième paragraphe
17 comme vous venez de le dire, permet de faire le lien avec la liste. Afin,
18 moi ça me semble assez clair, il semble assez clair de faire le lien entre
19 la liste et la lettre.
20 Comme je l'ai dit, avant la lettre dans le livre, il y a quelques
21 pages qui n'ont pas été reproduites ici dans laquelle on parle du colloque
22 des prêtres de la région, et il y a résumé de ce colloque. Mais même en
23 faisant abstraction de ce colloque et des discussions qui ont eu lieu et
24 qui étaient en partie liées à la situation de la population dans la région,
25 même sans cela je pense que l'évêque devait avoir de bonnes raisons
26 d'envoyer cette lettre au patriarche. Pourquoi l'aurait-il fait sinon ? Il
27 s'agit d'une correspondance de haut niveau selon moi.
28 Mme LE JUGE LATTANZI : A part le fait de la possibilité de trouver une
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1 quelque liaison entre cette lettre et la liste, mais si j'ai bien compris,
2 vous ne pouvez pas confirmer que cette lettre accompagnait cette liste,
3 était une lettre qui accompagnait la liste annexée ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ça, vous avez raison. Effectivement, je
5 ne peux pas vous confirmer que ces deux documents ont été envoyés en même
6 temps. C'est effectivement vrai.
7 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je considère que c'est absolument
10 inacceptable, à savoir qu'un prétendu expert en démographie du Procureur
11 dit ici, je cite : "Je pense que l'évêque avait des bonnes raisons pour
12 s'adresser au patriarche."
13 Mme BIERSAY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- elle a pensé. Elle doit dire quelles étaient
15 les méthodes de statistique qui lui ont permis de faire le lien entre la
16 lettre et la liste. Où se trouve son expertise scientifique ? Elle ne peut
17 pas nous dire ce qu'elle pensait. Elle pense que l'évêque avait des bonnes
18 raisons. Est-ce qu'on l'a fait venir ici parce qu'elle pense, pour qu'elle
19 puisse penser ici ? C'est la chose la plus ridicule qui nous est arrivée
20 jusqu'alors avec les prétendus experts du Procureur. C'est absolument
21 incroyable. Elle pense, elle pense qu'elle doit nous le dire, en plus ce
22 qu'elle pense. Bien.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, deux observations.
24 A plusieurs reprises, vous dites "Le prétendu expert." Vous savez que Mme
25 Tabeau a été reconnue expert par un nombre considérable de Chambres de ce
26 Tribunal. Plusieurs personnes ont reconnu qu'elle avait des connaissances
27 en matière de démographie, donc ce n'est pas la peine à chaque fois de dire
28 "prétendu expert."
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1 Deuxième observation, la lettre : d'après ce que j'ai compris, mais vous
2 avez dû certainement aussi comprendre cela, il apparaît que cette lettre
3 est dans le livre du prêtre qui a écrit un livre sur divers événements, et
4 notamment la question des Croates d'Hrtkovci. Cette lettre est dans le
5 livre. Dans le livre, il y a également la liste. Le problème, certainement,
6 avec en liaison avec Mme Tabeau, a estimé que cette lettre peut être
7 intéressante, dans la mesure où au quatrième paragraphe, on constate qu'au
8 mois de juillet 1992, l'évêque qui est à Djakovo, signale à son homologue
9 orthodoxe qu'il y a un problème. C'est au paragraphe 4, et qu'à partir de
10 là, c'est quoi le problème ? Le problème c'est certainement lié au départ
11 des Croates d'Hrtkovci. Voilà.
12 Qu'à ce moment-là, entre la lettre, la liste, le livre, et les événements,
13 il y a un lien. Alors peut-être que l'évêque s'est trompé dans son analyse,
14 et Mme Tabeau vous a dit tout à l'heure que peut-être que cet évêque avait
15 des bonnes raisons. Car, nous, nous ne savons, et vous non plus, d'où
16 tenaient les informations de cet évêque sur les événements, on en sait
17 strictement rien. Peut-être que vous aurez la possibilité de faire venir
18 cet évêque comme témoin, peut-être s'il y a une nécessité.
19 Mais en l'étant, on a une lettre du mois de juillet entre deux autorités
20 religieuses importantes, qui évoquent un sujet à Hrtkovci. Alors peut-être
21 que le patriarche orthodoxe a répondu, certainement il a dû lui répondre,
22 on n'a pas la réponse, il a certainement répondu. Il serait peut-être
23 intéressant de savoir ce qu'il a dit, et peut-être que vous pourriez lui
24 demander copie de la lettre. Voilà.
25 On va continuer; on va donner simplement un numéro aux fins
26 d'identification.
27 Oui. Je vais vous redonner la parole, mais on va donner un numéro aux fins
28 d'identification, et la Chambre statuera définitivement après votre contre-
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1 interrogatoire.
2 Qu'est-ce que vous voulez rajouter ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout d'abord, je veux dire que je ne veux plus
4 dire que Mme Tabeau est un prétendu expert. Je vais imaginer que c'est un
5 vrai expert.
6 Quel rapport entre cette lettre et son rapport d'expert ? C'est ça la
7 question de fond qui se pose. Cette lettre pourrait être versée par le
8 biais d'un autre témoin, un témoin tout simple. Marko Kljajic, l'auteur du
9 livre, aurait pu venir ici. Ça aurait été la cerise sur le gâteau. Pour des
10 raisons qui me sont inconnues, incompréhensibles, le procureur ne voulait
11 pas faire venir l'auteur du livre, alors qu'il continue à citer son livre.
12 Je veux bien qu'on cite ce livre par le biais des témoins simples, mais pas
13 par le biais d'un témoin expert en démographie, puisque cette lettre n'a
14 absolument rien à voir avec les statistiques avec la démographie; elle
15 aurait pu peut-être nous faire la statistique, nous démontrer quel est le
16 nombre de lettres envoyées par an par cet évêque --
17 Mme BIERSAY : [interprétation] Je m'oppose à ce type de discours --
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- bien, la correspondance entre le patriarche
19 orthodoxe et l'évêque catholique. Dans ce cas-là, on pourrait dire que là
20 il s'agit de statistiques.
21 Mais avoir une lettre toute seule que l'on fait glisser comme ça en appui
22 d'un rapport d'expert sur les statistiques et la démographie, c'est
23 absolument impossible. Cet expert n'a rien à voir avec cette lettre, elle
24 ne peut pas parler de cette lettre, ou ne peut pas l'expliquer, elle ne
25 peut pas nous raconter ce qu'elle pense elle au sujet de cette lettre. On
26 n'en a rien à faire.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vos observations sont transcrites
28 au transcript, donc elle figure, il se trouve qu'il faut que nous donnions
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1 donc un numéro, donc on va donner un numéro aux fins d'identification.
2 Comme je vous l'ai dit, la Chambre statuera en définitive après vous avoir
3 écouté lors du contre-interrogatoire et des questions supplémentaires.
4 Monsieur le Greffier, il faut un numéro pour la pièce en question.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 65 ter 2154A devient la pièce
6 MFI P569.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour les besoins du transcript, il faut indiquer que
8 la pièce 2154A est composée de deux documents; une lettre de l'évêque Kos,
9 en date du 6 juillet 1992, ça c'est le première document. Le deuxième
10 document, c'est une liste de Croates de la localité, liste que nous
11 retrouvons dans le livre du prêtre catholique. Ce numéro recouvre deux
12 documents. La Chambre verra ce qu'on fera nous de la lettre par la suite.
13 Continuez, Madame Biersay.
14 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Q. Madame Tabeau, j'aimerais maintenant vous demander de vous pencher sur
16 l'intercalaire suivant, le numéro 65 ter 4225. Est-ce qu'il s'agit, Madame,
17 d'une autre source dont vous vous êtes servie pour préparer votre rapport
18 en l'espèce ?
19 R. Oui.
20 Q. Est-ce que vous pourriez en quelques mots nous dire de quoi il s'agit ?
21 R. Il s'agit d'une autre liste qui a été utilisée pour préparer la liste
22 récapitulative qu'on trouve à l'annexe A de mon rapport. C'est une liste
23 que nous avons obtenue suite à une demande d'assistance envoyée par le
24 bureau du Procureur au gouvernement croate en l'an 2005. Cette liste a été
25 envoyée ou a été présentée avec la liste des réfugiés dont on vient de
26 parler à l'instant, et avec d'autres documents. Donc dans cette liste vous
27 avez des informations concernant environ 200 personnes.
28 Ces personnes pour l'essentiel figuraient déjà dans le livre de Marko
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1 Kljajic parmi les 280 familles. Il y a 97 chefs de famille qui figurent
2 dans le livre de Marko Kljajic que l'on retrouve dans cette liste, une
3 liste qui nous a été fournie de manière totalement indépendante par les
4 autorités croates en réponse à notre demande d'assistance. La liste que
5 l'on trouve dans le livre de Marko Kljajic n'est pas complète. On y trouve
6 uniquement les chefs de famille. C'est la raison pour laquelle on trouve
7 280 entrées dans cette liste. Cependant dans le livre, il est indiqué que
8 ces 280 familles représentent 805 personnes, donc, bien entendu, nous
9 voulions avoir des informations complètes concernant ces 805 personnes.
10 Les autorités croates dans une période assez brève ont été en mesure de
11 nous fournir la liste concernant ces 205 personnes, dont 97 sont des chefs
12 de familles figurant dans les 280. Donc il s'agit on pourrait le dire d'un
13 développement d'une liste qui complète celle de Marko Kljajic. Mais, malgré
14 tout, elle n'est pas complète cette deuxième liste parce que nous étions
15 pressés par le temps à l'époque si bien que nous n'avons tenu qu'une liste
16 de 202 entrées malheureusement. C'est regrettable mais il vaut mieux avoir
17 des informations au sujet de 200 personnes que la seule liste tirée de
18 l'ouvrage de Marko Kljajic.
19 Les informations figurant ici sont beaucoup plus complètes que celles qui
20 figurent dans le livre de Marko Kljajic. Il y a beaucoup plus
21 d'informations que le simple nom de famille. Le nom du père, il y a le
22 premier -- le nom de famille et le prénom. On a également ici le nom du
23 père; la date de naissance; l'adresse; la date du départ; la nouvelle
24 adresse en Croatie; dans cette nouvelle liste donc beaucoup plus complète.
25 Mme BIERSAY : [interprétation] En ce moment --
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais que vous éclaircissiez un mystère.
27 Pouvez-vous regarder cette liste et regarder le numéro 1, Ivan Akrap ?
28 Bien. Alors on sait qu'il est né le 28 avril 1960. Nous savons que le nom
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1 de son père c'était Ante. Nous connaissons l'adresse qu'il avait à Hrtkovci
2 est inconnue. Alors le mystère il vient de la ligne suivante; qu'est-ce que
3 je découvre ?
4 Je vois qu'il est indiqué : "Premier enregistrement en Croatie, 2 février
5 1982, Zagreb," et il y a l'adresse de la rue au 16, rue Jure Kastelana.
6 Alors M. Akrap apparemment il avait habité en Croatie en 1982 ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est possible. Il y a beaucoup de gens
8 dans l'ex-Yougoslavie qui avaient leur lieu de résidence permanente dans
9 une des ex-républiques alors qu'ils travaillaient dans une autre
10 république. Par exemple, les Croates de Vojvodine, pour certains d'entre
11 eux, travaillaient en Croatie et ils faisaient la navette entre leurs deux
12 lieux de résidence. C'était la même chose pour les Bosniaques. Ceux qui de
13 déplaçaient donc pour travailler ou qui étaient en Croatie de manière
14 temporaire, pour eux, dans une période difficile, il a donc été beaucoup
15 plus facile de retourner en Croatie pour y être accepté, vu la situation
16 dans leur lieu de résidence permanent.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors votre réponse entraîne un autre problème
18 juridique.
19 Si je me réfère à ce Ivan Akrap, on a donc l'impression qu'il habitait lui
20 légalement en Croatie. Puisqu'on a l'adresse de sa rue et on voit même
21 qu'il est enregistré parce qu'il a un nom. Il a un numéro 6251. Alors on a
22 donc la situation avec le numéro 1 d'un Croate, citoyen de la République de
23 Croatie, qui se trouve à Hrtkovci, on ne sait pas comment peut-être pour
24 travailler mais qui en réalité est un Croate, est un, est un Croate qui a
25 la citoyenneté croate et il revient chez lui en 1992, a priori suite aux
26 événements.
27 Est-ce bien l'analyse concernant ce cas ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, moi, je ne l'interpréterais pas de la
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1 sorte. Pour moi, Ivan Akrap c'est quelqu'un qui était de Hrtkovci dont le
2 lieu de résidence permanent était à Hrtkovci. Monsieur le Président, si
3 vous comparez ceci au numéro 1 ou dans la liste dont vous nous parlez qui
4 correspond à 280 familles, vous constaterez à l'entrée numéro 1 qu'on voit
5 Ivan Akrap qui est de Hrtkovci, rue Lenjinova, Ulica Lenjinova. On indique
6 que la famille compte trois membres. Les deux listes concordent.
7 La même personne se retrouve dans deux sources : on le retrouve d'abord
8 dans la liste des personnes expulsées de Hrtkovci, en tant que chef de
9 famille, numéro 1 dans la liste; et puis nous avons l'autre liste qui nous
10 a été fournie par les autorités croates et qui nous indique que cette
11 personne faisait la navette entre la Croatie et Hrtkovci pour une raison X
12 ou Y, probablement parce qu'il avait un emploi en Croatie. En 1992, cette
13 personne et sa famille ont décidé de quitter Hrtkovci comme cela est
14 indiqué dans la liste des personnes qui ont décidé de quitter le village
15 dans la liste de Marko Kljajic. Voilà comment j'interprète cet élément.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une remarque.
17 Monsieur le Président, je voudrais attirer votre attention sur le
18 fait que ce document n'a aucun sceau officiel. Peut-on croire l'expert
19 quand elle dit que c'est quelqu'un des autorités croates qui lui a fourni
20 cela ? Ensuite, l'expert se permet de se livrer à des conjectures.
21 Je m'excuse puisque j'ai dit que c'est un "expert." Si je devais
22 utiliser le terme féminin pour l'expert en serbe, cela correspondrait --
23 Mme BIERSAY : [interprétation] -- c'est totalement inacceptable.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, [hors micro] l'expert que
25 nous avons devant vous.
26 Mais, Madame, j'allais vous poser la question. Je vous fais
27 entièrement confiance dans ce que vous dites. Vous nous dites que les
28 autorités croates vous ont envoyé ce document, qui est beaucoup plus
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1 complet effectivement, il y a des renseignements qui ne figurent pas dans
2 les autres documents. Mais là aussi, quelle autorité ? C'est l'office, le
3 ministère du Travail, le ministère de l'Intérieur ? Qui vous a envoyé ces
4 documents ? Puis à partir de quoi ils se sont fondés pour faire toutes ces
5 mentions ? Parce qu'on voit une multitude de renseignements, ne serait-ce
6 le fait que ces gens-là avaient déjà été enregistrés en République de
7 Croatie ? Donc il doit y avoir des fichiers. Alors qui a envoyé ces
8 documents ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Le nom de cette organisation c'est l'Office ou
10 le bureau des Personnes détenues et portées disparues à Zagreb. C'est le
11 colonel Grujic qui dirige cet organisme. Cette liste elle a été préparée
12 par son bureau, je crois, je ne le sais pas avec certitude, mais je crois
13 que cette liste ils l'ont préparée à partir de leur propre recherche dans
14 les registres démographiques officiels de Croatie en utilisant les noms des
15 chefs de familles qui figuraient dans la première liste. Selon moi, c'est
16 de cette manière dont ils ont procédé parce que toutes les personnes qui
17 sont enregistrées officiellement en Croatie figurent dans cette liste avec
18 toutes sortes de détails.
19 Je voulais insister sur le fait que, dans notre demande d'assistance, nous
20 avons expressément demandé des informations concernant les personnes
21 expulsées d'Hrtkovci, des personnes qui ont quitté Hrtkovci en 1992, et ce
22 que nous avons ici fait partie de la réponse à notre demande d'assistance.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors donc on apprend qu'à Zagreb, il y a l'office
24 des Personnes détenues et des personnes disparues dirigé par le colonel
25 Grujic et c'est cet office qui vous a envoyé cela. Bien. Peut-être aurait-
26 il été utile de joindre évidemment à la liste les courriers et autres. Mais
27 bon. Ça n'a pas été fait et nous savons donc maintenant d'où vient ce
28 document, ce qui n'était pas évident à première vue.
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1 Madame Biersay.
2 Oui.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Je dois, Monsieur le Président, dire
4 que puisqu'on a mentionné le colonel Grujic, il s'agit d'Ivan Grujic qui
5 plus que cinq ans a comparu ici en tant qu'expert du Procureur en d'autres
6 matières. Mais il a été retiré récemment parce qu'on a jugé que sa
7 crédibilité a été contestée dans d'autres procès. Il a été remplacé par
8 Anna Maria Bilic, un autre expert. Donc voyez-vous, vous avez une
9 circonstance suspecte qui est suivie d'une autre.
10 Dès que l'on permette d'utiliser un document qui n'est absolument pas
11 officiel, nous avons toute une série de problèmes qui apparaissent.
12 Là, je viens d'être pris au dépourvu, moi aussi, parce que je dispose
13 d'un très bon service de Renseignements et je n'étais aabsolument pas au
14 courant de cela. Je suis surpris moi-même, je vous l'avoue.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce colonel Grujic, était-ce le même qu'Ivan Grujic
16 qui avait été prévu comme expert et qui a été retiré. C'est le même ?
17 Mme BIERSAY : [interprétation] Il va falloir, Monsieur le Président, que je
18 consulte mes collaborateurs pour voir si c'est véritablement la même
19 personne. Je crois que ce n'est pas la même personne, mais avant de me
20 prononcer officiellement pour le compte rendu d'audience, je voudrais
21 consulter mes collègues et mes supérieurs.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
23 Mme BIERSAY : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au
24 dossier de la pièce 4225 sur la liste 65 ter.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Numéro MFI, pareillement.
26 Monsieur le Greffier.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
28 pièce P570 MFI.
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1 Mme BIERSAY : [interprétation]
2 Q. Bien. Maintenant, j'aimerais vous demander de vous reporter à un
3 document que vous trouverez dans votre classeur sous la cote 65 ter 2859 E.
4 Ça se trouve tout de suite après votre rapport, dans le premier classeur.
5 Il y a une chose que j'aimerais que vous expliquiez aux Juges de la
6 Chambre, c'est en l'occurrence ce qui figure à la figure 7 : "Demande de
7 certificat de baptême par année de demande." 2859 E, ça se trouve dans
8 votre classeur.
9 R. Je suis un peu perdue.
10 Q. Est-ce que vous avez bien le classeur 1, ou est-ce que vous êtes en
11 train de regarder le classeur 2 ?
12 R. Classeur 1. C'est dans la suite de la liste dont on vient de parler ?
13 Q. Est-ce que vous pouvez trouver votre rapport dans le classeur ?
14 R. Oui, oui. Oui, oui, ça y est, j'ai trouvé. 02859 E.
15 Q. Ensuite il s'agit de la page 21 de votre rapport, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Il s'agit d'un extrait de ce rapport, mais nous avons décidé de le
18 mettre à part pour pouvoir le consulter plus facilement. J'aimerais, s'il
19 vous plaît, vous demander de regarder le numéro 7, figure 7; qu'est-ce que
20 ça représente ?
21 R. Il s'agit du moment où les demandes ont été présentées, demandes de
22 certificat de baptême. On le voit ici, en fonction de l'année et de la
23 demande. La période concernée, c'est une période qui va de l'année 1949
24 jusqu'à l'année 2001. Les naissances que l'on trouve ici plutôt les barres
25 qu'on trouve ici représentent le nombre de certificats de baptême pour
26 chaque année concernée, chaque barre indique le nombre de certificats
27 demandés. On voit donc c'est la première chose que, pour 1992, il y a un
28 nombre considérable de demandes avec une barre, une colonne qui correspond
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1 à 180 demandes, pour cette seule année. Donc un chiffre considérable si on
2 compare aux autres années, si on compare ces colonnes aux autres années,
3 par exemple, donc en 1992, 180 demandes, et les autres années un nombre
4 minime, pratiquement insignifiant.
5 Alors il y a deux couleurs qui sont utilisées ici, bleu et rouge, il y a
6 une distinction en effet entre les demandes qui sont faites pour des
7 personnes qui sont décédées - ça c'est en rouge - et puis il y a les
8 demandes concernant des personnes vivantes au moment de la demande - bleu.
9 Généralement, quand une personne décède, on fait une telle demande de
10 certificat de baptême pour organiser ses obsèques dans le cadre de la
11 religion catholique. Donc normalement, quand les personnes sont vivantes,
12 on ne fait pas ce genre de demande de certificat, sauf s'il y a une raison
13 qui l'explique.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais une demande de quoi ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Un certificat de baptême -- une demande de
16 certificat de baptême.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais on demande un certificat de
18 baptême pour des gens qui sont décédés ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, dans la liste des obsèques catholiques,
20 il faut demander le certificat de baptême; quand c'est un autre prêtre
21 catholique qui doit organiser les obsèques dans une autre paroisse, il faut
22 demander le certificat de baptême de cette personne.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, le tableau à la figure 7 est très parlant,
24 d'autant plus qu'il est en couleur et c'est une bonne chose. Le constat que
25 je fais, moi-même - et tous ceux qui sont dans cette salle d'audience
26 peuvent faire le même constat - nous voyons que, de 1949 à 1971, il y a eu
27 des demandes de certificats de baptême, mais pour des personnes qui étaient
28 décédées parce qu'à l'époque, il n'y avait aucune demande de certificat de
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1 baptême pour des gens qui étaient vivants. Un témoin nous a expliqué - je
2 dis ça de mémoire - que sous le régime communiste, il n'était pas bon de
3 faire savoir qu'on était catholique. Donc de ce fait, ça peut expliquer
4 qu'on ne demandait pas de certificat de baptême. Mais en revanche - et
5 c'est là où j'ai un problème, Madame - vous avez raison 1992, il y a 180
6 demandes et il est évident qu'il s'est passé quelque chose.
7 Mais comment se fait-il qu'en 1989, 1990 et 1991, il y a des demandes ?
8 Comment vous expliquez cela ? 1992, oui, il y a les événements, on peut
9 comprendre, mais avant, pour quelle raison car il y a quelques demandes,
10 vous le voyez bien ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet, je ne peux pas vraiment vous
12 l'expliquer en vous donnant des raisons bien concrètes parce que je n'ai
13 pas étudié les motifs. Je vous ai dit je n'ai pas étudié les raisons pour
14 lesquelles ces demandes ont été faites. Cela dit, à mon avis - mais c'est
15 mon avis uniquement - je pense que c'est parce que la situation politique
16 avait changé dans l'ex-Yougoslavie. A partir de 1989, vers 1989, ce qui
17 s'est passé au Kosovo, le discours de Milosevic à Kosovo-Polje, enfin la
18 situation changeait. On savait bien que la situation politique devenait
19 instable, on le sentait. Il y avait de plus en plus de tension ethnique.
20 Enfin, moi, ce n'est pas une opinion d'expert ici, c'est mon opinion
21 personnelle. Je n'ai pas étudié les raisons sous-jacentes qui ont poussé
22 les gens à demander des certificats de baptême.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est à l'expert que je m'adresse. Si on voit ces
24 chiffres de gens qui quittent le village, à partir de 1989, est-ce à dire
25 qu'il y a déjà dès 1989 un flux migratoire qui se met en place parce que
26 ces gens ils partent en Croatie car on nous a expliqué ? Il y a des témoins
27 qui nous l'ont dit que, pour aller en Croatie, ne serait-il déjà pour
28 franchir la frontière, il fallait prouver qu'on était Croate ou catholique
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1 croate et que le fait d'avoir un certificat de baptême attestait qu'on
2 était catholique ?
3 Est-ce qu'il n'y avait pas donc un flux migratoire dès 1989 peut-être
4 lié à ce que vous avez dit au discours en 1989 de Milosevic ? Je n'en sais
5 rien. Mais vous qui êtes l'expert qui par votre rapport veut nous démontrer
6 qu'en 1992, il y a eu des Croates qui sont partis. Moi, les questions que
7 je vous pose : mais est-ce qu'il n'y a pas des Croates qui étaient aussi
8 partis avant ? Tel qu'on le voit là.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, certains sont partis avant 1992 et
10 d'ailleurs, c'est ce qu'on voit sur le tableau. Mais n'oubliez pas qu'il y
11 a toujours des mouvements de population partout, dans tous les pays, il y a
12 des flux. Les gens quittent le pays, entrent dans le pays, enfin il y a
13 toujours des flux. Il y avait très certainement un flux migratoire déjà
14 avant 1992. La seule différence c'est qu'en 1992, on sait précisément que
15 les personnes qui ont quitté le village, à ce moment-là, sont parties en
16 Croatie, on sait où ils sont allés, c'est ça la différence.
17 On aurait pu étudier la destination de ceux qui sont partis
18 précédemment, mais je pense que, dans ce cas-là, on se rendrait compte
19 qu'ils sont très certainement partis dans d'autres pays tout simplement
20 puisqu'il y avait énormément de flux migratoires à partir de l'ex-
21 Yougoslavie; ça n'a pas commencé avec le conflit.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Le tableau 8 me permet évidemment d'approfondir la
23 question parce qu'en 1992, vous faites -- il y a 180 départs. Bon, très
24 bien. Maintenant c'est le tableau 8 qui affile et qu'est-ce qu'on constate
25 ? On constate, à ce moment-là, qu'avant le mois de mai, avant le 6 mai,
26 déjà il y a des départs. En janvier 1992, il y a peut-être une ou deux
27 demandes. En février, il y en a deux fois plus. En mars, encore deux fois
28 plus. En avril, avant le discours, il y en a au moins cinq, six, qui
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1 demandent. Ensuite les "peak" mai, juin et ensuite ça décroît.
2 Donc, est-ce que vous en tant qu'expert, pouvez dire qu'il y avait avant le
3 mois de mai 1992 des demandes de certificats de baptême concernant quelques
4 dizaines d'individus ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, exactement, c'est ce que je dis. Je ne
6 suis pas en train de dire que la migration extérieure a commencé en mai et
7 ne s'est poursuivi qu'en mai et juin jusqu'en août. La région était
8 affectée par des facteurs quels qu'ils soient qui ont poussé les gens à
9 partir pendant toute l'année 1992. Mais il est évident, et ça on ne peut
10 pas le remettre en cause, il est évident que c'est mai et juin où on vu le
11 plus de gens partir.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Ça, le tableau montre qu'en mai, en juin, il y a
13 environ à chaque fois 70 personnes concernées par les certificats de
14 baptême.
15 Madame Biersay, M. le Greffier me dit qu'il vous reste dix minutes.
16 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
17 Q. Donc pour vous poursuivre et passer maintenant à la page 23 de votre
18 rapport, le Président de la Chambre a parlé déjà des figures 7 et 8;
19 maintenant j'aimerais que nous étudiions le tableau numéro 9 de la page 23.
20 Avez-vous pu, en regardant ce tableau, identifier un mois record où il y
21 aurait une demande de record de certificats de baptême ?
22 R. En fait, là -- en fait, on fait la décomposition par jour des demandes
23 en mai et juin. A gauche c'est l'information pour le mois de mai, à droite
24 les informations pour le mois de juin, et c'est le nombre de demandes
25 quotidiennes. En mai, on voit que la première demande a été fait le 8 mai,
26 et ça s'est poursuivi de façon assez nourrie jusqu'à la fin mai avec un
27 "peak" le 15 mai, 16, 19 aussi, on a des nombres assez importants. Sur la
28 figure de droite, on voit que pendant la première quinzaine de juin, là
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1 aussi, il y a un grand nombre de demandes.
2 Donc ce n'est pas pendant les deux mois entiers. Ça commence le 8 mai
3 et ça se termine le 15 juin, c'est là qu'il y a le "peak" de demandes.
4 Q. Dans ce rapport, vous parlez aussi de l'utilisation que vous avez faite
5 des certificats de mariage venant des paroisses ?
6 R. En effet.
7 Q. Avez-vous fait une comparaison identique ou similaire en ce qui
8 concerne donc le déroulement chronologique de ces demandes ?
9 R. Oui, en effet.
10 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était la correspondance entre les demandes
11 faites pour les mariages et les demandes faites pour les baptêmes ?
12 R. Mais ça correspond pratiquement. La plupart des demandes de certificats
13 de mariage ont été faites en 1992; 1992 les 84 demandes ont été faites à ce
14 moment-là, je me souviens bien. Donc c'est l'année 1992 où il y a le
15 "peak," et les quelques demandes supplémentaires, afin le solde des
16 demandes s'est fait dans les années suivantes, toujours au cours des années
17 1990. Là, c'est l'une des observations que j'ai faites. En 1992, c'est le
18 mois de juin qui a connu le "peak" de demandes.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, avant d'aborder la question des certificats
20 de mariage, on va rentrer, si vous le permettez, dans la technique, on va
21 approfondir le problème. Je reviens à la figure 9. On voit qu'il y a donc,
22 le 8 mai, trois demandes de certificats de baptême. Ensuite, le 10 mai,
23 deux demandes; le 12 mai, deux; le 13 mai, quatre; le 14, deux - et là, il
24 y a un "peak," vous l'avez dit - le 15, nous en avons dix.
25 Quand je me reporte à la figure 7 où je vois qu'il y avait en mars,
26 février, janvier, avril, également des demandes, je ne perçois pas, à ce
27 moment-là, une accélération du processus. Peut-être que le discours du 6
28 mai a eu un effet, mais s'il y a eu un effet, l'effet peut être différé
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1 dans le temps, et là, l'effet aurait été différé à 15 jours, à dix jours,
2 au 15 mai. Mais après, après le 15 mai, on voit qu'il y a toujours un même
3 nombre de demandes jusqu'au 10 juin, il y a un tableau permanent.
4 Alors, partant de là, je me suis posé la question suivante et je me demande
5 si vous vous avez investigué en cette direction parce qu'au-delà des
6 chiffres, il faut donner des explications car, sinon, ça sert à rien de
7 donner des chiffres, il faut essayer de comprendre.
8 Nous avons -- on nous a dit que les gens qui passaient les frontières
9 devaient avoir des documents, des certificats peut-être de baptême. Alors,
10 les gens qui obtiennent cela, est-ce que vous avez vérifié s'ils partaient
11 immédiatement, ou ils différaient leur départ ? Prenons l'exemple de
12 quelqu'un qui demande, le 10 mai, son certificat de baptême, il va partir
13 quand au juste, le 15 mai; au mois de juin ? Ça vous ne pouvez pas le
14 savoir, et je ne pense pas que vous avez été dans le détail.
15 Donc nous ne savons pas si les gens qui obtiennent des certificats de
16 baptême sont partis tout de suite ou pas. Mais si nous prenons, Madame,
17 l'hypothèse où ils sont partis très rapidement, est-ce que vous vous êtes
18 posée la question de savoir s'ils partaient en convois groupés ou bien ils
19 partaient de manière personnelle ? Car je présume que ces familles devaient
20 partir avec leurs valises, leurs biens, leurs chats, leurs chiens ou je ne
21 sais quoi, et il fallait au moins des autobus, des camions, ou des voitures
22 particulières ?
23 Y avait-il des départs organisés, ou bien ça totalement échappé au
24 bureau du Procureur on ne s'est pas penché sur la question des départs ?
25 Car si la Croatie avait régulé l'arrivée des réfugiés, et on peut le
26 comprendre, ça peut expliquer que des demandes de certificats de baptême
27 étaient échelonnées selon un plan très établi. Est-ce que vous avez
28 envisagé ces hypothèses ou non, ou pas du tout ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je n'ai pas -- je dois dire que je n'ai
2 pas étudié les modes de départ, si je puis dire, et moi, j'appelle ces
3 demandes de certificats des demandes pour ces procurations; ça permet de
4 savoir que les gens sont partis. Ça donne l'intention de la personne. Si
5 elle demande un certificat c'est qu'elle veut partir. Je ne sais pas
6 comment ils sont partis. Je ne sais pas s'il y avait des convois, s'il y
7 avait des autocars et, bien sûr, il doit y avoir un petit délai entre le
8 moment où on obtient un certificat et le moment tout d'un coup on part.
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Tabeau, j'ai une autre
10 question à vous poser pour un suivi de la question du Président.
11 Si on se penche sur le tableau 9, on voit qu'il y a un "peak" les 15, 16,
12 et 19 mai c'est là qu'il y a un "peak" dans ces demandes de certificats de
13 baptême, et on retrouve un autre "peak" en juin, le 10 juin, un nouveau.
14 Avez-vous essayé de comprendre pourquoi il y avait ces "peaks," à ces
15 jours-là ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je puis ajouter quelque chose, je ne pense
19 pas que toutes les demandes de certificats de baptême ont été enregistrées
20 dans les livres de la paroisse. Il y en a d'autres qui ont été faites mais
21 pas toujours sur papier. Certains avaient peur d'être enregistrés comme
22 ayant demandé un certificat. Ils ne voulaient pas qu'il y ait de trace
23 écrite. Si on compare le nombre de requêtes de demandes de certificats de
24 mariage et de certificats de baptême avec le nombre de personnes que l'on
25 trouve dans la liste du livre de Marko Kljajic, il y a beaucoup plus de
26 personnes dans le livre de Marko Kljajic.
27 Ils étaient 805 en tout, donc si toutes ces personnes avaient demandé un
28 certificat de baptême, on aurait quand même beaucoup plus de personnes, ou
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1 s'ils avaient demandé un certificat de mariage. Mais que ça a un impact sur
2 les "peaks," non pas vraiment parce que je pense que, de toute façon, c'est
3 un échantillon représentatif qu'on a obtenu des livres des paroisses, des
4 registres des paroisses. Ça représente quand même la tendance.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, est-ce que vous vous êtes posée la question
6 de savoir quelle était l'utilité de ces certificats de baptême ? Je présume
7 que vous avez eu des réunions de travail avec les éminents substituts du
8 Procureur. Est-ce que vous vous êtes demandée si ces certificats de baptême
9 avaient été imposés par les autorités croates, qui avaient fait savoir :
10 "Nous voulons bien recevoir des citoyens serbes catholiques qui peut-être
11 d'origine croate mais à la condition qu'ils aient des certificats de
12 baptême," et ce qui pourrait expliquer à ce moment-là tous ces certificats
13 de baptême ? Est-ce que ça a été une piste de réflexions et de recherches
14 dans vos travaux ?
15 Parce que votre travail montre qu'il y a -- il s'est passé quelque chose.
16 Tous ces certificats de baptême ce n'est pas de la génération spontanée.
17 Bon, il s'est passé quelque chose, mais pourquoi est-ce que ce sont les
18 individus eux-mêmes qui ont décidé pour des raisons personnelles d'avoir un
19 certificat de baptême, on ne sait jamais, ou bien ils répondaient à des
20 demandes très précises des autorités croates ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas que les autorités croates ont
22 dénié que l'on ait demandé ce type de document aux gens de cet endroit-là
23 pour les accepter; mais ils n'ont pas fourni toujours les copies.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je vous dis qu'un témoin nous a dit cela, qu'est-
25 ce que vous diriez ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Comment répondre ? Je n'ai pas de document
27 émanant des certificats des autorités croates. C'est tout. (expurgé)
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2 Mme BIERSAY : [interprétation] Pouvons-nous, s'il vous plaît, passer à huis
3 clos partiel ?
4 M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer à -- oui, audience à huis clos.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
6 [Audience à huis clos partiel]
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22 [Audience publique]
23 Mme BIERSAY : [interprétation]
24 Q. Bien. Maintenant j'aimerais vous demander de vous reporter à
25 l'intercalaire suivant dans votre classeur, 2859F numéro 65 ter, et en fait
26 cela correspond à la page 10 de votre rapport.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, j'ai oublié de vous demander : est-
28 ce que vous demandez un numéro pour les tableaux qu'on vient de voir, les
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1 tableaux 7, 8, 9, qui sont ou bien vous considérez que c'est dans le
2 rapport général ?
3 Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, nous pensons que ça fait partie du
4 rapport du témoin. La seule question que je poserais à la Chambre est la
5 suivante : est-ce que vous estimez que la couleur -- que les couleurs --
6 les codes couleurs pourraient vous aider pour vos délibérations ? Parce que
7 si c'est le cas, je pourrais demander le versement au dossier de ces
8 extraits, ou vous fournir une version colorée qui vous permettrait de mieux
9 lire les graphiques.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- la question à mes collègues, mais
11 c'est vrai que quand il y a de la couleur, c'est mieux. Oui. Bien. "Of
12 course," donc on va donner un numéro au document précédent.
13 Monsieur le Greffier.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 2859E recevra le numéro P571.
15 Mme BIERSAY : [interprétation]
16 Q. Dans le cadre de vos travaux de préparation de ce rapport, est-ce que
17 vous avez consulté les données issues des recensements ?
18 R. Oui. Il y a eu deux recensements en 1991 et 2002, que nous avons
19 utilisés, il s'agit de statistiques obtenues auprès des autorités de Serbie
20 et nous nous en sommes servis effectivement.
21 Q. J'aimerais que nous parlions du recensement de 1991. Combien de
22 personnes selon ce recensement vivaient à Hrtkovci à ce moment-là ?
23 R. Tout ceci vous le trouvez au tableau numéro 1, vous pourrez aisément y
24 voir les chiffres correspondants. Hrtkovci, c'était un petit village qui
25 comptait 2 500 habitants à l'époque du recensement de 1991, et sur ces 2
26 500 personnes, il y avait environ 500 Serbes,
27 1 000 Croates, 500 Hongrois et d'autres, des Yougoslaves et d'autres. On
28 peut dire qu'à Hrtkovci, la majorité de la population était croate, pas une
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1 "majorité" absolue mais une "majorité" relative. Ils composaient 40 % de la
2 population de Hrtkovci en 1991, les Croates. Les Serbes, eux,
3 représentaient 21 % de la population; les Hongrois, 19 %; les Yougoslaves,
4 environ 17 %. Donc c'était manifestement un village multiethnique; tous les
5 groupes ethniques principaux étaient représentés enfin tous les groupes
6 ethniques que l'on trouve généralement en Vojvodine.
7 Q. Dans le cadre de votre comparaison entre le recensement de 1991 et
8 celui de 2002, est-ce que vous avez été en mesure de mettre en évidence des
9 augmentations ou des diminutions dans le nombre d'habitants non-Serbes de
10 ce village ?
11 R. La population non-Serbe - et en particulier les Croates, les Hongrois
12 et les Yougoslaves - la population composée par ces groupes a énormément
13 diminué entre les deux recensements, le recensement de 1991 et celui de
14 2002. Ceci on peut le voir au tableau 1 ainsi qu'à la figure numéro 2. La
15 figure 2 reflète les données figurant au tableau numéro 1. Les Croates, les
16 Hongrois et les Yougoslaves ont vu leur nombre diminué considérablement
17 entre ces deux recensements. Globalement, ces trois groupes ont vu leur
18 présence diminuée pour un total de 1283 personnes, ce qui correspond à une
19 diminution de 76 % environ. Les autres groupes, en particulier les Serbes,
20 ont vu une augmentation de leur importance entre ces deux recensements. Ils
21 sont passés de 500 personnes environ à 2 400, en 2002, ce qui correspond à
22 une augmentation très importante de 357 %.
23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Tabeau, afin que les choses
24 soient bien claires, j'aimerais vous demander si un Yougoslave est défini
25 comme étant un non-Serbe, ou est-ce qu'un Yougoslave c'est quelqu'un qui
26 n'a fourni aucune information au sujet de son appartenance ethnique ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Les Yougoslaves, ce sont des personnes qui se
28 déclaraient ainsi comme yougoslaves, lorsqu'on leur posait la question de
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1 leur appartenance ethnique dans les deux recensements parce que, dans les
2 deux recensements, cette question était une question ouverte, c'est-à-dire
3 que les gens pouvaient répondre comme ils le souhaitaient à cette question.
4 Donc les Yougoslaves ce ne sont pas des gens qui n'ont donné aucune réponse
5 à leur appartenance ethnique; ils ont simplement dit qu'ils étaient
6 yougoslaves. C'est ainsi qu'ils se sont définis. Pour l'essentiel, il
7 s'agit de personnes issues de mariage mixte, par exemple, ce groupe, il est
8 considéré distinctement ici parce que c'est un groupe qui était dégagé, qui
9 se dégageait du recensement de 1991 et du recensement de 2002.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous le demande parce que, dans
11 votre rapport, vous parlez d'autres non-Serbes comme étant, par exemple,
12 des Hongrois ou des Yougoslaves; qui m'a entraîné ou m'a poussé à vous
13 demander si, pour vous, les Yougoslaves étaient des non-Serbes ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je considérais qu'ils étaient des non-
15 Serbes parce qu'on leur a donné la possibilité de se déclarer, de
16 s'enregistrer en tant que Serbes au cours du recensement. Ils ont décidé de
17 ne pas le faire. Ils se sont définis comme étant des Yougoslaves. Ils
18 avaient décidé de ne pas se définir comme Serbes, Croates, Hongrois,
19 Allemands ou et cetera, mais comme Yougoslaves. C'est une question qui
20 revient souvent sur le tapis et je pense -- je suis convaincue même qu'ils
21 constituaient un groupe à part, un groupe distinct, un groupe ethnique
22 distinct, les Yougoslaves.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, le tableau qui figure en trois dimensions,
24 c'est bien où on a en rouge le recensement de 2002, et en noir, le
25 recensement de 1991; c'est un tableau parlant et tout le monde peut voir
26 les bâtonnets et peut se reporter à la table 1 où on a dans le détail les
27 habitants selon qu'ils sont hommes, femmes, Croates, Serbes, Hongrois,
28 Yougoslaves ou autres. Ce tableau voit sans conteste que les Serbes sont en
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1 masse en 2002, puisque nous voyons qu'en 2002, les Serbes sont au total de
2 2396 alors qu'ils étaient que 531 avant. Mais saviez-vous, Madame, que les
3 Serbes, qui sont arrivés dans ce village, avaient été expulsés, eux, par
4 les Croates, notamment de la Krajina ? Est-ce que vous saviez cela ? On a
5 dû vous le dire.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a probablement dans la population de
7 2002, des gens qui sont arrivés d'ailleurs. Il y a aussi des Serbes de
8 Croatie qui sont enterrés dans ce village comme ailleurs en Vojvodine. Il
9 est impossible de justifier par une augmentation démographique normale une
10 telle augmentation, un passage de 500 à 2 000 personnes, ce n'est pas
11 possible. En dix ans, ce n'est pas possible.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Etait-il impossible d'étudier l'arrivée de ces
13 Serbes expulsés en l'étalant dans le temps en 1992 pour voir à quel moment
14 ils sont arrivés en grand nombre. Parce que je présume que quand ils sont
15 arrivés, ils ont dû être pour le moins enregistrés dans la localité de
16 Hrtkovci. Ça, vous n'avez pas fait d'étude là-dessus ou vous en avez fait,
17 je ne sais pas.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, indéniablement, ils ont été enregistrés
19 en Serbie. Les autorités serbes ont également procédé au recensement ou à
20 l'enregistrement des personnes déplacées et des réfugiés. A l'époque déjà,
21 ce système de recensement ou d'enregistrement existait et toutes les
22 personnes venant de Croatie figurent dans le système. Je ne dispose pas des
23 données correspondantes mais il est exact qu'il y a des documents qui
24 existent et qui permettraient de procéder à l'étude de l'arrivée des Serbes
25 de Croatie en Vojvodine ainsi que dans d'autres régions de la Serbie. J'ai
26 demandé ces données dès 2003, mais je n'ai jamais reçu d'information parce
27 qu'on m'a donné le prétexte qu'il s'agissait d'information confidentielle
28 qui ne pouvait pas être communiquée. C'est faux, bien entendu. Parce que je
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1 dispose exactement des mêmes données pour la Bosnie-Herzégovine, par
2 exemple.
3 Alors comme je n'ai pas ces données, ça ne veut pas dire forcément que je
4 ne puisse mener à bien aucune analyse. Parce que je disposais malgré tout
5 de statistiques globales que j'ai fait figurer dans mon rapport. Vous
6 trouverez dans mon rapport un tableau numéro 6, page 18, page 18 dans la
7 version en anglais du rapport. C'est un tableau qui est issu d'une revue
8 officielle publiée par les autorités serbes, où vous avez toute sorte
9 d'articles scientifiques sur toute sorte de questions avec notamment les
10 données relatives à l'enregistrement des personnes déplacées et des
11 réfugiés en Serbie, en Serbie, au Monténégro plutôt puisque c'est comme ça
12 que s'appelait le pays à l'époque.
13 Ces données, elles sont issues d'enquêtes extrêmement vastes menées
14 en 1996, c'était le moment idéal après la guerre en Bosnie, après la fin de
15 la guerre en Bosnie, on a vu arriver une vague très importante de Serbes de
16 Croates en Serbie, après l'opération Tempête et l'opération Eclair. Ici,
17 vous avez le moment de l'arrivée des intéressés qui est indiqué, mais pas
18 seulement ça, c'est seulement un des aspects qui est envisagé, le moment de
19 l'arrivée de ces personnes en Serbie. L'autre élément qui est indiqué ici
20 c'est le pays d'origine, l'un des pays d'origine des personnes arrivantes,
21 des réfugiés et des autres personnes affectées par la guerre puisque c'est
22 ainsi qu'on les appelle c'est la Croatie.
23 La Croatie, comme on peut le voir ici, il y a deux chiffres à la fin
24 1991 et puis il y a 1992. Les réfugiés venant de Croatie, réfugiés et
25 personnes affectées par la guerre parce que c'est une distinction
26 importante qu'il convient de maintenir, à la fin 1991 ils étaient 56 194
27 enregistrés donc des gens qui sont arrivés de Croatie, de tous les
28 territoires de la Croatie pas uniquement de la Republika Srpska Krajina
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1 mais des autres territoires de la Croatie; puis en 1992, on voit qu'ils
2 sont 34 119, ceux qui arrivent, donc en tout ça nous donne à peu près 90
3 000 arrivés. Ceci repose sur des sources extrêmement fiables.
4 On peut en conclure d'autre part que c'est le chiffre maximal que
5 l'on peut atteindre en Vojvodine. Mais toutes ces personnes ne se sont pas
6 installées en Vojvodine. Vous avez un autre tableau dans ce rapport,
7 tableau 5, page précédente, page 17, et là, j'ai indiqué où se trouvaient
8 les personnes arrivantes et celles qui se trouvent en Vojvodine et celles
9 qui se trouvaient en Serbie. Il y a environ 40 % des personnes qui sont
10 arrivées qui se retrouvaient en Vojvodine. Je parle du total, du total des
11 personnes qui est beaucoup plus important parce que ça correspond à toute
12 la période du conflit à partir de 1991 jusqu'en 1996 même.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous permettez, Madame, je reviens à la question
14 qu'a posée mon collègue et je me pose le problème suivant au niveau
15 statistique. En 1991, il y a 426 personnes qui se déclarent Yougoslaves. En
16 2002, il y en a 67 qui se déclarent Yougoslaves. Donc en dix ans, il y en a
17 quand on fait la soustraction, il y en a à peu près 360 qui ont changé
18 d'appartenance. Alors les 360 soit ce sont des Croates soit ce sont des
19 Serbes soit ce sont des Hongrois. Donc les 360 seraient partis dans ces
20 trois catégories. Si on considère que les 360 étaient tous des Croates - ce
21 qui est impossible, statistiquement, c'est impossible - mais, à ce moment-
22 là, les Croates, qui étaient 504 en 1991, ils étaient plus nombreux si on
23 prend les 360, au moins le tiers dans les 360. Mais en 2002, là, on voit
24 que les Croates tombent à 256, et la population croate a diminué de
25 quasiment 50 %; vous me suivez ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr. Tout à fait, oui.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Un Croate sur deux qui a quitté le village en 2002,
28 alors qu'ils étaient là avant et il y a quelque chose qui m'étonne. Sur les
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1 256 Croates qui sont là, on a 110 hommes et 146 femmes. Or, vous voyez que
2 tous les autres chiffres, fait que statistiquement hommes et femmes, c'est
3 50/50, il y a moitié/moitié. Preuve en est, les Croates, 504 hommes et 502
4 femmes, et ça, on le comprend parce que, dans le ratio des naissances, il y
5 a un garçon, une fille en règle générale.
6 Comment se fait-il qu'il y a un déficit de 30 hommes par rapport aux femmes
7 en 2002 ? Est-ce que vous voyez une explication démographique ou
8 statistique à nous indiquer car, en principe, il devrait y avoir autant
9 d'hommes que de femmes ? Or là, il y en a 30 en moins, lors que, par
10 contre, les Serbes ils sont le même nombre 1997 hommes et 1199 femmes; est-
11 ce que vous avez une explication ou aucune ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai quelques observations à faire à ce sujet.
13 Premièrement, la population telle qu'elle apparaît dans ce tableau à deux
14 moments dans le temps : c'est-à-dire en 1991 au moment du recensement de
15 1991 puis au moment du recensement de 2002. On voit que l'appartenance
16 ethnique repose sur les déclarations faites au moment du recensement. Mais
17 rien n'indique qu'il y a une garantie que les personnes qui s'étaient
18 déclarées Croates au cours du premier recensement le sont restées. Ceci est
19 vrai, il est vrai surtout parmi les Yougoslaves les gens avaient tendance à
20 changer leur déclaration, leur appartenance ethnique suivant la situation
21 politique pour l'essentiel au moment où le recensement avait lieu.
22 Il est possible que certains Yougoslaves se soient déclarés Serbes au cours
23 du recensement de 2002. Les chiffres que vous voyez ici donc ce que vous
24 voyez ici ça présente une scène de partialité à cause de la perception qui
25 a changé d'appartenance ethnique parmi les personnes qui faisaient l'objet
26 du recensement.
27 Idéalement, cette modification de l'appartenance ethnique devrait être
28 évaluée en adoptant une attitude différente, ce que nous avons essayé de
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1 faire ici, mais pour le faire, il faudrait que j'aie les éléments : les
2 détails du recensement, les détails individuels. En recoupant les
3 déclarations individuelles de chacune des personnes recensées, je pourrais
4 comparer les groupes ethniques en utilisant les résultats du recensement de
5 1991 en tant que ré-référence. Je n'ai pas pu le faire parce que les
6 autorités chargées de la statistique en Serbie ont refusé de me les
7 communiquer, en disant, que c'était confidentiel. Or on peut tout à fait
8 prendre des précautions permettant de préserver l'anonymat des personnes
9 tout en fournissant ces chiffres. Mais bon.
10 Je ne peux pas vous expliquer ce qui est de l'évolution entre le
11 recensement 1991 et le recensement de 2002 à cet égard.
12 Maintenant pour ce qui est de la ventilation entre les sexes, on voit que,
13 par exemple, pour les Serbes, effectivement il y a à peu près autant
14 d'hommes que de femmes. Mais tout ceci dépend aussi de l'âge de la
15 population, plus vous avez une population âgée, plus moins il y a d'hommes;
16 et au sein de l'ex-Yougoslavie, la population -- la structure de l'âge de
17 la population n'était pas la même. On savait bien que les Croates il y
18 avait plus de personnes âgées parmi les Croates, donc ce qui peut expliquer
19 votre question.
20 Puis il y a peut-être aussi le fait qu'il y ait un nombre plus
21 important d'hommes qui aient quitté le village. On voit que le nombre de
22 Croates en 2002 qui manque c'est de 750 par rapport au recensement de 1991.
23 Donc la population n'a pas retrouvé le même niveau en 2002. On constate
24 l'opposé pour les Serbes. Pour ce qui est des Hongrois, on voit qu'il y a
25 une forte baisse de la population, pour les Yougoslaves aussi, en partie à
26 cause d'une manière différente de déclarer son appartenance ethnique au
27 cours du recensement de 2002.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va être obligé de faire la dernière
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1 pause. On reprendra après la pause.
2 Je crois qu'il doit rester cinq minutes à Mme -- deux minutes.
3 Mme BIERSAY : [interprétation] Il me reste une question.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.
5 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci.
6 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, pour le bénéfice des Juges de la
7 Chambre, comparer la baisse de la population croate, entre les deux
8 recensements avec l'annexe A que vous avez préparé ?
9 R. A l'annexe A, vous avez des informations concernant 722 personnes,
10 disons 700 personnes; et on voit qu'entre 1991 et 2002 on voit qu'il y a
11 diminution de 7650 personnes. Pour moi, ce n'est pas uniquement une
12 coïncidence, ce n'est pas une simple coïncidence. Il est indéniable que la
13 population des Croates a diminué entre les deux recensements et il est
14 manifeste que les gens partaient du village. La question c'est de savoir à
15 quel moment, et l'analyse qui a été réalisé à ce sujet, pour toute la
16 période, même pour 2002, nous montre que c'est en 1992 que la grande
17 majorité des gens ont quitté le village. La raison de leur départ, je ne
18 sais pas. Ce n'est pas une question à laquelle j'ai pu répondre dans ce
19 rapport, pour toutes sortes de raisons. D'abord, je n'ai pas expressément
20 examiné les causes de ces départs, en utilisant les sources qui auraient
21 permis de le faire.
22 Mme BIERSAY : [interprétation] L'Accusation demande le versement au dossier
23 de la pièce 2859F sur la liste 65 ter.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- numéro.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce MFI P572, et je
26 précise, que la pièce 2859E sur la liste 65 ter recevra la cote MFI P571.
27 Mme BIERSAY : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au témoin.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Une pause de 20 minutes. Ensuite nous reprendrons
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1 aux environs de midi 15, et M. Seselj pourra commencer le début de son
2 contre-interrogatoire, et il se poursuivra, bien entendu, demain.
3 Alors on fait une pause de 20 minutes.
4 --- L'audience est suspendue à 11 heures 55.
5 --- L'audience est reprise à 12 heures 20.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors l'audience est reprise.
7 Madame Biersay.
8 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, je vous devais
9 quelques informations à propos d'Ivan Grujic, et je peux maintenant vous
10 dire et vous confirmer qu'il s'agit bien de la même personne. Donc la
11 personne, qui a été remplacée sur la liste des témoins, est bel et bien la
12 même personne que celle à qui l'on a envoyé cette demande d'assistance.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
14 Monsieur Seselj.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je le savais déjà, Monsieur le Président, comme
16 vous le voyez, j'avais raison.
17 Contre-interrogatoire par M. Seselj :
18 Q. [interprétation] Madame Tabeau, vous êtes née en Pologne, n'est-ce pas
19 ?
20 R. En effet.
21 Q. De quelle appartenance ethnique êtes-vous ?
22 R. J'ai deux nationalités, je suis à la fois Polonaise et Néerlandaise.
23 Q. -- de quelle citoyenneté étiez-vous ? La question actuelle je ne vous
24 pose pas la question au sujet de votre "nationalité." Quand on parle en
25 serbe de "nationalité," cela parle "d'appartenance ethnique." Quelle est
26 votre appartenance ethnique, disais-je ?
27 R. Ma réponse serait absolument identique, Polonaise et Néerlandaise.
28 Q. Mais votre père et mère étaient des Hollandais ?
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1 R. Non. Mes parents étaient tous les deux Polonais.
2 Monsieur le Juge, puis-je faire une remarque, s'il vous plaît ? S'il va y
3 avoir des questions d'ordre privé, j'ai le droit de protéger mon intimité
4 et je ne tiens pas à discuter ceci en audience publique. Il s'agit de ma
5 vie privée et j'ai envie de la protéger et je pense qu'il ne sert à rien
6 d'en discuter en audience publique.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous voulez aborder des sujets très, très privés,
8 concernant le témoin, le témoin demande à passer en audience privée. Voilà
9 bon.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, la vie personnelle de ce
11 témoin ne m'intéresse absolument pas. Je ne sais pas pourquoi le témoin a
12 pris si peur que cela. Je n'ai plus rien à demander après ceci. Moi,
13 j'avais demandé quelle était son appartenance ethnique, et j'avais voulu
14 savoir quelle était sa confession, rien de plus, et cela ça doit être dit
15 en public, rien de plus. Donc quelles sont sa nationalité et son
16 appartenance religieuse ?
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, il y a peut-être eu un problème de
18 traduction. Il semblerait que c'est votre appartenance religieuse qu'il
19 voulait demander. Alors est-ce que vous estimez que ça relève de la vie
20 privée ou vous voulez répondre en audience privée sur la religion ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'a déjà demandé quelle était la
22 nationalité de mes parents et pour ce qui est de ma confession; ça aussi
23 c'est tout à fait privée, à mon avis, je ne veux pas répondre à ce type de
24 questions en audience publique, je veux un huis clos partiel pour ça.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais consulter mes collègues.
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Seselj, la Chambre, qui a délibéré
28 sur la question, estime que, concernant la religion si le témoin ne veut
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1 pas répondre, elle ne répond pas. C'est sa liberté totale de choix. Voilà.
2 Donc elle a dit qu'elle ne voudra pas répondre, elle ne répond pas.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais retirer cette question parce que
4 j'estime qu'il y a des raisons pour lesquelles le témoin a honte dire
5 quelle est son appartenance ethnique et quelles sont ses croyances
6 religieuses, mais ça ne m'intéresse plus du tout. Je constate seulement que
7 le témoin ne l'a pas dit, il doit y avoir une forte raison de ne pas le
8 dire. Donc elle doit avoir honte de son appartenance ou de sa citoyenneté
9 ou de ses croyances.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, le témoin n'a pas à avoir honte ou
11 pas. Bon, elle a dit qu'elle était de parents polonais, très bien, et sur
12 la religion, elle ne veut rien dire. Bon, c'est tout, donc passez à autre
13 chose.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, ce qui est arrivé, c'est
15 que j'ai demandé : quelle était son appartenance ethnique ? Le témoin a
16 insisté sur sa citoyenneté. Je vous rappelle que nous avons eu un cas
17 similaire avec Anthony Oberschall et Andrash [phon] Riedlmayer, tout à fait
18 la même chose, la même situation. Ils sont persévéré à refuser quelles
19 étaient leur appartenance ethnique et leur citoyenneté, et je ne vais pas
20 insister, je vais passer à ma question suivante.
21 M. SESELJ : [interprétation]
22 Q. Cela fait huit ans que vous travailler au bureau du Procureur à La
23 Haye, n'est-ce pas ?
24 R. [aucune interprétation]
25 Q. Comment se fait-il que vous soyez venue à être employée par le bureau
26 du Procureur à La Haye ?
27 R. J'ai posé ma candidature, et sur 60 candidats, c'est moi qui étais
28 choisie.
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1 Q. Etait-ce un concours public ?
2 R. Oui, c'était une offre qui se trouvait sur le site Web des Nations
3 Unies, donc c'était en effet une offre d'emploi tout à fait publique.
4 Q. [aucune interprétation] -- demandés par ce concours public ?
5 R. Il y a un profil de poste qui avait été affiché sur le site Web des
6 Nations Unies, et on y trouve tous les critères, il y avait toute sorte de
7 critères, et visiblement je les remplissais tous.
8 Q. Du point de vue des critères, il n'y a qu'une chose qui m'intéresse.
9 Est-ce que, par ce concours, le bureau du Procureur de La Haye avait
10 demandé un expert en matière démographique ? Est-ce qu'on a demandé à un
11 démographe, ou est-ce que c'était un concours pour des professions variées
12 ?
13 R. C'était une offre d'emploi pour des démographes.
14 Q. Sur 60 démographes, c'est vous qu'ils ont choisie. C'est ainsi que je
15 dois comprendre votre réponse, n'est-ce pas ?
16 R. Je ne sais pas quels étaient les autres 59 candidats, je ne sais pas
17 s'ils étaient tous démographes ou s'ils étaient plutôt spécialistes des
18 sciences humaines, je ne sais pas. En tout cas, j'ai été visiblement le
19 meilleur candidat puisqu'ils m'ont choisie.
20 Q. Mais le concours demande un démographe, cela sous entend que tous les
21 candidats qui se sont présentés sont censés être des démographes. S'ils
22 veulent répondre aux conditions requises, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, en tout cas, moi, je suis démographe et c'est le titre que
24 j'utilise ici au sein de ce Tribunal.
25 Q. Mais vous n'en êtes pas sûre ?
26 R. Comment puis-je savoir ce qui se passait au niveau des autres candidats
27 ? Je ne faisais pas partie du collège des personnes qui procédaient aux
28 interviews des candidats, j'étais juste un candidat parmi d'autres.
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1 Q. Mais vous avez dû suivre la réalisation des éléments du concours, vous
2 devez avoir connu des gens au niveau du bureau du Procureur qui vous ont
3 fourni des informations à ce sujet, n'est-ce pas ?
4 R. Non, je ne connaissais pas les gens du bureau du Procureur, c'était en
5 fait mon mari qui avait trouvé cet appel de la candidature sur le site des
6 Nations Unies, c'est lui qui m'en a fait part.
7 Q. Comment expliqueriez-vous la notion de réfugiés ? Comment définissez-
8 vous un "réfugié" ?
9 R. Ça dépend de la définition que l'on emploi. Il y a une définition
10 juridique employée par des pays de l'ex-Yougoslavie ou les autres pays qui
11 recueillent des informations et qui enregistrent les personnes déplacées et
12 les réfugiés et puis la définition statistique que j'ai déjà employée dans
13 le cadre de plusieurs rapports que j'ai faits pour ce Tribunal.
14 Q. Fournissez-nous enfin cette définition ?
15 R. Laquelle, la légale ou la statistique ?
16 Q. Celle que vous connaissez, Madame.
17 R. La définition juridique est la suivante : un réfugié c'est quelqu'un
18 qui a quitté son domicile et son pays de résidence et qui n'est pas parti
19 de façon volontaire, mais qui est parti du fait de persécutions ou par peur
20 de persécution pour raisons ethniques, raciales, ou autres. Mais ce qui est
21 important en fait c'est la peur d'être persécuté ou la persécution en tant
22 que tel.
23 En statistique en revanche, la définition est un peu différente. Par le
24 passé, dans le cadre de plusieurs projets, nous avons comparé en fait le
25 domicile des différentes personnes entre avant le conflit et après le
26 conflit. En nous basant sur cette comparaison entre leurs domiciles, on en
27 a tiré la conclusion qu'ils avaient été soit déplacés, soit réfugiés ou
28 non.
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1 Q. Vos collègues au niveau du bureau du Procureur vous ont très bien
2 instruit et je crois que vous avez acquis une grande expérience au niveau
3 des autres procès pour ce qui est de faire dépenser le plus possible de
4 temps alors qu'ils ont des contre-interrogatoires. Vous auriez pu répondre
5 plus facilement.
6 Mme BIERSAY : [interprétation] Il s'agit encore d'une qualification, c'est
7 un commentaire qui est sans cesse, que M. Seselj fait sans cesse.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Ne faites pas de commentaires. Vous lui avez posé
9 une question sur la définition de réfugié. Elle a donné la définition au
10 sens des conventions de Genève de 1951 que tout le monde connaît. Après
11 quoi elle a donné la définition de réfugié au sens statistique. Donc elle a
12 répondu, pourquoi vous intervenez pour rajouter quelque chose ?
13 M. SESELJ : [interprétation]
14 Q. Bon, essayons de simplifier, suivez-moi attentivement. Un réfugié c'est
15 une personne, en terme simple, qui sent, pressent un danger et fuit ce
16 danger. Donc, dans le nom même de "réfugié," il cherchait refuge. Donc un
17 réfugié c'est une personne qui fait face à un danger, à un péril, un péril
18 réel ou imaginaire, peu importe, mais il fuit son pays; vous êtes d'accord
19 ?
20 R. Le danger, la peur, c'était une chose, mais il faut -- il peut aussi y
21 avoir une personne qui est véritablement persécutée. Donc il est vrai, soit
22 la personne est véritablement persécutée ou a peur de l'être, et je n'ai
23 reçu aucune consigne de la part du bureau du Procureur si je peux faire un
24 commentaire sur votre allégation.
25 Q. Bien. Je mets à profit une définition atténuée. Mais quand on parle de
26 "réfugiés," on parle d'un problème de danger. Mais il suffit qu'on sente un
27 danger de persécution ou de persécution potentielle. Pour cette peur -- du
28 fait de cette peur le réfugié fuit son pays, n'est-ce pas ? C'est donc la
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1 formulation la plus atténuée de ce que l'on pourrait qualifier de phénomène
2 de réfugié parce que quand il y a persécution il n'est point nécessaire de
3 mettre trop de mots et on peut parler d'une peur vis-à-vis d'un péril.
4 J'atténue les choses au point de dire qu'il ne peut pas forcément y
5 avoir et il ne doit pas forcément y avoir un danger réel, il peut y avoir
6 un danger imaginaire ?
7 R. Je ne peux pas imaginer que la peur est imaginaire. Soit on a peur, on
8 sent la peur ou on n'a pas peur. Donc, moi, c'est comme ça que j'envisage
9 les choses.
10 Q. Je n'ai pas dit que la peur était imaginaire, j'ai dit que le danger
11 était peut-être imaginaire. La peur c'est une catégorie subjective,
12 l'autre, le danger est objectif.
13 Donc quand on fuit, on laisse quelque chose derrière soi. D'abord on
14 laisse les biens immobiliers mais souvent on laisse même des biens
15 mobiliers après soi, parce qu'on ne peut pas tout emporter avec soi, n'est-
16 ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Peut-on alors, d'après vous en qualité de démographe et d'expert, qui
19 connaît la définition démographique et juridique de "réfugié," peut-on
20 qualifier de réfugié une personne qui pour des raisons déterminées,
21 quelques qu'elles soient, a le temps de trouver une autre personne pour
22 échanger ses biens puis signer un contrat, enregistre ce contrat auprès du
23 tribunal compétent, et en application de ce contrat organise ce
24 déménagement ? Est-ce qu'on peut qualifier cette personne-là de réfugié ?
25 R. Si l'échange se fait de façon volontaire des deux côtés, dans ce cas-
26 là, c'est volontaire, et là, il n'y a de peur. Mais tout dépend de la
27 volonté d'échanger; en fait la propriété des échanges a bel et bien été des
28 volontaires en Vojvodine.
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1 Q. Pour vérifier si ça s'est fait sur des bases de bénévolat, il fallut de
2 se pencher sur ces contrats et vérifier un peu quels sont les biens, la
3 valeur des biens qui sont échangés ? C'est la seule façon exacte de
4 procéder à une vérification; ai-je raison de le dire ou pas ?
5 R. Je n'ai pas étudié les échanges. Si on m'avait demandé d'étudier les
6 échanges de propriété, j'aurais utilisé d'autres sources que celles que
7 j'ai employées dans le cadre de mon rapport. Je n'ai pas étudié cela, parce
8 qu'on ne m'a pas demandé d'étudier les échanges de propriété.
9 Q. C'est justement pour ça que je vous pose la question parce que ça ne
10 fait pas l'objet de votre rapport; mais vous, vous permettez, dans votre
11 rapport, de parler de réfugiés et de personnes déplacées, et vous n'avez
12 pas un seul élément de preuve disant qu'il y aurait eu un seul Croate
13 originaire de Hrtkovci ou de Vojvodine en général pour être considéré comme
14 étant réfugié. Il faut avoir des éléments de preuve objectifs et matériels
15 du fait qu'il s'agit effectivement d'un réfugié, n'est-ce pas ?
16 R. Les documents officiels dont je dispose, c'est la liste des 116
17 réfugiés que j'ai obtenue auprès des autorités croates. C'est la liste des
18 personnes qui ont le statut de réfugiés, un statut légal de réfugié en
19 Croatie. Quand on étudie cette liste, on voit qu'il y a quelques remarques
20 qui sont faites à propos des propriétés, et on parle de propriétés perdues,
21 on parle de propriétés échangées de façon involontaire aussi. Mais il est
22 vrai que je ne dispose pas des contrats, des documents attestant du
23 transfert de propriétés ou quoi que ce soit.
24 Q. Laissez les instances officielles de la Croatie de côté, si c'était une
25 source pertinente de renseignement. Le bureau du Procureur convoquerait
26 leur représentant à eux ici à témoigner et avec son assistance essayer de
27 prouver qu'il y a eu des réfugiés croates originaires de la Vojvodine.
28 C'est vous l'expert de l'Accusation, et c'est à vous que je demande de me
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1 fournir quel élément de preuve que ce soit partant duquel vous pourriez
2 avec certitude constater ou affirmer qu'une telle ou un tel, une seule
3 personne, un seul réfugié de ce point de vue-là aurait fui un danger par
4 peur, et qui aurait laissé ses biens pour aller chercher refuge dans un
5 autre Etat. Cet élément de preuve vous ne l'avez pas, n'est-ce pas ?
6 R. Mis à part la liste des 116, et l'analyse des recensements de 1991 par
7 rapport à 2002, où là on voit bien qu'il y a des personnes qui ont dû tout
8 laissé derrière eux. Mis à part d'autre donnée portant sur les départs
9 d'Hrtkovci, il est vrai que je ne dispose de rien d'autre.
10 Q. S'il vous plaît, vous ne pouvez pas tirer une conclusion disant que les
11 gens ont dû abandonner leurs biens. Personne n'a abandonné ses biens. Tous
12 ceux qui sont partis ont procédé à des échanges. Il se peut qu'on ait
13 trouvé quelqu'un qui aurait vendu au préalable ses biens et serait parti en
14 Autriche, Allemagne, Hongrie, que sais-je, mais il n'y a pas un élément de
15 preuve disant qu'il y aurait eu un seul Croate originaire de Vojvodine qui,
16 en application de sa définition juridique en application du droit
17 international pourrait être qualifié de réfugié
18 R. Nous pouvons parler des sources que j'ai employées dans mon rapport, ce
19 sont des sources dont je dispose et que j'ai étudiées. Le reste --
20 Q. On reviendra aux sources.
21 Mme BIERSAY : [interprétation] Le témoin pourrait-il répondre ? M. Seselj
22 est sans cesse en train de l'interrompre et lui interdit de finir ses
23 réponses.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous aviez commencé à répondre, c'est aux lignes 22,
25 23, 24, 25; et il -- qu'est-ce que vous vouliez compléter ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais dire que je n'ai pas de source qui
27 porte sur les propriétés échangées ou des propriétés vendues ou propriétés
28 qui n'ont pas été vendues. Je n'ai pas ces données, et c'est très clair
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1 dans mon rapport d'ailleurs, je n'en dispose pas.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame l'Expert, on a eu des témoins. Vous vous
3 imaginez bien que depuis que ce procès a commencé, il y a eu un grand
4 nombre de témoins qui sont venus. Alors, de mémoire, il y a des témoins qui
5 nous ont dit qu'ils ont échangé leurs appartements - et on a vu des
6 contrats d'échange d'appartements - c'est un fait que nous avions constaté.
7 Deuxièmement, certains ont dit que l'échange avait été encouragé ou suscité
8 - on ne sait pas trop - par les Croates et les Serbes. Il y a même un
9 témoin qui nous a dit que, d'après lui, il y avait un accord entre Tudjman
10 et Milosevic pour organiser ces mouvements de population. Alors ce sont des
11 événements, des faits qu'on nous a indiqués.
12 Si cette situation que je viens de vous décrire c'était réellement -- est
13 vraie, est-ce que ça aurait changé quelque chose dans votre étude et dans
14 vos conclusions ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'aurais rien modifié, je ne pense
16 pas. Mon rapport resterait tel quel, je répondais juste à la question, on
17 m'a demandé si j'avais des preuves supplémentaires portant sur les échanges
18 de propriété. Je n'en ai pas. C'est tout ce que j'ai répondu. Ça ne va pas
19 plus loin.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez répondu sur la définition de "réfugiés."
21 En vous écoutant, je me suis dit, mais pourquoi les démographes ne prennent
22 pas dans leurs travaux, la même approche que la définition des "réfugiés"
23 au sens de la convention de Genève ? Pourquoi ils ont une autre perception
24 ?
25 Je ne sais pas. Je ne suis pas démographe. Je ne sais pas quelles sont les
26 études en la matière, mais pourquoi vous n'avez pas calé votre champ sur la
27 définition des "réfugiés" définition reconnue en droit international ?
28 Pourquoi vous avez une autre approche ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] -- une autre démarche en démographie. Nous
2 respectons parfaitement la définition juridique de la convention de Genève.
3 Il n'y a pas -- on n'emploie pas une définition différente, il y a des
4 sources d'ailleurs dans tous les pays où on rencontre en fait du nombre de
5 réfugiés selon la définition juridique ou demandeur d'asile aussi. Mais
6 dans la science démographique, on étudie la migration, et là, on n'utilise
7 pas uniquement les données portant sur les réfugiés et les demandeurs
8 d'asile. On utilise d'autres sources aussi.
9 Il y en a beaucoup d'ailleurs qui puissent être utilisées. Les études qui
10 portent sur certains groupes de migrants -- d'émigrants ou d'immigrants,
11 une personne partant, personne arrivant. Mais la définition statistique
12 dont j'ai parlé, c'est la définition que j'ai employée dans le cadre de mon
13 rapport d'expert ici.
14 Puisque je n'avais pas assez de sources en fait pour vraiment cadrer avec
15 la définition juridique, donc j'ai dû travailler avec ma propre définition
16 qui me donnerait les conclusions dont j'avais besoin, en fait. Donc c'est
17 pour ça qu'on a cette décision statistique qui est employée très souvent
18 d'ailleurs dans le cadre d'étude démographique.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous vous écrivez "réfugié," dans votre
20 rapport, le terme "réfugié," si je comprends bien, le sens que vous donnez
21 au terme "réfugié," ça peut être le sens donné par la convention de Genève
22 mais ça peut aussi avoir un autre sens; est-ce que c'est ça qu'on doit
23 comprendre ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas dans ce rapport-là parce que, dans ce
25 rapport, ces conventions de Genève, il y a une source, le "tableau des
26 réfugiés," et ça s'appuie sur la définition juridique. Les autres je ne les
27 appelle pas "réfugiés" parce que je ne sais pas ce qu'il en est d'eux. Ce
28 sont des gens qui ont quitté le village, et pour beaucoup de ces personnes,
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1 on sait qu'ils ont été "chassés et expulsés," mais, moi, je n'oserais pas
2 utiliser le terme juridique de "réfugié" parce que j'ignore combien d'entre
3 eux au bout du compte ont été reconnus comme réfugiés en Croatie et combien
4 n'ont pas bénéficié de ce statut. Je ne le sais pas.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Je comprends ce que vous venez de dire.
6 M. SESELJ : [interprétation]
7 Q. En tant que scientifique, vous devez constater que quelqu'un a le
8 statut de réfugié en fonction que l'on peut ou on ne peut pas appliquer la
9 définition des conventions de Genève et du droit international en général,
10 et pas sur la base de la façon dont la personne a été enregistrée par les
11 autorités croates. Qu'est-ce que vous en avez à faire de l'enregistrement
12 des autorités croates ? Est-ce que vous faites confiance entièrement aux
13 autorités croates ?
14 R. Ce n'est pas moi qui celle qui peut décider si un migrant qui arrive
15 dans un pays est un réfugié ou pas. Je n'ai pas cette autorité moi. Dans
16 tous les pays du monde, vous avez une instance qui dans le cadre de ses
17 attributions doit prendre ce type de décision juridique. Moi, je suis tenue
18 de m'appuyer sur les données et les statistiques fournies par ces
19 instances, ces autorités, c'est ce que j'ai fait dans ce cas-là. Je ne peux
20 pas repousser, rejeter, toutes les sources parce que telle ou telle
21 personne, telle ou telle instance me plait ou pas. Il y a une autorité. Il
22 y a une instance officielle qui est tenue de procéder à ce genre de travail
23 dans le cadre de ces attributions et qui me donne des données que
24 j'utilise, que je me contente d'utiliser.
25 Q. Vous, en tant que démographe, vous avez pu remarquer le déplacement de
26 la population, ceci n'est pas contesté. Il y a eu des déplacements de la
27 population en segment de ces mouvements de la population et ces mouvements
28 de la population croate de Serbie en direction de la Croatie. Mais vous, en
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1 tant que scientifique et en tant qu'expert du bureau du Procureur, vous
2 deviez avoir une preuve irréfutable qu'il s'agissait là des réfugiés. Le
3 document fourni par les autorités croates ne suffisait pas, le document sur
4 lequel ils ont écrit que telle ou telle personne est réfugiée; comment
5 pouviez-vous accepter cela ?
6 Donc là, vous êtes devenue partiale dans cette guerre civile. Pour vous, ce
7 que vous recevez des autorités croates, et vous le prenez comme un fait
8 accompli.
9 Mme BIERSAY : [interprétation] J'ai du mal à déterminer quelle est la
10 question qui ressort du monologue que nous venons d'entendre.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'était pas une question que je posais au
12 Procureur. C'est une question que je posais à l'expert du Procureur.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- vous a posé une question que j'ai
14 compris, alors vous pouvez répondre ou pas ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je pense que oui. Moi, je n'ai pris
16 partie pour personne. J'ai déployé des efforts considérables pour être
17 aussi objective que possible. J'ai pris contact avec les autorités serbes.
18 J'ai demandé des données issues du recensement de 1991 et 2002. J'ai
19 demandé des données relatives aux réfugiés et aux personnes déplacées, j'ai
20 fait la même chose en Croatie, et cetera. Donc mon approche a été
21 exactement la même. Je n'ai pris partie pour personne.
22 M. SESELJ : [interprétation]
23 Q. Vous avez dit que vous n'aviez pas à votre disposition les informations
24 officielles sur les échanges de propriété. Mais puisqu'il s'agit là des
25 contrats enregistrés auprès des tribunaux et les administrations que l'on
26 peut trouver, si on le souhaite, pourquoi n'avez-vous pas essayé de les
27 obtenir ? Regardez à Hrtkovci, il y avait des milliers de Croates qui y
28 habitaient. Aujourd'hui, il y en a bien moins que cela. Vous avez le
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1 recensement de la population de 1991. Vous voyez qu'aujourd'hui, il y a
2 moins de Croates qui y habitent. Vous allez vous présenter au cadastre du
3 tribunal de Ruma et vous demandez toutes les informations concernant les
4 titres de propriété, ensuite c'est l'ordinateur qui vous fournit toutes ces
5 informations.
6 Vous voyez bien que quelqu'un a échangé ses biens avec quelqu'un et
7 vous voyez les titres de propriété, vous voyez les contrats; pourquoi
8 n'avez-vous pas fait cela ?
9 R. Moi, ce qu'on m'a demandé c'est de faire un rapport sur les migrations
10 externes. Initialement, il s'agissait des migrations ou des migrations en
11 provenance de la Vojvodine, de la province. Puis au fil du temps la
12 mission, qui m'a été confiée, a évoluée à cause de manque de données
13 correspondantes. On a fini par faire une étude sur Hrtkovci, et finalement,
14 c'est la même chose qu'on me demandait de faire d'étudier les migrations et
15 le départ des Croates et des non-Serbes en particulier. Si on m'avait
16 demandé de faire un rapport sur les échanges, le rapport produit aurait été
17 bien différent de celui que nous avons sous les yeux. On peut, bien
18 entendu, faire le lien entre ces deux éléments, mais on ne peut pas dire --
19 on ne peut pas me reprocher de ne rien à voir fait dans mon rapport à ce
20 sujet parce que mon rapport ne portait pas sur les échanges.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez fait votre rapport, est-ce que vous
22 saviez ou le bureau du Procureur vous avait dit qu'il y avait eu des
23 échanges d'appartements ? Vous le saviez, ou bien vous ne le saviez pas, et
24 vous avez fait une étude en ne tenant pas compte de ce facteur ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Au moment où on m'a demandé de procéder à ce
26 travail, je n'étais pas informée des échanges de biens entre ces deux
27 groupes de la population, j'ai appris qu'il en était ainsi au cours de mon
28 projet. Mais mon travail est resté exactement le même, ce qu'on m'a demandé
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1 dès le départ c'était de procéder à un travail de démographe, une étude des
2 migrations, des flux migratoires. Bien entendu, il y a un lien, il y a un
3 certain lien avec les biens immobiliers. Si on regarde le contexte plus
4 général dans lequel s'inscrivent ces flux migratoires mais ce n'est pas
5 quelque chose qu'on m'a demandé d'étudier particulièrement. On m'a demandé
6 de procéder à une étude descriptive pas de trouver les causes des flux
7 migratoires.
8 M. SESELJ : [interprétation]
9 Q. Madame Tabeau, est-ce que vous savez que la personne qui, d'après
10 toutes les règles en vigueur, procède à un échange de biens et ensuite
11 déménage, et bien qu'on ne peut pas dire que c'est un réfugié conformément
12 au droit international ?
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Seselj, avant de laisser le
14 témoin répondre à votre question, je dirais que, selon moi, le témoin ne
15 peut répondre à cette question car le témoin n'est pas juriste.
16 La position qu est la vôtre semble être la suivante, du fait que des
17 personnes aient procédé à un échange volontaire de leurs biens, ces
18 personnes ne peuvent pas être considérées comme des réfugiés au sens
19 juridique du terme, et je ne vois pas très bien comment vous faites le lien
20 ou pourquoi vous faites le lien entre ces deux éléments, le fait que d'une
21 part des personnes aient échangé leurs biens immobiliers volontairement
22 d'une part; et d'autre part, le fait que ces personnes peut-être avaient
23 peur et étaient menacées ou persécutées. Mais le simple fait que quelqu'un
24 ait procédé à l'échange volontairement de biens immobiliers ne permet pas
25 de conclure que cette personne est partie volontairement. Donc je pense que
26 la question que vous posez au témoin n'est pas une question à poser à
27 quelqu'un qui n'est pas experte en matière de droit international.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge Harhoff, chaque jour j'ai peur
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1 en venant ici dans ce prétoire. Je continue à venir pourtant. Il existe une
2 différence entre l'intensité des différentes peurs. Vous avez des gens qui
3 craignent la pluie, le vent, mais ce n'est pas la même peur. Ce n'est pas
4 la peur qui doit faire que vous allez vous enfuir, que vous allez devenir
5 un réfugié, que vous allez tout quitter, tout laisser. Fuyant devant le
6 danger, c'est cela qui importe, cette différence entre l'intensité de la
7 peur. C'est cela qui montre si les gens ont tellement peur qu'ils
8 s'enfuient en quittant tout, en laissant tout derrière pour se sauver,
9 sauver leurs enfants, ou bien est-ce que c'est juste une certaine peur qui
10 règne, des incidents, la peur d'un avenir incertain ? Dans ce cas-là, il
11 vaudrait peut-être mieux procéder à l'échange de nos biens et déménager.
12 Ce n'est pas la même chose. Vous avez d'un côté la peur qui fait de
13 vous un réfugié, et puis de l'autre côté vous avez la peur qui fait qu'il y
14 ait un échange de populations, mais là, ce ne sont pas les réfugiés. Moi,
15 je dis qu'aucun Croate de Vojvodine n'a été réfugié en Croatie parce
16 qu'aucun d'entre eux n'ait parti en laissant tout derrière. Moi, je veux
17 bien croire que la situation n'était pas agréable pour eux.
18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Seselj, merci de ce
19 cours magistral. Mais, moi, ce que je voulais dire c'est que ce n'est pas
20 une question qui peut être posée à un témoin qui n'est pas un expert dans
21 le domaine, en matière de droit international. Voilà.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Mais justement le témoin parle de listes
23 des réfugiés, des personnes persécutées. Elle mentionne ces personnes dans
24 son rapport d'expert. C'est cela qui me pose problème, puisque le témoin
25 parle des choses pour lesquelles il n'est même pas en mesure de prouver
26 qu'elles aient existé. C'est pour cela que je doute de la validité de ce
27 rapport d'expert. Si le témoin expert n'est pas capable de définir la
28 catégorie même de réfugié croate de Vojvodine, et comment peut-on accepter
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1 son rapport d'expert ?
2 Est-ce que je peux poursuivre ?
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez.
4 M. SESELJ : [interprétation]
5 Q. Dites-moi, Madame Tabeau : comment définirez-vous les personnes
6 déportées et chassées ? Qu'est-ce que c'est qu'un réfugié, quelqu'un qui
7 s'est fait chasser ?
8 R. Ma définition, personnellement, c'est que la personne soit expulsée,
9 chassée pour toute sorte de raisons, en raison d'un certain nombre de
10 facteurs qui se manifestent dans son lieu de résidence. La personne se sent
11 chasser, expulser, enfin, à cause des circonstances.
12 Q. Mais je ne vous demande pas votre définition à vous. Je vous demande la
13 définition de démographe qui vous a gouverné, il faut que ceci soit une
14 définition acceptée par le monde entier, par tout le monde, pas votre
15 définition privée. Le droit international a une définition de la personne
16 expulsée.
17 Il y a quelques jours, les autorités de Belgrade ont expulsé
18 l'ambassadeur du Monténégro et de Macédoine. Ils avaient que quelques jours
19 pour quitter la Serbie, donc ils ont été expulsés. Celui qui se voit
20 menacer par un soldat qui lui dit : "Ça y est, tu t'en vas," et bien, on
21 l'accompagne à la frontière et ensuite il est expulsé, il est expulsé par
22 une certaine force. Ce n'est pas juste un sentiment de ne pas être accepté
23 par l'entourage. Ce n'est pas ce sentiment individuel d'ailleurs d'un homme
24 qui fait de quelqu'un un réfugié.
25 Voilà, moi, je ne me sens pas bien ici, je ne me sens pas bien du
26 tout ici mais, d'un autre côté, cela ne me vient même pas à l'esprit de
27 penser que je suis un réfugié ou bien tenter de m'évader. Au contraire,
28 j'essaie de profiter de la situation.
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1 Donc donnez-moi, s'il vous plaît, votre définition du point de vue
2 scientifique, la définition qui vous a gouvernée.
3 R. Les définitions se trouvent dans les sources de données que j'ai
4 utilisées pour préparer mon rapport. Le terme de "réfugié," c'est un terme
5 utilisé dans les données par les autorités croates, c'est le tableau des
6 réfugiés comme je l'ai appelé. Puis le terme d«e "expulsé," il est utilisé
7 dans le titre de la liste de 280 familles que l'on doit lire en conjonction
8 avec la lettre et d'autres documents relatifs aux événements d'Hrtkovci à
9 l'époque. Je pense que l'utilisation de ce terme me semble justifier. Moi,
10 j'utilise le terme en fonction des sources dont je me suis servi pour
11 préparer ce rapport. Mais je n'utilise pas ce terme lorsque je parle des
12 registres paroissiaux que j'ai utilisés également, mais je l'ai fait
13 figurer les éléments qui figurent dans ces registres dans la liste que vous
14 trouvez à l'annexe A de mon rapport.
15 Parallèlement, ce qui me fait penser que les départs de Hrtkovci n'étaient
16 pas uniquement des départs volontaires dus à des facteurs économiques, qui
17 se sont déroulés parce que les gens voulaient aller étudier ailleurs ou que
18 sais-je encore, si on regarde la composition ethnique et sa modification
19 entre 1991 et 2002, on voit qu'il y a eu un changement considérable. Donc
20 on ne peut pas expliquer ça par une évolution démographique normale ou par
21 des facteurs économiques, il doit bien y avoir quelque chose. Il y a des
22 éléments qui expliquent cette modification. Tout cela me fait penser, et
23 bien qu'il ne s'agit pas là uniquement de flux économiques normaux ou dus à
24 l'éducation, et cetera, il y a des forces -- d'autres forces qui sont
25 entrées en ligne de compte ici, qui expliquent cette modification
26 considérable.
27 Q. Maintenant nous allons discuter de vos tableaux. Je vous mets en garde,
28 vous êtes ici en tant qu'expert du bureau du Procureur. Vous êtes ici pour
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1 prouver qu'un crime a été commis, c'est un crime qui a été défini par le
2 statut de ce Tribunal comme un crime contre l'humanité. Ce crime contre
3 l'humanité comprend différentes actions très précises, entre autres, la
4 déportation.
5 Vous devez connaître la définition de la déportation pour pouvoir la
6 reconnaître ou ne pas la reconnaître. Vous ne pouvez pas vous baser sur des
7 listes venues des sources croates mal intentionnées qui n'ont même pas
8 essayé de se donner la peine de prouver qu'il s'agissait là véritablement
9 de déportation, puisque vous n'avez aucune preuve d'un seul cas de
10 déportation de la Serbie vers la Croatie. Vous n'avez pas aussi la preuve
11 de l'existence d'un seul Croate qui pourrait être défini comme un réfugié
12 venu de la Serbie.
13 Selon le droit international privé, c'est la charge qui vous
14 incombait, vous deviez être en mesure de le prouver.
15 R. Non, moi, on m'a demandé de faire un rapport pas forcément d'étayer
16 l'acte d'accusation. On m'a demandé de préparer un rapport au sujet de
17 Hrtkovci. J'ai pu avoir accès à un certain nombre de sources, et dans ces
18 sources, dans deux de ces sources, on mentionnait expressément les mots de
19 "réfugié et de personnes expulsées."
20 Donc je ne dispose d'aucun autre élément m'indiquant si ces personnes ont
21 été transportées en convoi dans des autocars, si elles étaient escortées
22 par des soldats, et cetera, et cetera. Je ne dispose pas de ces éléments,
23 je ne m'en suis pas servi pour préparer mon rapport. Mais j'ai, cependant,
24 produit un rapport qui me paraît intéressant, qui me paraît contenir des
25 informations utiles et qui permettent de comprendre ce qui s'est passé sur
26 ces territoires.
27 Q. Je ne sais pas qui pourrait trouver cela utile; en tout cas, ce n'est
28 pas dans l'intérêt de la juste de noircir les choses, de les cacher au lieu
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1 de jeter de la lumière sur ce qui est au cœur de l'acte d'accusation. Vous
2 devez prouver et montrer s'il y a eu des réfugiés, oui ou non, s'il y a eu
3 des personnes déportées, oui ou non, et vous avez à votre disposition une
4 certaine méthodologie que vous n'avez pas utilisée.
5 Puisque cela fait huit ans que vous travailliez au bureau du
6 Procureur, pourriez-vous me dire quel est votre salaire mensuel, Madame
7 Tabeau ?
8 Mme BIERSAY : [interprétation] Objection. Ceci n'a aucune pertinence.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est ce type de question qui a déjà été posée à un
10 autre expert. Vous devez être classée dans une échelle P-2, P-3, P04. Je ne
11 sais pas. Tout ça est connu. Vous avez un statut spécifique, Madame, ou
12 vous êtes dans la hiérarchie des emplois de l'ONU ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis fonctionnaire du Tribunal et des
14 Nations Unies, je suis P-3 -- un stade administrateur, P-3.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Bien. Elle est P-3. Regardez les
16 documents de l'ONU, et vous aurez la réponse.
17 Continuez, Monsieur Seselj.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Où voulez-vous que je vérifie cela, Monsieur le
19 Président ? La dernière fois que j'avais posé la question, je n'ai pas pu
20 trouver la preuve. Personne ne m'a expliqué à quoi correspond ces échelles,
21 P-1, 2 et 3, 4, 5, je ne le sais pas; alors que je devrais le savoir.
22 M. SESELJ : [interprétation]
23 Q. Dans votre pays, le pays de votre origine et le pays qui est votre
24 patrie naturalisée, un expert, quand il vient déposer devant un Tribunal,
25 ne peut comparaître en tant qu'expert uniquement s'il n'a aucune attache
26 avec le Procureur. Est-ce que vous le savez ?
27 R. Je ne comprends pas quels sont les points communs pour vous. C'est
28 parce que mon bureau, mon service ça fait partie du bureau du Procureur.
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1 Mais il est très indépendant mon service; je suis tout à fait autonome
2 quand je prends des décisions dans le cadre de mon travail. Personne ne me
3 donne de consigne, ne me dit ce qu'il faut que je fasse. Je suis experte
4 indépendante de ce point de vue; mais si on regarde l'endroit où je
5 travaille, effectivement mon bureau se trouve dans les locaux du bureau du
6 Procureur, oui.
7 Q. Mais vous faites votre travail en fonction de ce que le Procureur
8 désire, parce que si ce n'était pas le cas, vous ne seriez pas à leur solde
9 pendant huit ans, mais vous auriez été licenciée avant. Vous ne pouvez pas
10 être impartiale du point de vue scientifique; est-ce exact ?
11 R. Non, je ne pense pas que cela soit exact. Vous allez vraiment très
12 loin. Vous êtes en train de dire que l'Accusation me dicte le type de
13 résultats que je dois produire. Je l'ai déjà dit je suis indépendante,
14 personne ne me dicte ma conduite et ne me dit ce qu'il faut que je fasse
15 quels résultats il faut que j'obtienne. Les résultats ils découlent de
16 l'étude des sources, de traitement des données, et de l'étude de documents
17 connexes, et correspondants. Voilà comment nous procédons. Pourquoi est-ce
18 qu'ils me gardent depuis huit ans ? Ça il faut leur poser la question à
19 eux. Pas à moi.
20 Q. Pourquoi, alors, n'avez-vous pas fait un vrai rapport d'expert, un
21 rapport sérieux, au contraire, vous avez basé votre rapport sur trois
22 sources au total : la liste de 116 Croates soi-disant réfugiés, donnés par
23 les autorités croates non identifiés; ensuite les registres d'une paroisse;
24 et du livre de Marko Kljajic ? Ce sont vos trois sources, vous n'avez rien
25 d'autre.
26 La base de ces trois sources mal identifiées vous faites votre rapport
27 d'expert et vous venez ici vous présenter en tant qu'expert. C'est vraiment
28 exagéré que de dire que vous êtes ici en tant qu'expert du Procureur, alors
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1 que vous fondez votre rapport d'expert sur ces trois sources et rien
2 d'autre.
3 R. Quelle est votre question ? Qu'est-ce que vous voulez savoir exactement
4 ?
5 Q. Pourquoi vous n'avez pas fait un vrai rapport d'expert sur le tome qui
6 vous a été donné ? Vous avez fait votre rapport en vous fondant sur trois
7 sources dont aucune fiable du point de vue de statistique, aucune de ces
8 sources.
9 D'ailleurs, je vais poser la question de façon plus simple. Vous êtes
10 docteur de statistiques, donc c'est une méthode de mathématique utilisée
11 appliquée aux sciences sociales; et vous deviez appliquer une méthode
12 stricte, rigoureuse imposée par la science qui est la vôtre, pour établir
13 une vérité scientifique. Au contraire, ce que vous avez fait, c'était de
14 faire appel à une méthode incorrecte qui n'est pas acceptable dans la
15 science qui est la vôtre et tout ceci pour corroborer cet acte d'accusation
16 qui est complètement faut.
17 R. Je ne pense pas que cela soit exact; c'est tout à fait faux. D'abord,
18 l'étude que j'ai faite sur Hrtkovci est extrêmement sérieuse. Je dois dire
19 que j'estime que c'est une excellente étude. Alors ça c'est la première
20 chose. Deuxièmement, si vous critiquez les sources, je n'irais pas dans
21 votre sens, pas du tout. Par exemple, si j'avais utilisé uniquement les
22 registres paroissiaux, je serais déjà très satisfaite. Parce que les
23 registres paroissiaux c'est une source qui est utilisée partout dans le
24 monde en matière de démographie. C'est une source excellente de données.
25 Pendant des centaines d'années, pendant des siècles entiers, ces registres
26 ont été tenus ça commence au XVIe siècle en Angleterre. Donc l'étude de ces
27 registres c'est une source extraordinaire pour étudier l'évolution
28 démographique. C'est une source qui a toujours été utilisée au cours de
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1 l'histoire de la démographie, et c'est ce que j'ai fait à Hrtkovci.
2 S'agissant des sources, je les trouve excellentes. Vous parlez de
3 votre étude sérieuse. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Moi, j'ai une
4 vision différente de mon travail, au début on m'avait demandé de procéder à
5 une étude sur la totalité de la province de Vojvodine à partir des
6 recensements, de l'enregistrement des réfugiés en Croatie et en Serbie, et
7 cetera. Mais je ne suis pas parvenu à réaliser ce travail parce que je n'ai
8 pas pu avoir accès aux sources appropriées pour ce faire. Je ne pense pas
9 que cela ôte l'intérêt de l'étude de Hrtkovci, je pense qu'elle est très
10 intéressante cette étude.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- on va terminer parce que nous devons
12 terminer à 13 heures 15. L'audience donc reprendra demain avec la poursuite
13 du contre-interrogatoire de M. Seselj.
14 Je vous renouvelle mes consignes, à savoir, bien entendu, vous ne
15 vous entretenez pas avec le Procureur sur la teneur de votre déposition
16 aujourd'hui.
17 Nous nous retrouverons tous demain à 8 heures 30 parce qu'on est du
18 matin. Je vous remercie.
19 --- L'audience est levée à 13 heures 14 et reprendra le mercredi 22 octobre
20 2008, à 8 heures 30.
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