Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 22 octobre 2008

  2   [Audience publique]

  3   --- L'audience est ouverte à 08 heures 32.

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,

  6   s'il vous plaît.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  8   Messieurs les Juges. Bonjour à toutes et à tous.

  9   Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.

 11   En ce mercredi 22 octobre 2008, je salue Mme Biersay, M. Mundis, leur

 12   collaboratrice, ainsi que M. Seselj et toutes les personnes qui sont

 13   présentes dans cette salle.

 14   Nous allons introduire le témoin, Mme Tabeau.

 15   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 16   LE TÉMOIN : EWA TABEAU [Reprise]

 17   [Le témoin répond par l'interprète]

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Madame Tabeau.

 19   Le contre-interrogatoire va donc se poursuivre, et je vais donner la parole

 20   à M. Seselj.

 21   Contre-interrogatoire par M. Seselj :

 22   Q.  [interprétation] Madame Tabeau, je vais commencer avec une question

 23   quelque peu plus longue. Ce ne sera pas coutume par la suite, les questions

 24   se feront plus courtes par la suite. Alors je vous demande de prêter une

 25   oreille attentive à ce que j'aille vous dire.

 26   Je vais essayer d'exposer ici quelque chose de paradigmatique, exemple

 27   d'une approche méthodologique correcte qui serait utilisée par un homme de

 28   science sérieux comme lorsqu'on lui confie une tâche comme a été votre

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  1   local, le départ des Croates et non-Serbes de Hrtkovci en 1992 de

  2   Vojvodine. Si vous prêtez une oreille attentive, je vous demanderais de

  3   nous dire si la paradigme de l'approche méthodologique se trouvait être

  4   justifiée.

  5   Un homme de science sérieux se voyant confié cette mission devrait d'abord

  6   prendre connaissance des circonstances sociales et historiques de certains

  7   événements pour tirer d'abord cela au clair. Il faudrait voir qu'il y a eu

  8   d'abord un Etat qui s'appelait la Yougoslavie et que cette Yougoslavie

  9   s'est démantelée dans une guerre civile sanglante, et il y a eu départ d'un

 10   certain nombre de Croates de la Serbie vers la Croatie. La Serbie et la

 11   Croatie étaient des unités fédérales de cette ex-Yougoslavie.

 12   De façon à rendre l'approche méthodologique correcte et bonne, l'homme de

 13   science dont je parle se renseignerait sur ce qui suit : d'abord,

 14   présentation statistique du recensement de la population en Croatie, la

 15   toute dernière en date de 1991; puis la présentation statistique de la

 16   structure ethnique en Serbie en 1991 également; et il verrait combien de

 17   Croates déclarés arrivent en Serbie, et combien de Serbes déclarés serbes

 18   avaient vécu en Croatie. Il prendrait le recensement de 2001, je crois,

 19   qu'il y a eu un recensement en 2001 en Croatie, et en 2002 en Serbie, et il

 20   pourrait voir combien de Croates il est resté à vivre en Serbie en 2002 et

 21   combien de Serbes il est resté à vivre en Croatie en 2001. Partant de là,

 22   il pourrait tirer des conclusions à titre préliminaire.

 23   Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que cette approche méthodologique

 24   serait la bonne ?

 25   R.  Oui, en tant de point de départ, effectivement, mais comme nous l'avons

 26   dit hier, cette approche serait modifiée par la perception qui s'est

 27   modifiée quant à l'appartenance ethnique entre 1991 et 2002 ou 2001 --

 28   Q.  Comment parlez-vous du changement de perception de cette origine

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  1   ethnique ou appartenance ethnique à ce moment ? Expliquez ?

  2   R.  Nous l'avons dit hier, il y a des gens qui se sont identifiés de

  3   manière différente, qui se sont déclarés de manière différente en 1991 et

  4   en 2002 et, bien entendu, ça a un impact sur les statistiques, sur le

  5   recensement, sur les données issues du recensement.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, Madame Tabeau. Vous dites quelque chose

  7   que je n'avais pas perçu jusqu'à présent. Il y a un recensement en 1991.

  8   Apparemment, d'après M. Seselj - s'il le dit c'est qu'il a dû le vérifier -

  9   il y a un recensement en 2001 en Croatie et un recensement en 2002 en

 10   Serbie. Mais là, vous venez de dire quelque chose qui me trouble. Vous

 11   dites qu'il y a pu y avoir un changement de perception dans les

 12   déclarations des uns et des autres par rapport à leur ethnie. Car il y a

 13   des gens qui se sont déclarés - prenons un exemple - qui se sont déclarés

 14   Croates, alors que peut-être ils auraient pu se déclarer serbes, mais ils

 15   ont choisi de se déclarer croates, d'autres ce sont déclarés serbes, alors

 16   que peut-être ils avaient des raisons à se déclarer croates; est-ce que

 17   c'est ça que vous avez voulu dire ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je pensais plutôt aux Yougoslaves quand

 19   j'ai parlé de ça, le changement dans la perception qu'on avait des

 20   Yougoslaves dans les deux pays.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- mais est-ce que la situation a pu se

 22   produire également pour les Croates ou les Serbes qui se sont dits : je

 23   vais me déclarer croate parce que j'ai un nom croate, ou je vais me

 24   déclarer serbe parce que j'ai un cousin serbe ? Enfin, je ne sais pas. Est-

 25   ce que vous avez perçu qu'il y en a qui ont pu faire des déclarations

 26   d'appartenance ethnique, alors même que c'était problématique ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est possible pour n'importe quel groupe

 28   ethnique, pour les Croates et les Serbes, mais je pense que c'est surtout

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  1   chez les Yougoslaves que cette perception et le changement ont été les plus

  2   manifestes. Je ne pense pas qu'on pourrait trouver beaucoup de cas de

  3   Croates déclarant serbes en Vojvodine --

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- ma question. Nous avons eu des

  5   éléments de preuve laissant penser qu'il y a eu des mariages mixtes; il y a

  6   eu des mariages mixtes, personne ne peut le contester. Un Croate et un

  7   Serbe -- un mariage croate-serbe, l'enfant son père est Croate, sa mère est

  8   Serbe. Il y a un recensement, on lui demande dans quel groupe ethnique est-

  9   il; que va-t-il dire, Croate, Serbe, peut-être en 1991, Yougoslave, ou

 10   autres ? J'en sais rien. Ce type de situation comment est-il appréhendé au

 11   niveau statistique ? Est-ce qu'il y a une marge d'erreur sur les chiffres ?

 12   Parce que ce type de situation a dû exister. Je présume qu'il y en a qui

 13   ont dû se déclarer croates, puis d'autres serbes, alors qu'ils auraient pu

 14   faire l'inverse.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien entendu, ça a un impact sur les

 16   statistiques, et dans le cadre de la famille que vous évoquez, avec un

 17   parent croate, et un parent serbe, toutes les options sont envisageables.

 18   L'enfant peut se déclarer croate, serbe, serbo-croate, ou yougoslave. Tout

 19   est possible.

 20   Pour quantifier l'incidence de ces déclarations et de la modification de la

 21   perception dont j'ai parlé, il est nécessaire de se pencher sur les données

 22   individuelles et de faire le lien ou le recoupement entre les personnes

 23   recensées en 1991 et celles qui ont été recensées en 2002. De comparer les

 24   données individuelles, et les déclarations individuelles, à ce moment-là,

 25   si on fait ça, on peut arriver à ce faire une idée de l'incidence de la

 26   perception de l'appartenance à un groupe ethnique. Je n'ai pas pu le faire,

 27   et je ne pense pas que ce soit possible de le faire à partir des données du

 28   recensement disponible, des données globales. Donc l'approche mentionnée

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  1   par M. Seselj, cette démarche est partiale, qu'il le veuille ou non. Ce

  2   n'est pas un bon point de départ.

  3   Mme LE JUGE LATTANZI : Madame, sur cette perception individuelle et les

  4   choix individuels, dans les situations évoquées par le Juge le Président,

  5   ces situations n'étaient pas, et donc les choix individuels n'étaient pas

  6   conditionnés, influencés par l'aspect religieux, d'être orthodoxe ou

  7   catholique, choix qu'on fait quand les parents font quand les enfants

  8   naissent, et donc qu'on faisait ce choix selon une religion qu'on avait;

  9   donc la question ethnique était fortement liée à la question religieuse ?

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant que vous répondiez, je vais compléter la

 11   question que pose ma collègue par l'élément suivant : nous avons eu des

 12   témoins qui nous ont dit que, dans l'ancien système communiste, les

 13   catholiques ne voulaient pas qu'on sache qu'ils étaient catholiques parce

 14   que ça pouvait avoir des effets négatifs sur eux; et que donc l'aspect

 15   religieux que ma collègue met en avant, est-ce qu'il pouvait jouer à fond

 16   avant 1991, et au recensement de 1991, alors même qu'il n'y avait pas

 17   totalement le démantèlement qu'on a connu après ? Est-ce que cette -- à un

 18   moment, vous les démographes, vous avez pris cela en compte, à savoir que

 19   des gens pour des motifs religieux, tels que ma collègue vient de vous

 20   l'expliquer, pouvaient faire un choix d'ethnie mais qu'en raison du système

 21   politique en place, ils pouvaient à ce moment-là ne pas se prononcer

 22   clairement parce que le système en place ne pouvait pas favoriser des

 23   expressions individuelles. Alors vous, est-ce que vous intégrez toutes ces

 24   données ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a un grand degré de corrélation entre

 26   l'appartenance ethnique et la religion mais ce n'est pas un pour un, ce

 27   n'est pas à 100 %. J'ai étudié la question à partir du recensement de

 28   Bosnie-Herzégovine, et on ne peut pas dire que tous les Croates sont

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  1   catholiques et tous les Serbes sont orthodoxes mais la corrélation reste

  2   cependant extrêmement élevée. Donc un des éléments très important pour

  3   permettre l'identification d'un individu en tant que Croate, Serbe ou

  4   Hongrois, c'est bien entendu la religion. Il est vrai que la plupart des

  5   Croates sont catholiques, la plupart des Serbes sont orthodoxes.

  6   Mais l'appartenance ethnique c'est quelque chose d'extrêmement vaste. Ça ne

  7   recouvre pas uniquement la religion. La religion c'est un des facteurs qui

  8   entre en ligne de compte mais pas le seul. Il y a aussi la tradition, la

  9   langue, et cetera, tout cela ce sont des facteurs qui entrent en ligne de

 10   compte. Il y a des études qui ont étudié l'appartenance ethnique et qui ont

 11   considéré que l'appartenance religieuse était essentielle était le facteur

 12   unique qui permettait de déterminer l'appartenance ethnique.

 13   Mais la manière dont les personnes s'identifient au cours du recensement,

 14   oui, c'est une bonne question. Je pense que la religion effectivement c'est

 15   le facteur déterminant mais il y a d'autres facteurs, surtout dans les

 16   situations ou dans les époques incertaines du point de vue politique ou du

 17   point de vue économique, les gens ont tendance à faire le choix qui leur

 18   semble le plus favorable à ce moment-là.

 19   Mais je ne pense pas que ça a eu une incidence importante sur l'étude

 20   que j'ai réalisée au sujet de Hrtkovci. Je pense que dans le cas d'espèce,

 21   la population catholique de Hrtkovci était pour l'essentiel constituée de

 22   Croates et de Hongrois. Voilà comment se présentait la situation à

 23   Hrtkovci. Je pense donc que, dans ce cas-là, l'appartenance religieuse, la

 24   foi, la confession est un élément assez fidèle qui permet d'indiquer

 25   l'appartenance ethnique de la personne concernée.

 26   J'espère que j'ai répondu à votre question.

 27   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Tabeau, est-ce que vous avez

 28   trouvé des éléments vous permettant de constater que des personnes

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  1   s'étaient déclarées yougoslaves de manière délibérée parce que ces

  2   personnes ne voulaient être associées à aucuns des groupes ethniques de

  3   l'ex-Yougoslavie; alors même que vous aviez, par exemple, quelqu'un qui

  4   était de parents serbes de confession orthodoxe, mais cette personne

  5   décidait pour des raisons politiques de ne pas se déclarer serbe. Est-ce

  6   que ce type de personne fait également partie du groupe des Yougoslaves

  7   figurant dans les données dont vous vous êtes servi pour analyser votre

  8   étude ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas pu réaliser cette étude pour la

 10   Vojvodine et Hrtkovci parce que pour ça, il aurait fallu que j'ai les

 11   données individuelles des recensements de 1991 et 2002; à ce moment-là de

 12   manière empirique, j'aurais pu faire des comparaisons, j'aurais pu vérifier

 13   ce qu'il en est.

 14   J'ai fait une étude sur les données de Bosnie. Je n'ai pas pu comparer avec

 15   le recensement de Bosnie parce que le deuxième recensement après celui de

 16   1991 n'avait pas encore eu lieu. Mais il existe beaucoup de sources sur les

 17   victimes de la guerre indiquant leur appartenance ethnique et on voit qu'il

 18   y a eu des modifications de l'appartenance ethnique et de la manière dont

 19   elle est déclarée par rapport au recensement de 1991. Les Yougoslaves

 20   étaient présentés comme des victimes et appartenant à un groupe ethnique

 21   précis; mais c'est difficile à comparer, mais c'est un peu difficile de se

 22   lancer dans des hypothèses.

 23   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Seselj, continuez. J'espère que nos

 25   questions n'ont pas empiété sur peut-être des questions que vous vouliez

 26   poser.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez entamé un bon nombre de sujets, je

 28   vais m'efforcer de les garder en mémoire pour amener l'expert à se

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  1   prononcer sur toutes ces questions autant que possible ici. C'est une

  2   problématique fort complexe et j'espère que vous tiendrez compte de ma

  3   requête qui vise à avoir plus de temps pour le contre-interrogatoire. Je

  4   vous prouverai que je vaque uniquement à l'analyse d'expert de ce rapport

  5   sans influence autre quel qu'elle soit.

  6   M. SESELJ : [interprétation]

  7   Q.  Madame Tabeau, vous avez mentionné ici des éléments relatifs au

  8   changement dans la façon dont les citoyens se sont prononcés sur le plan

  9   ethnique, et vous avez avancé cela comme argument contre le recours à la

 10   paradigme que j'ai évoquée tout à l'heure au niveau méthodologique pour ce

 11   qui est de l'approche scientifique. Vous avez dit que cette approche serait

 12   applicable s'il n'y avait pas ce facteur-là. Mais il y a autre chose encore

 13   ici.

 14   Il y a un recensement de la population de 1991 qui dit qu'il y avait 600 à

 15   700,000 Serbes déclarés comme tel en Croatie; et quelques 300,000

 16   Yougoslaves; et il y a le tout dernier recensement de la population en

 17   Croatie où les Serbes sont moins de 200,000. Le différentiel d'un demi

 18   million de Serbes a dû vous marquer parce qu'à l'opposé de l'autre côté

 19   vous avez une divergence de 15 ou 16,000 Croates en tant que tel. Donc d'un

 20   côté, vous avez un demi million de Serbes, les Yougoslaves ont disparu, on

 21   ne sait pas où, bien qu'il y a une littérature qui existe à ce sujet-là

 22   aussi; et de l'autre côté, la différence entre le nombre de Croates en 1991

 23   et 2002 se trouve à être de 15 à 16,00 seulement. Ai-je raison de le dire

 24   ou pas ?

 25   R.  Le nombre de Serbes, selon le recensement de 1991, est de 570,000 ou

 26   580,000 pas 600,000 ou 700,000. J'ai ici les statistiques du recensement de

 27   1991, donc je peux vous donner ces statistiques. Travaillons avec les

 28   statistiques publiées pour les Serbes en 1991, le chiffre de 580,000, et

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  1   pour ce qui est de l'année 2001, effectivement il y avait 200,000 Serbes en

  2   Croatie.

  3   Q.  Mais j'ai dit à peu près 600,000. C'est à peu près 600,000, et

  4   maintenant vous en avez 200,000, donc ça ne fait pas un demi million mais

  5   disons une différence de 400,000. Alors qu'est-ce que j'ai raté en

  6   substance ? Moi, je n'ai rien raté, je n'ai pas les chiffres sous les yeux,

  7   j'ai gardé en mémoire certains éléments d'information, mais 400,000 serbes

  8   disparus pour vous ça devrait être marquant, n'est-ce pas ? 

  9   R.  380,000 c'est ça la différence entre les deux recensements et, bien

 10   entendu, ça représente beaucoup de monde, mais il n'y a pas à me tenter de

 11   m'impressionner avec ce type de chiffre parce que c'est tragique bien

 12   entendu, c'est tout simplement tragique, si on pense aux conséquences que

 13   ça a pu avoir.

 14   Donc mais vous avez parlé -- vous avez donné d'autres chiffres. Vous parlez

 15   de la littérature spécialisée des Croates, d'une différence de 15,000,

 16   16,000 mais je ne sais pas exactement de quoi vous parlez, de quel type de

 17   littérature spécialisée vous parlez. Je peux vous donner les changements

 18   dans le nombre de Croates, d'après l'étude des recensements, mais je ne

 19   crois pas que c'est de cela que vous vouliez en venir donc j'aimerais que

 20   vous précisiez ce que vous voulez dire au sujet des Croates.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Tabeau, bon, tout le monde semble maintenant

 22   s'accorder sur le fait qu'en Croatie, le nombre de Serbes entre les deux

 23   recensements 1991 et 2002, ils ont diminué de 380,000; enfin, c'est vos

 24   chiffres peut-être plus, mais on a 380,000 Serbes qui ont quitté la

 25   Croatie, qui sont partis ailleurs. Ça, c'est une vérité que personne ne

 26   peut contester qui résulte du recensement.

 27   Maintenant, ce qui est intéressant et j'en ai besoin pour appréhender

 28   tous ces problèmes, entre les deux recensements 1991 et 2002 en Vojvodine,

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  1   quel est le différentiel de Croates qui ont quitté la Vojvodine et qui sont

  2   partis en Croatie ou ailleurs ? Il y en a combien pour qu'on puisse évaluer

  3   et comparer ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] On peut procéder à cet exercice en regardant

  5   les résultats du recensement comme on l'a fait pour la Croatie, sachant que

  6   les chiffres ne sont pas parfaits et influencés par un certain nombre de

  7   facteurs. J'ai préparé un tableau qui figure dans mon rapport et je vous

  8   demande de bien vouloir le consulter mon rapport.

  9   Page 12 dans la version en anglais, tableau numéro 2, on y trouve des

 10   statistiques cumulées de deux recensements, recensements de 1991 et de

 11   2002.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça ne mène à rien vraiment. Ce tableau, ça

 13   c'est une image qu'on donne ici, oui, c'est bon.

 14   C'est moi qui me suis trompé.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, vous vous êtes trompé parce que --

 16   Alors Madame, allez-y.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le paragraphe que l'on trouve à la page

 18   suivante, après les quatre diagrammes, vous avez un paragraphe. Je parle de

 19   la modification de la composition ethnique de la région, et dans ce

 20   paragraphe, j'explique qu'il y a 16 000 Croates -- enfin, une différence de

 21   16 000 Croates entre le recensement de 2002 et celui de 1991.

 22   Je précise que nous parlons là de la population de la Vojvodine,

 23   c'est donc une population qui n'est pas aussi importante que celle de la

 24   Croatie. Ça correspond à peu près à deux millions de personnes. Maintenant,

 25   si on regarde la population croate en Vojvodine, ça s'élevait à 73 000

 26   personnes, selon le recensement de 1991, contre à peu près 57 000

 27   personnes, selon le recensement de 2002. Voilà les Croates, les Croates

 28   seulement, donc un groupe assez limité d'habitants selon le recensement de

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  1   1991 et ce groupe a encore diminué en 2002.

  2   J'aimerais attirer votre attention également sur le cas des Hongrois,

  3   les Hongrois qui étaient plus nombreux et qui sont toujours plus nombreux

  4   en Vojvodine. En 1991, on comptait plus de 300 000 Hongrois -- 333 000

  5   Hongrois, et la population a diminué pour passer à 290 000, donc une

  6   augmentation plus importante en termes absolus, une baisse de la population

  7   en termes absolus plus importante de 43 000 personnes; eux aussi ce sont

  8   des non-Serbes. Je ne parle ici des Yougoslaves, c'est là qu'on constate la

  9   baisse la plus importante, mais je ne pense pas qu'il est nécessaire pour

 10   l'instant de les inclure parmi les non-Serbes. Donc ce sont les Croates,

 11   les Hongrois que j'ai analysés dans mon rapport, les catholiques dans le

 12   village et dans la province.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour que tout soit bien clair pour tout le

 14   monde, de ce que vous dites, il y a 380 000 Serbes qui ont quitté la

 15   Croatie pour la Serbie ou pour ailleurs. Mais dans l'autre sens, à partir

 16   du tableau qui figure à la page 12, il y a 16 000 Croates qui ont quitté la

 17   Vojvodine - 15 982 exactement j'ai fait la soustraction - donc 16 000

 18   Croates qui ont quitté la Vojvodine.

 19   Mais par contre - et c'est ça que je n'avais pas bien vu - les

 20   Hongrois, eux, il y a un différentiel de 43 000, donc il y a quasiment

 21   trois fois plus de Hongrois qui ont quitté la Vojvodine que des Croates.

 22   Donc il y a 43 000 Croates, puisqu'au départ les Hongrois, ils étaient 333

 23   290, et en 2002, ils ne sont plus que 290 207, donc, en théorie, quand on

 24   fait la soustraction, il apparaît qu'il y aurait un différentiel de 43 000

 25   Hongrois. Voilà donc des chiffres qui résultent du recensement.

 26   Que ça soit un démographe expert rattaché au bureau du Procureur ou

 27   un démographe serbe, il aboutirait aux mêmes chiffres. Vous êtes d'accord,

 28   Madame Tabeau, ce sont des chiffres incontournables ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais j'aimerais faire une petite remarque

  2   au passage. Le moment auquel les deux groupes sont partis est différent

  3   puisqu'en Croatie il y a eu deux vagues de départ de Croatie, en 1991 et

  4   ensuite en 1992, et ensuite après les opérations Tempête et Flash, donc

  5   1995.

  6   La plupart de ces 380 000 départs se font après 1995, alors que pour

  7   ce qui est des Croates de Vojvodine, eux, ils sont partis principalement en

  8   1992. Donc c'est le moment de départ qui est différent, peut-être fin 1991,

  9   fin 1992, peut-être jusqu'en 1993. Donc le moment est important quand même,

 10   le moment où les départs se sont faits, lorsqu'on analyse les chiffres.

 11   S'il faut prendre cela en compte, parce que si un expert ne prenait pas ce

 12   moment en compte, dans ce cas-là, son analyse serait fausse ou serait

 13   biaisée, en tout cas.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai juste une question, puis ma collègue va

 15   enchaîner.

 16   Là, je viens de découvrir que la question hongroise est une question

 17   importante parce qu'il y a 43 000 Hongrois qui partent en 1991 et 2002.

 18   Dans l'acte d'accusation, les Hongrois sont aussi mentionnés, il n'y a pas

 19   que les Croates. Alors comment se fait-il que vous n'avez pas approfondi la

 20   situation des Hongrois ?

 21   Vous vous êtes uniquement centrée sur les Croates et vous n'avez pas

 22   regardé à fond la question des Hongrois, alors qu'ils sont apparemment

 23   trois fois plus nombreux. Il y a une raison à cela ou bien c'est parce que

 24   le Procureur ne vous a pas demandé de travailler sur ce point ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je me suis occupée aussi des

 26   Hongrois dans mon rapport, dans le titre du rapport c'est : "Migration des

 27   Croates et autres non-Serbes," dans les autres non-Serbes, bien sûr, ce

 28   sont principalement les Hongrois qui sont concernés. Dans toutes les

Page 10922

  1   analyses que j'ai faites d'ailleurs, je parle de tous les groupes

  2   ethniques, donc j'ai toujours étudié les Croates et les Hongrois. J'ai

  3   utilisé les registres d'église où on parle principalement d'ailleurs des

  4   Hongrois et des Croates. Donc, dans mon rapport, je ne parle pas uniquement

  5   de statistiques croates, sur les Croates, mais il y a aussi les autres

  6   groupes ethniques qui sont pris en compte dont les Hongrois.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- de soulever un autre problème,

  8   les registres d'église, les registres paroissiaux, pour les catholiques; on

  9   ne faisait pas de distinction entre Croates ou Hongrois, ils étaient

 10   d'abord catholiques. Le curé d'un village de Vojvodine, X, voit arriver des

 11   catholiques pour baptiser leurs enfants; est-ce que le curé leur demande :

 12   "Vous êtes Hongrois, vous êtes Croates, vous êtes Serbes, vous êtes je ne

 13   sais quoi ?" Ou bien : "Vous êtes catholiques ?" A ce moment-là, dans les

 14   registres, il y a les noms mais il n'y a pas de référence à l'ethnie croate

 15   ou hongroise ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, tout à fait. Dans les

 17   registres d'églises, il n'y a pas les groupes ethniques. Il y a des noms

 18   quand même, les noms permettent quand même de donner une petite idée, mais

 19   ce n'est pas suffisant, bien sûr.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc toutes les conclusions tirées à partir des

 21   registres paroissiaux peuvent appréhender ou des Croates ou des Hongrois,

 22   mais on ne peut pas savoir. Peut-être en faisant une analyse plus fine à

 23   partir des noms, mais on est bien d'accord sur ce constant que je peux

 24   faire, c'est-à-dire que toutes les conclusions tirées des registres

 25   paroissiaux peuvent mélanger Croates et Hongrois en même temps ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a des Croates et des Hongrois. Au

 27   niveau des registres paroissiaux, je ne peux pas faire la différence entre

 28   l'un et l'autre. Cela dit, ce qui indique l'ethnicité quand même, c'est

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  1   leur destination de là où ils sont partis, et il y a un tableau dans mon

  2   rapport où je montre la destination de ces personnes quand ils sont partis

  3   d'Hrtkovci. Vous pouvez -- on peut aller la voir d'ailleurs tout de suite,

  4   on peut aller voir ce tableau tout de suite.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- ma collègue avait une question et je

  6   ne voulais pas qu'on oublie sa question.

  7   Mme LE JUGE LATTANZI : Madame, mon problème c'est celui-ci : étant donné

  8   que les chiffres absolus ne nous donnent pas l'illustration précise de la

  9   comparaison entre ceux qui ont quitté la Croatie et ceux qui ont quitté la

 10   Vojvodine, n'aurait-il été plus correct de donner ces chiffres en

 11   pourcentage plutôt qu'en valeur absolue étant donné que la Vojvodine avait

 12   un nombre limité d'habitants, un nombre limité de non-Serbes tandis qu'en

 13   Croatie en chiffres absolus les Serbes étaient beaucoup plus ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais j'ai aussi quand même mis des

 15   chiffres relatifs, des pourcentages donc, dans ce rapport, donc tableau 2,

 16   deuxième chapitre. Mais dans ce tableau, on voit en fait des chiffres

 17   relatifs, qui nous donnent la fraction de Croates qui sont partis. Ça on

 18   peut le faire, on peut calculer tous ces chiffres si l'on le veut puisqu'il

 19   y a les chiffres de base pour faire les calculs.

 20   Mais j'ai une remarque importante quand même à rajouter. Pour ce qui est de

 21   la Vojvodine, la modification ethnique a été assez mineure. C'est la même

 22   situation d'ailleurs qu'en Bosnie si vous regardez la situation ethnique.

 23   La composition ethnique du pays, avant et après le conflit, on ne voit

 24   pratiquement pas de changement. Est-ce que ça signifie qu'il n'y a pas de

 25   changement dans la composition ethnique dans cette zone ? Non, il y a des

 26   modifications énormes, des bouleversements, si je puis dire. Il y a eu des

 27   millions de personnes qui ont quitté le pays ou qui ont été placés à

 28   l'intérieur du pays. Environ 50 % des Bosniaques, les Bosniens ont soit été

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  1   déplacés soit sont partis ailleurs dans un autre pays.

  2   Mais pour bien comprendre ce qui s'est passé, il faut comprendre en fait ce

  3   qui s'est passé au niveau régional, au niveau d'une municipalité et des

  4   villages comme Hrtkovci. C'est pour ça que dans mon rapport j'ai deux

  5   tableaux, un pour Hrtkovci qui est un petit village.

  6   Ensuite un deuxième pour la Vojvodine qui est la zone, enfin la

  7   région donc pour ce qui est de la province, on peut dire 16 000 Croates.

  8   C'est un chiffre important parce que les Croates n'étaient distribués de

  9   façon uniforme dans le pays, ils étaient concentrés dans certains endroits

 10   en fait, donc Hrtkovci, par exemple. En fait, ce qui se passait et ce qui

 11   explique ce chiffre de 16 000, c'est qu'il y a eu en fait un certain nombre

 12   d'endroits assez -- de qualité assez petite où les modifications étaient

 13   dramatiques, comme Hrtkovci, par exemple, c'est pour cela que c'est

 14   représentatif.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, je vous demande qu'on revoie le tableau qui

 16   figure à la figure 9 de la page 23 dans la version anglaise. Peut-être que

 17   Mme la Greffière peut mettre le tableau qu'on a vu hier, où tout le monde

 18   vous a posé des questions sur ce tableau, vous savez, ce sont les départs à

 19   partir du 8 mai, 10 mai, 12 mai, 13 mai, avec le "peak" 15 mai et le "peak"

 20   10 juin.

 21   Page 23 dans votre rapport.

 22   Oui, Madame Biersay.

 23   Mme BIERSAY : [interprétation] Je crois que ça aussi a reçu la cote P571

 24   MFI.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : P571MFI. Bien, alors on n'a malheureusement pas le

 26   tableau à l'écran, il va apparaître. Non, ce n'est pas celui-là.

 27   Mme BIERSAY : [interprétation] Troisième page, si je ne m'abuse.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Là on est à la page 21, voilà.

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  1   Alors, Madame, hier quand je vous ai interrogé sur ce tableau, c'est un

  2   tableau qui a été fait à partir des registres paroissiaux, à partir donc

  3   des baptêmes, si je comprends bien. Mais,de ce fait, comme tout à l'heure

  4   vous m'avez dit qu'il pouvait y avoir des Croates et des Hongrois, ma

  5   conclusion est que, dans le tableau que nous voyons à la figure 9, il y a

  6   mélangé des Croates et des Hongrois; on est bien d'accord ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord. Oui, puisque ce sont des

  8   registres de baptême catholique.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, les chiffres que nous avons sous les yeux ne

 10   concernent pas uniquement des Croates, il y a des Hongrois, bon, qui sont

 11   partis; alors, où sont-ils partis ? Moi, je ne sais pas, peut-être que vous

 12   vous le savez. Moi, pour le moment, on n'a pas eu des Hongrois victimes qui

 13   sont venus nous expliquer. D'abord j'ignore totalement les causes pour

 14   lesquelles ces Hongrois ont dû partir, mais là, maintenant le constat que

 15   je fais c'est que, dans ce tableau, il n'y a pas que des Croates, il y a

 16   des Hongrois. Là, vous venez de me dire : oui, c'est exact.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, tout à fait, puisque c'est

 18   les registres paroissiaux, et là-dedans, il n'y a pas de mention de

 19   l'appartenance ethnique. Mais si vous passez à la page 30 du rapport en

 20   revanche, le tableau 17, dans ce tableau, vous voyez le nombre total, donc

 21   les 722 personnes, et là, on voit quelle est leur destination finale. Alors

 22   il y en a 483 qui sont partis pour la Croatie. Je ne vois pas la Hongrie

 23   sur cette liste, mais il y a une catégorie qui s'appelle "non disponible,"

 24   et là, on a 233 personnes, ce sont peut-être des Hongrois, on n'en sait

 25   rien. Mais ce qui est certain, en tout cas, c'est que c'est principalement

 26   des Croates qui sont partis, c'est eux qui ont le chiffre le plus

 27   important. Alors pourquoi est-ce que des Hongrois iraient en Croatie s'ils

 28   peuvent aller en Hongrie qui est juste à côté en fait, juste à côté

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  1   d'Hrtkovci ?

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, donc le tableau, qui figure à la page 30 et

  3   qui est la figure numéro 13, montre les départs au mois de mai à août en

  4   quantité; c'est bien ça ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Le tableau montre donc les départs en 1992,

  6   mais il n'y a pas que mai à août 1992, il y a d'autres mois, de 792

  7   personnes -- 122 personnes. On voit qu'ils partent principalement vers la

  8   Croatie, c'est le groupe principal.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y en a 483 qui partent en Croatie, mais il se

 10   peut que, dans les 483, il y a aussi des Hongrois parce qu'ils peuvent

 11   bénéficier de la convention de Genève, et peut-être qu'ils ont été aussi en

 12   Hongrie. On n'en sait rien. Enfin, vous pouvez en douter, mais en théorie

 13   c'est possible.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils ne peuvent pas dans les 483. Ce n'est

 17   pas possible parce que ça c'est des Croates, les Croates ils sont partis en

 18   Croatie. Dans les 483, on ne peut pas trouver d'Hongrois.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez chiffré 483 Croates ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Deux sources principales : les tableaux des

 21   réfugiés qui nous ont été donnés par les autorités croates, les

 22   enregistrements nous donnant en fait le nombre de Croates venant

 23   d'Hrtkovci, les 116; et puis la liste de 280 familles qui a été faite par

 24   le Témoin VS-61. Dans cette liste il y avait le pays de destination, et

 25   c'est la Croatie qui était le pays de destination dans cette liste. C'était

 26   indiqué dans la liste et la liste et les registres paroissiaux ont la même

 27   source.

 28   C'est VS-61 qui avait fait ces dossiers, au départ, et il a compilé une

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  1   espèce de vu d'ensemble des départs, qui vous donne la liste des 280. Alors

  2   que dans les registres paroissiaux, il n'y a pas la destination de temps,

  3   où les gens sont partis, mais dans le résumé de départ, il y a la

  4   destination finale. Pour chaque famille, on sait exactement où ils ont

  5   atterri, et c'est la base de ce tableau, et je pense que c'est assez

  6   fiable, la destination.

  7   Mme LE JUGE LATTANZI : Je prends l'occasion de vous demander une chose par

  8   rapport à ce tableau, mais aussi en général par rapport à votre rapport.

  9   Est-ce que vous auriez changé vos conclusions sur ces chiffres que vous

 10   évoquez des Croates qui sont partis par la Croatie, et que vous dites ils

 11   sont Croates parce que cela -- mes sources, ces listes de réfugiés, vous

 12   aurez maintenu vos conclusions si vous aviez su qu'une de ces listes est

 13   quand même un peu suspecte, à la lumière de ce qu'on a évoqué hier des

 14   événements qui entourent M. Grujic, si je me rappelle bien; est-ce que vous

 15   aurez changé vos conclusions --

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, M. Grujic ne m'inquiète pas du tout, ce

 17   n'est pas lui qui a fait la liste. La liste a été compilée par une autorité

 18   dont le mandant est de faire des listes de réfugiés. Il a demandé cette

 19   liste auprès du ministère, que ce soit lui qui l'ait demandée, ça ne me

 20   gêne pas, je sais qu'il y a un groupe de personnes très sérieuses qui

 21   s'occupent des archives concernant les réfugiés en Croatie, ils travaillent

 22   bien. Je les ai rencontrés, j'ai visité leurs archives. Je sais où ils

 23   gardent leurs dossiers, je sais comment ils informatisent les dossiers, je

 24   sais comment ils compilent leurs bases de données, et il s'agit d'un groupe

 25   très professionnel compétent qui travaille bien.

 26   Nous avons obtenu la liste en réponse à une demande d'assistance qui a été

 27   envoyée au colonel Grujic, ça ne me gêne pas vraiment non plus parce que

 28   j'ai la source. J'ai le livre; grâce à cela, je sais qui a fait la liste.

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  1   Je connais la source de ce livre, c'est VS-61, c'est la même source que la

  2   source de mes registres paroissiaux.

  3   Je dois les croire ces registres paroissiaux parce qu'on se sert des

  4   registres paroissiaux depuis des centaines d'années en démographie. Ça

  5   donne des résultats tout à fait fiables qui sont pris au pied de la lettre

  6   en démographie. Mes sources -- je ne suis pas du tout inquiète au niveau de

  7   mes sources. Pour moi, ce sont de bonnes sources fiables.

  8   Mme LE JUGE LATTANZI : Merci, Madame.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Ça va être très rapide, Madame.

 10   Vous pouvez regarder le tableau page 31, le tableau 18. C'est à la page 31

 11   version anglaise, et c'est le tableau 18. Si on avait le tableau à l'écran

 12   ça serait bien. Voilà.

 13   Le tableau du haut, vous avez fait une répartition par âge. Sur les 722

 14   personnes, vous avez été en mesure de déterminer l'âge et on a donc hommes

 15   et femmes.

 16   Moi, je vais m'intéresser et j'aimerais que vous me donniez votre opinion,

 17   je vais m'intéresser à la catégorie des actifs, c'est des hommes en âge de

 18   travailler disons la catégorie des gens qui ont entre 20 ans et 60 ans.

 19   Puisque vous avez des tranches d'âge de 20 à 24 ans, 25 à 29 et vous avez

 20   la tranche 55, 59. Donc je ne prends pas les enfants, et je ne prends pas

 21   les vieillards âgés de 60 ans et plus. Je ne prends que les actifs. Je

 22   m'intéresse uniquement aux hommes parce que, dans ce genre de migrations,

 23   ce sont les hommes qui prennent la décision et femmes et enfants suivent.

 24   Quand je fais le total des hommes dans la catégorie active entre 20 et 60

 25   ans, je m'aperçois grosso modo qu'il y aurait 170 Croates entrant dans

 26   cette catégorie, donc il y aurait 170 décideurs, qui auraient décider donc

 27   de partir emmenant avec eux les enfants, voire les parents ou les grands-

 28   parents, et que tout ceci semble reposer sur 170 personnes; est-ce que vous

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  1   en pensez ?

  2   Si je fais le totale de vos tableaux.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a un groupe d'individus quand on

  4   connaît les âges, ils sont 178. Ils sont 178, et on ne connaît pas les

  5   âges; au minimum 170 décideurs, comme vous dites. Mais si vous passez à

  6   l'autre tableau qui est à côté, là, on a des nombres corrigés; dans ce cas-

  7   là, il y aura plus de décideurs, puisque là, on a tous ceux dont on ne

  8   connaît pas les âges. Il y aura une extrapolation, donc ils sont plus de

  9   170 en fait.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- migratoire, Croatie -- non, Serbie

 11   vers Croatie, au maximum il y a peut-être 200 décideurs qui ont décidé de

 12   partir.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] 280 plutôt, 280 parce que ce sont les familles

 14   qu'on trouve dans le livre et, en fait, donc tout cela correspond bien, les

 15   chiffres se recoupent.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- 280, disons même 300 décideurs qui

 17   ont décidé, pour une raison X, Y ou Z, de partir; vous êtes d'accord sur ce

 18   chiffre ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je suis d'accord, mais on ne parle que de

 20   l'année 1992, et pas de toute l'année en plus, mais de l'été. Oui, c'est

 21   ça, c'est ça.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. D'accord.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est principalement des Croates, ces 280; à

 24   mon avis, ce sont principalement des Croates.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à fait. Bien. Alors on est parti peut-être dans

 26   des voies approfondies mais je n'oublie pas que M. Seselj mène son contre-

 27   interrogatoire et je lui redonne la parole.

 28   Monsieur Seselj.

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  1   M. SESELJ : [interprétation]

  2   Q.  Pourquoi, Madame Tabeau, vous n'avez pas agi comme un scientifique qui

  3   est digne de ce nom et pourquoi vous n'avez, dès le début, donné les

  4   informations comparables, la structure nationale en Croatie selon le

  5   recensement de 1991 et la structure nationale et ethnique de la Serbie et

  6   de la Vojvodine de 1991; ensuite la même chose pour la Croatie et pour la

  7   Vojvodine pour l'an 2002 ? Vous dites que la Vojvodine est bien plus petite

  8   que la Croatie, mais statistiquement, cela ne veut rien dire. La Vojvodine

  9   a deux millions d'habitants et Croatie en a un petit peu plus que quatre

 10   millions. Ne me corrigez pas immédiatement en me donnant des chiffres

 11   précis. Il est vrai que la Croatie fait le double de la Vojvodine en ce qui

 12   concerne le nombre d'habitants.

 13   Pourquoi vous n'avez pas fourni un tableau comparatif puisque ce

 14   tableau nous aurait permis de voir la vérité et d'expliquer les processus ?

 15   Parce que vous, vous falsifiez ce processus en nous donnant des

 16   informations qui ne sont pas sérieuses et qui sont sorties de tout

 17   contexte.

 18   R.  Je n'ai pas pensé nécessaire de mettre cette comparaison de populations

 19   en Croatie et en Vojvodine puisque, moi, j'étais censée m'occuper d'un

 20   village principalement en Vojvodine. Donc je n'ai pas pensé que c'était

 21   nécessaire de procéder à cette comparaison. De plus, ici on n'est pas là

 22   pour compiler des chiffres. Je pense qu'il vaut mieux, il ne faut pas jouer

 23   avec les chiffres. En fait, il vaut mieux se concentrer sur ce qui s'est

 24   passé et voir ce qui s'est passé et justifier ce qui s'est passé dans un

 25   endroit, donc se concentrer afin de ne pas s'éparpiller en jetant des

 26   chiffres à la figure.

 27   Q.  Donc vous vous référez à un contexte plus large uniquement si cela

 28   appuie votre hypothèse de départ, à savoir votre mission ou il s'agit de

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  1   justifier l'acte d'accusation. Mais à chaque fois que cela est contraire à

  2   vos fins, et vous oubliez le contexte tout simplement ?

  3   R.  Non, ce n'est pas vrai. Je comprends l'importance d'une vue générale

  4   mais ce n'est pas quand on joue avec les chiffres, et pour ce qui est de la

  5   vue d'ensemble, ça va bien plus loin que les deux recensements en Croatie

  6   et Vojvodine entre 1991 et 2002. Ce sont les chiffres qui doivent être mis

  7   en perspective, et il faut voir quelle est en fait la situation politique

  8   et socio-économique de la région, moi, je ne me sentais pas compétente pour

  9   parler de cela.

 10   Je suis démographe, moi, je ne suis pas économiste, je ne suis pas

 11   historienne en science politique, pas du tout. Je pense que ça ce serait un

 12   projet que devrait être entrepris par des professionnels qui ne sont pas ou

 13   dirais-je pas que des démographes.

 14   Q.  Votre rapport d'expert ne démontre pas que vous êtes un démographe

 15   sérieux. Ce que je vois c'est que vous manipulez les chiffres mais vous

 16   n'excellez pas dans cela parce que vous dites que vous n'aimez pas le jeu

 17   de chiffres mais ce que vous faites c'est que vous jouez avec ces chiffres

 18   pour appuyer un acte d'accusation faux.

 19   Mme BIERSAY : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une --

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- sa participation à une manipulation

 21   de chiffres. Elle a fait un rapport à partir d'une mission ponctuelle

 22   confiée par le bureau du Procureur, voilà ce qu'elle nous dit. Bien. Alors

 23   il se peut que peut-être il y aurait pu avoir un rapport beaucoup plus

 24   vaste, complet, certes, mais elle, elle fait ce qu'on lui demande de faire.

 25   Si on lui avait donné, mais je parle sous son contrôle une mission

 26   plus large, elle aurait fait ce qu'on lui demande. Là, la mission était

 27   limitée aux sujets précis.

 28   Est-ce bien cela, Madame Tabeau ? Vous aviez une mission ponctuelle

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  1   que le bureau du Procureur vous a confiée, et on n'a pas vous demandé votre

  2   avis sur ce qu'il fallait faire ou pas faire ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, c'est ce que je vous ai dit hier

  4   lorsqu'on a parlé des causes de migration. J'ai bien dit qu'on ne m'avait

  5   pas demandé de parler des causes. On m'a dit de décrire la migration en

  6   chiffres et c'est ce que j'ai fait.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj.

  8   M. SESELJ : [interprétation]

  9   Q.  Est-ce que vous disposiez d'informations statistiques venues du

 10   recensement de la population de 1981, en Vojvodine ?

 11   R.  Je dispose de statistiques cumulées, mais je n'avais pas les données du

 12   recensement.

 13   Q.  Est-ce que vous disposez de l'information que, dans la période entre

 14   1981 et 1991, la natalité était négative en Vojvodine, que l'accroissement

 15   de la population était négatif tout simplement en Vojvodine pendant cette

 16   période ?

 17   R.  Moi, je vous proposerais de consulter le tableau numéro 4 dans mon

 18   rapport, où l'on peut voir l'évolution de la population en Vojvodine à

 19   partir de 1948. C'est un tableau qui a été réalisé à partir de statistiques

 20   publiées, de statistiques officielles sur la population de Vojvodine, à

 21   partir du recensement. Moi, ce n'est pas moi qui ai réalisé ce tableau. Je

 22   l'ai extrait d'une source indiquée sous le tableau, page 15 de mon rapport.

 23   Q.  Pourquoi ne répondez-vous pas brièvement aux questions que je vous

 24   pose. Ma question est courte et votre réponse dure 15 minutes. Alors avez-

 25   vous eu connaissance du fait qu'il y a eu un solde négatif de 21 000

 26   habitants entre le recensement de 1981 et le recensement de 1991. Répondez

 27   par un "oui" ou par un "non," et je vous parle de la Vojvodine toute

 28   entière, donc ça fait presque 21 000 en moins.

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  1   R.  C'est ce qui est indiqué dans le tableau. Vous avez parlé d'une

  2   augmentation naturelle mais la différence n'était pas négative. Il y a eu

  3   augmentation naturelle, et le facteur qui a contribué à la baisse de la

  4   population c'est le flux migratoire, c'est ce qui est indiqué ici. Donc

  5   l'évolution de la population découle de deux facteurs, croissance de la

  6   population, différence entre les décès et les naissances et puis vous avez

  7   un flux migratoire, le solde migratoire; et c'est suivant la nature de ces

  8   deux facteurs que l'on voie une augmentation de la population ou une baisse

  9   de la population.

 10   Vous avez raison entre 1980 et 1991, il y a eu une baisse, une

 11   diminution du nombre des habitants de 21 000 habitants de moins, ça, c'est

 12   exact. C'est effectivement ce qu'on peut voir dans ce tableau. Mais ce qui

 13   explique cette diminution, le facteur qui l'explique c'est le flux

 14   migratoire, c'est le solde migratoire, solde migratoire négatif, on le voit

 15   ici, les gens partaient. Les gens déjà pendant ces dix années-là ont

 16   commencé à quitter la province.

 17   Q.  Quelle a été la raison de ces départs pendant cette dizaine

 18   d'années, c'était encore le temps des communistes entre 1981 et 1991,

 19   quelle était la seule raison du départ des gens à l'époque ?

 20   R.  C'est à vous de me le dire, me semble-t-il, parce que moi, je n'ai pas

 21   évoqué la question dans mon rapport. Je pourrais tout à fait envisager d'y

 22   faire cette motivation, les gens partaient pour aller étudier ailleurs pour

 23   des raisons économiques ou pour d'autres raisons, mais vous avez sans doute

 24   des informations plus précises à ce sujet. Mais je ne suis pas venu ici

 25   pour vous dispenser des cours, Madame Tabeau; c'est des choses que vous

 26   aurez dû apprendre il y a longtemps. Vous auriez dû enquêter à ce sujet en

 27   votre qualité d'expert. C'était vous qui étiez censé m'apporter des

 28   explications parce que, moi, je suis un profane en matière démographique.

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  1   C'est à vous de m'expliquer pas à moi de vous l'expliquer.

  2   Est-il exact de dire que cette croissance négative de la population aurait

  3   été constatée dans tous les groupes ethniques, et entre 1981 et 1991, parmi

  4   les Serbes, les Hongrois, les Croates, les Roumains, les Ruthènes et tous

  5   les autres ?

  6   R.  Vos chercheurs de Serbie de Vojvodine ont expliqué ce solde migratoire

  7   négatif, pendant cette période jusqu'en 1991, comme une migration de

  8   développement, les gens allaient travailler à l'étranger de manière

  9   temporaire. Ils voulaient améliorer leurs conditions de vie et gagner plus

 10   d'argent, c'est ce qui s'est passé. Voilà comment je peux l'expliquer mais

 11   tout cela ça figure dans mon rapport, vous pouvez consulter.

 12   Q.  Pour l'essentiel, ce sont des sources non identifiées parce que c'est

 13   ce que l'on appelle chez nous la peste blanche, je sais que c'est un

 14   phénomène que la Vojvodine a eu à connaître depuis des dizaines d'années,

 15   mais ça ne répond pas à ma question.

 16   Alors cette croissance négative est-il exact de dire que toute

 17   communauté ethnique en Vojvodine là eu entre 1981 et 1991 ? Répondez

 18   directement à la question : "Est-ce que c'est exact ?" ou "Est-ce que ce

 19   n'est pas exact ?" Ne venez pas me raconter d'autres sottises.

 20   R.  Le nombre d'habitants a diminué entre 1981 et 1991, donc effectivement

 21   c'est exact.

 22   Q.  Est-ce que ça été négatif dans tous les groupes ethniques ? Vous avez

 23   dû avoir ces renseignements, il y a un grand livre de publier à ce sujet

 24   suite au recensement de la population de 1981. Moi, j'aurais eu ce livre

 25   sous les yeux si on ne m'avait pas privé de la possibilité de communiquer

 26   avec mes collaborateurs.

 27   R.  Je ne sais pas quelle était la ventilation suivant les groupes

 28   ethniques.

Page 10936

  1   Q.  Non, vous ne savez pas.

  2   R.  Sur les groupes ethniques, je ne sais pas.

  3   Q.  Mais ne prenez pas autant de temps, dites-moi je ne sais pas et c'est

  4   plus honnête parce que vous dépensez moins mon temps.

  5   Alors avez-vous connaissance du fait que cette croissance négative a été

  6   connue par tous les groupes ethniques en Vojvodine entre 1991 et 2002, si

  7   l'on excepte les réfugiés serbes qui sont venus s'installer là pendant

  8   cette période de temps, les Serbes, les Hongrois, les Ruthènes, les

  9   Roumains et tous les autres ? Le saviez-vous cela ?

 10   R.  Mais de qui parlez-vous exactement ? Qui est venu s'installer ? Vous

 11   parlez des Serbes du Kosovo par exemple ?

 12   Q.  En général, je laisse maintenant de côté les Serbes qui sont arrivés de

 13   Croatie et de Bosnie-Herzégovine et du Kosovo. Je parle des Serbes qui y

 14   vivaient en 1991 dans cette Vojvodine et tous les autres groupes ethniques

 15   aussi avaient connu une croissance négative de la population entre 1991 et

 16   2002; est-ce exact ou pas ?

 17   R.  Nous pouvons toujours consulter le tableau que je viens de vous

 18   indiquer le tableau numéro 4; et manifestement vous avez tort parce

 19   qu'entre 1991 et 2002, la croissance a été positive à cause de l'arrivée

 20   massive de personnes en Vojvodine. C'est dans le tableau.

 21   Q.  Dieu me préserve de tout ce que vous me racontez ? Ecoutez un peu mes

 22   questions. Ne venez pas me parler de la croissance liée à l'immigration.

 23   J'ai dit qu'il fallait mettre de côté la croissance due à l'immigration.

 24   Imaginez que personne ne serait venu s'installer pendant ces 11 années-là

 25   en Vojvodine. On parle de la population qui y résidait en 1991, déjà. En

 26   2002, il y a un solde négatif de constater, donc les Serbes, les Croates,

 27   les Hongrois, les Roumains et les Ruthènes, tous.

 28   La question est quand même tout à fait simple et vous faites celle qu'il ne

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  1   comprend pas, j'espère que vous le faites semblant de ne pas comprendre.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : On rentre dans des questions ultra techniques et on

  3   peut perdre le fil pour ceux qui n'ont pas de connaissance mathématique.

  4   Je reprends le problème à la base, d'après votre tableau qui figure à la

  5   page 15 de votre rapport. Sans conteste entre 1981 et 1991, il y a eu au

  6   niveau du recensement un nombre d'habitants en diminution, et ce nombre est

  7   de 21,000 habitants. Personne ne peut contester cela. Quelle est la cause

  8   de ce chiffre ?

  9   La réponse vous l'avez donnée, mais M. Seselj l'a indiqué également c'est

 10   dû au départ des habitants pour des raisons liées certainement à l'emploi,

 11   peut-être au régime communiste de l'époque, donc et puis peut-être à la

 12   situation économique de la Vojvodine, les gens partent ailleurs pour

 13   trouver du travail.

 14   Donc il y a un phénomène qui s'étale sur dix ans et ce phénomène qui

 15   existait avant et qui concerne non pas les Serbes qui vont venir mais les

 16   habitants de la Vojvodine; est-ce que ce phénomène a pu se poursuivre entre

 17   1991 et 2002, ce qui pourrait et que ce phénomène n'étant pas du tout lié à

 18   la guerre, au conflit, à la montée des tensions, au discours du 6 mai 1992,

 19   selon l'Accusation ? Est-ce que ce phénomène n'a pas existé entre 1991 et

 20   2002, qui fait que les chiffres devraient être relativisés, si on prend en

 21   compte ce phénomène dit de la peste blanche qui aurait continué entre 1991

 22   et 2002, parce que c'est un phénomène lié à des causes qui n'ont rien à

 23   voir avec les événements de 1991 et 1992 ?

 24   Qu'est-ce que vous en pensez ? Je crois que c'est cela que M. Seselj

 25   voulait vous faire dire. C'est peut-être très compliqué à comprendre mais,

 26   moi, j'ai cru comprendre que la question était celle-là. Alors pouvez-vous

 27   répondre ?

 28   En un mot, s'il n'y avait pas eu les événements, si la Yougoslavie

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  1   avait continué à fonctionner dans l'ancien système, est-ce qu'on aurait pas

  2   eu au recensement de 2002, s'il y avait eu une baisse continue de la

  3   Vojvodine au point de vue habitant parce que ces gens-là seraient partis en

  4   Allemagne, au Canada, en Italie ou je ne sais où ? Il y aurait eu un --

  5   Est-ce que vous avez compris le sens de la question ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Merci de cette explication.

  7   Oui, je crois qu'effectivement, il y a eu une migration externe qui

  8   s'expliquait par le fait que les gens voulaient améliorer leur situation

  9   personnelle, et ceci avant 1991 déjà; ça on peut le voir au tableau 4, on

 10   voit qu'il y a un solde migratoire négatif. Je crois que, vers l'année

 11   1990, vers l'année 1991, la totalité de la région a été touchée par des

 12   événements dramatiques, guerre en Croatie, après la guerre en Slovénie,

 13   donc la situation à ce moment-là est complètement différente et cette

 14   situation indéniablement a eu un impact sur les décisions individuelles des

 15   habitants, des décisions de départ.

 16   Je crois -- enfin, je ne l'ai pas étudié, mais je crois que ceux qui

 17   étaient déjà à l'étranger, qui avaient un emploi, par exemple, dans les

 18   pays occidentaux, ces gens ont peut-être finalement décidé de rester dans

 19   ce pays-là et de ne pas rentrer chez eux parce que ce n'était vraiment pas

 20   le bon moment pour rentrer à la maison, ou peut-être qu'ils ont au

 21   contraire décidé de revenir pour protéger leurs biens. Enfin, moi, j'aurais

 22   tendance à penser que la plupart de ces gens ont décidé de rester où ils

 23   étaient.

 24   Mais pour revenir à ce que vous m'ayez demandé, après le recensement

 25   de 1991, la situation a complètement changée. Ça on peut le voir également

 26   au tableau numéro 4 puisque nous avons des données pour la période de 1991

 27   à 2002. Tout change, tout change. Regardez le taux d'augmentation naturelle

 28   de la population, les gens ne veulent plus avoir d'enfants parce que c'est

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  1   une période beaucoup trop incertaine pour décider de fonder une famille. On

  2   voit que la population diminue, la croissance naturelle de la population

  3   est négative. Donc ça c'est une différence très importante entre cette

  4   période particulière et les périodes précédentes.

  5   Donc je ne pense pas que l'on puisse dire que cette tendance, ce

  6   phénomène de migration du développement, associé au développement qui

  7   existait avant 1991 s'applique également ici, je ne pense pas, je ne pense

  8   pas. On peut simplement se dire qu'il y a de plus en plus de gens qui

  9   partent parce qu'ils veulent connaître une vie meilleure, mais je ne pense

 10   pas que leurs motivations restent les mêmes pendant ces deux périodes.

 11   C'est peu probable parce que la situation a complètement changée, elle est

 12   complètement bouleversée, il y a le conflit, le conflit fait rage dans

 13   cette région, ça change beaucoup la manière de voir des gens.

 14   Je ne suis pas sûre d'avoir répondu à votre question, mais en tout cas pour

 15   dire, pour faire court, je ne pense pas que cette migration de

 16   développement se soit poursuivie après 1991. Il y a eu -- c'est une sorte

 17   de migration différente qui se produit ensuite. C'est une migration forcée,

 18   c'est comme ça qu'on appelle ça en démographie, et ça, ça recouvre le

 19   phénomène des réfugiés, par exemple, et ça recouvre également une migration

 20   dite "volontaire," c'est-à-dire que personne ne change les gens de leurs

 21   maisons. Donc c'est volontaire mais c'est en rapport avec la guerre.

 22   Ça, il faut penser à ce type de migration de départ, c'est la raison

 23   pour laquelle les gens partent pendant cette période, la première

 24   motivation, selon moi. Donc on ne peut pas dire que c'était déjà ce qui se

 25   passait avant 1991. La situation a énormément changé par rapport aux années

 26   1990 ainsi que les motivations, les raisons qui poussaient les gens à

 27   partir. Voilà ce que je pense.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Je crois que Mme Tabeau a répondu à votre question.

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  1   Pour elle, après 1991, il n'y a pas eu des faits liés à ce qui s'est passé

  2   avant parce que, pour elle, elle semble --

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais, non, elle n'a pas répondu.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Moi, j'ai cru qu'elle a répondu. Vous, vous pensez

  5   qu'elle n'a pas répondu, alors essayez de mettre ça en évidence. Moi, je

  6   crois comprendre qu'elle a répondu.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] On n'a pas traduit vos derniers mots.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Excusez-moi. Je disais que, de mon point de vue,

  9   j'ai l'impression qu'elle a répondu en disant que le phénomène, entre 1981

 10   et 1991, qui existé n'a pas eu lieu après 1991 parce que, d'après elle, il

 11   y a eu d'autres motifs, et notamment les questions de conflits et autres

 12   qui étaient la cause principale du départ des gens et non pas les causes

 13   antérieures. Voilà, pour résumer, ce que j'ai cru comprendre de sa réponse.

 14   Alors peut-être que vous n'êtes pas d'accord avec elle, et on peut ne pas

 15   être d'accord avec elle, mais voilà ce qu'elle a dit comme réponse.

 16   M. SESELJ : [interprétation]

 17   Q.  Madame Tabeau, au lieu d'être un démographe et de procéder à des

 18   recherches vous jouez au penseur et vous pensez. Vous pensez que ce sont

 19   maintenant d'autres raisons qui ont prévalu entre 1991 et 2001; ce ne sont

 20   pas donc les raisons de nature économique qui auraient motivé les gens à

 21   s'en aller. Mais nous avons eu un blocus de la Serbie et de la République

 22   fédérale de la Yougoslavie, un blocus économique terrible déjà en 1992,

 23   déjà à partir de mai 1992. Donc s'il n'y avait pas eu [imperceptible] nous

 24   n'avait pas laissé entendre qu'il y aurait ce blocus, il n'y aurait pas eu

 25   de départ.

 26   Mais déjà en 1991 ou 1992, il y a accueil de -- enfin, il y a

 27   l'affiliation de la Hongrie à l'Union européenne. Pendant ce blocus, il n'y

 28   avait pas de pain en Serbie, il n'y avait pas de travail. Les salaires

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  1   mensuels étaient de deux marks allemands par mois, les salariés touchaient

  2   cela dans le secteur socialisé, dans le secteur public ou dans le secteur

  3   privé. Tout cela n'est pas montré par votre rapport d'expert.

  4   Deuxièmement, nous avons eu un solde négatif pour les Ruthènes, pour les

  5   Roumains, pour les Slovaques, pour les Hongrois et pour les autres sauf les

  6   Roms en Vojvodine. Vous avez pu disposer de ces renseignements, le bureau

  7   du Procureur les a ces renseignements. Pourquoi inventez-vous de toute

  8   pièce pour dire que ces facteurs n'ont pas joué sur tout ceci en 1991 ? La

  9   misère sociale a été le principal facteur économique à l'époque.

 10   R.  Permettez-moi de faire une observation à ce sujet en vous demandant de

 11   consulter de nouveau le tableau numéro 4. Pourquoi constate-t-on qu'il y a

 12   une forte immigration ? Bien, on voit qu'effectivement, il y a une arrivée

 13   massive de Serbes, peu leur importait la situation économique.

 14   Le fait qu'il y ait eu des problèmes, que tous les prix augmentaient

 15   et cetera. Ça prouve la véracité de ce que je dis, c'est-à-dire les

 16   motivations de la population à cette époque, les motivations qui explique

 17   ces flux migratoires ne sont pas les mêmes que ceux qui s'appliquaient

 18   avant 1991. Tout ceci est maintenant en rapport avec le conflit, avec le

 19   conflit en Croatie en premier lieu, avec le conflit en Bosnie-Herzégovine

 20   aussi et puis au Kosovo après.

 21   Il est sûr que vous n'avez pas raison en disant que les gens étaient

 22   chassés de Serbie, Monténégro et de Vojvodine par des facteurs économiques,

 23   qu'ils étaient attirés par de meilleures perspectives ailleurs.

 24   Q.  Mais c'est justement parce que vous n'avez pas eu une approche sérieuse

 25   à cette étude. Si vous aviez eu une approche sérieuse, vous connaîtriez le

 26   nombre des Serbes qui sont partis entre 1991 et 2002. Combien de Serbes il

 27   y a eu à partir au Canada, en Amérique, en Australie, vous le seriez tout

 28   cela. Ils ont fui la misère pendant ces années de blocus, or, vous ne

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  1   l'avez pas étudié cela.

  2   Vous démentez ce que je dis en avançant un fait en disant qu'un chiffre

  3   énorme de Serbes est arrivé, oui, il est arrivé 140 000 hommes pour sauver

  4   leur peau. Ils ont fui la Croatie, ils ont été expulsés de Croatie, ils

  5   fuient vers la pauvreté et la misère, mais pour sauver leur peau, et c'est

  6   ça la substance. En votre qualité de démographe, ça vous n'êtes pas capable

  7   de le comprendre parce que vous n'êtes pas un vrai démographe, vous êtes en

  8   train d'accomplir la mission qui vous est confiée par le bureau du

  9   Procureur pour répondre à ce faux acte d'Accusation, ça c'est d'un.

 10   Deuxièmement, sur ce tableau, vous avez dit que 91 000 personnes en

 11   Vojvodine ont décédé en plus de ceux qui se sont -- qui ont été nés, donc

 12   c'est ce qui rapporte à 1991. Ne me parlez pas de migration maintenant.

 13   Vous avez le taux de naissance et le taux de décès. La différence entre les

 14   naissances et les décès se solde par 81 181; est-ce exact ou pas ?

 15   Mme LE JUGE LATTANZI : [hors micro] -- vous interrompre, Monsieur. Donc

 16   j'ai attendu que vous finissiez, mais je voulais préciser qu'en tout cas,

 17   vous vous êtes volontairement rendu sur la base de cet acte d'accusation

 18   qui a été approuvé par un Juge. Donc ici vous ne pouvez pas parler d'acte

 19   d'accusation faux. Cette qualification vous ne pouvez pas l'utiliser.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame le Témoin, la situation économique semble

 21   être à l'époque parce qu'on n'a pas d'éléments de preuve - c'est M. Seselj

 22   qui nous le dit - mais comme je l'ai toujours dit, moi, quand quelqu'un

 23   parle a priori, je fais confiance dans ce qu'il dit.

 24   Il nous dit qu'à l'époque, il y a un blocus économique. Il nous dit

 25   que les salaires versés aux travailleurs c'est de l'ordre de deux deutsche

 26   marks par mois. Il rajoute et ça n'apparaît, semble-t-il, pas dans votre

 27   rapport, que les Serbes - je ne parle pas des Croates - des Serbes, dans

 28   cette situation, sont partis, ont quitté la Vojvodine. Ils sont partis.

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  1   Mais, par contre, on sait qu'il y a des Serbes qui arrivent parce qu'ils

  2   sont des réfugiés ils arrivent, et dans le tableau qui figure à la page 10

  3   de votre rapport, on a les chiffres du nombre de Serbes à Hrtkovci : en

  4   1991, il y en a 531; en 2002, il y en a 2 396. Je présume qu'à ce moment-

  5   là, il y a aussi des Serbes, qui venaient de la Croatie ou d'ailleurs, qui

  6   se sont rajoutés.

  7   Mais, néanmoins, il devait y avoir des Serbes à Hrtkovci qui ont quitté en

  8   1991, 1992 la région pour des raisons économiques. Certainement, il y en a

  9   qui sont partis. Est-ce que vous pouvez souscrire à cette hypothèse que des

 10   Serbes ont pu quitter Hrtkovci et la Vojvodine, pour des raisons liées au

 11   blocus, ou au fait qu'avec deux deutsche marks par mois, alors qu'à

 12   quelques centaines de kilomètre, ils pouvaient gagner dix fois, cent fois

 13   plus, et ils sont partis ? Est-ce qu'on est dans l'erreur si on prend cela

 14   en compte ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Premièrement, une observation à caractère

 16   général. Toute décision de départ, de migration, c'est le résultat de toute

 17   une série de facteurs extrêmement complexes qui se déclinent en deux

 18   catégories. Les facteurs d'incitation et les facteurs de pression, "push

 19   and pull," comme on dit, et c'est le résultat de tous ces facteurs qui

 20   débouchent sur une décision, une décision migratoire.

 21   Généralement, les facteurs incitatifs sont très importants. Ailleurs, ça

 22   l'air toujours d'être mieux où l'on est. Mais quand la situation politique

 23   est instable, dans les situations de conflit, c'est les facteurs de

 24   pression, les facteurs "push," qui entrent le plus en ligne de compte. Je

 25   n'ai pas fait des recherches à ce sujet, mais c'est bien connu en

 26   démographie. Si vous le souhaitez, je peux vous indiquer des articles, des

 27   revues, qui le prouvent scientifiquement.

 28   Maintenant, pour revenir à la question précise que vous m'avez posée, bien,

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  1   non, je ne suis pas en train de dire qu'il y a aucun Serbe qui est parti à

  2   cause de la situation économique catastrophique, mais ce que je dis c'est

  3   que, pendant cette période, on ne peut pas envisager la situation

  4   uniquement en termes économiques, non, parce que la situation politique

  5   était telle qu'elle a joué un rôle. Il faut la prendre en compte en même

  6   temps que la situation économique comme jouant un rôle pour inciter les

  7   gens à partir, les poussant à partir, et si les gens avaient la possibilité

  8   d'aller ailleurs, à ce moment-là, ils le faisaient, ça eu un impact sur les

  9   décisions prises à ce moment-là.

 10   Je ne dis pas que tous les Serbes sont restés sur place et que tous les

 11   Croates sont partis. Je ne dis pas ça parce que la vie ce n'est pas tout

 12   noir et tout blanc. Il y a des Serbes qui sont partis à cause de la

 13   mauvaise situation économique, mais aussi à cause de la situation

 14   politique, de l'augmentation des conflits entre les différentes

 15   communautés, et cetera, et cetera. Je n'ai pas étudié la chose en détail,

 16   mais je suis sûre que d'autres témoins pourraient vous parler de ces

 17   facteurs d'ordre général. Voilà ce que je dis. J'espère que cela suffira.

 18   Mais s'agissant de la question que vous m'avez posée, Monsieur Seselj, vous

 19   avez posé une question au sujet de l'augmentation ou de la croissance

 20   naturelle de la population entre 1991 et 2002. Oui, effectivement,

 21   croissance négative, c'est qu'on peut constater au tableau 4 de la page 15.

 22   J'avais déjà répondu à la question relative à la migration externe des

 23   Serbes, des Serbes qui sont partis de Serbie. Je n'exclus pas ce fait, mais

 24   je ne l'ai pas étudié et je n'ai pas de chiffre, de statistique à ce sujet

 25   dans mon rapport.

 26   Je suis sûre qu'il y a des publications où on peut trouver la chose. Il

 27   doit sans doute y avoir des articles qui ont été publiés dans "Yugoslav

 28   Survey," c'est une revue spécialisée. Il y a sans doute d'autres personnes

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  1   qui ont écrit à ce sujet, et si vous le souhaitez, je peux vous indiquer

  2   quelles sont ces publications, si c'est nécessaire.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- 10 heures. Il est l'heure de faire

  4   la pause. Nous allons faire une pause de 20 minutes, nous reprendrons

  5   après.

  6   --- L'audience est suspendue à 10 heures 00.

  7   --- L'audience est reprise à 10 heures 23.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise. Monsieur Seselj. Vous

  9   avez la parole.

 10   M. SESELJ : [interprétation]

 11   Q.  Madame Tabeau, comment expliquez-vous le fait que, depuis 1991 et

 12   jusqu'en 2002, la population de la minorité slovaque a diminué de 11 % donc

 13   pendant cette période ?

 14   R.  Je ne l'ai pas expliqué dans le rapport, et je ne vais pas l'expliquer

 15   maintenant d'ailleurs. Il faudrait que je l'étudie d'abord.

 16   Q.  Est-ce que vous disposez de cette information à savoir que la minorité

 17   slovaque a diminué de 10,9 %, pour être tout à fait précis.

 18   R.  Comme je j'ai dit, je ne l'ai pas étudié. Je ne veux pas lancer dans

 19   des conjectures à ce propos, je ne peux pas confirmer quoi que ce soit,

 20   approuver, ou je ne peux parler de ces chiffres.

 21   M. SESELJ : [interprétation] Je vais demander que l'on présente le document

 22   65 ter 02754.

 23   Q.  Comment se fait-il que vous travailliez au bureau du Procureur et que

 24   le document que je vais vous montrer ce soit quelque chose qui vous est

 25   inconnu ? C'est une honte puisque je reçus ce document avec ce témoin.

 26   Est-ce que cela a été présenté dans le système de prétoire électronique ?

 27   Non, pas encore, donc on voit la première page mais montrez-nous la

 28   deuxième page, s'il vous plaît.

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  1   C'est l'information concernant le mouvement de la population de la minorité

  2   ethnique slovaque, donc la page suivante.

  3   D'après le recensement de la population de 2002, il y a 56 637 Slovaques

  4   qui habitent en Vojvodine. En 1991, ils étaient au nombre de 63 545. Puis à

  5   la fin du premier paragraphe, on voit que le nombre de cette population a

  6   diminué de 10,9 %, donc 6 000 personnes de moins; est-ce que vous n'avez

  7   jamais eu ce document entre vos mains, Madame ?

  8   R.  Je n'ai pas dit que je n'avais aucune information et données du

  9   recensement de 2002, portant sur différents groupes minoritaires en

 10   Vojvodine. Je ne vous ai pas dit cela, j'ai dit que je n'ai pas étudié cela

 11   puisque moi, je me suis concentrée sur les Croates principalement et les

 12   Hongrois, c'est-à-dire qui étaient les représentatifs des non-Serbes en

 13   Vojvodine et ce sont eux, et à Hrtkovci principalement. C'est là-dessus que

 14   je me suis attardée.

 15   Q.  Mais à partir du moment où vous faites des conclusions aussi

 16   importantes par rapport aux Croates, pourquoi n'avez-vous pas comparé la

 17   situation de la minorité ethnique croate avec les autres minorités là-bas ?

 18   Parce qu'un scientifique digne de ce nom l'aurait fait immédiatement et à

 19   partir du moment où il se serait rendu compte que les Slovaques aussi, que

 20   leur nombre aussi a diminué de 11 % alors qu'en ce qui concerne les Croates

 21   cette diminution correspondait à peu près à 20 %?

 22   Est-ce que vous savez que les Slovaques en Vojvodine habitent dans

 23   des communautés compactes à Backi Petrovac, Kovin, Stara Pazova, Borci ?

 24   Est-ce que vous le savez, Madame.

 25   R.  Une correction au transcript à la ligne 17, je n'ai pas dit que :

 26   "Je n'avais pas reçu cette information," donc, à la ligne 17, je n'ai pas

 27   dit : "Je n'ai pas reçu l'information," j'ai reçu ces informations sur le

 28   recensement de 2002.

Page 10948

  1   J'aimerais que le transcript soit corrigé.

  2   Q.  [aucune interprétation]--

  3   R.  J'allais répondre à votre question.

  4   Dans mon rapport, on voit toutes les autres minorités au tableau 2, pour ce

  5   qui est de la Vojvodine, on peut d'ailleurs y faire référence à ce tableau

  6   2. Ils sont regroupés dans un ensemble appelé "autres" ce que je n'ai pas

  7   fait en fait, c'est la ventilation de tous les groupes minoritaires

  8   existants, alors que je l'ai fait pour les Croates et les Hongrois. Mais je

  9   n'ai pas procédé à cette ventilation parce que j'ai préféré plutôt les

 10   regrouper sous l'appellation "autres."

 11   Q.  Mais vous n'avez pas répondu à la question que je vous ai posée, est-ce

 12   que vous m'expliquez ce phénomène, le nombre de Hongrois a été diminué de

 13   15 %, pourquoi, est-ce qu'ils ont été persécutés, est-ce qu'on les a

 14   chassés ? Vous ne le savez pas.

 15   On poursuit.

 16   R.  Non, non, je n'ai pas encore répondu. Je ne vois pas cette baisse de 15

 17   % pour les Hongrois en ce qui concerne les Hongrois en Vojvodine.

 18   M. SESELJ : [interprétation] Bien. Je voudrais à présent montrer un autre

 19   document 65 ter, 02757, moi, je vais vous montrer de quoi il s'agit puisque

 20   apparemment j'ai une meilleure vue que vous parce que c'est le Procureur

 21   qui m'a fourni toutes ces informations. J'aurais mieux fait de me présenter

 22   comme expert, l'expert en démographie pour le bureau du Procureur.

 23   Puis le Procureur n'a vraiment pas besoin de se lever puisqu'on passe au

 24   vif du sujet.

 25   Q.  La deuxième page de ce document, la fin du deuxième paragraphe --

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, vous vous levez pourquoi.

 27   Mme BIERSAY : [interprétation] Je le suis tout à fait parce que je tiens à

 28   rappeler à M. Seselj que ces sources se retrouvent dans le rapport de Mme

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  1   Tabeau.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mme Tabeau, apparemment, ne maîtrise pas ces

  3   chiffres. Je dois la rappeler l'existence de ces informations parce que, si

  4   elle m'avait dit qu'elle connaissait, qu'elle savait qu'elle était au

  5   courant de cette information, je n'aurais pas montré ce document, et

  6   puisqu'elle ne le sait pas, je vous le présente le document auquel elle se

  7   réfère soi-disant dans son travail d'expert où l'on apprend que le nombre

  8   de Hongrois a diminué de 15 %.

  9   Puis je poursuis. Je passe à un autre sujet parce que je n'ai pas beaucoup

 10   de temps.

 11   M. SESELJ : [interprétation]

 12   Q.  Madame Tabeau, comment expliquez-vous que la population de la minorité

 13   ethnique roumaine en Vojvodine a diminué de 21,6 % entre 1991 et l'an 2001

 14   ?

 15   R.  Là encore, je préférais que M. Seselj fasse des références bien

 16   précises aux éléments dont il parle. Cela faisait partie du classeur qui a

 17   été préparé pour mon témoignage. Les sources que j'ai utilisées dans le

 18   rapport sont dans ce classeur, donc elles sont là. Si on pouvait avoir donc

 19   la traduction du texte serbe qui est à l'écran, dans ce cas-là, on pouvait

 20   confirmer les chiffres.

 21   En tout cas, moi, en ce qui me concerne quand je vois mes données dans mon

 22   rapport, qui viennent quand même des données répertoriées dans la

 23   bibliographie, dans les sources que j'ai dans le classeur, je pourrais,

 24   dans ce cas-là, avoir une idée des chiffres qu'il utilise pour savoir s'ils

 25   sont corrects ou pas. Je ne peux pas vérifier alors comment discutez avec

 26   lui. Je ne peux rien vérifier de ce qu'il dit.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mme Tabeau s'est déjà mise dans le rôle du

 28   Procureur, là, quelques remarques du point de vue de la procédure, mais

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  1   elle fait de toute façon partie de l'équipe du Procureur. Alors cela ne me

  2   dérange pas.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : On a un document qui émane du bureau du Procureur

  4   puisque ce document a été envoyé à M. Seselj. Donc je présume que ce

  5   document vous l'avez eu, vous, il a dû vous être communiqué parce que ça

  6   serait incroyable que vous n'ayez pas eu connaissance de ce document. Ce

  7   document que je découvre il y a quelques secondes, il ne faut pas des

  8   heures pour comprendre un document. Un document, tout ce qui paraît des

  9   plus officiels, indique qu'il y aurait donc une baisse de 15 % des Hongrois

 10   en Vojvodine, entre 1991 et 2002.

 11   Vous êtes d'accord pas d'accord avec le document ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je connais le document. Je sais qu'il

 13   existe. Ce sont des données en tableau qui nous étaient envoyées par

 14   l'office des minorités en Vojvodine. Donc il y a ici le résumé portant sur

 15   la minorité hongroise. C'étaient des données en tableau, et des

 16   statistiques ont été compilées à partir de ces données, qui étaient basées

 17   sur le recensement par différentes localités, et d'ailleurs, ces

 18   statistiques ont été utilisées dans mon rapport. C'est le tableau 2 pour

 19   Vojvodine et tableau 1, pour Hrtkovci.

 20   Donc j'ai utilisé ces données -- en effet, j'ai utilisé les parties

 21   pertinentes dans mon rapport. Si j'avais étudié chaque minorité séparément,

 22   mon rapport serait beaucoup plus volumineux, bien entendu. Or, on m'a

 23   demandé de me -- mon rapport se concentre sur les Croates. C'est pour ça

 24   que je ne parle pas de toutes les minorités existantes.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce rapport, en général, s'il apparaît que toutes les

 26   minorités il y a eu une baisse de population dans toutes les minorités,

 27   quelle qu'elle soit. On peut penser également que ce phénomène, qui touché

 28   les minorités, a certainement dû toucher aussi les Croates ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est comme cela. Je n'ai jamais dit que

  2   le seul groupe qui a été affecté était le groupe des Croates. Je n'ai

  3   jamais dit cela dans mon rapport, je ne l'ai jamais dit même une seule

  4   fois. Là, je ne comprends pas bien où tout ça veut en venir; enfin,

  5   j'imagine que, par la suite, je vais comprendre.

  6   M. SESELJ : [interprétation]

  7   Q.  Comment avez-vous pu établir la situation démographique en ce qui

  8   concerne la communauté des Croates en Vojvodine si vous n'avez  pas comparé

  9   cela à la situation des autres minorités ethniques ? Comment cela peut

 10   venir à l'esprit d'un scientifique digne de ce nom ?

 11   R.  Je n'ai pas pris l'analyse des Croates hors contexte puisque, dans les

 12   tableaux dont on parle, tableaux 1 et 2, je ne parle pas que des Croates

 13   dans ces tableaux; je parle de tous les groupes ethniques dans ces tableaux

 14   : au tableau 1, toute la population de Hrtkovci; tableau 2, toute la

 15   population de Vojvodine. Vous êtes en train de me dire que j'aurais dû

 16   traiter chaque minorité séparément. J'aurais pu le faire, c'est vrai, mais

 17   je ne l'ai pas fait pour des raisons de simplicité, et c'est pour ça que

 18   mes tableaux sont tels qu'ils sont. Mais toutes les minorités se

 19   retrouvent. Il n'y a aucune minorité exclue dans mes tableaux.  

 20   Q.  Oui. Mais votre simplification avait pour but de falsifier les

 21   informations scientifiques puisque ces informations auraient été

 22   complètement différentes si vous aviez fait une analyse comparative.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Montrez-moi, s'il vous plaît, ce document

 24   02753, c'est un document 65 ter. La deuxième page, s'il vous plaît. La

 25   deuxième page, s'il vous plaît.

 26   M. SESELJ : [interprétation] 

 27   Q.  Est-ce que vous voyez ici que le nombre de citoyens roumains en

 28   Vojvodine a diminué de 21,6 % entre deux recensements, alors que le nombre

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  1   de Croates a diminué de 24 %? Est-ce que vous le voyez, Madame Tabeau ?

  2   Vous voulez que je vous prête mes lunettes ?

  3   R.  Non, mes lunettes me vont très bien.

  4   Q.  Bien, votre réponse se fait longue. Vous le voyez, ou vous ne le voyez

  5   pas ? C'est le premier paragraphe, je l'aurais lu déjà 15 fois.

  6   Madame Tabeau, est-ce que vous savez que jamais il n'y a eu de conflit

  7   entre le peuple serbe et roumain, il n'y a jamais eu de guerre entre ces

  8   deux peuples, jamais dans l'histoire ? Est-ce que vous êtes au courant de

  9   cela ?

 10   R.  Je ne suis pas historienne. Ne me posez pas de questions sur

 11   l'histoire, ce n'est pas mon domaine de compétence. Mais, Monsieur Seselj,

 12   la population de Roumains est très petite par rapport aux Hongrois et aux

 13   Croates, très limitée. Donc j'ai choisi les Croates et les Hongrois

 14   principalement parce que c'était eux qui étaient les groupes essentiels en

 15   Vojvodine. Ça ne sert à rien de parler d'une minorité, s'il y a 2,000,

 16   3,000 personnes dans une population totale de trois millions, par exemple.

 17   Vous parlez de pourcentages qui sont reliés à la taille de la population et

 18   c'est là où vous nous induisez en erreur en fait. Moi, j'ai justifié, j'ai

 19   pris mes décisions selon la taille de ces minorités. Evidemment, on peut

 20   tout faire dire aux chiffres mais il faut faire bien attention. Il faut

 21   quand même réfléchir. Il faut savoir interpréter les chiffres parce qu'on

 22   peut tout leur faire dire.

 23   Q.  Madame Tabeau, ne vous livrez pas à des falsifications ici même. Il ne

 24   s'agit pas de 5 000 ou 6 000 Roumains, d'après le recensement de 1991, ils

 25   étaient au nombre de 38 900, cela représente la moitié de la population

 26   croate. Donc ne falsifiez pas, s'il vous plaît, les échantillons

 27   statistiques puisqu'ici on montre une tendance, une tendance qui est

 28   présente aussi chez les Serbes en Vojvodine, si l'on oublie les réfugiés

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  1   serbes qui sont arrivés au cours de ces années.

  2   Q.  Mais on va regarder quelle est la situation avec une autre minorité

  3   ethnique les Ruthènes --

  4   R.  Puis-je faire un commentaire sur la taille de ces minorités ? Vous

  5   voyez dans mon tableau les Croates et les Hongrois en 1991, ça représente

  6   environ 400 000 alors que les autres groupes ethniques, si on prend en

  7   compte ce dont on vient de parler, ça représente 268 000, ça fait 268 000

  8   personnes.

  9   Donc c'est vrai qu'on parle d'une population de 30 000 personnes mais c'est

 10   quand même une minorité qui est bien plus limitée que le nombre de Hongrois

 11   et de Croates quand ils sont pris ensemble. C'est mon point de vue et je

 12   défendrai mes tableaux dans mon rapport, j'ai procédé de la façon correcte,

 13   je le confirme. En statistiques, souvent on présente la ventilation dans

 14   des groupes ethniques cumulés et on a tendance à toujours mettre ensemble

 15   les toutes petites minorités dans un groupe appelé, dans un ensemble appelé

 16   autres.

 17   Q.  Quelle méthode avez-vous utilisé pour faire les liens entre les

 18   Hongrois et les Croates puisque tout le monde sait qu'ils ne se supportent

 19   pas depuis des siècles et que les Serbes et les Hongrois ont toujours eu de

 20   meilleurs rapports que les Hongrois et les Croates. Comment se fait-il que

 21   vous avez fait un lien entre les Croates et les Hongrois rien que pour

 22   gonfler ces chiffres ? Regardez le nombre de Croates d'après le recensement

 23   de 1991, ils étaient combien les Croates à cette époque-là ?

 24   R.  Je ne relie pas les Croates et les Hongrois et je ne connais pas

 25   quelles sont les relations entre ces groupes ethniques et les Serbes, je ne

 26   sais pas quelle est leur relation actuelle, quelle était leur relation par

 27   le passé, je ne sais pas, je n'en sais rien.

 28   Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, la taille de la

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  1   population croate 72 000 à peu près en 1991.

  2   Q.  Regardez maintenant la situation en ce qui concerne les Ruthènes; il y

  3   en a 11,5 % de moins, à la différence de ce que vous avez dit tout à

  4   l'heure, moins ils sont nombreux, moins -- plus petit est le pourcentage.

  5   Les Ruthènes étaient au nombre de 17 652 maintenant ils sont 15 626, la

  6   réduction correspondait à 11,5 %. Là, nous avons les minorités ethniques

  7   plus larges, les communautés plus larges comme les Slovaques et les

  8   Roumains et bien le pourcentage du décroissement est bien plus important et

  9   c'est exactement le contraire de ce que vous avez dit tout à l'heure. Nous

 10   avons 11,5 % de moins de Ruthènes.

 11   Mais maintenant on va regarder un autre document 02758, c'est un document

 12   65 ter.

 13   R.  Est-ce que je peux ajouter quelque chose, pour ce qui est de la

 14   comparaison entre la taille de la modification et la taille du groupe

 15   ethnique ? C'est vrai on ne peut pas dire que plus le groupe est large --

 16   est étendu, plus leur modification est importante. Je ne suis pas d'accord

 17   avec vous, ce n'est pas -- ça ne --

 18   Q.  C'est avec vous-même que vous n'êtes pas en accord parce que tout à

 19   l'heure c'est exactement ce que vous avez dit. Vous avez dit que s'il y a

 20   très peu de membres d'une minorité ethnique, que le pourcentage de la

 21   diminution de la population va être plus importante.

 22   Mais on va regarder ce qui se passe avec les Roms. Chez eux, on voit un

 23   accroissement de la population de 19 %. Comment expliquez-vous cela ? Tous

 24   les autres groupes ethniques disparaissent. Leurs chiffres changent avec un

 25   préfixe négatif alors que tous les Roms qui sont presque partout dans

 26   l'Europe, leur chiffre accroît de 19 %.

 27   R.  Je n'ai pas d'explication. Mais si vous voyez le tableau numéro 2, vous

 28   verrez que, pour toutes les minorités mises à part les Croates et les

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  1   Hongrois, on voit que l'importance des autres minorités entre 1991 et 2002

  2   ont augmenté, don c'est normal que pour les Romains il y ait une

  3   augmentation de la population entre les deux recensements. C'est normal.

  4   Q.  Là, il faudrait inscrire cela dans une encyclopédie, votre explication.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Je suis un peu perdu dans votre réponse. Vous avez

  6   effectivement indiqué que, dans la catégorie "autres" - et on le voit c'est

  7   au tableau numéro 2 - on voit qu'entre 1991 et 2002, il y a eu une

  8   augmentation. Alors dans les catégories "autres", pour que ça soit bien

  9   clair pour tout le monde : recensement, 268 294; 2002, 313 551. Donc il y a

 10   eu au moins 50 000 personnes dites autres qui sont arrivées on ne sait pas

 11   d'où. Bien, ça c'est une chose.

 12   Maintenant dans la catégorie "autres" - et peut-être que là vous auriez dû

 13   détailler - on s'aperçoit qu'il y a des minorités, il y a plusieurs

 14   minorités, et il y a des minorités qui baissent de 10, 15, 20 % qui

 15   baissent. Il y en a eu qui augmentent, les Roms, dont on ne sait pas pour

 16   quelle raison alors même qu'ils devraient baisser, là curieusement, ils

 17   augmentent. Il y a certainement une explication qu'on a pas, mais il doit y

 18   en avoir une.

 19   Alors, s'il y a une tendance générale, vous savez en matière technique le

 20   trend, vous savez ce que ça veut dire. Quand il y a un trend, quand il y a

 21   une tendance affecte toutes les minorités, y compris les Croates qui sont

 22   une minorité, est-ce que la règle, la cause du fait que toutes les

 23   minorités baissent, saut les Roms et puis peut-être d'autres qu'on ne sait

 24   pas, est-ce qu'à ce moment-là, cette cause n'aurait pas due être identifiée

 25   pour vous-même ? Est-ce que vous vous êtes posée la question de savoir,

 26   tiens, je constate que les minorités diminuent. Pour quelle raison ? Est-ce

 27   que les Croates ont diminué aussi pour cette raison, ou bien pour une

 28   raison spécifique liée aux persécutions ? Car vous avez compris, tout le

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  1   débat il est là.

  2   Les Juges auront à se pencher sur le point de savoir si les Croates

  3   qui figurent dans vos tableaux sont partis en raison des conséquences liées

  4   aux intimidations, menaces, persécutions, discours, et cetera, et cetera.

  5   Ou bien, sont-ils partis pour tout un ensemble d'autres raisons ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y en effet des minorités en Vojvodine,

  7   les deux grandes minorités sont les Croates et les Hongrois. Le déclin dans

  8   la taille des populations des minorités se voit non seulement pour les

  9   Croates et les Hongrois, mais aussi chez le autres minorités avec

 10   l'exception des Roms, c'est vrai. Il y avait peut-être d'autres minorités

 11   dont le nombre a très légèrement augmenté aussi, m'enfin, il est vrai qu'en

 12   général la population minoritaire a décliné entre 1991 et 2002 en

 13   Vojvodine, ça c'est vrai.

 14   Mais je n'aime pas qu'on utilise ce tableau pour parler de cela parce

 15   que les statistiques de 2002 ne peuvent pas être comparées complètement

 16   avec les statistiques de 1991. Donc l'augmentation du groupe appelé

 17   "autre," dans mon tableau, à mon avis, vient de la modification des

 18   rapports portant sur l'ethnicité dans la façon dont on parle de l'ethnicité

 19   dans le recensement 2002.

 20   Moi, enfin, je pense qu'on y retrouve des Yougoslaves par exemple

 21   dans ce groupe tout d'un coup. Ça peut être -- peut-être certains sont

 22   devenus Serbes, ces Yougoslaves. S'ils étaient Yougoslaves en 1991 en 2002,

 23   ils ont peut-être décidé de devenir Serbes. Donc les chiffres du

 24   recensement -- les statistiques cumulées ne sont pas assez précises parce

 25   qu'elles ne sont pas comparables d'un recensement sur l'autre or, M. Seselj

 26   utilise justement ces chiffres pour en tirer toutes ces conclusions et pour

 27   parler des baisses et des augmentations.

 28   Moi, je pense qu'il faut prendre en compte d'autres données qui sont

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  1   [imperceptible] qui portent principalement sur les Croates et les Hongrois,

  2   mais qui nous expliquent un peu plus ce qui se passait à l'époque. A mon

  3   avis, il est évident qu'il y a eu des départs, que les Croates sont partis,

  4   à ce moment-là, en 1992 d'Hrtkovci et de Vojvodine; ça c'est indiscutable.

  5   On retrouve ces conclusions d'ailleurs dans les autres rapports sur les

  6   minorités que l'on a à l'écran là en ce moment.

  7   Si on prend la section qui porte sur les Croates, bien sûr, elle

  8   n'est pas à l'écran en ce moment-là, mais si on le voyait à l'écran, on

  9   verrait qu'on expliquerait le déclin des Croates, il y a des explications.

 10   Mais ce n'est pas moi qui ai écrit cela, ce sont les autorités en charge

 11   des minorités qui ont écrit ce rapport et ont fait ces bilans. Il y a une

 12   référence explicite faite à la persécution des Croates à partir de 1991.

 13   Dans mon rapport, je cite deux passages d'ailleurs de ce rapport fait par

 14   les autorités sur les minorités et ça se retrouve à la page 14 d'ailleurs

 15   de mon rapport.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : On va tous à la page 14. C'est à quel

 17   paragraphe ou --

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Paragraphe numéro 3 à partir du bas. C'est en

 19   italique, où il est écrit déclin -- ah, non, c'est le troisième paragraphe

 20   à partir du haut. C'est le premier paragraphe qui est en italique.

 21   Si je puis me permettre de lire : "Une baisse importante du nombre de

 22   Croate dans l'AP Vojvodina par rapport au recensement de 1991 est évidente

 23   dans toutes les municipalités où l'on trouvait un nombre important de

 24   membres de cette minorité précédemment. Cette chute est interprétée comme

 25   étant une conséquence du conflit de 1991 qui avait lieu dans les environs

 26   et aussi des forces politiques de l'époque qui étaient en train

 27   d'entreprendre l'expulsion de la population croate de façon active,

 28   principalement dans les endroits où cette population croate représentait

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  1   une majorité importante ou relative de la population ou un pourcentage

  2   important."

  3   Hrtkovci, par exemple, c'est exactement Hrtkovci. Il y a 40 % de Croates à

  4   Hrtkovci. En 1991, ce n'est pas une majorité absolue, mais ils sont quand

  5   même une majorité relative dans le village, c'est eux qui sont le groupe le

  6   plus important.

  7   Ensuite paragraphe suivant qui me vient exactement de la même source, donc

  8   du rapport sur les minorités de 2003 et qui a été préparé quand même en

  9   Vojvodine par les autorités chargées des minorités. Ce n'est pas moi qui

 10   l'ai écrit. Je cite : "La chute la plus importante de la population croate

 11   qui était principalement le résultat d'une politique de persécution de la

 12   population croate au cours des années de conflit dans le territoire de

 13   l'ex-Yougoslavie, principalement en 1991 lors des opérations de combat sur

 14   le territoire de République de Croatie, a eu lieu, donc  ce déclin le plus

 15   important, a eu lieu dans la municipalité de Sid. La population croate à

 16   Sid était diminuée et est tombée à un tiers de ce qu'elle était lors du

 17   recensement précédent, c'est-à-dire du recensement de 1991 puisque là on

 18   parle du recensement de 2002, donc passant de 6 047 à 2 086. Si l'on

 19   s'exprime en pourcentage, cela représente une baisse de 65,50 %. Ensuite il

 20   y a les municipalités d'Ilija avec une baisse de 59,05 %, Ruma avec -- donc

 21   là, c'est Hrtkovci, Ruma et Hrtkovci c'est le même, donc c'est 47,85 %, et

 22   cetera, et cetera.

 23   Donc on a tout ça, on l'énumération de toute sorte de municipalités

 24   avec la baisse de la population croate exprimée en pourcentage entre 1991

 25   et 2002. Alors pour ce qui est d'Hrtkovci, la population croate d'Hrtkovci,

 26   la baisse est de 65 % si je ne me suis pas trompée mes chiffres.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Le texte que vous venez de livre, il émane pour les

 28   besoins du transcript, là, vous pouvez bien préciser qui a fait ce document

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  1   ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] La source est mentionnée à la page 2 de mon

  3   rapport. Le rapport c'est le dernier alinéa sur la page 2. Titre :

  4   "Fluctuation du nombre de la minorité ethnique croate dans l'AP Vojvodina,

  5   entre 1991 et 2002," et la source est donc le secrétariat provincial chargé

  6   des Règlements de l'administration et des minorités nationales à Novi Sad,

  7   en Vojvodine. C'est un rapport qui date du 20 septembre 2003, et il y a des

  8   rapports similaires, portant sur les autres groupes minoritaires qui sont

  9   aussi cités dans ce même paragraphe. C'est justement ce dont parlait M.

 10   Seselj, les Hongrois, les Slovaques, les Roumains, les Roms, et les

 11   Ruthènes.

 12   Donc c'est la source que j'ai employée pour cet extrait qui est en italique

 13   dans mon rapport.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. C'est un rapport officiel serbe et non

 15   pas croate. Ça vient de la Serbie ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la même source des rapports sur la diminution

 18   des minorités qu'on a vue tout à l'heure ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Seselj.

 21   M. SESELJ : [interprétation]

 22   Q.  Au lieu de faire des études de démographique, vous cherchez à faire des

 23   commentaires politiques de la part de personnes qui sont moralement sur

 24   votre ligne de pensée. Qu'est-ce que cela a à voir les données qui sont

 25   présentées ici ? Où sont les preuves à l'appui de cette thèse ? En 2003, en

 26   Vojvodine, vous aviez au pouvoir Nenad Canak, or, Nenad Canak c'est l'image

 27   du bureau du Procureur de La Haye, du point de vue idéologique et du point

 28   de vue politique.

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  1   Quelle est la corrélation avec votre rapport, cette citation pour que vous

  2   la placiez ici ? Qu'est-ce que cela vient prouver, un facteur politique

  3   apporterait ce type d'explication politique, n'est-ce pas, rien de plus ?

  4   R.  Je ne connais pas cette personne et, non, je ne fais pas de politique

  5   dans mon rapport, c'est absolument faux. Je m'insurge -- le rapport sur les

  6   minorités qui est discuté dans mon rapport m'a servi de source pour mes

  7   données, je l'ai utilisée pour étudier Hrtkovci. Puis il y a un commentaire

  8   avec toutes ces données aussi. Je ne peux pas aller plus loin.

  9   J'ai lu les commentaires et j'ai choisi les données, ça n'a absolument rien

 10   à voir avec la personne qui aurait été en charge en Vojvodine. Il y a une

 11   institution qui surveille la situation des minorités en Vojvodine, c'est ce

 12   fameux institut, et c'est les gens qui m'ont envoyé les données. Je ne peux

 13   pas aller plus loin.

 14   Pourquoi ne leur ferait pas confiance, je n'ai aucune raison de ne pas

 15   faire confiance à ces personnes et à leurs données. J'ai recoupé leurs

 16   données avec d'autres données qui avaient été publiées et qui portaient sur

 17   le recensement de 2002; tout se recollait parfaitement -- toutes les

 18   corrélations, donc je ne vois pas pourquoi j'aurais rejeté ces données

 19   comme étant une source non fiable.

 20   Q.  C'est une chose que de parler de données statistiques que vous

 21   utilisez, en votre qualité de démographe, et c'est une autre chose que de

 22   recourir à des commentaires politiques que vous acceptez et que vous citez,

 23   dans ce commentaire politique, il n'y a -- enfin, il ne trouve pas sa place

 24   dans votre rapport d'expert parce que, pour tirer ce type de commentaire,

 25   il faut qu'il puisse trouver ces fondements dans les données que vous avez

 26   citées dans votre rapport d'expert. Or, partant des données dont vous

 27   disposez, vous n'êtes pas en mesure de tirer cette conclusion s'y

 28   explicite, donc pour vous, il est plus simple de prendre une conclusion

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  1   politique de la part du fait qu'une instance politique et la prendre pour

  2   chose déjà toute faite et toute prouvée pour vous permettre de la citer,

  3   n'est-ce pas ?

  4   R.  Je ne suis pas d'accord. Dans le même passage, dans la deuxième alinéa,

  5   on trouve un examen des modifications, un récapitulatif des modifications

  6   dans un certain nombre de municipalités, et Ruma en fait partie., c'est

  7   très important du point de vue statistique. Je ne pense pas que je fasse de

  8   la politique dans mon rapport. Je me contente de citer des sources qui

  9   traitent des minorités, et ils essaient d'expliquer ces changements. C'est

 10   tout. Il n'y a rien de politique là-dedans, je n'essaie nullement de me

 11   prononcer sur le plan politique, pas du tout.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Donnez-nous donc ce tableau numéro 1, qui est

 13   le 0289F, en application de 65 ter. C'est ce qui se rapporte à Hrtkovci.

 14   M. SESELJ : [interprétation]

 15   Q.  Lorsque vous vous êtes vue confier cette mission de traiter de la

 16   situation à Hrtkovci, vous avez eu à l'esprit le fait que c'était une

 17   petite localité comptant seulement 2500 habitants, n'est-ce pas ? Oui ou

 18   non ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Vous n'ignoriez pas que la statistique c'est une science des grands

 21   chiffres. C'est par des méthodes statistiques que l'on se procure des

 22   données fiables que lorsque l'on compare de grands ensembles. Là, où les

 23   ensembles sont petits de taille, la méthode statistique devient peu fiable.

 24   Plus l'ensemble est petit, moins la méthodologie est faible. Donc il

 25   faudrait que ce soit soumis à différents types de vérification, n'est-ce

 26   pas ? Est-ce qu'en ma qualité de profane, j'ai raison lorsque je parle de

 27   la sorte des méthodologies statistiques ?

 28   R.  Lorsqu'il s'agit d'estimation, oui, les statistiques travaillent à

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  1   partir de chiffres de grands nombres. Les statistiques c'est plus que ça.

  2   Ici on est en train de parler de chiffres ou de statistiques constatés dans

  3   mon rapport. Ce sont des données, par la liste des 722 personnes, c'est un

  4   nombre minimum, qui peut être prouvé, on peut donner les noms des personnes

  5   concernées ainsi que d'autres informations les concernant. Les statistiques

  6   des grands nombres et des échantillons importants ça n'a strictement rien à

  7   voir avec cela, vous êtes en train de mélanger les choses. Donc vous avez

  8   pratiquement raison dans votre observation, mais pas vraiment en ce qui

  9   concerne mon rapport; non, pas du tout.

 10   Q.  Vous avez du point de vue démographique, seulement deux sources

 11   fiables, relativement fiables, ce sont, disons, les plus fiables, d'abord,

 12   c'est le recensement de 1991 et le recensement de 2002.

 13   Vous avez dit la chose la plus dénuée de sens que vous avez jusqu'à présent

 14   dite, à savoir qu'on ne pourrait comparer les renseignements de 2002 et

 15   ceux de 1991; alors du point de vue statistique, c'est la seule chose qui

 16   est mesurable. C'est la seule chose que l'on saurait véritablement

 17   comparée.

 18   Alors comme vous avez eu la mission de comparer un village avec 2528

 19   habitants, plutôt que de rechercher en l'occurrence des sources peu

 20   valides, comme vous l'avez fait tel ce registre de curé et autres choses,

 21   vous auriez dû entrer dans la base de données de cet établissement

 22   statistique de Serbie, et là-bas étudier --

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- Mme Biersay s'est levée. Attendons

 24   de voir ce qu'elle a à nous dire.

 25   Mme BIERSAY : [interprétation] Je me suis levée parce que M. Seselj, en

 26   posant sa question, a dit : "Ah, bon," et ensuite après sa première

 27   question, il a entamé une deuxième question. Voilà pourquoi initialement je

 28   me suis levée. Maintenant je voudrais également demander une expurgation de

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  1   la page 54, ligne 9, pour des raisons que nous avons déjà évoquées à huis

  2   clos partiel.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, on ne peut pas expurger. Quand je parle de

  4   ce "livre de curé," je me réfère au livre de Marko Kljajic, un prêtre de

  5   Petrovaradin, et c'est ce livre qu'on a présenté comme élément de preuve.

  6   Cela a été publié officiellement, enfin, ça a été publié en Serbie, donc ça

  7   ne peut pas être expurgé. Il s'agit donc d'un livre de Marko Kljajic, un

  8   curé qui a été imprimé à des fins de propagande.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- curé a été publié, tout le monde est

 10   au courant de l'existence de ce livre. Pourquoi voulez-vous qu'il soit

 11   expurgé -- que la mention soit expurgée puisque tout le monde le sait ?

 12   Mme BIERSAY : [interprétation] Je crois que la référence faite dans ce

 13   passage du compte rendu est ambiguë. Je me demande maintenant si

 14   l'explication qui vient d'être donnée ne pose pas problème. En tout cas,

 15   moi, en écoutant M. Seselj au début, je n'ai pas bien compris à quoi il

 16   faisait référence également. Vous le savez, nous avons un certain nombre

 17   d'éléments de preuve qui sont aussi des livres.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- collègues.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre, après avoir délibéré, laisse les

 21   choses en l'état, il n'y a pas d'expurgation.

 22   On continue.

 23   M. SESELJ : [interprétation]

 24   Q.  Je vais répéter ma question, Madame Tabeau.

 25   Lorsqu'on vous a confié cette mission qui consistait à faire l'étude d'un

 26   petit village, la chose la plus naturelle à faire au départ même était

 27   celle de recourir à la base des données de l'Institut républicain de

 28   statistiques de Serbie et d'avoir toute la documentation du recensement

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  1   relatif à ce village. Parce que 2 528 imprimés seulement à étudier, cela

  2   aurait -- n'est-il pas été la chose la plus normale à faire ?

  3   R.  Oui, tout à fait, c'est ce que j'ai fait. Je suis content de vous

  4   entendre dire cela. Nous avons adressé une demande d'assistance aux

  5   autorités serbes, et demandé les résultats individuels du recensement pour

  6   la Vojvodine. J'aurais aimé pouvoir consulter ces 2 528 formulaires, mais

  7   je ne les ai jamais reçus, parce que les autorités serbes chargées des

  8   statistiques m'ont dit que c'était confidentiel. Voilà pourquoi je n'ai pas

  9   examiné ces données. Donc ce que vous dites ne tient pas. C'est ce que je

 10   voulais dans l'idéal, mais ces données, elles ne m'ont pas été fournies.

 11   Q.  Quand est-ce que vous avez demandé cela à titre officiel pour la

 12   dernière fois ?

 13   R.  Un instant, je vais vérifier. Octobre 2004.

 14   Q.  Depuis octobre 2004 à octobre 2008, donc vous n'avez pas du tout

 15   réessayé de vous procurer ces données pendant quatre années entières.

 16   Entre-temps, l'autorité serbe transfère à La Haye Radovan Karadzic,

 17   communique au bureau du Procureur tous les dossiers de police, tous les

 18   casiers judiciaires de quelle que personnalité qu'il s'agisse.

 19   Mme BIERSAY : [interprétation] Objection.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est dénué de sens d'élever des objections

 21   parce que je suis en train de faire tomber à l'eau la façon de procéder

 22   méthodologiquement parlant de l'expert. Pendant quatre ans, l'expert au

 23   travers de sa méthodologie n'a pas trouvé utile de redemander ces données.

 24   Or, ce sont des données que, moi, je me suis procuré, et ce n'est pas

 25   confidentiel. Pas du tout confidentiel lorsqu'elles sont utilisées à des

 26   fins de justice.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, Madame Tabeau, j'avais envie de

 28   vous poser cette question hier, et puis j'ai différé. Là, j'en ai

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  1   l'occasion.

  2   Hier, vous nous avez expliqué longuement que vous avez travaillé à partir

  3   de trois sources, et notamment les registres paroissiaux, il n'y a rien à

  4   dire là-dessus. Mais je m'étais dit il y  a peut-être une quatrième source

  5   à laquelle elle n'a peut-être pas pensé ce sont les registres d'état civil

  6   de la mairie d'Hrtkovci.

  7   Parce que en Serbie ou dans l'ex-Yougoslavie, on tient des registres

  8   d'état civil. Qu'est-ce qu'il empêchait, à ce moment-là, d'envoyer une

  9   lettre au maire de la localité ou au responsable de l'état civil pour lui

 10   demander copies des registres afin d'avoir une quatrième source. Ça, il ne

 11   fallait pas attendre ces derniers mois ou la Serbie coopère parce que à

 12   l'époque ils pouvaient très bien répondre. Pourquoi ça n'a pas été fait.

 13   Pourquoi vous n'avez pas demandé copies des registres d'état civil ? Alors

 14   peut-être qu'ils auraient dit : bon, c'est trop compliqué, venez, vous

 15   auriez pu aller sur place regarder cela. Pourquoi ça n'a pas été fait ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Les municipalités procèdent à l'enregistrement

 17   de ce qu'on appelle les événements vitaux. Qu'est-ce que c'est, d'abord,

 18   naissances, décès, et puis les mariages, mais les migrations, les départs,

 19   les arrivées ne sont pas enregistrés ? La seule façon d'évaluer les flux

 20   migratoires c'est de travailler à partir des enregistrements individuels

 21   des deux recensements, de les comparer et de voir quelles sont les

 22   personnes qui ne figurent pas le plus dans le deuxième recensement.

 23   Ensuite on cherche les personnes qui ne figurent plus dans le recensement à

 24   partir des sources relatives aux personnes déplacées ou réfugiées. C'était

 25   ce que je voulais faire initialement. Je pensais que c'était l'approche la

 26   meilleure mais ce n'était pas faisable.

 27   Je dois insister sur le fait que j'ai tout fait pour obtenir les

 28   données dont j'avais besoin, mais je n'ai pas pu travailler avec les

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  1   données optimales, je n'ai pas pu le faire. Mais je pense que les données

  2   que j'ai utilisées à la place, les registres paroissiaux, il n'y a rien à

  3   dire, c'est une source d'information excellente sur les migrations. Pas

  4   seulement pour les naissances, les baptêmes, les mariages, parce que les

  5   migrations ont été enregistrées dans les registres paroissiaux.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : N'y avait-il pas la possibilité d'avoir une autre

  7   source. Je ne sais pas peut-être que ma question n'est pas appropriée mais

  8   je présume que ces citoyens à l'époque, croates, serbes, hongrois et autres

  9   minorités étaient peut-être assujettis à des taxes, ils payaient peut-être

 10   des impôts ou des taxes locales, je n'en sais rien. Mais il serait quand

 11   même étonnant qu'il n'y ait pas un enregistrement dans des fichiers

 12   relevant de la perception des taxes ou impôts.

 13   Est-ce que vous vous êtes préoccupée de cela en interrogeant, en

 14   demandant, par exemple, si en 1991 des Croates payaient des impôts, puis en

 15   1992, ils en payent plus ? Ce qui veut dire qu'ils sont partis, est-ce que

 16   vous avez pensé à cela ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas pensé aux impôts. Je pense

 18   qu'il aurait été peu probable qu'on me donne accès aux registres des

 19   impôts, aux données correspondantes en Vojvodine et en Serbie. Ça

 20   m'étonnerait parce que ça aurait été encore plus improbable que le fait

 21   qu'ils m'envoient les résultats du recensement, et puis pour ça, j'aurais

 22   eu besoin d'un nombre considérable d'informations des noms de chacune des

 23   personnes concernées et de leurs adresses, et cetera, donc c'est beaucoup

 24   d'information. Franchement je suis sceptique, je ne pense pas que j'aurais

 25   pu obtenir ces informations.

 26   Je ne pense pas que ce sont des sources qui ont un rapport avec les flux

 27   migratoires. Les flux migratoires en démographie on sait très bien que

 28   c'est un phénomène extrêmement difficile à étudier. Pourquoi ? Parce que

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  1   c'est difficile de trouver les sources. C'est très difficile même dans une

  2   période normale d'étudier les flux migratoires, très difficile parce que

  3   c'est quelque chose qui ne fait pas l'objet d'un enregistrement

  4   systématique, un déplacement de la sorte et les gens qui s'en vont, une

  5   fois qu'ils sont partis, ne vont pas forcément s'enregistrer en tant que

  6   migrant, ou immigrant ou immigrante dans le nouveau pays où ils

  7   s'installent. Donc c'est un phénomène extrêmement complexe.

  8   C'est pourquoi j'ai décidé notamment d'utiliser ces registres paroissiaux.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Je suis d'accord avec vous. Mais s'il y a 280

 10   familles qui payent l'impôt en 1991, et qui partent et qui en 1992 et 1993

 11   ne payent plus d'impôt, c'est qu'il y a des chances qu'ils sont partis et

 12   ça peut être un élément de preuve qui prouve qu'ils sont partis. Mais bon

 13   je ne connais pas le régime de perception des taxes et des impôts, donc

 14   peut-être que mon observation est dénuée de sens.

 15   Mais ça peut être un moyen pour retrouver les personnes dans des

 16   investigations judiciaires pénales; par ce biais, on peut retrouver la

 17   trace des gens. Bien, à la condition, bien entendu, qu'ils payent les

 18   impôts. S'ils ne payaient pas d'impôts, là c'est très difficile mais, à ce

 19   moment-là, même s'ils ne payent pas d'impôt, ils sont quand même

 20   répertoriés et perception zéro, bon, mais là, je ne sais pas.

 21   Enfin, bon, vous n'avez pas envisagé cela ?

 22   Q.  Non. Il y a d'abord ce que je vous ai répondu tout à l'heure. Puis il y

 23   a une autre chose, c'est que ce qui est important ce n'est pas seulement de

 24   savoir que les gens sont partis, qu'ils ont arrêté de payer des impôts.

 25   Non, ce n'est pas seulement ça qui est important. Ce qui est important

 26   c'est de savoir quand ils sont partis, et ça, c'est une question-clé ici,

 27   c'était le moment du départ des gens. Je ne pense pas que les registres des

 28   impôts m'auraient fourni cette information, donc ça n'aurait pas eu

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  1   d'intérêt. Le fait que les gens soient partis, que les Croates soient

  2   partis, c'était évident. J'ai procédé à une comparaison des recensements.

  3   Je sais qu'il y une certaine partialité parfois mais pas pour la population

  4   croate, c'est plutôt pour la population des Yougoslaves et des autres.

  5   Je pense que, pour les Croates, les Hongrois, les Serbes, il n'y a

  6   pas -- j'avais de bonnes sources de comparaison dans le recensement, donc

  7   il n'y a aucun doute qu'il y a eu des départs, que des gens sont partis du

  8   village. La question qui se posait c'était de savoir quand ces gens étaient

  9   partis, c'est la raison pour laquelle les registres paroissiaux sont une

 10   source excellente puisqu'elles nous donnent une information sur la décision

 11   prise de partir le moment où cette décision est prise, la demande de

 12   certificats de baptême.

 13   La date de la demande est indicative de la date du départ même si

 14   elle ne nous la donne pas exactement, mais c'est une décision. C'est ça qui

 15   est important. Les gens avaient décidé de partir, de s'en aller, donc voilà

 16   un élément indicateur extrêmement intéressant, extrêmement important.

 17   M. SESELJ : [interprétation]

 18   Q.  Madame Tabeau, savez-vous une chose, à savoir qu'au recensement de la

 19   population en Yougoslavie en 1991 et au recensement de la population en

 20   Serbie effectuée en 2002, les recenseurs dans l'imprimé avaient installé un

 21   chiffre qui est le numéro d'immatriculation des citoyens, de chaque citoyen

 22   ?

 23   R.  Si vous parlez du numéro d'identification JMBG, il a été introduit

 24   avant 1991. C'est le numéro personnel d'identification de tout un chacun.

 25   Mais pas en "1991," en "1981," parce que je vois que cela a été mal

 26   consigné au compte rendu d'audience.

 27   Q.  Mais ceci est vraiment terrible. Je vous demande -- je vous pose une

 28   question au sujet de 1991 et 2002. Je ne suis pas intéressé parce qui s'est

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  1   passé avant. Qu'en ai-je à faire de ce qui s'est passé en 1981 ? Je vous

  2   demande si ce JMBG, qui est le numéro de citoyen de chaque individu, on

  3   peut connaître les renseignements relatifs à tout citoyen et on peur

  4   retrouver le nom de cette personne.

  5   R.  En 1991 et en 2002, lors des recensements, on avait utilisé ce numéro

  6   d'identité qui permet de faire le lien avec toutes sortes d'information

  7   individuelle, le nom, la date de naissance, l'adresse, et cetera.

  8   Q.  Donc il n'était guère nécessaire de donner une réponse aussi longue. Il

  9   est possible de suivre individuellement à partir de ce recensement de 1991

 10   jusqu'au recensement de 2002, le déplacement effectué par tout citoyen.

 11   Si, en 2002, il manquait un nom, on peut effectuer des recherches et

 12   essayer de trouver d'autres sources pour voir où cet individu est parti. On

 13   cherche dans le registre des personnes décédées s'il est décédé; on voit le

 14   registre des changements d'adresse et s'il est déménagé, s'il a pris un

 15   passeport d'émigré, on consulte le registre adéquat et on le sait. Ai-je

 16   raison ou tort, oui ou non ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Bien. Alors est-ce que vous savez qui est le Dr Svetlana Radovanovic ?

 19   R.  Oui. Comment est-ce que je ne pourrais pas savoir qui est Mme Svetlana

 20   Radovanovic. Elle a travaillé dans d'autres affaires sur mes rapports en

 21   tant que témoin expert.

 22   Q.  Et bien justement mes conseillers juridiques ont eu recours au Dr

 23   Svetlana Radovanovic, professeur à la faculté de Géographie de l'université

 24   de Belgrade pour lui demander de faire une étude complète qui indiquerait

 25   quels sont les lacunes et les ratages de votre rapport. Le Dr Svetlana

 26   Radovanovic a rédigé cette étude; malheureusement, elle n'a pas pu me la

 27   remettre, ça ne m'est pas parvenu parce que j'ai coupé toute communication

 28   avec mes collaborateurs juridiques, mais je me suis procuré quand même

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  1   certaines données quelle a déterminé avant que l'étude n'ait été

  2   complètement terminée.

  3   Le Dr Svetlana Radovanovic a procédé à l'analyse des 2 528 imprimés du

  4   recensement de 1991, et les 3 428 imprimés de recensement de 2002. Ça se

  5   trouve dans la base de données de l'Institut républicain des statistiques

  6   et vous pouvez entrer par internet dans cette base de données.

  7   Malheureusement, à partir de 2004, vous n'avez même pas essayé de vous

  8   procurer ou d'aboutir à cette base de données comme vous l'avez admis vous-

  9   même.

 10   Alors dans cette abondance d'information que s'est procuré le Dr Svetlana

 11   Radovanovic, ce qui me paraît être le plus intéressant c'est la donnée

 12   relative à la façon dont se sont ethniquement prononcés les citoyens de

 13   Hrtkovci.

 14   Je vais vous donner quelques données. Vous pouvez en prendre note et

 15   pendant la suivante des pauses, vous pourrez vérifier s'il en est

 16   véritablement ainsi.

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Allez plus lentement sur les chiffres parce que les

 28   interprètes n'ont pas le temps d'enregistrer les chiffres.

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  1   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi. Je peux intervenir.

  4   J'aimerais -- je pense que ce serait utile que ces rapports ou des extraits

  5   de ces rapports soient distribués à tous ici et surtout à moi, parce que,

  6   moi, je connais le travail de ce professeur serbe, Svetlana Radovanovic,

  7   parce que ses rapports ne sont pas exclus d'impartialité et d'erreurs non

  8   plus. On ne peut pas croire au pied de la lettre tout ce qui y figure a

  9   priori. Donc j'aimerais voir ces résultats sur le papier.

 10   Puis pour ce qui est de l'exemple dont nous parle M. Seselj,

 11   s'agissant de la modification de la perception de l'appartenance ethnique,

 12   ça n'a rien en contradiction avec ce qu'on a dit nous-mêmes précédemment.

 13   M. SESELJ : [interprétation]

 14   Q.  Tout d'abord, je ne peux pas me procurer moi-même le rapport du Dr

 15   Svetlana Radovanovic puisque j'ai eu une coupure des communications avec

 16   mes conseilleurs juridiques. Je serais l'homme le plus heureux de la terre

 17   si ces conseillers avaient eu la possibilité de me le communiquer en temps

 18   utile, afin que je le remettre ici, afin que vous puissiez en disposer,

 19   vous, le bureau du Procureur, et les Juges de la Chambre. Mon travail

 20   serait accompli parce que je suis véritablement un profane en matière de

 21   démographie, s'agissant d'un nom aussi important que Svetlana Radovanovic

 22   qui est un grand nom dans les sciences serbes.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- vous levez --

 24   M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Objection de la

 25   part de l'Accusation à cause des informations fausses qui sont données par

 26   l'accusé qui ne cesse de répéter que les communications entre lui et ses

 27   collaborateurs sont interrompues. C'est faux. C'est quelque chose qui ne

 28   cesse de répéter et de communiquer au média serbe. C'est totalement faux,

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  1   la Chambre le lui a répété à de nombreuses reprises.

  2   Nous lèverons, nous soulèverons des objections dès que M. Seselj dira que

  3   les communications entre lui et l'extérieur ont été interrompues, qu'on l'a

  4   mis sur écoute, que le bureau du Procureur l'a mis sur écoute. Non,

  5   objection. Dès qu'il tiendra ce genre de propos, nous soulèverons des

  6   objections, nous ne sommes pas prêts à lui permettre de poursuivre cette

  7   campagne de désinformations.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- ce sujet a déjà été abordé

  9   longuement, et on est obligé de refaire une mise au point. La Chambre l'a

 10   dit, je le redis. Les communications sont surveillées par le Greffier,

 11   c'est exact. La Chambre a été saisie de votre requête orale, et j'espère

 12   que bientôt la Chambre statuera sur votre requête. Mais ceci étant dit, les

 13   communications n'ont pas été coupées, comme vient de le dire M. Mundis.

 14   Elles sont surveillées. Donc rien ne vous empêche de recevoir de la part de

 15   vos collaborateurs tout rapport. Bien. La vérité elle est là. Simplement

 16   vous avez décidé de ne plus rien recevoir d'eux. C'est votre volonté, votre

 17   choix sur lequel nous n'avons rien à dire. Mais simplement il faut dire les

 18   choses telles qu'elles sont. Il y a surveillance de vos communications,

 19   oui, mais il n'y a pas interdiction de communiquer. Voilà, donc ça c'est

 20   très clair.

 21   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, pour répondre, vous dites je veux avoir --

 23   [hors micro] -- attendez. Je vais --

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] S'il vous plaît.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- mais je réponds à Mme Tabeau, et je

 26   vous donne la parole.

 27   Madame Tabeau, vous disiez : je veux avoir les documents. Bon, là aussi, un

 28   autre problème pour votre information.

Page 10975

  1   M. Seselj n'a pas, lui, la charge de la preuve, la charge de la preuve

  2   incombe à l'Accusation, donc il n'est pas obligé de montrer tous les

  3   documents qu'il veut produire à décharge. En revanche, il peut, à partir

  4   des éléments qu'il a, vous poser des questions, et c'est ce qu'il était en

  5   train de faire. Le rapport de cette dame, que je connais pas, mais donc

  6   j'ai déjà entendu parler, peut-être qu'il la fera venir comme témoin expert

  7   de la Défense. Peut-être. Je n'en sais rien. A ce moment-là, on verra ce

  8   qu'elle peut dire.

  9   Mais je crois comprendre que le débat porte : et d'ailleurs curieusement,

 10   moi-même, ce matin j'avais posé la question, en vous demandant : "Est-ce

 11   qu'il est possible que des gens un jour se déclarent Serbes," et à un autre

 12   recensement croate vous m'aviez dit que : "C'était possible." Là, je crois

 13   que M. Seselj en apporte la preuve pour au moins deux ou trois à partir des

 14   numéros JMBG, donc il n'y a pas de coup de théâtre dans ce qu'il dit,

 15   puisque ce matin j'avais moi-même abordé cette question et vous avez dit

 16   que c'était possible.

 17   Monsieur Seselj, que vouliez-vous dire ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, dans la prison, il y a

 19   deux téléphones dans chaque bloc de cellule. Il y a un téléphone qui est en

 20   fait une cabine publique, dont se servent tous les détenus pour appeler

 21   leurs familles, leurs amis, enfin, ceux qu'ils veulent, et ils payent ces

 22   communications. Il y a toujours la queue devant cette cabine publique parce

 23   que nous sommes 11 à l'étage. Nous avons des obligations variées. Il y a

 24   deux heures de détention, puis les sports, les exercices, et cetera.

 25   Le deuxième téléphone c'est un téléphone qu'on utilise pour contacter nos

 26   avocats, et les conseillers juridiques; ce téléphone est gratuit. Ce

 27   téléphone, par un ordre écrit, m'a été interdit, supprimé, et je puis

 28   m'entretenir seulement depuis la cabine publique où il y a une queue

Page 10976

  1   régulièrement, et je dois payer toutes mes communications, chose qui n'est

  2   pas négligeable.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- je découvre, enfin, M. Mundis

  4   découvre aussi. Parce que, jusqu'à présent, moi, mes collègues - et peut-

  5   être M. Mundis - savaient que ce téléphone qui vous reliait à vos

  6   collaborateurs était sous écoute, mais vous nous dites : "C'est fini, on

  7   vous l'a interdit." Alors c'est nouveau. Moi, je n'en savais strictement

  8   rien. Je pense que M. Mundis n'en savait rien non plus.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Par écrit, m'a-t-on interdit d'utiliser ce

 10   téléphone, et en ce qui concerne la liste des téléphones privilégiés -- des

 11   numéros privilégiés des téléphones, le numéro de Slavko Jurkovic a été

 12   enlevé. C'est mon conseiller juridique. A différent des autres forçats,

 13   moi, je ne pouvais appeler qu'un seul numéro sur cette liste, le numéro de

 14   Slavko Jurkovic. Je ne pouvais pas appeler directement les autres

 15   conseillers juridiques ni le commis à l'affaire, uniquement Slavko

 16   Jurkovic. Le deuxième numéro qui figurait c'était le numéro de l'ambassade

 17   de Serbie à La Haye.

 18   Ce sont les seuls deux numéros que je pouvais appeler de ce téléphone, mais

 19   maintenant, à partir du téléphone public, je peux appeler tout le monde.

 20   Mais pas seulement -- je vais être mis sur l'écoute par le Greffe, mais

 21   aussi je vais être entendu par tous les forçats qui entendent.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- vous pouvez téléphoner par le

 23   téléphone public. D'accord. On comprend que vous faites la queue. C'est

 24   désagréable. Nous comprenons parfaitement. Mais, par contre, là, je suis

 25   stupéfait parce que le téléphone qui était [imperceptible] maintenant par

 26   une notification écrit, on vous a dit : "C'est fini." C'est ça que vous

 27   venez de nous dire. Vous me confirmez cela ? Parce qu'on va demander au

 28   Greffier des renseignements parce que, là, c'est en violation de vos

Page 10977

  1   droits.

  2   Car, jusqu'à présent, nous, ce que nous savions c'est que vous

  3   pouviez avoir une ligne privilégiée à la condition de l'utiliser que pour

  4   votre défense. Le Greffier avait estimé qu'il devait vous surveiller. C'est

  5   sa responsabilité et celle du Président, et la Chambre a été saisie par

  6   votre requête orale. Mais nous on en était à cette situation. On ne savait

  7   pas que ce téléphone vous est maintenant interdit par une notification

  8   écrite. C'est ça que vous nous dites ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Exactement. Le Greffier a pris une

 10   décision écrite portant sur l'écoute de mes conversations avec les

 11   conseillers juridiques, et puis j'ai reçu aussi une décision par écrit et

 12   je n'ai plus le droit d'utiliser ce numéro, d'appeler ce numéro. Le seul

 13   numéro que je peux appeler c'est le numéro de l'ambassade serbe à La Haye,

 14   ou plutôt du consulat --

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : On va demander au Greffier des explications.

 16   Moi, je suis stupéfait; qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? A

 17   croire qu'il y a une main invisible s'ingénie à ralentir ce procès, à faire

 18   qu'on ne puisse pas faire notre travail, parce que ça, ça appelle que vous

 19   vous plaignez, le procureur fait des objections, la Chambre est obligée de

 20   statuer. Tout ça on perd du temps.

 21   Alors que, moi, mon objectif est de me consacrer uniquement à l'acte

 22   d'accusation. Tout le reste n'est que perte de temps, et puis on passe

 23   beaucoup de temps avec le reste. Alors qu'on ferait mieux de passer le

 24   temps avec Mme Tabeau, par exemple, parce que c'est intéressant ce qu'elle

 25   peut dire, ce que vous pouvez dire dans le contre-interrogatoire sans qu'on

 26   parte dans des problèmes accessoires. Alors on va interroger le Greffier et

 27   puis on va essayer d'éclaircir cela.

 28   Alors continuez votre contre-interrogatoire; il nous reste dix

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  1   minutes avant la pause.

  2   M. SESELJ : [interprétation]

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18   Là, je ne vous ai cité que quelques exemples. On en a toute une série

 19   et puis sont nombreux aussi ceux qui, en 1991, se disaient croates, et en

 20   2002, se disaient hongrois. Puis il y en a aussi qui, en 1991, se disaient

 21   croates, et en 2002, ne voulaient pas dire leur nationalité, n'avaient pas

 22   choisi leur nationalité, et puis il y en a qui, en 2001, se disaient

 23   croates, et qui en 2002, avaient refusé de donner leur appartenance

 24   ethnique et on a inscrit au niveau de cette case appartenance "ethnique

 25   inconnue." Donc cette catégorie-là existe aussi.

 26   Donc si l'on travaillait sérieusement sur le matériel relevant du

 27   recensement de la situation, on pourrait établir avec un certain degré de

 28   certitude quels sont les Croates qui habitaient à Hrtkovci en 1991, et

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  1   quels sont les Croates qui sont partis.

  2   R.  -- les Croates qui ont changé dans leur ethnicité en 2002, c'est un

  3   chiffre quand même extrêmement limité. Ce qui serait intéressant c'est de

  4   savoir s'il n'y a pas des Serbes qui ont fait le contraire, donc changer

  5   leur ethnicité, leur appartenance ethnique pour croate en 2002. Mais il n'y

  6   en a pas en 2002. Ce n'est pas très logique en Vojvodine puisqu'il y a

  7   domination de la population serbe. Dans les temps difficiles il est

  8   toujours, on ne voulait pas à l'époque être considéré comme croate,

  9   personne n'aurait voulu le faire.

 10   Enfin, ce que je voulais dire c'était, vous nous donnez des exemples de

 11   certains points sur lesquels de toute manière nous étions tombés d'accord

 12   ce matin. Mais ce qui est important c'est de savoir s'il y a eu des départs

 13   et s'il y a eu des départs, à quel moment les départs de Croates ou de non-

 14   Serbes de Hrtkovci.

 15   Je ne pense pas que les exemples que vous nous avez donnés modifient

 16   mon rapport ou modifient les conclusions. Je ne vois vraiment pas quel est

 17   l'impact des exemples que vous avez donnés sur des conclusions de mon

 18   rapport. Je ne vois vraiment pas. Je n'ai jamais dit que tous les Croates

 19   avaient quitté Hrtkovci, je ne l'ai jamais dit. Je le sais d'ailleurs, ils

 20   ne sont pas tous partis. Il se peut très bien que certains qui soient

 21   restés se seraient déclarés Serbes, lors du recensement de 2002, pourquoi

 22   pas après tout. L'appartenance ethnique serbe, à l'époque, être, se

 23   déclarer serbe et avoir l'appartenance ethnique serbe, à l'époque, cela

 24   peut permettre sans doute à des gens de se sentir plus en sécurité à

 25   l'époque. C'était sans doute quelque chose qui vous permettait de vous

 26   sentir plus en sécurité. C'est vrai qu'en 2002, il y a des gens qui se sont

 27   déclarés d'une autre appartenance ethnique qu'avant, c'est vrai. Que dire ?

 28   Q.  Mais votre mission était d'établir le nombre de Croates qui avait

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 28  

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  1   quitté Hrtkovci, quand est-ce qu'ils sont partis et pour quelle raison.

  2   Vous n'avez pas accompli votre mission. Pourquoi ? Parce que vous ne

  3   vouliez pas avoir recours aux sources statistiques pertinentes en revanche,

  4   vous avez fait le choix d'utiliser les sources secondaires et peu fiables.

  5   Nous avons eu un témoin ici qui a parcouru les listes de Marko Kljajic et

  6   qui a établi quelles sont les personnes qui avaient possédé un certificat

  7   de baptême ou de naissance sans jamais pour autant quitter Hrtkovci. Est-ce

  8   que vous savez qui c'était, vous devez le connaître ? C'est quelqu'un qui

  9   est très important en la matière, vous savez de qui je parle ?

 10   R.  Je préférais que vous me le disiez. Moi, je n'assiste pas à des

 11   audiences tous les jours. Mais s'il a, bel et bien, fait ça, a étudié toute

 12   la liste, j'aimerais savoir exactement. J'aimerais savoir s'il y a vraiment

 13   quelqu'un qui a fait cela, quelqu'un qui a vérifié ce qui s'était passé à

 14   ces 280 personnes. Mais j'aimerais savoir quand même si cette personne --

 15   j'aimerais vraiment connaître cette personne qui savait ce qui est arrivé à

 16   ces 280 personnes. Mais c'est quand même beaucoup de travail, arriver à se

 17   familiariser avec le sort de 280 familles, c'est quand même un effort

 18   considérable.

 19   Q.  Si vous vous étiez préparée sérieusement pour votre déposition, et

 20   puisque vous travaillez au bureau du Procureur, vous auriez pu disposer de

 21   toutes ces informations. Vous auriez pu parcourir les comptes rendus

 22   d'audience, vous auriez pu suivre ce qui se passe et maintenant vous me

 23   demandez que je vous fournisse les informations en question.

 24   Non, je ne veux pas le faire parce que vous ne le méritez pas ni par

 25   votre expertise ni par votre moralité.

 26   Donc on va passer à un autre thème.

 27   Mme BIERSAY : [interprétation] Objection. Objection. Les commentaires de M.

 28   Seselj sur la moralité des témoins ne sont absolument pas acceptables. Nous

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  1   soulevons une objection extrêmement violente.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, on vous a déjà dit de ne pas porter

  3   des appréciations subjectives sur des témoins qui témoignent sur la foi du

  4   serment, qu'en revanche vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec son

  5   rapport pour telle ou telle raison, oui, mais sans pour autant jeter

  6   l'opprobre sur sa moralité, ses opinions, et cetera. Mme Biersay a tout à

  7   fait raison d'intervenir.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] En ce qui me concerne, Mme Biersay a toujours

  9   raison. Mais bon, c'est bien, je ne vais plus le faire.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Elle n'a pas fini, Mme Biersay.

 11   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, tout à fait étant donné que je suis

 12   debout, je voulais aussi, pour le compte rendu, mettre au compte rendu donc

 13   une objection de l'Accusation car nous n'avons pas eu les informations que

 14   M. Seselj a obtenues de la part d'un expert qui visiblement est engagé.

 15   J'ai bien compris qu'il n'avait pas pu obtenir une copie de ce rapport,

 16   mais il n'est pas juste de ne pas avoir communiqué ce document à

 17   l'Accusation. Il lit à partir d'une liste, donc nous devons absolument

 18   avoir ces informations.

 19   Ensuite pour ce qui est des informations privées obtenues par le biais de

 20   ces numéros personnels d'identité, il s'agit quand même de numéros

 21   personnels d'identité, il faut sans doute une expurgation du compte rendu

 22   parce que --

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis absolument contre.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que nous ne savons pas dans la loi de votre pays,

 25   mais vous devez mieux le savoir que nous, en matière des données sont

 26   publiques ou privées ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Toutes ces informations sont publiques et quand

 28   on a besoin d'obtenir ces informations, celui qui demande à les obtenir

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  1   doit avoir une raison valable. En principe, il s'agit des informations

  2   publiques. Si c'est un journaliste qui les demande, on est obligé de les

  3   lui fournir. S'il s'agit d'une personne qui a une raison valable pour

  4   obtenir de telles informations, on est obligé de le lui fournir.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- intervenir, Madame Tabeau.

  6   Mme LE JUGE LATTANZI : Il faut y avoir un terrain légitime et pas tout le

  7   monde, pas tout le public du monde qui peut avoir un tel intérêt, donc ce

  8   n'est pas généralement public.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je puis intervenir. Les données du

 10   recensement sont confidentielles, elles sont protégées par des droits sur

 11   la confidentialité, surtout les noms, surtout le JMBG où il y a la date de

 12   naissance, celle de la personne, son origine, ce sont des informations

 13   personnelles et ce n'est pas censé être rendu public absolument pas.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. A titre de précaution, on va expurger ces

 15   données parce que bon vous ne le dites et je vous fais confiance. M. Seselj

 16   nous a dit quelque chose, on lui fait confiance aussi mais comme il y aune

 17   contradiction, il vaut mieux par mesures de précaution expurger. Bien.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, il n'y a aucune raison

 19   pour enlever ces informations du compte rendu d'audience. Si ces

 20   informations ne nuisent à personne. Quand on dit quelle est votre

 21   appartenance ethnique en Serbie ou en Yougoslavie, c'est un choix tout à

 22   fait libre. Vous avez des gens qui se disent Japonais pour rigoler,

 23   Indonésien, puis j'en passe; mais personne ne peut être accusé d'avoir dit

 24   une fois appartenir à un groupe ethnique et une autre fois à un autre.

 25   Toutes ces interventions au niveau du compte rendu d'audience mettent en

 26   danger le caractère public de ce procès. Là, il s'agit tout simplement de

 27   desiderata du Procureur parce que, moi, je présentais un argument qui ne

 28   lui convient pas, et moi, j'ai fait appel à vous, Monsieur le Président,

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  1   pour que l'on garde cela.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- l'argument, votre argument ce matin

  3   je l'avais moi-même abordé. Donc Mme Tabeau a confirmé votre argument à

  4   savoir que des personnes pouvaient se déclarer Croates et puis au

  5   recensement d'après serbe, et vous avez donné des exemples. Très bien. Donc

  6   l'argument il est au transcript. En revanche, nous nous protégeons. Les

  7   personnes citées à titre d'exemple, parce que peut-être qu'elles ne

  8   tiennent pas du tout à ce qu'on sache qu'un jour elles se sont dit serbe,

  9   puis le lendemain croate ou vice versa, de voir leur numéro de sécurité

 10   sociale étaler sur la voie publique. Bon.

 11   Il peut y avoir un problème ou il peut ne pas y en avoir. Donc par

 12   mesures de précaution, on n'expurge. Si ultérieurement, il apparaît que ce

 13   n'était pas nécessaire, on pourra toujours lever cela. Mais ce qui comptait

 14   pour le procès public, c'est que votre question apparaisse et que la

 15   réponse apparaisse ce qui a été le cas. Donc on n'expurge pas cela, on

 16   inpurge [phon] les données nominatives.

 17   Bien. Il est temps de faire la pause. Il est midi moins 10 et on fait

 18   une pause de 20 minutes.

 19   --- L'audience est suspendue à 11 heures 50.

 20   --- L'audience est reprise à 12 heures 16.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il nous reste une heure avant la fin de

 22   l'audience.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je continue ?

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, continue.

 25   M. SESELJ : [interprétation]

 26   Q.  Madame Tabeau, vous ne m'avez pas répondu à la question que je vous ai

 27   posée. Pendant quatre ans vous n'avez pas demandé à ce qu'on vous fournisse

 28   la possibilité d'accéder à la base de données de cet institut républicain

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  1   des statistiques de Serbie. Pourquoi ?

  2   R.  En 2004, j'ai fait cette demande en octobre, je vous l'ai déjà dit, et

  3   depuis lors je n'ai pas renouvelé cette demande. Voilà tout ce que je puis

  4   vous dire. Pourquoi est-ce que je n'ai pas renouvelé cette demande, c'est

  5   parce que jamais je n'ai pensé que la position, la situation aurait pu

  6   évoluer dans l'intervalle.

  7   Q.  Comment cela ne vous est-il pas venu à l'esprit, étant donné que la

  8   position des autorités en Serbie a évolué, de façon rapide, vis-à-vis de la

  9   coopération avec le Tribunal de La Haye, et s'est allé jusqu'au transfert

 10   de tous les accusés ? Ça s'est fait de façon variée et il y a même des

 11   archives de policiers, des casiers judiciaires d'ouvert. Tout ce que La

 12   Haye a demandé, les autorités de Serbie le fournissent tout de suite, et

 13   vous, vous n'avez pas pensé que cela deviendrait possible.

 14   Alors, Madame Tabeau, vous avez négligé quelque peu le projet qu'on

 15   vous a confié. Vous n'avez pas considéré que ce fût sérieux et vous ne vous

 16   attendiez pas à toutes ces épreuves au niveau du prétoire, n'est-ce pas ?

 17   Parce que si vous le saviez, vous vous seriez préparée de façon plus

 18   approfondie. Ai-je raison de le dire ?

 19   R.  En premier lieu, je pense et je crois que je me suis préparée de

 20   manière très approfondie. Mon rapport est un rapport très fouillé. J'attire

 21   votre attention sur le fait que ce rapport porte la date de 2006, donc ce

 22   rapport il y a longtemps qu'on m'a demandé de le préparer, de le finaliser.

 23   Je me suis conformée à ce qu'on m'ait demandé. Je ne sais pas exactement

 24   quels sont les éléments qui ont été communiqués récemment par les autorités

 25   serbes au Tribunal, mais selon moi, il s'agit d'éléments qui portent sur

 26   des choses qui se sont passées récemment, quelques mois -- ou plutôt, c'est

 27   quelque chose -- l'évolution de la situation date de quelques mois

 28   seulement et pas de 2006.

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  1   Q.  Mais vous avez eu la possibilité de le compléter, votre rapport, à

  2   posteriori parce que vous avez pu faire des rectifications même avant-hier,

  3   n'est-ce pas ? Vous le savez ça. Lors de vos préparatifs avec le bureau du

  4   Procureur, vous auriez pu apporter des rectifications si vous aviez procédé

  5   de façon consciencieuse ?

  6   R.  Je ne sais pas quelles corrections vous auriez voulu que j'apporte. Mon

  7   rapport c'est un produit fini -- finalisé. Je n'ai porté aucune correction

  8   sauf en ce qui concerne l'annexe A où on a porté certaines corrections aux

  9   années de naissance. Si la Chambre de première instance le souhaite, je

 10   peux mettre à jour mon rapport en demandant à nouveau les données du

 11   recensement et tout ce qui concerne les réfugiés d'Hrtkovci. On en a déjà

 12   parlé ce matin. Si je reçois les données correspondant, je n'aurais pas

 13   besoin de beaucoup de temps pour mettre à jour mon rapport, mais je ne

 14   pense pas que ça entraînerait une modification très importante dans les

 15   tendances que j'ai identifiées dans le rapport tel qu'il est disponible

 16   actuellement.

 17   Q.  Mais vous ne pensez tout de même pas, Madame Tabeau, que j'aurais la

 18   patience de vaquer une fois de plus à ce que vous avez fait. Vous avez eu

 19   quatre ans à votre disposition et vous ne l'avez pas fait. Vous ne vous

 20   êtes pas servi de sources fiables, pas une seule. Vous vous êtes tournée

 21   vers des sources peu fiables. Ici vous glorifiez les registres

 22   ecclésiastiques comme étant une source tout à fait fiable. Ça peut être une

 23   source pour démographie historique, ça peut être une source dans les Etats

 24   où l'église a un statut de corporation publique. Cela était le cas dans le

 25   royaume de Yougoslavie à l'époque, il y avait des attributions officielles

 26   pour l'église pour ce qui est de la tenue à jour des registres. Dans la

 27   Yougoslavie communiste, après 1945, l'église n'était plus une corporation

 28   de droit public, et n'avait plus d'attributions publiques, aucune. Le

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  1   comprenez-vous cela ?

  2   R.  Mais peu importe quel était le statut juridique de l'église, s'il

  3   existait une coopération officielle ou juridique avec les autorités de

  4   l'ex-Yougoslavie parce que ce qui importe ici, c'est que l'église

  5   enregistre ou consigne ces événements dont je parlais, naissance, baptême,

  6   mariage, et cetera, dans ses registres, depuis longtemps, et en consignant

  7   également les demandes de certificats. C'est ce dont je me suis servi pour

  8   mon rapport, c'est ce qui était véritablement important et c'est la raison

  9   pour laquelle ces registres paroissiaux sont une source d'information

 10   extrêmement précieuse. Ce sont également des registres qui existent depuis

 11   très longtemps, et qui fournissent non seulement les données récentes dont

 12   j'avais besoin pour mon rapport, mais qui fournissent -- et qui permettent

 13   de placer ces données récentes des années 1990 dans une perspective plus

 14   vaste. C'est la raison pour laquelle je me suis servi de cette source qui

 15   était excellente vu ce qui m'avait été demandé de faire.

 16   Q.  C'est absolument faux ce que vous venez de dire parce que depuis 1945,

 17   l'église n'a pas du tout tenu à jour les registres des naissances. Il y a

 18   eu des registres de baptême et il y a eu de mariage, rien que pour ceux qui

 19   se sont mariés à l'église. Or, la loi n'avait pas reconnu les mariages à

 20   l'église. Il n'y avait de mariages de légal que ceux qui étaient fait

 21   devant les officiers d'état civil. Le saviez-vous cela ?

 22   R.  Il se trouve que je suis née et que j'ai grandi dans un pays

 23   socialiste, la Pologne, et je sais exactement comment fonctionnait le

 24   système en Pologne du temps du socialisme, quelle était la position de

 25   l'église catholique en Pologne. D'abord les registres des églises et

 26   registres paroissiaux ont toujours tenu compte et enregistré les mariages,

 27   les baptêmes, et lorsqu'un baptême est consigné, on note la date de

 28   naissance. Lorsqu'on consigne un mariage, on inclut également les

Page 10988

  1   informations concernant le marié et la mariée, date de naissance, nom des

  2   parents, résidence, lieu de résidence, et cetera, et cetera. Donc ces

  3   informations elles sont là, elles sont disponibles dans ces registres, de

  4   registres qui couvrent une période beaucoup plus longue que la simple

  5   période durant la Deuxième Guerre mondiale les registres paroissiaux sont

  6   une source d'information extrêmement riches du point de vue historique.

  7   Parce que ces registres ils existent depuis des centaines d'années dans des

  8   pays, comme la Pologne, par exemple, le pays catholique --

  9   Q.  Vous n'avez pas à le répéter, vous l'avez déjà dit trois ou quatre

 10   fois. Comme si je ne savais pas où est-ce qu'on tient à jour les registres

 11   de l'église, vous l'avez dit cinq fois. Je vous parle de la Serbie et de la

 12   Yougoslavie après 1945. Est-ce qu'en Pologne, officiellement devant les

 13   institutions de l'Etat, on reconnaissait les mariages conclus à l'église

 14   après 1945 ? Est-ce le cas ? Répondez-moi, par un oui ou par un non. Est-ce

 15   qu'il suffisait de se marier à l'église pour en finir ?

 16   Répondez par un "oui" ou par un "non."

 17   R.  Il fallait se marier deux fois. D'abord, à la mairie et puis à

 18   l'église, pour que le mariage soit reconnu. Si vous vous marriez simplement

 19   à l'église, le mariage n'était pas reconnu.

 20   Mais laissez-moi finir, s'il vous plaît.

 21   Q.  Ça ne m'intéresse plus. Vous m'avez répondu.

 22   Mme BIERSAY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, laissez le témoin terminer. Vous

 24   lui posez une question, elle vous répond, et puis vous lui coupez la parole

 25   parce que peut-être que la réponse ne vous plaît pas. Laissez-la dire.

 26   Qu'est-ce que vous vouliez compléter, Madame ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, ça ne me convient pas qu'elle nous parle

 28   de la Pologne, Que voulez-vous que je fasse de la Pologne ? La Pologne ne

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  1   m'a jamais intéressé, moi.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous êtes intelligent, vous savez

  3   très bien qu'elle a abordé le problème, en disant que, dans les pays

  4   communistes dont elle peut parler puisqu'elle est née à Pologne. Voilà

  5   comment ça se passait dans l'église ou dans les églises polonaises on

  6   enregistrait les baptêmes et les mariages, et en enregistrant les baptêmes

  7   et les mariages, le prêtre marquait la date de naissance. Voilà. Ça se

  8   passait comment ça en Pologne. Donc si ça se passe comme ça en Pologne, ça

  9   devait se passer comme ça en Tchécoslovaquie, en Yougoslavie, en Allemagne

 10   de l'est, et cetera. Donc voilà, ça c'est la toile de fond. Maintenant, si

 11   vous, vous estimez --

 12   Bon. Alors, il y a un incendie. Enfin --

 13   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Que se passe-t-il ? Un incendie fictif. Donc on est

 15   en train de vérifier les mesures de sécurité. Alors on va interrompre

 16   l'audience. Si on nous donne l'autorisation de revenir, on reviendra avant

 17   une heure et quart; sinon, bien, on continuera l'audience demain. Voilà il

 18   y a un exercice d'incendie. Il faut espérer qu'on ne va pas tous brûlés

 19   donc on va quitter -- je lève l'audience.

 20   --- L'audience est levée à 12 heures 19 et reprendra le jeudi 23 octobre

 21   2008, à 8 heures 30.

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