Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 4 novembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   --- L'audience est ouverte à 8 heures 32.

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,

  6   s'il vous plaît.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

  8   Bonjour à toutes et à tous.

  9   Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière. En ce mardi 4 novembre

 11   2008, je salue les représentants de l'Accusation, je salue M. Mundis et M.

 12   Dutertre, je salue également leurs collaboratrices. Je salue M. Seselj et

 13   toutes les personnes qui nous assistent.

 14   J'indique d'ores et déjà que nous arrêterons l'audience à 1 heure moins 5,

 15   car à 13 heures il y a l'élection du Président de ce Tribunal. Donc nous

 16   arrêterons à 1 heure moins 5.

 17   Je voulais également demander ceci à l'Accusation, et à M. Seselj après,

 18   c'est une des clarifications que nous demandons au sujet de Davor

 19   Strinovic. Concernant la déposition de Davor Strinovic, la Chambre est

 20   saisie de deux requêtes : celle du 13 juillet 2006; et celle du 18

 21   septembre 2008. Monsieur Seselj --

 22   Monsieur Mundis, vous êtes debout.

 23   M. MUNDIS : [interprétation] Oui, parce que je m'attendais à ce que vous me

 24   posiez une question, Monsieur le Président, c'est pour ça que j'étais

 25   debout.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors attendez. Attendez avant de répondre parce que

 27   la question est longue.

 28   Donc il y a deux requêtes : 13 juillet 2006, et 18 septembre 2008. Les deux

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  1   requêtes comprennent plusieurs annexes contenant presque les mêmes

  2   documents afin de demander leur admission. Ce sont des pièces présentées et

  3   admises dans les affaires Milosevic et Mrksic. Cependant, le fondement

  4   juridique diffère, soit l'article ancien 92 bis(D), fondement transformé

  5   par l'Accusation en 92 ter, soit 94(B).

  6   La question qui se pose pour la Chambre est la suivante. L'Accusation

  7   demande-t-elle l'admission sur le seul fondement de l'article 94(B) ou

  8   fonde-t-elle sa demande sur les deux articles de manière alternative ?

  9   Si c'est compliqué, vous pourrez répondre un notre jour, mais c'est la

 10   question que je voulais vous demander.

 11   M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. Bonjour à l'accusé, à toutes les

 13   personnes ici présentes.

 14   Nous allons utiliser cette base alternative 94(B) ou, à titre

 15   subsidiaire, le 92 bis(D). Puisque j'ai la parole, permettez-moi de dire

 16   ceci à propos du témoin que nous allons voir. Je voudrais vous signaler que

 17   nous sommes maintenant dans la dernière ligne droite pour ce qui est de

 18   l'ajout de quelques témoins pour les quelques semaines qui nous restent

 19   cette année, pour être sûr qu'il n'y a pas de lacunes. Le Pr Strinovic a

 20   donné son accord pour venir à La Haye le 9 novembre, il va déposer le 11

 21   novembre, dans une semaine. Je peux vous confirmer tout ceci par écrit, je

 22   vous informerai et j'informerai M. Seselj. A ce stade, nous avons

 23   l'intention de le faire venir la semaine prochaine, bien sûr, sauf s'il y a

 24   des aléas.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Ça me permet de demander à M. Seselj la

 26   question suivante : vous avez, Monsieur Seselj, reçu le 2 octobre 2008 la

 27   traduction B/C/S, dans votre langue, de la requête du 18 septembre 2008.

 28   Avez-vous l'intention de répondre à la requête du 18 septembre 2008, alors

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  1   que le délai de 14 jours est déjà dépassé ?

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite vous

  3   dire plusieurs choses.

  4   Tout d'abord, je n'ai pas l'intention de répondre par écrit à cette

  5   écriture, car toutes mes communications avec mes conseils juridiques ont

  6   été interrompues.

  7   Deuxièmement, je ne me souviens pas en détail du contenu de cette

  8   requête de l'Accusation, puisque je l'ai reçue il y a un mois.

  9   Troisièmement, je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit de

 10   particulièrement important là-dedans me forçant à me prononcer, je le dis

 11   pour vous faciliter la situation.

 12   Quatrièmement, je souhaite attirer l'attention sur les agissements de

 13   l'Accusation. Strinovic était prévu pour le 25 novembre, maintenant il

 14   annonce pour la semaine prochaine. C'est une procédure incorrecte. Je ne

 15   m'oppose pas, je suis prêt pour Davor Strinovic pour la semaine prochaine,

 16   mais je dois souligner que c'est une procédure incorrecte.

 17   Cinquièmement, ce qui est le plus important, s'il s'agit des documents qui

 18   ont été versés au dossier dans d'autres affaires, alors l'Accusation aurait

 19   très bien pu ajuster ces documents-là à cette affaire, de leur attribuer

 20   des numéros dans le cadre de cette affaire et les verser au dossier en tant

 21   que tels, plutôt que de me laisser faire des recherches dans d'autres

 22   affaires. S'il s'agit des dépositions faites dans d'autres affaires et de

 23   la demande que l'on verse au dossier les transcriptions, je suis très

 24   contre cela, car aucune Défense d'une autre affaire ne peut coïncider

 25   exactement à la mienne, et surtout je considère que plusieurs fois les

 26   Défenses devant ce Tribunal ont travaillé de manière non professionnelle et

 27   au détriment des accusés, et suivant les instructions des acteurs qui ne

 28   peuvent pas être identifiés de façon claire et précise mais qui existent

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  1   certainement.

  2   Donc compte tenu du fait que le rapport d'expert de Davor Strinovic ne

  3   corrobore pas du tout les chefs de l'acte d'accusation contre moi, compte

  4   tenu du fait qu'il s'agit des autopsies des victimes de crimes qui ne font

  5   aucun doute, ceci peut être utile d'un certain point de vue de la Défense.

  6   Vous allez voir, même si certains témoins ont faussement exprimé que

  7   certaines victimes ont été tuées par des armes blanches et que certaines

  8   armes ont été utilisées alors qu'elles n'étaient pas utilisées, cet expert

  9   peut nous dire si certains ont vraiment été tués par des armes blanches, si

 10   les pistolets Magnum 357 ont été utilisés. Ça peut être utile, mais il doit

 11   déposer de vive voix, et les éléments de preuve utilisés dans d'autres

 12   affaires doivent être adoptés à cette affaire et versés au dossier en vertu

 13   de l'ajout à la liste 65 ter, et il n'est pas question de verser au dossier

 14   les comptes rendus d'autres audiences.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Sur ce point, Monsieur Seselj, il est vrai que ce

 16   témoin expert était prévu le 25/11, mais compte tenu du fait qu'on a des

 17   problèmes de calendrier liés au fait que certains témoins prévus ne

 18   viennent pas ou ont disparu, à ce moment-là, il faut adapter le calendrier.

 19   C'est dans ces conditions que M. Strinovic est avancé au 11 novembre.

 20   Ceci étant dit, concernant la question des pièces, je vous ai écouté avec

 21   attention. Et a priori la Chambre -- enfin, ce qui me concerne, moi, je

 22   suis d'accord avec vous. Ce n'est pas parce que des pièces ont été admises

 23   dans d'autres procès qu'automatiquement elles doivent l'être. Et l'article

 24   94(B) dit bien qu'une Chambre peut d'office ou à la demande d'une partie et

 25   après audition des parties, décider de dresser le constat judiciaire des

 26   faits ou des moyens de preuve documentaire admis lors d'autres affaires

 27   portés devant le Tribunal et en rapport avec l'instance. Il se trouve que

 28   l'affaire Milosevic n'a pas été à son terme. C'est un cas très particulier,

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  1   et l'affaire Mrksic est en appel.

  2   De ce fait, le témoin expert viendra. Le Procureur va lui présenter

  3   certainement des documents, peut-être tirés de l'affaire Milosevic et

  4   Mrksic. Comme vous allez le contre-interroger et les Juges poseront

  5   également des questions. Nous déciderons de l'admission des pièces après,

  6   après toute cette phase procédurale. Voilà donc ce que je voulais vous

  7   dire.

  8   Je crois, Monsieur Seselj, que vous aviez autre chose à nous dire.

  9   Mme LE JUGE LATTANZI : Oui. Avant, j'aurais besoin de demander à l'accusé

 10   d'être plus précis quand il se réfère à la question des communications, de

 11   dire que les communications privilégiées ont été interrompues et pas en

 12   général les communications. Merci.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Seselj, vous aviez d'autres questions

 14   administratives à soulever ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je souhaite soulever deux autres questions

 16   administratives.

 17   Suite à mon retour de ce Tribunal le 29 octobre le soir, j'ai reçu une

 18   nouvelle lettre du greffe, lettre dans laquelle on m'informe du fait que

 19   l'interruption des communications avec mes conseils juridiques a été

 20   prolongée d'un mois. La communication avec les conseillers juridiques,

 21   Madame Lattanzi, peut être privilégiée ou n'existe pas du tout. Il n'y a

 22   pas d'Etat civilisé du monde dans lequel qui que ce soit peut passer aux

 23   écoutes de l'accusé avec les membres de l'équipe de sa Défense. Au moins,

 24   moi, je ne suis pas au courant d'un tel Etat. Peut-être que ça existe. Je

 25   suis ici depuis longtemps, depuis plusieurs années. Le monde a changé. Et

 26   la mondialisation qui est une autre forme de totalitarisme a progressé dans

 27   bien des Etats.

 28   Ici, le greffe fait référence tout d'abord aux informations dont il

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  1   disposait, et il s'agit exclusivement des déclarations faites par Tomislav

  2   Nikolic aux médias serbes, disant que j'ai utilisé cette communication

  3   privilégiée avec les conseillers juridiques pour avoir des décisions

  4   politiques avec mes collaborateurs et donner des instructions politiques.

  5   Et ceci a été répété aussi dans le deuxième paragraphe de la décision du

  6   greffe.

  7   Et le greffe me reproche le fait que j'aurais utilisé ce téléphone

  8   pour parler des choses qui ne sont pas liées à la préparation de ma

  9   défense. Le greffe croit Tomislav Nikolic sur parole. C'est naturel, car

 10   depuis récemment Tomislav Nikolic est le favori des Etats-Unis et --

 11   Mme LE JUGE LATTANZI : Si je ne me trompe pas, vous-même, vous avez déclaré

 12   en audience - et vous me corriger si je me trompe - que par cette ligne

 13   privilégiée vous avez parlé avec des collaborateurs autres par rapport à

 14   ceux qui ont le statut privilégié.

 15   Je me trompe ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, vous ne vous trompez pas. J'ai reçu un

 17   seul numéro de téléphone que je peux utiliser dans le cadre des

 18   communications privilégiées. Il s'agit du numéro de téléphone du bureau de

 19   mon conseil juridique/avocat Slavko Jerkovic. Et je n'ai jamais pu depuis

 20   ce téléphone appeler d'autres conseillers juridiques. Et ici dans ce

 21   prétoire j'ai déclaré que lorsque j'appelle, je leur annonce en avance que

 22   je vais appeler, alors d'autres conseils juridiques sont présents de même

 23   que d'autres membres de l'équipe de ma Défense; mes enquêteurs, et d'autres

 24   conseillers juridiques qui ne sont pas enregistrés ici.

 25   Cependant, à plusieurs reprises, par le biais d'un mémoire à part, j'ai

 26   informé le greffe des noms des membres de l'équipe de ma Défense. Et dans

 27   chaque requête soumise à la Chambre, à la page 1, j'énonce leurs noms. Et

 28   personne ne peut me priver du droit d'être en contact avec eux aussi et de

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  1   leur donner directement des tâches concernant ce qu'ils ont à faire sur le

  2   terrain pour qu'ils obtiennent des données, des faits ou des documents

  3   importants pour ma défense.

  4   Et je vous rappelle, Madame la Juge Lattanzi, que mon précédent, lorsqu'il

  5   utilisait le droit de se défendre lui-même, donc M. Slobodan Milosevic,

  6   disposait d'un bureau pour lui-même, je ne l'ai pas. Il avait à sa

  7   disposition un téléphone à part qu'il utilisait seul. Et je ne l'ai pas.

  8   Troisièmement, Slobodan Milosevic - et je suis le témoin oculaire, car je

  9   l'ai vu plusieurs fois lorsqu'on préparait ma déposition - depuis ce

 10   téléphone littéralement il pouvait appeler n'importe qui, qui il voulait.

 11   Or les restrictions à mon égard sont bien plus importantes.

 12   Mme LE JUGE LATTANZI : -- question à ce propos.

 13   Est-ce que vous avez fait une demande au greffier de pouvoir utiliser aussi

 14   la ligne privilégiée avec les collaborateurs qui n'avaient pas le statut

 15   privilégié ? Avez-vous demandé d'utiliser une autre ligne avec ces gens-là

 16   ? Avez-vous fait quelque chose pour pouvoir élargir l'utilisation de cette

 17   ligne ? Peut-être y avait-il la possibilité d'avoir quelque chose en plus.

 18   Mais l'avez-vous fait; et si l'avez-vous fait, pourriez-vous fournir tout

 19   cela à la Chambre parce qu'on en a besoin. Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame Lattanzi, je l'ai fait à plusieurs

 21   reprises tout au long de l'année 2007. Le Président de la Chambre de

 22   première instance, M. le Juge Antonetti, était le Juge de la mise en état.

 23   Il a même demandé de faire en sorte que l'on introduise dans ma cellule le

 24   téléphone et le fax pour me permettre pendant la nuit de recevoir des fax.

 25   Le greffe a répondu que ceci n'était pas possible, car d'autres prisonniers

 26   à Scheveningen auraient pu utiliser le téléphone de ma cellule. C'était

 27   l'une des réponses.

 28   Donc ce sont les questions qui ont été posées à de nombreuses reprises lors

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  1   des Conférences de mise en état en 2007. Pour finir, le tout se résume, en

  2   fait, que j'ai la possibilité un téléphone, ce téléphone pour la

  3   communication privilégiée et dans le couloir de la prison. Lorsque je parle

  4   depuis ce téléphone, tous les prisonniers qui sont dans ma partie de la

  5   prison peuvent entendre.

  6   De mon côté, j'ai une voix assez portante, et je n'ai pas l'habitude de

  7   parler très bas, et leurs cellules sont juste en face. Alors je me suis

  8   résigné à cette situation. J'utilisais cette ligne de communication, et

  9   maintenant je ne l'ai plus.

 10   Pourquoi est-ce que j'insiste à ce point-là sur cela ? J'ai mes propres

 11   raisons. Lors de ma plaidoirie, la thèse de base de ma défense sera que ce

 12   procès n'est pas régulier et équitable pour des raisons telles et telles.

 13   Il me revient à moi de vous l'annoncer, car vous les Juges de la Chambre

 14   vous êtes censés assurer un procès équitable. Pas moi. J'ai même l'intérêt

 15   que ce procès ne soit pas équitable objectivement du point de vue de tous

 16   les observateurs neutres. Car il ne suffit pas que justice soit faite. Mais

 17   il faut qu'elle soit faite de façon visible. Ça c'est l'essentiel.

 18   Et si vous me permettez un autre argument concernant la déclaration du

 19   greffe. Puis-je continuer ?

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, continuez.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le greffe continue en disant qu'il faut qu'il

 22   prenne en considération les affirmations sérieuses concernant les

 23   intimidations ou les influences contenues dans plusieurs mémoires qui

 24   doivent être pris en considération par la Chambre de première instance. Or,

 25   maintenant, le greffe utilise en réalité les mémoires de l'Accusation qui

 26   n'ont pas encore été résolus pour corroborer sa décision de continuer

 27   l'interruption de mes communications, soi-disant j'aurais intimidé

 28   quelqu'un quelque part.

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  1   Le greffe me reproche le fait que mes collaborateurs sont ma main

  2   prolongée. Or, c'est tout à fait normal. Quel est l'accusé qui peut se

  3   défendre sans ses propres enquêteurs ? Or, je n'ai été à aucun emplacement

  4   pertinent au moment des faits, au moment où les crimes ont été commis. Je

  5   ne connais même pas directement les auteurs de crimes. Comment voulez-vous

  6   que je me défende sans mes enquêteurs et sans une communication avec mes

  7   enquêteurs ? Même si j'ai demandé par écrit que l'on me rende possible

  8   d'avoir une visite des enquêteurs, ceci ne m'a jamais été permis. Or

  9   s'agissant du droit aux visites des conseillers juridiques je l'ai eu

 10   seulement en 2006, au bout de cinq ans de prison.

 11   Et ici, le greffe me menace vers la fin de la première page en me disant

 12   que : "Si contre mes conseillers juridiques une procédure est entamée en

 13   raison de l'outrage au Tribunal ou une procédure disciplinaire, qu'il peut

 14   décider de révoquer leur nomination." Ce sont des menaces, des menaces

 15   vides d'ailleurs. Car si c'est lui qu'ils révoquent, ce n'est pas moi qui

 16   vais le faire. Mes conseillers juridiques resteront mes conseillers

 17   juridiques jusqu'au moment où moi, je ne les révoque ou jusqu'au moment où

 18   moi, je ne leur fais plus confiance. Ce n'est pas le greffe qui peut le

 19   faire. Ils ont l'habitude de le faire dans d'autres affaires. Le problème

 20   de ce Tribunal est que c'est le Tribunal qui paye les avocats, et les

 21   avocats ne travaillent pas dans l'intérêt des accusés mais dans l'intérêt

 22   du greffe de l'Accusation, et ainsi de suite. Et c'est la raison pour

 23   laquelle de nombreuses défenses dès le début ici ont été détruites.

 24   Et pour la première fois le greffe a face à lui un Défenseur sérieux. Je me

 25   considère comme un Défenseur sérieux et supérieur par rapport à tous les

 26   autres avocats que l'on a vus ici, car à la différence d'eux, je sais

 27   comment me défendre et je n'ai pas peur de dire à tout moment ce que je

 28   pense réellement alors que eux, ils ont peur, et il est très facile de leur

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  1   fermer la bouche à tout moment avec la menace du Président ou bien avec les

  2   réactions de l'Accusation. Il y a de nombreux exemples de cela que je peux

  3   citer, à commencer par Toma Fila et en allant par les autres.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Tout cela on connaît.

  5   Pouvez-vous - et je répondrai sur une partie - pouvez-vous conclure

  6   votre demande ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça, c'était ma première question. J'ai

  8   une autre question à soulever.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour la première question concernant vos

 10   communications, la Chambre a été saisie par vous la dernière fois de la

 11   question liée à cela suite à la décision du greffier. Le greffier a

 12   prolongé pour une période de 30 jours ceci s'appuyant, semble-t-il, mais

 13   moi, je n'ai pas eu la décision encore sur le fait que M. Nikolic aurait

 14   dit que vous aviez utilisé cette ligne à des fins autres que votre défense,

 15   et deuxièmement en raison d'autres procédures.

 16   La dernière fois, je vous ai dit que la Chambre rendra une décision suite à

 17   votre requête orale. Je vais relancer mes collègues pour qu'on rende très

 18   vite cette décision. Parce qu'en tant que Juge, quand vous dites que le

 19   procès n'est pas équitable, pour moi, ça fait électrochoc. Donc je veux que

 20   dans cette décision on indique de manière claire et nette soit au niveau de

 21   la Chambre, soit au niveau d'un juge, quel est le problème posé par ces

 22   écoutes entre un accusé et ses conseillers ou collaborateurs.

 23   Donc nous avons pris note de ce que vous avez dit. La Chambre se doit

 24   évidemment de répondre, mais de même, mais vous le savez aussi bien que

 25   moi, vous pouvez aussi contester auprès du Président du Tribunal la mesure

 26   prise par le greffier. Ça, c'est le premier point.

 27   Alors maintenant, quel est le deuxième point ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il existe quelque chose qui est en cours de

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  1   préparation au sein du greffe à mon encontre, et j'ai des informations

  2   fiables là-dessus, ce qui représente un danger bien plus grand pour moi par

  3   rapport à ce qui m'arrive déjà. Suite aux instructions des services de

  4   Renseignements des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, Aleksandar Vucic et

  5   Tomislav Nikolic depuis longtemps mènent une campagne à Belgrade disant que

  6   j'ai demandé qu'ils soient liquidés, que j'aurais donné des ordres à mes

  7   militants du Parti radical serbe afin qu'ils provoquent un bain de sang

  8   lors de leurs rassemblements. Depuis des jours, les médias écrivent là-

  9   dessus et des médias influencés directement par des tycoons [phon] serbes

 10   en parlent beaucoup. Je suppose que vous le savez, puisque vous suivez ce

 11   que la presse dit au sujet de ce procès.

 12   Quel est l'essentiel ? L'essentiel, c'est qu'il faut créer dans le

 13   public une impression que vraiment je menace la vie de quelqu'un.

 14   Mme LE JUGE LATTANZI : Excusez-moi. Je n'avais pas le microphone

 15   allumé. Qu'est-ce qu'il a à faire, le greffier, avec tout cela, avec cette

 16   campagne de presse à laquelle vous faites

 17   référence ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a un lien, puisque le greffe s'apprête à

 19   faire en sorte que cette campagne menée par Aleksandar Vucic et Tomislav

 20   Nikolic soit utilisée pour une nouvelle décision visant à m'interdire tous

 21   les coups de fil et toutes les visites familiales. Or le greffe l'a déjà

 22   fait pendant sept mois une fois; vers la fin de 2003, début 2004. Une fois

 23   il l'a fait aussi pendant deux mois. Le greffe s'apprête à prendre une

 24   décision visant à m'interdire tous les coups de fil et toutes les visites

 25   familiales sous prétexte que je mettrais à mal les vies de certaines

 26   personnes. Ensuite, ça devrait être un argument de plus pour la requête de

 27   l'Accusation visant à m'imposer un avocat, car si je ne peux avoir aucune

 28   conversation téléphonique ni aucune visite familiale, je ne peux vraiment

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  1   pas me défendre. Ça, c'est l'essentiel de ce complot. Je ne suis pas

  2   paranoïaque, mais je suis un homme qui a beaucoup d'expérience et qui peut

  3   tirer des conclusions de la campagne qui est menée.

  4   Et je suis convaincu que vous aussi, vous êtes informés du fait

  5   qu'une campagne est en cours, soi-disant j'aurais demandé [comme

  6   interprété] un bain de sang. J'aurais ordonné, commandé un meurtre, et ceci

  7   et cela. C'est ce qui est fait. Tous ceux qui m'ont accusé de menacer ou

  8   mettre à mal quelqu'un n'ont aucune preuve que je l'aurais fait. J'aurais

  9   menacé la sécurité d'un certain témoin, c'est ce que l'Accusation dit. Mais

 10   quel témoin ? Or, les témoins, leurs procès ont échoué parce qu'ils ont tué

 11   leurs témoins, et personne ne s'est alerté devant ce Tribunal. Or

 12   s'agissant de mes témoins, des témoins contre moi, personne n'a eu des

 13   problèmes. Aucun problème. Il y en a qui ont dit qu'ils ont reçu deux,

 14   trois coups de fil. Mais ça, c'est ridicule, car je n'ai pas intérêt à

 15   faire cela. Je suis supérieur par rapport à chaque témoin qui est venu

 16   déposer ici. Quel est mon intérêt ?

 17   Moi, je veux triompher dans ce procès et je vais triompher. Quel que soit

 18   votre jugement, c'est moi qui vais triompher, je vous en assure. Mais dès à

 19   présent, j'attire votre attention sur ce que l'on s'apprête à faire, car

 20   les services de Renseignements britanniques et américains surveillent de

 21   près ce procès en raison de leurs intérêts stratégiques dans les Balkans.

 22   C'est pour ça que je suis ici depuis six ans déjà.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai lu dans la presse la question liée à MM. Vucic

 24   et Nikolic. Je crois qu'il y avait un meeting qui était prévu, et au

 25   dernier moment le meeting a été annulé. Alors, je crois comprendre par la

 26   presse qu'il y a des enquêtes en cours. Bon. Donc ça, c'est aux autorités

 27   locales d'essayer d'y voir clair dans cela.

 28   Maintenant quid de l'impact de ce qui a pu se passer là-bas avec vos

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  1   visites, ça, c'est un autre problème. Alors, vous dites que le greffier

  2   s'apprête -- attend de me voir. Moi, je n'en sais strictement rien. Si le

  3   greffier prend une décision administrative, elle peut être contestée devant

  4   le Président du Tribunal. Mais de même, si vous estimez que ça porte

  5   atteinte à votre défense, vous pouvez saisir la Chambre également. Voilà.

  6   Moi, je l'ai toujours dit, la présomption d'innocence doit jouer

  7   pleinement, totalement, et que donc à ce titre je ne vois pas à titre

  8   personnel pourquoi on vous interdirait de rencontrer votre épouse.

  9   Voilà. Alors, ceci étant dit, maintenant le mieux c'est d'attendre

 10   tranquillement le cours des événements. Nous allons donc introduire le

 11   témoin. Mais avant cela - et là, je me tourne vers le bureau du Procureur -

 12   nous avons appris que vous aviez envoyé le 3 novembre M. Seselj une lettre

 13   lui faisant part que vous lui communiquez une série de documents au titre

 14   de l'article 68(I), documents exculpatoires, mais comme vous avez découvert

 15   cela au dernier moment, certains documents ne pourront être traduits. Est-

 16   ce bien le problème qui est apparu hier, Monsieur Dutertre ?

 17   M. DUTERTRE : Oui. Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Madame le Juge.

 18   Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour, Monsieur Seselj.

 19   Comme indiqué à M. Seselj hier au soir par courrier communiqué en copie à

 20   la Chambre, il y a un certain nombre de documents tombant sous le coup de

 21   l'article 68 relatifs au Dr Bosanac qui n'ont pas pu être traduits en

 22   B/C/S. Par voie de conséquence, ces documents n'ont pas pu être communiqués

 23   à ce jour à M. Seselj. La liste des documents en question est jointe à la

 24   lettre de sorte que chacun peut se rendre compte du nombre de documents en

 25   question et de leur nature. Pour des raisons de calendrier que vous avez un

 26   peu évoqué par ailleurs précédemment, le choix est fait d'appeler quand

 27   même le Dr Bosanac aujourd'hui. Et le parquet n'objecte naturellement pas à

 28   ce que le Dr Bosanac soit rappelée par la suite, une fois tous ces

Page 11317

  1   documents communiqués, si M. Seselj souhaite poser des questions

  2   complémentaires qui lui viendraient à la lecture des documents en question.

  3   Autrement dit, la situation n'est pas idéale, mais les droits de M. Seselj

  4   sont préservés.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Procureur, très vite, pouvez-vous

  6   nous dire, document par document, quels sont les documents que vous avez,

  7   vous, découverts qui peuvent avoir un intérêt ? Et comme ça, nous y verrons

  8   beaucoup plus clair.

  9   M. DUTERTRE : Monsieur le Président, l'approche du parquet, en matière de

 10   documents exculpatoires, est extrêmement, disons, large, le plus large

 11   possible. Toute chose qui pourrait être utilisée par la Défense et qui

 12   pourrait avoir une nature exculpatoire est communiquée. De sorte que dans

 13   cette liste, on trouve un certain nombre de documents très variés. Parfois

 14   on peut avoir un doute sur la qualité exculpatoire du document, mais dans

 15   le doute il est marqué comme document tombant sous le coup de la Règle 68.

 16   Alors, de tête, il est difficile de passer par document et de vous indiquer

 17   si l'un est plus important que l'autre. Il est certain que M. Seselj a

 18   reçu, en tout cas dans les semaines précédentes, un nombre très important

 19   de documents sous la règle 66, sous la règle à deux, 66(B) et 68, et que

 20   les informations contenues dans ces documents 68 qui ont déjà été

 21   communiquées sont en général reflétées dans les documents qui n'ont pas

 22   encore été communiqués. Donc il a déjà, si je puis dire, l'essentiel de

 23   l'information exculpatoire concernant le Dr Bosanac, mais parce que le

 24   parquet veut être exhaustif, complet, il souhaite toujours communiquer

 25   cette liste de documents, et compte tenu des délais de traduction, ça n'a

 26   pas pu être possible pour l'instant.

 27   Sachant, par exemple, qu'on n'a reçu une collection de documents à réviser

 28   que le 23 octobre dernier, par exemple, et le temps de procéder au

Page 11318

  1   traitement de tout ça, il y a des délais un peu incompressibles qui ont été

  2   interrompus par le traitement des documents concernant le Témoin VS-034 qui

  3   finalement n'est pas venu. Tout ça a un peu perturbé le traitement de

  4   l'information et de la communication à l'accusé.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Tout en vous écoutant, je faisais le total. Il

  6   y a, semble-t-il, 38 documents. Il y a des documents qui sont des documents

  7   venant des médias, des livres, des articles de presse, la BBC. Donc ça, ce

  8   sont une première partie. Il y a quelques documents, je vois, venant de la

  9   Croix-Rouge. Il y a un "exhibit" dans l'affaire Mrksic, l'"exhibit" 867.

 10   Bon. Donc c'est très divers, il y a beaucoup de choses.

 11   Monsieur Seselj, vous prendrez connaissance de cette liste. Je suis

 12   incapable de dire ce qu'il peut y avoir dans ces documents. L'Accusation a

 13   vu de manière très large pensant que ça peut vous intéresser, et donc vous

 14   a communiqué tout cela. Par exemple, je vois le document numéro 2, c'est la

 15   Commission des droits de l'homme, la 49e Session, par exemple. Bon, ça doit

 16   être un document important --

 17   M. DUTERTRE : Deux pages effectivement. On a le nombre de pages à chaque

 18   fois.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Voilà. Le Procureur a indiqué le nombre de

 20   pages. Ça peut vous être utile sur le plan de votre défense générale. Dans

 21   le cas très particulier du témoin qui va venir, il y a peut-être un ou deux

 22   documents plus particulièrement pertinents.

 23   Mme LE JUGE LATTANZI : Mais, Monsieur Dutertre, je me demande pourquoi si

 24   tard avez-vous communiqué ces documents ?

 25   M. DUTERTRE : Madame Président, le Dr Bosanac est, je pourrais dire, connue

 26   comme le loup blanc. Elle a maintenu l'hôpital de Vukovar -- enfin elle est

 27   restée présente à l'hôpital de Vukovar jusqu'à la fin. Le nombre de

 28   documents où elle est mentionnée est absolument considérable. Il y a

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  1   plusieurs centaines de documents qui sont regroupés dans différentes

  2   collections, et le traitement de tous ces documents a pris effectivement du

  3   temps. Chaque document qui est mentionné est un document où son nom

  4   apparaît une ou plusieurs fois, et le traitement de cette information a été

  5   extrêmement chronophage. Ensuite, une fois que les "lawyers" ont identifié

  6   ce qui est ou non exculpatoire, il faut encore que les documents soient

  7   traités, envoyés à l'unité de traduction, et tout cela rajoute encore des

  8   délais. C'est un témoin un peu exceptionnel dans le sens qu'il a généré des

  9   articles de presse, des témoignages, de façon extrêmement volumineuse.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Seselj, un commentaire rapide ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que les Juges de la Chambre ne

 12   devraient en aucune façon tolérer ce genre de procédé venant de

 13   l'Accusation. Je suis surpris que parmi les documents non traduits l'on

 14   trouve le livre de Mate Granic. Pour autant que je sache, le livre de Mate

 15   Granic a été publié initialement en langue serbe; il s'agissait, il est

 16   vrai, d'une langue serbe de bien piètre qualité comme cela a déjà été vu,

 17   mais il est non moins vrai que j'aurais pu lire ce livre. Je ne sais pas

 18   pourquoi il y avait un problème de traduction.

 19   Et vous trouvez ça à la sixième ligne en partant du haut de la liste.

 20   Deuxième point, et bien plus important pour moi, Vesna Bosanac, en raison

 21   du rôle crucial qu'elle a joué dans les événements liés à la guerre à

 22   Vukovar, représente l'un des témoins essentiels dans cette affaire. C'est

 23   pour cela que mes droits ont été fondamentalement violés par l'attribution

 24   à Mme Vesna Bosanac du statut de témoin au titre de l'article 92 ter. Etant

 25   donné que vous lui avez accordé ce statut en dépit de mon opposition, vous

 26   savez pertinemment que je ne procéderai à aucun contre-interrogatoire, et

 27   que la déposition en question est à ce titre tout à fait déplacée. En ce

 28   qui me concerne, je soutiens qu'aucun témoin dans cette affaire ne peut se

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  1   voir accorder le droit de témoigner au titre du 92 ter, car le règlement a

  2   été adopté en 2006 seulement, alors que j'étais présent déjà depuis

  3   plusieurs années, et aucun règlement ne devrait pouvoir être adopté s'il

  4   porte préjudice à mes droits. C'est tout ce que je peux dire. Je ne

  5   comprends pas pourquoi vous avez décidé de procéder ainsi et d'accorder ce

  6   statut à Vesna Bocanac et aux autres témoins qui doivent déposer

  7   aujourd'hui.

  8   Je vais formuler la requête que tous ces jours qui auront été perdus

  9   en faisant déposer des témoins ayant ce statut soient décomptés du temps de

 10   l'Accusation.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, la Chambre a pris connaissance, et

 12   tout à l'heure on le verra, de la déclaration recueillie le 23 septembre

 13   2008 de ce témoin. Nous avons regardé de manière très précise à la loupe

 14   pour savoir si dans cette déclaration il y avait quelque chose susceptible

 15   de vous incriminer, directement ou indirectement. Et si ça avait été le

 16   cas, nous aurions donc décidé qu'il y a aurait un contre-interrogatoire.

 17   La déclaration écrite est faite selon un plan qui est le suivant : il y a

 18   une première partie qui concerne son background, c'est-à-dire tout ce

 19   qu'elle a fait, ses études et nominations comme directeur; après il y a un

 20   deuxième chapitre, c'est la population à Vukovar, du fait du blocus, et la

 21   situation dans la ville; ensuite il y a le pilonnage. Apparemment vous êtes

 22   pas -- ce n'est pas vous qui avez ordonné le pilonnage, enfin sauf si -- à

 23   moins que vous nous le dites.

 24   Après quoi nous passons aux journées du 17 novembre 1991, 18 novembre 1991,

 25   19 novembre 1991. Après quoi, il y a la journée du 20 novembre. Il y a deux

 26   chapitres sur sa détention puisqu'elle a été arrêtée, donc sa détention.

 27   Après il y a un chapitre sur la liste des victimes, il y a -- donc ce

 28   chapitre concerne un renvoi au document. Voilà. Et concernant de manière

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  1   très indirecte ce qui aurait pu remonter à vous, c'est qu'à un moment donné

  2   elle parle des Chetniks, terme général. A aucun moment, il n'est question

  3   des volontaires du Parti radical serbe dans ce document.

  4   Voilà. Qui plus est, ce témoin - et on le verra, je vais lui poser des

  5   questions tout à l'heure - a témoigné dans de multiples procès, plusieurs

  6   procès. Elle a témoigné six jours dans l'affaire Mrksic. Donc cette

  7   déclaration écrite semble apparaître une synthèse de tout ce qu'elle a pu

  8   dire jusqu'à présent dans différentes enceintes.

  9   Vous aviez la possibilité de la contre-interroger. Pour des raisons qui

 10   vous sont personnelles, vous nous avez dit que vous ne vouliez pas, mais ça

 11   c'est votre choix. Moi, personnellement, je vais lui poser des questions,

 12   parce qu'il y a une toute partie qui ne me paraît pas claire; c'est tout ce

 13   qui s'est passé avant le blocage de la ville par la JNA. Et là, j'ai

 14   beaucoup de questions à lui poser là-dessus, bien entendu, je vais lui

 15   poser également des questions sur le déroulement des événements.

 16   On va l'introduire pour procéder à sa prestation de serment.

 17   Oui, Monsieur le Procureur.

 18   M. DUTERTRE : Monsieur le Président, je ne sais pas si vous souhaitez le

 19   faire avant l'introduction du témoin. J'ai un certain nombre de demandes à

 20   formuler pour rajouter cinq documents à la liste 65 ter.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous écoute.

 22   M. DUTERTRE : Le 3 octobre, le parquet, vous vous en souvenez, avait déposé

 23   la requête aux fins d'admission de la déposition écrite du Dr Bosanac en

 24   application de la Règle 92 ter. A cette occasion, le parquet avait indiqué

 25   qu'il avait reçu, le 23 septembre 2008, de Mme Bosanac, trois documents en

 26   B/C/S, dont la traduction en anglais était en cours. Ces documents

 27   naturellement ont été communiqués à l'accusé. Depuis lors, leur traduction

 28   a été obtenue en anglais, et le parquet demande aujourd'hui à ce qu'ils

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  1   soient ajoutés à la liste 65 ter.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez me préciser les numéros des documents ou

  3   les intitulés ?

  4   M. DUTERTRE : Le premier document à qui on a donné un document 65 ter

  5   provisoire comporte l'ERN 0641-9452 - 0641-9456, numéro 65 ter provisoire

  6   7340. Et son titre -- en fait, cela correspond à une liste de 193 personnes

  7   identifiées de la fosse à Ovcara. C'est la dernière liste mise à jour que

  8   Mme Bosanac a reçue des autorités croates par un fax d'août 2008, si ma

  9   mémoire est bonne.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Le deuxième document.

 11   M. DUTERTRE : Le second document est un document qui porte l'ERN 0641-9449

 12   - 0641-9451, le numéro 65 ter provisoire attribué est le 7341. Et c'est une

 13   liste de 97 personnes trouvées dans la fosse d'Ovcara, dont le témoin

 14   établit qu'ils étaient également présents à l'hôpital.

 15   Le troisième document, ce sont des documents également remis par le Dr

 16   Bosanac, ERN 0641-9457 - 0641-9549, numéro 65 ter provisoire 7342. Et dont

 17   les titres sont certificats de décès. L'accusé a reçu ces documents le 2

 18   octobre 2008.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Le quatrième document.

 20   M. DUTERTRE : [hors micro] Il reste deux documents, Monsieur le Président.

 21   Effectivement, un document qui est un fax du 3 novembre 1991, ERN 0117-

 22   2530, numéro 65 ter provisoire 7338, communiqué à l'accusé le 9 juillet

 23   2008.

 24   Et le dernier document est le "Zagreb evacuation agreement" signé le 18

 25   novembre 1991, ERN 0007-2600, numéro 65 ter provisoire 7339, également

 26   communiqué à l'accusé le 9 juillet 2008.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Le dernier document, "agreement" dit de Zagreb sur

 28   l'évacuation, n'aurait-il pas été versé dans l'affaire Mrksic ?

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  1   M. DUTERTRE : Tout à fait, Monsieur le Président, je vais vérifier ces

  2   informations. Je crois que oui, et c'est effectivement un document qui a

  3   été manqué au moment où l'amendement de la liste des pièces à conviction

  4   déposée le 4 avril 2008, si j'ai bonne mémoire, a été déposé.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Seselj, des observations sur le

  6   rajout de cinq documents à la liste 65 ter ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela ne m'intéresse absolument pas, cette

  8   question de ces documents ajoutés à la liste 65 ter ne m'intéresse pas,

  9   mais je voudrais attirer votre attention sur le fait que le témoignage de

 10   Vesna Bosanac dans l'affaire Mrskic, pendant six jours, montre de façon

 11   très éloquente à quel point il s'agit d'un témoin essentiel. Ici elle sera

 12   présente à peu près une demi-heure, et tout sera terminé.

 13   Il est exact que Vesna Bosanac à aucun moment dans sa déclaration ne me met

 14   en cause, et ni ne m'accuse directement, tout comme c'est le cas du témoin

 15   qui viendra après elle. Mais il s'agit ici de témoins si importants pour la

 16   découverte de la vérité, en ce qui concerne la commission des crimes à

 17   Ovcara, que je ne peux tout simplement pas comprendre comment on peut

 18   accorder à ces témoins le statut de témoin aux termes de l'article 92 ter.

 19   Je ne vois tout simplement pas quels témoins pourraient être plus

 20   importants que Vesna Bosanac et le témoin qui viendra après elle. Il n'y a

 21   pas de témoin plus important en ce qui concerne les événements à Ovcara que

 22   ces deux témoins-là, mais vous en avez décidé ainsi et qu'y puis-je ?

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va introduire le témoin.

 24   Je vais demander à l'huissier d'aller chercher le témoin.

 25   M. DUTERTRE : Monsieur le Président, dois-je déduire que ces documents sont

 26   admis avec les numéros 65 ter proposés ?

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. La Chambre décide d'admettre -- de rajouter ces

 28   documents à la liste 65 ter.

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  1   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Madame. Pouvez-vous me donner votre nom,

  3   prénom, date de naissance.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Vesna Bosanac. Je suis

  5   née le 9 mars 1989, à Subotica.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Votre profession et qualité actuelle ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis médecin. En ce moment, je suis

  8   directrice de l'hôpital général de Vukovar.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Madame, déjà témoigné devant ce Tribunal

 10   ou un tribunal national; et si oui, indiquez-nous les affaires dans

 11   lesquelles vous avez témoigné.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà témoigné devant ce Tribunal dans

 13   l'affaire Dokmanovic, puis dans l'affaire Milosevic, dans l'affaire

 14   Sljivancanin, Mrksic, et Radic.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la première affaire que vous avez citée,

 16   Dokmanovic, vous avez témoigné pendant combien de jours ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble que c'était deux jours. Je n'en

 18   suis pas tout à fait certaine.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans l'affaire Milosevic, vous avez témoigné combien

 20   de jours ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Deux jours également, à ceci près, que je suis

 22   venue deux fois.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et dans l'affaire Mrksic, vous avez témoigné

 24   pendant combien de jours ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Trois jours, me semble-t-il.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je vous dis que vous avez témoigné six jours ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens que j'ai été présente ici six

 28   jours, mais je ne suis pas sûre que j'ai vraiment témoigné aussi longtemps.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Et devant les tribunaux nationaux, vous avez

  2   témoigné ou jamais ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai eu l'occasion de le faire.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous pouvez me dire devant quel tribunal et

  5   pour quelle affaire ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, j'ai fait une déclaration pour

  7   un juge d'instruction d'Osijek, c'était en 1992, 1993; l'année dernière,

  8   j'ai témoigné à Vukovar dans l'affaire Bogdan Kuzmic.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous demande de lire le serment, Madame.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 11   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 12   LE TÉMOIN : VESNA BOSANAC [Assermentée]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, vous pouvez vous asseoir.

 15   Alors je vais vous donner quelques informations sur la façon dont va se

 16   dérouler cette audience.

 17   La Chambre, qui avait été saisie par l'Accusation, a décidé de vous

 18   entendre sous la règle de l'article 92 ter du Règlement. C'est-à-dire que

 19   contrairement à vos dépositions précédentes dans les affaires Milosevic et

 20   Dokmanovic, vous n'allez pas être un témoin viva voce mais simplement, le

 21   Procureur va vous poser des questions à partir d'une déclaration écrite qui

 22   a été enregistrée au mois de septembre de cette année, le 23 septembre

 23   2008, déclaration écrite que vous avez signée. Et le Procureur vous

 24   présentera également quelques documents.

 25   Après cela, la Chambre vous posera des questions, et j'ai l'intention de

 26   vous prendre assez longtemps pour vous poser donc des questions sur le

 27   contenu de votre déclaration et sur ce que je pense qui n'y est pas et qui

 28   aurait dû y être.

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  1   L'accusé, M. Seselj, nous a déclaré qu'il n'acceptera pas de vous contre-

  2   interroger, non pas parce que c'est vous, mais pour une raison de principe

  3   qui est qu'il est contre cette procédure de l'article 92 ter. Donc il a

  4   pris la décision de ne pas vous contre-interroger, étant précisé que de son

  5   point de vue, vous êtes un témoin important.

  6   Vous êtes donc programmée sur deux jours. Peut-être nous aurons terminé

  7   aujourd'hui, mais ça m'étonnerait. En tout cas, pour le moins, nous

  8   continuerons demain avec vous.

  9   Vous êtes un témoin qui va témoigner sur les événements du Vukovar. Etant

 10   précisé mais tout le monde le sait, c'est que vous avez perdu deux membres

 11   de votre famille, dont votre propre père. Il faut que ceci soit bien

 12   présent dans l'esprit de tout le monde.

 13   Nous faisons des pauses toutes les heures et demie. Comme nous avons

 14   commencé l'audience à 8 heures et demie, nous ferons une pause tout à

 15   l'heure dans une demi-heure à 10 heures, et aujourd'hui nous terminerons à

 16   1 heure moins 5, parce que les Juges doivent se réunir à 13 heures car il y

 17   a l'élection du Président de ce Tribunal. Et donc nous arrêterons à 1 heure

 18   moins 5. Donc nous ferons une pause à 10 heures et nous reprendrons après à

 19   10 heures 20 et nous irons donc pendant une heure et demie après.

 20   Si à un moment donné vous voulez qu'on arrête pour une raison ou une autre,

 21   vous le dites et, bien entendu, j'arrêterai l'audience pour vous permettre

 22   de vous reposer si vous en éprouvez la nécessité.

 23   Voilà ce que je voulais vous dire.

 24   Alors, Monsieur le Procureur, comme nous sommes dans l'article 92 ter,

 25   faites le résumé habituel, et puis après vous suivez la procédure.

 26   M. DUTERTRE : Monsieur le Président, à vrai dire, pour gagner du temps et

 27   compte tenu du nombre d'"exhibits" à présenter, j'ai décidé de ne pas faire

 28   de résumé et d'aller directement aux questions sur le front.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais enfin, néanmoins, dites quand même en

  2   quelques lignes sur quoi va témoigner le témoin pour que les personnes qui

  3   suivent le procès à l'extérieur sachent à l'avance sur quoi va témoigner

  4   cette dame.

  5   M. DUTERTRE : Entendu, Monsieur le Président.

  6   Le témoin qui a été nommé directeur de l'hôpital de Vukovar au cours du

  7   mois de juillet 1991 a organisé le service hospitalier à Vukovar pendant la

  8   durée du conflit jusqu'au 20 novembre 1991, date à laquelle elle a été

  9   détenue par les autorités serbes. Le témoin donne donc des informations sur

 10   la situation à Vukovar pendant tout le conflit. Donne des informations sur

 11   la situation à l'hôpital pendant la durée du conflit, les conditions

 12   matérielles qui étaient celles de l'hôpital, des patients, et des

 13   conditions d'exercice. Elle donne des informations concernant les derniers

 14   jours avant la tombée de la ville les 17, 18, 19, 20 novembre 1991.

 15   Notamment l'afflux de la population à l'hôpital, qui cherche refuge compte

 16   tenu d'un plan d'évacuation dont la population est au courant.

 17   Et c'est pourquoi le parquet souhaitait l'ajouter en avril à sa liste de

 18   témoins, le Dr Bosanac permet principalement de faire le lien entre la

 19   liste des personnes présentes à l'hôpital, et certaines personnes

 20   retrouvées dans la fosse commune d'Ovcara. C'était le point essentiel de

 21   son témoignage pour le parquet.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci.

 23   M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

 24   Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur le Juge, le parquet a

 25   préparé deux classeurs d'"exhibits" et demandera au témoin de regarder ces

 26   "exhibits" dans le classeur plutôt que dans e-court, et ce, afin de gagner

 27   du temps. On gagne toujours quelques secondes par document à ne pas les

 28   appeler dans e-court. Mais bien sûr, je donnerai le numéro au 65 ter.

Page 11329

  1   Tout le monde a reçu les classeurs en question, y compris l'accusé.

  2   Il y a un document qui n'est peut-être pas en couleur dans le classeur,

  3   mais l'on a des copies couleur. Au moment opportun on les distribuera.                        

  4   Je souhaite commencer en fait par l'audition 92 ter du Dr Bosanac, à qui on

  5   a donné un numéro 65 ter provisoire 7343.

  6   Interrogatoire principal par M. Dutertre :

  7   Q.  Docteur, vous avez sur votre bureau les deux classeurs dont j'ai parlé,

  8   et je suppose peut-être de manière volante et non dans le classeur une

  9   audition que vous avez donnée en septembre dernier. Peut-être M. l'Huissier

 10   peut vous assister pour identifier le document en cause. Donc je me réfère

 11   à votre audition du 23 septembre 2008, qui doit être dans le premier

 12   classeur.

 13   Docteur, vous avez le document en question ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Docteur Bosanac, est-ce que ce document est bien la déclaration écrite

 16   que vous avez signée le 23 septembre 2008 ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Deuxième question, Docteur. Est-ce que cette déclaration écrite reflète

 19   fidèlement vos propos ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Troisième question, Docteur. Est-ce que vous tiendriez ces mêmes propos

 22   aujourd'hui si vous étiez interrogée sur ces mêmes questions ?

 23   R.  Oui.

 24   M. DUTERTRE : Monsieur le Président, je souhaite le versement de ce

 25   document 92 ter numéro 65 ter provisoire 7343 comme élément de preuve au

 26   dossier, et je vais m'apprêter ensuite à placer les "exhibits" en vue et en

 27   demander successivement l'admission.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame le Greffier, donnez un numéro.

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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P587.

  2   M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

  3   Au début du classeur, comme vous avez remarqué, vous avez un tableau avec

  4   tous les "exhibits," leurs ERN, leurs descriptions et les paragraphes -

  5   c'est la dernière colonne - pages en anglais et paragraphes dans lesquels

  6   les "exhibits" sont mentionnés. Je serai assez bref sur chaque document

  7   pour gagner du temps.

  8   Q.  Docteur, je prends le premier document qui est à la table numéro 1 de

  9   ce classeur. Donc le "divider" numéro 1, et je vous demanderais de vous

 10   référer à ce document qui est mentionné au paragraphe 10 de votre

 11   déclaration.

 12   M. DUTERTRE : C'est un document qui porte le numéro 65 ter 7286, numéro 65

 13   ter 7286.

 14   Q.  Donc il y a la version en anglais et en B/C/S. Vous avez la version

 15   B/C/S.

 16   Docteur, première question. Pouvez-vous confirmer que la date de ce

 17   document est le 21 octobre 1991 ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Docteur, qui a signé ce document ?

 20   R.  Juste un peu. Ici, j'ai la version en anglais.

 21   Q.  Vous avez tourné la page devant et vous avez la version en B/C/S

 22   normalement. Avant le papier vert. Oui, oui, juste avant le papier vert.

 23   R.  Je l'ai trouvée. Vous m'avez demandé qui a rédigé ce document. C'est

 24   moi qui l'ai dicté. C'était la personne chargée de l'administration Verica

 25   Graf qui l'a dactylographié. C'est moi qui l'a signé.

 26   Q.  Entendu, je vous remercie. En deux mots très brefs, quel est le contenu

 27   de ce document ? De quoi est-ce que cela parle ?

 28   R.  Il s'agit d'une lettre que j'ai écrite à la Mission européenne, au

Page 11331

  1   bureau croate à Zagreb. C'est là que j'ai décrit la situation qui prévalait

  2   à l'hôpital. Ceci a eu lieu peu après le départ de l'hôpital des Médecins

  3   sans frontières, qui nous a aidés à évacuer un certain nombre de blessés

  4   graves. Cependant, la situation est restée encore difficile.

  5   M. DUTERTRE : Monsieur le Président, je souhaite le versement de ce

  6   document.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : -- j'ai une question à demander.

  8   Madame, cette lettre a été faxée.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Je constate qu'il y a une mention que le document

 11   est parti à 12 heures 35 minutes le 21. Alors, il y a marqué "21/10," alors

 12   que normalement --oui, c'est le 21/10/1991 - mais le numéro de fax --

 13   enfin, il y a un numéro de téléphone, et en dessous à la fin il y a marqué

 14   un numéro de fax. Ce numéro de fax, c'est le numéro de qui ? De la Mission

 15   européenne ou de l'office de liaison croate ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le numéro de fax à l'époque de l'hôtel

 17   dans lequel siégeait la Mission européenne, et c'était ça, le bureau de

 18   liaison croate. C'était ça, leur numéro de fax, leur numéro. C'était à

 19   Zagreb, dans l'hôtel Inn.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va donner un numéro.

 21   Madame le Greffier.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P588 [comme interprété].

 23   M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

 24   Q.  Docteur, est-ce que vous pouvez passer au "divider" numéro 2. C'est un

 25   document mentionné au paragraphe 21 de votre audition, et qui porte le

 26   numéro 65 ter 7296.

 27   Je vais répéter. Je crois que -- donc document au tab numéro 2, mentionné

 28   au paragraphe 21, numéro 65 ter 7296, document très court.

Page 11332

  1   Q.  Docteur, est-ce que vous pouvez me confirmer que ce document a trait

  2   aux événements du 31 octobre 1991 ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Quel est l'auteur de ce document, Docteur ?

  5   R.  C'est moi qui l'ai rédigé. Je veux dire, c'est moi qui ai raconté le

  6   récit au téléphone. J'appelais tous les jours par téléphone. J'appelais

  7   donc au numéro de la Mission européenne, ensuite la poste centrale de

  8   Vukovar qui, ensuite, retransmettait mes appels à toutes les autres

  9   institutions pertinentes.

 10   Q.  Je vous remercie. Quel est le contenu de ce document ? Qu'est-ce que

 11   vous y mentionnez ?

 12   R.  Je fais part de la situation en lisant que ce jour-là, le 31 octobre

 13   1991 à 13 heures 45, un avion avait de nouveau largué deux bombes sur

 14   l'hôpital, sur les patients, les nouveau-nés et les blessés, et je fais

 15   appel que l'on cesse de façon urgente les attaques contre l'hôpital.

 16   M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président. Je souhaite le

 17   versement de cette pièce au dossier.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Madame, plusieurs questions.

 19   On a, dans votre langue, la description de ce qui est arrivé le 31 octobre

 20   où vous dites qu'un avion a lâché deux bombes. C'est tapé à la machine.

 21   Alors ce passage qui est tapé à la machine, il fait partie d'un cahier

 22   personnel, de feuilles volantes ? Comment avez-vous fait pour taper cela ?

 23   Vous aviez demandé à votre secrétaire de taper le compte rendu de la

 24   conversation téléphonique ? Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails

 25   ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai fourni cette information par téléphone au

 27   bureau croate auprès de la Mission européenne par le biais de notre bureau

 28   de poste à Vukovar et par le biais du bureau chargé de la liaison avec leur

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  1   centre supérieur, la poste d'Osijek. J'ai voulu transmettre brièvement

  2   cette information et la demande que l'on cesse les attaques.

  3   Ce jour-là, le 31 octobre, je n'ai pas donné l'ordre que ceci soit consigné

  4   par écrit. C'est par la suite que j'ai envoyé cet appel et cette

  5   information. Mais à ce moment-là c'était juste un appel verbal. Lorsque je

  6   suis venue par la suite à Zagreb, j'ai trouvé ces notes dans le bureau de

  7   la Mission européenne, donc j'ai repris cela et j'ai recueilli tout cela

  8   dans un livre intitulé "Les appels du Dr Vesna Bosanac."

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voyez, quand un Juge pose des questions, il y a

 10   beaucoup de choses qui apparaissent.

 11   Alors on découvre que vous avez écrit un livre intitulé "Les appels du Dr

 12   Bosanac." Si je vous comprends bien, vous aviez téléphoné pour rendre

 13   compte de cet événement. Puis en allant dans les bureaux de la Mission

 14   européenne à Zagreb, vous avez vu traces de votre appel téléphonique, et

 15   c'est ça qui a constitué le texte que nous avons sous les yeux. Ce qui veut

 16   dire que le texte dactylographié a été dactylographié bien après. C'est-à-

 17   dire quand; deux ans après, trois ans, dix ans après ? Quand ça a été

 18   dactylographié ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ceci a été dactylographié au moment des

 20   faits, sauf que c'est seulement par la suite que j'ai pu obtenir le texte,

 21   lorsque je suis venue moi-même à Zagreb après que l'on m'ait libérée de la

 22   prison.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Ça a été dactylographié par votre secrétaire au

 24   moment où vous appeliez ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça a été dactylographié par la personne de

 26   garde, la personne qui a reçu cet appel dans le bureau croate auprès de la

 27   Mission européenne à Zagreb.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc ce document, c'est la personne de garde

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  1   qui mentionne ce que vous lui avez dit. Bien. Au moins, comme ça c'est

  2   clair.

  3   Alors quand vous aviez appelé la Mission européenne, vous aviez qui au

  4   téléphone, qui c'est qui était au téléphone ? Une secrétaire ? Le

  5   responsable ? Qui était au téléphone ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai eu une personne qui, à cette époque-là,

  7   était de garde et qui était auprès de ce téléphone à ce moment-là.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : C'était une femme, la personne qui était de garde ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc elle, c'est elle qui a consigné ce que vous

 11   avez dit ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maintenant, c'est clair.

 14   On va donner un numéro.

 15   Madame le Greffier, un numéro pour ce document.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce IC77.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Non. Madame le Greffier, normalement, c'est un "P"

 18   et le chiffre doit être le chiffre qui suivait le document précédent. Ça

 19   doit être 589.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : Oui, c'est la pièce 589, Monsieur le Juge.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur le Procureur.

 22   M. DUTERTRE : Monsieur le Président, au passage, j'indique que les livres

 23   "Les appels du Dr Bosanac" a été communiqué à l'accusé sous le "disclosure

 24   receipt" 464.

 25   Je passe au troisième document qui est au "divider" numéro 3, mentionné au

 26   paragraphe 22, avec un numéro 65 ter 7299.

 27   Q.  Docteur, pouvez-vous confirmer que la date de ce document est le 2

 28   novembre 1991 ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Qui est le signataire de ce document, Docteur ?

  3   R.  Ici, à la fin du document, c'est écrit : "Officier de liaison Alen

  4   Kosovic a reçu ce message."

  5   Q.  Que savez-vous à propos de M. Kosovic ?

  6   R.  Je ne le connais pas personnellement, mais à ce moment-là il était dans

  7   le bureau croate, il était l'officier de liaison auprès de la Mission

  8   européenne.

  9   Q.  Est-ce que vous vous souvenez avoir parlé à M. Kosovic au téléphone des

 10   questions qui sont mentionnées dans ce document ?

 11   R.  Oui, je me souviens.

 12   M. DUTERTRE : Je vous remercie. Monsieur le Président, je souhaite le

 13   versement de ce document.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va donner un numéro, mais avant ça, Madame

 15   : vous téléphonez à M. Kosovic, vous lui indiquez que l'hôpital est sous le

 16   feu de l'artillerie, vous décrivez la situation de la journée en disant

 17   qu'il y a des bébés qui sont nés ce jour-là, et cetera, et cetera. Vous

 18   dites qu'au nom des 2 500 enfants de Vukovar, vous demandez un cessez-le-

 19   feu immédiat.

 20   M. Kosovic, qu'est-ce qu'il vous dit au téléphone, lui ? Qu'il va

 21   transmettre ? Qu'est-ce qu'il vous dit ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il a dit qu'il allait transmettre mon

 23   message.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Transmettre à qui ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai appelé, je répète, le bureau croate

 26   auprès de la Mission européenne à Zagreb, à l'hôtel Inn où se trouvait leur

 27   siège.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais je présume que la Mission européenne à

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  1   Zagreb, il y a un chef. Il y a toujours un chef dans une administration

  2   quelconque. Manifestement, lui, ce n'était pas le

  3   chef ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne sais pas exactement quelles étaient

  5   ses fonctions. Je savais simplement qu'il était l'officier de liaison, mais

  6   je ne sais pas exactement. A cette époque, c'était Georges-Marie Chenu qui

  7   était le numéro un de la Mission européenne, et c'était lui qui menait les

  8   pourparlers et qui a signé le document portant sur l'évacuation de

  9   l'hôpital de Vukovar. C'est un Français; et pendant un certain temps après

 10   la guerre, il était l'ambassadeur de la France à Zagreb en Croatie. Je

 11   pense que concernant cette situation à cette époque, il a écrit un livre,

 12   et j'ai fait sa connaissance par la suite.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Il a écrit un livre. Bien.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : La situation quand vous appelez à 12 heures 30 ce

 16   jour-là, le 2 novembre 1991, la situation semble assez dramatique. Pourquoi

 17   vous n'avez pas demandé d'avoir au téléphone en personne ce Français dont

 18   le prénom est Georges, mais le nom n'a pas été orthographié, pour lui faire

 19   part de votre demande ? Pourquoi vous n'avez pas exigé de M. Kosovic qu'il

 20   vous le passe au

 21   téléphone ? Parce que c'était 12 heures 30, il ne devait pas dormir à cette

 22   heure-là. Il était bien quelque part.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Tous les jours, j'essayais, dans des

 24   conditions très difficiles où les obus tombaient sur l'hôpital et le centre

 25   de la ville au jour le jour. Tous les jours, j'essayais de me mettre en

 26   contact avec toutes les personnes qui pouvaient nous venir en aide.

 27   Malheureusement, parfois, je pouvais atteindre par téléphone les personnes

 28   responsables, parfois non. Ce n'était pas facile ni simple à faire dans

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  1   cette situation.

  2   De nombreuses personnes à Vukovar, à ce moment-là, mes collègues et mes

  3   collaborateurs considéraient que le travail que je faisais n'avait aucun

  4   sens en réalité, que de toute façon nous allions être condamnés à être

  5   détruits et que c'était tout en vain. Or, moi j'ai essayé au mieux de mes

  6   possibilités.

  7   Parfois, je pouvais me mettre en contact avec des personnes suffisamment

  8   importantes - au moins, d'après ce que je pensais à l'époque - et parfois,

  9   je ne réussissais pas.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce jour-là, vous avez M. Kosovic. Est-ce que ce

 11   Français vous a rappelée après pour vous dire qu'il allait saisir au-dessus

 12   de lui les personnes compétentes si lui ne l'était pas ? Est-ce qu'il vous

 13   a dit qu'il allait se rapprocher de la JNA ? Il vous a rappelée ou il n'a

 14   rien fait du tout ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Personnellement, je n'ai pas reçu d'appel de

 16   la part de qui que ce soit à cette époque-là. Quant à la question de savoir

 17   s'il a entrepris quelque chose, s'il a essayé, je ne sais pas. J'ai fait la

 18   connaissance de M. Chenu plus tard, plusieurs années après la guerre, et je

 19   ne sais pas en réalité ce qu'il entreprenait à ce moment-là. Les seules

 20   personnes qui m'ont contactée et qui ont essayé de faire quelque chose,

 21   c'était les Médecins sans frontières qui ont essayé de nous venir en aide

 22   et qui sont venus à Vukovar.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : On y viendra plus tard. Bien. Donc il ne vous a pas

 24   rappelée. Très bien.

 25   Alors on va donner un numéro pour ce document, Madame le Greffier.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P590, Monsieur le

 27   Président.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est 10 heures. Nous allons faire notre

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  1   pause de 20 minutes.

  2   --- L'audience est suspendue à 10 heures 00.

  3   --- L'audience est reprise à 10 heures 22.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

  5   Monsieur le Procureur.

  6   M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

  7   Je souhaite maintenant examiner le quatrième document, au "divider" numéro

  8   4, mentionné paragraphe 37, portant le numéro 65 ter 7284, 7284.

  9   Merci.

 10   Q.  Docteur, qui est l'auteur de ce document, qui l'a signé ?

 11   R.  Je l'ai signé personnellement.

 12   Q.  Et quelle est la date de ce document ?

 13   R.  Le 20 octobre 1991.

 14   Q.  Et dans quel but avez-vous envoyé ce document à Médecins sans

 15   frontières ?

 16   R.  Je voulais exprimer mes remerciements à Médecins sans frontières pour

 17   la tentative qui avait été la leur de nous venir en aide à l'hôpital. Je

 18   voulais également exprimer tous mes regrets à cause des infirmières qui

 19   avaient été blessées lors d'un incident qui s'était produit lors du retour,

 20   lorsque les membres de Médecins sans frontières sont partis. Je les

 21   également appelés à revenir nous apporter de l'aide. Un représentant de

 22   Médecins sans frontières m'avait appelée au téléphone pour me dire que

 23   certaines infirmières avaient été blessées et qu'ils craignaient de ne pas

 24   être en mesure de revenir nous aider. Il était question d'évacuer les

 25   blessés tous les jours ou tous les deux jours en provenance de l'hôpital.

 26   M. DUTERTRE : Je vous remercie, Docteur.

 27   Je souhaite le versement de ce document, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Une question très rapide, Madame.

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  1   La lettre qui est envoyée à M. Christopher Besse MSF, mais comment la

  2   lettre va lui arriver ? Il y a quelqu'un qui lui a

  3   apportée ? Comment cette lettre va lui parvenir ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si cette lettre lui est

  5   parvenue. J'ai envoyé cette lettre de la même façon que tous les autres

  6   documents que j'envoyais. J'ai utilisé le fax, en ce qui concerne mes

  7   envois à destination du ministère de la Santé et à destination du bureau de

  8   liaison la Mission d'observation de la Communauté européenne.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Sur le document qu'on a dans votre langue, je

 10   n'ai pas la trace du fax, il n'y a pas de numéro de départ ni

 11   d'enregistrement. Donc on ne sait pas si ça a été envoyé par fax ou pas.

 12   Mais d'après vous, ça a dû être faxé, c'est ce que vous nous dites.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : On va donner un numéro.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P591.

 16  

 17   M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

 18   Cinquième document, au "divider" numéro 5, document mentionné au paragraphe

 19   40 de l'audition 92 ter, mentionné au paragraphe 40 de l'audition 92 ter,

 20   numéro 65 ter 7287.

 21   Q.  Docteur, est-ce que vous pouvez confirmer que ce document est daté du

 22   22 octobre 1991 et qu'il porte votre signature ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce qu'il s'agit bien d'un document qui fait le détail des morts du

 25   25 août au 21 octobre 1991 ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Même question que pour le document précédent, ce document, est-ce qu'il

 28   a été faxé ?

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  1   R.  Oui.

  2   M. DUTERTRE : Je vous remercie.

  3   Je demande le versement de cette pièce, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Même question, Madame. Ce document qui décrit une

  5   situation assez dramatique, puisque vous dites qu'il y a des blessés, des

  6   morts, est-ce que la Mission européenne vous a rappelés pour vous dire

  7   qu'ils faisaient le nécessaire, ou personne ne vous a rappelés ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, personne ne s'est adressé à nous en

  9   retour.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Personne ne s'est adressé à vous.

 11   Je vois une petite mention qui apparaît dans votre document qui n'est pas

 12   sans intérêt. Vous indiquez qu'il y a trois soldats de la JNA blessés, vous

 13   citez les noms, et je vais indiquer le sergent Sasa Jovic, qui fait partie,

 14   semble-t-il, de l'unité VP 4795 de Belgrade. Donc si je comprends bien,

 15   votre hôpital soignait également des blessés de la JNA.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous soigniez également des blessés de l'armée

 18   croate.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On aura l'occasion d'y revenir.

 21   On va donner un numéro.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P592.

 23   M. DUTERTRE : Docteur, je passe maintenant au sixième document, qui est au

 24   "divider" numéro 6, "divider" numéro 6, mentionné au paragraphe 41, numéro

 25   65 ter 7194.

 26   Q.  Docteur, est-ce qu'il s'agit bien d'un document daté du 27 octobre 1991

 27   et signé par vous ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Est-ce que ce document traite bien des admissions à l'hôpital ce jour-

  2   là ainsi que du nombre total de blessés à

  3   l'hôpital ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que ce document a été faxé également ?

  6   R.  Oui.

  7   M. DUTERTRE : Je vous remercie.

  8   Je souhaite l'admission de ce document, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ce document qui est relatif à la situation du

 10   27 octobre 1991 adressé à la Mission européenne, on vous a rappelés ? Il y

 11   a eu un contact ou rien du tout ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame, excusez-moi, vous pouvez nous

 15   confirmer que vous n'avez eu aucune réponse après l'envoi de ce fax, n'est-

 16   ce pas ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Savez-vous si d'autres mesures ont

 19   été entreprises par la Mission d'observation de l'Union européenne en ce

 20   qui concernait les forces serbes qui assiégeaient Vukovar ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'en ai pas connaissance. J'avais des

 22   contacts quotidiens avec le ministre de la Santé de l'époque, le Pr

 23   Hebrang. Ce dernier m'a informée de la tenue de pourparlers au sein de la

 24   Mission d'observation de la Communauté européenne et que cette dernière

 25   fait tout son possible afin de parvenir à un arrêt des bombardements. Mais

 26   personne, aucun membre de cette mission ne s'est adressé à moi ni ne m'a

 27   appelée, et je n'avais pas connaissance de leurs activités.

 28   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que le Pr Hebrang vous a dit

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  1   que les informations que vous aviez fournies dans ces fax ont été

  2   transmises à la Mission d'observation de la Commission européenne, qui en a

  3   tenu compte après les avoir examinées ? En d'autres termes, savez-vous si

  4   les messages que vous avez envoyés sont jamais parvenus jusqu'à la MOCE ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] M. Hebrang m'a dit que la mission fait tout

  6   son possible pour qu'il soit venu en aide à l'hôpital général de Vukovar,

  7   mais je n'en ai pas reçu la moindre confirmation à titre personnel, je n'ai

  8   pas eu de confirmation que quiconque au sein de la mission ait entrepris

  9   des actions en se fondant sur les fax que j'ai envoyés. Et ce n'est que

 10   plus tard, après la guerre, que j'ai appris le fait que les membres de la

 11   mission avaient eu connaissance de mes fax, qu'ils étaient au courant. Par

 12   l'intermédiaire du bureau croate de liaison auprès de la Mission

 13   d'observation de la Communauté européenne, j'envoyais des fax à destination

 14   non seulement de ladite mission, mais également à destination des

 15   personnalités politiques qui étaient en poste à l'époque non seulement en

 16   Europe mais également ailleurs dans le monde.

 17   Et je pense que nous avons des documents qui montreront toutes les

 18   personnes à qui j'ai pu envoyer ces informations. J'ai également reçu les

 19   numéros de fax nécessaires pour ces envois du bureau croate de liaison

 20   auprès de la Mission d'observation de la Communauté européenne. C'est ainsi

 21   que j'ai pu envoyer ces différents fax directement et ces autres numéros de

 22   fax également.

 23   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, j'entends bien. Mais moi, je

 24   vous posais la question de savoir si vous êtes certaine que les

 25   informations que vous avez fournies à la mission et aux hommes politiques

 26   ne sont jamais parvenues à leurs destinataires. Est-ce que cette

 27   information elle leur est parvenue, est-ce qu'ils en ont tenu compte au

 28   moment des négociations ? Est-ce que vous le savez ? Si vous l'ignorez,

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  1   dites-le-nous simplement.

  2   R.  Je pense que oui. A l'époque où j'envoyais ces fax, je n'avais pas

  3   d'information à ce sujet. Mais ultérieurement, après la guerre, j'ai eu des

  4   contacts avec certaines de ces personnes, tout à fait concrètement avec M.

  5   Chenu qui était à l'époque président de la Mission d'observation de la

  6   Communauté européenne. J'ai acquis la certitude que ces informations leur

  7   étaient parvenues et qu'ils s'étaient efforcés d'entreprendre des actions

  8   en se fondant sur ces informations.

  9   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] C'est exactement ce que je voulais

 10   savoir. Merci beaucoup, Madame.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : On va donner un numéro, Madame le Greffier.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P593, Monsieur le Président.

 13   M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

 14   Je passe maintenant au septième document, derrière le "divider" numéro 7,

 15   le document mentionné au paragraphe 42 de l'audition 92 ter et dont le

 16   numéro 65 ter est 7302.

 17   Q.  Docteur, est-ce que vous pouvez confirmer que la date de ce document

 18   est bien le 2 novembre 1991 et qu'il comporte votre signature ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous pourriez brièvement indiquer le

 21   contenu de ce document ?

 22   R.  Comme ce que j'ai essayé de faire aux différentes dates de ce mois-là,

 23   j'ai essayé de décrire ce qui se passait. L'hôpital était la cible de

 24   bombardements quotidiens d'artillerie lourde et d'attaques aériennes. Ce

 25   jour particulier, l'un de nos employés a été tué en se rendant à la

 26   chaudière de l'hôpital. Des incidents ont également éclatés ces jours-là.

 27   Un réserviste, Aleksandar Markovic, a été amené en tant que blessé. Il a

 28   été amené par des soldats croates, et il a été admis à l'hôpital.

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  1   En tout état de cause, je m'efforçais de fournir des informations non

  2   seulement à la Mission d'observation de la Communauté européenne concernant

  3   les événements de ce jour, mais également aux autres acteurs dont

  4   j'estimais qu'ils étaient importants.

  5   Q.  Je vous remercie. Egalement, est-ce que vous pouvez confirmer oui ou

  6   non que ce document a été faxé ?

  7   R.  Oui.

  8   M. DUTERTRE : Je vous remercie.

  9   Monsieur le Président, je souhaite le versement de cette pièce au dossier.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, dans la liste de destinataires, je vois il y

 11   a l'amiral Brovet, le président Tudjman, le ministre Hebrang, le général

 12   Tus et la Mission européenne. Alors vous l'avez faxé à qui, ce document ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai faxé au ministère de la Santé et à la

 14   Mission de la Communauté européenne. J'envoyais personnellement tous ces

 15   différents fax, et c'était toujours moi qui m'en occupais et je connaissais

 16   les numéros nécessaires. Je m'attendais à ce que ces personnes à qui j'ai

 17   envoyé le fax le feraient suivre aux destinataires indiqués.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : L'amiral Brovet, c'est qui ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Selon les informations dont je disposais à

 20   l'époque, il était le commandant des forces armées sur le territoire de

 21   l'ex-Yougoslavie.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais alors cette lettre, vous l'avez envoyée à

 23   l'amiral par l'intermédiaire de qui ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai encore une fois envoyé cette lettre à la

 25   Mission d'observation de la Communauté européenne en espérant que cette

 26   dernière pourrait faire suivre le document à tous les destinataires ici

 27   mentionnés. Il s'agissait d'une situation, et je le répétais à l'époque,

 28   dans laquelle des soldats de la JNA avaient été blessés.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais le problème, Madame, c'est que la Mission

  2   européenne pouvait penser que vous aviez envoyé, vous, par ailleurs, à

  3   Tudjman, Hebrang et Brovet, et Tus, le même courrier parce qu'il y a marqué

  4   en dessous : "Envoyé à." Donc ils peuvent penser que vous l'avez envoyé

  5   vous-même sans qu'eux éprouvent la nécessité de relier votre courrier à ces

  6   hautes personnalités. Tel qu'on lit la lettre, parce que dans votre langue,

  7   vous avez marqué : "Dostaviti," et ça, ça veut dire --

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : -- "destinataires," je présume.

 10   Bon, très bien. On va donner un numéro.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P594, Monsieur le Président, Madame et

 12   Monsieur le Juge.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur.

 14   M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

 15   Je passe maintenant au document numéro 8, "divider" numéro 8, document

 16   mentionné au paragraphe 43, numéro 65 ter 7338; paragraphe 43, numéro 65

 17   ter 7338.

 18   Q.  Docteur, est-ce que ce document est bien daté du 3 novembre 1991 et est

 19   signé par vous ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que ce document fait bien référence aux admissions à l'hôpital

 22   ce jour-là, plutôt le jour précédent de novembre 1991 ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  A nouveau : ce document a été faxé ?

 25   R.  Oui.

 26   M. DUTERTRE : Je souhaite le versement de cette pièce au dossier, Monsieur

 27   le Président.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, ce document, lui, il n'est adressé à

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  1   personne. Il n'y a pas de destinataire. Vous pouvez nous expliquer dans

  2   quel but a été fait ce document ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un document qui a encore une fois été

  4   adressé à la Mission d'observation de la Communauté européenne par

  5   l'intermédiaire du bureau de liaison. La situation était la suivante : je

  6   dictais ces fax dans des conditions très difficiles. Je n'avais pas la

  7   possibilité toujours de tout répéter. Le plus simple pour moi était

  8   d'envoyer ces informations par fax et de faire en sorte qu'on les fasse

  9   suivre. Les personnes qui se trouvaient à l'extérieur de Vukovar, qui était

 10   alors totalement bloquée et encerclée, devaient pouvoir prendre

 11   connaissance le plus rapidement de la situation telle qu'elle prévalait à

 12   ce moment-là, les 2 et 3 novembre 1991.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 14   On va donner un numéro.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P595.

 16   M. DUTERTRE :

 17   Q.  Docteur, je passe maintenant au neuvième document, "divider" numéro 9,

 18   le document est cité au paragraphe 44 de l'audition 92 ter, son numéro 65

 19   ter est le 7309. 7309.

 20   Est-ce que ce document est bien daté du 9 novembre 1991 et comporte votre

 21   signature, Docteur ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Dans ce document, qu'est-ce que vous commentez ?

 24   R.  Tout d'abord, je voudrais attirer votre attention sur une faute de

 25   frappe. Il est question du "9 octobre," mais en fait il s'agit du 9

 26   novembre.

 27   Là, j'explique encore une fois ce qui se passe à l'intérieur de

 28   l'hôpital, hôpital qui est sous le feu constant de tirs d'artillerie, et

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  1   également est la cible de toutes sortes d'obus et autres types de

  2   projectiles. L'une de nos employés a accouché prématurément.

  3    Je voulais montrer clairement la situation telle qu'elle était; il

  4   n'y avait plus d'eau, des grenades incendiaires étaient lancées sur

  5   l'hôpital, la cour de l'hôpital était en feu, et la situation de jour en

  6   jour était de plus en plus difficile. Le toit de l'hôpital également était

  7   en feu. La JNA et ceux qui agissaient de concert avec elle avaient décidé

  8   de détruire complètement la ville et ceux qui s'y trouvaient. Ce que je

  9   souhaitais, c'était de donner un compte rendu clair et précis de ce qui se

 10   passait à l'hôpital et autour de l'hôpital.

 11   Q.  Vous pouvez nous confirmer que ce document a été faxé au bureau de

 12   liaison de la Commission européenne comme indiqué au paragraphe 44 de votre

 13   audition 92 ter ?

 14   R.  Oui.

 15   M. DUTERTRE : Je souhaite, Monsieur le Président, un numéro pour cette

 16   pièce.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, dans ce document, vous faites état de la

 18   naissance d'un prématuré de six mois qui pesait 800 grammes. Il a survécu,

 19   ce prématuré ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Non, non.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va donner un numéro.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P596, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame, cette lettre, à qui était-

 24   elle adressée ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Au bureau de liaison auprès de la Mission

 26   d'observation de la Communauté européenne à Zagreb.

 27   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

 28   M. DUTERTRE :

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  1   Q.  Docteur, je passe maintenant au document numéro 10, qui est derrière le

  2   "divider" numéro 10, mentionné au paragraphe 58 de votre audition 92 ter et

  3   qui porte le numéro 65 ter 7339.

  4   Docteur, quelle est la date de ce document ?

  5   R.  Selon ce que je vois sur cette copie en version anglaise, il est

  6   possible d'en déduire qu'il s'agit du 18 novembre.

  7   Q.  Entendu, je vous remercie. Qui sont les signataires de ce document, si

  8   vous le savez ?

  9   R.  Le Pr Andrija Hebrang, qui a signé au nom de la République de Croatie;

 10   puis dans l'angle droite de ce document, d'après mes connaissances, c'est

 11   Andrija Raseta et Georges-Marie Chenu; même si ce n'est pas écrit

 12   clairement ici. Moi je n'ai pas vu ce document au moment où il a été fait,

 13   mais seulement après ma sortie. D'après mes informations, ce sont les

 14   personnes dont les signatures figurent ici.

 15   Q.  Vous avez vu ce document après, vous dites, "…après ma sortie." Vous

 16   pouvez préciser de quelle sortie il s'agit, très brièvement [phon] ?

 17   R.  Le 20 novembre, j'ai été arrêtée et on m'a amenée en prison, d'abord à

 18   Sremska Mitrovica, ensuite dans la prison d'instruction militaire à

 19   Belgrade, et j'ai été échangée en tant que prisonnière de guerre. C'est

 20   seulement après mon arrivée à Zagreb que j'ai commencé à faire des

 21   recherches au sujet de ce qui se passait pendant tous ces jours concernant

 22   l'évacuation, compte tenu du fait qu'un grand nombre de personnes, une

 23   bonne partie du personnel médical, des blessés et des civils de Vukovar, ne

 24   sont pas arrivés en Croatie. Ils étaient tous portés disparus.

 25   A cette époque-là, nous ne savions pas avec exactitude où était qui.

 26   J'ai vu en prison qu'il y avait un grand nombre de personnes de Vukovar,

 27   qu'il y avait des blessés dans la prison aussi, mais je ne savais pas qui

 28   ils étaient, ces blessés. J'espérais que c'étaient les blessés de

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  1   l'hôpital. Par la suite, en regroupant les témoignages de tous ceux qui

  2   sont venus en Croatie, nous avons constaté que seulement une partie des

  3   blessés avait été évacuée avec le convoi, il s'agissait de 174 personnes

  4   qui ont été évacuées au territoire libre de la Croatie, et qu'environ 250

  5   personnes blessées manquaient encore.

  6   Sur la base de ces témoignages, nous avons fait des recherches pour essayer

  7   de voir où ils pouvaient être, mais des documents concernant ce volet

  8   existent.

  9   Q.  Donc c'est après votre libération que vous avez eu accès à ce document.

 10   De quoi traite ce document, Docteur ? Quel est son

 11   objet ?

 12   R.  D'après ce que j'ai pu constater par la suite lorsque je l'ai étudié,

 13   son but était censé être de fixer les règles d'évacuation de l'hôpital. Il

 14   était dit que l'hôpital allait être proclamé neutre, et qu'une certaine

 15   route allait être prise pour évacuer toutes les personnes blessées, les

 16   patients et le personnel médical de l'hôpital.

 17   La signature des personnes qui, à l'époque, étaient les personnes

 18   responsables y figure. Ce document était considéré comme un document

 19   international, car il a été fait au sein de la Mission européenne en

 20   présence de la Croix-Rouge internationale qui devait assister avec les

 21   observateurs européens lors de l'évacuation de l'hôpital.

 22   Jusqu'au dernier jour, nous espérions que les choses allaient se

 23   passer ainsi, mais comme on le sait, les choses ne se sont pas déroulées

 24   ainsi, et cet accord n'a pas été entièrement mis en œuvre.

 25   M. DUTERTRE : Merci, Docteur.

 26   Je souhaite le versement de cette pièce au dossier, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame le Témoin, vous avez pris connaissance de ce

 28   document après que vous ayez été vous-même détenue. Ce document soulève, de

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  1   mon point de vue, toute une série de problèmes, et j'aimerais recueillir

  2   votre point de vue.

  3   Vous venez de dire que 2ce document a été signé au sein dans les locaux,

  4   semble-t-il, de la Mission européenne; or, dans ce document, je ne vois

  5   nulle part la référence à la Mission européenne. Alors comment la Mission

  6   européenne a-t-elle pu parrainer, être un acteur de cet accord alors même

  7   qu'il n'y a même pas sa mention dans le texte ? Puisqu'à l'article 1 est

  8   indiqué ceux qui sont là : la République de Croatie, la JNA, la Croix-

  9   Rouge, Médecins sans frontières et la Croix-Rouge de Malte, mais la Mission

 10   européenne n'y est pas. Alors comment vous expliquez ça ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que je ne peux pas l'expliquer, que

 12   vous devriez poser la question aux personnes responsables de la Mission

 13   d'observateurs européenne.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Deuxième constat : ce document est signé par la

 15   République de Croatie, alors certainement le ministre Hebrang, que vous

 16   avez indiqué, et par le représentant de la JNA. Vous dites ça doit être le

 17   général Raseta. Au-dessus, il y a quelqu'un qui signe, on ne sait pas qui.

 18   Est-ce que c'est Médecins sans frontières, la CICR ? On ne sait pas.

 19   D'après vous, qui a signé au-dessus des deux autres ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] D'après mes informations, c'était le président

 21   de la Mission européenne, Georges-Marie Chenu, mais je ne peux pas

 22   l'affirmer avec certitude. J'ai entendu dire que c'était ainsi. C'était lui

 23   l'organisateur de la réunion et c'est lui qui l'a signé, et la Croix-Rouge

 24   internationale a dû organiser l'évacuation, mais je ne suis pas sûre. Je

 25   n'ai pas assisté à cette réunion. Ça a eu lieu à Zagreb alors que moi

 26   j'étais à Vukovar.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous pensez que c'est le Français qui

 28   dirigeait la Mission européenne et qui a signé alors même que la Mission

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  1   européenne n'apparaît pas. Donc il y a un grigri, on ne sait même pas qui

  2   c'est. Bon, très bien. C'est peut-être lui. Mais par ailleurs, il y a

  3   plusieurs autres participants, il y a au moins la Croix-Rouge, le CICR et

  4   Médecins sans frontières, et là, il n'y a pas leurs signatures.

  5   Vous pouvez m'éclairer ou vous n'en savez rien ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce que je sais à ce sujet c'est ce que le

  7   Pr Hedrang m'a dit; c'est qu'ils étaient tous intéressés à aider à

  8   l'évacuation de l'hôpital et qu'ils travaillaient là-dessus afin de trouver

  9   un moyen de venir à Vukovar des deux côtés : par voie terrestre et aussi

 10   par le Danube, en venant de la Hongrie avec un bateau qui appartenait à

 11   l'ordre maltais. Ils voulaient venir avec le bateau pour évacuer l'hôpital

 12   par le Danube.

 13   Je n'y croyais pas à l'époque. Je pensais que ceci n'était pas

 14   approprié à l'époque étant donné que toutes les personnes blessées étaient

 15   dans un état extrêmement grave et il fallait qu'ils soient transportés au

 16   plus vite avec des véhicules sanitaires dans les premiers hôpitaux en

 17   sécurité, et des hôpitaux normaux, pour qu'ils puissent suivre le reste du

 18   traitement plutôt que de les placer sur un bateau et ensuite pour qu'ils

 19   empruntent le Danube, et ainsi de suite. Mais ils essayaient de trouver

 20   tous les moyens possibles afin de faire cesser le pilonnage de Vukovar et

 21   d'évacuer l'hôpital. Je suppose que c'était l'une des manières qui

 22   démontraient cela.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, le Pr Hebrang manie la

 24   langue anglaise ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Le général Raseta ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça, je ne le sais pas.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va donner un numéro.

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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P597, Monsieur le

  2   Président.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

  4   Monsieur le Procureur, on est au document suivant.

  5   M. DUTERTRE : Oui, le document numéro 11. On aborde donc là les questions

  6   d'identification des listes de victimes, qui est la préoccupation du

  7   parquet. Le document est mentionné au paragraphe 123; il porte le numéro 65

  8   ter 7280. 7280. Il y a des versions couleur que je m'apprête à distribuer,

  9   les classeurs qui ont été communiqués comportant des versions en noir et

 10   blanc, malheureusement.

 11   Si Mme l'Huissier ou M. l'Huissier peut, excusez-moi, venir donner une

 12   version couleur à l'accusé ainsi qu'à la Chambre. Ça peut être uploadé

 13   [phon] dans e-court pendant que je parle, en couleurs.

 14   Q.  Docteur, donc au "divider" numéro 10, vous avez un document. Quelle est

 15   la source de ce document ?

 16   M. DUTERTRE : Sachant, Monsieur le Président, que le témoin m'a fait part

 17   de son souhait que ce document, qui contient des informations médicales,

 18   soit confidentiel, ce qui m'amène peut-être à demander de passer en

 19   "private session."

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va passer, pour les aspects médicaux, à

 21   huis clos.

 22   Madame le Greffier.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 24   Monsieur le Président.

 25   [Audience à huis clos partiel]

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 25   [Audience publique]

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, le document précédent, il faut

 27   indiquer que c'est versé sous pli scellé.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, ce sera sous pli scellé.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur.

  2   M. DUTERTRE : Maintenant au document numéro 12, Monsieur le Président, visé

  3   au paragraphe 124, portant le numéro 65 ter 7281, derrière le "divider" 12.

  4   Pour prendre la première page avec l'ERN 0469-3283, celle qui est à

  5   l'écran.

  6   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il s'agit, Docteur ? Quelle

  7   est cette liste ?

  8   R.  C'est une liste des personnes qui, selon les dépositions des personnes

  9   qui ont fait leurs déclarations, étaient à l'hôpital de Vukovar à la date

 10   du 20 novembre, mais après cela n'ont toujours pas été retrouvées. A cette

 11   époque-là, elles n'étaient pas encore identifiées ou retrouvées quelque

 12   part. Donc ils étaient portés disparus.

 13   Q.  Entendu. Si on peut passer aux pages suivantes, si vous tournez la

 14   page, Docteur.

 15   M. DUTERTRE : Je m'intéresse à la page qui a le numéro en haut 0469-3284,

 16   3285 et 0469-3286; 0469-3284 à 0469-3286.

 17   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire quelle est cette liste, à quoi elle

 18   correspond ?

 19   R.  Il s'agit de la liste des personnes qui se trouvaient à l'hôpital

 20   général de Vukovar le 20 novembre et dont les corps et ce qu'il restait de

 21   leurs corps ont pu être identifiés ultérieurement à Ovcara. Il s'agissait

 22   de blessés qui avaient été tués et qui ont été identifiés ultérieurement à

 23   Ovcara.

 24   M. DUTERTRE : Je pense qu'on verra comment l'identification s'est faite

 25   avec le témoin Strinovic.

 26   Q.  Est-ce que vous avez participé, Docteur, à l'élaboration de ces deux

 27   listes ?

 28   R.  Oui. En ce qui concerne la liste que nous avons sous les yeux, oui. La

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  1   dernière fois que j'ai eu l'occasion de venir ici en tant que témoin, je

  2   souhaitais que l'on puisse faire la distinction parmi les corps de ceux qui

  3   avaient été retrouvés à Ovcara, entre ceux qui étaient des blessés, ceux

  4   qui étaient des employés de l'hôpital ou des membres des familles des

  5   employés de l'hôpital, ou ceux qui étaient d'autres civils, dont les restes

  6   avaient également été retrouvés à Ovcara et qui s'étaient trouvés là pour

  7   d'autres raisons. Les personnes qui ont été emmenées de l'hôpital de

  8   Vukovar pour d'autres raisons se sont également retrouvées pour certaines

  9   d'entre elles dans cette liste. Il y a également des personnes qui ont été

 10   vues à l'hôpital de Vukovar la journée du 20 novembre 1991, mais leurs

 11   restes n'ont pas été retrouvées dans la fosse d'Ovcara, et au jour

 12   d'aujourd'hui on ne sait toujours pas ce qu'il en a été de ces personnes.

 13   Q.  Est-ce que vous pouvez nous indiquer qui d'autre a participé à

 14   l'élaboration de ces deux listes, hormis vous ?

 15   R.  J'appartenais à l'équipe de l'hôpital de Vukovar qui s'occupait entre

 16   autres choses de recherches portant sur ces événements. Nous avons collecté

 17   des informations auprès des associations qui elles aussi enquêtaient, par

 18   exemple, l'association des mères de Vukovar, qui a publié un ouvrage

 19   consacré à leurs fils et à leurs maris disparus. Il y avait également

 20   l'association des prisonniers des camps de concentration serbes. Il y a

 21   également une base de données qui est disponible au sein du ministère de la

 22   Santé. Nous avons utilisé toutes ces différentes sources de données afin de

 23   décrire et d'identifier chacun des individus qui a pu être identifié à

 24   Ovcara, afin de fournir davantage d'informations que le simple nom et

 25   prénom de la personne.

 26   Q.  Entendu. Quand vous dites la base de données du ministère de la Santé,

 27   c'est celle qu'on a discutée précédemment ?

 28   R.  Oui.

Page 11364

  1   Q.  Entendu. Les documents suivants que vous voyez ensuite, on a des

  2   formulaires avec des photos. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que c'est,

  3   brièvement ?

  4   R.  Il s'agit de formulaires et de documents que nous établissions

  5   habituellement et que nous faisions parvenir aux services compétents du

  6   ministère de la Santé. Nous y trouvons le nom, le prénom, la date de

  7   naissance, et cetera, de la personne, le diagnostic, le lieu de la blessure

  8   et, également, l'indication mentionnant si la personne a été référée à un

  9   autre hôpital ou non. Il y avait ce questionnaire pour chaque patient.

 10   En plus de ce questionnaire, nous établissions également un bref

 11   compte rendu de l'histoire de la personne comportant une photo, il

 12   s'agissait de documents qui étaient recueillis par les organisations

 13   internationales afin de dire aux Juges de cette Chambre de qui il

 14   s'agissait exactement également, puisqu'il s'agissait de personnes très

 15   différentes, il s'agissait de civils, parfois de personnes âgées ou

 16   d'autres types de personnes mais qui ont été tuées à Ovcara.

 17   M. DUTERTRE : Entendu. Je souhaite, Monsieur le Président, le versement de

 18   cette pièce au dossier.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, quelques questions.

 20   Si vous pouvez regarder la liste des personnes qui ont disparu, il y en a

 21   45. Donc si je comprends bien, ces 45 personnes, on ne les a pas retrouvées

 22   à ce jour.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque où cette liste a été établie, c'est

 24   exact. Mais quant à savoir ce qu'il en est aujourd'hui, je ne pourrais pas

 25   le dire avec certitude. A l'époque où le document a été établi, oui, on

 26   n'avait pas retrouvé ces personnes. D'après ce que je sais, les personnes

 27   en question n'avaient pas été retrouvées à l'époque.

 28   M. DUTERTRE : Monsieur le Président, si je peux être d'une aide quelconque

Page 11365

  1   à la Chambre, le témoin Bilic reviendra sur la question des personnes

  2   toujours portées disparues à ce jour. C'est un élément d'information qui

  3   viendra de façon mise à jour, updatée [phon]. Je crois qu'on connaît 53, je

  4   parle de mémoire, par la suite.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de regarder le numéro 2, Ivan Bozak.

  6   Il était membre de l'hôpital. Mais il y a marqué de l'hôpital de guerre.

  7   Votre hôpital était-il hôpital civil ou hôpital de guerre ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Notre hôpital était un hôpital civil, et

  9   ce, jusqu'à la guerre. Mais lorsque la guerre a commencé, et avec elle

 10   l'agression dirigée contre Vukovar, l'hôpital admettait aussi bien des

 11   soldats que des civils, et tous les hôpitaux en Croatie, notamment ceux qui

 12   étaient près de la ligne de front ou sur la ligne de front, étaient des

 13   hôpitaux de guerre également. Quant à ce monsieur, Ivan Bozak, qui est

 14   porté au numéro 2, il était employé à l'entrée de l'hôpital; il était en

 15   vie le 20 novembre 1991, au moment où la présente liste a été dressée, mais

 16   plus tard, on perd toute trace de lui. On ne sait pas s'il est encore en

 17   vie ou s'il a été tué.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : -- certainement m'éclairer. Je constate le numéro 3,

 19   Baketa, Goran; le numéro 22, Drago Krizan; le numéro 31, Josip, Mikletic;

 20   le numéro 35, Perkovic, Otomir [phon]; et le numéro 38, Samardzic, Damjan.

 21   Il y a marqué "Sécurité". Votre hôpital était-il gardé par des éléments du

 22   MUP, puisque le numéro 3, il y a marqué "MUP, sécurité de l'hôpital".

 23   Il y avait des personnes qui assuraient la sécurité de l'hôpital ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, il s'agissait de personnes

 25   qui avaient été attribuées à la sécurité des hôpitaux. Soit par la police,

 26   le MUP, soit par le quartier général de la défense de la ville ou par le

 27   commandant de la défense. Il s'agissait de personnes qui avaient été

 28   dépêchées pour assurer la sécurité de l'hôpital. Mon sentiment était que

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  1   cela était inutile en pratique, car l'hôpital était entièrement encerclé,

  2   il était la cible quotidiennement de milliers d'obus, et aucune forme de

  3   personnel de protection ne pouvait nous protéger contre cela.

  4   Le fait est cependant que M. Baketa était employé à l'entrée de

  5   l'hôpital, qu'il a été emmené et qu'on perd toute trace de lui. Ensuite,

  6   votre question portait également sur M. Branko Lukenda, la police l'avait

  7   chargé de consigner par écrit les informations relatives aux personnes

  8   admises et de mettre de côté les éventuelles armes dont elles étaient

  9   porteuses. Quant à M. Samardzic, Damjan, il avait été placé à l'hôpital

 10   pour garantir la sécurité des soldats blessés de la JNA. Mais l'on disait à

 11   son sujet qu'il avait été tabassé par les forces paramilitaires présentes à

 12   Ovcara, à tel point qu'il est décédé de ses blessures, il se trouve

 13   également sur cette liste.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Les personnes qui figurent sous l'appellation

 15   sécurité et qui ont disparu, je présume qu'elles étaient armées. Elles

 16   assuraient la sécurité du Tribunal -- de l'hôpital, en armes, ils étaient

 17   armés ? Non ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils n'avaient pas d'armes.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Ils n'avaient pas d'armes.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils étaient en poste à l'entrée de l'hôpital,

 21   là où les armes étaient confisquées, mais à l'intérieur de l'hôpital,

 22   toutes les personnes qui s'y trouvaient étaient sans armes.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : J'en viens à la deuxième liste, ils sont 97, c'est

 24   ceux qu'on a exhumés de la fosse, qui avaient été hospitalisés ou qui

 25   étaient à l'hôpital et qui ont été exhumés. Et vous confirmez là qu'il y a

 26   en avait 97 ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

Page 11367

  1   Et après, le reste du document, on a des certificats descriptifs des

  2   blessures. Par exemple, Drazen Babic, on sait que c'était un garde; on

  3   s'aperçoit en regardant, comme je l'ai fait tout à l'heure, tous ces

  4   certificats, qu'on a une majorité de soldats. A votre connaissance, Madame,

  5   combien d'employés de l'hôpital qui étaient employés civils ont été tués ou

  6   ont disparu ? Combien en chiffres ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Dix-huit.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Dix-huit. Et parmi les 18, combien on ne les a

  9   jamais retrouvés ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Deux d'entre eux.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a en a deux qui ont totalement disparu.

 12   L'impression que j'ai, mais je me trompe peut-être et vous me corrigerez,

 13   quand je regarde les certificats concernant pour le moins les 97, il y a

 14   une majorité de soldats. Mais il y en a quelques-uns où il y a marqué

 15   civils, par exemple, Franjo Barisic, adulte civil.

 16   A votre connaissance, combien de civils sont morts suite à leur arrestation

 17   et à leur transport à la ferme d'Ovcara ? Combien de civils d'après vous ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela est difficile à dire, étant donné que

 19   nombre d'entre eux sont encore portés disparus aujourd'hui.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Grosso modo ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'ensemble, je dirais qu'il y avait 50 %

 22   de civils. Si l'on regarde cette liste de blessés, on peut comprendre cette

 23   impression qui est la vôtre, mais l'un de nos employés, Dragan Gavric,

 24   était aussi blessé, il était chauffeur. Glavlasevic Sinica également, il

 25   était journaliste. Il y avait beaucoup de civils, certainement la moitié

 26   d'entre eux. Il y avait des femmes, des enfants. Il y avait des mineurs.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, ne confondons pas tous les problèmes. Moi,

 28   ce qui m'intéresse c'est les personnes qui ont été tuées à Ovcara dont des

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  1   corps ont été retrouvés. Voilà, c'est uniquement cela qui m'intéresse.

  2   Et dont certains ont disparu, on ne sait pas où ils sont passés. Et c'est

  3   ce groupe très particulier que j'examine de très près à la loupe. Dans ce

  4   groupe, de manière empirique, parce que je n'ai pas fait le décompte un par

  5   un, j'ai l'impression qu'une majorité de ce groupe ce sont des soldats, et

  6   il y a parmi eux quelques civils, et c'est ça que je voulais que vous

  7   m'indiquiez. Dans ce groupe, il y a combien de civils ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je vous dis, c'est que sur cette liste

  9   vous avez 97 blessés, 97 blessés donc, parmi lesquels on trouvait à la fois

 10   des soldats et des civils, et qui ont été identifiés. Mais à Ovcara c'est

 11   200 corps qui ont été exhumés en tout, parmi lesquels 193 ont été

 12   identifiés, ce qui figure dans d'autres documents que nous verrons peut-

 13   être ultérieurement.

 14   Si bien qu'il est tout à fait possible de déterminer sur la base des

 15   informations dont nous disposons, de déterminer combien exactement de

 16   civils il y avait. Mais indépendamment de la question de savoir combien il

 17   y avait de civils et combien de soldats, ils devaient tous être protégés

 18   aux termes des conventions de Genève. Il y avait 97 blessés de notre point

 19   de vue, qu'ils soient des policiers, des soldats ou autres, et 97 blessés

 20   qui ont été emmenés à Ovcara.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais aborder une question pour vous qui va être

 22   douloureuse, mais je me dois de vous la poser.

 23   Votre père est dans la liste des victimes. Votre père, dans quelles

 24   conditions il s'est trouvé là, et dans quelles conditions il a été arrêté,

 25   vous pouvez nous apporter des éléments ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je voulais déjà apporter une correction

 27   une correction un peu plus tôt. Il ne s'agit pas de mon père, mais du père

 28   de mon mari, de mon beau-père.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est votre beau-père qui porte le nom de

  2   votre mari, Bosanac ?

  3   Alors votre beau-père, dans --

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : -- qui est le père de votre mari, dans quelles

  6   conditions il se trouvait là, lui ? Il était civil ? Il était militaire ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Il était un civil. C'était un homme âgé et

  8   malade. Il est né en 1919. Il a été amené à l'hôpital le jour précédent, il

  9   est venu avec son épouse afin d'être évacué. Et cela sur ma demande afin de

 10   pouvoir être plus près de moi. Ma mère se trouvait également à l'hôpital à

 11   ce moment-là. Cependant, le 20 novembre, il a quitté l'hôpital car il lui

 12   était très difficile de rester en position assise, il avait de graves

 13   problèmes avec ses jambes, il est donc sorti pour marcher un petit peu.

 14   Mais à peine était-il sorti, qu'il a été placé dans cet autobus en partance

 15   pour Ovcara, et plus personne ne l'a jamais revu. Certains témoins qui ont

 16   survécu à Ovcara m'ont rapporté ultérieurement qu'il avait été vu à Ovcara,

 17   qu'il a été identifié et il a été tué à Ovcara. Il a été identifié comme

 18   les autres en 1996 alors que c'était -- il a été tué alors que c'était un

 19   civil âgé et malade.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : -- la pause que nous allons faire maintenant.

 21   Il y a un autre Bosanac qui est dans la liste. C'est qui, l'autre Bosanac ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Tomislav Bosanac. C'est le cousin de mon mari.

 23   Le père de ce Tomislav était le frère de mon beau-père. Quant à l'épouse de

 24   ce Tomislav elle était infirmière, elle a été gravement blessée. Et

 25   Tomislav Bosanac se trouvait à son chevet. J'ai demandé personnellement à

 26   M. Sljivancanin si mon parent, Tomislav Bosanac, pouvait rester aux côtés

 27   de son épouse pendant l'évacuation, mais il a été lui aussi emmené ce même

 28   matin, emmené à Ovcara et tué.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Tomislav Bosanac il était civil ou militaire, lui ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était un civil.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous allons faire la pause jusqu'à midi.

  4   On reprendra à midi et on s'arrêtera à 1 heure moins 5.

  5   --- L'audience est suspendue à 11 heures 43.

  6   --- L'audience est reprise à 12 heures 01.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

  8   Monsieur le Procureur, vous demandez l'admission du document 7281 ?

  9   M. DUTERTRE : Tout à fait, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame le Greffier, vous pouvez donner un

 11   numéro pour ce document.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P599, Monsieur le

 13   Président.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur.

 15   M. DUTERTRE : Oui, Monsieur le Président, trois points extrêmement rapides,

 16   enfin, deux points dont un est double. L'audition 92 ter, paragraphe 1,

 17   dernière phrase, mentionne les noms de proches du Dr Bosanac. Il me semble

 18   que ce n'est pas la peine qu'il soit rendu public, et je vous demande

 19   l'autorisation de rédiger la dernière phrase du paragraphe 1.

 20   De façon similaire, le paragraphe 123, qui a trait à la pièce admise sous

 21   pli scellé, je demande l'autorisation de la Chambre de le rédiger, et donc

 22   le parquet, dans les délais les plus favorables, fournira, si vous

 23   l'autorisez, une version expurgée de l'audition 92 ter.

 24   Le deuxième point, très rapide. Page 60, ligne 19, j'avais demandé au Dr si

 25   la base de données auquelle elle faisait référence était celle qu'on avait

 26   utilisée précédemment. Elle avait indiqué, "Oui," et ce n'est pas reflété

 27   au transcript. Je tenais à ce que ce soit reflété.

 28   Je passe maintenant aux pièces suivantes, et j'aurai bientôt fini.

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  1   Q.  Vous avez indiqué, Docteur, que 200 corps avaient été exhumés à Ovcara

  2   et que 193 avaient été identifiés.

  3   M. DUTERTRE : Je passe, à ce propos, au "divider" 14, référencé paragraphe

  4   126, et qui porte le numéro 65 ter 7340.

  5   Q.  Ma question est la suivante : Docteur, est-ce que c'est bien la liste

  6   mise à jour des personnes identifiées de la fosse commune d'Ovcara ?

  7   R.  Ici -- enfin, vous me posez la question au sujet de quelle liste, car

  8   ça n'est pas très clair d'après les copies ? Vous parlez de la liste 97 ?

  9   Q.  Vous prenez le petit classeur, et c'est derrière le "divider" 14, dans

 10   le petit classeur, qui doit être sur votre droite. "Divider" 14.

 11   R.  Oui, c'est bien la liste.

 12   Q.  D'où vient cette liste, Docteur ? Qui vous l'a --

 13   R.  Lorsque vous m'avez contactée en disant que vous souhaitiez que je

 14   vienne déposer dans cette affaire, j'ai apporté -- ou plutôt, comme la

 15   dernière fois, je demandais au gouvernement de la République de Croatie, au

 16   ministère de la Solidarité entre les générations, chargé des personnes

 17   disparues, j'ai demandé aussi à l'administration chargée des personnes

 18   détenues de me fournir une nouvelle liste mise à jour des personnes

 19   identifiées. Le 28 août 2008, je l'ai reçue et c'est la toute dernière

 20   liste à laquelle figure 192 personnes.

 21   Q.  Vous pouvez répéter le nombre ? J'ai eu en français autre chose. J'ai

 22   entendu 192. C'est 192 ou 193 personnes identifiées.

 23   R.  193. 192, c'était la dernière fois, la fois d'avant lorsque je suis

 24   venue déposer la dernière fois, à ce moment-là c'était en 2005, je pense.

 25   C'était 192. Entre-temps, une autre personne a été identifiée.

 26   Q.  Entendu. La liste de 97 noms qu'on a discuté précédemment, ce sont les

 27   personnes mentionnées dans cette liste de 193 noms dont vous savez qu'elles

 28   étaient présentes blessées à l'hôpital. Est-ce que j'ai bien compris ?

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  1   R.  Oui, ce sont les mêmes personnes.

  2   M. DUTERTRE : Je souhaite l'admission, Monsieur le Président, de cette

  3   pièce 7340 au dossier. Excusez-moi, ça doit être 7280. Je vérifie le

  4   numéro.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, j'ai regardé de manière approfondie les 193

  6   noms, et j'ai constaté qu'il y avait quelques mineurs, c'est-à-dire des

  7   hommes âgés de 16, 17 ans. A titre d'exemple, le numéro 82, Kacic Igor, né

  8   le 23 août 1975.

  9   Alors, je me pose la question : que faisaient ces mineurs à l'hôpital ?

 10   Etait-ce un mineur qui était blessé, qui était malade, qu'on a amené ?

 11   Comment se faisait-il qu'il était là ? Vous pouvez me renseigner ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, parce que je connais personnellement ce

 13   jeune homme. Son père, Petar Kacic, est allé à l'école avec moi et il était

 14   défenseur de Vukovar, membre de l'armée croate qui a été tué, et son fils

 15   mineur Igor était avec sa mère dans la cave de l'immeuble; et au moment

 16   d'un pilonnage ou d'un bombardement, un mur s'est effondré sur lui. Il a

 17   été blessé, et avec sa mère il est venu à l'hôpital, et il attendait d'être

 18   évacué. Cependant, il a été emmené à Ovcara et il y était tué, même s'il

 19   était mineur.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Je pense que dans la liste des 193, c'était lui le

 21   plus jeune de l'ensemble. Vous pouvez me confirmer cela ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je pense que oui, même s'il y a encore

 23   d'autres personnes encore plus jeunes. En fait, en 1975 je pense que cette

 24   personne était née. Et un autre mineur, fils d'une dame qui travaillait

 25   chez nous au service du nettoyage de linge. Il s'appelle Dragutin Balog, et

 26   il est né le 19 août 1974. Il a été fils de la dame qui travaillait au

 27   service du lavage de linge chez nous. Il était avec son père qui avait un

 28   cancer de la gorge. Il était avec sa mère aussi qui travaillait à

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  1   l'hôpital, et ils attendaient tous l'évacuation. Les deux, c'est-à-dire le

  2   père et le fils mineur, ils ont tous les deux été emmenés à Ovcara, et ils

  3   y ont été tués.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. On va donner un numéro pour cette liste.

  5   Madame le Greffier.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P600, Madame et

  7   Messieurs les Juges.

  8   M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

  9   Je passe maintenant au document 15, visé au paragraphe 126 toujours.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez sauté le 13 ?

 11   M. DUTERTRE : J'ai sauté le 13 intentionnellement pour gagner du temps. Il

 12   a un intérêt historique. C'était pour la chronologie des choses, mais c'est

 13   la liste de 1992 non mise à jour. Ça n'empêche pas d'avoir la preuve à jour

 14   au dossier. J'aurais dû le préciser.

 15   Le quinzième document visé au paragraphe 126, et qui porte le numéro 65 ter

 16   7341.

 17   Q.  Docteur, est-ce que vous pouvez me confirmer que vous avez votre

 18   paragraphe, et qu'il y a la date du 23 septembre 2008 sur ce document ?

 19   R.  Juste un moment.

 20   M. DUTERTRE : Divider numéro 15.

 21   Peut-être M. l'Huissier pourrait aider le Dr Bosanac. "Divider" numéro 15.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 23   M. DUTERTRE :

 24   Q.  Donc c'est à nouveau la liste de 97 noms, mais révisée sur la base de

 25   la mise à jour des personnes identifiées à Ovcara. La liste de 193 noms.

 26   Est-ce bien exact ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Donc c'est la dernière révision, même s'il n'y a pas de changement ?

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  1   C'est bien exact ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Entendu.

  4   M. DUTERTRE : Je souhaite le versement de cette pièce au dossier, Monsieur

  5   le Président.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Docteur, une question d'ordre technique.

  7   Cette liste des 97 noms, je vois dans la dernière colonne

  8   diagnostique, pour chacun une précision. Alors, je me suis posé la

  9   question, est-ce que c'est le diagnostique qui a été fait post-mortem ou au

 10   moment de l'hospitalisation ? Bien sûr. Vous pouvez me confirmer ce point ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce diagnostic a été fait pendant

 12   l'hospitalisation.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc ce n'est pas un diagnostic résultant de

 14   l'autopsie après exhumation ? C'est la cause de leur hospitalisation ? Par

 15   exemple, au hasard je prends le numéro 14. Donc lui, il avait été blessé

 16   par apparemment une explosion; c'est ça ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 19   Alors, Monsieur le Procureur, vous demandez un numéro. On va donner un

 20   numéro.

 21   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D601, Madame et

 22   Messieurs les Juges.

 23   M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

 24   Je passe au seizième document, et j'indique tout de suite que je

 25   n'aborderai pas le dix-septième. Le seizième document est "tab",  derrière

 26   le "divider" 16, visé au paragraphe 127, le numéro 65 ter est 7319.

 27   Q.  Docteur, est-ce que vous pouvez nous lire, et ce sera donc traduit, le

 28   titre de ce document qui commence par "Prilog," et je vous épargne la

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  1   lecture du reste ? Mon accent serait désastreux.

  2   R.  Oui. Il est dit ensuite : "Les victimes de la ferme agricole Ovcara,

  3   victimes de l'hôpital de Vukovar."

  4   M. DUTERTRE : Pour l'information de la Chambre, je dois d'ores et déjà dire

  5   qu'il s'agit d'une "exhibit" qui a été versée dans l'affaire Mrksic sur la

  6   base de la liste des victimes telle que visée dans l'affaire Mrksic.

  7   Q.  Docteur, est-ce que vous pouvez nous dire qui a fait les annotations

  8   manuscrites en face de chaque nom dans cette liste ?

  9   R.  C'est moi qui ai inscrit d'un commun accord avec M. Moore, le

 10   Procureur. Lui essayait de trouver une raison ou plutôt de nous demander

 11   d'écrire suivant nos souvenirs; non pas seulement moi, mais d'autres

 12   témoins aussi, ce qu'on savait au sujet de ces noms-là. C'est-à-dire si

 13   c'étaient des soldats croates, si c'étaient des ennemis politiques, si

 14   c'étaient des employés de l'hôpital. Et ensuite, suivant ces signes,

 15   s'agissant de chacune de ces personnes, nous avons essayé d'écrire ce qu'on

 16   savait au sujet de ces personnes. Par exemple, ici, concrètement parlant,

 17   s'agissant de cette liste-là, c'est moi qui ai écrit l'étoile qui indique

 18   que c'est une personne qui travaillait à l'hôpital. Par exemple, ici, nous

 19   avons Ilija Asadjanin qui était employé de l'hôpital. Donc j'ai inscrit ce

 20   que je savais à côté de ces noms-là.

 21   Ce qui est écrit en anglais, ce n'est pas mon écriture. Ce n'est pas moi,

 22   mais quelqu'un de l'Accusation qui a écrit cette légende qui explique la

 23   signification de ces signes et de ces lettres.

 24   Q.  Vous avez anticipé sur ma seconde question. Je vous en remercie. 

 25   Précisément, est-ce que vous pouvez nous indiquer à quoi correspond

 26   les différents signes, et je vais être très précis. Lorsque vous mettiez un

 27   "C" devant un nom, qu'est-ce que le "C" signifie ?

 28   R.  "C," ça veut dire "civil." C'est ce qui est expliqué dans la

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  1   légende au-dessus de la liste. "C," c'est un civil. "W," ça veut dire un

  2   ennemi politique s'agissant de personnes qui, d'après ce que je savais,

  3   étaient considérées comme des ennemis politiques de l'option yougoslave à

  4   l'époque. Et c'était ça l'idée de M. Moore. Il essayait de trouver la

  5   raison pour laquelle justement ces personnes-là ont été emmenées à Ovcara

  6   et y ont été tuées. Même si moi personnellement, je considère qu'une telle

  7   analyse était futile.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a une erreur au transcript. La ligne 5 de

  9   la page 74. Il faut dire que "W" signifie "ennemi politique," pas "animal

 10   politique."

 11   M. DUTERTRE : Tout à fait exact, Monsieur le Président. Merci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

 13   Monsieur le Président, il ne s'agit pas d'une erreur de transcript, car le

 14   témoin a dit "political animal," "animal politique." Elle essaie d'employer

 15   la langue anglaise, mais elle ne connaît pas cette langue. Elle aurait dû

 16   dire "political enemy," mais elle a dit "animal." Je l'ai bien entendu, et

 17   j'ai même souri à ce moment-là. Elle a dit "animal."

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Bosanac, alors, est-ce vous qui l'avez dit ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, j'ai dit clairement "ennemi politique."

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. De toute façon, on a la bande audio. On fera

 21   les vérifications. Bien. Donc vous avez dit "ennemi politique." Mais

 22   comment savez-vous que c'étaient des opposants politiques ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je savais s'agissant de certaines personnes.

 24   Je ne le savais pas s'agissant d'un bon nombre d'entre eux, mais s'agissant

 25   de ceux au sujet desquels j'étais au courant, je l'ai décrit, et là où je

 26   ne le savais pas, je n'ai rien mis.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : -- exemple, Ivan Bainrauh, vous avez mis que c'était

 28   -- c'est qui celui-là ? C'est un opposant ou pas ? C'est le numéro 3, 5, 8

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  1   de la liste.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je sais. Je vois. Je ne peux pas être

  3   sûre, mais je l'écris, car je pensais qu'il était un opposant politique,

  4   mais je n'étais pas sûre. Cependant, je l'ai toutefois marqué, car je pense

  5   que tel était le cas. Mais je pense que tout ceci n'était pas vraiment

  6   pertinent, qu'il ne fallait pas procéder à une analyse de cette manière-là,

  7   mais j'ai essayé de marquer les personnes que je connaissais en employant

  8   les signes qu'on m'avait suggérés.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Opposant politique à qui, à quoi ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose qu'ils étaient opposés à cette

 11   option, l'option qui a abouti à l'agression contre Vukovar. C'est au moins

 12   ainsi que j'ai compris ce que voulait le Procureur Moore, mais peut-être il

 13   vaut mieux lui poser la question à lui, ce qu'il voulait lorsqu'il nous a

 14   demandé d'indiquer cela.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Il voulait que vous indiquiez que parmi les

 16   victimes, il y avait des opposants à l'agression de Vukovar. Donc la

 17   conclusion pour le Procureur Moore, c'est que c'était un opposant politique

 18   ? Et vous, vous avez embrayé en marquant un "W," mais là, apparemment vous

 19   semblez regretter maintenant ? Bon, si c'était à refaire, vous ne re --

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas que je le regrette. Mais je pense

 21   que ceci n'importait pas. Comme vous pouvez le voir, vous pouvez voir le

 22   nombre de points d'interrogation que j'ai mis, car je ne savais pas comment

 23   marquer. Je pensais qu'il était inutile de marquer cela et de diviser les

 24   victimes suivant les critères-là. Mais le Procureur Moore l'a demandé et

 25   donc c'est ainsi que j'ai répondu.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : -- pas parce que le Procureur veut que le témoin

 27   doit faire ce que le Procureur veut. Vous êtes totalement indépendante à

 28   l'égard du Procureur, à l'égard des Juges, à l'égard de l'accusé. C'est

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  1   vous donc -- bon.

  2   Donc c'est le Procureur qui avait voulu que vous marquiez cela. Je

  3   vais prendre un autre exemple. C'est à la page 2, Ivan Bozak. C'est le

  4   premier de la liste. Vous le connaissiez, lui ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le connaissais. C'était cet employé

  6   qui était à l'entrée de l'hôpital. Il est indiqué "WH," ce qui signifiait

  7   "Work hospital," donc employé de l'hôpital.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc lui c'était un employé civil. Il était

  9   employé civil par l'hôpital.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Procureur.

 12   M. DUTERTRE : Oui, Monsieur le Président. Merci.

 13   Q.  Quand vous mettez la lettre "S," qui correspond à la lettre "V" en

 14   B/C/S, qu'est-ce que ça signifie, Docteur, quand vous mettez cette lettre

 15   "S" devant un nom ?

 16   R.  Selon toujours la même légende, "S" signifie "soldat."

 17   Q.  Entendu.

 18   R.  Du moins pour ceux d'entre eux dont je savais qu'ils étaient des

 19   soldats.

 20   Q.  Bien sûr. Quand il y a une étoile ou "WH," est-ce que vous pouvez

 21   préciser quelle est la catégorie de personnes ?

 22   R.  Cela se rapporte aux employés de l'hôpital.

 23   Q.  Entendu. Quand il y a une croix et "HWH" ?

 24   R.  Ce sont des auxiliaires de l'hôpital qui n'étaient pas des

 25   professionnels de la santé employés par l'hôpital, mais qui intervenaient à

 26   titre auxiliaire, qui venaient aider. Il s'agissait, par exemple, des maris

 27   des infirmières et de tous ceux qui sont venus apporter leur aide à

 28   l'hôpital d'une façon ou d'une autre.

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  1   Q.  Entendu. Et lorsque vous ne savez pas, vous avez simplement mit un

  2   point d'interrogation ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Après avoir fait tout ce "listing," vous avez eu le temps de vérifier

  5   tout ça ? Enfin, ça correspond à vos souvenirs "to the best of your

  6   knowledge" ou quel est le degré de certitude de cette information ?

  7   R.  Oui. Je peux, avec beaucoup de certitude, confirmer cela, mais ce que

  8   je voudrais dire c'est que ces différentes indications correspondent à ma

  9   propre perception, à la connaissance que je pouvais avoir de ces personnes.

 10   M. le Procureur m'a demandé d'intégrer cet aspect, donc d'ajouter cette

 11   indication portant sur des personnes qui se trouvaient à l'hôpital. Je sais

 12   qu'il a demandé cela à d'autres témoins également. Je ne sais pas si les

 13   différentes indications correspondent entre les différents témoins. Mais

 14   dans la base de données du service informatif du ministère de la Santé

 15   croate, nous trouvons ce même type d'informations et c'est cela qu'on

 16   trouve ici, donc il y a des données indiquant si une personne était un

 17   soldat croate, un membre de la police, un civil. Dans la liste que nous

 18   avons ici, nous pouvons trouver certaines informations que nous ne trouvons

 19   pas ailleurs.

 20   Par exemple, nous voyons si une personne était un auxiliaire de l'hôpital,

 21   s'il s'agissait du mari, par exemple, d'une infirmière qui est venu

 22   apporter son aide ou d'une personne dans cette même catégorie.

 23   M. DUTERTRE : Je vous remercie.

 24   Monsieur le Président, je souhaite le versement de cette pièce au dossier,

 25   et je n'ai plus d'autres questions pour ce témoin.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : On va donc donner un numéro.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P602.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

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  1   Madame, je vous avais dit que j'avais une série de questions. Je vais

  2   essayer de prendre un ordre logique. Mais avant d'entamer mon ordre

  3   logique, je vais d'abord vous demander juste un petit détail d'ordre

  4   technique.

  5   Questions de la Cour :

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous savons, parce que vous l'avez dit et les

  7   documents le prouvent, que dans cet hôpital, vous traitiez des blessés

  8   quels qu'ils soient, Croates et Serbes. Dans votre meilleur souvenir, est-

  9   ce qu'à un moment donné il vous est arrivé d'avoir comme hospitalisé un

 10   combattant serbe, mais qui n'était pas de la JNA, qui était soit

 11   réserviste, soit volontaire ? Est-ce que vous avez eu à gérer cette

 12   situation de quelqu'un qui était blessé, mais qui n'était pas membre de la

 13   JNA ?

 14   R.  Oui.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me donner un exemple très précis ?

 16   R.  Je me souviens qu'il y avait le cas de ce réserviste qui a été amené à

 17   l'hôpital qui était un volontaire. Je ne me rappelle pas exactement le nom

 18   de cette personne, mais je sais que cela est arrivé et que c'est même

 19   arrivé plusieurs fois.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous-même, vous vous êtes entretenue avec ces

 21   "volontaires" ? Vous avez parlé avec eux ? Ou bien --

 22   R.  Oui.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous leur avez demandé qu'est-ce qu'ils faisaient là

 24   ? Pourquoi étaient-ils là ? Qu'est-ce qu'ils vous ont dit ?

 25   R.  Non. Je ne leur ai pas posé ces questions, car ils étaient gravement

 26   blessés. Il s'agissait de personnes qui, à ce moment-là, n'étaient pas dans

 27   un état qui leur aurait permis de répondre à de telles questions. Je n'en

 28   ai donc pas parlé avec eux. Je ne l'ai fait uniquement avec ceux des

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  1   blessés qui étaient présents dans l'hôpital depuis plus longtemps et qui

  2   étaient en train de se rétablir. Certaines de ces personnes se trouvaient

  3   dans une chambre qui a été touchée par un obus, et je leur ai demandé à un

  4   moment de confirmer la véracité de toutes les informations que j'ai

  5   envoyées par fax.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a un sujet qui n'est pas très clair dans mon

  7   esprit, ce sont les blessés de la JNA.

  8   On peut imaginer la situation de Vukovar, assiégée, pilonnée, des combats

  9   dans les rues, nous voyons très bien la situation. Mais les soldats de la

 10   JNA qui étaient blessés, qui les amenait à l'hôpital ? Comment ça se

 11   passait concrètement, un soldat de la JNA blessé ?

 12   R.  Ceux qui étaient amenés à l'hôpital l'étaient par des combattants

 13   croates qui se trouvaient en première ligne dans les affrontements, et ce

 14   sont eux qui les ont amenés à l'hôpital.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ce qui veut dire que, lors des combats, des

 16   Serbes qui étaient blessés étaient capturés par les soldats croates, et les

 17   soldats croates les amenaient à l'hôpital. Vous êtes affirmative.

 18   R.  Oui.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : De mémoire, il y en a eu beaucoup pendant toute

 20   cette période ? Quelques unités, des dizaines ? Il y a eu combien de

 21   soldats serbes blessés qui ont été soignés à

 22   l'hôpital ?

 23   R.  Je me souviens qu'au mois d'août quatre soldats de la JNA ont été

 24   amenés à l'hôpital. C'était encore au début, au mois d'août;

 25   ultérieurement, trois autres, puis deux autres encore, puis trois autres

 26   soldats encore de la JNA ont été amenés à l'hôpital. Il faudrait que je

 27   réfléchisse un peu plus et que je m'efforce de me rappeler un peu mieux

 28   pour répondre avec plus d'exactitude à votre question.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc il y en avait un certain nombre. Je

  2   présume que le nécessaire avait été fait au niveau de l'hôpital pour que

  3   ces soldats serbes blessés et prisonniers soient surveillés et pas

  4   maltraités ?

  5   R.  Oui. Je vous ai dit que M. Samardzic avait été dépêché par le

  6   commandant de la défense afin d'assurer le traitement des soldats de la

  7   JNA, les blessés. Ils étaient placés séparément, dans une chambre à part.

  8   Cependant, comme j'ai déjà dit, un obus a touché cette pièce, a détruit

  9   l'un des murs et, heureusement, à cette occasion-là aucun d'entre eux n'a

 10   été blessé. Suite à quoi, les soldats blessés de la JNA n'ont plus été mis

 11   à part dans une chambre séparée, mais répartis et placés dans les mêmes

 12   pièces que les civils blessés et la population croate.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais aborder avec vous, Madame, le sujet

 14   antérieur à l'attaque de Vukovar par la JNA. Donc je voudrais, avec votre

 15   aide, remonter dans le temps.

 16   Dans ce que vous dites dans votre déclaration écrite, c'est au paragraphe

 17   8, il y avait environ 45 000 habitants à Vukovar, il y avait plusieurs

 18   groupes ethniques, Croates, Serbes, et cetera. Est-ce qu'avant qu'il y ait

 19   ces événements à Vukovar, l'ambiance était sereine entre tout le monde ou

 20   il y avait des tensions perceptibles entre les différents groupes ethniques

 21   ?

 22   R.  La réponse à cette question dépend du point de vue que l'on adopte.

 23   Personnellement, j'ai passé toute ma vie à Vukovar, j'y ai travaillé

 24   pendant 17 ans en tant que médecin. Avant la guerre à Vukovar, je ne

 25   m'occupais pas du tout de politique. Mais il est un fait que des tensions

 26   ont commencé à apparaître sur l'ensemble du territoire de l'ex-Yougoslavie,

 27   notamment après la mort de Tito et, à partir de 1988, de façon accrue,

 28   notamment au Kosovo, en Vojvodine.  On pouvait porter un regard sur tous

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  1   ces événements comme si cela ne nous concernait pas véritablement. Ce qui

  2   s'est passé le 18 août 1991 en Croatie, toutefois, lorsque des barrages ont

  3   été placés sur les routes, a été la suite de la déclaration d'indépendance

  4   adoptée par le Sabor croate.

  5   Mais précédemment déjà et à ma connaissance, il y avait eu des négociations

  6   portant sur la possibilité de transformer la Yougoslavie en quelque chose

  7   qui aurait été une sorte de confédération dans laquelle les différentes

  8   républiques auraient été transformées en unités confédérales. Mais pour

  9   autant que je sache, ce projet n'a pas pu aboutir, car la politique de

 10   Slobodan Milosevic visant à l'établissement d'une Grande-Serbie

 11   représentait un frein à ce type de projet. La JNA, à l'époque, était le

 12   bras armé de la politique visant à établir une Grande-Serbie.

 13   Je voyais tout cela d'assez loin, à l'époque, puisque comme je vous le

 14   disais, je ne m'occupais pas de questions politiques, à cette époque.

 15   Puisque nous étions dans une région frontalière de la Croatie, nous avions

 16   le sentiment que quelque chose n'était pas normal. Les barrages étaient en

 17   place sur des routes, il y avait une révolution en marche dans la région de

 18   Knin, du côté de Pakrac, mais nous ne croyions pas véritablement qu'une

 19   telle chose pourrait nous arriver à nous aussi, nous ne nous en doutions

 20   pas du tout, nous ne pouvions pas du tout imaginer que cela se produirait

 21   dans une communauté multiethnique comme la nôtre.

 22   Toutefois, il est un fait que des unités paramilitaires, et cela,

 23   déjà à partir de 1990, sont arrivées dans les villages serbes autour de

 24   Vukovar, que ces unités militaires armaient les civils serbes, tenaient des

 25   réunions politiques au cours desquelles elles incitaient les civils serbes

 26   à la haine envers les autorités croates. Mais malgré tout cela, nous

 27   espérions toujours qu'une solution politique pourrait être trouvée. Après

 28   le 2 mai, lorsque des policiers croates ont été tués à Borovo Selo et après

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  1   le bombardement de Borovo Naselje au mois de juillet, puis de Vukovar au

  2   mois d'août, il est devenu tout à fait clair pour nous que tout cela

  3   n'aurait pas de solution pacifique. Je m'efforçais d'ouvrir les yeux des

  4   gens sur ce qui était en train de se passer à travers toutes les

  5   informations que j'envoyais et les communications que j'avais, les appels

  6   que j'adressais aux uns et aux autres.

  7   Je m'efforçais de montrer comment cette armée, qui était censée être

  8   l'armée yougoslave, avait été mise au service de l'accomplissement d'une

  9   politique visant à créer une Grande-Serbie, une politique de destruction

 10   qui était tout à fait inconcevable. Toutefois, personne au sein de la

 11   communauté internationale, ni en Europe ni au sein des Nations Unies, ne

 12   souhaitait véritablement être confronté à ce problème.

 13   Après que j'ai été libérée dans le cadre d'un échange, j'ai beaucoup voyagé

 14   et j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux hommes politiques qui, à

 15   l'époque, auraient eu la possibilité de faire quelque chose, mais j'ai

 16   compris qu'ils n'avaient pas la volonté de le faire, qu'ils souhaitaient

 17   que la Yougoslavie reste dans l'état où elle était. Ils se sont laissés

 18   manipuler par Slobodan Milosevic et les partisans d'une Grande-Serbie.

 19   Nous autres qui avons survécu à ces événements à Vukovar, nous savions que

 20   ce qui se passait à Srebrenica serait tout à fait semblable.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais qu'on regarde la situation à partir

 22   uniquement de votre hôpital.

 23   Au niveau de votre hôpital, quand il y a eu la déclaration d'indépendance

 24   de la Croatie, y a-t-il eu, au niveau de la municipalité de Vukovar et de

 25   votre hôpital, des conséquences, ou bien il n'y en a eu aucune ?

 26   R.  Cela dépend du point de vue que l'on adopte. Au printemps 1991, il y a

 27   eu des élections à l'échelon local à Vukovar. Ce sont les autorités locales

 28   qui ont été élues dans le cadre des premières élections multipartites, cela

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  1   a été le cas au printemps 1991. Il me semble qu'il y avait six ou sept

  2   partis qui se sont présentés lors de ces élections locales, et c'est la

  3   première fois que les organes du pouvoir local, qu'il s'agisse de

  4   l'assemblée municipale ou du comité exécutif, ont été élus dans un cadre

  5   multipartite. C'est alors, par exemple, que Slavko Dokmanovic a été élu.

  6   Ceci dit, à l'époque, le Parti serbe n'avait pas encore été formé et

  7   enregistré comme tel. Cela n'a été le cas qu'après l'élection.

  8   Slavko Dokmanovic a été élu en tant que président de la municipalité, et je

  9   ne sais plus à quel titre, en tant que membre de quel parti, Parti

 10   communiste ou un autre; et M. Soldo a été élu, de son côté, en tant que

 11   président du comité exécutif. Il s'agissait pour ces différentes

 12   personnalités de se mettre d'accord pour former un gouvernement local

 13   commun et se partager les différents portefeuilles. Cependant, lorsque les

 14   Chetniks sont arrivés, ainsi que les partisans d'une Grande-Serbie, Slavko

 15   Dokmanovic a cessé de se rendre à son travail. Marin Vidic n'était plus le

 16   commissaire civil de Vukovar. Il y avait des barrages sur les routes, et

 17   plus aucune option de nature politique n'était véritablement envisageable

 18   dans ce cadre-là. Nous étions en train de nous diriger vers la guerre --

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous arrête.

 20   Je me base sur votre déclaration écrite. Dans votre déclaration

 21   écrite, vous parlez des Chetniks. Alors; j'aimerais bien que vous

 22   m'indiquiez, de votre point de vue à vous, pas de celui du Procureur ou de

 23   M. Seselj, mais du vôtre, c'est quoi un Chetnik ?

 24   R.  Cette question de savoir ce que c'est qu'un "Chetnik," bien; j'ai

 25   trouvé des éléments de réponse avant la guerre déjà, en me fondant sur des

 26   films, sur des œuvres de la littérature dans lesquelles certaines

 27   personnalités, certains volontaires de nationalité serbe avaient été

 28   qualifiés de "Chetniks." Pour ma part, je considère que ce mot de "Chetnik"

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  1   s'applique aux membres de formations paramilitaires serbes auxquelles j'ai

  2   pu être confrontée au cours de la guerre et au cours de l'occupation de

  3   Vukovar.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors; vous dites que vous avez été confrontée avec

  5   des unités paramilitaires serbes. Alors; c'est qui ces unités

  6   paramilitaires que vous indiquiez, et en quoi se distinguent-elles de la

  7   JNA ? Bon. C'est peut-être évident pour vous, mais pour les Juges qui,

  8   nous, n'étions pas à cette époque sur place, il faut que vous nous

  9   indiquiez cela.

 10   R.  Tout ce que je peux vous dire, c'est ma propre opinion, mais sur la

 11   base des documents qui correspondent à cette période et des photos, vous

 12   pouvez vous faire votre propre opinion également. Ceux que j'estimais être

 13   des Chetniks à l'époque étaient des personnes portant une barbe, portant

 14   des subara [phon], qui étaient pleins de haine et qui portaient la cocarde

 15   également. Mais si vous vous reportez aux documents remontant à cette

 16   époque et aux photos, vous pourrez vous rendre compte des personnes dont il

 17   s'agissait.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Ces gens-là, vous les avez vus circuler dans Vukovar

 19   de vos propres yeux ? Vous en avez vu circuler ?

 20   R.  Oui.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Ils vous donnaient l'impression d'être contrôlés ou

 22   incontrôlables ?

 23   R.  Je pense qu'ils étaient sous le contrôle de leur propre commandant. Ils

 24   avaient leur propre commandant.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et à votre connaissance, leur propre

 26   commandant était sous le contrôle de qui ?

 27   R.  Je pense que leur commandant en chef était l'accusé dans la présente

 28   affaire. C'est ce que j'ai appris personnellement en écoutant la radio

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  1   serbe lorsque je me trouvais encore à Vukovar. Je l'ai également lu dans

  2   certains documents, et ce que j'ai appris c'est qu'il était, sinon le

  3   commandant en chef, l'un des commandants les plus haut placés de ces

  4   différentes unités.

  5   Je me rappelle qu'au moment où j'ai déposé, j'ai fait déclaration,

  6   j'étais interrogée dans la prison de Mitrovica, un colonel de la JNA m'a

  7   demandé de décrire à quels endroits telle et telle personne avait été

  8   enterrée, selon les informations dont je disposais. Je lui ai dit que ça

  9   aurait été préférable de se rendre sur place à Vukovar afin que je lui

 10   montre cela plutôt que de faire des dessins en prison. Le colonel m'a

 11   répondu que cela ne serait pas une bonne idée, car il s'agissait d'une zone

 12   sur laquelle la JNA n'avait plus compétence, qui n'était plus sous la

 13   juridiction de la JNA, et la question se posait donc de savoir comment il

 14   serait possible de se rendre à Vukovar et d'en sortir.

 15   C'est alors que j'ai compris pour la première fois que la JNA n'avait

 16   aucun contrôle sur ces unités paramilitaires. En réalité, la partie de la

 17   JNA qui mettait en œuvre cette politique avait probablement une forme de

 18   contrôle ou une autre. Ils agissaient de concert. Mais ce qui est évident

 19   sur la base de nombreux articles et documents de cette époque, c'est qu'il

 20   y avait une action concertée. Je pensais à l'époque qu'il existait une

 21   autorité encore à l'échelle de la Yougoslavie et que l'armée yougoslave, la

 22   JNA, avait une certaine unité.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : -- multipartites qui fait qu'il y a une

 24   nouvelle municipalité qui se met en place. Vous nous dites qu'à ce moment-

 25   là est arrivés des paramilitaires, des Chetniks, ces gens-là sont arrivés.

 26   A ce moment précis, alors même que la JNA n'avait rien -- il n'y avait pas

 27   d'attaques, il n'y avait rien, est-ce qu'à ce moment-là, vous écoutiez la

 28   radio serbe - parce que vous l'avez dit - et dans la radio serbe, vous

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  1   aviez entendu des informations ou des émissions disant que ces

  2   paramilitaires ou Chetniks venaient sous le commandement de M. Seselj ou de

  3   X, Y ou Z ? Vous avez entendu ça à l'époque avant même que la JNA commence

  4   à bombarder ?

  5   R.  Oui. Oui, oui, j'ai entendu parler de lui.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : La radio serbe, quelle radio ? Parce qu'il y avait

  7   plusieurs radios, je présume. Vous écoutiez laquelle ?

  8   R.  J'écoutais la radio de Novi Sad, de Belgrade, la station radio de

  9   Sabac, autant de stations que l'on peut écouter dans la région de Vukovar.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Madame, on a eu, nous, ici, plusieurs témoins

 11   qui sont venus, mais je vous dirai ça demain, parce que je regarde l'heure,

 12   et il est 1 heure moins 5 et il faut que j'arrête, donc je continuerai mes

 13   questions demain. Mais rassurez-vous, ça sera fini pour vous demain.

 14   Nous sommes d'audience demain à 14 heures 15. Théoriquement, c'était le

 15   matin, mais comme la Chambre d'appel siège dans l'affaire Krajisnik, à ce

 16   moment-là, on nous a demandé de siéger l'après-midi, alors qu'on aurait dû

 17   siéger le matin. Ce qui fait que donc nous nous retrouverons demain à 14

 18   heures 15. Voilà. Donc prenez vos dispositions.

 19   Alors, Madame, vous avez prêté serment. Vous êtes maintenant témoin de la

 20   justice, ce qui veut dire que vous n'avez plus aucun contact avec les

 21   membres du bureau du Procureur, et ça, vous le savez vous-même. Et

 22   également, je vous donne comme consigne de n'avoir aucun contact avec la

 23   presse pour parler de votre témoignage. Vous avez bien compris.

 24   Donc si vous voulez téléphoner aux membres de votre famille, oui,

 25   mais pas avec les médias. Parce que vous êtes, pour le moment, témoin de la

 26   justice et votre audition est en cours. Voilà, Madame.

 27   Donc nous nous retrouverons demain à 14 heures 15.

 28   --- L'audience est levée à 12 heures 56 et reprendra le mercredi 5

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  1   novembre 2008, à 14 heures 15.

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