Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 5 novembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  5   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  8   Monsieur les Juges. Bonjour à toutes et à tous.

  9   Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.

 11   En ce mercredi, je salue Mme Bosanac. Je salue Mmes et MM. du bureau du

 12   Procureur. Je salue M. Seselj.

 13   L'audition du témoin va se poursuivre, et Madame, j'ai quelques questions

 14   encore à vous poser. Je vais essayer d'aller à l'essentiel, parce qu'après

 15   vous il y a un autre témoin qui est prévu, et je vais donc centrer mes

 16   questions maintenant sur uniquement des points très importants, parce que

 17   je pourrais vous poser des questions pendant des heures et des heures, mais

 18   nous sommes pris par le temps et nous devons aller à l'essentiel.

 19   LE TÉMOIN : VESNA BOSANAC [Reprise]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   Questions de la Cour : [Suite]

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous savons que vous avez été directrice de cet

 23   hôpital. Madame, dans l'hôpital de Vukovar, le directeur remplissait-il des

 24   fonctions médicales et administratives ou uniquement une responsabilité

 25   administrative ?

 26   R.  A cette époque-là en 1991, au mois de juillet 1991, je suis devenue

 27   directrice du centre médical de Vukovar, ce qui englobait l'hôpital de

 28   Vukovar et tous les dispensaires autour de soins médicaux primaires. A


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  1   cette époque-là, j'étais active dans le cadre des affaires administratives

  2   et d'organisation, et selon les besoins je procédais aussi aux examens des

  3   enfants, car ma vocation est celle de pédiatre. Mais il s'agissait surtout

  4   de l'administration et de l'organisation.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes devenue directeur ou directrice de

  6   l'hôpital et des autres centres associés par élection ou par désignation ?

  7   R.  L'organe directeur du centre médical de Vukovar à l'époque était un

  8   organe qui s'appelait le conseil des travailleurs, et j'ai été élue suite

  9   au vote au sein du conseil des travailleurs, et c'est le ministre de la

 10   Santé qui a approuvé ma nomination, mon élection.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Qui était votre prédécesseur dans ce poste ?

 12   R.  C'était un médecin, c'était le Dr Rade Popovic qui a démissionné.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour quelle raison le Dr Popovic a démissionné ou a

 14   été démissionné ?

 15   R.  Personnellement, je ne saurais le dire avec exactitude, mais je pense

 16   qu'à cette époque-là la situation était très difficile et complexe car la

 17   guerre avait déjà commencé dans notre région. Je pense qu'il ne voulait

 18   plus exercer ces fonctions, car c'était un travail extrêmement difficile et

 19   exigeant lorsqu'il fallait organiser un hôpital dans une situation de

 20   guerre.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Le Dr Popovic, était-il Serbe ou Croate, ou

 22   Musulman, ou Yougoslave, ou autre ?

 23   R.  Il était Monténégrin.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Il était Monténégrin. Bien. La situation au moment

 25   où il démissionne, avez-vous eu connaissance de tensions politiques ayant

 26   opposé dans la ville de Vukovar les Croates aux Serbes ?

 27   R.  Je pense qu'il n'y était pas opposé. Il était l'un des hommes qui, à

 28   cette époque des tensions - je vous ai déjà parlé des élections locales qui


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  1   ont eu lieu à Vukovar en 1991 - à cette époque-là, il était le candidat au

  2   nom du conseil du travail associé, c'est le nom que cet organe avait à

  3   Vukovar lors de ces élections-là. Il était aussi l'un des initiateurs des

  4   réunions d'un groupe d'intellectuels qui comportait à la fois des Serbes,

  5   des Croates et des membres d'autres groupes ethniques qui se réunissaient

  6   afin d'essayer de faire calmer la situation et les tensions, mais

  7   malheureusement personne ne les écoutait. Donc je pense que personnellement

  8   il ne s'opposait à aucun groupe à cette époque-là, mais il a dû évaluer que

  9   tout simplement il ne pouvait pas influencer cette situation. Il est vrai

 10   qu'il a dit qu'il allait rester sur place, et c'est vrai qu'il a continué à

 11   travailler dans le département de la neurochirurgie, mais en septembre il

 12   est allé à Risan rejoindre sa femme qui avait travaillé à l'hôpital elle

 13   aussi avant. Mais ensuite il a téléphoné pour dire qu'il ne pouvait pas

 14   revenir en raison de la guerre, donc il est resté au Monténégro jusqu'à la

 15   fin de la guerre.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons eu jusqu'à présent beaucoup de témoins

 17   qui sont venus parler de Vukovar, et notamment nous avons eu un témoin qui

 18   a fait l'objet d'un contre-interrogatoire par M. Seselj, et il est apparu

 19   au cours de ce contre-interrogatoire que j'ai sous les yeux, que M. Seselj

 20   lui avait demandé de confirmer toute une série de faits qui s'étaient

 21   déroulés à Vukovar, à savoir - et je résume, parce que c'est assez long -

 22   qu'il y avait eu des évictions de Serbes par les Croates. La police avait

 23   été changée, on avait mis des Croates à la place des Serbes, et que ceci

 24   s'était manifesté dans un certain nombre d'institutions. Il y a eu des

 25   violences exercées des Croates vers les Serbes, et que donc il y a eu toute

 26   une série d'événements qui ont eu lieu, qui auraient également entraîné le

 27   départ du président de la municipalité de Kamenovic [phon], qui a été

 28   remplacé. Alors, on a entendu donc tout cela, et le témoin qui était à


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  1   votre place avait plus ou moins confirmé ce type d'événements.

  2   Alors de vous-même, est-ce que vous aviez eu connaissance qu'il y avait eu

  3   de la part des Croates des comportements à l'encontre des Serbes qui se

  4   seraient traduits par des évictions ?

  5   R.  Votre question est générale. Et je peux affirmer en toute

  6   responsabilité, car j'étais à Vukovar pendant toute la période avant la

  7   guerre, pendant la guerre, enfin jusqu'au 20 novembre, la date à laquelle

  8   Vukovar a été occupée, je peux affirmer en toute responsabilité que d'après

  9   mes informations il n'y a pas eu de mauvais traitements infligés aux Serbes

 10   du tout, et qu'ils n'étaient pas en train de perdre leurs emplois.

 11   Je peux vous parler de ma propre expérience, à savoir qu'après

 12   l'événement de Borovo Selo, lorsque des policiers croates ont été tués, un

 13   grand nombre de Serbes ne sont plus venus travailler. Certains d'entre eux

 14   sont allés en Serbie, certains d'entre eux ont créé les centres ou les

 15   postes médicaux serbes dans des villages aux alentours. Et moi, lorsque

 16   j'ai été nommée au poste de la directrice du centre médical, je ne

 17   m'attendais pas à cela. Mais lorsque l'on m'a proposé ce poste, j'ai

 18   accepté ce défi, et je pensais que j'allais pouvoir organiser l'hôpital de

 19   façon à pouvoir aider tout le monde. Cela dit, les assistants à l'époque -

 20   attendez. Je dois terminer.

 21   Les assistants du directeur de M. Popovic y sont restés; mes assistants

 22   c'était Mladen Ivankovic qui était un Serbe, et Negovan Krstic, qui était

 23   Serbe lui aussi. Ils étaient mes assistants et on travaillait tous les

 24   jours ensemble, on faisait tout ensemble. Beaucoup de Serbes sont restés

 25   travailler à l'hôpital et ils ont travaillé jusqu'à la fin, et beaucoup de

 26   Croates sont partis de l'hôpital aussi pour regagner le territoire libre,

 27   donc je ne peux absolument pas confirmer que ces personnes-là auraient été

 28   menacées ou mises à mal.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Je veux contrôler le temps et j'aimerais bien que

  2   vous répondiez précisément à mes questions.

  3   Connaissez-vous une rue à Vukovar qui s'appelle Dalmatinska ?

  4   R.  Je sais à peu près où elle se trouve, près de l'ancienne caserne de la

  5   JNA.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : L'accusé, lors de son contre-interrogatoire, avait

  7   posé la question suivante au témoin. Mais je vous repose la question, c'est

  8   à la page 6 713 du transcript. La question était la suivante : "Savez-vous

  9   que toutes les maisons serbes de la rue Dalmatinska ont été fouillées,

 10   pillées, que les Serbes ont été amenés au poste de police où ils ont été

 11   passés à tabac et certains d'entre eux assassinés ?"

 12   Aviez-vous entendu parler de ces événements ?

 13   R.  Non, et je ne le crois pas car cette rue est à proximité directe de la

 14   caserne. C'était donc déjà la première ligne de front. C'était de l'autre

 15   côté, donc moi, je n'ai pas entendu parler de cela et je n'y crois pas.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais passer au sujet du pilonnage de l'hôpital.

 17   Votre hôpital, dont on sait qu'il y avait aussi des soldats qui étaient

 18   blessés, est-ce qu'il y avait sur le toit le signe d'une croix rouge, pour

 19   que du ciel on sache que c'était l'hôpital ?

 20   R.  Oui, il y avait deux croix rouges. L'une d'elles était sur le bâtiment

 21   administratif d'aujourd'hui, et l'autre était dans la cour, sur la pelouse.

 22   Il existe une photo auprès de l'Accusation qui montre que cette croix rouge

 23   était très visible et qu'elle a été trouée par obus.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans votre déclaration écrite, vous avez expliqué

 25   que l'hôpital a été pilonné pendant des jours et des jours par la JNA.

 26   Alors, sans conteste, votre hôpital a été touché. Mais d'après vous, ce

 27   pilonnage, il était ciblé sur l'hôpital ou ciblé sur la ville en général ?

 28   R.  Il est difficile de dire, car des milliers d'obus tombaient sur la


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  1   ville tous les jours, et personnellement, j'ai été témoin du fait que

  2   vraiment on détruisait tout. Parfois, on avait l'impression que nous étions

  3   vraiment la cible, nous, surtout lorsqu'il s'agissait de lance-roquettes

  4   multiples qui tiraient de l'autre rive du Danube. Les avions aussi

  5   larguaient des bombes sur toute la ville de Mitnica jusqu'à Borovo Naselje,

  6   donc je ne pense pas que l'hôpital en soi était une cible exclusive des

  7   tirs. Mais elle n'a pas été exclue des tirs non plus. Et en deux, trois

  8   mois, la ville a été pratiquement rasée à terre.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous savons, parce que vous l'avez dit, que vous

 10   aviez appelé la JNA et le général Raseta, qui lui, se trouvait à Zagreb,

 11   pour l'informer du pilonnage. Pouvez-vous, très rapidement, nous dire

 12   exactement ce que vous a dit le général

 13   Raseta ? Etait-il au courant du pilonnage ? Qu'est-ce qu'il vous a dit ?

 14   R.  Il se comportait comme s'il en entendait parler pour la première fois,

 15   comme s'il ne le savait pas. Avec nous à l'hôpital se trouvait un de ses

 16   cousins, un jeune homme qui souhaitait lui parler, qui s'est entretenu avec

 17   lui. Il a confirmé que le pilonnage était en cours. Il lui a demandé de

 18   trouver une possibilité d'arrêter les attaques contre l'hôpital, d'envoyer

 19   des hélicoptères afin de prendre les blessés. Mais tout ceci était en vain.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors là vous donnez un détail important que je

 21   n'avais pas vu jusqu'à présent. Il y avait un cousin du général Raseta qui

 22   a eu au téléphone une conversation avec lui et ce cousin a bien confirmé

 23   que l'hôpital était bombardé par la JNA.

 24   R.  Oui.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le cousin, il était Serbe, Croate; il était de

 26   quelle ethnie ?

 27   R.  Avec votre permission, avant de répondre à cette question, peut-on

 28   passer à huis clos, car je n'ai pas parlé avec la famille de cette


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  1   personne.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Huis clos.

  3   Attendez, attendez. Voilà.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  5   [Audience à huis clos partiel]

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 12   [Audience publique]

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Je mets cela en suspens.

 14   Madame, le général Raseta manifestement ne fait rien. Pourquoi vous

 15   n'avez pas appelé le ministère de la Défense à Belgrade pour avoir

 16   quelqu'un, un interlocuteur apte à répondre à votre appel ? Vous avez

 17   essayé de le faire, vous ne pouviez pas le faire ?

 18   R.  Oui.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous avez eu qui ?

 20   R.  J'ai demandé, cela dit, je n'ai pas pu obtenir une ligne directe avec

 21   Belgrade. Et par Zagreb j'ai obtenu un téléphone à Sarajevo, et là j'ai

 22   demandé à parler avec le cabinet de l'amiral Brovet qui, à l'époque, était

 23   le commandant, d'après ce qu'on m'a dit. J'ai pu parler avec un de ses

 24   officiers au sein de ce quartier général de l'armée yougoslave. Je me suis

 25   présentée. J'ai dit que j'appelais de Vukovar et j'ai dit que je demandais

 26   que l'on cesse de pilonner l'hôpital et l'ensemble de la ville. Et il m'a

 27   dit littéralement qu'il ne pouvait me passer personne d'autre mais qu'il

 28   allait vérifier cela, qu'il ne croyait pas que l'hôpital était pilonné.


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  1   J'ai demandé qu'il vienne en hélicoptère à Vukovar pour voir si l'hôpital

  2   était bien pilonné ou pas. Il se comportait comme s'il ne le croyait pas,

  3   mais en réalité il ne voulait pas l'entendre. Vraiment j'ai essayé d'avoir

  4   des contacts et j'ai pu avoir un grand nombre de contacts, mais

  5   malheureusement, je n'ai pas pu aider à ce que le pilonnage cesse et que la

  6   destruction de Vukovar cesse, de même que les tueries des civils.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais aborder l'évacuation de l'hôpital.

  8   Il semble que cette évacuation a été négociée dans le cadre de

  9   rencontres entre la JNA, l'armée croate et des organisations

 10   internationales. Donc une décision a été prise d'évacuer l'hôpital. Aviez-

 11   vous, vous, des craintes sur ce qui allait se passer pendant l'évacuation

 12   ou après l'évacuation ?

 13   R.  Personnellement, je dois dire qu'au moment des négociations,

 14   lorsque le 17 tôt le matin j'ai entendu dire qu'une évacuation allait

 15   commencer le 18, j'ai fait confiance, je pensais que cette évacuation

 16   allait avoir lieu conformément à l'accord conclu, que la Croix-Rouge

 17   internationale et les observateurs européens allaient venir à l'hôpital et

 18   que nous allions évacuer toutes les personnes blessées, tous les malades,

 19   tous les civils de l'hôpital ce jour-là. C'était censé avoir lieu le 18, le

 20   lundi, et le 19, c'est Borovo Naselje qui était censé être évacué. A Borovo

 21   Naselje, il y avait un hôpital de réserve où il y avait un grand nombre de

 22   blessés et de personnel médical. Et le 20, c'était un mercredi, tous les

 23   autres qui n'étaient pas blessés ou malades devaient être évacués, c'était

 24   mon espoir.

 25   Et le lundi matin, lorsque personne n'est venu à l'hôpital, je me suis

 26   inquiétée, j'ai appelé le ministre de la Santé pour savoir ce qui se

 27   passait. Et ce jour-là, à 11 heures, les observateurs européens m'ont

 28   appelé pour me dire qu'ils ne pouvaient pas se présenter à l'hôpital le


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  1   moment fixé car ils n'avaient pas reçu la permission pour ce faire.

  2   Et le même jour, le ministre Hebrang m'a dit qu'il était pris dans le cadre

  3   de la reddition des soldats croates au sud de la ville. Je ne savais pas

  4   exactement ce qui se passait à l'époque mais par la suite j'ai appris que

  5   ni la Croix-Rouge ni les observateurs européens n'ont pu agir suivant les

  6   termes de l'accord, car afin d'entrer dans la ville et d'arriver jusqu'à

  7   l'hôpital, ils devaient avoir l'autorisation de la personne responsable à

  8   l'école, qui était le commandant Sljivancanin, qui ne l'a pas permis. Il

  9   les a d'abord emmenés à Mitnica, où les soldats croates de Mitnica se

 10   rendaient, et le mardi, l'armée est entrée déjà avec les paramilitaires et

 11   les volontaires de tous les bords, et ce jour-là, vers la soirée du 19 le

 12   représentant de la Croix-Rouge est venu à l'hôpital. C'était seulement à ce

 13   moment-là.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Le représentant de la Croix-Rouge est venu à

 15   l'hôpital le 19. Pouvez-vous très rapidement me dire qu'est-ce qu'il a

 16   fait, pourquoi n'est-il pas resté, pourquoi est-il parti ?

 17   R.  Ils sont venus, ils ont fait venir un camion sanitaire avec les

 18   équipements sanitaires et les médicaments, c'était le commandant

 19   Sljivancanin qui les a amenés. Ils ont inspecté l'hôpital. Ils ont regardé

 20   les listes des blessés que nous avions dressées. J'étais vraiment étonnée,

 21   c'était une mauvaise surprise de voir M. Borsinger dire qu'ils allaient

 22   rentrer à Belgrade à ce moment-là et qu'ils allaient revenir le lendemain

 23   matin. Je ne sais pas pourquoi ils ne sont pas restés, il faudrait que je

 24   lui pose la question à lui, car dès cette nuit beaucoup de personnes ont

 25   été emmenées de l'hôpital, des personnes qui n'ont à ce jour pas été

 26   retrouvées, même pas à Ovcara.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : A votre avis, si la communauté internationale avait

 28   été présente par ses représentants, la Mission européenne, la Croix-Rouge,


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  1   Médecins sans frontières, enfin X, Y ou Z, est-ce que ça aurait changé le

  2   cours des événements ou pas ?

  3   R.  Je crois que oui. Cependant, les observateurs européens auraient

  4   dû venir à l'hôpital et y rester, la Croix-Rouge internationale aurait dû

  5   venir à l'hôpital et y rester, d'après l'accord, c'étaient eux qui étaient

  6   censés procéder à l'évacuation de l'hôpital. Mais comme je l'ai dit, à

  7   cette époque-là, la personne responsable sur le terrain, c'était le

  8   commandant Veselin Sljivancanin qui n'a tout simplement pas permis cela.

  9   M. Nikola Borsinger, lorsque le deuxième jour il est venu à l'hôpital, il a

 10   vu les autocars qui étaient de l'autre côté de la rue et qui amenaient les

 11   gens à Ovcara. Il les a vus et il disait qu'il souhaitait faire une liste

 12   des personnes. Le commandant Sljivancanin a été agressif. Il a dit qu'il

 13   allait l'expulser, car c'était son pays à lui et non pas le pays de

 14   l'autre, et il ne l'a tout simplement pas permis. S'il y avait eu un

 15   mécanisme permettant aux observateurs européens et à la Croix-Rouge

 16   internationale qu'ils viennent et qu'ils restent, comme prévu d'après

 17   l'accord, ce crime qui a eu lieu à Ovcara n'aurait pas eu lieu. Cela dit,

 18   ceci ne diminue nullement la culpabilité de tous ceux qui ont provoqué la

 19   destruction et les tueries des civils, lorsque plus de 1 500 civils de tous

 20   les groupes ethniques ont été tués avant l'évacuation et après

 21   l'évacuation. Il y a eu un grand nombre d'autres personnes blessées,

 22   malades et civils qui ont été tués devant des témoins oculaires.

 23   Je dois ajouter que bien des personnes de Vukovar sont déçus du

 24   jugement rendu contre Veselin Sljivancanin et Miroslav Radic, car nous

 25   considérons que Veselin Sljivancanin était la personne-clé qui prenait les

 26   décisions concernant la façon dont les blessés de l'hôpital de Vukovar

 27   allaient être tués et massacrés.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, dans l'acte d'accusation qui concerne


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  1   l'accusé ici présent, nous avons nous aussi Vukovar. Donc cette Chambre,

  2   les Juges, vont avoir à se prononcer sur ce qui s'est réellement passé. Il

  3   n'y a pas de contestation que des personnes ont été tuées à Ovcara.

  4   Personne ne le conteste. L'accusé non plus ne conteste pas cela.

  5   Simplement, les Juges auront à se déterminer pour savoir qui a fait cela et

  6   pour quelle raison. Voilà le problème que nous aurons, nous, à trancher au

  7   moment où nous délibérerons. C'est la raison pour laquelle il y a des

  8   témoins qui viennent, et vous êtes un de ces témoins.

  9   L'accusé a avancé une thèse avec d'autres témoins qui serait la suivante :

 10   c'est que ces événements de Vukovar auraient été accomplis par des membres

 11   de la Défense territoriale qui, en quelque sorte, se seraient vengés sur

 12   les prisonniers, et donc auraient commis ces crimes. Alors, cette théorie,

 13   qu'est-ce que vous en pensez,

 14   vous-même ?

 15   R.  Qu'est-ce que je peux vous dire à ce sujet ? J'ai beaucoup réfléchi sur

 16   cette question, pourquoi cela est-il commis de cette façon et par ces

 17   personnes précises ? Je ne suis pas sûre de pouvoir répondre. Il y a des

 18   instituts entiers en Croatie qui effectuent des recherches à ce sujet. Ce

 19   dont je peux parler, c'est de Vukovar. Je ne peux pas parler d'autres

 20   endroits comme Kostajnica ou Skabrnja car je n'ai pas vécu ce qui s'est

 21   passé personnellement. Je veux parler de à quoi j'ai assisté

 22   personnellement, à savoir qu'aussi bien l'armée yougoslave que les unités

 23   paramilitaires, les réservistes et les unités de volontaires, aussi bien

 24   que ce que l'on appelait la Défense territoriale, à savoir ceux qui étaient

 25   à l'époque encore des citoyens de la ville de Vukovar, de ce qui avait été

 26   autrefois la ville de Vukovar, ont tous agi de concert. Ils n'auraient rien

 27   pu faire seuls si l'armée n'avait pas bombardé la ville. Sans l'armée qui

 28   les protégeait et qui a procédé à la destruction de la ville, ils n'y


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  1   seraient pas parvenus. C'est ainsi que les blessés de Borovo Komerc ont été

  2   protégés, 164 des blessés de l'hôpital ont également été protégés par

  3   l'armée.

  4   La partie de l'armée qui était aux ordres de Veselin Sljivancanin, et

  5   toutes les autres unités qui étaient sous le contrôle également de l'accusé

  6   ici présent, auraient pu protéger les blessés s'ils l'avaient voulu. C'est

  7   ce que j'affirme ici avec force. Ils ont vécu en fait un échec, puisqu'ils

  8   s'attendaient à prendre la ville de Vukovar en à peine un mois. J'ai

  9   personnellement entendu l'accusé affirmer à la radio que Vukovar devait

 10   tomber au début octobre, que tous les bâtiments seraient rasés à tel ou tel

 11   endroit, qu'un parc y serait créé, et il incitait ainsi les membres des

 12   forces serbes à procéder à une destruction totale de la ville de Vukovar.

 13   Il leur a donc permis de donner libre cours à leur volonté de massacrer

 14   leurs concitoyens, leurs voisins, les blessés qui étaient à l'hôpital, et

 15   c'est ce que je pense à ce sujet.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : C'était donc votre point de vue que vous avez

 17   exprimé et qui est au compte rendu.

 18   Nous avons eu plusieurs témoins qui sont venus. Et nous en aurons d'autres

 19   qui viendront. Il y a quelques témoignages qui semblent, je dis bien "qui

 20   semblent," laisser apparaître le fait qu'à un moment donné les forces

 21   régulières de la JNA, et notamment la police militaire et quelques

 22   officiers de la JNA semblent avoir été totalement dépassés par les

 23   événements et par les agissements de quelques individus, dont des membres

 24   de la Défense territoriale ou quelques volontaires qui se trouvaient là.

 25   Est-ce que vous pensez que ça peut être crédible ou totalement incrédible

 26   [phon], à savoir que la JNA a pu être dépassée par d'autres ?

 27   R.  Qu'est-ce que cela signifie, "être dépassé" ? Ceux qui étaient armés

 28   avaient le pouvoir, et le pouvoir, entre autres, de procéder à une


Page 11405

  1   évacuation en bonne et due forme. Mais ils ne le voulaient pas. Ce qu'ils

  2   voulaient, c'était d'évacuer une partie des blessés vers la Croatie, et de

  3   la même manière il aurait été possible d'envoyer tous ces bus qui

  4   transportaient les blessés à Ovcara, il aurait été possible, à la place de

  5   les envoyer à Ovcara, de les envoyer en Croatie. Il est impossible de dire

  6   qu'ils ne savaient pas de quoi il s'agissait ou qu'ils auraient voulu

  7   procéder ainsi mais qu'ils ne le pouvaient pas. Ils ont envoyé ces blessés

  8   et toutes ces personnes à Ovcara dans un but précis. Ils savaient ce qui

  9   s'y passait. C'était bien connu, et pas uniquement à Vukovar. La même chose

 10   s'est passée à bien d'autres endroits, et il y a toujours aujourd'hui des

 11   survivants et des témoins qui ont réussi à y échapper. Et 262 personnes

 12   sont portées disparues qui se trouvaient à l'hôpital, 200 ont été

 13   retrouvées et 62 sont toujours portées disparues.

 14   Ma conviction est que les forces qui sont entrées dans la ville et qui ont

 15   pris le contrôle de la ville avaient certainement la possibilité de

 16   contrôler toutes leurs troupes, tous leurs soldats, mais ce qui s'est

 17   passé, c'est que ces forces ont tout simplement accepté et permis au

 18   massacre d'avoir lieu et d'être commis. J'ai personnellement vu un rapport

 19   d'autopsie, le rapport d'autopsie de mon beau-père, qui fait mention d'une

 20   blessure à la tête qui correspond très clairement à une exécution. Cela

 21   n'aurait pu se produire sans la connaissance et le consentement de ceux qui

 22   sont entrés dans la ville et qui l'occupaient, ce qui signifie que toutes

 23   les troupes présentes de l'armée et des réservistes agissaient de concert

 24   avec ceux qui ont perpétré cela.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a une erreur au transcript, à la page 16,

 26   lignes 3 et 4, parce qu'il y a marqué 494 personnes sont manquantes de

 27   Vukovar, et après il y a 262. Or, j'ai cru comprendre que vous aviez dit

 28   qu'il y avait 62 personnes qui ont disparu et qu'on n'a pas retrouvées.


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  1   R.  Oui. Ce que j'ai dit c'est qu'il y avait 262 personnes qui ont été

  2   portées disparues en provenance de l'hôpital; 200 d'entre elles ont été

  3   retrouvées à Ovcara et 62 sont toujours portées disparues, et il y a 494

  4   portés disparus en provenance de Vukovar et de ses environs.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc à ce jour, il y a 494 personnes de

  6   Vukovar et de ses environs qu'on n'a pas retrouvées. Mais qu'il y a dans ce

  7   chiffre 62 personnes qui avaient été à l'hôpital. Bien. Merci pour cette

  8   précision.

  9   J'en viens à un dernier sujet, votre propre détention à la prison de

 10   Sremska Mitrovica. Grâce à votre déclaration, on apprend que vous avez été

 11   emprisonnée, et que vous avez été emprisonnée jusqu'à 8 décembre 1992.

 12   Pouvez-vous nous expliquer pourquoi on vous a emprisonnée ? D'abord, qui

 13   vous a emprisonnée, quelles raisons on a avancées pour vous détenir en

 14   prison, et comment vous avez été libérée ?

 15   R.  Ce jour, à savoir le 20, au matin - c'était un mercredi, à 7 heures du

 16   matin - je me suis retrouvée de nouveau à l'hôpital de Vukovar alors que

 17   j'avais passé la nuit à Negoslavci, où j'ai été interrogée par Sljivancanin

 18   dans leurs postes de commandement à Negoslavci, et le lendemain matin ils

 19   nous ont ramenés Marin Vidic et moi-même à l'hôpital, à 7 heures du matin.

 20   Sljivancanin a alors dit qu'il fallait que l'on convoque une réunion de

 21   tout le personnel médical. A 7 heures 30, nous nous sommes tous retrouvés

 22   dans la pièce où l'on posait des plâtres, et Sljivancanin a tenu un

 23   discours où il a dit que l'hôpital passait sous le contrôle de médecins

 24   militaires. Il se trouvait là six ou sept médecins en uniforme qui ont pris

 25   le contrôle de l'hôpital, et il a été dit que tous les autres étaient

 26   libres soit d'aller en Croatie, soit de rester à Vukovar, soit d'aller où

 27   ils le souhaitaient.

 28   Il y avait là un officier de la JNA - je ne sais pas quel était son grade -


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  1   qui nous a emmenés moi-même et Marin Vidic à une caserne en nous disant que

  2   nous allions à des négociations avec le CICR. C'était vers 9 heures du

  3   matin, et ils nous ont laissés dans cette caserne sous la garde de la

  4   police militaire, et ce, jusqu'au soir. Le soir, ils m'ont emmenée moi

  5   personnellement. Nous avons été interrogés devant des caméras sans qu'on ne

  6   nous donne la moindre justification, nous étions retenus dans un véhicule

  7   médical où se trouvait M. Njavro et également un autre technicien, nous

  8   avons été  ramenés jusqu'à Belgrade. Puis vers 2 heures du matin, nous

  9   avons été ramenés à Mitrovica, en prison, où j'ai été torturée en tant que

 10   prisonnière.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, Madame. On va aborder cela après. Je

 12   reviens à un point que vous avez indiqué.

 13   Vous avez été amenés devant des caméras. Donc je présume qu'on a dû vous

 14   filmer. C'était l'armée qui filmait ou la télévision de Belgrade ou la CNN

 15   ? Je ne sais pas.

 16   R.  Non, il me semble que c'était l'armée. Je n'ai vu aucun civil là-bas.

 17   Il n'y avait que des personnes en uniforme. C'était comme un entretien, une

 18   déclaration filmée où j'ai dit qui j'étais, quelle était mon occupation, et

 19   cetera.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez été amenée à la prison et vous avez

 21   dit qu'on vous a torturée. On va voir cela.

 22   Quand vous avez été emprisonnée, est-ce qu'on vous a notifié un acte

 23   d'accusation, est-ce qu'on vous a dit que vous étiez -- qu'on vous

 24   reprochait un crime, est-ce qu'un juge d'instruction militaire est venu

 25   vous voir, ou bien vous avez été incarcérée, comme cela, sans aucune raison

 26   ?

 27   R.  Non, j'étais dans une cellule au sous-sol de la prison de Mitrovica,

 28   une cellule où il faisait froid, une cellule sale où j'ai passé cette nuit-


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  1   là, et le lendemain ils m'ont placée dans une pièce où se trouvaient des

  2   femmes de Vukovar, des femmes de Mitnica, et elles étaient au nombre de 66

  3   dans une seule pièce. J'ai été interrogée tous les jours par un colonel

  4   appelé Branko, j'ai demandé de quoi j'étais accusée, pourquoi j'étais ici,

  5   et il m'a répondu que je devais faire une déclaration portant sur ce qui se

  6   passait à Vukovar. C'est alors que j'ai également fait une déclaration

  7   écrite, il me semble qu'il y avait 92 pages de déclaration, et qu'elle est

  8   disponible ici aussi, à ce Tribunal. Je ne cessais de demander quand je

  9   serais libérée, quand il me serait permis de revenir à Vukovar, parce que

 10   je voulais savoir ce qui était advenu de mon mari.

 11   Le CICR et ses délégations sont arrivés quelques jours plus tard. Les

 12   observateurs européens m'ont trouvée en prison trois ou quatre jours plus

 13   tard. Je suis restée à Sremska Mitrovica jusqu'au 10, j'écrivais cette

 14   déclaration et le colonel ne cessait de me répéter qu'aussitôt que j'en

 15   aurais terminé avec cette déclaration je serais transférée à Zagreb.

 16   Je me rappelle que c'était dimanche, j'étais encore en train d'écrire cette

 17   déclaration, et c'est alors qu'on est venu me chercher en me disant de

 18   prendre mes affaires, que j'allais faire l'objet d'un échange, et je me

 19   suis retrouvée devant un organe de la justice militaire à Belgrade. Il y

 20   avait un procureur, un juge, ils m'ont demandé si je souhaitais me faire

 21   attribuer un conseil pour me défendre, et j'ai répondu à cela par la

 22   question, "De quoi est-ce que je suis accusée ?" Ils m'ont répondu qu'il

 23   s'agissait très certainement d'un chef d'accusation de soulèvement armé, ce

 24   à quoi j'ai répondu par la question de savoir ce que cela voulait dire.

 25   J'ai demandé si j'étais censée accepter un défenseur dans cette prison. Ils

 26   m'ont répondu que je me verrais commettre un avocat, et c'est alors qu'une

 27   personne en uniforme est arrivée qui était censée être justement mon

 28   défenseur.


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  1   Ils ont alors passé en revue les différents appels que j'ai lancés et dans

  2   lesquels il était clairement écrit que la JNA était en train de procéder à

  3   la destruction de Vukovar, et c'est pour l'essentiel ce qu'ils avaient à me

  4   reprocher.

  5   Cependant, ils n'ont retenu aucun chef d'accusation. Au lieu de cela, je

  6   suis restée en isolement jusqu'au mardi, et les autres personnes qui

  7   avaient été emmenées à Mitrovica et à Nis, parmi elles certains médecins,

  8   certains prêtres, également mon mari, se trouvaient dans le même groupe,

  9   eux aussi ont été soumis à une instruction au sein de la prison de

 10   Belgrade.

 11   Ensuite, le mardi nous avons été placés à bord d'un bus, puis à bord d'un

 12   avion, et nous avons fait l'objet d'un échange de prisonniers de guerre

 13   avec certaines autres personnes qui avaient été arrêtées à Zagreb. Je ne me

 14   rappelle pas de qui il s'agissait ni comment ils s'appelaient, il y avait

 15   un groupe d'espions nommé Laborador. En tout cas, nous avons été échangés

 16   contre eux, et cela a été le moment où quelque 13 jours plus tard je suis

 17   arrivée à Zagred, et plus tard j'ai appris que l'ambassadeur américain à

 18   l'époque, dont le nom m'échappe en ce moment, peut-être Zimmerman, ainsi

 19   que le Pr Hebrang et le président Tudjman, avaient demandé à ce que les

 20   médecins et les prêtres soient libérés des prisons, et c'est ainsi que nous

 21   avons été échangés après 13 jours.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Au début, vous avez dit qu'à un moment donné vous

 23   avez été torturée. Est-ce une erreur, ai-je mal entendu ? Quand vous avez

 24   été détenue, est-ce que vous avez fait l'objet de violences physiques sur

 25   votre personne ?

 26   R.  Cela dépend de ce que l'on sous-entend par "violences physiques." Je

 27   n'ai pas été soumise à des mauvais traitements au sens où j'aurais été

 28   battue, à l'exception des moments où nous étions tout un groupe à être


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  1   emmené et où les gardiens nous frappaient. C'est tout ce que j'ai traversé

  2   en prison pour moi qui revient à avoir traversé un calvaire.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Le colonel Branko, ce fameux colonel Branko, quand

  4   il vous a demandé une déclaration, il vous a dit qu'il fallait rédiger la

  5   déclaration dans tel ou tel sens, ou il vous a laissé une liberté totale

  6   pour dire tout ce qui s'était passé de la manière la plus libre possible ?

  7   R.  Non, il m'a demandé de façon très spécifique d'écrire, et ce, dans

  8   l'ordre chronologique, tout ce qui s'est passé, avec qui j'ai été en

  9   contact, comment s'appelaient les personnes avec qui j'ai été en contact,

 10   et des différentes personnes qui se trouvaient à l'hôpital. Ce que je

 11   savais également sur les combattants, et moi, ce que je voulais, c'est

 12   écrire la vérité telle que je la percevais à l'époque, et c'est ainsi que

 13   j'ai commencé. Toutefois, il m'a avertie que cela ne serait pas bon, que

 14   cette façon d'écrire n'était pas la bonne. Il est un fait que j'ai commencé

 15   par écrire tout ce qui s'est passé au début de la guerre, tout ce que nous

 16   avons traversé. Il m'a dit que cela ne convenait pas, il fallait que

 17   j'écrive qui étaient mes collaborateurs, qui j'ai appelé à Zagreb. Il

 18   s'agissait d'une forme d'interrogatoire, en fait, à ceci près que je devais

 19   répondre par écrit. Il fallait que j'écrive les noms des personnes que

 20   j'avais contactées à l'étranger, toutes les personnes que j'avais appelées

 21   par téléphone.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : L'entretien que vous avez eu avec le colonel Branko,

 23   est-ce qu'il a été curieux pour savoir quels avaient été vos contacts avec

 24   le général Raseta, voire à la JNA ? Est-ce que ça l'intéressait ou ça ne

 25   l'intéressait pas du tout ?

 26   R.  Je pense que ça ne l'intéressait pas particulièrement. Ce qui

 27   l'intéressait, c'était que je lui décrive noir sur blanc toutes les

 28   personnes avec qui j'avais été en contact.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce qu'à un moment donné il a abordé avec vous la

  2   question du sort des évacués de l'hôpital, et notamment de ceux qui se sont

  3   retrouvés à Ovcara, ou bien il ne vous a rien dit du tout ?

  4   R.  Non.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Non. Bien. Ça va être certainement ma dernière

  6   question. Je laisserai la parole à mes collègues s'ils ont -- attendez, à

  7   ma question vous avez répondu "non" et à la ligne 19 de la page 21, il n'y

  8   avait pas d'interprétation. La réponse a été non à ma question.

  9   Je voulais vous demander, Madame - et ce sera certainement ma dernière

 10   question et je laisserai la parole à mes collègues s'ils ont des questions

 11   à vous poser.

 12   Après tous ces événements, est-ce que vous avez rédigé un livre ou

 13   plusieurs livres ? Nous savons qu'il y a un livre qui est intitulé les

 14   appels, que vous aviez faits, mais est-ce que vous avez écrit d'autres

 15   livres que celui-là ? Si oui, de quels titres ?

 16   R.  L'année dernière, une monographie a été publiée sous le titre de

 17   "L'hôpital de Vukovar en 1991." Il s'agit d'un ouvrage de 360 pages qui

 18   parle de l'histoire de la région de Vukovar, des événements à l'hôpital de

 19   Vukovar et de tout ce qui s'est passé en 1991, et l'ouvrage comprend

 20   également les photographies de tous ceux qui, en provenance de l'hôpital de

 21   Vukovar, ont été tués à Ovcara ou ont été portés disparus. Il y a également

 22   des listes des soldats blessés, des enfants blessés, et ce livre qui a été

 23   publié l'année dernière en Croatie, je l'ai également mis à la disposition

 24   des services du Procureur. J'ai également préparé un exemplaire pour vous

 25   personnellement.

 26   Mais nous avons également préparé une édition en anglais de cet

 27   ouvrage pour cette année, et le 18 novembre la version anglaise de cet

 28   ouvrage sera présentée, le 18 novembre qui est le jour du souvenir de


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  1   Vukovar en Croatie.

  2   Il s'agit d'un ouvrage qui n'est pas seulement de mon fait, mais de

  3   nombreuses autres personnes qui ont participé au travail de l'hôpital

  4   général de Vukovar et qui ont contribué. Voilà, donc lorsque vous en aurez

  5   peut-être le temps, vous pourrez peut-être parcourir cet ouvrage et y

  6   trouver des clarifications des éléments supplémentaires.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez repris vos activités au sein de

  8   l'hôpital de Vukovar, et aujourd'hui cet hôpital qui fonctionne avec des

  9   médecins, du personnel administratif, des infirmières ou autres personnes,

 10   y a-t-il des Croates, des Serbes, d'autres personnes, ou c'est un hôpital

 11   maintenant qui ne fonctionne uniquement qu'avec des Croates ?

 12   R.  Comme vous en avez connaissance, Vukovar en 1998 a fait l'objet

 13   d'un accord de réintégration pacifique du Podunavlje [phon] en vertu de

 14   l'accord signé en 1996 de la résolution numéro 46 du Conseil de sécurité.

 15   Personnellement, j'ai été directrice de l'hôpital général de Vukovar en

 16   exil et j'ai participé au processus de réintégration pacifique. A l'été

 17   1997, je me suis rendue pour la première fois à nouveau à l'hôpital. Je

 18   suis revenue à Vukovar en 1996, et je suis revenue pour les premières

 19   négociations, en 1998 je suis donc revenue à l'hôpital. L'hôpital avait été

 20   partiellement reconstruit alors que la ville était presque totalement

 21   détruite. J'ai donc participé aux travaux concernant cet accord de

 22   réintégration pacifique qui prévoyait de réintégrer tout le personnel qui

 23   travaillait au sein du centre médical qui était appelé alors Sveti Save,

 24   c'était en 1996. Cela englobait l'hôpital et le centre de soins médicaux

 25   primaires. Nous avons coopéré avec les Nations Unies pour la préparation de

 26   cet accord, mais indépendamment de nos interlocuteurs des Nations Unies ou

 27   des observateurs européens.

 28   Ce qui était essentiel pour moi, la chose la plus importante en 1991 et


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  1   jusqu'à aujourd'hui, était que toutes les personnes compétentes et les plus

  2   compétentes puissent exercer leurs métiers dans les meilleures conditions

  3   et au mieux de leur compétence, indépendamment de leur appartenance

  4   ethnique, et cela, pour le bénéfice des patients. C'est ce sur quoi

  5   j'insiste aujourd'hui encore.

  6   L'hôpital emploie aujourd'hui quelque 520 employés de différentes

  7   appartenances ethniques. Certains sont Croates, d'autres sont Serbes,

  8   qu'ils aient travaillé à l'hôpital pendant la guerre et y sont restés après

  9   ou qu'ils soient revenus après, et il y a également des employés qui ont

 10   été recrutés ultérieurement. Et malgré tout ce que nous avons traversé ni

 11   mes collègues ni moi-même n'avons jamais considéré que l'appartenance

 12   ethnique puisse être un critère à prendre en compte et que le seul critère

 13   important pour nous a toujours été la compétence de la personne.

 14   Et il me semble que nous avons réussi concernant cet objectif, et que

 15   nous progressons dans cette voie de jour en jour, d'ici deux ans la

 16   reconstruction sera terminée et j'espère qu'à ce moment-là Vukovar sera de

 17   nouveau complètement reconstruit et sera le lieu d'une communauté

 18   multiethnique.

 19   Comme je l'ai déjà dit, Vukovar comptait 45 000 personnes avant ces

 20   événements. Aujourd'hui, la population de Vukovar est de 32 000, avec des

 21   personnes de toutes les appartenances ethniques et de toutes les

 22   appartenances religieuses. Cependant, nous n'oublierons jamais le passé.

 23   Nous avons simplement appris à vivre avec. Aujourd'hui, il y a plusieurs

 24   lieux de mémoire et musées à Vukovar qui permettent de conserver la trace

 25   de cette mémoire et des souffrances endurées par la population lors de la

 26   guerre et l'occupation de Vukovar. Dans notre hôpital, nous avons une zone

 27   qui est en fait un petit musée commémorant les victimes de 1991. Et 18 000

 28   personnes ont déjà visité ce petit musée de l'hôpital. Il s'agit d'enfants,


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  1   d'avocats, d'enseignants, des évêques viennent également. Il y a eu

  2   récemment une conférence œcuménique de prêtres catholiques à Belgrade, et

  3   ces personnes se sont rendues à notre hôpital pour voir notre petit musée.

  4   Et j'ai amené également des invitations à votre intention, je souhaiterais

  5   vous les remettre, et je veux croire que vous aurez une vue bien meilleure

  6   de la situation et de tout ce qui s'est passé une fois que vous aurez

  7   visité Vukovar et son hôpital.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

  9   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

 10   Docteur, je n'ai que quelques questions à vous poser, des questions qui

 11   portent sur le rôle des paramilitaires au cours de l'occupation de

 12   l'hôpital.

 13   Vous dites dans votre déclaration que vous avez vu les paramilitaires, les

 14   soldats et les Chetniks pour la première fois le 19 novembre, et si j'ai

 15   bien compris, ce jour-là et les jours qui ont suivi, un certain nombre de

 16   ces paramilitaires ont participé à ce qui s'est passé à l'hôpital; est-ce

 17   bien exact ? Je veux être sûr d'avoir bien compris ce que vous nous avez

 18   dit.

 19   R.  Oui.

 20   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je souhaiterais savoir, car cela

 21   m'intéresse, ce que vous avez pu observer s'agissant de la coordination

 22   entre les soldats et les Chetniks, les volontaires, les paramilitaires.

 23   Est-ce que vous avez pu vous faire une impression sur l'identité de ceux

 24   qui les contrôlaient ou leur donnaient des ordres, ou est-ce qu'ils

 25   agissaient de leur propre initiative ou est-ce qu'ils semblaient être

 26   complètement indépendants des autres soldats ? Est-ce que vous avez eu une

 27   impression sur la manière dont leurs actions à eux étaient coordonnées avec

 28   celles des soldats ?


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  1   R.  Je ne sais pas si je peux vraiment répondre précisément à votre

  2   question. Ce que j'ai vu et ce que j'ai ressenti, par exemple, lorsque

  3   l'armée est entrée à l'hôpital, il y avait un officier de l'armée qui est

  4   venu devant l'hôpital. Moi, je suis sortie et j'ai demandé si la Croix-

  5   Rouge internationale et les observateurs européens allaient venir dans leur

  6   escorte, et il a dit que non. Et j'ai dit que, suivant l'accord passé, nous

  7   nous attendions à la venue de la Croix-Rouge internationale. Il m'a répondu

  8   qu'il ne savait rien à ce sujet. Et je lui ai dit alors que je souhaitais

  9   me mettre en contact avec quelqu'un qui savait où était la Croix-Rouge

 10   internationale, et là, il m'a répondu qu'il a u des observateurs et des

 11   membres de la Croix-Rouge internationale à Negoslavci.

 12   Ensuite, sur ma propre initiative, j'y suis allée. Je lui ai demandé de

 13   m'amener à Negoslavci pour me mettre en contact avec la Croix-Rouge

 14   internationale. Mais je lui ai demandé aussi de me garantir que personne ni

 15   les soldats ni qui que ce soit d'autre, n'entrerait à l'hôpital tant que la

 16   Croix-Rouge internationale et les observateurs ne viennent, et il a dit que

 17   oui, et il a déterminé un certain nombre de personnes à placer à l'entrée

 18   de l'hôpital qui était censées attendre l'arrivée de la Croix-Rouge

 19   internationale.

 20   Mais je sais aussi que lorsqu'on m'a ramenée de Negoslavci, que j'ai vu que

 21   des réservistes qui accouraient et entraient en courant dans l'hôpital,

 22   puis que des membres des unités paramilitaires, avec des casques sur leurs

 23   têtes, entraient à l'hôpital, ils avaient sur leurs casques des signes

 24   chetniks avec des rubans blancs. C'étaient des paramilitaires. Les soldats

 25   réguliers n'étaient pas là. Ils étaient à l'extérieur, mais ils ne

 26   pouvaient pas les empêcher d'entrer à l'hôpital.

 27   Moi, je suis sortie, j'ai essayé d'empêcher qu'ils entrent à l'hôpital,

 28   mais visiblement, ils ne m'ont pas reconnue, ne me respectaient pas, mais


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  1   c'était le cas du Dr Novakovic, qui était chirurgien et dont le fils

  2   faisait partie de ces unités, donc il est sorti et leur a dit de ne pas

  3   entrer à l'hôpital.

  4   Lorsqu'ils m'amenaient à Negoslavci, il y avait un Chetnik dans la voiture

  5   avec nous. Il avait un aspect physique totalement désordonné, il avait une

  6   subara [phon], il portait une barbe, des bottes et il avait un énorme

  7   couteau à sa ceinture, il me regardait, il nous regardait, moi et cette

  8   autre personne avec tellement de haine que je suis sûre que si on n'avait

  9   pas été avec d'autres dans l'hôpital, il nous aurait tués. Il nous haïssait

 10   à ce moment-là, qu'à un moment donné il a dit au chauffeur de s'arrêter et

 11   il est sorti. Il ne pouvait pas supporter d'être dans le véhicule avec

 12   nous.

 13   Il est difficile de dire qui pouvait dire quoi à qui à l'époque, et qui

 14   contrôlait qui, mais le fait est que tout simplement l'armée, à mon avis,

 15   avait pris le contrôle de la ville et les a laissés faire ce qu'ils

 16   voulaient.

 17   J'ai dit, par exemple, après, au colonel que ce n'était pas la peine que je

 18   lui fasse les dessins, qu'on pouvait prendre un véhicule et aller à

 19   Vukovar, je pouvais lui montrer où on enterrait les personnes, et il m'a

 20   dit ouvertement que ça n'aurait pas été une bonne idée, car dans ce cas-là

 21   je n'aurais pas pu quitter Vukovar vivante. Si c'est la vérité, ça je ne

 22   peux pas le savoir.

 23   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Soyons bien précis pour savoir

 24   exactement qui est qui.

 25   L'impression que j'ai en vous écoutant, c'est que les soldats de la JNA

 26   étaient facilement reconnaissables grâce à leur uniforme, alors que pour ce

 27   qui est des volontaires et des membres d'unités paramilitaires, on pouvait

 28   aussi les reconnaître facilement parce qu'ils étaient habillés de manière


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  1   plus négligée, ils portaient des uniformes ou seulement des parties

  2   d'uniforme. Parfois ils avaient des insignes, des couvre-chefs en fourrure

  3   ou il y avait d'autres signes distinctifs. Est-ce que j'ai bien compris ?

  4   R.  Oui.

  5   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc vous étiez en mesure de faire la

  6   distinction entre les soldats de la JNA, les volontaires ou les membres

  7   d'une unité paramilitaire ?

  8   R.  Je pense que je pouvais faire la distinction même s'il est difficile de

  9   le dire, je ne peux pas affirmer que dans chaque situation c'était le cas.

 10   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'entends bien. Mais de manière

 11   générale, on peut dire qu'on pouvait facilement reconnaître les volontaires

 12   et faire la différence entre les volontaires et les soldats de la JNA. Une

 13   autre question --

 14   R.  J'ai l'impression que l'armée est entrée et elle est passée. Je ne peux

 15   pas le dire avec exactitude, car je ne suis pas restée sur place, on m'a

 16   emmenée en prison, mais d'après les témoignages des autres, des femmes qui

 17   ont été en prison avec moi, j'ai écouté leurs expériences, l'armée est

 18   venue et elle est passée. Et les autres passaient par les caves, ils

 19   disaient : "Sortez, sinon on va jeter des grenades à main." Tout le monde

 20   sortait dehors, ils les regroupaient, ils les poussaient à l'intérieur des

 21   véhicules, et ceux qui y ont survécu ont survécu. Mais beaucoup de

 22   personnes manquent encore. Concernant beaucoup de personnes on sait pas

 23   encore ce qui leur est arrivé. Ils faisaient sortir les gens des colonnes,

 24   devant les soldats je veux dire, devant les personnes qui étaient censées

 25   être responsables de l'évacuation. Ils sortaient certaines personnes qui

 26   n'ont pas leur propre tombe encore aujourd'hui. Et il y a un grand nombre

 27   de témoins vivants qui en ont parlé.

 28   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vois. Et quand vous dites que "ces


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  1   gens" sont allés dans les caves, et cetera, vous parlez des paramilitaires

  2   ou des volontaires; est-ce bien le cas ?

  3   R.  Oui.

  4   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je voulais aussi vous poser des

  5   questions au sujet de la répartition approximative des volontaires et des

  6   soldats. Pouvez-vous me donner une idée de la proportion des soldats par

  7   rapport aux volontaires ? Est-ce que c'était 50-50 à peu près, 50 % de ceux

  8   qui sont entrés à l'hôpital étaient des soldats ou pas ?

  9   R.  Ce que j'ai vu, parmi ceux qui sont venus à l'hôpital et ceux que j'ai

 10   rencontrés alors qu'ils me faisaient aller à Negoslavci, puis de Negoslavci

 11   en prison, il y avait beaucoup plus de soldats réguliers, de véhicules de

 12   transport des troupes blindés, de chars. Je ne pouvais pas en croire mes

 13   yeux quand j'ai vu le nombre de chars. Même si on avait été totalement

 14   détruit, j'étais étonnée de voir le nombre de chars, le nombre de véhicules

 15   blindés. Certainement la proportion entre ces soldats que j'ai vus moi-

 16   même, soldats réguliers et soldats paramilitaires, je dirais qu'il y avait

 17   20 soldats réguliers contre un paramilitaire, mais j'ai l'impression que

 18   l'armée est entrée et voulait sortir dès que possible et que les autres

 19   sont restés mais que l'armée était bien plus nombreuse.

 20   Et je suis sûre à 100 % que s'ils avaient voulu préserver ces pauvres

 21   malades, patients, blessés, dont des Serbes - un tiers des gens qui sont

 22   restés à Vukovar, qui sont restés dans les caves étaient des Serbes - s'ils

 23   voulaient les préserver, ils auraient pu le faire. Mais ils ont laissé les

 24   gens faire ce qu'ils voulaient. Et lorsque les gens ont commencé à sortir

 25   des caves, lorsqu'ils ont vu qu'il y avait des Serbes aussi, là ils se sont

 26   mis à les séparer. Certains Serbes disaient : "Moi, je suis Serbe." Pour

 27   certains, même ça, ça ne les avait pas aidés, certains disaient : "Je suis

 28   Serbe" et ont été tabassés avec des commentaires comme : "Mais que faisais-


Page 11420

  1   tu ici avec les Oustachi ?"

  2   Lors d'une interview faite le 6 novembre, j'ai lu dans le magazine

  3   "Vreme" qu'il avait dit qu'aucun Oustacha ne pouvait sortir vivant, mais

  4   ils considéraient que les Serbes qui sont restés avec les Oustacha étaient

  5   des Oustacha eux-mêmes.

  6   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Nous allons y arriver. Je voudrais

  7   une fois encore vous poser la question de la proportion de soldats de la

  8   JNA par rapport aux volontaires. Vous dites que c'était 1 pour 20, mais

  9   est-ce que cette proportion, elle s'appliquait également --

 10   R.  C'est mon impression.

 11   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, j'entends bien, mais est-ce que

 12   ce ratio valait également pour les hommes armés qui étaient à l'hôpital ?

 13   Est-ce que vous comprenez ma question ? Parce que j'ai cru comprendre que

 14   vous avez expliqué que lorsque vous êtes sortie de l'hôpital, vous avez pu

 15   constater qu'il y avait beaucoup plus de soldats de la JNA que de

 16   volontaires. Mais la question que je vous pose maintenant c'est sur la

 17   situation à l'hôpital pendant cette période. Et je voudrais savoir si, à

 18   l'hôpital, il y avait également le même ratio de soldats par rapport aux

 19   volontaires; c'est-à-dire environ 1 pour 20 ?

 20   R.  Oui.

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. J'aurais une dernière question

 22   à vous poser et elle porte sur les responsables.

 23   A plusieurs reprises au cours de votre déposition - cela d'ailleurs est

 24   repris dans votre déclaration écrite - vous avez dit qu'il y avait sur

 25   place le colonel Mrksic ainsi que Sljivancanin. Il me semble par ailleurs

 26   qu'hier, en réponse à une question qui vous a été posée par le Président de

 27   la Chambre, vous avez dit qui contrôlait les volontaires, et si je ne

 28   m'abuse, vous avez dit que c'était l'accusé qui les contrôlait.


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  1   Ce qui soulève la question de savoir ce que vous entendiez exactement

  2   par là. Si Mrksic et Sljivancanin contrôlaient l'opération, comment se

  3   pouvait-il que l'accusé aussi ait contrôlé cette opération ? Si bien que la

  4   question que je vous pose est la suivante : qu'avez-vous véritablement

  5   voulu dire et à partir de quoi avez-vous déclaré hier que l'accusé

  6   contrôlait ce qui se passait ?

  7   R.  Lorsque j'ai parlé avec le général Raseta, il m'a dit alors que dans le

  8   cadre de l'évacuation de l'hôpital, c'était le commandant Mile Mrksic qui

  9   était la personne responsable. Et lorsque le 19, un mardi, je lui ai

 10   téléphoné pour lui demander comment se faisait-il que personne n'était là

 11   ni la Croix-Rouge internationale ni les autres, alors il a dit : "Milan

 12   Mrksic va vous trouver," et effectivement, il m'a téléphoné. Il m'a dit que

 13   soi-disant on se connaissait tous les deux, que lui aussi était de Vukovar,

 14   que je n'avais pas du tout à m'inquiéter. Et j'ai dit : "Mais comment

 15   voulez-vous que je ne m'inquiète pas ? Les gens meurent de gangrène. Il n'y

 16   a pas d'eau ni de nourriture depuis deux jours, et il n'y a personne."

 17      Donc les informations qu'on m'a données, c'était que le commandant de

 18   l'ensemble du secteur était Mile Mrksic. Et lorsqu'on m'a emmenée à

 19   Negoslavci, c'est à ma demande puisque j'ai voulu voir la Croix-Rouge, je

 20   voulais aller à cet état-major, et effectivement, c'est là que j'ai

 21   rencontré Mile Mrksic, et il a dit que la Croix-Rouge internationale allait

 22   venir, qu'ils allaient immédiatement envoyer des citernes d'eau. Et ils

 23   m'ont ramenée à l'hôpital encore une fois, et c'était la première fois que

 24   j'ai vu le commandant Sljivancanin et j'ai vu que lui, avec un groupe de

 25   soldats, expulsait les civils du premier étage de l'hôpital, c'étaient des

 26   civils qui sont venus après l'évacuation, qui n'étaient pas à l'hôpital

 27   avant ce jour-là. Et j'ai dit : "Que faites-vous avec ces civils, puisqu'il

 28   faut d'abord évacuer l'hôpital." Il a été arrogant, il m'a refusée et il a


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  1   dit que ce n'était pas mon travail, qu'il fallait dresser les listes et

  2   séparer les femmes et les hommes de l'hôpital. Et ils les plaçaient dans

  3   des camions. Ça c'était le 19, mardi au matin.

  4   J'ai compris alors que Sljivancanin était le responsable sur le

  5   terrain, et l'autre était là-bas. Pourquoi est-ce que j'ai dit ce que j'ai

  6   dit ? C'est que lorsqu'il est venu à Vukovar - là, je parle de l'accusé -

  7   lui, il est venu à Vukovar en octobre et en novembre, je l'ai entendu

  8   encourager des soldats, que ce soit des volontaires ou membres d'autres

  9   unités, il les encourageait, et c'est pour cela que je considérais que

 10   c'était lui le leader. Or, Sljivancanin était la personne responsable en

 11   uniforme. C'est la raison pour laquelle je l'ai dit, et c'est ce que je

 12   maintiens encore aujourd'hui. J'ai dit à la personne qui me gardait au sein

 13   de l'état-major, c'est que le leader idéologique était l'accusé, et je l'ai

 14   dit à cette personne - là, je parle de ma cellule de Crise - j'ai dit que

 15   les gens là-bas faisaient ce que Seselj disait. Et il m'a dit : "Mais non,

 16   l'armée ne fait pas ce que Seselj leur disait." J'ai dit : "Si, si. Je l'ai

 17   entendu dire que l'armée allait raser la ville à terre, ensuite créer un

 18   parc là-bas. Effectivement, c'est ce que l'armée a fait, et maintenant, il

 19   est possible de créer un parc là-bas.

 20   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas bien

 21   compris. Vous avez entendu l'accusé dire que Vukovar serait rasée ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Où l'avez-vous entendu ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] A la radio, pendant que j'étais encore à

 25   Vukovar, à la radio. On écoutait la radio serbe.

 26   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, aurez-vous des questions

 28   supplémentaires ?


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  1   M. DUTERTRE : Monsieur le Président, deux points procéduraux matériels, et

  2   effectivement, deux brèves questions supplémentaires. Je commence par --

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Les questions supplémentaires

  4   peuvent venir seulement après le contre-interrogatoire. Puisqu'il n'y a pas

  5   eu de contre-interrogatoire, il n'est pas possible d'avoir des questions

  6   supplémentaires de la part de l'Accusation non plus.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais comme les Juges ont posé des questions,

  8   peut-être que le Procureur veut approfondir des réponses posées aux

  9   questions des Juges.

 10   M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président. C'est en fait deux

 11   questions qui font suite à notre interrogatoire concernant le fait que la

 12   JNA pouvait être débordée et au degré d'organisation de ces événements.

 13   Nouvel interrogatoire par M. Dutertre :

 14   Q.  Docteur, vous avez été directeur de l'hôpital pendant ce conflit. Il y

 15   a eu des décès à l'hôpital, et vous avez donc pu prendre des mesures

 16   concernant l'enterrement des corps. J'imagine que vous avez quelque

 17   expérience sur les mesures à prendre pour enterrer des corps.

 18   Est-ce que vous pouvez me dire, compte tenu de votre expérience, quel

 19   degré d'organisation il faut pour enterrer 200 corps ?

 20   R.  Bien, il faut -- nous, lorsque nous avons vu que nous ne pouvions plus

 21   enterrer les morts dans les cimetières, nous avons organisé une pelleteuse

 22   qui a creusé une fosse près du vieux cimetière, et c'est là que l'on a

 23   commencé à enterrer les gens. Mais le problème, c'est que cette pelleteuse

 24   était exposée à une pluie d'obus et ne pouvait pas creuser la terre, puis

 25   après, a repris le travail de creusement.

 26   Je ne sais pas exactement ce que vous avez voulu dire en parlant de

 27   "l'organisation." Il n'était pas facile d'organiser ce genre de chose. Nous

 28   avons élaboré des listes, nous faisions des cercueils. C'est à l'usine de


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  1   Borovo que l'on produisait les cercueils, et tout ça c'était difficile sous

  2   les obus. Et lorsqu'on ne pouvait plus faire cela, alors on les mettait à

  3   l'écart, marqués en bonne et due forme à proximité de l'hôpital.

  4   Q.  Je vais reformuler ma question très brièvement pour vous la clarifier.

  5   On sait qu'il y a 200 personnes qui sont mortes à Ovcara. Quel degré

  6   d'organisation, selon vous, cela implique d'enterrer 200 corps dans la

  7   fosse commune d'Ovcara.

  8   R.  Certainement il fallait avoir un haut niveau d'organisation. Tout

  9   d'abord, il fallait placer tous ces gens dans des autocars. Et c'était le

 10   cas, ils les ont placés dans six autobus. Ils les ont entassés là-bas. Ils

 11   les ont conduits jusqu'à Ovcara. Là-bas, ils les ont maltraités pendant

 12   toute la journée. Ensuite, je ne sais pas d'où une pelleteuse est venue qui

 13   a creusé ce fossé commun. Ensuite, ils ont amené ces gens-là là-bas, en

 14   camion, ensuite ils les ont fusillés. Certainement cela n'a pas été fait

 15   par deux ou trois membres de la Défense territoriale, mais c'était 

 16   certainement une action planifiée, à la fois par l'armée et par tous les

 17   autres. C'était une action de représailles pour toutes les victimes qu'ils

 18   ont eues de leur côté, à Vukovar.

 19   C'est ce que Sljivancanin m'a dit lorsqu'il m'a interrogée. Il a dit,

 20   "Où sont les combattants, les faucons croates." Il a dit, "Je ne sais pas

 21   qui a tué mes soldats." J'ai répondu : "Mais pourquoi est-ce que vous les

 22   avez amenés ici pour qu'ils détruisent Vukovar ?"

 23   M. DUTERTRE : Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le Président,

 24   mais peut-être deux points, rapidement. Le premier point, l'audition 92 ter

 25   du témoin a été soumise. Il y a le numéro P587. Je souhaiterais maintenant,

 26   si vous acceptez, que la Chambre la mettre sous pli scellé, et nous avons

 27   un nouveau document qui a été -- la même audition qui a été rédigée, comme

 28   je l'avais proposé hier, et qui comporte le numéro d'identification


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  1   ID 0641-9417-RED, pour "rédaction." Et je souhaiterais que ce document soit

  2   la pièce publique et qu'elle reçoive un numéro d'"exhibit."

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. C'était pour les questions liées aux problèmes

  4   de famille, de confidentialité. --

  5   M. DUTERTRE : A la fois la famille, puis les documents médicaux.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors donc il faut que Mme le Greffier dise

  7   que P587 est sous pli scellé, et on redonne un nouveau numéro au document

  8   1D 0641-9417.

  9   Madame le Greffier.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La version expurgée de la pièce P587

 11   devient la pièce P603, et la pièce P587 est placée au dossier sous pli

 12   scellé.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne comprends pas pourquoi -- oui, effectivement,

 14   P603.

 15   M. DUTERTRE : La traduction française était bien, mais le transcript est

 16   incorrect.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est ce que j'ai vérifié.

 18   M. DUTERTRE : La page 26 et la ligne 18, le Dr Bosanac a dit quelque chose

 19   qui n'a pas été reflété au transcript. Et je souhaiterais très brièvement

 20   passer en "closed session," parce que ça pose un problème par rapport à un

 21   nom.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Mais, Monsieur le Procureur, normalement ce

 23   qu'elle a dit est sur la bande audio, et après, au niveau du transcript, on

 24   remet les noms.

 25   M. DUTERTRE : Entendu. Alors, précisément, le nom tel que je l'ai entendu,

 26   me semblait -- je savais de qui on parlait, mais le nom ne me semblait pas

 27   --

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous voulez qu'elle le précise. On va


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  1   passer à huis clos.

  2   Madame le Greffier, huis clos. Huis clos.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  4   [Audience à huis clos partiel]

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  7  (expurgé)

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  9  (expurgé)

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 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23   [Audience publique]

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Au nom de mes collègues, je vous remercie

 25   d'être venue pendant ces deux jours à La Haye pour apporter votre

 26   témoignage sur les événements qui se sont déroulés à Vukovar. Et je tiens à

 27   vous exprimer les remerciements de la Chambre.

 28   Et je vous souhaite, bien entendu, un bon retour à Vukovar et à la tête de


Page 11427

  1   cet hôpital que vous dirigez actuellement. Je vous

  2   remercie.

  3   Nous allons donc faire une pause de 20 minutes et après la pause nous

  4   reprendrons avec le témoin suivant.

  5   Oui, Monsieur Seselj.

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, Monsieur Seselj, on va expurger la

 13   partie concernant la ligne 18 et suivante de la page 36.

 14   Bien. Le Dr a témoigné sous serment, vous aviez la possibilité de contre-

 15   interroger et vous n'avez pas voulu le faire dans le cadre d'un principe

 16   que vous avez. Voilà. Donc nous ne pouvons maintenant que terminer cette

 17   audience et donc, Madame, nous vous prions d'excuser la Chambre de cet

 18   incident qui vient d'intervenir. Nous allons procéder à l'expurgation des

 19   propos qui ont été tenus.

 20   Monsieur le Procureur.

 21   M. DUTERTRE : Monsieur le Président, est-ce que l'expurgation peut aller

 22   jusqu'à --

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous n'avez pas de base juridique pour expurger

 24   le procès-verbal des paroles que j'ai prononcées.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre décide qu'il y a lieu à

 26   expurgation.

 27   Bien. Alors il est 4 heures moins 10, nous faisons une pause de 20 minutes.

 28   --- L'audience est reprise à 15 heures 50.


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  1   --- L'audience est reprise à 16 heures 13.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

  3   Monsieur Mundis.

  4   M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Avant la venue du prochain témoin, l'Accusation voudrait que ceci soit

  6   consigné de la façon la plus claire possible. Cet éclat récent de l'accusé

  7   est tout à fait inacceptable, et nous exhortons la Chambre à le mettre en

  8   garde si ceci se produit de nouveau. Ce n'est pas la première fois que

  9   l'accusé fait des déclarations tout à fait péjoratives à l'encontre d'un

 10   témoin. C'est la raison précise pour laquelle nous avons toujours demandé à

 11   ce qu'il soit représenté par un avocat, et nous faisons valoir que le

 12   comportement de l'accusé, peu de temps avant la pause, n'est que la

 13   dernière occurrence de toute une série d'incidents du même genre qui sont

 14   vraiment tout à fait déplacés, et je trouve qu'il faut le dire clairement.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que vient de dire M. Mundis évidemment se tourne

 16   contre vous. M. Mundis vient de dire que des déclarations contre les

 17   témoins justifient à ses yeux la position d'un conseil, et il exhorte la

 18   Chambre à vous faire comprendre que vous n'avez pas à incendier comme vous

 19   le faites les témoins.

 20   Les témoins viennent. Il y a deux catégories de témoins, il y a ceux qui

 21   viennent viva voce, et vous les contre-interrogez, et les 92 ter que vous

 22   avez décidé de ne pas contre-interroger.

 23   Vous avez vu que la Chambre est particulièrement vigilante à l'égard du 92

 24   ter. Et nous posons des questions que vous auriez pu poser, mais nous les

 25   posons dans le souci de la vérité afin que, dans la mesure du possible, la

 26   vérité puisse sortir. Et nous faisons notre travail le mieux possible. Il

 27   se peut qu'il y ait des questions que nous ne posions pas que vous auriez

 28   posées, parce que vous avez d'autres éléments en votre possession. Bon.


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  1   C'est possible. Nous n'avons pas tous les éléments que vous, vous avez.

  2   Mais nous essayons à partir des éléments que nous avons et des réponses du

  3   témoin, d'aller au centre des choses.

  4   Il se peut qu'il y ait des témoins dont les réponses ne vous conviennent

  5   pas. Nous comprenons cela parfaitement, mais ce n'est pas une raison pour

  6   que vous-même vous accabliez le témoin de vos propres reproches, même si

  7   vous pouvez estimer que dans tel ou tel cas le témoin n'a pas dit la

  8   vérité, a éludé, et cetera. C'est possible. Mais nous sommes dans un débat

  9   judiciaire où les parties doivent toutes avoir un comportement normal.

 10   Le Procureur pose ses questions, vous, vous posez les vôtres.

 11   Parfois, les questions du Procureur, vous ne les admettez pas, vous faites

 12   des objections. La Chambre, à plusieurs reprises, a dit au Procureur de

 13   reprendre ses questions, et cetera, et vice versa. Parfois vous posez des

 14   questions et le Procureur fait des objections. Parfois nous vous avons dit,

 15   "Continuez" parce que vous aviez raison de poser la question, ou parfois on

 16   vous avait dit de reprendre. Donc on essaie de faire en sorte que ça se

 17   passe le mieux possible.

 18   Il est vrai que pour le moment, les témoins qui viennent, ce sont les

 19   témoins de l'Accusation. Et a priori, c'est des témoins à charge qui ne

 20   sont pas là pour venir dire que vous êtes innocent. Ils sont là parce que

 21   la Procureur estime que ce sont des témoins à charge. Donc tout ce que peut

 22   dire le témoin, en principe, est à charge. Donc ça peut ne pas vous plaire

 23   et on le comprend parfaitement. Mais ce n'est pas pour autant parce qu'il y

 24   a un témoin à charge que vous devez l'accabler, le témoin. Vous ne devez

 25   pas avoir ce type de comportement.

 26   Le Procureur pense que le fait de vous mettre un avocat, ça éviterait

 27   cela. Oui, d'une certaine façon ça peut éviter, mais cela peut aussi ne pas

 28   éviter parce que c'est pas parce qu'un avocat sera là que vous n'allez pas


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  1   vous lever et accabler le témoin. Donc c'est ça la difficulté.

  2   Une fois de plus, Monsieur Seselj, je vous demande de vous maîtriser,

  3   de ne dire que les choses à bon escient. Vous pouvez très bien dire que le

  4   témoin a dit cela, vous n'êtes pas d'accord avec lui, et puis voilà. Ça se

  5   passe le mieux possible. Ça a beaucoup plus de poids que de s'énerver et de

  6   dire, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Mais ça était expurgé, les

  7   propos que vous avez tenus, parce qu'à chaque fois le Procureur va faire ce

  8   type d'intervention et moi, je vais vous donner la parole pour que vous

  9   répliquiez. Je dois vous dire, Monsieur Seselj, que depuis plusieurs

 10   semaines, j'ai eu la nette impression que ça se passait de mieux en mieux.

 11   Les audiences se déroulaient le mieux possible et je dois vous en donner

 12   acte. Mais là, malheureusement, tout à l'heure, il y a eu quelque chose qui

 13   n'aurait pas dû intervenir.

 14   C'est vrai, depuis plusieurs semaines, j'ai trouvé qu'il y avait eu

 15   un changement. Les choses se déroulaient normalement, comme ça pourrait se

 16   dérouler dans votre pays et dans le mien. Il n'y avait aucun problème et

 17   voilà que brusquement est arrivé tout à l'heure ce problème. Voilà.

 18   Monsieur Seselj, je vous invite à nouveau de faire ce que vous avez

 19   fait, de poser des questions quand il faut. Quand ça ne va pas vous me le

 20   dites, mais n'accablez pas les témoins. Il peut y avoir des témoins de

 21   bonne foi qui sont peut-être contre vous, certainement, certains. Ce n'est

 22   pas pour autant qu'il faut les accabler, parce que quand vous faites venir

 23   vos propres témoins, le Procureur ne les accablera pas. Si le Procureur les

 24   accable, la Chambre dira au Procureur, vous n'avez pas le droit de dire que

 25   les témoins de la Défense font ci ou ça. Par contre, le Procureur contre-

 26   interrogera vos témoins. Voilà. Mais si le Procureur disait les mêmes

 27   choses que vous avez dites à l'égard du dernier témoin, la Chambre

 28   interviendrait.


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  1   Voilà ce que je tenais à vous dire. On peut peut-être en rester là, à moins

  2   que vous vouliez intervenir, et je vous donne la parole.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs les Juges, je suis tout à fait

  4   convaincu que dans ce prétoire c'est moi qui suis la personne la plus

  5   sereine et la plus calme. Tout ce que j'ai dit concernant le témoignage au

  6   titre du 92 ter de Vesna Bosanac, je l'ai dit calmement et de façon très

  7   posée. A mon sens, sans fondement juridique, vous avez procédé à

  8   l'expurgation de mes paroles du procès-verbal. Malheureusement je ne peux

  9   rien y changer.

 10   Mais je souhaite ici adresser un avertissement, attirer votre attention sur

 11   le fait que dans le système accusatoire, il peut arriver que des choses

 12   bien plus lourdes de conséquences et de sens soient dites que ce que j'ai

 13   dit. Ce que j'ai dit est tout à fait anodin. Ce que j'ai dit au sujet de

 14   Vesna Bosanac est ce que pense l'ensemble de l'opinion publique serbe de

 15   Vesna Bosanac, compte tenu de la façon dont elle s'est comportée pendant la

 16   guerre à l'hôpital de Vukovar.

 17   Ce que je peux vous dire, c'est que j'étais assis à ce même banc dans

 18   l'affaire Milosevic. Jeffrey Nice pouvait alors me dire tout ce qu'il

 19   souhaitait. Il m'a dit à un moment donné que j'étais un homme vicieux. Je

 20   ne répéterais pas ici tout ce que le Procureur a pu se permettre de me dire

 21   à moi en tant que témoin.

 22   J'ai des procès-verbaux montrant ce que le Procureur disait à

 23   d'autres témoins dont la plupart ne savaient même pas comment se défendre.

 24   Vous avez ici introduit de nouvelles règles qui ne sont valables que

 25   dans mon cas afin que les témoins puissent traverser plus facilement ce

 26   prétoire. Je n'ai déclenché absolument aucun incident. J'ai dit de façon

 27   calme et posée ce que je voulais voir versé au procès-verbal concernant

 28   Vesna Bosanac. C'est le Procureur Dutertre qui a causé un incident. Il a


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  1   crié et il a commencé à gesticuler en m'interrompant, et c'est cela qui

  2   constitue un incident, et non pas ce que j'ai dit.

  3   Quant au fond du problème, Monsieur le Président, Monsieur les Juges, vous

  4   avez dit que vous avez posé certaines questions que je n'ai pas voulu

  5   poser, que j'aurais pu poser si j'avais accepté de procéder à un contre-

  6   interrogatoire. Mais ce n'est pas exact. Vous ne pouvez pas savoir d'avance

  7   quelles sont les questions que moi, j'aurais posées. Cependant, devant

  8   vous, vous avez une déclaration écrite qui a été élaborée par le bureau du

  9   Procureur et qui a été signée par Vesna Bosanac. En vous fondant sur cette

 10   déclaration écrite et malgré mes avertissements répétés et mon opposition,

 11   vous avez accepté que Vesna Bosanac témoigne et dépose au titre du 92 ter,

 12   et le fait que vous lui accordez ce statut vous donnait l'obligation de

 13   veiller à ce que chaque question qui lui soit posée reste dans le cadre de

 14   sa déposition. Or, vous avez élargi son interrogatoire en posant les

 15   questions qui n'avaient pas été proposées par le Procureur dans le cadre de

 16   sa déposition. Tout ce que vous avez demandé, Monsieur le Président, ainsi

 17   que M. le Juge Harhoff, et les réponses qu'elle a données à ces questions,

 18   si cela avait figuré initialement dans sa déposition, je suis persuadé que

 19   vous n'auriez pas accepté que lui soit accordé le titre de témoin au titre

 20   de l'article 92 ter, et que vous auriez exigé qu'elle témoigne viva voce.

 21   C'est un problème tout à fait central ici, et j'estime que vous avez de

 22   façon tout à fait infondée et illégale accepté que ce témoin dépose au

 23   titre de l'article 92 ter. J'ai expliqué les raisons qui sont les miennes

 24   et qui font que j'estime que cela n'est pas légal. Or, ce qui est prévu au

 25   titre de l'article 92 ter, c'est que l'Accusation dispose de 30 minutes. Le

 26   Procureur a allégrement dépassé cette demi-heure. Il a atteint une heure,

 27   une heure et demie, peut-être davantage. Si l'on comptabilise également les

 28   questions des Juges de la Chambre, cela a été prolongé pour une durée à un


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  1   jour et demi et deux heures. Le greffe saura exactement de combien de temps

  2   il s'agit. Alors je ne peux pas m'empêcher de me poser la question de

  3   savoir pourquoi cela a été fait de cette façon. Pourquoi est-ce qu'on a

  4   invoqué le 92 ter s'il a fallu cinq heures ? Pourquoi est-ce que mes

  5   propres deux heures ne pouvaient pas être intégrées à cela, et vous voyez

  6   bien de quoi il s'agit.

  7   Vesna Bosanac a entendu sur la station de radio Sabac que j'aurais

  8   dit qu'aucun Oustachi ne doit sortir vivant de Vukovar, mais qui sait si

  9   elle n'a pas lu ça, en réalité, ailleurs dans des journaux. Et ici, on voit

 10   tout à fait qu'il s'agit de quelque chose qui a été fabriqué

 11   ultérieurement. Certains disent avoir entendu comment, à l'état-major,

 12   j'affirme avoir écouté à travers une porte, que j'ai déclaré à l'état-major

 13   qu'aucun Oustachi ne devait sortir vivant de Vukovar. Certains autres

 14   parlent de mes discours à Leva Supoderica, d'autres disent m'avoir vu

 15   marcher à Vukovar, et cetera. Nous avons au moins quatre versions

 16   différentes de ces événements, et je ne suis pas en mesure de répondre de

 17   façon pertinente à tout cela.

 18   J'ai un nombre de témoignages très important concernant Vesna Bosanac.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : -- pourquoi la Chambre avait décidé de faire du 92

 20   ter, en regardant le témoignage, elle évoquait donc l'évacuation de

 21   l'hôpital, son arrestation, peu de choses sur Ovcara, et elle ne parlait

 22   absolument pas des volontaires et encore moins des volontaires du Parti

 23   radical serbe. Donc la Chambre s'est dit, ce n'est pas la peine de lui

 24   prendre du temps là-dessus, car ce qui compte est de savoir, un, y a-t-il

 25   eu pilonnage de l'hôpital, qu'est-ce qu'elle a vu et qu'est-ce qui s'est

 26   dit au niveau de l'évaluation, et troisième, qu'est-ce qui s'est passé

 27   après l'évaluation.

 28   Il se trouve que le Procureur - et vous avez raison - a pris du temps pour


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  1   l'admission d'un certain nombre de documents. Ces documents étaient des

  2   listes apportées par le témoin, et puis en liaison avec le nombre des

  3   victimes. Donc il a fallu qu'il lui montre les documents. Les Juges ont

  4   posé des questions, parce que c'est la liste -- il y a une liste annexée à

  5   l'acte d'accusation, donc il a fallu faire des vérifications.

  6   Après quoi, les Juges et moi-même, on a interrogé le témoin, et elle a dit

  7   des choses qui n'étaient pas dans la déclaration écrite, et dans l'intérêt

  8   même de la justice et l'intérêt de la manifestation de la vérité, il a

  9   fallu lui poser des questions pour éclaircir certains points. C'était

 10   nécessaire, tant pour la thèse de l'Accusation que pour votre thèse. C'est

 11   pour cela qu'il a fallu vérifier certaines choses. Il est vrai qu'à la fin

 12   elle a parlé de cette histoire qu'elle vous avait entendu à la radio, ce

 13   qu'elle n'avait pas dit dans la déclaration écrite. Bon. Donc l'a-t-elle

 14   entendu, a-t-elle confondu, nous, on a estimé qu'il n'y avait pas lieu de

 15   s'appesantir là-dessus. Voilà, donc c'est dans ces conditions que ça s'est

 16   déroulé.

 17   Maintenant, vous dites que l'opinion publique serbe sait qui est ce témoin.

 18   Moi, je n'en sais strictement rien. Je ne sais pas ce que les gens peuvent

 19   penser de son action, et cetera. Mais là, si vous aviez, vous, fait le

 20   contre-interrogatoire, vous auriez pu lui dire : "Madame, vous avez dit

 21   cela, très bien", "Je vous présente un livre écrit par X, Y ou Z ou par

 22   moi-même," je crois que vous avez écrit un livre également sur Vukovar, "et

 23   dans ce livre, il est dit cela, je cite la page, qu'est-ce que vous en

 24   pensez ?" Elle aurait dit : "Je ne suis pas d'accord, et cetera." Voilà.

 25   C'était ça le débat judiciaire plutôt que d'attendre la fin et juste au

 26   moment où je la remercie d'être venue pour faire la sortie pour, en quelque

 27   sorte, en trois lignes, mettre à bas son témoignage. Voilà comment les

 28   choses se sont déroulées.


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  1   La Chambre tient à vous rappeler que le 92 ter vous permet de faire le

  2   contre-interrogatoire. Le 92 ter, c'est un gain de temps. Ce n'est pas le

  3   peine de passer du temps pour que le Procureur pose des questions tout en

  4   suivant une déclaration. Autant que le témoin

  5   dise : "Je confirme ce que je vous ai répondu déjà à vos questions." Il

  6   présente quelques documents. A ce moment-là, vous contre-interrogez. C'est

  7   un moyen d'économie judiciaire.

  8   Nous respectons la position que vous avez prise sur cette procédure, mais

  9   qui, malheureusement, va se répéter à quelques reprises, car il y a

 10   quelques témoins qui relèvent de cette procédure; ne serait-ce que le

 11   témoin qui vient. Les Juges lisent la déclaration - c'est ce que j'ai fait

 12   pour le témoin qui va venir - identifient les questions à poser qui sont

 13   importantes par rapport à l'acte d'accusation et, par les questions posées,

 14   nous allons vérifier certains points qui sont indiqués. Nous ne prenons

 15   pour argent comptant ce qui est écrit. C'est pour ça que nous pourrions

 16   nous dire : "Bon, vous témoignez, vous reconnaissez, c'est fini et on passe

 17   au suivant." Non, moi ce n'est pas ma conception. Il y a une déclaration

 18   écrite, et on la vérifie, on la vérifie dans son contenu, surtout quand ça

 19   touche aux crimes commis, à l'implication des volontaires dans les crimes

 20   le cas échéant, au rôle de la JNA, au rôle de la Défense territoriale, au

 21   rôle des dirigeants politiques de la municipalité, le cas échéant. C'est la

 22   grille des questions que nous posons au témoin. Voilà la grille, il n'y a

 23   pas de mystère. Le cas échéant, s'il y a eu un impact des discours

 24   prononcés par vous dans telle ou telle localité, si ça jouait.

 25   Regardez toutes les questions qui ont été posées. C'est toujours au travers

 26   de cette grille de lecture que nous vérifions ce que disent les témoins,

 27   même quand les questions ne sont pas abordées. On a un témoin, autant que

 28   le témoin puisse apporter sa contribution à la manifestation de la vérité.


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  1   Donc voilà dans le sens que nous agissons.

  2   Quand ça sera votre phase, puisque vous nous avez dit que vous-même vous

  3   témoignerez, on vous posera des questions, n'ayez crainte. Vous aurez

  4   également des questions des Juges qui iront au fond des choses. Quand vos

  5   propres témoins viendront, nous poserons aussi vos questions - les mêmes

  6   questions à vos témoins à partir de la même grille. Voilà, que ce soit vos

  7   témoins ou ceux de l'Accusation, c'est la même grille de questions qui est

  8   posée. Evidemment, à la marge, il y a des adaptations en fonction des

  9   témoins, selon leur qualité, leur place, si ce sont des militaires ou des

 10   civils, mais la grille des questions est quasiment identique, puisque c'est

 11   cette grille qui doit permettre normalement de contribuer à la

 12   manifestation de la vérité.

 13   On va introduire le Témoin VS-1131. Je ne sais pas au juste, Monsieur

 14   Ferrara, combien de temps vous avez prévu pour ce témoin.

 15   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez prévu combien de temps ?

 17   M. FERRARA : [interprétation] C'est un témoin 92 ter lui aussi, une demi-

 18   heure.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Une demi-heure.

 20   Oui, Monsieur Seselj.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une brève objection par rapport à ce que

 22   vous venez de dire sur le rôle de l'application du 92 ter, qui serait de

 23   gagner du temps. Je ne suis absolument pas d'accord avec cela, car ce que

 24   l'on a vu jusqu'à présent avec tous les témoins qui ont déposé viva voce,

 25   est qu'aucun des témoins n'a été capable de répéter ce qui figurait dans sa

 26   soi-disant déclaration, et cela vaut même pour ceux des témoins qui se sont

 27   efforcés de coopérer le plus possible avec le Procureur. Ce qu'on a vu ici,

 28   c'est que les déclarations contenaient ce que le Procureur aurait voulu


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  1   voir le témoin déclarer. Or, la question essentielle est de savoir Pourquoi

  2   le Procureur n'a pas pensé à poser toutes ces questions au moment de la

  3   déposition du témoin ? On aurait pu faire dix fois plus. On aurait pu

  4   inclure tous les aspects de la propagande croate qui a été menée pendant 20

  5   ans, au moment où Vesna Bosanac a été interrogée.

  6   Il ne faut pas sous-estimer l'intelligence de ce témoin, mais il faut

  7   prendre en compte son manque de sens moral. Je vous ai dit plusieurs fois à

  8   quel point il était important qu'elle témoigne viva voce.

  9   Et vous me demandez à nouveau pourquoi je n'accepte pas de contre-

 10   interroger les témoins qui ont déposé au titre du 92 ter. C'est parce que

 11   mon consentement à cela contribuerait à légitimer la déposition qu'ils ont

 12   donnée au titre du 92 ter. Or, je maintiens que mon opposition à les

 13   contre-interroger constituera une preuve essentielle dont je disposerai

 14   pour remettre en cause le fondement légal de la présente procédure, car

 15   nulle part au monde il n'est possible que la déposition d'un témoin soit

 16   versée directement à titre de preuve si la Défense n'est pas en mesure de

 17   contre-interroger au moment où la déposition a été faite la première fois.

 18   Cette règle a été introduite en 2006 alors que l'acte d'accusation à mon

 19   encontre a été établi en 2003. Par conséquent, il n'y a aucun fondement

 20   légal à cela et mes droits sont compromis de la sorte. C'est pourquoi je

 21   refuse de contre-interroger ces témoins.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, c'est un débat qui a eu lieu il y a

 23   un certain temps. Nous connaissons votre position.

 24   On va introduire le témoin parce que c'est déjà 5 heures moins 20.

 25   M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, dans l'intervalle,

 26   manifestement, pour que ceci ne surprenne pas l'accusé à l'avenir, notre

 27   position restera que chaque fois que ça veut dire qu'il abandonne son droit

 28   au contre-interrogatoire, point à la ligne. C'est ce qu'il a fait. Ça veut


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  1   dire que ses droits ne sont pas violés, puisque c'est lui qui prend cette

  2   décision instruite de ne pas procéder au contre-interrogatoire.

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pouvez-vous me dire nom, prénom, date de

  7   naissance.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Milorad Vojnovic. Je suis né le 15

  9   octobre 1945 dans le village de Gorica, municipalité de Sipovo, aujourd'hui

 10   c'est dans la Republika Srpska.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez une activité professionnelle

 12   aujourd'hui ou bien êtes-vous retraité ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis retraité.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous êtes retraité de quoi, de quel corps ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai pris ma retraite en tant qu'officier de

 16   la JNA, de l'armée yougoslave.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Avec quel grade ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec le grade de colonel.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mon colonel, avez-vous déjà témoigné devant un

 20   tribunal sur les faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie ou bien

 21   c'est la première fois que vous témoignez ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai témoigné.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans quelle affaire, et où ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné à Belgrade et à La Haye. Dans

 25   l'affaire Ovcara.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc à Belgrade dans l'affaire Ovcara et à La Haye,

 27   dans quelle affaire ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] A La Haye, c'était l'affaire contre les trois;


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  1   Sljivancanin, Radic et Mrksic.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je suppose qu'à chaque fois vous étiez témoin

  3   de l'Accusation.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question avant que je vous fasse prêter

  6   serment. Vous avez fait une déclaration écrite, on verra ça tout à l'heure,

  7   le 11 septembre 2008. Mais avant cette déclaration écrite, est-ce qu'à un

  8   moment donné quelqu'un aurait fait pression sur vous pour témoigner dans un

  9   sens ou dans un autre, ou jamais personne n'est venu vous appeler pour dire

 10   : attention, il faut témoigner dans tel ou tel sens ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été appelé afin de venir déposer

 12   régulièrement à Belgrade, aussi on m'a appelé de La Haye.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ceux qui vous ont appelé, c'est du bureau du

 14   Procureur, jamais quelqu'un d'autre ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Avant, c'étaient les gens de la Défense,

 16   ensuite de l'Accusation.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites, avant c'étaient les gens de la Défense.

 18   De quelle Défense ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Avant, je collaborais dans l'affaire de la

 20   troïka de Vukovar avec la Défense, ensuite ils m'ont laissé et je suis là

 21   où je suis.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc au début vous étiez témoin de la Défense d'un

 23   des trois accusés dans l'affaire de Vukovar, et puis après vous êtes devenu

 24   témoin de l'Accusation, ou -- à moins que dans l'affaire de Vukovar vous

 25   avez témoigné pour la Défense. Je ne sais pas. Est-ce que vous aviez

 26   témoigné dans l'affaire Mrksic ? Vous aviez témoigné pour qui ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous aviez témoigné pour l'Accusation ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour l'Accusation.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais avant de témoigner pour l'Accusation, vous

  3   aviez travaillé avec la Défense ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, c'est clair. Je vous demande de lire le

  6   serment.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN : MILORAD VOJNOVIC [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous pouvez vous asseoir.

 12   Nous sommes dans une procédure dite de l'article 92 ter du Règlement. Le

 13   Procureur que vous avez rencontré a dû vous expliquer cela, il va vous

 14   poser des questions et vous présenter certainement nombre des documents. Il

 15   est prévu 30 minutes pour cela. Après quoi, les Juges qui sont devant vous

 16   vous poseront certainement des questions. J'ai quelques questions à vous

 17   poser, peut-être que mes collègues aussi auront des questions à poser.

 18   Normalement, M. Seselj ne vous posera pas de questions, parce qu'il a pris

 19   la décision, concernant les témoins 92 ter, de ne pas contre-interroger.

 20   Voilà ce que je voulais vous dire pour que cette audience se déroule de la

 21   meilleure façon.

 22   Monsieur Ferrara, je vous donne la parole pour un bref résumé du témoignage

 23   du témoin et des questions traditionnelles posées en raison de cette

 24   procédure 92 ter.

 25   M. FERRARA : [interprétation] Merci. Je vais commencer par le résumé.

 26   Milorad Vojnovic est un colonel de la JNA à la retraite. De septembre 1991

 27   à mars 1995, il commandait la 80e Brigade motorisée basée à Kragujevac. Le

 28   29 octobre 1991, la Brigade motorisée a commencé à se déployer en Slavonie


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  1   orientale sous le commandement du Groupe opérationnel sud. Le déploiement

  2   de la brigade du témoin s'est achevé vers le 7 novembre 1991. Aucune des

  3   unités du témoin n'a participé directement aux opérations de combat. La

  4   mission de ces unités était de couvrir la zone au cours de la période alors

  5   que d'autres unités plus expérimentées menaient à bien les missions de

  6   combat précises. Après la prise de la ville de Vukovar vers la fin du mois

  7   de novembre 1991, la 1re Brigade motorisée a quitté la ville, et le témoin a

  8   été nommé commandant de la ville par le colonel Mrksic. En janvier 1992, le

  9   80e Brigade motorisée a quitté la Slavonie orientale, mais la brigade du

 10   témoin est restée sur zone jusqu'au 28 février 1992.

 11   Le colonel Vojnovic a assisté en personne à l'arrivée des volontaires dans

 12   la zone, et il a fait la connaissance de certains de ces volontaires qui

 13   essayaient de se joindre aux forces régulières, et il a appris que ces

 14   hommes étaient souvent révoqués au bout de quelques jours parce que tout ce

 15   qui les intéressait en réalité, c'étaient les pillages.

 16   Le témoin a assisté aux réunions quotidiennes de briefing du

 17   commandement du Groupe opérationnel sud. Il a vu Arkan au cours d'une de

 18   ces réunions, en octobre ou en novembre 1991, avant la chute de la ville,

 19   il s'agissait de réunions qui avaient lieu au poste de commandement du 1er

 20   District militaire et auxquelles participaient tous les chefs militaires

 21   importants. Il a revu Arkan au cours de réunions officielles avec le

 22   général Zivota Panic et le général Andrija Biorcevic en janvier 1992 afin

 23   de discuter de la situation dans la zone de Vukovar.

 24   Après la chute de Vukovar, des volontaires et des membres de la

 25   Défense territoriale ont été incorporés dans un détachement et placés sous

 26   le commandement de la 80e Brigade.

 27   En ce qui concerne les événements qui ont eu lieu à Ovcara, le témoin

 28   ne savait pas que l'hôpital de Vukovar allait être évacué. Dans la soirée


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  1   du 20 novembre 1991, il se rendait à une réunion lorsqu'il est passé devant

  2   le hangar d'Ovcara. A cet endroit, il a vu au moins deux autocars venant de

  3   l'hôpital et deux haies d'hommes formées par des membres de la Défense

  4   territoriale locale, des hommes en civil et des hommes qui portaient des

  5   uniformes dépareillés, ainsi que des insignes chetniks, et les évacués

  6   étaient contraints de passer entre ces deux rangées d'hommes pour entrer

  7   dans le hangar. Avant d'entrer dans le hangar, on confisquait aux

  8   prisonniers leurs biens personnels. Ils étaient frappés, battus, au moyen

  9   d'armes parfois, et ils étaient insultés. Le témoin a essayé de parler à

 10   ceux qui formaient ces deux rangées, et il a essayé de les faire s'arrêter.

 11   Plus tard, il a essayé physiquement de protéger les prisonniers lui-même,

 12   ce qui fait qu'il a été insulté et on lui a demandé : "Mais qu'est-ce que

 13   tu veux, toi, le vieux ? Qu'est-ce que tu veux ? C'est nos prisonniers."

 14   Voilà ce qu'on lui a dit.

 15   A l'intérieur du hangar, le témoin a vu plusieurs officiers de la 1re

 16   Brigade motorisée, ce qui l'a amené à penser que c'est eux qui étaient

 17   chargés de cette évacuation. Le témoin a été choqué par l'atmosphère et par

 18   les mauvais traitements dont il a été le témoin oculaire à l'intérieur du

 19   hangar. Le témoin a continué à essayer de mettre un terme à ce type

 20   d'agissement, mais au bout de 20 à 30 minutes, il a dû partir pour assister

 21   à une réunion avec le colonel Mrksic. Au cours de cette réunion avec

 22   Mrksic, le témoin a évoqué la question des mauvais traitements des

 23   prisonniers dans le hangar d'Ovcara, et Mrksic lui a répondu : "Ne parlez

 24   pas de cela." Ce qui amène le témoin à penser que Mrksic était au courant

 25   de ce qui se passait.

 26   Après la réunion, le témoin a essayé de nouveau de s'approcher de

 27   Mrksic, de lui en parler, et celui-ci lui a dit que la situation était

 28   complexe et que la police militaire était repoussée du hangar. Lorsque le


Page 11445

  1   témoin est retourné de son poste de commandement, il a appris que la police

  2   militaire s'était retirée du hangar et qu'il avait été décidé de remettre

  3   les prisonniers à la Défense territoriale.

  4   Le témoin ne se souvient pas si Milan Lancuzanin, alias Kameni, se

  5   trouvait au hangar, mais il a plus tard appris qu'il s'y trouvait.

  6   Cependant, après la chute de la ville, il a coopéré avec Kameni et son

  7   unité pour constituer un groupe chargé de procéder à des fouilles pour

  8   chercher des armes cassées ou abîmées. Le témoin savait que Kameni s'est vu

  9   discerner le titre de Vojvoda par Seselj et qu'il était à la tête d'une

 10   unité de la Défense territoriale. Le témoin a rencontré Seselj en personne

 11   lors de la célébration du premier anniversaire de la libération de Vukovar

 12   le 18 novembre 1992. Le témoin a entendu dire que Seselj s'était rendu à

 13   Vukovar en novembre 1991, mais il ne l'a pas vu à ce moment-là.

 14   J'en ai terminé de la lecture du résumé, Monsieur le Président,

 15   Madame, Messieurs les Juges.

 16   Mme LE JUGE LATTANZI : -- problème de traduction peut-être. Parce que, en

 17   français, j'ai entendu que Kameni était responsable d'une unité de la

 18   Défense territoriale, tandis qu'en anglais, je vois "d'une unité

 19   paramilitaire." Est-ce que je pourrais savoir ce que vous avez dit,

 20   Monsieur le Procureur ?

 21   M. FERRARA : [interprétation] Je parlais "d'unités paramilitaires."

 22   Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

 23   Interrogatoire principal par M. Ferrara :

 24   Q.  Mon Colonel, avez-vous rencontré des membres du bureau du Procureur le

 25   11 septembre 2008 ?

 26   R.  Je ne me souviens pas avoir rencontré le représentant de l'Accusation,

 27   mais en 2008 j'ai rencontré seulement le chef de la direction de la

 28   sécurité. Ça, je me souviens. C'était la première déclaration. Mais le


Page 11446

  1   représentant du bureau du Procureur, je ne sais pas.

  2   Q.  Est-ce que vous m'avez rencontré, moi-même et un enquêteur, le 11

  3   septembre 2008 ?

  4   R.  Avec vous ?

  5   Q.  Oui.

  6   R.  Je me suis trompé. Si.

  7   Q.  Est-ce qu'à ce moment-là vous avez signé une déclaration ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Est-ce que vous avez relu cette déclaration avant de la signer ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Dans quelle langue ?

 12   R.  En serbo-croate.

 13   M. FERRARA : [interprétation] J'aimerais que le document portant le numéro

 14   65 ter 7325 s'affiche à l'écran, et j'aimerais qu'on remette une copie

 15   papier de sa déclaration au témoin, Monsieur l'Huissier.

 16   Q.  Mon Colonel, veuillez, je vous prie, examiner la première page de cette

 17   déclaration en B/C/S. Reconnaissez-vous votre signature en bas de cette

 18   page ?

 19   R.  Oui, je la reconnais.

 20   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, feuilleter cette déclaration et me dire

 21   si vous reconnaissez vos initiales ?

 22   R.  Oui, j'ai reconnu, mes paraphes.

 23   Q.  Veuillez maintenant vous reporter à la page 16 de la déclaration.

 24   Normalement, c'est la dernière page -- l'avant-dernière.

 25   R.  La page 17, déclaration de témoin -- le certificat du témoin ?

 26   Q.  Oui. Est-ce que vous reconnaissez votre signature en bas de cette page

 27   ?

 28   R.  Je la reconnais.


Page 11447

  1   Q.  Est-ce que cette déclaration reflète de manière véridique les

  2   événements que vous y décrivez ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Si aujourd'hui on vous posait les mêmes questions au sujet de ces

  5   événements, est-ce que vous donneriez les mêmes réponses que celles qui

  6   figurent dans la déclaration ?

  7   R.  Je suppose que j'aurais répondu de la même manière.

  8   Q.  Merci. Il n'est pas nécessaire que vous feuilletiez la copie papier de

  9   cette déclaration.

 10   J'en demande le versement au dossier.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : On va donner un numéro.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P604.

 13   M. FERRARA : [interprétation] En annexe à cette déclaration se trouve un

 14   tableau avec plusieurs documents, je vais poser des questions au témoin à

 15   ce sujet.

 16   J'aimerais qu'on affiche d'abord à l'écran la pièce 728 sur la liste 65

 17   ter. Veuillez, s'il vous plaît, lui montrer la première page. On pourrait

 18   également lui remettre une copie papier.

 19   Q.  Mon Colonel, pouvez-vous nous dire ce qu'est ce document, de quoi

 20   s'agit-il ?

 21   R.  C'est la forme standard du journal de guerre maintenu par des

 22   commandements de certains niveaux.

 23   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir ce document précédemment ?

 24   R.  C'est la première fois que j'ai vu ce document, avec vous.

 25   Q.  Aujourd'hui ou au moment où vous avez signé votre déclaration ?

 26   R.  Je ne me souviens pas si c'était aujourd'hui ou lorsque j'ai signé la

 27   déclaration, mais je l'ai vu.

 28   Q.  Pouvez-vous nous dire si dans ce document il est fait référence à la


Page 11448

  1   participation d'unités de volontaires dans la zone de combat ? J'aimerais,

  2   par exemple, que vous vous référiez à la page suivante, je vais demander

  3   qu'elle s'affiche à l'écran. En version B/C/S, elle porte le numéro ERN

  4   0293-5446.

  5   R.  Je ne sais pas maintenant quelle est la page en question dans

  6   l'exemplaire que j'ai devant moi.

  7   Q.  Vous pouvez trouver ce numéro de référence en haut de la page, peut-

  8   être peut-on placer la page correspondante sur le rétroprojecteur, si cela

  9   est plus simple. M. l'Huissier peut peut-être la placer sur le

 10   rétroprojecteur.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Indiquez-nous, Monsieur Ferrara, la page de la

 12   traduction en anglais.

 13   M. FERRARA : [interprétation] Mais bien sûr, Monsieur le Président.

 14   Excusez-moi de ne pas l'avoir fait précédemment. C'est la page LO100107

 15   [comme interprété]. La troisième entrée, 4 octobre, 14 heures 30

 16   Q.  Mon Colonel, pouvez-vous, s'il vous plaît, donner lecture de cette

 17   troisième entrée.

 18   R.  Oui. Le 4 octobre, 14 heures 30, une quarantaine de volontaires de

 19   Belgrade sont venus, ils ont été envoyés dans le 2e Bataillon motorisé.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, il y a un problème, parce que dans

 21   la version anglaise, nous, nous avons des L0100500, 501, et cetera. Donc,

 22   on n'a pas 107. Deuxièmement, quand je vais au 4 octobre, je n'ai pas 14

 23   heures 30.

 24   M. FERRARA : [interprétation] Je vais répéter le numéro. C'est la page

 25   LO100507.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, on a la page en anglais. Mais oui,

 27   effectivement, donc on a le 4 octobre. Mais Monsieur Ferrara, le problème,

 28   c'est que le 4 octobre, il vient après --


Page 11449

  1   M. FERRARA : [interprétation] Oui, je sais, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : -- le 6 octobre, et ça, en termes militaires, c'est

  3   impossible. Pourquoi ?

  4   M. FERRARA : [interprétation] Je ne sais pas.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

  6   M. FERRARA : [interprétation] Il faudrait demander à celui qui a tenu ce

  7   journal de guerre.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : -- nous dire pourquoi.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne peux pas confirmer la véracité de

 10   ce document, car à cette époque-là, je n'étais pas encore arrivé dans la

 11   région, mais je peux simplement lire ce qui est écrit comme vous me le

 12   demandez.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Colonel, vous qui avez été un officier de la JNA

 14   - et nous savons que dans la JNA - tout était assez précis - est-ce que

 15   c'est normal que dans un journal de cette nature, on écrive ce qui se passe

 16   le 4 octobre après le 6 octobre ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne dis pas cela. Je dis que ce n'est

 18   pas le journal de guerre de mon unité. C'est en raison de cela que je ne

 19   peux pas confirmer la véracité et l'authenticité de cela. Mais pour le

 20   reste, c'est bien écrit.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Regardez, Mon Colonel, on voit donc Negoslavci

 22   village, par exemple, le 6 octobre à 16 heures 10, on a une mention. 16

 23   heures 30, on a une mention. 16 heures 30, il y a l'"Air force," les avions

 24   qui tirent. 17 heures 30, il se passe quelque chose, ensuite on passe au 4

 25   octobre à 11 heures du matin. Alors comment se fait-il qu'on passe au 4

 26   octobre alors qu'il y a le 6 octobre ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas affirmer. J'ai dit que ceci

 28   n'est pas mon journal de guerre, et peut-être -- ce n'était pas mon unité,


Page 11450

  1   je ne peux pas faire de commentaire particulier. Je peux lire ce qui est

  2   écrit comme on me le demande.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans votre unité, ça pourrait arriver, quelque chose

  4   comme ça ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ça n'aurait pas pu arriver. Le nôtre a

  6   été tenu de façon régulière suivant les noms, suivant les dates.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

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 10  (expurgé)

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 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26   Q.  Pouvez-vous en donner lecture ?

 27   R.  Oui, je vois, il y est écrit --

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, la Chambre dit que ce document, a


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  1   priori, le témoin ne peut pas en dire grand-chose, parce que ce document ne

  2   vient pas de son unité. Simplement, vous pouvez lui poser une question sur

  3   le contenu s'il est au courant, s'il n'est pas au courant, l'exercice est

  4   très délicat.

  5   M. FERRARA : [interprétation] Nous avons ici un colonel de la JNA, vous

  6   l'avez dit vous-même, qui peut nous dire comment a été préparé ce journal

  7   de guerre. Voilà la raison pour laquelle nous présentons ce document par

  8   l'intermédiaire de ce témoin, parce que bien entendu, nous ne pouvons pas

  9   citer à la barre le colonel Mrksic pour déposer au sujet de ce journal de

 10   guerre. Mais nous avons ici un colonel de la JNA, on pense qu'il peut

 11   témoigner à ce sujet.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

 13   Le témoin ne peut déposer que par rapport aux événements dont il a été

 14   directement le témoin ou dont il a directement entendu parler, dont il a

 15   connaissance. Il ne s'agit pas ici d'un expert pouvant témoigner de la

 16   véracité de ce document et pouvant affirmer si le contenu du document

 17   correspond aux faits historiques ou pas.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que le colonel Mrksic ne peut témoigner.

 19   Pour quelle raison il ne peut pas témoigner ?

 20   M. FERRARA : [interprétation] Je n'ai pas dit qu'il ne pouvait pas déposer.

 21   Mais j'ai dit qu'on avait ici un colonel de la JNA, donc on pouvait essayer

 22   de verser le document au dossier par son truchement, parce qu'il peut nous

 23   donner une interprétation de ce document, ce témoin.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Un moment.

 25   Non, ce n'est pas possible. La Chambre n'accepte pas. Passez à autre

 26   chose.

 27   M. FERRARA : [interprétation] Bien, d'accord. Nous allons passer à un

 28   autre document, Monsieur le Président.


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  1   Je vais demander au greffier de présenter le document portant le

  2   numéro 65 ter 854, première page.

  3   Q.  Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ici, quel est ce document ?

  4   R.  Dans ce document, il est indiqué : "Rapport concernant un événement

  5   exceptionnel." Il a été adressé à la 1ère Région militaire. Il est indiqué

  6   que : "Vers minuit, dans le lotissement Holivud à Vukovar, ont été tués

  7   trois membres de la Défense territoriale de Vukovar." Je ne sais pas s'il

  8   faut que je lise la suite ou est-ce que cela suffit ?

  9   Q.  Cela suffit. Est-ce que vous êtes au courant de cet incident ?

 10   R.  Concernant cet incident, je n'en avais pas connaissance à l'époque.

 11   J'en ai pris connaissance ultérieurement. La première fois qu'il a été

 12   porté à ma connaissance, il me semble que c'était à l'occasion de ma

 13   déposition à Belgrade. Il s'agit bien ici de l'un de mes hommes appartenant

 14   à ma brigade, mais je ne suis pas absolument certain que cela ait été fait,

 15   que cela ait été commis ainsi.

 16   Q.  Dans ce document, on peut lire que les hommes qui ont été tués étaient

 17   membres du Détachement Leva Supoderica placé sous le commandement de Milan

 18   Lancuzanin, alias Kameni, le document porte la date du 22 décembre 1991.

 19   Est-ce que ça signifie que l'Unité Leva Supoderica ou le Détachement Leva

 20   Supoderica existait encore en décembre 1991 ?

 21   R.  Non. Le document est bien daté de cette année. Il y avait des problèmes

 22   à ce moment-là. Je n'ai pas connaissance de cet événement à ce moment-là.

 23   J'aurais probablement réagi à l'époque si j'en avais eu connaissance. Je ne

 24   savais vraiment pas que cet événement avait eu lieu. Cet homme appartenant

 25   à ma brigade a établi ce rapport sans que j'en aie connaissance, et il l'a

 26   envoyé au 1er District militaire.

 27   Q.  Mais vous n'avez pas répondu à ma question. Est-ce que ça veut dire que

 28   cette Unité Leva Supoderica existait encore en décembre 1991 à Vukovar et


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  1   que Milan Lancuzanin, surnommé Kameni, était toujours responsable de cette

  2   Unité Leva Supoderica, comme nous le voyons écrit dans ce document ?

  3   R.  Je pense que Leva Supoderica en tant que détachement n'existait plus à

  4   ce moment-là. Peut-être y avait-il des personnes qui se désignaient elles-

  5   mêmes comme appartenant à cette unité, qui y avaient appartenu, mais cette

  6   unité elle-même n'existait plus. Lancuzanin s'est rendu auprès de ma

  7   brigade, il nous rendait visite. Je suis tout à fait sûr de cela. Il est

  8   venu nous voir, je me rappelle de lui et il a coopéré très bien avec nous.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Colonel, c'est important, très important. On a

 11   un document qui a toutes les apparences d'un document militaire. Il y a un

 12   cachet, il y a des noms, des numéros d'enregistrement. En vous écoutant me

 13   vient à l'esprit toute une série de questions.

 14   Au mois de décembre 1991, j'ai cru comprendre que vous aviez été nommé à

 15   l'époque commandant de Vukovar.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes commandant de Vukovar, c'est-à-dire vous

 18   avez autorité sur l'ensemble des unités militaires de Vukovar. On est bien

 19   d'accord ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Il se trouve que le 22 décembre, il y a deux soldats

 22   qui sont membres de la Défense territoriale de Vukovar qui sont tués. On ne

 23   sait pas par qui. Est-ce qu'au mois de décembre, en tant que commandant,

 24   vous aviez la tutelle de la Défense territoriale de Vukovar sur le plan

 25   militaire ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, si, étant le numéro un de la force

 28   militaire à Vukovar, deux soldats sont tués par X, est-ce qu'un événement


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  1   de cette nature aurait dû être automatiquement porté à votre connaissance ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il s'agissait d'un incident au sujet

  3   duquel j'aurais dû être informé. Or, je n'ai pas été informé. Vous voyez

  4   que c'est un officier de la sécurité qui a établi ce rapport et qui l'a

  5   fait suivre au commandement, au lieu de le faire suivre à moi.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Cet officier de sécurité, c'est le lieutenant-

  7   colonel Vasic. Vous le connaissez ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est le sous-lieutenant Vasic.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous le connaissiez à l'époque ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le connaissais pas très bien. Il

 11   appartenait aux réservistes et il ne m'a jamais informé d'incident.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Je présume qu'en tant que responsable militaire,

 13   vous avez des réunions avec vos officiers.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y avait des réunions régulières au

 15   cours desquelles je les rencontrais.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand deux soldats d'une unité sont tués par X, je

 17   présume qu'au sein de la réunion, ça va être évoqué par le lieutenant, le

 18   capitaine, le commandant, à moins qu'à l'époque des morts, il y en avait

 19   tellement qu'on n'en parlait plus ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, cela n'a pas été mentionné aux réunions.

 21   C'est tout à fait certain concernant cet incident.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document, pour vous, il est authentique ou vous

 23   avez des interrogations sur l'existence réelle de ce document ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas maintenant affirmer quoi que ce

 25   soit avec une grande certitude, mais ici nous voyons la signature de cet

 26   homme et le tampon de mon unité. Par conséquent, ce document devrait être

 27   authentique et exact. Mais je ne peux pas l'affirmer avec une certitude

 28   totale, car c'est la première fois que je vois ce document après de


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  1   nombreuses années.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : A l'époque, en décembre 1991, est-ce que Milan

  3   Lancuzanin, dit Kameni, était sous votre autorité ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Au mois de décembre et peut-être quelques

  5   jours après cette date, nous avons formé une unité où ont été intégrés tous

  6   les membres de la Défense territoriale. Je ne me rappelle pas exactement si

  7   Kameni en faisait partie, mais je sais qu'il se rendait au poste de

  8   commandement, et après les événements que nous avons mentionnés, je n'ai

  9   rencontré aucune difficulté avec lui.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que l'Unité Leva Supoderica, elle existait en

 11   décembre 1991 ? Prenez votre temps avant de répondre, parce que la

 12   question, elle est très, très importante. Prenez votre temps avant de

 13   répondre.

 14   Je répète ma question : est-ce que l'Unité Leva Supoderica existait en

 15   décembre 1991 ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble qu'en tant qu'unité, Leva

 17   Supoderica n'existait pas à ce moment-là, n'existait plus en tant qu'une

 18   unité organisée formellement, de façon officielle et enregistrée. Peut-être

 19   y avait-il des individus qui se considéraient comme membres de cette unité,

 20   qui avaient un lien avec cet endroit, mais elle n'existait plus.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : -- est un vrai document, et que vous, vous ne l'avez

 22   pas vu parce que ça vous a échappé, ou que vos officiers subordonnés ne

 23   vous en aient pas parlé. Comment se fait-il qu'un sous-lieutenant qui est

 24   officier de la sécurité, donc qui a une compétence, puisse écrire que les

 25   deux hommes qui ont été tués étaient membres de ce Détachement Leva

 26   Supoderica, commandé par Milan Lancuzanin "aka" Kameni, et que de ce fait

 27   la police militaire et le SUP faisaient des investigations ? Comment il

 28   peut écrire cela alors que cette unité n'existait plus ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que cette unité n'existait sûrement

  2   plus. Il s'agit ici d'une initiative du sous-lieutenant et d'un de ses

  3   subordonnés qui appartenait également à la sécurité. Je répète que cela

  4   était fait sans que j'en aie connaissance, et ce rapport qu'ils ont envoyé

  5   l'a été sans que j'en aie connaissance, et c'est ainsi que fonctionnait

  6   dans une certaine mesure le service de la sécurité, sans que le

  7   commandement en ait connaissance, et cela n'est pas correct.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

  9   Oui, Monsieur Seselj.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne voudrais pas intervenir dans votre

 11   interrogatoire, mais je dois attirer votre attention sur le fait que j'ai

 12   découvert ici une pièce falsifiée d'une grande importance dans ce soi-

 13   disant document dont nous n'avons pas de preuve de l'authenticité.

 14   Il est indiqué dans l'original : "Des membres de l'Unité Leva Supoderica,

 15   commandée par Milan Lancuzanin, connu sous le nom de Kameni, ont été tués."

 16   Alors que dans la traduction anglaise il est indiqué : "Les hommes tués

 17   étaient membres du Détachement Leva Supoderica, sous le commandement de

 18   Milan Lancuzanin, connu sous le nom de Kameni."

 19   Il est tout à fait significatif que dans la traduction anglaise, on ait

 20   omis le grade de capitaine de Lancuzanin. Il était capitaine de réserve de

 21   la JNA et il avait été mobilisé à l'époque. Il l'était toujours. Pourquoi

 22   est-ce que ce grade était omis dans la version anglaise.

 23   Le greffe ici normalement doit répondre de l'exactitude de la

 24   traduction ? Or, il est extrêmement important de savoir s'il s'agit ici

 25   d'un officier ou pas, et qu'en tant qu'officier, il a été placé à la tête

 26   d'une unité de la JNA.

 27   M. FERRARA : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Colonel, l'accusé Seselj vient de noter dans la


Page 11458

  1   version B/C/S que, Kameni, il y a son grade, capitaine. Or, dans la version

  2   anglaise, ce n'est pas indiqué. Dans votre souvenir, Kameni, il était

  3   capitaine ou il ne l'était pas ? Car s'il est capitaine, l'officier de

  4   sécurité qui, lui, est lieutenant, il sait ce que c'est qu'un capitaine.

  5   Qu'est-ce que vous dites ? Il était capitaine ou il ne l'était pas, parce

  6   qu'en B/C/S il est marqué qu'il est capitaine.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends. Je comprends et je vois

  8   bien que c'est écrit. Mais je ne savais véritablement pas qu'il avait le

  9   grade de capitaine. Il se rendait au poste de commandement sans insigne

 10   indiquant son grade, et je ne savais pas qu'il avait ce grade.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : S'il était capitaine, quand vous faites votre

 12   réunion d'officier, le capitaine, il est là, automatiquement, sauf s'il est

 13   malade ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Au cours des réunions que nous tenions au

 15   sein du poste de commandement de la brigade, personne ne se rendait qui

 16   aurait appartenu aux structures de la Défense territoriale. Il venait de sa

 17   propre initiative lorsqu'il avait du temps pour cela, pour demander de

 18   l'aide, pour demander des conseils, mais je ne l'ai jamais vu venir avec

 19   des insignes de capitaine.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand les unités de la Défense territoriale sont

 21   subordonnées à la JNA, à ce moment-là, quand il y a un briefing, le

 22   commandant de l'unité de la Défense territoriale, ou l'officier, vient à

 23   vos réunions, puisque c'est vous qui exercez le contrôle, enfin, qui êtes

 24   censés exercer le contrôle ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils ne venaient pas à nos réunions. Ils

 26   avaient formé d'autres unités. Ils étaient affectés à d'autres fonctions,

 27   il s'agissait principalement de fonctions au sein de la ville, apporter de

 28   l'aide. Ils n'étaient pas organisés sous forme d'unité jusqu'à la fin


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  1   décembre. A ce moment-là, ils ont été démobilisés et ils devaient se tenir

  2   prêts à intervenir si on les appelait. A ce moment-là, les unités de la

  3   police et les organes exécutifs de la ville de Vukovar avaient déjà été

  4   formés.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : D'après vous, pourquoi le lieutenant Vasic dit qu'il

  6   avait le garde de capitaine ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas maintenant l'affirmer, et je ne

  8   peux pas dire s'il savait ou non qu'il avait le grade de capitaine. Tout ce

  9   que je peux dire, c'est que cela est indiqué ainsi ici.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, le greffe me dit que vous aviez

 11   déjà utilisé 27 minutes, donc il vous reste peu de temps.

 12   M. FERRARA : [interprétation] Monsieur le Président --

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois formuler une objection supplémentaire. 

 14   Je pense que le Procureur a l'obligation d'expliquer pourquoi la

 15   mention de grade a été retirée dans la traduction anglaise de ce document.

 16   M. FERRARA : [interprétation] Monsieur le Président --

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, vous pouvez -- oui.

 18   M. FERRARA : [interprétation] Je ne peux pas vraiment vous l'expliquer

 19   parce que je ne suis pas traducteur, mais je pense qu'il faut dire à

 20   l'accusé qu'il faut évoquer ce genre de problème à la bonne phase du

 21   procès, en contre-interrogatoire. Parce que si vous faites objection

 22   pendant l'interrogatoire principal, vous faites une objection à une

 23   question du Procureur, alors qu'ici je ne parlais pas. Alors on a ce temps

 24   qui nous a été donné pour l'interrogatoire principal, et il aurait dû le

 25   soulever au moment du contre-interrogatoire.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez raison, Monsieur Ferrara, mais le problème

 27   c'est que ce document, on peut penser qu'il puisse y avoir un problème. Et

 28   on a, nous les Juges, une traduction anglaise. Je présume -- je ne sais pas


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  1   d'où vient cette traduction. En dessous, il y a marqué "OTP/MAT." Est-ce

  2   que c'est une traduction de quelqu'un du bureau du Procureur ou c'est une

  3   traduction du service du

  4   Tribunal ? Vous n'en savez rien ?

  5   M. FERRARA : [interprétation] Mme le commis à l'affaire me dit que ceci

  6   vient de "l'équipe d'analyste militaire," c'est ça que ça veut dire, "MAT."

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc la traduction vient de l'équipe

  8   d'analyste militaire. Vous comprenez que ce n'est pas non plus sans

  9   d'intérêt. De deux choses l'une. Ou ce document est vrai, et à ce moment-là

 10   il apparaît que Lancuzanin, Kameni, est capitaine, capitaine de la JNA.

 11   Donc s'il est capitaine, il est sous l'autorité de la JNA. Ou il n'est pas

 12   capitaine -- enfin, c'est ce que semble dire le colonel, et à ce moment-là,

 13   il est dans une situation juridique des plus floues, et le document, à ce

 14   moment-là, peut prêter à discussion.

 15   Vous voyez -- moi, ma position, c'est que des documents très

 16   importants doivent être traduits par le service de traduction et pas par la

 17   partie qui introduit le document.

 18   Attendez. Il y a le Juge qui va intervenir.

 19   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mon Colonel, permettez-moi de

 20   poser une question de suivi sur une des questions que vous a posées le

 21   Président de la Chambre s'agissant de la description que vous avez faite du

 22   commandement ou du contrôle que vous aviez de l'Unité ou du Détachement

 23   Leva Supoderica.

 24   Je vous demande ceci : est-ce que ce détachement se trouvait sous le

 25   contrôle de la JNA pendant que cette unité était active à Vukovar en

 26   novembre 1991 ? Dans l'affirmative, est-ce que cette unité était sous votre

 27   contrôle ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] L'Unité Leva Supoderica était sous le


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  1   contrôle du Groupe opérationnel sud, après quoi, cette unité a été

  2   démantelée, n'existait plus et n'était pas sous mon contrôle. Ils

  3   n'existaient plus en tant qu'unité après leur départ au mois de décembre.

  4   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. Mais lorsque cette unité

  5   était encore active, à savoir en novembre 1991, est-ce qu'elle se trouvait

  6   sous votre contrôle ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

  8   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous nous dites qu'elle se trouvait

  9   sous le contrôle et la direction du Groupe opérationnel sud. Qui avait la

 10   responsabilité de ce groupe opérationnel ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était la 1ère Région militaire.

 12   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et qui avait la responsabilité de

 13   cette 1ère Région militaire ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il y a un malentendu. Le Groupe

 15   opérationnel sud dépendait de la 1ère Région militaire, et Leva Supoderica

 16   était sous le contrôle du Groupe opérationnel sud. Ce qui signifie que le

 17   colonel Mrksic, qui était le commandant du Groupe opérationnel sud, était

 18   subordonné à la 1ère Région militaire.

 19   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie. Votre brigade, la

 20   80e Motorisée, est-ce qu'elle faisait partie elle aussi du Groupe

 21   opérationnel sud ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, et cela, jusqu'au départ de la 1ère

 23   Brigade motorisée qui est partie pour Belgrade.

 24   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] C'était quand ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] A partir de l'arrivée de la brigade le 7

 26   novembre, et jusqu'à son départ pour Belgrade jusqu'au 25 novembre. Il me

 27   semble que c'est à peu près à ce moment-là, le 25 ou le 26 novembre, qu'ils

 28   se sont retirés.


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  1   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Au cours de cette période, je suppose

  2   que vous, en qualité de commandant de votre brigade, vous participiez à des

  3   réunions organisées par le colonel Mrksic au niveau du groupe opérationnel,

  4   et je suppose qu'à ces réunions assistait aussi le commandant du

  5   détachement Leva Supoderica, non ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais présent, mais je ne les y ai pas vus.

  7   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'ai l'impression, enfin, ça me

  8   semble bizarre, bizarre qu'un détachement se trouvant sous le commandement

  9   du groupe opérationnel, ne participe pas à ces réunions. Comment faut-il

 10   comprendre cela ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il n'était pas subordonné directement au

 12   groupe opérationnel, mais ils appartenaient à une autre structure qui était

 13   subordonnée elle-même au groupe opérationnel, donc des bataillons qui

 14   dépendaient du Groupe opérationnel sud, et c'est la raison pour laquelle

 15   ils ne venaient pas aux réunions régulières.

 16   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Le Détachement Leva Supoderica était

 17   subordonné à quelle unité au sein du Groupe opérationnel sud ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas maintenant dire exactement à

 19   quelle unité le Détachement Leva Supoderica était subordonné. Ça aurait pu

 20   être le 1er Bataillon motorisé ou la 2e Brigade motorisée, ou alors d'autres

 21   unités au sein du Groupe opérationnel sud. Ils avaient leurs propres

 22   supérieurs hiérarchiques. Ils étaient peu nombreux et ne venaient pas aux

 23   réunions.

 24   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une précision et M. Seselj aura la parole.

 26   Vous avez dit que l'Unité Leva Supoderica a été démantelée. A votre

 27   connaissance, elle a été démantelée à quelle date précise ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me rappelle pas la date exacte, mais je


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  1   sais simplement qu'il a été démantelé, et cela, après le départ de la 1ère

  2   Brigade motorisée pour Belgrade. Toutes ces unités ont cessé alors

  3   d'exister en tant que formations organisées. Elles ont cessé d'exister en

  4   tant qu'unités.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : M. Seselj nous a dit à plusieurs reprises que

  6   l'unité en question Leva Supoderica avait quitté Vukovar dès que Vukovar

  7   avait été prise, et d'après lui, autour du 17, 18 novembre. Et il dit

  8   également que ces gens sont partis dans des bus et sont retournés donc en

  9   Serbie, d'après ce que j'ai compris. Et il nous a dit il y a quelques jours

 10   qu'il avait en sa possession huit témoignages des chauffeurs des bus, et

 11   que donc pour lui, les quelques membres de l'Unité Leva Supoderica qui

 12   étaient restés, ils étaient restés à titre personnel parce qu'ils étaient

 13   habitants de Vukovar, et étant des volontaires ils avaient décidé de rester

 14   là. Alors, ceci est-il compatible avec ce que vous saviez de la situation à

 15   l'époque ?

 16   Bon. Je vous pose une question très compliquée, parce que ça remonte à des

 17   années, mais voilà, cet élément que je vous livre et dont j'aimerais que

 18   vous m'indiquiez ce que vous en pensez.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux affirmer avec certitude qu'à cette

 20   époque-là, le Détachement Leva Supoderica n'était pas placé sous mon

 21   commandement, et je ne sais vraiment pas quelles étaient ces activités, qui

 22   est parti, s'ils sont partis, mais effectivement un groupe de ces personnes

 23   est resté sur place, dont Kameni. Et quant à leur rôle, je ne sais pas.

 24   S'agissant de cela, je ne peux rien affirmer de concret. Je ne les avais

 25   pas sous mon commandement, et --

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois revenir au problème précédente, car mon

 27   objection était de nature procédurière, et M. Ferrara n'a pas raison de

 28   dire que j'aurais dû la soulever lors du contre-interrogatoire. Une telle


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  1   objection n'a rien à voir avec le contre-interrogatoire, car elle ne

  2   concerne pas le témoin.

  3   M. Ferrara nous a dit lui-même que ces documents ont été traduits par des

  4   personnes de l'équipe des analystes militaires. Donc je tire la conclusion

  5   immédiatement que (expurgé) l'Accusation, a fait

  6   exprès pour falsifier ce document pour exclure le grade du capitaine pour

  7   que l'on ne voit pas en anglais qu'il s'agissait d'un officier, d'un

  8   capitaine.

  9   M. FERRARA : [interprétation] Excusez-moi, il ne peut continuer de la

 10   sorte. Maintenant il dit que c'est un des substituts du Procureur ou un des

 11   témoins de l'Accusation qui a falsifié ce document.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Attendez. C'est un faux ou c'est pas un faux ?

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, sans dire --

 14   INTERVENANT NON IDENTIFIÉ : Il ne tient pas de votre mise en garde,

 15   Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : S'il l'accusait de cas falsifié, enfin, la

 17   Chambre constate qu'il y a le mot "capitaine" dans la version B/C/S, et le

 18   mot "capitaine" ne se retrouve pas dans la version anglaise. Chacun en tire

 19   la conclusion qu'il voudra.

 20   Alors, juste avant la pause il vous reste quelques minutes pour

 21   terminer l'admission des --

 22   M. FERRARA : [interprétation] Je demande l'expurgation de cette phrase

 23   qu'on trouve aux lignes 7, 8, 9.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je dire auparavant mon attitude avant que

 27   vous passiez aux consultations ?

 28   [La Chambre de première instance se concerte]


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre qui a délibéré, ne vas pas expurger le

  2   passage, (expurgé)

  3   (expurgé)

  4   (expurgé). Parce qu'on ne sait pas si c'est lui ou

  5   pas, donc c'est pas la peine de laisser planer l'ambiguïté. Par contre, la

  6   position de M. Seselj sur le reste, reste au transcript. Voilà. Alors,

  7   Madame le Greffier, préparez une ordonnance.

  8   Bien. Alors, dans les cinq minutes qui viennent il faudrait que vous

  9   acheviez les demandes d'admission des autres documents là.

 10   M. FERRARA : [interprétation] Oui, je voudrais préciser qu'il s'agit d'une

 11   traduction provisoire, d'un projet de traduction des documents. Nous

 12   pouvons tout à fait demander au CLSS une traduction officielle, et je

 13   souhaiterais demander le versement au dossier de ce document, Monsieur le

 14   Président.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : -- va donner un numéro MFI. Bon. Un numéro MFI

 16   seulement.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P605 MFI,

 18   marquée aux fins d'identification.

 19   M. FERRARA : [interprétation] J'aimerais que s'affiche à l'écran la pièce

 20   65 ter numéro 723.

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Il va falloir expurger ce que vous venez

 25   de dire.

 26   M. FERRARA : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président. Je suis

 27   tout à fait d'accord avec vous.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : -- pas dormir, parce qu'il faut être vigilent à tout


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  1   moment.

  2   Bien. Alors, Madame le Greffier, faites une autre expurgation.

  3   Bien. Monsieur Ferrara.

  4   M. FERRARA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Q.  Mon Colonel, reconnaissez-vous ce document ?

  6   R.  Je le reconnais mais ce n'est pas très clair. Est-ce qu'on peut

  7   l'agrandir.

  8   M. FERRARA : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait agrandir le document,

  9   zoomer ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 11   M. FERRARA : [interprétation]

 12   Q.  Pourriez-vous nous dire qui a donné cet ordre ?

 13   R.  Je pense que c'est moi qui ai donné cet ordre.

 14   Q.  Pourriez-vous nous dire quel était votre objectif quand vous avez donné

 15   cet ordre ?

 16   R.  Compte tenu du départ de la 1ère Brigade des Gardes par le biais de mon

 17   ordre, j'ai souhaité de faire en sorte que les unités de l'ensemble de la

 18   zone de la brigade et de la région soient sécurisées, de même que le

 19   commandement, que l'on héberge mieux les unités, puisqu'elles étaient

 20   jusqu'à ce moment-là stationnées dans des locaux pas appropriés, dans des

 21   étables, et ainsi de suite, et puisque la caserne était vidée, une partie

 22   de mes unités y a été transférée. C'était le cas de toutes les autres

 23   unités. Là où les conditions étaient meilleures, c'est là que je les ai

 24   placées.

 25   Q.  Est-ce que cet ordre a également été adressé à l'unité de la Défense

 26   territoriale ?

 27   R.  Je ne vois pas en bas que ceci avait été envoyé. Mais puisqu'on

 28   mentionne ici l'état-major de la Défense territoriale de Vukovar, je


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  1   suppose que ceci leur a été adressé à eux aussi.

  2   Q.  Et aux volontaires ?

  3   R.  Non, pas particulièrement mais seulement à l'état-major de la Défense

  4   territoriale de Vukovar.

  5   M. FERRARA : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

  6   dossier de ce document.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : -- un numéro.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P605, Monsieur le Président.

  9   M. FERRARA : [interprétation] Je n'ai pas de questions à poser au sujet du

 10   document numéro 65 ter 709 qui est joint à la déclaration du témoin parce

 11   que cette pièce a déjà été versée au dossier sous la cote P41, je le

 12   précise pour le compte rendu.

 13   Une dernière question au sujet du dernier document, numéro 65 ter 701,

 14   j'aimerais qu'il s'affiche à l'écran, 701 sur la liste 65 ter.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Une correction. La pièce que nous

 16   venons de verser au dossier porte en réalité la cote P606.

 17   M. FERRARA : [interprétation] Madame la Greffière, pouvez-vous afficher à

 18   l'écran la pièce 701 sur la liste 65 ter.

 19   Q.  Mon Colonel, qu'est-ce que ce document ?

 20   R.  C'est un document du Groupe opérationnel sud en date du 20 novembre,

 21   qui concerne la question de la resubordination. C'est un ordre où il est

 22   écrit afin d'unifier le commandement pour les activités à venir,

 23   resubordonner le bataillon blindé le 544e Bataillon blindé à la 80e Brigade

 24   motorisée. Toutes les questions concernant la resubordination seront

 25   régulées par le commandement de la 80e Brigade motorisée jusqu'à nouvel

 26   ordre. Le 544e Bataillon blindé et Brigade motorisée accomplira les tâches

 27   conformément à la décision du 16 novembre 1991. Si mes souvenirs sont bons,

 28   ceci concernait le transfert de la région de Jakobovac à un autre endroit,


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  1   à l'endroit de la resubordination.

  2   Q.  Est-ce que cette resubordination avait eu lieu également pour les

  3   membres de la Défense territoriale et pour les volontaires ?

  4   R.  Ce n'est pas écrit dans cet ordre-là.

  5   Q.  Savez-vous si cela a eu lieu, même si ça ne figure pas dans cet ordre-

  6   ci, est-ce que ça a eu lieu, grâce à un autre ordre peut-être ?

  7   R.  Non, je ne peux pas affirmer qu'ils étaient affectés car ici il est

  8   clairement indiqué que le bataillon blindé allait commencer à faire partie

  9   de mes troupes, et c'est ce qui s'est passé.

 10   Q.  Je souhaiterais demander le versement au dossier.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P607.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 13   M. FERRARA : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au témoin.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : On fait une pause de 20 minutes. Et puis après la

 15   pause, j'aurai une série de questions à poser au témoin.

 16   Donc nous faisons une pause de 20 minutes.

 17   --- L'audience est suspendue à 17 heures 54.

 18   --- L'audience est reprise à 18 heures 13.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 20   Mon Colonel, j'ai quelques questions qui vont être articulées en deux

 21   temps. Le premier temps, c'est la question des volontaires, et le deuxième

 22   temps, c'est ce que vous, vous aviez vu à Ovcara.

 23   Questions de la Cour :

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la question des volontaires que vous avez

 25   vus, vous, arriver dans la zone à l'époque, saviez-vous que les

 26   volontaires, c'était prévu dans la loi de l'époque de l'ex-Yougoslavie où

 27   quelqu'un pouvait être mobilisé dans la JNA, mais s'il n'était pas mobilisé

 28   dans la JNA, il pouvait se déclarer volontaire. Le saviez-vous ?


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  1   R.   Je pense que les volontaires pouvaient se regrouper, et en tant que

  2   tels, ils pouvaient commencer à faire partie de façon organisée de la JNA

  3   et agir sous son commandement.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous savez, on a vu beaucoup de témoins jusqu'à

  5   présent, dont des volontaires. Certains ont pu dire qu'ils étaient

  6   volontaires par répulsion de la JNA qui, à leurs yeux, symbolisait l'ancien

  7   système communiste, et qu'entrer dans la JNA ça voulait dire continuer le

  8   système communiste, alors qu'eux, en tant que volontaires, ils étaient soit

  9   monarchistes, soit libéraux, soit X, Y ou Z. Certains soutiennent qu'ils

 10   voulaient bien se battre pour la patrie, pour leur pays, mais pas sous

 11   l'étiquette JNA, mais sous l'étiquette volontaire. 

 12   Qu'est-ce que vous pensez de ceux qui disent cela ?

 13   R.  Je pense qu'il y avait les deux cas. La plupart faisaient partie de la

 14   JNA et étaient placés sous son commandement, et dans une moindre mesure, il

 15   y avait les autres aussi, ceux qui ne voulaient pas être subordonnés et ils

 16   se sont peut-être auto-organisés. Mais dans le secteur de Vukovar, je ne

 17   suis pas au courant du fait qu'il y aurait eu de tels groupements, mais je

 18   sais que ça existait ailleurs.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors votre réponse vient d'amener ma question

 20   suivante. Est-il possible, dans le fonctionnement de la JNA, que la JNA

 21   puisse participer à des combats militaires sans avoir le contrôle d'unités

 22   qui combattent également avec eux. Est-ce qu'en termes militaires, c'est

 23   possible ou impossible ? Et je m'adresse à un colonel de la JNA, donc à un

 24   professionnel.

 25   R.  Les volontaires qui faisaient partie de la JNA s'acquittaient de leurs

 26   tâches conformément au commandement, ils recevaient les ordres de leurs

 27   supérieurs, et ils s'acquittaient de leurs tâches non pas de manière

 28   indépendante, mais ils étaient impliqués avec les autres dans le cadre des


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  1   opérations de combat et coopéraient avec les autres.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous savons qu'il y avait des unités de volontaires,

  3   ne serait-ce que Leva Supoderica. Sur le plan du commandement, est-il

  4   possible qu'une unité de volontaires puisse agir sur le terrain de manière

  5   -- sur le terrain, de manière autonome par rapport à la chaîne de

  6   commandement ? Etait-ce envisageable et techniquement possible ?

  7   R.  En règle et en principe, cette unité Leva Supoderica était subordonnée

  8   aux unités de la JNA. Je n'exclus pas la possibilité qu'il y avait de

  9   petits groupes qui ne faisaient pas partie de la JNA, qui étaient

 10   indépendants, et de tels groupes étaient condamnés  et mal vus par tout le

 11   monde.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous dites que vous n'excluez pas qu'il y ait

 13   des petits groupes qui agissaient de manière indépendante, c'est ce que

 14   vous dites, mais ceux-ci étaient condamnés. Imaginons que dans votre zone

 15   de commandement, vous constatez qu'il y a des individus qui n'obéissent

 16   pas. Qu'est-ce que vous faites, en tant que commandant de cette zone ?

 17   Qu'est-ce que vous faites pour mettre terme à cela ?

 18   R.  Dans mon unité, il n'y a pas eu de tels exemples, et si ceci avait été

 19   le cas, ils auraient été éloignés de la région.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Très bien. Au moins vos réponses sont précises.

 21   Au niveau de Vukovar, avant que vous preniez le commandement en décembre,

 22   donc avant, qui était sur place le commandant en chef, le responsable

 23   numéro un ?

 24   R.  La personne la plus responsable à Vukovar pendant que j'y étais était

 25   le commandant du Groupe opérationnel sud.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Et qui était le commandant du Groupe opérationnel

 27   sud ?

 28   R.  Le commandant du Groupe opérationnel sud, à l'époque, était le colonel


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  1   Mile Mrksic.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le commandant du Groupe opérationnel sud

  3   avait-il l'habitude de réunir ses officiers subordonnés pour préparer des

  4   opérations militaires pour ensuite faire un débriefing après une opération

  5   militaire ? Est-ce que c'était une technique militaire utilisée ?

  6   R.  C'était la hiérarchie militaire, c'étaient les subordonnés de Mrksic

  7   qui venaient aux réunions de Mrksic, et ils recevaient leurs tâches et

  8   missions, ensuite ils avaient leurs propres subordonnés auxquels ils

  9   donnaient des tâches et des missions, et s'agissant de cette tâche, je

 10   suppose qu'ils appliquaient aussi les unités de la Défense territoriale et

 11   les unités de volontaires qui faisaient partie de la JNA, je suppose.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous-même, est-ce que vous avez été à des réunions

 13   tenues par le colonel Mrksic ?

 14    R.  Oui.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quand il y a eu la chute de Vukovar et la

 16   prise de contrôle par la JNA de Vukovar, à votre souvenir, est-ce qu'il y a

 17   eu des réunions préparatoires avant que les Croates se rendent ? Est-ce

 18   qu'il y a eu des réunions afin de mettre fin au siège de Vukovar et est-ce

 19   que vous, vous avez participé à ces réunions, c'est-à-dire mettre fin au

 20   siège par des opérations militaires X, Y ou Z, et ensuite, savoir ce que

 21   l'on devait faire des prisonniers ? Est-ce qu'il y a eu ou pas ce type de

 22   réunions ?

 23   R.  Les réunions se tenaient de façon régulière. Mon unité ne participait

 24   pas directement aux opérations de combat. Le commandant donnait des tâches

 25   à ses unités subordonnées concernant des missions concrètes, par exemple,

 26   le fait de s'emparer d'une rue ou d'une partie de la ville, et ainsi de

 27   suite.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Vous me dites que votre unité et vous-même,


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  1   vous n'avez pas été impliqués directement dans la gestion de la chute de

  2   Vukovar, parce que vous ne participiez pas aux combats et vous n'aviez pas

  3   de mission pour accompagner tout ce qui allait suivre la prise de Vukovar ?

  4   Vous n'avez pas été concerné par cela ?

  5   R.  Nous n'étions pas au courant, nous ne savions pas que l'action en

  6   question allait être menée, concrètement parlant, s'agissant de chacune des

  7   unités, mais j'ai assisté à la réunion lorsque le commandant confiait des

  8   tâches aux unités différentes concernant les parties de la ville

  9   différentes, les quartiers différents, les rues différentes, comment il

 10   fallait les capturer. On essayait de trouver la manière dont ces opérations

 11   et ces actions de combat devaient être menées.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : J'allais passer à une autre question, mais comme

 13   vous venez de dire quelque chose, j'embraye dessus.

 14   Vous avez dit que vous aviez participé à des réunions où était décidé

 15   comment capturer les ennemis, les Croates. Dans votre souvenir, est-ce que

 16   dans ce type de réunions, le colonel Mrksic disait à ses officiers : Il

 17   faut respecter les conventions de Genève sur les prisonniers conformément

 18   aux textes qui régissaient le droit de la guerre et la mise en œuvre par la

 19   JNA ? Est-ce que le colonel Mrksic a rappelé à ses officiers l'importance

 20   des conventions de Genève sur les prisonniers ?

 21   R.  Je peux dire que je n'ai pas assisté lorsqu'il a été question du fait

 22   de capturer les Croates ou des membres des forces armées croates, mais ce

 23   qui est sûr, c'est que le colonel Mrksic attirait l'attention sur les

 24   dispositions des conventions de Genève et le traitement des prisonniers. En

 25   fait, chaque officier avait un manuel sur lui des conventions de Genève

 26   concernant le traitement des prisonniers de guerre.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maintenant, je vais passer au deuxième temps

 28   fort de mes questions, qui est Ovcara.


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  1   Il semble, d'après ce que vous dites, que vous êtes passé là par

  2   hasard. Vous pouvez nous expliquer qu'est-ce que vous faisiez là, à

  3   proximité de ce lieu ?

  4   R.  J'allais à Sotin, c'est là que j'avais une de mes unités, un

  5   commandement, et je me rendais là-bas pour les voir, et en rentrant je

  6   voulais aussi me rendre au commandement qui devait être situé à Ovcara. Et

  7   c'est la première fois que j'ai vu que les cars venaient et qu'ils

  8   s'arrêtaient devant le hangar. Je ne comprenais pas d'où venaient ces

  9   personnes, qui ils étaient. Par conséquent, je ne me suis même pas arrêté

 10   auprès du commandant de l'unité à laquelle je me rendais, mais je suis allé

 11   immédiatement devant le hangar pour voir de quoi il s'agit. J'y ai vu

 12   plusieurs cars. J'y ai vu --

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : -- parce que vous avez dit un petit détail qui peut

 14   être important, qui passe très vite, mais comme moi, rien ne m'échappe, je

 15   vois tout de suite l'intérêt.

 16   Vous avez dit que vous avez été à Sotin, et puis après, vous êtes

 17   revenu à Ovcara parce que pour vous il y avait le commandement qui avait

 18   été déployé à Ovcara. Est-ce à dire qu'il avait été décidé par l'autorité

 19   supérieure qu'à Ovcara, il y avait un poste de commandement qui allait être

 20   localisé là, et que vous le saviez ?

 21   R.  Non. Mon unité a été déployée à Sotin. Il y avait un commandement là-

 22   bas et un autre à Ovcara. Au début, ce n'était pas prévu là-bas, mais en

 23   raison d'autres problèmes, j'ai décidé de les placer à Ovcara, et ils y

 24   sont restés en accord avec l'organe du commandement supérieur.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voyez, vous venez de rajouter quelque chose

 26   d'important. C'est vous qui avez décidé de mettre en place un commandement

 27   à Ovcara. Et alors, mon collègue - et moi-même, j'allais vous poser la

 28   question - vous pose la question à quel moment, à quelle date exacte, vous


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  1   avez mis, vous, en place un commandement à Ovcara ? Quelle date exactement

  2   ?

  3   R.  Nous ne l'avons pas installé particulièrement, mais suite à un ordre

  4   général, dans toutes les municipalités et villages, il y avait un poste de

  5   commandement, et mes officiers avaient pour tâches d'aider les gens dans

  6   les villages, les organiser, les aider à se protéger, à utiliser l'eau et

  7   résoudre d'autres problèmes. C'est la raison pour laquelle cet officier a

  8   été installé à Ovcara. C'était dans ce but-là. En fait, il s'agit de la

  9   sécurité des alentours appliquée par l'armée dans toutes les conditions.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : C'était qui l'officier responsable à Ovcara que

 11   vous, vous aviez installé là. Qui ?

 12   R.  Il me semble que cet officier qui était responsable ne souhaite pas que

 13   l'on cite son nom. Il s'est déjà présenté ici, et il était protégé, donc on

 14   sait de qui il s'agit.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Donc vous ne donnez pas son nom. Cet

 16   officier, il y avait des soldats avec lui ? Ils étaient combien ? Combien

 17   étaient-ils ?

 18   R.  Il avait peut-être six ou sept soldats avec lui au sein de ce poste de

 19   commandement, des soldats chargés de la liaison

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voyez les bus, vous voyez les gens, les haies,

 21   et vous les voyez maltraiter, et donc vous intervenez, vous rentrez à

 22   l'intérieur du bâtiment. Pouvez-vous nous dire, qu'est-ce que vous avez vu

 23   à l'intérieur ?

 24   R.  A l'intérieur de ce bâtiment, de ce hangar, se trouvaient des personnes

 25   dont j'ignorais d'où elles venaient, et tout cela avait été fait sans la

 26   connaissance de mon commandement et sans ma connaissance. Il y avait une

 27   corde qui installait une séparation entre ces gens et les membres de la

 28   Défense territoriale. Je me suis approché d'un officier du commandement à


Page 11476

  1   qui j'ai demandé qui étaient ces personnes, et c'est alors, pour la

  2   première fois, que j'ai appris qu'il s'agissait de prisonniers qui avaient

  3   été amenés de l'hôpital. Ils étaient soumis à des mauvais traitements. Ils

  4   étaient maltraités au moment où ils entraient dans le hangar. On les

  5   frappait. On les insultait. On les frappait du pied.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : -- qu'il me vient tout de suite. Il y a votre

  7   officier avec six ou sept soldats qui est là. C'est un poste de

  8   commandement que vous, vous avez installé. Si la JNA avait contrôlé toute

  9   l'opération, à savoir les prisonniers évacués de l'hôpital vont être à

 10   Ovcara pendant un certain temps, donc ça entraîne des problèmes

 11   logistiques, des problèmes de sécurité, et cetera. Est-ce que dans le

 12   canevas militaire vous auriez dû être averti puisque vous aviez, vous-même

 13   -- enfin, "vous-même," votre unité, un poste de commandement. Est-ce que,

 14   dans le cadre d'une opération classique militaire, vous auriez dû être

 15   avisé ?

 16   R.  Je n'ai pas participé à cette action ni à sa préparation, ni à son

 17   organisation, ni à sa mise en œuvre, ni moi-même, ni mon commandement, ni

 18   mon unité n'ont été impliqués. Ce type d'action pouvait être conduit sans

 19   que personne ne soit au courant, et je suppose que pour préserver la

 20   confidentialité, nous n'avons pas été informés de cela. Mais lorsque je me

 21   suis rendu sur place, j'ai découvert cette action.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez découvert cela, qu'est-ce que vous

 23   vous êtes dit tout de suite ? Qu'est-ce qui vous est venu à l'esprit en

 24   tant que militaire responsable sur place ? Qu'est-ce que vous vous êtes dit

 25   ?

 26   R.  J'ai tout d'abord été surpris de ne pas avoir été informé de la

 27   situation qui prévalait et des ces événements. J'étais, malgré tout,

 28   commandant de brigade. Mes postes de commandement se trouvaient à proximité


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  1   immédiate de l'endroit. J'avais pris des mesures visant à protéger ces

  2   personnes, et j'ai informé mon supérieur de tout ce que j'ai vu.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : -- l'information du colonel Mrksic. Vous voyez ce

  4   qui se passe à l'intérieur - on ne va pas rentrer dans les détails, on les

  5   connaît, puis vous les avez indiqués.

  6   Vous ressortez du bâtiment. Avez-vous vu, à ce moment-là, des membres

  7   de la police militaire ? Est-ce que vous en avez vus ?

  8   R.  Cela s'est passé de la façon suivante : il y avait des soldats qui

  9   portaient des éléments d'uniforme, mais étaient-ils membres de la police

 10   militaire ou non, je ne le sais pas, car tous n'appartenaient pas à des

 11   unités de ma brigade. Mais une partie des membres de ma propre police

 12   militaire est venue ultérieurement afin de contribuer à la restauration de

 13   l'ordre.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Les gens qui étaient là, il semble qu'il y

 15   avait des éléments de la JNA, des membres de la Défense territoriale, des

 16   civils - on se demande ce qu'ils faisaient là - et des volontaires. Est-ce

 17   que vous confirmez qu'il y avait les personnes que je viens d'énumérer. Je

 18   les redis très lentement : des membres de la JNA, des membres de la Défense

 19   territoriale de Vukovar, des volontaires et des civils. Est-ce bien ces

 20   quatre catégories que vous avez vues ?

 21   R.  Je peux confirmer tout cela à ceci près, que je ne savais pas à

 22   l'époque qu'il existait là des volontaires. Ils étaient tous habillés

 23   d'uniforme composite de la Défense territoriale, il y avait plusieurs

 24   éléments d'uniforme qui étaient mélangés et il était difficile de les

 25   distinguer les uns des autres. Il y avait des membres de la JNA, il y avait

 26   des civils portant toutes sortes de vêtements, des éléments d'un ou de

 27   l'autre uniforme. Il n'était pas clair à qui ils appartenaient.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Les civils, ils venaient d'où ? Ils sortaient des


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  1   caves où ils s'étaient réfugiés pendant quelque temps ? Ils venaient des

  2   villages avoisinants ? Qu'est-ce qu'ils faisaient là ces civils, si vous

  3   pouvez répondre ?

  4   R.  Vous pensez aux civils ?

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Les civils que vous avez vus. D'où venaient-

  6   ils, ces civils ?

  7   R.  Il me semble qu'il s'agissait de civils des environs, qui provenaient

  8   de la zone de l'hôpital et qui étaient originaires des villages

  9   environnants qui sont venus voir ce qui se passait et qui sont venus

 10   participer également à l'action.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous qui étiez présent sur les lieux, on a entendu

 12   également des victimes qui étaient là, donc on a beaucoup d'éléments, déjà,

 13   d'information.

 14   Vous, vous étiez présent. D'après vous, dans votre souvenir, quel était le

 15   climat ? Etait-ce un climat d'anarchie totale, de chaos, ou tout ça vous

 16   semblait très bien organisé ?

 17   R.  Je pense que cela était organisé. Tout cela était organisé à partir

 18   déjà du moment où les personnes ont été emmenées de l'hôpital et amenées au

 19   hangar. Dans le hangar, la situation était très complexe. Les personnes

 20   étaient frappées, maltraitées, insultées. Certains se connaissaient et

 21   s'appelaient par leur prénom. Et la situation qui prévalait dans le hangar

 22   lui-même était complexe.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Que ça ait été organisé pour transporter d'une

 24   point A à un Point B des prisonniers, oui, il faut une organisation. Mais

 25   dans le sens que j'emploie "organisé," est-ce que les mauvais traitements,

 26   les coups, tout ça était organisé, ou bien était-ce un déchaînement

 27   collectif des gens qui étaient là et qui se vengeaient sur les prisonniers

 28   ? Quelle analyse faites-vous, quelle analyse avez-vous faite à l'époque, et


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  1   puis maintenant ?

  2   R.  Je ne pense pas que cela ait été organisé pour ce qui concerne des

  3   mauvais traitements et des coups que les personnes ont reçus. Il n'y avait

  4   pas d'ordres donnés dans ce sens. Il y avait des actions individuelles de

  5   la part d'individus qui étaient pleins de ressentiment, mais qui étaient

  6   complètement désabusés et qui avaient des griefs, des griefs mutuels. Mais

  7   il n'y avait pas d'ordres en ce sens pour que l'on procède ainsi avec les

  8   prisonniers, mais c'est ainsi que cela s'est passé.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est votre sentiment profond, ce que vous venez de

 10   dire ?

 11   R.  Oui, je suis profondément persuadé de cela. Je ne peux pas apporter mon

 12   soutien à ce type de mauvais traitements, au fait que des personnes soient

 13   battues et que ces personnes ne puissent pas opposer de résistance, mais --

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous passez à votre commandant d'abord ?

 15   Est-ce que vous voyez l'officier qui est là avec ces six ou sept soldats de

 16   votre unité ? Est-ce que vous allez le voir ?

 17   R.  Non, je ne suis pas allé le voir, car lui, dès qu'il m'a vu, il

 18   m'attendait, à vrai dire. Il m'attendait pour m'informer de l'état de son

 19   unité. Je ne suis pas resté auprès de lui et je me suis rendu directement

 20   sur les lieux, parce qu'il y avait là beaucoup de monde et je voulais voir

 21   ce qui se passait. Et lui, il s'est rendu auprès de moi, il est venu tout

 22   seul et il m'a apporté son aide, il s'est efforcé de nous protéger, de se

 23   protéger lui-même, moi-même, et dans la mesure du possible, les

 24   prisonniers.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Et les six ou sept soldats de votre unité, où

 26   étaient-ils, eux ?

 27   R.  Ils sont venus avec leurs supérieurs et apportaient leur aide dans la

 28   mesure du possible afin d'éviter les excès. Ils étaient spectateurs de ce


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  1   qui se passait.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous remontez dans votre voiture ?

  3   R.  Oui, je suis monté dans le véhicule.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Une question : est-ce que vous aviez un Motorola,

  5   téléphone, des moyens de communication avec le

  6   commandement ?

  7   R.  Non, je n'en avais pas à ce moment-là, car je ne m'attendais pas à ce

  8   que de tels événements puissent se produire.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc vous n'avez pas de moyen de communication

 10   ? Alors, vous allez aller --

 11   R.  Je n'en avais pas.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, Qu'est-ce que vous faites ? Quand vous quittez,

 13   c'est quelle heure ?

 14   R.  J'ai quitté cet endroit à un moment où il était déjà temps pour moi de

 15   rendre mon rapport. J'ai informé mon supérieur de la situation à Ovcara, de

 16   ce dont j'avais été témoin et de la surprise qui avait été la mienne.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : -- quitté Ovcara ? A quelle heure ?

 18   R.  Je ne peux pas maintenant être très précis quant à l'heure exacte où

 19   cela s'est passé, dans cette situation-là personne ne regardait de près

 20   quelle heure il était, mais ils s'efforçaient de faire quelque chose, de

 21   venir en aide à ces personnes. Je sais que lorsque je suis parti il faisait

 22   déjà nuit quand j'ai rejoint Mrksic.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous allez tout de suite au commandement et vous

 24   rencontrez le colonel Mrksic, alors, là c'est important, vous imaginez

 25   bien.

 26   R.  Oui.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Je présume que les questions que je vous pose, on a

 28   dû vous les poser à Belgrade lors du procès, et je pense que dans l'affaire


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  1   Mrksic, on a dû vous poser des questions. Mais comme moi, je n'ai ni le

  2   compte rendu de ces procès, donc je vous pose des questions. On vous a

  3   certainement posé les mêmes questions.

  4   Expliquez-nous maintenant. Vous rencontrez le colonel Mrksic. Et là, c'est

  5   très important, ce que vous allez dire. Qu'est-ce que vous lui dites et

  6   qu'est-ce qu'il va vous dire ?

  7   R.  Je suis entré chez le colonel Mrksic, au poste de commandement. J'avais

  8   un peu de retard à cause des événements dont j'avais été témoin. Je m'y

  9   suis attardé un peu plus longtemps. Et je l'ai informé de la situation à

 10   Ovcara, quels actes y étaient commis, la façon dont les prisonniers étaient

 11   battus et tout le reste également. Et ce qu'il m'a dit, c'est la chose

 12   suivante : "Ne me parle pas de cela." Et ce que j'ai compris, sur la base

 13   de sa réponse, c'est qu'il avait connaissance de la situation à Ovcara et

 14   qu'il savait de quelles personnes il s'agissait.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous dit : "Ne me parle pas de cela." Vous vous

 16   tutoyiez, vous vous connaissiez bien avec le colonel

 17   Mrksic ? Vous étiez amis à l'époque, ou bien il vous dit : "Ne me parlez

 18   pas de cela" ? Ce n'est pas la même chose. Est-ce que vous aviez un lien

 19   d'amitié avec le colonel Mrksic ou bien un lien professionnel ?

 20   R.  J'avais un lien professionnel avec lui. En tant que commandant, un

 21   officier supérieur unique pouvait être commandant d'une brigade. Et il me

 22   l'a dit à ce moment-là, en particulier, en me tutoyant et non pas en me

 23   vouvoyant : "Ne me parle pas de cela."

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous dit ça en vous tutoyant. Alors, vous

 25   entendez ça de votre supérieur, et vous savez qu'il est en train de se

 26   passer des choses --

 27   R.  Oui.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : -- que le code militaire interdit. Qu'est-ce que


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  1   vous vous dites ?

  2    R.  A ce moment-là, je ne savais pas exactement ce qui était en train de

  3   se passer, mais j'ai compris qu'il en avait connaissance, que le transport

  4   de ces personnes à Ovcara avait été organisé et qu'il était au courant, car

  5   si la situation avait été différente il m'aurait certainement demandé de

  6   quoi il s'agissait, qu'est-ce qui se passait là-bas. Or, il ne m'a rien dit

  7   dans ce sens, mais a juste

  8   dit : "Ne me parle pas de cela."

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quand il vous dit "ne me parle pas de cela,"

 10   est-ce à dire que lui assumait toute la responsabilité ou bien il était au

 11   courant mais complètement débordé par les civils, la Défense territoriale,

 12   les éléments, les volontaires X, Y ou Z ? Est-ce que vous avez eu le

 13   sentiment qu'il contrôlait la situation, puisque c'était lui le numéro un

 14   du Groupe opérationnel sud, ou bien il était totalement dépassé par la

 15   situation ?

 16   R.  Je pense qu'il avait connaissance de cette situation, car il disposait

 17   de ses propres organes de commandement au hangar. Mais il ne savait

 18   probablement pas à quel point les choses allaient dériver et échapper au

 19   contrôle à ce moment-là.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans une situation pareille - je ne vais pas vous

 21   lire tous les articles du code militaire mais je pourrais le faire, mais je

 22   vais tout de suite à l'essentiel - dans une situation pareille où le

 23   subordonné informe le supérieur de l'existence d'une situation grave et que

 24   le supérieur manifestement ne fait rien, que doit faire l'officier de la

 25   JNA par rapport au code militaire de l'époque ? Alors, je ne dis pas ça

 26   pour vous mettre en difficulté, comprenez-le bien, mais je veux de votre

 27   part une réponse technique et militaire.

 28   R.  Je pense que mon comportement était conforme au comportement


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  1   professionnel d'un officier. J'ai informé mon supérieur de la situation que

  2   j'ai trouvée sur les lieux, et lui avait pour devoir de faire suivre cette

  3   information, d'informer son propre supérieur des éléments dont il avait

  4   pris connaissance.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la chaîne de commandement, quand un subordonné

  6   constate que son supérieur est incapable d'accomplir sa mission ou commet

  7   un crime, est-ce que le subordonné n'a pas l'obligation d'en référer à

  8   l'échelon supérieur, et au-dessus du colonel Mrksic quel était l'échelon

  9   supérieur ?

 10   R.  Son supérieur était le général Zivota Panic. C'est le commandant de la

 11   1ère Région militaire. Notre groupe de sécurité qui était détaché sur place

 12   a été informé par la ligne des services de sécurité, et il s'agissait d'un

 13   groupe qui surveillait l'ensemble de la situation en Slavonie.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc général Panic a été informé par la chaîne du

 15   service de sécurité de ce qui se passait. Vous, vous n'avez pas estimé

 16   utile d'aller vous-même voir le général Panic ?

 17   R.  Non, cela n'a pas été le cas. Je n'étais pas au courant de ce qui était

 18   prévu, de ce qui était prévu concernant ces personnes, quel sort avait été

 19   prévu pour elles, car à l'époque personne ne pouvait prévoir qu'il se

 20   produirait ce qui s'est produit.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : On voit très bien ce qu'a pu se passer. Maintenant,

 22   votre officier qui était présent à Ovcara avec les six ou sept soldats qui

 23   étaient restés, est-ce qu'ils vous ont dit après que les personnes qui

 24   étaient dans le hangar ont quitté le hangar et ont été emmenées par groupes

 25   de 20 dans un tracteur, et que le hangar s'est vidé au fil du temps ? Est-

 26   ce que vos subordonnés vous ont raconté cela ?

 27   R.  Aucun de mes officiers de commandement ou de mes hommes qui étaient

 28   présents à ce moment-là, au moment où les personnes ont été emmenées hors


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  1   du hangar n'ont assisté à cela, car ce poste de commandement était près du

  2   hangar mais il n'était pas si près que cela. En réalité, c'était une

  3   distance d'à peu près 800 mètres et il faisait nuit, si bien que personne

  4   n'a pu voir cela.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais passer pendant quelques instants à huis

  6   clos. Madame la Greffière.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  8   Monsieur le Président.

  9   [Audience à huis clos partiel]

 10  (expurgé)

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 26   [Audience publique]

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez entendu dire. Il faudra nous dire à quel

 28   moment qu'il y avait eu des exécutions dans le hangar. A quel moment avez-


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  1   vous entendu dire cela ?

  2   R.  Je ne l'ai pas vu, mais j'en ai entendu parler des avocats lors de

  3   procédures d'instruction. Il s'agissait d'équipes de Défense avec

  4   lesquelles j'ai coopéré entièrement.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous avez pris votre commandement à Vukovar

  6   en décembre. Donc quelques jours après, puisque les événements, c'est --

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Quand vous prenez votre commandement, personne

  9   ne vous dit, ou la rumeur vient à vos oreilles qu'il y a eu des exécutions

 10   quand vous prenez votre commandement ?

 11   Et d'ailleurs, comprenez ma question. Je ne veux pas vous mettre en

 12   difficulté. Je ne veux pas vous mettre en difficulté. C'est très facile

 13   pour un Juge de mettre quelqu'un en difficulté. Je ne joue pas ce jeu. Donc

 14   je vous pose des questions tout à fait neutres, mais je me pose la question

 15   suivante.

 16   Vous prenez votre commandement dix jours après le 20 novembre. Nous savons

 17   que le 20 novembre, vous avez indiqué au colonel Mrksic ce qui s'était

 18   passé. Quand vous prenez votre commandement dix jours après, vous ne vous

 19   posez pas la question de savoir ce que sont devenus ces détenus ?

 20   R.  Je dois dire qu'après cette date et jusqu'au départ de la brigade

 21   motorisée à Belgrade, nous nous rendions quotidiennement en rapport, et au

 22   sein du commandement personne ne parlait de cela. J'ai été informé

 23   ultérieurement des événements, et cela, j'en ai été informé de la part de

 24   civils, de citoyens, et non pas du commandement de ma propre brigade. Je

 25   l'ai appris de civils de Negoslavci, par exemple. J'ai entendu ainsi parler

 26   de ce qui s'était passé. J'ai entendu dire de la part du commandement

 27   supérieur, et cela ultérieurement, qu'il y aurait une équipe d'enquête et

 28   d'experts qui se rendrait sur les lieux. Et dans la mesure où cela a été


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  1   dit et que tout cela avait déjà prévu, y compris une action en justice,

  2   d'un procureur, je ne pouvais pas en faire plus.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous rendez compte au colonel Mrksic tout de suite

  4   de ce que vous avez vu. Nous savons que vous avez un officier présent sur

  5   place avec des soldats. Malgré le fait que le colonel Mrksic ne fait rien

  6   et vous dit de ne pas vous occuper de cela, vous n'avez pas eu la curiosité

  7   intellectuelle de téléphoner à votre officier pour lui dire, "Bon, est-ce

  8   que ça c'est calmé ? Qu'est-ce qui s'est passé ?" Vous n'avez pas fait cela

  9   ?

 10   R.  Lorsque j'ai informé mon supérieur, j'ai envoyé un de mes officiers

 11   pour qu'il surveille la situation. Je ne me suis pas calmé. Je lui ai

 12   demandé d'observer la situation et de m'informer de la situation. Il m'a

 13   dit que la situation était complexe, que les soldats qui étaient là-bas

 14   étaient éloignés et qu'ils n'avaient aucune influence, car il y avait quand

 15   même un grand groupe de personnes armées de l'autre côté, et eux, ils

 16   n'obéissaient à personne.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Il est 19 heures. Il faut que je termine. On

 18   continuera donc demain. Demain matin, nous commencerons à 8 heures 30.

 19   J'aurai quelques questions finales à vous poser. Je pense que mes collègues

 20   auront également des questions, et peut-être que M. le Procureur aura des

 21   questions supplémentaires certainement.

 22   Donc, Monsieur, vous allez revenir demain à 8 heures 30. Ça ne sera pas

 23   très long parce que nous avons un témoin après vous. Donc rassurez-vous,

 24   l'audience se terminera pour vous demain matin. Mais vous avez prêté

 25   serment de dire la vérité. Donc maintenant, vous êtes un témoin de la

 26   justice, ce qui veut dire que vous n'avez pas de contact avec le bureau du

 27   Procureur, et également je vous conseille de ne téléphoner à personne, sauf

 28   aux membres de votre famille. Ne relatez pas comment se passe l'audience,


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  1   et cetera. Vous restez tranquillement dans votre chambre d'hôtel en évitant

  2   tout contact avec quiconque, sauf, bien entendu, les membres proches de

  3   votre famille.

  4   Monsieur Ferrara, vous voulez dire quelque chose ? Non. Bien. Donc voilà.

  5   Alors, comme vous le savez, nous savons d'audience demain matin. Nous

  6   reprendrons donc à 8 heures et demie demain matin et dans cette salle

  7   d'audience d'ailleurs. Et d'ici là, je souhaite à tout le monde une bonne

  8   fin de soirée.

  9   --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le jeudi 6 novembre

 10   2008, à 8 heures 30.

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