Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 2 décembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro

  6   de l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes

  8   dans le prétoire. Il s'agit de l'affaire

  9   IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

 10   Merci, Madame, Messieurs les Juges.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 12   En ce 2 décembre 2008, je salue les représentants de l'Accusation, M.

 13   Mundis, Mme Biersay et leurs collaboratrices, et je salue M. Seselj et

 14   toutes les personnes qui nous assistent.

 15   Avant de donner la parole aux uns et aux autres, la Chambre va faire part

 16   de ceci : je vais lire lentement. Ça concerne les observations du greffe

 17   sur les suites données à la décision de la Chambre de première instance

 18   relatives aux communications privilégiées de l'accusé.

 19   A la suite de la décision de la Chambre relative aux communications

 20   privilégiées de l'accusé, enregistrées à titre confidentiel le 27 novembre

 21   2008, le greffe a enregistré publiquement le 1er décembre 2008 des

 22   observations dans lesquelles il informe la Chambre que dans l'attente des

 23   directives qu'il recevra du Président du Tribunal, qu'il a saisi le 1er

 24   décembre 2008 :

 25   Premièrement, il a décidé d'autoriser temporairement des

 26   communications confidentielles entre l'accusé et M. Boris Aleksic, désigné

 27   comme faisant partie de l'équipe de la Défense de l'accusé depuis le 24

 28   septembre 2008;

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  1   Deuxièmement, il envisage d'autoriser temporairement que l'accusé

  2   puisse recevoir des télécopies de manière confidentielle de la part de son

  3   équipe de la Défense depuis Belgrade. La Chambre a exprimé au greffier le

  4   souhait que cette dernière mesure qu'il envisage de prendre soit mise en

  5   œuvre le plus rapidement possible pour permettre à l'accusé de préparer

  6   efficacement le contre-interrogatoire des témoins à charge.

  7   La Chambre se réjouit des suites données par le greffier à

  8   l'invitation qui lui a été adressée par la Chambre dans sa décision du 27

  9   novembre 2008, et espère que la question des communications privilégiées

 10   sera résolue de façon définitive le plus rapidement possible et dans le

 11   respect des droits de la Défense.

 12   Voilà ce que la Chambre tenait à indiquer.

 13   Monsieur Seselj, je sais que vous vouliez intervenir et je vous donne

 14   la parole.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a une nouveauté, Monsieur le Président,

 16   pour ce qui est de cette lettre adressée par le greffier à mon intention.

 17   On vous a fait une concession, me semble-t-il, on vous a dit que je pouvais

 18   recevoir sous forme confidentielle des télécopies de la part de mes

 19   collaborateurs. Mais de qui dois-je les recevoir, le greffier ne le dit

 20   pas. Comment puis-je recevoir une télécopie si je ne demande pas un

 21   télécopieur, si je ne demande pas à mon collaborateur de s'entretenir avec

 22   un tel et de prendre une déclaration, et lorsqu'il recueille cette

 23   déclaration, il faut qu'il l'oriente dans telle direction ou dans telle

 24   direction ? Parce que les déclarations et les fax, ça ne tombe pas du ciel,

 25   c'est complètement dénué de sens.

 26   Je n'accepte pas, je n'accepte pas que le greffier du Tribunal pénal

 27   international ait le droit de s'immiscer dans ma Défense. Ça, je ne

 28   l'accepte pas. Et il ne peut pas conditionner les choses à mon égard. Il

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  1   dit que pour mes collaborateurs juridiques, ils avaient fait des

  2   déclarations incongrues pour ce qui est du Tribunal pénal international. Et

  3   ils sont intervenus de façon risquant de mettre en péril la réputation du

  4   Tribunal international. Mais qui est-ce qui est là pour annoter le bien-

  5   fondé ou le mal fondé de leurs déclarations; le greffier ? Alors c'est

  6   déplacé, c'est incongru, parce qu'il est critiqué pour différentes choses,

  7   du point de vue moral et du point de vue professionnel. Ensuite, on dit

  8   qu'ils interviennent de façon à mettre en péril la réputation du Tribunal

  9   pénal international.

 10   Mais moi, ma confiance ne peut être confiée qu'à celui qui considère

 11   que le Tribunal n'a aucune espèce de réputation ni professionnelle ni

 12   morale. Parce que ceux qui estiment que ce Tribunal a une réputation morale

 13   et professionnelle n'ont pas à s'entretenir avec moi; je ne lui fais pas

 14   confiance et je ne lui confierais aucune tâche.  Et je l'ai fait savoir dès

 15   le début pour qu'on sache bien, on ne va pas me remodeler, moi, alors ça,

 16   c'est la stratégie de ma Défense et le style de ma Défense aussi; et j'ai

 17   le droit de choisir de me défendre comme je pense être nécessaire, tout en

 18   contestant notamment la légalité de ce Tribunal, ensuite tout le reste.

 19   Ensuite, le greffier a refusé que mes conseillers se fassent payer

 20   les déplacements, la fois passée qu'ils sont venus il y a deux mois, et ils

 21   ne reviendront plus jamais si on ne leur paie pas le déplacement d'il y a

 22   deux mois, ils ne reviendront pas. Et je n'accepte pas que parmi mes

 23   conseillers juridiques le greffier soit là pour choisir : "Celui-ci est

 24   bon, et celui-ci n'est pas bon." Ça c'est à moi qu'il appartient d'en

 25   décider, et personne ne viendra tant que je n'aurai pas les trois

 26   conseillers juridiques et le commis à l'affaire ensemble. Personne ne

 27   viendra. Et je ne recevrai aucune télécopie. Et je ne m'entretiendrai pas

 28   avec eux au téléphone.

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  1   Boris Aleksic n'a aucune espèce de bureau, maintenant il faut qu'il

  2   donne son numéro de téléphone à domicile, et il faut qu'il soit en

  3   permanence à la maison pour que je le puisse le contacter. Or, le greffe a

  4   insisté, et vous avez apporté votre soutien au greffier, pour dire que

  5   Slavko Jerkovic, en sa qualité d'avocat, est un professionnel et qu'il

  6   serait le plus approprié; et que je pouvais me servir de son téléphone et

  7   qu'on pouvait passer par lui pour ce qui est du financement et du reste.

  8   Le bureau du Procureur dans deux mois va finir sa présentation des

  9   éléments à charge, éventuellement dans trois mois, et pour ce qui est de

 10   cette Défense, si on en juge d'après les choses telles qu'elles se

 11   présentent, il y en aura pas de présentation de faite à décharge tant qu'on

 12   n'aura pas discipliné le greffier. Tant qu'on ne lui dira pas que c'est un

 13   employé :

 14   "Tu es un employé ici et tu n'as pas le droit de t'immiscer dans les

 15   affaires de la Défense. Il t'appartient de régler les questions de la

 16   discipline, de l'hygiène, de l'approvisionnement en biens de consommation,

 17   pour ce qui est des paiements, des honoraires, et du reste, mais tu n'as

 18   pas le droit de te mêler et de t'immiscer dans la Défense."

 19   Parce que si le greffier s'immisce dans ma Défense, il n'y aura pas

 20   de Défense du tout.

 21   Parce que j'ai tout le temps -- qui est en train de me courir entre

 22   les pattes, et je risque de trébucher, alors qu'on arrête un peu, je me

 23   demande jusqu'à quand ça va durer. Ce type d'obstacles n'existent dans

 24   aucune autre affaire, et je n'accepterai pas que dans la mienne cela se

 25   produise. Considérez que le problème n'est pas résolu et je ne sais pas

 26   pourquoi vous vous félicitez d'un tel comportement du greffier, ça vous

 27   regarde, mais je dois vous reconnaître que je suis plutôt surpris par cette

 28   déclaration.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Premièrement, le greffier vous a envoyé une lettre

  2   le 28 novembre 2008. Donc vous pouvez lui répondre par lettre en contestant

  3   ce qu'il dit dans sa lettre. Il n'en demeure pas moins que dans cette

  4   lettre, le greffier vous demande de lui indiquer le numéro de téléphone de

  5   M. Aleksic. Et dès que vous lui donnez ce numéro de téléphone, à ce moment-

  6   là, vous aurez votre communication privilégiée avec M. Aleksic.

  7   Je rappelle - mais c'est mon collègue qui me l'indiquait il y quelques

  8   minutes - que c'est vous-même qui avez désigné M. Aleksic, donc si vous

  9   l'avez désigné, c'est que vous pensiez qu'il devait avoir au moins un

 10   téléphone. Vous dites qu'il n'a pas de bureau, et cetera, peut-être, mais

 11   ce n'est pas insurmontable. Donc le greffier vous dit : Donnez-nous le

 12   numéro de téléphone de M. Aleksic et vous allez pouvoir entrer en

 13   communication avec lui. Et ça, pour la Chambre, c'est une avancée

 14   importante, ce qui vous permettra de reprendre maintenant contact avec

 15   quelqu'un en qui vous avez entièrement confiance.

 16   Deuxièmement, concernant les fax, bien sûr, dans la lettre du greffier, il

 17   n'est pas précisé exactement sur le plan matériel comment ceci va être mis

 18   en œuvre. Mais à ce moment-là vous pouvez, en réponse à la lettre, lui

 19   demander - d'abord, il y a un fax ici dans la salle - juste avant de

 20   l'audience, et il y a le fax de la prison, donc a priori ça ne doit pas

 21   être insurmontable pour que vous ayez tout document qui vous arrive.

 22   La Chambre estime que par rapport à la situation antérieure, il y a une

 23   avancée significative et la Chambre ne peut que se réjouir de cela. Nous,

 24   tout ce que nous demandons, c'est que vous ayez des contacts avec la

 25   personne de votre choix. C'est votre problème et vous avez entièrement

 26   raison. Personne n'a à s'immiscer dans votre Défense. C'est à vous de voir,

 27   vous désignez X, Y, ou Z, c'est votre problème, mais au moins que la

 28   personne qui est désignée, vous puissiez de manière confidentielle vous

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  1   entretenir avec elle.

  2   Voilà. Croyez-nous, ça n'a pas été une décision simple à prendre, vous le

  3   savez mieux que quiconque. Donc nous avons fait en sorte que vous ayez le

  4   maximum de possibilité pour vous défendre.

  5   Et comme, à titre personnel, je l'ai dit, moi, ce que je souhaite, c'est

  6   que pendant les 26 heures qui restent au Procureur pour présenter ses

  7   derniers témoins, nous puissions les uns et les autres aborder sereinement

  8   le fond du dossier qui constitue l'acte d'accusation dressé à votre

  9   encontre. Voilà le problème. Tout le temps que l'on passe dans ces

 10   problèmes d'intendance, de logistique, et cetera, ça nous fait perdre du

 11   temps. Moi, je préfère passer ce temps à regarder les documents, à regarder

 12   les déclarations, les transcripts, pour avoir une conviction finale sur

 13   votre culpabilité ou votre innocence. Mon temps serait beaucoup mieux

 14   utilisé à cela, plutôt qu'à passer du temps à rédiger des décisions

 15   concernant des problèmes entre le greffier et vous, entre le Président et

 16   vous, et cetera. Voilà. Donc attendons de voir.

 17   Et la Chambre ne peut que vous conseiller de répondre au greffier et

 18   très vite de donner les numéros de M. Aleksic.

 19   Je sais que M. Mundis veut intervenir aussi, donc je vais lui donner

 20   la parole, et après on fera venir le témoin.

 21   Monsieur Mundis.

 22   M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vous ai annoncé

 24   vendredi passé, encore une question, encore un sujet. Je vous ai dit que je

 25   pouvais attendre la semaine présente, si ce n'était pas trop tard, pour ce

 26   qui est d'un témoin en application du 92 ter.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez donc un autre sujet.

 28   Excusez-moi, Monsieur Mundis. Je vous ai donné trop rapidement la parole,

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  1   on va épuiser le deuxième sujet de M. Seselj.

  2   Oui, Monsieur Seselj, quel est le deuxième sujet ? Et après je donnerai la

  3   parole à M. Mundis.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai contesté la possibilité qu'il y ait une

  5   double déclaration de la part du témoin qui a comparu la semaine passée, et

  6   qu'elle soit admise en application du 92 ter. Je vous ai présenté mon

  7   argumentation. D'abord, parce que la déclaration principale a été faite

  8   auprès des autorités musulmanes en Bosnie-Herzégovine, à Mostar, et la

  9   déclaration complémentaire a été faite, elle, auprès du bureau du Procureur

 10   de La Haye.

 11   J'attire votre attention sur des éléments qui se trouvent dans la

 12   déclaration même. Vous voyez dans cette déclaration principale qui est

 13   faite auprès des autorités musulmanes, il est dit qu'avec une équipe de la

 14   télévision venant de Novi Sad, il est venu six membres des Aigles blancs de

 15   Serbie. Dans la déclaration qui a été faite auprès du bureau du Procureur

 16   de La Haye, on complète dans la partie untel dans la dernière phrase :

 17   "Pour ce qui est des Aigles blancs de Serbie, je voulais dire Seseljevci,

 18   les hommes à Seselj." Donc le bureau du Procureur cible intentionnellement

 19   la modification de la première des déclarations qui a été faite. Autre

 20   endroit, c'est la page 7 de la première des déclarations :

 21   "J'ai répondu que je n'en savais rien. A un moment donné, un soldat inconnu

 22   membre des Aigles blancs de Serbie est entré, il a commencé à me tabasser,

 23   les autres se sont joints à lui."

 24   Au paragraphe 28 de la déclaration complémentaire, il est dit dans cette

 25   partie-là, donc partie 26 :

 26   "J'ai mentionné un soldat inconnu qui était entré dans la pièce, membre des

 27   Aigles blancs. Je crois que c'était un Aigle blanc de Seselj." Alors ça a

 28   été rajouté. Voyez-vous les méthodologies utilisées par le bureau du

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  1   Procureur de La Haye.

  2   Dans la première déclaration, ce témoin qui a témoigné en 92 ter, raconte

  3   des histoires de deuxième main, parce qu'il a entendu parler d'une dizaine

  4   de filles qui étaient membres des unités de Seselj, qui s'étaient

  5   spécialisées à égorger des civils. C'est ce qu'on lui a raconté. Alors,

  6   comme cela n'a pas semblé être suffisant - parce que là on se sert du

  7   témoin, c'est une utilisation du témoin pour une construction - et on

  8   ajoute cette phrase, alors ça donne un argument de plus vis-à-vis de

  9   l'argument présenté la semaine passée, et je pense que ce que le bureau du

 10   Procureur a proposé ne saurait être admis en application du 92 ter et être

 11   versé au dossier.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, Monsieur Seselj. Ce que vous souhaitez

 13   pour le cas où la Chambre admettrait la déclaration recueillie par le

 14   bureau du Procureur, qu'on admette également la déclaration recueillie par

 15   les autorités musulmanes pour justement faire la comparaison.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Peut-être n'avez-

 17   vous pas gardé cela en tête depuis la semaine passée.

 18   M. MUNDIS : [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] 

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai fait une objection, j'avais fait une

 21   objection pour ce qui est d'indiquer que la déclaration était constituée de

 22   deux parties, et vous avez dit que la partie recueillie par le bureau du

 23   Procureur serait versée au dossier. Puis le Procureur vous a rectifié et il

 24   a dit qu'il considérait que ces deux déclarations constituaient un tout.

 25   C'était en substance ce qu'il avait dit. Les deux déclarations sont

 26   considérées par le Procureur comme un tout. Et là vous ne me comprenez pas.

 27   Parce que si vous avez une déclaration complémentaire faite auprès du

 28   bureau du Procureur, vous ne pouvez pas savoir à quoi cela se rapporte si

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  1   vous n'avez pas la toute première des déclarations qui a été faite par ce

  2   témoin au départ.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

  4   M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Cette procédure

  5   dans laquelle se lance l'accusé maintenant est tout à fait impropre. Toutes

  6   les questions qu'il a soulevées concernant les déclarations 92 ter étaient

  7   et auraient pu être présentées au témoin pendant le contre-interrogatoire

  8   du témoin. L'accusé a renoncé à son droit de contre-interroger, donc il est

  9   inconvenant et impropre de contester la recevabilité de ces déclarations

 10   alors qu'il avait l'occasion d'interroger ces témoins, il avait l'occasion

 11   de leur poser des questions sur des discordances éventuelles entre les

 12   déclarations en question. Il a eu cette occasion, il l'a abandonnée, il a

 13   refusé et maintenant il n'a plus la possibilité de présenter des arguments

 14   à cet effet, parce que le témoin aurait pu être en mesure de préciser les

 15   choses. Donc nous nous efforçons à corriger cette procédure. Ce n'est pas

 16   la première fois que cela s'est produit, l'accusé ayant renoncé à son droit

 17   de contre-interroger par la suite, le temps de présenter des arguments sur

 18   des questions qui auraient pu être posées au témoin et il s'est retiré. Il

 19   n'a pas fait valoir son droit au contre-interrogatoire, c'est inconvenant.

 20   Je demande urgemment [phon] aux Juges de la Chambre de mettre fin à

 21   cette procédure et de demander à M. Seselj pourquoi il ne contre-interroge

 22   le témoin. Il nous dit que c'est une question de principe, bien sûr, donc

 23   il doit subir les conséquences de ses propres décisions; y compris les

 24   décisions sur le fait de renoncer au contre-interrogatoire. Ces questions

 25   auraient pu être posées au témoin, il a choisi de ne pas le faire; il doit

 26   maintenant en subir les conséquences, conséquences de la décision qu'il a

 27   prise lui-même. Ceci fait partie aussi de sa propre défense qu'il a choisie

 28   lui-même. C'est lui qui a choisi d'agir ainsi.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai autre chose à dire.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : -- est au transcript.

  3   Oui, Monsieur Seselj.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout ce que vient de nous dire M. Mundis c'est

  5   dénué complètement de sens. Je ne veux pas savoir ce que le témoin a

  6   déclaré, ce qui est écrit dans ses déclarations. Moi, je veux stigmatiser

  7   ici de façon publique le comportement contraire au droit de la part du

  8   bureau du Procureur. C'est justement à cette fin-là, je porte à votre

  9   connaissance le fait que vous, en tant que Chambre de première instance,

 10   vous ne pouvez pas accepter ces deux papiers comme étant du 92 ter, parce

 11   que de façon officielle il n'y a pas été -- enfin, selon la forme les

 12   choses ne sont pas faites comme il se doit.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : -- enregistré la position de M. Seselj, la position

 14   du Procureur, et la Chambre rendra une décision en la matière.

 15   Bien. Il faut passer à un autre sujet.

 16   M. MUNDIS : [interprétation] Encore une fois, je souhaite que soit consigné

 17   au compte rendu les objections du Procureur et ce, de façon vigoureuse.

 18   Parce que l'accusé vient de dire que l'Accusation a un comportement

 19   illégal, ce qui est simplement pas crédible et qui est tout à fait

 20   ridicule. Il continue à  moquer ces débats et nous nous y opposons de façon

 21   très vigoureuse.

 22   Monsieur le Président, le 25 novembre 2008, la Chambre de première instance

 23   a rendu une décision eu égard à la requête de l'Accusation aux fins de

 24   mettre un terme à la propre défense de l'accusé. L'Accusation, sauf votre

 25   respect, demande à ce que nous ayons une prorogation de ce délai jusqu'à

 26   vendredi de cette semaine, à savoir le 5 décembre pour pouvoir nous

 27   décider, à savoir si nous allons faire une demande de certification en

 28   appel conformément à l'article 73(B). Une décision finale n'a pas encore

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  1   été prise, parce que sinon le délai arrivera à son terme aujourd'hui, à

  2   minuit. Donc nous demandons une prorogation de ce délai jusqu'au vendredi 5

  3   décembre avant de prendre notre décision, à savoir si nous allons déposer

  4   une requête, une demande de certification de la décision en question.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous savez bien que pour la question des délais, la

  6   Chambre est toujours très flexible en la matière, et donc vous accorde

  7   jusqu'à vendredi minuit, le délai pour nous saisir d'une éventuelle demande

  8   de certification d'appel.

  9   Bien. Alors on va introduire le témoin. Je vais demander à M. l'Huissier de

 10   faire venir le témoin. Pendant ce temps-là, Mme Biersay va m'indiquer

 11   combien de temps elle prévoit pour ce témoin.

 12   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Comme les Juges de la Chambre le savent, ce témoin est un témoin arrivé aux

 14   Pays-Bas ce matin seulement. J'ai pu le rencontrer ce matin seulement, très

 15   rapidement, et j'ai terminé ma réunion avec lui vers 13 heures aujourd'hui.

 16   Je pense que nous pouvons commencer avec 90 minutes, étant donné que la

 17   réunion de ce matin a été très courte. Je demande aux Juges de la Chambre

 18   de tenir compte de cela, et peut-être avoir l'obligeance de bien vouloir

 19   prolonger ce délai un petit peu.

 20   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj. Le témoin est arrivé ce matin,

 22   parce que dimanche il y avait des problèmes à l'aéroport de Sarajevo en

 23   raison de la neige, et donc l'avion n'a pas pu partir dimanche et c'est

 24   pour ça qu'il a fallu qu'il arrive ce matin. Et c'est dans ce cadre que Mme

 25   Biersay l'a rencontré très rapidement.

 26   Bonjour, Monsieur.

 27   Oui, Monsieur Seselj.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je veux juste dire ou plutôt tirer au clair

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  1   brièvement une chose. J'ai été informé le 28 novembre de deux possibilités

  2   d'audition de ce témoin-ci ainsi que de Sulejman Tihic. Une des variantes

  3   c'est le cas où VS-029 viendrait et l'autre variante c'est au cas où il ne

  4   viendrait pas. Alors je n'ai pas toujours été informé de l'arrivée de ce

  5   VS. Parce que s'il ne vient pas on aurait prévu deux heures pour M.

  6   Banjanovic et M. Tihic, c'est ce qu'on m'a communiqué comme information par

  7   écrit.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à fait.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le VS-029 vient-il ou pas ? C'est ça la

 10   substance de ma question. Ou c'est une surprise stratégique ?

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : VS-029 ne vient pas. C'est bien ça, Monsieur Mundis

 12   ?

 13   M. MUNDIS : [interprétation] D'après nos informations, c'est exact,

 14   Monsieur le Président. A ce stade, il refuse de voyager. Je vous garderai

 15   informé, ainsi que M. Seselj, de l'évolution de la situation s'il

 16   voyageait, s'il décidait à voyager, ce serait aujourd'hui mais je vous

 17   communiquerai d'autres éléments d'information demain pour vous dire s'il

 18   comparait ou pas. A ce stade, cela ne semble pas très probable. Je ne pense

 19   pas que VS-29 viendra témoigner cette semaine.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Les dernières informations, Monsieur Seselj, nous

 21   n'en savons pas plus que vous.

 22   Bien. Monsieur, vous pouvez me donner votre nom, prénom et date de

 23   naissance.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Fadil Banjanovic. Je suis né le 4

 25   juillet 1962 à Kozluk, municipalité de Zvornik.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quelle est votre profession actuelle ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis député à l'assemblée populaire de la

 28   Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et vous êtes député élu sous quel étiquette

  2   politique.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été élu au nom du Parti socialiste, le

  4   SDP, à l'assemblée à la chambre des nations.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, monsieur le Député.

  6   Est-ce que vous avez déjà témoigné dans un procès; et si oui, lequel

  7   ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Dans l'affaire Milosevic et aussi dans le

  9   procès relatif au groupe de Zvornik à Belgrade.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors dans le procès Milosevic, vous étiez

 11   témoin de l'Accusation ou de la Défense ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé des déportations, c'est-à-dire des

 13   expulsions de Musulmans de Bosnie, donc j'étais témoin à charge dans le

 14   procès Milosevic.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Et à Belgrade, vous étiez témoin de

 16   qui ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais également témoin à charge pour parler

 18   de la déportation des Musulmans de Bosnie, donc témoin de l'Accusation.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je vous demande de lire le serment,

 20   Monsieur.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 22   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 23   LE TÉMOIN : FADIL BANJANOVIC [Assermenté]

 24   [Le témoin répond par l'interprète]

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous pouvez vous asseoir.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur, comme vous avez déjà témoigné, vous

 28   savez comment cela se passe. Vous allez dans un premier temps devoir

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  1   répondre à des questions que Mme Biersay va vous poser. Vous l'avez

  2   rencontrée ce matin très rapidement en raison de problèmes liés à votre

  3   avion, mais néanmoins vous avez pu la rencontrer. Donc elle va vous poser

  4   des questions et certainement vous présenter quelques documents.

  5   A l'issue de cette phase, M. Seselj qui est accusé, comme vous le savez,

  6   vous posera des questions dans le cadre du contre-interrogatoire. Donc vous

  7   allez devoir répondre à des questions qu'il va vous poser.

  8   Les trois Juges qui sont devant vous pourront aussi vous poser des

  9   questions en fonction des éléments que vous allez apporter dans les

 10   réponses que vous allez donner aux questions posées. Essayez d'être très

 11   précis dans les réponses que vous allez donner, mais je n'ai aucune crainte

 12   compte tenu de vos activités passées et actuelles, vous serez, j'espère,

 13   synthétique.

 14   Si vous ne comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez pas à demander à

 15   celui qui vous pose la question de la reformuler. Nous faisons des pauses

 16   toutes les heures et demie et des pauses de 20 minutes. Si jamais nous ne

 17   terminons pas avec vous aujourd'hui, à ce moment-là, vous reviendrez demain

 18   matin, parce que nous sommes d'audience demain matin à 8 heures et demie.

 19   C'est uniquement à titre exceptionnel que nous tenons audience de cet

 20   après-midi, car normalement nous aurions dû siéger ce matin. Donc vous

 21   reviendrez pour l'audience qui débutera à 8 heures 30.

 22   Comme vous avez prêté serment, vous êtes maintenant témoin de la justice,

 23   ce qui veut dire que vous n'avez plus aucun contact avec l'Accusation sauf

 24   évidemment à répondre aux questions posées à l'audience. Voilà ce que je

 25   voulais vous dire afin que l'audience puisse se dérouler le mieux possible.

 26   Madame Biersay, je vous donne la parole.

 27   Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 28   Interrogatoire principal par Mme Biersay :

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  1   Q.  [interprétation] Vous avez dit qu'à l'heure actuelle vous êtes député à

  2   la chambre des nations; c'est bien cela ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Pouvez-vous nous dire depuis combien de temps vous avez ce poste ?

  5   R.  C'est la cinquième année.

  6   Q.  En ce qui concerne la période allant de 1984 à 1992, pourriez-vous nous

  7   dire où vous habitiez ?

  8   R.  Je vivais à Kozluk dans la municipalité de Zvornik.

  9   Q.  Quel était votre poste dans ce village ou votre position ?

 10   R.  Bien, j'étais l'un des premiers au sein des habitants de cette ville.

 11   J'étais président de la ville, j'occupais plusieurs autres fonctions comme

 12   président de l'association des chasseurs, et j'étais une personne

 13   relativement connue.

 14   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourrions-nous, s'il

 15   vous plaît, avoir à l'écran la pièce 7425 de la liste 65 ter. Il s'agit de

 16   la dernière pièce, Messieurs et Madame le Juge que vous trouverez dans

 17   votre dossier, puisque mes classeurs sont organisés selon l'ordre des

 18   pièces de la liste 65 ter.

 19   Q.  Reconnaissez-vous le document qui s'affiche à l'écran ?

 20   R.  Oui.

 21   Mme BIERSAY : [interprétation] Pourrons-nous avoir à l'écran le bas de ce

 22   document.

 23   Q.  Reconnaissez-vous votre signature sur ce document ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Quand avez-vous signé ce document ?

 26   R.  Le 7 mai 2003.

 27   Q.  Ce document 7425 de la liste 65 ter est-il le résumé de votre CV ? 

 28   R.  Oui.

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  1   Mme BIERSAY : [interprétation] Pourrions-nous demander l'admission de la

  2   pièce 7425 au dossier.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

  4   Oui, Monsieur Seselj.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

  6   Bien. Peut-être que le témoin n'a pas fait attention à cela, mais je ne

  7   crois pas que ce document puisse être versé au dossier tant que la question

  8   dont je m'apprête à parler n'est pas réglée.

  9   A la septième rubrique dans ce document. Il est fort probable que la

 10   déclaration ait été recueillie en langue serbe et elle a ensuite été

 11   traduite en serbe, mais en serbe cela n'a aucun sens. Il est écrit en serbe

 12   que M. Banjanovic était le chef de Kozluk de 1984 à 1992. Une telle

 13   fonction n'a jamais existé à Kozluk. Le témoin le sait encore mieux que

 14   moi. Mais le problème se situe au niveau de la traduction. Il a sans doute

 15   annoncé et dit qu'il était président de la communauté locale et c'est donc

 16   l'expression qui aurait dû être traduite en serbe. Donc j'appelle à présent

 17   votre attention sur ce point en insistant une nouvelle fois pour dire que

 18   cela n'a aucun sens.

 19   C'est une infamité [phon] que de recueillir d'abord la déclaration en

 20   anglais pour la traduire en serbe ensuite, car la version en serbe finit

 21   par ne plus avoir de sens. 

 22   Mme BIERSAY : [interprétation] Puis-je répondre.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais il serait peut-être préférable que ce soit le

 24   témoin qui réponde.

 25   Mme BIERSAY : [interprétation] Avec tout le respect que je dois à la

 26   Chambre de première instance, je pense que ceci devrait se faire dans le

 27   cadre du contre-interrogatoire. Le témoin a dit qu'il a identifié le

 28   document, qu'il l'avait lu, qu'il l'avait signé. Si M. Seselj a d'autres

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  1   points à aborder, il n'a qu'à le faire pendant son contre-interrogatoire.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors moi qui m'apprêtais à donner un numéro

  3   définitif, on va donner un numéro aux fins d'identification conformément à

  4   votre souhait.

  5   Monsieur le Greffier, donnez un numéro aux fins d'identification.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote P661 MFI.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre statuera au final.

  8   Continuez, Madame Biersay.

  9   Mme BIERSAY : [interprétation]

 10   Q.  Le document que vous avez vu à l'écran, pourriez-vous nous dire si

 11   c'est un document que vous avez relu dans votre propre langue et que vous

 12   avez signé ?

 13   R.  Oui.

 14   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourrions-nous

 15   maintenant avoir à l'écran la pièce P302.

 16   Q.  Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire où se trouve Kozluk par

 17   rapport à Zvornik ?

 18   R.  Kozluk est un joli bourg qui se trouve sur la route reliant Zvornik à

 19   Bijeljina au bord de la rivière Drina. Kozluk est entouré dans son

 20   voisinage immédiat par un grand nombre de villages peuplés majoritairement

 21   de Serbes. Dans un voisinage plus lointain se trouvent des villages, comme

 22   Sepac et d'autres villages majoritairement peuplés de Musulmans de Bosnie.

 23   Kozluk était peuplé de gens appartenant à des milieux divers et notamment

 24   habité par des Rom, des Serbes et quelques familles croates. Kozluk est une

 25   communauté locale qui se trouve dans la municipalité de Zvornik.

 26   Q.  Pouvez-vous nous dire quelle est la distance approximative entre Kozluk

 27   et la ville de Zvornik ?

 28   R.  A une douzaine de kilomètres à peu près.

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  1   Q.  Vous nous avez dit que Kozluk était une petite ville tout à fait

  2   sympathique. J'aimerais maintenant que nous retournions au début 1992 --

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, la carte, moi, je ne vois pas du

  4   tout Kozluk. Est-ce qu'on le voit sur la carte ? Oui, d'accord. Bien. 

  5   Mme BIERSAY : [interprétation] Pourrions-nous peut-être agrandir la zone.

  6   Il y a deux zones en jaune.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Là, on voit beaucoup mieux.

  8   Mme BIERSAY : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur le Témoin, cette carte représente-t-elle bien la région dont

 10   vous venez de nous parler ?

 11   R.  Oui. On voit Kozluk, Tabanci, Malesici, Skotic, Krcic, Sepac, et

 12   cetera, de jolies localités le long de la rivière Drina.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Député, un petit mystère sur la carte.

 14   On voit Kozluk avec un gros point rouge, et au-dessus de "Kozluk" il y a

 15   encore un autre Kozluk avec un petit point rouge. Alors y a-t-il deux

 16   Kozluk ? Il y a un Kozluk qui est près de la rivière et un autre qui est

 17   plus loin de la rivière, vous pouvez nous expliquer cela ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a qu'un seul Kozluk, un seul, c'est

 19   celui qui correspond au gros point rouge.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voyez au-dessus du gros point rouge, il y a un

 21   petit point rouge, il y a marqué "Kozluk".

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une erreur.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Mme le Procureur présente une carte avec une erreur

 24   alors.

 25   Mme BIERSAY : [interprétation] Cette pièce a déjà été admise, il s'agit de

 26   la pièce P302, et je pense qu'il est bon, en effet, que le témoin nous ait

 27   expliqué qu'il s'agit d'une erreur, c'est vrai que le petit Kozluk que l'on

 28   voit en gris clair est un autre Kozluk.

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  1   Q.  Mais est-ce que le vrai Kozluk se trouve là où c'est écrit en gras

  2   Kozluk, avec le gros point en gras ?

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Monsieur le Député, vous qui connaissez bien

  4   cette localité, le petit Kozluk, comment cette localité s'appelle en

  5   réalité ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici il y a surtout des localités peuplées par

  7   une majorité d'habitants serbes, et vous voyez ici Gajic, Tabanci,

  8   Malesici, tout ça, ce sont des localités habitées par des Serbes. Le petit

  9   point rouge, c'est Kozluk exclusivement.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, si on comprend bien, la localité de Kozluk,

 11   c'est tout ce que l'on voit en jaune, la surface de Kozluk, et dans cette

 12   surface, il y a un petit point où on a marqué Kozluk, mais en réalité il

 13   n'y a qu'un seul Kozluk ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord, très bien.

 16   Continuez, Madame Biersay.

 17   Mme BIERSAY : [interprétation]

 18   Q.  Pourriez-nous, s'il vous plaît, nous décrire le moment où vous vous

 19   êtes rendu compte que les choses ont commencé à changer dans la petite

 20   ville tranquille de Kozluk ? Je parle plus précisément ici de l'année 1992.

 21   R.  Ce qui a constitué une nouveauté pour tous les habitants, cela a été

 22   l'entrée ou en tout cas le transit d'un grand nombre de camions par les

 23   bourgs, et dans ces camions il y avait pas mal de jeunes gens qui ont été

 24   répartis à Malesici, Skotic, Tabanci, c'est-à-dire un peu partout dans les

 25   villages environnants peuplés de Serbes. Pour moi, personnellement, et pour

 26   pas mal d'habitants d'appartenance ethnique serbe, ces véhicules étaient

 27   inconnus.

 28   Dans les premiers temps, nous n'avions pas la moindre idée de ce qui

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  1   était en train de se passer. Mais en tout cas tout le monde a remarqué

  2   l'arrivée massive de ces hommes qui se désignaient eux-mêmes sous

  3   l'expression d'observateurs militaires. Ils en ont parlé dans leurs

  4   conversations avec des habitants d'appartenance ethnique serbe. Nous, nous

  5   l'avons remarqué aussi en voyant ce qu'ils faisaient, parce qu'ils ont

  6   participé à des manœuvres, des exercices, ils ont creusé des tranchées, ils

  7   ont construit des espèces de chemins. Tout cela ressemblait beaucoup à des

  8   préparatifs.

  9   Q.  Pouvez-vous nous dire si à un moment ou à un autre des barricades ont

 10   été érigées dans la zone de Kozluk ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Savez-vous qui a érigé ces barricades ?

 13   R.  Ils se présentaient en disant qu'ils représentaient la Défense

 14   territoriale serbe, car à ce moment-là, la municipalité serbe avait déjà

 15   été créée ainsi que le MUP serbe et la Défense territoriale serbe. Et dans

 16   les environs des localités musulmanes telles que Kozluk, des barrages ont

 17   été construits à l'aide d'objet en bois et des gardes armés se tenaient à

 18   ces barrages.

 19   Q.  Pouvez-vous nous décrire à quoi ressemblaient ces gardes armés ?

 20   R.  J'ai eu l'occasion de constater que tous ceux qui étaient Serbes se

 21   voyaient distribuer des armes, y compris des gens légèrement handicapés

 22   mentaux comme un certain Curica, c'était son surnom, il portait des armes.

 23   Ces hommes-là étaient armés jusqu'aux dents. Il y en avait pas mal parmi

 24   eux que je ne connaissais pas et qui tout simplement venaient de

 25   l'extérieur. Les uniformes qu'ils portaient étaient divers. Les insignes

 26   qu'ils arboraient étaient divers et la population locale a constaté que

 27   ceux qui se désignaient comme étant des observateurs militaires étaient des

 28   chefs dans toute cette affaire.

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  1   Q.  Ces personnes dont vous venez de nous parler, pouvez-vous nous dire si

  2   l'un d'entre eux vous aurait dit qui les avait invités à venir sur place,

  3   si tant est que quelqu'un l'ait fait ?

  4   R.  Dans certains conversations avec certains de ces hommes, ces

  5   commandants militaires, comme Pejic, Zuco, Pivarski, Niski, il nous

  6   arrivait souvent d'être assis ensemble, et je leur ai demandé : "Mais

  7   qu'est-ce que vous faites ici ?" Et ils ont dit quelque chose du genre :

  8   "Voyons, c'est le gouvernement serbe, la direction de la municipalité

  9   serbe, le président Grujic qui nous a appelés à venir pour que nous

 10   défendions nos frères serbes contre les Musulmans qui sont armés, et il a

 11   eu des assassinats, et cetera.

 12   Le commandant Zuco m'a dit cela à plusieurs reprises, ainsi que le

 13   commandant Pejic, et certains Serbes de la région affirmaient que des

 14   unités, des hommes bien armés allaient venir en renfort pour apporter leur

 15   aide, et cetera.

 16   Q.  Vous avez parlé d'une personne appelée Grujic et vous l'appelez le

 17   président Grujic. Pourriez-vous nous dire quel est son nom complet ?

 18   R.  Brano Grujic est un boulanger de la localité. Son fils et moi-même

 19   étions camarades d'école, donc je connais cette famille. Brano Grujic,

 20   quand la municipalité serbe a été créée, la municipalité serbe de Zvornik,

 21   a été le premier président de cette municipalité serbe. Et dans certaines

 22   conversations que j'ai eues avec certains de ces hommes, ils ont déclaré

 23   qu'ils représentaient la direction de la municipalité serbe et que c'était

 24   Brano Grujic qui les avait appelés pour les aider à régler la situation à

 25   Zvornik.

 26   Q.  Après, quand vous avez observé l'arrivée de ces forces dont vous venez

 27   de nous parler, pourriez-vous nous dire si à la radio il y avait des

 28   messages qui étaient transmis en direction des habitants de votre village,

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  1   de Kozluk ?

  2   R.  Le secteur de Kozluk et toute la région environnante n'avaient ni sa

  3   télévision ni ses journaux. Mais elle avait une station de radio qui était

  4   émise à partir de Loznica. Et il y avait aussi une station de radio de

  5   Zvornik. C'est la radio de Loznica en particulier. Dans cette période, les

  6   hommes musulmans étaient appelés quotidiennement à remettre leurs armes, à

  7   remettre leurs canons. Cette espèce de harcèlement, de propagande

  8   médiatique de guerre était incessante à l'égard de ces hommes. La police ne

  9   cessait de lancer des appels à remettre ses armes, et véritablement ces

 10   deux stations de radio ont joué dans cette période un rôle tout à fait

 11   répréhensible, pas joli du tout.

 12   Parce qu'en tant que citoyens, nous étions contraints d'écouter ces

 13   deux stations, nous n'avions pas notre télévision ni nos journaux, donc

 14   ceci a laissé une impression très négative sur le citoyen moyen, sur

 15   l'habitant moyen, parce qu'il était sans cesse question de guerre, de

 16   remise d'armes, de remise de canons, de lance-roquettes multiples, des

 17   Zolja, des choses dont nous n'avions même pas entendu parler jusqu'à ce

 18   moment-là.

 19   Q.  Vous venez de nous parler de stations de radio, est-ce qu'elles ne

 20   diffusaient qu'en direction de Kozluk ou est-ce qu'elles diffusaient

 21   ailleurs aussi ?

 22   R.  Les ondes étaient diffusées à partir de Loznica, qui est une ville de

 23   Serbie, et à partir de Zvornik qui se trouve en Bosnie-Herzégovine, mais

 24   ces fréquences pouvaient être entendues dans divers endroits le long de la

 25   Drina et ailleurs. Les fréquences étaient telles qu'on entendait très bien

 26   ces stations à Kozluk, mais on les entendait aussi très bien dans une zone

 27   plus vaste.

 28   Q.  Au vu de ce que vous observiez avec ces forces qui traversaient Kozluk,

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  1   avec ce que vous entendiez sur les ondes, pouvez-vous nous dire quelles

  2   étaient vos inquiétudes ?

  3   R.  A ce moment-là, la guerre avait éclaté depuis longtemps en Croatie, et

  4   nous étions sur une route très passante. Donc nous ne cessions de voir des

  5   colonnes militaires ou autres qui arrivaient et qui repartaient. Nous avons

  6   assisté aussi à ces agitations allant dans le sens de la guerre. Et il y

  7   avait à cet endroit une population qui était multiethnique, nous nous

  8   sommes à plusieurs reprises adressés à la population en appelant les gens à

  9   ne pas écouter ces appels bellicistes, nous nous disions qu'après tout nous

 10   étions sur une voie très passante, que tout cela allait passer. Nous avons

 11   rédigé des tracts. Nous avons organisé plusieurs réunions auxquelles ont

 12   assisté des Serbes, des Rom, des Musulmans de Bosnie, des représentants de

 13   tous les groupes ethniques. Nous avons commencé à circuler dans les

 14   localités environnantes pour nous efforcer tout simplement de rétablir

 15   l'ordre dans notre maison, de façon à éviter que n'éclate ce qui avait déjà

 16   commencé. Nous avons imprimé des tracts que nous distribuions au porte à

 17   porte dans les maisons de Rom, dans les maisons des Serbes, des Croates, de

 18   tous. Nous faisions appel au rétablissement de la paix et au respect des

 19   bonnes relations entre voisins.

 20   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourrais-je, s'il vous

 21   plaît, avoir à l'écran la pièce 1085 de la liste 65 ter.

 22   Q.  Monsieur Banjanovic, c'est un document qui est aussi dans le dossier

 23   bleu que vous avez juste sous vos yeux. Vous verrez, je pense, la pièce

 24   1085. Il y a un onglet pour le repérer.

 25   Nous attendons que la pièce s'affiche. J'aimerais savoir si vous étiez

 26   membre d'un parti politique en mars, avril 1992 ?

 27   R.  J'ai toujours été membre du Parti social démocratique de Bosnie-

 28   Herzégovine. A ce moment-là, j'étais déjà président de la communauté locale

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  1   de Kozluk. Et je collaborais à la perfection avec Malesici, Tabanci et

  2   Skocic, c'est-à-dire toutes les communautés locales environnantes habitées

  3   par une majorité de Serbes.

  4   Nous nous entendions bien, nous étions tous contre la guerre, contre les

  5   affrontements, et cetera. Il est exact que nous avons rédigé des documents

  6   que j'ai ici, que nous avons distribués à plusieurs milliers d'exemplaires

  7   en appelant à l'organisation d'une réunion à 18 heures, réunion qui a eu

  8   lieu dans le centre de Kozluk et les gens sont venus.

  9   Q.  Cette brochure dont vous nous parlez, s'agit-il de la pièce qui est à

 10   l'écran, la 1085 ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et la date est bien du 5 avril 1992 ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Voyez-vous votre signature sur ce document ?

 15   R.  Je la vois ici. J'ai signé ce tract. Ce que j'ai sous les yeux est

 16   assez peu lisible. Mais il est exact que je l'ai signé et ce que dit ce

 17   document est exact, nous avons effectivement tenu une réunion publique sur

 18   la place centrale de Kozluk le soir.

 19   Q.  Quand s'est tenue cette réunion; est-ce que vous vous en

 20   souvenez ?

 21   R.  Nous avons tenu pas mal de ces réunions publiques, de ces meetings, et

 22   nous avons distribué des tracts à plusieurs reprises. Je crois que le 5, le

 23   meeting que nous avons organisé était plus important que les autres, parce

 24   qu'il regroupait les communautés locales de Kozluk, Tabanci, Skocic, et

 25   cetera. Et nous avions déjà dit à plusieurs reprises qu'il ne fallait pas

 26   répondre aux provocations, ne pas tirer, ne pas jouer le jeu de ceux qui

 27   étaient les auteurs de provocations, et qu'il fallait continuer à maintenir

 28   les liens entre les communautés locales, continuer à se fréquenter, à

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  1   discuter les uns avec les autres, et cetera. Ces meetings et ces

  2   distributions de tracts nous ont tous beaucoup aidés en nous empêchant de

  3   faire une quelconque bêtise. 

  4   Mme BIERSAY : [interprétation] A ce stade, l'Accusation demande le

  5   versement au dossier de la pièce 65 ter numéro 1085, s'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va donner un numéro.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ce sera le

  8   numéro P662.

  9   Mme BIERSAY : [interprétation]

 10   Q.  Vous avez décrit aux Juges de la Chambre le rôle joué par Ratko [comme

 11   interprété] Grujic. Connaissez-vous quelqu'un qui répond au nom de Jovo

 12   Mijatovic ?

 13   R.  M. Brano Grujic, je vous ai déjà dit que c'était un citoyen de la

 14   municipalité de Zvornik. C'était un boulanger. Il avait des fils qui

 15   étaient très bien. Son fils, l'un des fils allait avec moi à l'école, et

 16   lors de la création de cette municipalité serbe, il a été président, maire

 17   de cette municipalité. Je n'ai pas eu de contact avec lui en personne, on

 18   s'est peut-être rencontrés quelques fois.

 19   Jovo Mijatovic était un ingénieur qui travaillait à l'usine de

 20   Glinica, et il était aussi député. C'est également un homme que j'ai vu à

 21   plusieurs reprises. Mais ce sont des gens que je n'ai pas grandement

 22   contactés, non.

 23   Q.  Et Marko Pavlovic ?

 24   R.  Marko Pavlovic c'est l'un des commandants de la Défense territoriale

 25   serbe sur le territoire de Zvornik. Il s'agit d'une personne, d'un homme

 26   venu de Serbie. Ce n'est pas son vrai nom d'ailleurs. C'est quelqu'un qui a

 27   été accusé à Belgrade et il faisait partie du groupe à Zvornik. Je l'ai

 28   reconnu, je l'ai identifié. Il se présentait comme étant commandant de la

Page 12432

  1   Défense territoriale serbe, et souvent il avait organisé des exercices à

  2   Kozluk avec des intimidations, des prises de personnes de chez elles, et

  3   cetera.

  4   Q.  Vous nous avez parlé de forces et de certains individus venus de Serbie

  5   à Kozluk. Quelle distance y a-t-il entre la Serbie et Kozluk ?

  6   R.  Tout d'abord, je dirais que les citoyens de Kozluk ont toujours été

  7   attachés au territoire de la Serbie, parce qu'on intervenait à Loznica, à

  8   Sabac, on portait nos produits agricoles à Banja Koviljica, Loznica, et

  9   cetera. Donc Loznica, Banja Koviljica, il y a que la rivière Drina entre

 10   eux et ces localités et nous-mêmes.Au début, nous n'étions pas au courant

 11   du fait que le dénommé Subotic soit venu d'abord. Il s'était présenté comme

 12   étant le commandant des forces serbes à Kozluk. Ensuite il est venu un

 13   dénommé Vojin Pazin -- non, Pazin Zoran, Zoran Pazin, puis un troisième

 14   commandant, Marko Pavlovic. Ces trois hommes on ne les connaissait pas,

 15   nous autres. Subotic et Pazin et notamment Marko Pavlovic, ces trois-là,

 16   sont venus très rapidement l'un après l'autre et ils se présentaient comme

 17   étant des commandants de la Défense territoriale, et faisaient partie de la

 18   Défense territoriale tous les citoyens du groupe ethnique serbe répartis

 19   dans les communautés locales, à savoir dans les différents hameaux.

 20   Q.  Vous souvenez-vous de la date de la prise de contrôle de Zvornik ?

 21   R.  Je voulais juste dire encore que nous, citoyens de Kozluk, Serbes,

 22   Croates, Bosniens, et Rom, avons eu l'occasion de connaître un dénommé

 23   Zuca, qui se disait être à la tête des hommes à Arkan. Puis un autre,

 24   Pejic, un commandant qui se disait être chef des hommes à Arkan. Nous avons

 25   rencontré également des chefs d'unité Pivarski, Niski. Le commandant Dragan

 26   venait souvent avec ses militaires à Kozluk. Ce qui fait que nous, à

 27   Kozluk, on a eu l'occasion de rencontrer six ou sept commandants de ces

 28   militaires paramilitaires, hommes à Arkan, Bérets rouges, hommes à Zuca,

Page 12433

  1   Défense territoriale serbe.

  2   Je ne sais pas exactement quand, mais au mois d'avril à peu près

  3   toutes ces forces avaient pris Zvornik. Les Serbes disent qu'ils ont

  4   libéré, mais nous on dit, ils ont pris. Ils étaient venus de Nis,

  5   Kragujevac, Loznica, et de toutes ces localités. Les hommes à Arkan se sont

  6   emparés de Zvornik.

  7   Q.  Lorsque vous dites "Zvornik," voulez-vous parler de la ville ou de la

  8   municipalité ?

  9   R.  Ils ont pris le contrôle de la municipalité tout entière. Ils n'ont

 10   fait qu'entrer dans la ville. Pour ce qui est de Kozluk, nous, nous étions

 11   des citoyens loyaux, on a restitué toutes les armes. Nous ne pouvions pas

 12   sortir. On avait des réunions avec la participation du dénommé Grujic, puis

 13   Dragan Spasojevic venait aussi, puis Marko Pavlovic aussi, M. Pejic. Nous

 14   avions des réunions avec des responsables religieux, M. Kacavenda, le

 15   prêtre orthodoxe. Muhamed Efendi Lugovic, le responsable de la communauté

 16   islamique. Et nous, à Kozluk, on avait vécu d'une vie pausée puisqu'on a

 17   rendu toutes les armes.

 18   Mme BIERSAY : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

 19   1142, s'il vous plaît. C'est un document dont nous avons une copie papier

 20   également et qui porte le numéro "1142," également. Oui. Est-ce que nous

 21   pouvons agrandir, s'il vous plaît, la version en B/C/S. Le titre.

 22   Q.  Reconnaissez-vous ce document ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Votre signature apparaît-elle sur ce document ?

 25   R.  Oui. Le premier commandant de la Défense territoriale, Subotic, qui est

 26   venu dans Kozluk. Au bout d'un certain temps, il y a eu le dénommé Zoran

 27   Pazin à venir. Il était accompagné de gardes de corps et il s'est présenté

 28   comme étant désormais le commandant de la Défense territoriale. Tout

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  1   d'abord, il nous a donné l'ordre de restituer toutes les armes, les armes

  2   de chasse, les pistolets, et tout ce qu'on avait, tout qui vient de la

  3   terre. Donc le 16 avril, nous avons mis en place une commission que je

  4   présidais avec quatre autres personnes qui avaient apporté toutes ces armes

  5   et les avaient remises à M. Zoran Pazin, qui se trouvait être commandant de

  6   ces Défenses territoriales serbes. Nous avons reçu des bordereaux de

  7   réception pour ce qui est desdites armes.

  8   Q.  Pour les besoins du compte rendu, votre signature se trouve à la page 4

  9   de cette version en B/C/S; est-ce exact ?

 10   R.  Oui.

 11   Mme BIERSAY : [interprétation] A ce stade, l'Accusation demande le

 12   versement au dossier du document 65 ter 1142.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Une question, Monsieur. Je vois ce document où 87

 14   citoyens de Kozluk reçoivent des armes de guerre, quasiment, avec

 15   munitions. On a même, de manière exacte, le nombre de munitions. Alors, il

 16   y avait combien de Musulmans à Kozluk ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, mais si vous le permettez,

 18   Monsieur le Juge, je voudrais dire que c'est une liste de citoyens, de nous

 19   autres, qui avons remis nos armes au commandant de la Défense territoriale

 20   serbe. Il était venu et nous a dit que le commandant précédent a été

 21   destitué de ses fonctions et que c'était lui le commandant, désormais. Il a

 22   fait venir un camion rempli de militaires et il a demandé à ce qu'on rende

 23   toutes les armes qu'on avait, donc les pistolets et les fusils de chasse,

 24   et on a tout de suite fait cela. Nous avons créé une commission de cinq

 25   personnes, et j'ai demandé à ces gens de restituer leurs armes, et même les

 26   Serbes ont restitué leurs armes. On voit 81, Polic Nikola, par exemple.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que je voulais savoir, dans votre localité, il y

 28   avait combien d'hommes, combien d'habitants ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Environ 3 500 habitants dans Kozluk. Mais ça,

  2   c'était les chasseurs seulement, et les chasseurs, eux, ont restitué leurs

  3   armes. Les chasseurs étaient les seuls à avoir des armes, les autres n'en

  4   avaient pas. Ce sont des armes de -- enfin, à caractère sportif.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Sur les 3 000, il y avait plus de 80 personnes qui

  6   avaient donc des armes, et c'étaient des chasseurs. Vous chassiez quoi au

  7   juste ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Les renards, les lapins, les faisans. Enfin,

  9   la région est assez riche en gibier. Il y avait aussi des sangliers, et

 10   nous avions des armes de chasse. Nous avons aussi des armes de chasse à

 11   canon long, et les armes étaient enregistrées, consignées par le poste de

 12   police de Zvornik, et j'ai pu donc --

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Le 33 sur la liste, M. Nijaz Memisevic, chassait les

 14   renards avec un Zastava 7.62-millimètres. Donc il chasse le renard avec un

 15   pistolet, lui ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Memisevic Nijaz, au 33, c'est un chasseur qui

 17   adore chasser. Il a une carabine, un fusil de chasse à deux canons. Et je

 18   vous ai dit que dans la région de Kozluk, il y a des terrains de chasse

 19   avec des sangliers aussi, et on les chasse avec des carabines. Ensuite,

 20   certaines personnes avaient aussi des pistolets avec un permis de port

 21   d'armes. Et tout ce qui a été restitué était consigné par les policiers du

 22   poste de police de Zvornik.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Regardez le 21. Lui, il a une arme italienne, un

 24   Beretta, très connu, 7.65. Il chasse le renard aussi ? Le 21.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, il s'agit de pistolets, Monsieur le Juge.

 26   Ces gens avaient des pistolets, des fusils, ils avaient tous les permis de

 27   port d'armes délivrés par le poste de police de Zvornik. Et lorsqu'ils ont

 28   remis ces armes, ils ont remis leurs munitions et ils ont remis également

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  1   leurs permis de port d'armes.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc tout le monde a remis armes et munitions.

  3   Très bien.

  4   Alors on va donner un numéro pour [inaudible]

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Et les permis de port d'armes.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, on va donner un numéro.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ce sera le

  8   numéro P663. Merci, Madame, Messieurs les Juges.

  9   Mme BIERSAY : [interprétation]

 10   Q.  Après la remise de toutes ces armes que vous venez de décrire, est-ce

 11   que la situation à Kozluk s'est aggravée davantage ?

 12   R.  Nous avons répondu à cet appel du commandant serbe, M. Pazin, et nous

 13   avons restitué toutes nos armes, les munitions et les permis de port

 14   d'armes. Il y avait rien de contestable, parce que c'étaient des armes qui

 15   étaient déjà enregistrées, consignées par le poste de police de Zvornik. Et

 16   pendant tout ce temps-là, nous étions dans une espèce d'encerclement, sans

 17   médicaments, sans vivres. Nous ne pouvions pas sortir. Et désormais, nous

 18   n'avions pas un seul pistolet dans le village.

 19   Ce qui fait qu'à plusieurs reprises, lors des réunions avec M. Grujic

 20   et avec ses officiers militaires, on a réclamé l'autorisation pour les gens

 21   de sortir pour aller se faire soigner et chercher des vivres, parce qu'on

 22   ne pouvait pas sortir de Kozluk compte tenu des postes de contrôle et des

 23   militaires qui étaient tout au tour. La situation était plutôt difficile,

 24   parce que les vivres et les médicaments ne pouvaient pas entrer, nous, on

 25   ne pouvait pas sortir. Et j'ai demandé à ce que nous fassions des réunions

 26   pour qu'une solution soit trouvée.

 27   Nous avons été tout à fait loyaux, nous nous sommes comportés de façon tout

 28   à fait légale, nous avons restitué nos armes.

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  1   Q.  Où teniez-vous vos réunions lorsque vous évoquiez la possibilité

  2   d'obtenir de la nourriture ainsi que d'autres éléments essentiels ?

  3   R.  Nous avons tenu deux réunions chez les sapeurs-pompiers, et l'autre

  4   réunion, elle, elle a eu lieu dans la rue, parce que toute la population

  5   s'était rassemblée. M. Vasilije Kacevenda, M. Vindija était venu, M. Brano

  6   Grujic, Dragan Spasojevic. Ces gens étaient tous venus, parce que nous

  7   voulions que tout un chacun se rende compte de la difficulté de la

  8   situation, qu'on était cloîtrés, et qu'il n'y avait pas de livraison de

  9   médicaments et de vivres.

 10   Q.  Etes-vous allé à Zvornik pour ce genre de réunion, pour essayer de

 11   résoudre ces problèmes ?

 12   R.  Moi, je ne pouvais aller nulle part, je faisais partie de la

 13   population. Je me fâchais quelque peu, parce qu'à chaque fois que je posais

 14   des questions, je me rendais compte que ces gens-là n'étaient pas à même de

 15   décider de quoi que ce soit. Alors je me suis adressé à M. Grujic, et je

 16   lui ai dit : "Mais conduis-moi chez votre chef." Et il l'a fait.

 17   Après cette réunion, il y a eu pas mal de gens de présents, on est allés à

 18   Alhos, c'est une usine à Karakaj. Et d'après eux, c'était là leur chef,

 19   leur numéro un, c'est là qu'il se trouvait. Et c'est dans cette enceinte

 20   que j'ai vu pas mal de jeunes inconnus, bien armés, cheveux coupés courts.

 21   Et nous sommes entrés dans une pièce où il y avait un homme petit de taille

 22   et maigre. On a fait connaissance, et il a dit qu'il s'appelait Pejic et

 23   que c'était lui le représentant principal des effectifs à Arkan et qu'il

 24   était le chef des autorités civiles et militaires.

 25   D'après la façon dont les autres se comportaient, j'ai vu que c'était

 26   lui le chef, parce qu'il donnait des ordres. Il ne parlait pas, il

 27   engueulait. Il ne respectait ni M. Kacavenda ni Muhamed Efendi. Et j'ai vu

 28   d'après son comportement et son attitude, que c'était lui qui était le

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  1   "boss."

  2   Q.  Est-ce qu'il est revenu avec vous à Kozluk pour voir la situation de

  3   ses propres yeux ?

  4   R.  J'ai été bien reçu, je lui ai dit qu'on avait restitué nos armes de

  5   façon réglementaire, j'ai dit qu'il y avait pas mal de malades, qu'on était

  6   encerclés, qu'on ne pouvait pas sortir de Kozluk. Alors je lui ai dit :

  7   "C'est pas possible," je lui ai dit : "Mais attendez, venez voir, rendez-

  8   vous compte par vous-même."

  9   Q.  Et c'est ce qu'il a fait ?

 10   R.  Oui. Il m'a demandé : "Qui est-ce qui me garantirait ma sécurité ?"

 11   J'ai dit : "Mais personne, je vais vous accompagner." Et quand on a quitté

 12   Karakaj, il s'est fait escorter par une dizaine de soldats à l'entrée de

 13   Kozluk, ils sont restés derrière. Et moi-même, le dénommé Pejic, le

 14   commandant, et Brano Grujic, on est entrés parmi la population. Et chemin

 15   faisant, il est arrêté à la barricade, au poste de contrôle, et il a

 16   insulté les soldats parce qu'ils n'étaient pas propres, pas

 17   réglementairement habillés. Il a même frappé un homme, et là je me suis

 18   rendu compte qu'il avait vraiment de l'autorité.

 19   Il y avait pas mal de gens qui étaient malades, qui n'avaient pas pu

 20   se procurer des médicaments. Or, il s'est tourné vers Grujic et il lui a

 21   dit : "Grujic, tu es le maire ici. Tu es le responsable de ces gens. Je

 22   veux que tout de suite des médicaments soient livrés, des vivres aussi, que

 23   des médecins viennent, des services sanitaires se déplacent." Je croyais

 24   qu'il plaisantait. Alors il a fait demi-tour et il est parti. Nous autres,

 25   on est restés. Le lendemain à 8 heures, il est arrivé un camion plein de

 26   vivres, de médicaments, et il y a eu une équipe sanitaire, des médecins qui

 27   sont venus, et on a commencé à se comporter autrement. On n'osait plus

 28   tirer en passant par Kozluk pour nous intimider. Il est venu une police

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  1   militaire, des blindés de transport de troupes, enfin une espèce de

  2   protection.

  3   Q.  M. Pejic, l'homme que vous venez de nous décrire, a-t-il été remplacé

  4   par la suite par quelqu'un d'autre ?

  5   R.  J'ai rencontré trois fois le dénommé Pejic, deux fois à Karakaj, au

  6   siège, et une fois à Kozluk. Il se disait être l'émissaire à Arkan. C'était

  7   lui le numéro un. Ensuite, à sa place, il est arrivé un dénommé Zuco. C'est

  8   un surnom. Il venait souvent à Kozluk à bord d'une jeep où il y avait une

  9   mitrailleuse dessus. Il portait un uniforme militaire. Il allait d'un champ

 10   de bataille à l'autre. Il était plutôt en guenilles. Il y avait à ses côtés

 11   des hommes qui portaient des gants. Ça n'avait pas l'apparence du dénommé

 12   Pejic. Il est venu à plusieurs reprises en compagnie de Marko Pavlovic.

 13   Marko Pavlovic se présentait comme étant le commandant de la Défense

 14   territoriale serbe, et l'autre se disait être commandant de tous.

 15   Q.  Vous souvenez-vous à quel moment Pejic a été remplacé par cette

 16   personne dont vous venez de nous parler, environ ?

 17   R.  Je pense que c'est au mois de mai, quoique Pejic, une fois en passant,

 18   s'était arrêté à Kozluk à bord de son véhicule. Il avait demandé à me voir.

 19   Il m'a demandé comment ça allait. Je disais que c'était plutôt pénible

 20   comme situation. Je pense que c'était au mois de mai.

 21   Q.  Je souhaite maintenant vous demander de vous reporter à la première

 22   moitié du mois de juin 1992. Pourriez-vous nous décrire la situation à

 23   Kozluk à ce moment-là ?

 24   R.  J'ai déjà dit qu'à Kozluk il y avait eu une dizaine de commandants.

 25   Chacun avait sa propre unité. Je vais vous répéter, il y a eu Pazin, Marko

 26   Pavlovic de la Défense territoriale serbe, puis il y a eu les hommes à

 27   Arkan, Pejic et Zuco. Puis il y a eu Pivarski et Niski, puis il y a eu les

 28   Guêpes jaunes. Il y a eu le capitaine Dragan, qui est passé plusieurs fois

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  1   avec ses militaires dans Kozluk avec ses bérets rouges en intimidant la

  2   population.

  3   Au mois de juin, les champs de bataille n'étaient pas loin de Kozluk,

  4   Teocak-Sapna-Kalesija, ce n'était pas loin. On entendait les explosions,

  5   les tirs dans les combats. Kozluk, c'était un lieu de transit. On voyait

  6   tout le temps des déplacements de militaires, d'unités. On s'est rendu

  7   compte de la détérioration de la situation. Sur les sites de combat, il y a

  8   eu de plus en plus d'unités à aller, et ils venaient à Kozluk pour piller

  9   les voitures, pour voler des vivres, et ils voulaient prendre des filles

 10   musulmanes pour travailler dans des cuisines, à Sepac, par exemple. La

 11   situation se détériorait. J'avais le sentiment que plus personne ne

 12   contrôlait véritablement la situation.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, pour y voir clair.

 14   Vous dites qu'il y avait une "zone de combat." Alors pouvez-vous nous dire

 15   quels étaient les combattants, qui contre qui ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Kozluk, ça se trouve sur le rive même de la

 17   Drina, et à Kozluk et autour de Kozluk, il y a eu la Défense territoriale

 18   serbe de stationnée, ainsi que ces unités paramilitaires que commandait M.

 19   Pejic, à savoir M. Zuco, puis les commandants que j'ai déjà évoqués. Ils

 20   traversaient Kozluk et ils allaient plus en profondeur du territoire vers

 21   Teocac, Sapna, Tuzla, et c'est là que les combats se déroulaient. On n'a

 22   pu, nous autres, que voir le passage de ces hommes, de ces unités, le

 23   transit de ces armements, et on a remarqué qu'au retour des champs de

 24   bataille, il y avait un grand nombre de blindés de transport de troupes et

 25   de militaires. On n'a pas pu voir les combats --

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous faites une très longue réponse et vous ne

 27   répondez pas à ma question. Je voulais savoir qui se battait contre qui.

 28   Alors, d'un côté, j'ai compris qu'il y avait la Défense territoriale serbe

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  1   avec des unités paramilitaires, très bien. Mais ils se battaient contre

  2   qui, eux ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] De l'autre côté, il y avait l'ABiH.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ils se battaient contre l'ABiH. Très bien.

  5   Bon. Là, on comprend mieux la situation.

  6   Bien, Madame Biersay, continuez. Il nous reste cinq minutes avant la pause.

  7   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Q.  Avant de passer au sujet suivant, je souhaitais préciser quelque chose

  9   que vous avez évoqué un peu plus tôt.

 10   Vous avez parlé du premier commandant de la Défense territoriale,

 11   Subotic. Connaissez-vous le prénom de ce dénommé Subotic que vous avez

 12   évoqué un peu plus tôt ?

 13   R.  Ça changeait tout le temps.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Le bureau du Procureur a recueilli

 15   la déclaration de Zoran Subotic, et j'exige que cette déclaration soit

 16   communiquée à moi-même et aux autres, parce qu'on ne me l'a pas communiquée

 17   avec les documents qui accompagnent ce

 18   témoin-ci.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Est-ce que la déclaration de Zoran Subotic a

 20   été recueillie, et pourquoi n'a-t-elle pas été communiquée à M. Seselj ?

 21   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si

 22   nous l'avons. Je vais vérifier. A savoir si ceci a été communiqué à M.

 23   Seselj ou non, je dois vérifier cela également. A savoir si nous devons

 24   communiquer la déposition de ce témoin-là dans le cadre de la procédure

 25   d'aujourd'hui, je ne sais pas si c'est pertinent eu égard à ce témoin-ci,

 26   mais nous reviendrons certainement vers vous pour vous le dire.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, le bureau du Procureur

 28   m'a communiqué cette déclaration il y a plusieurs années déjà. J'en ai pris

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  1   lecture. Cette déclaration existe. C'est tout à fait certain. La

  2   déclaration de M. Banjanovic est la seule déclaration où l'on mentionne le

  3   nom de Zoran Subotic, et je pense que c'est une bonne opportunité pour que

  4   le bureau du Procureur

  5   recommunique [phon] la pièce aux Juges de la Chambre et à moi-même tous les

  6   documents qui ont à voir avec le témoignage de M. Banjanovic. Parce que

  7   quand on se penche sur ce qui y est dit, on peut voir que Zoran Subotic

  8   avait été mobilisé en tant que conscrit de la JNA, et il l'a dit dans sa

  9   déclaration. Il était commandant de la Défense territoriale de Zvornik

 10   pendant une semaine à dix jours. M. Banjanovic doit le savoir mieux que

 11   moi-même, mais on peut le voir, tout cela, dans la déclaration de Zoran

 12   Subotic. Zoran Subotic était membre du Parti radical serbe, était député au

 13   parlement de Serbie. M. Banjanovic le sait également. Mais voyons donc

 14   cette déclaration de Zoran Subotic pour comprendre comment se fait-il qu'il

 15   soit venu là.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Il serait peut-être souhaitable, Madame Biersay, que

 17   cette déclaration Subotic soit connue, parce que M. le Député nous dit que

 18   Subotic a, pendant quelque temps, été commandant de la Défense

 19   territoriale, et de ce fait donc ça ne peut être que pertinent.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Savez-vous pourquoi, Monsieur le Président ?

 21   Subotic était commandant de la Défense territoriale avant la chute de Kula

 22   Grad, donc avant le 26 avril, et les événements dont est venu témoigner M.

 23   Banjanovic et dont il doit commencer à témoigner, ça se passe à partir du

 24   26 juin et au-delà. Donc il y a deux ou trois mois d'écart.

 25   Mme BIERSAY : [interprétation] Puis-je demander une précision des Juges de

 26   la Chambre ? Eu égard à cette déclaration, est-ce que vous souhaitez avoir

 27   un exemplaire de cette déclaration ? Comme l'a précisé M. Seselj, il

 28   dispose déjà d'une version de cette déclaration.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : -- collègues s'ils la veulent ou pas.

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre, en l'état, ne voit pas la nécessité

  4   d'avoir cela.

  5   Bien. Continuez.

  6   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, je suis sur le point

  7   de passer à un autre sujet. Je ne sais pas si vous souhaitez faire la pause

  8   maintenant.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, le mieux c'est de faire la pause maintenant.

 10   Donc on va faire 20 minutes de pause maintenant.

 11   --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

 12   --- L'audience est reprise à 16 heures 08.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 14   Madame Biersay, vous avez utilisé déjà 40 minutes.

 15   Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 16   Q.  J'aimerais maintenant que nous parlions du 26 juin 1992. Ce jour-là

 17   vous a-t-on demandé de venir à une réunion ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Qui vous a invité à cette réunion ?

 20   R.  C'est un habitant de Kozluk, qui avait reçu un message stipulant que je

 21   devais me faire connaître immédiatement au poste de police de Kozluk, où

 22   des gens de la municipalité m'attendaient, c'est ce qu'on lui a dit, qui

 23   m'a transmis ce message. Il était environ 7 heures 40 ou 8 heures. Je suis

 24   allé au poste de police immédiatement. Je me suis fait connaître au poste,

 25   et j'ai rencontré, j'ai vu là-bas Brano Grujic qui était assis au poste de

 26   police. Il présidait la municipalité serbe de Zvornik.

 27   Q.  Sept heures ou 8 heures du matin ou du soir ?

 28   R.  Il y avait aussi Jovo Mijatovic avec lui, et c'était le matin.

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  1   Q.  Lorsque vous avez rencontré ces deux personnes, Vujic et Pavlovic --

  2   non, Mijatovic, que vous ont-ils dit ?

  3   R.  Quand je me dirigeais vers le poste de police, j'ai vu un grand nombre

  4   de camions et d'autobus. Je ne savais pas pourquoi ils étaient là. Quand je

  5   suis arrivé au poste de police, nous nous sommes salués, et Brano Grujic

  6   m'a dit que je devais immédiatement appeler la population, qu'il fallait

  7   que nous nous rassemblions immédiatement devant la maison de la culture,

  8   que nous aurions quelque chose à signer et que dans ce document nous

  9   disions que nous allions immédiatement quitter Kozluk. J'ai dit : "Mais

 10   pourquoi ? Il m'a répondu : "Ne me pose pas trop de questions. La décision

 11   est telle et il faut quelle soit immédiatement appliquée."

 12   J'ai essayé de poursuivre le contact, j'ai dit que nous avions remis les

 13   armes, que nous n'avions pas participé au combat, que nous n'avions rien

 14   fait. Il m'a répliqué simplement qu'il ne contrôlait plus la situation,

 15   qu'il y avait des unités qui menaçaient de venir tous nous abattre. Je lui

 16   ai demandé de nous accorder quand même un peu de temps pour que nous ayons

 17   le temps de préparer nos affaires et il a répondu que la décision avait été

 18   prise, que selon cette décision, nous n'avions pas le droit d'emporter quoi

 19   que ce soit, que la seule chose que nous avions à faire c'était de nous

 20   rassembler devant la maison de la culture, signer les documents et qu'on

 21   allait nous faire monter à bord des autobus et nous emmener ailleurs.

 22   Et Mijatovic m'a dit que la situation était assez grave et qu'il n'avait

 23   plus le contrôle sur les unités paramilitaires, qu'il craignait en fait que

 24   ces unités pénètrent dans Kozluk un jour et y mettent le feu et nous

 25   abattent tous.

 26   Donc j'ai pris le chemin du centre de Kozluk, j'ai parlé aux miens et

 27   j'ai dit qu'il fallait qu'ils se préparent. Dès ma sortie du poste de

 28   police, j'ai vu une dizaine d'autobus, quelques camions, un grand nombre de

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  1   véhicules militaires, des soldats, des policiers. J'ai senti que nos

  2   dernières heures étaient en train de s'écouler et qu'il fallait que nous

  3   partions.

  4   Q.  [aucune interprétation] 

  5   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je ne suis pas très certain d'avoir

  6   bien compris qui était censé venir rendre compte au centre communal pour

  7   être emmené. Pourriez-vous le clarifier, s'il vous plaît ?

  8   Mme BIERSAY : [interprétation]

  9   Q.  Bien. A ce moment-là, pouvez-vous nous dire qui il restait à Kozluk ?

 10   R.  A Kozluk se trouvaient les Musulmans de Bosnie, une partie de la

 11   population Rom et une petite partie de la population serbe. On m'a dit

 12   clairement que c'était les Musulmans qui devaient immédiatement faire leurs

 13   paquets et se rassembler dans la cour de ce centre et qu'ils seraient

 14   emmenés à bord de camions ou d'autobus. Mais on ne m'a pas dit où, et à ce

 15   moment-là je n'osais même plus poser la question, car le nombre d'hommes en

 16   armes était si important que moi, y compris, j'avais vraiment très peur et

 17   que la situation m'apparaissait comme très sérieuse. Donc quand je suis

 18   rentré, j'ai dit à tous les gens qui se trouvaient là, que nous, les

 19   Musulmans, nous devions dans quelques heures nous rassembler devant la

 20   maison de la culture sans rien emporter, que c'était ça le contenu de

 21   l'ordre et que nous allions être transférés ailleurs. Et moi-même,

 22   accompagné de ma mère et de ma famille, j'ai pris le chemin de la maison de

 23   la culture.

 24   Q.  Les gens de Kozluk qui devaient partir sont-ils rentrés en ville sans

 25   escorte ou est-ce qu'il y avait une escorte qui les accompagnait ?

 26   R.  Je ne comprends pas la question.

 27   Q.  Vous nous avez dit que vous avez vu des individus armés qui étaient aux

 28   alentours de Kozluk et dans Kozluk; c'est bien cela ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Lorsque vous êtes entré pour relater cet ultimatum qui avait été fait

  3   aux Bosniens, pour les avertir. Pouvez-vous nous dire comment ils se sont

  4   rassemblés et comment ils ont procédé pour aller de là où ils étaient

  5   jusqu'au centre ?

  6   R.  Je disposais d'un mégaphone, et j'ai prié un jeune homme qui se

  7   trouvait là de l'utiliser pour annoncer que nous devions nous regrouper

  8   tous devant la maison de la culture dans quelques heures, et que nous

  9   serions transférés ailleurs, et que nous n'avions pas le droit d'emporter

 10   quoi que ce soit. Des hommes en armes étaient debout devant pratiquement

 11   toutes les maisons, ils portaient des uniformes divers, et dans le centre

 12   de Kozluk se trouvaient un certain nombre de véhicules, des blindés de

 13   transport de troupes et des chars. A Kozluk, ce matin-là, étaient

 14   rassemblés des forces importantes de la Défense territoriale serbe ainsi

 15   que des unités paramilitaires, des Guêpes jaunes, des hommes d'Arkan, et

 16   tous les autres.

 17   A son arrivée devant la maison de la culture, Hadzic Galib s'est fait

 18   tirer dessus. Une maison a immédiatement été incendiée alors que nous

 19   n'étions pas encore sortis de la localité. Ce qui pour moi a été le plus

 20   dur, c'est que nos mères, nos sœurs ont été fouillées par ces hommes d'une

 21   façon particulièrement violente et humiliante, comme si elles avaient de

 22   l'argent dans leurs soutiens-gorge. Ça, je l'ai vécu de façon très pénible.

 23   Ils ont commencé à nous insulter.

 24   Et au fur et à mesure qu'on se présentait, on emplissait les camions

 25   et les autobus de gens de notre groupe. Il y avait aussi des camions qui

 26   avaient des remorques.

 27   Q.  Une minute, j'aimerais que vous n'alliez pas si vite. Vous nous avez

 28   parlé de Galib Hadzic, et vous nous avez dit qu'on lui a tiré dessus. A-t-

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  1   il été blessé ?

  2   R.  Oui, il a été bien blessé à la jambe. Nous lui avons mis un pansement,

  3   nous l'avons fait entrer dans le camion, et ce Galib Hadzic vit à Vienne

  4   aujourd'hui avec sa famille. Mais il a des conséquences permanentes de

  5   cette blessure à la jambe. Et ils lui ont tiré dessus uniquement parce

  6   qu'il était Musulman. Ils ont exercé une pression énorme sur nos mères, sur

  7   nos sœurs.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, un petit détail que vous donnez

  9   qui me fait penser à quelque chose. On voit très bien la scène telle que

 10   vous nous l'avez décrite longuement, mais il y a un détail qui appelle mon

 11   attention et qui doit appeler l'attention de tout le monde.

 12   Vous dites qu'il y avait des tanks. Bon, s'il y a des tanks, c'est qu'il y

 13   a l'armée, la JNA, qui est là. Ou bien les unités paramilitaires avaient

 14   des tanks et la Défense territoriale serbe avait des tanks, ou bien ces

 15   tanks témoignent de la présence de la JNA. Qu'est-ce que vous pouvez nous

 16   dire pour nous éclairer ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Jusqu'à ce matin-là, les blindés de transport

 18   de troupes et les blindés de l'armée en général ne faisaient que passer par

 19   Kozluk, mais ils ne s'arrêtaient pas longtemps. Mais ce matin-là, à Kozluk,

 20   il y avait des blindés de transport de troupes, il y avait aussi des jeeps

 21   porteurs d'armes et des chars, et il y avait aussi les membres de la

 22   Défense territoriale serbe, il y avait des soldats en uniforme, il y avait

 23   des policiers, il y avait aussi des unités paramilitaires. Il y avait donc

 24   une forte concentration d'unités paramilitaires et militaires à Kozluk ce

 25   matin-là, car ils s'étaient vu confier la mission de réaliser la

 26   déportation de près de 2 000 Musulmans de Bosnie. Qu'est-ce qui appartenait

 27   à qui, croyez-moi, je ne le sais pas. Mais en tout cas, je peux vous

 28   affirmer qu'il y avait là les paramilitaires, les policiers, les

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  1   militaires, et pas mal de gens qui avaient déjà commencé à se défouler en

  2   mettant le feu aux maisons, parce que finalement ils ont tiré sur un homme

  3   qui avançait tranquillement au milieu d'une colonne, et cetera.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites qu'il y avait une déportation de 2 000

  5   Musulmans. Ce qui veut dire que c'était une opération d'envergure, mais

  6   peut-on en tirer la conclusion que cette opération était sous le contrôle

  7   de la JNA ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne sais pas sous le

  9   contrôle de qui ils étaient. Mais nous, nous étions loyaux, nous avions

 10   remis toutes nos armes, nous étions tranquilles. On nous avait promis de

 11   l'aide.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, ma question n'est pas là. Je

 13   n'ai pas à savoir si vous étiez loyal ou pas. Vous, vous étiez présent,

 14   donc mieux que quiconque, vous êtes à même de nous dire si, d'après vous,

 15   cette opération était contrôlée vu les moyens déployés, et moi, ma question

 16   : est-ce qu'on peut en tirer la conclusion que c'était sous le contrôle de

 17   la JNA ou pas ? Il n'y a que vous qui pouvez répondre.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est exact que ce jour-là j'étais à Kozluk,

 19   il est exact aussi qu'il y avait là des soldats, des unités militaires, des

 20   blindés transport de troupes, des policiers, des forces armées. Et il est

 21   certain que cette opération était coordonnée, car tout de même il était

 22   question de 2 000 personnes à transporter. Il y avait là des chars et des

 23   soldats, donc il est certain qu'il y avait de la coordination et du

 24   contrôle. Pourquoi est-ce qu'ils seraient trouvés à Kozluk, sinon pour cela

 25   ? Les canons dans le centre de Kozluk visaient les maisons des Musulmans de

 26   Bosnie dans le centre du bourg, il y avait partout des soldats et des

 27   paramilitaires. Donc j'affirme qu'il y avait certainement une coordination

 28   entre les structures paramilitaires, militaires et civiles.

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  1   Mais M. Grujic n'a fait que me transmettre l'annonce. Il m'a dit que

  2   l'ordre qu'il avait reçu lui intimait de nous transmettre le message. Mais

  3   qui est-ce qui était plus haut, ça je ne sais pas.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Là, vous avez très bien répondu.

  5   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'aimerais juste poser une question

  6   de suivi suite à la question du Président de la Chambre. Vous venez de nous

  7   dire il y a une minute que M. Grujic vous avait dit que tous les Musulmans

  8   devaient quitter Kozluk, et qu'ils devaient quitter Kozluk parce que -- je

  9   crois, si je vous cite bien, je crois qu'il a dit que plus personne ne

 10   contrôlait les paramilitaires, et c'est pour ça qu'ils vous ont demandé de

 11   partir. Ce qui ne correspond pas du tout avec le fait que la JNA était

 12   présente, la JNA qui était sans doute mieux armée que les paramilitaires ?

 13   Etes-vous en train de nous dire que M. Grujic essayait de faire porter la

 14   faute aux volontaires ? Enfin, pouvez-vous nous expliquer cela ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Grujic m'a dit, je cite : "La situation est

 16   complexe." Il m'a dit qu'il ne pouvait plus exercer une maîtrise sur ces

 17   unités paramilitaires, et que tout simplement quelqu'un pouvait pénétrer

 18   dans Kozluk pour nous abattre. J'ai répondu : "Mais il y a des policiers

 19   là, pourquoi est-ce qu'on nous abattrait ?" Nous avons restitué nos armes,

 20   et cetera. Et à ce moment-là M. Mijatovic, qui était député, s'est approché

 21   et a dit : "M. Banjanovic, la situation est difficile. Nous ne faisons que

 22   vous communiquer un ordre, un message, mais nous ne pouvons plus exercer le

 23   moindre contrôle."

 24   La seule chose que je sais, c'est que ces unités ne cessaient de

 25   traverser Kozluk et qu'au mois de juin la situation était terriblement

 26   pénible, parce que des attaques ont été menées par la Défense territoriale

 27   serbe et les paramilitaires contre Kozluk. Ils ont fait des manœuvres, ils

 28   ont tiré sur Kozluk, et cetera. Qui est-ce qui exerçait le contrôle,

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  1   qu'est-ce qui se passait exactement. Croyez-moi, j'étais complètement

  2   éberlué, je n'étais finalement qu'un simple habitant du bourg.

  3   Mais tout de même ce matin-là, les soldats sont arrivés, les chars

  4   étaient là. Jusque-là, il y avait la Défense territoriale serbe, la police

  5   serbe, les hommes d'Arkan, tout le monde était à Kozluk et ils avaient tous

  6   reçu l'ordre de nous chasser de Kozluk, et ce, dans les conditions les plus

  7   brutales en nous interdisant d'emporter le moindre bien, en insultant nos

  8   mères, nos sœurs, en fouillant les femmes pour voir si elles avaient de

  9   l'argent et des armes, en nous fourrant dans des camions et des autobus

 10   comme des sardines. Nous n'étions pas encore partis que deux maisons

 11   étaient déjà en feu. On tirait sur les gens, vraiment le chaos le plus net

 12   régnait et la situation était particulièrement pénible pour nous, les

 13   Musulmans.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Mme BIERSAY : [interprétation]

 16   Q.  Les Bosniaques qui se sont dirigés vers le centre culturel, pourriez-

 17   vous nous dire s'ils ne venaient que de Kozluk ou s'il y avait des

 18   Bosniaques qui venaient d'ailleurs ?

 19   R.  Tous les Musulmans qui se trouvaient ce matin-là à Kozluk devaient se

 20   regrouper devant la maison de la culture pour s'enregistrer, pour qu'on

 21   vérifie leur situation, qu'ils prennent place à bord des camions. Telle

 22   était la nature de l'ordre. Nous avons été contraints de le faire.

 23   Q.  Y avait-il des Bosniaques qui venaient de Skocici ? Je suis désolée

 24   d'écorcher le nom.

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, prononcer le nom de cette bourgade ?

 27   R.  La localité s'appelle Skocic. Elle était peuplée de Serbes, de Rom et

 28   de Musulmans de Bosnie, une cinquantaine de familles musulmanes qui, elles

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  1   aussi, sont arrivées à Kozluk et ont dû faire la même chose que nous parce

  2   que c'était ce qu'indiquait l'ordre.

  3   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il

  4   vous plaît, afficher la pièce 1464 de la liste 65 ter; ensuite, je

  5   demanderais à ce que la pièce 1463 soit affichée.

  6   Q.  Dans votre dossier, veuillez vous référer à la pièce 1464.

  7   Reconnaissez-vous cette pièce, la 1464 ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  De quoi s'agit-il ?

 10   R.  C'est la liste des personnes qui se sont regroupées devant la maison de

 11   la culture et qui se sont fait enregistrer et ont signé la déclaration

 12   indiquant que de leur plein gré ils laissaient tous leurs biens aux

 13   autorités serbes. On nous a donné lecture d'une déclaration, mais ce

 14   document, c'est la liste des habitants qui sont partis, des habitants de la

 15   localité.

 16   Q.  Nous allons en venir à ce document qui vous a été lu. Mais tout

 17   d'abord, concentrons-nous sur le document qui est à l'écran. Voyez-vous

 18   votre signature sur la dernière page de ce document ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Ce document est-il daté du 26 juin 1992 ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Le cachet qu'on trouve à la page 1 -- vous souvenez-vous quel est

 23   l'organisme qui a posé son cachet sur ce document ?

 24   R.  Ils avaient le sceau de la municipalité serbe de Zvornik et ils ont

 25   aussi apposé le tampon, le sceau de la Défense territoriale serbe, car ils

 26   ont apporté une lettre qu'ils ont ouverte et ils nous ont lu la lettre

 27   émanant du commandant de cette Défense territoriale  serbe. La liste que

 28   nous voyons ici a été dressée et c'est la liste où on trouve le nom de

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  1   toutes les personnes qui sont montées dans les camions.

  2   Q.  Procédons par étapes. Le document qui est à l'écran, le 1464, est une

  3   liste de personnes qui quittent un village, mais de quel village s'agit-il

  4   ?

  5   R.  C'est la liste des gens qui s'étaient regroupés devant la maison de la

  6   culture dans le centre de Kozluk, qui ont été enregistrés, fouillés, puis

  7   installés à bord des camions, des remorques et des autobus.

  8   Q.  Nous avons la première page et le titre de ce document, l'intitulé de

  9   ce document. Voyez-vous ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qui est écrit ?

 12   R.  Il est écrit que ce document est la liste des personnes qui quittent

 13   Kozluk de façon organisée.

 14   Q.  Sur cette liste, est-ce qu'on trouve les chefs des familles sur la

 15   deuxième colonne, ensuite la colonne suivante le nombre de membres dans la

 16   famille ?

 17   R.  Oui, oui. Par exemple, Vehid Marhosevic était le chef de sa famille et

 18   sa famille comptait neuf membres.

 19   Mme BIERSAY : [interprétation] L'Accusation souhaite demander le versement

 20   de la pièce 1464 au dossier, s'il vous plaît.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote P664.

 23   Mme BIERSAY : [interprétation] Maintenant, s'il vous plaît, pourrions-nous

 24   avoir rapidement la pièce 1463 à l'écran.

 25   Q.  S'agit-il d'un document similaire qui aurait été rédigé le 26 juin ?

 26   R.  Oui. 

 27   Q.  Les personnes qui sont inscrites sur cette liste, pouvez-vous nous dire

 28   de quel village ils venaient ?

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  1   R.  Le village s'appelle Skocic. C'est une localité voisine de Kozluk.

  2   Q.  Le cachet apposé sur la première page est-il similaire à celui que nous

  3   avons vu précédemment ?

  4   R.  Oui, oui, municipalité serbe et Défense territoriale serbe.

  5   Q.  A la page 2, pouvez-vous nous dire si vous avez signé ce document le 26

  6   juin 1992 ?

  7   R.  Oui.

  8   Mme BIERSAY : [interprétation] Nous souhaiterions demander le versement de

  9   la pièce 1463, s'il vous plaît.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document recevra la cote P665. Je vous

 12   remercie.

 13   Mme BIERSAY : [interprétation] Pourrions-nous maintenant avoir à l'écran la

 14   pièce 4222 de la liste 65 ter; elle devrait se trouver à la fin du

 15   classeur, la pièce 4222.

 16   Q.  Vous nous dites que quelque chose vous a été lu à haute voix. Nous

 17   avons à l'écran la pièce 4222; est-ce que vous reconnaissez ce document ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre comment ce document vous a

 20   été lu ?

 21   R.  Quand ils ont tassé tout le monde dans ces camions, ces autobus et ces

 22   remorques, le président de la Défense territoriale serbe a ouvert une

 23   enveloppe dans laquelle se trouvait ce document qui arborait, qui portait

 24   le sceau de la Défense territoriale serbe. On lisait ce qui suit dans ce

 25   document : "Aujourd'hui sont envoyés à l'extérieur --"

 26   Q.  Il y a des passages manuscrits sur ce document. Est-ce que vous

 27   reconnaissez l'écriture ?

 28   R.  Oui. J'avais un document et vous voyez le nombre d'habitants de Skocic,

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  1   le nombre d'habitants de Kozluk. J'ai dit qu'il y avait 17 autobus, trois

  2   camions avec remorques, et cetera; le nombre total de membres de familles.

  3   J'ai enregistré ici le numéro de la Croix-Rouge de Loznica et du Dr Zoran

  4   Nikolic qui nous a beaucoup aidés quand nous sommes arrivés en Serbie.

  5   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur la deuxième phrase à  partir du

  6   haut du document. Pourriez-vous nous en donner lecture, s'il vous plaît, si

  7   la copie que vous avez est suffisamment lisible?

  8   R.  Je cite : "Les personnes susmentionnées ont été autorisées à partir sur

  9   la demande exprès en l'absence de toute contrainte et en raison de leur

 10   désir qu'ils nous ont fait connaître d'éviter la mobilisation dans les

 11   formations musulmanes à tout prix."

 12   Ceci n'est qu'un pur mensonge, car il n'y avait pas de formations

 13   musulmanes à cet endroit. De quelle mobilisation il parle ici, c'est tout

 14   simplement un mensonge.

 15   Q.  Je voudrais m'assurer que le compte rendu est bien précis en ce qui

 16   concerne le passage dont vous avez donné lecture, pouvez-vous nous dire

 17   quel est le dernier mot que vous avez lu afin que nous sachions où mettre

 18   les guillemets ?

 19   R.  "[B/C/S]."

 20   Q.  Etait-ce vrai ?

 21   R.  Personne ne nous avait demandé. Nous avons reçu l'ordre de nous

 22   regrouper devant la maison de la culture. Nous avons tous été fouillés,

 23   malmenés, insultés; on nous a tiré dessus, on a été entassé dans des

 24   camions, des remorques, et cetera. Il n'y a eu aucune conversation avec

 25   nous. Simplement avant notre départ, l'enveloppe dont j'ai parlé a été

 26   ouverte et on m'a donné ce document. On m'a

 27   dit : "Vous allez là-bas et vous verrez ce qui va vous arriver." Il n'était

 28   pas question d'une mobilisation des Musulmans. C'est un pur mensonge. Qui

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  1   est-ce qui nous aurait mobilisé à Zvornik ?

  2   Nous n'avons répondu à aucune question. Cette déclaration selon

  3   laquelle nous laissions nos biens de notre propre gré, qui est-ce qui nous

  4   a posé la moindre question ? Personne.

  5   Mme BIERSAY : [interprétation] L'Accusation demande le versement de la

  6   pièce 4222, s'il vous plaît.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de demander au greffier de nous donner un

  8   numéro, un petit renseignement d'ordre technique.

  9   Je regarde la signature du major Marko Pavlovic, puis je vois dans la

 10   version anglaise : "Pour le commandant du VTK," et il y a marqué en

 11   anglais, "expression inconnue." C'est quoi le VTK, d'après vous ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Les documents que j'ai reçus n'étaient pas

 13   signés par Marko Pavlovic. C'est quelqu'un qui a signé "en son nom."

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je crois que je l'avais remarqué, j'attendais

 15   que vous me l'indiquiez parce que dans la version anglaise, il y a : "For

 16   the commander," alors que dans la version B/C/S, le "pour" est devant

 17   "Major." Donc on pense qu'il y a le commandant du VTK, il y a le major

 18   Pavlovic et il y a quelqu'un qui a signé pour lui. Vous avez parfaitement

 19   raison. Mais d'après vous, c'est quoi ce "VTK ?"

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce qu'on savait, c'est que le commandant

 21   de cette Défense territoriale serbe, c'était Marko Pavlovic. Ça, on n'en

 22   savait rien.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, si vous voulez une

 24   explication, je peux vous la fournir, mais c'est seulement si vous voulez.

 25   Lorsque la JNA s'est retirée le 19 mai, il est resté les réservistes locaux

 26   mobilisés dans la JNA et à la place de la Défense territoriale jusqu'à ce

 27   jour qui était soumise ou subordonnée à la JNA, il a été créé un

 28   commandement militaire territorial. C'est intermédiaire entre le départ de

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  1   la JNA et la création de cette Brigade de Zvornik de la Republika Srpska

  2   qui a été créée fin juin, mais je ne sais pas vous donner la date. C'est le

  3   commandement militaire territorial qui illustre l'unité qu'il y a entre

  4   l'armée et les gens de la Défense territoriale; donc c'est la phase

  5   intermédiaire entre le départ de la JNA et la création de l'armée de la

  6   Republika Srpska.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin, vous êtes d'accord avec cette explication

  8   qui est donnée ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends parler pour la première fois de

 10   ceci. Je n'en sais rien. Pour moi, il n'y avait que la Défense territoriale

 11   serbe et Marko Pavlovic et eux, ils se relayaient d'ailleurs. Il y a eu

 12   Subotic, puis il y a eu l'autre; puis, Marko Pavlovic c'était le dernier à

 13   venir et qui nous a chassés, d'ailleurs.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : En tout cas, l'explication est au transcript et on

 15   pourra s'y référer.

 16   On va donner un numéro pour ce document.

 17   Monsieur le Greffier.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document recevra la cote P666.

 19   Mme BIERSAY : [interprétation]

 20   Q.  Pouvez-vous nous dire si tous les Bosniens de Kozluk ont quitté la

 21   ville dans ce convoi ?

 22   R.  On s'était tous rassemblé. On est monté à bord et il y a eu un départ.

 23   Puis après, on a appris qu'il y a eu 12 ou 13 personnes à être restées et

 24   que ces Bosniens avaient été tués, ont été abattus, ceux qui ne voulaient

 25   pas venir avec nous. Ils ont été abattus par ces militaires et ces unités

 26   dont j'ai parlé tout à l'heure.

 27   Q.  Vous avez décrit les autocars et les camions à bord desquels étaient

 28   montés les Bosniens. Y avait-il d'autres véhicules qui ont accompagné ce

Page 12459

  1   convoi à bord desquels se trouvaient les Bosniens ?

  2   R.  A la tête de la colonne, il y avait un véhicule de la police serbe et à

  3   la fin, il y avait aussi un véhicule de la police serbe. C'étaient deux

  4   véhicules qui ont escorté la colonne jusqu'au pont de Sepac et de l'autre

  5   côté du pont en Serbie. C'est là qu'on a garé au bord de la rivière Drina

  6   et on attendait ce qu'il allait advenir ensuite.

  7   Q.  Où vous a-t-on emmenés ? Quand je dis "vous a-t-on emmenés," je fais

  8   référence au convoi entier, ces autocars et ces camions ?

  9   R.  On m'a ouvert cette lettre, on me l'a lue et on a dit qu'on irait en

 10   Serbie, on continuerait notre chemin. Puis on a continué vers le pont de

 11   Sepac, le passage vers la Serbie.

 12   Kozluk était plein de militaires, de véhicules. Plusieurs maisons ont

 13   été incendiées tout de suite. C'était pénible, être expulsés et quitter son

 14   bourg, sa ville, sa localité rien que parce qu'on était ressortissant d'un

 15   autre groupe ethnique.

 16   Ça arrivait sur la rive de la Drina en Serbie; à côté du pont de Sepac, il

 17   s'était rassemblé pas mal de paramilitaires avec des gants, des mitaines,

 18   avec des uniformes variés et ils avaient des camions, des autocars et ils

 19   demandaient à ce que des filles ou des femmes descendent. J'ai dit que

 20   personne ne devait sortir de l'autocar ou du camion et qu'il fallait

 21   barricader les portes moyennant nos corps.

 22   J'ai demandé à M. Dragan Nikolic de nous venir en aide. C'était un

 23   médecin à Zvornik, mais il vivait à Loznica, et il était à la tête de la

 24   Croix-Rouge. J'ai demandé à ce que la police de Loznica vienne, et je dois

 25   vous dire qu'on a pris peur, cette demi-heure, c'était pénible. Ces hommes-

 26   là, c'était des vautours.

 27   Q.  Je suis désolée de vous interrompre. J'aimerais savoir quelle a été

 28   votre première étape ? Etait-ce à Loznica ?

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  1   R.  A Loznica, juste à côté de la rivière Drina, une fois qu'on a traversé

  2   le pont. Ça s'appelle le champ de Loznica ou Loznicka Polje. Et ils ont

  3   frappé contre les vitres, ils voulaient faire sortir les filles et les

  4   femmes, ils disaient toutes sortes de choses. J'imagine qu'ils venaient des

  5   zones de combat. Et lorsque la police de Loznica est venue, et ils sont

  6   venus à bord de quatre ou cinq véhicules, ils ont chassé tous ces gens-là

  7   et ils ont encerclé le convoi avec ces voitures de police, et c'est à bord

  8   d'un véhicule de police que je suis allé jusqu'à la Croix-Rouge. Et nous

  9   avons depuis la Croix-Rouge envoyé une lettre à Belgrade, et en attendant

 10   la réponse, on nous a offert des jus de fruits, des sandwiches. Il y est

 11   venu des gens à bord des camions et des autocars.

 12   Il y avait pas mal d'enfants, il y avait des malades et on ne nous

 13   avait rien donné jusque-là à manger, on n'avait pas d'argent pour acheter

 14   quoi que ce soit. C'était donc une situation extrêmement pénible.

 15   Q.  A partir du moment où vous avez demandé l'aide de la Croix-Rouge et le

 16   moment où vous avez eu une réponse, combien de temps s'est écoulé ?

 17   R.  La police est venue tout de suite, au bout d'une demi-heure à peine.

 18   Elle est venue, la police, et elle a chassé ces gens qui s'attaquaient à

 19   nous et qui nous injuriaient.

 20   Q.  Pardonnez-moi, ma question n'était pas claire. Vous nous avez dit avoir

 21   demandé à la Croix-Rouge internationale de l'aide; est-ce exact ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Quel genre d'aide recherchiez-vous ?

 24   R.  On a demandé à ce qu'on nous dise où est-ce qu'on nous emmenait, que

 25   nous le sachions, et on demandait un peu d'eau, de quoi manger. Et les gens

 26   de Loznica nous ont aidés. Ils nous ont tout de suite donné à manger, ils

 27   avaient envoyé des jus de fruits pour les enfants. Une lettre a été envoyée

 28   à Belgrade, et au bout de quelques heures un courrier est arrivé, ou

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  1   plutôt, une attestation disant que nous pouvions continuer notre chemin en

  2   direction de Subotica. C'était un laissez-passer par le territoire de la

  3   Serbie, je ne sais plus comment on appelait cela. Mais tout le temps la

  4   police était à nos côtés, et plus personne ne nous a malmenés là.

  5   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce que je pourrais

  6   avoir le numéro 65 ter 1465, s'il vous plaît.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, ce que vous dites est un peu

  8   confus. Je vais essayer de synthétiser ce que vous venez de dire.

  9   Vous traversez le pont et vous vous retrouvez à Loznica. Sur place, il y a

 10   des soldats, des unités paramilitaires. Ils sont excités, ils demandent des

 11   femmes, et cetera; vous décidez dans les camions, dans les bus, de ne pas

 12   bouger -- de ne pas bouger, et surtout, que les femmes ne descendent pas.

 13   Arrive très vite, d'après ce que je comprends, la police de Loznica qui

 14   vient, qui vous protège et qui chasse ces paramilitaires.

 15   A partir de là, vous allez recevoir quelques secours, puisque vous

 16   dites on vous amène à manger, à boire, et cetera. Et il va y avoir avec

 17   Belgrade, semble-t-il, d'après ce que vous dites, l'envoi d'un courrier

 18   pour savoir où vous allez aller. Et quelque temps après, arrive un document

 19   qui indique que vous devez aller à Subotica, si j'ai bien compris.

 20   Ça s'est bien passé comme cela ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ça s'est passé comme cela exactement. Et

 22   un véhicule de la police m'a pris pour m'emmener à la Croix-Rouge, et c'est

 23   exactement comme ça que ça s'est passé. Et lorsque ce courrier est arrivé,

 24   on nous a dit qu'on nous transférerait en train, on irait jusqu'à Ruma

 25   depuis Loznica, et de Ruma on était censés prendre un train. C'est ce que

 26   nous disait cette dépêche.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous, vous étiez présent - moi, je n'y étais

 28   pas - mais vous, vous étiez présent, est-ce que vous avez l'impression que

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  1   les autorités locales, et notamment la police, contrôlaient parfaitement la

  2   situation ?

  3   LE TÉMOIN : [aucune interprétation] 

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Et les policiers avec qui vous vous êtes

  5   entretenus, eux, ils ont découvert votre arrivée ou bien ils savaient que

  6   vous arriviez ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] J'affirme en toute responsabilité que c'était

  8   une mise en scène, ils savaient tout, ils savaient pertinemment bien où on

  9   allait. Et on le voyait de par leur comportement. On m'a, pour la forme,

 10   mis dans la Croix-Rouge. On attendait un courrier, que sais-je trop quoi.

 11   Mais je suis profondément convaincu que c'était une espèce de scénario où

 12   chacun avait son rôle et sa mission. Et ce n'était pas par hasard que ce

 13   groupe de bandits étaient là pour nous malmener, et ce n'est pas par hasard

 14   que la police est venue à bord de deux ou trois véhicules. D'après moi,

 15   c'était bien organisé et bien mis en scène.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc pour vous tout ça est une mise en scène. Mais

 17   dans quel but ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] En termes simples, pour qu'il n'y ait plus

 19   dans cette partie de la Republika Srpska de Bosniens, qu'ils soient

 20   expulsés, parce que nous constituions un problème dans cette ceinture qui

 21   suit la Drina, 2 000 ou 3 000 Bosniens, on gênait.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce qui veut dire que de bas en haut et de haut en

 23   bas, tout le monde était d'accord pour vous expulser, mais apparemment il y

 24   a --

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : -- parmi les 2 000 qui étaient là, personne n'a été

 27   tué ni n'a reçu de coups ni n'a été maltraité ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Lors de l'expulsion même, il y a Galib Hadzic

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  1   qui a été blessé par balle, et la pire des injures c'était le fait de

  2   fouiller nos femmes, nos filles, de les fouiller au niveau des soutiens-

  3   gorge et du reste. Ensuite à Loznica, on a été attaqués par ces deux

  4   groupes de voyous. Mais je vais vous dire quelles ont été les tortures que

  5   nous avons subies, parce qu'à Ruma on nous a passés à tabac lorsqu'on a

  6   quitté Loznica à bord d'autocars et des camions. On était attendus dans

  7   Ruma par un train, mais c'était un train à bétail. Et lors du transfert

  8   d'un train à l'autre, on nous a jeté des pierres, on nous a donné des

  9   coups. C'était un voyage d'horreur. Il y avait ni vivres, ni eau, passages

 10   à tabac, et le tout bien escorté par la police serbe qui cette fois le

 11   savait d'avance.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez abordé ce qui s'est passé à Ruma, mais

 13   peut-être que Mme Biersay allait aborder cela. Donc vous avez été plus

 14   rapide qu'elle. Bien.

 15   Maître Biersay, je vous redonne la parole.

 16   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Est-ce que nous pouvons maintenant regarder le numéro 65 ter 1465, s'il

 18   vous plaît.

 19   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre si oui ou non vous

 20   reconnaissez ce document ?

 21   R.  Oui. Ce document, on me l'a montré à Loznica. Et on m'a dit que

 22   le gouvernement à Belgrade avait approuvé notre passage via la Serbie pour

 23   aller vers Subotica. Cette police nous a dit que jusqu'à Ruma on serait à

 24   bord des camions et qu'à Ruma on nous transférerait à bord d'un train, et

 25   que ce train nous amènerait jusqu'à Subotica et au delà vers la Hongrie,

 26   l'Autriche. Mais nous, on voulait fuir le plus loin possible, parce que

 27   déjà à Loznica il y a eu rassemblement des paramilitaires, de la police, et

 28   que sais-je encore, enfin la situation était plutôt pénible là. Mais je

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  1   reconnais le document, oui.

  2   Q.  Quelle est la date de ce document ?

  3   R.  Le 26 juin, c'est le jour même de notre expulsion.

  4   Q.  Etes-vous restés à Loznica pour la nuit ?

  5   R.  Non, on est tous allés ensemble à Ruma.

  6   Q.  Vous nous avez parlé de ce qui d'après vous est l'objet de ce document,

  7   vous avez dit ceci aux Juges de la Chambre. Aviez-vous vous-même un

  8   exemplaire de ce document ? Est-ce que vous avez gardé un exemplaire de ce

  9   document ?

 10   R.  Je n'arrive pas à m'en souvenir. Je ne sais pas. J'étais juste content

 11   d'apprendre que Belgrade avait décidé qu'on pouvait continuer et qu'un

 12   train nous attendrait à Ruma. Je ne me souviens pas si j'avais reçu cela.

 13   Mais je sais qu'on ne nous a pas laissés passer en attendant que ça arrive.

 14   Croyez-moi, je ne sais pas ce qui était marqué dedans.

 15   Q.  Combien de temps avez-vous passé à Loznica ?

 16   R.  Quelques heures, deux, trois heures.

 17   Q.  Ensuite, vous vous rendez à Ruma en Serbie; c'est exact ?

 18   R.  A bord de camions et d'autocars, on est arrivé jusqu'à Ruma. Ruma,

 19   c'est une localité en Serbie, et c'est là qu'on nous a dit qu'on serait

 20   transférés dans un train qui nous emmènerait plus loin.

 21   Q.  Les 1 822 personnes dont vous faisiez partie, est-ce qu'elles sont

 22   toutes montées à bord de ce train ?

 23   R.  On nous a fait monter à bord de façon pénible, parce que ce n'était pas

 24   un train, c'étaient des wagons à bétail, il y avait juste deux

 25   compartiments où on pouvait s'asseoir. Il y avait des gens qui étaient là,

 26   ils nous jetaient des pierres et ils nous battaient, ils disaient que nous

 27   étions l'armée à Alija, nous étions des Turcs. Il y a eu une dizaine de

 28   personnes à avoir eu la tête cassée lors du passage. On nous frappait avec

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  1   des bâtons, des planches, et moi aussi j'ai été blessé. Puis il est venu la

  2   police par la suite, elle les a menacés. Mais une fois, je veux dire vrai,

  3   quand la police est arrivée, ils ne nous ont plus battus. Jusqu'à leur

  4   arrivée, on nous jetait des pierres, des chaises dessus. Ils ont cassé deux

  5   ou trois fenêtres là où il y avait ce wagon où on pouvait s'asseoir. Les

  6   fenêtres ont été cassées, pour ce qui est du reste, les gens étaient montés

  7   à bord de wagons à bétail.

  8   Et on a continué notre chemin jusqu'à Subotica. On n'avait pas de

  9   vivres, il y avait pas mal de personnes malades.

 10   Q.  Un instant, s'il vous plaît.

 11   Mme BIERSAY : [interprétation] Avant de passer à Subotica, je demande le

 12   versement du document 65 ter numéro 1465, s'il vous plaît.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Un numéro, Monsieur le Greffier.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ce document

 15   aura le numéro P667. Merci, Madame, Messieurs les Juges.

 16   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Biersay, puis-je simplement

 17   vous demander ceci : cette lettre, était-ce la lettre qu'ils ont reçue en

 18   réponse à la demande faite par le témoin au bureau de la Croix-Rouge à

 19   Belgrade ?

 20   Mme BIERSAY : [interprétation]

 21   Q.  Pouvez-vous répondre à la question posée par un des Juges de la

 22   Chambre.

 23   R.  Oui, une fois arrivés à la Croix-Rouge, en plus des vivres et de

 24   l'assistance, on nous avait dit qu'il fallait qu'ils écrivent à Belgrade

 25   pour demander si on avait le droit de passer. J'ai dit : "Envoyez ce que

 26   vous voulez où vous voulez." Puis les vivres nous ont été apportés, et au

 27   bout d'une heure ou deux on est venu nous dire que ce courrier était arrivé

 28   en retour et que Belgrade avait autorisé notre passage.

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  1   C'est tout ce que je savais. Je n'ai pas eu à voir ce courrier, c'est

  2   ce qu'on m'a dit de façon officielle. Il semblerait que le commissariat aux

  3   réfugiés avait autorisé notre passage, et on nous a dit qu'à Ruma un train

  4   nous attendrait.

  5   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Monsieur.

  6   Mme BIERSAY : [interprétation]

  7   Q.  Parmi les gens de votre groupe, lorsque vous étiez dans le train, est-

  8   ce qu'il y avait des femmes enceintes ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Husic Merima était enceinte. Et il y avait pas mal de malades. Il y

 11   avait dix ou douze personnes à avoir été blessées par des pierres à la tête

 12   et blessées au dos. On disait qu'on était des soldats à Alija, des Turcs et

 13   on nous a jeté des pierres dessus.

 14   Une fois que la police est arrivée, elle les a fait fuir, plus

 15   personne ne nous a touchés. On a pris le train jusqu'à Subotica, et on

 16   s'est arrêté à Subotica sur une espèce de voie d'impasse. Et le bébé est

 17   arrivé au monde, Husic Merima a donné naissance à un fils. Il se trouve à

 18   Vienne maintenant. Il y avait pas mal de gens malades. On n'avait rien à

 19   manger. C'était un voyage pénible, 2 000 personnes transportées à bord de

 20   wagons à bétail, tabassées. C'était vraiment pénible.

 21   Puis au bout d'un jour et demi, on nous a apporté des vivres, de

 22   l'eau. Ils ont changé les langes de ce bébé. C'était difficile et pénible,

 23   2 000 personnes dans ces wagons.

 24   Puis il est venu des gens de la Croix-Rouge, il est venu beaucoup de

 25   gens. J'ai demandé à ce que la télévision vienne pour filmer tout ça. Il

 26   est venu des chaînes de télévision étrangère et du pays. On a filmé le

 27   bébé, on a filmé les gens malades couchés dans les wagons et devant.

 28   C'étaient des images horrifiantes. Personne ne méritait d'être malmené

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  1   comme cela.

  2   Puis il est venu des gens de Subotica. On nous a dit qu'on nous

  3   amènerait à Palic, on nous a dit que c'était une espèce de camping. On nous

  4   a transportés là-bas. Il y avait des fils barbelés autour, avec des tentes

  5   tendues dans les prés. Une source d'eau où une cinquantaine de personnes

  6   allaient se laver. Il y avait des toilettes improvisées. Ce n'était pas un

  7   centre d'accueil, c'était un campement classique.

  8   Ce qui nous a offensé, ce qui nous a le plus préoccupé, c'est d'avoir

  9   revu les mêmes barbus qu'on avait vus à Zvornik et Kozluk, qui ont pillé,

 10   qui ont tué. Ils étaient sur le pont à Sepac, à Loznica et Zvornik. On a

 11   pris peur. Ce campement à Palic --

 12   Q.  Permettez-moi de vous interrompre pendant une minute.

 13   Mme BIERSAY : [interprétation] Je souhaite regarder le numéro 65 ter 4201,

 14   s'il vous plaît.

 15   Q.  Reconnaissez-vous cette pièce ?

 16   R.  Je ne vois qu'une carte, vous avez que l'indication Subotica et on voit

 17   l'inscription Palic. Et ils allaient appeler cela centre de transition. Moi

 18   ça ressemblait à un camp de concentration, parce qu'il y avait des fils

 19   barbelés, des tentes, des conditions nulles, des toilettes improvisées. Les

 20   gens qui étaient là pour aider les gens leur faisaient plus peur qu'ils

 21   n'étaient là pour les aider. Mais à Palic il y a eu des braves gens aussi

 22   qui sont arrivés de l'usine Suboticanka.

 23   Q.  Je vais vous poser cette question-ci : vous, personnellement, vous avez

 24   passé combien de temps à Palic ?

 25   R.  Une dizaine de jours.

 26   Q.  Y a-t-il eu un moment où les gens ont pu se procurer des passeports ?

 27   R.  Bien, lorsqu'on est arrivé à Palic, ils ont fait le tri de ceux qui

 28   avaient des passeports. Ils les ont pris pour leur assurer des visas, ceux

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  1   qui avaient un peu de sous, et nous, dans ce cas concret, nous n'avions pas

  2   d'argent. On nous avait fouillés. On avait rien sur nous. Cela fait qu'à

  3   peu près 200 personnes n'avaient pas de passeports sur soi.

  4   Mme BIERSAY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant regarder

  5   le numéro 4218 sur la liste 65 ter.

  6   Q.  Comment les gens ont-ils pu se procurer des passeports ?

  7   R.  Simplement, nous avions demandé aux gens de la Croix-Rouge à ce que la

  8   direction de cette usine qui fabriquait des sucreries et des chocolats à

  9   Subotica vienne, parce qu'ils avaient de bonnes relations avec Vetinka à

 10   Kozluk, notre usine à nous. Et ces gens sont venus nous voir et nous ont

 11   apporté des confiseries, des sucreries. Et on les a priés de nous aider à

 12   nous procurer des passeports, parce que 200 personnes n'avaient pas de

 13   passeports. Et le jour d'après, le jour d'après, il est venu des gens de la

 14   police et le management de cette usine Suboticanka, ils ont fait un chèque

 15   barré de l'entreprise pour qu'on paye nos passeports, les photos à faire

 16   faire et le chèque a été délivré à l'intention de la police. Et on nous a

 17   dit : Vous avez de la chance, cette usine Suboticanka a donné l'argent

 18   qu'il fallait pour que vous ayez des passeports, des photos de faites. Il y

 19   a des photographes qui se sont déplacés. On nous a pris en photo et on a

 20   commencé à délivrer des passeports aux gens.

 21   Mme BIERSAY : [interprétation] Il s'agit toujours du document 4218.

 22   Q.  Connaissez-vous le nom d'Esma et Saha Hadzic ? Cela se trouve également

 23   dans votre classeur, ce document 4218. Les deux personnes répondant au nom

 24   de Hadzic avec des prénoms différents ?

 25   R.  Oui. Ce sont des habitants de Kozluk qui étaient avec nous.

 26   Q.  Je souhaite simplement me servir de ceci, parce que je souhaite montrer

 27   aux Juges de la Chambre le type de passeport que les gens pouvaient se

 28   procurer. Est-ce que nous pouvons passer à la page suivante de cette pièce

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  1   en B/C/S, s'il vous plaît. Pour le compte rendu d'audience, il s'agit de la

  2   couverture du passeport d'Esma Hadzic.

  3   Q.  Veuillez regarder la copie papier, s'il vous plaît, que vous avez sous

  4   les yeux. Nous allons le faire à l'ancienne. Veuillez vous reporter à la

  5   page 6, s'il vous plaît. Oui. Cette page-là, celle-là que vous venez de

  6   feuilleter. Veuillez revenir en arrière. Il y a un cachet sur cette

  7   feuille.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Quelle autorité délivrait ce passeport ?

 10   R.  Le secrétariat aux affaires intérieures de Subotica.

 11   Q.  Le passeport d'Esma Hadzic correspondait-il au passeport communément

 12   délivré aux personnes qui étaient à Palic ?

 13   R.  Oui, oui. Tous ceux qui n'avaient pas de passeport ont reçu ce

 14   passeport-ci. Les photographes sont venus et ils ont pris leurs photos. Ils

 15   leur ont donné la photo et sont allés à la police et nous avons reçu ce

 16   genre de passeport. Toutes personnes qui n'avaient pas de passeport ne

 17   pouvaient pas poursuivre le voyage. Donc nous avons tous reçu des

 18   passeports comme celui-ci.

 19   Mme BIERSAY : [interprétation] Je demande à ce stade, s'il vous plaît,

 20   l'admission d'un numéro 65 ter 4218, s'il vous plaît.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin, en regardant le passeport de la dame dont on

 22   a cité le nom Hadzic, Esma, je constate à la page 17 de son passeport un

 23   cachet de la République d'Autriche daté du 17 décembre 1992.

 24   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin aurait

 25   peut-être besoin d'aide. Je crois que le prétoire électronique ne marche

 26   pas très bien. Peut-être que M. l'Huissier pourrait aider le témoin à

 27   retrouver la page.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, feuilletez le passeport et allez à la page

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  1   17 du passeport. Ce n'est pas compliqué. Toutes les pages du passeport il y

  2   a un numéro. Et à la page 17, je ne connais malheureusement pas l'allemand,

  3   mais j'ai l'impression que c'est un visa d'entrée pour la république

  4   autrichienne qui permet, semble-t-il, à l'intéressé d'être là au moins

  5   jusqu'au 17 mars 1993, sauf erreur de ma part.

  6   Alors, Monsieur le Témoin, s'il y a eu un passeport, c'est bien qu'il

  7   fallait que la République d'Autriche sache qu'il y avait beaucoup de

  8   personnes qui étaient en transit et qui allaient pénétrer en Autriche.

  9   Qu'est-ce que vous nous en dites ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais dire ici qu'un certain nombre de

 11   ces personnes qui se trouvaient dans le centre de transit de Palic ont vu

 12   des membres de leur famille qui venaient les chercher et ces familles

 13   venaient d'Autriche. Il y en a qui sont partis vers l'Autriche, d'autres

 14   vers l'Allemagne. En fait, ce qui pour nous était le plus important, c'est

 15   que ces 200 personnes reçoivent un passeport, et qu'ensuite on aille en

 16   groupes vers la destination prévue par eux à Palic. Il est certain que

 17   certains sont allés en Autriche. Il y a des chiffres qui indiquent que 1

 18   500 personnes devaient être reçues en Autriche. Je crois qu'il existait des

 19   communications de ce genre. Moi, je ne dispose pas de ces preuves, je ne

 20   dispose pas de ces documents officiels, mais il est certain que quand il y

 21   a un groupe de 2 000 personnes qui sont à un endroit et qu'ils s'attendent

 22   à être transférées ailleurs, il faut bien qu'il y ait des services de

 23   frontière, des services officiels impliqués.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous qui avez eu des responsabilités au niveau de

 25   votre municipalité et qui est actuellement député, est-ce que ça n'implique

 26   pas à l'époque soit un accord entre la République de Serbie et la

 27   République d'Autriche, ou bien entre la Croix-Rouge et la République

 28   d'Autriche. Comment vous voyez cela, vous ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai aucun document sous les yeux, mais il

  2   est certain qu'il existait un accord entre le Haut- commissariat aux

  3   réfugiés et d'autres, parce que tout de même il y avait 2 000 personnes là,

  4   il ne s'agit pas uniquement d'une dizaine de personnes. Et pour entrer dans

  5   un pays étranger il fallait obtenir un visa, des documents officiels. Donc

  6   ma position personnelle consiste à penser qu'il y avait une certaine

  7   coordination entre le Haut-commissariat aux réfugiés et d'autres instances.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans votre propre cas, vous, vous avez eu un

  9   passeport ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai aussi reçu un passeport, et j'ai fait

 11   partie du dernier groupe composé d'une centaine de personnes. Nous avons

 12   été installés dans le centre de transit de Najetad [phon] en Hongrie. Il y

 13   avait une certaine coordination, puisque certains d'entre nous ont été

 14   envoyés à Najetad, d'autres en Autriche, d'autres en Allemagne, et cetera.

 15   Pour ce qui nous concerne, nous étions simplement heureux de recevoir un

 16   passeport pour pouvoir aller plus loin, parce que ce qui nous importait

 17   c'était de fuir cet environnement. Parce qu'à Palic, vraiment les

 18   conditions de vie étaient inexistantes du point de vue de l'hygiène, du

 19   point de la vie tout court.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : -- que sur votre passeport il devait y avoir aussi

 21   un cachet hongrois, comme quoi vous étiez autorisé à entrer en Hongrie.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, chacun d'entre nous, s'il avait un

 23   passeport, obtenait un visa, l'autorisation d'entrer, et cetera, donc tout

 24   le monde avait ce genre de chose sur son passeport.

 25   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'aimerais avoir quelques précisions

 26   sur la durée et le temps que ça a pris, parce que faire

 27   2 000 passeports avec des visas c'est quelque chose qui ne se fait pas

 28   rapidement. Pourriez-vous nous dire combien de temps cela a pris à partir

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  1   de votre arrivée à Palic jusqu'à ce que vous receviez ce nouveau passeport

  2   ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, toutes mes excuses. J'ai dit

  4   que 80 % d'entre nous avaient un document officiel permettant de voyager et

  5   qu'il en manquait que 200. Alors la confection de ces 200 passeports a été

  6   réalisée par l'usine et par le MUP de Subotica. Ils ont emmené des dizaines

  7   de photographes et dès qu'un groupe recevait son passeport ils

  8   l'emmenaient.

  9   Personnellement, je ne peux pas vous donner de chiffre. Je n'ai pas

 10   suivi de très près toute la situation. Il y avait des gens qui sortaient

 11   des tentes, ils les emmenaient, et ces gens-là on les emmenait plus loin.

 12   Ils ne revenaient pas. Nous étions contents de voir les tentes se vider peu

 13   à peu. Donc c'est 200 personnes qui ont reçu un nouveau passeport.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, le greffier me disait qu'il vous

 16   restait quelques minutes, alors essayez de conclure.

 17   Mme BIERSAY : Bien sûr. [interprétation] Tout à fait, Monsieur le

 18   Président. 

 19   Q.   Ces passeports qui vous ont été délivrés à Palic, vous ont-ils été

 20   délivrés gratuitement ?

 21   R.  Non. Ils étaient payants, c'est l'usine de Subotica qui a payé le

 22   passeport et les photos.

 23   Q.  Comment étaient délivrés ces passeports ? Etaient-ils délivrés pour un

 24   individu, ou bien pour des groupes, ou pour une famille, par exemple ?

 25   R.  Il y avait distribution par groupe, distribution individuelle aussi, et

 26   cetera. C'est le MUP de Subotica qui s'est chargé de cette distribution et

 27   de toute cette organisation. Moi, je n'étais pas impliqué. J'étais tout

 28   comme les autres.

Page 12474

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. La question de l'Accusation est mal

  2   posée, est-ce que des passeports ont été délivrés par familles. Des

  3   passeports ne sont jamais délivrés collectivement, sauf pour les enfants à

  4   bas âge. Seuls des enfants mineurs d'âge peuvent recevoir un passeport qui

  5   couvre plusieurs personnes. La chose était impossible pour qui que ce soit

  6   d'autre. Le témoin n'a peut-être pas compris l'intention de l'Accusation,

  7   et il a répondu comme il l'a fait.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges avaient rectifié automatiquement la

  9   question.

 10   Monsieur le Témoin, les passeports ils étaient individuels. Même si dans

 11   une famille, il y avait des enfants mineurs, on mettait le nom des enfants

 12   mineurs sur le passeport du père ou de la mère; on bien d'accord ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

 16   Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ça, c'est ça.

 18   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci.

 19   Nous demandons, s'il vous plaît, l'admission de la pièce 4218.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : On va donner un numéro pour le 4218, Monsieur le

 21   Greffier.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote P668.

 23   Mme BIERSAY : [interprétation] J'en ai terminé avec les questions de

 24   l'interrogatoire principal.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 26   Monsieur Seselj, vous pouvez commencer, puis on fera la pause tout à

 27   l'heure, dans 15, 20 minutes.

 28   Contre-interrogatoire par M. Seselj :

Page 12475

  1   Q.  [interprétation] Monsieur Banjanovic, je n'ai pas beaucoup

  2   d'observations à faire sur votre déposition. Selon les informations dont je

  3   dispose, vous êtes une personnalité très reconnue parmi les Serbes et les

  4   Musulmans de Zvornik, d'ailleurs votre fonction aujourd'hui le prouve. Je

  5   me contenterai de revenir sur un certain nombre de détails.

  6   Dans votre déclaration écrite, vous ne parlez des hommes de Seselj qu'une

  7   fois, et en fait, vous ne mentionnez qu'un seul homme de Seselj, à savoir

  8   Zoran Subotic, qui était commandant de la Défense territoriale de Zvornik,

  9   n'est-ce pas ?

 10   R.  J'ai eu l'occasion de rencontrer ce M. Subotic une seule fois. Cet

 11   homme n'est resté là que deux ou trois jours. Et pour vous dire la vérité,

 12   je ne sais même pas comment j'ai pu en parler dans ma déclaration écrite.

 13   Est-ce que je l'ai présenté comme un député du Parti radical, je ne sais

 14   pas exactement ce que j'ai dit. Mais ce que je sais, c'est que je l'ai

 15   rencontré une fois dans les tout premiers jours, et que Pazin est arrivé

 16   tout de suite après lui.

 17   Q.  Dans votre déclaration écrite -=

 18   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.

 20   Mme BIERSAY : [interprétation] Pour que les choses soient plus faciles pour

 21   le témoin, j'ai préparé un dossier avec sa déclaration. J'aimerais que l'on

 22   donne ce dossier au témoin et que M. Seselj fasse bien ressortir de quelle

 23   déclaration il parle lorsqu'il s'adresse au témoin parce qu'il y en a

 24   plusieurs.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a rien de contesté ici. Je ne vais plus

 26   évoquer la déclaration écrite du témoin. Mais enfin, ce que je viens

 27   d'évoquer se trouve dans votre déclaration recueillie en 2001 et 2002.

 28   D'après ce qu'on peut lire, deux jours, deux années différentes. Il y a

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  1   sans doute une faute de frappe là, n'est-ce pas ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  3   M. SESELJ : [interprétation]

  4   Q.  Cette déclaration, elle date de 2001 ou de 2002; vous vous souvenez ?

  5   R.  Je ne me souviens pas. Mais en tout cas, j'ai dit qu'il s'était

  6   simplement présenté comme député.

  7   Q.  Du Parti radical serbe ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous avez dit qu'il occupait les fonctions de commandant de la Garde

 10   territoriale du 5 au 13 avril 1992, n'est-ce pas ?

 11   R.  Je ne sais pas combien de temps exactement. Mais enfin très peu de

 12   temps. Il est arrivé à Kozluk une fois et après j'ai appris qu'il était

 13   resté que quelques jours.

 14   Q.  Quel a été son comportement à votre égard ? Etait-il correct ?

 15   R.  Très correct. Mais je ne l'ai rencontré qu'une fois.

 16   Q.  L'Accusation y a recueilli la déclaration de Zoran Subotic en 2003 et

 17   2004. J'indique au paragraphe 42 de cette déclaration écrite, il déclare

 18   que le 1er avril 1992, il avait été convoqué par la JNA et qu'on lui

 19   indiquait qu'il était mobilisé à Mali Zvornik et engagé dans l'unité de

 20   char commandée par le capitaine Dragan Obrenovic. Est-ce que ce qu'il dit

 21   là vous paraît convaincant ? Est-ce que vous avez entendu parler de cette

 22   unité de char commandée par Dragan Obrenovic ?

 23   R.  Je sais que le capitaine Obrenovic était le chef, enfin, qu'il avait

 24   une unité de chars stationnée à Mali Zvornik.

 25   Q.  Bon. Nulle part ailleurs dans votre déclaration écrite vous ne parlez

 26   des hommes de Seselj, parce que vous n'avez pas eu de contact personnel. On

 27   utilise en général l'expression de volontaires du Parti radical serbe,

 28   n'est-ce pas ?

Page 12477

  1   R.  Sur le territoire de Kozluk ni dans les endroits où je suis allé, je ne

  2   les ai pas rencontrés, et j'ai dit clairement qu'il y avait là-bas des

  3   hommes d'Arkan, des Guêpes jaunes, des membres de la Défense territoriale,

  4   et je n'ai pas eu d'autres occasions de rencontrer des membres des unités

  5   de Seselj.

  6   Q.  Bien. Monsieur Banjanovic, vous n'avez pas eu l'occasion de les

  7   rencontrer, parce qu'à partir du 26 avril ils sont tous partis de Zvornik.

  8   Est-ce que vous savez que le 26 avril Kula Grad est tombé ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Vous avez, vous tous, les habitants de Kozluk, vous avez essayé de

 11   partir pour Kozluk tous ensemble, mais vous n'avez pas dit quel jour cela

 12   s'est passé. En avez-vous le souvenir ?

 13   R.  Je n'en n'ai pas le souvenir. Il y a eu plusieurs tentatives parce que

 14   Kozluk était considéré comme l'endroit où tout le monde pouvait être à

 15   l'abri, car il n'y avait pas d'assassinats, il n'y avait pas de désordres,

 16   alors que dans les autres villages, il y en avait. Donc à un certain

 17   moment, pas mal de gens se sont regroupés à Kozluk. 

 18   Q.  Pas mal de Musulmans des villages avoisinants qui les avaient fuis se

 19   sont regroupés à Kozluk, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et grâce à votre réputation, je vous demande si vous étiez engagé

 22   contre la guerre ?

 23   R.  J'étais à l'époque contre la guerre, je le serai encore aujourd'hui, je

 24   le serai toujours.

 25   Q.  Et votre village de Kozluk est l'un des rares villages musulmans qui ne

 26   s'est absolument pas armé, n'est-ce pas ?

 27   R.  Toutes mes excuses. Je voudrais simplement ajouter que Kozluk n'était

 28   pas 100 % musulman. Il y avait aussi un certain nombre de Serbes, de

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  1   Croates et de Rom à Kozluk et nous n'étions pas au courant de la

  2   possibilité de nous armer. Nous avions pas mal de fusils de chasse et de

  3   pistolets. Ça, il y avait des chefs de familles, je l'ai dit, quand il y a

  4   une fête.

  5   Q.  Mais les Musulmans étaient en grande majorité, n'est-ce

  6   pas ?

  7   R.  Oui, oui.

  8   Q.  Et les Serbes et les Croates étaient minoritaires ?

  9   R.  Oui, ils étaient très minoritaires, 2 à 3 % à peine et les Musulmans

 10   étaient plus de 90 %.

 11   Q.  Monsieur Banjanovic, vous avez dit à plusieurs reprises que vous avez

 12   essayé de partir en masse, n'est-ce pas ?

 13   R.  Non, mais ce qui nous gênait c'était de voir les barrages qui étaient

 14   en train de s'ériger, les transits de toutes ces unités par les villages,

 15   nous nous sentions enfermés tout simplement.

 16   Q.  Mais cela c'était en avril ou au mois de mai ?

 17   R.  Ecoutez en avril, en mai, au mois de juin, tout cela ça a atteint son

 18   point culminant.

 19   Q.  Et un jour, Vasilije Kacevenda, l'évêque serbe de Tuzla, est arrivé en

 20   compagnie du mufti musulman, Muhamed --

 21   L'INTERPRÈTE : -- patronyme que l'interprète n'a pas entendu.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation]

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et ils vous ont ensemble, persuadés, en tout cas, essayé de vous

 25   persuader de ne pas partir, n'est-ce pas ?

 26   R.  Ils ont dit que nous ne devrions pas partir, que tout allait bien se

 27   passer. Et nous avons eu cette réunion avec celui qui était le chef, parce

 28   qu'il ne pouvait nous offrir aucune garantie. Nous lui avons dit : "Mais

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  1   qui est-ce qui garantit quoi ?" Et ils ont répondu : "A Karakaj, tout ira

  2   bien." Puis M. Kacevenda, avec l'aide du Musulman, nous ont dit d'aller

  3   voir le chef dont j'ai parlé il y a quelques instants.

  4   Q.  Vous êtes un homme expérimenté et intelligent, vous êtes bien rendu

  5   compte que c'était dans l'intérêt des autorités serbes que les Musulmans

  6   restent à Kozluk, que c'était dans leur intérêt politique. Parce que vous

  7   n'aviez pas participé aux affrontements liés à la guerre et les nouvelles

  8   autorités serbes récemment créées étaient censées manifester de la bonne

  9   volonté et montrer que c'était un exemple de coexistence, à bonne entente,

 10   n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Donc c'était manifestement dans l'intérêt serbe, des Serbes, mais

 13   toutefois quelque chose s'est mal passé, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Qu'est-ce qui s'est mal passé après le 19 mai, quand la JNA a dû se

 16   retirer de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que vous avez entendu parler de cet

 17   ultimatum imposé par les puissances occidentales et demandant à la JNA de

 18   se retirer de Bosnie-Herzégovine ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Vous n'en n'avez pas entendu parler ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  D'accord. Et vous avez dit à plusieurs reprises que la situation était

 23   devenue chaotique à Zvornik, que les gens ne savaient pas qui contrôlait

 24   qui, n'est-ce pas ?

 25   R.  Excusez-moi. J'ai dit que la situation était devenue extraordinairement

 26   difficile à Kozluk, et qu'en tant de citoyen, d'habitant de Kozluk, je suis

 27   seulement allé à Zvornik trois fois, parce que nous étions totalement

 28   isolés à cause des barrages et que personne ne pouvait sortir de Kozluk.

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  1   Donc seulement trois fois j'y suis allé avec ce laissez-passer spécial.

  2   J'ai réussi à arriver jusqu'à Zvornik et à deux reprises jusqu'au QG de la

  3   Défense territoriale de Zvornik avec ce laissez-passer spécial. Donc

  4   l'isolement dû au barrage était très important et le fait qu'il y avait

  5   pénurie de vivres et de médicaments rendait la vie très difficile.

  6   Q.  Mais vous avez entendu dire qu'à la fin du mois de mai et début du mois

  7   de juin, plusieurs groupes paramilitaires se sont mis à assassiner des

  8   Musulmans dans certains quartiers de Zvornik ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Vous avez entendu parler de cela, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et c'était déjà un nombre important de Musulmans qui avaient été tués ?

 13   R.  Ce que j'ai su c'est qu'il y avait affrontement entre les unités

 14   paramilitaires et que pas mal de Musulmans de Bosnie étaient tués en

 15   représailles pour ce qui se passait sur le champ de bataille. Donc vers la

 16   fin du mois de juin, il y a eu des troubles à Zvornik et des affrontements

 17   entre paramilitaires, entre les Guêpes jaunes et les autres unités.

 18   Q.  Est-ce que vous avez entendu dire qu'à plusieurs reprises ils ont tenté

 19   d'arrêter Brano Grujic, Marko Pavlovic, et qu'ils ont même soumis à une

 20   espèce d'exécution simulée, ensuite les ont laissés partir ?

 21   R.  Je ne saurais vous parler de cela, parce que je n'ai pas de

 22   renseignements personnels à ce sujet. Je sais qu'ils ont malmené tous ceux

 23   qui étaient Musulmans et qu'ils en ont tué certains. Oui, les ossements de

 24   certaines personnes ont été trouvés et des exhumations ont eu lieu.

 25   Q.  Dans quel lieu ?

 26   R.   En ville, ceci s'est passé au cours des dix derniers jours à peu près.

 27   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Veuillez ménager une pause, vous

 28   allez beaucoup trop vite.

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  1   M. SESELJ : [interprétation]

  2   Q.  Vous convenez, n'est-ce pas, que ces assassinats ont commencé à la fin

  3   mai début juin, que c'est là qu'il y en a eu le plus d'assassinats de

  4   Musulmans, aussi bien parmi les civils que parmi les prisonniers de guerre

  5   musulmans ? Est-ce qu'on peut dire ça, fin mai début juin ?

  6   R.  Je sais que dans mon Kozluk, au début du mois de juin un homme a été

  7   tué en plein milieu d'un pré simplement parce qu'il était Musulman, et je

  8   sais qu'à Zvornik la situation a empiré et qu'il y a eu pas mal

  9   d'assassinats.

 10   Q.  Etes-vous au courant du fait que peu de temps après votre départ de

 11   Kozluk, l'unité spéciale de la police de la Republika Srpska est arrivée à

 12   Zvornik a désarmé les formations paramilitaires et a emmené ses membres en

 13   prison à Bijeljina ? Est-ce que vous en avez entendu parler ?

 14   R.  Sur le chemin de la déportation, non, je n'en n'ai pas entendu parler,

 15   mais après plusieurs années, j'ai obtenu ce renseignement qui est exact, en

 16   effet.

 17   Q.  Vous dites dans votre déclaration écrite quels sont les membres les

 18   plus importants de ces formations paramilitaires. Pejic c'était bien le

 19   remplaçant d'Arkan, n'est-ce pas ?

 20   R.  Il se présentait comme le numéro un des hommes d'Arkan.

 21   Q.  Est-ce qu'un jour où un autre vous auriez vu Brano Grujic qui devait se

 22   mettre au garde à vous devant lui ?

 23   R.  Quand Effendi Lugovic et Kacevenda et moi-même sommes allés là-bas, il

 24   n'a pas autorisé Brano Grujic et Dragan Spasojevic, il ne les a pas

 25   autorisés à entrer; mais ils ont dû rester à l'extérieur et au garde à

 26   vous. J'ai vraiment vu cela et je me suis rendu compte que c'était lui le

 27   chef.

 28   Q.  Est-ce que vous savez qu'il a giflé Ljubomir Tomic un

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  1   jour ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  D'accord. Vous avez évoqué les Guêpes jaunes et Pivarski ainsi que

  4   Niski. Ça, ce sont des noms qui reviennent très souvent ici, mais vous avez

  5   aussi évoqué le capitaine Dragan, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  D'après les renseignements dont je dispose, il a fait son apparition

  8   dans le secteur de Zvornik seulement lorsque la JNA est partie, c'est-à-

  9   dire la fin de mai ou au début de juin.

 10   R.  Les informations dont je dispose m'indiquent que le capitaine Dragan se

 11   trouvait dans le secteur de Divic et qu'il habitait au motel de Vidikovac,

 12   et qu'un jour il a été vu accompagné d'un grand nombre de jeunes gens qui

 13   portaient des bérets rouges, qu'il a été dit que c'était ceux qui étaient

 14   avec lui, que c'était ses hommes. Donc voilà ce que je peux dire de mes

 15   rencontres avec ces hommes.

 16   Q.  C'était ses soldats qui portaient des bérets rouges, n'est-ce pas ?

 17   R.  J'ai entendu parler de cela par Mikica et d'autres qui me l'ont dit. On

 18   m'a dit, voilà, les hommes qui portent des bérets verts sont les hommes

 19   d'Arkan.

 20   Q.  Est-ce que vous vous rappelez qu'ils arboraient un insigne assez

 21   particulier, une croix avec les trois "S" mais tournés à l'envers ?

 22   R.  Je n'ai pas remarqué cela. Je n'aimais pas beaucoup les regarder, parce

 23   qu'ils circulaient un peu partout et je ne savais pas ce qu'ils étaient en

 24   train de faire.

 25   Q.  Est-ce que vous savez qu'il y a eu un centre d'entraînement à Divic ?

 26   R.  Oui, je le sais.

 27   Q.  Et savez-vous que l'armée de la Republika Srpska l'a expulsé de Zvornik

 28   peu après, parce que des membres de ses unités avaient commis des actes de

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  1   pillage à Divic ?

  2   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela, pas plus que de pillage ou du

  3   fait qu'il ait été chassé. J'étais très isolé.

  4   Q.  J'essayais simplement de voir ce que vous saviez. L'Accusation dispose

  5   des documents concernant le capitaine Dragan démontrant qu'il a été expulsé

  6   de Divic. Mais comme vous le dites, vous ne savez rien alors passons à

  7   autre chose.

  8   Dites-moi, je vous prie, quand vous avez témoigné à Belgrade -parce que

  9   j'ai reçu tous les procès-verbaux de ce procès - vers la fin de votre

 10   témoignage à Belgrade, ils vous ont confronté avec Brano Grujic, n'est-ce

 11   pas, vous vous souvenez ?

 12   R.  J'ai témoigné pendant huit heures à Belgrade.

 13   Q.  Oui. Et Brano Grujic a affirmé que cinq jours avant votre départ de

 14   Kozluk, vous étiez à Zvornik et que là-bas vous avez eu une rencontre avec

 15   lui avec Pejic. Est-ce que c'est vrai ?

 16   R.  Ceci n'est pas vrai. Je n'ai jamais eu de rencontre avec Grujic et

 17   Pejic en dehors de notre rencontre à Kozluk, quand nous étions côte à côte

 18   au milieu de 10 000 personnes. C'est la seule fois où nous nous sommes

 19   rencontrés et jamais plus. 

 20   Q.  Dans ce cas-là je ne m'occupe plus de cette question.

 21   Alors nous arrivons maintenant à la date du 26 juin. Brano Grujic et Jovo

 22   Mijatovic viennent vous voir et ils vous disent qu'ils ne peuvent plus

 23   exercer le moindre contrôle sur les événements de Zvornik et que vous êtes

 24   largement menacé par les bandes paramilitaires, n'est-ce pas ?

 25   R.  Ils m'ont dit, je cite : "M. Banjanovic, dans un délai d'une heure tous

 26   les Musulmans doivent se regrouper devant la maison de la culture, c'est un

 27   ordre." Réponse, j'ai dit, "mais pourquoi." Ils m'ont répliqué que c'était

 28   un ordre, qu'ils n'avaient plus de maîtrise sur les événements, qu'il y

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  1   avait des affrontements à Zvornik, que nous risquions d'être tués.

  2   Q.  Est-ce qu'ils vous ont donné l'impression d'être bouleversés ?

  3   R.  Je ne saurais le dire, qu'ils étaient bouleversés, mais ce que je peux

  4   vous dire c'est qu'ils m'ont dit, "la situation est grave et il faut que

  5   vous partiez." D'après leur aspect physique, j'ai vu que c'était bien la

  6   réalité de la situation.

  7   Q.  Ce qui m'intéresse c'est la chose suivante : je sais que cela s'est

  8   passé il y a longtemps et qu'il vous est très difficile de vous rappeler

  9   tous les détails. Mais selon vous est-ce qu'ils avaient l'air de

 10   s'inquiéter foncièrement de votre sort ou est-ce qu'ils avaient l'air de

 11   jouer un rôle en vous disant qu'il fallait partir ?

 12   R.  Bien, je ne pense pas qu'ils s'inquiétaient de notre sort le moins du

 13   monde. Ils ont simplement été contraints de me dire ce qu'ils m'ont dit.

 14   Ils voulaient sauver leur tête. Ce qui les intéressait c'était leur sort à

 15   eux, et il y avait tous ces affrontements. Donc en un mot, je dirais qu'ils

 16   ne pouvaient plus gérer la situation.

 17   Q.  Je crois comprendre que celui qui les a contraints c'est celui qui

 18   gérait la situation.

 19   R.  Je pense que c'est ça.

 20   Q.  Et qu'il leur a donné l'ordre de venir lui dire ce qu'ils lui ont dit.

 21   R.  C'est cela.

 22   Q.  Je crois que ce que vous dites est tout à fait sincère et que ce que

 23   vous dites est vrai, à savoir qu'ils avaient largement perdu le contrôle de

 24   la situation et que ces bandes paramilitaires avaient pris le pouvoir, que

 25   c'était eux qui auraient le dernier mot.

 26   R.  C'est exact.

 27   Q.  Puis, à ce moment-là il y a cette liste qui est dressée, liste des

 28   personnes qui quittent Kozluk. Ensuite est dressée la liste des gens qui

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  1   quittent Skocic. Vous avez dit que vous aviez été contraints de signer une

  2   déclaration indiquant que vous laissiez aux autorités de la Republika

  3   Srpska tous vos biens.

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Mais on ne le voit pas dans le document, est-ce que c'était une

  6   déclaration particulière ?

  7   R.  La liste a été signée, la liste a été reproduite, puis nous avons dû

  8   dans un endroit du papier apposer notre signature et écrire que nous

  9   laissions nos biens, et cetera. Je n'ai jamais vu ce document officiel,

 10   mais c'est ce que nous a dit de faire. C'est vrai que nous avons signé ce

 11   document et nous avons été fouillés d'une façon tout à fait grossière,

 12   notamment les femmes.

 13   Q.  Oui, mais vous voyez, ce que j'ai du mal à comprendre c'est que dans

 14   cette liste, il est écrit qu'il s'agit de personnes qui quittent Kozluk de

 15   façon organisée, et il n'y a nulle part dans ce document la moindre trace

 16   indiquant que les personnes en question laissent leurs biens de leur plein

 17   gré. C'est ça qui m'étonne un peu, même si vous avez déclaré un document

 18   indiquant que vous laissiez vos biens, cela n'avait aucun pouvoir

 19   juridique, n'est-ce pas ?

 20   R.  Pour moi c'était tout à fait clair, Monsieur Seselj. Il faut comprendre

 21   qu'à l'époque la situation était très pénible, difficile. Les gens étaient

 22   armés jusqu'aux dents. Il y avait plusieurs formations. Il y avait des

 23   commandants, des gens qui étaient complètement saouls, on avait déjà

 24   commencé à tirer. Il y avait déjà quelques blessés, donc la situation dans

 25   son ensemble était particulièrement difficile. Nous pensions même que nous

 26   allions nous faire tuer, nous ne savions pas quand nous diriger vers

 27   Loznica tant qu'on ne nous a pas lu le contenu de cette enveloppe qui a été

 28   ouverte devant nous.

Page 12487

  1   Q.  Une fois arrivés à Loznica, vous y avez reçu ou bénéficié d'une

  2   protection de la part de la police et on vous a emmenés à la Croix-Rouge de

  3   Loznica, n'est-ce pas ?

  4   R.  Nous avons garé juste après le pont, et là, on avait été attaqués - je

  5   ne sais pas si c'étaient des gens qui étaient ivres, ils demandaient des

  6   femmes - puis une voiture de la police est arrivée et je me suis approché,

  7   je leur ai demandé. Nous, on n'est pas partis avant que trois ou quatre

  8   voitures ne soient arrivées. C'est donc escorté par la police qu'on a été

  9   emmenés à la Croix-Rouge, là j'ai été bien reçu.

 10   Q.  C'était la Croix-Rouge de Loznica ?

 11   R.  Oui, la Croix-Rouge de Loznica.

 12   Q.  Donc ce n'était pas international, comme l'a dit le Procureur dans son

 13   interrogatoire principal ?

 14   R.  Non, c'est un monsieur qui s'appelle Dr Nikolic.

 15   Q.  D'après les renseignements dont je dispose, vous n'avez eu aucun

 16   contact avec la Croix-Rouge internationale avant que vous n'ayez quitté la

 17   Serbie, jamais ?

 18   R.  Non, non.

 19   Q.  Toute cette aide qui vous a été apportée, qui a été modeste mais

 20   précieuse, ça a été la Croix-Rouge de Serbie ?

 21   R.  Oui, c'était la Croix-Rouge de Loznica et de Subotica. C'est là qu'on a

 22   à deux reprises été aidés.

 23   Q.  Bien. Vous nous avez dit que vous aviez l'impression que c'était une

 24   mise en scène, un scénario, une bande débridée qui vous attaque, puis la

 25   police vient pour vous protéger. Avez-vous un détail quel qu'il soit qui

 26   vous permettrait de confirmer que la police était véritablement derrière à

 27   soutenir le comportement de cette bande ?

 28   R.  Là, je ne peux l'affirmer pour sûr. Mais quand vous avez 50, 60, 100

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  1   personnes qui vous jettent des pierres dessus et qu'il y a pas mal de gens

  2   de blessés - j'ai reçu quelques bons coups moi aussi - 2 000 personnes ont

  3   vu ça, puis une patrouille de deux ou trois bonhommes s'amène, et tout

  4   s'arrête. Alors --

  5   Q.  Ça s'est passé à Loznica ?

  6   R.  Non, non, je parle de Ruma.

  7   Q.  Attendez, on n'est pas encore arrivé à Ruma.

  8   R.  Je m'excuse.

  9   Q.  Je vous demande maintenant pour Loznica. Vous vous êtes arrêtés après

 10   avoir traversé le pont ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et vous étiez en Serbie. Il y avait un groupe de personnes qui vous

 13   provoquaient, qui s'attaquaient à vous, qui essayaient de prendre des

 14   filles, c'est ce que vous nous avez dit, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Ce groupe, était-il armé ?

 17   R.  Oui, oui.

 18   Q.  Lorsque la police est arrivée, la police a fait partir ce groupe ?

 19   R.  Ils ont simplement appelé des renforts. Il est venu quatre voitures,

 20   ces voitures ont encerclé le convoi, ils ont chassé de là ces gens.

 21   Q.  Avez-vous une preuve palpable pour dire que ce groupe serait venu

 22   s'attaquer à vous suite à instruction de la police, puis qu'ils auraient

 23   prétendu que c'était la police qui --

 24   R.  Non, je n'ai pas.

 25   Q.  Vous avez peut-être prématurément affirmé chose pareille. Vous ne

 26   pouvez pas quand même affirmer que la police était derrière cette mise en

 27   scène ?

 28   R.  Dans ma déclaration, dans ma déposition j'ai dit que cette coordination

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  1   existait parce qu'il y avait la Croix-Rouge, le secrétariat à l'intérieur,

  2   ces patrouilles, puis jusqu'à Ruma, c'est de tout cela que je voulais

  3   parler pour illustrer que c'était une espèce de mise en scène ou d'une

  4   corrélation.

  5   Maintenant, pour ce qui est de la police et des paramilitaires, il

  6   est certain que la police faisait son travail, parce qu'ils étaient armés

  7   et les autres ne réclamaient pas nos sœurs, nos mères.

  8   Q.  Mais vous saviez bien que les hommes de guerre étaient proches et

  9   qu'en Serbie on n'avait pas encore adopté de loi interdisant le port

 10   illégal d'armes. C'était juste une infraction de simple police à l'époque,

 11   et ce n'est que par la suite qu'on a adopté, enfin, qu'on a promulgué une

 12   loi interdisant le port d'armes. Vous le saviez ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Alors cette coordination existait entre la Croix-Rouge et la police,

 15   dites-vous. Parce qu'on ne pourrait pas dire qu'il y a eu participation

 16   dans cette coordination de la part de cette foule qui vous a provoqué, qui

 17   s'est attaquée à vous ?

 18   R.  Je pense que ces citoyens, ça fait partie de Loznica, que ces citoyens

 19   faisaient partie de Ruma. Cela faisait de Subotica, parce que ça se passait

 20   sur le territoire de la Serbie. On nous a battus là-bas, on nous a

 21   malmenés, on nous a donné des biscuits, on nous a donné une escorte. On

 22   avait eu un train à nous attendre à Ruma. Enfin il y a quelque chose quand

 23   même qui est placé en corrélation.

 24   Q.  Mais vous savez, Monsieur Banjanovic, vous savez, il y a ce

 25   "Lumpenproletariat" dans chaque ville qui est disposé, donc qui est prêt,

 26   qui n'attend qu'une chose, à savoir l'opportunité de piller. Parce que moi,

 27   j'ai eu en plein centre de ville des gens qui voulaient s'attaquer à moi,

 28   j'ai dû sortir mon pistolet pour tirer en l'air, mais la foule lorsqu'on

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  1   leur montre les dents, elle s'enfuit. La police est arrivée, elle les a

  2   chassés et ils sont enfuis, non ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Alors c'est comme toute foule, vous êtes bien d'accord ?

  5   R.  Je suis d'accord.

  6   Q.  Là, on vous a donné un peu de vivres, des jus de fruits pour les

  7   enfants, et vous allez vers Ruma. Est-ce que vous avez bénéficié d'une

  8   escorte de la police entre Loznica et Ruma ?

  9   R.  Je pense qu'ils nous ont escortés dans Loznica. Je ne m'en souviens

 10   pas.

 11   Q.  Ils ne vous ont pas suivis ?

 12   R.  Je ne pense pas.

 13   Q.  Donc chacun d'entre vous, s'il avait voulu quitter l'autocar et aller

 14   voir de la famille en Serbie, il pouvait le faire s'il le voulait ?

 15   R.  Nous, on ne pouvait pas partir. Comment voulez-vous ? On n'avait rien

 16   sur nous. On nous avait dit qu'un train nous attendrait, que ce train nous

 17   emmènerait là-bas et qu'on irait vers des pays occidentaux. Pour tout homme

 18   normal, c'était la meilleure façon de faire, parce qu'on sait quelle était

 19   la situation en Serbie.

 20   Q.  C'était la crise économique ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  C'était un blocus économique de la part des puissances occidentales, on

 23   vivait mal --

 24   R.  C'est exact.

 25   Q.  Alors vous arrivez à Ruma et vous montez à bord de ce

 26   train ?

 27   R.  On nous avait promis ce train pour nous emmener à Subotica. Et une fois

 28   qu'on est arrivé, il y avait la locomotive, ces deux wagons et les wagons à

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  1   bétail. Alors on a dû monter et --

  2   Q.  Dans votre déposition dans l'affaire Milosevic, est-ce qu'on a montré

  3   une vidéo de ce train ?

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : On va continuer tout à l'heure avec Ruma, mais il

  5   est l'heure de faire la pause, parce qu'on arrive au bout de la bande.

  6   On va s'arrêter 20 minutes et on reprendra à 6 heures 05.

  7   --- L'audience est suspendue à 17 heures 47.

  8   --- L'audience est reprise à 18 heures 08.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 10   Monsieur Seselj, vous avez la parole.

 11   M. SESELJ : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur Banjanovic, nous allons nous pencher une fois de plus

 13   sur ce document que le Procureur vous a montré et qui a déjà été versé au

 14   dossier. Il s'agit du document qui vous est arrivé pendant que vous étiez

 15   encore à Loznica, arrivé de Belgrade de la part de ce commissariat aux

 16   réfugiés. Laissez-moi le retrouver un instant, il s'agit du 1465.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous le montrer sur nos

 18   écrans.

 19   M. SESELJ : [interprétation]

 20   Q.  On m'a mis cela un peu à l'envers, il faut que je tourne beaucoup de

 21   pages.

 22   Pendant que vous étiez à Loznica, ça a pris quelques heures, si je

 23   vous ai bien compris, et vous avez dû attendre que le commissariat aux

 24   réfugiés vous fasse parvenir une décision suite à votre requête, n'est-ce

 25   pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Cette décision est arrivée, et il y est dit :

 28   "Nous nous sommes penchés sur les déclarations écrites de 1 822

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  1   personnes se trouvant à bord de 17 autobus, trois camions avec ces

  2   remorques et deux voitures de tourisme en provenance de Kozluk,

  3   municipalité de Zvornik, qui déclarent vouloir, sans pression aucune,

  4   quitter le territoire de la Yougoslavie pour se rendre dans des pays

  5   d'Europe occidentale."

  6   Ce que je voudrais savoir : d'où sont parties vos déclarations disant

  7   que c'était de votre plein gré et sans pression aucune que vous souhaitiez

  8   quitter la Yougoslavie pour aller en Europe occidentale ? Est-ce que vous

  9   avez envoyé cela à Loznica ?

 10   R.  Oui, la Croix-Rouge de Loznica. Je suis allé là-bas pour demander de

 11   l'aide pour ces gens-là, et on m'a dit qu'il fallait envoyer un courrier à

 12   l'intention du commissariat. Ça a été rédigé, ça a été envoyé et au bout de

 13   quelques heures. On nous a dit que la réponse était parvenue et qu'elle

 14   disait qu'on ne pouvait passer par la Serbie, qu'on nous fournirait un

 15   train à partir de Ruma pour nous transporter jusqu'à la frontière.

 16   Q.  Est-ce que vous avez signé ces déclarations à Loznica ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Et alors ?

 19   R.  Ils ont tapé cela à la machine. Il se peut que la liste que j'avais ait

 20   été copiée et envoyée. Nous n'avons rien signé à Loznica, nous autres.

 21   Q.  Mais est-ce que sur cette liste on disait aussi que vous partiez de

 22   votre plein gré, sans pression aucune ? Ou c'est quelqu'un qui l'a ajouté

 23   sur la liste ?

 24   R.  Je ne peux pas vous le dire, mais il est certain que sur la liste

 25   existante il était déjà écrit que nous partions de notre plein gré.

 26   Q.  Hm-hm

 27   R.  Et on s'est servi de cette liste établie par la Défense territoriale de

 28   Kozluk.

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  1   Q.  Et là, ils se réfèrent au fait que vous avez le droit de choisir où

  2   vous souhaitez résider, c'est ce que dit ce document.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Monsieur Banjanovic, saviez-vous que pendant toutes les opérations de

  5   combat en Serbie, il y a eu 70 000 Musulmans de recensés venus de Bosnie-

  6   Herzégovine pour trouver refuge en Serbie, certains sont restés y vivre,

  7   certains sont restés pour toujours, certains sont restés pendant la durée

  8   de la guerre ?

  9   R.  Je ne sais pas trop, mais je sais qu'un certain nombre de Bosniens

 10   étaient partis en Serbie.

 11   Q.  Avez-vous appris que lorsque Srebrenica est tombée, un certain nombre

 12   de soldats musulmans avaient traversé la Drina à la nage pour trouver

 13   refuge en Serbie ?

 14   R.  Je ne sais pas vous en parler, j'ai ouï-dire en effet que certains ont

 15   traversé à la nage, qu'il y en a eu qui ont été arrêtés et qu'on les a

 16   renvoyés.

 17   Q.  Vous avez entendu dire qu'il en a eu de renvoyés, mais personne n'a été

 18   renvoyé. Je vais vous dire quelque chose : lorsque Zepa est tombé, plus de

 19   900 soldats musulmans, presque une brigade entière a traversé la Drina et

 20   elle a été accueillie en Serbie. Ils ont été installés à un centre

 21   d'accueil sur le mont Tara. Le CICR est tout de suite venu et personne

 22   d'entre eux n'a été renvoyé vers la Republika Srpska. Ils ont tous eu la

 23   possibilité de partir pour l'étranger. Le saviez-vous ?

 24   R.  Ça, je ne le savais pas.

 25   Q.  Je ne vais pas insister, vous dites que vous ne savez pas, je ne vais

 26   pas insister.

 27   Alors vous arrivez à Ruma, sans escorte de la part de la police, si

 28   j'ai bien compris, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Je crois qu'on nous a fait sortir de Loznica et qu'ils nous ont montré

  2   la direction, les chauffeurs sont allés jusqu'à la gare, quelqu'un nous

  3   attendait.

  4   Q.  Donc la police ne s'attendait pas à ce qu'il y ait des incidents, là-

  5   bas, c'est du moins de la sorte que je comprends la chose.

  6   R.  Je n'en sais rien.

  7   Q.  Lorsque cet incident est survenu, vous étiez déjà dans le train, n'est-

  8   ce pas ?

  9   R.  Lorsque nous sortions des camions, des remorques, des autocars, on

 10   montait à bord de ces wagons, de ces wagons à bétail, et sur une distance

 11   de 50 mètres on nous jetait des pierres, on disait qu'on était des soldats

 12   à Alija.

 13   Q.  Ils étaient combien, ces gens ?

 14   R.  Une cinquantaine peut-être, c'était des hommes jeunes, des jeunes.

 15   Q.  Mais c'était une foule qui s'était organisée de façon spontanée, n'est-

 16   ce pas ?

 17   R.  Je ne sais pas si c'était organisé, je ne sais pas du tout ce qui se

 18   passait. Tout à coup, on s'est fait tabasser, on a reçu des pierres. Et on

 19   a dû porter des malades et des blessés. Il y avait pas mal de personnes

 20   âgées aussi. Nous ne savons pas pourquoi on nous a battus. Et là aussi la

 21   police a fait son apparition, et une fois quelle est arrivée, on a cessé de

 22   nous jeter des pierres. Et le train que nous avions eu à prendre avait les

 23   vitres cassées.

 24   Q.  Saviez-vous qu'à l'époque déjà en Serbie, il y avait à peu près déjà

 25   200 000 réfugiés, surtout de Croatie et un peu de Bosnie-Herzégovine ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Et saviez-vous qu'en Serbie, les gens étaient révoltés par le sort de

 28   ce convoi des soldats de la JNA qui sortaient de Tuzla et il y en a 150 à

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  1   200 qui ont été tués ?

  2   R.  Je ne le savais pas. Je vivais dans un isolement total. Je vous ai dit

  3   que pendant quatre, cinq mois, Kozluk était isolé complètement, et que

  4   trois ou quatre fois je suis allé à Zvornik.

  5   Q.  La police est intervenue et elle a chassé cette bande de voyous ?

  6   R.  Exact.

  7   Q.  Alors vous arrivez à Subotica. Vous avez passé une journée sur une voie

  8   d'impasse, puis on vous a emmenés à Palic, n'est-ce

  9   pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Comment vous a-t-on fait aller à Palic ?

 12   R.  Croyez-moi bien que je ne sais plus. Je n'arrive pas à m'en souvenir.

 13   Q.  Mais il n'y a pas de voie ferrée jusqu'à Palic depuis Subotica ?

 14   R.  Je n'arrive pas à m'en souvenir. Je sais qu'on nous a acheminés

 15   probablement à bord d'autocars, oui. Et on a passé un jour ou deux sur

 16   cette voie d'impasse.

 17   Q.  Et à Palic, on a posé des tentes ?

 18   R.  Il y avait des fils barbelés, il y avait des points d'eau.

 19   Q.  Mais est-ce que vous pensez que ce fil barbelé c'était pour ne pas que

 20   vous vous évadiez ou pour votre sécurité, pour que vous ne soyez pas

 21   attaqués ?

 22   R.  Je ne sais pas quand est-ce qu'on a posé ces barbelés --

 23   Q.  Mais on était en été, et on pouvait quand même rester dans les tentes ?

 24   R.  Oui. On était dans les prés. Les conditions étaient difficiles.

 25   Q.  Mais personne n'a eu à souffrir de la faim ?

 26   R.  Oui, on a pu manger, et on pouvait se laver à l'extérieur.

 27   Q.  Mais c'était improvisé pour l'essentiel, parce que personne ne

 28   s'attendait à votre arrivée ?

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  1   R.  Je ne sais pas si on s'attendait à notre arrivée. On nous a installés

  2   là, il y avait des tentes. Il y a eu des vivres, des robinets improvisés.

  3   Il y avait du personnel qu'on a pu reconnaître qui se trouvait à Zvornik,

  4   au pont, en ville, à Kozluk. Il y a plusieurs personnes de reconnues.

  5   Q.  Vous n'étiez pas sécurisés par la police à Palic ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Il n'y avait pas de police en uniforme ?

  8   R.  Moi, je n'en n'ai pas vu. Il y avait des hommes en uniforme.

  9   Q.  Quel type d'uniforme ?

 10   R.  Des uniformes militaires, des uniformes variés. Ça ressemblait plutôt à

 11   des paramilitaire plutôt qu'à des policiers de Loznica ou de Ruma.

 12   Q.  Je ne sais pas si vous le saviez, parce que moi, je me trouve ici en

 13   prison en compagnie de plusieurs généraux serbes, et ils garantissent qu'il

 14   n'y avait autour de vous que des hommes en bleu et qu'il était impossible

 15   que d'autres uniformes fassent leur apparition. Est-ce que c'est là une

 16   erreur que vous avez dans votre mémoire ?

 17   R.  J'ai une bonne mémoire, je sais qu'à Palic on a été accueillis dans ce

 18   camp avec des barbelés, et le pire, c'est qu'on a reconnu des combattants,

 19   des militaires qui étaient à Zvornik, au pont de Zvornik, et on connaissait

 20   les noms de ces gens.

 21   Q.  Moi, ça me semble invraisemblable que vous ayez pu voir des gens à

 22   Zvornik, puis que vous les ayez revus de l'autre côté de la Drina, puis que

 23   vous les ayez revus à Subotica, parce que ça se trouve quand même à plus de

 24   200 kilomètres, non, peut-être plus que de 200 kilomètres ?

 25   R.  Je vous ai dit qu'au pont de Sepacki, on sait ce qui s'est produit. Il

 26   y a eu un groupe d'hommes armés, de bandits, de vautours qui demandaient

 27   nos filles, nos femmes.

 28   Q.  Je vous crois, Monsieur Banjanovic. Je crois bien que cela a dû être

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  1   terriblement difficile pour vous. Mais ce qui me semble invraisemblable,

  2   c'est qu'ils réapparaissent à Subotica et à presque 300 kilomètres.

  3   R.  Monsieur Seselj, je n'ai pas parlé de ces gens-là. J'ai dit que trois

  4   ou quatre hommes avaient été reconnus par les citoyens comme étant des gens

  5   qui étaient déjà à Zvornik, à Subotica, à Palic. Mes concitoyens ont

  6   reconnu plusieurs personnes qui avaient été à Kozluk et qui étaient au pont

  7   de Zvornik. Et on a eu les noms de ces gens.

  8   Q.  Mais attendez. Vous seriez d'accord avec moi que ce n'est pas très

  9   fiable cette identification ?

 10   R.  Il se peut qu'il y ait eu une erreur, mais à titre préventif on a

 11   organisé une sécurité et une veille.

 12   Q.  Si quelqu'un avait voulu vous attaquer, que vous soyez endormis ou pas,

 13   sans armes, vous ne pouviez pas faire grand-chose ?

 14   R.  C'est vous qui le dites.

 15   Q.  C'est vous qui le dites.

 16   R.  Si quelqu'un essayait de violer ma femme, ou ma sœur, ou ma mère,

 17   c'est avec mes dents que je le tuerais.

 18   Q.  Bon. Mais il n'y avait pas d'hommes en armes là-bas, à

 19   Palic ?

 20   R.  Non, il n'y avait pas d'hommes armés.

 21   Q.  De mon avis, la sécurité de la police a été assurée de façon

 22   appropriée.

 23   On a un autre document 4222, un document montré par le Procureur.

 24   J'aimerais qu'on nous le montre une fois de plus.

 25   C'est un document qui a été signé pour le commandant Marko Pavlovic, et on

 26   fait une demande à l'intention des instances de la République fédérale de

 27   Yougoslavie pour permettre un passage en toute sécurité de ces personnes de

 28   la liste pour aller vers la Hongrie, où on dit que cela s'est fait de leur

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  1   plein gré sans qu'ils ne soient forcés à le faire, parce qu'ils cherchaient

  2   à éviter la mobilisation de par les formations musulmanes ?

  3   Moi, ça me semble ridicule. Vous ne pouvez pas être mobilisés par des

  4   formations musulmanes ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Et s'il y a eu mobilisation, elle aurait eu lieu dès le début de la

  7   guerre et pas une fois que cela a été pris par les

  8   Serbes ?

  9   R.  Non. On était contre la guerre, nous, Monsieur Seselj, nous ne sommes

 10   pas armés. Nous avons restitué nos armes.

 11   L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'il est impossible de

 12   fonctionner comme cela. La cabine française ne peut pas fonctionner comme

 13   cela.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, ralentissez, parce que les

 15   interprètes se plaignent du fait que vous parlez trop vite, et l'un et

 16   l'autre.

 17   M. SESELJ : [interprétation]

 18   Q.  Et on ne dit pas que vous avez laissé des biens au profit de la

 19   Republika Srpska. On dit que les familles qui ont remis des documents pour

 20   leur départ sont conscientes des risques encourus par les biens laissés

 21   dans la zone de combat, aussi leur a-t-on attiré l'attention sur le fait

 22   que les instances du pouvoir à Zvornik ne sauraient assumer de

 23   responsabilité pour leurs biens laissés dans les maisons et appartements.

 24   Donc on ne dit pas que vous avez donné vos biens et on dit qu'on vous a

 25   fait savoir qu'ils ne seraient pas en mesure de garantir la sécurité de ces

 26   biens et qu'ils ne sauraient assumer de responsabilité quant à leur sort.

 27   C'est ce qui est dit.

 28   R.  Ces deux documents diffèrent. Le document que vous lisez se trouvait

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  1   dans une enveloppe. Et lorsqu'on s'est installé, on me l'a donné. Je ne

  2   savais pas jusque-là où est-ce que j'allais. Dans le deuxième document, la

  3   liste qu'on a pu voir, c'est là que les gens ont signé. Cette liste-là, je

  4   ne l'ai jamais obtenue. Chaque citoyen devant la maison de la culture a eu

  5   à signer pour dire qu'il s'en allait pour signaler qu'ils étaient partis de

  6   leur plein gré.

  7   Q.  Ce que je ne comprends pas, c'est que le Procureur se soit procuré

  8   toute cette documentation des temps de guerre avec les fiches de paie, et

  9   cetera, parce qu'en termes simples, il n'y a aucun document disant que vous

 10   renoncez de votre plein gré à vos biens. Parce que ça, ça n'a pu être

 11   retrouvé pas même par le Procureur. Alors on m'a dit que ça existait,

 12   maintenant ça n'existe pas.

 13   Alors ce qui est intéressant pour moi, c'est que vous aviez presque tous

 14   des passeports, 200 parmi vous n'en n'avaient pas. Aussi leur a-t-on

 15   délivré des passeports tout neufs, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Or, sur ce papier, il est dit que vous étiez 1 822, et que 169

 18   seulement disposent d'un passeport. Voyez-vous cela sur ce document ? Alors

 19   sur 1 822, 169 seulement avaient des passeports. Les autres n'en n'avaient

 20   pas, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Ai-je raison de le dire ?

 23   R.  Je n'arrive pas à m'en souvenir maintenant. Je n'arrive plus à me

 24   souvenir de mes additions et soustractions, et je sais que nous avons tous

 25   reçu des passeports de la part de la direction de cette usine Suboticanka

 26   de Subotica, parce que eux, ils avaient de bonnes relations avec l'usine

 27   Vetinka à Kozluk. Ils sont venus nous rendre visite, je leur ai demandé

 28   cela. Ils ont apporté un chèque. La police est venue et ils ont demandé que

Page 12501

  1   des passeports soient délivrés. Combien de passeports, je ne sais pas. Mais

  2   je n'étais pas un contrôleur. J'étais un simple citoyen, moi, comme tous

  3   les autres.

  4   Q.  Monsieur Banjanovic, je ne vous ferai pas de reproche. Au bout de tant

  5   d'années, comment voulez-vous qu'on se souvienne de tous ces chiffres ?

  6   C'est impossible. Et je ne me trouve pas étrange que vous ne vous souveniez

  7   pas comment, partant de cette voie d'impasse, vous ayez pu être transportés

  8   jusqu'à Palic. Ça, je trouve que ce n'est pas si étrange. Dans la mémoire,

  9   il y a des blocages, et ce sont des moments pénibles. Là, je vous comprends

 10   parfaitement. Ce dont je dispose, ce sont des documents. Moi, je n'étais à

 11   Palic. Et dans ce document, on dit que seulement 69 personnes disposaient

 12   d'un passeport. Tous les autres ont dû se faire délivrer des passeports

 13   tout neufs.

 14   Alors, vous dites que c'est l'usine Suboticanka qui a payé tout cela. Mais

 15   vous avez dû vous souvenir du fait que ces taxes de délivrance de nouveaux

 16   passeports n'étaient pas des taxes exorbitantes ?

 17   R.  Nous, on n'avait pas d'argent du tout. On nous a emmené une citerne de

 18   jus de fruits. On leur a dit : "Non." Alors ils nous ont donné un chèque,

 19   je ne sais pas vous dire le montant.

 20   Q.  J'attire votre attention sur un fait, Monsieur Banjanovic. Je sais pour

 21   sûr que pour des raisons humanitaires cette taxe est nulle, elle n'est pas

 22   perçue, et ça c'est passé en Serbie de la sorte lorsqu'il s'agissait de

 23   réfugiés. En termes simples, c'est à titre gratuit qu'on leur délivrait des

 24   passeports, on ne les a pas fait payer. Et ça m'aurait surpris dans votre

 25   cas de voir que quelqu'un a fait payer. On se souvient tous les deux de ce

 26   temps. Mais la taxe à l'époque pour un nouveau passeport était plutôt

 27   symbolique, n'est-ce pas ?

 28   R.  Je ne sais pas vous dire combien cela faisait, je sais que les gens de

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  1   Subotica ont emporté un chèque et ils ont remis cela aux policiers, ils ont

  2   dit : "C'est un cadeau aux citoyens de Kozluk." Je ne sais pas combien de

  3   marks ça faisait. Combien de milliers. Je ne savais pas. Mais ils ont été

  4   corrects, ils ont apporté un chèque, il y a eu une dizaine de photographes

  5   qui sont venus.

  6   Q.  Et la nourriture était bonne ?

  7   R.  C'étaient des marmites.

  8   Q.  C'était bon à manger ? Il fallait bien des marmites pour

  9   1 800 personnes ?

 10   R.  Oui. On a bien mangé. On n'a pas demandé à être hébergés à l'hôtel. Il

 11   y a eu à manger, il y a eu de l'eau, il y avait où dormir.

 12   Q.  Personne n'avait faim ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Bien. Penchons-nous maintenant sur le 4218. Il s'agit de ce passeport

 15   d'Esma Hadzic, qu'on a déjà pu voir. Etes-vous d'accord avec moi pour dire

 16   que c'est un passeport tout à fait normal de la République socialiste

 17   fédérative de Yougoslavie, la RSFY ? Un passeport ordinaire; d'accord ?

 18   R.  Ça, c'est une femme assez âgée --

 19   Q.  Penchez-vous sur la première page du passeport. On voit sur une feuille

 20   blanche "Esma Hadzic."

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Ça, c'est la page de garde du passeport qu'on avait tous en République

 23   socialiste fédérative de Yougoslavie ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Ne saviez-vous pas que la République de Serbie n'avait délivré aucune

 26   espèce de passeport autre, bien que la République fédérale de Yougoslavie

 27   ait déjà été proclamée ?

 28   R.  Je ne sais pas.

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  1   Q.  Mais ça, c'est le passeport que vous et moi avions tous les deux à

  2   l'époque. Vous êtes d'accord ?

  3   R.  Je ne suis pas au courant. Je ne sais pas qui délivrait quoi. Je sais

  4   que ça c'était un passeport yougoslave.

  5   Q.  Mais il n'y en avait pas d'autre, n'est-ce pas ? On voit les

  6   renseignements se rapportant à Esma Hadzic; on voit qu'elle est née à

  7   Bijeljina, qu'elle a vécu à Kozluk. Page suivante, on voit sa photo. La

  8   page d'avant, il y a son numéro de matricule. Et on voit que l'on a inscrit

  9   aussi ses deux enfants, Fadil son époux et Avdo son fils ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Maintenant on voit leurs photos.

 12   Passez à la page suivante, s'il vous plaît, n'est-ce pas.

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Y-a-t-il quoi que ce soit d'inhabituel ici quand on délivrait un

 15   passeport, un homme et une femme, mari et femme, peuvent avoir des enfants

 16   sur leur propre passeport lorsqu'ils sont mineurs, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  On voit ici -- passez à la page 11. On dit que c'est le MUP de la

 19   République de Serbie qui a délivré le passeport, le ministère de

 20   l'Intérieur. Ils étaient habilités à délivrer les passeports, comme en

 21   Bosnie-Herzégovine, c'est le ministère de l'Intérieur de Bosnie-Herzégovine

 22   qui délivrait des passeports, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  On voit ici secrétariat à Subotica. Le passeport  été délivré le 29

 25   juin 1992. Vous, vous avez quitté Kozluk le 26 juin. Vous avez patienté

 26   pendant plusieurs heures à Loznica, vous êtes arrivé à Ruma puis à

 27   Subotica. Vous êtes arrivé à Subotica le 27, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Le 28, on vous a transférés au lac de Palic, n'est-ce pas ?

  2   R.  Je ne peux pas vous donner de date exacte.

  3   Q.  Mais attendez, ça ne peut pas être autrement, parce que les délais sont

  4   trop courts. Le 29 déjà, Esma Hadzic se fait délivrer un passeport. Et

  5   voyez-vous ce qu'on dit dans ce passeport ? Le passeport est valide du 29

  6   juin 1992 jusqu'au 6 juin 1997; elle s'est fait délivrer un passeport sur

  7   une durée de cinq ans. Donc pendant ces cinq années de validité, elle

  8   pouvait librement voyager à l'étranger et revenir en Serbie autant de fois

  9   qu'elle le voulait, n'est-ce pas ? Ai-je raison de dire cela, Monsieur

 10   Banjanovic ?

 11   R.  Ici on dit que la taxe a été perçue, 550 --

 12   Q.  Voilà. Vous avez raison, je n'avais pas remarqué. Donc l'usine a bel et

 13   bien payé ?

 14   R.  On a fait payer les passeports. Il y avait ces photographes et il y

 15   avait beaucoup de gens, un remue-ménage, l'usine a donné de l'argent.

 16   Q.  Oui, je vois que vous avez raison. Ça, je ne l'avais pas relevé. Vous

 17   voyez que ce passeport avait une validité de cinq années, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pendant ces cinq années, Esma Hadzic, son époux et leur fils pouvaient

 20   autant de fois qu'ils le voulaient entrer et sortir de la Serbie, s'ils le

 21   voulaient; c'est bien ça ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Ils pouvaient s'adresser aux organes consulaires de la République

 24   fédérale yougoslave, et s'ils étaient à l'étranger, ils pouvaient même

 25   faire proroger leurs passeports à l'étranger, n'est-ce pas ? D'après ce

 26   qu'on voit ici, ils sont traités comme aurait été traité n'importe quel

 27   citoyen de Serbie. Est-ce que j'ai raison, s'agissant précisément du

 28   passeport ?

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  1   R.  La façon dont nous avons été traités, Monsieur Seselj, nous le savons

  2   parfaitement bien; dans un espace réduit, avec des barbelés autour de nous,

  3   sous les tentes, malades, incapables de circuler, transférés

  4   collectivement, et sans la moindre idée du moment où nous partirions et

  5   d'où nous partirions. Une mère et son fils pouvaient être transférés en

  6   Allemagne et les autres en Autriche.

  7   Q.  Deux questions rapides. A Subotica, est-ce qu'il y avait un meilleur

  8   emplacement où vous héberger ?

  9   R.  Croyez-moi, je n'en sais rien.

 10   Q.  Je vous le dis, je connais très bien Subotica, mais je n'ai pas le

 11   souvenir d'un quelconque autre endroit où vous auriez pu être hébergés dans

 12   des meilleures conditions, étant donné l'importance numérique du groupe que

 13   vous constituiez. Palic est un lieu touristique. Il y a des bungalows là-

 14   bas, si je me souviens bien. Palic est le plus beau quartier de Subotica,

 15   n'est-ce pas, au bord du lac ?

 16   R.  Je ne connais pas bien Subotica, pas plus que Palic. On nous a

 17   installés dans ce pré qui était entouré de fils de fer barbelés, sous des

 18   tentes; on a été frappés, puis il y a eu Loznica et Ruma. Qu'est-ce qu'il y

 19   a de bien dans tout ça ? Des bébés sont nés en chemin. Les coups, pas de

 20   nourriture. Je vous le dis, Monsieur Seselj.

 21   Q.  Le simple fait que vous ayez quitté votre domicile montre combien votre

 22   voyage a dû être difficile.

 23   R.  Nous n'avons pas quitté notre domicile. Nous avons été expulsés. Nous

 24   n'avons pas quitté Kozluk de notre plein gré. Nous avons été expulsés le

 25   26.

 26   Q.  Nous sommes convenus que c'étaient des bandes paramilitaires qui vous

 27   ont expulsés, et qu'elles exerçaient un rôle dominant sur les autorités

 28   politiques présentes là-bas. Et vous l'avez confirmé à mon intention.

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  1   R.  Brano Grujic, président de la municipalité serbe nous a envoyés --

  2   Q.  J'essaie de suivre simplement ce que vous avez dit, Monsieur

  3   Banjanovic. Je n'ai aucune raison de me quereller avec vous.

  4   Mme LE JUGE LATTANZI : Vous suivez, nous, on ne suit pas. On ne réussit pas

  5   à suivre, parce que les interprètes ne peuvent pas interpréter, le

  6   sténotypiste ne peut pas écrire. Donc ou vous cherchez à attendre la

  7   réponse du témoin, le témoin cherche à attendre votre question et à donner

  8   la possibilité d'interpréter, autrement on finit -- on ne peut pas suivre.

  9   M. SESELJ : [interprétation] Bon.

 10   Q.  J'ai ici un autre passeport sous les yeux. Le passeport de Saha Hadzic.

 11   Vous pouvez tourner quelques pages dès que vous en aurez terminé avec le

 12   passeport précédent, il y a les pages concernant le nouveau passeport qui

 13   arrivent. On trouve les éléments d'identification personnels de cette

 14   personne, on tourne les pages, on arrive à la page 11. Et là, on lit que ce

 15   passeport a été délivré le 29 juin 1992 et qu'il est valable jusqu'au 6

 16   juin 1997; c'est bien ça ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Donc les dates sont identiques. L'Accusation aurait pu nous soumettre

 19   d'autres passeports encore. Je n'aurais pas eu l'occasion de voir ces

 20   passeports s'ils ne m'avaient pas été communiqués par l'Accusation.

 21   Pouvons-nous, au vu de tout cela, conclure que tous les passeports étaient

 22   premièrement délivrés dans des conditions régulières. Deuxièmement, que la

 23   procédure standard a été respectée. Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus

 24   ?

 25   Vous avez sans doute dû produire un document officiel vous

 26   concernant, où on voyait au moins votre numéro matricule, après quoi sur

 27   place on a pris vos photos. Il a fallu faire plus de 1 600 photographies,

 28   on a pris aussi les empreintes digitales, n'est-ce

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  1   pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Ça, vous ne vous êtes pas rappelé de le dire, c'est moi qui viens de

  4   m'en souvenir. Donc on vous a tous pris vos empreintes digitales, et tous

  5   ces papiers sont partis pour Belgrade afin d'être soumis à la vérification

  6   habituelle étant donné que tous les citoyens de la RSFY sont enregistrés à

  7   l'état civil ? Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

  8   R.  Je sais simplement que nous avons payé des sommes importantes pour tout

  9   cela, 550 --

 10   Q.  C'est l'usine qui a payé, qui a apporté un chèque pour vous. Ce n'est

 11   pas vous qui avez payé, on vous a délivré un passeport, il était valable

 12   pour cinq ans. Et il a été délivré selon la procédure la plus régulière, la

 13   plus normale, c'est cela que je tenais à vous dire. C'est bien ça, Monsieur

 14   Banjanovic, n'est-ce

 15   pas ?

 16   Maintenant, vous avez dit que vous faisiez partie du dernier groupe qui a

 17   quitté Palic, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Dans une déclaration écrite, nous lisons ici que vous y êtes

 20   resté huit jours. Vous venez de dire à l'instant que vous y étiez resté dix

 21   jours; c'est bien ça ?

 22   R.  Je n'ai pas le souvenir exact du nombre de jours, car ces jours pour

 23   moi ont été effroyables, et nous savons qu'au fur et à mesure que les

 24   groupes recevaient un passeport, ils partaient. Nous ne savions même pas où

 25   ces personnes allaient. Certains, nous l'avons appris plus tard, ont été

 26   envoyés en Hongrie, d'autres en Allemagne, d'autres en Autriche, de sorte

 27   que toutes ces familles étaient de nouveau dispersées. La mère partait dans

 28   un coin, les autres ailleurs, c'était une situation dans laquelle il était

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  1   sans doute impossible de procéder au contrôle nécessaire étant donné

  2   l'importance numérique de toute cette masse.

  3   Q.  Mais est-ce que vous êtes d'accord que ceci, d'une façon générale, n'a

  4   pas été fait dans l'intérêt des autorités de Serbie, car il fallait d'abord

  5   obtenir l'autorisation des autorités du pays concerné, les autorités

  6   hongroises, par exemple ?

  7   R.  Ça, oui.

  8   Q.  Est-ce qu'il clair à vos yeux que la Hongrie n'avait pas envie de

  9   recevoir 1 600 personnes d'un coup, mais par groupes, les uns après les

 10   autres ?

 11   R.  Mais puisque de toute façon on nous envoyait, certains en Hongrie,

 12   d'autres en Allemagne, d'autres en Autriche, il était clair qu'il y avait

 13   un certain niveau de coordination, maintenant, comment elle s'est faite, je

 14   ne sais pas.

 15   Q.  Est-ce que les groupes comptaient environ 200 personnes ?

 16   R.  Oui, à peu près.

 17   Q.  A peu près 200 personnes, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Donc cela ne pouvait pas être fait en un instant.

 20   Maintenant, Monsieur Banjanovic, vous avez passé un certain temps en

 21   Autriche, n'est-ce pas ?

 22   R.  J'ai passé tout mon temps à Najetad, en Hongrie.

 23   Q.  Oui, en Hongrie.

 24   R.  Ensuite, je suis parti pour l'Autriche, car mon épouse, mes enfants et

 25   ma mère se trouvaient pour les uns en Allemagne, pour les autres en

 26   Autriche, ensuite je suis revenu à Najetad. Ensuite, j'ai effectué un

 27   deuxième départ vers l'Autriche.

 28   Q.  Quand êtes-vous rentré à Kozluk ?

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  1   R.  Je suis rentré à Kozluk en 2003, et en 2001, ma famille, mon épouse et

  2   mes deux enfants, ma mère sont rentrés à Kozluk.

  3   Q.  Vos concitoyens sont rentrés quant à eux à Kozluk ?

  4   R.  Au début de l'année 2000, il y a eu un retour organisé. Au cours des

  5   six premiers mois, nous en avons été informés, ensuite 18 personnes ont pu

  6   revenir au début de l'année 2000. Mais le groupe total comptait 4 850

  7   personnes; donc tout le monde n'a pas pu rentrer en même temps. Les retours

  8   se sont passés progressivement.

  9   Q.  Donc vos maisons ont été conservées et des réfugiés serbes s'y sont

 10   installés, n'est-ce pas ?

 11   R.  Exact; 4 850 Serbes de 28 municipalités habitaient à Kozluk à l'époque.

 12   Q.  Et à ce moment-là, les autorités de la Republika Srpska les ont fait

 13   déménager peu à peu en leur offrant d'autres logements, et vous, vous êtes

 14   rentrés à vos domiciles, n'est-ce pas ?

 15   R.  Exact.

 16   Q.  Puis les autorités de la Republika Srpska ont commencé à investir des

 17   sommes assez importantes pour réparer les infrastructures de Kozluk,

 18   reconstruire le réseau d'adduction d'eau et tout ce qui était nécessaire,

 19   n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, par les autorités gouvernementales de Serbie et les ministères

 21   respectifs qui étaient concernés, nous avons pu avoir accès à l'eau

 22   potable, nous avons bénéficié de la construction d'un centre médical, de

 23   routes. Et Kozluk étant une partie de la Republika Srpska, nous avons

 24   demandé des financements, parce qu'il y avait des Serbes qui y habitaient,

 25   pas seulement des Musulmans, mais également des Serbes.

 26   Q.  Vous et vos compagnons musulmans qui êtes retournés à Kozluk, avez été

 27   contents du comportement de la Republika Srpska à votre égard après votre

 28   retour, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Pour autant que le gouvernement de la Republika Srpska et les

  2   ministères respectifs soient concernés, et si nous parlons de l'appui que

  3   nous avons reçu de leur part à notre retour, nous avons été satisfaits.

  4   Nous avons préparé un certain nombre de projets concernant l'ouverture de

  5   plusieurs usines, mais nous considérions tout cela comme normal, parce que

  6   nous étions citoyens de la Republika Srpska, partie de la Bosnie-

  7   Herzégovine. C'était notre gouvernement.

  8   Q.  J'ai un renseignement qui émane d'internet ici. Tant que je

  9   communiquais avec mes conseillers juridiques, ils ont pu me communiquer ce

 10   document. Le 27 avril 2007, à Kozluk, vous avez accueilli Dodik en

 11   chantant. Ceci est peut-être un peu exagéré. Peut-être n'avez-vous pas

 12   chanté, mais vous aviez dit que vous étiez satisfaits du traitement que le

 13   gouvernement vous avait réservé et des lettres que vous aviez reçues.

 14   R.  Mais le commandant d'Arkan, M. Pejic, a été accueilli à Kozluk, et

 15   quand nous avons vu que des gens sont tombés malades, après avoir restitué

 16   leurs armes, nous avons reçu des médicaments. S'agissant de Dodik, il a

 17   répondu à toutes nos demandes, donc nous avions du respect pour lui et pour

 18   le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Quand les gens sont rentrés en

 19   Republika Srpska, les lois étaient respectées, la constitution de la

 20   Republika Srpska en particulier, et nous considérions que c'était notre

 21   travail de demander l'installation d'adduction d'eau potable, la création

 22   de routes, et cetera.

 23   Q.  Si j'ai bien compris, vous ne vous êtes pas plaints au sujet de Pejic,

 24   le second d'Arkan, qui avait un pouvoir important un peu partout dans le

 25   secteur. Votre problème principal a commencé quand il a quitté Zvornik,

 26   n'est-ce pas ?

 27   R.  Bien, oui, nos problèmes étaient en fait l'existence de la guerre, la

 28   guerre a provoqué tous ces problèmes. C'est la guerre qui a amené Pejic,

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  1   Pavlovic et tous les autres.

  2   Q.  Mais ce qui m'intéresse ici, c'est la chose suivante : est-ce que vous

  3   savez où se trouve Rastosnica ?

  4   R.  Rastosnica est l'un des villages serbes les plus importants de la

  5   municipalité de Sapna, et Sapna se trouve dans l'entité que l'on appelle

  6   Bosnie-Herzégovine.

  7   Q.  Sapna faisait partie d'une municipalité à un certain moment, n'est-ce

  8   pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et selon les accords de Dayton, cette municipalité a été divisée et

 11   Sapna est désormais une nouvelle municipalité créée à ce moment-là, n'est-

 12   ce pas ?

 13   R.  Oui, Sapna est une municipalité serbe.

 14   Q.  Une municipalité serbe. Et c'est également le village le plus gros de

 15   la municipalité de Sapna ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce que vous savez qu'en 1992, le village a été attaqué par les

 18   paramilitaires musulmans et qu'un grand nombre d'habitants ont été tués et

 19   leurs maisons incendiées. Est-ce que vous auriez entendu parler de cela ?

 20   Est-ce que vous êtes au courant ?

 21   R.  Non, je ne suis pas au courant. Je ne sais pas, parce que je vivais

 22   dans l'isolement le plus total. Mais plus tard, j'ai entendu parler du fait

 23   que des événements ont eu lieu à cet endroit pendant la guerre. Comment,

 24   pourquoi, quoi exactement, contre qui ? Je ne sais pas, mais j'étais dans

 25   l'isolement le plus total.

 26   Q.  Il se trouve que je dispose d'un renseignement datant de 2007 qui

 27   permet de faire une comparaison entre la situation à Kozluk, puisque vous

 28   dites que vous avez été satisfait du traitement que vous avez reçu de la

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  1   part du gouvernement de la Republika Srpska. Et je vois ici qu'à

  2   Rastosnica, cette même année, 180 des maisons serbes incendiées, et il y en

  3   a eu 1 050 au total, ont été reconstruites, alors qu'à Skakavci qui se

  4   trouve tout près, 20 maisons, sur un total de 350 maisons serbes incendiées

  5   ont été reconstruites. Ces maisons n'ont donc pas été toutes reconstruites.

  6   L'école, le centre médical,  et cetera, n'ont pas été reconstruits. Je tire

  7   de tout ça la conclusion qu'en tout cas dans le secteur où vous habitiez, à

  8   la frontière, les Musulmans ont bénéficié d'un traitement bien meilleur

  9   lorsqu'ils sont retournés en Republika Srpska que les Serbes qui sont

 10   retournés dans la fédération croato-musulmane. Est-ce que vous êtes

 11   d'accord avec moi ? Peut-être que vous n'aimez pas entendre cela sur le

 12   plan politique, cela ne vous convient pas ?

 13   R.  Le renseignement dont vous disposez, Monsieur Seselj, est inexact. A

 14   Rastosnica, nous avons l'école la plus moderne, et le centre médical est le

 15   plus moderne puisqu'il a été reconstruit. Mais Rastosnica est une localité

 16   importante où il y a pas mal de petits et de grands hameaux.

 17   Alors, je pourrais être invité à apprécier la situation en divers lieux,

 18   est-ce que la situation est préférable à La Haye ou à Sarajevo ou ailleurs.

 19   Mais s'agissant de Kozluk, on a mis en place des projets proposés au

 20   gouvernement; on a investi pas mal de temps et d'efforts pour construire un

 21   avenir meilleur pour nous, parce que vous parlez du traitement réservé aux

 22   Serbes, la route qui passe par Kozluk, qui va à Zvornik, à Bijeljina, les

 23   gens l'utilisent pour venir d'un peu partout de Pale et de Banja Luka,

 24   entre autres. Les adductions d'eau que M. Milan Dodik a construit grâce à

 25   des investissements de plus d'un million de deutsche marks concernaient pas

 26   mal de communautés locales; donc c'était dans l'intérêt de l'ensemble

 27   d'entre nous, dans notre intérêt à tous.

 28   Et ce que je tiens à dire, c'est que le gouvernement nous a fourni tout

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  1   cela, mais nous nous sommes battus pour l'obtenir. Nous sommes allés le

  2   demander. Ceci ne veut pas dire que les habitants de Rastosnica auraient dû

  3   faire la même chose, mais ils auraient dû être plus actifs, ils auraient dû

  4   investir du temps et des efforts et continuer à s'adresser aux autorités

  5   pour exiger ce qu'ils souhaitaient obtenir, parce que si on ne faisait pas

  6   ça, on n'allait nulle part. Donc je tiens à dire que la discrimination dans

  7   le secteur où je réside n'a vraiment pas existé, et j'aimerais le dire très

  8   publiquement.

  9   Q.  D'accord. Merci, Monsieur Banjanovic, mais je voulais utiliser ce

 10   renseignements tiré d'internet pour vous montrer que s'agissant des

 11   réfugiés serbes, la situation était très différente. Mais je n'insiste pas

 12   là-dessus. Je comprends que vous ayez besoin de ne pas vous exposer à des

 13   mauvais traitements qui vous mettraient dans une situation difficile. Mais

 14   ce dont j'ai le souvenir, c'est que vous avez témoigné publiquement dans

 15   l'affaire Milosevic, Slobodan Milosevic, ainsi que dans le procès à

 16   Belgrade, et maintenant vous témoignez en public ici, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, j'ai parlé partout publiquement, sans utiliser de code pour les

 18   noms propres, les prénoms ou quoi que ce soit d'autre, et j'ai toujours

 19   raconté ce dont j'avais une connaissance personnelle.

 20   Q.  Je pense que votre témoignage ici aujourd'hui s'est fait dans des

 21   conditions identiques, pour autant qu'un témoignage puisse être identique à

 22   un autre.

 23   Quand vous avez témoigné dans le procès de Slobodan Milosevic, par exemple,

 24   et que vous êtes retourné à Kozluk, est-ce que vous avez vécu des

 25   expériences désagréables de quelque sorte à votre retour ?

 26   R.  Ce témoignage que j'ai fait, je ne l'ai pas fait de mon plein gré. Je

 27   vis à Kozluk. Mon enfant va à l'école avec d'autres enfants serbes. Je suis

 28   l'un des fonctionnaires qui est retourné à Kozluk. Je ne vis pas à Sarajevo

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  1   ou à Tuzla. Je vis à Kozluk. Donc croyez-moi, je vous prie, quand je dis

  2   que parmi les miens, tout comme parmi la population serbe, il y a encore

  3   des gens qui souhaitent s'orienter vers la guerre; donc j'ai toujours des

  4   craintes que mon enfant puisse être enlevé. Je reçois des menaces et j'ai

  5   dénoncé un certain nombre de telles menaces et les gens qui en étaient les

  6   auteurs, menaces consistant à me dire qu'on allait enlever mon enfant, et

  7   cetera. Mais quoi qu'il en soit, tout ce que je dis, je le dis en public,

  8   et je le fais encore ici aujourd'hui parce que ce qui s'est passé s'est

  9   passé. Dieu nous prévienne d'une répétition de tels événements, parce que

 10   la guerre c'est vraiment la dernière option possible.

 11   Q.  Monsieur Banjanovic, croyez-moi, je vous remercie d'avoir dit ce que

 12   vous avez dit dans votre déposition. Je tiens à ce que les gens s'expriment

 13   en public. Je tiens à ce que les gens qui ont vécu des événements pendant

 14   la guerre le fasse connaître en le relatant en public, quels qu'aient été

 15   ces événements et quelle que soit leur opinion sur ces événements, parce

 16   que chacun a le droit de dire ce qui lui est arrivé et ce qu'il a vécu. Et

 17   je vous souhaite, Monsieur Banjanovic, très sincèrement, de ne vivre aucun

 18   événement désagréable à votre retour à la fin de votre déposition ici.

 19   R.  Je vous remercie.

 20   Q.  Merci à vous.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'en ai terminé de mon contre-interrogatoire,

 22   Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Des questions supplémentaires.

 24   Mme BIERSAY : [interprétation] Non, pas de questions supplémentaires. Je

 25   vous remercie, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pas de questions ?

 27   Monsieur, au nom de mes collègues, je vous remercie d'être venu à La Haye

 28   pour témoigner. Je formule mes meilleurs vœux pour que vous retourniez dans

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  1   votre pays. Et j'espère que tout se passera très bien dans l'avenir.

  2   Je vais demander à M. l'Huissier de bien vouloir vous raccompagner.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous également.

  4   [Le témoin se retire] 

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je me tourne vers l'Accusation, vers M.

  6   Mundis.

  7   Pour demain, nous avons un témoin qui est prévu. Il est, je présume,

  8   déjà là.

  9   M. MUNDIS : [interprétation] Tout à fait. Le témoin prévu pour demain est

 10   déjà là, à La Haye. Il sera là demain matin à 8 heures 30. Nous ne savons

 11   toujours pas grand-chose sur le témoin suivant, il est évident qu'il ne

 12   témoignera pas cette semaine en tout cas. Ce qui fait que nous n'avons plus

 13   qu'un témoin pour cette semaine. Je sais que mon confrère, M. Mussemeyer,

 14   aimerait avoir un peu plus d'une heure que l'heure qui lui a été donnée; je

 15   sais que M. Seselj lui aussi aimerait avoir un peu plus de temps pour son

 16   contre-interrogatoire. Mais je ne pense pas qu'il y aura des problèmes si

 17   l'on allonge le délai.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous aviez prévu combien de temps au départ ?

 19   M. MUNDIS : [interprétation] Si on ne faisait pas droit au 92 ter, nous

 20   avons demandé deux heures pour le témoin suivant. Donc nous aimerions

 21   vraiment avoir deux heures et que M. Seselj ait aussi deux heures. Je crois

 22   que quand la Chambre de première instance a refusé le 92 ter, elle nous a

 23   donné une heure à chacun.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc c'est un viva voce.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux dire quelque chose ?

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Deux heures pour l'Accusation et deux heures pour M.

 27   Seselj semble tout à fait justifié.

 28   D'autant, je rappelle, que c'est un témoin qui vient témoigner sur la ligne

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  1   de conduite délibérée. C'est dans ce cadre qu'il vient.

  2   Oui, Monsieur Seselj.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Là je suis tout à fait d'accord. Vous venez de

  4   dire "deux heures," c'est exactement ce que je voulais demander pour moi

  5   également.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Bon. Deux heures pour le Procureur, et

  7   deux heures pour la Défense, puis avec les questions des Juges, le témoin

  8   restera jeudi, parce qu'on ne terminera pas demain. Mais pour une fois

  9   qu'on a du temps, autant en profiter.

 10   Ceci étant dit, Monsieur Mundis, j'ai ma calculette. Chaque témoin

 11   qui vient, je retire du temps et à la fin de la semaine prochaine, il vous

 12   restera globalement une vingtaine d'heures.

 13   M. MUNDIS : [interprétation] Oui, c'est a peu près ce que nous avions

 14   calculé. Nous pensions que lorsque nous nous arrêterions pour les vacances

 15   judiciaires d'hiver, nous pensions en être là. Très bien.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais souhaiter à tout le monde une

 17   bonne fin de soirée. Il restait quelques minutes. Nous nous retrouverons

 18   tous demain à 8 heures 30. Je vous remercie.

 19   --- L'audience est levée à 18 heures 54 et reprendra le mercredi 3 décembre

 20   2008, à 8 heures 30.

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