Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 4 décembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 8 heures 32.

  5   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.

  9   Bonjour à toutes les personnes présentes dans le prétoire. Il s'agit de

 10   l'affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

 11   Merci, Madame, Messieurs les Juges.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce jeudi 4 décembre 2008, je salue en premier M. Tihic. Je salue les

 14   représentants du bureau du Procureur ainsi que leurs collaboratrices. Je

 15   salue M. Seselj et je salue toutes les personnes qui nous assistent, M.

 16   l'Huissier et M. le Greffier, sans oublier les interprètes.

 17   Nous allons donc poursuivre aujourd'hui le contre-interrogatoire. Monsieur

 18   Seselj, il vous reste une heure et 15 minutes d'après les décomptes faits

 19   par M. le Greffier. Je vous donne la parole pour la suite du contre-

 20   interrogatoire.

 21   LE TÉMOIN : SULEJMAN TIHIC [Reprise]

 22   [Le témoin répond par l'interprète]

 23   Contre-interrogatoire par M. Seselj : [Suite]

 24   Q.  [interprétation] Monsieur Tihic, jusqu'en 1990, vous avez été membre de

 25   la Ligue des Communistes, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et vous avez vu que ce parti a périclité. Vous n'y avez pas vu votre

 28   avenir, et vous vous êtes interrogé sur l'affiliation dans un autre parti,

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  1   n'est-ce pas ?

  2   R.  Alors, si je puis répondre.

  3   Q.  Ne soyez pas trop long.

  4   R.  Oui, mais il serait très difficile de comprendre par une réponse oui ou

  5   non.

  6   J'ai longtemps nourri un dilemme, parce que j'ai vécu dans des temps et

  7   dans un système particulier. Mon père était un partisan. Je suis originaire

  8   d'une famille de ce genre. Ce parti à l'époque avait généré l'insurrection

  9   populaire, et il y a une tradition d'attachement au parti qui existait à

 10   l'époque. Donc il y avait un dilemme dans ma famille pour ce qui est de

 11   savoir s'il fallait s'aventurer à créer de nouveaux partis ou pas. Quand

 12   j'ai vu que la Ligue des Communistes ne pouvaient pas subsister pour des

 13   hypothèques très variées, et pour des processus ou pour des raisons de

 14   processus très divergents, j'ai opté en faveur de ce Parti de l'Action

 15   démocratique, parce que j'ai pensé que ce parti allait consacrer

 16   l'essentiel de ses activités à la Bosnie-Herzégovine, non pas un peuple

 17   seulement, mais à la Bosnie-Herzégovine, qu'elle soit partie intégrante de

 18   cette Yougoslavie fédérale, confédérale, peu importe. Le parti n'avait pas

 19   pour programme la création d'une Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat, mais

 20   il voulait s'employer en faveur de la protection de certains droits et de

 21   libertés.

 22   Q.  Mais vous avez nourri des réserves très importantes vis-à-vis du SDA,

 23   ainsi que vis-à-vis de son leader Alija Izetbegovic ?

 24   R.  Non, je n'ai pas émis de réserve. J'avais des dilemmes. Je me demandais

 25   s'il fallait accéder à ce parti ou rester dans la Ligue des Communistes.

 26   Lorsque j'ai vu que la Ligue de Communistes ne pouvait pas satisfaire ou

 27   répondre à ce qui nous attendait dans les temps à venir, j'ai opté en

 28   faveur de ce parti bosniaque, qui était le plus bosno-herzégovien des

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  1   partis.

  2   Q.  Mais vous aviez eu des réserves vis-à-vis des gens qui ont créé une

  3   branche du SDA à Bosanski Samac. Vous avez estimé qu'ils n'étaient pas des

  4   gens dignes de votre confiance.

  5   R.  Je n'ai pas pensé que ce n'était pas des gens dignes de ma confiance,

  6   mais ce n'était pas des gens qui n'ont pas fait de la politique, ils ne

  7   comprenaient rien à la politique. C'était pour l'essentiel des gens à

  8   qualification moyenne, secondaire ou plus, sans expérience économique ou

  9   politique. Et lorsque je me suis trouvé sur cette liste en tant que

 10   titulaire de la liste ou porteur de la liste, il y a eu des boulangers, des

 11   pâtissiers sur la liste, enfin, des gens qui n'avaient pas des antécédents.

 12   Q.  Mais ça, c'était déjà quand vous avez été devenu membre. Vous avez

 13   hésité parce que vous n'avez pas estimé que des notables dans Bosanski

 14   Samac ?

 15   R.  C'étaient des gens ordinaires, des gens, des travailleurs.

 16   Q.  Voyez-vous, Monsieur Tihic, si le bureau du Procureur ne m'avait pas

 17   procuré ex officio un texte à vous qui est intitulé "Souvenirs," je dis

 18   "souvenirs," parce que vous avez utilisé le "ch" dur. Est-ce que c'est

 19   fortuit ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Vous auriez peut-être dû mettre "secanje" en bosnien. Mais vous avez

 22   raconté des faits relatifs aux crimes de guerre ?

 23   R.   Non, j'ai écrit cela quand je suis sorti du camp. Au fil du temps,

 24   j'ai pensé que j'oubliais des événements, leur suite, des noms, et que

 25   j'oubliais ce qui s'était passé dans tel ou tel autre camp. Et pour ne pas

 26   confondre les événements et tout mélanger, situer les événements ailleurs,

 27   j'ai rédigé ce texte intitulé, "Souvenirs" pour me servir d'aide-mémoire et

 28   pour ranger les événements selon leur chronologie.

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  1   Q.  Moi, ça m'a été utile pour connaître l'évolution de votre vie

  2   professionnelle et autre. Comme je n'ai pas de contacts avec mes

  3   collaborateurs, je me suis fondé sur les éléments fournis par le bureau du

  4   Procureur pour mon contre-interrogatoire.

  5   En page 2 de cette espèce de confession assez longue, de plus de 60 pages,

  6   vous nous dites que vous avez assisté aux assemblées de promotion et de

  7   création de tous les partis mis en place à Bosanski Samac, et vous dites

  8   que :

  9   "Le Parti de l'Action démocratique ne vous avait pas plu, parce que, je

 10   vous cite : "C'était un ensemble de petits privés, de gens qui n'étaient

 11   pas des notables dans le milieu de Samac, et de gens qui étaient arrivés à

 12   Samac venus d'ailleurs.

 13   "Depuis lors, bon nombre de militants du SDA se sont entretenus avec

 14   moi pour une affiliation de ma part au SDA et m'ont proposé des fonctions

 15   de président, tout ce que je voulais pour que j'accepte la fonction de

 16   président. Parce qu'ils s'attendaient à ce que vous attiriez des gens

 17   notables, des notables de Bosanski Samac dans le sillon que vous créeriez,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  Bien, pour l'essentiel, au début tous les partis avaient un potentiel

 20   en matière de cadres assez médiocre. On a pu le voir lorsque les autorités

 21   ont été créées et on a vu qu'on manquait de gens avec une expérience et des

 22   connaissances politiques.

 23   Q.  Vous aviez alors voulu vous affilier au parti libéral à la tête duquel

 24   se trouvait Rasim Kadic ?

 25   R.  Oui, c'était un des dilemmes.

 26   Q.  Et ce parti vous a déçu par ses attitudes et vous avez renoncé ?

 27   R.  Je suis allé m'affilier à ce parti. Ils ont fait un communiqué qui

 28   m'avait rappelé les activités politiques de la Ligue des Communistes. Ils

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  1   ont dit que parce que Rasim Kadic avait été présent à l'assemblée qui a

  2   créé le parti du SDA, ils l'ont tout de suite condamné.

  3   Q.  Vous avez pensé qu'ils étaient insuffisamment tolérants ?

  4   R.  Oui, mais le fait qu'on soit présent n'a rien à voir, on n'a pas à le

  5   condamner sur le plan politique.

  6   Q.  Je vous comprends parfaitement, j'ai été présent au rassemblement du

  7   Parti démocratique et autres partis, mais je n'ai pas eu l'idée ou

  8   l'intention de m'affilier, ça n'a rien d'étrange.

  9   R.  Ce qui a été étrange, c'est de voir qu'on a condamné leur président

 10   parce qu'il a été présent.

 11   Q.  Mais on a vu qu'il y avait une animosité certaine vis-à-vis.

 12   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] M. Seselj et Tihic, encore une fois

 13   pardonnez si je vous interromps, mais les interprètes ont beaucoup de mal à

 14   vous suivre. Veuillez l'un et l'autre ralentir, s'il vous plaît, parler

 15   plus lentement et marquer une pause entre les questions et les réponses,

 16   s'il vous plaît. Merci.

 17   M. SESELJ : [interprétation]

 18   Q.  Vous dites qu'aux premières élections, à peine 50 % des Musulmans ont

 19   voté en faveur du SDA, les autres ont voté pour les autres partis ?

 20   R.  Cela découle des résultats obtenus. Le corps électoral bosnien pouvait

 21   avoir quatre députés et les autres deux.

 22   Q.  Dans la première moitié de 1991, vous avez commencé à aider le SDA dans

 23   ses activités, et c'est en automne que vous vous êtes affilié au parti,

 24   n'est-ce pas ?

 25   R.  Je me suis affilié avant, je me suis affilié en 1990, mais c'est en

 26   1991 que j'ai été élu président du SDA.

 27   Q.  Ici on avait d'abord mis "1991," puis on a rectifié pour dire 1990.

 28   Vous avez dit 1990 ?

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  1   R.  Ecoutez, j'étais sur la liste, je ne pourrais pas être titulaire de la

  2   liste, et les élections se sont tenues le 18 octobre. Donc c'est avant le

  3   18 octobre que je suis devenu membre du SDA, en 1990, s'entend.

  4   Q.  Donc on avait déjà compris que les communistes allaient perdre les

  5   élections, et votre objectif était d'attirer le plus possible de notables

  6   au sein du SDA ?

  7   R.  Non, ce n'était pas seulement mon objectif. Toute une série de

  8   notables, de citoyens de groupes ethniques bosniens sont venus à moi pour

  9   essayer de me convaincre de m'affilier parce que j'étais avocat. Eux, ils

 10   étaient employés et fonctionnaires, puis ils disaient qu'ils allaient me

 11   rejoindre ultérieurement.

 12   Q.  En 1990, il y a eu une assemblée fondatrice avec la participation

 13   d'Alija Izetbegovic à Bosanski Samac ?

 14   R.  Oui, M. Alija Izetbegovic y a pris part.

 15   Q.  J'ai été surpris par votre dernière réponse à l'une de mes questions à

 16   la fin de notre audience d'hier. Vous avez affirmé que vous n'avez jamais

 17   accordé votre soutien à Adil Zulfikarpasic et Mohammed Filipovic ainsi que

 18   leur organisation musulmane. Alors, dans votre déclaration en page 3, ce

 19   que je peux retrouver et lire, c'est que vous y dites, qu'à quelques jours

 20   avant cette assemblée avec la participation d'Alija Izetbegovic, je cite :

 21   "Il y a eu scission au sein du parti. Adil Zulfikarpasic et Tunjo

 22   Filipovic se sont dissociés." "Tunjo" c'est le surnom de Mohammed

 23   Filipovic, c'est notoirement connu. "Il y a un dilemme," dites-vous,

 24   "m'associer aux travaux du parti, parce qu'à l'époque ce que je préférais

 25   c'était leur point de vue à eux, c'était la raison pour laquelle je n'ai

 26   pas publiquement accédé à ce parti dès cette assemblée."

 27   Ce sont vos propos. Alors vous dites que vous préfériez les opinions

 28   politiques des deux autres, et que c'est vers eux que votre soutien allait

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  1   plutôt ?

  2   R.  C'est justement l'un des dilemmes que j'ai eu pour ce qui est de

  3   décider si oui ou non j'allais m'affilier au SDA. Parce que dans l'opinion

  4   publique, le Pr Muhamed Filipovic c'était quelqu'un de très bien en vue,

  5   très en vue, Muhamed Filipovic aussi. Ça c'est d'un. Et Alija Izetbegovic,

  6   lui, était populaire, dans la population, je veux dire. Et il y a eu la

  7   personnalité de Fikret Abdic qui a émergé entre-temps. Mais cela ne

  8   signifie pas que j'ai accordé mon soutien aux activités ultérieures de

  9   Mohammed Filipovic et de Zulfikarpasic comme, par exemple, l'accord que

 10   vous avez évoqué hier, l'accord avec Milosevic, cet accord historique tel

 11   qu'ils l'ont qualifié. J'ai dit que je n'avais pas apporté mon soutien à

 12   cela.

 13   Q.  Bien. Mais Adil Zulfikarpasic c'était quelqu'un de très bien vu dans la

 14   population serbe aussi jusqu'à son décès. Etes-vous d'accord ?

 15   R.  Adil était bien vu tant parmi les Bosniens que les Serbes, que les

 16   Croates. C'était un homme qui avait beaucoup de tolérance en soi, c'était

 17   un immigrant qui avait aidé grandement la Bosnie-Herzégovine et les détenus

 18   politiques notamment auparavant, du temps du communisme. Il avait aidé

 19   aussi M. Izetbegovic et il avait créé cet institut bosnien à Sarajevo.

 20   Q.  Mais c'était un démocrate de grande envergure, il n'a jamais été obsédé

 21   par un intégrisme islamique ?

 22   R.  Oui, tout à fait.

 23   Q.  Bien. On est d'accord là-dessus.

 24   Alors, vous dites ici qu'au fur et à mesure que les élections approchaient,

 25   il fallait opter, et qu'entre-temps Fikret Abdic, s'était affilié aussi au

 26   SDA. Puis il y a eu de grandes assemblées, vous dites majestueuses ou

 27   magnifiques à Foca et Velika Kladusa, et vous avez décidé à ce moment-là de

 28   vous affilier ?

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  1   R.  Mes dilemmes ont duré tout au fil de 1990, pendant sept, huit mois,

  2   dirais-je. Et ces assemblées, ces réunions de Bosniens du SDA de grande

  3   renommée m'ont incité à m'affilier.

  4   Q.  En page 4 vous dites que les Musulmans de Samac avaient formulé des

  5   réserves vis-à-vis des activités du SDA. Certains approuvaient mais

  6   tacitement, et une autre partie intervenait de façon publique en tant

  7   qu'opposant au SDA.

  8   R.  Ecoutez, les Musulmans de Samac, comme la majorité des Bosniaques,

  9   aimaient la Yougoslavie. A l'époque, à l'époque de Josip Broz Tito, c'était

 10   une époque de sécurité tant sociale que tout autre. Il ne pouvait pas à

 11   cette vitesse-là accepter ces changements. Vous avez vu tous les dilemmes

 12   que j'avais eus moi, moi qui avais compris plus les choses et davantage les

 13   choses que les autres, les gens ordinaires. Les gens ordinaires

 14   comprenaient plus lentement, ils étaient plutôt tournés vers les temps

 15   révolus. Les Musulmans de Samac aimaient la Yougoslavie comme les Bosniens

 16   en général de la Bosnie-Herzégovine. De nos jours encore, vous avez en

 17   Bosnie-Herzégovine, vous avez encore de parmi les Bosniens, là où les

 18   Bosniens sont majoritaires il y a la rue du maréchal Tito, les souvenirs ou

 19   la rue du conseil antifasciste de libération nationale, et cetera.

 20   Q.  Et c'est parce qu'ils ont voulu la Yougoslavie qu'un grand nombre de

 21   Musulmans de Samac s'est joint au 4e Détachement du 7e Groupe tactique de la

 22   JNA dont on a parlé hier, n'est-ce pas ?

 23   R.  Je vous ai dit qu'un certain nombre de Bosniens s'étaient joints à ce

 24   4e Détachement, ceux qui croyaient encore que la JNA était l'armée de tous

 25   et qui croyaient en la survie de la Yougoslavie, qui voulaient que la

 26   Yougoslavie subsiste. Et ils étaient en corrélation avec les instances de

 27   la sécurité, et cetera.

 28   Q.  Mais il y a un autre facteur. Les Musulmans de Samac n'ont jamais été

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  1   portés, en majorité je veux dire, vers un intégrisme islamique. Ils

  2   n'avaient jamais voulu placer la religion au-dessus de tout dans la vie

  3   sociale. Cela ne veut pas dire que ce n'étaient pas de bons Musulmans.

  4   C'étaient des bons Musulmans, certains plus Musulmans, d'autres moins. Mais

  5   ils avaient tenu compte de la tolérance religieuse. On ne pouvait pas les

  6   comparer avec d'autres milieux en Bosnie où la situation était tout à fait

  7   différente.

  8   R.  Voyez-vous, notre expérience historique, pour ce qui est de la vie à

  9   Bosanski Samac, cette coexistence avec les Serbes et les Croates, c'était

 10   une chose fort positive. Nous avions respecté notre religion et nos

 11   traditions mais il n'y a jamais eu d'exagération.

 12   Q.  Oui, justement.

 13   R.  Et c'était mon comportement, c'était le comportement des autres

 14   Musulmans de Samac.

 15   Q.  Et un grand nombre de ces Musulmans n'appréciaient pas la politique

 16   d'Alija Izetbegovic. Alija Izetbegovic était déjà connu comme un intégriste

 17   islamiste, comme un panislamiste, n'est-ce pas ?

 18   R.  Vous avez vu les résultats des élections. A l'époque, lorsqu'il n'y a

 19   pas eu encore prise de conscience au niveau des gens, 50 % avaient soutenu

 20   le SDA, la liste dont je vous ai parlé, qui n'était pas une liste avec des

 21   cadres de bonne qualité. Ce qui signifie que le SDA et Alija Izetbegovic

 22   avaient quand même reçu la moitié des votes dans le commun du peuple. C'est

 23   le SDP, la Ligue des Communistes, qui avait obtenu le plus de votes. Et à

 24   Bosanski Samac, il n'y avait des Musulmans et des Bosniens qu'en ville.

 25   Dans les autres villes, le SDS ou les autres partis n'avaient pas obtenu la

 26   majorité.

 27   Q.  Attendez. Ne contournons pas la substance de ma question. Etes-vous

 28   d'accord avec moi pour dire que la grande majorité des citoyens de la

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  1   Bosnie-Herzégovine, dont les Musulmans, avaient estimé qu'Alija Izetbegovic

  2   était le représentant d'une option dure, intégriste, c'était un

  3   fondamentaliste et panislamiste.

  4   R.  Je ne pense pas que ce soit la majorité. Un petit nombre de citoyens

  5   l'avait pensé, parce que le SDA avait quand même emporté trois quarts des

  6   votes.

  7   Q.  Mais ce qui a contribué, c'est qu'il y a eu association de trois partis

  8   nationaux et que les peuples ont estimé que cela constituerait un

  9   équilibre, et que les éléments négatifs seraient finalement neutralisés et

 10   qu'ils auront à trouver des compromis et que c'est avec de la compréhension

 11   qu'il fallait qu'ils se placent à la tête de la Bosnie-Herzégovine.

 12   R.  On peut parler longuement des raisons de ces votes, on peut dire qu'ils

 13   ont voté, parce que certains voyaient dans ce président Izetbegovic la

 14   victime de persécution politique, d'habitude on se solidarise.

 15   Q.  Oui, il a indibutablement été victime du régime communiste, et il a

 16   répondu au pénal de textes qu'il n'avait pas encore publiés.

 17   R.  Il a été rendu coupable d'un "délit verbal." Il était coupable de ce

 18   qu'il pensait et de ce qu'il écrivait. Et on arrachait à son contexte tout

 19   ce qu'il avait dit, tout ce qu'il avait écrit et il a été sanctionné de

 20   façon extrêmement sévère. 

 21   Q.  Je ne sais pas si vous, vous le savez, mais la première des pétitions

 22   qui a été organisée en faveur d'Izetbegovic et de son groupe venait de moi.

 23   Saviez-vous cela ?

 24   R.  Je ne sais pas. Je sais que les intellectuels de Belgrade --

 25   Q.  Avant les intellectuels de Belgrade, il y a eu une réunion de

 26   sociologues yougoslaves de la maison d'Ante [inaudible] et il y a eu une

 27   réunion de ces sociologues de Serbie, de Croatie, de Bosnie. Peu importe.

 28   Mais nous sommes d'accord pour dire que ce n'est pas de façon justifiée

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  1   qu'il a fait de la prison.

  2   R.  Ce n'était pas un extrémiste, il n'était pas intégriste. On n'aurait

  3   pas signé des pétitions en faveur d'un intégriste. C'était un homme qui

  4   pensait librement. Et à l'époque, on n'avait pas le droit de mettre sur

  5   papier tout ce qu'on pensait.

  6   Q.  Moi, j'estime que tout le monde peut penser ce qu'il veut et publier

  7   ses pensées. Et si ces pensées sont erronées, il faut que ce soit critiqué

  8   de façon publique, mais pas qu'on mette les gens en prison. C'étaient mes

  9   positions. Et ce n'était pas un extrémiste ni un fondamentaliste. Et dans

 10   la guerre, là où Izetbegovic a exercé son pouvoir, il n'y a pas eu de

 11   crimes en masse. Il a empêché ce type de chose.

 12   Q.  Dès 1989, on a publié sa fameuse et célèbre déclaration islamique.

 13   C'était sa première édition, en 1989. Ensuite cela a connu plusieurs

 14   rééditions. Je vais attirer votre attention sur quelques exemples concrets,

 15   pour vous dire que c'était un panislamiste et un intégriste musulman. 

 16   Parce que nous voyons d'ores et déjà ici - et j'ai sous les yeux le premier

 17   tome des œuvres choisies d'Alija Izetbegovic publiées en 2005 - cependant,

 18   jusque-là, il y a eu plusieurs rééditions de ce livre, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, ça a été édité plus tôt --

 20   Q.  En 1989, si mes souvenirs sont bons.

 21   R.  Je pense que vous avez raison.

 22   Q.  Ça a été publié par une maison d'édition privée, Slobodan Masic.

 23   R.  Ça je ne le sais pas.

 24   Q.  Fort bien. Dans ce livre, il dit que --

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Les interprètes se plaignent. Bien. Comme vous êtes

 26   tous les deux des intellectuels, on arrive à suivre les questions et les

 27   réponses, parce qu'on comprend très vite la question et on voit dans quel

 28   sens va intervenir la réponse. Mais les interprètes, eux, font un autre

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  1   travail et donc du coup, chaque fois qu'ils perdent le fil, ils nous

  2   disent, et vous le voyez sur l'écran, qu'ils ne suivent pas.

  3   Alors, une nouvelle fois - et Monsieur le Témoin, vous êtes aussi

  4   responsable - nous vous demandons d'attendre avant de répondre. Parce que

  5   vous avez l'impression qu'on connaît votre langue, on ne la connaît pas.

  6   Mais on peut comprendre le sens des questions et des réponses, et donc on

  7   peut quasiment en temps réel vous suivre, mais les interprètes, eux, ne

  8   vous suivent pas, et comme ils ne vous suivent pas, le monsieur qui est au

  9   fond qui, lui, va taper le texte en anglais que vous voyez sur l'écran, va

 10   laisser des trous. Et c'est là où il y a le problème.

 11   Bien. Continuez, Monsieur Seselj.

 12   M. SESELJ : [interprétation]

 13   Q.  En préface de sa déclaration islamiste, il parle déjà de son objectif,

 14   en disant que ce qu'il veut faire, c'est synthétiser les idées qui sont

 15   diffusées un peu partout dans le monde islamique et, comme il le dit, je

 16   cite, il veut "avec des idées et des plans passer à l'action organisée pour

 17   la réalisation de ces idées. La lutte pour de nouveaux objectifs ne

 18   commence pas aujourd'hui."

 19   C'est à la page 130 :

 20   "Bien au contraire, les luttes religieuses connaissent déjà leurs sahids

 21   compte tenu du nombre des victimes. Il s'agit de victimes qui sont des

 22   individus, car de petits groupes courageux s'affrontent à des groupes

 23   beaucoup plus importants. Mais la puissance exige l'action organisée de

 24   millions de personnes."

 25   Dites-moi, il mentionne les sahids là. Les sahids, ce sont les victimes

 26   tombées dans la lutte, dans le combat du Jihad, n'est-ce

 27   pas ? C'est bien ça ?

 28   R.  Excusez-moi pour la rapidité des débats. Il me semble que c'est M.

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  1   Seselj qui imprime un rythme rapide, ensuite je le suis.

  2   M. Izetbegovic, dans aucun des textes dont il est l'auteur, n'a appelé à la

  3   violence. Un sahid, oui, effectivement, c'est une personne qui est morte

  4   sur ce que nous appelons le chemin de Dieu. Cela peut se passer au cours

  5   d'une guerre, mais cela peut se passer aussi en temps de paix. Il est mort

  6   dans l'accomplissement des objectifs de Dieu. Mais dans aucun de ses

  7   livres, pas plus que dans sa "déclaration islamiste," on voit Izetbegovic

  8   évoquer un mouvement qui serait synonyme de violence. Il considérait que

  9   les Musulmans devaient changer, qu'ils devaient s'adapter aux nouvelles

 10   conditions en vigueur dans le monde; que le passé était révolu d'une

 11   certaine façon et que les Musulmans, dans la période actuelle, ne suivaient

 12   ni l'évolution du monde sur le plan scientifique ni l'évolution du monde

 13   sur le plan réel. Il évoquait toutes ces idées dans un grand nombre de

 14   conférences dans lesquelles il exprimait des critiques des Musulmans du

 15   monde en raison de leur défaut d'adaptation. C'était un homme empreint de

 16   tolérance.

 17   Q.  Monsieur Tihic, essayons tout de même de nous concentrer sur des

 18   questions bien déterminées. Vous savez que le pouvoir officiel de la

 19   fédération croate ou musulmane ou de la Fédération de Bosnie-Herzégovine,

 20   tous les soldats musulmans qui ont été tués dans cette guerre portaient le

 21   nom de Sahids et leurs tombes étaient baptisées officiellement des Mezadal

 22   Sahids; c'est bien ça ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Comment non ?

 25   R.  Permettez-moi de répondre. Dans nos lois et au sein de la fédération,

 26   on évoque les sahids et les combattants tombés au combat. Donc on utilise

 27   les deux expressions. Par conséquent, sahids et combattants tombés au

 28   combat, ce sont des personnes qui ont été tuées durant la guerre, qui sont

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  1   inhumées côte à côte dans des tombes. Et c'est ce que le peuple appelle des

  2   tombes de Sahids.

  3   Q.  Monsieur Tihic, vous venez d'être très clair. Dans la loi, on voit les

  4   expressions sahids et combattants tombés au combat. Le mot sahids concerne

  5   les Musulmans qui ont été tués et les combattants tombés au combat

  6   concernent les combattants croates et éventuellement tel ou tel combattant

  7   serbe qui aurait pu être tué au sein de votre armée, ainsi que les membres

  8   d'autres groupes ethniques, peut-être des Juifs ou d'autres. Mais

  9   l'expression "sahids" concerne tous les Musulmans tombés au combat, n'est-

 10   ce pas ? Ils sont tombés pour la défense de leur foi. Ils sont des victimes

 11   de leur foi.

 12   R.  Monsieur Seselj, ceci n'est pas exact.

 13   Q.  Si ce n'est pas exact, avançons.

 14   R.  Ce n'est pas exact, car on parle des sahids qui ont été tués et des

 15   combattants tués, et ces deux termes concernent des Musulmans, qui peuvent

 16   être des sahids, mais il y a aussi des Musulmans qui sont athées. Il y a

 17   des tombes de sahids dans lesquelles sont inhumés des Serbes. Voyez-vous

 18   des Serbes qui faisaient partie de l'ABiH comme à Kovaci, par exemple.

 19   Q.  Monsieur Tihic --

 20   R.  Donc pour tous ces gens-là, on ne peut pas utiliser l'expression

 21   sahids, mais ils sont tous Bosniaques sans tous être Bosniens.

 22   Q.  Bon. Ils ne sont pas tous Bosniens, mais il y un nombre énorme de

 23   personnes qui sont mentionnées comme étant des sahids, ce qui signifie

 24   qu'ils ont participé à une guerre religieuse; que ce sont des victimes

 25   tombées dans la défense de leur foi. Et dans ce sens-là, on leur accorde

 26   des honneurs, je n'ai rien contre, mais qu'on établisse les faits. Et le

 27   pouvoir officiel les respecte pour cette raison. Ce sont des victimes

 28   tombées pour leur foi, ce qui signifie qu'ils participaient à une guerre

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  1   religieuse. Et une guerre religieuse, dans la tradition islamiste, cela

  2   s'appelle un "Jihad" et c'est le Jihad que mentionne M. Izetbegovic dans sa

  3   "déclaration islamiste", n'est-ce pas ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Avançons.

  6   R.  Mais je dois répondre pour vous dire pourquoi ce n'est pas le cas.

  7   Q.  Allez-y.

  8   R.  Ce n'est pas le cas parce qu'ils sont tombés durant la défense de la

  9   Bosnie-Herzégovine. Donc ils défendaient leur Etat, leur peuple, leur

 10   famille, leur vie, voyez-vous. Tout cela n'est pas dû uniquement à la

 11   religion, contrairement à ce que vous affirmez. Il y a un grand nombre qui

 12   ont été tués qui n'étaient même pas pratiquants.

 13   Q.  Alija Izetbegovic vous dément immédiatement. En page 121 de sa

 14   "déclaration Islamiste", nous lisons :

 15   "Le peuple tout comme les individus, s'ils adoptent l'Islam, sont

 16   incapables ensuite de vivre et de mourir pour quelque autre idéal que ce

 17   soit. Il est inimaginable qu'un Musulman se sacrifie pour un empereur ou

 18   pour un dirigeant, quel que soit son nom, ou pour l'honneur d'une nation,

 19   d'un parti, ou de quoi que ce soit de ce genre, car l'instant islamiste le

 20   plus fort qui soit le pousse à reconnaître en cela une force d'idolâtrie

 21   sans foi. Un Musulman ne peut tomber qu'au nom d'Allah et pour l'honneur de

 22   l'Islam, sinon il fuit les terrains de combat."

 23   Voilà ce qu'écrit Alija Izetbegovic. Est-ce que vous avez lu son livre ?

 24   R.  Oui, je l'ai lu. Mais vous extrayez des passages -- oui, je l'ai lu son

 25   livre, vous extrayez des passages en les situant hors du contexte qui régit

 26   ce livre et ce message. Dans n'importe quel livre, vous pouvez agir ainsi.

 27   Q.  Monsieur Tihic, au jour d'aujourd'hui --

 28   R.  Attendez. Ecoutez la fin. Dans n'importe quel livre vous pourrez

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  1   trouver un passage qui, lorsqu'il est sorti du contexte, a un sens

  2   différent de son sens réel.

  3   Q.  Monsieur Tihic, le cardinal Richelieu, bien connu en France, est mort

  4   en 1644 ou je ne sais plus exactement l'année, en tout cas c'est

  5   l'anniversaire de sa mort aujourd'hui : "Donnez-moi n'importe quelle

  6   citation, même une ligne d'un écrit qui me permettra, dans n'importe quelle

  7   circonstance, d'envoyer l'auteur de cette ligne à l'échafaud." Car je suis

  8   d'accord avec vous, sorti du contexte, on peut condamner n'importe qui.

  9   Mais je viens de vous lire une citation, je ne peux pas vous lire tout le

 10   livre d'Izetbegovic.

 11   Le Procureur dispose de l'œuvre entière et il peut la remettre aux Juges

 12   s'il ne l'a pas encore fait, toutes personnes souhaitant lire ce livre peut

 13   le faire.

 14   Mais comme l'Accusation ici ne montre que certains extraits très courts de

 15   votre interview à la télévision de Novi Sad, il l'a fait hier, n'est-ce

 16   pas, nous n'avons pas vu l'interview entière, car c'était impossible à

 17   faire dans ce prétoire. Je ne suis tenu que de vous soumettre quelques

 18   citations. Par exemple, citation d'une partie de la déclaration islamiste

 19   dans laquelle Izetbegovic se dit favorable et préconise l'ordre islamique,

 20   il dit :

 21   "La définition la plus rapide de l'expression 'ordre islamique' est une

 22   unité entre la foi et la loi, la création d'une force puissante et

 23   l'établissement d'une communauté spirituelle au niveau de l'Etat basée sur

 24   le volontarisme et la coercition."

 25   C'est lui qui le dit, tout le monde en Bosnie-Herzégovine connaît cette

 26   expression; les Musulmans de Bosnie, les Croates, les Serbes, et cetera.

 27   Tout le monde la connaît, ensuite nous lisons :

 28   "Quand à la synthèse de tout ce qui représente le pouvoir islamiste, il

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  1   repose sur deux piliers : sans pouvoir islamiste, les Musulmans sont

  2   impuissants. Le pouvoir islamiste sans l'apport de la société islamiste est

  3   impuissant et ne peut rien faire."

  4   Et là nous en arrivons à quelque chose d'important dans les idées

  5   d'Izetbegovic, pour lui :

  6   "Le Musulman, sans la société, est dépourvu de pouvoir. S'il veut vivre et

  7   poursuivre son action en tant que Musulman, il doit participer à une

  8   communauté et agir. Il doit transformer le monde, sinon c'est lui qui sera

  9   transformé. L'histoire ne connaît aucun mouvement islamiste véritable qui

 10   n'ait été en même temps un mouvement politique. Ceci vient du fait que

 11   l'Islam est une religion mais qu'en même temps, c'est une philosophie, une

 12   morale, un ordre des choses, un style, une atmosphère; en un mot une façon

 13   intégrée de vivre. On ne peut avoir une foi islamiste si on ne travaille

 14   pas en tant qu'islamiste, si on n'a pas de loisir d'islamiste, si on ne

 15   dirige pas d'une façon islamiste."

 16   Est-ce que vous ne voyez pas qu'ici, il est question de l'intégriste

 17   islamiste, c'est-à-dire de fondamentalisme, selon les mots prononcés par

 18   lui, n'est-ce pas ?

 19   R.  Vous me permettrez, j'espère, de répondre maintenant ?

 20   Q.  Je vous y autorise en permanence. Je pose des questions, c'est à vous

 21   de répondre.

 22   R.  Mais votre question fait au moins une page, et elle comporte toutes

 23   sortes de constatations de votre part avec lesquelles je ne suis pas

 24   d'accord, voyez-vous. De façon à ne pas créer une fausse impression, je

 25   tiens à m'expliquer. Vous venez de mentionner, la page 130 ou 131. Le livre

 26   en compte 150. Donc vous avez cité deux ou trois pages ici.

 27   Q.  Monsieur Tihic, moi, on me présente une phrase d'une allocution que

 28   j'ai prononcée, et on exige une peine de prison à vie pour cette phrase.

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  1   R.  Permettez-moi de finir. J'aimerais moi aussi formuler un commentaire

  2   sur ce que vous venez de dire, sur vos constatations.

  3   Voyez-vous, on ne peut pas examiner les œuvres d'Izetbegovic en se

  4   fondant uniquement sur une ou deux pages de ces livres, car toute sa vie a

  5   été la vie d'un humaniste, d'un homme tolérant, voyez-vous, qui en raison

  6   précisément de ses idées et de ce qu'il a dit a eu à souffrir. Il n'y a

  7   aucun fondamentalisme, aucun intégrisme chez Izetbegovic. Il n'y a aucune

  8   intention chez lui de contraindre autrui à se comporter comme lui le

  9   souhaite. Lui a toujours été partisan d'une Bosnie-Herzégovine à laquelle

 10   les Croates, les Serbes, les Musulmans, les Juifs et tous les autres

 11   seraient sur un pied d'égalité, où ils coexisteraient, et on l'Islam serait

 12   la religion de certains.

 13   Q.  Monsieur Tihic, je n'ai aucune intention d'offenser vous-même ou

 14   M. Izetbegovic. Nous avons participé à une guerre. Je vous pose des

 15   questions en vous proposant des citations. C'est à vous de répondre à cela.

 16   Je pense que je ne vous ai donné aucune raison de vous fâcher jusqu'à

 17   présent.

 18   En page 105 de son livre, Izetbegovic tire une conclusion Je cite :

 19   "Il est certain qu'on doit tirer une conclusion au sujet de

 20   l'incompatibilité de l'Islam et des systèmes islamiques. Il ne peut y avoir

 21   de paix ou de coexistence entre la religion islamique et les sociétés et

 22   institutions de sociétés non islamiques. Si l'on part du fait que le monde

 23   a un ordre qui est un ordre particulier, l'Islam, très manifestement,

 24   exclut toute possibilité d'action d'une idéologie étrangère sur son

 25   territoire ou dans son secteur."

 26   Alors, si vous pensez que ça c'est une expression de tolérance, c'est votre

 27   affaire.

 28   En page suivante, Izetbegovic déclare, je cite :

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  1   "Il n'existe pas de principe séculier régissant la vie. L'Etat est censé

  2   relever et épeler les conceptions morales de la religion."

  3   C'est un point de vue très connu d'Alija Izetbegovic, n'est-ce pas,

  4   parce que son livre a été publié à de nombreuses reprises. Il y a eu

  5   plusieurs éditions et de nombreux lecteurs. Tout homme même à peine

  6   alphabétisé connaît cela en Bosnie-Herzégovine, qu'il soit Serbe, Croate ou

  7   Musulman, n'est-ce pas, il l'a lu.

  8   R.  Puis-je répondre ? Le président Izetbegovic a écrit un grand nombre de

  9   livres dans des époques différentes de sa vie. La déclaration islamiste

 10   fait partie d'une période assez précoce de sa vie, et de sa vie en tant

 11   qu'écrivain. Alija Izetbegovic est un homme qui a évolué dans ses idées,

 12   dans ses conceptions, ce qui est tout à fait logique au cours de sa vie,

 13   comme d'ailleurs moi-même et chacun ici évolue. Je pourrais vous citer

 14   d'autres passages de ces livres où vous trouverez un grand nombre de

 15   citations qui évoquent l'action humaniste d'Izetbegovic qui étaient

 16   favorables à la coexistence et à la paix.

 17   Donc il n'est pas juste d'extraire des passages des livres d'Alija

 18   Izetbegovic, qui a été évoqué et félicité par le président des Etats-Unis,

 19   de la France et d'un grand nombre d'autres Etats, pas parce qu'ils avaient

 20   peur de lui, mais parce qu'ils le respectaient en tant qu'homme de paix, de

 21   négociation et favorable aux accords.

 22   Q.  Est-ce que vous savez de quelle façon je vois Jacques Chirac ou

 23   Bill Clinton ? Ils me dégoûtent. Mais enfin, ceci n'a pas d'importance.

 24   Nous avons le droit d'avoir des idées différentes.

 25   Personne n'a le moindre doute quant à ce que signifie "La Déclaration

 26   islamiste" d'Alija Izetbegovic, qui est une des œuvres majeures écrite par

 27   lui durant son existence. Ceci ne fait pas l'ombre d'un doute. Voilà ce

 28   qu'il dit au sujet de l'élévation d'une population. Je cite :

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  1   "L'élévation de la population, notamment par les moyens d'influence

  2   publique tels que radio, télévision et cinéma, doivent être entre les mains

  3   du peuple dont le moral et l'intégrité intellectuelle et islamique doivent

  4   être sans reproche. Il ne doit pas être permis aux médias de tomber entre

  5   les mains de gens dépourvus de moralité qui communiqueraient leurs propres

  6   déviations à d'autres. Que deviendrions-nous si la télévision transmettait

  7   à la population des messages totalement opposés à ce que nous

  8   souhaitons ?"

  9   Donc conformément à ces positions, la télévision d'Etat de Sarajevo et

 10   d'autres médias importants ou moins importants se sont mis à agir, n'est-ce

 11   pas ?

 12   R.  Non, pas du tout.

 13   Q.  D'accord. Avançons. Page 154. Il déclare :

 14   "Il n'y a pas d'indépendance de la liberté en dehors de l'Islam. Il ne peut

 15   pas y avoir d'ordre islamique sans indépendance."

 16   Donc ceci a deux conséquences. L'Islam ne peut s'épanouir que dans

 17   l'indépendance. Je cite :

 18   "Si la population a découvert les forces intérieures qui le régissent,

 19   forces sans lesquelles il ne peut ni réaliser l'essence de l'Islam ni le

 20   conserver" --

 21   Autre citation, je cite :

 22   "La réalité de la résistance opposée par un peuple au pouvoir a des

 23   caractéristiques proportionnellement différentes de celles du pouvoir en

 24   question. Elle est de plus en plus forte lorsque le pouvoir est plus fort.

 25   Par conséquent, plus le régime est éloigné de l'Islam, plus la résistance

 26   doit être proche de l'Islam. Les régimes non islamiques sont dépourvus d'un

 27   tel appui, et donc qu'ils veuillent ou non, sont soutenus à partir de

 28   l'étranger."

Page 12648

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre vous demande, premièrement, pour que tout

  2   soit bien clair, on ne fait pas le procès de M. Izetbegovic.

  3   Deuxièmement, sur la pertinence, vous avez lu cette déclaration. Il

  4   serait bon de savoir à quel moment elle a été rédigée. Est-ce qu'elle a été

  5   rédigée avant qu'il soit chef d'Etat ou pendant qu'il était chef d'Etat. Ce

  6   n'est pas la même chose.

  7   Mais alors, sur la question de la pertinence, au travers de ce livre,

  8   qu'est-ce que vous voulez trouver ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'efforce de démontrer quelle est la nature

 10   du pouvoir qu'Alija Izetbegovic essayait de mettre en place en Bosnie-

 11   Herzégovine, et je trouve que les Serbes, même au coût de leurs vies, ne

 12   voulaient pas faire la paix avec ce genre de pouvoir. Les Croates, étant

 13   donné les circonstances, ont d'abord appuyé ce régime, puis ils sont entrés

 14   en guerre contre lui en 1993 eux aussi. D'ailleurs, les positions prises

 15   aujourd'hui par les représentants politiques musulmans en Bosnie-

 16   Herzégovine, qui consistent à défendre la suppression de la Republika

 17   Srpska pour mettre en place une Bosnie-Herzégovine intégrée, sont une

 18   expression du panislamiste intégriste de ce pouvoir. Monsieur le Président,

 19   vous avez vu ici des gens qui ont été jugés, parce qu'ils étaient

 20   considérés comme responsables d'une guerre de Moudjahiddines en Bosnie-

 21   Herzégovine. Vous avez eu l'occasion de connaître les crimes commis par ces

 22   Moudjahiddines. Vous disposez d'éléments qui démontrent qu'al-Qaeda s'est

 23   ingéré dans les événements de Bosnie-Herzégovine. D'ailleurs aujourd'hui,

 24   leur influence existe encore. Vous avez entendu parler de Hamza Abu et rien

 25   d'autre. Nous avons ici un témoin qui a témoigné en parlant du centre

 26   iranien de renseignement qui agissait à Kiseljak.

 27   Mme LE JUGE LATTANZI : Moi, personnellement, je ne comprends pas encore à

 28   quoi ça sert cela pour votre Défense.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je veux vous montrer que pour la population

  2   serbe il n'existait que deux possibilités : demeurer en Yougoslavie ou

  3   créer un Etat à eux sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. La

  4   population serbe ne pouvait en aucun cas se réconcilier avec un régime à la

  5   tête duquel s'est trouvé un homme dont je viens de citer dans quelques

  6   citations courtes, l'œuvre de toute sa vie.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, Monsieur le Procureur. Le témoin veut

  8   répondre puisque c'est lui qui est interpellé.

  9   Oui, Monsieur Mussemeyer ?

 10   M. MUSSEMEYER : [interprétation] Je ne voulais pas empêcher le témoin de

 11   répondre, mais j'ai juste une petite observation à faire.

 12   Comme d'habitude, M. Seselj cite à partir d'un document qu'il n'a pas

 13   donné à l'Accusation à l'avance, ce qui n'est pas professionnel.

 14   Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors, Monsieur Seselj.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois répondre à ce que vient de dire le

 17   Procureur, n'est-ce pas ?

 18   J'ai dit au juriste de la Chambre de dire au Procureur que j'allais

 19   utiliser le livre d'Alija Izetbegovic, "La déclaration islamiste," ainsi

 20   que la déclaration de M. Tihic. Je l'ai dit oralement au responsable de la

 21   Chambre, et je suppose qu'il l'a dit au Procureur. Maintenant, où est-ce

 22   que je peux photocopier ce document pour le remettre une nouvelle fois à

 23   l'Accusation, où est-ce que je peux photocopier tout ce livre que le

 24   Procureur a certainement en sa possession. Il l'a en sa possession depuis

 25   longtemps, vous avez entendu la longue déclaration de Sefer Halilovic et ce

 26   livre a été évoqué. Il y a 1 000 pages de compte rendu d'audience de

 27   l'audition de Sefer Halilovic.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mussemeyer, je pense que le bureau du

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  1   Procureur doit avoir le livre de M. Izetbegovic. Si vous ne l'avez pas, ce

  2   serait incroyable. Donc, peut-être vous ne l'avez pas, mais le bureau dans

  3   son ensemble doit l'avoir.

  4   M. MUSSEMEYER : [interprétation] Tout à fait. Je pense que nous l'avons, en

  5   effet. Mais il serait quand même professionnel de donner à l'Accusation

  6   avant le contre-interrogatoire, au moins avertir l'Accusation que l'accusé

  7   va citer ce livre afin que nous nous préparions, ce serait quand même la

  8   moindre des choses. Il est vrai que le Greffe nous a prévenu, mais juste

  9   avant que nous commencions ce matin, on nous a prévenus que M. Seselj

 10   allait très certainement citer les mémoires de M. Tihic. Donc pour vous

 11   aider je tiens à vous dire qu'il s'agit de la pièce 65 ter 2094, je pense

 12   que ça devrait être versé au dossier quand même, étant donné que l'accusé

 13   cite sans cesse ce livre, les mémoires de M. Tihic. Je pense que ça devrait

 14   être versé au dossier.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous vouliez répondre. Vous avez

 16   écouté ce qu'a dit M. Seselj sur la pertinence des questions qu'il pose. Je

 17   ne vais pas synthétiser ce qu'il a dit, vous savez aussi bien que moi la

 18   teneur de ses propos.

 19   Alors, que vouliez-vous dire ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais d'abord répondre à votre question,

 21   la question que vous avez posée à M. Seselj, à savoir quand ce livre a été

 22   écrit.

 23   "La déclaration islamiste" a été écrite 20 ans avant le moment où Alija

 24   Izetbegovic a été élu comme président. Ça c'est le premier point.

 25   Vous avez c'est à cause de ce livre, entre autres, qu'il a été mis en

 26   examen. Et vous avez entendu M. Seselj vous dire tout à l'heure qu'il s'est

 27   allié à un certain nombre d'intellectuels pour protester vigoureusement

 28   contre cette mise en accusation. Or, vous venez d'entendre quelle est la

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  1   nature de ce livre. Mais j'indique que ce livre était également une des

  2   raisons citées à l'appui des accusations portées contre M. Seselj.

  3   Alors, ce qui a été dit au sujet d'Al-Qaeda, et tout cela, ce sont des

  4   inventions de toutes pièces qui circulent en Bosnie-Herzégovine. La Bosnie-

  5   Herzégovine est un pays qui pendant plusieurs centaines d'années a vécu à

  6   côté des Serbes, des Croates et des autres, et qui, par son esprit même, a

  7   créé l'atmosphère qui y existe. Donc rien à voir, aucun lien avec Al-Qaeda

  8   ou quoi que ce soit d'autre ou le moindre intégrisme. Pas un seul

  9   terroriste n'a agi en Bosnie-Herzégovine jusqu'à présent contre le moindre

 10   individu ou le moindre bien ou quoi que ce soit de genre, il n'y a pas eu

 11   un seul attentat terroriste. Tout cela ce n'est que de la propagande qui à

 12   cours pour essayer de justifier tout ce qui s'est passé en Bosnie-

 13   Herzégovine.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : La question, et l'unique question qui résume tout,

 15   je vais vous la poser :

 16   Vous, vous avez des fonctions de responsabilité au sein du SDA. De

 17   votre point de vue, le SDA de l'époque de M. Izetbegovic, était-il un parti

 18   politique religieux ou un parti politique laïc dans lequel pouvait se

 19   trouver des membres qui avaient une religion déterminée ? Voilà, ma

 20   question synthétise toute la problématique.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Le Parti d'Action démocratique était un parti

 22   laïc, pas parce que c'est moi qui l'affirme, mais parce que c'est écrit

 23   dans le programme de ce parti et que cela figure dans la déclaration

 24   officielle d'enregistrement du parti. D'ailleurs c'est dans ce sens que ce

 25   parti a toujours agi en Bosnie-Herzégovine, dans son programme figure la

 26   notion d'égalité entre tous les peuples. Et à l'assemblée, Izetbegovic a

 27   déclaré que la Bosnie-Herzégovine serait être ni serbe, ni croate, ni

 28   musulmane, mais qu'elle était l'ensemble de ces trois peuples et de tous

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  1   les autres.

  2   Il est vrai que dans son programme, au moment de sa création, le SDA

  3   se battait aussi pour le respect des droits ethniques, des droits religieux

  4   des Musulmans. C'était l'un de ses objectifs, car les Musulmans n'étaient

  5   pas reconnus par le nom qui leur revenait, à savoir les "Bosniens," et ils

  6   ne jouissaient pas de certains droits dont les autres en Yougoslavie

  7   jouissaient.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette réponse.

  9   Monsieur Seselj.

 10   M. SESELJ : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Tihic, vous avez dit qu'Alija Izetbegovic, dans "La

 12   déclaration islamiste," ne se déclarait nulle part favorable à la

 13   violation. Je peux immédiatement vous démentir.

 14   En page 162, il dit, je cite :

 15   "La déclaration de la priorité de la rénovation religieuse et morale ne

 16   veut pas dire et ne peux pas être interprétée comme signifiant que le

 17   mouvement islamiste peut se créer en dehors d'un pouvoir islamique. Ceci

 18   signifie uniquement que notre chemin ne part pas de la prise du pouvoir,

 19   mais de l'élévation de gens et que le renouveau des peuples est d'abord

 20   l'affaire des peuples avant d'être l'affaire de l'histoire. Nous devons

 21   être d'abord des intervenants actifs, ensuite des représentants politiques.

 22   Nous devons d'abord et avant tout prêcher la politique. Nous devons d'abord

 23   être représentants politiques, ensuite soldats. Nos armes sont nos livres

 24   et nos actes. A quel moment est-ce que ces moyens atteindront, rejoindront

 25   le pouvoir ? Le choix actuel est toujours une question précise, il dépend

 26   d'un grand nombre de facteurs. Une règle générale toutefois peut être

 27   observée. Le mouvement islamique devrait et peut s'engager vers la prise du

 28   pouvoir dès qu'il est numériquement suffisamment puissant, non seulement

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  1   pour renverser le pouvoir existant, mais pour construire un nouveau pouvoir

  2   islamique. Ceci est très important, car la construction et la destruction

  3   n'exigent pas le même degré de préparation matérielle et psychologique."

  4   Est-ce que cela vous suffit, Monsieur Tihic ?

  5   R.  Vous n'avez certainement pas raison, Monsieur Seselj.

  6   Car ici il est question de renaissance spirituelle. Les Musulmans,

  7   comme tous les autres peuples, ont vécu pendant plusieurs dizaines d'années

  8   sous un régime athée. Donc ici, il est question d'une espèce de renaissance

  9   spirituelle.

 10   Q.  Vous avez nié le fait qu'Alija Izetbegovic était panislamiste sur le

 11   plan idéologique, ici, en page 164 de sa déclaration islamiste, je vous

 12   apporte la preuve qu'il l'était. Il dit à cet endroit :

 13   "Dans l'une des thèses adaptées à l'ordre islamique d'aujourd'hui, nous

 14   avons dit que la fonction réelle de l'ordre islamique consistait à

 15   satisfaire une aspiration qui consiste à rassembler tous les Musulmans et

 16   toute les communautés islamiques du monde. Dans les conditions actuelles,

 17   cette aspiration implique une lutte destinée à créer une grande fédération

 18   islamique qui irait du Maroc à l'Indonésie, de l'Afrique sub-tropicale à

 19   l'Asie centrale."

 20   Puis en page suivante, page 165, nous lisons :

 21   "Comment se fait-il que ce panislamisme populaire, sans aucun doute présent

 22   dans les sentiments des masses, demeure sans influence sur la politique

 23   réelle nommée par les Etats islamiques ? Pourquoi est-ce qu'il ne se situe

 24   pas au niveau du sentiment des gens ? Pourquoi est-ce qu'il ne s'élève pas

 25   au niveau de la conscience du destin commun de tous les islamistes."

 26   Ensuite il s'explique. Donc ceci est bien la preuve du panislamisme d'Alija

 27   Izetbegovic ?

 28   R.  Non. Il analyse sa façon de voir sur la situation de l'Islam et des

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  1   Musulmans dans le monde, et il est certain que dans bon nombre de pays,

  2   sous les dictatures qui existent au sein de ce monde musulman, les choses

  3   ne vont pas bien. Et probablement est-ce là ce qu'il voulait dire. Il m'est

  4   très difficile maintenant ici de commenter "La déclaration islamique" du

  5   président Izetbegovic, dans un contexte de citations de parties de cette

  6   déclaration et non pas de l'ensemble en tant que tel des activités

  7   d'Izetbegovic, de son œuvre, de tout ce qu'il a fait. Il faut donc placer

  8   le tout dans un contexte global. L'époque où cette déclaration a été

  9   rédigée, notamment, c'était surtout maintenant 20 ans après la déclaration,

 10   lorsque les circonstances ont grandement évolué.

 11   Q.  Monsieur Tihic, vous avez hérité Alija Izetbegovic aux fonctions de

 12   président de ce Parti de l'Action démocratique. Comme le dirait tout un

 13   chacun, vous êtes l'héritier de son idéologie. Moi, si on me réveillait à

 14   n'importe quel moment de la nuit, je pourrais tout de suite vous répondre à

 15   la question de savoir quels sont les grands nationalistes serbes dont on me

 16   considère [inaudible] Vuk Karadzic, Jasa Tomic, Laza Kostic et bon nombre

 17   d'autres personnalités qui ont avancé ces idées dans leurs œuvres, donc on

 18   s'attend de votre part, à ce que vous connaissiez bien l'idéologie de votre

 19   prédécesseur et de votre père spirituel, d'une certaine façon. C'est

 20   l'œuvre de sa vie. Il répond à votre question, Monsieur Tihic, il dit :

 21   "La réponse à cette question se trouve dans le fait que face aux sentiments

 22   de la population ordinaire, les activités conscientes des cercles sous

 23   l'influence de l'Occident n'ont pas été panislamiques mais nationalistes.

 24   L'instinct et la conscience du peuple musulman sont opposés l'un à l'autre.

 25   Les activités dans ce contexte demeurent impossibles. Le panislamisme

 26   moderne, de ce fait, constitue un effort de coordination entre les

 27   sentiments et la conscience pour être ce qu'on est et ne pas être ce qu'on

 28   n'est pas. Cet état d'esprit détermine le caractère et l'état d'esprit du

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  1   monde musulman de nos jours."

  2   Et cela s'enchaîne sur une attaque vis-à-vis de bon nombre de régimes

  3   arabes à caractère séculaire : syrien, iraqien, tunisien. Tout ce qui est

  4   laïc fait l'objet de ses attaques. Il demande, lui, un régime intégriste,

  5   n'est-ce pas, Monsieur Tihic ?

  6   R.  Il n'en est pas ainsi. M. Izetbegovic a parlé du manque d'unité parmi

  7   les Musulmans dans le monde. Il disait souvent que les Musulmans ne sont

  8   pas suffisamment solidaires, les Musulmans riches, notamment, ne sont pas

  9   solidaires avec ceux qui sont pauvres.

 10   Q.  Bien.

 11   R.  Et notamment, M. Izetbegovic se trouvait être contre la dictature. Vous

 12   venez d'évoquer la Syrie, la Tunisie et ces autres pays, c'étaient des

 13   dictatures qui ont été mises en place par les Soviétiques plus ou moins.

 14   Q.  J'ai été visité plusieurs de ces pays, j'ai été en Syrie, j'ai été en

 15   Iraq, c'étaient des pays très progressistes, qui étaient manifestement

 16   laïques et tolérants au niveau des religions; les pays qui ont servi

 17   d'exemple à Alija Izetbegovic ne sauraient servir d'exemple, c'est la

 18   Pakistan, l'Arabie Saoudite et autres, quelques citations brèves et on en

 19   finira.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, pour essayer de recadrer le sens

 21   des questions. Il semble, mais on peut se tromper, que M. Seselj avance

 22   l'idée que les Serbes de Bosnie-Herzégovine, notamment ceux de la Republika

 23   Srpska, se sont en quelque sorte rassemblés, constitués parce qu'ils

 24   craignaient un Etat islamiste dans le cadre d'un panislamisme. C'est la

 25   thèse que sous-tend par ses questions, M. Seselj.

 26   Vous qui êtes un acteur majeur, qu'est-ce que vous en pensez ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas exact. Voyez-vous, M. Seselj

 28   attribue trop d'importance à cet ouvrage "La Déclaration islamique." Dans

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  1   la vie et l'œuvre d'Alija Izetbegovic, lui-même, ça n'a pas autant

  2   d'importance. M. Seselj a dit qu'il était contre le procès conduit à

  3   l'encontre d'Izetbegovic. En 1990, les Serbes, lorsqu'ils ont voté, le

  4   Parti serbe a convié les Serbes à voter en faveur d'Izetbegovic. Pourquoi

  5   convierait-on les Serbes à voter pour Izetbegovic si Izetbegovic était une

  6   espèce d'intégriste qui voulait une Bosnie musulmane. Ce n'est pas exact.

  7   Dans sa vie et dans ses activités, depuis sa naissance à sa mort, il n'y a

  8   pas eu de cela, ce que M. Seselj est en train de nous relater ici c'est une

  9   politisation, c'est une tentative de justifier certains faits.

 10   Il y a eu conflit, parce que les Serbes avaient voulu rester en

 11   Yougoslavie. La Yougoslavie les arrangeait. Elle convenait aux Bosniens

 12   aussi, mais pas en raison du livre d'Alija Izetbegovic, pas pour des

 13   raisons d'imposition d'un type de société, et encore moins d'un type de

 14   société islamique. Parce que nous savons tous que cela ne pourrait être le

 15   cas en Bosnie-Herzégovine. Ça ne devrait être le cas nulle part, et encore

 16   moins en Bosnie-Herzégovine, où il existe au moins trois peuples qui sont

 17   là en présence depuis des siècles. Et personne ne pourrait accepter la

 18   chose; pas un seul Musulman, pas un seul Bosnien ne saurait accepter ce

 19   type de société, parce que nous vivons pendant des centaines d'années dans

 20   un environnement différent. Nous avons des orthodoxes, nous avons des

 21   catholiques, nous avons des juifs. Et il n'y a pas de base ou de fondation

 22   pour édifier ce type d'idée, ce type d'idée n'a pas existé.

 23   M. SESELJ : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur Tihic, je crois que vous avez entendu parler de la chose, un

 25   intellectuel de grande renommée a défendu la liberté de penser d'un homme

 26   qui l'a remercié de la chose, et celui-ci s'est adressé à l'autre avec les

 27   propos suivants : "Monsieur, vous racontez des bêtises tout le temps, mais

 28   jusqu'à mon dernier souffle, je me battrai pour votre droit de dire des

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  1   bêtises."

  2   Je n'ai pas voulu dire, moi, que "La déclaration islamique" d'Alija

  3   Izetbegovic était une bêtise. J'ai estimé à l'époque encore que c'était un

  4   texte sérieux. Mais j'ai été l'adversaire des idées contenus dans cette

  5   déclaration. J'ai pourtant estimé qu'Alija Izetbegovic devait avoir le

  6   droit de présenter ses opinions et c'est pour cela que je l'ai défendu, et

  7   lui et ses intérêts, et je défendrai tout un chacun pour ce qui est du

  8   droit d'exprimer ses idées.

  9   Maintenant, lorsque ces opinions sont inaugurées par un mouvement

 10   politique, et lorsque cela devient un objectif politique concret, alors

 11   vous devez comprendre qu'il y a des gens qui n'ont pas accepté de vivre

 12   dans cela.

 13   La Yougoslavie était un gîte sûr pour les Serbes et les Musulmans,

 14   même cette Yougoslavie trognon était sûre pour les uns et les autres,

 15   n'est-ce pas, Monsieur Tihic ?

 16   R.  Il n'en est pas ainsi. Nulle part dans les activités politiques d'Alija

 17   Izetbegovic il n'y a eu d'objectif de fixé qui serait celui de "La

 18   déclaration islamique", pas non plus au Parti de l'Action démocratique ou

 19   ailleurs dans -- il y avait ses livres d'un côté et ses activités

 20   politiques et ses programmes politiques d'autre part. Ce qu'il avait rédigé

 21   auparavant et ce qui a constitué ses réflexions à l'époque, lorsque

 22   notamment ces réflexions sont arrachées de leur contexte, cela peut donner

 23   une signification autre que ne l'avait souhaité Izetbegovic. Bien que ce

 24   que M. Seselj nous a cité ici, tout cela, ce sont des choses qui peuvent

 25   être interprétées de façon contraire à la façon dont les a interprétées M.

 26   Seselj. Pour ce qui est maintenant de la survie de la Yougoslavie, notre

 27   intérêt à nous, Bosniens, était celui de faire demeurer la Yougoslavie en

 28   tant que telle. Mais la Yougoslavie a été créée par les Serbes et les

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  1   Croates. Ils pouvaient la préserver eux seuls, les Bosniens, non. Et on ne

  2   leur a pas demandé leur avis. Izetbegovic, aux côtés de Gligorov, avait

  3   proposé un accord portant sur une fédération graduelle ou une

  4   confédération, et nous savions que nous allions le plus pâtir dans cette

  5   guerre, et nous en avons pâti le plus.

  6   Q.  Monsieur Izetbegovic -- non, excusez-moi, Monsieur Tihic, excusez-moi,

  7   c'est par hasard -- là, il y a eu des préparatifs pour la guerre. Vous avez

  8   créé la Ligue patriotique et les Bérets verts, et vous, en votre qualité de

  9   président de cette branche municipale de ce parti à Bosanski Samac, vous

 10   avez entrepris des démarches vous aussi. Vous en témoignez dans la

 11   déclaration que vous avez faite, en page 7 d'abord. Vous nous parlez de

 12   l'organisation de séminaires professionnels, vous avez envoyé des gens pour

 13   qu'il y ait formation en matière de sabotage, on le voit à la page 7 de

 14   votre déclaration.

 15   Parmi ces gens de Sarajevo qui sont venus vous entraîner, il y avait

 16   Sefer Halilovic. Vous le dites aussi en page 7 de votre déclaration.

 17   Ensuite vous vous plaignez ou vous dites qu'il y a eu de très fortes

 18   pressions pour ce qui était de commencer à vous armer, vous mentionnez des

 19   noms de Musulmans qui ont insisté en faveur de ceci, Hakija Banacic [phon],

 20   Mitijad Koncic [phon], Kemal Bobic et autres, et vous dites, mais ils n'ont

 21   rien fait de concret, ils demandaient à ce que quelqu'un d'autre le fasse.

 22   "Il n'y avait pas d'argent pour les armes et toutes les activités

 23   pour ce qui est de la collecte des ressources financières sont tombées à

 24   l'eau, parce que les gens de Samac ne voulaient pas donner leur argent.

 25   C'est ainsi qu'à deux reprises nous avons collecté environ 3 000 marks

 26   allemands, ce qui était loin d'être suffisant. En même temps, nous avons

 27   créé une cellule de Crise dans le parti, un commandement, nous avons

 28   réorganisé les choses, mis en place des documents, établi des plannings

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  1   pour l'état de guerre," et cetera.

  2   Donc vous aviez un planning de guerre, Monsieur Tihic, n'est-ce pas ?

  3   C'est vous qui le dites.

  4   R.  Ce que M. Seselj vient de vous lire, je pense avoir déjà dit tout ceci

  5   dans ma déclaration, j'ai indiqué que la JNA avait distribué des armes aux

  6   Serbes, j'ai dit aussi que les Croates s'armaient d'autre part, leurs armes

  7   venaient de Croatie. Nous avons eu --

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mussemeyer.

  9   M. MUSSEMEYER : [interprétation] C'est peut-être une question de

 10   traduction, mais dans la version que j'ai, dans la version anglaise, on ne

 11   parle pas de plan de guerre, mais on parle de "plan militaire." C'est peut-

 12   être dû à la traduction, je ne sais pas.

 13   M. SESELJ : [interprétation] Ici on dit "plan de guerre," "ratne". Faites-

 14   vous confirmer la chose par vos interprètes.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : M. Tihic va tout de suite nous confirmer.

 16   Dans votre déclaration, vous aviez parlé de plan de guerre ou plan

 17   militaire ? Ça peut ne pas être la même chose, comme l'un peut recouvrir

 18   l'autre.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas ce qui a été utilisé au juste.

 20   C'était un plan de défense, de protection du peuple.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge --

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Les Bosniens à Samac constituaient 7 % de la

 23   population, ils ne pouvaient pas se défendre. En termes simples, les Serbes

 24   étaient 42 %, les Croates étaient 44 %, les Serbes étaient armés jusqu'aux

 25   dents par la JNA. Les Croates ont été armés par les leurs. Nous, nous

 26   avions fait des plannings, on a adopté des documents pour essayer de nous

 27   protéger. Alors est-ce que ça s'appelait plan de défense ou plan de guerre,

 28   je ne sais pas trop.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président --

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui est important, c'est la substance.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans la ville, il y avait une majorité de

  4   Musulmans. Il n'y avait pas un seul village musulman, la majorité des

  5   Musulmans étaient en ville.

  6   Alors je demande à ce qu'on montre à M. Tihic sa propre déclaration, en

  7   milieu de la page 7, on dit "ratne plan," plan de guerre. Je crois bien

  8   qu'il ne peut pas s'en souvenir, mais une fois qu'il verra cela, il pourra

  9   confirmer qu'il est question bel et bien d'un planning de guerre, si vous

 10   ne me croyez pas, moi.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux répondre ?

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Peu importe comment on l'a appelé, plan de

 14   défense, plan militaire, plan de guerre. Ce qui est important, c'est ce à

 15   quoi on veut aboutir par ce plan. Ce plan a établi une liste d'activités

 16   pour pouvoir nous protéger au cas où il y aurait des conflits armés. Nous

 17   n'avions pas envisagé des activités offensives, nous n'avons pas envisagé

 18   d'attaquer quelqu'un, d'occuper qui que ce soit ou quoi que ce soit, de

 19   détruire, d'anéantir quoi que ce soit. Nous nous sommes trouvés dans un

 20   environnement où il fallait bien entreprendre quelque chose. Et ce planning

 21   qu'on a établi ne pouvait pas nous protéger, parce que nous étions peu

 22   nombreux et nous n'étions pas armés comme les autres.

 23   M. SESELJ : [interprétation]

 24   Q.  Alors pourquoi aviez-vous besoin de 200 kilos de dynamite ? Vous auriez

 25   pu faire sauter Samac tout entier. Parce qu'il est dit ici que vous vous

 26   étiez procuré 200 kilos de dynamite. Pourquoi aviez-vous besoin de cela,

 27   Monsieur Tihic ?

 28   R.  J'ai dit dans ma déclaration que certaines personnes avaient apporté de

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  1   Croatie cette dynamite, et cette dynamite était restée là.

  2   Q.  Est-ce que l'armée est intervenue en temps utile ?

  3   R.  Ça n'a pas été utilisé, ça a été apporté de Croatie et c'était resté

  4   là; l'armée, quand elle est venue, elle l'a pris.

  5   Q.  La JNA vous a devancé, vous voulez dire ?

  6   R.  C'est resté là pendant un mois.

  7   Q.  Vous dites que vous avez nommé Alija Fitozovic aux fonctions de

  8   commandant, et vous indiquez que dans ce milieu, étant donné qu'il était

  9   porté sur l'alcool, il n'était pas très apprécié par les gens, mais il

 10   n'était pas non plus méprisé. Il était considéré comme étant un peu plus

 11   extrémiste que les autres, parmi les Croates, ce n'était peut-être pas

 12   aussi mauvaise chose, "compte tenu de mon influence dans le parti et dans

 13   la population, je pouvais à tout moment le révoquer de ses fonctions et

 14   annuler ses décisions.      

 15   C'est la raison pour laquelle je n'ai pas redouté son extrémisme." C'est

 16   bien ce que vous dites ?

 17   R.  Lorsque nous avons élaboré ce planning lié aux préparatifs de la

 18   défense, ce plan lié aux préparatifs de la défense de la population, je me

 19   suis entretenu avec des Bosniens qui avaient des grades d'officier dans la

 20   réserve, et je leur ai demandé s'ils seraient à même de donner un coup de

 21   main. Les gens avaient des appréhensions. Ils ne voulaient pas s'en mêler.

 22   Il y avait aussi la peur, on redoutait les services de Sécurité. Lui,

 23   Fitozovic, avait accepté, c'était un officier de réserve. Alija Fitozovic

 24   n'a rien fait de mal.

 25   Q.  Je n'ai pas dit qu'il a fait quoi que ce soit de mal. En page 9, vous

 26   dites :

 27   "Conformément à l'appel lancé par le président Alija Izetbegovic, les

 28   Musulmans," vous parlez des Musulmans de Samac, "exception faite d'un

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  1   certain nombre de traîtres nationaux, n'ont pas répondu à l'appel sous les

  2   drapeaux ni à l'appel dans la réserve."

  3   C'est bien ce que vous dites ?

  4   R.  Il y a eu un appel - j'attends que l'interprète termine - je dis donc

  5   il y a eu un appel lancé par le président Izetbegovic qui disait qu'il ne

  6   fallait pas répondre aux convocations au service militaire dans la JNA,

  7   parce que la JNA était déjà en guerre en Slovénie et en Croatie. Les

  8   Musulmans de Samac, en majeure partie, ont accepté cela.

  9   Q.  Ceux qui ont répondu à l'appel sous les drapeaux, vous les avez appelés

 10   et qualifiés de traîtres; vous le dites vous-même ?

 11   R.  C'est ainsi qu'on les qualifiait.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : M. Seselj est passé à un autre plan ou un autre

 13   sujet. Je voudrais revenir sur Fitozovic qui, dans votre déclaration, est

 14   mentionné comme capitaine de la JNA. Vous avez précisé qu'il était

 15   capitaine de réserve, et on peut comprendre pourquoi vous l'aviez nommé

 16   puisqu'il y avait quelqu'un qui était officier. Ça c'est une chose.

 17   Le deuxième élément que je vois dans votre déclaration, c'est qu'on a

 18   trouvé sous le lit de Fitozovic des explosifs, il les avait cachés sous son

 19   lit. Mais on voit également que vous rajoutiez qu'il avait été les chercher

 20   chez les Croates.

 21   Alors y avait-il une entente entre les Musulmans et les Croates, les uns

 22   fournissant armes et explosifs aux autres ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas eu d'accord, aucun accord, et je

 24   n'ai pas participé pour ma part à l'élaboration de quelque accord que ce

 25   soit. Il y a eu des cas isolés, et l'un de ces cas isolés c'était ce

 26   Fitozovic qui est allé à Slavonski Brod et il avait obtenu cela de la part

 27   des Croates. Mais jamais ces explosifs n'ont été utilisés. Ils ont été

 28   trouvés chez lui, ces explosifs.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais il obtient les explosifs de la part des

  2   Croates, c'est-à-dire il les achète, il les paye au marché noir ou à des

  3   Croates qui avaient ces explosifs et qui, à des fins commerciales, lui

  4   vendent ou bien il va les voir, mais dans le cadre d'un "accord de

  5   coopération" ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Il l'a reçu à titre gratuit. On le lui a donné

  7   à Slavonski Brod sans quelque accord que ce soit.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans les Balkans, ça se fait de donner gratuitement

  9   des armes comme cela ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Il -- j'imagine --

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est pour que la guerre éclate en Bosnie.

 12   C'était ça l'intérêt des Croates, Monsieur le Président.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était peut-être leur intérêt que d'aider les

 14   Bosniens à s'armer aux fins de se défendre, car à l'époque, le danger

 15   venait du côté de la JNA tant pour ce qui est des Croates que des Bosniens.

 16   C'est la raison pour laquelle ils ont donné cela gratuitement.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 18   Monsieur Seselj.

 19   M. SESELJ : [interprétation]

 20   Q.  A la page 11, vous dites que de votre avis, les Croates étaient plus de

 21   tout temps vos amis que les Serbes, ce que l'histoire a montré, ce que les

 22   événements par la suite ont montré. Quand est-ce qu'au fil de l'histoire

 23   les Croates se sont-ils montrés plus grands amis de vous, mis à part la

 24   dernière des guerres ?

 25   R.  J'avais à l'esprit les crimes commis par les Serbes vis-à-vis des

 26   Bosniens pendant la Deuxième Guerre mondiale.

 27   Q.  Où ?

 28   R.  Vous savez, en Bosnie orientale, tout ce que les Chetniks de Draza

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  1   Mihajlovic --

  2   Q.  Je suis au courant d'un seul cas de massacre à Foca, et je ne suis au

  3   courant d'aucun autre cas.

  4   R.  Oui. Je peux vous parler du crime à Gorazde en 1942, lorsque sur le

  5   pont on a amené des Musulmans et où plusieurs milliers de Musulmans ont été

  6   tués. Il y a pas mal de choses.

  7   Q.  Monsieur Tihic --

  8   R.  Le détachement des Partisans du Monténégro a empêché cela.

  9   Q.  Non, il y a eu un crime commis par Pavle Djurisic, Monténégrin

 10   originaire du Monténégro. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il y a des

 11   Oustachi et les Domobrani qui avaient rejoint les rangs de la division SS

 12   Handzar. Ils faisaient partie aussi des milices villageoises, ils ne

 13   gardaient que leurs villages. Il y avait des Musulmans dans les partisans,

 14   ils étaient nombreux, et il y avait 10 000 Musulmans qui étaient dans les

 15   rangs des Chetniks pendant la Deuxième Guerre mondiale. Donc les Musulmans,

 16   pendant cette Deuxième Guerre mondiale, n'étaient pas tous favorables à une

 17   seule et même option. Ils avaient été dispersés dans plusieurs options.

 18   Mais je vais revenir à la déclaration --

 19   R.  Est-ce que je peux répondre à ce que vous venez de dire ?

 20   M. SESELJ : [interprétation] Allez-y.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : D'abord une correction au transcript. Il me semble,

 22   Monsieur Tihic, vous avez parlé des crimes en 1942, et au transcript il y

 23   avait "1992." Donc il y a une erreur au transcript. Oui, vous vouliez

 24   répondre, Monsieur Tihic.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a eu beaucoup de crimes commis par

 26   les Chetniks en Bosnie de l'Est et ailleurs en Bosnie par les Chetniks vis-

 27   à-vis des Musulmans. Alors les Musulmans, les intellectuels musulmans et

 28   les notables religieux, ont signé une grande pétition pendant la Deuxième

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  1   Guerre mondiale en 1941 condamnant le Mouvement des Oustachi et demandant à

  2   ce que les Serbes soient protégés vis-à-vis des crimes commis à leur égard

  3   pendant la Deuxième Guerre mondiale par les autorités oustachi de l'époque.

  4   Par conséquent, les Musulmans n'ont pas, comme le dit M. Seselj, été

  5   plus portés vis-à-vis du côté croate.

  6   M. SESELJ : [interprétation]

  7   Q.  Y a-t-il eu des Chetniks parmi les Musulmans ?

  8   R.  La majorité des Musulmans étaient avec les partisans. Il y en a eu

  9   parmi les Chetniks, il y en a eu avec des Oustachi, mais les plus nombreux

 10   étaient parmi les partisans.

 11   Q.  Passons à ce qui est concret. En page 20, vous nous dites que vous êtes

 12   allé négocier avec le lieutenant-colonel Nikolic. C'était le commandant de

 13   ce 17e Groupe tactique, n'est-ce pas ? Vous avez demandé à ce que la JNA

 14   s'éloigne du site d'Uzarija, et vous dites :

 15   "Nous avons avancé comme raison la réaction de la partie croate, qui était

 16   susceptible de fermer le pont alors que, pour la Bosnie, c'était la seule

 17   sortie vers l'Europe. Mais la véritable raison, c'est que nous savions que

 18   par ce pont ils passaient les armes pour la Bosnie, et les contrôles au

 19   niveau d'Uzarija étaient censés empêcher les importations d'armes."

 20   Ce qui vous a dérangé, c'était cette unité de la JNA à Uzarija parce

 21   que cela entravait les acheminements d'armes de Croatie vers la Bosnie,

 22   n'est-ce pas ?

 23   R.  En Bosnie-Herzégovine, la JNA armait les Serbes de façon la plus légale

 24   qui soit, tout à fait légale. Avec ces attributions, elle allait vers

 25   l'objectif de la Grande-Serbie. Les Musulmans, eux, ont essayé d'obtenir

 26   des armes pour se défendre, pour ne pas être tués, et ces armes arrivaient

 27   par la Croatie, en majorité par Bosanski Samac. Je ne le nie pas. Donc une

 28   grande partie des armes sont passées par ce pont.

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  1   Q.  Vous, les Musulmans, vous seriez armés si vous aviez répondu

  2   favorablement à l'appel à la mobilisation, n'est-ce pas ? Les Serbes ont

  3   reçu l'appel à la mobilisation, et c'est à ce moment-là qu'ils se sont vu

  4   distribuer des armes. Si vous aviez tous répondu oui à l'appel à la

  5   mobilisation, vous auriez aussi reçu des armes personnelles, n'est-ce pas ?

  6   R.  Non, ils recevaient des armes même en dehors de cette réponse

  7   favorable, uniquement pour des critères ethniques.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est l'heure de faire la pause parce qu'il est 10

  9   heures. Ça fait déjà depuis une heure et demie qu'on est en audience.

 10   Donc on va faire une pause de 20 minutes.

 11   Je vous indique, d'après les décomptes de M. Le Greffier, Monsieur

 12   Seselj, il vous reste dix minutes. Donc essayez de concentrer maintenant

 13   dans le temps qui vous reste les questions que vous allez poser à M. Tihic.

 14   Donc nous nous retrouvons dans 20 minutes.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, si ma mémoire est bonne,

 16   le Procureur a dépassé un peu le temps qui lui avait été imparti, il a

 17   parlé un peu plus de deux heures. Pour ma part, j'aurais besoin des dix

 18   minutes que vous venez d'évoquer, effectivement, mais aussi de dix minutes

 19   supplémentaires si vous l'acceptez et si vous reconnaissez que l'Accusation

 20   a eu plus que deux heures. J'ai pas mal de questions importantes à poser à

 21   M. Tihic.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Vous aurez donc 20 minutes après la

 23   reprise. Voilà, donc nous faisons une pause de 20 minutes.

 24   --- L'audience est suspendue à 10 heures 02.

 25   --- L'audience est reprise à 10 heures 25.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est donc reprise après la pause, et je

 27   donne la parole à M. Seselj.

 28   M. SESELJ : [interprétation]

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  1   Q.  Dans votre déclaration écrite, vous dites la façon dont  vous avez mené

  2   à bien les actions visant à collecter de l'argent auprès de 200

  3   responsables d'entreprise à Samac, et cet argent a été destiné au SDA et à

  4   payer les policiers de réserve qui patrouillaient pour la sécurité de la

  5   ville et également pour mettre des vivres sur la table. Votre détachement

  6   avait déjà commencé à patrouiller à Samac, n'est-ce pas, Monsieur Tihic ?

  7   R.  Est-ce que je dois répondre ?

  8   Q.  Oui.

  9   R.  Dans ma déclaration, vous verrez que nous avons recueilli au total 3

 10   000 marks allemands, ce qui n'était pas suffisant. Impossible d'acheter des

 11   armes avec une telle somme. Nous avons employé cette somme pour payer du

 12   carburant, des indemnités journalières et également quelques vivres pour

 13   les policiers de réserve. Nous avons également payé quelques indemnités aux

 14   Serbes ou Croates policiers de réserve qui n'avaient pas répondu

 15   favorablement à l'appel à la mobilisation au poste de sécurité publique.

 16   Bien souvent, aucune sécurité n'était assurée au niveau du pont enjambant

 17   la Sava. Donc la majeure partie de cet argent a été destinée aux policiers

 18   d'appartenance ethnique musulmane. Nous avions également des gardes aux

 19   entrées de Samac. Il n'y avait pas de patrouilles. C'étaient des postes de

 20   contrôle qui fonctionnaient la nuit par crainte que quelqu'un ne pénètre

 21   dans Samac pendant la nuit pour commettre un crime.

 22   Q.  Mais dans votre déclaration écrite, vous dites que le deuxième groupe

 23   se composait de Pasaga Tihic, Esad Hadzimujagic ou Aziz Hecimovic, Fuad

 24   Jasenica et d'autres. Donc c'était surtout Izet et Alija. C'est bien

 25   Izetbegovic, n'est-ce pas, qui se rendait au pont près de Piplovic -

 26   j'ajoute pour ma part que cela se trouvait en Croatie - qui ont apporté un

 27   jour 100 kilos d'explosifs et, lors de leur deuxième voyage, 10 000 balles,

 28   20 grenades, quelques obus antichars. Izet, lors d'un voyage, a également

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  1   accepté et reçu du parti 30 fusils automatiques et cinq pistolets.

  2   Durant le Ramadan, Senahid Memic, un homme du parti, est arrivé un

  3   jour pour demander de l'aide, parce qu'il a dit que son camion était tombé

  4   en panne non loin de Samac. "J'ai à ce moment-là organisé le transfert des

  5   armes dans un autre camion."

  6   "Smajlovic a amené ces armes au dépôt, et pour ce service, nous avons

  7   reçu 20 fusils automatiques et 2 000 balles. De cette façon, nous

  8   disposions déjà de 50 fusils automatiques. Avec ces armes, nous avons

  9   équipé un détachement qui patrouillait dans la ville avec les armes

 10   dissimulées, en général, dans leurs voitures. Selon la situation, il nous

 11   arrivait d'avoir un nombre plus important de patrouilles, ce qui nous

 12   permettait de couvrir toutes les entrées de Samac."

 13   Q.  C'est bien cela, Monsieur Tihic ?

 14   R.  Je vais répondre. Toutes les armes que nous avions, toutes les armes

 15   que nous avons réussi à obtenir - et vous venez de les énumérer - se

 16   limitaient à des fusils automatiques, à quelques Kalashnikov. Pour le

 17   reste, nous ne disposions que de très peu de choses. Ces armes étaient

 18   dissimulées dans les voitures, elles n'étaient pas déclarées publiquement.

 19   La nuit, grâce à ces armes, nous organisions des patrouilles aux entrées de

 20   Samac de façon à éviter l'effet susceptible de se produire la nuit, car pas

 21   mal de gens de toutes sortes pénétraient dans Samac à cette époque-là et

 22   toutes sortes de rumeurs circulaient. Nous avons fait tout cela avec

 23   l'accord de la police, car la police à Bosanski Samac ne pouvait pas

 24   assurer suffisamment la sécurité.

 25   Q.  Comment il s'appelait ?

 26   R.  Vinko Dragicevic.

 27   Q.  C'était un Croate, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui, Vinko Dragicevic était un Croate, c'était le chef du poste de

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  1   sécurité publique de Samac.

  2   Q.  Un jour, une patrouille de la JNA est entrée à Samac et a démoli notre

  3   patrouille, et immédiatement, nous avons organisé un barrage. C'est Alija

  4   Fitozovic qui a monté ce barrage, et vous dites dans votre déclaration

  5   qu'il l'a fait à votre insu, n'est-ce pas ?

  6   R.  Une fois que la patrouille de la JNA a pénétré dans Samac et qu'elle a

  7   fait ce qui est écrit dans ma déclaration, c'est-à-dire qu'elle confisqué

  8   les armes d'une de nos patrouilles, Alija Fitozovic a organisé un barrage

  9   même si moi j'étais opposé à cela. J'ai dit clairement que ceci n'était pas

 10   une bonne solution, que ce n'était pas notre façon de nous battre, que

 11   l'érection de tels barrages ne pouvait que créer des problèmes, parce que

 12   des barrages existaient déjà dans les villages serbes et dans les villages

 13   croates. Je considérais que ce n'était pas une bonne chose d'avoir. A cette

 14   époque-là, le président du SDA et le président du SDS, nous avons appelé la

 15   population pour détruire les barrages de nos villages respectifs, lui dans

 16   les villages serbes et nous dans les villages musulmans.

 17   Q.  Monsieur Tihic, vous avez tiré sur une autre patrouille de la JNA qui a

 18   passé par Samac. Osman Mesic a tiré sur cette patrouille. Personne n'a

 19   touché qui que ce soit. Vous dites que le tir a été fait en l'air, mais

 20   dans le but de faire partir cette patrouille. La patrouille a reculé, vous

 21   craigniez de voir une autre patrouille de la JNA encore plus puissamment

 22   armée, donc vous avez immédiatement démoli les barrages, vous aviez

 23   également peur de l'action du 4e Détachement, n'est-ce pas ?

 24   R.  J'aimerais répondre.

 25   Q.  Allez-y.

 26   R.  J'étais opposé aux barrages.

 27   Q.  C'est écrit dans le texte ici aussi.

 28   R.  J'étais opposé aux barrages. Je considérais que ce n'était pas une

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  1   solution intelligente, je pensais que la création de ces barrages n'était

  2   pas un acte intelligent. Dès le lendemain matin, j'ai demandé qu'on les

  3   démantèle. D'ailleurs, le fait qu'Osman Mesic ait tiré en l'air c'était la

  4   police militaire, voyez-vous, montre bien que j'avais raison parce que les

  5   barrages pouvaient créer des réactions. Il y avait aussi le 4e Détachement,

  6   autrement dit des Serbes en armes qui circulaient dans la ville et qui

  7   auraient pu, grâce à leurs armes, tirer sans problème sur ceux qui tenaient

  8   les barrages.

  9   Donc c'était une mesure totalement irresponsable, et j'ai fait tout

 10   ce que j'ai pu pour supprimer ces barrages le plus rapidement possible; pas

 11   parce que la JNA risquait de revenir -- oui, peut-être pour ça aussi, mais

 12   avant tout parce que je considérais que ce n'était pas bon pour une ville,

 13   pour un bourg, d'avoir de tels barrages et de contrôler les entrées et les

 14   sorties.

 15   Q.  Vous doutiez qu'il soit possible d'obtenir quoi que ce soit avec des

 16   barrages, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, je pensais que c'était une erreur.

 18   Q.  Mais quand vous avez démantelé les barrages, vous avez commencé à

 19   coopérer au quotidien avec l'Union démocratique croate pour les préparatifs

 20   de défense. Vous dites, je cite :

 21   "La coopération se réalisait par les pourparlers politiques

 22   fréquents, contacts quotidiens entre notre commandant et le leur, et lors

 23   de la première réunion à Prud."

 24   Ils ont convenu avec vous de créer une cellule de Crise commune,

 25   n'est-ce pas ?

 26   R.  Non. Je dois répondre à cela, car c'est une question importante.

 27   Je suis allé à cette réunion, je suis arrivé un peu en retard, un peu

 28   après le début de la réunion, et j'ai vu qu'il ne se trouvait là que des

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  1   représentants des Musulmans et des Croates et que l'intention poursuivie

  2   était de créer une cellule de Crise dans la ville de Samac constituée

  3   exclusivement des Musulmans et de Croates. A ce moment-là, j'ai dit que

  4   j'étais contre cette idée, car à deux groupes ethniques, nous ne pouvions

  5   pas créer une telle cellule, nous devions la créer à trois. Donc la cellule

  6   n'a pas été créée à ce moment-là.

  7   Q.  Il est écrit dans votre déclaration écrite que vous avez insisté pour

  8   que les deux états-majors existent en parallèle; qu'Alija Fitozovic

  9   continue à être le commandant de votre état-major. A ce moment-là, les

 10   Croates vous ont donné un fusil PAP qui pouvait servir à tirer sur les

 11   chars et à lutter contre les grenades, n'est-ce pas ?

 12   R.  J'étais opposé qu'une cellule de Crise soit créée uniquement avec des

 13   Musulmans et des Croates. J'ai demandé que les  représentants de la

 14   population serbes y soient inclus de façon à ce que la défense soit

 15   unifiée.

 16   Q.  D'accord. Après cette réunion, vous recevez de Croatie une certaine

 17   quantité d'armes supplémentaires, comme vous dites dans votre déclaration

 18   écrite, 50 fusils automatiques à peu près, deux mortiers, plusieurs Zolja

 19   et quelques grenades. Les Zolja sont bien, n'est-ce pas, des lance-

 20   roquettes qu'on peut déplacer ?

 21   R.  Cinquante fusils automatiques sont arrivés de Croatie, comme je l'ai

 22   dit.

 23   Q.  Mais là je parle de 50 fusils automatiques supplémentaires.

 24   R.  Oui, oui, j'en avais parlé quand j'ai parlé de l'armement tout à

 25   l'heure.

 26   Q.  Donc au total, vous disposez désormais de 100 fusils automatiques ?

 27   R.  Permettez-moi de répondre. Les 50 fusils automatiques qui sont

 28   mentionnés ici, j'ai dit qu'il fallait les emporter à l'état-major de la

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  1   Défense territoriale qui avait déjà été créée à ce moment-là. Jusqu'à cette

  2   date-là, il n'existait pas d'état-major de la Défense territoriale et je

  3   craignais que ces nouveaux 50 fusils automatiques, s'ils étaient distribués

  4   parmi les civils, puissent être utilisés de façon non contrôlée. J'ai donc

  5   dit qu'il fallait les transporter à l'état-major de la Défense territoriale

  6   et c'est ce qui a été fait. Cela a été fait. Deux jours plus tard, Samac a

  7   été attaquée grâce à des armes qui avaient été trouvées là.

  8   Q.  Monsieur Tihic, dans votre déclaration écrite, les choses sont dites

  9   différemment. On peut y lire, je cite :

 10   "La majeure partie de ces armes a immédiatement été distribuée à l'état-

 11   major de la Défense territoriale, surtout à des Musulmans et   aussi à

 12   quelques Croates."

 13   Page 14 de votre déclaration écrite. Donc ces armes ne sont pas restées à

 14   l'état-major puisqu'une une fois arrivées à l'état-major, elles ont

 15   immédiatement été distribuées. C'est ce que vous avez écrit.

 16   R.  Le fait est --

 17   Q.  Moi je crois tout ce que vous avez écrit dans votre déclaration.

 18   R.  Ce qui est un fait -- j'attends un peu pour les interprètes.

 19   Ce qui est un fait, c'est que ces armes ont été remises à l'état-major de

 20   la Défense territoriale. Maintenant, combien de ces armes au cours des deux

 21   ou trois jours qui ont précédé l'attaque sur Samac ont été distribuées, je

 22   ne sais pas. Est-ce que c'est une petite portion ou une grande portion de

 23   ces armes, je ne sais pas. Mais ce que je sais c'est que quand Samac a été

 24   attaquée, une partie de ces armes a été découverte à l'état-major de la

 25   Défense territoriale, et il s'agissait d'armes qui avaient été remises

 26   légalement à une institution légale et qui ont été distribuées légalement

 27   par cette institution.

 28   Q.  Comment est-ce que cet état-major de la Défense territoriale peut être

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  1   une institution légale puisqu'il échappait totalement à la JNA ? Seule la

  2   Défense territoriale placée strictement sous le contrôle de la JNA était

  3   légale, n'est-ce pas, sous le contrôle de la présidence de la RSFY ?

  4   R.  Non, il n'en est pas ainsi. J'attends un peu pour les interprètes. Non,

  5   ce n'est pas ça, ce n'est pas exact. L'état-major de la Défense

  6   territoriale a été mis en place par la Défense territoriale de la

  7   république. Il était totalement légal. Le commandement de la Défense

  8   territoriale relève, oui, de la présidence de la Bosnie-Herzégovine,

  9   c'était le cas, et les ordres venant de cette présidence étaient respectés.

 10   Q.  Vous appelez guerre ce qui s'est passé à Samac au moment où vous avez

 11   été capturé. Vous dites, je cite : "Une quinzaine ou une vingtaine de jours

 12   avant la guerre, un affrontement a eu lieu entre les membres du 4e

 13   Détachement et les membres des forces de réserve." Nous voyons qu'il y

 14   avait la milice de réserve qui était sous votre contrôle et le 4e

 15   Détachement qui était sous le contrôle de la JNA. Vous dites les noms des

 16   Musulmans; Nizam Ramusovic, Mesad Mesic -- non, non, non. Dans la milice de

 17   réserve, il y avait Adis Izetbegovic, Sead Srna et un membre de la milice

 18   de Hasici ?

 19   R.  Croate.

 20   Q.  Croate, d'accord. En page 2, vous dites que dans le 4e Détachement il y

 21   avait Nizam Ramusovic, Mesad Mesic et un autre qui était sans doute Serbe,

 22   n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Donc dans les deux groupes, il y avait à ce moment-là des Musulmans en

 25   majorité, n'est-ce pas ?

 26   R.  Les membres du 4e Détachement.

 27   Q.  Des Musulmans favorables au maintien de la Yougoslavie.

 28   R.  Les membres du 4e Détachement ce jour-là ont commis des actes de

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  1   provocation, ont tiré sur un restaurant dans lequel se trouvaient des

  2   membres du SDA ou des sympathisants du SDA, et au moment où ils ont tiré,

  3   une patrouille de la "milicija" est arrivée. Ne sachant pas ce qui se

  4   passait exactement et voyant qu'on tirait sur eux, ils ont répliqué en

  5   tirant aussi.

  6   *Q.  Monsieur Tihic, ce qui est intéressant c'est que les blessés ont

  7   seulement été trois membres du 4e Détachement, deux Musulmans et un Serbe,

  8   et que parmi vos membres de la "milicija" de réserve, personne n'a été

  9   blessé. Maintenant, vous dites que ce sont les autres qui ont tiré en

 10   premier. Ils ont peut-être tiré en l'air, mais en tout cas, même si ce sont

 11   eux qui ont tiré en l'air en premier, ils ont reçu des balles puisque tous

 12   les trois ont été blessés par balle.

 13   R.  J'attends un peu pour les interprètes.

 14   La patrouille de la "milicija" a vu et entendu que des balles étaient

 15   tirées. Elle ne savait pas si ces tirs la visaient elle, si elle allait se

 16   faire tirer ou pas. Ce sont d'abord les membres du 4e Détachement qui ont

 17   tiré. C'est un événement regrettable, mais les membres du 4e Détachement

 18   sont ceux qui ont tiré en premier. La patrouille de la "milicija" de

 19   réserve ne savait pas qu'on ne tirait pas sur elle, elle ne pouvait pas se

 20   rendre compte immédiatement qu'on tirait en l'air. Elle a dont répliqué et,

 21   malheureusement, les trois ont été blessés.

 22   Q.  Vous aussi, quand vous avez été capturé, vous aviez un fusil

 23   automatique et un pistolet, n'est-ce pas ? Le pistolet, vous l'avez

 24   dissimulé, et le fusil automatique on vous l'a pris ?

 25   R.  J'étais dans la maison de Mica Pavlovic, de mon voisin, quand j'ai été

 26   arrêté sans aucune arme. Un peu plus tôt, j'avais reçu un pistolet et un

 27   fusil automatique, et ce fusil automatique m'a été confisqué lors de la

 28   fouille de la maison.

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  1   Q.  Monsieur Tihic, à en juger par tout ce que nous voyons ici, la JNA vous

  2   a capturé de façon tout à fait légale. Vous possédiez des armes, vous étiez

  3   un émeutier, et donc tout s'est fait légalement sauf les coups fréquents

  4   que vous avez reçus après votre capture. Ce sont ces coups que je condamne,

  5   et je considère que ceux qui vous ont frappés, vous et vos codétenus,

  6   doivent répondre de cela. Pourquoi ils n'ont pas à répondre de cela, c'est

  7   le Procureur de ce Tribunal qui doit le dire. Mais en tout cas, votre

  8   arrestation et votre capture ont été faites légalement parce que vous étiez

  9   armés, donc membres de formations armées. Est-ce que vous aviez ces armes

 10   sur vous ou pas, ce n'est pas le plus important.

 11   R.  Je peux répondre ?

 12   Q.  Allez-y, répondez.

 13   R.  L'attaque de la JNA n'a pas été légale contre la ville de Bosanski

 14   Samac. Il n'était pas légal, pour la JNA, de venir occuper le poste de

 15   police, occuper la mairie et chasser tous les responsables qui n'étaient

 16   pas Serbes ou chasser tous les responsables qui n'étaient pas Croates. Ceci

 17   ne peut pas être légal. Puisque nous parlons de la JNA, la JNA aurait pu

 18   rester là où elle se trouvait, c'est-à-dire dans les villages serbes, mais

 19   elle n'était pas en droit de transformer la nature du pouvoir. Ce n'était

 20   pas dans ses fonctions, notamment en raison du fait que personne n'avait

 21   attaqué la JNA.

 22   Q.  Monsieur Tihic, au cours de l'interrogatoire principal ici, vous avez

 23   dit que des hélicoptères de la JNA étaient arrivés et qu'à bord de ces

 24   hélicoptères se trouvaient des soldats que vous, vous appelez des spéciaux,

 25   à savoir des soldats qui avaient subi un entraînement bien particulier et

 26   qui étaient venus pour former le cœur du 4e Détachement, n'est-ce pas ?

 27   Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

 28   Savez-vous qu'au nombre de ces soldats qui sont arrivés grâce aux

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  1   hélicoptères de la JNA se trouvaient également des habitants de Bosanski

  2   Samac qui avaient d'abord été envoyés dans un centre d'entraînement et qui

  3   revenaient après avoir subi cet entraînement aux côtés d'un certain nombre

  4   de soldats parmi lesquels se trouvaient aussi des volontaires. Est-ce que

  5   vous le savez ?

  6   R.  J'ai dit ce que je savais au sujet de ces hélicoptères. J'ai dit qu'un

  7   membre du Parti serbe était venu dans mon bureau pour me dire que deux

  8   hélicoptères étaient arrivés et qu'à bord de ces hélicoptères se trouvaient

  9   des membres d'unités spéciales venues de Serbie et visant à imposer la

 10   terreur dans les villages en recourant même aux coups sur les gardes. Alors

 11   qui était à bord des hélicoptères et est-ce qu'il y avait des gens de

 12   Bosanski Samac, j'en sais rien.

 13   Q.  Je vous le lis. Maintenant, vous le savez. Vous avez dit, et je cite :

 14   "J'ai appris plus tard que ceux qui portaient des bérets rouges

 15   faisaient partie des forces de police de Serbie."

 16   Alors le seul fait que ces soldats portaient des bérets rouges, même

 17   s'il ne faisait aucun doute qu'ils faisaient partie de la JNA et qu'ils

 18   étaient arrivés à bord d'hélicoptères de la JNA, donc parce qu'ils

 19   portaient des bérets rouges, vous établissez un lien entre eux et le MUP de

 20   Serbie qui a été créé en 1996 et dont certains membres portaient également

 21   un béret rouge sur la tête, n'est-ce pas ? Quel rapport la police de Serbie

 22   peut-elle avoir avec cette unité de la JNA qui est arrivée à bord

 23   d'hélicoptères de la JNA et dont les membres portaient sur la tête un béret

 24   rouge ?

 25   R.  J'ai dit qu'ils étaient arrivés à bord d'hélicoptères de la JNA, qu'ils

 26   portaient un uniforme de l'armée, qu'on m'a dit qu'il s'agissait de Bérets

 27   rouges. Je pensais qu'ils étaient membres de la police de Serbie. Vous

 28   dites que ce n'était pas le cas en Serbie, qu'ils faisaient partie de la

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  1   JNA, je ne sais plus.

  2   Q.  Est-ce que vous savez que les membres de certaines unités de la JNA

  3   portaient également un béret rouge ?

  4   R.  Je ne sais pas. Ecoutez, ils sont arrivés dans le cadre de l'armée de

  5   la JNA. Est-ce qu'officiellement ils étaient sous le commandement de la JNA

  6   ou de la police, je ne sais pas, je ne peux pas répondre à cela.

  7   Q.  Ensuite, vous mentionnez Zvezdan Jovanovic. Avez-vous le moindre

  8   élément prouvant que par la suite il travaillait pour la police, et vous

  9   savez que c'est possible, il avait été membre de la JNA,  ensuite membre de

 10   la Garde d'Arkan, ensuite il est passé dans la police quand l'unité

 11   spéciale a été créée en 1996, nombre d'anciens membres des groupes d'Arkan

 12   sont entrés dans cette unité de la police. Ils ont même cherché à obtenir

 13   des volontaires du Parti radical serbe, mais comme nous étions confrontés

 14   en opposition flagrante avec le régime, aucun de nos volontaires n'a

 15   accepté.

 16   Vous dites que Zvezdan Jovanovic distribuait les coups et qu'il pillait.

 17   Vous pouvez dire ce que vous voulez à son sujet, mais jamais personne en

 18   Serbie n'a eu la moindre possibilité de dire que Zvezdan Jovanovic était un

 19   criminel et qu'il volait ou pillait. Même au moment de l'assassinat de

 20   Djindjic, personne n'a évoqué ce genre de qualificatif à son encontre.

 21   R.  Je peux répondre ?

 22   Q.  Allez-y.

 23   R.  On a dit qu'il a pillé, et ceci a été dit partant de sa façon de se

 24   comporter à Bosanski Samac. Un cousin à moi, suite à ordres de sa part, a

 25   complété des cartes grises de véhicules qui avaient auparavant été

 26   confisqués à des Bosniens. C'était un civil. Il a tapé à la machine pour

 27   Zvezdan Jovanovic des cartes grises de façon illégale, il a mis des cachets

 28   dessus afin que Zvezdan Jovanovic puisse exporter ces véhicules vers la

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  1   Serbie et les vendre. C'est un criminel.

  2   Q.  Quand est-ce que ça s'est passé ?

  3   R.  En 1992.

  4   Q.  Quand ?

  5   R.  Avril/mai, je ne sais pas vous donner de date exacte.

  6   Q.  Avant le retrait de la JNA de Samac ? C'était absolument impossible.       

  7   R.  Ça s'est passé ainsi, c'est ainsi qu'ils prenaient les fusils, les

  8   armes. Ils falsifiaient les permis de port d'armes. De toute manière, ils

  9   arrivaient avec des camions dans des entreprises pour sortir des machines,

 10   des équipements. Les Serbes du cru s'y opposaient, mais ils n'osaient pas

 11   trop élever la voix parce qu'ils se feraient abattre, c'étaient des gens

 12   dangereux.

 13   Q.  Monsieur Tihic, je suis convaincu qu'il n'y a pas eu de grands

 14   pillages. Il y a peut-être eu des petits vols, mais il n'y a pas eu de

 15   grands pillages tant que la JNA n'a pas quitté la Bosnie-Herzégovine le 19

 16   mai. Les pillages surviennent après le départ de la JNA, mais vous n'avez

 17   pas été à Samac à l'époque. Vous nous racontez ça de deuxième main. Est-ce

 18   que cet homme a véritablement vu Zvezdan Jovanovic ou si c'était quelqu'un

 19   d'autre, ça c'est une chose que je mets en doute. Je n'ai aucune raison de

 20   le défendre, je n'ai jamais vu de ma vie cet homme, mais la Serbie tout

 21   entière sait que ce n'était pas un criminel, un voleur. C'était un soldat

 22   professionnel. De là à savoir s'il a tué Djindjic ou pas, là moi je ne le

 23   pense pas. Le procès a eu lieu dans des circonstances douteuses. On finira

 24   bien par l'apprendre. Il y a eu des coups montés aussi, ça c'est vrai. La

 25   police, avant le procès, a exécuté deux complices très importants, celui

 26   qui est surnommé Siptar et Mile Lukovic,  et après ils ont pu magouiller

 27   tout ce qu'ils voulaient. Ça ce sont les faits, Monsieur Tihic.

 28   R.  Vous voulez que je vous réponde ?

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  1   Q.  Allez-y.

  2   R.  Le fait est que ces unités, ces membres des unités spéciales, étaient

  3   aussi des voleurs, des pilleurs. Ils ont volé les biens privés des

  4   citoyens, ils ont volé les biens des entreprises de l'Etat. Parmi eux, il y

  5   avait aussi Zvezdan Jovanovic. Je le sais.

  6   Q.  Vous le savez de deuxième main ?

  7   R.  Je le sais, parce que je me suis entretenu avec des Bosniens, avec des

  8   Serbes aussi. Après coup, une fois que tout s'est arrêté, qu'on a pu

  9   rediscuter de tout ceci, c'est les Serbes qui me l'ont raconté aussi. Ils

 10   ont essayé de s'y opposer mais ils n'osaient pas, c'étaient des hommes

 11   véritablement dangereux.

 12   Q.  Monsieur Tihic, tout ça ce sont des récits de deuxième main. Mais peu

 13   importe. Saviez-vous qu'après le retrait de la JNA, ce 4e Détachement qui

 14   faisait partie de ce 17e Groupe tactique s'est mué en brigade de la

 15   Semberija au sein de l'armée de la Republika Srpska; le saviez-vous, ça ?

 16   R.  [aucune réponse verbale]

 17   Q.  Qu'on attende peut-être, mais on a l'occasion de nous entretenir

 18   pendant que les Juges sont pris. Mes 20 minutes vont prendre fin d'un

 19   instant à l'autre.

 20   R.  Attendez, mais en principe, ils sont censés entendre ce qu'on se dit.

 21   Q.  Ils peuvent relire cela par la suite.

 22   R.  Monsieur Seselj, vous m'avez dit --

 23   Mme LE JUGE LATTANZI : Une minute, Monsieur Seselj.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj, on était en train de calculer

 25   le temps avec le greffier, et vous avez quasiment terminé. Alors posez

 26   votre dernière question et on arrêtera là.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je viens de poser ma dernière question et

 28   j'attends la réponse de M. Tihic qui n'a pas voulu répondre avant d'être

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  1   sûr que vous écoutez.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez dit que c'est de deuxième main que

  3   j'ai entendu parler des pillages et des vols effectués par ces membres des

  4   unités spéciales. Ils m'ont volé moi-même, ils m'ont pris à la maison, j'ai

  5   dû leur donner tout mon argent.

  6   M. SESELJ : [interprétation]

  7   Q.  Qui était-ce ?

  8   R.  Je ne connais pas les noms, c'était un homme arrivé de Serbie.

  9   Q.  Vous avez mentionné Lugar ?

 10   R.  Lugar y était.

 11   Q.  Dans la déclaration faite auprès du bureau du Procureur, vous avez dit

 12   que c'était un homme aux cheveux blonds, n'est-ce pas ?

 13   R.  Ecoutez, nous ne pouvions pas trop regarder ces gens.

 14   Q.  C'est ce que dit votre déclaration.

 15   R.  Lorsqu'ils ont fait leur apparition, il fallait qu'on baisse la tête,

 16   qu'on regarde par terre, et on n'a pas l'occasion de trop les détailler.

 17   Quand on m'a montré la photo, je l'ai reconnu, j'ai dit que je n'étais pas

 18   très sûr, mais je l'ai reconnu. C'était un costaud, probablement portait-il

 19   un uniforme de ce type.

 20   Q.  Merci, Monsieur Tihic.

 21   R.  Mais laissez-moi répondre pour ce qui est du 4e Détachement qui s'est

 22   mué en bridage d'une armée de la Republika Srpska.

 23   Q.  Oui, justement.

 24   R.  J'ai eu ouï-dire aussi que ce 4e Détachement s'est mué par la suite en

 25   une brigade de la Republika Srpska.

 26   Q.  La Brigade de la Posavina.

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Dans votre déclaration, vous dites que c'est un homme aux cheveux

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  1   blonds. Or moi, par hasard, je l'ai rencontré une fois dans ma vie, et je

  2   sais pour sûr que c'est quelqu'un qui a des cheveux très noirs. Il y a

  3   longtemps qu'il est décédé, ce n'est pas très important, mais c'était

  4   quelqu'un qui avait des cheveux très noirs.

  5   R.  Ecoutez, c'est Lugar le plus grand criminel là-bas. C'est lui qui m'a

  6   battu. Peut-être ai-je fait une erreur, peut-être ai-je eu peur et que je

  7   me suis trompé, mais ce sont des --

  8    Q.  Je voulais démontrer la chose suivante : la mémoire humaine n'est pas

  9   chose tout à fait fiable, Monsieur Tihic, notamment au bout d'autant de

 10   temps. Je veux bien croire qu'on vous ait tabassé. Vous n'auriez pas pu

 11   inventer ce récit, pas un récit de cette envergure. Je veux bien croire que

 12   vous ayez été battu. Mais au bout d'un certain temps, dans ses réflexions,

 13   l'être humain a tendance à attribuer cela à des gens dont il a eu à

 14   connaître ultérieurement. Alors c'est ce que je voulais vous dire.

 15   Il est difficile d'identifier par les noms et prénoms tous ceux qui vous

 16   ont battu. Mais seriez-vous d'accord avec moi pour dire que le principal

 17   responsable des tabassages après votre emprisonnement, c'était celui qui

 18   était le chef du service militaire de la sécurité, c'est ça l'aspect

 19   important, et à lui de découvrir qui sont les individus concrets qui vous

 20   ont battu ?

 21   R.  Oui, c'est à plusieurs reprises que j'ai été battu.

 22   Q.  Ça, ça ne fait pas l'objet de ma question.

 23   Ma dernière question, c'est la toute dernière question : est-ce que vous

 24   êtes d'accord ou pas pour dire que tous les coups que vous avez reçus

 25   depuis votre emprisonnement jusqu'à l'échange, le principal coupable c'est

 26   le chef des services militaires chargés de la sécurité ?

 27   R.  Il y a plusieurs responsables.

 28   M. SESELJ : [interprétation] Mais attendez, à lui de rechercher le

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  1   véritable coupable, nous savons vous et moi que c'est lui l'homme

  2   responsable.

  3   Merci, Monsieur Tihic.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Tihic, juste une question de suivi, une

  5   précision.

  6   Questions de la Cour :

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans votre localité, il y a la création de la

  8   Défense territoriale. Vous nous l'avez expliqué. Elle est constituée de

  9   Musulmans. Il y a les armes, les 50 pistolets, puis ces 50 autres

 10   pistolets. Nous voyons très bien ce qui s'est passé. Nous savons que le

 11   capitaine responsable avait mis en place des barrages. Vous avez été

 12   contre, vous êtes intervenu. Très bien.

 13   Mais c'est au juriste que je m'adresse. Apparemment, ceci se passe en avril

 14   1992. A votre connaissance, la République de la Bosnie-Herzégovine s'est

 15   déclarée indépendante à quelle date précise ?

 16   R.  La République de Bosnie-Herzégovine a organisé un référendum le 29

 17   février et le 1er mars de 1992. L'Union européenne a reconnu l'indépendance

 18   de la Bosnie-Herzégovine le 6 avril 1992, et par la suite il y a eu

 19   reconnaissance de tous les autres pays. C'est le 22 mai que nous avons été

 20   membres des Nations Unies.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le 19 mai, la JNA s'est retirée. Avant que la

 22   JNA ne se retire, ce pays ne pouvait pas être reçu dans l'organisation des

 23   Nations Unies.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : -- Monsieur Tihic. Donc vous venez de citer des

 25   dates qui sont évidemment importantes.

 26   Le 6 avril 1992, l'Union européenne a reconnu la République de Bosnie-

 27   Herzégovine. Donc si je comprends bien, la Défense territoriale a

 28   fonctionné après le 6 avril 1992, après la reconnaissance par l'Union

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  1   européenne de l'existence de la République de Bosnie-Herzégovine en tant

  2   qu'Etat souverain et indépendant ?

  3   R.  La Défense territoriale existait même avant, dans le cadre de la

  4   République socialiste fédérative de Yougoslavie, mais à la différence près

  5   que la JNA avait, un an auparavant, désarmé la Défense territoriale. C'est

  6   partant de cette Défense territoriale que s'est créée par la suite l'ABiH,

  7   suite à cette date du 6 avril et au-delà.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : M. Seselj est intervenu en disant que la JNA s'est

  9   retirée le 19 mai. Je pense que vous êtes d'accord avec lui sur la date du

 10   19 mai. Mais vous qui êtes un juriste, est-ce que la JNA n'aurait pas dû se

 11   retirer dès le 6 avril 1992 ?

 12   R.  Oui, c'est pour moi à ce moment-là qu'elle aurait dû se retirer, mais

 13   elle devait se retirer dès le 1er mars lorsqu'il y a eu référendum portant

 14   sur l'indépendance, lorsque la Bosnie-Herzégovine, sur le plan formel, elle

 15   est restée. Elle aurait dû se retirer le 19 avril, et elle s'est retirée

 16   bien longtemps après.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Mais vous dites qu'elle aurait dû se

 18   retirer dès le mois de mars ?

 19   R.  Oui, du point de vue formel, c'est là qu'il y a eu proclamation des

 20   résultats du référendum, les citoyens se sont prononcés en faveur d'une

 21   indépendance et que la JNA n'avait plus rien à demander. C'était une armée

 22   étrangère, désormais.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : On aura certainement l'occasion de revenir plus tard

 24   sur cela.

 25   Monsieur le Procureur, avez-vous des questions supplémentaires ?

 26   M. MUSSEMEYER : [interprétation] Inutile, je n'ai pas de questions

 27   supplémentaires. Mais étant donné que les notes personnelles du témoin ont

 28   été citées en grand nombre, je demande le versement au dossier de cela.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous demandez le versement. J'ai cru

  2   comprendre, le témoin a écrit un livre. Il me semble que vous avez cité le

  3   numéro 65 ter du livre; c'est bien ça ? De mémoire 2004, mais je n'en suis

  4   pas sûr. C'est ça ? C'est 2004 ? Non, il est 2094 ? Bien.

  5   M. MUSSEMEYER : [interprétation] Précisément. C'est cela.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je vais demander à mes collègues si -- oui ?

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. 2094, Monsieur Mussemeyer, c'est le livre.

  9   C'est ça que vous demandez ?

 10   M. MUSSEMEYER : [interprétation] Le titre est "Notes personnelles du témoin

 11   Sulejman Tihic." Je vais voir ce qu'on peut y lire sur la première page,

 12   qui commence par "mémoires." Je ne vois pas davantage.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 14   M. MUSSEMEYER : [interprétation] Oui. 

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et est-ce que vous demandez aussi le versement

 16   de la déclaration de M. Tihic que nous avons sous les yeux, qui a été

 17   recueillie ? J'attends de vérifier --

 18   M. MUSSEMEYER : [interprétation] Le 26 mai.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous le demandez. En fait, il y a deux documents que

 20   vous demandez. Bien.

 21   Alors, Monsieur le Greffier, donnez-nous --

 22   Oui, Monsieur --

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Tout d'abord, il est inadmissible,

 24   absolument inadmissible, que l'on verse au dossier une déclaration faite

 25   par le témoin auprès de l'Accusation. Il a témoigné viva voce, et toutes

 26   les déclarations faites précédemment auprès du bureau du Procureur vont à

 27   la poubelle directe. Et ceci c'est un document qui a été créé bien avant le

 28   témoignage. Par exemple, ceci était l'un des documents qui aurait pu être

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  1   consigné au 89 ter. C'est un exemple type du document qui pouvait se

  2   rapporter à cet article, et non pas aux données -- cette déclaration auprès

  3   du bureau du Procureur. Ça, c'était rédigé par le témoin en personne. Or,

  4   la déclaration faite auprès du bureau du Procureur a été, elle, rédigée par

  5   les enquêteurs, voire par le Procureur partant d'un entretien et ça ne peut

  6   pas être versé au dossier.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mussemeyer.

  8   M. MUSSEMEYER : [interprétation] La raison pour laquelle nous avons

  9   recueilli cette déclaration, c'était conformément à une ordonnance rendue

 10   par la Chambre de première instance le 7 janvier 2008, qui précisait que

 11   nous pouvions proposer une déclaration 92 ter pour ce témoin parce que ceci

 12   a été consolidé. Nous avons consolidé cette déclaration et chaque

 13   paragraphe de ces citations. Ceci a été traduit. Le témoin a apporté ses

 14   corrections, ensuite l'a signée.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Il faut que vous vous rappeliez qu'à l'origine, à

 16   l'origine, le Procureur voulait faire un 92 ter, et la Chambre avait à ce

 17   moment-là demander au Procureur de faire une déclaration consolidée. C'est

 18   vous-même, c'est vous-même, qui êtes  intervenu en disant que vous vouliez

 19   que M. Tihic dépose viva voce compte tenu de son rôle, de son importance,

 20   et cetera.

 21   La Chambre vous avait dit, nous allons délibérer sur la question. La

 22   Chambre a délibéré et vous a fait droit à votre requête, a donc décidé que

 23   celui-ci viendrait comme témoin viva voce.

 24   Voilà la situation. Alors, nous comprenons maintenant que vous nous

 25   indiquiez qu'un témoin viva voce, c'est le transcript et pas sa déclaration

 26   antérieure, et donc vous vous opposez à cette déclaration.

 27   Alors, je vais consulter mes collègues pour savoir ce que nous faisons.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je me dois de vous dire

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  1   ceci encore. L'admission éventuelle de cette déclaration préalable au

  2   dossier serait une supercherie, parce qu'on m'a dit que ce témoin

  3   témoignerait viva voce. Je me prépare pour son contre-interrogatoire. Il a

  4   témoigné. Je l'ai contre-interrogé. Maintenant, si par malheur vous veniez

  5   à verser au dossier sa déclaration précédente au 92 ter pour la mettre au

  6   dossier, ce serait un cas unique de témoin qui aurait témoigné viva voce et

  7   en application du 92 ter, et moi, je me considérerais comme étant la partie

  8   trompée dans tout ceci.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander l'avis de mes collègues.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la Chambre qui a délibéré, comme vous l'avez

 12   constaté, décide premièrement que les notes personnelles dites "mémoires"

 13   sont admises, et donc le greffier va donner un numéro.

 14   Mais en revanche, sur la déclaration qui avait été prévue au titre du 92

 15   ter, la Chambre ne fait pas droit à la requête du Procureur.

 16   De ce fait, Monsieur le Greffier, donnez-nous un numéro pour les

 17   notes de M. Tihic.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ce sera le

 19   numéro P681. Merci, Madame, Messieurs les Juges.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 21   Bien. Monsieur Tihic, votre audition vient de se terminer. Je tiens en mon

 22   nom personnel et au nom de mes collègues de vous remercier d'être venu,

 23   d'avoir pris sur votre temps pour témoigner dans cette affaire, et je vous

 24   remercie des réponses que vous avez données aux questions posées par le

 25   Procureur, par les Juges, et par M. Seselj. Nous vous souhaitons donc un

 26   bon retour dans votre pays, et nous formulons nos meilleurs vœux pour la

 27   continuation de vos diverses activités.

 28   Je vais donc demander -- attendez -- à M. le -- de vous raccompagner,

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  1   mais mon collègue a quelque chose à rajouter.

  2   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Je souhaitais simplement ajouter quelque chose par rapport à ce qu'a dit le

  4   Président de la Chambre. Nous aimerions exprimer toute notre compassion

  5   pour la douleur et la souffrance que vous avez endurées. Il semblerait que

  6   vous ayez souffert plus que d'autres, et les Juges de la Chambre

  7   reconnaissent le courage et les efforts dont vous avez fait preuve pour

  8   venir témoigner ici encore une fois et reparler de tout ceci. Nous vous

  9   souhaitons à vous, ainsi qu'à tous les témoins qui ont dû souffrir pendant

 10   la guerre, nous formons nos meilleurs vœux pour une vie meilleure.

 11   [Le témoin se retire]

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avant de passer en audience à huis clos, j'ai

 13   d'abord quelque chose à dire. Ensuite, M. Mundis aura la parole.

 14   Monsieur Seselj, hier je suis intervenu à un moment donné, car vous aviez

 15   parlé d'exigence, et j'avais soulevé qu'il pouvait y avoir un problème

 16   sémantique à partir de la traduction de vos propos. Après quoi, vous êtes

 17   intervenu en disant que dans votre pays, c'est une possibilité qu'on

 18   intervienne dans les débats judiciaires en disant qu'il y a une exigence.

 19   Après recherches et consultations diverses, il semblerait

 20   qu'effectivement, pour partie, vous avez raison, les avocats en Serbie

 21   utilisent l'audible.

 22   Bien. Donc je voulais que ce soit inscrit au transcript. Il n'y avait

 23   pas dans mes propos une quelconque contestation de quoi ce soit, simplement

 24   dans le débat judiciaire, notamment dans les pays de droits civils, et je

 25   pense que le vôtre fonctionne un peu comme le mien. Les avocats ou les

 26   prévenus ou accusés font des demandes, puis il y a des réponses qui sont

 27   données auxdites demandes. Il se peut que dans des cas assez exceptionnels,

 28   il y a des exigences qui puissent être formulées, par exemple, un accusé

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  1   qui veut absolument avoir un avocat. Ça c'est une exigence à laquelle, bien

  2   entendu, les Juges doivent répondre.

  3   Donc voilà ce que je tenais à vous dire pour lever toute ambiguïté. Mon

  4   souci est que les audiences se déroulent le mieux possible, que vous

  5   puissiez poser vos questions dans les meilleures conditions et que les

  6   témoins puissent y répondre parfaitement. L'audience qui vient de se

  7   dérouler ces derniers jours illustre parfaitement que nous pouvons

  8   atteindre cet objectif, les uns et les autres, sans aucun problème.

  9   Voilà ce que je tenais à dire sur cette question.

 10   Par ailleurs, je voulais passer à huis clos pour qu'on évoque le programme

 11   à venir, alors c'est peut-être pour cela que M. Mundis s'était levé.

 12   Monsieur Mundis.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aurais quelque chose à ajouter brièvement en

 14   audience publique avant que vous passiez en audience à huis clos partiel.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, allez-y.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, hier j'ai obtenu une

 17   requête de l'Accusation pour ce qui est du versement au dossier de la

 18   déclaration écrite VS-1033, en application du 92 ter, c'est adressé le 19

 19   novembre mais je ne l'ai eu qu'hier. Je m'oppose à cela de façon

 20   catégorique. J'estime qu'il n'y a aucune raison d'entendre ce témoin en

 21   application du 92 ter, il doit venir ici et être entendu viva voce.

 22   Parce que je me réfère à tous les arguments que j'ai déjà présentés maintes

 23   fois ici pour ce qui est du 92 ter, je ne vais pas maintenant vous prendre

 24   trop de temps pour les répéter.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, comme les fois précédentes, nous allons

 26   regarder cela de près. Bon. Parfois, nous vous avons donné raison. Parfois,

 27   on a maintenu la position. Donc sur le moment, je ne peux pas vous apporter

 28   une réponse, mais on vous indiquera très rapidement la décision qui va

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  1   intervenir.

  2   Monsieur Mundis, on passe en audience à huis clos ou pas ?

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Juge, nous sommes à huis clos

  4   partiel.

  5   [Audience à huis clos partiel]

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  4   [Audience publique] 

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai bien entendu ? C'est du matin, la semaine

  6   prochaine; c'est bien ça ?

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à fait. C'est du matin. Donc on commencera

  8   mardi à 8 heures et demie. Voilà. Donc on va vous informer très vite, peut-

  9   être même en fin d'après-midi, des répartitions du temps, mais j'ai cru

 10   comprendre d'après les propos du Procureur, que ce sera des témoins qui

 11   seront traités assez rapidement. Donc on verra et vous en serez très vite

 12   informé.

 13   Oui.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça m'est revenu, Monsieur le Président, ce qui

 15   était important pour moi. Je peux le dire maintenant ?

 16   Je suis, par avance, absolument opposé à ce qu'on accorde au Procureur un

 17   temps supplémentaire pour la présentation de sa cause, car je dispose de

 18   preuves démontrant que le temps du Procureur n'a pas été utilisé

 19   rationnellement jusqu'à présent.

 20   Par exemple, l'audition des deux derniers témoins, du point de vue de

 21   l'acte d'accusation et de ce que le Procureur s'efforce de prouver, n'ont

 22   absolument aucun rapport. Vous voyez que ce qu'ils ont dit n'a aucun

 23   rapport avec l'acte d'accusation dressé contre moi. M. Tihic n'a absolument

 24   contribué en rien à apporter le moindre élément prouvant l'existence d'un

 25   comportement systématique à Bosanski Samac. Il nous a simplement raconté

 26   l'histoire de sa vie et son destin personnel, et c'est tout. Quant à M.

 27   Fadil Banjanovic, il a également parlé d'un certain nombre de choses qui

 28   ont un rapport avec les crimes commis, mais cela se passait à deux mois

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  1   d'écart de la période où les volontaires du Parti radical serbe se

  2   trouvaient sur le territoire de Zvornik, et il n'a jamais vu ces

  3   volontaires à Kozluk. Donc deux témoins qui ont été emmenés ici sans la

  4   moindre nécessité. Ils étaient utiles pour ma cause, mais pas pour celle de

  5   l'Accusation. Ceci est un argument très puisant, à mon avis, pour indiquer

  6   qu'il n'y a aucune raison d'accorder un temps supplémentaire à l'Accusation

  7   pour la présentation de sa cause.

  8   Je pourrais vous citer d'autres exemples basés sur d'autres témoins,

  9   mais cela devrait suffire, je pense.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : De la part du Procureur, c'était une hypothèse

 11   de travail. Il est en train d'y réfléchir, mais bien entendu, s'il fait une

 12   requête en temps supplémentaire, il faut que la requête soit motivée. Bien

 13   entendu, dans ce type de demande il y a des explications qui sont fournies.

 14   La Défense, vous en l'occurrence, vous aurez également l'occasion de vous

 15   exprimer. Mais pour le moment, tout ceci est une hypothèse. Il n'y a donc

 16   rien de prévu. Et la Chambre n'est pour le moment saisi de rien. Voilà la

 17   question.

 18   Bien. Je vous remercie les uns et les autres. Je vous invite à nous

 19   revoir mardi prochain à 8 heures 15. Je vous remercie.

 20   --- L'audience est levée à 11 heures 40 et reprendra le mardi 9

 21   décembre 2008, à 8 heures 30.

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