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1 Le mercredi 10 décembre 2008
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 8 heures 31.
5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
7 l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.
9 Bonjour à toutes et à tous. Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre
10 Vojislav Seselj.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : En ce mercredi 10 décembre 2008, je salue toutes les
12 personnes présentes.
13 Je vais demander à M. le Greffier de passer pendant quelques instants
14 à huis clos.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
16 le Président.
17 [Audience à huis clos partiel]
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1 (expurgé)
2 [Audience publique]
3 M. LE JUGE ANTONETTI : On va attendre que les rideaux remontent.
4 Bien. Monsieur, donnez-moi votre nom, prénom et date de naissance.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Jovan Glamocanin, je suis né le
6 16 juin 1940 à Subotica.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession ou qualité actuelle ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis à la retraite, mais de par ma
9 profession, je suis juriste diplômé.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avez-vous déjà témoigné devant un tribunal
11 international ou national sur les événements qui se sont déroulés dans
12 l'ex-Yougoslavie ou bien c'est la première fois que vous témoignez ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je témoigne.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous demande de lire la déclaration
15 solennelle que M. l'Huissier vous a remise.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
17 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
18 LE TÉMOIN : JOVAN GLAMOCANIN [Assermenté]
19 [Le témoin répond par l'interprète]
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur, vous pouvez vous asseoir.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de commencer à vous poser des questions et à
23 vous donner quelques informations, je crois que M. Seselj avait une demande
24 à formuler.
25 Monsieur Seselj, est-ce que vous aviez quelque chose à dire ou vous n'avez
26 rien à dire pour le moment ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
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1 Monsieur -- que je vous explique plusieurs choses. Vous êtes témoin de la
2 Chambre, c'est-à-dire que c'est à la demande des Juges qui sont devant vous
3 que vous êtes venu. Je rappelle pour mémoire certains faits, et comme je
4 sais que vous êtes un juriste, vous allez tout de suite comprendre ce que
5 je vous indique.
6 Il est exact que dans le temps vous n'aviez pas demandé de mesures de
7 protection, c'est le Procureur qui, le 15 février 2005, avait fait une
8 requête à une autre Chambre, qui n'était pas celle-là, demandant des
9 mesures de protection, et dans les écritures à l'époque du bureau du
10 Procureur, il était allégué que vous craigniez des intimidations. C'est
11 dans ces conditions que des mesures de protection vous avaient été
12 accordées avec un pseudonyme, "VS-044." Par la suite, vous aviez indiqué au
13 bureau du Procureur que vous ne vouliez pas de mesures de protection. Le
14 bureau du Procureur vous avait retiré de sa liste des témoins 65 ter en
15 2007 parce qu'à l'époque, sur le plan procédural, l'acte d'accusation
16 dressé à l'encontre de M. Seselj avait été réduit, et que de ce fait, comme
17 l'acte d'accusation avait été réduit, il y avait des témoins qu'il n'était
18 plus nécessaire de faire venir. Donc vous aviez été retiré de la liste.
19 Par la suite, le Procureur a redemandé le rajout à cette liste, et la
20 Chambre, le 17 juin 2008, avait décidé de vous rajouter à la liste des
21 témoins.
22 Pourquoi les mesures de protection avaient été formulées ? On y reviendra
23 par la suite. C'est parce que vous aviez indiqué dans votre déclaration
24 qu'à un moment donné des personnes proches du Parti radical serbe aurait
25 essayé d'enlever votre fille ou votre femme, on ne sait pas trop, et que
26 vous aviez engagé des gardes du corps. C'est dans ce contexte que des
27 mesures de protection avaient été accordées. Puis par la suite est arrivé
28 toute une série d'événements, comme quoi vous faisiez part de certaines
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1 craintes à votre endroit, que vous aviez peur d'être assassiné, et que vous
2 ne vouliez plus témoigner.
3 Et arrive à ce moment-là un coup de théâtre, à savoir que vous allez
4 manifester publiquement le fait que vous seriez dorénavant témoin de la
5 Défense, à savoir témoin de M. Seselj. Et vous allez participer en
6 compagnie de M. Vujic, le 20 novembre 2007, à une conférence de presse où
7 vous allez publiquement déclarer que vous êtes maintenant témoin de M.
8 Seselj. Et vous allez ultérieurement même accorder une interview à une
9 revue "Pravda" dans laquelle vous mettez en cause l'Accusation, mais je
10 n'aborde pas ce problème.
11 Les Juges ont été placés devant ce problème inédit dans l'histoire de ce
12 Tribunal, à savoir qu'un témoin de l'Accusation se déclarait témoin de la
13 Défense, et donc il fallait que nous résolvions ce problème. Nous avons
14 estimé que nous pouvions le résoudre par une citation à comparaître, en
15 vous demandant de venir pour témoigner. Vous avez alors à ce moment-là été
16 convoqué par un juge à Belgrade, qui vous a informé de cela.
17 Et vous avez remis à ce moment-là, et vous m'aviez d'ailleurs envoyé à
18 l'époque, le 4 novembre 2008, un courrier où vous expliquiez que vous étiez
19 témoin de la Défense dans la mesure où vous estimiez que vos propos qui
20 avaient été recueillis pendant quatre jours en 2003 ne constituaient pas,
21 d'après vous, des éléments à charge contre M. Seselj, et que vous
22 prononciez pour être un témoin de la Défense, estimant que M. Seselj était
23 innocent des infractions qui lui étaient reprochées. Dans ces conditions,
24 nous avons maintenu notre citation à comparaître. Et c'est pour cela que
25 vous êtes devant nous, et heureusement que vous êtes devant nous, car si
26 vous n'étiez pas venu, Monsieur, nous aurions été obligés de dresser un
27 acte d'accusation à votre encontre pour outrage à la Cour, ce qui vous
28 aurait envoyé immédiatement en prison. Donc vous avez bien fait de répondre
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1 à notre citation à comparaître.
2 Le but est le suivant : nous, ce que nous voulons, c'est atteindre la
3 manifestation de la vérité, savoir exactement ce qui s'est passé dans cette
4 période des années 1991, 1992, 1993. Quelle a été l'implication du Parti
5 radical serbe dans certains événements, quel était le rôle des uns et des
6 autres et, notamment, de votre positionnement au sein de ce Parti radical
7 serbe. Voilà. Ce sont des questions que votre présence va nous permettre
8 d'aborder de manière calme, sereine, afin que l'audience se déroule le
9 mieux possible.
10 Pour vous donner par ailleurs d'autres éléments d'information, sachez que
11 les Juges - mais, moi, je vais commencer en premier - nous allons vous
12 poser toute une série de questions. Et je compte que ça va durer entre une
13 heure et demie et deux heures de temps. Après quoi, les parties,
14 l'Accusation et M. Seselj, auront chacun une heure pour vous poser des
15 questions qui leur paraîtront opportunes en la matière.
16 Avez-vous bien compris maintenant, Monsieur, dans quel esprit vous allez
17 témoigner ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
20 Questions de la Cour :
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, en premier, ce qui nous intéresse, c'est
22 de connaître un peu votre passé professionnel, et notamment les études.
23 Pouvez-vous m'indiquer très rapidement quel a été votre cursus
24 universitaire ?
25 R. J'ai d'abord fait des études à une école supérieure d'administration.
26 Par la suite, j'ai fait la faculté de droit, j'ai travaillé à des postes de
27 direction au niveau de l'économie et de l'administration de l'Etat. J'étais
28 secrétaire de deux entreprises : un domaine agricole et une entreprise de
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1 génie civil. J'ai aussi été directeur d'une grande usine, une usine
2 d'avions, Utva. J'étais chargé des affaires générales et j'étais membre du
3 directoire, à savoir du comité d'administration pour ce qui est des
4 affaires juridiques, et j'ai été député fédéral aussi.
5 Après avoir quitté le Parti radical serbe, je suis devenu passif, sur le
6 plan politique, mais j'ai jusqu'à présent rédigé une dizaine d'ouvrages
7 sérieux, trois études de grande envergure, et sept livres pour ce qui est
8 de l'organisation de l'Etat, de l'organisation du système politique.
9 Et ma préoccupation a été celle de la destinée du peuple serbe.
10 J'ai surtout œuvré à la recherche des spécificités des peuples slaves et
11 des pays slaves, et s'agissant de mes ouvrages, j'ai été déclaré membre de
12 l'académie des sciences spirituelles. En Crimée, à Sébastopol, et c'est une
13 académie qui a des ramifications en Russie, en Pologne, en Biélorussie, en
14 Serbie et en Tchéquie.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais revenir sur plusieurs points que vous venez
16 d'indiquer, mais concernant plus précisément vos études.
17 Vous étiez à l'Université de Belgrade où vous avez fait des études de
18 droit. Je présume que vous avez obtenu un doctorat, ou une licence. Quel
19 est le titre universitaire que vous avez eu ?
20 R. Non. C'est partant de mes ouvrages que je suis devenu membre de
21 l'académie des sciences, à titre de membre à part entière. Ce n'est pas une
22 académie de l'Etat. C'est une académie qui a été créée par des hommes
23 créatifs dans différents domaines.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Il a dû y avoir une erreur dans la traduction. Ce
25 que je vous demandais : vous avez fait des études à l'université, et je
26 voulais savoir si, dans vos études de juriste, vos études ont été
27 couronnées par un diplôme, soit de docteur en droit, soit une licence, une
28 maîtrise; quel est le diplôme que vous avez eu ?
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1 R. Oui. J'ai fait mes études à la faculté de droit de Belgrade. J'ai un
2 diplôme de juriste diplômé. Et s'agissant de ce que j'ai fait comme
3 ouvrages, c'est --
4 M. LE JUGE ANTONETTI : -- ouvrages, vous dites vous avez un diplôme de
5 juriste diplômé. Bon. Quelle était votre spécialité en droit, parce que
6 j'ai vu que vous aviez rédigé des articles --
7 R. C'est le droit en matière économique. J'étais dans la filière du droit
8 économique.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la filière du droit économique. Alors --
10 R. Je n'ai pas été dans le droit procédurier.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dans votre parcours professionnel, vous nous
12 avez expliqué que vous avez travaillé dans diverses entreprises, et j'ai
13 l'impression --
14 R. Et j'ai été aussi secrétaire d'une municipalité.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais avant d'aborder le volet politique, je
16 reste au niveau administratif.
17 J'ai l'impression que dans les différentes fonctions que vous avez
18 occupées, elles avaient la caractéristique, ces fonctions, d'être
19 principalement axées dans le domaine administratif, logistique ou
20 d'organisation. Etait-ce bien votre compétence principale en matière
21 administrative dans les différents emplois que vous avez
22 eus ?
23 R. Oui, mais j'ai aussi œuvré en matière de l'économie. J'étais dans le
24 directoire, à savoir comité d'administration de cette grande usine, grande
25 pour les circonstances de chez nous.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais maintenant aborder le volet politique. J'ai
27 cru comprendre qu'après avoir, comme tout citoyen, fait votre service
28 militaire dans la JNA, vous êtes rentré, en 1963, dans la Ligue des
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1 Communistes de Yougoslavie. Pouvez-vous me confirmer cela ?
2 R. C'est exact. Je suis devenu lié à cette Ligue des Communistes de
3 Yougoslavie. J'ai été membre du comité municipal et départementale de la
4 jeunesse fédérale pour la municipalité de Subotica.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Etiez-vous à l'époque un communiste convaincu
6 ou bien vous vous êtes affilié dans la Ligue des Communistes, parce que
7 c'était la seule voie qui permettait d'accéder à des fonctions de
8 responsabilité ?
9 R. Bien, voyez-vous, les juristes n'avaient pas beaucoup de choix à
10 l'époque. Ils avaient forcément fait partie du système politique et du
11 système économique en place, c'était l'une des motivations.
12 L'autre motivation, c'était le fait que cette Yougoslavie socialiste
13 et autogestionnaire était un Etat progressiste, respecté, et il fallait par
14 ses connaissances, par ses activités, aider au développement de cet Etat.
15 Cet Etat était un Etat réussi du point de vue économique et du point de vue
16 de la politique extérieure qui était la sienne. Ici, au Tribunal même, on a
17 souvent indiqué que nous avions eu une armée très capable et très bonne, et
18 que nous étions un Etat très progressiste à tout point de vue.
19 En ma qualité de citoyen d'un tel Etat, j'avais bien des raisons et
20 j'ai considéré aussi qu'il était de mon devoir d'apporter une contribution
21 qui était la mienne, plus ce qui était nécessaire pour gagner sa vie, son
22 quotidien. J'aimais cet Etat, j'aimais ce pays.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, pour apporter votre contribution à ce
24 pays que vous nous indiquiez aimer, vous avez pris des fonctions
25 municipales. Qu'est-ce qui vous a amené à rentrer dans le circuit de la
26 politique municipale ?
27 R. Bien, voyez-vous, au fil de ma carrière, je n'ai jamais été en
28 situation d'écrire des demandes ou de requêtes, de requérir quoi que ce
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1 soit, de solliciter quoi que ce soit. A chaque fois que j'ai changé
2 d'emploi, c'est à moi qu'on venait demander que j'occupe des fonctions plus
3 élevées, plus complexes. Jusque-là j'accomplissais avec beaucoup de succès
4 les fonctions qu'on m'avait confiées.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, c'est la raison pour laquelle vous êtes
6 rentré dans l'administration municipale ?
7 R. C'est exact.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, on va aborder maintenant votre engagement
9 politique avant votre arrivée dans le Parti radical serbe.
10 Pouvez-vous, de manière synthétique, m'expliquer quel a été votre parcours
11 politique, étant précisé que la Ligue des Communistes, vous allez
12 l'abandonner et vous lancer maintenant dans une action politique en
13 écrivant des articles, et cetera. Alors, pouvez-vous nous apporter des
14 éléments d'information sur votre engagement politique avant votre adhésion
15 au Parti radical serbe ?
16 R. Monsieur le Président, j'ai toujours été préoccupé par la destinée de
17 mon Etat, et notamment par la destinée du peuple serbe. Dans ma famille, il
18 y a eu beaucoup de tués au fil des guerres que nous avons eu à connaître.
19 Et dans toutes les guerres où le peuple serbe a pris part, il a beaucoup
20 souffert. En ma qualité de secrétaire d'une municipalité, ou plutôt, de
21 maire d'une municipalité dans le Banat à partir de 1974, à partir de la
22 promulgation de cette constitution de la Yougoslavie qui a transformé la
23 Yougoslavie en une communauté partiellement confédérale, j'ai pour ma part
24 tiré une conclusion qui était celle de dire qu'une telle communauté, ou
25 qu'une telle organisation de l'Etat était impossible pour avoir un
26 fonctionnement réussi.
27 La Yougoslavie a continué à fonctionner nonobstant ce fait, ce qui a été
28 intéressant à mes yeux et ce que j'ai trouvé inacceptable aussi, c'est que
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1 la Serbie ait été partagée en trois parties. Elle avait deux provinces qui
2 sont devenues tout à fait autonomes et qui s'appuyaient sur la fédération
3 de part de toute leur propre compétence. Et vis-à-vis de la Serbie en tant
4 que telle, il n'y avait que des liens formels. La constitution prévoyait,
5 la constitution yougoslave et la constitution serbe prévoyaient aussi la
6 possibilité de transférer des compétences vers la Serbie pour ce qui est
7 des compétences qui étaient attribuées de la constitution fédérale à ces
8 provinces, mais ça n'a fait que renforcer l'autonomie et le séparatisme au
9 sein des deux provinces.
10 Pour ce qui est de la Vojvodine, il n'y a pas eu de problèmes
11 interethniques de sérieux que j'aurais relevés, mais au Kosovo-Metohija il
12 y avait de gros problèmes. Et ces problèmes ont connu une escalade pendant
13 la crise de la Yougoslavie, et en ma qualité d'homme qui était en premier
14 lieu un patriote et non pas un homme politique, je me suis joint à un
15 mouvement visant à sauver la population serbe au Kosovo-Metohija et à faire
16 en sorte que le Kosovo-Metohija et la Vojvodine refassent partie intégrante
17 de la République de Serbie.
18 Dans cette option qui a été la mienne sur le plan émotionnel et sur
19 le plan de l'attitude rationnelle qui était la mienne au sein d'un peuple
20 serbe et des autres peuples, je ne me voyais pas favorable à des mauvais
21 traitements ou à un recours à la force ou à des discriminations vis-à-vis
22 de quelque peuple que ce soit. Et c'est la raison pour laquelle je me suis
23 joint à un moment que nous avions qualifié de Mouvement populaire serbe, ou
24 plutôt de Mouvement populaire pour une Serbie unifiée. Et j'ai été l'un des
25 dirigeants de ce mouvement pour la Vojvodine. Et c'est sur les ondes des
26 activités de ce mouvement que la Vojvodine et le Kosovo, en 1989, ont été
27 une fois de plus rattachés à l'organigramme de l'Etat de Serbie et ont
28 réintégré la constitution de la Serbie.
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1 En ma qualité d'intellectuel et d'individu, j'ai pris part à ce
2 mouvement, j'ai avancé des propositions par le biais des journaux et j'ai
3 été, je pense, le premier en Vojvodine pour ce qui est de l'acceptation de
4 ces amendements à la constitution de la Serbie, les amendements qui ont
5 restitué à la Serbie ses compétences vis-à-vis des deux provinces en
6 question.
7 Par la suite, j'ai rédigé une étude portant sur l'autonomie. Suite à
8 quoi, cette étude je l'ai élargie pour en faire un livre. Et je pense que
9 bon nombre d'hommes de science, dont une femme qui est venue témoigner ici,
10 Smilja Avramov, ont considéré que c'était le meilleur ouvrage rédigé sur le
11 territoire de l'ex-Yougoslavie pour ce qui est de la problématique des
12 autonomies.
13 J'ai fait partie de ce mouvement, et à quatre reprises, j'ai été
14 arrêté par la sécurité de l'Etat de l'époque. J'ai tenu bon parce que
15 j'étais convaincu que je me battais pour la bonne cause, parce que je me
16 battais pour le droit le plus élémentaire à la vie, à la liberté du peuple
17 serbe et de tous les citoyens de la Serbie et de la Yougoslavie. Et ça n'a
18 ---
19 M. LE JUGE ANTONETTI : -- il y a plusieurs pages de réponse à ma
20 question et comme le sujet est complexe, je vais le résumer.
21 Votre démarche semble être liée au constat suivant que vous aviez
22 effectué. Vous vous êtes rendu compte que la Vojvodine et le Kosovo-
23 Metohija étaient par rapport à la Serbie, des zones autonomes, quasi
24 autonomes et votre combat a été d'unifier tout cela au sein de la
25 République de Serbie. Et que partant de là, vous avez rédigé des articles
26 et vous vous êtes fait connaître. Et ce combat politique que vous avez
27 mené, mais principalement axé, semble-t-il, d'après ce que je comprends de
28 vos propos sur la situation au Kosovo-Metohija, vous a amené à avoir une
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1 envergure politique en Serbie.
2 Est-ce bien comme cela qu'on peut résumer votre action avant votre
3 rencontre avec le Parti radical serbe ?
4 R. Monsieur le Président, je dois préciser quelque chose, une question que
5 vous venez de poser.
6 Je ne combattais pas contre l'autonomie de la Vojvodine ou du Kosovo-
7 Metohija au sein de la Serbie. Plutôt, j'ai combattu contre le statut de la
8 Vojvodine et du Kosovo-Metohija où il y avait une indépendance totale de
9 ces provinces par rapport à la Serbie. Parce que les provinces avaient leur
10 propre constitution, leur propre police, leurs tribunaux, leur justice. La
11 Serbie n'avait que formellement quelques compétences sur ces provinces.
12 En outre, mon combat portait sur l'obtention d'un statut réel pour
13 ces provinces, parce que c'était une des conditions nécessaires pour le
14 fonctionnement de la Yougoslavie. Et dans le cadre de mon combat, moi-même
15 ou tous ceux qui ont pris part à mes côtés, n'ont pas remis en question la
16 Yougoslavie ou le fonctionnement de la Yougoslavie.
17 J'étais connu comme étant à la tête de cette organisation qui était
18 appelée l'Alliance de solidarité yougoslave. Et à l'époque, il n'y avait
19 pas encore de Parti radical serbe, il n'était pas encore créé. Et je suis
20 devenu membre du Mouvement chetnik serbe.
21 Mais --
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant d'arriver au Mouvement chetnik serbe. Je vais
23 rester en 1990.
24 Il semble qu'en 1990, vous avez créé un petit parti. Pouvez-vous nous
25 expliquer lequel.
26 R. Ce parti, il n'est pas un parti d'envergure. C'était une contribution
27 devant mener à ce que le gouvernement en place accepte la création de
28 nouveaux partis politiques, à savoir que l'on inaugure un système
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1 pluripartite. Et il y avait un mouvement populaire pour une Serbie unique,
2 et le régime de Slobodan Milosevic devait accepter cela. Nous avons eu des
3 entretiens avec Slobodan Milosevic, des entretiens qui ont duré six heures
4 et demie, et nos militants du Kosovo-Metohija y ont pris part. Lors de ces
5 entretiens, nous l'avons persuadé qu'il était nécessaire d'inaugurer un
6 système pluripartite en Serbie.
7 Les conclusions adoptées lors de cette réunion étaient qu'on n'allait pas
8 créer un parti. Mais nous étions persévérants, nous avons maintenu notre
9 décision de constituer notre parti. Ce qui est intéressant à ce sujet c'est
10 qu'il a été conclu lors de ces entretiens de ne pas créer de parti, mais
11 nous l'avons fait néanmoins. Une semaine plus tard, un communiqué a été
12 publié, quand ils ont vu que nous étions persévérants, qu'il fallait
13 autoriser les citoyens serbes à créer leurs propres partis politiques.
14 Donc c'est le rôle que nous avons joué. Nous avons été persévérants, la
15 Sûreté d'Etat de l'époque a, par tous les moyens, cherché à entraver notre
16 activité, mais nous n'avions pas de regrets, parce qu'un de nos objectifs a
17 pu être réalisé, que la démocratie pluripartite parlementaire soit mise en
18 place en Serbie.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors ce parti, si je me trompe, avait le titre de
20 Parti démocratique de la liberté dans votre langue, et vous m'excuserez la
21 prononciation, c'était "Demoktratska Stranka Slobode." C'était bien le
22 titre de ce parti ?
23 R. Oui, c'est cela, c'était ça le nom, le "Parti démocrate de la liberté."
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous apportez un élément intéressant, parce
25 que ça n'est jamais apparu jusqu'à présent.
26 En discutant avec M. Milosevic, vous avez essayé de lui faire comprendre
27 qu'il fallait qu'il s'engage dans un système politique de multipartisme. Et
28 c'est dans ce canevas que vous avez créé votre petit parti, mais
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1 apparemment ça ne devait pas lui plaire.
2 R. Voyez-vous, j'étais favorable à ce que la Serbie prenne l'initiative
3 pour restructurer l'Etat pour qu'il y ait une transition vers un système
4 démocratique, donc qu'on prenne l'initiative au sein de la Yougoslavie,
5 parce que la crise était déjà instaurée en Yougoslavie. Les Croates et les
6 Slovènes ont pris l'initiative finalement, et c'est ce qui leur a donné
7 l'avantage, dont ils se sont servis après en s'appuyant sur l'Allemagne, le
8 Vatican, les Etats-Unis d'Amérique, et cetera.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi n'avez-vous pas adhéré au Parti socialiste
10 de Serbie; pourquoi ?
11 R. Le Parti socialiste de Serbie, je ne suis pas devenu le membre de ce
12 parti, parce qu'il était créé d'une manière qui manquait de cohérence et de
13 conséquence. La Ligue des Communistes et l'Alliance socialiste s'étaient
14 transformés pour créer le Parti socialiste.
15 Je respecte les gens qui agissent par principe, qui suivent leurs
16 convictions et leurs principes et l'idéologie, mais pas seulement qui sont
17 mus par le désir d'arriver au pouvoir, et c'est cela qui s'est passé.
18 D'ailleurs, c'est ce qui s'est passé pratiquement dans tous les pays en
19 transition. Les ex-Partis communistes se sont transformés pour devenir des
20 Partis socialistes.
21 Moi-même j'étais d'avis qu'il fallait prôner la démocratie. C'est la
22 tradition familiale chez moi. Mon père a combattu pour la démocratie. A
23 l'issue de la Seconde Guerre mondiale il était un commandant chetnik. Les
24 Chetniks, ils étaient perçus sous un angle négatif. Je peux expliquer un
25 peu plus tard.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Maintenant on va s'approcher du cœur du sujet, qui
27 est votre adhésion au Parti radical serbe.
28 Pouvez-vous me dire à cette époque - nous sommes en février/mars 1991 -
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1 comment vous apparaît, vous, le Parti radical serbe et son dirigeant, M.
2 Seselj ? Quel impact ont-ils dans la vie politique à l'époque et qu'est-ce
3 qui va motiver votre adhésion à ce parti ?
4 R. M. Seselj, je l'ai rencontré en tant que président du Mouvement
5 libertaire serbe. C'est la première organisation politique qu'il a créée,
6 c'était un parti politique proyougoslave.
7 Et je me souviens bien qu'un de mes collaborateurs de Bosnie, Asim Delic,
8 était l'un des fondateurs de ce Mouvement libertaire serbe. C'était un
9 mouvement explicitement proyougoslave. Asim Delic a été actif en Bosnie, il
10 s'opposait à la bureaucratie en place, il demandait plus de libertés pour
11 les citoyens. Lui et Jevan Galijasevic et bien d'autres ont lancé ce
12 mouvement. Comment dirais-je, sur un plan politique ils ont pris
13 l'initiative de se battre pour une nouvelle Yougoslavie démocratique. Il
14 était donc aux côtés du Dr Vojislav Seselj et ils ont lancé un programme
15 politique de la défense des intérêts serbes, intérêts nationaux serbes,
16 mais au sein de la communauté yougoslave. M. Vojislav Seselj a maintenu
17 cette position jusqu'à la création du Mouvement chetnik, voire du Parti
18 radical serbe, et c'est de manière permanente qu'il a défendu ces
19 positions.
20 Mais bien entendu, à partir du moment où la Yougoslavie s'est effondrée,
21 lorsque des puissances étrangères et des agences de renseignement
22 étrangères s'y sont mêlées pour briser l'Etat commun, il a fallu qu'on se
23 penche sur les intérêts de notre propre peuple, il a fallu qu'on cherche à
24 élaborer un programme qui nous permettrait de défendre les intérêts de
25 notre peuple. Car sur la scène politique yougoslave, à savoir en Croatie,
26 en Slovénie, en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo-Metohija, on a vu agir des
27 forces destructrices qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, s'étaient
28 rangées aux côtés de l'Allemagne d'Hitler et aux côtés de Mussolini, et qui
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1 ont perpétré un génocide sur les peuples serbe et autres.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez donc longuement de nous dire
3 ce que pouvait incarner M. Seselj, mais derrière lui, je crois comprendre
4 que votre engagement n'est pas au niveau de M. Seselj, mais au niveau de
5 certaines idées, qui auraient permis au peuple yougoslave, mais dans sa
6 diversité, de faire face au démantèlement de l'ex-Yougoslavie.
7 En termes clairs et précis, pouvez-vous me dire à l'époque dans l'année
8 1991, 1990, quelles étaient les valeurs que le peuple serbe voulait
9 atteindre. Qu'est-ce qui était dans la ligne éventuelle d'un programme
10 politique rassemblant plusieurs personnes pour soutenir un projet ? Pouvez-
11 vous nous indiquer quels étaient les objectifs ?
12 R. Les objectifs, c'était de préserver la Yougoslavie en tant qu'Etat
13 stable, plurinational, sans que l'on remette en question les intérêts de
14 chacun des peuples yougoslaves et des minorités yougoslaves, en mettant sur
15 un pied d'égalité le peuple serbe au sein de cette communauté, car de toute
16 évidence le peuple serbe était expulsé du Kosovo-Metohija. Il y a eu
17 beaucoup de cas où des actes de violence ont été perpétrés contre le peuple
18 serbe. Voici à titre d'exemple un chiffre.
19 D'après le recensement de 1939, les Serbes et les Siptar, c'est-à-
20 dire les Albanais, ils étaient à peu près en nombre comparable, 10 000, 15
21 000 de moins de Serbes. D'après le recensement maintenant, pas de 1991,
22 mais -- les Serbes, leur nombre a diminué, il n'y en avait plus que 200
23 000, c'est-à-dire 300 000. Aujourd'hui, au Kosovo-Metohija, il ne reste
24 plus que 150 000 Serbes, voire moins que cela. Mais les Siptar, leur nombre
25 n'a pas diminué au Kosovo-Metohija, il y avait le pouvoir yougoslave et
26 serbe, mais c'est le nombre de Serbes qui a diminué. Et les Siptar, ils
27 avaient leur mouvement pour l'indépendance pour la Grande-Albanie, et ce
28 mouvement n'a pas vu le jour uniquement pendant qu'a existé la RSFY, mais
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1 également bien avant.
2 Je ne vais pas maintenant vous relater toute l'histoire et tout le péril du
3 peuple serbe face aux Siptar, mais toujours au sein des empires autres,
4 turcs, d'Hitler, de Mussolini, au temps de l'Etat communiste, et maintenant
5 au moment de la domination des Etats-Unis d'Amérique. Donc nous avons
6 toujours cherché à nous opposer à cela, à restituer une partie des
7 attributs d'Etat serbe et yougoslave sur le territoire du Kosovo-Metohija.
8 En 1981, lorsque la présidence yougoslave a pris la décision de faire venir
9 la police de toutes les républiques yougoslaves au Kosovo-Metohija, nous,
10 les Serbes, nous ne nous y sommes pas opposés, nous n'avons pas estimé
11 qu'on violait notre souveraineté, nous étions favorables à la Yougoslavie,
12 à la fédération yougoslave. Et notre mouvement pour une Serbie unique, ce
13 mouvement était véritablement un mouvement proyougoslave. Et M. Seselj, je
14 l'ai rejoint parce qu'il était à la tête du Mouvement chetnik-serbe, parce
15 que ce mouvement avait dans son programme la préservation de la
16 Yougoslavie, la création d'un système pluripartite parlementaire, d'une
17 démocratie parlementaire. Et aussi le capitalisme sur des bases du
18 programme du commandant chetnik, Draza Mihajlovic, de la Seconde Guerre
19 mondiale.
20 Et Draza Mihaljlovic, on dit toutes sortes de choses à son sujet, des
21 choses qui ne sont pas exactes. C'est un officier formé, diplômé de
22 l'académie militaire avec Charles de Gaule, la même promotion. Il a fait
23 l'académie à Paris, et son programme était quasiment identique au programme
24 de la résistance de Charles de Gaule. Et Draza était un démocrate, mais le
25 malheur c'est que nous avions deux mouvements pendant la Seconde Guerre
26 mondiale.
27 Et le malheur, c'est que dans notre fédération yougoslave, il y a eu
28 toujours des ingérences étrangères, avec leurs centres en Allemagne et au
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1 Vatican. Et je pense que M. Seselj a très bien étudié cette problématique.
2 Il l'a étudié et exposé dans ses livres de manière exhaustive.
3 Et vu ces positions, j'ai adhéré au Mouvement chetnik-serbe qui avait
4 pour président M. Seselj.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous nous avez indiqué les raisons qui
6 vous ont conduit à adhérer au mouvement présidé par M. Seselj. Si je dois
7 retenir deux temps forts dans ce que vous venez de dire.
8 Le premier semble être la situation du Kosovo-Metohija qui, pour un Serbe,
9 est un véritable problème. Car d'après les chiffres que vous indiquiez,
10 vous aviez l'impression que le nombre des Serbes diminuait dans cette
11 région, et que pour vous c'était un problème d'essence nationale.
12 Le deuxième problème que vous semblez soulever et qui explique votre
13 engagement et votre adhésion au Mouvement chetnik, c'est le fait que,
14 d'après vous, il y a eu des ingérences étrangères. Et vous en ciblez deux
15 particulièrement, l'Allemagne et le Vatican. Et vous dites que ceci a été
16 décrit dans les ouvrages de M. Seselj.Donc vous allez adhérer au Mouvement
17 chetnik.
18 Pouvez-vous m'indiquer à ce moment-là, que représentait-il au sein de
19 la communauté serbe en termes d'effectifs et en termes d'éventuel acteur
20 politique majeur ? Que pouvait représenter ce Mouvement chetnik-serbe à
21 l'époque ? Alors qu'il y a Milosevic, et le Parti socialiste de Slobodan
22 Milosevic. Que représentait ce Mouvement chetnik dans l'échiquier politique
23 ?
24 R. Ce mouvement, sur un plan moral avait beaucoup d'importance. Il
25 réveillait un sentiment de solidarité serbe. Il mettait en exergue la
26 vérité, à savoir qu'il fallait qu'on prenne conscience de la réalité de la
27 situation. Il soulignait les dangers qui pesaient sur l'état commun, et en
28 particulier les dangers qui menaçaient le peuple serbe.
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1 L'objectif du Mouvement serbe n'était pas d'ailleurs de créer un conflit
2 avec Milosevic, mais nous étions convaincus que Milosevic était favorable
3 au maintien de la Yougoslavie, tout en sachant que Milosevic souhaitait se
4 maintenir au pouvoir, qu'il souhaitait transformer son pouvoir dans la
5 mesure et de la manière qui lui permettrait à lui de maintenir sa position,
6 de se maintenir au pouvoir. Nous ne voulions pas briser la Yougoslavie,
7 tout au contraire, nous voulions préserver la Yougoslavie, mais nous
8 souhaitions éveiller une prise de conscience et une perception réaliste au
9 sein du peuple serbe, de la situation, et nous voulions nous apprêter à
10 défendre la Yougoslavie et le peuple serbe.
11 Et je dois vous dire que les traditions du Mouvement chetnik sont en fait
12 des traditions du peuple serbe qui découlent du Kosovo, donc on est prêt au
13 sacrifice, on est prêt à défendre le peuple serbe, on est prêt à défendre
14 la confession orthodoxe. Ce sont ça les valeurs du Mouvement chetnik. Donc
15 nous devions défendre notre confession qui a été mise en péril par
16 l'arrivée des Turcs, et aujourd'hui aussi.
17 Parce que, par exemple, au Monténégro, on nous impose une nouvelle
18 confession, alors qu'il n'y a pas de base réelle, je veux dire ni
19 confessionnelle, ni réelle, ni dogmatique, ni autre de changer de
20 confession. Donc c'était ça notre objectif. Puis il y a une autre tradition
21 du Mouvement chetnik, de l'esprit libertaire serbe, c'est un combat
22 chevaleresque, ce n'est pas un combat contraire au code d'honneur, lorsque
23 vous prenez connaissance des chants épiques serbes, vous voyez quelle est
24 la perception du héros serbe, du héros qui combat pour la liberté serbe. Et
25 aussi l'esprit de noblesse dans le combat; de noblesse dans le sens où les
26 blessés, les impuissants ne doivent pas être tués, on n'a pas le droit de
27 tuer des civils. C'est un combat contre l'ennemi, un combat contre celui
28 qui veut abattre ton peuple et qui de manière générale veut malmener et
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1 tuer des gens.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, il se trouve que nous avons eu plusieurs
3 témoins qui sont venus - je ne parle pas des intellectuels - mais nous
4 avons eu des gens qui avaient une éducation moyenne, qui sont venus nous
5 expliquer pourquoi ils avaient adhéré au Mouvement chetnik ou au Parti
6 radical serbe. Et ces gens, qui n'ont pas fait des études brillantes comme
7 vous ou qui ont eu des responsabilités majeures, beaucoup nous ont dit
8 qu'en réalité ils avaient adhéré à ce mouvement pour des raisons liées au
9 rétablissement de la monarchie, car c'était des monarchistes, ils voulaient
10 le retour du roi. Et plusieurs nous l'ont dit.
11 Que pensez-vous de ce courant monarchiste au sein de ce Mouvement chetnik
12 qui -- et nous avons eu plusieurs témoins qui nous l'ont clairement
13 affirmé. Et même, pour tout vous dire, on a l'impression qu'en quelque
14 sorte ils n'ont pas très bien compris quel était l'objectif final
15 recherché, eux, ils voulaient le retour du roi, un roi en Yougoslavie.
16 Alors que pensez-vous de cela ?
17 R. Voilà ce que je pense : le royaume, le roi, c'était plus un symbole du
18 changement du système social, donc le fait d'abandonner le communisme et de
19 mettre sur pied une démocratie parlementaire pluripartite et tout ce que
20 cela apporte à une nouvelle société. Mais je vais vous dire quelque chose,
21 notre prince héritier, Aleksandar Karadjordjevic, lorsqu'il est arrivé en
22 Serbie, il a perdu toutefois toute confiance des monarchistes que ce serait
23 la bonne solution. Parce qu'il ne connaissait pas sa langue maternelle, il
24 ne l'a pas apprise. Je n'aimerais dire du mal de mon roi, mais il ne
25 semblait pas être vraiment très intelligent, et son comportement n'était
26 pas quelque chose qui ressemblait au comportement des rois européens. Il
27 s'est mis dans des situations ridicules, il semblait maladroit et il
28 n'inspirait pas confiance qu'il pourrait contribuer de manière positive à
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1 son peuple ou à son Etat, donc dans un premier temps il y a eu un souhait
2 d'avoir un roi qui allait considérablement aider à transformer la société,
3 qu'il allait contribuer à ce que la démocratie se développe, et très vite
4 on a perdu cette confiance; et bien sûr, M. Seselj a été le premier d'entre
5 nous à le comprendre, parce qu'il a eu l'occasion de mieux connaître le roi
6 de plus près.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il semblerait que M. Seselj était aussi
8 inspiré par Nikola Pasic. Pouvez-vous nous dire qui était Nikola Pasic ?
9 R. Nikola Pasic était le plus grand politique serbe du XIXe siècle et du
10 XXe siècle. C'était un combattant persévérant, conséquent, pour les
11 intérêts de son Etat, de son peuple, et aussi pour la démocratie. Il était
12 royaliste convaincu. Il respectait le royaume, mais il a rencontré de
13 grands problèmes avec tous, avec le roi Milan et avec le roi Aleksandar
14 Obrenovic également, ainsi qu'avec celui - comment il s'appelle -
15 Karadjordjevic, Petar et Aleksandar, et il est décédé après avoir été reçu
16 par le roi Aleksandar, le roi Aleksandar 1er, Karadjordjevic, il a insulté
17 Nikola Pasic, l'a blessé à cause du comportement de son fils.
18 Mais quoi qu'il en soit, Nikola Pasic a laissé une empreinte très forte
19 dans l'histoire du peuple serbe, un acquis très important sur le plan d'une
20 démocratie conséquente à laquelle il s'était dédié, et en fin de compte
21 Nikola Pasic est le premier homme politique qu'on doit remercier de tout ce
22 que le peuple serbe a pu obtenir lors des guerres balkaniques, la Première
23 Guerre mondiale, lorsque notre contribution a dépassé notre force réelle et
24 notre taille réelle. Le monde occidental, tout le monde libre a reconnu
25 notre contribution fantastique, et en particulier grâce à l'alliance avec
26 le peuple français, l'Etat français.
27 Mais hélas, pendant cette dernière guerre, tout s'est retourné, s'est
28 inversé, parce que des forces destructrices de l'Europe occidentale et aux
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1 Etats-Unis d'Amérique ont agi autrement.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, Nikola Pasic était une
3 personnalité politique qui insufflait la notion de démocratie. C'était un
4 grand démocrate, si vous deviez résumer cette personnalité et l'apport
5 qu'il a pu apporter à M. Seselj.
6 R. Exact. Mais Nikola Pasic a donné la plus grande contribution aux
7 traditions démocratiques serbes, mais aussi au sein de la défense de la
8 souveraineté nationale. Après l'ultimatum lancé par l'Autriche-Hongrie à la
9 Serbie, et cet ultimatum avait pour objectif que la Serbie le rejette en
10 juillet 1914. Il a accepté toutes les exigences si ce n'est une, à savoir
11 que la police autrichienne puisse mener des enquêtes en Serbie, donc il a
12 montré comment on défendait la souveraineté d'un Etat. Donnez-moi un
13 exemple, comment est-ce qu'on a une souveraineté, quelle souveraineté on a
14 en Serbie avec nos amis occidentaux, Javier Solana et les renseignements
15 américains décident qui seront nos ministres, qui sera à la tête de notre
16 gouvernement, quel serait notre système monétaire, et cetera. Donc nous
17 faisions confiance à l'occident --
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous abordez une situation politique actuelle, moi,
19 pour le moment je suis plongé dans le passé. Et je suis dans les années
20 1991-1992. Alors --
21 R. Avec Pasic.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Avec Pasic. Et donc je ne suis pas avec M. Solana
23 pour le moment.
24 Alors revenons à cette période. Vous adhérez au Parti radical serbe. Et je
25 crois comprendre que vous allez être nommé à un poste de responsabilité au
26 sein de l'équipe dirigeante du Parti radical serbe. Est-ce vrai ?
27 R. S'agissant de cette assemblée fondatrice du Parti radical serbe, j'ai
28 été élu membre du comité principal. Je me suis joint aux activités et au
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1 fonctionnement du Parti radical serbe au mois de décembre [phon], parce que
2 j'avais à finir d'abord celles des activités que j'avais dans le Mouvement
3 populaire pour une Serbie unifiés. Ce mouvement intervenait encore jusqu'en
4 1991, jusqu'à mi-1991. Et c'est là que je me suis vu confier la fonction de
5 président du comité régional pour le Banat. C'est ainsi que s'était
6 organisé sur le plan interne le Parti radical serbe, par régions, avec une
7 instance centrale.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : La région du Banat est située à quelle distance de
9 Belgrade ?
10 R. Bien, le Banat c'est à côté de Belgrade. Pancevo c'est à 12 kilomètres
11 à peine de Belgrade, c'est là que je réside. Sur le plan géographique
12 strict, le territoire de la ville de Belgrade englobe une petite partie du
13 Banat.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc c'est très proche de Belgrade. Vous avez parlé
15 de la localité de Pancevo, et j'ai cru comprendre que vous aviez organisé
16 la première venue de M. Seselj dans cette localité. Pouvez-vous le
17 confirmer.
18 R. Oui. M. Seselj a tenu une tribune publique en sa qualité de président
19 du Mouvement chetnik-serbe, et par la suite en sa qualité de président du
20 Parti radical serbe. Je l'ai fait autant que faire se pouvait du point de
21 vue du temps et des obligations de tout un chacun avec un grand plaisir, du
22 reste.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous étiez donc, si je comprends bien,
24 présent quand M. Seselj a fait son discours à
25 Pancevo ?
26 R. Oui, j'étais présent.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pouvez-vous me dire comment M. Seselj, en
28 homme politique, participait à un discours ? Comment cela était-il organisé
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1 ? Avait-il des discours préparés ou bien improvisait-il ses discours ? Est-
2 ce qu'il établissait un contact très proche avec les participants à la
3 réunion politique ? Etait-ce un tribun ? Pouvez-vous nous définir, en
4 quelques phrases, M. Seselj dans son activité d'homme politique tenant un
5 discours ?
6 R. Pour ce qui est de M. Seselj, je ne pense pas qu'on puisse parler
7 d'improvisation. Il a beaucoup de connaissances et il planifie ses
8 interventions en public. M. Seselj peut être inspiré par une présence plus
9 grande au meeting, mais M. Seselj ne sort jamais du cadre de son programme
10 ou du cadre de ses convictions. Il sait établir le contact avec
11 l'auditoire. Il sait susciter dans le public et dans notre peuple de
12 l'enthousiasme. Il peut aussi susciter de l'enthousiasme chez les membres
13 des autres groupes ethniques ou des minorités nationales. Il ne parle
14 jamais en termes de conflits de groupes ethniques. Il ne parle pas de
15 discrimination de peuples. Il ne parle pas de persécutions ou de génocide.
16 Il parle de la solution des problèmes. Il pointe du doigt la situation
17 réelle. Il ne parle pas comme la plupart des hommes politiques, d'un point
18 de vue de l'intérêt de la politique du jour. Mais il parle du point de vue
19 de la situation réelle, des conséquences potentielles, et il propose des
20 solutions.
21 S'agissant donc de M. Seselj, il n'y a pas d'improvisation au sens propre
22 du terme. Il y a de l'inspiration, certes, mais M Seselj a une volonté très
23 forte, et il sait se maîtriser, il sait maîtriser sa pensée et sa façon
24 d'exprimer sa pensée.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce à dire que quand M. Seselj tient un discours
26 - et si je vous pose la question c'est que les discours de M. Seselj sont
27 très importants dans cette affaire - quand il tient un discours, est-ce à
28 dire que le discours a déjà été travaillé, préparé par lui ou des
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1 collaborateurs, et que donc quand il tient une tribune publique, tout ce
2 qu'il dit est déjà calibré, pensé, réfléchi, et qu'il n'y a pas trace à
3 l'improvisation de dernière minute ?
4 R. Non. Monsieur, ce n'est pas ce que je voulais dire. C'est que M. Seselj
5 ne sort jamais du cadre de ses principes et de ses convictions, de ses
6 positions, des conclusions auxquelles il a abouti de par sa réflexion.
7 Maintenant, pour ce qui est des préparatifs, Seselj n'avait pas de
8 collaborateurs à même de l'aider pour ce qui est de la préparation de ses
9 discours. Seselj est au-delà de tous les autres, il a plus de connaissances
10 que tous les autres et il est le seul à avoir de la vision du point de vue
11 de la direction du Parti radical serbe pour ce qui est du temps où j'en
12 étais membre.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, quand M. Seselj allait tenir
14 un meeting ou un discours politique, il arrivait - et vous me pardonnerez
15 l'expression - les mains dans les poches, mais il se lançait dans un
16 discours qui, en tout état de cause, reflétait fidèlement ses idées ?
17 R. Tout à fait, ses convictions et le programme du Parti radical serbe.
18 Bien entendu, le programme c'est en majeure partie lui qui l'a rédigé.
19 C'est le fruit de ses idées et de ses réflexions à lui.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors votre réponse sur le programme et le
21 Parti radical serbe me permet maintenant de basculer dans le fonctionnement
22 interne du Parti radical serbe.
23 D'après ce que j'ai compris, entre votre adhésion et votre départ du 7
24 octobre 1994, vous aviez été vice-président dans ce parti, chargé de
25 l'organisation et du personnel. Et que le parti avait également des
26 structures au niveau des républiques. A savoir que le Parti radical serbe,
27 d'après ce que je peux comprendre du système, avait des personnes dans les
28 autres républiques. Est-ce bien comme cela que le Parti radical serbe
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1 fonctionnait ?
2 R. C'est exact. Le Parti radical serbe existait pour la République de la
3 Krajina serbe, pour la Republika Srpska et pour le Monténégro aussi. Ces
4 partis-là intervenaient de façon unifiée. Il y avait concertation entre les
5 présidents, à savoir les directions de ces partis avec le Dr Vojislav
6 Seselj et avec nous autres aussi. Nous avions un programme conjoint. Mais
7 ces partis étaient enregistrés chacun dans leur propre Etat conformément à
8 la législation de ces Etats. La coordination des activités était sérieuse,
9 mais ces partis intervenaient de façon autonome aussi au sein des
10 parlements dans ces trois autres Etats serbes.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous m'indiquer quel était le responsable du
12 Parti radical serbe au niveau de la Republika Srpska et quel était le
13 responsable au niveau de la Krajina ? Quelles étaient les deux
14 personnalités à la tête du Parti radical serbe dans ces deux régions ?
15 R. Je me souviens qu'en Republika Srpska, c'était Poplasen, le Pr
16 Poplasen. J'ai oublié son prénom. Dans la Republika de la Krajina serbe,
17 c'était Rade Leskovac, un journaliste notoirement connu. Au Monténégro,
18 Acim Visnjic. Je ne sais plus qu'il y avait encore quelqu'un. Radovan --
19 L'INTERPRÈTE : [inaudible]
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le cadre du fonctionnement du Parti radical
21 serbe, est-ce que M. Seselj tenait des réunions politiques de travail avec
22 ses proches, vice-président ou le secrétaire général dont nous avons eu le
23 plaisir de voir il y a quelque temps, ainsi que des responsables dans les
24 différentes républiques ? Est-ce qu'il y avait des réunions à haut niveau
25 réunissant l'ensemble des acteurs ?
26 R. Oui, il y a eu des réunions. M. Seselj avait coutume de consulter nous
27 autres, les présidents, vice-présidents. Il a soutenu le fonctionnement ou
28 appuyé tout le fonctionnement de toutes les instances du parti conformément
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1 au statut. L'une des caractéristiques de ce Parti radical serbe, c'est
2 justement le fait que M. Seselj dominait au sein du parti, mais non pas
3 partant d'une menace ou de moyens non démocratiques, mais partant de ses
4 connaissances, partant de la force de sa parole. C'est lui qui en sait le
5 plus long, qui travaille le plus. C'est lui qui est capable d'apporter tous
6 les efforts possibles. Et nous le respections tous.
7 Pour ce qui est de certaines personnes, je dirais que Seselj est mal
8 compris, parce qu'il parle très fort, parce que des fois il pousse des
9 coups de gueule. Mais une personne qui travaille autant, qui est si
10 créatif, finit bien par se fatiguer.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous me confirmez qu'il y avait donc des
12 réunions. Est-ce réunions auxquelles vous avez dû
13 participer ? Est-ce qu'il y avait quelqu'un qui tenait un compte rendu de
14 la réunion ou c'étaient des réunions sans compte rendu ?
15 R. Il y a eu des concertations de travail avant des réunions, notamment
16 lorsqu'il s'agissait d'une tribune où l'on devait se rendre ou alors au
17 niveau de comités municipaux ou lorsqu'il s'agissait de missions concrètes,
18 on n'avait pas besoin de procès-verbaux. Il y avait concertation pour
19 savoir qui irait où, qui parlerait de l'économie, qui parlerait de la
20 politique sociale, de la politique étrangère, et cetera. Mais au comité
21 principal, aux instances où le statut le prévoyait, il y a toujours eu un
22 procès-verbal.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a toujours eu un procès-verbal. Et si les
24 procès-verbaux existent, ils sont normalement dans les archives du Parti
25 radical serbe, je présume.
26 R. Du comité principal, du comité exécutif, certainement pour ce qui est
27 de l'administration patriotique centrale, ça existe sûrement, bien que
28 personnellement je n'ai pas été chargé des PV.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : On y reviendra plus longuement. Mais sur la question
2 des volontaires du Parti radical serbe, je présume que quand la décision a
3 été prise au niveau du Parti radical serbe d'envoyer des volontaires sur
4 les différents fronts, est-ce qu'il y a eu une réunion sur ce sujet; et si
5 oui, étiez-vous présent ?
6 R. Lorsque j'ai pris une part active au fonctionnement du Parti radical
7 serbe, à savoir au mois de septembre, je suis tombé sur des activités
8 intenses pour ce qui est de l'organisation du départ des volontaires dans
9 les unités de la JNA et de la Défense territoriale. Il y a eu donc
10 organisation à des fins de guerre.
11 Bien sûr, il y a eu des conversations, des entretiens à l'occasion de
12 nos réunions pour ce qui est de la participation de ces volontaires. Mais
13 voyez-vous, nous n'avions pas de QG de guerre. Si, de par son appellation,
14 qui disposait d'un certain matériel ou qui procédait à un commandement, ou
15 plutôt de la gestion d'affaires liées à la guerre.
16 J'ai organisé pour ma part le départ des volontaires du territoire du
17 Banat. Nous l'avons fait comme suit : le QG de guerre à Belgrade nous
18 faisait savoir que la JNA, en premier lieu, ensuite l'armée de la Republika
19 Srpska Krajina ou de la Republika Srpska tout court, avait besoin d'un
20 certain nombre de volontaires. Alors, nous faisions appel à nos volontaires
21 et nous les envoyions jusqu'à Belgrade. De là, ils partaient vers Bubanj
22 Potok ou que sais-je ? Ce qui est spécifique pour ce qui est de l'envoi de
23 ces volontaires, c'est que presque toujours nous avons pris les volontaires
24 à l'église pour se confesser, comme le demande la tradition serbe avant la
25 bataille du Kosovo. Avant la bataille du Kosovo, l'armée serbe est allée à
26 l'église, et les prêtres ont parlé de la nécessité de défendre le peuple
27 serbe mais qu'il fallait faire la guerre de façon chevaleresque et qu'il
28 fallait faire preuve de noblesse.
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1 Et je pense avoir été une fois ou deux fois présent lorsque M.
2 Seselj, lors d'un départ d'un nombre grand, d'un grand nombre de
3 volontaires. Il n'a jamais dit, "Allez abattre les Croates, soyez
4 impitoyables," comme cela fait partie de la tradition de certains grands
5 peuples européens, ou chose de ce genre. Il a constamment
6 dit : "Vous devez défendre le peuple serbe, le peuple serbe doit subsister
7 sur ses terres. Mais vous devez vous battre comme vos prêtres, de façon
8 chevaleresque depuis Kosovo à nos jours. Il faut être noble vis-à-vis de
9 l'ennemi et il ne faut pas commettre de mal."
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Une question qui vient tout de suite à l'esprit d'un
11 observateur extérieur ou des Juges.
12 Pourquoi dans la Défense de la Yougoslavie, telle qu'elle existait à
13 l'époque, la Défense n'incombait pas à la JNA, à l'armée populaire,
14 pourquoi avoir recours à des "volontaires" qui vont partir, tels des
15 chevaliers du Moyen Âge après avoir eu une onction religieuse, partir au
16 combat ? Pourquoi prendre ce type d'individus alors que l'essence même dans
17 un pays quelconque c'est que les forces armées relèvent de l'Etat central ?
18 Pourquoi intégrer cette notion de volontaires ? Pouvez-vous nous éclairer ?
19 Enfin, on a eu beaucoup déjà d'éléments, mais comme vous venez, je vous
20 pose évidemment la même question.
21 R. Bien, voyez-vous, Monsieur le Président, la Yougoslavie, elle n'a pas
22 succombé en trois jours, ça été un processus. Au fil de ce processus, il y
23 a eu activité destructrice de bon nombre de forces. D'abord il y a eu un
24 mouvement au niveau de la Slovénie tout entière pour faire sécession de
25 façon unilatérale, sans respecter la procédure prévue. Ils ont même abattu
26 des soldats à nous. Ils n'ont pas permis à leurs recrues de rejoindre les
27 rangs de l'armée populaire yougoslave. Il en est advenu de même avec la
28 Croatie. Et même en Serbie, nous avons eu des activités destructrices. Nous
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1 avons eu un Vuk Draskovic qui conviait les recrues de la Serbie centrale de
2 Kragujevac, de Valjevo et autres localités, de ne pas aller dans les rangs
3 de la JNA.
4 Alors, si nous étions en temps de paix, ce serait fait de façon
5 raisonnable, mais d'une part on tuait le peuple serbe, les formations
6 paramilitaires étaient en place. La Yougoslavie existait encore, la JNA
7 telle qu'elle existait encore, mais le peuple serbe était menacé, et
8 d'autres peuples aussi. Et la JNA, il fallait une assistance complémentaire
9 de la part de ceux qui voulaient bien aller se battre.
10 C'est sur ces bases-là que des volontaires de Serbie, prêtant foi au
11 Parti radical serbe, prêtant foi au Dr Seselj, sont allés par le biais de
12 ce Parti radical serbe. Ils auraient pu y aller directement en passant par
13 la JNA. Cependant, ils avaient une foi tout à fait particulière à l'égard
14 du Dr Seselj, parce que c'est en temps utile qu'il avait indiqué tout ce
15 qui se passait et se produisait à l'époque.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous-même, vous nous avez dit que vous aviez
17 personnellement organisé le départ de volontaires serbes du Banat, donc
18 c'est un sujet que vous connaissez bien. A votre connaissance, ces
19 volontaires qui partaient et qui étaient armés par la JNA, parce que ce
20 n'est pas vous qui leur donniez des armes, vous ne leur donniez pas
21 d'armes; ils étaient placés, d'après vous, sous quelle autorité ou
22 commandement ?
23 R. Sous le commandement de la JNA. Le Parti radical n'avait pas ces
24 formations, pas ces commandants, ces chefs, aucun organigramme d'unités
25 militaires, et n'avait pas de personnel sachant le faire, il ne participait
26 pas par le biais de ses affiliés aux opérations de combat. Nous nous sommes
27 chargés de la partie civile du départ des volontaires en guerre.
28 Et par la suite, nous avons veillé, une fois ces volontaires revenus chez
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1 eux, notamment nous avons veillé à ce que ces volontaires blessés ou tués
2 bénéficient d'une aide. Et nous avons collecté de l'aide, il y a beaucoup
3 de directeurs de compagnies qui nous aidaient. Pour moi, j'avais des
4 facilités à Pancevo, parce que j'étais collègue de certains nouveaux
5 directeurs de sociétés. Et souvent, ils accordaient de l'aide aux familles
6 des combattants tués. Et nous résolvions le problème des années de
7 contribution pour la retraite. C'était l'Etat, c'était les instances de
8 l'armée qui s'en chargeaient; mais nous apportions notre contribution pour
9 ce qui était d'aider ces combattants.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je pourrais vous présenter des documents sur la
11 logistique et sur l'aide que vous apportiez à ces volontaires. Ce n'est pas
12 la peine, il y a des documents qui ont déjà été admis. Je préfère aller,
13 moi, aux questions essentielles.
14 Si je comprends bien, ces volontaires qui partaient, qui étaient sous
15 commandement de la JNA ou des Défenses territoriales, il y avait néanmoins
16 toujours une liaison avec le Parti radical serbe concernant la situation de
17 ces volontaires, ne serait-ce quand ils étaient blessés, quand ils étaient
18 tués, quand ils avaient des difficultés à avoir de l'argent, d'être payés,
19 et cetera. Est-ce que vous pouvez me confirmer qu'il y avait une forme de
20 maintenance ou de suivi de ces volontaires au niveau du Parti radical serbe
21 ?
22 R. Il y avait seulement un suivi du point de vue de l'assistance sociale
23 de notre part, vis-à-vis de ces gens. Ils figuraient sur des listes de
24 volontaires établies avant le début du conflit, on les conviait à venir.
25 Bon nombre d'entre eux étaient des membres du Parti radical serbe. Certains
26 faisaient partie de la direction du parti. Mais c'était, savez-vous, fait
27 dans des circonstances et dans une ambiance de disponibilité pour ce qui
28 était d'aider à la défense de son peuple, de la vie du peuple, des biens
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1 appartenant à son propre peuple dans les régions sous l'emprise des
2 combats.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me décrire le fonctionnement du "War
4 Staff" qui était dirigé par Petkovic ? Pouvez-vous m'indiquer quels sont
5 ceux qui constituaient ce "War Staff" ?
6 R. En sus de M. Petkovic, je me souviens de Rankic aussi, mais à mes yeux,
7 ces gens ne faisaient pas figure de combattants ou d'officiers, de
8 guerriers, dirais-je. C'était plutôt des individus qui s'employaient de
9 façon ardente à l'accomplissement de leur travail visant à aider au départ
10 des volontaires, visant à aider leurs familles autant que faire se pouvait.
11 Cela faisait figure de service qui intervenait dans le cadre d'une
12 organisation des départs en vue de la défense, accueil des volontaires. En
13 aucune façon, ils ne faisaient figure de commandants ou d'officiers ou de
14 connaisseurs en matière d'art de la guerre, et ce n'était véritablement pas
15 cela, ces gens-là. Nous, dans le Parti radical serbe, et encore moins le Dr
16 Vojislav Seselj, nous n'avions pas la prétention de l'être.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais prendre un exemple très précis, qui est
18 Vukovar.
19 Nous savons, parce qu'on a eu des témoins, on a eu des éléments de preuve,
20 que des volontaires du Parti radical serbe étaient dans une unité à
21 Vukovar. Quand des volontaires du Parti radical serbe étaient dans des
22 zones de combat, comme Vukovar, est-ce que vous, au niveau -- à Belgrade,
23 vous saviez ce qui se passait en temps réel sur place sur les opérations de
24 combat, les décisions qui étaient prises, ou vous ne le saviez pas, et tout
25 ce que vous saviez, c'était que X, Y ou Z avait été blessé ou tué et qu'il
26 fallait rapatrier leurs corps ou les mettre à l'hôpital à Belgrade, et
27 cetera ? Pouvez-vous m'apporter des renseignements à partir, par exemple,
28 du cas de Vukovar ?
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1 R. Monsieur le Président, je vais vous dire que j'étais l'un des plus
2 proches collaborateurs du Dr Vojislav Seselj. Et véritablement, je ne sais
3 rien du tout des événements sur les champs de bataille. Je sais ce que vous
4 avez évoqué dans le deuxième volet de votre question, à savoir les
5 personnes tuées, les personnes qui sont revenues. C'est là que j'ai des
6 connaissances.
7 Nous, au sein du Parti radical serbe - et je suis certain que c'est le cas
8 du Dr Vojislav Seselj - nous n'avons pas eu à connaître des opérations; et
9 pour nous, cela n'avait pas d'importance, ce n'était pas pour nous
10 l'essentiel. L'essentiel, pour nous, c'est qu'il y avait une force au
11 niveau du front, la JNA, la Défense territoriale, qui était là-bas pour
12 défendre notre peuple, et nous étions là pour l'y aider.
13 Le Dr Vojislav Seselj est une personne conséquente du point de vue du
14 respect de l'organisation de l'Etat. Il ne voulait pas que nos volontaires
15 ou que nos activités, quelles qu'elles soient, remettent en question des
16 fonctions légales et légitimes de l'Etat en tant que tel, et encore moins
17 les leviers de l'Etat, et l'un des leviers très importants, c'est la JNA.
18 Ça n'aurait pas été rationnel, ça n'aurait pas été utile et ça n'aurait pas
19 été conforme à nos convictions et à notre programme, tout comme ça n'aurait
20 pas été conforme à nos efforts qui visaient à assurer un Etat de droit, un
21 Etat fonctionnant, bien organisé et bien établi.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- avant la pause.
23 Nous avons eu beaucoup de témoins, et des éléments de preuve qui semblent
24 établir le constat suivant, je vous le synthétise. Parmi les volontaires,
25 un certain nombre étaient des délinquants qui avaient été détenus ou
26 purgeaient des peines et qui, du jour au lendemain, ont été libérés dans
27 des circonstances qu'on ignore, et qui se sont retrouvés sous l'étiquette
28 volontaires sur les champs de bataille et, bien entendu, ils ont commis des
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1 crimes.
2 A votre connaissance, les partis -- les volontaires du Parti radical
3 serbe sortaient-ils de prison dans le cadre d'une grâce, d'une amnistie ou
4 je ne sais quoi; et vous auriez alimenté l'envoi de volontaires à partir
5 d'un noyau dur constitué de criminels endurcis qui purgeaient des peines et
6 qui avaient été libérés afin de renforcer sur le front la JNA, les Défenses
7 territoriales ? Avez-vous eu connaissance de cela, car on nous l'a dit, et
8 on a eu des témoignages décrivant les comportements de ces individus. Alors
9 le saviez-vous, ne le saviez-vous pas ?
10 R. Monsieur le Président, j'ai pris part à l'organisation des volontaires.
11 Ce que nous vérifiions - et ce n'était pas difficile d'établir les choses -
12 c'était plusieurs éléments de base. Avant tout, est-ce que le volontaire en
13 question a fait son service militaire, est-ce qu'il a été sanctionné de par
14 le passé, est-ce que c'était un homme qui a une vie régulière, qui n'est
15 pas en conflit avec la loi. Et je suis certain que le Pr Seselj n'aurait
16 pas accepté que ce type d'homme y aille. Mais s'il avait accepté, qui
17 aurait été le Pr Seselj, ou moi à ses côtés, à suivre la tradition du
18 Mouvement chetnik, à respecter le serment du Kosovo en envoyant des
19 Chetniks égorger des Croates ou des Musulmans, ou se lancer à des pillages.
20 C'est quelque chose d'inventé, j'en suis profondément convaincu. C'est
21 inacceptable. Et c'est contraire à la substance même de nos réflexions et
22 de nos activités.
23 Je vous en prie, nous nous penchons sur le sort de notre peuple exposé au
24 génocide. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour l'aider. Mais
25 nous ne pouvions pas le faire en étant aidés par des criminels ? Ça, mon
26 cerveau, mon esprit ne peut pas admettre cela, et encore moins aurais-je pu
27 agir de cette manière politiquement.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous contestez toute affirmation allant dans ce
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1 sens, mais vous rajoutez une précision supplémentaire. Vous dites que ces
2 volontaires, de toute façon, passaient par une grille d'analyse qui
3 consistait à examiner s'ils avaient fait leur service militaire, s'ils
4 avaient une vie régulière et s'ils n'avaient pas fait l'objet de sanction.
5 Donc quand quelqu'un se déclarait volontaire, automatiquement il passait
6 par un filtre. C'est ce qu'on doit comprendre ?
7 R. Voyez-vous, nous, on n'était pas un centre de recrutement. On ne
8 pouvait pas prendre la taille des gens, et cetera. Mais juste des
9 renseignements de base, des éléments essentiels nécessaires pour voir qui
10 va combattre, qui va défendre un peuple. Je ne vois pas quoi d'autre ? On
11 n'aurait pas pu envoyer combattre pour le peuple serbe des gens pour qui on
12 disait que c'était des voleurs.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, nous allons faire une pause de 20 minutes.
14 Je vais demander à M. le Greffier de m'indiquer le temps que j'ai déjà
15 utilisé, parce que je suis également soucieux du temps. Voilà, nous nous
16 retrouvons dans 20 minutes.
17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 04.
18 --- L'audience est reprise à 10 heures 27.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'audience est reprise.
20 Dans la suite de ma question, je reviens à Vukovar, parce que je me dois de
21 regarder également des éléments contenus dans l'acte d'accusation. Nous
22 savons que Vukovar est tombée le 18 novembre, et nous savons qu'il y a eu
23 un massacre de 200 personnes à la ferme d'Ovcara le 20 novembre 1991.
24 La thèse de M. Seselj est de dire que les volontaires ont quitté Vukovar,
25 les volontaires du Parti radical serbe ont quitté Vukovar avant le 20
26 novembre, et il nous a dit, mais il n'en a pas apporté la preuve jusqu'à
27 présent, qu'il avait huit témoignages des chauffeurs de bus qui ont
28 raccompagné les volontaires avant le 20 novembre. Alors le rapatriement de
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1 volontaires du champ de bataille, effectué par des bus.
2 Est-ce que ça entrait dans votre champ de compétences d'organiser le
3 rapatriement des volontaires ?
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.
5 C'est peut-être un problème d'interprétation. Ce qu'on m'a dit, c'est que
6 vous n'avez reçu aucune preuve démontrant que les volontaires sont rentrés
7 avant le 20 novembre. Mais je me permets de vous rappeler qu'ici, à votre
8 attention, ainsi qu'à l'attention du Procureur, j'ai présenté huit
9 déclarations des chauffeurs d'autocars qui ont transporté des volontaires.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. J'ai clairement dit tout à l'heure que M.
11 Seselj nous a dit qu'il y avait huit déclarations de chauffeurs de bus
12 disant que les volontaires étaient rentrés avant le 20 novembre. C'est ce
13 que M. Seselj nous a dit, et qu'il avait donc les déclarations.
14 Alors, j'en viens à ma question. S'il y a un rapatriement des
15 volontaires avec des bus, est-ce qu'au niveau logistique vous auriez été,
16 vous, associé à cette opération ?
17 R. Monsieur le Président, personnellement je n'y ai pas pris part, mais je
18 me souviens de conversation avec un volontaire de Pancevo. Son nom de
19 famille était Stojanovic, je m'en souviens. Il a dit que les combats ont
20 été si violents, qu'ils avaient très envie de rentrer chez eux et qu'ils
21 sont rentrés tout de suite après la chute de Vukovar.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Si ce n'est pas vous qui vous êtes occupé de ça, ça
23 ne peut être que le "War Staff" qui a dû s'occuper du rapatriement desdits
24 volontaires ?
25 R. C'est exact.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, toujours dans la question des
27 volontaires, quand un volontaire envoyé sur le champ de bataille commettait
28 une infraction quelconque, est-ce que le Parti radical serbe était informé
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1 de cela; et si oui, quelle sanction intervenait-elle ?
2 R. Pour autant que je le sache, le Pr Vojislav Seselj était rigoureux
3 lorsqu'il s'agissait d'infractions à la discipline. Et je me souviens que
4 chaque fois qu'il y avait un départ de volontaires et à chaque fois qu'il y
5 avait une discussion portant sur l'activité des volontaires, en plus des
6 principes de chevalerie et de noblesse, et de sacrifice, il soulignait
7 l'importance du nom de l'image du volontaire serbe, il insistait sur la
8 discipline.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je ne vais pas vous interroger sur le discours
10 qu'a tenu M. Seselj, au village d'Hrtkovci le 6 mai 1992, parce que vous
11 aviez indiqué dans votre déclaration que c'était le jour de la Slava et que
12 ce jour-là vous étiez resté chez vous. Bien. Mais en revanche, je voudrais
13 aborder le sujet des échanges d'appartements.
14 Nous avons entendu de nombreux témoins qui sont venus nous expliquer que
15 les Serbes avaient été expulsés de la Croatie. Il y en aurait eu 200 000.
16 Certains sont venus en Vojvodine, et qu'il y a eu des échanges
17 d'appartements entre des Serbes et des Croates. Alors au niveau de la
18 direction du Parti radical serbe, aviez-vous connaissance de cela ?
19 R. Oui, on était au courant, et le Pr Vojislav Seselj insistait sur les
20 échanges d'appartements et de biens et personne ne devait être lésé,
21 d'après lui, dans toute la mesure du possible.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous étiez au courant. Etait-ce une volonté
23 délibérée du parti --
24 R. Oui, j'étais au courant de la position, oui.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous étiez au courant. Mais était-ce une
26 volonté délibérée du Parti radical serbe et de M. Seselj de tout faire pour
27 qu'il y ait ce type d'échange d'appartements ?
28 R. C'est exact. Le Pr Seselj insistait sur l'importance de cela. Parce
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1 qu'il envisage des choses à long terme. Son objectif c'était que les
2 Croates, ceux qui, à un moment, se sont convertis au catholicisme pour
3 devenir Croate qu'ils acceptent un jour, qu'ils le comprennent et qu'ils
4 redeviennent partie du peuple commun. Le Pr Seselj, il ne prône pas la
5 violence du tout ni la vengeance, et encore moins des persécutions ou un
6 génocide.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur, je vais maintenant aborder
8 des sujets beaucoup plus délicats. Tous les sujets abordés sont délicats,
9 mais il y en a qui sont plus ou moins, et ceux que je vais aborder
10 maintenant sont beaucoup plus délicats.
11 Vous aviez fait une déclaration écrite à la suite d'entretiens qui se sont
12 déroulés en 2003, pendant quatre jours. Manifestement, à l'époque, saviez-
13 vous que votre témoignage allait être demandé dans le cadre du procès de M.
14 Seselj ?
15 R. J'ai pris au sérieux la déclaration donnée aux enquêteurs de La Haye,
16 mais depuis le début de la conversation avec les enquêteurs, jusqu'à mon
17 entretien avec Mme Christine Dahl, j'ai toujours mis en avant le fait que
18 je ne souhaitais pas être témoin de l'Accusation. Et de toute façon, je ne
19 souhaitais pas être témoin, parce que je n'ai pas pris part à la guerre. Je
20 ne me suis pas trouvé sur les champs de bataille, je suis au courant
21 d'aucun crime, et je ne suis au courant d'aucune incitation au crime.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez signé votre déclaration, vous n'avez
23 pas mentionné le fait que vous témoignez, vous apportez votre contribution
24 à la manifestation de la vérité, mais vous n'avez pas indiqué formellement
25 que vous vouliez être témoin de M. Seselj, ce n'est pas indiqué. J'ai la
26 déclaration sous les yeux, et il n'y a aucune mention.
27 R. J'estimais que je ne devais pas venir témoigner, que je ne devais pas
28 prendre part à ce procès. Mais j'ai pris la décision d'être témoin de la
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1 Défense après ma conversation avec Mme Christine Dahl. J'ai eu un entretien
2 avec elle et avec l'enquêteur, Paolo Stochhi dans mon appartement l'année
3 dernière le 16 novembre. Je vous dirai quelles en sont les raisons.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous avez quitté le Parti radical serbe
5 en 1994. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous avez quitté le Parti radical
6 serbe et quelle était la nature des divergences ?
7 R. Il y a deux raisons. Premièrement : l'entourage de M. Seselj, parmi ses
8 collaborateurs les plus proches, il y avait des gens qui n'avaient pas
9 beaucoup d'idées et visions de l'avenir, pas beaucoup de capacités, des
10 gens qui n'avaient pas engrangé de résultats dans leurs activités, que ce
11 soit dans le monde des affaires, politique, scientifique, ou autre. Mais
12 ils avaient des ambitions sans fin et narcissoïde [phon]. Et avec ces gens-
13 là, en fait, ils avaient une certaine animosité à mon égard, parce que je
14 ne suis pas de la même trempe, pas de la même expérience. Voilà, c'était la
15 raison principale. C'étaient des gens qui n'avaient pas beaucoup d'idées,
16 pas vraiment de visions, je vais vous en apporter la preuve.
17 Quand ils ont quitté le Pr Seselj, ils n'ont emporté aucune contribution,
18 il n'y a aucun apport la vie publique de leur part. Ils font de la
19 politique mais ceux-là se contentent de ressasser les programmes déjà vus.
20 Ce sont des figures déjà vues. Vous avez les deux figures aujourd'hui qui
21 ne se contentent de parler tout le temps de l'Union européenne, de répéter
22 des programmes d'autres partis. Enfin, Boric Tadic, concrètement, ce
23 n'était pas des gens avec qui je pouvais me lancer dans des activités.
24 Puis une deuxième raison, le Pr Seselj, au moment où le Parti radical serbe
25 s'est trouvé complètement isolé par le régime de Slobodan Milosevic et le
26 Parti socialiste, donc ils n'avaient aucun espace médiatique, bien, lui, il
27 est passé à l'assemblée fédérale. Et il m'a demandé d'accepter Radovan
28 Bozovic. Je ne pouvais pas accepter cela. Surtout quand il s'agit de
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1 Radovan Bozovic. Je le connais bien. Je sais qu'en tant que chef du
2 gouvernement serbe, il s'est enrichi énormément, vertigineusement, et pas
3 sur la base de son travail; et la presse dit depuis quelque temps que c'est
4 lui qui a la tête de la mafia monténégrine, qui est la mafia la plus
5 puissante de Serbie, qui entrave le fonctionnement de l'économie serbe et
6 son être national.
7 Donc ce sont les deux raisons principales.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous m'avez avancé vos deux raisons, et ça me
9 permet d'embrayer sur le sujet que je voulais aborder et vous m'en donnez
10 l'occasion.
11 Quand vous avez entendu par les enquêteurs du bureau du Procureur -- le
12 bureau du Procureur s'est intéressé dans le cadre de son enquête au
13 financement du Parti radical serbe. Pouvez-vous me dire à votre
14 connaissance comment fonctionnait le Parti radical serbe au niveau du
15 financement et de ses recettes ?
16 R. Je sais que quand on a fondé le Mouvement chetnik-serbe, que le
17 financement venait des moyens rassemblés par Seselj dans le cadre de ses
18 activités dans les pays occidentaux, l'Australie, en Amérique et au Canada.
19 En fait, il était le président du Mouvement chetnik et il était un
20 intellectuel serbe. Et c'est dans cette qualité-là qu'il a réussi à réunir
21 les fonds. Puis il y a eu des élections en 1992. Moi, j'avais mes sponsors
22 dans mon domaine. Il y avait Branko Djukic, de Drugovici, près de Banja
23 Luka, qui faisait du commerce de pétrole, il nous a donné une citerne de
24 carburant de 30 tonnes. Donc il y avait des gens qui nous apportaient une
25 assistance en carburant ou autres. Cela ne faisait pas partie de mes
26 compétences. Je n'avais pas d'informations directes pour ce qui est de
27 notre caisse.
28 Mais j'ai dit dans un de mes livres que le Parti radical serbe, le Pr
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1 Seselj, a reçu dix millions en coopération avec Milosevic, et cetera. Mais
2 je vais vous dire, ça c'est juste une expression d'impuissance de ma part,
3 et ma réponse aux affirmations qu'on a entendues lorsque j'ai quitté le
4 Parti radical serbe. Le parti et le Pr Seselj, à ce moment-là, ont adressé
5 à mon adresse un certain nombre de calomnies. On a dit que j'étais stupide,
6 que j'étais traître, que j'étais une âme vendue. Entre autres, ils ont dit
7 que j'avais reçu cinq millions de deutsche marks à Chypre, et je ne sais
8 pas, un appartement, alors qu'en fait je louais quelque part. Alors j'ai
9 répondu en disant qu'eux ils avaient reçu dix millions. C'est comme ça que
10 ça se passe généralement chez nous en Serbie lorsqu'il y a un différend, un
11 conflit entre les partis politiques. On s'attribue des choses qui ne sont
12 pas vraies. Si j'avais reçu cinq millions de marks allemands, j'aurais été
13 un grand homme d'affaires, or, je fais partie des gens qui sont plutôt
14 pauvres en Serbie. Je vis de ma retraite.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Aux enquêteurs du bureau du Procureur, c'est au
16 paragraphe 83 de votre déclaration, vous avez expliqué que Stefanovic vous
17 avait dit que Milosevic avait financé le Parti radical serbe ou Seselj avec
18 un million de deutsche mark dans le cadre d'une élection. Est-ce à dire
19 qu'il y avait un financement politique par Slobodan Milosevic du Parti
20 radical serbe ? Puisque c'est ce que vous dites en disant tenir cette
21 information de Stefanovic et vous l'auriez même écrit dans votre livre.
22 R. Je n'ai rien qui me permettrait de confirmer cela, et il est difficile
23 d'y croire d'ailleurs. Vous savez, difficile de croire, parce que Slobodan
24 Milosevic a entravé le parti dans ses activités, a mis en prison M. Seselj.
25 Et ce qui figure dans mon livre, voilà, ce sont des rumeurs, des racontars,
26 c'est le signe de mon impuissance. Je cherchais à porter préjudice en
27 réponse à tout ce qu'on racontait à mon sujet au Parti radical serbe une
28 fois que j'ai quitté les rangs du parti.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous dites que les informations que vous
2 révéliez dans votre livre doivent être attribuées à un règlement de compte
3 suite aux accusations formulées par le Parti radical serbe à votre
4 encontre. C'est ça que vous voulez dire aujourd'hui ?
5 R. C'est exact, c'est la seule vraie vérité, Monsieur le Président.
6 Mme LE JUGE LATTANZI : Mais je m'excuse, je voulais seulement une petite
7 chose.
8 Donc vous voulez dire que ce que vous avez écrit dans vos livres n'est pas
9 crédible ?
10 R. Ce n'est pas crédible, et je ne peux pas corroborer, et je n'en suis
11 pas très fier de ce que j'ai écrit, moi aussi. A un moment donné je me
12 sentais impuissant, je voulais me venger, j'étais faible. Ce n'est pas une
13 belle partie de ma vie.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais éclaircir quelque chose que vous aviez
15 dit au bureau du Procureur, que je résume comme suit : Il y avait l'embargo
16 par la communauté internationale sur les importations de pétrole, et vous
17 avez indiqué que le Parti radical serbe avait une compagnie qui permettait
18 de contourner l'embargo et de revendre du pétrole dans l'ex-Yougoslavie,
19 percevant ainsi le Parti radical serbe, au passage, le produit des ventes
20 de ce pétrole. Vous l'avez dit, vous contestez aujourd'hui cette
21 information ou
22 pas ?
23 R. Cette entreprise n'a pas duré longtemps, très peu de temps. M. Seselj a
24 accepté sous condition qu'une telle entreprise fonctionne, mais lorsqu'il
25 s'est rendu compte que ce type d'activités n'était pas digne du parti, il y
26 a renoncé, et ça a été fermé.
27 Voyez-vous, après, en passant par mon sponsor, j'ai pu mettre à la
28 disposition le carburant pour les élections de 1992, mais ce sponsor a
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1 importé le carburant, il a fait des importations et il s'est enrichi. C'est
2 un grand homme d'affaires aujourd'hui. A Laktasi, près de Banja Luka, il y
3 a une station d'essence, vous le trouverez facilement. S'il n'y avait pas
4 eu d'importation illégale en passant par la Bulgarie notamment, la Serbie
5 n'aurait pas eu de carburant, toute la vie économique se serait arrêtée, la
6 vie se serait arrêtée; donc il fallait bien qu'on se débrouille.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez également mis en cause un des proches de
8 M. Seselj, son ex-garde du corps, le dénommé Petar Panic, qui, d'après
9 vous, contrôlait le marché noir, notamment dans l'échange des devises
10 étrangères. Alors c'est vrai, c'est faux ?
11 R. Je ne suis pas au courant de cela. Au cours de l'interrogatoire, c'est
12 M. Paolo Stocchi qui en a parlé. A l'époque je n'ai pas pu le corroborer
13 non plus. Et quant à savoir tout ce qu'il a fait figurer dans le PV, ça, je
14 ne le sais pas. Pendant quatre jours on a eu des entretiens. Nous avions un
15 interprète. M. Paolo Stocchi a une manière spécifique de poser des
16 questions. Il pose une question, puis il apporte une réponse; et il dit qui
17 en a parlé, qui lui a fourni cette information. Moi, je dis ma réponse, et
18 quant à savoir ce qu'il a mis dans le PV, je ne sais pas. Que Petar Panic a
19 travaillé avec des devises étrangères, je ne peux pas le confirmer, je ne
20 sais rien des activités de Petar Panic. C'était un garde du corps de M.
21 Seselj.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais terminer sur ce sujet avec une dernière
23 question qui concerne Mme Seselj en personne.
24 Au paragraphe 92, vous avez expliqué que M. Seselj aurait reçu une somme de
25 50 millions de dollars américains pour entrer au gouvernement dans le cadre
26 d'une coalition avec le SPS. Mais vous avez rajouté que Mme Seselj en
27 personne, Jadranka Seselj, avait une entreprise d'import-export et que du
28 fait même que son mari se retrouvait vice-président du gouvernement, ça lui
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1 permettait, elle, d'avoir évidemment un avantage pour son entreprise. Alors
2 qu'est-ce que vous démentez ou vous confirmez ?
3 R. Monsieur le Président, mais je n'avais aucun moyen d'apprendre quoi que
4 ce soit sur les activités de Mme Seselj à l'époque ou sur le fait que M.
5 Seselj ait reçu de l'argent de la part du Parti socialiste. A l'époque, je
6 n'étais pas actif sur la scène politique, je m'étais consacré à d'autres
7 activités, c'était une toute autre vie que je menais.
8 C'est M. Paolo Stocchi qui en a parlé, je suppose qu'il a fait
9 figurer cela de sa propre initiative dans ce texte, parce qu'encore une
10 fois, je vous dis, c'est ça son style. C'est comme ça qu'il pose des
11 questions et il apporte des réponses. Je ne sais pas ce qu'il a mis dans le
12 procès-verbal.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce qui est au paragraphe 92, vous l'avez signé. Il y
14 a vos initiales sur le procès-verbal.
15 R. J'ai signé le quatrième jour sans avoir lu le procès-verbal. Lorsque M.
16 Paolo Stocchi m'a dit qu'il allait continuer de m'interroger si je refusais
17 de signer, j'ai refusé de signer.
18 Mais c'est de cette manière-là qu'il m'a forcé à signer. Et sa
19 manière, son style d'interrogatoire, ça ne respecte pas les règles de la
20 procédure de la justice. C'est un comportement de cow-boy.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Apparemment après votre départ du SRS
22 avez été accusé d'être un traître, et vous le dites dans votre déclaration.
23 Et puis on a l'impression qu'à un moment donné --
24 R. Oui.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : -- des personnes de l'entourage de M. Seselj
26 ont essayé de kidnapper votre femme ou votre fille, c'est ce que vous aviez
27 dit. Quelle est la réalité de cela ?
28 R. Non, ce n'est pas comme ça que cela s'est produit. La vérité, c'est
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1 qu'une fois près de mon appartement de l'époque, il y avait quelques
2 personnes qui ont arrêté mon épouse. Ils voulaient la faire monter dans
3 leur voiture. Cependant, après nous avons pu constater, nous avons appris -
4 - mon collaborateur a téléphoné aux membres du Parti radical serbe, et ils
5 ont dit que ça n'avait rien à voir avec le Parti radical serbe ni avec le
6 Pr Seselj. Et je sais que M. Seselj n'aurait pas besoin d'avoir recours à
7 ce type d'action. Mais qu'est-ce qu'il pourrait engranger en faisant cela ?
8 Quel effet pour lui personnellement ou pour le parti ? Ça été fait de leur
9 propre initiative, par certaines personnes qui disaient qu'elles avaient
10 des liens avec le Parti radical serbe. Mais nous avons vérifié cela, et ils
11 n'avaient aucun lien avec la direction du Parti radical serbe, et encore
12 moins avec M. Seselj.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, au paragraphe 129 de votre déclaration que
14 vous aviez faite auprès des enquêteurs du bureau du Procureur, car rien ne
15 m'échappe, et croyez-moi j'ai passé beaucoup d'heures à regarder tout cela
16 de très près. Vous avez indiqué ceci : qu'au début 1995, des membres du
17 Parti radical serbe, conduits par Zoran Drazilovic, sont venus devant votre
18 appartement à Belgrade dans plusieurs véhicules, et ont entouré votre femme
19 dans la rue et ils ont essayé de la mettre dans la voiture. Un voisin est
20 intervenu et a défendu votre femme. Et vous avez expliqué que cette action
21 a été faite contre vous parce que Seselj voulait vous punir d'avoir quitté
22 le parti. Vous avez mis en cause nommément Zoran Drazilovic, alors qu'est-
23 ce que vous dites aujourd'hui ?
24 R. Je n'ai pas vu Zoran Drazilovic. Mon épouse a supposé cela, mais après
25 nous avons appris de la manière que je vous ai décrite que ce n'était pas
26 Zoran Drazilovic, ni aucun membre de la direction du Parti radical serbe,
27 que personne n'a ordonné cela au Parti radical serbe. Et je sais que M.
28 Seselj a condamné ce comportement, mais ce n'était pas des gens
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1 responsables de la politique ni de la conduite du Parti radical serbe.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'en viens maintenant au fait que vous avez
3 décidé à un moment donné de témoigner pour M. Seselj en qualité de témoin
4 de la Défense. Comment c'est arrivé ? C'est vous- même qui vous êtes dit,
5 après tout, pourquoi est-ce que je témoignerais pour le Procureur alors que
6 je peux témoigner pour M. Seselj ? Pouvez-vous nous dire quel cheminement
7 vous a amené à cela ?
8 R. Voilà quel a été mon raisonnement, Monsieur le Président. Le 16
9 septembre 2006, M. Dan Saxon est venu chez moi. Nous avons parlé pendant
10 une heure, un peu plus peut-être, dans une ambiance très bonne. J'ai
11 convaincu M. Saxon que je ne pouvais pas être utile en tant que témoin à
12 l'Accusation, parce que vraiment je n'ai pas pris part à la guerre et je
13 n'étais au courant d'aucun crime de guerre, et également j'avais la
14 conviction que M. Seselj n'avait pas fait des choses comme ça. Donc M.
15 Saxon m'a dit :
16 "Mais puisque vous ne pouvez pas témoigner sur des crimes de guerre, aidez-
17 nous à liquider M. Seselj sur le plan politique, parce qu'il constitue le
18 plus grand danger pour le nouveau pouvoir en Serbie."
19 Et il a dit qu'il fallait s'assurer qu'un pouvoir sera mis sur pied
20 qui sera orienté de manière pro-occidentale. Et je lui ai dit que je ne
21 voulais pas prendre part à cela non plus.
22 Mais ce qui était particulièrement important pour moi, c'est ce que
23 M. Saxon a dit lorsqu'il a dit :
24 "Mais si vous le refusez, et tous ceux sur qui nous avons compté pour
25 témoigner contre M. Seselj, alors vraiment on se demande, et moi aussi je
26 me demande, s'il va être condamné et puni."
27 Il m'a dit : "Voilà le Procureur et moi personnellement, nous n'avons
28 pas de preuves contre lui." Alors ça, je sais, ce sont des procureurs, ils
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1 ont leur travail à faire. Il me semblait plus agir sur un plan politique
2 que judiciaire.
3 Mais bon, je me suis dit, d'accord, puis j'ai vu Mme Dahl, et là je
4 lui ai dit la même chose qu'à M. Saxon, à savoir que je ne pouvais pas être
5 témoin de l'Accusation, que le Pr Seselj n'a commis aucun crime. De manière
6 résignée, elle m'a dit : "Mais enfin, tout le monde refuse, vous refusez,
7 qu'est-ce que je vais faire avec l'acte d'accusation ? On ne pourra pas
8 condamner Seselj."
9 Et elle m'a dit : "Mais parlez de manière neutre, ce que vous avez rédigé
10 dans votre déclaration." Mais je ne sais pas, moi, ce qu'il y a dans cette
11 déclaration. "Et une fois que vous serez arrivé à La Haye, nous nous
12 mettrons d'accord sur Ovcara et sur Vocin." Et je me suis dit, mais ils
13 veulent condamner un innocent. Ils veulent le condamner pour une idéologie
14 politique que je partage, qui est la mienne. Et je me suis dit : Mais
15 voyons maintenant, à un moment, mes frères occidentaux. Nous ne sommes pas
16 des mous, nous, les Serbes. Vous nous pillez, puis vous nous dites :
17 "Voilà, ça c'est bien fait," puis vous venez nous tuer. Bien non, je ne
18 vais pas vous laisser faire ça.
19 Je vais défendre mon Serbe, le Pr Seselj. Et aucun membre du Parti radical
20 serbe n'a pris l'initiative d'entretien. C'est moi qui ai pris l'initiative
21 de rencontrer Zoran Krasic, puis Petar Jonjic [phon], et je n'ai rien à
22 cacher.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc c'est vous qui avez pris l'initiative.
24 Comme je suis en train de --
25 R. Monsieur le Président, si vous croyez que le fait que j'ai quitté
26 Seselj ou toutes mes activités -- ou plutôt, vous pouvez comprendre que
27 personne ne saurait influer sur mes convictions et on ne saurait pas non
28 plus m'acheter, moi.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que je voudrais savoir, au jour d'aujourd'hui,
2 vous exercez une activité politique ou vous avez totalement arrêté ?
3 R. A présent, je suis membre du Parti radical serbe et je suis député à
4 l'assemblée municipale de la ville de Pancevo.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez donc été élu député lors des dernières
6 élections et vous êtes membre du Parti radical serbe comme député ?
7 R. A présent, je figure sur la liste du Parti radical serbe, donc à partir
8 des élections du mois de mai. Après les entretiens que j'ai eus avec Mme
9 Dahl et après la date du 28 février de cette année, après avoir rencontré
10 une femme qui s'était présentée comme étant Slovène, je peux vous la
11 décrire, Manahj [phon], Mana [phon], ou quelque chose de ce genre, qui
12 était venue chez moi, dans mon appartement. Elle est pratiquement entrée
13 par force en se présentant comme étant une amie de ce Tribunal. Elle a
14 ouvert un sac avec plein de devises étrangères, je l'ai chassée de chez moi
15 parce que je ne peux pas, moi, travailler au profit du bureau du Procureur,
16 qui est prêt à faire tout ce que je viens de vous dire.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous avez été élu membre du parlement après
18 les visites de --
19 R. Après, non. Après la fin de cette visite, au bout d'un certain temps,
20 j'ai longuement réfléchi, et étant donné que j'ai préparé un autre livre
21 qui se penche sur la position du peuple serbe dans les relations globales
22 et sur les relations globales d'une manière générale. C'est donc un livre
23 avec des prétentions quelque peu plus complexes, j'ai compris des choses et
24 j'ai pensé que le seul homme politique serbe authentique à présent, de nos
25 jours, c'est le Dr Vojislav Seselj.
26 Nous avons un autre homme politique en Serbie qui, de par ses activités
27 politiques, est disposé à défendre les intérêts du peuple serbe et les
28 intérêts de l'Etat serbe, c'est le Dr Vojislav Kostunica. Mais le Dr
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1 Vojislav Seselj, c'est quelqu'un de plus proche de moi de par ses idées, de
2 par son idéologie. Et je suis disposé à, jusqu'à la fin de ma vie, à me
3 battre en faveur de cette idéologie et de cette politique.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, vous dites que vous voulez vous battre
5 pour cette idéologie. Alors, ça me permet de venir au lieu éventuel entre
6 M. Milosevic, Seselj et Karadzic. A votre connaissance, est-ce que M.
7 Seselj rencontrait M. Milosevic ?
8 R. Je ne sais pas vous parler de rencontres concrètes. Le Dr Seselj ne m'a
9 pas convié, ne m'a pas non plus informé de réunions de ce type. Ce dont je
10 suis sûr, c'est que Milosevic redoutait le Dr Vojislav Seselj, en sa
11 qualité de concurrent en matière de pouvoir. Et le Dr Seselj a toujours,
12 jusqu'au bout, dit la vérité en politique sur les erreurs, sur les bonnes
13 choses qu'a faites Milosevic aussi. Il n'a jamais dépendu de Milosevic, et
14 non plus de qui que ce soit d'autre.
15 Pour ce qui est de Milosevic, je pense que ce n'est pas un traître, mais ce
16 n'est pas un homme ayant à avoir eu le calibre qu'il fallait pour se mettre
17 à la tête de la Serbie ou du peuple serbe. Il a reconnu au 3e Congrès du
18 Parti socialiste qu'il n'avait pas bien évalué le facteur international. Et
19 pour un homme politique tel qu'il l'était, c'était une carence inadmissible
20 et un dégât irrattrapable pour ce qui est donc de la destinée par la suite.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, les relations avec Radovan
22 Karadzic, quelles étaient ces relations ?
23 R. Bien, je ne sais pas s'il y a eu des relations de façon intensifiée
24 entre le Dr Seselj et le Dr Karadzic. Ce que je sais, c'est que le Dr
25 Karadzic est fait de la même matière que Milosevic en matière politique. Il
26 n'aimait pas la compétition, la concurrence. Il redoutait le Dr Vojislav
27 Seselj aussi et son influence vis-à-vis de la population en Bosnie-
28 Herzégovine.
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1 Mais lorsqu'il s'agit de la défense du peuple serbe, de l'envoi de
2 volontaires au sein de l'armée de Republika Srpska, il y a certainement eu
3 une forme de coopération. Bien entendu, le Dr Karadzic ni le général Mladic
4 et Ratko, ne permettraient à Seselj de se mêler à la conduite de la guerre.
5 Et je pense que le Dr Seselj ne s'immiscerait pas dans les questions liées
6 à la conduite de la guerre. Ce qu'il voulait, en Croatie et ailleurs,
7 c'était aider à la défense du peuple serbe, et il ne créait aucune
8 formation de radicaux. On envoyait des volontaires, tout court, et en
9 Bosnie-Herzégovine, il y avait d'ailleurs un Parti radical serbe tout à
10 fait autonome.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dernier sujet que j'aborde avec vous, c'est la
12 Grande-Serbie. Vous en avez parlé au paragraphe 104 de votre déclaration.
13 D'après vous, quelle était la conception de M. Seselj de la Grande-Serbie ?
14 R. La Grande-Serbie est un concept historique et lié aux droits
15 historiques du peuple serbe. Le Dr Seselj, s'agissant de ce concept et de
16 cette idéologie, il les a développés d'une façon pleine et entière. Il a
17 prouvé comment les Serbes ont été dénationalisés au fil du XIXe et XXe
18 siècle. Ce processus s'est déroulé et se déroule de nos jours encore.
19 De nos jours, d'après des renseignements datant de l'an dernier, il y
20 a déjà 50 000 Serbes en Croatie qui n'osent plus se prononcer comme étant
21 des Serbes ou comme étant de foi orthodoxe. On ne leur demande pas de
22 quitter leur appartenance ethnique ou leur foi, mais ils y sont obligés par
23 les instances de l'Etat et l'Eglise catholique de la Croatie. En termes
24 simples, ils étaient Serbes et ils sont inscrits comme Croates. Ils étaient
25 Serbes et orthodoxes, on les recense ou inscrit comme étant des
26 catholiques.
27 Moi, dans les études que j'ai effectuées, je suis arrivé à des données. Je
28 n'ai pas pris toutes les données dont disposait le Dr Seselj, je ne pouvais
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1 pas le faire. Mais par exemple, d'après un historien, Dragoljub
2 Zivojinovic, avant la Deuxième Guerre mondiale, il y avait 1 900 000 Serbes
3 en Croatie. Combien sont-ils maintenant, 200 000 en Croatie. Mais écoutez,
4 est-ce qu'un homme sérieux, un homme de science, un docteur ès sciences, un
5 professeur tel que le Dr Seselj, ne doit pas prendre cela en considération
6 lors de la création d'un concept ?
7 Ce sont des droits historiques, des droits nationaux du peuple serbe. Le Dr
8 Seselj insiste sur cette nécessité. Il dit que cela se réalisera de façon
9 révolutive [phon]. Une fois, ces renseignements seront accessibles à tous
10 les Croates, à ceux aussi qui étaient autrefois Serbes et à ceux qui ne
11 l'ont pas été. Et le Dr Seselj compte là-dessus. Il compte aussi sur
12 l'évolution ou le développement du panslavisme. Il veut que les Slaves
13 deviennent un partenaire à l'Europe occidentale, et non pas que l'on passe
14 par les Croates ou les Polonais pour contrecarrer le panslavisme.
15 Je pense que le Dr Seselj part de faits réels et prouvés, et que c'est sur
16 ces faits qu'il fonde ses concepts et son idéologie. Il ne s'emploie pas,
17 partant de ses connaissances et de ses recherches et de ses écrits, il ne
18 s'emploie pas en faveur d'un règlement de compte avec les autres groupes
19 ethniques. Il ne s'emploie pas en faveur d'expulsion ou de génocide. Alors
20 je pense que Seselj a des responsabilités à assumer vis-à-vis des sciences
21 et de la vérité.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur la notion de panslavisme, j'ai vu avec intérêt
23 que vous aviez écrit quelques articles sur la constitution. Donc en tant
24 que juriste, vous allez comprendre le son de ma question.
25 Est-ce que le panslavisme entraîne comme conséquence des modifications de
26 territoires, des modifications de frontières, ou bien c'est une notion
27 culturelle, humaniste, religieuse sans entraîner des modifications de
28 territoire, et n'entraîne pas le maintien, n'entraîne pas des changements
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1 de frontières, n'entraîne pas de sécession de territoires, et qu'en fait
2 cette notion peut s'accommoder avec les structures administratives de
3 l'ex-Yougoslavie ? Qu'est-ce que vous pouvez nous apporter comme réflexion
4 ou élément d'appréciation ?
5 R. Monsieur Antonetti, il en va justement de la sorte, nous ne nous
6 employons en faveur d'aucune sécession, aucune violence et modification
7 violente des frontières. J'aimerais, si des conditions existaient de le
8 faire, de reconstruire la Yougoslavie, mais pas au détriment du peuple
9 serbe, voire au détriment d'un autre peuple. Bien entendu, ceci se trouve
10 être impossible à présent ou pour le moment.
11 Mais ce en faveur de quoi je m'emploie, en ma qualité de membre de
12 l'académie et en ma qualité de citoyen tout court, c'est de faire en sorte
13 que les pays slaves coopèrent en matière de toutes les possibilités et
14 intérêts qui sont ceux des pays slaves. Au sein de mon académie à moi, la
15 problématique est étudiée. Nous nous penchons également sur la spécificité
16 des peuples slaves. Nous nous penchons également sur ce qu'il y a de
17 commun, dans les traditions, dans les langues, dans les cultures, et en
18 matière d'économie et en matière de politique. Nous avançons des solutions.
19 Nous avons, entre autres, préparé un accord relatif à la création d'une
20 communauté. Il est certain que cela ne peut se faire rapidement, c'est une
21 vision que nous avons.
22 Il convient de mettre à profit tous les potentiels, et pourquoi pas
23 accepter les expériences de l'Europe occidentale ? Lorsque l'Europe
24 occidentale s'est bien organisée et qu'elle a eu des avantages qu'elle en a
25 soutiré, pourquoi les peuples slaves n'en feraient-ils pas de même, pas
26 dans peut-être dans des relations de relationnel, de supériorité ou
27 d'infériorité, comme cela est le cas de l'Union européenne ou de l'OTAN ?
28 Pourquoi veut-on que la Serbie fasse partie de l'OTAN alors que l'OTAN nous
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1 a bombardés en 1999 ? On nous dit qu'on est des amis. Pensez-vous, des amis
2 qui viennent vous bombarder. Alors pourquoi ne ferions-nous pas, nous, une
3 communauté qui vivrait en paix, en partenariat avec l'Occident, qui
4 mettrait à profit les expériences de l'Occident ? Bien entendu, l'Occident
5 pourrait également mettre à profit nos expériences à nous, nous pourrions
6 commercer les uns avec les autres et nous conformer à ce type de concept ?
7 Pourquoi pas ? Parce que l'Europe de l'Atlantique jusqu'à l'Oural,
8 conformément aux idées du grand de Gaulle, pourquoi pas les Serbes
9 respectent ces idées-là.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : L'ultime question. Vous savez - enfin, si vous ne le
11 savez pas, je vous l'indique, mais a priori vous devez le savoir - que
12 l'acte d'accusation reproche à M. Seselj une entreprise criminelle commune
13 dont l'objectif aurait été la création d'une Grande-Serbie et dont les
14 frontières occidentales coïncidaient avec l'axe Karlobag-Karlovac-Ogulin-
15 Virovitica; et que de ce fait cette Grande-Serbie ne pouvait qu'empiéter
16 sur la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Alors c'est ce que le Procureur
17 dit et écrit.
18 Qu'est-ce que vous en pensez de cette théorie de Grande-Serbie avec cette
19 ligne qui va de Karlobag à Virovitica ?
20 R. Monsieur le Président, cet axe n'a pas été inventé par le Dr Vojislav
21 Seselj. Cette ligne-là a été tracée par les Anglais et Français en 1915,
22 lorsque la Serbie a fortement résisté à l'Autriche, Hongrie et à
23 l'Allemagne pendant la Première Guerre mondiale, et lorsque c'étaient des
24 alliés du peuple serbe et de l'Etat serbe, et lorsqu'ils ont eu une façon
25 réaliste de vous considérer les intérêts du peuple serbe. Ils ont pris en
26 considération tous ces faits, tous les éléments qui ont été explicités par
27 Dr Seselj dans ses ouvrages et dans ses travaux. C'est un droit historique
28 qui est celui du peuple serbe. Bien entendu, j'accepte que c'est un droit
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1 historique et national du peuple serbe. J'accepte aussi qu'il y a des
2 modalités de le réaliser éventuellement de façon évolutive au fil d'un
3 processus asse long, comme le pense le Dr Seselj.
4 Il n'a pas convié à la création d'une Grande-Serbie par le biais d'un
5 règlement de compte, par le biais d'une guerre, de persécutions, de crimes,
6 ou de génocide. Il a souligné ce droit en tant que tel. Il a prévenu la
7 population croate, le peuple croate, "Si vous persécutez les Serbes, si
8 vous tuez des Serbes, si vous nous anéantissez sans raison, sans fondement
9 aucun, nous avons ces droits-là."
10 Le Dr Seselj, pendant la guerre, n'a jamais parlé ou dit aux volontaires,
11 ou a demandé ou aurait demandé à la JNA d'aller là-bas créer ce type de
12 Grande-Serbie. Il a indiqué, il a prévenu les Croates de la chose et les
13 autres en Yougoslavie.
14 Il a dit, Nous avons ce droit historique. Nous nous sommes employés tout de
15 même en faveur de la Yougoslavie. La question ne se serait pas posée si la
16 Yougoslavie avait été maintenue. Et la question est évoquée dans le cadre
17 de la défense du peuple serbe vis-à-vis du génocide, génocide qu'il a subi
18 sur le territoire de la Croatie.
19 Je ne pense pas que Seselj ait voulu, partant de ce concept, employer en
20 faveur d'une guerre, d'un règlement de compte, de persécutions et d'un
21 génocide. C'est ma façon de voir, J'en suis convaincu.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation. Pour l'heure que vous avez.
23 Madame Biersay.
24 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
25 Madame et Messieurs les Juges. Si vous me donnez un instant, je voudrais
26 m'organiser.
27
28 Q. [interprétation] C'est encore la matinée. Bonjour, Monsieur.
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1 R. Bonjour.
2 Q. Je m'appelle Lisa Biersay. Nous ne nous sommes pas rencontrés ?
3 R. Mais j'ai pu vous voir aux transmissions, aux rediffusions du procès.
4 Vous avez l'air d'être très correcte, professionnelle. De là à savoir si
5 vous allez le rester, on verra.
6 Q. Je vais faire de mon mieux. Vous avez dit aux Juges de la Chambre
7 quelle fut votre première participation au Parti radical serbe. Vous vous
8 souvenez de la description que vous en avez faite ?
9 R. Je vous l'ai déjà dit, j'ai fait partie eu Mouvement chetnik-serbe,
10 puis le Parti radical serbe a été créé par la réunification de ce Mouvement
11 chetnik-serbe et du Parti radical populaire.
12 Q. Est-ce que vous avez besoin de lunettes pour lire ?
13 R. Oui, j'ai besoin de lunettes.
14 Q. Je voudrais vous montrer un document que l'on va afficher à l'écran.
15 Dites-moi s'il vous est plus facile de consulter un document sur support
16 papier.
17 Mme BIERSAY : [interprétation] Est-ce qu'on peut montrer au témoin le
18 document de la liste 65 ter numéro 84.
19 Q. Monsieur, je vais vous demander de vous remémorer février 1991. Est-ce
20 qu'à l'époque s'est fondé le Parti radical serbe ? Est-ce bien la date de
21 fondation ?
22 R. Oui. Oui, c'est la date de la fondation.
23 Q. Et c'est à ce moment-là que vous avez été élu membre du directoire du
24 SRS ?
25 R. Exact.
26 Q. Il y avait aussi le Mouvement chetnik-serbe que vous avez décrit; il y
27 avait aussi Petkovic, Gojkovic, Nikolic, n'est-ce pas ?
28 R. Petkovic, oui. Gojkovic, Nikolic, je pense qu'ils sont venus du Parti
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1 populaire radical.
2 Q. Est-ce que il y avait aussi des représentants du NRS ?
3 R. Le Parti populaire radical, oui. Nikolic et Gojkovic, oui, et qui
4 encore, je ne me souviens plus.
5 Q. Veuillez regarder l'écran, est-ce que vous voyez ce qui est à l'écran
6 de l'endroit où vous êtes ? Je parle de la version en B/C/S qui se trouve à
7 votre gauche.
8 R. Oui, je peux voir. Oui.
9 Q. Est-ce qu'on peut voir la page titre.
10 R. Oui, Mouvement chetnik-serbe, oui.
11 Q. Vous avez ici le statut du Mouvement chetnik-serbe, n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous le dis, Madame, Messieurs les Juges,
14 je pense que ceci a été publié le 1er juillet 1990 dans la revue "Velika
15 Srbija."
16 Et nous demandons le versement du document 84 de la liste 65 ter.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes sûre que ce document n'a pas déjà été
18 admis ?
19 Mme BIERSAY : [interprétation] D'après ce que j'ai vu, non. Je pense qu'il
20 y avait un autre document en même temps que celui-ci.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va donner un numéro, alors.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, pour autant que je m'en
23 souvienne, ceci a été versé au dossier pendant le témoignage de l'expert
24 Theunens, si mes souvenirs sont bons.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Moi aussi, je pensais que ça avait été admis, mais
26 bon.
27 On va donner un numéro, et si jamais il y a deux numéros, on n'en
28 fera plus qu'un. Bien. Monsieur le Greffier, donnez un numéro pour ce
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1 document.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P868. Merci. Excusez-
3 moi. Ce sera la pièce P686.
4 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce qu'il est possible
5 de voir le paragraphe 12 de cette pièce, ou plutôt l'article 12.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas.
7 Mme BIERSAY : [interprétation] Ça se trouve à la page suivante, que l'on va
8 bientôt afficher.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est trop petit.
10 Mme BIERSAY : [interprétation] Est-ce qu'on peut agrandir le texte en B/C/S
11 de l'article.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant c'est zoomé.
13 Mme BIERSAY : [interprétation]
14 Q. Est-il exact de dire que l'article 12 esquisse l'organisation du parti
15 ?
16 R. Oui, on peut le voir. Dans toutes ces régions, il y a des Serbes, mais
17 il n'y a pas que des Serbes. Il y a des habitants des autres groupes
18 ethniques résidant sur ces territoires et qui ont été aussi membres de
19 notre organisation. Ce n'est pas uniquement une organisation serbe.
20 Et je vous rappelle que --
21 Q. Un instant. Nous allons arriver à ce point plus tard. Je voulais
22 simplement pour le moment vous demander ceci, dans cet article 12, est-ce
23 que l'on mentionne plusieurs organisations régionales du Mouvement chetnik-
24 serbe ?
25 R. Oui, c'est énuméré.
26 Q. Merci. Vous avez décrit à l'intention des Juges le mandat qui fut le
27 vôtre en qualité de président du comité régional de Banat, et le Président
28 vous a demandé combien il y avait de districts dans cette région de Banat.
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1 R. La Serbie n'est pas organisée en districts, mais en départements; il y
2 a des municipalités et des départements, et il y a la province. Il y a
3 trois départements, avec pour centres Pancevo, Zrenjanin et Kikinda. A
4 l'époque où je suis intervenu en qualité de président du comité régional,
5 il y avait ces trois départements. Et de nos jours encore, c'est le cas.
6 Q. Fort bien. En ce qui concerne ces trois districts, est-ce que chacun
7 d'entre eux comptait un président ?
8 R. Oui.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Double objection.
10 D'abord, Mme Biersay confond délibérément Mouvement chetnik-serbe et Parti
11 radical serbe.
12 Deuxièmement, ceci est le statut du Mouvement chetnik-serbe de 1990, non
13 seulement du temps de l'existence de la Yougoslavie, mais du temps de
14 l'existence du régime communiste, et à l'époque il n'y avait pas de loi
15 portant sur l'organisation territoriale de la Serbie en application de
16 départements. Cette loi n'a été adoptée qu'en 1991 ou 1992, si mes
17 souvenirs sont bons. Donc c'est de façon arbitraire que l'on a défini des
18 régions qui n'étaient prévues par aucun acte administratif de la part de
19 l'Etat.
20 La confusion est faite délibérément, et j'ai eu à intervenir.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame Biersay, apparemment, le document en
22 question ne concerne pas le Parti radical serbe, mais le Mouvement chetnik.
23 Et que, deuxièmement, d'après M. Seselj, c'est un document de 1990, et que
24 sur le découpage administratif de la Serbie, il n'y avait pas les
25 départements à cette époque. Voilà, c'est ce qu'il nous dit. Apparemment le
26 témoin semble opiner du chef, confirmant ce que dit M. Seselj.
27 Alors, continuez vos questions.
28 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai omis ce fait.
2 J'avais parlé du point de vue du découpage administratif intérieur de la
3 Serbie au moment où j'ai pris part activement aux activités du Parti
4 radical serbe. Il a raison, M. Seselj.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay.
6 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, avec tout le respect
7 que je vous dois, si M. Seselj a des questions de clarification, j'aimerais
8 bien qu'il attende son tour de contre-interrogatoire pour présenter ses
9 arguments, je ne voudrais pas qu'il m'interrompe tout le temps --
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, je suis entièrement d'accord avec
11 vous. Mai si jamais le problème, si vous partez sur une base fausse, à ce
12 moment-là tout le monde perd son temps. Donc si la base est fausse, autant
13 la corriger tout de suite plutôt que vous perdiez 15 à 20 minutes sur un
14 sujet pour qu'après, en 15 secondes, il vous détruise toute votre
15 argumentation.
16 Mme BIERSAY : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois, ce ne
17 sont pas mes arguments. C'est un témoignage qui vient du témoin, et notre
18 témoin a montré qu'il est parfaitement capable de me corriger si je me
19 trompe.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez.
21 Mme BIERSAY : [interprétation]
22 Q. En plus de ces districts dont vous nous avez parlé, vous avez aussi
23 parlé de municipalités qui existaient au sein de la région que vous
24 présidiez; c'est bien cela ?
25 R. Madame le Procureur, je ne peux pas vous dire grand-chose là-dessus.
26 J'étais certes membre du Mouvement chetnik-serbe, mais à l'époque jusqu'en
27 septembre 1991, j'étais actif dans un autre mouvement, j'étais à la tête de
28 cet autre mouvement, c'était l'Alliance de solidarité yougoslave.
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1 Q. Je comprends bien. En plus d'avoir établi et d'avoir supervisé cette
2 région, vous nous avez aussi décrit la façon dont vous avez nommé des
3 experts pour mettre en place des programmes économiques portant sur
4 l'éducation, sur les infrastructures et sur la santé dans votre région.
5 C'est vous qui étiez à l'initiative de tout cela, n'est-ce pas ?
6 R. En accord avec M. Seselj, j'ai rassemblé des experts et nous avons
7 élaboré un programme du Parti radical serbe, par la suite ce programme a
8 été peaufiné.
9 Q. Vous avez décrit aux Juges de cette Chambre les différentes branches du
10 SRS qui existaient dans les autres républiques. Pourriez-vous nous dire
11 s'il y avait aussi une branche du SRS pour ce qui est de la Vojvodine ?
12 R. Madame le Procureur, la Vojvodine fait partie de la Serbie, et moi-même
13 j'étais à la tête d'un mouvement qui a beaucoup contribué à ce que la
14 Vojvodine finalement revienne au sein de la Serbie. Nous n'avons conçu
15 aucune organisation spécifique pour la Vojvodine.
16 Mme BIERSAY : [interprétation] Pourrions-nous maintenant avoir à l'écran la
17 pièce 65 ter numéro 7427, et la dernière page de ce document, s'il vous
18 plaît. En fait, c'est le 7427A.
19 Q. Pendant qu'on attend que ce document s'affiche, j'aimerais que nous
20 parlions du QG de guerre, du "War Staff."
21 Vous avez décrit ce QG de guerre comme faisant partie de la structure
22 centrale du SRS ?
23 R. A mes yeux, ce QG, ce "War Staff," c'était un service. Il se chargeait
24 d'un certain nombre de dispositions qu'il fallait prendre pour accompagner
25 les volontaires, pour les prendre en charge. Mais il n'y avait pas que le
26 QG du Parti radical serbe qui s'en occupait, ça concernait l'activité de la
27 JNA. Cette réception, ça été prouvé ici. La JNA a amené à bord d'autocars
28 tous ces volontaires et les a ramenés à Belgrade. Certains sont venus au QG
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1 de guerre et d'autres ne sont pas venus. Et le QG aidait à ce qu'on
2 inscrive dans leurs livrets cette période passée sur le champ de bataille,
3 qu'ils puissent bénéficier de droits.
4 Q. Vous l'avez déjà décrit pour les Juges de la Chambre. Ma question est
5 un peu différente. J'aimerais savoir si le QG de guerre, si le "War Staff"
6 était un organe du Mouvement chetnik-serbe ou s'il était parfaitement
7 distinct du Mouvement chetnik-serbe ?
8 R. Non, à l'époque il n'y avait pas le Mouvement chetnik-serbe quand les
9 volontaires se rendaient au front. Il y avait le Parti radical serbe.
10 Q. Pouvez-vous nous dire quand le Mouvement chetnik-serbe a été créé ?
11 R. Comme l'a déjà dit M. Seselj, vous-même vous l'avez dit, au milieu de
12 l'année 1990. Mais il y avait aussi les Jeunes Chetniks qui ont existé en
13 Serbie avant que le Mouvement chetnik ne voie le jour. Et je le sais parce
14 que mon fils était le président des Jeunes Chetniks.
15 Q. Ce document que nous avons à l'écran, le 7427A, est-ce que vous voyez
16 bien ce qui est inscrit à gauche de l'écran ?
17 R. Il est écrit "conseil principal", et il y a des signatures.
18 Q. Reconnaissez-vous la signature ?
19 R. Madame, je n'ai pas pris part à ces activités, je ne peux pas vous en
20 parler, je n'ai rien à vous dire là-dessus. La seule chose que je puisse
21 faire c'est de vous en donner lecture. Mais est-ce que je me souviens de ce
22 document ? Est-ce que je peux vous qualifier ce document ? Ça vraiment,
23 non, je ne peux pas.
24 Mme BIERSAY : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, donner un
25 exemplaire papier au témoin.
26 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder la dernière page.
27 R. C'est mon écriture, mais je ne m'en souviens vraiment pas.
28 Q. Mais vous avez quand même reconnu votre écriture ?
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1 R. Oui. Oui, mais je n'arrive pas à m'en souvenir.
2 Q. Vous avez décrit aux Juges de la Chambre que le vice-président pour la
3 Republika Srpska était M. Poplasen, j'espère ne pas écorcher son nom.
4 R. Je vois, Nikola Poplasen.
5 Q. Et vous avez aussi déclaré que le vice-président du SRS
6 était une certaine personne, n'est-ce pas ?
7 R. Radovan Vucevic, c'est ça.
8 Q. Donc au niveau local, en ce qui concerne la coordination des
9 volontaires, j'aimerais savoir si au niveau local, la coordination était
10 faite par les membres du Mouvement chetnik-serbe ?
11 R. Au niveau où je gérais les choses dans le parti, nous avions un homme
12 qui était chargé de travailler avec les volontaires, et moi, je l'aidais.
13 Lui, il organisait des activités, et moi, je l'aidais. C'était mon
14 obligation d'une part, et d'autre part, j'avais le souhait d'aider. C'est
15 lui qui coordonnais les activités avec les gens qui, au niveau du parti,
16 avaient la charge des mêmes activités.
17 Q. Pouvez-vous nous donner son titre officiel, si tant est qu'il en ait eu
18 un ?
19 Connaissez-vous une personne appelée Stefan Grubanov [phon] ?
20 R. Stefan Grubanov, oui. Lui, il était chargé des activités avec les
21 volontaires. Il avait son bureau, et --
22 Q. Stefan Grubanov, était-ce la personne qui coordonnait les volontaires,
23 en ce qui concerne votre région ?
24 R. C'est lui qui se chargeait de toutes les activités, c'est lui qui
25 coordonnait. Mais moi, je l'aidais en tant que président du conseil
26 régional et après du conseil du district, je pouvais l'aider. Bien sûr, ce
27 n'est pas moi qui dressais les listes, ce n'est pas moi qui me chargeais
28 des aspects administratifs et autres, mais les choses plus sérieuses.
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1 Lorsque je dis "sérieuses," lorsqu'il faut emmener des volontaires à
2 l'église pour le baptême, pour le sermon devant l'icône de Jésus-Christ,
3 pour s'engager à combattre de manière chevaleresque, s'engager à ne pas se
4 livrer à des actes répréhensibles, lorsqu'il fallait rassembler des fonds à
5 des entreprises, l'Etat, et cetera.
6 Q. J'aimerais savoir si ce coordinateur vous rendait compte à vous, ou
7 s'il rendait compte, en fait, au QG de guerre à Belgrade ?
8 R. Au QG, d'après l'organigramme. Mais il était membre du Parti radical
9 serbe, donc il y avait une coopération très étroite entre nous. Mais moi,
10 je ne m'intéressais pas et je n'avais pas l'obligation de prendre
11 connaissance de tous les détails des activités.
12 Q. Ai-je raison de dire qu'au sein de chaque branche locale du SRS
13 trouvait un coordinateur local qui s'occupait des volontaires, au même
14 titre que M. Grubanov ?
15 R. Il y avait, pas dans chaque municipalité, là dans le Banat, sans doute,
16 oui. J'avais Pancevo, Zrenjanin, Kikinda, et ça, c'est la région qui était
17 parmi celles qui avaient le plus de succès, pour ce qui est du nombre et
18 les autres éléments liés au départ des volontaires au champ de bataille.
19 Et je dois vous dire, à Pancevo et dans d'autres localités, toutes les
20 localités, nous avions pas mal de volontaires hongrois, des Roumains. Donc
21 cette défense, tant du peuple serbe que dans un premier temps ce souhait de
22 défendre la Yougoslavie, c'était accepté par tous les groupes ethniques.
23 Nous avions des Hongrois qui sont tombés. A Pancevo, nous avions des
24 blessés. L'ambiance qui régnait, c'était une ambiance très porteuse, très
25 favorable pour ce qui est des activités du Parti radical serbe, eu égard à
26 la défense du peuple serbe dans les régions en guerre.
27 Q. Maintenant, j'aimerais savoir la chose suivante : en ce qui concerne le
28 Mouvement chetnik-serbe, qui le dirigeait ?
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1 R. Tant qu'il a fonctionné, c'est le Pr Vojislav Seselj qui était à sa
2 tête.
3 Q. Et ces personnes que l'on appelait voïvodats, pourriez-vous nous dire
4 quel rôle ils jouaient au sein du Mouvement chetnik-serbe, si tant est
5 qu'ils y aient joué un rôle ?
6 R. Parmi les voïvodes, il y en avait qui étaient liés aux champs de
7 bataille. D'autres avaient des activités politiques en tant que dirigeants
8 du Parti radical serbe.
9 Q. Avez-vous été fait voïvodat ?
10 R. Moi, je ne suis pas devenu voïvode.
11 Q. Pourquoi ?
12 R. Je n'avais pas de telles présentions, je n'avais pas ces prétentions-
13 là. Je ne suis pas un guerrier. Ce qui me préoccupe, ce sont d'autres
14 aspects des activités.
15 Q. Ces voïvodats étaient donc la force qui était sous-jacente à cette
16 lutte armée du SRS; c'est bien cela ?
17 R. Premièrement, il n'est pas exact de dire que le Parti radical serbe
18 était une organisation combattante. Ça a été organisé, comme nous l'avons
19 déjà dit. Nous envoyions des volontaires, mais le Parti radical serbe ni le
20 Mouvement chetnik-serbe n'avaient leurs propres unités. Ces unités
21 faisaient partie des forces légales; d'abord de la JNA, ensuite de la
22 Défense territoriale, puis on a créé l'armée de la Republika serbe de
23 Krajina, puis en Bosnie-Herzégovine on a créé l'armée de la Republika
24 Srpska. Avant cela, naturellement, il y a eu création tout de suite de
25 l'armée de la Republika Srpska, puis ils ont eu pendant une brève période
26 la Défense territoriale.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Je ne voulais pas interrompre le
28 témoin. Je voudrais que le témoin puisse terminer.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas l'intention --
3 Mme BIERSAY : [interprétation] M. Seselj a raté l'occasion de soulever une
4 objection, la question a eu sa réponse, c'est trop tard.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai le droit de soulever une objection suite à
6 la question. En fait, cela porte sur le comportement général du Procureur.
7 Je ne peux pas influer le Procureur sur sa façon d'utiliser son temps, et
8 mon objectif est qu'il perde un maximum de temps. Mais il faut que son
9 interrogatoire soit correct. Il peut même essayer de poser des questions
10 piège, mais il ne peut pas induire une confusion dans l'esprit de manière
11 délibérée.
12 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur Seselj est en train de dire au
13 témoin ce qu'il doit répondre, pour l'instant, c'est ce qu'il est en train
14 de faire.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. J'ai attendu que le témoin réponde.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : -- j'essaie de comprendre votre objection.
17 Mme Biersay lui pose des questions sur les voïvodats. Lui, il répond qu'il
18 ne l'a pas été. Bon. Et maintenant, vous intervenez pour dire quoi ?
19 J'arrive pas à comprendre.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, c'est exprès que j'ai
21 attendu la fin de la réponse pour ne pas influencer le témoin. Justement,
22 si j'interviens, c'est parce que j'estime que tout interrogatoire doit être
23 correct, de manière générale.
24 Mme Biersay a demandé si les voïvodes étaient la force principale dans la
25 guerre, mais elle sait très bien que les premiers voïvodes chetniks ont été
26 proclamés par moi en mai 1993. Cela faisait deux ans que la guerre était
27 déjà en cours. C'est ça le manque de correction dans son approche, son
28 interrogatoire. Je suis en droit de faire cette objection.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.
2 Madame Biersay, M. Seselj dit que les voïvodes qu'il a nommés ont été
3 nommés en mai 1993, et que donc vous ne pouvez pas demander au témoin si
4 les voïvodes avant jouaient un rôle ou pas puisqu'ils auraient été nommés
5 en mai 1993.
6 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur Seselj, selon la procédure de ce Tribunal,
7 vous pouvez bien intervenir sur cet aspect, mais pendant le contre-
8 interrogatoire, et demander au témoin de préciser cet aspect et de corriger
9 donc peut-être Mme le Procureur.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame Biersay, continuez.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je dois ajouter quelque chose. Est-ce que
12 je peux ajouter quelque chose ?
13 Je n'ai pas l'intention de demander au témoin de préciser cela parce que ce
14 témoin ne peut pas tout savoir, mais on a déjà versé au dossier un document
15 que j'ai signé de ma main sur la proclamation en mai 1993 des premiers
16 voïvodats chetniks.
17 Mme LE JUGE LATTANZI : Je regrette, Monsieur Seselj, si le témoin ne sait
18 pas, pendant le contre-interrogatoire il vous dit, "Je ne sais pas." Mais
19 vous ne pouvez pas témoigner.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Continuez, Madame Biersay.
21 Mme BIERSAY : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît --
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Je voudrais quand même que figure au
23 transcript ma position sur cette question.
24 Le temps de la Chambre est très précieux. Vous l'avez deviné. Je me suis
25 efforcé en deux heures à mener les questions. Mme le Procureur a une heure,
26 M. Seselj a une heure. A partir de là, chacun qui intervient, que ce soit
27 Juge, accusé ou Procureur, doit être sûr qu'on lui pose une question de la
28 base de sa question. Parce que s'il commet une erreur ça a des
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1 conséquences; il y en a un qui fait objection, et cetera.
2 Donc la question des voïvodes, que nous avons déjà longuement vue avec
3 d'autres témoins, si, Madame Biersay, vous avez des éléments qui vous
4 permettent de dire qu'il y a des voïvodes qui agissaient en 1992, 1992,
5 très bien, mais si vous en avez pas, à ce moment-là il faut être très
6 précis, très précis pour éviter qu'on perde son temps.
7 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
8 J'aimerais maintenant attirer votre attention sur la pièce 65 ter 92. Avec
9 un peu de chance, vous arriverez à le déchiffrer à l'écran. En attendant
10 que cela s'affiche, sachez qu'il s'agit d'un article appelé "Le chef des
11 Zvezda Delijas a rejoint le Mouvement chetnik-serbe," publié dans 'Velika
12 Srbija," numéro 2, 1990. il s'agit donc du numéro 2 de ce magazine.
13 Pourrions-nous, s'il vous plaît, aller en bas de la version en B/C/S.
14 Pourriez-vous passer, s'il vous plaît, à la page suivante, en B/C/S. En bas
15 à droite, pourriez-vous, s'il vous plaît, agrandir l'encadré.
16 Q. Je sais que la photo est très mauvaise, mais vous nous avez dit que
17 votre fils faisait partie d'un de ces mouvements ?
18 R. Oui, mon film, oui.
19 Q. Le reconnaissez-vous sur la photo ?
20 R. Je reconnais Srdjan.
21 Mme BIERSAY : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, agrandir
22 l'encadré. En anglais, le texte correspondant se trouvera à la page
23 suivante.
24 Q. Le titre de cet encadré est le suivant, "Serment du voïvodat, Dr
25 Vojislav Seselj." C'est bien cela ?
26 R. Ce serment je ne l'ai pas vu, mais je n'ai aucune raison de douter de
27 cela. Ce serment s'inscrit dans la tradition du peuple serbe, dans la
28 tradition de tous ceux qui ont aimé son peuple et qui étaient prêts à se
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1 sacrifier pour son peuple.
2 Q. 'Velika Srbija' est un média qui est associé avec quel parti, s'il vous
3 plaît ?
4 R. Bien, comme cela a déjà été dit, cette "Grande-Serbie" sort toujours,
5 c'est une publication qui ne cesse de s'améliorer. Il y a beaucoup de
6 contributions scientifiques dedans, des articles qui ont du succès. C'est
7 de loin la meilleure publication qui jette une lumière sur les problèmes
8 d'actualité de la nation serbe et de l'Etat serbe, et aussi qui pente
9 [phon] sur la situation qui prévaut sur le plan international, et le reste.
10 Il y a des contributions, des hommes de plume, des scientifiques,
11 professeurs universitaires, académiciens, et cetera.
12 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie.
13 L'Accusation demande l'admission de la pièce 92, s'il vous plaît.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, un numéro pour cette pièce.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Président, il me semble
16 que mon objection est adéquate et appropriée. Le Procureur, dans le numéro
17 précédent de la "Grande-Serbie" avait tout le reportage sur ma prestation
18 de serment en tant que voïvode chetnik au monastère Libertyville près de
19 Chicago aux Etats-Unis d'Amérique. Donc un reportage exhaustif. Et dans le
20 numéro qui suit, il n'y a que le serment. Mais alors je ne vois pas
21 pourquoi le Procureur ne verse pas au dossier les deux. Parce que là on ne
22 sait même pas où on a prêté serment ni à quelle occasion ni quand, rien, on
23 ne sait rien. Donc c'est juste un petit encadré, rien d'autre. Et ils ont
24 tout cela, ils ont tous les numéros du journal 'Grande-Serbie.'
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maintenant on le sait puisque vous venez de
26 nous le dire où ça a été fait.
27 Alors on va donner un numéro. Monsieur le Greffier, un numéro pour ce
28 texte.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote P687. Je vous
2 remercie.
3 Mme BIERSAY : [interprétation] Puis-je savoir combien de temps il me reste,
4 s'il vous plaît, et quand ce fera la pause ?
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne sais pas. Trente minutes, qu'il vous reste.
6 Bon. Alors écoutez, le mieux, on va faire la pause maintenant, puis on
7 reprend après la pause. Ça vous convient ?
8 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous faisons une pause de 20 minutes.
10 --- L'audience est suspendue à 12 heures 00.
11 --- L'audience est reprise à 12 heures 29.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.
13 Avant de donner la parole à Mme Biersay, Monsieur le Témoin, juste une
14 petite précision.
15 Vous aviez dit que vous aviez été élu comme député. Je voudrais savoir si
16 vous avez été élu député au niveau de la municipalité de Pancevo ou vous
17 avez été élu député du Parlement à Belgrade ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] De 1992 à fin 1996, j'ai été député national.
19 Mais je suis député régional depuis cette année. J'ai regagné les rangs du
20 Parti radical serbe au mois de mars de cette année-ci.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous êtes député régional dans la municipalité
22 de Pancevo aujourd'hui ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je suis encore député
24 mais je le suis depuis le mois de mai des dernières élections de cette
25 année-ci.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a peut-être un problème d'interprétation. Moi,
27 je veux savoir si vous êtes député du Parlement à Belgrade.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Le reste -- donc vous êtes un élu local.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Au niveau local.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous êtes un élu local. Très bien. C'était
4 juste ce que je voulais savoir.
5 Madame Biersay.
6 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Est-il possible d'afficher la pièce P223. Pour ce qui est de la
8 planification des activités, après je vais demander l'affichage de la pièce
9 P227, la pièce P217, ainsi que de la pièce P225 [comme interprété].
10 Q. Monsieur le Témoin, vous allez avoir besoin de vos lunettes, car je
11 vais vous montrer quelques documents qui vont dans un instant être affichés
12 à l'écran.
13 R. Fort bien.
14 Q. J'avais dit que c'était la pièce P223.
15 N'est-il pas exact de dire que les volontaires ont été déployés en tant
16 qu'unités et non pas simplement être incorporés en tant qu'individus dans
17 des unités déjà existantes de la JNA ? Regardons la pièce P223, est-ce que
18 cette pièce ne dit pas ceci :
19 "Au nom des unités de volontaires du SRS, le commandant Novavic est par la
20 présente autorisé à coordonner au nom du SRS, avec l'état-major de la
21 Défense territoriale de Podravska Slatina et l'état-major de la Slavonie
22 occidentale pour ce qui est de la défense, des ressources en hommes et
23 autres besoins, et en coopération avec l'état-major du SRS
24 aussi de l'intervention du QG de guerre du SRS de Belgrade."
25 La date étant le 24 octobre 1991 ?
26 R. Je ne peux ni confirmer ni infirmer ce document, mais je pense que ce
27 n'est pas dans le cadre de l'organigramme et des fonctions de la nature de
28 notre QG de guerre. S'agissant de ce Rankic --
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1 Q. Est-ce que j'ai fait lecture exacte du document ?
2 R. Vous avez bien lu. Mais je pense que ce n'est pas conforme à la nature
3 des fonctions de ce QG de guerre.
4 Pour ce qui est de ce Rankic Zoran, je sais que c'est un homme, un artisan,
5 qui a dû maladroitement rédiger les choses pour faire court sans pour
6 autant se pencher sur le sérieux de ce qu'il fait.
7 Q. Je vais vous montrer un autre document, la pièce P227. Voyez-vous dans
8 ce document un numéro 3, lequel parle de conditions qu'il faut remplir pour
9 l'assistance à fournir, au numéro 3, on parle de "coordination avec le
10 commandement de notre unité." Ce document porte la date du 16 octobre 1991,
11 document signé à Belgrade ?
12 R. Madame, je peux seulement vous répéter que le dénommé M. Rankic l'a
13 fait maladroitement, ce n'est pas conforme aux attributions qui étaient
14 d'abord les siennes. C'est en toute responsabilité et en connaissance de
15 chose que je vous dis que le Parti radical serbe n'avait aucune unité à
16 soi.
17 Cet homme, Zoran Rankic, demi-analphabète, pour autant que je le connaisse,
18 c'est quelqu'un qui n'a pas compris les choses.
19 Q. Permettez-moi de vous demander de vous pencher sur la pièce P25. C'est
20 un document qui porte la date du 9 décembre 1991. C'est le commandant
21 chetnik de Vukovar, le capitaine Slobodan Katic, qui le signe. Il dit ceci
22 :
23 "Le commandant chetnik de Vukovar, Slobodan Katic, propose une promotion
24 destinée aux guerriers suivants."
25 On voit Milan, vous le voyez, Lancuzanin, surnommé Kameni, commandant. J'ai
26 bien lu le document ?
27 R. Vous avez bien lu, mais je ne suis pas la bonne personne pour ce type
28 de questions. Je n'ai pas été au champ de bataille. Par exemple,
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1 Lancuzanin, c'est quelqu'un que je n'ai jamais rencontré. Pourquoi avait-il
2 formulé les choses ainsi et ce que cela voulait dire à leurs yeux, je n'ai
3 pas de compétence pour vous répondre. Je peux être explicite sur un point,
4 à savoir que nous n'avons jamais eu de formation. Le Parti radical serbe
5 n'avait pas des unités à soi, mais envoyait ses hommes au sein d'autres
6 unités qui étaient organisées par l'armée serbe, voire par la JNA; ou
7 alors, ils faisaient partie de la Défense territoriale pour devenir membres
8 de la VRS ou l'armée de la Republika Srpska.
9 Mme BIERSAY : [interprétation] Est-il possible de voir la pièce P217, c'est
10 l'ordre numéro 124, proclamation de certains voïvodes.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. La traduction n'a pas été bonne. Ce
12 n'est pas un "ordre", c'est un "commandement." "Ordre" et "commandement" en
13 langue serbe, c'est deux actes juridiques tout à fait différents. Un ordre,
14 c'est un terme uniquement militaire; un commandement, ça peut être un acte
15 général ou individuel qui a une importance juridique moindre par rapport à
16 une loi.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous l'avez déjà dit, Monsieur Seselj.
18 Monsieur le Témoin, vous qui êtes un lettré, que pouvez-vous nous dire sur
19 le terme employé dans votre langue ? Est-ce que c'est une requête, une
20 demande, un ordre, un commandement ? C'est quoi au juste, dans votre langue
21 ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] "Naredba", c'est un acte de nature générale,
23 un commandement réglementant une question donnée. Ça ne peut pas être un
24 acte relatif à quelque chose d'individuel.
25 Mme BIERSAY : [interprétation] Puis-je vous demander d'examiner le point 3
26 qui se trouve en B/C/S en bas de page, à la première page. C'est la page 2
27 en anglais, on y décrit Branislav Vakic, je prends la deuxième phrase :
28 "Il a participé à la libération de Vukovar en qualité" --
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1 Vous reconnaissez le nom ?
2 R. Je reconnais le nom, mais je ne sais pas du tout qu'il a été à Vukovar.
3 Pour ce qui est de la proclamation des voïvodes chetniks, je l'ai vu
4 uniquement à la télévision, comme la plupart des citoyens de la Serbie qui
5 ont eu l'occasion de voir l'émission et je n'y vois pas un problème majeur.
6 Q. Je comprends. La dernière phrase -- ou plutôt la deuxième, je la lis
7 bien ?
8 "Il a participé à la libération de Vukovar en qualité de commandant
9 de l'Unité de volontaires Leva Supoderica" ?
10 Excusez-moi si j'écorche ce nom. Est-ce que j'ai bien lu ?
11 R. Vous avez bien lu, mais je n'ai jamais été au champ de bataille et je
12 ne sais rien --
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Madame Biersay n'a pas bien lu. On
14 ne dit pas "commandant," on dit "commandant adjoint." Peut-être le témoin
15 n'a-t-il pas suivi de façon attentive.
16 Mme BIERSAY : [interprétation] En anglais, nous avons une traduction qui
17 dit "commandant," c'est la lecture que j'en est faite.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ce n'est pas la première fois que la
19 traduction anglaise est mauvaise.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Laissez. Monsieur le Témoin, à nouveau, vous qui
21 savez lire, écrire et réfléchir. Dans le texte en cyrillique, c'est
22 "commandant adjoint" ou "commandant."
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, on dit "commandant adjoint."
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
25 Témoin, en 1993, il y a des nominations de voïvodes. A l'époque, vous le
26 saviez ou ça a été une initiative personnelle de M. Seselj, qui n'en a pas
27 informé les membres du Parti radical serbe ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons été informés. On savait que ça se
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1 passait, mais moi, je n'y ai pas participé.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc vous saviez que M. Seselj avait nommé
3 plusieurs voïvodes en raison d'états de service ? Qu'est-ce que vous dites
4 ? Je vous ai posé la question.
5 Oui, c'est à vous.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, allez-y.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Saviez-vous à l'époque que M. Seselj avait nommé des
8 voïvodes ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai su, je savais qu'il y avait des
10 préparatifs en vue de nomination et de proclamation, mais je n'y ai pas
11 pris part, moi.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse. J'étais chargé de l'organisation
14 et des cadres, moi. Je n'ai pas eu le temps, et point n'était besoin pour
15 moi de participer à absolument toutes les activités du parti.
16 Mme BIERSAY : [interprétation]
17 Q. Monsieur Seselj, il était le membre le plus haut élevé dans le SAS,
18 n'est-ce pas ?
19 R. Oui, exact. Il était président, et il y avait au-dessus de lui
20 l'administration patriotique centrale et l'assemblée générale du parti.
21 Q. En ce qui concerne le Mouvement chetnik-serbe, lui aussi était à la
22 tête de ce mouvement, comme vous l'avez dit aux Juges de la Chambre ?
23 R. Il se trouvait à sa tête, mais j'ai perdu contact avec ce Mouvement
24 chetnik-serbe lorsque le Parti radical serbe a commencé à se rendre actif.
25 Je ne sais rien du Mouvement chetnik-serbe. Je ne suis pas sûr du tout que
26 cela ait continué d'exister et de fonctionner.
27 Quand vous parlez du Mouvement chetnik-serbe, je tiens à dire que bon
28 nombre se disaient Chetniks. Et même --
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1 Q. Je comprends. Un instant, s'il vous plaît. Avant de discuter du
2 Mouvement chetnik-serbe, si je vous posais cette question, c'était pour la
3 raison suivante : en sa qualité de fonctionnaire qui était à la tête de ces
4 deux groupes, est-ce qu'il a rencontré d'autres fonctionnaires de haut rang
5 d'autres partis ?
6 R. Pour autant que je m'en souvienne, le Dr Vojislav Seselj a rencontré
7 des responsables d'autres partis uniquement en sa qualité de président du
8 Parti radical serbe, ça c'est autant que je le sache.
9 Q. Et comme vous l'avez décrit dans votre déclaration, il rencontrait
10 Radovan Karadzic, n'est-ce pas ?
11 R. Il a rencontré Radovan Karadzic, oui, pourquoi pas ?
12 Q. Est-ce qu'il a aussi rencontré Milan Martic, par exemple ?
13 R. Mais moi aussi, lorsque j'étais en visite à la Krajina de Knin, début
14 1993, lorsqu'il y a eu ces combats à Medacki Dzep, à la poche de Medak,
15 j'ai rencontré tous les responsables de la République de la Krajina serbe,
16 mais nous n'avions pas d'entretien particulier partant sur des unités du
17 Parti radical serbe, pas plus qu'on a eu autre chose. Ce que nous voulions
18 savoir, c'est comment allait le peuple serbe, est-ce qu'ils avaient à
19 manger, est-ce qu'ils pouvaient travailler et avaient du travail, et ce
20 genre de questions. Nous n'avions nullement l'intention de décider de leurs
21 opérations militaires. Nous avions seulement l'intention de chercher à les
22 aider.
23 Q. Vous répondez donc par l'affirmative, vous dites qu'effectivement, il y
24 avait des réunions de M. Seselj avec Martic ?
25 R. Je ne sais pas de façon précise qu'il y ait eu une réunion. Je sais
26 qu'ils se sont rencontrés, oui.
27 Q. Comme vous l'avez également décrit, M. Seselj était aussi en contact
28 avec Radmilo Bogdanovic, n'est-ce pas ?
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1 R. J'ai été en contact avec Radmilo Bogdanovic moi-même, ce n'étaient pas
2 des contacts de nature à donner lieu à des activités particulières. Radmilo
3 Bogdanovic était président de la Chambre des républiques, au parlement
4 fédéral, et il est normal que nous l'ayons contacté, notamment le Dr
5 Seselj, qui était chef de notre club de députés. Il a contacté Radoman
6 Bozovic aussi, qui se trouvait être président de la Chambre des citoyens.
7 Mme BIERSAY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le
8 Président. Dans l'intervalle, puis-je vous demander combien de temps il me
9 reste ?
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, le temps.
11 Quinze minutes.
12 Mme BIERSAY : [interprétation]
13 Q. J'aimerais maintenant passer au sujet de la tentative d'enlèvement d'un
14 des membres de votre famille. Quand est-ce que vous avez appris qu'en fait,
15 ce n'était pas un membre du SRS qui avait effectué cette tentative ?
16 R. J'ai appris cela le même jour, car l'un de mes collaborateurs, c'est-à-
17 dire mon adjoint dans ce nouveau club de députés, a appelé le siège du
18 Parti radical serbe et il a eu une conversation sur ce problème. Et il a
19 appris que personne ne l'a fait du Parti radical serbe. Et après, nous
20 avons vérifié cela, nous avons posé des questions, et de manière expresse,
21 on nous a dit que le Pr Seselj en a été informé et qu'il a condamné ce
22 comportement, et que cela n'avait rien à voir avec la direction du Parti
23 radical serbe. Ce sont des gens qui l'ont fait de leur propre chef, il y en
24 a eu sur les champs de bataille et partout en ex-Yougoslavie. Il y avait
25 beaucoup de gens qui venaient se présenter en tant que Chetniks alors
26 qu'ils n'avaient rien à voir avec le Parti radical serbe ni avec les
27 volontaires de ce parti.
28 Q. Permettez-moi de vous demander ceci. J'aimerais que vous repensiez à la
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1 rencontre que vous avez décrite aux Juges de la Chambre, rencontre que vous
2 avez eue avec M. Saxon, membre du bureau du Procureur.
3 Vous êtes diplômé en droit, n'est-ce pas ?
4 R. Exact.
5 Q. Vous êtes un homme politique qui a réussi de son propre chef ?
6 R. Je ne considère pas que je suis un homme politique. Je suis un
7 patriote, je suis un homme de lettres, je suis un homme qui se préoccupe du
8 sort de son peuple.
9 Q. Permettez-moi de vous remontrer la pièce 7427A de la liste 65 ter. Vous
10 l'avez reconnu, ce document, auparavant vous avez reconnu votre signature,
11 vous vous en souvenez, n'est-ce pas ?
12 La Chambre de première instance l'a signalé, cette déclaration que vous
13 avez faite au bureau du Procureur en 2003, vous l'avez signée, n'est-ce
14 pas, cette déclaration ?
15 R. En 2004, fin mai, j'ai donné une déclaration. J'ai signé, ça ne m'a pas
16 été relu, M. Paolo Stocchi a mené cela d'une manière spécifique. En fait,
17 il a tiré profit de ma déclaration d'être très reconnaissant à la nation
18 italienne et que je le percevais, lui, comme un neveu de l'officier italien
19 qui m'a enlevé quand j'avais un an aux mains oustachi, et qui m'a sauvé
20 pour que cet Oustachi ne me transperce pas avec sa baïonnette. Et il posait
21 des questions, et il apportait ses réponses, il a écrit à son gré, puis en
22 fait, il m'a forcé le dernier jour à signer en anglais. Il m'a forcé parce
23 qu'il m'a dit qu'on allait m'appeler de nouveau aux interrogatoires, et ça,
24 j'en avais marre. Et il m'a posé toutes sortes de questions sur plein de
25 choses; "Qui finançait, qui était membre du comité municipal," et en
26 particulier, ce qui l'a intéressé, c'est parce qu'à un moment donné je lui
27 ai demandé s'il me demandait en tant que membre de la CIA
28 enquêteur. Parce qu'il sortait complètement du cadre de la justice. Et il
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1 m'a dit qu'il fallait collaborer, et l'autre a dit : "Mais pourquoi ne pas
2 collaborer avec la CIA" --
3 Q. Monsieur Glamocanin, rappelez-vous que ma question était simple. Je
4 vois que vous souriez. Mais je vous demandais ceci. Est-ce que vous avez
5 bien signé et paraphé cette déclaration de 2003, est-ce que vous en avez
6 paraphé chacune des pages, déclaration fournie au bureau du Procureur ?
7 R. En 2003, je n'ai fait aucune déclaration. C'était en 2004, et j'ai --
8 Mme BIERSAY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons montrer en gros plan
9 la signature de la pièce 7427A - ça se trouve à la fin du document - pour
10 voir si ceci ravive vos souvenirs quant à la date de cette première
11 déclaration.
12 Q. Est-ce que vous dites aux Juges de la Chambre que même si vous êtes un
13 homme lettré, instruit, éduqué et formé au droit, on vous a forcé à signer
14 cette déclaration ? Vous voulez que la Chambre de première instance croie
15 cela ?
16 R. Je vous dis de quelle manière j'ai été forcé. Et si je me souviens
17 bien, c'était en 2004, et non pas en 2003.
18 Q. Oui.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Madame, Messieurs les Juges, cette
20 feuille ne constitue pas partie intégrante de la déclaration de M.
21 Glamocanin. Que le Procureur nous montre la déclaration signée par M.
22 Glamocanin. Ici il a signé une feuille où, de sa propre main, il a rédigé
23 un certain nombre de noms. Ça, ce n'est pas une signature sur la
24 déclaration.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, on ne va pas perdre du temps.
26 Parce que, moi, je vous ai déjà posé des questions là-dessus. L'Accusation
27 a jugé bon de revenir, et je n'en vois pas tout à fait l'intérêt.
28 Mais est-ce que vous avez signé, dans votre langue, une déclaration dans la
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1 langue serbe ? C'est "oui" ou c'est "non".
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. En serbe, pas du tout.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez signé une déclaration en anglais ?
4 Réponse.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] En anglais, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Et troisièmement, vous avez signé le document qu'on
7 a sous les yeux le 30 mai 2003 ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, mais comment est-ce que
9 je pourrais contester ma signature ? Mais je ne me souviens pas de ça.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais vous voyez, il y a votre signature, il y
11 a la date devant vous.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois, mais je n'arrive pas à me souvenir.
13 Mais peut-être qu'effectivement, vu mon âge, je n'arrive plus à me souvenir
14 de tout. Puis des années se sont passées, il s'est passé plein de choses.
15 Je connais tous ces noms. Nous avons collaboré.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay.
17 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
18 Q. Auparavant, vous avez décrit aux Juges de la Chambre de première
19 instance, vous avez dit que M. Seselj n'a pas parlé de génocide. Est-ce que
20 M. Seselj a parlé du génocide du peuple serbe dans ses discours ?
21 R. Oui. Il a parlé du génocide pendant la Deuxième Guerre mondiale. Mais
22 les Oustachi ont tué un million de Serbes pendant la Deuxième Guerre
23 mondiale. Et il y a eu des assassinats génocidaires des Serbes également en
24 1991, en juillet, août, en Slavonie occidentale, dans cette région de
25 Vukovar. Et il y a eu ce type de phénomène à Gospic. Pour notre peuple,
26 c'est une révélation atroce que le génocide de la Seconde Guerre se
27 reproduisait.
28 Q. Est-ce que M. Seselj n'a pas prôné la riposte, les représailles face à
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1 des crimes dont il a dit qu'ils avaient été commis sur des Serbes pendant
2 la Deuxième Guerre mondiale ?
3 R. Jamais Seselj n'a affirmé ça. Seselj affirmait, et en particulier, il
4 soulignait qu'il ne fallait pas faire confiance aux Oustachi, aux forces
5 d'orientation pro-oustachi en Croatie, comme notre peuple serbe leur a fait
6 confiance en 1941. Tout simplement, notre population était emmenée dans des
7 églises, ils étaient incendiés dans les églises, tués de la manière la plus
8 atroce. Et eux, ils pensaient, "Mais on n'a rien fait de mal ?" Pourquoi ne
9 pas faire confiance aux autorités croates. Mais c'était pas ça la question,
10 est-ce qu'ils étaient innocents ou pas. C'était que c'étaient des
11 orthodoxes, des Serbes, c'est pour ça qu'on les a tués. Et maintenant on
12 reprenait cela, le programme, les insignes dans le cadre de cette nouvelle
13 politique menée en Croatie par la Communauté démocratique croate avec
14 Tudjman à sa tête.
15 Mme BIERSAY : [interprétation] L'Accusation n'a plus de question à poser au
16 témoin.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
18 Le temps est précieux, et Monsieur Seselj, vous pouvez peut-être commencer
19 votre contre-interrogatoire, mais simplement une précision de la Chambre,
20 Monsieur Seselj.
21 Vous avez fait part, et nous vous en remercions, de votre intention
22 d'utiliser un livre qui a été publié et qui a donné lieu à des écritures de
23 l'Accusation, des écritures confidentielles. Alors si ce livre, vous
24 l'utilisez uniquement pour le SRS, le rôle de M. le Témoin, très bien. Mais
25 la Chambre vous fait interdiction d'utiliser ce livre si vous voulez
26 révéler des noms de témoins protégés. Donc vous comprenez très bien que le
27 livre doit être manié dans l'optique unique de poser des questions au
28 témoin sur le SRS, la Grande-Serbie ou je ne sais quoi, mais pas pour
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1 révéler des noms de témoins. Et également pour éviter toute polémique, la
2 Chambre vous demande évidemment de ne pas citer du livre qui, nous l'avons
3 déjà dit, n'a pas à être évoqué.
4 Bien. Ma collègue veut rajouter quelque chose.
5 Mme LE JUGE LATTANZI : Oui. Je voudrais ajouter que vous - selon moi, c'est
6 mon opinion - vous ne pouvez même pas utiliser les passages où vous référez
7 à l'actuel témoin. Parce qu'à ce moment-là, ce témoin, quand vous avez
8 écrit le livre, était un témoin protégé. Et donc la question de l'éventuel
9 outrage est sub judice devant une autre Chambre, donc je pense que vous ne
10 pouvez pas utiliser ces passages-là.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame Lattanzi, j'ai toujours admiré votre
12 esprit de raisonnement logique, mais vous venez de vous surpasser vous-
13 même. Hagel, vous l'avez placé sur sa tête.
14 Mais cette déclaration de M. Glamocanin était de nature confidentielle
15 jusqu'à aujourd'hui. Mais puisque M. Glamocanin s'est présenté dans ce
16 prétoire et a demandé de déposer publiquement, ceci n'a plus de caractère
17 confidentiel, et cette qualité s'étend maintenant sur toutes les
18 déclarations de M. Glamocanin. Donc je ne peux pas accepter viscéralement
19 votre esprit logique. D'une part, je vous respecte, mais d'autre part, j'ai
20 une résistance absolue à ça. Je peux utiliser tout ce qui concerne ce
21 témoin, après, empêchez-moi de contre-interroger, si vous voulez.
22 Deuxièmement, ce que je voulais dire : Madame Biersay, je l'ai informée du
23 fait que je n'allais interroger que sur des parties qui concernent M.
24 Glamocanin, à partir de la page 69 [phon], une vingtaine, 25 pages; je le
25 lui ai donné et dit clairement.
26 Puis troisièmement, il y a deux ou trois mois, je me suis adressé à la
27 Chambre, je lui ai demandé de protéger les témoins de la Défense, j'ai
28 ajouté au moins 18 déclarations des témoins de la Défense. Ma thèse était
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1 que l'Accusation cherchait à les détourner. Tout cela a été traduit en
2 anglais, la requête et les annexes. Vous avez rejeté, je dois dire, cette
3 requête, mais vous êtes au courant de ces déclarations. Vous les avez à
4 votre disposition en anglais. Par conséquent j'insiste, j'ai le droit de me
5 servir de toutes les déclarations relatives à M. Glamocanin, il s'agit de
6 déclarations qu'il a données à mes collaborateurs.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, je ne sais pas ce qu'il y a dans
8 votre livre, parce qu'on ne l'a pas lu. On a vu la première page. On ne
9 sait pas ce qu'il y a dedans.
10 Il est exact que le témoin n'est plus protégé à partir d'aujourd'hui, et
11 que de ce fait ce qu'il a pu dire ou écrire est public. D'autant que je
12 constate qu'il a écrit beaucoup de livres et il a fait des interviews. Bon.
13 Donc c'est un homme public, un homme politique connu.
14 Alors, dans le livre que vous avez écrit, je présume que vous faites
15 référence à des écrits de l'intéressé ou à des dires. Bon. Peut-être que ça
16 peut être utile que "Le témoin a dit à telle époque telle chose," si ça ne
17 relève pas -- ça révèle pas des noms de témoins protégés. Alors la position
18 de ma collègue est un problème juridique qu'elle soulève. C'est son point
19 de vue. Moi, personnellement, j'ai un autre point de vue. Mais comme il n'y
20 a aucune jurisprudence de la Chambre d'appel en la matière, on est dans une
21 zone totalement incertaine.
22 Donc de ce fait pour contourner cette difficulté apparente, si vous avez
23 dans le livre des passages où l'intéressé a parlé du Parti radical serbe,
24 de votre rôle, de je ne sais quoi de Vukovar, ça, vous pouvez dire, "Dans
25 le livre que j'ai écrit, vous aviez dit cela. Est-ce que vous confirmez ?"
26 Bon. Ça, ça ne porte atteinte à rien. Alors je ne sais pas. Que voulez-vous
27 dire, on verra. Si la Chambre estime que ça porte atteinte à quelque chose,
28 il sera toujours temps d'expurger.
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1 Mais c'est un débat théorique. Je ne sais même pas les questions que vous
2 allez poser. Alors commencez et on verra en fonction du --
3 Mme LE JUGE LATTANZI : Mais je voulais seulement préciser que ma question -
4 - mon problème est tout à fait différent de ceux que M. Seselj et le Juge
5 Président posent. C'est pas la question de la confidentialité, de la
6 confidentialité qui a été enlevée. C'est pas cela la question.
7 La question c'est seulement que le livre en tant que tel, étant donné si on
8 site des passages qui concernent ce témoin qui était protégé au moment où
9 le livre a été écrit, ça signifie qu'il est sous enquête devant une autre
10 Chambre, du point de vue de savoir si en connexion avec le fait d'avoir
11 révélé son statut à ce moment-là, il y a eu ou non un outrage. Donc c'est
12 un peu différent à la question.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Seselj, vous avez
14 compris ?
15 Mme LE JUGE LATTANZI : -- C'est mon opinion et l'opinion des --
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame Lattanzi, est-ce que j'ai commis un
17 outrage du Tribunal. Cela ne concerne pas ce procès, ne concerne pas
18 l'interrogatoire de ce témoin. La question serait de savoir si l'accusé
19 peut commettre une telle infraction, un tel crime. Ça c'est quelque chose
20 qui devrait être établi.
21 Mais ce témoin a fait des déclarations à mes collaborateurs, leur donnant
22 son aval pour qu'on publie ces déclarations. Au moment où la publication du
23 livre à un exemplaire a été remis à ce témoin, et il est venu parler à la
24 promotion publique de ce livre dans le grand hall de la maison des
25 syndicats de Belgrade. Donc c'est de manière publique. Devant 3 000
26 personnes, qu'il a parlé de ce livre.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc si je comprends bien, il faut que vous nous
28 aidiez, parce que comme nous, nous ne connaissions pas la tenue du livre,
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1 le témoin a fait des déclarations écrites à vos collaborateurs. Bon. Donc
2 il y a des déclarations, et je présume qu'elles ont été enregistrées au
3 tribunal compétent. (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé) Et donc vous vous appuyez sur ce livre pour évoquer des
6 déclarations qu'il a faites à vos collaborateurs. Mais pourquoi ne pas
7 présenter la déclaration qu'il a faite à vos collaborateurs, et ça évite le
8 problème du livre ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, mais ces déclarations,
10 il y a trois mois que je vous les ai remises. Vous les avez. Je ne les ai
11 plus, j'ai jeté ces papiers. Il est plus facile pour moi de conserver tout
12 cela dans un petit livre que de transporter une tonne de papiers à chaque
13 fois. De toute façon, j'ai du mal à me retrouver dans les papiers. Mais je
14 peux même faire abstraction de cela. Je vais m'appuyer sur la substance, et
15 je l'ai dans ma tête.
16 Mais vous savez une autre chose, Monsieur le Président. Il y a plusieurs
17 mois, lorsque j'ai mentionné le titre de ce livre pour la première fois,
18 vous êtes passé à huis clos à cause de cela, vous avez expurgé le compte
19 rendu. A chaque fois que j'ai voulu mentionner le titre, j'ai dit, "Je ne
20 vais pas mentionner le titre pour ne pas passer à huis clos." Il n'y a pas
21 lieu de me remettre en garde.
22 Mais dites-moi, il reste quatre minutes. Vous trouvez que ça a un sens que
23 je commence le contre-interrogatoire ? J'étais prêt à interroger pendant
24 15, 20 minutes, mais là, je ne sais pas si ça fait --
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Le mieux, c'est que vous commenciez votre contre-
26 interrogatoire demain.
27 Bon. Donc la Chambre vous permet de vous référez aux déclarations, mais
28 vous n'indiquerez pas le titre du livre, mais ça, vous êtes d'accord là-
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1 dessus. Vous pouvez dire que dans la déclaration qui figure dans votre
2 livre, Monsieur le Témoin, vous avez dit ça, expliquez-moi, et cetera. Et
3 je pense que les Juges sont d'accord pour la procédure.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais voyez-vous, Monsieur le Président, vous
5 voyez à quel point je respecte votre décision. Quand j'ai annoncé à Mme
6 Biersay que j'allais me souvenir du livre, même à ce moment-là, je n'ai pas
7 cité le titre. J'ai dit, "Je me servirai de ce beau livre." Mes propos,
8 c'était en anglais, "I will use this beautiful book." Je ne voulais pas
9 dire le titre, parce que Mme Dahl était présente. Vous voyez, j'ai des
10 scrupules.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre constate que vous avez fait
12 d'énormes progrès en anglais, et ça permettra d'avancer.
13 Bien. Alors, Monsieur Seselj, nous nous retrouverons, comme vous le savez,
14 demain à 8 heures 30. Bon. Donc vous aurez une heure, et j'espère que ça se
15 passera conformément au planning. Après quoi, peut-être que les Juges
16 auront des questions complémentaires. Je n'en sais strictement rien. Puis -
17 mon collègue dit qu'il en aura - puis nous terminerons donc avec ce témoin,
18 et nous avons donc après un 92 ter qui est prévu demain. Voilà donc le
19 programme.
20 Alors, Monsieur le Témoin, vous êtes maintenant sous serment, puisque vous
21 avez prêté serment de dire la vérité, ce qui vous interdit évidemment
22 d'avoir des contacts avec le bureau du Procureur ou avec M. Seselj, mais
23 là, ce serait beaucoup plus difficile. Et évitez aussi d'avoir des contacts
24 avec la presse. Si un journaliste vous téléphone pour vous demander quelles
25 sont vous impressions, dites-lui que vous lui donnerez vos impressions
26 après demain, mais que pour le moment, vous êtes toujours sous le contrôle
27 de la Chambre. Comme vous êtes un juriste distingué, vous comprenez bien la
28 portée de mes propos et le sens de mes propos.
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1 Voilà. Donc nous nous retrouverons demain à 8 heures et demie, et je vous
2 souhaite à tous une bonne fin de journée.
3 --- L'audience est levée à 13 heures 15 et reprendra le jeudi 11 décembre
4 2008, à 8 heures 30.
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