Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 4 février 2009

  2   [Audience publique]

  3   --- L'audience est ouverte à 14 heures 22.

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Merci, Madame, Monsieur les

  8   Juges. Il s'agit de l'affaire IT-03-67-T, l'Accusation contre Vojislav

  9   Seselj.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci, Monsieur le Greffier. En ce mercredi 4

 11   février 2009, je salue les représentants du bureau du Procureur, je salue

 12   M. Seselj et toutes les personnes qui nous assistent.

 13   Nous allons passer dans quelques instants à huis clos, parce que nous avons

 14   un témoin sous mesures de protection. Simplement, en deux mots, Monsieur

 15   Seselj, la dernière fois vous nous aviez dit au cours de l'audience que

 16   vous aviez des difficultés pour vous entretenir avec M. Karadzic. Bon. La

 17   Chambre a découvert ce problème. Nous avons été -- j'ai dit Karadzic, pas

 18   Krasic. Je voudrais que les interprètes fassent très attention quand je

 19   parle et qu'on traduise exactement ce que je dis. Je n'aime pas avoir les

 20   yeux constamment fixés sur l'écran pour vérifier si mes propos sont bien

 21   traduits.

 22   Donc j'ai cru comprendre la dernière fois, Monsieur Seselj, qu'on vous

 23   avait interdit de vous entretenir avec M. Karadzic. Sachez que cette

 24   Chambre n'est pas intervenue, et nous avons découvert donc ce problème.

 25   Mais j'ai cru comprendre que maintenant la mesure qui avait été prise a été

 26   levée. Donc d'après ce qu'on m'a dit, vous pouvez discuter si vous voulez

 27   avec M. Karadzic sans problème. Voilà ce que je tenais à vous dire.

 28   Bien. Voilà. Ceci étant dit, je vais demander à M. l'Huissier de baisser le

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  1   rideau, parce qu'on va introduire le témoin qui fait l'objet de mesures de

  2   protection, et je vais demander à M. le Greffier de passer à huis clos.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience à huis

  4   clos.

  5   [Audience à huis clos]

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 19   [Audience publique]

 20   M. MARCUSSEN : [interprétation] Nous allons attendre que les stores soient

 21   complètement levés de façon à ce que les interprètes n'aient pas trop de

 22   bruit dans les oreilles.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 24   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 25   Q.  VS-2000, avez-vous occupé des postes à caractère politique dans votre

 26   village ?

 27   R.  C'est exact. Dès ma petite enfance, j'étais actif, tout d'abord dans le

 28   premier rang de toutes les manifestations sportives et culturelles. Et

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  1   lorsque je suis devenu un peu plus mûr et un peu plus fort, (expurgé)

  2   (expurgé). A l'âge

  3   de 17 ans, j'ai été admis à la Ligue des Communistes de la Yougoslavie. Et

  4   un an plus tard --

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, évitez de donner des noms de

  6   localités qui permettraient de vous identifier.

  7   Donc, Monsieur le Greffier, faites une ordonnance pour enlever le nom du

  8   village, page 55, ligne 14.

  9   Bon, ce n'est pas de votre faute, mais on va veiller à cela.

 10   Bien. Continuez.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Après cela, j'ai été élu au poste du

 12   secrétaire de l'organisation du parti dans mon village, ceci a duré pendant

 13   deux ans. Après cela, j'ai été secrétaire de la commune locale pendant

 14   plusieurs années -- ou plutôt, plusieurs mandats. Et tout ceci jusqu'au

 15   début de la guerre dans la région de la municipalité.

 16   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 17   Q.  Avez-vous été élu conseiller pour un parti bien précis, et si oui,

 18   quand ?

 19   R.  Oui. Oui, c'est exact. Au début de l'existence du système multipartite

 20   en Bosnie-Herzégovine, j'ai été élu au poste du président du Parti de

 21   l'Action démocratique dans mon village, et je suis devenu membre du conseil

 22   municipal du Parti de l'Action démocratique. Après cela, j'ai été nommé au

 23   poste du secrétaire de l'organisation municipale du Parti.

 24   Q.  Pourriez-vous nous décrire les relations qui existaient entre les

 25   différents groupes ethniques dans votre village avant que le conflit en

 26   Bosnie-Herzégovine n'éclate ?

 27   R.  Avant le début du conflit, sur le territoire de mon village il

 28   n'existait aucune tension interethnique. La coexistence était fraternelle,

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  1   de bon voisinage, amicale, il n'y avait aucune division. Mais, avec

  2   l'avènement du système multipartite, le point de vue s'est modifié sur

  3   toutes ces questions et il y a eu davantage de séparations, et avec les

  4   pressions exercées par ce que j'appellerais les dirigeants des partis

  5   nationalistes, la tension s'est accrue.

  6   Q.  A quels partis faites-vous référence lorsque vous parlez de partis

  7   nationalistes ?

  8   R.  J'ai dit les partis nationaux, et je pensais au SDS, Parti démocrate

  9   serbe, le SDA, Parti de l'Action démocratique, et le Parti de Seselj dans

 10   ces régions, c'est-à-dire le Parti radical serbe.

 11   Q.  Ces dirigeants auxquels vous faites allusion, pourriez-vous nous donner

 12   leurs noms, s'il vous plaît.

 13   R.  Je vais donner les noms des adhérents serbes, mais je ne pourrais pas

 14   certifier les noms des membres ou dirigeants du SDS ou du Parti radical

 15   serbe. Dans ma région, il y avait deux villages qui étaient reliés et dont

 16   la population était strictement musulmane, et un village dont la population

 17   était mixte, c'est-à-dire serbe et musulmane. Dans ce secteur mixte, il y

 18   avait (expurgé) qui était la personnalité la plus importante. Je

 19   regrette, je n'ai pas mon dossier sous les yeux, mais je ne me rappelle pas

 20   le nom des autres, mais si l'occasion se présente, j'aimerais pouvoir lire

 21   le nom des autres militants serbes.

 22   S'agissant des militants du SDA dans ma région, en dehors de moi, il y

 23   avait d'autres hommes --

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

 25   Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur le Témoin, j'ai une question pour clarifier

 26   un fait qui peut-être dépend seulement de la traduction.

 27   Avant de nous donner la liste de ces partis, vous les avez qualifiés --

 28   vous les avez qualifiés de nationalistes ou nationaux ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé de partis nationaux.

  2   Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est cette observation que je voulais faire,

  4   celle que vient de faire Mme le Juge Lattanzi, car au compte rendu

  5   d'audience on lit "nationalistes" alors que le témoin ne cesse de dire

  6   nationaux.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, "nationaux" dans votre langue, c'est quel

  8   mot ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est très facile de préciser tout cela. Les

 10   "partis nationaux" font référence à l'appartenance à une nation. Il n'y

 11   avait personne qui était d'appartenance serbe au sein du Parti de l'Action

 12   démocratique et vice-versa, en tout cas à ce moment-là. Par la suite, les

 13   partis en question se sont transformés pour devenir nationalistes lorsque

 14   les tensions se sont accrues. Mais au moment dont je parle en ce moment, il

 15   s'agissait de divisions entre les personnes, entre les habitants, pas dans

 16   différents partis nationaux.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : On a compris.

 18   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, pour être

 19   prudent peut-être faudrait-il expurger le nom que l'on trouve à la page 57,

 20   ligne 10. Puisque je crois qu'on parle d'un dirigeant politique du cru.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, on va expurger.

 22   Monsieur le Greffier, ligne 10, page 57.

 23   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 24   Q.  VS-2000, si vous le saviez, pourriez-vous nous dire qui étaient les

 25   dirigeants de ces partis, mais alors au niveau national maintenant ?

 26   R.  S'agissant du Parti de l'Action démocratique, le président du parti au

 27   niveau municipal était Asim Juzbasic, le président du SDS au niveau

 28   municipal était Branko Grujic. Le président du Parti radical serbe, je ne

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  1   suis pas tout à fait sûr en ce moment de pouvoir vous donner son nom, car

  2   17 ans plus tard j'ai oublié ce nom.

  3   Q.  Donc si j'ai bien compris vous nous avez donné une réponse qui porte

  4   sur la municipalité de Zvornik; c'est bien cela ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Je pense que vous avez déjà répondu à la question, mais je vous la

  7   repose. A un moment ou à un autre, est-ce que la situation a commencé à se

  8   modifier, donc surtout la situation entre les groupes ethniques dans votre

  9   région; pouvez-vous nous décrire un petit peu ces changements.

 10   R.  Au fil du temps alors que l'on s'éloignait de plus en plus de la

 11   création de ces divers partis, les tensions sont apparues sous-tendues par

 12   des façons différentes de voir la vie en général et la coexistence en

 13   particulier, de sorte que les dirigeants nationaux se sont servi de cela.

 14   Ils ont saisi l'occasion, notamment ceux qui avaient prévu un certain

 15   nombre de choses qu'ils souhaitaient obtenir par voie de la guerre, et donc

 16   des transformations ont eu lieu et une augmentation des tensions.

 17   Q.  Dans la municipalité de Zvornik avant que le conflit n'éclate,

 18   pourriez-vous nous dire si les hommes en âge de porter des armes de tous

 19   groupes ethniques, étaient-ils sous le coup d'une mobilisation éventuelle ?

 20   R.  C'est exact. Le 4 avril 1992 exactement, le président du Parti radical

 21   serbe, Branko Grujic, a eu recours aux médias, et ceci a été transmis

 22   également par la radio de Belgrade, pour proclamer la mobilisation générale

 23   pour les Serbes résidant sur le territoire de la municipalité de Zvornik.

 24   Mais déjà avant et même longtemps avant, la mobilisation avait été mise en

 25   œuvre dans la pratique. On parlait de cela en parlant de la mobilisation de

 26   la population serbe par voies d'armement, tranchées qui étaient creusées,

 27   et cetera.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il est écrit ici "Branko Grujic, président du

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  1   Parti radical serbe." Je me dois d'intervenir.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est possible que j'aie fait une erreur.

  3   Branko Grujic était président du SDS, Parti démocratique serbe. Toutes mes

  4   excuses.

  5   M. MARCUSSEN : [interprétation]

  6   Q.  Témoin VS-2000, avez-vous un livret militaire ?

  7   R.  J'avais un livret militaire, comme tous ceux qui ont fait leur service

  8   militaire et qui ont plus de 18 ans. Et ces livrets militaires ont été

  9   confisqués avant le début des actions de guerre. En effet, tous ceux qui

 10   étaient en possession d'un livret militaire ont été invités à se rendre

 11   auprès de leur organisation de travail où ils avaient un emploi

 12   éventuellement ou auprès du secrétariat à la Défense nationale afin de

 13   remettre les équipements qui leur avaient distribués et leur livret

 14   militaire. Pour ma part, je travaillais dans une entreprise. J'y ai donc

 15   apporté mon livret militaire ainsi que mon équipement, et mon nom a été

 16   enregistré. Mais les gens qui étaient assis autour de la table où je me

 17   suis fait connaître ont déchiré une page de mon livret militaire où se

 18   trouvaient mes diverses affectations militaires, où elles étaient

 19   consignées, et ceci, je l'ai appris plus tard, a été fait pour tous les

 20   Musulmans.

 21   Q.  A votre connaissance, est-ce que ceci s'appliquait aussi aux Serbes ?

 22   R.  Il est certain qu'ils n'ont pas fait la même chose aux Serbes. Pourquoi

 23   ? Je travaillais dans une entreprise où les salariés étaient répartis à

 24   50:50 entre les deux groupes ethniques; donc il y avait des relations

 25   amicales entre groupes ethniques. Il y avait des mariages mixtes. Il y

 26   avait réceptions chez soi de personnes de l'autre groupe ethnique sans

 27   aucun problème. Et je sais que cela n'a donc pas été fait pour les

 28   conscrits serbes.

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  1   Q.  Les hommes qui ont été mobilisés de la sorte, ont-ils été inscrits

  2   d'une façon ou d'une autre ?

  3   R.  C'est exact. Tous ceux qui ont reçu une convocation et à qui on a

  4   déchiré une page de leur livret militaire, comme je viens de le décrire, la

  5   page contenant les affectations militaires et les mentions de grade, en

  6   dehors de cela, on a recueilli toutes sortes d'information à leur sujet,

  7   c'est-à-dire l'adresse, le numéro de téléphone. Moi, ça m'est arrivé. J'ai

  8   dû donner exactement l'adresse de l'endroit où je me trouvais et le numéro

  9   de téléphone. Donc ils avaient tous les renseignements dont ils avaient

 10   besoin.

 11   Q.  C'est arrivé quand ?

 12   R.  Cela s'est passé en février. Je n'en suis plus tout à fait sûr à 100 %,

 13   mais en tout cas c'était avant le début de la guerre. Février 1992. Pour

 14   certains, même avant. Cela dépendait de l'endroit où on habitait. Les

 15   moments n'ont pas été les mêmes pour tout le monde.

 16   Q.  Vous avez dit que les Serbes creusaient des tranchées. Comment l'avez-

 17   vous appris ?

 18   R.  Il y a un instant, j'ai dit qu'à l'endroit où j'habitais il existait un

 19   lien assez réel avec un autre secteur majoritairement peuplé de Serbes. En

 20   fait, cela voulait dire qu'il y avait un chemin, une route qui reliait les

 21   deux localités et qui menait jusqu'à la ville de Zvornik. Et les gens qui

 22   passaient sur cette route remarquaient que des tranchées étaient en train

 23   d'être creusées, qu'il y avait des patrouilles, à savoir que des hommes

 24   serbes patrouillaient dans le secteur par groupe de deux ou trois,

 25   quelquefois, tout à fait informellement. Mais enfin, dans le secteur, on le

 26   voyait. Et on pouvait aussi s'en rendre compte parce que les autobus ont

 27   cessé de passer sur cette route au risque d'être arrêtés dans le secteur

 28   serbe lorsqu'ils voulaient aller dans le secteur musulman. Je ne sais plus

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  1   quels ont été les motifs qui ont été avancés, mais en tout cas, les

  2   circulations de bus ont été arrêtées, et les Musulmans l'ont remarqué. Ils

  3   se sont bien rendu compte qu'il y avait quelque chose qui se passait.

  4   Q.  Afin que les choses soient claires, qui arrêtait la circulation ?

  5   R.  Les dirigeants, les dirigeants politiques du peuple serbe, quels que

  6   soient les partis qu'ils représentaient. J'ai dit que (expurgé) était

  7   l'alpha et l'oméga dans ce secteur; c'était le numéro un, bien entendu avec

  8   l'autorisation et la bénédiction de Branko Grujic.

  9   Q.  Pouvez-vous nous dire à peu près quand cela s'est passé ?

 10   R.  Avant le moment où les hostilités ont éclaté. Alors, à Zvornik, le

 11   conflit a éclaté le 8 avril, donc c'était au mois de février.

 12   Q.  A votre connaissance, y a-t-il eu des réunions organisées ou des

 13   rallyes organisés par les dirigeants serbes dans votre région ?

 14   R.  Des réunions ont été organisées dans toutes les localités dépendant de

 15   la municipalité de Zvornik, et donc également dans la région où j'habitais.

 16   Donc des meetings ont été organisés partout, et moi, ces renseignements, je

 17   les ai obtenus d'amis à moi qui étaient d'appartenance ethnique serbe. Et

 18   je répète que j'étais ami avec eux. D'autres avaient des amis dans la

 19   population serbe. Au début, j'ai dit que dans ma région il y avait pas mal

 20   de mariages mixtes et d'amitiés interethniques, de sorte que les Musulmans

 21   pouvaient toujours obtenir des renseignements auprès de leurs amis serbes,

 22   et ils se sont rendu compte qu'une situation très négative était en cours

 23   de préparation et que des événements très désagréables allaient se

 24   produire. Et des encouragements étaient donnés pour qu'ils quittent la

 25   région, ou qu'en tout cas ils mettent à l'abri les femmes, les enfants et

 26   les personnes âgées. Mais en tout cas, nous étions informés.

 27   Q.  Connaissez-vous une personne appelée Jovo Mijatovic ?

 28  (expurgé)

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  1   (expurgé) Et un jour, je

  2   suis arrivé au travail, et Jovo avait sur sa table de travail devant lui --

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Il faut expurger ce nom parce que --

  4   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je pense que ce nom va surgir plusieurs

  5   fois, donc si nous expurgeons, peut-être que ce serait mieux, parce qu'en

  6   effet le témoin a partagé son bureau avec cette personne.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc il suffira que vous lui dites, la personne avec

  8   qui vous partagiez le bureau, et comme ça, il comprendra que c'est

  9   l'intéressé. Bien.

 10   Continuez.

 11   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 12   Q.  VS-2000, vous nous expliquiez quelque chose à propos de cartes.

 13   Pourriez-vous continuer ?

 14   R.  Excusez-moi, mais est-ce que je peux prononcer le nom de cet homme ou

 15   pas ?

 16   Q.  Non, il faut éviter d'expliquer les détails de votre relation entre

 17   deux. Nous protégeons votre identité, mais je pense que cette personne est

 18   tellement connue que s'elle est reconnue, vous serez reconnu.

 19   R.  D'accord.

 20   Je connais la personne en question parce qu'il dessinait des cartes de la

 21   Grande-Serbie. Et quand j'ai eu des contacts avec lui, puisque nous étions

 22   amis, je lui ai demandé pourquoi il agissait ainsi, en l'avertissant d'une

 23   certaine façon, que ce n'était pas une bonne chose, que cela ne menait

 24   nulle part, que les médias allaient rendre ces cartes public. Et même, nous

 25   avons un peu plaisanté l'un avec l'autre au sujet de certains détails

 26   relatifs à l'endroit où les traits tracés sur ces cartes passaient d'un

 27   endroit habité par un groupe ethnique à un endroit habité par un autre. A

 28   ce moment-là, il m'a dit : mais en temps utile, il y aura compensation et

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  1   tout le monde sera content.

  2   Quelques jours plus tard, durant une autre réunion, cette carte qu'il avait

  3   dessinée était publiée par pratiquement tous les médias, c'est-à-dire tous

  4   les journaux, et de Serbie et de Bosnie-Herzégovine.

  5   Q.  Lorsqu'il a dit qu'il y aurait des compensations, a-t-il dit quoi que

  6   ce soit à propos de ce qui arriverait aux gens, aux Musulmans qui

  7   habitaient dans les territoires serbes, par exemple, dans les zones serbes

  8   ? Est-ce qu'il en a parlé ?

  9   R.  Il a dit exactement que si les Musulmans ne souhaitaient pas vivre dans

 10   un tel environnement, dans une république où la majorité de la population

 11   était serbe, il y aurait des échanges déterminés entre biens, immobiliers

 12   et maisons, et cetera, ce que ce serait donc une compensation. C'était ça

 13   son idée, et ce qui est tout à fait intéressant, c'est de voir qu'il

 14   s'agissait d'un responsable politique de haut rang dans la municipalité de

 15   Zvornik. Il était même député à l'assemblée à l'époque, à l'assemblée de

 16   Bosnie-Herzégovine.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne voulais pas intervenir, mais je veux vous

 18   poser la question.

 19   Ce monsieur dont on ne dit pas le nom, qui dessinait la carte, et sa carte

 20   a été publiée, ensuite, lui, il expliquait qu'entre les populations on

 21   pourrait trouver un arrangement. Mais quand il disait ça, il le disait de

 22   lui-même ou il répétait ce que d'autres avaient pu dire, ou ça venait de

 23   lui ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bonne question. Merci.

 25   Je suppose, parce que je ne pouvais pas être dans sa tête, mais je suppose

 26   que ces idées étaient liées à l'expression de décisions ou d'idées

 27   globales, collectives, de toute une direction politique de la municipalité

 28   de Zvornik, en tout cas, puisqu'il était une personnalité politique de la

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  1   municipalité de Zvornik.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

  3   M. MARCUSSEN : [interprétation]

  4   Q.  Quand avez-vous vu ces cartes et à quel moment avez-vous eu cette

  5   discussion ?

  6   R.  Encore une fois, je ne me rappelle pas la date exacte, mais c'était au

  7   début de mars 1992.

  8   Q.  Passant à un autre sujet : pourriez-vous nous dire si vous avez

  9   participé à des réunions où à des meetings auxquels aurait participé

 10   l'accusé ?

 11   R.  Oui. Et je dirais que je suis très heureux de revoir l'accusé, Vojislav

 12   Seselj, sept ans moins un mois plus tard. J'ai eu l'occasion de voir M.

 13   Vojislav Seselj durant un meeting de promotion du Parti radical serbe, mais

 14   cette fois-là, c'était à Mali Zvornik, une bourgade qui se trouve dans ce

 15   qu'on appelle le Zvornik bosnien.

 16   L'INTERPRÈTE : Correction : 17 ans et un mois plus tard.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais bien entendu, cela fait longtemps, mais

 18   lui se souviendra peut-être de la date d'un autre fait que je voudrais

 19   mentionner. Il a envoyé le plus jeune docteur en droit de l'ex-Yougoslavie

 20   dans notre région, et nombre d'entre nous, y compris moi, nous avons eu le

 21   sang qui s'est réchauffé dans les veines. Nous avons estimé que c'était

 22   magnifique d'avoir le plus jeune docteur en droit de la Bosnie-Herzégovine,

 23   un homme qui avait une instruction, une éducation universitaire de haut

 24   rang, qui avait appris -- à qui on avait enseigné qu'il fallait respecter

 25   les autres, qu'il fallait s'aimer les uns les autres, et que par aucune

 26   méthode liée à la guerre ou à l'hostilité, on ne pouvait imposer sa volonté

 27   à un peuple. En particulier, l'idée m'est venue de me demander qu'est-ce

 28   qui s'était passé dans la tête de Seselj du jour au lendemain pour modifier

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  1   tout cela et en arriver à la conclusion qu'il fallait neutraliser un peuple

  2   par des méthodes aussi atroces que la guerre et le génocide.

  3   Ça, c'était à peu près deux semaines avant l'agression de Zvornik. Donc

  4   cela doit avoir eu lieu aux environs des 17, 18 mars, à peu près, 1992, à

  5   Mali Zvornik. A ce moment-là, j'ai vu des affiches un peu partout dans le

  6   Zvornik bosniaque qui annonçaient la venue de M. Vojislav Seselj, président

  7   du Parti radical serbe, à Mali Zvornik. Pourquoi a-t-il décidé de venir

  8   précisément à Mali Zvornik, sans doute parce que le Zvornik bosniaque était

  9   structuré de telle sorte que -- en fait, le pourcentage était de 64 % de

 10   population musulmane contre 36 % de population serbe.

 11   Je suis allé à l'endroit où se déroulait ce meeting avec quelques personnes

 12   que je connaissais, à Mali Zvornik. C'était à 500 mètres de la centrale

 13   hydraulique, à peu près, et j'ai vu là-bas un grand nombre de participants.

 14   Je dirais un millier de personnes qui étaient debout devant la maison de la

 15   culture et de la jeunesse, et j'ai appris des personnes qui se trouvaient

 16   là que le meeting se déroulerait sans doute en extérieur.

 17   Il est probable que M. Seselj ou ses collaborateurs aient pensé qu'il

 18   n'était pas bon de tenir le meeting à cet endroit précis, car il y avait un

 19   nombre de Musulmans supérieur au nombre des Serbes, et que donc c'est la

 20   raison pour laquelle la décision a été prise de tenir le meeting dans la

 21   maison de la culture. Alors, accompagné de ceux qui étaient avec moi, j'ai

 22   continué mon chemin dans la direction de la maison de la culture par pure

 23   curiosité, pour voir qui était cet homme au sujet duquel j'avais entendu

 24   tant de bien.

 25   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 26   Q.  Je vous arrête pour que nous puissions parler de ces choses qui sont

 27   importantes.

 28   Vous dites qu'à votre avis, il y avait environ 1 000 personnes qui se

Page 13993

  1   trouvaient devant le centre culturel. Il y avait des Musulmans et des

  2   Serbes, si j'ai bien compris. Pouvez-vous nous dire quel était le rapport

  3   de force entre les deux groupes, le pourcentage de Musulmans et de Serbes ?

  4   R.  Il était difficile de l'évaluer puisque je ne connais pas toutes les

  5   personnes, mais je connais beaucoup de personnes de Zvornik et de Mali

  6   Zvornik. C'est là que je vivais et je travaillais, c'est là que je me

  7   déplaçais. Il est difficile de savoir quel était le nombre de personnes.

  8   Mais d'après l'évaluation de M. Seselj et des organisateurs du

  9   rassemblement, à mon avis ils ont dû conclure qu'il n'allait pas bien se

 10   passer s'ils organisent ce rassemblement à l'extérieur, car il y avait un

 11   grand nombre de Musulmans dans cette partie de Mali Zvornik. Beaucoup

 12   d'entre eux sont venus par curiosité, puis aussi afin d'envoyer un signe de

 13   protestation par rapport à de tels appels lancés aux gens, appels au

 14   nationalisme, à la guerre, et ainsi de suite.

 15   Q.  J'ai compris que vous êtes entré dans cette maison de la culture ou ce

 16   centre culturel. Pourriez-vous nous parler de ceci, à quoi ressemblait

 17   cette pièce lorsque vous y êtes entré ?

 18   R.  Quand je suis entré dans la pièce, c'était dans la cave, au sous-sol,

 19   et cette pièce était dans le noir, pratiquement. Il y avait des bougies qui

 20   brûlaient et des lumières traditionnellement orange. Je vais expliquer.

 21   J'ai vu plusieurs films concernant la Deuxième Guerre mondiale qui

 22   montraient les Chetniks qui tenaient leurs réunions justement ainsi, dans

 23   des pièces sombres, avec des bougies, avec leurs insignes traditionnels. La

 24   même chose se déroulait dans la maison de la culture de Mali Zvornik. Il y

 25   avait des drapeaux chetniks qui étaient hissés, il y avait la table à

 26   laquelle on attendait M. Seselj et ses associés, il y avait des couvre-

 27   chefs traditionnels avec des cocardes traditionnelles, ce qui indiquait

 28   appartenance au mouvement chetnik.

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  1   Lorsque je suis entré dans la salle, j'ai regardé autour de moi, et

  2   dans la dernière rangée de la salle à côté de moi, j'ai vu 15 à 20

  3   personnes que je connaissais personnellement. C'étaient des Musulmans. Dans

  4   le premier rang, juste devant la table à laquelle M. Seselj était supposé

  5   être assis, j'ai vu plusieurs personnes que je connaissais, y compris

  6   Branko Grujic. J'ai déjà dit qu'il était le président du Parti radical

  7   serbe -- pardon, du Parti démocrate serbe à Zvornik, alors que Seselj était

  8   le président du Parti radical serbe. Puis il y avait un grand nombre de

  9   personnes que j'ai vues dans la pièce et que je connaissais. J'étais

 10   surpris. Je me demandais ce qu'ils faisaient là-bas. Il y avait aussi des

 11   membres des forces de réserve de la JNA avec qui j'avais travaillé, et tout

 12   d'un coup ils étaient dans le premier rang à ce rassemblement.

 13   Soudainement, M. Seselj y est venu avec ses gardes du corps, et il a

 14   dit, littéralement : "Dieu vous aide, mes frères chetniks," et tout le

 15   monde a répondu de façon traditionnelle : "Dieu t'aide, héros." Ils ont

 16   tous dit cela en même temps. J'entends cela encore aujourd'hui dans ma

 17   tête. Il s'est mis à l'endroit où il était censé s'asseoir, et ensuite il a

 18   consulté brièvement ses associés, ensuite il s'est levé et il a commencé à

 19   parler. Il a dit qu'il regrettait le fait que le rassemblement ne pouvait

 20   pas se tenir dehors pour des raisons objectives. Je suppose qu'il voulait

 21   parler des raisons de sécurité. Il a dit qu'il espérait que les personnes

 22   qui étaient à l'intérieur allaient littéralement transmettre ce qu'il

 23   disait à leurs organisations de base.

 24   Puis il a souligné encore une fois : "J'espère que vous êtes de vrais

 25   représentants des groupes qui ont été dans vos unités et entités." Je me

 26   souviens, au bout de toutes ces années, les paroles qu'il a prononcées et

 27   que je n'oublierai jamais. Il a dit : "Mes frères chetniks, le temps est

 28   venu pour que l'on se venge sur les balija." Je vais expliquer. "Balija"

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  1   est un terme dénigrant pour les Musulmans. Probablement vous avez déjà

  2   entendu parler de cela lors de d'autres dépositions.

  3   "La rivière de Drina n'est pas une frontière entre la Serbie et la

  4   Bosnie. C'est l'échine de l'Etat serbe. Chaque pied de la terre peuplée par

  5   les Serbes est la terre serbe. Levons-nous, mes frères chetniks, et en

  6   particulier vous de l'autre côté de la Drina. Vous êtes les plus braves."

  7   C'était littéralement ce qu'il a dit. Je n'oublierai jamais ces paroles :

  8   "montrons aux balija, aux Turcs et aux Musulmans," il a dit tout cela dans

  9   ce contexte, "ils doivent aller vers l'est. C'est là que leur place se

 10   trouve."

 11   Je ne pouvais plus supporter cela. Je me suis levé et je me suis adressé à

 12   lui. J'ai dit : "Monsieur Seselj --"

 13   Q.  "La Drina, le fleuve -- la Drina ne constitue pas la frontière entre la

 14   Serbie et la Bosnie. Il s'agit de l'épine dorsale de l'Etat serbe." C'est

 15   ce qu'a dit l'accusé M. Seselj ? C'est ce dont vous vous souvenez ?

 16   R.  J'en suis sûr à 100 %. Je n'oublierai jamais ces paroles. C'est pour

 17   cela que je me suis levé et que j'ai réagi comme j'ai réagi. Je veux

 18   d'ailleurs vous le raconter.

 19   Q.  Très bien. Simplement, ceci n'était pas entre guillemets au niveau du

 20   compte rendu, donc on ne savait pas très bien, mais maintenant cela a été

 21   clarifié.

 22   Qu'est-ce que vous avez dit après vous vous êtes levé ?

 23   R.  J'ai dit à M. Seselj : "Monsieur Seselj, on ne peut pas faire comme

 24   ça." Je savais que je n'aurais pas suffisamment de temps pour dire tout ce

 25   que je voulais, car quelqu'un allait me couper pendant mon intervention.

 26   C'est pour cela que j'ai parlé très vite, et j'ai dit comme suit :

 27   "Monsieur Seselj, on ne peut pas faire comme ça. Je suis venu par curiosité

 28   afin de voir Seselj, le plus jeune docteur en droit en Yougoslavie, Seselj

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  1   qui a fait ses études de droit à Sarajevo, la capitale de la Bosnie-

  2   Herzégovine," la personne qui, à travers ses études, a appris, comme j'ai

  3   dit, au début qu'aucune appartenance à un autre peuple ne peut être

  4   détruite par une quelconque guerre. "Maintenant, tu appelles à la guerre.

  5   Non, Monsieur Seselj, ça ne peut pas se faire ainsi. Moi je m'attendais à

  6   ce que tu organises une réunion en tant que jeune au départ, pionnier de

  7   Tito --" lorsque je dis Tito, tout le monde sait que c'était auparavant le

  8   président de la Yougoslavie, dans laquelle nous avions vécu tous comme des

  9   frères, quelle que soit l'appartenance ethnique.

 10   J'ai dit : "Toi, en tant que pionnier de Tito, moi je pensais que tu

 11   allais organiser cette réunion différemment, que tu aurais été contre la

 12   violence et la guerre," mais je n'ai pas pu terminer. Deux de ses gardes du

 13   corps m'ont pris sous le bras. Effectivement, il n'y a pas eu d'incident,

 14   mais ils m'ont expulsé, ils m'ont fait sortir. Ils m'ont laissé dehors.

 15   J'ai entendu qu'un grand groupe de personnes sifflait, protestait,

 16   demandait que le rassemblement ait lieu à l'extérieur, que Seselj sorte

 17   pour expliquer cela aux gens à l'extérieur. Il y avait un nombre énorme de

 18   policiers de la Serbie à l'époque car, d'après les lois en vigueur à

 19   l'époque, la police bosniaque ne pouvait pas se trouver sur le territoire

 20   d'une autre république.

 21   Au bout de cinq, six minutes, Seselj est sorti avec ses proches de la salle

 22   et une bagarre généralisée a commencé à ce moment-là. J'étais dans le

 23   parking, j'étais à côté d'un groupe de personnes, je connaissais certains

 24   d'entre eux, et à ce moment-là, l'un d'eux a ouvert le coffre d'une voiture

 25   et il a dit : "Messieurs les Chetniks, prenez."

 26   A ce moment-là, j'ai vu que le coffre de la voiture était rempli de

 27   morceaux de bois qui étaient longs de 80 centimètres et qui étaient larges

 28   de 4 à 5 centimètres. A ce moment-là, ce groupe de jeunes s'est emparé de

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  1   ces morceaux de bois et une bagarre généralisée a éclaté. On ne savait plus

  2   qui frappait qui, qui était serbe, qui était musulman. Des objets ont

  3   commencé à voler à travers l'air, et à un moment donné, il y avait un grand

  4   groupe de personnes qui gisaient par terre. Je suppose que c'étaient les

  5   gardes du corps qui protégeaient Seselj contre cette attaque.

  6   Le lendemain, dans un journal, j'ai vu la photo de M. Seselj avec un

  7   sparadrap sur le visage et avec une main pansée. J'aurais aimé lui poser la

  8   question de savoir s'il se souvenait d'où lui vient la cicatrice qu'il a

  9   sur son visage. D'ailleurs, j'aurais dû lui poser la question dès le début

 10   mais j'ai omis de le faire.

 11   Et après cela, tout s'est terminé et les gens sont partis, c'est

 12   comme ça que ça s'est terminé.

 13   Q.  Merci.

 14   Je souhaite maintenant passer à un autre thème, et je souhaite maintenant

 15   me concentrer sur l'assemblée municipalité de Zvornik. Très rapidement, je

 16   souhaite vous poser des questions à propos de certaines personnes et si

 17   vous pouvez nous dire qui étaient ces personnes et quels postes ces

 18   personnes occupaient.

 19   Simplement dans ce contexte-là, Branko Grujic, vous l'avez peut-être dit,

 20   qui était-ce et quel poste occupait-il ?

 21   R.  Branko Grujic était le président du Parti démocrate serbe. Et il était

 22   la personnalité-clé ou, plutôt, il était un homme que tous les autres

 23   devaient écouter, ils devaient lui obéir, je veux dire obéir à ses

 24   propositions.

 25   Q.  Quel poste il occupait, pour autant qu'il ait un poste au sein de

 26   l'assemblée municipale ?

 27   R.  Il n'avait pas de fonction particulière au sein de l'assemblée

 28   municipale, car il avait un commerce privé, je suppose que c'était cela la

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  1   raison, et je suppose qu'il y avait un scénario préparé à l'avance car peu

  2   de temps après il allait devenir le président de la municipalité de guerre

  3   de Zvornik.

  4   Q.  Et Jovo Mijatovic ?

  5   R.  Jovo Mijatovic, l'homme que j'avais déjà mentionné, il était élu et

  6   représentait le peuple serbe dans le Parlement de la République de Bosnie-

  7   Herzégovine.

  8   Q.  Jovo Ivanovic ?

  9   R.  Jovo Ivanovic était le président du conseil exécutif de l'assemblée

 10   municipale de Zvornik.

 11   Q.  Stevo Radic ?

 12   R.  Stevo Radic était le secrétaire de la municipalité de Zvornik. Comme

 13   vous le voyez, je mentionne les noms et je mentionne les noms des Serbes.

 14   Et presque toutes les fonctions-clés, malgré le fait que la structure

 15   nationale à Zvornik était 64 % de Musulmans contre 36 % de Serbes, la

 16   plupart des postes-clés étaient tenus par des Serbes.

 17   Q.  Pourriez-vous --

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, il y a quelque chose que je ne

 19   comprends pas.

 20   Vous venez de dire 64 % de la municipalité était Musulman, 30 % de Serbes,

 21   mais ces gens-là ils ont été élus ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] 36 %.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais les Musulmans qui représentaient 64 %, ils

 24   votaient. Comment se fait-il qu'à ce moment-là, les élus c'étaient des

 25   Serbes qui occupaient les postes-clés ? Il y a quelque chose que je ne

 26   comprends pas.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une question excellente, et je vais

 28   essayer de vous clarifier.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Toutes mes questions sont excellentes. Alors essayez

  2   de clarifier.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, merci.

  4   Il est exact de dire qu'ils étaient tous des élus et qu'ils votaient, et

  5   qu'après les premiers votes multipartites en Bosnie-Herzégovine, les

  6   proportions étaient comme je l'ai dit, 64 contre 36. Peut-être, c'était un

  7   peu différent, car il y avait un certain nombre de personnes qui étaient

  8   membres du SDP, c'est-à-dire de la Ligue des Communistes, et qui ne se

  9   déclaraient ni comme appartenant à l'option musulmane ni une autre, mais

 10   plutôt une option universelle, entre les deux. Et à ce moment-là, lorsque

 11   l'on a commencé à distribuer les postes-clés au sein de la municipalité, on

 12   sentait déjà la guerre dans l'air, qui avait déjà commencé dans la

 13   république voisine de la Croatie. Et les Musulmans savaient ce à quoi il

 14   fallait s'attendre dans cette région. Et c'est la raison pour laquelle ils

 15   avaient fait un certain nombre de concessions afin de garder la paix et la

 16   tranquillité. Donc les concessions qu'ils ont faites aux Serbes, et c'est

 17   ainsi que les Serbes ont pu avoir la plupart des postes-clés politiques.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : On comprend mieux, grâce à vous. Merci.

 19   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 20   Q.  Pourriez-vous brièvement nous décrire : au printemps de l'année 1992,

 21   quel était l'objectif ou la vision politique des Serbes à Zvornik, pour la

 22   ville de Zvornik ?

 23   R.  Au printemps 1992, la vision ou l'objectif politique des Serbes de

 24   Zvornik, et d'ailleurs ils ont essayé de mettre cela en œuvre au sein du

 25   parlement aussi, concernait le partage de Zvornik en municipalités serbe et

 26   musulmane; le partage de la zone industrielle de Karakaj qui était l'une

 27   des plus importantes en Bosnie-Herzégovine, en partie serbe et musulmane.

 28   Et il était entièrement impossible de le faire, compte tenu du pourcentage

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  1   que j'ai exposé tout à l'heure, et notamment compte tenu du caractère mixte

  2   des deux populations car il n'y avait pratiquement aucune agglomération

  3   dans laquelle les Serbes ou les Musulmans étaient une majorité très

  4   importante, pratiquement totale. Cependant, il y a eu des séparations entre

  5   les Serbes et les Musulmans, et par la suite ceci a donné lieu à toute une

  6   série de réunions, qui n'ont finalement pas abouti.

  7   Q.  Très brièvement, quelle était la contre-proposition par rapport à cette

  8   idée qui consistait à vouloir diviser la municipalité ?

  9   R.  Nous avons essayé d'organiser des rassemblement de masse, dans la ville

 10   de Zvornik, et moi-même j'ai remis une cassette dont je disposais, une

 11   cassette d'un tel rassemblement et on y voit clairement qu'il y avait

 12   plusieurs dizaines de milliers de personnes qui ont assisté à de tels

 13   rassemblements, et à la fois les Serbes et aussi les Musulmans qui étaient

 14   les plus en vue dans la municipalité de Zvornik, ils ont pris la parole.

 15   C'était des personnes qui étaient contre la guerre, qui voyaient très bien

 16   que ceci n'allait aboutir à rien, rien d'autre que la souffrance et la

 17   perte d'une des populations. Donc il s'agissait des rassemblements qui

 18   s'opposaient à la guerre, qui s'opposaient au partage.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Président, je considère

 20   que l'Accusation devrait établir dès cette nuit la transcription de cette

 21   vidéo pour que ce soit distribué dès demain à toutes les personnes

 22   concernées. Si le témoin a donné cela à temps, ceci aurait dû déjà être

 23   fait.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Qu'est-ce que c'est cette vidéo ?

 25   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, la pièce ne se

 26   trouve pas sur la liste des pièces de l'Accusation, nous n'avons pas

 27   l'intention de demander le versement au dossier de cette vidéo en

 28   particulier. Si l'accusé souhaite la verser au dossier, bien sûr, il est

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  1   libre d'en demander de l'admission, nous n'allons pas nous y opposer. Le

  2   témoin va évoquer des détails.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand avez-vous obtenu cette vidéo ?

  4   M. MARCUSSEN : [interprétation] L'Accusation l'a obtenue en 1996, lorsque

  5   le témoin a fait sa déclaration.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Et Monsieur Seselj en a eu une copie ?

  7   M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, la vidéo, vous l'avez. Vous n'avez

  9   qu'à la regarder.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Qu'est-ce que je dois faire avec ? La regarder

 11   où, Monsieur le Président ? Si l'Accusation m'a envoyé l'autre jour un DVD,

 12   moi, ça ne me dit rien. Personne ne peut regarder cela à ma place ni me

 13   créer une transcription. Je n'ai de communication avec qui que ce soit au

 14   sujet de ces éléments de preuve.

 15   Si l'Accusation n'a pas --

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous donner mon expérience personnelle.

 17   Comme vous le savez, le Procureur a envoyé à la Chambre les

 18   différentes vidéos, et je suis venu un jour à 5 heures du matin et j'ai mis

 19   les vidéos dans mon ordinateur pour les regarder. Voilà. J'ai donc regardé

 20   toutes les vidéos. Alors faites comme moi. Vous vous levez tôt, vous mettez

 21   les vidéos dans le lecteur DVD qu'on peut vous fournir, et vous les

 22   regardez. Voilà. Alors --

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, à plusieurs reprises,

 24   vous en tant que Juge de la mise en état, vous demandiez explicitement à

 25   l'Accusation de faire en sorte que tous les documents en vertu de l'article

 26   68(1) me soient envoyés sur papier exclusivement. Cette séquence vidéo

 27   montre le rassemblement organisé par la partie musulmane dans la ville de

 28   Zvornik un jour avant le conflit armé qu'ils ont commencé. Si cette

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  1   séquence n'est pas favorable du point de vue de l'Accusation comme élément

  2   de preuve, ça doit être un document en vertu de l'article 68.1. J'en suis

  3   convaincu. Ils ne l'ont pas fait.

  4   Je n'ai pas d'ordinateur dans ma cellule. Je ne sais pas comment

  5   l'utiliser, et je ne peux pas utiliser un lecteur DVD pour voir les DVD.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, si cette vidéo est importante pour

  7   vous, je ne sais pas, demain lors du contre-interrogatoire, vous pouvez

  8   demander à ce qu'on la voit. Il n'y aura aucun problème.

  9   Monsieur, cette vidéo qu'on -- enfin, j'ai dû la voir, mais j'en ai

 10   tellement vue que je suis incapable de vous dire qu'est-ce qu'elle est. Je

 11   présume que la vidéo montre une foule de gens. Voilà, c'est ça.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Mais ce que M. Seselj vient de

 13   dire n'est pas exact, lorsqu'il dit que ceci a été filmé un jour avant

 14   l'agression contre Zvornik. Ceci a été filmé quelques jours avant notre

 15   rassemblement qui a eu lieu.

 16   Le rassemblement dont je vais parler plus tard, c'est un autre

 17   rassemblement qui a eu lieu un jour avant l'agression contre Zvornik. Dois-

 18   je poursuivre maintenant ?

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Cette vidéo a été tournée quelle date exactement ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit, c'était avant

 21   l'agression contre Zvornik, trois ou quatre jours. Donc c'était peut-être

 22   le 4 ou le 5 avril 1992.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, dans la déclaration de

 24   ce témoin, il est écrit que c'était les "6 et 7 avril." C'est écrit à la

 25   page 5 de la déclaration. Vraiment, je me retiens de faire des objections,

 26   mais je dois vous dire cela. Il s'agit de deux rassemblements à la veille

 27   du règlement de compte armé. C'est le témoin qui l'a dit lui-même dans sa

 28   déclaration. C'est à la page 3, paragraphe 2. Mais si vous considérez que

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  1   l'Accusation n'était pas dans l'obligation de me communiquer cela, que

  2   puis-je faire ? Moi, je dois me plier à cela.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a eu deux rassemblements, apparemment un 4 ou

  4   5, et puis l'autre, 6 ou 7. Alors la vidéo, c'est le premier ou le deuxième

  5   rassemblement ? C'est difficile, 17 ans après de dire cela. Je comprends

  6   très bien. Si vous ne savez pas, vous le dites je ne peux pas répondre.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] J'affirme avec 100 % de certitude, et j'ai

  8   prêté serment en disant que j'allais dire la vérité, je vous dis que

  9   c'était le premier rassemblement, celui qui a précédé à celui qui a eu lieu

 10   juste avant la guerre. Et si j'ai dit le 5 ou le 6, vous savez, c'était il

 11   y a 17 ans. Je ne sais pas si M. Seselj trouve cela tellement important de

 12   savoir si c'était le 5, le 6 ou le 7. Il s'agit d'une différence de 24

 13   heures. Mais l'important, c'est que c'était avant le rassemblement qui a eu

 14   lieu le 7.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, si vous insistez

 16   vraiment pour dire que l'Accusation n'est pas dans l'obligation de me

 17   communiquer ce document, je ne vais plus faire d'objection. Mais je vous

 18   rappelle qu'après le rassemblement, tous les Serbes ont quitté Zvornik.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, non. Le Procureur vous a donné

 20   cette vidéo. Vous l'avez cette vidéo depuis très longtemps. C'est tout.

 21   Maintenant, le Procureur il ne veut pas la montrer. Il fait ce qu'il veut.

 22   Vous, si vous voulez la montrer, vous pouvez l'apporter ou vous pouvez dire

 23   demain à M. le Greffier, projetez la vidéo. Voilà.

 24   Mme LE JUGE LATTANZI : Vous auriez pu aussi demander à vos collaborateurs

 25   de la visionner et de vous dire si elle est importante pour votre Défense.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est exactement ce que je vous avais dit, Monsieur

 27   Seselj. Quand vous aviez parlé de cette histoire, je vous avais dit, comme

 28   vous avez les DVD -- toutes ces vidéos en DVD, vous confiez ça à M. Krasic

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  1   ou X, Y ou Z, vous leur demander de la regarder, de se lever comme moi à 5

  2   heures du matin et de la regarder, et après de vous dire, tiens, c'est

  3   intéressant, ce n'est pas intéressant, et cetera. Je comprends très bien

  4   que vous, vous n'avez pas le temps de tout regarder vu les centaines de

  5   milliers, voire les millions de documents à exploiter, et ça, je ne vous en

  6   fais pas grief. Mais je vous avais dit que vous pouviez demander à vos

  7   collaborateurs de regarder cela. Voilà. Et je m'en souviens très bien de

  8   vous avoir dit ça.

  9   Mais de toute façon, cette vidéo montre un groupe de gens qui se

 10   rassemblent, et je ne pense pas que ça soit très déterminant, à moins que

 11   je me trompe. Mais ce sera à vous de nous l'indiquer.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, pour autant que je le

 13   sache, l'Accusation m'a communiqué cette séquence il y a quelques jours. Je

 14   ne connais pas la date exacte. Ce n'est pas la séquence qu'ils m'ont

 15   communiquée il y a quelques années.

 16   Et pour finir, depuis le 1er octobre, je n'ai pratiquement plus de

 17   collaborateurs. Et puisque c'est un autre témoin protégé, je ne peux pas

 18   parler avec M. Krasic de sa déposition. Vous l'avez décidé vous-même par

 19   écrit, c'est une décision publique.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, quand je vous avais dit de donner

 21   le DVD à vos collaborateurs, ça remonte à plusieurs mois. C'est il y a

 22   plusieurs mois que j'ai dit ça. Et à l'époque, il n'y avait pas de

 23   problème. Voilà.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que l'Accusation

 25   pourrait simplement me dire à quelle date elle m'avait communiqué cette

 26   séquence vidéo, ce DVD ?

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez l'accusé de réception quand vous lui avez

 28   transmis la vidéo ?

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  1   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je ne l'ai pas. Mais je souhaitais dire en

  2   toute équité envers l'accusé que nous n'avons pas pu communiquer ceci tôt.

  3   Donc nous avons communiqué cette vidéo, je crois, en fin de semaine

  4   dernière. Donc l'accusé a raison, il n'a pas eu ce DVD depuis très

  5   longtemps, et donc --

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Marcussen, vous avez dit le contraire tout

  7   à l'heure. Vous avez dit que cette vidéo avait été transmise en, je ne sais

  8   plus en quelle année.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc la vidéo, vous l'avez transmis la semaine

 10   dernière ?

 11   M. MARCUSSEN : [interprétation] Le 2 févier, Madame, Messieurs les Juges.

 12   Bien évidemment, la vidéo elle-même, et c'est citée dans la déclaration du

 13   témoin datée de l'an 2002. Je crois que ceci figure même dans sa

 14   déclaration de 1996. Donc si cette vidéo était si importante pour l'accusé,

 15   c'est tout à fait quelque chose qui aurait pu être soulevé avant

 16   aujourd'hui.

 17   Je n'ai pas vu la vidéo moi-même, mais je sais que d'aucuns l'ont regardée

 18   pour moi, et je peux vous en parler. Comme vous avez constaté, il s'agit

 19   d'un enregistrement d'un meeting politique, et je crois que c'est très

 20   difficile parce qu'il est difficile d'entendre ce qui est dit dans la

 21   plupart des passages. Mais le thème général, c'est en tout cas, il ne

 22   devrait pas y avoir de division ethnique, que les orateurs s'opposent à

 23   cette division ethnique et qu'ils souhaitent avoir les différents groupes

 24   ethniques représentés à Zvornik.

 25   Nous ne demandons pas le versement au dossier de cette vidéo. Nous

 26   l'avons communiquée à l'accusé pour qu'il l'ait, parce que nous avons

 27   estimé qu'il était important qu'il ait les documents qui ont trait à ce

 28   témoin, et parce que ceci est évoqué dans sa déclaration, mais d'après ce

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  1   que je peux voir, il n'y a rien à décharge dans tout ceci.

  2   Je crois que nous perdons peut-être notre temps ici.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Elle vous a été transmise le 2 février. C'est ce

  4   qu'a dit M. Marcussen.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je remercie M. Marcussen

  6   pour son attitude incroyablement correcte, car je n'étais pas habitué à

  7   cela de la part du bureau du Procureur. Je pensais que cela m'avait été

  8   communiqué la semaine dernière, à la fin de la semaine dernière. M.

  9   Marcussen dit le 2, c'est-à-dire lundi, c'est-à-dire avant-hier. Qu'est-ce

 10   qu'on est aujourd'hui, le 7 ? Quoi qu'il en soit, c'était la veille du jour

 11   où je l'ai reçue, et il s'agit du meeting qui a eu lieu après la fuite des

 12   Serbes hors de Zvornik. C'est le meeting qui s'est tenu ce jour-là, le jour

 13   de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Et vous savez quelle a été

 14   l'amertume terrible ressentie par les Serbes lorsqu'ils ont entendu parler

 15   de la reconnaissance de cette indépendance de la Bosnie-Herzégovine.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Continuez.

 17   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 18   Q.  VS-2000, vous souvenez-vous de l'assemblée qui s'est tenue le 3 avril

 19   1992 ?

 20   R.  Je me souviens de ce meeting qui a eu lieu le 3 avril 1992.

 21   Q.  Qu'est-il arrivé lors de cette réunion ?

 22   R.  Un rassemblement de tous les habitants de bonne volonté a été organisé

 23   pour leur permettre de faire connaître leurs opinions, leur opposition à

 24   toute division interethnique sur le plan urbanistique, sur le plan des

 25   infrastructures de la ville, leur opposition à la guerre, et ceci a eu

 26   pendant un certain temps des conséquences très positives.

 27   Mais par la suite, une série de meetings ont été organisés par les

 28   dirigeants, aussi bien dans le groupe ethnique serbe que dans le groupe

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  1   ethnique musulman. Ensuite, un rassemblement avec l'armée, l'armée

  2   populaire yougoslave, dirigée par un certain Jankovic, où, littéralement,

  3   on a demandé l'aide de la JNA. Autrement dit, la garantie que Zvornik ne

  4   serait pas touchée et ne serait pas affectée par la guerre, qui, elle,

  5   avait déjà démarré à Bijeljina, c'est-à-dire dans une ville voisine.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, si vous pensez faire une

  7   pause, j'aimerais que vous me permettiez encore une objection.

  8   Le Procureur vient d'évoquer un meeting en date du 3 avril dont je n'ai

  9   jamais encore entendu parler. Je connais les meetings des 6 et 7 avril dont

 10   le témoin parle dans sa déclaration préliminaire. Est-ce que ce sont deux

 11   meetings, plus un troisième meeting en date du 3, ou est-ce que le

 12   Procureur a en tête les deux meetings des 6 et 7 avril ? D'où vient

 13   maintenant ce meeting du 3 avril ? Jusqu'à présent il n'en avait pas été

 14   fait état dans quelque déclaration préliminaire que ce soit.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Marcussen, j'ai cru comprendre qu'il y

 16   avait un meeting le jour de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Ça, on

 17   le sait. Apparemment, il y en a eu un avant ou après. On ne sait plus. Vous

 18   faites allusion au quel, là, Monsieur Marcussen ?

 19   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je ne fais pas référence à un

 20   rassemblement. C'est le témoin qui l'a fait. Je vais essayer de clarifier

 21   tout cela. Mais il n'y a pas d'objection à soulever de la part de l'accusé.

 22   Il a été parfaitement averti de tout ce que le témoin allait dire, il y a

 23   la chronologie aussi des événements décrits par le témoin lui-même.

 24   Vous voulez faire la pause. Peut-être que nous pouvons faire la pause, et

 25   je clarifierai ça en retour de pause.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, essayez de clarifier pour faire préciser par le

 27   témoin qu'il y a eu un, deux ou trois meetings telle ou telle date, et

 28   qu'il nous dise oui, non, comme ça on s'y retrouvera, parce qu'entre les

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  1   meetings tenus par M. Seselj, puis les autres meetings côté musulman, on a

  2   du mal à s'y retrouver. Alors essayez de clarifier cela.

  3   Je pense qu'il doit vous rester environ une heure. Vous avez dû utiliser

  4   déjà une heure. L'idéal c'est que vous terminiez aujourd'hui

  5   l'interrogatoire principal.

  6   Bien. Alors on fait une pause de 20 minutes.

  7   --- L'audience est suspendue à 17 heures 37.

  8   --- L'audience est reprise à 18 heures 00.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 10   Monsieur Marcussen.

 11   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 12   Q.  VS-2000, nous avons parlé d'un rassemblement qui s'est tenu le 3 avril.

 13   Pourriez-vous nous dire où il s'est tenu ?

 14   R.  Avant tout, je regrette le malentendu qui s'est produit tout à l'heure

 15   au sujet du nombre de meetings et des dates de ces meetings. Nous avons

 16   parlé de deux meetings de masse contre la guerre, qui ont regroupé les

 17   habitants, pour le premier en date du 5 ou 6, et pour l'autre en date du 7.

 18   Mais celui dont nous parlons maintenant, ce meeting du 3 avril, est un

 19   meeting qui a eu lieu entre les partis politiques des Musulmans et des

 20   Serbes, à l'assemblée municipale de Zvornik. Durant cette réunion, une

 21   tentative a été faite pour parler encore une fois des possibilités d'éviter

 22   la guerre ou, plus précisément, de parvenir à établir un contact avec les

 23   dirigeants de l'armée pour obtenir de l'armée des garanties quant à la

 24   poursuite de la vie en paix dans la municipalité de Zvornik.

 25   Q.  Le côté musulman a-t-il fait une proposition à propos de ce qui

 26   pourrait être fait pour obtenir la paix, donc a-t-il proposé des mesures

 27   concrètes en vue de la paix ?

 28   R.  C'est exact, la partie musulmane a présenté une proposition dont j'ai

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  1   déjà parlé tout à l'heure, à savoir que ce soit l'armée qui soit garante de

  2   la paix, que soient retirés tous les barrages routiers déjà érigés par les

  3   Serbes dans certaines parties de la ville, c'est-à-dire aux sorties de la

  4   ville qui menaient vers la zone industrielle, Tuzla et Karakaj, et d'autres

  5   quartiers habités. Et au cas où il s'avérerait impossible de continuer à

  6   coexister normalement les uns avec les autres, le projet était de voir si

  7   la municipalité ne devrait pas être divisée, en tout cas les

  8   infrastructures municipales, de façon à éviter la guerre à tout prix. Ça,

  9   c'était le point principal.

 10   Q.  Si tant est que vous vous en souveniez, pourriez-vous nous dire à

 11   quelle date s'est tenu le rassemblement avec Jankovic ?

 12   R.  La rencontre avec le général Jankovic, commandant du Corps de Tuzla, a

 13   eu lieu le 7, à peu près vers midi, des les locaux de l'assemblée

 14   municipale de Zvornik. Un document officiel devait y être signé, document

 15   portant sur la coexistence entre les deux groupes ethniques, et la

 16   suppression de tous les obstacles à la vie commune, notamment les barrages

 17   routiers, de la même façon que cela s'était passé lors de la réunion, du

 18   meeting du 3, qui a ensuite été reporté au 5. Et Jovo Ivanovic est venu à

 19   ces meetings, il était président de l'assemblée municipale, et il a dit

 20   littéralement qu'il était venu au meeting mais que les Serbes ne

 21   souhaitaient pas la moindre négociation au sujet d'une quelconque division.

 22   Donc, il est venu dire qu'il ne voulait pas de séparation. Mais étant donné

 23   les pressions provenant du général Jankovic, il a été conclu que la

 24   coexistence devait se maintenir et que toutes les tensions devaient être

 25   surmontées.

 26   Et le 7, date du deuxième meeting, un nombre très très important de

 27   personnes s'est réuni devant l'assemblée municipale à midi, à peu près. Et

 28   encore une fois, ont été traités les sujets qui avaient déjà été abordés

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  1   durant les meetings précédents, c'est-à-dire contre la guerre, contre la

  2   séparation, la division, et cetera.

  3   Q.  J'aimerais maintenant que nous en revenions au 6 avril, s'il vous

  4   plaît. Y a-t-il eu une réunion de l'assemblée municipale ce jour-là ?

  5   R.  C'est exact, une réunion de l'assemblée municipale a eu lieu ce jour-

  6   là. J'y ai assisté personnellement. Mais je souligne une nouvelle fois la

  7   fermeté de la position défendue par la direction politique de la partie

  8   serbe, qui estimait qu'il ne devait y avoir aucuns pourparlers, aucune

  9   négociation, aucun règlement quant à la poursuite de la coexistence dans la

 10   ville, parce que les Serbes, de toute façon, avaient déjà en grand nombre

 11   quitté la ville, ils étaient partis pour la Serbie en traversant la Drina

 12   ou en passant par d'autres itinéraires. Donc à la date du 6, durant ce

 13   meeting, il a été décidé d'organiser en urgence une nouvelle réunion avec

 14   l'armée de façon à voir ce que l'armée pourrait faire pour régler la

 15   situation. Et la population a été appelée par la radio de Zvornik à une

 16   réduction des tensions. Des personnalités politiques, et y compris un

 17   représentant de l'armée, ont pris la parole, demandant le retrait des

 18   barrages routiers et l'atténuation des tensions.

 19   Q.  Vous souvenez-vous si Branko Grujic aurait fait des déclarations

 20   particulières lors de cette réunion de l'assemblée ?

 21   R.  Exact. Personnellement, il a déclaré qu'il n'y aurait plus de débats

 22   sur ces sujets. Il a dit : nous allons sortir la police serbe de la police

 23   conjointe," et c'est ce qui s'est fait, à savoir que la police serbe s'est

 24   séparée dans l'est de Karakaj, et plus précisément dans l'usine de textile

 25   qui a pour nom Alhos. Voilà.

 26   Q.  A un moment ou à un autre, est-ce que vous vous êtes dit que la seule

 27   issue était le conflit armé ?

 28   R.  Excusez-moi, est-ce que vous pourriez me répéter votre question.

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  1   Q.  A un moment ou à un autre, est-ce que vous avez pensé qu'il allait y

  2   avoir un conflit armé à Zvornik ?

  3   R.  Oui. A mes yeux, il était clair, comme aux yeux de bien d'autres, que

  4   la guerre était imminente, en particulier en raison de la présence d'un

  5   grand nombre de soldats et d'unités militaires organisées qui étaient

  6   stationnées dans la république voisine, c'est-à-dire en Serbie, à Radalj,

  7   Loznica, Koviljaca et sur une partie de la frontière avec la Bosnie-

  8   Herzégovine. Et ce renseignement, je l'ai reçu d'un ami avec qui je

  9   travaillais, cet ami habitait à Loznica ou Koviljaca, en tout cas, dans ces

 10   zones frontalières de Serbie. Et quand il venait travailler, il parlait de

 11   l'imminence de la guerre, du fait qu'il y avait de très nombreux soldats

 12   membres d'unités régulières et irrégulières qui se regroupaient et que

 13   cela, à leurs yeux, voulait dire qu'il ne s'agissait pas uniquement de la

 14   JNA mais également de volontaires, et qu'ils avaient des équipements très

 15   nombreux et de bonne qualité, ils étaient stationnés le long de la

 16   frontière vers Zvornik.

 17   Q.  Pouvez-vous nous dire à quel moment vous avez su cela ?

 18   R.  Ça, ce renseignement au sujet du stationnement de l'armée dans les

 19   localités que j'ai évoquées à l'instant, je l'ai reçu sans doute huit, neuf

 20   ou dix jours avant de la bouche de gens qui étaient au courant parce qu'ils

 21   avaient vu ces unités de leurs yeux.

 22   Q.  Est-ce que je résume correctement ce que vous avez dit si je disais que

 23   les Serbes considéraient qu'il fallait qu'il y ait division de Zvornik et

 24   que si ce n'était pas possible de se mettre d'accord là-dessus, la seule

 25   solution serait un conflit armé; cela résume bien vos propos ?

 26   R.  Exact, c'est un résumé tout à fait exact. Tous les débats, toutes les

 27   rencontres, réunions, meetings qui ont eu lieu jusque-là permettaient de

 28   conclure qu'il n'y avait plus aucune chance de pourparlers ou de

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  1   négociations.

  2   Il est vrai qu'il y a eu une nouvelle chance de pourparlers au moment où

  3   Abdulah Pasic, le chef de la municipalité, sur invitation, sans doute de

  4   quelqu'un de l'armée, a dû se rendre à une réunion à Mali Zvornik.

  5   Q.  Je tiens à vous interrompre.

  6   Mme LE JUGE LATTANZI : Je voulais une précision du témoin, s'il vous plaît.

  7   Vous avez dit que l'information sur la guerre imminente, vous l'avez reçue

  8   huit, neuf jours avant, et je n'ai pas compris avant quoi.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Avant l'agression de la date dont nous parlons

 10   pour le début de l'agression, c'est-à-dire le 8 avril.

 11   Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

 13   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 14   Q.  D'après vos souvenirs d'aujourd'hui, vous rappelez-vous si quelqu'un

 15   aurait dit de façon explicite que si le côté musulman n'acceptait pas la

 16   division, il y aurait la guerre ?

 17   R.  Exact, cette phrase était celle qu'a prononcée Branko Grujic. Il a dit,

 18   "Si vous ne voulez pas une division de la ville, si vous ne voulez pas que

 19   nous soyons totalement séparés dans la zone industrielle, alors nous en

 20   arriverons à la guerre."

 21   Q.  Quand l'a-t-il dit ?

 22   R.  Il l'a dit à la dernière réunion le 6, la dernière réunion qui s'est

 23   tenue le 6 avril.

 24   Q.  Pouvez-vous nous dire quel jour la majorité des Serbes a quitté Zvornik

 25   ?

 26   R.  Les Serbes ont commencé à quitter Zvornik lentement disons sept ou huit

 27   jours avant, et ensuite leur départ s'est accéléré trois ou quatre jours

 28   avant l'agression, car selon un certain projet, il fallait que l'agression

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  1   de Zvornik commence déjà avant, peut-être le 4. Mais étant donné qu'il y a

  2   eu ces pourparlers et ces négociations dont j'ai déjà parlé, le délai a été

  3   reporté et l'agression sur Zvornik a été reportée à une date ultérieure.

  4   Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur le Témoin, donc cela signifie qu'ils

  5   savaient, les Serbes, qu'il y aurait eu l'agression après quelques jours ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je certifie que les Serbes savaient qu'il y

  7   aurait une agression, car leurs dirigeants politiques avaient déjà fait des

  8   préparatifs depuis longtemps en créant des unités militaires, en mettant en

  9   place des cellules de crise, en établissant des patrouilles; inutile, à mon

 10   avis. Des patrouilles menées par la population serbe dans les endroits où

 11   les Serbes étaient majoritaires et le long de la frontière. Donc le simple

 12   fait que les Serbes ont commencé à partir de Zvornik et de la région et de

 13   la ville en tant que telle montrait bien qu'il y avait quelque chose qui se

 14   préparait, qui était dans l'air. On sentait quelque chose.

 15   Mme LE JUGE LATTANZI : A part le fait que vous sentiez, et aussi les

 16   Musulmans ils sentaient, mais comment est-il possible que cette information

 17   de l'agression imminente soit restée seulement parmi la population serbe ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette information était à la disposition de

 19   tous, de tous les groupes ethniques de Zvornik. Mais puisque les Musulmans

 20   ne souhaitaient pas -- et c'est vrai que parmi les Serbes il y en avait

 21   aussi qui ne souhaitaient pas, j'ai parlé de certains meetings où les

 22   Serbes ont dit cela en public. Si l'occasion se présente, ils auront

 23   l'occasion de montrer qu'ils sont pour la coexistence et pour la poursuite

 24   de la vie aux côtés les uns des autres. Mais en tout cas, c'était surtout

 25   les Musulmans qui espéraient qu'ils n'auraient pas à quitter leurs

 26   domiciles, à quitter leurs terres et leurs familles. Les Musulmans

 27   n'avaient pas d'armes. Pourquoi ? C'est pour ça que les Serbes ont pu se

 28   préparer.

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  1   Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

  2   M. MARCUSSEN : [interprétation]

  3   Q.  VS-2000, vous avez parlé d'un dernier espoir de paix lors d'une réunion

  4   où il y avait Pasic. Nous en avons déjà entendu parler par d'autres témoins

  5   de ce rassemblement. Pourriez-vous quand même nous en parler, s'il vous

  6   plaît, quand ça s'est-il passé déjà ?

  7   R.  Cette rencontre a eu lieu après la fin du meeting du 7 avril, devant

  8   l'assemblée municipale. L'armée, avec Jankovic à sa tête, a reçu un ordre

  9   de quelque part à moins qu'il ne s'agisse d'une invitation à organiser une

 10   rencontre à Mali Zvornik, rencontre entre les représentants politiques

 11   musulmans et serbes avec des représentants de l'armée. Pourquoi exactement

 12   ? Ça je ne sais pas, je n'en ai parlé avec personne à ce moment-là. Mais

 13   par la suite j'ai su cette rencontre qui a eu lieu à l'hôtel Jezero, c'est-

 14   à-dire à 500 mètres en aval de la centrale hydraulique sur la Drina, avait

 15   bénéficié de la présence personnelle d'Arkan.

 16   J'ai appris par la suite qu'Arkan avait menacé les Serbes au cas où ils

 17   signeraient pour la coexistence et pour la paix, lui allait

 18   personnellement, avec ses soldats, intervenir pour assassiner les Serbes.

 19   Ça c'est un renseignement que je n'ai pas entendu personnellement, mais qui

 20   m'a été rapporté.

 21   Q.  Donc je pense que l'on peut dire que cette réunion a échoué, n'est-ce

 22   pas ?

 23   R.  Bien sûr, cette rencontre a échoué. Les représentants politiques

 24   musulmans ont rebroussé chemin, et par la suite j'ai appris quelque chose

 25   qu'ils avaient honte de dire, à savoir qu'ils avaient subi des exactions

 26   sur le plan physique. En effet, Arkan les avait giflés parce qu'ils ne

 27   souhaitaient pas revenir sur ce qui avait été décidé plus tôt devant la

 28   municipalité le 7.

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  1   Q.  Du côté musulman, une fois que la délégation est revenue de l'hôtel

  2   Jezero, pouvez-vous nous dire si des efforts ont été entrepris pour mettre

  3   en place peut-être un comité de crise ou quelque chose d'assez tôt du côté

  4   musulman ?

  5   R.  C'est exact, on a attendu le retour des représentants politiques

  6   musulmans qui avaient participé à la rencontre de Mali Zvornik. Et une fois

  7   qu'ils ont annoncé qu'il n'y avait plus aucune chance de pourparlers, que

  8   Zvornik allait être attaqué et qu'il n'y avait plus d'autre solution que de

  9   créer une cellule de crise qui allait s'efforcer de s'organiser pour

 10   permettre aux femmes, aux enfants, aux vieillards d'utiliser encore les

 11   routes ouvertes menant vers Tuzla, un exode massif a commencé dans la

 12   direction de (expurgé), et dans la

 13   direction de Snagovo et de Kula Grad.

 14   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je tiens à vous interrompre.

 15   Car je pense qu'il faudrait que nous expurgions la page 92, ligne 1.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Greffier.

 17   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 18   Q.  VS-2000, des efforts ont-ils été entrepris aussi pour organiser une

 19   défense quelconque de Zvornik à ce moment-là ?

 20   R.  Puisque la population musulmane ne possédait pas d'armes car la police

 21   serbe avait ramassé toutes les armes qui étaient entreposées dans les

 22   garages de la police pour les transporter à Karakaj dans le nouveau poste

 23   de police qu'ils avaient créé là-bas, les Musulmans n'avaient donc pas la

 24   moindre possibilité de s'organiser dans la ville. Il est possible que

 25   quelques Musulmans aient eu des armes de chasse. Ça je ne sais pas. Il y

 26   avait pas mal de chasseurs dans la région. C'était un point marquant de la

 27   municipalité de Zvornik. Dans les zones où des patrouilles avaient été

 28   créées afin d'empêcher l'invasion de la ville, des efforts ont peut-être

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  1   été faits pour arrêter les Serbes, en tout cas tant que les civils

  2   n'étaient pas partis.

  3   Par la suite, lorsque la cellule de Crise a essayé de se retirer, et

  4   j'en faisais partie, nous avons essayé de nous rendre à Kula Grad. C'est un

  5   endroit habité un peu plus haut d'où on peut voir toute la ville de Zvornik

  6   en dessous.

  7   Q.  VS-2000, afin de gagner du temps, je vais faire un petit saut dans le

  8   temps. J'aimerais savoir si vous connaissez un endroit auquel on fait

  9   référence sous le nom de la maison de Djuza ?

 10   R.  Si, c'est exact. C'est la maison de Djuzina [phon]. C'est une femme qui

 11   s'appelle Djuza, et son nom de famille est Sarhavic [phon]. Oui, c'est un

 12   endroit assez bien connu parce qu'un camp a été créé dans sa maison le 25

 13   mai ou le 26 mai. Je vais avancer chronologiquement.

 14   Les 23 et 24 mai, les Serbes, ou plus précisément l'armée -- mais ce

 15   n'était pas l'armée régulière, c'étaient les paramilitaires, ils sont

 16   arrivés dans l'école de Liplje pour organiser la restitution des armes. Les

 17   Musulmans se sont hâtés de remettre leurs armes, en tout cas, les fusils de

 18   chasse ou telle ou telle arme qu'ils avaient pu se procurer par diverses

 19   voies. Ils ont restitué leurs armes rapidement, car on leur avait promis

 20   qu'ils obtiendraient des laissez-passer pour sortir de la ville et acheter

 21   divers articles dès lors qu'ils rendraient leurs armes. Mais lorsque cette

 22   restitution d'armes a été terminée, le 25 ou le 26, je crois que c'est à ce

 23   moment-là que ça a commencé, on a regroupé toute la population en un seul

 24   endroit. C'était une énorme maison, celle qu'on appelait la maison de

 25   Djuzina, de Djuza, qui comptait trois étages; 483 personnes ont été

 26   enfermées dans cette maison.

 27   Immédiatement après ont commencé les tortures, les coups, les viols, les

 28   interrogatoires pour obtenir des renseignements, les confiscations

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  1   d'argent, de bijoux et d'autres objets de valeur.

  2   Tout cela se passait tout près de l'endroit où je me trouvais, d'où

  3   on pouvait voir les déplacements des Serbes, les regroupements de civils,

  4   et cetera. Il m'est venu à l'esprit que nous devions nous organiser pour

  5   libérer toutes ces personnes.

  6   Q.  Je vous interromps. A quelle distance vous trouviez-vous de la maison

  7   de Djuza ?

  8   R.  L'endroit d'où j'observais cela était, à vol d'oiseau, à un kilomètre

  9   peut-être et même moins. Je ne me rends pas très bien compte aujourd'hui,

 10   mais en tout cas à l'œil nu, et encore mieux avec des jumelles, on pouvait

 11   très bien voir les gens, leurs visages, si bien que j'ai vu un certain

 12   nombre de femmes à la jumelle qui étaient forcées de se promener dénudées

 13   devant un groupe de soldats qui étaient assis sur des espèces de caisses et

 14   qui buvaient de l'alcool pendant tout ce temps-là, de la bière plus

 15   précisément. Voilà ce que j'ai vu.

 16   Q.  Avez-vous parlé à des personnes qui se trouvaient dans la maison de

 17   Djuza à propos de ce qui leur était arrivé ? Enfin, je ne veux pas que vous

 18   mentionnez de noms, mais avez-vous parlé à qui que ce soit à ce propos ?

 19   R.  Quatre jours après la création du camp dans la maison de Djuza, une

 20   fillette s'est enfuie du camp. En fait, elle a fui le viol, et voilà

 21   comment je vais vous expliquer la chose. Elle me connaissait et elle a

 22   appris de quelqu'un spontanément, à moins qu'elle n'ait posé la question de

 23   savoir à qui elle pouvait s'adresser pour chercher de l'aide, en tout cas,

 24   on l'a dirigé vers moi, et elle a déclaré qu'elle s'était enfuie pour

 25   échapper au viol en trompant les gens qui étaient là-bas avec diverses

 26   méthodes. Elle était épuisée. Elle n'avait pas de vêtements, elle était

 27   couverte d'ecchymoses, et elle a expliqué exactement dans quelles maisons

 28   les femmes et les jeunes filles étaient emmenées dans les environs de la

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  1   maison de Djuza pour subir des viols.

  2   Q.  Y a-t-il eu des efforts qui ont été entrepris pour libérer les

  3   personnes détenues dans la maison de Djuza ?

  4   R.  Deux tentatives ont été faites; la première immédiatement après la

  5   fuite de cette fillette hors du camp. (expurgé)

  6   (expurgé), de savoir qui éventuellement avait encore

  7   des armes, qui ne les aurait pas rendues. Il est vrai qu'il y avait pas mal

  8   de gens qui étaient prêts à se lancer dans une action destinée à libérer le

  9   camp, des gens qui avaient des membres de leur famille proche dans ce camp

 10   en particulier.

 11   Mais ce projet a échoué, car il n'y avait pas suffisamment d'armes et

 12   pas suffisamment de courage pour se lancer dans une telle action à mains

 13   nues. Selon les renseignements dont je disposais, il y avait 60 soldats

 14   armés, des Chetniks là-bas, qui étaient répartis dans deux secteurs; les

 15   premiers dans l'école, et les autres à 200 ou 250 mètres de la maison de

 16   Djuza, c'est-à-dire dans les maisons environnantes.

 17   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, du fait de

 18   l'information qui est mentionnée, je pense qu'il faudrait procéder à une

 19   expurgation à la page 94, ligne 22, lorsqu'il est écrit : (expurgé)

 20  (expurgé)

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. En mesure de précaution, Monsieur le Greffier,

 22   expurgez ligne 22 et suivante de la page 94.

 23   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 24   Q.  VS-2000, avez-vous participé plus tard à une attaque qui visait à

 25   remettre en liberté les détenus ?

 26   R.  C'est exact. J'ai participé à une action ainsi organisée. C'était le 2

 27   juin 1992, lorsque la libération du camp a eu lieu.

 28   Q.  Veuillez expliquer aux Juges, s'il vous plaît, ce que vous avez vu

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  1   lorsque vous êtes arrivé dans le camp. Dans quelles conditions se

  2   trouvaient les détenus ? Qu'avez-vous vu lorsque vous êtes arrivé dans le

  3   camp ?

  4   R.  Je ne parlerai pas de la procédure qui a précédé à notre approche du

  5   camp, mais lorsque l'on s'approchait du camp et lorsque l'on s'est mis à

  6   libérer la partie maison par maison, au moment où on s'approchait du camp,

  7   où on était à une quinzaine de mètres, une femme est sortie d'une cave et

  8   elle tenait un garçon par la main. De cette même distance de six ou sept

  9   mètres, l'on a tiré sur elle et elle a été touchée par deux balles. J'étais

 10   derrière l'angle d'une maison. J'ai vu ça d'une distance de cinq ou six

 11   mètres.

 12   La scène la plus terrible, c'était lorsque son fils de peut-être cinq

 13   ans, il s'est approché de la mère et il a essayé de la soulever avec ses

 14   mains qui étaient ensanglantées. Il disait : "lève-toi," mais, elle déjà,

 15   elle était immobile. J'ai vu qu'elle avait reçu deux balles. J'ai vu le

 16   sang couler des deux blessures dans son corps. J'ai essayé de sauver

 17   l'enfant, et lors de la deuxième tentative, un de mes amis a réussi à

 18   saisir l'enfant et à le sauver.

 19   Lorsque l'on s'est approchés de plus près du camp, lorsqu'on était à

 20   dix mètres à peu près, et on était abrités derrière une espèce de muret, un

 21   soldat serbe donnait les ordres : "Prenez toutes vos affaires, détruisez

 22   tout ce que vous ne pouvez pas emporter, et fuyons dans cette direction."

 23   Je l'ai regardé, mais je ne pouvais pas faire quoi que ce soit d'autre, car

 24   l'on tirait de tous les côtés, aussi dans la direction dans laquelle

 25   j'étais moi-même avec mes amis. Lorsqu'il a ouvert la porte, il l'a -- il

 26   lui a donné un coup de pied et il l'a ainsi ouverte, et ensuite il a dit :

 27   "Prenez vos écharpes et les draps, car la racaille est en train de nous

 28   tuer." C'était littéralement ce qu'il a dit.

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  1   Par la suite, j'ai entendu que son surnom était Brzi. Je ne me

  2   souviens pas de son prénom et de son nom, mais ça doit exister par écrit

  3   quelque part. Il avait travaillé dans une société de construction à

  4   Belgrade, mais il était de la région.

  5   Les prisonniers ont commencé à sortir en courant. J'ai essayé de

  6   lever ma main, mais comme ils commençaient déjà à fuir, à courir après ce

  7   soldat, ils ne savaient pas ce qui se passait, j'ai crié, je leur ai dit de

  8   commencer à se déplacer vers moi. A ce moment-là, lui, il s'est écarté et

  9   il a tiré une rafale sur ces personnes. Après les gens sont sortis de la

 10   maison, il y avait beaucoup d'entre eux qui allaient dans des directions

 11   différentes. Huit personnes sont restées sur place. Ils ont été tués sur

 12   place. Je ne connais pas leurs noms, mais par la suite j'ai appris où ils

 13   ont été enterrés. Il était horrible, par exemple, de voir une fille de 12

 14   ans dont la cervelle sortait de la tête, et par la suite j'ai dû les

 15   ramasser.

 16   De toute façon, j'ai pu voir la direction dans laquelle cet homme

 17   avait tiré sur les gens qui fuyaient, mais je ne pouvais pas arriver

 18   jusqu'à lui.

 19   Q.  -- étaient violées. Une fois dans le camp, avez-vous vu quelque chose

 20   qui vous aurait fait penser que -- avez-vous vu d'autres témoignages --

 21   R.  Il est exact que par la suite, lors de l'action des fouilles des

 22   maisons, j'ai personnellement trouvé une femme que je connaissais moi-même.

 23   Elle avait été étranglée. Elle était assise sur un canapé et elle n'avait

 24   pas la partie inférieure de ses vêtements. Je l'ai simplement couverte et

 25   je suis sorti. Par la suite, les membres de sa famille l'ont reprise, et

 26   elle aussi elle a été enterrée au même endroit que les autres qui avaient

 27   été tués.

 28   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je demande à

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  1   passer à huis clos partiel pour quelques éléments d'information

  2   complémentaires. Huis clos partiel.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Le Greffier.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes actuellement à huis clos

  5   partiel.

  6   [Audience à huis clos partiel]

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 25   [Audience publique]

 26   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 27   Q.  VS-2000, le Président nous a demandé de terminer votre déposition

 28   aujourd'hui. Pour que vous le sachiez, il nous reste 15 minutes. Il y a un

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  1   thème que je souhaite aborder pendant ces 15 minutes.

  2   Après les événements que nous avons abordés, avez-vous reçu des

  3   informations à propos de la détention de Musulmans à Karakaj ?

  4   R.  C'est exact. J'avais des données concernant la détention de Musulmans à

  5   Karakaj. Dans la région dans laquelle je vivais, il y avait un grand nombre

  6   de réfugiés venus de la ville, car il s'agit de la direction dont j'ai

  7   parlé tout à l'heure, au début, la région de laquelle les gens partaient et

  8   allaient vers le plus grand territoire libre, c'est-à-dire vers Tuzla. Et

  9   lorsque le camp était libéré, il y avait trois corps de soldats -- ou

 10   plutôt, des Serbes qui tenaient ce camp. Donc, il y avait trois corps. Peu

 11   de temps après, j'ai reçu une information. J'ai reçu personnellement un

 12   appel d'un point de contrôle ou d'une ligne de séparation entre les forces

 13   serbes et musulmanes. Ils m'ont appelé en me disant qu'un homme de Belgrade

 14   souhaitait me parler. Je me suis approché de lui, j'étais à une distance de

 15   100 à 150 mètres, peut-être, à vol d'oiseau, et j'ai essayé de lui parler.

 16   Il a essayé de me demander de lui décrire l'homme qui a été retrouvé dans

 17   cette région. Il voulait savoir si cette personne, éventuellement, avait

 18   été tuée. Moi, je lui ai décrit le soldat serbe, et lui, il a pris sa tête

 19   dans ses mains et il a dit que c'était son frère. Il y avait un camion avec

 20   lui, et il m'a fait un signe de main. Je l'ai vu. Et il m'a dit qu'il

 21   proposait d'échanger tout un camion plein de vivres, de farine et d'autres

 22   vivres, afin que l'on puisse lui livrer le cadavre de son frère. Moi, j'ai

 23   dit que ce n'était pas nécessaire, même si n'avions pas de vivres du tout,

 24   et que nous allions faire une liste des personnes détenues dans la zone

 25   industrielle de Karakaj, dans le centre scolaire de Karakaj de même qu'à

 26   l'usine Alhos et d'autres endroits utilisés comme des camps.

 27   Et je suis retourné avec mes collaborateurs. J'ai dressé une liste de

 28   250 noms, et en voyant une liste faite, nous avons envoyé cette liste, mais

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  1   précédemment, il a été déterminé qu'il n'y aurait pas de tirs sur lui. Et

  2   après cela, j'ai reçu une lettre de Branko Grujic et du commandant Marko

  3   Pavlovic. C'était le commandant de la défense de Zvornik, mais en fait, il

  4   s'appelait réellement Branko Popovic. C'était un officier de la JNA, de

  5   Novi Sad. Et en fait, il était en charge de la défense de Zvornik, et

  6   littéralement, ils ont écrit qu'ils n'avaient aucune donnée concernant les

  7   Musulmans détenus dans ces camps et qu'ils ne pouvaient pas procéder à un

  8   tel échange.

  9   Par la suite, j'ai envoyé une autre lettre et j'ai insisté en disant

 10   qu'il fallait qu'ils livrent cela. Et de nouveau, ils ont dit que ceci

 11   n'était pas possible. Et ensuite, j'ai dressé une liste des personnes

 12   prioritaires, dont 40 personnes concernant lesquelles il était connu à 100

 13   % qu'ils étaient dans des camps, car quelqu'un les avait vus, quelqu'un

 14   avait fui et le savait. Donc, j'ai envoyé cette liste de 40 personnes, et

 15   ils ont dit qu'ils l'acceptaient et qu'ils allaient envoyer ces personnes

 16   pour qu'elles soient échangées. L'on a organisé l'échange, les cadavres des

 17   soldats serbes ont été placés dans des sacs de cadavres de façon

 18   réglementaire, et au moment où l'on les a transportés jusqu'à la ligne de

 19   séparation, il s'est avéré que c'était un coup monté et qu'il n'y avait pas

 20   d'échange, et qu'une attaque a eu lieu à la place. Il y avait 3 500 civils,

 21   là-bas.

 22   Et la deuxième fois, l'échange a réussi. Le camion est arrivé, les

 23   gens ont commencé à sortir sous la bâche du camion, on a compté 12

 24   personnes avec des sacs plastique sur leur tête. Et après, on se demandait

 25   pourquoi il n'y avait que ces 12 personnes, mais l'important, c'était de

 26   retrouver certaines personnes. Ils ont traversé la ligne de séparation,

 27   personne ne tirait, l'échange a eu lieu.

 28   Et par la suite, il a été établi que personne de la liste -- cette

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  1   liste supplémentaire de 40 personnes n'était parmi eux. C'était les gens

  2   d'autres municipalités.

  3   Q.  Quand ceci s'est-il passé ? Si vous pouviez simplement nous donner une

  4   date ?

  5   R.  L'action a eu lieu le 12 juin. C'était, je ne connais pas la date

  6   précise, mais cinq, six jours après le 12 juin. Donc, c'était peut-être le

  7   7 ou le 8 juin. Je ne suis pas sûr. Mais ça, c'était cinq, six jours après.

  8   Q.  Donc, si je vous ai bien compris, à l'origine, on a nié le fait qu'il y

  9   avait des détenus, mais pour finir, c'était les gens de Karakaj que l'on a

 10   fait sortir et que l'on a échangés contre les trois corps, c'est cela ?

 11   R.  C'est exact. Plus tard, en parlant avec ces 12 personnes, dont un était

 12   de l'agglomération de Divic, donc la municipalité de Zvornik, par la suite,

 13   on a appris les noms des personnes avec qui ils étaient en contact, ou au

 14   moins, ils avaient essayé de se rappeler les noms de famille. Donc nous

 15   avons constaté que c'était quand même un coup monté et qu'il y avait un

 16   nombre énorme de personnes là-bas, ce qui s'est confirmé par la suite avec

 17   les exécutions au centre scolaire technique et dans d'autres camps.

 18   Q.  Avez-vous gardé une copie, ou disposiez-vous d'un exemplaire des 250

 19   personnes vous-même ?

 20   R.  Oui. J'ai gardé un exemplaire.

 21   Q.  Très brièvement, pourriez-vous nous dire ce que vous avez fait de cet

 22   exemplaire ?

 23   R.  Cette photocopie, et c'était le cas d'autres documents aussi concernant

 24   l'organisation des civils ou l'auto-organisation de la population, si vous

 25   voulez, au moment du départ du territoire dans lequel je vivais, le 1er

 26   février 1993, je l'ai enterré à l'intérieur d'une maison, ou plutôt une

 27   petite partie prévue pour les toilettes. D'abord, dans un sac plastique que

 28   j'ai ensuite placé dans un sac en cuir un peu plus grand. En août 1996,

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  1   après que j'ai fait ma déclaration à Tuzla auprès des enquêteurs, je leur

  2   ai parlé de ces documents. Et après cela, l'on a organisé que j'aille à

  3   Tuzla. C'était organisé par la FORPRONU stationnée dans la base Orao Aigle.

  4   Et donc le 11 octobre 1996, je suis allé dans cette maison où j'avais caché

  5   les documents. Je les ai déterrés. Je les ai remis aux enquêteurs. Je ne

  6   sais plus si c'était le Tribunal de La Haye ou si ça s'appelait

  7   différemment. Mais de toute façon, j'ai remis ça aux enquêteurs. J'ai remis

  8   tous les documents. Ils les ont pris. Ils les ont séchés. Et lorsqu'ils

  9   m'ont vu la fois d'après, ils ont dit que certains étaient détruits, et les

 10   autres étaient utilisables.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Je ne me souviens pas avoir reçu un

 12   quelconque document qui faisait partie du lot. Si je me trompe, que

 13   l'Accusation me corrige.

 14   M. MARCUSSEN : [interprétation] L'accusé n'a pas reçu une copie de ces

 15   documents. Nous faisons de notre mieux et déployons tous nos efforts pour

 16   identifier les documents.

 17   Mais je souhaite montrer un document au témoin, et j'ai des copies

 18   pour tout un chacun dans le prétoire.

 19   Q.  Que représente cette liste ?

 20   R.  Cette liste a été dressée par ces dirigeants chargés des civils --

 21   cette direction chargée des civils dans ma région. C'était l'un de mes

 22   collaborateurs qui l'a dressée sur la base des données obtenues de la part

 23   des personnes qui étaient présentes, qui pendant ces journées de guerre

 24   vivaient dans cette région.

 25   Q.  Je vais vous interrompre parce qu'il ne nous reste que cinq minutes.

 26   Cet exemplaire-ci, je vois qu'il y a quelque chose qui est écrit en

 27   anglais. Savez-vous qui a écrit cela ?

 28   R.  Si mes souvenirs sont bons, ceci a été écrit par une femme qui

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  1   s'appelle Marija. Elle est originaire de la Slovénie, et à cette époque-là,

  2   elle travaillait pour cette institution, pour autant que je me souvienne.

  3   Je ne sais pas si c'est à 100 % vrai ou exact.

  4   Q.  Cet exemplaire-ci, est-ce que c'est vous qui l'avez remis au bureau du

  5   Procureur hier ?

  6   R.  Cet exemplaire, concrètement parlant, je l'ai remis hier, car il

  7   faisait partie de mes documents. J'avais une liste d'environ 250 personnes,

  8   on ne voit pas tout. Il s'agissait de 250 prisonniers.

  9   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous pouvons

 10   présenter d'autres arguments sur le sujet. Mais très brièvement, je

 11   comprends les choses de cette manière-ci. La copie du bureau du Procureur,

 12   qui à l'origine a été communiquée -- qui a été à l'origine fournie par

 13   l'accusé, a été détruite parce qu'il s'agit d'éléments de preuve qu'il

 14   n'était pas sûr de conserver, donc l'Accusation n'a pas pu remettre la main

 15   sur une copie du document qu'il nous avait donné à l'origine, fourni par le

 16   témoin bien sûr. Le témoin, bien évidemment, en 2002 a remis un exemplaire

 17   de ce qu'il nous avait donné. Il a porté ce document avec lui lorsqu'il est

 18   venu à La Haye.

 19   Nous demandons la permission de pouvoir ajouter ce document sur notre

 20   liste de pièces et je demande le versement au dossier de ce document. Et si

 21   vous en êtes d'accord --

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

 23   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, si vous

 24   acceptez l'admission de ce document, je propose alors que nous demandions

 25   au témoin de nous remettre son exemplaire et que nous puissions scanner son

 26   document qui pourra être versé au dossier.

 27   Cette pièce est pertinente dans la mesure où il s'agit de quelque chose qui

 28   a été consigné à l'époque, qui a été évoqué par le témoin, quels étaient

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  1   les détenus à Karakaj, par exemple, numéros 27 et 28 qui figurent sur cette

  2   liste. Etant donné que nous ne montrons pas la liste, je pense que je puis

  3   dire que l'une de ces personnes a témoigné dans cette affaire, et un autre

  4   est son père.

  5   Ceci est quelque peu inhabituel, mais je pense que c'est

  6   significatif. Je peux expliquer ce qui est arrivé à ce document et la copie

  7   de ce document. Mais pour l'heure, c'est la copie la plus lisible dont nous

  8   disposions pour l'instant.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, vous voyez, Madame, Messieurs les Juges,

 11   ce que le Procureur nous a dit. Si je l'ai bien compris, l'Accusation a

 12   obtenu ce document il y a plusieurs années. Ensuite, ils l'ont détruit.

 13   Hier, le témoin leur a de nouveau apporté un exemplaire de ce document, et

 14   maintenant par surprise, ils essaient de le verser au dossier ici. Je pense

 15   que ceci est absolument inadmissible. Tout d'abord, ce document est

 16   illisible. Une personne inconnue y a écrit des observations en anglais. Il

 17   n'y a pas de date. Il n'y a pas de localité. On sait simplement qu'il

 18   s'agit d'une liste des prisonniers que l'on demande afin qu'ils soient

 19   échangés. C'est ce qui est écrit dans le titre. Donc la partie musulmane

 20   demande que leurs prisonniers soient échangés. Qui du côté musulman ?

 21   Comment ? On ne sait rien de tout cela.

 22   Le témoin a apporté cela hier, et il ne sait pas non plus qui a écrit

 23   cela en anglais.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : -- donnez l'exemplaire que vous avez à M. l'Huissier

 25   pour que je le vois.

 26   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je pense --

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Votre propre exemplaire, pas la copie. Celui que

 28   vous avez dans votre dossier. C'est pour regarder la qualité du document.

Page 14033

  1   Parce que la photocopie, la première page est lisible, puis les

  2   autres sont difficilement lisibles.

  3   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, d'après

  4   notre compte rendu, les documents ont été très endommagés lorsqu'ils ont

  5   été reçus. On a fait de notre mieux pour les sécher, mais ce que vous avez,

  6   en réalité, c'est le mauvais état dans lequel se trouvaient ces documents.

  7   Si je puis répondre à l'objection. Le témoin ici est là pour parler

  8   de la façon dont ceci a été préparé et de parler de la fiabilité de ce

  9   document qui a été tapé à la machine. Donc on peut poser ces questions-là

 10   au témoin. Nous demandons simplement l'admission pour que la liste des noms

 11   soit admise au dossier.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre, qui a délibéré, décide d'admettre ce

 14   document et de donner un numéro.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P831, sous pli scellé.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, veuillez prendre le document,

 17   puis on va donner une copie au témoin. Celui-là, il reste au greffe, et

 18   vous avez la copie. Très bien.

 19   Donc on lui a donné un numéro. La Chambre estime que nous avons

 20   suffisamment d'éléments permettant de penser que ce document est pertinent,

 21   peut avoir une valeur probante, et il y a des indices de fiabilité du

 22   document. Bien.

 23   Monsieur le Procureur, votre temps est presque terminé. Aviez-vous d'autres

 24   questions ?

 25   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, en fait, je

 26   vais céder le temps qu'il me reste par rapport à mon interrogatoire

 27   principal et passer la parole au contre-interrogatoire. J'aurai peut-être

 28   des questions supplémentaires, cela dit.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

  2   Alors Monsieur Seselj, demain vous aurez deux heures pour le contre-

  3   interrogatoire. Vous avez la soirée pour vous préparer, puisque vous avez

  4   le document. Peut-être que vous poseriez des questions sur ce document; je

  5   n'en sais rien.

  6   Demain, nous sommes --

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne vous comprends pas du tout, Monsieur le

  8   Président. Vous voulez dire, me préparer sur la base de ce document-là ?

  9   C'est absolument impossible. Sur la base des DVD, absolument impossible.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : En tout cas, demain, vous avez deux heures pour le

 11   contre-interrogatoire. Vous nous avez dit que ce témoin était pour vous

 12   important. Donc, je présume que vous avez déjà dû vous préparer pour le

 13   contre-interrogatoire du témoin.

 14   Monsieur le Témoin, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, aucun contact

 15   avec personne. Vous êtes témoin protégé. Pas de contact. Nous nous

 16   retrouverons demain à 14 heures 15.

 17   Je vous souhaite une bonne soirée.

 18   --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra jeudi 5 février 2009,

 19   à 14 heures 15.

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