Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 20 octobre 2009

  2   [Conférence de mise en état]

  3   [Audience publique]

  4   --- L'audience est ouverte à 16 heures 33.

  5   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Bonjour, Madame et Messieurs les

  9   Juges.

 10   Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

 11   Je vous remercie.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce mardi 20 octobre 2009, je salue M. Seselj, je salue les représentants

 14   éminents du bureau de l'Accusation, et je salue également toutes les

 15   personnes qui nous assistent.

 16   Monsieur Seselj, la Chambre va vous lire trois décisions, dont la première

 17   est extrêmement importante. Je vais la lire lentement afin que la

 18   traduction vous en donne fidèlement la teneur, dans la mesure où tous les

 19   mots de cette décision sont extrêmement importants.

 20   Alors, la première décision. Monsieur Seselj, comme vous le savez, la

 21   Chambre a été saisie par l'Accusation d'un supplément à la requête en

 22   imposition de conseil qui a été déposée le 28 août 2009. Ce supplément

 23   s'ajoute à la requête originelle demandant que vous soit imposé un conseil

 24   qui avait été déposée le 29 juillet 2008 et à son addendum qui avait été

 25   déposé le 14 novembre 2008.

 26   Dans ses décisions du 27 novembre 2008 et du 24 mars 2009, la Chambre

 27   avait décidé de surseoir à statuer sur, respectivement, la requête et

 28   l'addendum.

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  1   A ce stade et à la lumière de nouveaux éléments d'information à la

  2   disposition de la Chambre, la Chambre a décidé de rejeter la requête du 29

  3   juillet 2008, l'addendum du 24 novembre 2008 et le supplément du 28 août

  4   2009 et de ne pas vous imposer un conseil. Les motifs qui sous-tendent

  5   cette décision seront communiqués par voie de décision écrite dans les

  6   semaines qui suivent.

  7   La Chambre tient également à préciser que pour tenir compte de

  8   certaines des préoccupations avancées par l'Accusation quant à la

  9   protection des témoins, elle adoptera également des mesures alternatives

 10   qui permettront d'assurer la protection des témoins tout en garantissant le

 11   droit de l'accusé à se représenter seul.

 12   Alors, Monsieur Seselj, j'ai lu cette décision qui vous concerne et, en

 13   quelques mots, la Chambre a rejeté la requête du Procureur concernant

 14   l'imposition d'un conseil. Donc, pour nous, vous continuerez à vous

 15   défendre seul, sans avocat. La Chambre, pour des raisons techniques, rendra

 16   sa décision écrite dans les semaines à venir.

 17   Décision orale du 20 octobre 2009 relative à la requête orale de l'accusé

 18   demandant le rétablissement du statut privilégié de M. Zoran Krasic.

 19   Monsieur Seselj, lors des audiences du 18 août 2009 et du 10

 20   septembre 2009, vous avez demandé à la Chambre que l'un de vos

 21   collaborateurs, M. Zoran Krasic, dont le statut de collaborateur privilégié

 22   avait été suspendu par une décision du Greffe en date du 28 novembre 2008,

 23   puisse à nouveau bénéficier de ce statut privilégié. Depuis lors, la

 24   Chambre a été notifiée que vous avez formé, le 15 septembre 2009, un appel

 25   devant le Président du Tribunal contre la décision du Greffe en date du 10

 26   septembre 2009 qui confirme la décision susmentionnée du 28 novembre 2008.

 27   Vous avez donc utilisé à juste titre les voies de recours qui vous sont

 28   ouvertes en vertu du Règlement de procédure et de preuve.

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  1   La Chambre rappelle à cet égard que dans sa décision du 9 avril 2009,

  2   la Chambre d'appel a réaffirmé qu'une chambre de première instance ne peut

  3   s'arroger un droit qui est expressément attribué à une autre autorité et

  4   que le pouvoir inhérent d'une chambre de première instance d'intervenir

  5   pour garantir l'équité du procès ne peut être exercé qu'après épuisement

  6   des voies de recours applicables. La Chambre estime, par conséquent,

  7   qu'elle n'est pas, à ce stade, compétente pour statuer sur votre requête,

  8   mais qu'elle pourra, le cas échéant, intervenir lorsque les voies de

  9   recours expressément prévues auront été épuisées, et pour autant que la

 10   question touche à la protection de votre droit fondamental à un procès

 11   équitable.

 12   Alors, Monsieur Seselj, en un mot, concernant M. Krasic, il faut attendre

 13   que le Président du Tribunal statue sur l'appel que vous avez fait. Et dans

 14   le cas où le Président du Tribunal rendrait une décision qui ne vous

 15   agréerait pas, à ce moment-là, il sera toujours temps de saisir la présente

 16   Chambre.

 17   Dernière décision orale du 20 octobre 2009 relative à la requête numéro 426

 18   de l'accusé enregistrée le 6 octobre 2009.

 19   Monsieur Seselj, vous avez déposé une requête devant la Chambre -

 20   enregistrée le 6 octobre 2009 - concernant des allégations de mauvais

 21   traitement dans le quartier pénitentiaire et vous plaignant du refus des

 22   autorités dudit quartier pénitentiaire de transmettre à vos collaborateurs

 23   certains DVD, la Chambre note que les articles 80 et 81 du Règlement

 24   portant régime de détention reconnaît au détenu le droit de soumettre une

 25   plainte relative aux conditions de détention et que cette procédure est

 26   décrite de manière plus détaillée aux articles 1 à 7 du Règlement sur le

 27   dépôt d'une plainte par un détenu.

 28   La Chambre estime que, pour des raisons similaires à celles tendant

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  1   la décision orale qu'elle vient de rendre concernant le rétablissement du

  2   statut privilégié de M. Krasic, elle n'est pas, à ce stade, compétente pour

  3   statuer sur votre requête, mais qu'elle pourra, le cas échéant, intervenir

  4   lorsque les voies de recours expressément prévues auront été épuisées, et

  5   pour autant que la question touche à la protection de votre droit

  6   fondamental à un procès équitable.

  7   La Chambre ajoute qu'elle a, en tout état de cause, été informée par le

  8   Greffe que la question de la transmission des DVD a été, de toute manière,

  9   résolue.

 10   Alors, Monsieur Seselj, là aussi concernant cette requête 426, nous vous

 11   indiquons que vous devez d'abord saisir le Président du Tribunal et que ce

 12   n'est qu'après, si vous n'avez pas satisfaction, que vous saisissiez la

 13   Chambre.

 14   Bien. Voilà ce que je devais vous dire depuis la dernière fois que nous

 15   nous sommes vus.

 16   Est-ce que, Monsieur Seselj, vous avez des points à nous indiquer ?

 17   Et ensuite je poserai la question à M. le Procureur.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aurai quelques mots à dire, si vous le

 19   permettez, pour faire quelques commentaires au sujet des décisions que vous

 20   venez de lire. J'ai préparé quelque chose en outre, qui n'a rien à voir

 21   directement avec les décisions rendues par vous, pour ce qui est des points

 22   évoqués à l'occasion de cette Conférence de mise en état.

 23   Madame, Messieurs les Juges, je me dois de vous reconnaître en toute

 24   sincérité que je m'attendais à ce type de décision de votre part, parce

 25   qu'indépendamment de tout le vacarme que j'ai fait à ce sujet, je n'ai pas

 26   remis en question votre intégrité morale et votre dignité professionnelle.

 27   Et ça, je dois vous le reconnaître.

 28   La décision de rejeter la demande de l'Accusation pour ce qui est de

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  1   l'imposition d'un conseil est la seule décision correcte adoptée, parce

  2   qu'on pourrait m'imposer un conseil si je mettais le désordre dans le

  3   prétoire et si je venais à être vidé une fois, deux fois, trois fois, et

  4   puis constatant que ça ne va pas, là on peut effectivement imposer un

  5   conseil. C'est la seule façon possible de m'imposer un conseil. Et là, vous

  6   avez compris la chose à très juste titre et vous avez rendu la bonne

  7   décision à rendre.

  8   Les deux autres décisions que vous venez de me lire, je pense qu'elles sont

  9   aussi bonnes. Je suis tout à fait disposé à attendre la décision du

 10   Président du Tribunal, à savoir M. Mehmet Guney, puisque le Président s'est

 11   exempté et son adjoint aussi pour ce qui est de la décision à rendre, étant

 12   donné qu'ils ont participé aux travaux de Chambre qui ont eu à s'occuper de

 13   moi.

 14   Alors, j'espère que votre décision signifie que dans quelques jours nous

 15   allons pouvoir continuer avec la présentation des éléments à charge et

 16   l'audition des autres témoins pour les 5 heures et 15 minutes restantes. Et

 17   je pense que le Procureur utilisera de façon rationnelle son temps, qu'il

 18   renoncera aux témoins qui ne viennent pas étayer l'acte d'accusation et

 19   pour ce qui est, par exemple, des témoins de type de comportement, parce

 20   que cela, on en a déjà vu. Les comportements, on ne peut pas condamner

 21   quelqu'un. On peut condamner quelqu'un pour un délit au pénal commis. Donc

 22   le Procureur a suffisamment de temps, et il doit utiliser son temps de

 23   façon intelligente, à la différence de la façon dont ils ont procédé

 24   jusqu'à présent parce qu'ils ont dépensé du temps pour rien.

 25   Ce que je voudrais entamer comme sujet, est-ce que je peux le faire tout de

 26   suite, ou est-ce que vous voulez demander d'abord au Procureur de se

 27   prononcer sur ce que vous nous avez donné comme lecture ?

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Je donnerai la parole au Procureur après. Vous

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  1   pouvez continuer.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me suis préparé aujourd'hui pour initier

  3   quelque chose que j'ai initié déjà il y a deux ans. A vrai dire, ça n'a pas

  4   été couronné de succès et ça s'est fait par requête écrite. Alors j'ai

  5   trouvé des arguments nouveaux à présent, et il est arrivé de nouvelles

  6   choses pendant les deux années écoulées qui m'apportent des motifs

  7   supplémentaires pour ce qui est de remettre le problème sur le tapis.

  8   Dans le droit anglo-saxon, il y a un rôle très important qui est joué

  9   par ce qu'il est convenu d'appeler la doctrine de l'abus de la procédure,

 10   et étant donné que le droit en matière de procédure dans ce Tribunal-ci se

 11   fonde en premier lieu sur le droit de procédure anglo-saxon, avec certains

 12   éléments de droit continental, modifications aidant, je pense que cette

 13   doctrine d'abus de la procédure, notamment du fait de son applicabilité qui

 14   est confirmée au Tribunal pénal pour le Rwanda, peut être appliquée dans

 15   cette affaire-ci aussi.

 16   Ça fait déjà sept ans que je suis là. Il manque quatre mois pour

 17   arrondir, mais on peut arrondir, parce que ces quatre mois, ils vont se

 18   passer très vite. Donc, mon procès n'est pas terminé dans un délai

 19   raisonnable. J'ai attendu cinq ans le début de mon procès, et

 20   systématiquement pendant ces cinq ans, on a violé mes droits en matière de

 21   procédure. Depuis, dirais-je, le jour où je me suis présenté dans ce

 22   prétoire en février 2003, le Procureur s'est efforcé de m'imposer un

 23   conseil, et ils ont vu la seule et unique chance pour eux de le faire.

 24   Vous avez vu, Madame, Messieurs les Juges, j'ai présenté des

 25   requêtes, des requêtes pour entamer une procédure pour outrage au Tribunal,

 26   pour ce qui est des méthodes utilisées par le bureau du Procureur,

 27   chantage, pots-de-vin, pour ce qui est de témoins potentiels. Ça a marché

 28   chez certains; chez d'autres, non. Vous avez vu le nombre de témoins qui

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  1   ont fait de faux témoignages dans ce prétoire, et vous avez pu vous rendre

  2   compte du fait de la façon aisée que j'ai eue à m'occuper de ces -- et

  3   venir à bout de ces témoins. Notamment, le malheureux 008, ça c'est le plus

  4   marquant. Donc, il y a là bon nombre d'éléments sur lesquels on pourrait

  5   appliquer la théorie de l'abus de la procédure.

  6   Il y a quelques jours, j'ai trouvé une décision de la Chambre des

  7   Lords en Grande-Bretagne, c'est la Chambre haute du parlement. C'est daté

  8   du 24 juin 1993. L'affaire, c'est la Reine contre "Horseferry Road

  9   Magistrates' Court, Ex Parte. Je vais vous donner une citation très courte

 10   : 

 11   "Le Tribunal a un droit discrétionnaire pour interrompre toute procédure

 12   pénale au cas où il y aurait appréhension ou peur de voir qu'il y aurait

 13   risque d'abus de la procédure."

 14   Premièrement, parce qu'il serait impossible du fait de retard

 15   habituellement d'assurer à l'intention de l'accusé un procès équitable; ou

 16   deuxièmement, parce que demander au Tribunal de faire en sorte que

 17   l'inculpé soit jugé pour les circonstances concrètes de l'affaire, cela

 18   nuit à la justice et à l'équité.

 19   Alors l'argument crucial, je vais --

 20   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] L'interprète vous demande de ralentir

 21   et de répéter votre dernière phrase parce qu'elle n'a pas été saisie.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, la deuxième phrase, j'espère que ça

 23   suffira.

 24   Parce que demander au Tribunal, disais-je, de faire en sorte que l'accusé

 25   soit jugé pour ce qui est des circonstances d'une affaire concrète, cela

 26   constitue pour le Tribunal une violation du sentiment de justice et

 27   d'équité.

 28   Alors, je vous ai cité des éléments du livre de Carla Del Ponte disant que

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  1   Zoran Djindjic avait supplié, réclamé mon arrestation pour ne plus jamais

  2   revenir de La Haye. Il n'est pas le seul homme politique à l'avoir demandé.

  3   Je vous l'ai mentionné à l'époque où je n'avais pas encore lu le livre de

  4   Carla Del Ponte. Lorsque j'ai lu ce livre, j'ai vu qu'il y a eu d'autres

  5   hommes politiques à orientation pro-occidentale qui, même avant Zoran

  6   Djindjic, un an ou deux avant lui, avaient formulé ce type de requêtes

  7   auprès de Carla Del Ponte, et elle en parle de façon tout à fait ouverte

  8   dans son livre. C'est donc la preuve suprême de l'abus de la procédure ici,

  9   parce que c'est comme si la doctrine toute entière était bâtie sur cet

 10   exemple-ci émanant de la pratique.

 11   Quel était l'objectif en l'occurrence ? Les gens qui ont dressé un

 12   acte d'accusation savaient par avance que je n'étais impliqué dans aucune

 13   espèce de crime de guerre. Je le savais moi aussi, parce que j'ai crâné

 14   pendant dix ans, je les ai défiés, les gens du Tribunal, pour qu'ils me

 15   mettent en accusation, et je disais tout le temps que je ferais tout de

 16   suite mes valises pour aller à La Haye dès qu'il y aurait acte

 17   d'accusation. Le billet d'avion, je l'ai acheté avant qu'on ne me remette

 18   l'acte d'accusation. Donc, je n'avais aucune appréhension, je n'ai surtout

 19   pas fui la chose. L'objectif était de me mettre de côté, de m'éliminer de

 20   la vie politique serbe en Serbie. Alors comme il est évident qu'on ne peut

 21   prouver aucune violation au pénal par abus de la procédure, le bureau du

 22   Procureur vient requérir des prolongations ad eternam de ce procès pour que

 23   ça dure au moins autant que la durée de vie de ce Tribunal, quelle que soit

 24   l'issue du procès. Ça aussi, c'est un abus de la procédure.

 25   Il y a un autre élément qui est encore important pour ce qui est de

 26   cette doctrine de l'abus de la procédure, il y a une question qui s'impose

 27   : si abus il y a, est-ce que le Tribunal international a le droit d'exercer

 28   son droit discrétionnaire de refuser de juger un accusé. Et le Tribunal

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  1   international peut exercer son droit discrétionnaire en refusant de juger

  2   un accusé s'il y a eu violation extrême, explicite des droits de l'accusé.

  3   Je pense que mon séjour à La Haye pendant sept ans, sans jugement en

  4   première instance, est un élément de preuve suffisant pour ce qui est de la

  5   violation de mes droits ou de l'atteinte à mes droits.

  6   Dans une affaire, Barayagwiza, Tribunal international pour le Rwanda,

  7   dans un arrêt rendu suite à appel, on dit que le droit discrétionnaire de

  8   la suppression d'un acte accusation s'exerce à la lumière de violations

  9   sérieuses des droits de l'accusé, qui s'avéraient nuisibles quant à

 10   l'intégrité du Tribunal.

 11   J'estime que toute cette procédure lancée à mon encontre ici a mis en

 12   question l'intégrité du Tribunal, pas de la Chambre, du Tribunal de La Haye

 13   tout entier, parce que si le Tribunal de La Haye avait une intégrité

 14   quelconque, ça, je le remettrais en question sur toute une série d'autres

 15   affaires qui ont été conduites ici, pour ce qui est du traitement des

 16   accusés, comportements des avocats, comportements des conseils de

 17   l'Accusation, des témoins, et cetera. Il y a bien des choses que le bureau

 18   du Procureur a faites ici et qui ont été faites dans d'autres procès, mais

 19   qui sont passées plus facilement qu'ici.

 20   Alors pourquoi ai-je dit tout ceci ? Je pense que l'heure est venue de vous

 21   voir, en votre qualité de membres de Juges de cette Chambre, de réfléchir,

 22   de vous pencher sur la question et de décider sur le fait de savoir s'il y

 23   a eu ici éléments que cette doctrine d'abus de la procédure considère comme

 24   étant suffisants pour rendre un jugement de rejet de l'acte d'accusation du

 25   fait de violations graves de mes droits en ma qualité d'accusé. Bien

 26   entendu, au cas où vous rendriez ce type de décision, cela me priverait de

 27   la possibilité de faire en sorte, dans deux ans, voire trois ans, que j'ai

 28   à triompher vis-à-vis de l'accusation, lorsque j'aurais fait tout tomber à

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  1   l'eau, lorsque j'aurais complètement démantelé l'acte d'accusation dressé à

  2   mon encontre. Mais la question qui se pose ici, c'est de savoir est-ce que

  3   ces deux ou trois ans valent la peine d'être attendu. Alors, comme moi

  4   j'estime que je ne suis pas là pour décider si ça vaut la peine d'attendre,

  5   à vous de décider. Moi, je vais m'adapter à l'une et à l'autre de ces

  6   variantes.

  7   Je n'ai aucun mal à faire face au bureau du Procureur. Vous avez pu

  8   vous rendre compte du fait que je me fais un plaisir, je suis dans mon

  9   élément au prétoire. Mais y a-t-il ici quoi que ce soit de nouveau à dire ?

 10   Car les experts eux-mêmes, les témoins de l'Accusation eux-mêmes ont rejeté

 11   ou nié les éléments ou les chefs d'accusation à mon encontre. Vous avez eu

 12   d'abord l'expert portant sur le discours de la haine, et qui a dit dans le

 13   prétoire qu'il n'avait pas trouvé de discours de la haine. Il avait

 14   qualifié de un à cinq la sévérité des propos ou la gravité des propos. Il

 15   m'a dit que j'étais, moi, au niveau trois et que je n'avais pas atteint le

 16   discours de la haine.

 17   Vous avez eu expert militaire - Theunens, me semble-t-il qu'il s'appelait -

 18   et qui a dit qu'à Hrtkovci il n'y a pas eu d'attaque contre la population

 19   civile. Alors, si leur expert à eux dit qu'il n'y a pas d'attaque, de quoi

 20   débat-on ici? Sans attaque à l'encontre de la population civile, il ne

 21   saurait y avoir de délit au pénal d'expulsion, et on ne peut pas recourir à

 22   l'article 5 du Statut.

 23   Vous avez pu voir aussi cette fameuse déclaration où l'on dit que j'aurais

 24   incité à commettre des crimes à Zvornik, que c'était faux, et que

 25   l'événement même dont a parlé le témoin s'est produit deux ans avant. Il

 26   n'a même pas su le situer, historiquement parlant, dans le contexte

 27   temporel qu'il fallait. Et pour ce qui est des témoignages des trois

 28   témoins qui ont dit qu'à Vukovar je disais qu'aucun Oustachi ne devait

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  1   sortir vivant de là-bas, et les trois ont été instruits par le général

  2   Aleksandar Vasiljevic. L'un a dit "dans la maison," l'autre a dit "devant,"

  3   et l'autre a dit encore "dans la rue," et il s'est avéré que ce

  4   renseignement a été a posteriori inscrit dans le carnet de note de l'un

  5   d'entre eux.

  6   Souvenez-vous du témoin qui est venu témoigner dans ce prétoire au

  7   sujet du fait où il y avait intervention de l'Accusation pour qu'il

  8   obtienne ainsi une résidence permanente dans un pays tiers. Souvenez-vous

  9   de ce témoin qui avait un dossier criminel très lourd où il a été contre-

 10   interrogé, et tout est tombé à l'eau. Souvenez-vous du témoin où

 11   l'Accusation a constaté qu'il mentait, puis on a fait venir un avocat pour

 12   qu'il ne répète pas ces mensonges, afin de ne pas être emprisonné, lui.

 13   Alors, il y a eu de tout dans ce procès.

 14   Je ne vais pas être, donc, plus long que cela. Je vous ai présenté ma

 15   requête. J'espère que vous allez vous pencher dessus et que vous allez

 16   statuer. En tout état de cause, j'estime qu'il faudrait que vous décidiez

 17   de la sorte, à moins que l'Accusation ne soit prête tout de suite à

 18   continuer le procès et faire comparaître les témoins tout de suite. Parce

 19   que si ce n'est pas le cas, il y a véritablement abus à l'œuvre, et à vous

 20   de jouer, en tant que Juges, pour contrecarrer ces abus.

 21   Merci. C'est ce que j'avais à dire.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 23   Monsieur Seselj, la Chambre vous a écouté. Si nous avons bien

 24   compris, vous nous faites, ce jour, une requête orale dont la motivation

 25   juridique serait l'abus de procédure. Vous vous fondez sur un récent arrêt

 26   de la Chambre des Lords de Londres, arrêt au terme duquel un procès peut

 27   être interrompu par une Chambre s'il y a des violations graves au droit de

 28   la partie concernée. Vous vous fondez également sur une décision du TPIR.

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  1   La Chambre est saisie de votre requête orale. Bien entendu, le

  2   Procureur répondra, certainement par écrit, pas par oral parce que la

  3   question est importante. Et la Chambre statuera sur la requête dont vous

  4   avez exposé tout à l'heure, tous les éléments.

  5   Mme LE JUGE LATTANZI : Est-ce que je peux ?

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

  7   Mme LE JUGE LATTANZI : Je voudrais plutôt une clarification de

  8   l'accusé, parce que par la dernière phrase qu'il a dite, j'avais compris

  9   que c'est conditionné au fait que le Procureur ne continue pas tout de

 10   suite l'audience, l'écoute des témoins. J'ai mal compris ? Parce que vous

 11   avez dit à la fin, si le Procureur ne va pas écouter rapidement ces

 12   derniers témoins. Ou j'ai mal compris ?

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que l'interprétation n'a pas été

 14   tout à fait précise, Madame Lattanzi. Ce que j'ai dit, c'est si

 15   l'Accusation n'est pas en capacité de poursuivre immédiatement l'audition

 16   des témoins à charge. Je sais que pour vous, en tant que Juge de la Chambre

 17   de première instance, une décision comme celle-ci est difficile à rendre.

 18   Ce serait un précédent unique dans l'histoire du Tribunal. Aucune décision

 19   de ce genre n'a encore été rendue, bien que je sois convaincu que les

 20   conditions justifiant une telle décision sont remplies. Mais pour vous, en

 21   tant que Juge d'une Chambre de première instance, ce qui peut être capital,

 22   c'est éventuellement de déterminer si l'Accusation est en mesure ou pas,

 23   dans la semaine qui vient, à poursuivre la présentation de ses éléments de

 24   preuve. Autrement dit, l'audition de ses témoins ou pas. Si nous devons

 25   maintenant attendre que passent encore le Nouvel an et puis le printemps de

 26   l'année prochaine, et attendre je ne sais combien de temps encore, alors

 27   vraiment, c'est insensé.

 28   Je considère que les conditions existent pour que vous rendiez votre

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  1   décision sur ce sujet immédiatement, nonobstant le fait que l'Accusation

  2   aurait l'intention ou pas de présenter ses témoins. Mais pour nous, la

  3   signification de votre décision serait fondamentale, et, à notre avis, doit

  4   se fonder sur le fait de juger de la capacité de l'Accusation à présenter

  5   ses autres témoins ou pas. L'Accusation est-elle en mesure d'entendre ses

  6   témoins dans les dix jours qui viennent ou pas ?

  7   J'espère que maintenant vous m'avez mieux compris et que

  8   l'interprétation était plus précise.

  9   Mme LE JUGE LATTANZI : Je voudrais préciser que l'interprétation avait été

 10   certainement précise. C'est peut-être moi qui n'ai pas été précise en

 11   rapportant les mots. Mais je suis encore dans quelques doutes.

 12   Votre requête est subordonnée au fait qu'on puisse déterminer si on

 13   va continuer dans les prochains dix jours, ou elle n'est pas subordonnée ?

 14   C'est une requête qui prend effet immédiatement.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] A l'instant, vous avez simplifié un petit peu

 16   ma requête. Mais finalement, je suis d'accord avec votre interprétation.

 17   Finalement, je suis d'accord, même si ma requête n'était pas formulée

 18   exactement dans ces termes.

 19   Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, quelle est la position du

 21   Procureur sur la présente requête ? Puis avez-vous des sujets à aborder ?

 22   M. MARCUSSEN : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs les Juges.

 23   Oui, tout d'abord, j'ai certains points à soulever, points qui ont

 24   été soulevés précédemment, et j'ai aussi quelques mots à dire à propos de

 25   la requête que M. Seselj vient de faire.

 26   Mais tout d'abord, je tiens à vous dire qu'en plus de Mme Biersay et

 27   Mme Bosnjakovic, nous avons avec nous Safeena Rashid et Amar Bosto. Ce sont

 28   deux stagiaires qui travaillent avec nous.

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  1   En ce qui concerne la demande qui vient d'être faite par l'accusé, tout

  2   d'abord, je tiens à vous faire valoir le fait qu'il faudrait d'abord que

  3   tout ceci soit consigné par écrit si l'accusé tient qu'on donne suite à

  4   tout ceci. On n'a pas très bien compris si l'accusé veut que l'on revienne

  5   sur une décision précédente de la Chambre de première instance et, dans ce

  6   cas-là, s'il invoque de nouvelles circonstances ou s'il répète uniquement

  7   des demandes qu'il a faites à de nombreuses reprises déjà. Donc, nous

  8   voudrions savoir s'il s'agit d'une nouvelle requête ou si ce n'est que la

  9   répétition d'une ancienne requête. Pour ce faire, il serait sans doute

 10   beaucoup plus efficace, pour être clair, que l'accusé consigne tout ça par

 11   écrit.

 12   La position, en quelques mots, de l'Accusation est la

 13   suivante : tout d'abord, s'il y a des retards dans ce procès, ils sont du

 14   fait de l'accusé. Sa grève de la faim, un grand nombre d'écritures

 15   déposées, qui expliquent bien pourquoi ce procès a pris autant de retard.

 16   Donc, l'accusé n'a aucune raison de se plaindre de ce fait.

 17   Maintenant, en ce qui concerne les allégations selon lesquelles

 18   l'Accusation aurait eu des collusions avec les témoins ou qu'il y aurait eu

 19   des faux témoins, ceci n'a aucun fondement factuel.

 20   Ensuite, en ce qui concerne le livre de Carla Ponte, nous avons déjà

 21   d'ailleurs écrit quelque chose à ce propos.

 22   Il n'y a aucune base à cette allégation qui dirait que l'Accusation

 23   est en train de trouver uniquement des problèmes de procédures parce qu'ils

 24   pensent qu'en fin de compte l'accusé sera accusé.

 25   Et le fait que d'après l'accusé il n'y a pas d'éléments de preuve,

 26   c'est sa perception des choses, cela n'a rien à voir avec l'abus de

 27   procédure. Ce sont des arguments qui pourraient être soulevés lors de

 28   l'article 98 bis, mais nous n'en sommes pas là.

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  1   Donc, si l'accusé veut vraiment donner suite à tout ceci, il doit

  2   consigner tout cela par écrit dans une requête écrite. Donc, s'il faut

  3   qu'il y ait une décision juridique à propos de tous ces sujets, nous

  4   considérons qu'ils doivent être d'abord posés par écrit. Ce sont en effet

  5   des sujets importants, il faut donc de ce fait que nous puissions les

  6   étudier par écrit.

  7   Ensuite, la décision de la Chambre de première instance à propos de

  8   la demande de l'Accusation demandant à ce que l'on impose un conseil à

  9   l'accusé, l'Accusation, une fois qu'elle verra la décision écrite, verra si

 10   elle considère utile de faire appel en application de l'article 73(C)

 11   [comme interprété], de cette décision. Nous le verrons une fois que nous

 12   aurons la décision par écrit, bien sûr. Donc, il faut que nous attendions

 13   la décision écrite, et ensuite, nous aurons sept jours pour répondre.

 14   Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, le Procureur soulève deux

 16   problèmes, et il conviendrait que vous y répondiez de manière précise. Tout

 17   d'abord, il estime, et c'est son point de vue, que votre requête devrait

 18   être écrite. Donc ça, c'est le premier point qui est soulevé et dont nous

 19   aimerions que vous ayez une position.

 20   Et le deuxième point, le Procureur souhaite y voir clair en demandant

 21   si votre requête sur la théorie de l'abus de procédure est une requête qui

 22   vient dans la suite d'autres requêtes ou bien si c'est une requête tout à

 23   fait nouvelle.

 24   Et moi, à titre personnel, suite à l'intervention de ma collègue, la

 25   Juge Lattanzi, j'aimerais également que vous me précisiez si votre requête

 26   pour abus de procédure est directement liée à la reprise ou non du procès,

 27   ou bien elle est déconnectée de la reprise du procès.

 28   Voilà. Donc, j'ai trois questions à vous poser, et je vous donne la

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  1   parole.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, lorsque j'ai présenté ma

  3   requête, je n'ai pas établi un lien direct entre ma requête et la poursuite

  4   de la présentation des moyens de preuve de l'Accusation. Mais à la

  5   suggestion de Mme le Juge Lattanzi, j'ai modifié un peu ma requête et je me

  6   suis adapté à l'existence de ce lien. Donc, la condition la plus

  7   importante, c'est la capacité du bureau du Procureur à poursuivre dans un

  8   délai raisonnable, c'est-à-dire dans une dizaine de jours, la présentation

  9   de ses moyens, car je ne peux plus attendre. Je suis arrivé au bout de ma

 10   capacité d'attente. Je ne peux pas passer ma vie dans la cellule, assis et

 11   à attendre.

 12   Cela fait plus de deux ans que le Procureur qui est face à vous est

 13   dans cette affaire, et il devrait savoir que la requête que je viens de

 14   présenter n'est pas une répétition de requêtes existantes. Maintenant, il

 15   faut voir comment cela va vous être interprété. C'est une nouvelle requête.

 16   J'ai déjà présenté une requête sur la base de la doctrine de l'abus de

 17   procédure, mais ce que je fais aujourd'hui, ce n'est pas reprendre mot pour

 18   mot les termes d'une requête antérieure en demandant à la Chambre de se

 19   prononcer une nouvelle fois sur cette requête initiale, car cette requête

 20   initiale, je l'ai soumise avant le début du procès. Si je me souviens bien,

 21   c'était en octobre 2007. Quant à la requête que je présente aujourd'hui, je

 22   la présente deux ans après le début du procès, et ce procès aurait dû être

 23   terminé depuis longtemps s'il n'y avait pas eu ces retards énormes, le

 24   dernier retard très long et le retard de l'année dernière, de combien

 25   était-il, je ne sais plus. Mais si ces retards n'avaient pas eu lieu, le

 26   procès serait terminé. Pas seulement la présentation des moyens de

 27   l'Accusation, mais également celle de la Défense, les plaidoiries et

 28   réquisitoires, tout aurait été terminé. Donc, j'ai répondu sur ce point

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  1   également.

  2   Mais il y a un autre point encore auquel il faut que je réponde. M.

  3   Marcussen dit que c'est sur moi que pèse la culpabilité des reports de la

  4   procédure. Il parle de ma grève de la faim. Voyez quelle imbécillité cela

  5   constitue. Ma grève de la faim était une conséquence de la décision tendant

  6   à me supprimer le droit à assurer moi-même ma défense. J'ai été prêt, et je

  7   l'ai fait, à mettre ma vie en jeu pour faire respecter mes droits, et j'ai

  8   obtenu la protection de mes droits. La Chambre d'appel a statué en disant

  9   que c'est moi qui avais raison et pas le bureau du Procureur, qui a rendu

 10   une décision illégale. Par la grève de la faim que j'ai menée, je me suis

 11   battu pour mes droits. Je ne me suis pas battu pour retarder le procès.

 12   Car si j'avais été idiot et que j'avais accepté l'imposition d'un

 13   conseil, le procès serait terminé aussi depuis longtemps, mais comment se

 14   serait-il terminé, il se serait terminé sur la base d'une collaboration

 15   dans le prétoire entre l'Accusation et la soi-disant Défense pour démontrer

 16   "toutes les thèses de l'Accusation". C'est ça qui avait été inventé. Si je

 17   n'avais pas eu ma défense entre mes mains, tout serait passé. Mais comme

 18   j'avais ma défense entre mes mains, rien de ce que le Procureur voulait n'a

 19   pu passer. Cela fait une énorme différence, une différence extraordinaire.

 20   Pourquoi est-ce que j'ai attendu ces cinq années qui ont précédé le

 21   début du procès ? Pourquoi est-ce que j'ai passé trois ans même à attendre

 22   ? Monsieur le Président, vous en avez certainement le souvenir. En mai

 23   2004, après 15 mois d'emprisonnement, et comme il ne semblait pas que le

 24   début du procès se rapproche, j'ai présenté une requête en liberté

 25   conditionnelle jusqu'au début du procès, et la Chambre a rejeté cette

 26   requête en l'absence de garanties, mais je n'avais pas à qui demander des

 27   garanties. Le gouvernement hollandais, à la demande du Greffe, m'avait

 28   garanti la protection de la police en prison, mais c'est la seule garantie

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  1   que j'ai pu obtenir. Je n'ai pas pu en obtenir d'autres. Ce n'est pas moi

  2   qui suis coupable du fait qu'il n'existait personne qui aurait pu

  3   m'apporter les garanties demandées. Ce n'est pas moi qui suis coupable du

  4   fait que je n'aie pas pu accepter que quelqu'un qui n'avait aucune

  5   crédibilité morale accepte de me donner des garanties. Ç'aurait été une

  6   insulte pour moi. Il valait mieux mourir que d'accepter des garanties de

  7   cette nature.

  8   L'Accusation m'a répondu en me disant que le procès était prévu

  9   devoir commencer au début de l'année 2004, et vous avez reçu ce document du

 10   Procureur à l'époque. Ceci a été l'une des raisons du rejet de ma demande

 11   de retour chez moi. Or, le procès n'a commencé ni en 2004, ni en 2005. Ils

 12   ont cherché à obtenir un juge qui aurait été prêt à piétiner tous les

 13   principes moraux dans l'affaire et qui aurait accepté de m'imposer un

 14   conseil. Il ne leur a pas été facile de trouver un juge comme celui-là. Il

 15   y a eu le Juge Agius, il y a eu Kevin Parker également, et vous, vous

 16   n'avez pas accepté qu'on m'impose un conseil. Et à ce moment-là, le

 17   Procureur a essayé de trouver une Chambre de première instance qui

 18   l'accepterait. Mais cette Chambre de première instance ne m'arrivait pas à

 19   la cheville et même pas aux genoux. Et donc, le Procureur a vécu un fiasco.

 20   Je n'ai rien fait pour retarder ou prolonger ce procès. Vous avez pu

 21   constater combien j'ai été strict dans le respect du temps qui m'était

 22   imparti pour l'audition des témoins. Vous avez vu combien j'ai été strict

 23   dans le respect des délais impartis. Je n'ai pas été malade ou plutôt,

 24   quand j'étais malade, je suis tout de même venu aux audiences. Donc, toutes

 25   les raisons expliquant les retards du procès sont liées au Procureur. Je

 26   n'ai même pas dit quand j'étais malade, je suis venu aux audiences.

 27   C'est le Procureur qui a gaspillé son temps. D'abord, l'Accusation,

 28   sans aucune raison, a demandé la mise en cause de M. le Juge Harhoff et

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  1   finalement, cela nous a fait perdre un mois. Et puis, l'Accusation a

  2   demandé une suspension du procès pour discuter avec moi. Vous vous rappelez

  3   cette requête présentée en mai ou juin par le Procureur Mundis l'année

  4   dernière. Et quand j'ai refusé cet entretien, alors le Procureur a demandé

  5   une suspension de la procédure et il y a eu cette interruption de deux

  6   mois, deux mois que nous avons perdus. Et puis, depuis le mois de février,

  7   nous avons encore perdu huit mois. Dans la totalité de ces huit mois, 15

  8   jours seulement auront été utilisés, si je ne me trompe; peut-être même

  9   seulement quatre jours de travail.

 10   Donc, toutes les raisons expliquant les retards et interruptions de

 11   procédure sont à imputer à la responsabilité du Procureur. La Chambre des

 12   Lords du Royaume-Uni déclare qu'il y a abus de la procédure qui, en

 13   général, est lié à des délais, à des retards. La seule raison concrète

 14   évoquée par la Chambre des Lords dans sa décision de 1993, du 24 juin 1993

 15   s'appuie sur, en général, des retards.

 16   Ici, la question se pose de savoir si nous avons tardé ou pas. Est-ce

 17   que sept ans c'est un délai exagéré ou pas ? Et est-ce que ces sept ans

 18   sont liés à la gravité du procès ? Non, vous avez vu combien le procès

 19   était simple. Les témoins arrivent, le Procureur les interrogent, les

 20   interrogent, on ne va pas sur les lieux, on n'a aucune raison de faire

 21   autre chose que de s'occuper de la situation factuelle. Donc, la procédure

 22   s'est déroulée de façon tout à fait régulière. En dehors des obstructions

 23   de la part du Procureur, le procès s'est déroulé d'une façon tout à fait

 24   régulière et, malgré cela, il n'a pas pu s'achever.

 25   Je pense qu'il n'y a aucune raison, pour ma part, de m'adresser à vous par

 26   écrit, car c'est le seul moyen pour le Procureur de remettre à une date

 27   ultérieure votre décision. Mais le point crucial sur lequel M. Marcussen ne

 28   s'est pas prononcé, c'est la question de savoir quel est le jour où le

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  1   bureau du Procureur est en mesure de poursuivre la présentation de ses

  2   moyens de preuve. Est-ce que le Procureur est prêt, oui ou non ? Moi, je

  3   suis prêt. Dites-moi quand le prochain témoin arrive, je suis prêt après-

  4   demain, voire la semaine prochaine, s'il vous faut un peu de temps. Est-ce

  5   que vous voulez que je vous apporte mon aide pour qu'un de vos témoins

  6   vienne ? Dites-moi quels sont pour vous les témoins les plus importants sur

  7   les dix qui restent. Je peux les appeler par téléphone pour les prier de

  8   bien vouloir venir. Est-ce que vous voulez qu'on fasse ça ? Est-ce qu'il y

  9   a dans ces témoins certains témoins qui, entre-temps, sont passés du côté

 10   de la Défense ? Au début, ils avaient subi le chantage, ils avaient peur,

 11   et cetera. Maintenant, ils n'ont plus peur de rien. Mais moi, je n'ai rien

 12   contre leur venue.

 13   Alors, Madame, Messieurs les Juges, vous voyez bien ce qui figure dans leur

 14   déclaration préalable. Cela devrait vous suffire, cela devrait vous

 15   convaincre qu'il n'y a rien dans ces déclarations. Et voilà, c'est fini,

 16   qu'on en termine. Moi, je propose mon aide à l'Accusation. Mais M.

 17   Marcussen devrait dire à quel moment exact il est prêt à entendre son

 18   témoin suivant. Est-ce que le Procureur va déposer un appel contre votre

 19   décision; ça, ça ne devrait pas retarder l'audition des témoins. Je pense

 20   que vous êtes d'accord sur ce point. Votre décision est applicable à partir

 21   d'aujourd'hui, à partir du moment où elle a été prononcée. Le Procureur

 22   peut porter plainte. Voyons quelle est la Chambre d'appel qui accepterait

 23   une telle plainte. Je crois que c'est impossible. D'ailleurs, le Procureur

 24   doit d'abord vous demander l'autorisation de faire appel, et je pense que

 25   vous allez refuser d'accorder cette autorisation au Procureur car ça aussi,

 26   ça serait un abus de procédure. Le seul but, c'est de faire perdre du

 27   temps.

 28   Sur quoi y a-t-il encore à décider ? Le fait que moi, je ne me

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  1   comporte pas comme je devrais dans le prétoire ? Si je me battais avec les

  2   gardiens, si j'attaquais physiquement les représentants du bureau du

  3   Procureur ou si je prenais quelque chose pour le jeter sur les témoins ou

  4   si j'utilisais un vocabulaire inapproprié vis-à-vis des Juges de la Chambre

  5   de première instance ou si je faisais quoi que ce soit d'autre qui pourrait

  6   amener à m'expulser du prétoire, parce que vous avez le droit d'expulser un

  7   accusé qui a un comportement inacceptable. Alors, l'expulser une fois, deux

  8   fois, trois fois, ce serait, je crois, la seule possibilité pour la Chambre

  9   de m'imposer un conseil; le cas où l'accusé ne se comporterait pas de façon

 10   civilisée dans le prétoire.

 11   Vous avez eu à plusieurs reprises l'occasion de vous fâcher contre ma

 12   façon d'interroger les témoins ou par rapport à ce que je disais sur la

 13   situation factuelle; les témoins pouvaient être mécontents. D'ailleurs, ils

 14   étaient toujours mécontents, mais ce n'est pas une raison suffisante pour

 15   que la Chambre m'expulse du prétoire. Et puisque je n'ai jamais mis les

 16   Juges dans une situation où ils auraient pu m'expulser du prétoire, il est

 17   insensé de continuer à parler de l'imposition d'un conseil, et il est

 18   insensé de continuer à faire perdurer le débat sur ce point.

 19   M. Marcussen devrait dire à quel moment l'Accusation est prête à

 20   présenter les dix témoins qui lui restent sur les cinq heures 15 qui lui

 21   restent. Entre-temps, des témoins de l'Accusation ont été transformés par

 22   la Chambre en témoins des Juges. Donc, l'Accusation s'est vue économiser un

 23   certain nombre d'heures, et il n'y a aucune raison de ne pas exiger que

 24   l'Accusation fasse bon usage des heures qui lui restent; et nous verrons à

 25   ce moment-là si l'Accusation est en mesure de terminer la présentation de

 26   ses moyens jusqu'à la fin novembre au plus tard et combien de temps j'aurai

 27   pour présenter les moyens de la Défense. Et puis, nous verrons également ce

 28   qu'il faut encore garantir pour que les éléments de preuve de la Défense

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  1   puissent être présentés convenablement. Est-ce que je serai le seul à les

  2   présenter ? Est-ce que j'aurai des collaborateurs qui interviendront ou pas

  3   ?

  4   Pour moi, il y a plusieurs modalités de présentation des éléments:

  5   soit je le fais avec l'aide de mes collaborateurs, sur le modèle par

  6   exemple de tout ce qui était donné à M. Slobodan Milosevic lorsqu'il a

  7   présenté ses moyens, ou bien je resterai sans aucun moyen et je me

  8   défendrai seul dans cette phase du procès. Et ensuite, de cela, dépendra le

  9   temps que durera la présentation des moyens de la Défense, et cetera.

 10   Mais il n'y a pas besoin de nouvelles Conférences de mise en état

 11   pour savoir quand le procès peut se poursuivre. Nous sommes ici maintenant,

 12   nous savons où nous en sommes; alors continuons. Si le Procureur n'est pas

 13   en mesure de continuer, alors, je pense, Madame, Messieurs les Juges, qu'il

 14   ne vous reste plus aucune possibilité que de rendre un jugement de rejet de

 15   l'acte d'accusation sur la base de la doctrine de l'abus de procédure.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez répondu à M. Marcussen. Votre réponse est

 17   au transcript.

 18   Comme cette audience a également vocation à examiner la question de

 19   la détention et de votre état de santé, je vous indique qu'est arrivé cet

 20   après-midi même le rapport de l'expert cardiologue de l'Académie militaire

 21   de Belgrade. En règle générale, ceci se fait en audience à huis clos, mais

 22   vous nous avez dit que concernant votre état de santé, il n'y a rien à

 23   cacher; alors, je vais rester sur une ligne qui me permet publiquement de

 24   dire certaines choses.

 25   Ce rapport qui est en anglais doit être également rédigé dans votre langue.

 26   Donc, vous en aurez connaissance. Il fait 60 pages. J'ai eu l'occasion donc

 27   de l'étudier avant l'audience. Il recoupe  dans ses grandes lignes et il y

 28   a les conclusions auxquelles était arrivé le médecin de l'établissement

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  1   pénitentiaire. Vous verrez, c'est du travail sérieux. Simplement, je tiens

  2   à appeler votre attention sur la page 12 de ce rapport et sur la

  3   recommandation qui est faite au point numéro 5. Cet expert nous dit que :

  4   "Il peut y avoir un stress en cours d'audience."

  5   Et donc que ce stress, d'après lui, doit être, à titre préventif,

  6   régulé, le cas échéant, par des médicaments. Alors, je ne saurais trop vous

  7   recommander que lorsque nous sommes en audience il faut garder son calme -

  8   ce que vous faites en règle générale - mais garder son calme et ne pas

  9   s'énerver.

 10   Parce que le cardiologue nous dit, et vous verrez dans ce rapport qui

 11   fait 60 pages et qui est très intéressant parce qu'il est référencié par

 12   des études faites dans plusieurs pays, notamment aux Etats-Unis, on peut au

 13   cours d'une audience avoir une crise cardiaque et mourir subitement selon

 14   un tableau que l'on peut voir. Donc, je tiens à vous garder en vie et je

 15   tiens à ce que vous soyez le plus calme possible.

 16   Donc vous lirez ce rapport, qui contient dix recommandations

 17   importantes, et dont la cinquième, il n'y a que vous qui pouvez la suivre.

 18   Donc, quand vous l'aurez, et vous allez l'avoir, étudiez-le. Ce rapport va

 19   être également communiqué aux médecins de l'établissement pénitentiaire

 20   pour ce qui lui incombe. Mais moi, ce qui m'a frappé, c'est la question du

 21   stress de l'audience. Je sais ce que c'est qu'un stress de l'audience. Les

 22   Juges peuvent aussi avoir un stress. Et donc, il faut être calme. Voilà,

 23   c'est ce que je voulais vous dire.

 24   Alors, concernant votre état de santé, Monsieur Seselj, à part cela, est-ce

 25   que tout va bien ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je me sens parfaitement

 27   bien. Je n'ai aucune difficulté pour ce qui est de mon état de santé, si

 28   l'on excepte mes problèmes asthmatiques que je soigne avec mes médicaments.

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  1   Pour ce qui est de la situation liée au stress, voyez-vous, aucune

  2   situation de stress je n'ai connue dans le prétoire en interrogeant des

  3   témoins ou des experts de l'Accusation. Toutes les situations de stress

  4   possibles et imaginables sont liées aux insistances de la part de

  5   l'Accusation pour ce qui est des violations de mes droits en matière de

  6   procédure. Attendre huit mois pour savoir si le procès va se poursuivre ou

  7   pas; ça, c'est du stress. Et c'est stressant aussi d'attendre que de voir

  8   si on essaiera encore de m'imposer un conseil de Défense ou pas. Et je vous

  9   l'ai déjà reconnu, j'ai été plutôt détendu. Et j'ai même cessé de répondre

 10   aux requêtes présentées par l'Accusation, parce que je prêtais foi à votre

 11   dignité morale. Mais je pense qu'il n'est pas nécessaire à présent de

 12   débattre de mes situations de stress.

 13   Je compatis profondément avec Mme Christine Dahl et M. Mundis qui ont

 14   connu bien plus de situations de stress lorsque leurs témoins sont tombés à

 15   l'eau en prétoire, et M. Marcussen et Mme Biersay qui ont vu leurs témoins

 16   avancés s'effondrer. Et quand j'ai du succès pour ce qui est du contre-

 17   interrogatoire, j'ai de l'adrénaline qui marche. Et ça fait euphorique,

 18   mais c'est de l'euphorie due à la satisfaction du succès dont je fais

 19   preuve. La joie aussi, ça peut générer du stress. Mais la profonde

 20   tristesse, qui est celle du bureau du Procureur lorsque leurs témoins ont

 21   échoué ici, a dû les exposer bien plus à des situations de stress.

 22   Et c'est bien que M. Mundis et Mme Dahl aient quitté l'affaire, parce

 23   que proportionnellement à leur taille, ils avaient beaucoup plus de kilos

 24   que moi. Ici on a des procureurs qui sont plutôt minces, élancés, et le

 25   risque de l'infarctus est moindre dans le prétoire. Je crois que le sujet

 26   serait bon pour ce qui est de faire des paris, savoir qui est plus soumis à

 27   l'infarctus, moi ou l'un quelconque des Procureurs. J'espère que vous ne

 28   m'en voudrez pas de la plaisanterie que je viens de faire.

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  1   Mais je n'ai aucune difficulté en matière médicale et je suis prêt à

  2   continuer le procès dès demain.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Au moins, vous nous rassurez.

  4   Je voudrais aborder un autre sujet.

  5   Oui, Monsieur Marcussen.

  6   M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, je pourrais vous

  7   faire mes observations plus tard. Mais je voulais revenir à la façon dont

  8   l'accusé a refaçonné sa requête, mais je peux attendre si vous avez

  9   d'autres questions à aborder.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous pouvez intervenir sur la requête.

 11   M. MARCUSSEN : [interprétation] Si j'ai bien compris, l'accusé a modifié sa

 12   requête orale. Désormais, il demande la poursuite du procès, procès qui

 13   est, pour le moment, reporté sine die en raison d'une décision rendue par

 14   la majorité des Juges de la Chambre en février de cette année, me semble-t-

 15   il.

 16   Vous l'avez dit vous-même à la Conférence de mise en état du 16 juin

 17   à l'accusé. Vous lui avez dit qu'en dépit de l'importance que vous attachez

 18   à cette décision et sa possibilité de l'appel, il n'avait pas fait appel.

 19   Et vous aviez dit que sans doute nous allions entendre ces mêmes arguments

 20   une fois de plus. Il s'agit ici des pages 14 554 et 555 du compte rendu

 21   d'audience.

 22   Et je pense qu'ici on a la même donne une fois de plus. L'accusé

 23   conteste en public à l'audience une décision qui portait sursis de

 24   l'audience, mais il n'a pas déposé d'appel. C'est la raison pour laquelle,

 25   à notre avis, cette requête devrait être rejetée.

 26   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, je suis inquiet par la façon dont M.

Page 14779

  1   Marcussen est en train de raisonner. La décision que vous avez rendue il y

  2   a huit mois n'est pas une décision figée pour tous les temps. Votre

  3   décision a été rendue, j'imagine, parce que par rapport à ce que le

  4   Procureur vous avait demandé, il y avait des éléments ou des indices qui

  5   vous ont fait décider de la sorte.

  6   Il s'est passé huit mois depuis et personne n'a présenté aucun

  7   élément de preuve démontrant que moi ou mes collaborateurs auraient

  8   intimidé les témoins, menacé, intimidé, mis en danger ou fait quoi que ce

  9   soit d'autre. Alors si pendant huit mois ça n'a pas suffit pour présenter

 10   des éléments de preuve, pour étayer les allégations avancées par

 11   l'Accusation, est-ce qu'il faut 80 mois ? Combien de temps faut-il ? Parce

 12   que si vous aviez eu ne serait-ce qu'un élément de preuve, il y aurait eu

 13   une procédure d'outrage au tribunal d'entamée. Mais vous n'aviez pas

 14   d'élément de preuve du tout. Or, par la suite, il y a eu procès pour

 15   outrage contre moi du fait d'un livre que j'avais publié avant le début

 16   même du procès, et on a trouvé là trois Juges qui étaient disposés à me

 17   condamner sans pour autant avoir lu le livre.

 18   Alors, la procédure en appel, il y a un appel qui est sur 80 pages et

 19   qui est encore en train d'être traduit. Il faut répondre. Ce n'est pas

 20   facile de répondre, parce que dans le livre entier, il n'y a pas un seul

 21   texte dont je suis l'auteur. C'est un recueil de documents, ce livre. Aucun

 22   de ces documents, à titre individuel, n'est de nature confidentielle et

 23   n'est pas inaccessible au public. Or, lorsqu'on prend tous ces documents

 24   publics pour en faire un recueil, avec une lecture attentive, on pourrait

 25   tirer la conclusion qui serait celle de savoir de quel type de témoins

 26   protégés il pourrait s'agir. Mais c'est un précédent dans l'histoire de la

 27   justice. Rien que pour ce fait, j'entrerais dans tous les manuels du droit

 28   international pénal, dans tous les manuels, à partir de ce jour et ad vitam

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  1   eternam. Alors, j'attends que tombe ce jugement. Peu importe s'il ne tombe

  2   pas, mais il faudra bien qu'il tombe. C'est un recueil de documents. Il n'y

  3   a pas un seul document qui soit de nature confidentielle. Les Juges de la

  4   Chambre n'ont même pas lu le livre. Il n'a même pas été traduit, ce livre.

  5   Ils ont pris la page 212 et la page 846, et ils ont dit : si on lit la page

  6   212 et la page 846 -- là, je vous le dis de mémoire --

  7   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] -- vous interrompre. Je ne pense pas

  8   que cette enceinte soit celle qui se prête à ce genre de plainte de votre

  9   part, s'agissant du jugement rendu. Nous le savons. Comme c'est maintenant

 10   au stade de l'appel, c'est tout ce que nous pouvons faire.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, mon collègue a parfaitement raison.

 12   J'allais vous le dire. L'affaire est en appel, donc laissons faire la

 13   Chambre d'appel. Simplement, je voudrais que soit inscrit au transcript que

 14   :

 15   Les Juges de cette Chambre, les trois qui sont devant vous, n'ont

 16   jamais eu en leurs mains un quelconque livre écrit par vous. Je n'ai jamais

 17   eu un livre émanant de vous. Il faut que ce soit bien précis.

 18   Je voulais également vous dire, concernant la question des vidéos, la

 19   Chambre va enregistrer dans les heures qui viennent, peut-être demain ou

 20   après-demain, une décision.

 21   Ah, elle est -- la juriste de la Chambre me dit qu'elle est déjà

 22   enregistrée. C'est bien. Alors, comme elle a été enregistrée, mais d'ici

 23   que ce soit traduit, tout ça risque de prendre du temps, je vais vous dire

 24   ce qu'il y a dans cette décision, et notamment dans le dispositif, ce qui

 25   est important.

 26   Je rappelle, par mémoire, que le 20 mars 2008, vous avez demandé la

 27   communication par l'Accusation de toutes les vidéos que l'Accusation aurait

 28   eues. Lors de l'audience du 12 juin 2008, l'Accusation a dit que ces vidéos

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  1   représentaient 11 disques durs et qu'il y avait 6 600 heures de vidéos. Par

  2   la suite, il y a eu plusieurs événements qui se sont succédé.

  3   Alors, le Procureur a saisi la Chambre d'une requête en restitution

  4   de vidéos, parce que le Procureur s'est rendu compte qu'il avait, par

  5   erreur, communiqué des vidéos qu'il ne devait pas vous communiquer.

  6   Alors, le dispositif de la décision est le suivant : la Chambre

  7   ordonne que l'index soit désormais confidentiel et que dans un délai d'un

  8   mois à compter de la présente décision, les enregistrements vidéo qui

  9   peuvent être communiqués à l'accusé soient mis à la disposition des

 10   collaborateurs privilégiés de l'accusé dans une salle du bureau de liaison

 11   du tribunal à Belgrade réservée à cet effet et contenant tout l'équipement

 12   nécessaire pour les visionner.

 13   Troisièmement, que les collaborateurs privilégiés ne soient pas

 14   autorisés à copier ces enregistrements vidéo ni à les sortir de la salle où

 15   ils seront mis à leur disposition.

 16   Quatrièmement, que le Greffe prenne toutes les mesures nécessaires

 17   afin de faciliter à l'accusé et à ses collaborateurs privilégiés

 18   l'utilisation des enregistrements vidéo pour la Défense de l'accusé dans le

 19   cadre de la présente affaire, notamment en organisant au moment opportun le

 20   visionnage devant la Chambre des extraits des enregistrements vidéo jugés

 21   pertinents par l'accusé ou ses collaborateurs privilégiés.

 22   Cinquièmement, que les enregistrements vidéo soient restitués à

 23   l'Accusation lorsqu'un jugement définitif aura été rendu dans la présente

 24   affaire.

 25   Alors, il y a également dans cette décision un paragraphe 23 et 24

 26   qui est intéressant et dont vous aurez l'occasion de lire dans son

 27   intégralité, et la décision.

 28   En un mot, cette décision indique que, pour le moment, il y a donc

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  1   des vidéos qui sont au Greffe du Tribunal. Le Procureur peut les récupérer

  2   sans que la Chambre ait à intervenir à ce niveau-là. Deuxièmement, l'index

  3   faisant le récapitulatif de toutes ces vidéos, cet index doit être

  4   confidentiel. Comme vous l'avez depuis un an, il vous est fait obligation à

  5   vous et à vos collaborateurs de garder confidentiel cet index.

  6   Ensuite, il est indiqué que le Greffe mettra à la disposition de vos

  7   collaborateurs privilégiés les vidéos pertinentes pour votre cause, qui

  8   seront évidemment visionnées par vos collaborateurs. Et la Chambre demande

  9   au Greffe de faire le nécessaire pour que tout ceci puisse fonctionner,

 10   étant précisé.

 11   Comme vous le savez mieux que quiconque, il y avait à l'origine au

 12   moins 6 000 heures de vidéo à visionner. Par ailleurs, la Chambre a pris un

 13   soin tout particulier à indiquer dans sa décision que vos collaborateurs ne

 14   pourront pas copier les vidéos. Donc, ils viendront à Belgrade regarder les

 15   vidéos, ils prendront les notes nécessaires, mais ils n'auront pas à

 16   dupliquer les vidéos pour repartir avec.

 17   Voilà donc la décision telle qu'elle est rendue. Mais simplement,

 18   nous vous demandons de lire la décision sur cette vidéo. Mais compte tenu

 19   de l'urgence, je me suis fait l'obligation de vous lire le dispositif,

 20   puisque cette décision a été enregistrée et non encore traduite dans votre

 21   langue.

 22   Bien. Monsieur Seselj, est-ce que vous voulez nous dire quelque chose

 23   sur les vidéos ou pas ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, je tiens à vous rappeler seulement le

 25   fait que je n'ai qu'un conseiller juridique, pour le moment, avec ce statut

 26   privilégié permis par le règlement et un commis à l'affaire. Mes deux

 27   conseillers juridiques autres ont été suspendus de leurs fonctions, donc je

 28   n'ai pas été en mesure de mettre à profit les droits prévus par votre

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  1   décision. Un homme seul ne pourrait pas faire cela. Si le Président du

  2   Tribunal, à savoir le juge vers qui il a conféré ces attributions, Mehmet

  3   Guney, me remet mes deux conseillers et les trois, donc j'ajoute Dejan

  4   Mirovic, qui s'est avéré utile pour ce qui est de ce jugement en outrage,

  5   peut-être pourrait-il faire le travail. Mais s'il n'en reste qu'un

  6   conseiller juridique et un commis à l'affaire, alors ça devient impossible.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, à juste titre, il faut attendre la

  8   décision du Président. On verra ce qu'il dira sur le rétablissement de M.

  9   Krasic.

 10   Je dois consulter mes collègues pour un petit point.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Marcussen, j'ai consulté mes

 13   collègues, parce que suite à la demande de M. Seselj concernant sa requête

 14   orale sur l'abus de procédure et sur la nécessité qu'il y a de reprendre,

 15   d'après lui, immédiatement le procès, la Chambre vous donne 15 jours pour

 16   lui adresser vos écritures. J'ai dit 15 jours, pas 14. Oui, enfin,

 17   l'article 126 dit "14 jours," mais la Chambre indique 15 jours.

 18   M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci de cette générosité, Monsieur le

 19   Président, Madame et Messieurs les Juges. J'espère qu'on ne considérera pas

 20   ceci comme un retard abusif, le fait que vous nous ayez donné une journée

 21   de plus.

 22   Puisque j'ai la parole, page 29, ligne 22, on fait référence à la Chambre

 23   de première instance. On dit que la vidéo sera communiquée à la Chambre de

 24   première instance. Ça devrait être "à l'accusé." Je pense qu'il y avait une

 25   petite erreur de traduction.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Marcussen.

 27   Dernier sujet.

 28   Monsieur Seselj, vous nous avez saisi il y a un certain temps de la

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  1   question liée à l'enregistrement d'une audience d'un témoin protégé. Je ne

  2   donne pas le nom ni la date de cette audience. Nous avions appris, et je

  3   vous en avais informé, que suite à un problème de nature technique, la

  4   bande audio et vidéo n'existe pas. Donc, ne restait comme trace de

  5   l'audition de ce témoin que le transcript en anglais. Ce transcript en

  6   anglais a été traduit dans votre langue, et donc nous sommes en mesure de

  7   vous transmettre dans votre langue l'intégralité de l'audience qui avait

  8   été tenue. Nous n'avons pas un autre support que celui-là.

  9   Vous savez que lorsque je parle, lorsque vous parlez, lorsque le

 10   Procureur parle ou lorsque le témoin parle, tous nos propos sont transcrits

 11   en temps réel sur l'écran qui est devant vous, mais transcrits en anglais,

 12   pas dans la langue de travail, le français, qui est l'autre langue de

 13   travail, ni dans votre langue. Mais quand il y a des problèmes de

 14   traduction, on peut vérifier à partir des bandes audio ce qui a été dit.

 15   Malheureusement, dans le cas de l'espèce, pour une raison technique, cette

 16   bande n'existe pas. Il ne nous reste que le texte en anglais qui est

 17   maintenant traduit en B/C/S.

 18   Alors, je vous pose la question : est-ce que la transmission dans

 19   votre langue de l'intégralité de l'audience vous suffit-elle ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, si mes souvenirs sont

 21   bons, lors du témoignage de ce témoin-là, il n'y avait rien eu de

 22   problématique pour ce qui est des intérêts de la Défense. Je pense l'avoir

 23   contre-interrogé de façon très réussie. Tout ce que je voudrais vérifier,

 24   c'est de voir si on n'aurait pas mis dans la transcription des choses qui

 25   n'auraient pas été entendues lors de l'audition. Là, j'attirerais votre

 26   attention par écrit sur ce segment. Mais si on n'a rien ajouté par rapport

 27   à ce qui s'est dit dans le prétoire, pour ce qui me concerne, ça suffira

 28   tout à fait, parce que mes collaborateurs mettent sur papier tout ce qui

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  1   est dans la bande audio, parce que j'ai beaucoup plus de facilité à m'en

  2   servir. Je ne peux pas me servir des enregistrements. La tâche me serait

  3   impossible dans ce cas. Je suis le type d'homme visuel. J'aime bien avoir

  4   les choses sur papier. Ce n'est que si j'ai le papier sous les yeux que je

  5   puis fonctionner. Je ne peux pas fonctionner en regardant un film et

  6   prendre des notes sur l'écran ou à côté.

  7   Donc, là il n'y a pas de problème. S'il y a un problème, je vous le

  8   signalerai par écrit. Et j'espère que le greffier me le fera parvenir tout

  9   de suite après l'audition.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais je vais vous le donner immédiatement. Tout ceci

 11   est là, donc M. l'Huissier va vous le remettre immédiatement.

 12   Bien, s'il n'y a plus de sujet à aborder, tout le monde ayant pris la

 13   parole et exposé les différents sujets, je vais donc lever cette audience.

 14   Je remercie donc toutes les personnes présentes.

 15   --- La Conférence de mise en état est levée à 17 heures 56.

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