Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 4 mai 2011

  2   [Règle 98 bis Jugement]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Merci, Monsieur le Président.

  9   C'est le numéro d'affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 11   En ce mercredi, 4 mai 2011, je salue en premier les représentants éminents

 12   du bureau du Procureur qui sont présents pour la lecture de la décision de

 13   la Chambre au titre de l'article 98 bis du Règlement. Je salue M. Seselj,

 14   je salue également toutes les personnes qui nous assistent, à savoir M. le

 15   Greffier, Mme l'Huissier, l'agent de sécurité, ainsi que toutes autres

 16   personnes.

 17   Je vais aujourd'hui commencer la lecture donc de la décision orale de la

 18   Chambre en application de l'article 98 bis, et je continuerai par la

 19   lecture d'une opinion partiellement dissidente de moi-même.

 20   Nous avons prévu donc l'audience de la matinée, qui va commencer donc

 21   maintenant, et qui se poursuivra certainement dans l'après-midi, et pour le

 22   cas où je n'aurai pas terminé la lecture, nous continuerions demain après-

 23   midi, étant précisé que j'ai plus de 120 pages à lire. Je commence.

 24   La Chambre va rendre sa décision orale en vertu de l'article 98 bis

 25   du Règlement. La Chambre procèdera dans un premier temps à un rappel de la

 26   procédure, elle exposera en second lieu le droit applicable en vertu de

 27   l'article 98 bis du Règlement. Elle fera en troisième lieu un rappel des

 28   chefs d'accusation et des modes de responsabilité tels qu'ils sont allégués


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  1   dans l'acte d'accusation. Elle fera en quatrième lieu un rappel sur les

  2   éléments constitutifs des crimes, et exposera le droit applicable à

  3   l'incitation comme mode de participation aux crimes. Dans la cinquième

  4   partie, la Chambre donnera des exemples d'éléments de preuve dont elle

  5   dispose et qui sont suffisants pour étayer à ce stade les allégations de

  6   perpétration de crimes telles que mentionnées dans les différents chefs

  7   d'accusation. La Chambre examinera en sixième lieu la responsabilité de

  8   l'accusé pour avoir incité les crimes allégués dans l'acte d'accusation,

  9   par le biais notamment de ses discours.

 10    Premièrement, rappel de la procédure. La présentation des éléments à

 11   charge par l'Accusation, débutée le 7 novembre 2009, et s'est terminée par

 12   l'audition du Témoin Nenad Jovic le 7 juillet 2010. L'Accusation a refusé

 13   par la suite de clôturer la présentation de ses moyens à charge tant que la

 14   Chambre n'avait pas statué sur l'ensemble de ses requêtes pendantes, dont

 15   plusieurs requêtes sollicitant l'audition de nouveaux témoins, et celle du

 16   Témoin VS-026, considéré comme indisponible pour raison de santé suite à

 17   une première expertise médicale. La Chambre soumettait donc le Témoin VS-

 18   026 à une seconde expertise médicale, qui confirmait la première par un

 19   rapport enregistré le 26 novembre 2010. Par ailleurs, la Chambre statuait

 20   au cours du mois de décembre 2010 sur l'ensemble des requêtes pendantes

 21   pouvant avoir un impact sur la procédure 98 bis en rendant 25 décisions.

 22   La Chambre devait ensuite attendre le dépôt du rapport d'expertise

 23   sur l'authenticité des carnets Mladic enregistrés le 10 janvier 2011, sa

 24   traduction en B/C/S et l'expiration du délai de l'accusé pour présenter ses

 25   observations avant de pouvoir statuer sur la requête en admission de ces

 26   carnets. Lors de l'audience administrative du 18 janvier 2011, l'accusé

 27   informait la Chambre qu'il allait ultérieurement présenter ses arguments

 28   sur le fondement de l'article 98 bis du Règlement. La Chambre, prenant en


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  1   compte le délai nécessaire pour statuer sur les requêtes en reconsidération

  2   de cette décision rendue en décembre, enregistrée par l'Accusation entre le

  3   28 décembre et le 21 janvier 2011, fixait l'audience 98 bis les 7, 8 et 9

  4   mars 2011 par ordonnance portant calendrier du 25 janvier 2011.

  5   A l'audience du 7 mars 2011, l'accusé présentait ses arguments oraux

  6   en vertu de l'article 98 bis du Règlement. Il reprenait la parole lors de

  7   l'audience du 9 mars 2011 afin de répliquer l'Accusation. En particulier,

  8   l'accusé conteste avoir commis, ordonné, planifié, aidé et encouragé, et

  9   incité à commettre les crimes allégués dans l'acte d'accusation. Il

 10   conteste également avoir participé à la commission de ces crimes en tant

 11   que membre d'une entreprise criminelle commune. Plus précisément, l'accusé

 12   conteste la réalité de certains crimes allégués dans l'acte d'accusation au

 13   titre des divers chefs d'accusation, ainsi que la crédibilité de nombreux

 14   témoignages et autres éléments de preuve présentés par l'Accusation. Il

 15   affirme, en outre, que l'Accusation n'a pas pu présenter d'éléments de

 16   preuve sur les discours de Vukovar, Mali Zvornik et Hrtkovci, tels

 17   qu'allégués dans l'acte d'accusation, dans la mesure où il n'a pas tenu ces

 18   discours.

 19   Il soutient par ailleurs que si certains crimes ont pu être commis,

 20   il n'y a aucune preuve que ces crimes soient imputables aux volontaires

 21   recrutés par son parti, à savoir le Parti radical serbe, qui sera ci-après

 22   cité comme le SRS. Il précise qu'en tout état de cause, il ne peut être

 23   tenu pour responsable de crimes qui auraient été commis par ces

 24   volontaires, l'accusé n'ayant pas été leur supérieur hiérarchique au sein

 25   de l'armée de la JNA dans laquelle les volontaires opéraient.

 26   En conclusion, l'accusé souligne qu'il est impossible de démontrer

 27   au-delà de tout doute raisonnable que des actes criminels lui seraient

 28   imputables, et il estime que la Chambre devra, par conséquent, prononce son


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  1   acquittement pour tous les chefs d'accusation.

  2   L'Accusation répondait aux arguments de l'accusé lors des audiences

  3   des 8, 9 mars 2011. Elle a attiré l'attention de la Chambre sur les divers

  4   témoignages et éléments de preuve admis par la Chambre, qui ne permettrait

  5   pas, selon elle, de prononcer un tel acquittement.

  6   II : Le droit applicable en vertu de l'article 98 bis du Règlement.

  7   En application de l'article 98 bis du Règlement, à la fin de la

  8   présentation des moyens à charge, la Chambre de première instance doit, par

  9   décision orale et après avoir entendu des arguments oraux des parties,

 10   prononcer l'acquittement de tout chef d'accusation pour lequel il n'y a pas

 11   d'éléments de preuve susceptibles de justifier une condamnation. Depuis le

 12   8 décembre 2004, date du dernier amendement à l'article 98 bis du

 13   Règlement, une Chambre de première instance est uniquement amenée à

 14   examiner si l'Accusation a présenté des éléments de preuve permettant

 15   d'étayer chaque chef d'accusation dans son ensemble et non pour les

 16   différentes accusations constituant ce chef. La modification de l'article

 17   98 bis du Règlement a eu pour objet de faciliter la procédure et de

 18   garantir une plus grande rapidité du procès. D'une part en passant d'une

 19   procédure écrite à une procédure orale, et d'autre part en se concentrant

 20   sur les chefs d'accusation dans leur ensemble plutôt que sur chacun des

 21   crimes allégués dans le cadre de chaque chef d'accusation.

 22   En conséquence, depuis le dernier amendement de l'article 98 bis, la

 23   Chambre à la majorité, le Juge Antonetti étant dissident, estime qu'elle ne

 24   peut prononcer l'acquittement que d'un chef d'accusation dans son ensemble.

 25   Cela correspond d'ailleurs à la pratique suivie postérieurement à la

 26   modification de l'article 98 bis du Règlement par les Chambres de première

 27   instance, notamment dans les affaires Martic, Mrksic, Prlic et Gotovina.

 28   Le fait que la Chambre soit obligée de prononcer l'acquittement d'un


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  1   chef dans son ensemble laisse à la Défense la possibilité de ne pas

  2   répondre à l'ensemble des allégations contenues dans un chef d'accusation,

  3   et pour lesquelles elle considérait que l'Accusation n'aurait pas présenté

  4   d'éléments de preuve. Dans le cadre de l'article 98 bis du Règlement, la

  5   Chambre doit déterminer s'il existe des éléments de preuve au vu desquels

  6   un Juge du fait raisonnable pourrait prononcer une condamnation au-delà de

  7   tout doute raisonnable. Il ne s'agit pas à ce stade-ci d'établir si une

  8   Chambre prononcerait une condamnation à l'issue du procès mais si elle

  9   pourrait le faire. Il convient de souligner qu'au stade de l'article 98 bis

 10   du Règlement, la Chambre de première instance effectue un premier examen de

 11   l'ensemble des éléments de preuve versés au dossier au cours de la phase de

 12   l'accusation afin de savoir si ces éléments seraient susceptibles de

 13   justifier une condamnation. Ce premier examen est distinct de celui auquel

 14   doit procéder une Chambre de première instance à la fin du procès. En

 15   effet, à la fin du procès, une Chambre de première instance doit effectuer

 16   une analyse approfondie de l'ensemble des éléments de preuve à charge et à

 17   décharge versés au dossier et déterminer le poids qu'il convient de leur

 18   accorder.

 19   Afin de pouvoir procéder à ce premier examen au stade de l'article 98

 20   bis, la Chambre doit tenir compte de tous les éléments de preuve présentés

 21   durant la phase de l'Accusation et ne doit opérer aucune sélection parmi

 22   eux. Les éléments de preuve en faveur de l'accusé doivent, cependant,

 23   n'être utilisés qu'aux fins d'apprécier si un élément de preuve est

 24   manifestement dépourvu de toute crédibilité. Il s'ensuit qu'une demande

 25   d'acquittement pour un chef d'accusation est accueilli lorsqu'il n'existe

 26   pas d'éléments de preuve pour justifier une condamnation ou lorsqu'il

 27   existe un ou plusieurs éléments de preuve mais que la Chambre, même en leur

 28   accordant une valeur maximale, ne pourrait pas prononcer de condamnation,


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  1   en particulier parce qu'il - au singulier et au pluriel - manque

  2   manifestement de fiabilité et de crédibilité.

  3   La Chambre tient en outre à préciser qu'elle évoquera ci-après des éléments

  4   de preuve seulement à titre d'exemple. Le fait que certains éléments de

  5   preuve aient été pris en compte pour rendre la présente décision ne

  6   signifie pas pour autant que la Chambre les appréciera de la même façon

  7   lorsqu'elle rendra son jugement définitif. De même, le fait que certains

  8   éléments de preuve ne soient pas évoqués dans la présente décision ne veut

  9   pas dire qu'ils ne seront pas examinés et appréciés dans le cadre du

 10   jugement final. Par ailleurs, alors même que l'accusé est poursuivi sous

 11   diverses formes de responsabilité, il suffit, selon la majorité de la

 12   Chambre, le Juge Antonetti, moi-même en l'occurrence, étant dissident, dans

 13   le cadre de la procédure de l'article 98 bis du Règlement, d'établir qu'il

 14   existe des éléments de preuve soutenant une seule des formes de

 15   responsabilité alléguées dans l'acte d'accusation pour rejeter une demande

 16   d'acquittement.

 17   Dès lors qu'une Chambre tient une des formes de responsabilité au stade de

 18   la procédure en vertu de l'article 98 bis du Règlement, cela ne signifie

 19   pas qu'elle a en conséquence écarté les autres formes de responsabilité

 20   alléguées dans l'acte d'accusation. Ainsi, une Chambre pourrait ensuite,

 21   dans le cadre du jugement final, retenir une autre forme de responsabilité

 22   non évoquée dans le cadre de la procédure en vertu de l'article 98 bis du

 23   Règlement.

 24   La Chambre souligne par ailleurs qu'en tout état de cause, il lui

 25   appartient de déterminer quelle forme de responsabilité doit, le cas

 26   échéant, endosser l'accusé eu égard à l'acte d'accusation et aux éléments

 27   de preuve admis, comme cela a déjà été affirmé par le Tribunal au

 28   paragraphe 248 du jugement Kvocka.


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  1   Enfin, la Chambre tient à préciser qu'il n'existe pas de contradiction

  2   entre le rejet d'une requête 98 bis et l'acquittement à la fin du procès.

  3   Cela vaut même si la Défense ne présente pas d'éléments de preuve à

  4   décharge.

  5   Troisième chapitre, rappel des chefs d'accusation et des modes de

  6   responsabilité allégués dans l'acte d'accusation.

  7   Avant de continuer, je vais ralentir la lecture afin que les interprètes

  8   puissent bien traduite. J'ai un œil sur le transcript en anglais et

  9   j'entends, en langue serbe, la traduction de mes propos, et pour le moment,

 10   tout va bien.

 11   Le paragraphe 3, donc rappel des chefs d'accusation et des modes de

 12   responsabilité allégués dans l'acte d'accusation.

 13   La Chambre rappelle que dans le troisième acte d'accusation modifié déposé

 14   le 7 décembre 2007, ci-avant et ci-après intitulé "acte d'accusation",

 15   l'Accusation allègue que l'accusé est responsable de crimes sanctionnés par

 16   le Statut de ce Tribunal, à savoir des crimes contre l'humanité ainsi que

 17   des violations des lois ou coutumes de la guerre.

 18   Les allégations exposées dans l'acte d'accusation et pour laquelle l'accusé

 19   est poursuivi concernent les neuf chefs d'accusation suivants :

 20   Chef 1, la persécution pour des raisons politiques, raciales, ou

 21   religieuses en tant que crime contre l'humanité.

 22   Chef 4, le meurtre, en tant que violation des lois ou coutumes de la

 23   guerre.

 24   Chef 8, la torture, en tant que violation des lois ou coutumes de la

 25   guerre.

 26   Chef 9, les traitements cruels, en tant que violation des lois ou coutumes

 27   de la guerre.

 28   Chef 10, l'expulsion, en tant que crime contre l'humanité.


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  1   Chef 11, le transfert forcé, acte inhumain, en tant que crime contre

  2   l'humanité.

  3   Chef 12, la destruction sans motif de villages ou dévastation non justifiée

  4   par les exigences militaires, en tant que violation des lois ou coutumes de

  5   la guerre.

  6   Chef 13, la destruction ou l'endommagement délibéré d'édifices consacrés à

  7   la religion ou a l'éducation, en tant que violation des lois ou coutumes de

  8   la guerre.

  9   Chef 14, le pillage de biens publics ou privés, en tant que violation des

 10   lois ou coutumes de la guerre.

 11   La Chambre précise qu'elle examinera ces chefs en les regroupant selon

 12   qu'ils sont allégués en tant que crimes contre l'humanité ou en tant que

 13   crimes de guerre.

 14   Les faits reprochés à l'accusé dans l'acte d'accusation couvrent les

 15   municipalités de Vukovar en Croatie, de Zvornik, Sarajevo, Mostar,

 16   Nevesinje en Bosnie-Herzégovine, et de Hrtkovci en Vojvodine, Vojvodine qui

 17   est en Serbie.

 18   L'accusé est poursuivi sur le fondement de sa responsabilité pénale

 19   individuelle en application de tous les modes de responsabilité énumérés à

 20   l'article 7, paragraphe (1) du Statut du Tribunal. Pour tous les crimes

 21   allégués dans l'acte d'accusation, tels qu'allégués au paragraphe 5 de

 22   l'acte d'accusation, qui peut se lire comme suit, alors je vais lire ce

 23   paragraphe 5 qui est un paragraphe important :

 24   "Vojislav Seselj est individuellement responsable des crimes visés aux

 25   articles 3 et 5 du Statut du Tribunal et énumérés dans le présent acte

 26   d'accusation, crimes qu'il a planifiés, ordonnés, incités à commettre,

 27   commis ou de tout autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer, ou

 28   exécuter.


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  1   "Par le terme 'commettre', le Procureur n'entend pas suggérer que l'accusé

  2   ait matériellement commis tous les crimes qui lui sont imputés

  3   personnellement. L'accusé ne se voit reprocher d'avoir matériellement

  4   commis que d'une part des persécutions en dénigrant directement et

  5   publiquement les autres communautés dans les discours qu'il a prononcés à

  6   Vukovar, Mali Zvornik, et Hrtkovci, et en appelant à l'expulsion et au

  7   transfert forcé dans les discours qu'il a prononcés à Hrtkovci, et d'autre

  8   part des expulsions et des actes inhumains, transfert forcé auquel il a

  9   appelé dans le discours qu'il a prononcé à Hrtkovci.

 10   "Dans le présent acte d'accusation, 'la commission' s'entend notamment de

 11   la participation de Vojislav Seselj en tant que co-auteur à une entreprise

 12   criminelle commune. Par l'expression 'a incité à commettre,' le Procureur

 13   veut dire que les discours, les déclarations, les actes et/ou omissions de

 14   Vojislav Seselj ont pesé sur la décision des individus' qui ont commis les

 15   crimes allégués."

 16   Voici donc intégralement ce paragraphe de l'acte d'accusation.

 17   La Chambre rappelle que si l'accusé a contesté sa responsabilité au titre

 18   de toutes les modes de responsabilité allégués dans l'acte d'accusation, la

 19   présente décision va s'attacher dans un souci d'économie judiciaire à

 20   examiner les éléments de preuve relatifs à la responsabilité de l'accusé du

 21   point de vue uniquement de l'incitation. En effet, comme la Chambre l'a

 22   déjà rappelé, il suffit de l'avis de la majorité, car je suis dissident,

 23   dans le cadre de la procédure de l'article 98 bis, d'établir qu'il existe

 24   des éléments de preuve soutenant une seule des formes de responsabilité

 25   alléguée dans l'acte d'accusation pour rejeter une demande d'acquittement.

 26   Cela ne signifie pas, pour autant, que la Chambre ne statuera pas

 27   ultérieurement sur les autres modes de responsabilité.

 28   Chapitre 4, rappel des éléments constitutifs des crimes et du droit


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  1   applicable à l'incitation en tant que mode de participation au crime.

  2   S'agissant des éléments constitutifs des crimes, premièrement, la Chambre

  3   rappelle en premier lieu que selon les articles 2, 4, et 5 du Statut, tant

  4   les crimes de guerre que les crimes contre l'humanité s'inscrivent dans le

  5   contexte d'un conflit armé international ou interne.

  6   Deuxièmement, la Chambre rappelle, en second lieu, que pour constituer un

  7   crime contre l'humanité, les actes d'un accusé doivent s'inscrivent dans le

  8   cadre d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une

  9   population civile quelle qu'elle soit. Ces deux adjectifs sont alternatifs

 10   et non cumulatifs. L'adjectif "généralisé" renvoie au fait que l'attaque a

 11   été menée sur une grande échelle et au nombre de victimes qu'elle a fait,

 12   tandis que l'adjectif "systématique" dénote le caractère organisé des actes

 13   de violence et l'improbabilité de leur caractère fortuit. C'est à la

 14   répétition délibérée et régulière de comportements criminels similaires que

 15   l'on reconnaît leurs caractères systématiques.

 16   Troisièmement, en ce qui concerne l'actus reus des crimes, il sera examiné

 17   ultérieurement par la Chambre dans le cadre des chefs d'accusation allégués

 18   dans l'acte d'accusation.

 19   Quatrièmement, la Chambre rappelle que la mens rea de chacun des crimes

 20   allégués dans le cadre des neufs chefs d'accusation est constituée par

 21   l'intention criminelle de l'auteur du crime, sauf pour le crime de

 22   persécution, qui nécessite en outre, pour engager la responsabilité d'un

 23   accusé, un dolus specialis, à savoir l'intention spécifique de discriminer

 24   pour des raisons politiques, raciales, ou religieuses. La Chambre reviendra

 25   ultérieurement sur cet aspect dans le cadre de l'analyse du chef

 26   d'accusation numéro 1.

 27   B, s'agissant à présent du droit applicable à l'incitation en tant que mode

 28   de responsabilité.


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  1   Pour qu'une Chambre puisse conclure à l'existence d'une incitation à

  2   commettre des crimes, elle doit constater que trois conditions sont

  3   remplies. Une première condition relative aux actes constitutifs de

  4   l'incitation; une condition relative à l'intention de l'instigateur; et

  5   enfin, une condition relative au lien entre l'incitation et le crime.

  6   Premièrement, en ce qui concerne tout d'abord les actes constitutifs de

  7   l'incitation à la perpétration de crimes. La jurisprudence du Tribunal,

  8   notamment au paragraphe 27 de l'arrêt "Kordic et Cerkez, a défini

  9   "l'incitation" comme le fait, je cite : "De provoquer quelqu'un à commettre

 10   une infraction."

 11   La jurisprudence du TPIR, notamment au paragraphe 456 du jugement

 12   Ndindabahizi, a défini la citation comme le fait de, je cite : "Pousser ou

 13   encourager autrui, verbalement ou par tout autre moyen de communication, à

 14   commettre un crime dans l'intention qu'il soit commis."

 15   Dès lors, comme cela a été énoncé au paragraphe 271 du jugement Oric,

 16   pour qu'il y ait un acte matériel constitutif d'incitation, il faut que

 17   l'instigateur ait influencé l'auteur matériel du crime en le sollicitant,

 18   en le poussant, ou l'emmenant de quelque manière que ce soit à perpétrer le

 19   crime. Toutefois, cela ne suppose pas nécessairement que l'instigateur ait

 20   été à l'origine de l'idée ou ait conçu le plan initial en vue de commettre

 21   le crime. Même si l'auteur principal envisageait déjà de commettre un

 22   crime, son passage à l'acte peut découler de la persuasion et de

 23   l'exhortation prodiguée par l'instigateur. Plus précisément, en ce qui

 24   concerne la manière dont l'auteur principal a été influencé, il n'est pas

 25   nécessaire que l'incitation à commettre les crimes visés par le Statut soit

 26   directe et publique, comme c'est le cas pour l'incitation directe et

 27   publique à commettre le génocide, qui est un crime en soi et non un mode de

 28   responsabilité.


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  1   Comme cela est indiqué au paragraphe 273 du jugement Oric,

  2   l'influence résultant de l'incitation peut s'exercer directement ou par des

  3   intermédiaires, et sur un nombre de personnes plus ou moins important,

  4   pourvu que l'instigateur ait l'intention voulue. Il n'est pas non plus

  5   nécessaire que l'instigateur se trouve sur les lieux du crime, comme l'a

  6   affirmé la Chambre d'appel du TPIR au paragraphe 660 de l'arrêt Nahimana,

  7   plus connu sous le nom de l'arrêt Media.

  8   Deuxièmement, en ce qui concerne ensuite l'intention de

  9   l'instigateur. Il convient de démontrer que l'accusé a eu l'intention de

 10   provoquer ou d'induire la perpétration d'un crime ou bien qu'il avait

 11   conscience de la réelle probabilité qu'à la suite de l'acte d'incitation un

 12   ou plusieurs crimes seraient commis, alors seraient commis soit au

 13   singulier soit au pluriel. A cet égard, la Chambre d'appel, au paragraphe

 14   32 de l'arrêt Kordic et Cerkez, a indiqué que quiconque provoque une autre

 15   personne à commettre un acte ou une omission en ayant conscience de la

 16   réelle probabilité qu'un crime soit commis au cours de l'exécution de cette

 17   intention, de cette incitation, possède l'intention requise pour être tenu

 18   responsable sur le fondement de l'article 7(1) du Statut. Il faut

 19   considérer le fait d'inciter en ayant conscience de cette réelle

 20   probabilité comme l'acceptation du crime qui en découle.

 21   La Chambre souligne, toutefois, que s'agissant des crimes allégués

 22   aux chefs 4, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14, tels qu'allégués dans l'acte

 23   d'accusation, il suffit de prouver que l'accusé avait conscience de la

 24   réelle probabilité qu'à la suite de l'incitation un de ces crimes serait

 25   commis. En revanche, s'agissant du crime allégué au chef 1, il faut

 26   également vérifier si l'accusé avait eu l'intention de provoquer ou

 27   d'induire la perpétration de la persécution en tant que crime poursuivant

 28   le but spécifique de discriminer pour des raisons politiques, raciales, ou


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  1   religieuses.

  2   La Chambre souligne, enfin, qu'il convient de faire une distinction

  3   entre l'intention et le mobile personnel. Comme l'a affirmé la Chambre

  4   d'appel au paragraphe 102 de l'arrêt Krnojelac, l'existence d'un mobile

  5   personnel n'empêche pas l'auteur du crime d'être animé de l'intention

  6   spécifique requise.

  7   Troisièmement, enfin, s'agissant de l'existence d'un lien entre

  8   l'incitation et la perpétration du crime. Ainsi que l'a affirmé la Chambre

  9   d'appel au paragraphe 27 de l'arrêt Kordic et Cerkez, il n'est pas

 10   nécessaire d'apporter la preuve que le crime n'aurait pas été commis sans

 11   l'intervention de l'accusé. Il suffit de démontrer que l'incitation a été

 12   un élément déterminant du comportement de l'auteur matériel des crimes.

 13   De même, au paragraphe 660 de l'arrêt Média, la Chambre d'appel du

 14   TPIR a précisé que pour qu'il y ait incitation à commettre un crime, il

 15   doit être établi que les actes reprochés ont substantiellement contribué à

 16   la commission du crime. Mais, il n'est pas nécessaire que ces actes aient

 17   constitué une condition sine qua non de la commission du crime.

 18   Par ailleurs, la Chambre d'appel du TPIR, au paragraphe 257 de

 19   l'arrêt Semanza, a précisé qu'il n'est pas nécessaire de démontrer que

 20   l'accusé exerçait un contrôle effectif sur l'auteur de l'acte criminel.

 21   Aux paragraphes 238 et 296 de ce même arrêt, la Chambre d'appel a

 22   indiqué qu'il n'était pas non plus nécessaire que l'acte d'accusation fasse

 23   état des propos provocateurs exacts tenus par l'accusé ni d'en rapporter la

 24   preuve pour qu'une incitation à commettre des crimes soit établie.

 25   Enfin, au paragraphe 368 du jugement Nchamihigo, le TPIR a indiqué

 26   que la durée de la période écoulée entre l'incitation et la commission d'un

 27   acte criminel est aussi un critère pertinent pour déterminer l'attribution

 28   substantielle de l'intention à la perpétration d'un crime.


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  1   Par conséquent, le lien, entre les actes constitutifs de l'incitation d'une

  2   part et les crimes allégués dans l'acte d'accusation d'autre part, peut se

  3   déduire d'un faisceau d'indices prenant en considération des éléments tel

  4   que, par exemple, la position d'autorité et l'influence exercée par

  5   l'accusé sur les auteurs matériels des crimes allégués ou encore la durée

  6   de la période écoulée entre l'incitation et la commission du ou des crimes.

  7   Cinquième chapitre. La Chambre à la majorité, étant moi-même dissident, va

  8   maintenant exposer pourquoi un Juge raisonnable pourrait conclure au-delà

  9   de tout doute raisonnable qu'il existe dans la présente affaire, à ce

 10   stade, suffisamment d'éléments de preuve permettant d'étayer la commission

 11   des crimes allégués dans l'ensemble des neufs chefs d'accusation.

 12   La Chambre souligne, à titre préliminaire, que l'accusé n'a pas contesté

 13   l'existence d'un contexte de conflit armé pour les crimes allégués aux

 14   neufs chefs de l'acte d'accusation. La Chambre relève que l'accusé a même

 15   déclaré concernant la guerre en Bosnie qu'il s'agissait à la fois d'une

 16   guerre de religion et d'une guerre civile. La Chambre considère, en outre,

 17   que les éléments de preuve du dossier font presque tous état du contexte du

 18   conflit armé, tant pour les crimes contre l'humanité que pour les crimes de

 19   guerre.

 20   Alors, (A), en ce qui concerne les crimes contre l'humanité visés aux chefs

 21   numéro 1, 10, et 11, la Chambre tient à répondre à l'argument de l'accusé

 22   qui conteste que les crimes allégués dans l'acte d'accusation aux chefs 1,

 23   10, et 11 aient pu être commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou

 24   systématique. La Chambre considère qu'elle dispose au stade de la décision

 25   98 bis, de nombreux éléments de preuve qui seront visés plus

 26   particulièrement ci-après, qui permettraient à un Juge raisonnable de

 27   conclure au-delà de tout doute raisonnable que les crimes allégués au titre

 28   du chef 1, relatif à la persécution en tant que crime contre l'humanité et


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  1   au titre des chefs 10 et 11 relatifs à l'expulsion et au transfert forcé en

  2   tant que crime contre l'humanité s'inscrivaient dans le cadre d'une attaque

  3   généralisée contre des populations civiles non-serbes, dans le but de les

  4   chasser des territoires de Slavonie, Baranja et Srem occidentale, des

  5   municipalités de Zvornik, de la région de Sarajevo, de Mostar, Nevesinje,

  6   et de certaines parties de la Vojvodine en Serbie. Il est donc inutile que

  7   la Chambre se penche également à ce stade sur la question de savoir si les

  8   crimes ont été commis dans le cadre d'une attaque systématique.

  9   Deuxièmement, la Chambre va maintenant donner des exemples d'éléments de

 10   preuve permettant d'étayer que chacun des crimes allégués aux chefs 1, 10,

 11   et 11 de l'acte d'accusation ont été perpétrés et que l'attaque contre les

 12   populations civiles non-serbes avaient un caractère généralisé.

 13   S'agissant tout d'abord du chef numéro 1, à savoir la persécution en tant

 14   que crime contre l'humanité, la Chambre rappelle tout d'abord, comme cela a

 15   été affirmé au paragraphe 985 de l'arrêt Média, que le crime de persécution

 16   consiste en un acte ou une omission qui introduit une discrimination de

 17   fait et qui dénie ou bafoue un droit fondamental reconnu par le droit

 18   international coutumier ou conventionnel et qui a été commis délibérément

 19   avec l'intention de discriminer pour un motif prohibé, notamment pour des

 20   raisons raciales, religieuses, ou politiques; cependant, tout acte de

 21   discrimination ne constitue pas un crime de persécution. Les actes sous-

 22   jacents de la persécution constitutifs de crime contre l'humanité, qu'ils

 23   soient pris isolément ou conjointement avec d'autres actes, doivent en

 24   effet présenter le même degré de gravité que les crimes énumérés à

 25   l'article 5 du Statut.

 26   Par ailleurs, bien que des persécutions impliquent souvent une série

 27   d'actes, un acte unique peut suffire à les constituer dès lors que l'acte

 28   ou omission est discriminatoire dans les faits et a été commis délibérément


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  1   avec l'intention d'exercer une discrimination pour un motif prohibé.

  2   Ainsi, comme l'a affirmé la Chambre d'appel dans l'arrêt Kordic et Cerkez,

  3   le meurtre, les sévices, les attaques illicites contre des civils et des

  4   biens de caractère civil, la détention illégale de civils, la destruction

  5   de biens de caractère civil et le pillage peuvent constituer des

  6   persécutions assimilables à un crime contre l'humanité lorsqu'ils sont pris

  7   isolément ou conjointement avec d'autres actes.

  8   Pour établir qu'il y a eu des persécutions constitutifs d'un crime contre

  9   l'humanité, il faut, en outre, prouver que l'auteur des actes matériels

 10   sous-jacents était animé d'une intention spécifique de discriminer sur la

 11   base de motifs prohibés, notamment politiques, raciaux, ou religieux.

 12   L'intention discriminatoire requise ne serait être directement déduite du

 13   caractère discriminatoire général d'une attaque qualifiée de crime contre

 14   l'humanité. Toutefois, la Chambre d'appel, au paragraphe 110 de l'arrêt

 15   Kordic et Cerkez, considère que, je cite :

 16   "L'intention discriminatoire peut être déduite d'un tel contexte à

 17   condition qu'il existe, au regard des faits d'espèce, des circonstances

 18   entourant la commission des actes reprochés qui confirment l'existence

 19   d'une telle intention."

 20   En l'espèce, la persécution alléguée dans l'acte d'accusation avait pour

 21   but de chasser les populations non-serbes de certaines régions, à savoir de

 22   la Slavonie, de Baranja, et de Srem occidental, des municipalités de

 23   Zvornik, de la région de Sarajevo, de Mostar, de Nevesinje, et de certaines

 24   parties de la Vojvodine en Serbie.

 25   La Chambre note également que les actes sous-jacents de la persécution

 26   visée dans l'acte d'accusation correspondent essentiellement au point de

 27   vue temporal et géographique aux crimes allégués au titre des autres chefs

 28   d'accusation, à savoir aussi bien l'expulsion et le transfert forcé en tant


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  1   que crimes contre l'humanité, que le meurtre, la torture, les traitements

  2   cruels, la destruction et le pillage des biens protégés par les conventions

  3   de Genève, en tant que crimes de guerre.

  4   Figurent également au titre des actes sous-jacents de la persécution

  5   alléguée dans l'acte d'accusation d'autres actes tels, par exemple,

  6   l'application de mesures restrictives et discriminatoires à l'encontre des

  7   civils non-serbes et le dénigrement public et direct par des discours

  8   prononcés à Vukovar, Mali Zvornik et Hrtkovci, et appelant à la haine des

  9   Croates, des Musulmans et des autres populations non-serbes.

 10   La Chambre relève que l'accusé rejette l'ensemble des allégations

 11   faites sous le chef 1 relatif aux persécutions. Il conteste en particulier

 12   les allégations de discrimination religieuse, et affirme par ailleurs qu'il

 13   n'a jamais fait de discours à Mali Zvornik en 1992, qu'aucun discours n'a

 14   eu lieu pendant la guerre à Vukovar, et enfin que lors de son discours à

 15   Hrtkovci dans le cadre de sa campagne électorale, il n'a fait que soutenir

 16   l'idée d'échange de populations civiles et le principe de rétorsion. Dès

 17   lors l'accusé soutient que les départs des Croates ont eu lieu dans le

 18   cadre d'échanges volontaires de biens immobiliers et non dans le cadre

 19   d'une campagne de persécution visant à les chasser.

 20   L'accusé précise également que dans l'hypothèse où les expulsions et

 21   transferts forcés seraient reconnus comme ayant été commis, ces crimes

 22   n'atteindraient pas l'intensité nécessaire pour être réprimés au titre de

 23   la persécution visée par l'article 5 du Statut.

 24   La Chambre ne peut valablement prendre en considération ce dernier

 25   argument, qui ne résiste pas à l'examen. A part le fait que sur le

 26   caractère généralisé de la persécution des populations non-serbes, la

 27   Chambre a reçu beaucoup d'éléments de preuve. La gravité, en particulier

 28   des expulsions et transferts forcés, résulte également de façon évidente


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  1   des dispositions des conventions de Genève de 1949.

  2   En effet, l'article 49 de la Quatrième convention interdit des

  3   transferts forcés en masse ou individuels, ainsi que les déportations des

  4   personnes protégées hors du territoire occupé, et pour les envoyer vers le

  5   territoire de la puissance occupante ou dans celui de tout autre état

  6   occupé ou non, quel qu'en soit le motif. Cette disposition est reprise par

  7   l'article 85 du Protocole additionnel I aux conventions de Genève pour les

  8   conflits armés internationaux, et par l'article 17 du Protocole additionnel

  9   II aux conventions de Genève dans le cas d'un conflit armé interne.

 10   La Chambre précise, en outre, que dans le Statut, le terme

 11   "deportation" en anglais a été traduit par "expulsion" en français, et que

 12   ce crime est expressément prévu comme pouvant constituer un crime contre

 13   l'humanité à l'article 5, paragraphe (D) du Statut.

 14   Or, la Chambre d'appel dans l'arrêt Krnojelac a estimé que le crime

 15   de persécution peut revêtir différentes formes. Il peut s'agir de l'un des

 16   autres actes constitutifs de crimes visés à l'article 5 du Statut ou l'un

 17   des actes constitutifs de crimes visés par d'autres articles du Statut. Il

 18   n'est donc pas possible de contester que des expulsions et des transferts

 19   forcés peuvent constituer des actes sous-jacents du crime de persécution

 20   lorsqu'ils sont commis séparément ou cumulativement avec l'intention

 21   discriminatoire requise. 

 22   S'agissant de l'actus reus, des crimes sous-jacents de la persécution

 23   alléguée dans l'acte d'accusation, la Chambre l'analysera dans les

 24   développements suivants ayant trait à la commission des crimes visés aux

 25   chefs des numéros 4, 8, 9, 10, 11, 12 et 13.

 26   Dès lors, la Chambre va maintenant évoquer uniquement et à titre

 27   d'exemple quelques éléments de preuve dont elle dispose sur la perpétration

 28   de la persécution permettant à un Juge raisonnable, au-delà de tout doute


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  1   raisonnable, d'étayer au stade de la décision 98 bis le fait que les

  2   auteurs des actes matériels sous-jacents étaient animés de l'intention

  3   discriminatoire requise.

  4   Avant de continuer, je tiens à indiquer que je vais citer des noms de

  5   témoins et des numéros de pièces. Comme il y en a beaucoup, il se peut que

  6   par moment au transcript il y a des erreurs sur l'orthographe exacte des

  7   noms, voire des numéros. Alors ceci sera corrigé ultérieurement. Car d'une

  8   part, le Greffe disposera du document que je suis en train de lire, et

  9   vérifiera que les noms et les numéros figurent bien, tels qu'indiqués au

 10   transcript. Donc s'il y a des erreurs, elles seront corrigées, ne vous

 11   inquiétez pas. Mais je vais m'efforcer de lire lentement.

 12   S'agissant de l'existence d'une campagne de persécution à l'encontre

 13   des populations non-serbes dans la municipalité de Zvornik, la Chambre se

 14   réfère, par exemple, aux Témoins Fadil Banjanovic, VS-1064, et VS-1066 qui

 15   attestent de ces faits, et sur la base desquels la Chambre peut déduire

 16   l'existence de l'intention criminelle spécifique requise.

 17   S'agissant des éléments de preuve relatifs à l'application de mesures

 18   restrictives et discriminatoires à l'encontre de civils non-serbes,

 19   notamment par des restrictions de liberté de mouvement, des révocations de

 20   postes de responsabilité dans l'administration et la police, des

 21   licenciements, la privation de soins médicaux ou encore des perquisitions

 22   arbitraires pour la municipalité de Mostar, la Chambre se réfère, à titre

 23   d'exemple, aux Témoins VS-1068, VS-1067, aux pièces P658 sous pli scellé,

 24   P659 sous pli scellé, P1052 sous pli scellé, qui attestent de ces faits et

 25   sur la base desquels la Chambre peut déduire l'existence de l'intention

 26   criminelle spécifique requise.

 27   S'agissant de la municipalité de Nevesinje, la Chambre se réfère, par

 28   exemple, aux Témoins Ibrahim Kujan et Vojislav Dabic, et aux pièces P524 et


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  1   P880 sous pli scellé, qui attestent de faits de la même espèce et sur la

  2   base desquels la Chambre peut déduire l'existence de l'intention criminelle

  3   spécifique requise.

  4   S'agissant de la région de Sarajevo, la Chambre se réfère, par exemple, aux

  5   Témoins VS-1055 et VS-1111, et à la pièce P1456 sous pli scellé, qui

  6   attestent de faits de la même espèce et sur la base desquels la Chambre

  7   peut déduire l'existence de l'intention criminelle spécifique requise.

  8   S'agissant enfin de la Vojvodine, la Chambre se réfère, par exemple, aux

  9   Témoins Aleksa Ejic et Katica Paulic, qui attestent de faits de la même

 10   espèce et sur la base desquels la Chambre peut déduire l'existence de

 11   l'intention criminelle spécifique requise.

 12   S'agissant maintenant des chefs numéro 10 et 11 relatifs aux expulsions de

 13   civils non-serbes en tant que crime contre l'humanité et au transfert forcé

 14   de ces populations comme acte inhumain en tant que crime contre l'humanité,

 15   la Chambre de première instance relève que l'accusé soutient que notamment

 16   à Hrtkovci, mais également dans les autres municipalités, les départs des

 17   membres de la population non-serbe ont eu lieu dans le cadre d'échanges

 18   volontaires de biens immobiliers, laissant le choix à ceux qui le

 19   souhaitent de rester sur place. La Chambre note, par ailleurs, que l'accusé

 20   a indiqué à la page 16 694 du transcript, que lors de son discours de

 21   Hrtkovci, il avait promis que lorsqu'il serait au pouvoir, il procéderait

 22   aux échanges de biens et appliquerait le principe de rétorsion.

 23   Bien, j'ai attendu parce que l'interprète anglaise a été plus rapide que

 24   l'interprète serbe.

 25   Sur ce point, il convient de rappeler que selon la Chambre d'appel, au

 26   paragraphe 229 de l'arrêt Krnojelac, la Chambre ne peut pas déduire

 27   l'existence d'un choix véritable du fait qu'un consentement ait été exprimé

 28   dans la mesure où les circonstances peuvent priver ce consentement de toute


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  1   valeur. Par conséquent, les éléments de preuve dont dispose la Chambre et

  2   qui font état d'un consentement doivent être analysés dans leur contexte,

  3   en tenant compte de la situation d'insécurité et de l'atmosphère de peur

  4   qui régnait, des menaces et d'autres formes de violence, de la crainte et

  5   de la vulnérabilité des personnes concernées. Ainsi, c'est l'absence de

  6   choix véritable qui conditionne le caractère illicite de l'expulsion ou du

  7   transfert forcé.

  8   Dans le cas d'espèce, la Chambre considère comme pertinent le fait que

  9   l'accusé tente de justifier le recours à l'expulsion et au transfert forcé

 10   des civils non-serbes par le fait qu'il s'agirait de mesures de rétorsion

 11   licites en droit international. La Chambre va maintenant donner quelques

 12   exemples d'éléments de preuve suffisants sur lesquels elle se fonde pour

 13   considérer que les crimes visés aux chefs numéro 10 et 11 ont bien été

 14   commis dans les différentes municipalités de l'acte d'accusation.

 15   Concernant la municipalité de Vukovar, la Chambre se réfère, par exemple,

 16   aux témoignages de l'expert Anna-Maria Radic, de Dragutin Berghofer, et de

 17   Vesna Bosanac, et aux pièces P278, P587 sous pli scellé, et P632.

 18   Concernant la municipalité de Zvornik, la Chambre se réfère, par exemple,

 19   aux témoignages de Fadil Banjanovic, VS-1012, VS-1013, VS-1064, et aux

 20   pièces P663, P664, et P665.

 21   Concernant la région de Sarajevo, la Chambre se réfère, par exemple, aux

 22   témoignages de Safet Sejdic et à la pièce P463.

 23   Pour la municipalité de Nevesinje, la Chambre se réfère, par exemple, aux

 24   témoignages de Goran Stoparic et Ibrahim Kujan, ainsi qu'à la pièce P524.

 25   Concernant la Vojvodine, la Chambre se réfère, par exemple, aux témoignages

 26   d'Aleksa Ejic, VS-1134, VS-061, et aux pièces P537 sous pli scellé et P564

 27   sous pli scellé.

 28   En ce qui concerne maintenant les crimes de guerre allégués aux chefs


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  1   numéro 4, 8, 9, 12, 13, et 14.

  2   Premièrement, s'agissant tout d'abord du chef numéro 4, à savoir le meurtre

  3   de civils non-serbes en tant que violation des lois ou coutumes de la

  4   guerre.

  5   La Chambre de première instance relève que l'accusé conteste le

  6   meurtre de certaines personnes à Velepromet, et qu'il ne semble pas

  7   reconnaître l'existence des crimes allégués pour la municipalité de

  8   Zvornik, excepté les meurtres d'une vingtaine d'hommes et de jeunes garçons

  9   musulmans et croates de Bosnie pour lesquels l'accusé souligne qu'ils

 10   doivent être attribués aux hommes d'Arkan uniquement.

 11   La Chambre va donner quelques exemples des éléments de preuve suffisants

 12   sur lesquels elle se fonde pour considérer au stade de la procédure 98 bis

 13   que le crime de meurtre visé au chef numéro 4 a bien été commis dans les

 14   différentes municipalités de l'acte d'accusation.

 15   Concernant la municipalité de Vukovar, la Chambre se réfère, par exemple,

 16   aux éléments de preuve suivants : concernant l'exécution de non-Serbes par

 17   les forces serbes sur un lieu d'exécution situé entre la ferme d'Ovcara et

 18   Grabovo, près de Vukovar, le 20 novembre 1991, la Chambre a entendu les

 19   Témoins VS-016, VS-007, Emil Cakalic, ainsi que Davor Strinovic. La Chambre

 20   dispose également des pièces P609, P611, P615, P782, et P786. Par ailleurs,

 21   sur l'évacuation de l'hôpital de Vukovar et l'exécution de certains

 22   prisonniers à l'entrepôt de Velepromet, la Chambre a entendu les

 23   témoignages de Dragutin Berghofer et de VS-051 et dispose de la pièce P282.

 24   Concernant la municipalité de Zvornik, la Chambre se réfère, par exemple,

 25   aux éléments de preuve suivants : sur les meurtres commis à la ferme

 26   Ekonomija et à l'usine Ciglana, la Chambre a entendu les témoignages de VS-

 27   1015 et Fadil Kopic. Par ailleurs, sur le meurtre des Musulmans de Bosnie à

 28   l'école technique de Karakaj, la Chambre a entendu le Témoin VS-1012. Sur


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  1   le meurtre des détenus à l'abattoir de Gero, la Chambre a entendu le Témoin

  2   VS-1066. S'agissant du meurtre des Musulmans de Bosnie commis à la maison

  3   de la culture de Drinjaca, la Chambre a entendu le Témoin VS-1064.

  4   Concernant la région de Sarajevo, la Chambre se réfère, par exemple, aux

  5   éléments de preuve suivants : sur l'exécution de civils non-serbes tués à

  6   Ljesevo dans la municipalité d'Ilijas, la Chambre a entendu le Témoin VS-

  7   1111; sur le meurtre de non-Serbes à Zuc dans la municipalité de Vogosca,

  8   la Chambre a entendu le Témoin Safet Sejdic.

  9   Concernant la municipalité de Mostar, la Chambre se réfère, par exemple,

 10   aux éléments de preuve suivants : sur le meurtre de civils non-serbes au

 11   stade de Vrapcici, la Chambre a entendu le Témoin Redzep Karisik et dispose

 12   de la pièce P481. Sur l'exécution de civils non-Serbes à la morgue de

 13   Sutina, la Chambre a entendu le Témoin Fahrudin Bilic.

 14   Enfin concernant la municipalité de Nevesinje, la Chambre se réfère, par

 15   exemple, aux éléments de preuve suivants : sur les meurtres d'hommes dont

 16   les corps ont été retrouvés à Teleca Lastva, la Chambre a entendu le Témoin

 17   VS-1022 et dispose de la pièce P523.

 18   S'agissant à présent des chefs numéro 8 et 9, à savoir les tortures et

 19   traitements cruels en tant que violation des lois ou coutumes de la guerre

 20   pour lesquelles l'Accusation allègue des emprisonnements et des détentions

 21   dans des conditions de vie abjecte et inhumaine de civils non-serbes,

 22   incluant notamment du travail forcé et des sévices et violence sexuelle.

 23   La Chambre de première instance relève que l'accusé conteste les

 24   allégations de travaux forcés dans la municipalité de Vukovar. L'accusé

 25   reconnaît par ailleurs les allégations de sévice sexuel pour la

 26   municipalité de Zvornik mais soutient que ces événements ont eu lieu fin

 27   mai et début juin 1992, à savoir selon l'accusé avant que les volontaires

 28   du SCP et du SRS ne soient présents dans cette zone, ce qui impliquerait


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  1   que l'accusé ne pourrait être tenu pour responsable de ces sévices sexuels.

  2   La Chambre va donner maintenant quelques exemples d'éléments de preuve

  3   suffisants sur lesquels elle se fonde pour considérer au stade de la

  4   procédure 98 bis que les crimes visés aux chefs 8 et 9 ont bien été commis

  5   dans les différentes municipalités de l'acte d'accusation.

  6   Concernant la municipalité de Vukovar, la Chambre se réfère, par exemple,

  7   aux éléments de preuve suivants : s'agissant de l'emprisonnement et de la

  8   détention dans des conditions de vie abjecte et humaine de civils non-

  9   serbes à l'entrepôt de Velepromet, la Chambre a entendu les Témoins

 10   Berghofer et VS-051. Sur l'emprisonnement et la détention dans des

 11   conditions de vie abjecte et inhumaine de civils non-serbes à la ferme

 12   d'Ovcara, la Chambre a entendu les Témoins Vojnovic et VS-016.

 13   Alors je vais arrêter là, parce qu'il faut faire la pause. J'en suis

 14   presque à la moitié de la lecture de la décision de la Chambre. Nous allons

 15   faire une pause de 30 minutes. Je demande au Greffier de couper la

 16   climatisation qui est au-dessus de ma tête, parce que si ça continue, je

 17   vais terminer congelé, et je ne pourrai plus parler, mes cordes vocales

 18   étant dans de la glace.

 19   Nous allons donc faire une pause de 30 minutes.

 20   --- L'audience est suspendue à 10 heures 23.

 21   --- L'audience est reprise à 11 heures 08.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors l'audience est reprise.

 23   Je rappelle que je suis en train de lire la partie de la décision orale qui

 24   concerne le paragraphe 2, s'agissant des chefs numéro 8 et 9. Voilà, alors

 25   je m'étais arrêté à la municipalité de Zvornik.

 26   Concernant la municipalité de Zvornik, la Chambre se réfère, par exemple,

 27   aux témoignages de Témoins VS-1012, VS-1013, VS-1064, 1065, et dispose des

 28   pièces P307, P381 sous pli scellé, et P469 sous pli scellé.


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  1   Concernant la région de Sarajevo, la Chambre se réfère, par exemple, au

  2   Témoin VS-1055, et dispose des pièces P455 et P457.

  3   Concernant la municipalité de Mostar, la Chambre se réfère, par exemple,

  4   aux Témoins Redzic Karisik et Fahrudin Bilic.

  5   Enfin, concernant la municipalité de Nevesinje, la Chambre se réfère, par

  6   exemple, aux Témoins VS-1022 et VS-1051.

  7   Alors petit (3), s'agissant à présent du crime sous le chef numéro 12, à

  8   savoir les destructions sans motif de villages ou dévastation non

  9   justifiées par les exigences militaires en tant que violation des lois ou

 10   coutumes de la guerre, dont les victimes alléguées étaient des non-Serbes.

 11   La Chambre de première instance relève que l'accusé ne se prononce pas sur

 12   la réalité de la commission de ces crimes, mais qu'il rejette toute

 13   implication des volontaires du SCP/SRS dans lesdits crimes.

 14   La Chambre va donner maintenant quelques exemples d'éléments de preuve sur

 15   lesquels elle se fonde pour considérer au stade de la procédure 98 bis que

 16   les crimes visés au chef numéro 12 ont bien été commis dans les différentes

 17   municipalités de l'acte d'accusation.

 18   Concernant la municipalité de Vukovar, la Chambre se réfère, par

 19   exemple, aux Témoins Dragutin Berghofer, Nebojsa Stojanovic, VS-021, et aux

 20   pièces sous pli scellé P268, et aux pièces P278 et 526.

 21   Concernant la région de Sarajevo, la Chambre se réfère, par exemple,

 22   aux Témoins VS-1111 et VS-1055.

 23   Concernant la municipalité de Mostar, la Chambre se réfère, par

 24   exemple, aux Témoins 92 quater, Zoran Tot, et au Témoin VS-1067, ainsi

 25   qu'aux pièces P843, P846, et P1051 sous pli scellé.

 26   Enfin, concernant la municipalité de Nevesinje, la Chambre se réfère, par

 27   exemple, aux Témoins VS-1051, Ibrahim Kujan et Goran Stoparic, ainsi qu'aux

 28   pièces P483 sous pli scellé et P524.


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  1   S'agissant maintenant du crime sous le chef numéro 13, à savoir la

  2   destruction ou endommagement délibéré d'édifices consacrés à la religion ou

  3   à l'éducation de la population non-serbe en tant que violation des lois ou

  4   coutumes de la guerre, la Chambre relève que l'accusé soutient que ces

  5   édifices ayant été investis à des fins militaires n'étaient plus protégés

  6   par les conventions de Genève. Sur ce point, la Chambre note que l'accusé

  7   n'a fait référence au cours de l'audience 98 bis à aucun élément permettant

  8   d'étayer ces allégations. La Chambre relève, par ailleurs, qu'il existe des

  9   éléments de preuve indiquant que certaines destructions ont eu lieu alors

 10   même qu'il n'y avait aucune formation armée dans les environs.

 11   La Chambre fait, par exemple, référence au témoignage de VS-1055, qui

 12   atteste de ce fait.

 13   La Chambre rappelle qu'en tout état de cause, la protection dont

 14   bénéficie un édifice consacré à la religion ou à l'éducation ne peut être

 15   perdue par la simple présence d'activités militaires ou d'installations

 16   militaires aux abords immédiats de celui-ci. En effet, c'est l'utilisation

 17   du bien protégé et non son emplacement qui détermine si le bien en question

 18   peut perdre sa protection, comme cela a été affirmé à plusieurs reprises

 19   devant ce Tribunal, par exemple, au paragraphe 310 du jugement Strugar, au

 20   paragraphe 604 du jugement Naletilic, au paragraphe 98 du jugement Martic.

 21   La Chambre va donner maintenant quelques exemples d'éléments de

 22   preuve suffisants sur lesquels elle se fonde pour considérer au stade de la

 23   procédure 98 bis que les crimes visés au chef numéro 13 ont bien été commis

 24   dans les différentes municipalités de l'acte d'accusation.

 25   Concernant la municipalité de Zvornik, la Chambre a entendu, par

 26   exemple, le Témoin expert Andras Riedlmayer, ainsi que les Témoins Asim

 27   Alic, VS-037, et VS-038.

 28   Concernant la région de Sarajevo, la Chambre a entendu, par exemple,


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  1   le Témoin expert Andras Riedlmayer, ainsi que les Témoins VS-1055 et Safet

  2   Sejdic.

  3   Concernant la municipalité de Mostar, la Chambre se réfère, par

  4   exemple, au Témoin 92 quater Zoran Tôt, et au Témoin expert Andras

  5   Riedlmayer, ainsi qu'aux pièces P843, P1044, P1045, et P1048.

  6   Enfin, concernant la municipalité de Nevesinje, la Chambre se réfère

  7   au Témoin expert Andras Riedlmayer, ainsi qu'aux Témoins Ibrahim Kujan,

  8   Vojislav Dabic, et aux pièces P524 et P880 sous pli scellé.

  9   S'agissant à présent du chef numéro 14, à savoir les pillages de

 10   biens publics ou privés non-serbes en tant que violation des lois ou

 11   coutumes de la guerre tels qu'allégués. La Chambre relève que l'accusé ne

 12   conteste pas les pillages mais qu'il nie toute implication des volontaires

 13   du SCP/SRS et soutient qu'il aurait condamné ces actes. La Chambre va

 14   maintenant donner quelques éléments de preuve suffisants sur lesquels elle

 15   se fonde pour considérer au stade de la procédure 98 bis que les crimes

 16   visés au chef numéro 14 ont bien été commis dans les différences

 17   municipalités de l'acte d'accusation.

 18   Concernant la municipalité de Vukovar, la Chambre se réfère, par

 19   exemple, aux Témoins VS-002, VS-016, VS-027.

 20   Concernant la municipalité de Zvornik, la Chambre se réfère, par exemple,

 21   aux Témoins VS-1013, VS-038, VS-1105, et aux pièces P68, P362, et P521 sous

 22   pli scellé.

 23   Concernant la région de Sarajevo, la Chambre se réfère aux Témoins VS-1111,

 24   Safet Sejdic, et à la pièce P840.

 25   Concernant la municipalité de Mostar, la Chambre se réfère aux Témoins VS-

 26   1067, Vojislav Dabic, et aux pièces P880 sous pli scellé, et P1051 sous pli

 27   scellé.

 28   Enfin, concernant la municipalité de Nevesinje, la Chambre se réfère, par


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  1   exemple, aux Témoins Ibrahim Kujan et Vojislav Dabic, et aux pièces P524 et

  2   P880 sous pli scellé.

  3   Bien. Alors maintenant je vais aller lentement, parce qu'on aborde un

  4   chapitre essentiel dans la décision de la Chambre.

  5   La Chambre va maintenant examiner dans la sixième et dernière partie de la

  6   présente décision la responsabilité de l'accusé au titre de l'incitation.

  7   A titre préliminaire, la Chambre tient à répondre à l'argument de l'accusé

  8   selon lequel il ne savait pas à l'époque des faits qu'il pouvait être

  9   poursuivi pénalement du fait de ses discours, les tribunaux internationaux

 10   et leur jurisprudence n'existant pas encore. La Chambre considère que cet

 11   argument ne résiste pas à l'examen. En effet, la Chambre estime que

 12   l'accusé, titulaire d'un doctorat en droit et ancien assistant à la chaire

 13   des sciences politiques de l'Université de Sarajevo, ne pouvait méconnaître

 14   à la période visée dans l'acte d'accusation que l'interdiction d'inciter à

 15   la discrimination raciale, ethnique, ou religieuse avait été codifiée en

 16   droit international en vertu notamment de l'article 7 de la Déclaration

 17   universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 et de l'article 20,

 18   paragraphe 2, du Pacte international relatif au droit civil et politique du

 19   16 décembre 1966. L'article 4(A) de la Convention internationale sur

 20   l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre

 21   1965 impose, en outre, aux états de déclarer délit punissable les actes

 22   d'incitation à la discrimination.

 23   L'accusé ne pouvait non plus ignorer que de tels actes avaient été punis à

 24   la fin de la Seconde Guerre mondiale. En effet, les discours d'incitation à

 25   discriminer pour des motifs raciaux ou politiques avaient été sanctionnés

 26   en tant que crimes contre l'humanité devant le tribunal militaire de

 27   Nuremberg en 1946 dans l'arrêt Streicher.

 28   La Chambre estime donc, par conséquent, que l'accusé était bien conscient


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  1   au moment des faits qui lui sont imputés que la criminalisation au niveau

  2   international de l'incitation à la haine nationale, raciale, ou religieuse

  3   par le biais de propagande ou de tout autre moyen. L'accusé ne pouvait pas

  4   non plus ignorer - alors je vais aller lentement parce que c'est, me

  5   semble-t-il, très important - que l'ex-République fédérative socialiste de

  6   Yougoslavie s'était conformée à l'obligation de réprimer de tels

  7   comportements discriminatoires par l'insertion de l'article 134, paragraphe

  8   1, dans son code pénal. Ce code avait été adopté par l'assemblée de ce pays

  9   lors de la séance du Conseil fédéral qui s'est tenue le 28 septembre 1976,

 10   puis publié dans le journal officiel du 8 octobre 1976. Pour ceux que ça

 11   intéresse, c'est le numéro 44, et entré en vigueur le 1er juillet 1977.

 12   Dans sa première version, lors de son adoption en 1977, l'article 134 du

 13   code pénal prévoyait pour l'infraction d'incitation une peine

 14   d'emprisonnement maximale de dix ans. La Chambre note que cette disposition

 15   a ensuite été modifiée en 1990 pour réduire cette peine à cinq ans

 16   d'emprisonnement maximum.

 17   La Chambre estime, par conséquent, que l'accusé était conscient au moment

 18   des faits qui lui sont imputés de la criminalisation au niveau national de

 19   l'ex-Yougoslavie de l'incitation à la haine nationale, raciale, ou

 20   religieuse par le biais de propagande ou de tout autre moyen contre les

 21   peuples et les nationaux présents sur le territoire de ce pays.

 22   Les tribunaux pénaux internationaux et leur compétence ont été créés par le

 23   Conseil de sécurité seulement pour remplacer les juridictions nationales

 24   dans la répression du génocide, des crimes de guerre, et des crimes contre

 25   l'humanité dans une situation d'urgence pour assurer la paix

 26   internationale. Le principe de légalité est par conséquent respecté.

 27   Pour déterminer si l'accusé peut être tenu responsable de la commission des

 28   crimes examinés sous la partie cinq de cette décision, la Chambre doit


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  1   analyser les éléments de preuve du dossier et décider si ces éléments

  2   permettraient à une Chambre raisonnable de conclure que l'accusé a incité

  3   au sens de l'article 7, paragraphe 1 du Statut à la commission des crimes

  4   allégués dans l'acte d'accusation. Pour ce faire, la Chambre va analyser

  5   les éléments de preuve en sa possession en ce qui concerne chacune des

  6   trois conditions de l'incitation ci-avant rappelée, à savoir premièrement,

  7   l'existence d'un ou plusieurs actes constitutifs de l'incitation à

  8   commettre les crimes allégués dans l'acte d'accusation.

  9   Deuxièmement, conscience chez l'accusé de la réelle probabilité que des

 10   crimes seraient commis suite à ses actes constitutifs d'incitation, et pour

 11   le crime de persécution, son intention de provoquer ou induire la

 12   commission de ce crime.

 13   Et troisièmement, l'existence d'un lien entre les actes de l'accusé et les

 14   crimes commis.

 15   La Chambre de première instance tient à souligner, à titre préliminaire,

 16   qu'elle n'a pas pu à ce stade trouver que des éléments du dossier étaient

 17   manifestement dépourvus de fiabilité ou de crédibilité.

 18   Premièrement, en ce qui concerne tout d'abord la première condition

 19   relative aux actes constitutifs de l'incitation, l'acte d'accusation visant

 20   de façon générale au titre de l'incitation les discours, les déclarations,

 21   et les actes et/ou omissions de l'accusé qui ont pesé sur la décision des

 22   individus qui ont commis les crimes allégués et la jurisprudence du

 23   Tribunal confirmant cette approche, la Chambre de première instance a pris

 24   en considération tous les actes imputables à l'accusé qui ont pu peser sur

 25   ou de tout autre manière influencer le processus décisionnel à partir

 26   duquel les auteurs matériels ont commis les crimes allégués dans l'acte

 27   d'accusation. La Chambre a ainsi pris en considération plusieurs actes

 28   imputables à l'accusé qui ont pu influencer les auteurs matériels des


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  1   crimes allégués dans l'acte d'accusation.

  2   Premièrement, la promotion de son idéologie nationaliste par tous les

  3   moyens, notamment l'expulsion de non-Serbes, soit directement soit par

  4   l'intermédiaire de son parti, le Mouvement chetnik-serbe, SCP, et ensuite

  5   le SRS.

  6   Deuxièmement, le dénigrement systématique des populations non-serbes.

  7   Troisièmement, la dissémination d'un climat de peur parmi les populations

  8   serbes et non-serbes.

  9   Et quatrièmement, l'encouragement des partisans du SCP/SRS à se porter

 10   volontaire, et une fois qu'ils étaient sur le terrain, l'encouragement de

 11   ses partisans à réaliser son idéologie nationaliste par tous les moyens.

 12   Alors petit (a), s'agissant premièrement des éléments de preuve relatifs à

 13   la promotion par l'accusé de son idéologie nationaliste par tous les

 14   moyens.

 15   La Chambre dispose de plusieurs éléments qui permettraient à un Juge

 16   raisonnable de conclure, pour les besoins de la décision 98 bis, que

 17   l'accusé a fait la promotion de son idéologie nationaliste et de la Grande-

 18   Serbie qui impliquait l'expulsion de non-Serbes, soit directement soit par

 19   l'intermédiaire de son parti, le Mouvement chetnik-serbe ou SCP, devenu

 20   illégal, et le SRS.

 21   La Chambre peut citer la pièce P1278, qui est un article du journal

 22   "Politika" en date du 9 juillet 1991, faisant état du fait que l'accusé a

 23   été suspendu de la qualité de membre de la Société philosophique de Serbie

 24   pour avoir à plusieurs reprises ouvertement prôné la violence et la haine

 25   ethnique comme moyen censé réaliser et servir les intérêts du peuple serbe.

 26   La Chambre dispose de la pièce P1192, qui est une retranscription d'une

 27   conférence de presse du 20 février 1992, donnée par l'accusé, publiée dans

 28   l'un de ses livres de la pièce P1293, qui est un article du journal


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  1   "Politika" du 2 mars 1992, de la pièce P685 sous scellé, qui est une

  2   retranscription de conférence de presse donnée par l'accusé entre le 26

  3   mars et le 16 avril 1992 et publiée dans l'un de ses livres, et de la pièce

  4   P1324, qui est la retranscription d'une conférence de presse du 5 mars

  5   1992, donnée par l'accusé et publiée par l'un de ses livres qui illustre

  6   toute la violence des propos de l'accusé qui avait notamment proféré des

  7   menaces relatives à la survenance d'un bain de sang en Bosnie.

  8   La Chambre peut également citer la pièce P1298, qui comporte notamment un

  9   article du journal "Politika" du 27 mars 1992, évoquant d'autres propos

 10   violents de l'accusé, notamment menaçant d'une effusion de sang dans de

 11   plus grandes proportions si les intégristes musulmans souhaitaient jouer

 12   avec le feu.

 13   La Chambre peut également citer la pièce P1200, qui contient, entre autres,

 14   un article du journal "Borba" du 28 mai 1992, retraçant certains propos

 15   violents de la part de l'accusé, notamment lors d'un rassemblement du SRS

 16   ayant eu lieu en mai 1992 et au cours duquel l'accusé a résumé les

 17   conquêtes territoriales des forces serbes et a insisté sur le fait qu'il

 18   fallait encore à faire davantage en "nettoyant" - alors je cite, entre

 19   guillemets – la rive gauche de la Drina.

 20   La Chambre a en outre en sa possession la pièce P1180, qui est une

 21   interview de l'accusé, donnée à la télévision de Novi Sad, juin 1991, et

 22   reproduite dans l'un de ses livres au cours de laquelle l'accusé indiquait

 23   qu'il disposait de bastions extrêmement puissants au nord-est de la Bosnie.

 24   Il déclarait en particulier que le simple fait que dans certains endroits

 25   les Croates et les Musulmans ne dormaient pas dans leurs maisons depuis des

 26   jours, prouve que le SRS/SCP n'était pas si insignifiant que cela. La

 27   Chambre peut également citer le Témoin Nebojsa Stojanovic, qui fait état

 28   dans sa déclaration préalable à son témoignage, admis au dossier sous la


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  1   cote P526 et P528, du fait que l'accusé considérait qu'il fallait nettoyer

  2   ethniquement la Croatie et reconquérir les frontières de la Grande-Serbie.

  3   Le Témoin VS-016 a indiqué, page 11 120 du compte rendu d'audience en

  4   français, que l'accusé avait déclaré - alors je cite : "Aucun Oustachi ne

  5   sortira vivant de Vukovar", lors d'un meeting politique à Vukovar à la mi-

  6   novembre 1991, devant le quartier général de la Leva Supoderica.

  7   Le Témoin VS-033, pages 5542, 5543 de compte rendu d'audience en français,

  8   a indiqué que l'accusé, lors d'une visite sur le terrain, exhorta les

  9   volontaires à tuer tous les ennemis. La Chambre peut également faire

 10   référence au Témoin Vesna Bosanac, qui indique à la page 11 404 du compte

 11   rendu d'audience en français, que l'accusé avait dit à la radio serbe que

 12   Vukovar devait tomber et que tous les bâtiments devaient être rasés. Ce qui

 13   signifiait, selon elle, que l'accusé a incité les membres des forces serbes

 14   à la destruction totale de la ville et leur permettait de donner libre

 15   cours à leur volonté de massacrer des civils.

 16   La Chambre peut enfin citer le Témoin VS-004 qui, lors de sa

 17   déposition page 3 376 du compte rendu d'audience en français, indiquait que

 18   les propos de l'accusé étaient inflammatoires et incendiaires.

 19   Petit (b), s'agissant maintenant des éléments relatifs au dénigrement

 20   systématique des populations non-serbes par l'accusé. La Chambre dispose de

 21   plusieurs éléments de preuve qui permettraient à un Juge raisonnable de

 22   conclure à ce stade et pour les besoins de la décision 98 bis que l'accusé

 23   dénigrait de façon systématique les Croates, les Musulmans et les autres

 24   populations non-serbes par le biais de ses discours notamment, en les

 25   qualifiant de - je cite - "Oustacha" pour les Croates, "Balija" pour les

 26   Musulmans, ces termes étant extrêmement péjoratifs et insultants.

 27   S'agissant notamment du dénigrement des populations croates, la Chambre

 28   dispose de la pièce P34, qui est une interview de l'accusé donnée au


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  1   journal "Politika", dans lequel on peut lire que l'accusé a tenu les propos

  2   suivants, alors je cite :

  3   "Comment est-on supposé négocier avec les Oustachi ? Est-ce que vous avez

  4   vu aujourd'hui qu'il n'y a que des Oustachi dans la population croate ? Des

  5   exceptions sont des plus rares."

  6   De même, dans la pièce P1194, l'accusé a déclaré qu'il n'y avait que - je

  7   cite – "16 bons Croates", c'est-à-dire 10 plus 6, "qui avaient le droit de

  8   rester en Serbie." Le reste, il fallait les chasser de la Serbie.

  9   La Chambre peut également citer la pièce P298, qui est un reportage de la

 10   télévision croate diffusé le 7 novembre 1991, ainsi que la pièce P1201, qui

 11   correspond à la retranscription d'un interview de l'accusé pour l'émission

 12   de télévision "Politika", diffusée le 12 juin 1992, dans laquelle on voit

 13   l'accusé faire référence à Vukovar et à Hrtkovci comme des forteresses

 14   oustachi où se trouvaient les pires Oustachi.

 15   Autre pièce que la Chambre peut citer, la pièce P1211, qui correspond à la

 16   retranscription d'une conférence de presse de l'accusé du 13 janvier 1993,

 17   publiée dans l'un de ses livres, dans laquelle l'accusé parle notamment de

 18   la Croatie oustacha.

 19    Par ailleurs, le Témoin VS-07 évoque dans sa déposition, à la page 6 072

 20   du compte rendu d'audience en français, le fait que l'accusé avait utilisé

 21   le terme "Oustachi" devant des cadavres de Croates tués lors des combats,

 22   et qu'il avait indiqué à ce moment-là qu'il faudrait les brûler pour qu'ils

 23   n'empuantissent pas l'atmosphère et ne nous contaminent pas.

 24   La Chambre peut également faire référence au Témoin Goran Stoparic, qui a

 25   indiqué dans sa déposition à la page 2 338 que l'accusé appelait les

 26   Croates, en général, des Oustachi.

 27   Enfin, le Témoin VS-2000 peut également être cité, car il évoque aux pages

 28   13 994 à 13 995 du compte rendu en français, l'appel à la vengeance de


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  1   l'accusé contre les Balija lors du discours de Mali Zvornik en 1992.

  2   Bien. Je m'arrête un peu parce que le frigidaire continu à fonctionner.

  3   S'agissant maintenant de la dissémination par l'accusé d'un climat de peur

  4   parmi la population civile. La Chambre dispose de plusieurs éléments de

  5   preuve qui permettraient à un Juge raisonnable de conclure pour les besoins

  6   de la décision 98 bis que l'accusé a, par le biais de ses discours,

  7   disséminé un climat de peur parmi la population civile. La Chambre dispose,

  8   par exemple, de la pièce P153, qui correspond à des documents publiés dans

  9   le journal "Velika Srbija", numéro 9 de 1991, et reproduit dans l'un des

 10   livres de l'accusé, ainsi de la pièce P179, qui est une vidéo d'un discours

 11   de l'accusé en 1991 dans lequel l'accusé fait référence aux nouveaux

 12   dirigeants oustachi en Croatie qui pratiquent une nouvelle politique

 13   génocidaire contre le peuple serbe.

 14   La Chambre peut également citer la pièce P35, qui correspond à un discours

 15   prononcé par l'accusé le 4 juin 1991, et dans lequel il a déclaré que,

 16   alors je cite :

 17   "Tous ceux qui n'ont pas la conscience tranquille ont bien raison d'avoir

 18   peur de nous, les Serbes. Ils ont bien raison de nous craindre. Nous, les

 19   Serbes, nous avons trop oublié, trop pardonné pendant l'histoire. Nous

 20   avons dit aux Croates que si jamais ils se remettaient à se livrer à des

 21   activités génocidaires contre le peuple serbe, non seulement nous allions

 22   venger chaque victime tombée, mais que nous allions aussi régler nos

 23   comptes et les comptes des victimes de la Première Guerre mondiale et de la

 24   Seconde Guerre mondiale."

 25   Dans la pièce P62, qui est un documentaire diffusé par la BBC intitulé

 26   "Mort de la Yougoslavie" diffusé en mars 1995, où on entend l'accusé

 27   déclarer :

 28   "Nous, Serbes, nous sommes en danger. Les hordes fascistes croates se


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  1   lancent à l'assaut des femmes serbes, des enfants serbes. Les hordes

  2   fascistes croates sont en train de planifier le génocide des Serbes."

  3   La Chambre peut également citer le Témoin Anthony Obserschall qui, lors de

  4   sa déposition a indiqué, page 1 999 compte rendu en français, que les

  5   termes utilisés à des fins de propagande n'auront pas le même sens et

  6   seront utilisés différemment dans les discours nationalistes et dans les

  7   discours ordinaires. Il a, en outre, ajouté à la page 2 123 du compte rendu

  8   en français, que le contexte est capital à l'interprétation de la

  9   déclaration étudiée. Ainsi, selon lui, s'il est permis de prôner la

 10   violence dans une situation de paix, ceci est interdit dans un contexte où

 11   des civils sont tués.

 12   La Chambre peut citer en outre le Témoin VS-061, qui a déclaré lors de sa

 13   déposition, page 10 036 du compte rendu en français, avoir entendu dire que

 14   lors de son discours à Hrtkovci l'accusé était en faveur de mesures de

 15   rétorsion contre les Croates. Ces propos sont corroborés par le Témoin

 16   Katica Paulic, qui a déclaré lors de sa déposition, pages 1 104 à 1 109 du

 17   compte rendu en français, que lors du discours de l'accusé à Hrtkovci, ce

 18   dernier avait indiqué que les Croates et les Hongrois devaient partir et

 19   que la foule avait réagi favorablement à ses propos en scandant, je cite :

 20   "On vous fera sortir, Oustachi."

 21   Selon ce témoin, les non-Serbes n'osaient même plus aller travailler après

 22   ce discours.

 23   Petit (d), enfin s'agissant des encouragements prodigués par l'accusé aux

 24   volontaires du Parti radical serbe à se porter volontaire et une fois

 25   qu'ils étaient sur le terrain à réaliser son idéologie nationaliste par

 26   tous les moyens. La Chambre de première instance dispose de plusieurs

 27   éléments de preuve qui permettraient à un Juge raisonnable de conclure à ce

 28   stade que l'accusé a directement encouragé ses partisans à se porter


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  1   volontaire et à se battre, par tous les moyens, pour défendre ses idées

  2   nationalistes et promouvoir la Grande-Serbie, qui ne pouvait se réaliser

  3   que par la commission de crimes, notamment l'expulsion des non-Serbes.

  4   La Chambre dispose, par exemple, de la pièce P1074, dans laquelle le Témoin

  5   Zoran Rankic indique qu'avant que les volontaires ne partent au front,

  6   l'accusé les a encouragés en leur disant : "Soyez des héros." Je répète.

  7   Pas "Soyez des zéros." "Soyez des héros, et battez-vous pour la Grande-

  8   Serbie."

  9   La Chambre peut également citer la pièce P217, qui est une proclamation par

 10   l'accusé au titre de voïvode de 16 Chetniks le 13 mai 1993; la pièce P255,

 11   qui est une vidéo montrant l'accusé proclamant au titre de voïvode 18

 12   Chetniks, le 31 mai 1993; et la pièce P218, qui correspond notamment à une

 13   autre proclamation par l'accusé au titre de voïvode de plusieurs Chetniks,

 14   le 20 mars 1994.

 15   La Chambre dispose également du témoignage de Goran Stoparic, un volontaire

 16   du Parti radical serbe, selon lequel aux pages 2 337 à 2 339 compte rendu

 17   en français, l'accusé avait rendu visite aux membres de l'Unité Leva

 18   Supoderica à Vukovar, en présence des officiers de la 1ère Brigade de la

 19   Garde. Selon ce témoin, l'accusé était venu encourager cette unité composée

 20   de volontaires du Parti radical serbe, SCP, et Goran Stoparic était heureux

 21   de cette visite sur la ligne de front.

 22   La Chambre peut également citer le Témoin VS-002, selon lequel aux pages 6

 23   556 et 6 557 du compte rendu en français, l'accusé était le seul

 24   représentant politique qui soit venu les voir à Vukovar, ce qui lui avait

 25   valu une grande reconnaissance auprès des combattants.

 26   La Chambre peut enfin citer le Témoin Vesna Bosanac, qui indique à la page

 27   11 422 du compte rendu en français, qu'à Vukovar elle a entendu l'accusé

 28   encourager les soldats, volontaires ou membres d'autres unités, que


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  1   l'accusé était le leader idéologique et que ces gens faisaient ce qu'il

  2   disait.

  3   Petit (2), en ce qui concerne maintenant la seconde condition de

  4   l'incitation relative à la conscience chez l'accusé de la réelle

  5   probabilité que des crimes seraient commis suite à ces actes d'incitation

  6   s'agissant des crimes visés aux chefs 4, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 et

  7   relative à son intention criminelle de provoquer ou d'induire la commission

  8   du crime s'agissant du crime de persécution sous le chef 1. La Chambre

  9   dispose de plusieurs éléments de preuve qui permettraient à un Juge

 10   raisonnable de conclure que l'accusé a poursuivi sa propagande violente

 11   alors même que, (a), il était conscient de l'influence qu'il exerçait sur

 12   l'opinion publique serbe en général, sur les sympathisants de son idéologie

 13   et sur les volontaires recrutés par le SCP/SRS en particulier.

 14   (b) Il était conscient du contexte de guerre dans lequel il évoluait et qui

 15   rendait particulièrement dangereux les actes d'incitation auxquels il se

 16   livrait.

 17   (c) Il était conscient qu'en temps de guerre des crimes sont commis.

 18   (d) Il était conscient ou ne pouvait pas ignorer le passé criminel

 19   notoirement connu de certains volontaires serbes et donc du risque plus

 20   élevé que ces volontaires commettent des crimes de guerre une fois armés et

 21   dans un contexte de guerre.

 22   (e) Il était conscient de ce qui se passait sur le terrain et du fait que

 23   des crimes étaient commis contre des populations civiles dans les zones de

 24   combat où les volontaires du SCP/SRS étaient envoyés.

 25   (f) Il avait l'intention criminelle d'inciter son auditoire et, en

 26   particulier, ses volontaires à persécuter les populations non-serbes pour

 27   des raisons politiques et religieuses.

 28   Alors (a). S'agissant tout d'abord de la conscience qu'avait l'accusé de


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  1   son influence sur l'opinion publique serbe en général, sur les

  2   sympathisants de son idéologie et sur les volontaires recrutés par le

  3   SCP/SRS. Je vais donc maintenant développer tout ce qui a été dit

  4   auparavant, et ça va prendre du temps.

  5   Sur ce point la Chambre se réfère, par exemple, à la pièce P1137, qui est

  6   une préface écrite par l'accusé le 24 septembre 2002 et publiée dans son

  7   livre "L'idéologie du nationalisme serbe." Dans lequel l'accusé déclare,

  8   alors je cite entièrement :

  9   "Les spectateurs passifs sont tous des combattants potentiels. Il faut

 10   simplement les éclairer, leur apprendre, leur donner une indication

 11   nationaliste, éveiller leur conscience patriotique et leur inspirer l'amour

 12   de la patrie. La propagande se fonde sur le fait qu'une grande majorité de

 13   personnes sont naturellement disposées à croire sans discernement tout ce

 14   qu'ils lisent, entendent, ou voient à la télévision."

 15   Ceci est donc dans le livre de l'accusé.

 16   Dans la pièce P1264, qui correspond à des articles du journal "Velika

 17   Srbija" en date du 15 août 1990, et reproduit dans un des livres de

 18   l'accusé, l'accusé a dit qu'en page 25, alors je cite :

 19   "Nous avons maintenant une arme puissante entre nos mains, le journal

 20   'Velika Srbija'," ce qui démontre que l'accusé était conscient que la

 21   diffusion de son idéologie par l'intermédiaire de ce journal aurait un fort

 22   impact dans l'opinion publique serbe et --

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, je suis dans

 24   l'obligation d'intervenir ici, parce que nous avons ici des interprètes qui

 25   persistent à interpréter faussement, et là, j'ai eu l'occasion d'intervenir

 26   lorsqu'il a été dit que nous aurions disposé d'une armée puissante. Vous

 27   n'avez pas cité disant que nous disposions d'une armée puissante mais d'une

 28   arme puissante. C'est intentionnellement que vous emmenez cet interprète


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  1   contre lequel je suis déjà intervenu à plusieurs reprises. Alors, je suis

  2   ravi de suivre votre exposé, tout ça me réjouit, mais ici je dois vraiment

  3   intervenir parce que cela dépasse les bornes.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors je rappelle aux interprètes qu'ils doivent

  5   interpréter - je sais que c'est très difficile - le plus près possible et

  6   exactement ce que je dis, et donc une arme ce n'est pas une armée, et

  7   cetera.

  8   Alors je reprends le passage que j'ai lu dans ma langue et qui a fait

  9   l'objet d'une intervention pour une question d'interprétation.

 10   Alors je relis. Dans la pièce P1264 qui correspond à des articles du

 11   journal "Velika Srbija" en date du 15 août 1990, reproduit dans l'un des

 12   livres de l'accusé, l'accusé indique, en page 25, alors je cite exactement

 13   le texte que j'ai :

 14   "Nous avons maintenant une arme puissante entre nos mains, le journal

 15   'Velika Srbija'," ce qui démontre que l'accusé était conscient que la

 16   diffusion de son idéologie par l'intermédiaire de ce journal aurait un fort

 17   impact dans l'opinion publique serbe, en particulier sur les volontaires du

 18   SCP, et successivement du Parti radical serbe.

 19   Dans la pièce P1220 qui est une interview de l'accusé par un journaliste

 20   japonais, en date du 18 mai 1993, reproduit dans un ouvrage de l'accusé. Ce

 21   dernier, à la page 2, déclare avoir une grande influence politique en

 22   Bosnie, que des milliers de volontaires serbes l'écoutent et qu'il a une

 23   influence sur les milliers de combattants serbes et qu'en cas

 24   d'intervention militaire étrangère, son influence sera encore plus grande.

 25   En page 12 du même document, pièce P1220, l'accusé reconnaît que son

 26   parti est très populaire et indique que cela explique sa popularité

 27   grandissante, d'autant qu'il dit toujours ce qu'il pense réellement

 28   contrairement aux autres hommes politiques.


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  1   De même, les extraits vidéo consignés aux pièces P70, P339,

  2   illustrent la popularité de l'accusé et l'effet qu'avaient ses discours en

  3   général sur son auditoire et en particulier sur ses volontaires.

  4   Par ailleurs, la Chambre peut citer les Témoins Nebojsa Stojanovic,

  5   paragraphe 6 de sa déclaration préalable admis sous la cote P527; Goran

  6   Stoparic, pages 2 442, 2 443 compte rendu en français; VS-016, pages 11

  7   120, 11 171, 11 181 compte rendu en français; Aleksa Ejic, page 10 343

  8   compte rendu en français; VS-061,  page 9 924 compte rendu en français, à

  9   la lumière desquels il apparaît que les propos de l'accusé avaient un

 10   impact important sur ceux qui les entendaient.

 11   Alors, maintenant, je passe au petit (b) s'agissant lentement, me dit

 12   la Juge Lattanzi.

 13   S'agissant ensuite de la conscience qu'avait l'accusé du contexte de

 14   guerre dans lequel il évoluait. Compte tenu des divers éléments de preuve

 15   déjà évoqués dans la présente décision, la Chambre ne citera qu'un seul

 16   exemple sur cet aspect déjà évoqué situ à propos du contexte conflictuel

 17   des crimes. La pièce P1205, qui retranscrit une interview de l'accusé pour

 18   la chaîne de télévision Pale, diffusée en septembre 1992, dans lequel

 19   l'accusé déclare à la page 4, s'agissant de la guerre en Bosnie, qu'il

 20   s'agit à la fois d'une guerre de religion et d'une guerre civile.

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais continuer, puis on va faire la pause dans

 23   quelques instants.

 24   S'agissant -- alors c'est le petit (c) maintenant, s'agissant de la

 25   conscience qu'avait l'accusé qu'en temps de guerre, des crimes sont commis.

 26   La Chambre ne développera pas ce point puisque l'accusé lui-même ne le

 27   conteste pas, il a même admis lors de l'audience 98 bis, pages 16 645, 16

 28   658 compte rendu en français.


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  1   Petit (d), s'agissant à présent de la conscience qu'avait l'accusé du passé

  2   criminel de certains volontaires serbes, et donc du risque plus élevé que

  3   ces volontaires, une fois armés, commettent dans un contexte de guerre des

  4   crimes parmi ceux visés par l'acte d'accusation.

  5   La Chambre dispose d'éléments de preuve qui permettraient à un Juge

  6   raisonnable de conclure que l'accusé avait conscience du passé criminel de

  7   certains volontaires et ne pouvaient en tout cas les ignorer.

  8   A cet égard, la Chambre peut se référer, par exemple, à la pièce P836

  9   qui est la déclaration du témoin 92 quater, Matija Boskovic, dans lequel ce

 10   témoin mentionne qu'au moment de la guerre, des criminels ont été relâchés

 11   et ont rejoint des unités de volontaires.

 12   Selon encore le Témoin Zoran Rankic, au paragraphe 35 de la déclaration

 13   préalable admise sous la cote P1074, il était de notoriété publique à

 14   l'époque des faits que les autorités relâchaient des personnes des prisons

 15   et que le quartier général de guerre du Parti radical serbe ne vérifiait

 16   jamais si les volontaires que le SCP/SRS envoyait sur le front avaient des

 17   antécédents criminels. Selon lui, cela n'avait aucune importance pour

 18   l'accusé.

 19   Alors je vais faire la pause dans quelques instants. On va faire la pause

 20   classique de 20 minutes. On reprendra à 12 heures 30. Il me restera à lire

 21   exactement dix pages de la décision. Je commencerai après la lecture du

 22   début de mon opinion, et nous nous arrêterons aux environs de 13 heures 30.

 23   On fera une pause d'une heure pour permettre à l'accusé et puis à tous ceux

 24   qui sont dans cette salle de se restaurer pendant quelque temps, et nous

 25   pourrions ainsi reprendre à 14 heures 30, en non stop jusqu'à 19 heures, en

 26   espérant peut-être terminer avant, j'en sais rien, la fin de la lecture de

 27   mon opinion.

 28   A ceci près, que le Juge Harhoff m'a informé que dans l'après-midi, il


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  1   serait --

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir ?

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, alors, Monsieur Seselj, vite avant que je fasse

  4   la pause.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous m'avez proposé de déjeuner. J'ai pris cela

  6   très au sérieux, et je m'attends dans ce cas-là à ce qu'on m'apporte un

  7   déjeuner, et non pas ce sac en plastique qu'on ne  donnerait même pas à des

  8   cochons, ce qui nous est envoyé par le quartier pénitentiaire. Si, par

  9   conséquent, vous m'offrez de déjeuner, je m'attends à ce qu'on me propose

 10   la même chose que ce que vous, Madame et Messieurs les Juges, et Madame et

 11   Messieurs de l'Accusation pourrez consommer au titre du déjeuner. Si ce

 12   n'est pas le cas, je renonce à votre offre.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, je dois vous dire que la plupart du

 14   temps, les trois Juges qui sont là, mais j'aura l'occasion de le redire

 15   plus tard, sont dans deux procès, et bien souvent en guise de déjeuner,

 16   nous buvons un verre d'eau.

 17   Je suspends donc l'audience pendant 20 minutes.

 18   --- L'audience est suspendue à 12 heures 13.

 19   --- L'audience est reprise à 12 heures 41.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, alors l'audience est reprise.

 21   Tout d'abord, pour des questions administratives, je vous avais dit

 22   qu'on ferait une pause d'une heure, mais la pause sera de une heure trente.

 23   Deuxièmement, j'ai appris que les interprètes ne peuvent travailler que six

 24   heures d'affilée, et que de ce fait, ils ne peuvent pas, pour des raisons

 25   liées à leur statut, aller au-delà de six heures. Par ailleurs, en raison

 26   des finances de ce Tribunal, dont vous savez tous qu'il va un jour très

 27   prochain fermer ses portes, on n'a plus d'équipe d'interprètes

 28   supplémentaire. De ce fait, quand nous aurons épuisé les six heures


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  1   d'interprétariat, on arrêtera et on continuera demain à partir de 14 heures

  2   15, ce qui fait que je vais avoir le temps de terminer les dix pages de la

  3   décision, embrayer sur le début de mon opinion. On reprendra en début

  4   d'après-midi, et quand il y aura les six heures écoulées, on arrêtera.

  5   Alors je vais donc reprendre où j'en étais. C'était à la page -- oui,

  6   je m'étais donc -- à la page 40, petit (e).

  7   S'agissant enfin de la conscience qu'avait l'accusé de ce qui se

  8   passait sur le terrain et des crimes qui étaient commis dans les zones de

  9   combat où les volontaires du Parti radical serbe/SCP étaient envoyés.

 10   S'agissant tout d'abord de la connaissance qu'avait l'accusé de ce qui se

 11   passait sur le terrain. La Chambre peut, par exemple, s'appuyer sur les

 12   témoignages de Goran Stoparic, pages 2 337 à 2 340 du compte rendu en

 13   français; de Mladen Kulic, page 4 455 compte rendu en français; de VS-002,

 14   pages 6 555 et 6 556 du compte rendu en français; de VS-004, page 3 413 du

 15   compte rendu français; et de VS-007, pages 6 069 et 6 070 du compte rendu

 16   en français, qui relate tous des visites de l'accusé sur le terrain.

 17   De même, par exemple, dans la pièce P1207, qui correspond à des

 18   interviews de l'accusé en date du 26 novembre 1992, reproduits dans l'un de

 19   ses livres; dans la pièce P1204, qui correspond à l'interview de l'accusé

 20   de septembre 1992, reproduit aussi dans ses livres, et dans la pièce P1221,

 21   qui correspond à un interview de l'accusé du 21 mai 1993, reproduit dans

 22   l'un de ces livres, sont décrites trois visites et inspection par l'accusé

 23   des unités du SCP/SRS, commandées par les trois voïvodes que je vais citer

 24   : Branislav Gavrilovic, Vasilije Vidovic, et le troisième étant Slavko

 25   Aleksic.

 26   (e) S'agissant à présent de la conscience que l'accusé avait des

 27   crimes qui étaient commis dans les zones de combat où les volontaires du

 28   SCP/SRS étaient envoyés. La Chambre peut citer, par exemple, le Témoin VS-


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  1   033, qui a déclaré aux pages 5 524, 5 525, 5 529, et 5 531 du compte rendu

  2   en français, qu'à Vocin, Novacic avait découvert la présence de criminels

  3   parmi les volontaires et s'en était plaint à l'état-major de guerre du

  4   Parti radical serbe. Ce témoin a, en outre, affirmé que de manière générale

  5   Novacic avait des contacts téléphoniques avec les représentants du quartier

  6   général de guerre du Parti radical serbe tous les deux ou trois jours, ou

  7   bien il se rendait en personne à Belgrade et faisait son rapport

  8   directement à l'accusé.

  9   La Chambre peut également citer la pièce P1191, qui correspond à une

 10   conférence de presse de l'accusé du 23 janvier 1992, et reproduite dans

 11   l'un de ses livres dans lequel l'accusé indique que ses volontaires étaient

 12   en contact constant avec la direction du SCP/SRS et transmettaient des

 13   informations à partir du front. La Chambre estime que les éléments de

 14   preuve dont elle dispose pourraient conduire un Juge raisonnable à déduire

 15   que l'accusé savait ou ne pouvait ignorer que des crimes étaient commis

 16   dans les zones de combat où les volontaires recrutés par le SCP/SRS étaient

 17   envoyés.  Par conséquent, la Chambre de première instance estime qu'elle

 18   dispose d'éléments de preuve suffisants à ce stade qui permettraient à un

 19   Juge raisonnable de conclure que l'accusé avait conscience de la réelle

 20   possibilité que des crimes seraient commis suite à ces actes constitutifs

 21   d'incitation.

 22   (f) S'agissant de l'intention de l'accusé de provoquer ou d'induire son

 23   auditoire à persécuter des populations non-serbes pour des raisons

 24   politiques et religieuses. La Chambre se réfère, tout d'abord, aux éléments

 25   de preuve précédemment évoqués dans la présente décision et relatifs au

 26   dénigrement systématique des populations non-Serbes par l'accusé, et à ceux

 27   relatifs à la promotion par l'accusé de son idéologie nationalisme par tous

 28   les moyens. La Chambre fait ensuite référence aux différents éléments de


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  1   preuve relatifs à la dissémination par l'accusé d'un climat de peur parmi

  2   la population civile. La Chambre estime que l'accusé, par le biais de ses

  3   discours, a instillé cette peur dans le but de provoquer les Serbes,

  4   volontaires ou civils, à persécuter notamment les Croates pour se défendre

  5   de la prétendue politique génocidaire contre le peuple serbe mise en place

  6   par les dirigeants croates de l'époque.

  7   A cet égard, la Chambre dispose, par exemple, du témoignage de Katica

  8   Paulic, qui a rapporté page 11 904 du compte rendu en français, que

  9   l'accusé, lors du rassemblement à Hrtkovci le 6 mai 1992, a pris la parole

 10   en distinguant les membres serbes de l'audience, d'autres communautés

 11   ethniques, et en véhiculant un sentiment anti-croate. Selon ce témoin, à la

 12   page 11 905 du compte rendu en français, les propos de l'accusé, diffusant

 13   sa perception discriminatoire, ont eu un effet galvanisant sur les

 14   personnes de l'auditoire qui ont alors commencé à scander en d'autre :

 15   "Oustachi, on vous fera sortir, on vous fera sortir Oustachi." Ensuite

 16   Aleksa Ejic indique, à la page 10 343 du compte rendu en français, que la

 17   foule ce jour-là ovationnait l'accusé lorsque celui-ci émettait l'hypothèse

 18   que les Croates devaient rentrer dans leur belle patrie.

 19   La Chambre peut également s'appuyer sur la pièce P748, qui est une

 20   note du "Sremska Mitrovica State Security Department Centre", attestant que

 21   l'accusé aurait pris la parole alors que la foule était en effervescence et

 22   martelait des slogans tels que, alors, je cite : "Oustachi, dehors. Ceci

 23   est la Serbie. Il n'y a pas de place pour les Croates en Serbie."

 24   La Chambre se réfère également à la déclaration préalable du Témoin

 25   Jelena Radosevic, admise sous la cote P580, dans laquelle cette dernière

 26   indique que l'accusé était venu à Vocin fin novembre début décembre 1991

 27   pour attiser les tensions dans le but d'accélérer les départs des Croates

 28   de la ville. La Chambre considère que cette visite de l'accusé s'inscrit


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  1   dans le cadre d'une campagne de persécution à l'encontre des populations

  2   non-serbes, tels qu'évoqués notamment par les témoignages de Fadil

  3   Banjanovic, VS-1064, VS-1066.

  4   La Chambre peut également citer la pièce P547 relative au discours de

  5   l'accusé à Hrtkovci et reproduit dans l'un de ses livres dans lequel il

  6   fait référence aux Oustacha et appelle à l'expulsion des Croates non loyaux

  7   car il n'y a pas de place pour eux à Srem. Il continue en déclarant que

  8   s'ils ne partaient pas de leur plein gré, ils seront conduits de force dans

  9   des bus jusqu'aux frontières du territoire serbe. Ce scénario évoqué par

 10   l'accusé implique la participation des volontaires et de la population

 11   civile serbe à la réalisation de ce dessein criminel.

 12   Enfin, la Chambre a pris note de la pièce P1195, qui est la

 13   retranscription d'une interview télévisée de l'accusé, accordée à TV studio

 14   diffusée le 8 avril 1992, et qui a été reproduite dans l'un des ouvrages de

 15   l'accusé. L'accusé y affirme qu'il n'a jamais rencontré un bon Croate et

 16   que les Croates sont les ennemis des Serbes et les pires criminels qui

 17   existent.

 18   Il utilise à plusieurs reprises le terme dénigrant d'"Oustacha", et

 19   proclame que l'expulsion des Croates doit être faite une bonne fois pour

 20   toute, car s'ils restaient, la situation s'en trouverait d'autant plus

 21   déstabilisée.

 22   Je passe maintenant au troisièmement. S'agissant de la troisième

 23   condition de l'incitation, à savoir l'existence d'un lien substantiel entre

 24   l'incitation et les crimes. La Chambre de première instance dispose

 25   d'éléments de preuve qui permettraient à un Juge raisonnable de conclure

 26   que l'accusé a exercé une influence déterminante sur les auteurs des

 27   crimes, du fait du recrutement et de l'envoi des volontaires par

 28   l'intermédiaire du Parti radical serbe/SCP dans les localités dans


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  1   lesquelles ils ont alors été à même de commettre les crimes allégués dans

  2   l'acte d'accusation, et du fait de son autorité morale considérable sur ses

  3   volontaires et sur tous les Serbes partisans de son idéologie nationaliste,

  4   dont certains se proclamaient hommes de Seselj ou Chetniks. La Chambre note

  5   d'ailleurs sur ce point qu'il existe des éléments de preuve indiquant que

  6   le SRS/SCP ne prenait pas le soin d'assurer aux volontaires une formation

  7   de combat et aux droits humanitaires avant de les envoyer rejoindre

  8   l'armée.

  9   La Chambre estime que l'auditoire de l'accusé était plus large et englobait

 10   non seulement les volontaires recrutés par le Parti radical Serbe, SCP,

 11   mais également tous les sympathisants de son idéologie nationaliste serbe.

 12   Cependant, pour des raisons d'économie judiciaire, la Chambre va donner ci-

 13   après des exemples d'éléments de preuve permettant d'attester surtout :

 14   petit (a), du recrutement et de l'envoi des volontaires sur le front par le

 15   SCP/SRS dirigé par l'accusé; petit (b), de l'autorité morale considérable

 16   de l'accusé sur ces volontaires; et enfin, petit (c), de la commission des

 17   crimes allégués dans l'acte d'accusation par des volontaires recrutés par

 18   le SCP/SRS ou des sympathisants de l'idéologie de l'accusé.

 19   Donc je vais revoir maintenant en détail petit (a), petit (b), petit (c).

 20   Petit (a), s'agissant tout d'abord des éléments de preuve relatifs au

 21   recrutement et à l'envoi de volontaires sur le front par le SCP/SRS dirigé

 22   par l'accusé.

 23   La Chambre peut, par exemple, citer la pièce P1233, qui correspond à

 24   un interview de l'accusé à la radio Loznica en date du 10 novembre 1993, et

 25   reproduit dans l'un de ses livres dans lequel l'accusé parle de la façon

 26   dont il a contribué à l'attaque contre Zvornik. Il déclare, donc je cite

 27   les propos de l'accusé :

 28   "Vous devez savoir que nos volontaires ont combattu avec l'unité spéciale


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  1   du ministère serbe de l'Intérieur et que c'est grâce à cette action de

  2   coordination que Zvornik fut libérée à temps."

  3   De même, dans la pièce P342, qui est une vidéo de l'interview de l'accusé

  4   datant de 1994, l'accusé déclare avoir envoyé au moins 30 000 volontaires

  5   armés sur tous les champs de bataille où se bat le peuple serbe.

  6   Dans la pièce P30, qui est un extrait du documentaire de la BBC, "Mort de

  7   la Yougoslavie", diffusé en mars 1995 dans lequel l'accusé est interviewé,

  8   l'accusé déclare, je cite :

  9   "En 1991, nous avons commencé à organiser des volontaires, et ce, de façon

 10   considérable, et à les envoyer vers les lignes de front qui avaient été

 11   déjà établies, notamment en Slavonie orientale."

 12   Le recrutement de volontaires par le SCP/SRS et leur envoi sur le

 13   front à partir du mois d'octobre 1991 est également évoqué par le Témoin

 14   VS-033 qui a précisé lors de sa déposition, à la page 5 505, qu'il avait

 15   décidé de se porter volontaire pour le SCP/SRS, qui envoyait des

 16   volontaires sur le front. Le témoin a également indiqué que l'inscription

 17   comme volontaire entraînait une adhésion automatique au Parti radical

 18   serbe.

 19   Le Témoin VS-038 a indiqué, aux pages 10 195, 10 196, que le

 20   recrutement se faisait par voie de propagande dans les médias où les

 21   représentants du Parti radical serbe, notamment l'accusé, appelaient les

 22   patriotes à défendre le peuple serbe.

 23   Le Témoin VS-1058 a également expliqué dans sa déclaration préalable,

 24   admise au dossier sous la cote P1053 sous pli scellé, que début avril 1991,

 25   il avait reçu la visite dans le café où il travaillait de plusieurs membres

 26   du Parti radical serbe, et que ces hommes l'invitèrent à rejoindre un

 27   groupe de volontaires du Parti radical serbe/SCP. Le témoin accepta et

 28   décida d'adhérer au Parti radical serbe.


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  1   Petit (b), s'agissant de l'autorité morale considérable de l'accusé

  2   sur ses volontaires. La Chambre de première instance dispose d'éléments de

  3   preuve qui permettraient à un Juge raisonnable de conclure que l'accusé

  4   exerçait une influence déterminante sur les volontaires du SCP/SRS envoyés

  5   sur le front. Outre les éléments de preuve concernant l'influence générale

  6   de l'accusé sur les sympathisants de son idéologie nationaliste et les

  7   volontaires recrutés par le SCP/SRS déjà évoqués dans la partie sur la

  8   seconde condition de l'incitation, la Chambre peut également citer le

  9   Témoin Fadil Kopic qui a déclaré, à la page 5 913 du compte rendu en

 10   français, que les volontaires du SCP/SRS considéraient l'accusé comme un

 11   dieu.

 12   Par ailleurs, la Chambre peut également citer le Témoin VS-002, qui a

 13   déclaré, lors de sa déposition devant la Chambre, à la page 6 557 du compte

 14   rendu, à propos de l'accusé : "C'était un voïvode serbe. Nous n'aurions

 15   jamais refusé ses ordres."

 16   Enfin, petit (c), s'agissant de la commission des crimes par les

 17   volontaires du SCP/SRS ou des sympathisants de l'idéologie de l'accusé. La

 18   Chambre de première instance dispose d'éléments de preuve qui permettraient

 19   à un Juge raisonnable de conclure que les volontaires recrutés par le

 20   SCP/SRS ont commis les crimes allégués au titre des différents chefs de

 21   l'acte d'accusation. Alors donc on va les voir chef par chef.

 22   Petit (i), s'agissant du chef 4 relatif au meurtre. La Chambre peut

 23   citer, par exemple, le Témoin VS-016, qui a évoqué lors de sa déposition

 24   devant la Chambre, à la page 11 137 du compte rendu en français, les

 25   meurtres commis à Ovcara par plusieurs volontaires recrutés par le SCP/SRS

 26   qu'il a nommément visés. Ou encore le Témoin VS-007, qui a indiqué, aux

 27   pages 6 103, 6 104 du compte rendu en français, qu'il a entendu dire que

 28   des volontaires recrutés par le SCP/SRS, à savoir le groupe de Kinez et de


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  1   Kameni, qui étaient pour la plupart très dangereux et violents, ont

  2   participé aux exécutions de civils non-serbes à Ovcara.

  3   La Chambre relève que la présence dans la municipalité de Vukovar

  4   d'une unité de volontaires du SCP/SRS, sous le commandement de Milan

  5   Lancuzanin, alias Kameni, est confirmée par le Témoin VS-002, pages 6 535

  6   et 6 536 du compte rendu en français.

  7   S'agissant des chefs 8 et 9 relatifs à la torture et au traitement cruel.

  8   La Chambre peut, par exemple, citer le Témoin VS-1013, qui relate, à la

  9   page 5 240 du compte rendu en français, que Cele, le chef de l'unité des

 10   hommes de Seselj, maltraitait et tuait des détenus. La Chambre note que la

 11   pièce P217 indique que Cele était un volontaire recruté par le SCP/SRS, qui

 12   a reçu le titre de voïvode par proclamation de l'accusé le 13 mai 1993.

 13   Le Témoin VS-1013 évoque à la page 5 257 du compte rendu en français, qu'il

 14   a entendu dire que les violences sexuelles commises à la maison de la

 15   culture de Celopek dans la municipalité de Zvornik avaient été commises par

 16   un volontaire surnommé Repic et son équipe.

 17   La Chambre relève que le Témoin Asim Alic, pages 7 002 à 7 004, 7 007

 18   et 7 022 du compte rendu en français, confirme la présence de volontaires

 19   recrutés par le SCP/SRS dans la municipalité de Zvornik, qui avaient tout

 20   un équipement militaire ainsi que des pièces d'identité démontrant leur

 21   appartenance à la fois au SCP au SRS. Parmi elles, deux frères venant des

 22   alentours de Belgrade, portant le nom de Vukovic, et portant le surnom de

 23   Repic pour le cadet.

 24   (iii), s'agissant des chefs 10 et 11 relatifs à l'expulsion et au

 25   transfert forcé en tant qu'acte inhumain. La Chambre fait, par exemple,

 26   référence au Témoin Aleksa Ejic, qui relate, à la page 10 382 du compte

 27   rendu en français, que Rade Cakmak, qui se présentait comme un membre du

 28   Parti radical serbe, a pris part aux actes de violence contre les habitants


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  1   Hrtkovci, et s'est installé avec sa famille dans la maison d'un Hongrois.

  2   Alors, quatrièmement, s'agissant du chef 12, relatif à la destruction

  3   sans motif de villages ou dévastation non justifiée par les exigences

  4   militaires. La Chambre peut citer le Témoin VS-1067, qui indique, pages 15

  5   287, 15 315, 15 316 du compte rendu en français, ainsi qu'aux paragraphes 7

  6   et 8 de sa déclaration préalable admise sous la cote P1051 sous pli scellé,

  7   qu'un groupe de 50 à 60 hommes, se présentant comme des membres du Parti

  8   radical serbe et comme ayant pour commandant principal, Vojislav Seselj,

  9   est arrivé en avril 1992 à Bjelusine, dans la municipalité de Mostar, qu'en

 10   avril 1992, ce groupe s'est dirigé vers le village de Topla, situé à un

 11   kilomètre et demi de Bjelusine, qu'il a vu que les hommes de Seselj

 12   chassaient la population et pillaient les maisons pour les incendier

 13   ensuite. La Chambre peut également citer le Témoin 92 quater Matija

 14   Boskovic, un volontaire membre du Parti radical serbe, SRS, qui indique au

 15   paragraphe 27 de sa déclaration préalable admise sous la cote P836, que son

 16   unité brûla certaines maisons dans le village de Dugi Dio, situé dans la

 17   municipalité de Zvornik.

 18   Cinquièmement, s'agissant du chef 13 relatif à la destruction ou

 19   l'endommagement délibéré d'édifices consacrés à l'éducation ou à la

 20   religion. La Chambre peut, par exemple, citer le Témoin VS-1055, qui

 21   indique aux pages 7 805, 7 810, 7 812, 7 846 du compte rendu en français,

 22   que fin mars, début avril 1992, des groupes armés dirigés par Vasilije

 23   Vidovic, surnommé Vaske, était présent dans la ville d'Ilijas dans la

 24   région de Sarajevo. Ces hommes portaient différents insignes appartenant

 25   traditionnellement à l'organisation chetnik; têtes de mort, cocardes,

 26   toques, bonnets traditionnel serbe ou sajkaca.

 27   Le témoin en a outre reconnu l'insigne du Parti radical serbe sur les

 28   couvre-chefs et les subaras des hommes de Vaske. Il a de plus indiqué avoir


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  1   entendu dire par les Serbes qui vivaient à Ilijas que Vaske était l'un des

  2   responsables de la destruction des édifices religieux de la ville. La

  3   Chambre peut également citer le Témoin 92 quater Mujo Dzafic, qui indique

  4   au paragraphe 24 de sa déclaration préalable admise sous la cote P840, que

  5   Vaske détruisit tous les bâtiments religieux, mosquées, et églises dans les

  6   alentours d'Ilijas notamment la mosquée de Stari Ilijas.

  7   Sixièmement, s'agissant du chef 14 relatif au pillage de biens

  8   publiques ou privés. La Chambre peut, par exemple, citer le Témoin Nebojsa

  9   Stojanovic, qui indique aux paragraphes 15 et 16 de sa déclaration

 10   préalable admise sous la cote P527, qu'il a assisté au pillage des maisons

 11   situées à Desna Supoderica par des volontaires recrutés par le SCP/SRS qui

 12   s'amusaient, en outre, à déféquer partout dans les maisons.

 13   La Chambre peut également citer le Témoin 92 quater Mujo Dzafic, qui

 14   indique au paragraphe 31 de sa déclaration préalable admise sous la cote

 15   P840, que peu de temps avant la fin de la guerre, Vaske et ses hommes

 16   pillèrent toutes les entreprises d'Ilijas, en prenant notamment du matériel

 17   de construction, qu'ils embarquèrent dans des camions. Le témoin a vu Vaske

 18   diriger personnellement un camion qui était rempli d'affaires volées.

 19   Septièmement, s'agissant du chef 1 relatif à la persécution pour des

 20   raisons politiques, raciales ou religieuses. La Chambre se réfère notamment

 21   à l'ensemble des preuves évoquées ci-dessus, concernant les autres chefs de

 22   l'acte d'accusation qui constituent par ailleurs certains des actes sous-

 23   jacents de la persécution qui a été perpétrée pour des raisons politiques

 24   et religieuses avec la participation de l'accusé. Il est donc inutile de

 25   donner d'autres exemples d'éléments de preuve que la Chambre possède

 26   concernant ce chef et qui permet d'établir un lien entre l'incitation et ce

 27   crime.

 28   Par conséquent, la Chambre considère qu'il existe des éléments de preuve


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  1   suffisants qui permettraient à un Juge raisonnable de conclure à ce stade

  2   qu'il existe un lien substantiel entre les actes d'incitation de l'accusé

  3   et les crimes commis. 

  4   Alors, conclusion.

  5   Au vu de l'analyse des éléments de preuve sur la perpétration des crimes,

  6   sur la participation de l'accusé à une telle perpétration par des actes

  7   d'incitation et sur le lien entre les crimes et les actes d'incitation de

  8   l'accusé, la Chambre considère qu'il existe suffisamment d'éléments de

  9   preuve à ce stade, et pour les besoins de l'article 98 bis du Règlement,

 10   qui permettrait à un Juge raisonnable de condamner l'accusé au-delà de tout

 11   doute raisonnable pour avoir incité à la commission de tous les crimes

 12   allégués dans les neuf chefs de l'acte d'accusation.

 13    La Chambre à la majorité, étant moi-même dissident, tient à rappeler que

 14   cette conclusion la dispense d'examiner à ce stade les autres formes de

 15   responsabilité alléguées dans l'acte d'accusation, à savoir la commission

 16   matérielle, en particulier de la persécution, des expulsions et des

 17   transferts forcés, la participation à une entreprise criminelle commune, et

 18   les autres formes de responsabilité prévues par l'article 7, paragraphe 1,

 19   du Statut.

 20   Par ces motifs et en application de l'article 98 bis du Règlement, la

 21   Chambre rejette la requête de l'accusé.

 22   Bien. Alors, n'étant pas d'accord avec une partie de la décision

 23   majoritaire, je me dois de faire part oralement de ma position. Et compte

 24   tenu des problèmes qui vont être évoqués, je m'aiderai en cours de mon

 25   exposé de tableaux qui apparaîtront sur les écrans à ma demande, et je

 26   remercie par avance M. le Greffier et M. l'Huissier qui me prêteront leur

 27   concours.

 28   Concernant la méthodologie que j'ai utilisée pour arriver à mes conclusions


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  1   personnelles. Auparavant, je tiens à exprimer mes remerciements au

  2   stagiaire et à mon assistant de Juge, qui m'ont permis, sur le plan

  3   matériel, de dresser les tableaux qui apparaîtront tout à l'heure sur

  4   l'écran. Ça a été un travail considérable, car il a fallu examiner les

  5   milliers de documents et des dizaines de milliers de pages, ce qui a été un

  6   travail considérable, et donc je tiens à les remercier personnellement.

  7   Afin d'évaluer les éléments de preuve de l'Accusation, je dois indiquer à

  8   titre liminaire que je me suis principalement fondé sur une pièce qui me

  9   semble capitale, qui a été admise à la demande du bureau du Procureur et

 10   qui figure dans la procédure qui est relative à tous les transcripts de

 11   l'audition de l'accusé dans l'affaire Milosevic, audition qui a duré

 12   plusieurs jours, et qui fait des centaines de pages. Et donc, ça a été un

 13   élément de ma base de travail.

 14   De même, j'ai lu et étudié avec attention toutes les décisions rendues par

 15   les Chambres concernant les événements s'étant déroulés dans l'ex-

 16   Yougoslavie, et ces décisions ont autorité de la chose jugée, et sont donc

 17   de notoriété publique, et je ferai état de certaines d'entre elles dans mon

 18   opinion. Et pour parfaire le tout, indépendamment des documents, j'ai

 19   également consulté certaines requêtes et décisions publiques concernant un

 20   certain nombre d'affaires qui étaient pertinentes pour les questions qui

 21   nous sont soumises dans le cadre de cette procédure.

 22   A la fin de la lecture de mon opinion qui, je le rappelle, fait 73 pages,

 23   je remettrai à M. Marcussen et à M. Seselj le document que je vais lire, et

 24   à ce document sera annexés les tableaux et ces tableaux récapitulent les

 25   témoins, les "exhibits", et cetera, ce qui leur permettra de s'y retrouver.

 26   Alors, tout d'abord, je vais suivre un plan, et je demande à M. l'Huissier

 27   d'afficher sous l'ELMO le plan qui a été traduit en anglais et dans la

 28   langue de l'accusé. Voilà, alors on voit ceci donc en anglais. J'aborderai


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  1   donc successivement des propos préliminaires, ensuite la procédure 98 bis

  2   relative à l'acquittement. Le troisième chapitre concernera les crimes

  3   allégués dans l'acte d'accusation commis en Croatie, en Bosnie-Herzégovine

  4   et en Serbie. Le quatrième chapitre concernera la responsabilité pénale

  5   individuelle de l'accusé en ce qui concerne la planification, les ordres,

  6   l'incitation à commettre, la commission soit au titre de l'entreprise

  7   criminelle, formes I, II et III, la commission de crimes de persécution,

  8   crimes d'expulsion et de transfert forcés. J'aborderai ensuite l'aide et

  9   l'encouragement, qui figurent au point 5, et je terminerai par les charges

 10   en produisant deux tableaux récapitulatifs sur les chefs d'accusation qui,

 11   de mon point de vue, devraient entraîner l'acquittement partiel de

 12   l'accusé, et les chefs d'accusation qui devraient permettre la continuation

 13   du procès.

 14   Pendant les quelques minutes qui me restent avant la pause, je vais aborder

 15   le titre 1, qui sont des propos préliminaires.

 16   L'examen des éléments de preuve de l'Accusation en application de l'article

 17   98 bis du Règlement s'inscrit dans un contexte particulier eu égard aux

 18   autres affaires jugées par ce Tribunal. En premier lieu, il y a une

 19   détention provisoire hors norme de l'accusé, qui a été placé en détention

 20   le 24 février 2003. Cette détention provisoire depuis plus de huit ans est

 21   excessive par rapport aux critères fixés par la Cour européenne des droits

 22   de l'homme, et sa prolongation ne doit intervenir que pour des motifs

 23   pertinents et suffisants, tels que la complexité de l'affaire, la nécessité

 24   de maintenir l'accusé à la disposition de la justice, la prévention du

 25   renouvellement de l'infraction. Voir notamment, sur ce point, Cour

 26   européenne des droits de l'homme, 29 octobre 2009, Paradysz contre France,

 27   ou également la question des pressions sur les témoins. Voir notamment sur

 28   ce point, Cour européenne des droits de l'homme, 10 mars 2009, Bykov contre


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  1   Russie.

  2   En second lieu, il y a eu plusieurs allégations en cours résultant de la

  3   violation des noms de témoins protégés ou de pressions exercées sur des

  4   témoins.

  5   L'impact éventuel de ces allégations sur l'acte d'accusation serait,

  6   de mon point de vue, de toute façon nul, car les pressions ou les

  7   violations des noms des témoins protégés n'ont pas eu lieu avant la

  8   rédaction de l'acte d'accusation. L'acte d'accusation n'a donc pas été

  9   pollué par ce type de pressions ou de violations, pour peu qu'elles aient

 10   existées.

 11   En troisième lieu, il y a une procédure en cours pour outrage à la Cour

 12   diligentée à l'encontre de plusieurs membres du bureau du Procureur. De mon

 13   point de vue, cette procédure dont nous aurons les conclusions de l'Ami de

 14   la Cour, courant octobre 2011 au mieux, peut avoir un effet direct sur

 15   l'acte d'accusation pour le cas où des auditions de témoins auraient été

 16   viciées par les pressions exercées. Comme un acte d'accusation est basé

 17   tant sur des auditions ayant donné lieu à des déclarations versées à la

 18   procédure, voire, par exemple, déclarations du Témoin VS-009 du 12 février

 19   2003 et 16 juin 2006, que sur des documents, il y aurait donc un impact

 20   susceptible d'entraîner la nullité totale ou partielle de l'acte

 21   d'accusation.

 22   De ce fait, j'estime à mon niveau qu'en tout état de cause, il conviendrait

 23   d'attendre le mois d'octobre avant de commencer ultimement la seconde phase

 24   du procès en application de l'article 73 du Règlement. Si l'Ami de la Cour

 25   concluait à l'absence d'outrage à la Cour et à la mise hors de cause du

 26   bureau du Procureur, la présentation des éléments à décharge pourrait alors

 27   avoir lieu.

 28   Dans le cas contraire, il ne pourrait y avoir début de la


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  1   présentation des éléments à décharge avant la purge totale ou partielle de

  2   l'acte d'accusation, soit à la demande de l'Accusation en application de

  3   l'article 51 du Règlement relatif au retrait d'un acte d'accusation soit à

  4   la demande de l'accusé en application de l'article 73 du Règlement. Dans

  5   cette hypothèse, l'accusé pourrait saisir la Chambre afin qu'elle rende une

  6   décision ou pour obtenir réparation du préjudice subit.

  7   En outre, ce cas n'ayant jamais eu lieu et n'ayant jamais été

  8   envisagé par le Règlement, j'estime que la Chambre proprio motu, en cas de

  9   carence des parties et en application de l'article 85(A) du Règlement,

 10   pourrait décider que tous les moyens de preuve ont été produits et entamer

 11   la fin de la procédure prévue à l'article 86 du Règlement.

 12   Il me reste deux pages et demie. On va terminer à deux heures moins quart.

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 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'oppose absolument à cette demande du

 26   Procureur, parce que jamais je n'ai eu de versement de pièce

 27   confidentielle. Moi, ça a toujours été public, et ce document public se

 28   trouve sur mon site, et ça se trouve également publié dans l'un de mes


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  1   livres, et ça ne peut en aucune façon être quelque chose de confidentiel.

  2   C'est à moi de décider si ce que j'ai présenté comme pièce ou comme

  3   document doit être considéré comme étant confidentiel ou public. Donc je

  4   proteste, parce que c'est une manipulation de la part de M. Marcussen.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre délibèrera pour savoir s'il y a lieu à

  6   expurgation ou pas.

  7   Quoi qu'il en soit, j'indique qu'au stade de la procédure, il n'est pas

  8   nécessaire de prendre en compte la possibilité qu'il y ait eu un ou

  9   plusieurs faux témoignages. A mon sens, ça ne sera qu'au moment du délibéré

 10   final que la question devra être tranchée de manière définitive.

 11   Je dois rappeler à cet égard qu'un tout récent arrêt de la Chambre d'appel

 12   en date du 1er avril 2001, dans l'affaire Tharcisse Renzaho, a rappelé en

 13   son paragraphe 196 que la Défense doit démontrer que le préjudice subit

 14   équivaut à une erreur de droit qui invaliderait le jugement. Pour le

 15   moment, le Président n'a pas statué et il conviendra d'attendre la

 16   décision.

 17   Cette requête n'a pas un effet direct ou indirect sur le cours de la

 18   procédure 98 bis. Le cas serait tout différent si nous étions au moment du

 19   délibéré final.

 20   En dernier lieu, cette affaire intervient dans un contexte spécifique, qui

 21   résulte du fait que deux Juges constituant la Chambre sont membres d'autres

 22   chambres saisies de faits identiques pour certains crimes ou de la même

 23   entreprise criminelle commune. Dans ces autres affaires, il y a un certain

 24   nombre d'experts de l'Accusation ou de témoins qui auront témoigné dans les

 25   trois affaires ou deux au moins, et ce, devant les mêmes Juges. Chaque

 26   témoignage doit apprécier sur le plan de la pertinence et de la valeur

 27   probante au moment du délibéré final.

 28   Compte tenu du fait que l'état d'avancement de ces trois procès n'est


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  1   pas le même, il se peut qu'un Juge évalue le témoignage d'un témoin X d'une

  2   certaine façon dans un procès et se posera pour lui la question d'évaluer

  3   ce témoignage dans un autre procès plusieurs mois après, sans qu'il y ait

  4   aucun élément nouveau, lui accordera-t-il alors le même poids. La question

  5   de la participation des mêmes Juges à plusieurs procès où les mêmes témoins

  6   ont été entendus a été évoquée dans l'affaire Tharcisse Renzaho, précitée

  7   dans le cadre de l'examen du second moyen d'appel de l'accusé. Ceci me

  8   paraît intéressant pour l'indiquer. La Chambre d'appel a tranché à son

  9   niveau aux paragraphes 22 et 23 en disant que :

 10   "Une présomption d'impartialité est attachée aux Juges en l'absence

 11   de preuve contraire, rejetant ainsi l'argumentation de la Défense selon

 12   laquelle le fait que les mêmes Juges aient participé à d'autres procès

 13   concernant les mêmes faits et les mêmes témoins avaient violé la

 14   présomption d'innocence."

 15   A ce stade, je ne peux évaluer, nonobstant la décision de la Chambre

 16   d'appel citée ci-dessus, les conséquences directes sur la présente affaire

 17   de la participation de mes collègues à d'autres affaires. Ceci ne pourrait

 18   être évalué par moi qu'au moment du délibéré final, notamment en ayant, le

 19   cas échéant, le point de vue des parties, si elle le juge utile. D'autant

 20   plus qu'il convient de signaler ce qui a dû échapper à l'Accusation, que

 21   dans l'acte d'accusation concernant l'accusé Seselj, l'entreprise

 22   criminelle commune se termine en septembre 1993, avec la mention comme

 23   participant de Karadzic, alors même que dans l'acte d'accusation de

 24   Karadzic, avec, comme participant, Seselj, l'ECC permanente d'octobre 1991

 25   au 30 novembre 1995. Il y a donc une contradiction manifeste qui place le

 26   Juge nommé dans ces deux affaires dans une situation particulièrement

 27   difficile pour apprécier l'étendue de l'ECC.

 28   Sortir de ce dilemme reviendrait alors à attendre la fin concomitante


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  1   des trois procès pour ne pas courir ce risque. La stratégie d'achèvement

  2   des travaux de ce Tribunal ne permet pas d'allonger à l'infini les procès.

  3   D'autant que la détention provisoire de l'accusé est excessive. Dès lors,

  4   c'est une question théorique que je me devais de soulever par principe à ce

  5   stade du procès, tout en disant, à mon vif regret, que ce procès doit être

  6   mené à terme le plus vite possible, alors même que l'application de

  7   certaines contraintes juridiques incontournables devrait normalement

  8   aboutir à un délibéré final sine die dans l'attente de la fin des procès

  9   Karadzic et Stanisic/Zupljanin. Alors on va faire la pause, mais je vais

 10   consulter mes collègues sur l'expurgation.

 11   Alors la majorité de la Chambre, étant dissidente, a décidé d'expurger la

 12   partie indiquée par M. Marcussen.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ceci signifie que M. Marcussen a

 14   déclaré qu'une pièce présentée par moi était confidentielle et que la

 15   majorité des Juges de la Chambre a accepté la chose ? Madame, Monsieur les

 16   Juges, ces écritures de ma part au Président du Tribunal, les avez-vous

 17   déclarées comme étant confidentielles, est-ce un droit que vous avez ? Je

 18   ne le pense pas, mais ce n'est pas le premier abus de vos fonctions de

 19   juge.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : L'affaire -- bon, l'affaire a été tranchée.

 21   Alors nous allons arrêter, il nous faut donc une heure et demie. Nous

 22   reprendrons donc dans une heure et demie, c'est-à-dire que dans une heure

 23   ça sera 3 heures moins quart et une demi-heure, donc on va reprendre aux

 24   environs de 3 heures 15.

 25   Voilà, donc nous nous retrouverons à 15 heures 15.

 26   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 13 heures 41.

 27   --- L'audience est reprise à 15 heures 20.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.


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  1   Monsieur le Greffier, pouvez-vous passer à huis clos, quelques instants.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

  3   le Président.

  4   [Audience à huis clos partiel]

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 19   [Audience publique]

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors le chapitre 2 concerne la procédure 98 bis,

 21   acquittement. Je ne vais pas revenir sur certains aspects qui ont été

 22   longuement développés dans la décision de la Chambre, mais je dois rappeler

 23   quelques éléments-clés. Selon le texte ancien, tel qu'amendé le 17 novembre

 24   1999, un accusé peut déposer une requête aux fins d'acquittement pour une

 25   ou plusieurs des infractions figurant dans l'acte d'accusation dans les

 26   sept jours suivant la fin de la présentation des moyens à charge, et dans

 27   tous les cas, avant la présentation des moyens à décharge en application de

 28   l'article 85(a)(i).


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  1   (B), si la Chambre de première instance estime que les éléments de preuve

  2   présentés ne suffisent pas à justifier une condamnation pour cette ou ces

  3   accusations, elle prononce l'acquittement à la demande de l'accusé ou

  4   d'office.

  5   L'application par les Chambres de ce texte ancien a donné lieu à des

  6   décisions écrites fort longues, parfois avec des opinions dissidentes et

  7   saisies de la Chambre d'appel. Cette procédure prenait du temps et était

  8   susceptible de retarder le procès. Dans ces conditions, la réforme

  9   intervenue en 2004, sous l'impulsion du Président du Tribunal, avait pour

 10   objectif d'accélérer la procédure, en la transformant en procédure orale et

 11   non plus écrite. Le texte, qui a été adopté le 8 décembre 2004, est le

 12   suivant :

 13   "A la fin de la présentation des moyens à charge, la Chambre de

 14   première instance doit, par décision orale et après avoir entendu les

 15   arguments oraux des parties, prononcer l'acquittement de tout chef

 16   d'accusation pour lequel il n'y a pas d'élément de preuve susceptible de

 17   justifier une condamnation."

 18   La procédure de l'article 98 bis du Règlement, en raison de la modification

 19   de cet article intervenu en 2004, ne permet pas, dans le cadre de la

 20   décision orale et de l'opinion orale, d'entrer dans le détail par des

 21   références extrêmement précises, comme cela se faisait antérieurement lors

 22   des décisions écrites en la matière.

 23   L'impossibilité technique d'aller plus en avant dans la précision m'empêche

 24   d'examiner, crime par crime, la question de l'imputabilité à un auteur

 25   précis, et à ce stade, je peux uniquement conclure que l'auteur est présumé

 26   appartenir aux forces serbes sans autres précisions. Lesquelles forces

 27   serbes sont constituées d'unités régulières, de défenseurs locaux, émanant

 28   souvent de la Défense territoriale locale, d'éléments venant d'unités


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  1   paramilitaires de type hommes d'Arkan, Guêpes jaunes, Abeilles blanches,

  2   hommes de Seselj, ainsi que des volontaires sans précision ou des

  3   volontaires apparentés à un type de parti politique de type Volontaires du

  4   Parti radical serbe.

  5   La majorité de la Chambre estime qu'il n'est pas possible d'acquitter

  6   partiellement à la lecture du texte. Je suis en total désaccord avec cette

  7   interprétation, d'autant que je suis le coauteur avec un autre Juge dudit

  8   texte. L'objectif de la réforme n'a jamais été de mettre en place le refus

  9   d'un acquittement partiel. Il aurait été paradoxal que le but même de la

 10   réforme qui est de gagner du temps, aboutisse à l'effet inverse, du fait

 11   même qu'il ne puisse pas y avoir d'acquittement partiel. Il serait tout

 12   aussi paradoxal d'obliger l'accusé à introduire des moyens de preuve alors

 13   même que pour certains chefs d'accusation ou parties de chef d'accusation,

 14   le Procureur n'a présenté aucun élément de preuve ou que l'élément de

 15   preuve présenté n'est pas suffisant.

 16   Dans ces conditions, j'estime contrairement à la majorité, que la Chambre

 17   pouvait acquitter soit partiellement soit totalement l'accusé.

 18   Par ailleurs, les versions anglaises et françaises font foi. En français,

 19   le fait d'avoir le terme "chef d'accusation" au lieu de celui

 20   "d'infraction" sur le plan sémantique revient au même, car un crime est

 21   constitutif d'une infraction ou d'un chef d'accusation. Le fait que

 22   postérieurement à l'adoption de cet article il n'y a pas eu d'acquittement

 23   partiel de prononcé ne signifie pas que ceci soit impossible. C'est parce

 24   que les Chambres n'ont pas examiné la question ou ne l'ont pas voulu.

 25   La procédure de l'article 98 bis, du fait qu'elle intervient après la

 26   présentation des moyens à charge et avant la présentation des moyens à

 27   décharge, est très similaire aux requêtes dites "no-case-to-answer" des

 28   pays de common law, acquittement pour insuffisance des moyens à charge, la


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  1   Défense n'ayant pas lieu de répondre. Bien que le concept sur lequel repose

  2   l'article 98 bis du Règlement soit emprunté à la common law, cet article

  3   doit être interprété dans le contexte qui est le sien et à la lumière du

  4   Statut et du Règlement. Ainsi des divergences peuvent apparaître entre

  5   l'application qui est faite au Tribunal et celle qui est faite dans les

  6   pays de système "common law", notamment sur la question du critère

  7   applicable pour faire droit à une requête en application de l'article 98

  8   bis.

  9   Le Juge de la Chambre, comme l'a indiqué la jurisprudence constante de la

 10   Chambre d'appel depuis l'arrêt de la Chambre d'appel dans l'affaire le

 11   Procureur contre Jelisic, doit apprécier si le Juge prononcerait

 12   effectivement une condamnation au-delà de tout doute raisonnable au vu des

 13   moyens à charge. En effet, la Chambre d'appel a dit ceci, je vais la citer

 14   :

 15   "L'Accusation soutient qu'en exigeant qu'elle ait établi la culpabilité au-

 16   delà de tout doute raisonnable à l'issue de la présentation principale de

 17   ses moyens de preuve, la Chambre de première instance a appliqué un critère

 18   autre que celui exigé en droit est plus contraignant. De son point de vue,

 19   il eut fallu à ce stade rechercher si, au vu des éléments de preuve, s'ils

 20   étaient admis, un tribunal raisonnable aurait pu, et non pas dû, déclarer

 21   l'accusé coupable. La question n'est pas de savoir si, au vu des éléments

 22   de preuve en l'état, l'accusé devrait être déclaré coupable, mais s'il

 23   pourrait l'être."

 24   La jurisprudence de ce Tribunal concernant la mise en œuvre de

 25   l'article 98 bis du Règlement a de manière permanente indiqué que les Juges

 26   doivent acquitter si les éléments de preuve présentés par l'Accusation ne

 27   permettent pas à un Juge raisonnable au-delà de tout doute raisonnable

 28   d'envisager la culpabilité de l'accusé.


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  1   Pourquoi la jurisprudence anglo-saxonne a-t-elle éprouvé la nécessité

  2   d'accoler l'adjectif "raisonnable" au terme "Juge" ? Par définition, le

  3   Juge ne doit pas être déraisonnable, comme il ne doit ni être incompétent

  4   ni impartial. Cependant, la jurisprudence common law a bien édicté les

  5   termes de "juge raisonnable".

  6   De même, pourquoi a-t-on inscrit "au-delà de tout doute raisonnable"

  7   ? Au-delà de tout doute raisonnable est le standard exigé en matière de

  8   preuve dans un procès pénal de type accusatoire. Cela signifie que les

  9   éléments de preuve présentés par l'Accusation doivent prouver, dans la

 10   mesure où il ne peut exister de doute dans l'esprit d'un Juge raisonnable,

 11   que l'accusé est coupable.

 12   La notion de Juge raisonnable renvoie à une fiction juridique, un

 13   standard à partir duquel la conduite d'un individu est mesurée. Ce standard

 14   est utilisé en common law, en droit de la responsabilité civile surtout,

 15   pour déterminer si une violation du "duty of care" a été commise. Il s'agit

 16   de l'équivalent de la "notion de bon père de famille". Individu abstrait

 17   considéré comme la norme comportementale à partir de laquelle se mesure le

 18   comportement d'une personne donnée pour déterminer l'existence ou la mesure

 19   d'une éventuelle faute.

 20   La notion de Juge raisonnable renvoie donc certainement à un standard

 21   de référence à partir duquel est mesurée par l'appréciation par le Juge

 22   d'un doute raisonnable. Le contenu de la notion de doute raisonnable dans

 23   un procès pénal est par la subjectivité qu'il implique incertain. Cette

 24   notion est considérée aux Etats-Unis comme une garantie fondamentale pour

 25   les droits de l'accusé, alors qu'elle a quasiment été abandonnée en

 26   Angleterre dans le cadre du procès pénal.

 27   En principe, lorsqu'un juge éprouve un doute, le doute doit profiter

 28   à l'accusé. Les termes "au-delà de tout doute raisonnable" créent, selon


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  1   moi, un standard supérieur. Il m'apparaît en effet que le Juge doit être

  2   convaincu, sans l'ombre d'une hésitation, que l'accusé, à l'analyse des

  3   éléments de preuve, pourrait être déclaré coupable. Ainsi, la jurisprudence

  4   de ce Tribunal est très exigeante, et il ne s'agit pas d'effectuer un

  5   examen prima facie des éléments de preuve, mais bien un véritable examen au

  6   fond avec toute la rigueur applicable dans l'appréciation des éléments de

  7   preuve.

  8   En un mot, il ne s'agit pas simplement de dire ou constater des

  9   faits, mais encore faut-il expliquer pourquoi et quels sont les éléments de

 10   preuve probants pour l'Accusation, à charge, qui pourraient permettre, le

 11   cas échéant, à un Juge raisonnable d'entrer en voie de déclaration de

 12   culpabilité.

 13   De même, pour prendre sa décision, la Chambre doit déterminer s'il

 14   existe pour chacun des éléments constitutifs des éléments qui, portés à

 15   leur valeur maximale, seraient susceptibles de la convaincre au-delà de

 16   tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé. Les Chambres de

 17   première instance ont eu l'occasion à plusieurs reprises de statuer sur ce

 18   genre de requêtes et de prononcer des acquittements partiels. Et dans

 19   d'autres cas, les Chambres ont purement et simplement rejeté les requêtes.

 20   Concernant l'acquittement partiel, je peux citer la décision du 6

 21   avril 2000 dans l'affaire Kordic et Cerkez; la décision du 28 février 2002

 22   dans l'affaire Martinovic et Naletilic; la décision du 28 novembre 2003

 23   dans l'affaire Brdjanin; la décision du 16 juin 2004 dans l'affaire

 24   Slobodan Milosevic; et la décision du 27 septembre 2004 dans l'affaire

 25   Hadzihasanovic et Kubura.

 26   L'acquittement partiel est en droit possible, car il correspond tant

 27   à la lettre qu'à l'esprit de l'article 98 bis. En effet, pourquoi l'accusé

 28   devrait-il, dans la présentation de ses éléments de preuve, faire venir des


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  1   témoins pour réfuter des éléments à l'appui d'une infraction ? Ainsi, dans

  2   l'affaire Slobodan Milosevic, la Chambre a rendu toute une série

  3   d'acquittements concernant le volet Bosnie-Herzégovine, constatant d'une

  4   part qu'il n'y avait pas d'éléments de preuve pour certains paragraphes, et

  5   d'autre part, que les éléments de preuve présentés étaient insuffisants.

  6   Dans une décision récente dans l'affaire Milutinovic et autres, qui a

  7   été, elle, rendue après la réforme de 2008, la Chambre de première instance

  8   dans sa décision orale a dit, je cite :

  9   "Lorsqu'il n'existe pas de preuve pour justifier une condamnation, la

 10   demande sera accueillie. Par contre, s'il existe des éléments de preuve

 11   mais que la Chambre de première instance, même en leur accordant leur

 12   valeur maximum, ne peut prononcer de condamnation, la requête sera

 13   également accueillie. Lorsqu'il existe certains éléments de preuve mais

 14   qu'ils sont tels que leur valeur, leur faiblesse dépend de la foi accordée

 15   à un témoin, et si la Chambre de première instance, ayant procédé à sa

 16   propre analyse, pourrait prononcer une condamnation, la demande ne sera pas

 17   accueillie."

 18   Et de même, la Chambre Milutinovic a fait référence au critère

 19   juridique de l'arrêt Jelisic et aux décisions 98 bis rendues dans les

 20   affaires Slobodan Milosevic, Mrksic, Martic, et Dragomir Milosevic.

 21   L'objectif de l'article 98 bis est particulièrement clair. Il tend à

 22   éviter la poursuite d'un procès pour le cas où l'Accusation n'aurait pas

 23   suffisamment apporté de preuves de ses allégations, et ce, en l'absence de

 24   tout examen de la position de la Défense via ses moyens de preuve déjà

 25   évoqués ou à venir.

 26   En outre, s'agissant d'une affaire très longue, puisque l'accusé est

 27   en détention provisoire depuis plus de huit ans, j'estime que le standard

 28   d'examen des éléments de preuve de l'article 98 bis doit être plus exigeant


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  1   que dans un cas ordinaire où le procès est mené rapidement, en conformité

  2   avec le Statut du Tribunal. En effet, il serait inéquitable de poursuivre

  3   un procès alors même que les preuves rapportées seraient insuffisantes, et

  4   ce, d'autant que la détention provisoire aurait été très longue et que, par

  5   ailleurs, l'Accusation aurait largement eu le temps de peaufiner son

  6   enquête puisqu'il est usage au Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie que

  7   l'Accusation, pendant le procès, continue son enquête en introduisant,

  8   selon son bon vouloir, des éléments de preuve nouveaux, et ce, parfois au

  9   dernier moment, comme ceci a été le cas avec les carnets du général Mladic.

 10   Je me dois maintenant d'examiner les crimes allégués dans l'acte

 11   d'accusation commis en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, et en Serbie.

 12   Concernant les crimes allégués dans l'acte d'accusation, il

 13   m'apparaît que ceux-ci sont, pour certains, établis par les éléments de

 14   preuve présentés par l'Accusation, et d'autres ne l'ayant pas été. Je vais

 15   présenter dans les annexes qui vont apparaître tout à l'heure sur l'écran

 16   les éléments de preuve qui, de mon avis, pourraient permettre à un Juge

 17   raisonnable de conclure qu'il y a eu crime au sens du Statut du Tribunal.

 18   Pour les crimes commis dans les municipalités, je rappellerai pour

 19   chacun d'entre eux les éléments de preuve avancés par l'Accusation, tant

 20   dans son mémoire préalable que dans ses observations orales. Je ne vais pas

 21   rappeler la position de l'accusé, qui a été détaillée lors de la lecture de

 22   la décision majoritaire de la Chambre dans le chapitre 1, rappel de la

 23   procédure. En revanche, je me dois de rappeler la position de l'Accusation

 24   de façon détaillée en citant les témoins et les documents à l'appui de ses

 25   allégations concernant les crimes, et c'est ce que je vais maintenant faire

 26   pour les crimes commis en Croatie, Bosnie-Herzégovine, et en Serbie.

 27   Dans la mesure où il y a de très nombreuses références, je vais faire

 28   apparaître sur l'écran le tableau récapitulatif des éléments de preuve de


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  1   l'Accusation. Mais avant cela, je me dois de faire part d'autres éléments.

  2   L'examen attentif des éléments de preuve admis et des témoignages

  3   entendus par la Chambre pendant la phase de présentation des éléments à

  4   charge permettrait à un Juge raisonnable de conclure au-delà de tout doute

  5   que les crimes allégués dans l'acte d'accusation ont eu lieu, sans que ceci

  6   puisse faire l'ombre d'une contestation, à l'exception de quelques points

  7   que je vais indiquer ci-après.

  8   Ainsi, il peut être conclu que dans le champ temporel de l'acte

  9   d'accusation, allant d'août 1991 à septembre 1993, des actions militaires

 10   ont été menées dans plusieurs localités de l'ex-Yougoslavie, notamment en

 11   Croatie, en Bosnie-Herzégovine, et en Serbie, et principalement dans les

 12   localités de Zvornik, Vukovar, Mostar, Nevesinje, et Bijeljina, dans le

 13   cadre desquelles des civils ou des combattants adverses ont été capturés,

 14   certains ont été détenus, d'autres ont été maltraités, et un grand nombre

 15   ont été exécutés. La liste des victimes citées en illustration de ces

 16   crimes se trouve aux annexes 3, 4, 5, 7, 9, 10, et 11 de l'acte

 17   d'accusation.

 18   Ceci étant dit, concernant les chefs 12 et 13, destruction sans motif

 19   de biens publics ou privés, l'Accusation rapporte-elle suffisamment la

 20   preuve que les crimes commis aux périodes mentionnées au paragraphe 34 de

 21   l'acte d'accusation et dans les localités visées l'ont bien été par les

 22   groupes évoluant sur le terrain et relevant de l'autorité de la JNA ou de

 23   la VRS, autorités militaires ?

 24   Ainsi, concernant les destructions des édifices, si certains d'entre

 25   eux ont effectivement été endommagés ou totalement détruits, il n'en

 26   demeure pas moins que le rapport de l'expert de l'Accusation, M. Andras

 27   Riedlmayer, ne permet pas d'imputer directement ces destructions à un

 28   groupe ni de donner des dates exactes. Il apparaît que l'expert s'est basé


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  1   sur des documents postérieurs aux événements et sur des clichés pris avant,

  2   pendant, ou après les événements. Dès lors, comment conclure que dans une

  3   localité donnée une mosquée complètement détruite soit aujourd'hui un

  4   parking, n'a-t-elle pas été détruite par la municipalité concernée après

  5   les événements pour diverses raisons, et notamment du fait que celle-ci

  6   mène à ces ruines.

  7   L'expert n'a pas répondu à ce type de préoccupations, et si j'ai des

  8   éléments pour conclure que ces édifices ont été endommagés ou détruits, je

  9   n'en ai pas suffisamment pour imputer ces destructions ou dégradations à un

 10   groupe déterminé ayant agi sous l'autorité directe de l'accusé, telle

 11   qu'allégué au paragraphe 34 de l'acte d'accusation, en retenant toutes les

 12   formes de responsabilité, y compris la forme 3 de l'entreprise criminelle

 13   commune.

 14   Je tiens également à ajouter que pour Mostar, les nombreux édifices

 15   ont pu être détruits lors du conflit entre les Serbes et les Musulmans et

 16   Croates, ou pendant le conflit entre les Musulmans et les Croates, ce qui

 17   introduit un élément supplémentaire de doute.

 18   Ainsi, concernant les chefs d'accusation 12 et 13 relatifs à la

 19   destruction sans motif de biens publics ou privés, il convient en l'état

 20   d'exclure, faute d'éléments, les lieux de culte suivants : à Mostar, la

 21   mosquée Nesuh Aga Vucjakovic, le monastère franciscain, et le Most Sacred

 22   Heart of Jesus.

 23   A Nevesinje, la tour de l'horloge islamique, la mosquée de Hadzi

 24   Dervis Cucak, la mosquée du marché, et la mosquée de Sinan Dede Efendi.

 25   Concernant la municipalité de Zvornik, le Mekted et la mosquée de

 26   Gusteri, la nouvelle mosquée de Donji Krizevici, la mosquée de Sravke, et

 27   la mosquée de Vitinica.

 28   Dans la région de Sarajevo, la mosquée Hadzi Idriz à Hrasno, et


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  1   l'église catholique paroissienne de la Sainte Trinité à Novo Sarajevo. Car

  2   ne devrons être retenus que des édifices lourdement endommagés. Vous verrez

  3   tout à l'heure sur le tableau, cela je vais les caractériser par le sigle

  4   LDE, les édifices partiellement détruits, qui seront caractérisés par les

  5   lettres PD, ou complètement détruits, par le sigle CD. Toutefois, à

  6   l'inverse des crimes de pillage, que je vais développer ci-après, même si

  7   en l'état certaines insuffisances décrites ci-dessus existent, la Chambre,

  8   pour délibérer, disposera du rapport de l'expert et de certains documents

  9   pouvant lui permettre de conclure de façon très précise à la destruction de

 10   tel ou tel édifice, et ce, à la date précise, avec une identification

 11   précise des auteurs. De ce fait, un Juge raisonnable pourrait conclure à

 12   l'existence de ces destructions en l'état.

 13   Concernant le chef 14, pillage. L'Accusation rapporte au paragraphe 34 de

 14   l'acte d'accusation, que des biens publics ou privés ont été pillés dans

 15   les municipalités de Zvornik, la région de Sarajevo, de Mostar, de

 16   Nevesinje. Il m'apparaît nécessaire concernant les pillages effectués

 17   d'avoir au minimum les éléments de preuve intangibles tels que la liste des

 18   victimes des pillages, la description précise des biens pillés, les photos

 19   ou constats par procès-verbal des biens, les éléments d'identification des

 20   auteurs. Force est de constater que ces éléments de preuve sont dans le cas

 21   présent inexistants. Je ne peux donc conclure que des centaines

 22   d'habitations ont été pillées à Vukovar, Zvornik, dans la région de

 23   Sarajevo, à Vogosca, à Mostar et à Nevesinje.

 24   En conséquence, je vais maintenant présenter sur l'écran les tableaux

 25   qui comprennent, selon moi, les éléments de preuve pouvant permettre à un

 26   Juge raisonnable de constater que les crimes allégués ont été commis de

 27   manière certaine. Alors, je demande à l'huissier de mettre d'abord le

 28   tableau récapitulatif des éléments de preuve allégués par l'Accusation.


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  1   Voilà.

  2   Alors vous avez sous les yeux municipalité par municipalité; la

  3   colonne "exhibits" qui sont relatifs aux documents qui, selon le Procureur,

  4   attesteraient ces crimes. Et dans la colonne "witnesses", les numéros des

  5   témoins qui ont déposé sur ces crimes. Voilà, ce tableau général retrace la

  6   position du Procureur.

  7   Alors je vais rentrer dans le détail maintenant, et je vais demander

  8   à M. l'Huissier de présenter l'annexe 1, qui concerne les crimes de

  9   Vukovar.

 10   Dans cette annexe, il y a dans la colonne de gauche les paragraphes

 11   de l'acte d'accusation; ensuite les paragraphes du mémoire préalable; il y

 12   a les notes de bas de page qui renvoient à ces paragraphes; et vous avez

 13   sur la colonne de droite les témoins et documents qui, de mon point de vue,

 14   peuvent établir qu'à Vukovar des crimes ont été commis. Ainsi, pour le

 15   paragraphe 16, je ne vais pas rentrer dans le détail, les Témoins VS-011,

 16   VS-015. Voilà.

 17   Alors je remettrai tout à l'heure à M. Marcussen et M. Seselj ces

 18   tableaux, comme ça ils auront l'occasion de vérifier tout ça. Et croyez-

 19   moi, ça m'a pris des heures.

 20   Annexe numéro 2, pour Vocin. Selon le même principe, vous avez les

 21   paragraphes de l'acte d'accusation; les paragraphes du mémoire préalable;

 22   les "footnotes"; et les témoins ou documents à l'appui de ce que le

 23   Procureur allègue.

 24   Nous allons passer à Bijeljina, annexe 3. Donc je ne vais pas lire à

 25   chaque fois parce que nous y serions encore là la semaine prochaine. Donc à

 26   Bijeljina, voilà les paragraphes de l'acte d'accusation qui évoquent

 27   Bijeljina; les paragraphes du mémoire préalable; les "footnotes"; et les

 28   témoins ou documents.


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  1   Nous allons passer maintenant à Brcko. Pour Brcko, vous avez les

  2   paragraphes de l'acte d'accusation; mémoire préalable; "footnotes"; témoins

  3   et documents. Et pour Brcko, vous notez principalement que ceci repose sur

  4   peu de témoins, et notamment le 1033.

  5   Nous passons à l'annexe 5, Bosanski Samac. Alors, là aussi, les

  6   paragraphes de l'acte d'accusation; du mémoire préalable; toutes les

  7   "footnotes" détaillées; et les témoins ou documents. Et vous notez, par

  8   exemple, qu'il y a également une interview de M. Seselj que je mentionne à

  9   l'appui du paragraphe 16 de l'acte d'accusation, au paragraphe 86 du

 10   mémoire préalable.

 11   Zvornik, c'est l'annexe 6. Bien, alors, là, pour Zvornik, nous avons

 12   donc, comme c'est assez long, il y a donc deux feuillets. Donc les

 13   paragraphes sont à gauche de l'acte d'accusation. Le mémoire préalable

 14   c'est de 91, comme vous le voyez, à 94. Et puis toutes les notes de bas de

 15   page figurent et, face à Zvornik, la masse des témoins, qui ont déposé et

 16   qui ont évoqué Zvornik avec leur numéro, et cetera, et cetera.

 17   Tout ça est à votre disposition, et vous verrez ça à tête reposée, ça

 18   vous prendra certainement des centaines d'heures.

 19   Annexe 7, région de Sarajevo. Paragraphes de l'acte d'accusation,

 20   pareil; mémoire préalable; "footnotes"; témoins et documents. Voilà. Et là,

 21   vous avez également ce qu'il faut. Nous passons, alors ça c'est la suite de

 22   Sarajevo, puisque c'est assez long.

 23   Nous passons à Mostar, l'annexe 8. Alors Mostar est condensée sur un

 24   feuillet. Dans le mémoire préalable c'est les paragraphes 109 à 116; les

 25   notes de bas de page; et tous les témoins qui ont déposé sur Mostar. Il y

 26   en a eu plusieurs, et vous avez tous les numéros utiles.

 27   Nous passons à l'annexe 9, Nevesinje. Là aussi, ce travail de

 28   bénédictin a permis de caractériser tous les paragraphes de l'acte


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  1   d'accusation; du mémoire préalable; notes de bas de page; et documents ou

  2   témoignages. Et notamment, je fais référence au fameux document P31, qui

  3   est l'audition de M. Seselj qui a prêté serment dans l'affaire Milosevic,

  4   avec les références aux pages de l'affaire Milosevic, bien entendu, car

  5   j'ai lu tout ça.

  6   Annexe 10, Hrtkovci. Alors cette localité est importante, vous le

  7   savez. Pour cette localité, nous avons donc les paragraphes de l'acte

  8   d'accusation; les paragraphes du mémoire préalable 122 à 129, il y a encore

  9   un autre feuillet qui suit. Voilà. Et nous avons donc les témoins qui ont

 10   parlé. Il y en a plusieurs, et vous avez donc les numéros. Voilà.

 11   Alors je vais passer à l'annexe 11. Je vous remercie, Monsieur l'Huissier,

 12   qui est très efficace et ça nous permet de gagner du temps.

 13   Alors, je vais expliquer à M. Marcussen et à M. Seselj. Ce tableau recense

 14   toutes les victimes croates qui, selon l'Accusation, auraient été expulsées

 15   ou forcées à quitter la région pour partir en Croatie ou ailleurs. Il y a

 16   exactement plusieurs centaines de personnes, il y en a 28 pages.

 17   Et sur la colonne de droite, j'enlève toutes les mentions de

 18   personnes dont la destination est inconnue. Ainsi le numéro 4, 18, 19, et

 19   21. Et puis à la page 2, les 26, 27, 28, 33, 34, 36, 40, 43, 47, et 48.

 20   Parce que si pour certains nous avons la certitude qu'ils ont bien

 21   été en Croatie et à Zagreb, d'autres, dans le document, il y a marqué

 22   "destination inconnue". Donc on ne sait pas s'ils sont partis, s'ils sont

 23   partis en raison d'une expulsion au transfert forcé, s'ils sont partis

 24   d'eux-mêmes. Donc il y a un doute. De ce fait, je retire de l'annexe 11 les

 25   233 personnes, ce qui voudrait dire que, le cas échéant, si M. Seselj

 26   devait être déclaré coupable, à ce moment-là, de mon point de vue, on

 27   devrait l'acquitter pour les victimes dont les numéros sont sur la colonne

 28   de droite, car je n'ai aucun élément pour savoir si celles-ci ont bien


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  1   quitté la localité. Car on ne sait pas où elles sont parties.

  2   Alors j'en viens à l'annexe 12, qui était ce que j'ai indiqué pour les

  3   mosquées, les édifices religieux et catholiques. Alors vous voyez dans la

  4   légende, il y a en anglais donc SD, PD, CD, et AB, et chaque lettre

  5   correspond à une qualification. Alors j'ai partagé les monuments religieux

  6   en deux catégories; les monuments musulmans et les monuments catholiques.

  7   Et j'ai listé tous les édifices qui ont été soit lourdement endommagés,

  8   c'est la première colonne; soit partiellement détruits, c'est la deuxième

  9   colonne; soit totalement détruits, c'est la troisième colonne.

 10   Ainsi, à titre d'exemple, vous voyez, par exemple, que le couvent des

 11   Sœurs franciscaines ont été lourdement endommagés. Par contre, l'église

 12   Saint-Pierre et Paul, XIXe siècle, elle, elle a été partiellement détruite.

 13   Et ça c'est pour Mostar.

 14   Alors page suivante, c'est Nevesinje. Alors, là, vous voyez pour cette

 15   municipalité pour les édifices totalement détruits, ils sont sur la colonne

 16   de droite, je les ai donc cités. Et vous voyez, par exemple, que les

 17   archives islamiques, elles, ont été totalement détruites.

 18   Ensuite Zvornik. Donc ce travail de bénédictin m'a conduit à regarder

 19   édifice par édifice, et voilà les conclusions auxquelles je suis arrivé sur

 20   la destruction partielle, lourdement ou totalement. Et vous voyez, par

 21   exemple, que la mosquée du XVIIIe siècle de Begsuja, elle, elle a été

 22   totalement détruite à Zvornik. Bien. Il y a -- et donc ça continue. Cette

 23   ville avait un nombre d'édifices religieux très importants.

 24   Alors on va passer à la région de Sarajevo. Bien, alors il y a Novi Grad,

 25   Novo Sarajevo, et donc là, il est répertorié les édifices.

 26   Nous passons à Vogosca. Là aussi, les édifices sont répartis selon l'état

 27   des destructions. Et vous avez donc Vogosca et en dessous Ilijas. Il y a

 28   encore une liste pour Ilijas. Voilà. Voilà.


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  1   Alors tableau suivant. Voilà, nous avons donc vu tous les éléments de

  2   preuve pouvant permettre de dire qu'il y a eu des crimes.

  3   La question maintenant qui se pose est de savoir à qui les imputer. Pour

  4   cela, je suis amené à évoquer le paragraphe 4, la responsabilité pénale

  5   individuelle. Les modes de responsabilités. Au paragraphe 130 du mémoire

  6   préalable, l'Accusation affirme que la responsabilité pénale individuelle

  7   de Vojislav Seselj est mise en cause pour les chefs de l'acte d'accusation

  8   selon les formes énumérées à l'article 7(1) du Statut, qui reprend les

  9   paragraphes 5 à 14 de l'acte d'accusation.

 10   S'agissant de commettre, Vojislav Seselj est poursuivi pour avoir

 11   participé à l'ECC et également pour avoir matériellement commis petit (a),

 12   les crimes de persécution par le biais de discours appelant à la haine dans

 13   le cadre des événements survenus à Vukovar, Croatie, à Zvornik, Bosnie-

 14   Herzégovine, Hrtkovci, Vojvodine, Serbie, et petit (b), les crimes

 15   d'expulsion et de transfert forcé dans le cadre des événements survenus à

 16   Hrtkovci.

 17   Alors concernant donc la responsabilité directe de l'accusé, je me

 18   dois d'examiner les formes découlant de la responsabilité en suivant le

 19   plan suivant : la planification, l'incitation à commettre, le fait

 20   d'ordonner, commettre au sein de l'ECC, commission personnelle des crimes

 21   de persécution, d'expulsion et de transfert forcé, et en petit (e), le fait

 22   d'aider et d'encourager.

 23   Par le raisonnement que je vais développer, je vais être amené à

 24   conclure de mon point de vue à l'acquittement de l'accusé pour plusieurs

 25   modes de responsabilité, comme vous allez le voir.

 26   La planification. L'Accusation, au paragraphe 143 du mémoire

 27   préalable, soutient que l'accusé a planifié les crimes de persécution, de

 28   meurtre, de torture, de traitement cruel, d'expulsion, de transfert forcé,


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  1   de destruction sans motif, et de pillage de biens publics ou privés à

  2   Vukovar et à Zvornik, chefs 1, 4, 8, 9, et 10 à 14. Paragraphes 15 à 18, 20

  3   à 22, 24 et 26, et 26 à 34 de l'acte d'accusation. Et les crimes de

  4   persécution, d'expulsion, et de transfert forcé à Hrtkovci, chefs 1, 10, et

  5   11, paragraphes 15 à 17, et 31 à 33 de l'acte d'accusation.

  6   L'Accusation avance que l'élément moral de la planification des crimes à

  7   Vukovar et à Zvornik découle des ses discours incendiaires, du fait qu'il

  8   ait approuvé l'envoi dans ces zones de volontaires dont il savait qu'ils

  9   s'étaient livrés à des agissements criminels sur les champs de batail.

 10   Troisièmement, du fait que les crimes ont effectivement eu lieu.

 11   L'Accusation ajoute que pour Hrtkovci, l'état d'esprit de la

 12   planification est concrétisé par les déclarations faites par les Témoins

 13   VS-015, VS-026, VS-1133.

 14   J'estime, en premier lieu, qu'une planification sous-entend au minimum un

 15   plan avec des participants et un maître d'œuvre, d'autant qu'à Vukovar

 16   l'intervention de la JNA n'a pu avoir lieu qu'à la suite d'une décision à

 17   très haut niveau impliquant le commandant militaire et que, dans ce cadre,

 18   l'opposant politique en la personne de l'accusé n'avait aucun rôle

 19   concernant la planification. Le fait que des volontaires aient été présents

 20   à Vukovar ou envoyés à Zvornik ne suffit pas en lui-même à dire qu'il a

 21   planifié ou qu'il a été un auteur de la planification.

 22   En ce qui concerne Hrtkovci, l'accusé n'a pas planifié lui-même les

 23   expulsions ou la campagne de persécution. Il convient d'observer qu'au

 24   moment où il prononce son discours, et pour ceux qui l'ont oublié, je le

 25   cite de mémoire, le 6 mai 1992, il fait une tournée électorale et ne

 26   dispose d'aucuns moyens de contrainte à l'égard de la population civile en

 27   qualité éventuelle d'auteur principal de la planification.

 28   L'élément moral de la planification ne peut être directement tiré des


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  1   discours incendiaires, car il ne peut être tiré un lien suffisant entre des

  2   propos qui auraient été tenus à Vukovar, ce qui est loin d'être établi, et

  3   une réunion à Mali Zvornik qui, elle, n'a pas eu lieu à la date indiquée

  4   par l'Accusation, selon moi.

  5   J'estime, en second lieu, que le fait que l'accusé ait approuvé l'envoi de

  6   volontaires ne signifie pas qu'il savait que certains d'entre eux allaient

  7   commettre des crimes sur le terrain. A cet égard, il conviendrait de faire

  8   une distinction dans le temps entre l'envoi de volontaires de manière

  9   spontanée, Borovo Selo, et l'envoi de volontaires à la demande de Slobodan

 10   Milosevic et dans le cadre légal.

 11   De plus, en l'état, il m'apparaît une insuffisance manifeste

 12   d'éléments de preuve permettant de démontrer de manière certaine qu'un

 13   adhérent du Parti radical serbe a commis quel crime précis. Le fait que les

 14   crimes allégués ont eu lieu ne signifie pas pour autant qu'ils étaient

 15   auparavant planifiés.

 16   Il est allégué dans l'acte d'accusation et le mémoire préalable, à

 17   plusieurs reprises, l'existence de volontaires du Parti radical serbe,

 18   hommes de Seselj, qui ont participé à la commission de multiples crimes.

 19   S'il est exact que plusieurs témoins, soit au sein de leurs déclarations

 20   faites au bureau du Procureur soit à l'audience, ont évoqué l'existence de

 21   volontaires du Parti radical serbe, hommes de Seselj, il n'en demeure pas

 22   moins qu'un Juge raisonnable se doit, pour concrétiser la réalité des dires

 23   des uns et des autres, avoir en sa possession deux preuves matérielles

 24   irréfutables.

 25   Le premier élément de preuve qui, pour moi, doit être irréfutable, ça

 26   doit être le livret militaire du volontaire qui porte mention de son

 27   affectation à un poste et à une unité militaire, identifié par les

 28   initiales VP, suivi d'un chiffre. Il suffit de se reporter au témoignage du


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  1   Témoin Goran Stoparic lors de l'audience publique tenue le 15 janvier 2008,

  2   transcript page 2 315, où il nous a expliqué tout cela.

  3   Le deuxième élément matériel qui, pour moi, doit être irréfutable et

  4   qui doit être croisé avec le premier élément est la carte d'adhésion au

  5   Parti radical serbe dont disposait chaque adhérent au parti.

  6   Faute du croisement entre ces deux éléments, un Juge raisonnable ne

  7   pourrait conclure que le volontaire X, affecté à l'unité Y, ayant commis un

  8   crime donné, était un volontaire du Parti radical serbe.

  9   Qui plus est, les nombreuses auditions des témoins de l'Accusation,

 10   les photos et vidéos qui ont été présentées et admises par la Chambre

 11   permettent de conclure que chaque combattant était porteur de vêtements

 12   très divers, ne permettant pas de caractériser une appartenance à une unité

 13   quelconque en l'absence d'écusson ou tout autre signe distinctif

 14   répertoriant l'unité. De même, certains d'entre eux portaient la sajkaca,

 15   d'autres ne la portaient pas, ou portaient un casque, ou n'avaient ni

 16   casque ni sajkaca.

 17   Il est certain qu'à l'examen des éléments de preuve admis, chaque

 18   volontaire était soumis à une chaîne de commandement militaire qui n'était

 19   pas, selon moi, celle du Parti radical serbe.

 20   J'estime donc que l'accusé doit être acquitté de ce mode de

 21   responsabilité fondé sur la planification.

 22   Alors je regarde l'heure. Il doit rester dix minutes. Bon, je crois

 23   qu'en dix minutes je vais avoir le temps de lire trois pages, et comme ça,

 24   j'aurai fait le tiers de ce que j'ai à dire.

 25   Incitation à commettre. La majorité a décidé de n'examiner que ce

 26   mode de responsabilité. Alors que moi-même, j'examine tous les modes de

 27   responsabilité.

 28   L'Accusation, aux paragraphes 146, 147, 148 du mémoire préalable, affirme


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  1   en s'appuyant sur plusieurs jugements et arrêts, Kvocka, Kordic, Blaskic,

  2   Krstic, Nahimana, Brdjanin, Akayesu, que l'accusé a incité à commettre les

  3   crimes de persécution, de meurtre, de torture, de traitements cruels,

  4   d'expulsion, de transfert forcé, de destructions sans motif et de pillage

  5   de biens publics ou privés à Vukovar et à Zvornik. Chefs 1, 4, 8, 9, et 10,

  6   10 à 14, et paragraphes 15 à 18, 20 à 22, 24 et 26, 26 à 34 de l'acte

  7   d'accusation. Et les crimes de persécution d'expulsion et de transfert

  8   forcés à Hrtkovci, chefs 1, 10 et 11, paragraphes 15 à 17, et 31 à 33 de

  9   l'acte d'accusation, par des discours incendiaires qu'il a prononcés quand

 10   il a visité ces localités ou d'autres à proximité, comme Mali Zvornik.

 11   Concernant les propos tenus par l'accusé à Vukovar, il se trouve que les

 12   éléments de preuve produits ne prouvent pas que l'accusé les ait prononcés.

 13   En effet, le Témoin VS-027, à l'examen de sa déposition, n'est pas pour moi

 14   totalement crédible à mes yeux. D'autant que, par ailleurs, dans le

 15   jugement Mrkic, Radic et Sljvancanin, qui a autorité de la chose jugée et

 16   auquel tout le monde a accès, il est indiqué au paragraphe 51, je vais lire

 17   parce que ça me paraît intéressant.

 18   "La Chambre qui se réserve d'y revenir plus en détail dans la suite n'est

 19   pas convaincue de la sincérité ou la crédibilité des témoins qui ont

 20   rapporté ces propos. Non seulement aucun élément de preuve ne corrobore

 21   leurs témoignages, mais les témoignages se contredisent en ce qui concerne

 22   la participation de Radic et Sljvancanin à cette réunion. A ce stade, la

 23   Chambre indique qu'elle admet que Vojislav Seselj s'est rendu à plusieurs

 24   reprises à Vukovar fin octobre et début novembre 1991, mais elle ne peut

 25   tenir pour établi, au vu des témoignages recueillis, que Radic et

 26   Sljvancanin auraient assisté à la réunion pendant laquelle Seselj aurait

 27   fait une telle déclaration."

 28   Donc, pour moi, il y a un doute, et le doute doit bénéficier, bien


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  1   entendu, à l'accusé.

  2   Concernant le discours prononcé à Mali Zvornik, allégué au paragraphe 93 du

  3   mémoire préalable, rapporté par le seul Témoin VS-017, cité en note de bas

  4   de page 292. Celui-ci ne me paraît pas certain de cette date. Une confusion

  5   pouvant naître avec un discours prononcé en août 1990.

  6   Concernant le discours prononcé à Hrtkovci le 6 mai 1992, est relaté aux

  7   paragraphes 122, 127 du mémoire préalable les dires du Témoin VS-1133,

  8   cités en note de bas de page 441, ne me semblent pas crédible, d'autant que

  9   le discours dont dispose la Chambre ne fait aucunement mention de ces

 10   propos. Pour mémoire, je rappelle les propos allégués par l'Accusation,

 11   l'accusé aurait dit qu'il fallait épurer les mariages mixtes entre Serbes

 12   et Croates, et que les enfants de ces unions devraient être tués. C'est ce

 13   que dit VS-1133, lignes 10 624 et 10 664.

 14   Or, ces propos ne figurent pas dans le discours officiel que nous

 15   avons. En revanche, le discours prononcé à Hrtkovci par les propos tenus,

 16   entre dans le champ des chefs 1, 10 et 11 au titre de l'incitation à

 17   commettre des persécutions, des expulsions, et des transferts forcés. Etant

 18   précisé qu'à ce stade du procès, il ne peut pas être déterminé si pour les

 19   chefs 1, 10 et 11 de l'acte d'accusation, l'accusé Seselj a incité à

 20   commettre ou a commis. Car soit il a incité soit il a commis. Il ne peut

 21   pas être en même temps, de mon point de vue, incitateur et auteur. C'est

 22   l'un ou l'autre. Dès lors, indépendamment de cette question, l'Accusation a

 23   présenté suffisamment d'éléments de preuve sur l'incitation à commettre les

 24   crimes de persécution, expulsion, et transfert forcé à Hrtkovci. En

 25   revanche, il devrait être acquitté des crimes de meurtre, torture,

 26   traitement cruel, destruction sans motif et pillage. Etant précisé, que les

 27   documents cités par la majorité, P1264, P1259, P1257, P1192, P1293, P0685,

 28   P526, P528, P1298, P1200, P1180, P1324, et les auditions des Témoins VS-


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  1   016, VS-033, Stojanovic, Bosanac, et VS-004 ne m'apparaissent pas

  2   suffisants pour permettre de faire un lien entre les propos incitateurs

  3   reprochés et des crimes énumérés aux chefs 4, 8, 9, 12, 13, et 14 de l'acte

  4   d'accusation. Dans quelques minutes, je vais terminer. Je me dois également

  5   d'évoquer plus en détail les chefs 8 et 9 relatifs à la torture et au

  6   traitement cruel. La majorité pour les établir se fonde principalement sur

  7   le Témoin VS-1013, concernant les crimes commis à Zvornik.

  8   S'il est exact que le chef de l'unité, Cele, maltraitait et tuait des

  9   détenus et que celui-ci était un volontaire ayant reçu le titre de voïvode,

 10   et que d'autres volontaires dirigés par un surnommé Repic ait commis des

 11   tortures et traitement cruel dans la municipalité de Zvornik, ce n'est pas

 12   pour autant qu'un Juge raisonnable puisse tirer la conclusion que ces actes

 13   ont été commis sur l'incitation de l'accusé Seselj. Il faut pour cela des

 14   éléments de preuve irréfutables, comme des documents ou des déclarations,

 15   établissant un lien formel entre les crimes et l'accusé.

 16   La majorité de la Chambre a constaté qu'il existait des éléments de preuve

 17   pour les chefs 8 et 9, au titre d'incitation à commettre pour Vukovar;

 18   alors je cite, Berghofer, VS-1051, Vojnovic, VS-016. Zvornik; VS-1012, VS-

 19   1013, VS-1064, VS-1065, documents P307, P381, P469. Sarajevo; VS-1055,

 20   P455, P457. Pour Nevesinje; VS-1022, VS-1051. Pour Mostar; Karisik et

 21   Bilic.

 22   Si un Juge raisonnable pourrait en tirer la conclusion qu'il y a eu

 23   effectivement des tortures et traitements cruels, il n'en demeure pas moins

 24   qu'il n'y a pas d'éléments suffisants permettant de rattacher ces crimes à

 25   l'accusé Seselj pour la forme de responsabilité, incitation à commettre. En

 26   effet, à titre d'exemple, quels propos tenus ont entraîné dans l'esprit de

 27   l'auteur du crime les conditions de vie abjectes et inhumaines de civils au

 28   sous-sol de la centrale thermique de Kilavci ? Le Témoin VS-1022 affirme


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  1   que ces éléments ont eu lieu, ce que personne ne doute, moi, le premier,

  2   mais quelles en sont les raisons, les propos de l'accusé ou tout autre

  3   raison ?

  4   Donc là aussi, j'ai un doute concernant les chefs 8 et 9 sur

  5   l'incitation à commettre.

  6   Alors demain, j'aborderai le fait d'ordonner, et je développerai très

  7   longuement parce que c'est très compliqué, et vous me pardonnerez par

  8   avance, la question de l'entreprise criminelle commune, où je conclurai,

  9   autant vous le dire tout de suite, ce qui vous permettra de réfléchir

 10   jusqu'à demain, que pour moi, M. Seselj n'appartenait pas à l'entreprise

 11   criminelle commune dans lequel il y avait Milosevic, Karadzic, et les

 12   autres. Mais tout ceci sera démontré à partir d'un très long développement

 13   qui va nous prendre beaucoup de temps demain.

 14   Voilà. Alors, là, j'en suis donc à la page 25. Il me reste 50 pages demain.

 15   Donc rassurez-vous, demain, on n'ira pas jusqu'à minuit. Sur ce, je

 16   souhaite à tout le monde une bonne soirée, et nous nous retrouverons donc

 17   demain en continuation de lecture.

 18   --- L'audience est levée à 16 heures 49 et reprendra le jeudi 5 mai 2011, à

 19   14 heures 15.

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